Liberté, Egalité, Fraternité ? Suivre le menteur jusqu'à sa porte par Pierre-Alexandre Orsoni
(Président de La Maison d'Orient, fondateur et rédacteur en chef du Point d'information Palestine)
                                     
Marseille, le dimanche 8 février 2004 - Après deux mois d'interruption liées à un séjour d'un mois en Palestine et à la poursuite de la campagne de déstabilisation dont nous sommes l'objet, le Point d'information Palestine reprend du service. Soutenir publiquement la lutte du peuple palestinien n'est pas une chose facile. Alors que la communauté internationale et les instances qui la représentent réaffirment régulièrement le droit des palestiniens à vivre, souverains, sur leur terre, l'état israélien viole quotidiennement depuis bientôt 56 ans des dizaines de résolutions de l'ONU (est-il nécessaire de rappeler que l'état confessionnel juif à été crée sur la base d'une résolution de l'ONU ?) tout comme il viole la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers en temps de guerre. Dans le même temps, en France, la garde prétorienne du "Grand Israël" menée par Alain Finkielkraut, Alexandre Adler, André Glucksmann, Bernard-Henri Lévy, Dominique Strauss-Kahn, Élisabeth Schemla, Jean-Claude Gaudin, Pierre-André Taguieff et consorts, veille au grain, entretient la confusion et l'amalgame entre l'antisémitisme et la critique légitime des exactions commises par l'état israélien. Dans ce contexte, je ne compte plus les menaces, les injures, les diffamations et autres tentatives d'intimidation dont j'ai fait l'objet depuis que je réalise le Point d'information Palestine.
Alors que notre Point d'information Palestine rentre dans sa cinquième année d'existence, mon ami et collaborateur Marcel Charbonnier, qui contribue bénévolement depuis le mois de juin 2000 de façon très active et efficace à la réalisation de notre newsletter, fait l'objet depuis le 6 janvier 2004 d'une sanction disciplinaire de la part de son administration, le Ministère de l'Economie et des Finances, à savoir une exclusion d'un an, dont onze mois avec sursis ! Il lui est explicitement reproché d'avoir traduit dans notre lettre d'information, un texte de l'écrivain juif israélien, Israël Shamir, qu'un "journaliste" à jugé antisémite ! Rentrant de congés le 12 janvier dernier, Marcel Charbonnier a eu la désagréable surprise de se voir chassé de son bureau par une responsable de son service, accompagnée de deux agents de sécurité de l'immeuble où se trouve ce bureau. Un voyage dans le temps et dans l'espace. Il n'est pas nécessaire de franchir la Méditerranée dans le sens ouest-est pour ressentir en direct l'intense émotion que suscite le fait se voir expulser manu militari de son lieu de travail ! Bien entendu, Marcel Charbonnier entreprend toutes les actions nécessaires auprès du Tribunal administratif de Paris, dont un recours en référé suspensif dans l'attente d'un délibéré sur le fond. Il espère être entendu et recouvrer ses droits rapidement. 
Je vous rappelle que notre travail d'information est accompli dans un cadre totalement bénévole et militant, avec pour souci constant une diffusion aussi large et aussi objective de tout ce qui se passe et ou se dit sur la question israélo-palestinienne. Ce travail touche essentiellement un public de professionnels de l'information ou de chercheurs et d'universitaires.
On constate une dangereuse radicalisation autour de la "question palestinienne", ici, en France, depuis le début de la seconde Intifada et, en particulier, depuis quelques mois. On assiste à une dérive des médias et à des tentatives d'intimidation à l'égard des moyens d'information alternatifs, telle notre newsletter.
L'attaque et les sanctions abusives dont Marcel Charbonnier fait l'objet, sont consécutives d'une campagne de déstabilisation lancée contre le Point d'information Palestine, le 22 mars dernier, par le responsable d'une association parisienne et relayée par deux "journalistes" (1). Le Procureur de la République de Marseille a ouvert le 10 juin dernier, une information judiciaire pour "provocation à la haine raciale", consécutive à la plainte déposée le 11 avril 2003 par le Consistoire israélite de Marseille contre le Point d'information Palestine à la suite de la diffusion du texte, "Les Oreilles de Midas", de l'écrivain et journaliste juif israélien, Israël Shamir, dans notre lettre N° 216 du 20 mars 2003. J'ai depuis été entendu, sur commission rogatoire du juge d'instruction, par des officiers de la Direction départementale de la sécurité publique... je reste dans l'attente d'une "mise en examen"... une affaire à suivre. Dans l'attente, et vous le comprendrez bien, Marcel Charbonnier pourra difficilement contribuer au Point d'Information Palestine. Il m'assure qu'il mettra ce temps d'interruption à profit pour s'informer et réfléchir à la question qui nous préoccupe tous.
Depuis le dimanche 21 novembre 1999, date de parution du premier numéro de notre lettre d'information, j'ai réalisé et diffusé 231 Points d'information Palestine, soit 5051 pages, 5280 articles, témoignages, tribunes libres, communiqués, annonces de sortie de livres et de revues, rendez-vous, etc... et je ne me laisserai pas accuser silencieusement de "provocation à la haine raciale", alors que le combat que je mène au côtés du peuple palestinien (soutenu entre autre par mes amis juifs israéliens progressistes) depuis bientôt dix-sept ans, trouve ses origines dans ma lutte permanente contre le racisme et toutes les formes de discrimination, que ce soit ici, en France, ou en Palestine, avec l'occupation militaire israélienne.
En attendant les suites de ce procès politique d'un autre temps, en ce qui concerne notre ami Marcel Charbonnier, si vous souhaitez lui adresser un message concernant l'attaque dont il est l'objet, je vous invite à lui adresser vos emails à : LMOmarseille@wanadoo.fr ou par courrier à : La Maison d'Orient - BP 105 - 13192 Marseille Cedex 20 - France.
Au nom de l'équipe de La Maison d'Orient, je vous présente mes meilleurs vœux de bonheur pour l'année 2004. Nous continuons !
(1) - Cf notre "Droit de réponse" adressé au quotidien Le Monde le jeudi 10 avril 2003 et jamais publié par ce dernier, in le Point d'information Palestine N° 217 du 17/04/2003.
                          
                       
Point d'information Palestine N° 232 du 09/02/2004
Newsletter privée réalisée par La Maison d'Orient - BP 105 - 13192 Marseille Cedex 20 - FRANCE
Phone + Fax : +33 491 089 017 - E-mail :
lmomarseille@wanadoo.fr
Pierre-Alexandre Orsoni (Président) - Monique Barillot (Trésorière)
Association loi 1901 déclarée à la Préfecture des Bouches-du-Rhône sous le N° 0133099659
Rédacteur en chef : Pierre-Alexandre Orsoni
                                              
Si vous ne souhaitez plus recevoir nos Points d'information Palestine, ou nous indiquer de nouveaux destinataires, merci de nous adresser un e-mail à l'adresse suivante : lmomarseille@wanadoo.fr. Ce point d'information est envoyé directement à un réseau strictement privé de 8398 destinataires et n'est adossé à aucun site internet.
Les propos publiés dans cette lettre d'information n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs.
Consultez régulièrement les sites francophones de référence :
http://www.solidarite-palestine.org - http://www.paix-en-palestine.org - http://www.protection-palestine.org
http://www.association-belgo-palestinienne.be - www.presse-palestine.org - http://www.vigie-media-palestine.org - http://www.acrimed.org
http://www.reseauvoltaire.net - http://www.mom.fr/guides/palestine/palestine.html - http://www.ism-france.org
                                               
Au sommaire
              
Dernières parutions
1. Cappuccino à Ramallah - Journal de guerre de Souad Amiry aux éditions Stock
2. Chronique de la guerre civile de Éric Hazan aux éditions La Fabrique
3. Revue d'études palestiniennes - N° 90 - Hiver 2004
                   
Rendez-vous
- MARSEILLE - RENCONTRE - "Israël Palestine : Quelles perspectives ?" avec Leïla Shahid le samedi 21 février 2004 à 18h30 au Théâtre Toursky - 16 promenade Léo Ferre - Marseille 3°
                             
Réseau
1. D'un terrorisme à l'autre par Olivier Roy (mardi 3 février 2004)
2. Publicis va vendre la politique d'Apartheid du gouvernement Sharon
3. Lettre à Publicis de Rudolf Bkouche
4. Nouvelle position du Fatah - OLP en faveur de la solution à un seul Etat (binationale) le lundi 1er décembre 2003 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
5. Déclarations scandaleuses de Jean Claude Gaudin en Israël par le Collectif de Marseille pour le respect des droits du Peuple palestinien
6. Pierre Galand interpelle Kofi Annan
7. Israël : le grand mensonge par Sylvia Cattori
8. Le "Prix Palestine - Mahmoud Hamchari 2003" décerné à Théodora Oikonomides pour son livre "Bienvenue à Ramallah"
9. Guerre  psychologique et "pétrole de Saddam" : Une campagne internationale de diffamation organisée par la CIA et ses alliés irakiens par Gilles Munier, Secrétaire général des Amitiés franco-irakiennes (28 janvier 2004)
                            
Revue de presse
1. Pascal de Crousaz : "Face à Israël, l'irrationalité l'emporte" propos recueillis par Rache Haller in Le Courrier (quotidien suisse) du jeudi 5 février 2004
2. Scène d'un contrôle ordinaire à Gaza par Ghada Ageel in L'Intelligent - Jeune Afrique du lundi 2 février 2004
3. L’Initiative de Genève : une chance pour la paix ? par Michel Staszewski in Points Critiques (mensuel de l’Union des Progressistes Juifs de Belgique) du mois de janvier 2004
4. "L'ennemi est leur seul horizon" par Agnès Rotivel in La Croix du vendredi 30 janvier 2004
5. L'inacceptable expulsion des Palestiniens par Pascal Fenaux in Courrier international du vendredi 23 janvier 2004
6. L'ambassadeur d'Israël en Suède vandalise une oeuvre d'art glorifiant selon lui les kamikazes Dépêche de l'agence Associated Press du samedi 17 janvier 2004, 16h26
7. Romano Prodi taxé d'antisémitisme par Jean Quatremer in Libération du mercredi 7 janvier 2004
8. Ryad juge l’initiative de paix arabe suffisante pour contrer les projets d’implantation par Khalil Fleyhane in L'Orient - Le Jour (quotidien libanais) du lundi 5 janvier 2004
9. Vers la tenue d’un forum mondial contre l’implantation par Edouard Bassil in La Revue du Liban (hebdomadaire libanais) du samedi 3 janvier 2004
10. Irak : nouveau Vietnam ? par Gilles Munier in 7 Jours du samedi 3 janvier 2004
11. Pourquoi les accords de Genève ne sont pas viables par Thierry Meyssan on Réseau Voltaire - Décembre 2003
12. Accord de Genève - Complicité avec le crime d'Apartheid par Daud Abdullah in The Palestine Times (e-mensuel palestinien) du mois de décembre 2003 [traduit de l'anglais par Claude Zurbach]
13. Israël et l’Empire - Une interview de Jeff Halper propos recueillis par John Elmer on Togethernet le vendredi 28 novembre 2003 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
14. Irak : les buts de guerre US par Hichem Ben Yaïche on Vigirak.com le samedi 27 décembre 2003
15. Fadwa Touqan par Fadwa Miadi in L'Intelligent - Jeune Afrique du dimanche 21 décembre 2003
16. "Un plan de paix parmi d’autres" pour les Palestiniens par Valérie Féron in La Tribune de Genève (quotidien suisse) du lundi 1er décembre 2003
17. Oslo-Genève : à nouveau, on regarde à travers les lunettes israéliennes par Nayef Hawatmeh in Al Quds Al Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du samedi 27 novembre 2003 [traduit de l’arabe par Marcel Charbonnier]
18. Le texte et le contexte israéliens de l’Accord de Genève par Shiko Behar et Michel Warschawski on Middle East Report Online du mercredi 24 novembre 2003[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
19. Matrix Reloaded - Une nouvelle fois de Jonathan Cook in Al-Ahram Weekly (hebdomadaire égyptien) du jeudi 13 novembre 2003 [traduit de l'anglais par Anne Claire Le Reste]
                           
                                     
Dernières parutions

                                          
1. Cappuccino à Ramallah - Journal de guerre de Souad Amiry
aux éditions Stock
[120 pages - 13,05 Euros - ISBN : 2234056683 - Janvier 2004]
Le 17 Novembre 2001, les chars israéliens entrent dans Ramallah. Dans le monde entier, des analyses géopolitiques s'étalent à la une des journaux. Fallait-il qu'Israël réagisse ainsi à la vague d'attentat- suicides ? Boucler le quartier général d'Arafat est-il un pas vers la paix ?
A Ramallah, Souad Amiry, elle aussi se pose des questions. Doit-elle dormir habillée ? Les quinze minutes d'autorisation de sortie suffisent-elles pour aller chercher sa belle-mère à l'autre bout de la ville ? Est-il raisonnable de se faire un Cappuccino quand la machine à café se trouve sur le plan de travail près de la fenêtre ?
Avec son journal de guerre qui couvre dix mois d'occupation israélienne, Souad Amiry réussit un exploit difficile à imaginer : nous conduire à l'intérieur du conflit et nous faire rire. Cappuccino à Ramallah est un livre drôle, qui oscille entre le tragique et le comique.
L'arme de Souad Amiry est l'ironie, une arme qu'elle manie avec beaucoup de finesse. Elle sait qu'il lui suffit d'observer et de raconter cette réalité traversée par l'absurde, où souffle un vent de folie. En s'attardant sur le quotidien et ses petits gestes, jugés pourtant si dérisoires en temps de conflit, Amiry nous révèle la vie au milieu des chars et des soldats. "Ecrire mon journal était pour moi une sorte de thérapie."
Souad Amiry est une architecte palestinienne, fondatrice et directrice du Centre Riwaq de Protection de l'Architecture en Palestine, situé à Ramallah http://www.riwaq.org. Universitaire et spécialiste de l'architecture de la Palestine rurale (elle a écrit plusieurs ouvrages), elle vit, malgré les invasions et les bombardements, avec son mari et sa belle-mère à Ramallah. 
                           
2. Chronique de la guerre civile de Éric Hazan
aux éditions La Fabrique
[144 pages - 12 Euros -  ISBN : 2913372325 - Janvier 2004]
Patrouilles de sécurité avec leurs chiens d'attaque dans les couloirs du métro parisien, patrouilles de chars dans les rues de Bagdad, hélicoptères Apache dans le ciel de Palestine, Special Forces dans la jungle des Philippines, CRS et gendarmes vidant les campements de Roms à Vitry sur Seine : cette chronique tenue pendant une année, commencée et finie un jour comme les autres, lance une série de coups de phares sur nombre de champs de bataille de la guerre civile mondiale. Du nord de la Tchétchénie au sud du Paraguay, de l'est de la Goutte-d'or à l'ouest de la Courneuve, en dépit des apparences c'est la même guerre qui se déroule : tel est le fil conducteur du livre. La Palestine est très présente dans Au rythme des événements, les " démocraties occidentales ", la " lutte contre le terrorisme ", le " devoir de mémoire " et toutes sortes de " valeurs " prônées par les intellectuels du maintien de l'ordre sont dénoncées pour ce qu'elles sont : des leurres ou des épouvantails.
Cette accumulation, semaine après semaine, d'événements apparemment disparates cherche à dégager la vraie nature de l'ennemi, si soigneusement dissimulée : dans son camp, les luttes d'influence, les contradictions internes, les conflits de personnes sont élevés à la hauteur de faits politiques, repris et amplifiés par les médias qui s'en servent pour dessiner des apparences de frontières, de fausses lignes de front - la brouille Chirac-Bush par exemple. Il ne s'agit pas seulement d'amuser la galerie : il faut faire tenir à tout prix le glacis défensif - déjà bien craquelé - autour de l'illusion social-démocrate et de l'humanisme libéral-réformiste. Les véritables héros de cette chronique sont les anonymes qui, dans tous les pays, s'emploient activement à sa destruction définitive.
Eric Hazan, éditeur, a publié récemment L'Invention de Paris, il n'y a pas de pas perdus (Seuil, 2002). Par ailleurs, les éditions La Fabrique annoncent la sortie prochaine de "Correpondante à Ramallah" de Amira Hass à paraître le 15 mars 2004, et "Libertés à l'Université, la saga d'un historien à Haïfa" (titre provisoire) de Ilan Pappé à paraître le 15 avril 2004. Une maison d'édition devenue définitivement indispensable ! A suivre sur http://www.lafabrique.fr
                            
3. Revue d'études palestiniennes - N° 90 - Hiver 2004
[160 pages - 14 Euros - ISBN : 2707318620]
(Revue trimestrielle publiée par l'Institut des études palestiniennes - Éditions de Minuit - 7, rue Bernard-Palissy - 75006 Paris)
- Au sommaire :
POUR EDWARD SAÏD - Jérusalem 1935 - New York 2003
Relire L'Orientalisme par Mohamed S.E. El Yamani
La Nakba, actualité et interprétation par Elias Khoury
Edward Saïd le dissident par Subhi Hadidi
Un intellectuel libre par Juan Goytisolo
La direction palestinienne entre le "juste" et le "possible" (Deuxième partie : Les Palestiniens d'Israël) par Raef Zreik
DOCUMENT : L'Accord de Genève
L'accord de Genève au regard du droit international par Monique Chemillier-Gendreau
Le mur lamentable par Ferran Sales
Le café des Manants par Salim Tamari
Mohammed Dib, écrivain des passages, passeur de parole par Saloua Ben Abda
LETTRES ARABES : Mahmoud Choukeir. Note à Kofi Annan
CHRONIQUES : "Laisse-moi le tuer..." par Rudolf El-Kareh - Les cinq wanted men par Juan Goytisolo
NOTES DE LECTURE par J.-C. Pons, R. El-Kareh, P. Vesperini, et H. Chami
L'OBSERVATOIRE DE LA COLONISATION par Geoffrey Aronson
CHRONOLOGIE par Rachid Akel (du 1er juin au 31 août 2003)
                               
Rendez-vous

                                          
 
- MARSEILLE - RENCONTRE - "Israël Palestine : Quelles perspectives ?" avec Leïla Shahid le samedi 21 février 2004 à 18h30
au Théâtre Toursky - 16 promenade Léo Ferre - Marseille 3°
Dans le cadre de ses Universités Populaires, le Théâtre Toursky accueille une rencontre organisée par l'association de Amis du Monde diplomatique autour de la situation en Palestine, avec la participation de Leïla Shahid, Déléguée Générale de Palestine en France, Michel Warschawski, journaliste et écrivain israélien, fondateur du Alternative Information Center à Jérusalem  http://www.alternativenews.org, ainsi que d'un journaliste du Monde diplomatique. Une paix juste et durable est-elle encore possible au Moyen-Orient ? Quel avenir pour le processus de Genève et les initiatives de ce type ? Quelle place pour la France et l’Europe dans cette situation ? Autant de questions auxquelles les intervenants tenteront d'apporter des réponses.
A noter, qu'une Conférence de presse aura lieu le vendredi 20 février 2004 à 15h30 à la Librairie les Arcenaulx - 25, Cours d’Estienne d’Orves - Marseille (1er) - autour de Leïla Shahid et Michel Warschawski.
[Renseignement : Association de Amis du Monde diplomatique Marseille - Albert-Jean Morazzani - Tél. 04 42 71 98 73 - Email : ajsmorazzani@netcourrier.com]
                                             
Réseau

                                          
1. D'un terrorisme à l'autre par Olivier Roy (mardi 3 février 2004)
[Le site Solidarité-Palestine fondé et animé par Giorgio Basile est devenu le site de référence francophone sur la question palestinienne. Il a été victime d'un sabotage, le lundi 2 février dernier. Une attaque de type "Déni de Service - HTTP Flood", qui consiste à envoyer une quantité de messages telle vers le serveur que celui-ci est saturé. En conséquence, l'hébergeur du site s'est vu contraint de le désactiver temporairement. Il s'agit manifestement d'un acte de terrorisme "virtuel". Le mercredi 4 février au soir, le site Solidarité-Palestine était à nouveau opérationnel, grâce aux efforts de son hébergeur. Site : http://www.solidarite-palestine.org - Email de Giorgio Basile : solidarite-palestine@skynet.be]
Hier, 2 février 2004, des terroristes qui ne figurent sur la liste noire d'aucun État ni de services de renseignement, des terroristes virtuels, se sont attaqués de nouveau à la pensée, à la liberté. Derrière l'anonymat de leur clavier, ils ont tenté de faire taire des gens qui ne pensent pas comme eux et qui osent exprimer leur désaccord avec des politiques mises en œuvre par un État militariste et soutenues par une pléthore d'États tout-puissants et serviles. Qui osera les dénoncer et les arrêter?
Depuis plus de cinq ans, le site www.solidarite-palestine.org fournissait une information précieuse à ceux qui souhaitaient connaître ce que nos médias ne disent pas. Sacrifiant ses temps libres et son énergie, le webmestre, M. Giorgio Basile, aidé d'une équipe de collaborateurs et de traducteurs, s'est évertué à démontrer la réalité du conflit israélo-palestinien, par des faits et des vérités qui choquent. Remettant en question les certitudes bétonnées véhiculées par l'entreprise médiatique occidentale, ce site était une mine d'or de renseignements en constante expansion. Mais hier, des criminels ont décidé qu'ils en avaient assez de laisser des gens user de leur liberté d'expression et ils ont attaqué ce site, le rendant inaccessible aux internautes. Malgré l'anonymat qui leur est fourni par la structure même de l'Internet, on peut se douter que cet acte n'a pas été commis par des Taïwanais mécontents des politiques chinoises, et on peut sans crainte pointer du doigt des individus plus ou moins organisés qui n'en sont pas à leurs premiers méfaits, des sionistes convaincus qui ne craignent pas de s'en prendre physiquement et intellectuellement à des gens. Démontrant une fois de plus l'absence de moralité et d'éthique qui les caractérise, si tant est que quelqu'un qui défend l'exclusivisme racial et l'oppression puisse avoir en lui une trace d'humanité, ces terroristes ont répondu avec brio à tous ces dirigeants dans le monde qui essaient aujourd'hui de limiter les libertés d'expression des citoyens.
Quelqu'un se lèvera-t-il donc pour terrasser cette bête malfaisante qui veut nous priver de ce qui constitue notre nature humaine: notre faculté à penser librement ?
                           
2. Publicis va vendre la politique d'Apartheid du gouvernement Sharon
L'Assemblée Générale Extraordinaire des Nations Unies a adopté le 8 décembre 2003 une résolution par laquelle elle demande un avis consultatif de la Cour Internationale de Justice de La Haye sur "les conséquences légales" de la construction du Mur d'apartheid "illégale" (selon les termes de la résolution) construit par l'état israélien en territoires palestiniens.
Le gouvernement israélien a décidé de confier à l'agence Publicis la campagne publicitaire destinée à redorer son blason au plan mondial, à la veille des discutions autour du "Mur", qui doivent se tenir prochainement (si les "pressions" israéliennes n'aboutissent pas) au sein de la Cour internationale de Justice. Considérant pour commencer que l'expression clôture de sécurité était catastrophique pour son image, une premiére proposition : rebaptiser ce mur d'apartheid en "Clôture contre la terreur"...
Publicis Groupe SA est le 4ème groupe mondial de communication. Il se classe également 1er en Europe et 3ème aux Etats-Unis. Par ailleurs, Publicis Groupe SA est numéro un mondial du conseil et achat média. Publicis Groupe, est organisé autour de 3 piliers stratégiques :
- la publicité, avec 3 réseaux mondiaux (Publicis Worldwide, Leo Burnett Worldwide et Saatchi & Saatchi Worldwide), des ‘multihubs créatifs’ (Fallon Worldwide et Bartle Bogle Hegarty - détenu à 49 %), et des agences régionales à haute valeur créative.
- le conseil et achat média, détenant une position de leader mondial grâce à ses deux grands réseaux (Starcom MediaVest Group et ZenithOptimedia), ainsi qu'avec Médias & Régies Europe (vente d'espaces publicitaires),
- les Agences Spécialisées et Marketing Services (SAMS),avec en particulier le marketing direct, le CRM, la communication santé, les relations publiques... Le Groupe est présent dans 109 pays, sur les 5 continents (229 villes), et compte 35 700 collaborateurs.
Fondé en 1926 par Marcel Bleustein, cet empire de la communication est actuellement dirigé par Maurice Lévy.
Elisabeth Badinter (née Bleustein-Blanchet), Maître de conférence à l'Ecole Polytechnique et écrivain, fille et héritière de Marcel Bleustein, épouse de Robert Badinter, est Présidente du Conseil de surveillance de Publicis Groupe SA.
Son époux Robert Badinter, avocat, ancien ministre de la justice et sénateur Socialiste des Hauts-de-Seine, Membre du groupe d'études des droits de l'Homme et du groupe France-Israël au Sénat, est quant à lui, membre de ce Conseil de surveillance de Publicis Groupe SA.
- Nous vous invitons expressement à adresser vos protestations à :
- Maurice Lévy - Président du Directoire - Publicis Groupe SA - 133, Avenue des Champs Elysées - 75008 Paris
- Elisabeth Badinter - Ecole Polytechnique - Route de Saclay - 91120 Palaiseau
- Robert Badinter - Sénateur  - Sénat - Palais du Luxembourg - 15, rue de Vaugirard - 75291 Paris Cedex 06

                                
3. Lettre à Publicis de Rudolf Bkouche
(Rudolf Bkouche est membre du bureau national de l’'Union Juive Française pour la Paix et Professeur émérite de l’Université de Lille.)
Lille, le 27 janvier 2004 - J'apprends que Publicis est chargé d'une campagne publicitaire par le gouvernement israélien pour expliquer le Mur.
D'une certaine façon cela ne m'étonne pas. On sait depuis longtemps que le discours politique est devenu un discours commercial et que le problème est celui de sa vente, problème essentiellement technique comme vous le savez ou faites semblant de le savoir. Tout cela résulte de l'escroquerie intellectuelle, mais du moment que la vente marche, on ne s'arrête pas pour si peu.
Cela dit, en choisissant de vendre une politique de destruction d'un peuple, l'escroquerie monte d'un cran et il s'agit d'une véritable imposture.
Ou vous défendez, pour des raisons idéologiques, la politique israélienne, alors dites le sous cette forme. C'est votre droit et c'est notre droit de dénoncer ce choix, mais nous savons, et ceux qui entendront votre discours sauront quels sont vos choix politiques, sauront aussi que vous choisissez la barbarie. Tout cela sera clair.
Ou vous faites semblant de mener une campagne publicitaire, et dans ce cas nous devons dire que vous êtes les complices d'un crime. Et que l'on arrête de parler de publicité alors qu'il ne s'agit que d'une opération d'agit-prop.
Dans les deux cas vous vous comportez en complice. L'aspect publicitaire ne peut servir qu'à occulter le débat. La barbarie du gouvernement israélien n'apparaît que comme un objet à vendre et la question n'est plus de débattre d'une politique mais simplement de convaincre les clients d'acheter une politique.
Tout cela est affligeant mais c'est un bel exemple de la malhonnêteté politique actuelle, malhonnêteté à laquelle vous participez.
Je terminerai cette lettre en mettant l'accent sur le double mépris que représente cette campagne publicitaire
- mépris envers les Palestiniens qui subissent l'occupation et l'oppression et pour qui la construction du mur marque un pas de plus dans la destruction de leur société
- mépris envers les Juifs que vous vous proposez d'amener à soutenir une politique criminelle sans parler du mépris envers tous ceux qui pensent que le débat politique ne se réduit pas à une marchandise.
Que dire d'autre que mon mépris envers ceux qui vous achètent une telle campagne et envers vous qui acceptez de la vendre.
Rudolf Bkouche, Professeur émérite de l'Université de Lille... juif antisioniste
                                               
4. Nouvelle position du Fatah - OLP en faveur de la solution à un seul Etat (binationale) le lundi 1er décembre 2003
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Au Nom de Dieu - Message à notre Peuple en lutte, en Palestine et dans l'exil - Des initiatives et des propositions de résolution du conflit arabo-israélien apparaissent, de temps à autre. Qu'elles soient israéliennes, israélo-palestiniennes, moyen-orientales ou internationales, ces propositions sont fondées sur l'hypothèse que la question des réfugiés palestiniens serait susceptible d'être solutionnée dans le cadre d¹un Etat palestinien à créer.
Plus préoccupant encore est le fait que le régime palestinien actuel a ouvert la porte à de telles initiatives sans disposer au préalable d'une vision claire [d'une stratégie] qui soit compatible avec les aspirations de notre peuple ! Le régime a encouragé ces initiatives, auxquelles il a participé, en justifiant sa prise de position au motif qu'il s'agirait de la recherche d'une avancée permettant de sortir du blocage actuel, conjointement aux Israéliens et à la communauté internationale. Oublieux du tort porté à l'unité du peuple palestinien, ce régime est partagé entre des gens qui initient ce genre d'initiatives et les gèrent, et d'autres, qui les rejettent. Cette situation pousse le peuple palestinien vers un conflit interne qui risquerait de dégénérer en « guerre civile », à seule fin de préserver les intérêts de l'élite palestinienne aujourd'hui en charge des affaires. Cette élite ­ guidée par son seul intérêt égoïste ­ menace l'unité du peuple palestinien et sa résistance, et tout particulièrement le droit au retour des réfugiés palestiniens, qui est le noyau de la question palestinienne.
Soucieux d'aboutir à une position palestinienne unifiée, correspondant au consensus national, nous affirmons ce qui suit :
1°) Considérant que le droit au retour représente la pierre angulaire du consensus palestinien, l'objectif central de son combat, le mobile de sa révolution actuelle et le rêve des deux tiers des Palestiniens, nous rejetons énergiquement toutes les initiatives, les agréments et les ententes, qu'ils soient formels ou informels ­ notamment les pourparlers Beilin ­ Abu Mazen, Nusseibeh ­ Ayalon, et l'accord dit « de Genève » ­ qui remettent en cause ce droit sacré. Nous voyons dans de tels initiatives et accords une tendance dangereuse à transformer le consensus national en un enjeu de négociations ;
2°) Nous ne tenons pas pour responsables les seules personnes qui ont pris part à ces initiatives. Nous tenons pour responsable, aussi, le régime palestinien, qui joue avec le sort de notre peuple et contribue au tort porté à ses aspirations. Au cours des trois mois écoulés, ce régime a été entièrement absorbé par des conflits internes mesquins autour de la formation d'un gouvernement, et il s'est désintéressé des problèmes de notre peuple et des questions décisives. Le régime, qui a placé les personnes les plus corrompues qui soient aux postes de responsabilité, dans les ministères et dans les administrations civiles et de sécurité, a continué à jouer avec l'unité de notre peuple et avec le consensus national ­ consensus national dont la pierre angulaire est le droit au retour des réfugiés ­, en y portant atteinte d'une manière absolument sans précédent et, cela, à seule fin de maintenir la souveraineté palestinienne sur quelques mètres carrés de territoire.
3°) Nous rappelons à ceux qui jouent à la roulette russe le sort de notre peuple qu'un Etat palestinien indépendant, établi dans les seuls territoires occupés en 1967, n'est pas constitutif du consensus stratégique palestinien : il ne s'agit que d'un programme de transition, adopté par l'OLP lors d'un congrès du Conseil National Palestinien, en 1974. Le droit au retour est un élément fondamental de la Charte Nationale Palestinienne et il est la raison première du déclenchement de la Révolution palestinienne. S'il était besoin d'une quelconque manoeuvre tactique, c'est l'Etat palestinien qui devrait être utilisé comme monnaie d'échange dans des tractations, afin d'arracher le droit au retour des réfugiés. L'Etat palestinien n'est plus une priorité. Il n'est pas non plus dans l'intérêt du peuple palestinien. Il est devenu un atout pour la sécurité d'Israël, et il se trouve qu'elle sert aussi, de manière incidente, les intérêts de certains membres du régime palestinien actuel, qui ne voient en lui qu'un moyen d'accroître leurs propres profits immédiats. C'est donc bien sacrifier l'Etat palestinien à l'obtention effective du retour des réfugiés qui servirait la stratégie palestinienne globale, alors que sacrifier le droit au retour des réfugiés afin de monnayer un pseudo-Etat à la souveraineté limitée (comme actuellement) revient à sacrifier les droits, les rêves et les aspirations de notre peuple.
4°) Nous pensons que nous pouvons parvenir à une paix globale et juste, une paix dans laquelle cette terre accueillera les deux peuples au sein d'un Etat démocratique et pluraliste, une paix qui reconnaîtra les droits et les devoirs tant des Palestiniens que des Israéliens, une paix qui abattra les frontières, les murailles et les barrages militaires, une paix non pas basé sur des déplacements de population et la partition de villes et villages, mais bien sur le retour des réfugiés palestiniens, une paix dans laquelle tout le monde gagnerait et personne ne passerait de marchés douteux. Une paix, enfin, dans laquelle les deux parties soient gagnantes, et dans laquelle personne ne soit perdant.
5°) Afin de maintenir l'unité de notre peuple, de construire des institutions palestiniennes démocratiques et de permettre à tout le monde d'exercer son droit à apporter sa contribution et à participer à la construction d'une société civile et à la détermination [démocratique] d'une politique [nationale], nous appelons à des élections démocratiques, dans la transparence, à tous les niveaux, à commencer par le Comité Central du Fatah, en passant par les conseils municipaux, le Conseil Législatif palestinien, la Présidence et le Conseil National palestinien. L'objectif de ces élections : remettre en ordre la maison palestinienne, la prémunir contre la corruption administrative, financière et politique actuelle, et mettre un frein à l'engrenage du délitement et de la division.
Sur la base des idées que nous venons d'exposer, et sans hésitation, nous allons lancer une campagne populaire, en Palestine et dans la diaspora palestinienne, sous le titre : « Le Retour d'abord, et la Paix pour (nos) Deux Nations, dans Un Seul Etat ».
C'est seulement avec ce mot d'ordre que nous serons fidèles aux rêves et aux aspirations de notre peuple. Et aussi au sang de nos martyrs. Nous adopterons une approche plus réaliste, afin de parvenir à une paix globale et juste, qui n'imposera aucun compromis douloureux à quiconque. Une solution au conflit qui ignorerait les intérêts des deux tiers du peuple palestinien ne saurait être considérée comme autre chose qu'un simple cessez-le-feu entre deux protagonistes. Unis. Ensemble. Jusqu'à la réalisation du Retour, de la Libération et de la Paix.
[Ce texte traduit en anglais est diffusé par BADIL (Resource Center for Palestinian Residency & Refugee Rights) - PO Box 728 - Bethlehem, West Bank - Palestine - Tel/Fax: 972-2-274-7346 - Tel: 972-277-7086 - Email: info@badil.org - Site: http://www.badil.org - L'original arabe est disponible sur : http://www.badil.org/Arabic%20Website/Refugees/Documents/2003/07Geneva.htm#13]
                                   
5. Déclarations scandaleuses de Jean Claude Gaudin en Israël par le Collectif de Marseille pour le respect des droits du Peuple palestinien
[Jean-Claude Gaudin est sénateur, vice-président du Sénat, Maire de Marseille, vice-président délégué de l'UMP.]
Marseille, le 1er février 2004 - Jean Claude Gaudin, vient d'effectuer un voyage officiel en Israël où il s'est rendu à Tel Aviv, Jérusalem, Haïfa et surtout dans la colonie de Maalé Adoumim, la plus importante de Cisjordanie, au coeur des territoires palestiniens occupés. Là il s'est livré devant la presse israélienne à un certain nombre de déclarations :
"La terre d'Israël ne peut se donner aux autres" / "Ne parlons pas de colonies mais de constructions" / "Lorsque Menahem Begin m'a montré les hauteurs du Golan, j'ai compris l'importance stratégique de ce plateau".
Puis un peu plus tard sur RFI :
"Les Israéliens ne peuvent pas toujours céder du terrain aux autres" / "Ce sont  (les colonies) des villas plus que des bidonvilles... comment rendre cela dans un accord avec les Palestiniens" / "C'est un terme  (les territoires occupés) qui remonte à quelques années et... moi je ne suis pas venu ici pour faire de la politique" / "Moi je ne vais pas à Ramallah".
La presse israélienne rapporte que pour Jean Claude Gaudin, Jérusalem est  bien la capitale d'Israël et qu'il est favorable au transfert de l'Ambassade de France de Tel Aviv à Jérusalem. Ces déclarations scandaleuses nient tous les droits du peuple palestinien, elles sont contraires au droit international et aux résolutions de l'ONU que l'Etat d'Israël refuse toujours d'appliquer mais aussi avec la politique officielle de l'Etat français dont il est l'un des représentants en tant que vice-président du Sénat. Elles cautionnent l'occupation et la colonisation de la Palestine, elles apportent leur soutien aux positions de la droite israélienne la plus dure et sont en opposition avec toute volonté de paix.
Prononcées par le premier magistrat de notre ville, elles sont provocatrices et irresponsables, elles nous engagent tous et en premier lieu, les élus, TOUS les élus, au Conseil municipal, majorité et opposition, ainsi que tous les responsables politiques. Ces déclarations ne peuvent rester sans réponse.
Cet Etat d'Israël qui selon Jean Claude Gaudin devrait sans cesse "céder du terrain" représente déjà 78% de la Palestine historique. Quant au 22% restant, la Cisjordanie et la Bande de Gaza, où s'entassent plus de 3 millions de Palestiniens,  ils sont occupés militairement depuis 1967 et l'armée israélienne s'y livre en permanence à de multiples exactions (destructions de maisons et des cultures, d'infrastructures culturelles, éducatives, sanitaires, économiques..), arrestations, bombardements, chaque jour livre son lot de morts et de blessés palestiniens.
Aujourd'hui par l'extension des colonies, par la construction du mur de "séparation", qui ampute encore largement la Cisjordanie, il a entrepris de réduire encore les territoires palestiniens à une peau de chagrin, enclaves morcelées où il est et sera impossible de se déplacer d'un point à un autre.
Nous interpellons le Président de la République, le Ministre des Affaires étrangères, mais aussi tous les élus de la ville de Marseille et tous les responsables politiques pour qu'ils se démarquent de ces déclarations  et les condamnent.
Nous appelons tous les citoyens désireux d'une paix juste fondée sur le droit international, reconnaissant le droit aux Palestiniens d'avoir leur propre état sur l'ensemble de la Cisjordanie, y compris Jérusalem Est, et de la Bande de Gaza à protester, à écrire, à intervenir.
- Protestez, en signant ce texte qui sera porté en délégation à la Mairie de Marseille et adressé au Président de la République et au Ministre des Affaires étrangères : - Nom / Prénom / Commune / Profession - Qualité / Signature -
Le Collectif de Marseille pour le respect des droits du Peuple palestinien soutenu par les associations et organisations : Ajial, Ballon rouge, Comaguer, Cimade, Fédération départementale du MRAP, Femmes en noir, Grandir à Gaza, LCR, Ligue des Droits l'Homme, Missions Solidarité Palestine, Rassemblement francopalestinien pour la Paix, Résister ! ,Union Juive française pour la Paix (UJFP), Vpaixmed
[Collectif de Marseille pour le respect des droits du peuple palestinien - C/O Mille Bâbords - 61, Rue Consolat - 13001 Marseille - Email : resister@free.fr]
                       
6. Pierre Galand interpelle Kofi Annan
(Pierre Galand est Sénateur Socialiste au Parlement belge et président d’ECCP - European Coordinating Committee of NGOs on the question of Palestine.)
Le sénateur Pierre Galand a rencontré, ce vendredi 30 janvier 2004, le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, en visite en Belgique. Le sénateur lui a remis ce courrier.
Bruxelles, le 29 janvier 2004 - A l’attention de son Excellence M Koffi Annan, Secrétaire  Général des Nations Unies
Votre Excellence - Présents à la conférence internationale de la société civile sur la question de la Palestine des 4 & 5 septembre 2003 à New York, nous nous sommes engagés à faire de la question du mur une priorité dans nos actions de sensibilisation du public européen, conformément à la déclaration qui a suivi cette rencontre.
Entre temps, au début du mois de janvier 2004, à l’occasion du Forum Social Mondial à Mumbay, les participants en provenance du monde entier ont entendu des témoignages de palestiniens victimes de la construction du mur de la honte. Tous se mobilisent pour obtenir de leurs gouvernements et de la communauté internationale des mesures pour mettre fin à la construction du mur.
Nous considérons en effet que la construction du mur en Palestine est un crime sans précédent à l’encontre du peuple palestinien puisque outre le fait qu’il rendra leur vie quotidienne quasiment impossible, il constitue une mesure d’annexion et porte atteinte à son droit à l’auto-détermination. Par ailleurs, comme vous le faîtes remarquer si justement dans votre rapport du 24 novembre 2003 qui donne suite à la résolution de l’Assemblée Générale ES-10/13 du 21 octobre 2003, dans le cadre d’un processus de paix où chaque partie est sensée apporter à l’autre des gages de confiance, la construction du mur ne peut être considérer que comme un acte contre-productif.
Aujourd’hui, l’Etat d’Israël ne se conforme pas aux obligations que lui imposent la même résolution ES-10/13 du 21 octobre 2003 puisqu’il poursuit la construction de ce mur dont le tracé dévie par de la Ligne Verte dans certains endroits pour incorporer les colonies israéliennes et encercler des villes palestiniennes. 
Devant un tel danger pour la paix et la sécurité internationale, nous vous prions, comme vous l’autorise l’article 99 de la Charte des Nations Unies d’alerter le Conseil de Sécurité à ce sujet, de lui demander de prendre des sanctions vis-à-vis de l’Etat d’Israël et décider de la mise en place d’une force de protection internationale en Palestine. Veuillez recevoir, votre excellence, l’expression de nos salutations les meilleures.
[ECCP - 9, quai du Commerce - 1000 Brussels - Belgium - Tél. +32/2/217 59 95 - Fax. +32/2/250 12 63 - Email : eccp@skynet.be]
                       
7. Israël : le grand mensonge par Sylvia Cattori
Jérusalem, le 22 décembre 2003 - Si je n'avais pas vu, de mes yeux, les horreurs que les soldats israéliens font subir jour après jour aux enfants palestiniens, dans les camps de réfugiés surtout, je ne l'aurais jamais cru.
Les Palestiniens ne sont pas traités comme des humains. Ils ne sont pas non plus traités comme des animaux. Dans aucun pays au monde on ne pourrait maltraiter les animaux de cette façon. L'opinion se soulèverait pour crier au scandale.
Tout. Israël peut tout faire. Ne respecter aucune légalité, violer les droits humains de millions de personnes, massacrer des enfants, sans être jamais sanctionné. La cruauté de ses soldats, dressés à haïr les Arabes, est sans limites.
Les Palestiniens peuvent être volés, dépossédés de leurs terres, humiliés, jetés en prison sans raisons, torturés. Et, parce que les tortionnaires sont de religion juive, parce qu'ils disposent au-dehors de soutiens qui peuvent faire taire ceux qui les dénoncent en agitant le spectre de l'antisémitisme, les hommes politiques ont peur de les sanctionner, les journalistes ont peur de dire la vérité, les témoins directs ont peur de témoigner. Tout cela est insensé.
Quand on découvre la situation d'insécurité et de misère dans lequel l'Etat d'Israël - qui les a d'abord spoliés - a laissé les Palestiniens, on est atterré. Un état dominateur qui s'est imposé par l'arrogance, la terreur, le mensonge.
Au lieu d'accuser les Palestiniens, Israël devrait reconnaître ses responsabilités dans ce colossal gâchis.
Les dommages que les gouvernements successifs ont infligés aux Palestiniens durant plus d'un demi-siècle de dépossessions et d'hostilités - dommages psychiques, physiques, moraux, financiers - demandent reconnaissance, réparation. Or c'est tout le contraire qui se passe. Combien de temps faudra-t-il encore aux Palestiniens, pour que les Israéliens, en leur majorité, reconnaissent leurs torts ?
Le fait est qu'il y a, en Israël, une absence totale de compassion à l'égard des Palestiniens, considérés comme inférieurs. L'attitude des soldats que l'on croise aux check points en dit long sur le mépris qui les habite vis-à-vis de tous ceux qui ne sont pas juifs.
Mais de tous les abus, le plus insupportable, celui qui fait le plus mal à voir, est la violence que l'Etat d'Israël inflige aux enfants de Palestine.
L'usage de la force, l'usage des armes de guerre, l'usage de la terreur, les tueries gratuites, tous ces actes abominables que les soldats israéliens pratiquent contre des enfants totalement innocents - qui vivent dans des ghettos infâmes et ne possèdent rien sauf la vie - sont les crimes les plus odieux. Crimes qui restent curieusement ignorés.
Les enfants des camps de Rafah, Jenine, Balata, sont constamment la cible de soldats qui leur font une guerre étrange. Guerre qui nous est montrée au-dehors comme une confrontation entre deux forces égales.
Tout porte à croire que, lorsque les soldats israéliens maltraitent les Palestiniens, il ne s'agit pas d'un dérapage. Ils ne font qu'exécuter à la lettre les ordres de leurs supérieurs. Tout ce qu'ils font - les destructions, les massacres, les incursions, l'extension des colonies, les routes et les murs de l' apartheid - a été longuement et minutieusement planifié.
L'idée de l'éradication des Palestiniens est profondément ancrée dans l'esprit de ces tortionnaires à kippa, que l'Etat d'Israël envoie sévir en Palestine. Certes, il y a parmi eux des hommes plus durs, plus vicieux que d'autres. Quoi qu'il en soit, il y a une logique rationnelle dans toutes les abominations que ces racistes en uniforme gris vert ou bleu font subir aux Palestiniens.
Les incursions, qui infligent une punition collective aux populations des camps de Rafah, Jenine, Naplouse, ne sont pas des actes réactifs. Ils sont l'aboutissement d'un long processus, fait de calculs, mais aussi de désinformation et de haine, qui a ses ramifications partout, chez nous aussi. C'est pourquoi il est important de dénoncer toutes les complicités qui aboutissent, in fine, à ce que les soldats de Tsahal puissent commettre crimes sur crimes contre des innocents, et être innocentés quoi qu'ils fassent.
Ce à quoi j'ai assisté durant ces terribles semaines de décembre à Balata illustre, s'il en était encore besoin, à quel point Israël ment, à quel point Israël trompe la confiance du monde.
Israël cherche à nous faire croire que les Palestiniens - qui n'aspirent qu'à vivre honnêtement et simplement sur leurs terres (les rares terres qu'Israël leur a laissées) - sont responsables de tous les blocages et de toutes les violences.
Les dirigeants israéliens mentent. Leurs portes paroles, au-dehors, mentent.
La violence et l'insécurité, c'est l'armée de Etat hébreu qui envahit les villes et les villages de Palestine, ce sont les colons juifs armés qui s'installent sur les terres palestiniennes, qui en sont les machiavéliques instigateurs.
L'Etat d'Israël envoie journellement des milliers de soldats, dans le but caché de faire monter la tension et d'attiser les feux. Pour, ensuite, attribuer la violence aux Palestiniens. C'est cela le grand mensonge.
                               
8. Le "Prix Palestine - Mahmoud Hamchari 2003" décerné à Théodora Oikonomides pour son livre "Bienvenue à Ramallah"
Le jury du Prix Palestine - Mahmoud Hamchari (du nom du Délégué de l’Organisation de Libération de la Palestine en France, assassiné à Paris en 1972 par le Mossad) s’est réuni le vendredi 21 novembre à Paris en vue de désigner son lauréat 2003.
Le choix du jury, présidé cette année par le journaliste et écrivain Philippe de Saint Robert, s’est porté, au deuxième tour de scrutin, sur le livre de Théodora Oikonomides "Bienvenue à Ramallah" publié en avril chez Flammarion.
Toute jeune enseignante de 29 ans, d’origine gréco-canadienne, Théodora Oikonomides évoque dans un récit palpitant son vécu quotidien d’institutrice formatrice à Ramallah et en Cisjordanie, de 2000 à 2003. Grâce à sa parfaite ma^trise de l’arabe, elle est au coeur des événements, en constante symbiose avec les habitants dont elle partage les espoirs et les souffrances, la volonté de survivre aussi malgré tout. Avec un sens minutieux de la description du détail, du vrai, la cruauté des faits n’excluant pas l’humour, l’auteur a réalisé un travail exceptionnel de journaliste et son témoignage courageux fera date dans l’épopée palestinienne.
Le jury, qui est confronté au fil des ans à un choix de plus en plus difficile, en raison de la qualité des ouvrages qui lui sont présentés (neuf cette année), s’est plu à souligner les mérites de plusieurs autres livres parmi lesquels : Choses vues en Palestine, de Catherine Alcouloumbré et Laurent Baudouin (Le Temps des Cerises), Les citoyens arabes d’Israël, de Laurence Louër (Balland), et Est-il permis de critiquer Israël, de Pascal Boniface (Robert Laffont) qui pose une vraie (fausse) question et donne surtout des éléments de réponse pertinents.
Il a également salué le combat mené depuis 1968 par Michel Warschawski, Président du Centre d’Information Alternative de Jérusalem, et militant infatigable pour la paix, auteur de A contre-choeur. Les voix dissidentes en Israël  (Textuel).et s’est  félicité de l’impact  particulièrement méritoire des Missions de la campagne civile internationale  pour la Protection du peuple Palestinien, CCIPP, engagées depuis juin 2001.
Les membres du jury ont tenu enfin à rendre un hommage particulièrement chaleureux à leur consoeur Kenizé Mourad dont le dernier livre Le Parfum de notre terre. Voix de Palestine et d’Israël  (Robert Laffont) -qui n’a pas été retenu pour la sélection 2003, son auteur étant  elle-même membre du jury- a fait l’objet d’un article à juste titre élogieux de Paul Balta dans le numéro de France-Pays Arabes  de juin 2003.
Théodora Oikonomides s'est vue remettre son Prix le samedi 13 décembre 2003 dans les salons du Centre culturel syrien de Paris.
Rappelons que le jury du Prix Palestine-Mahmoud Hamchari (créé en 1979 à l’initiative de l’Association de Solidarité Franco-Arabe, ASFA, et de la revue France-Pays Arabes) est constitué de dix membres : Mesdames Marie-Claude Hamchari, Kenizé Mourad et Huguette Pérol, Messieurs Paul Balta, Lucien Bitterlin, Francis Crémieux, Henri Loucel, Jean Rabinovici, Philippe de Saint Robert et Robert Vial (Secrétaire permanent du jury).
Le jury du Prix 2004 sera présidé par Huguette Pérol, Prix de l’Amitié franco-arabe 1975 pour son roman Je rentrerai tard ce soir.
                   
9. Guerre  psychologique et "pétrole de Saddam" : Une campagne internationale de diffamation organisée par la CIA et ses alliés irakiens par Gilles Munier, Secrétaire général des Amitiés franco-irakiennes (28 janvier 2004)
Le quotidien irakien Al-Mada (L’Horizon),  fondé en juin 2003, a publié le 25 janvier les noms de personnalités, entreprises, partis et organisations qui militaient pour la levée de l’embargo, les accusant d’avoir reçu des « coupons de pétrole » de Saddam Hussein, monnayables sur le marché international. Le journal ajoutait que la preuve était ainsi faite que le Président irakien avait dilapidé les ressources du peuple irakien.
Parmi les organisations citées, apparaît celui d’une « Association d’amitié franco-arabe » avec en face une quantité : 15, 1 millions de barils de pétrole …
Saddam Hussein aurait-il voulu distribuer des barils de pétrole à ses « amis » qu’il n’aurait pas pu. Ceux qui prétendent le contraire mentent effrontément, car  les ventes de pétrole irakien étaient contingentées, le prix était fixé à l’ONU- en fait par les Américains - son enlèvement, surveillé par des inspecteurs, et le montant des ventes déposé sur un compte séquestre géré par la BNP pour les  Nations-Unies auquel le gouvernent irakien n’avait nul accès.
Mensonges
Quand le « Ministre » du pétrole irakien dit qu’il va charger Interpol de récupérer l’argent « volé au peuple irakien », il sait bien que les contrats signés dans le cadre de la résolution « Pétrole contre nourriture » étaient légaux et que les bénéfices dégagés par les entreprises ne le concernent pas. Les sociétés qui enlevaient du pétrole irakien devaient être enregistrées, et elles ne l’étaient qu’après enquête, notamment celle effectuée par les services de renseignement américains.  Ce qui veut dire que si des « commissions » ou « dons » ont été versés à des intermédiaires, c’est sur la seule marge des entreprises. Il n’y a rien là d’anormal, c’est la pratique commerciale courante.
Par ailleurs, les quantités de pétrole apparaissant en face des noms cités sont délirantes. Le Comité des sanctions de l’ONU, au sein duquel les Etats-Unis possédaient un droit de veto, n’aurait jamais donné leur accord pour de tels enlèvements. Au contraire, les Américains ont tout fait pour réduire la marge des entreprises, relevant – ou diminuant à volonté  -  artificiellement le prix du pétrole irakien, avec pour résultat l’asphyxie économique de l’Irak. Le pétrole n’était plus enlevé et le compte séquestre à l’ONU était désespérément vide. L’Irak ne pouvait plus acheter aucun produit autorisé.
Quand on affame un peuple, quand on lui interdit de se soigner normalement et de s’instruire, on ne devrait pas s’étonner – et on devrait même comprendre – que tous les moyens étaient bons pour desserrer le carcan qui étrangle.  
Diffamation et menaces
Concernant le dossier d’ Al-Mada, il  faut  d’abord savoir que tout ce qui est publié en Irak doit obtenir l’imprimatur  des services de Paul Bremer qui gouverne le pays au nom des Etats-Unis, à plus forte raison quand il s’agit d’un document qui met en cause des dizaines personnalités au niveau international.
Qui peut attester que les documents présentés soient vrais ? Les pillards ayant détruit les bureaux de la SOMO (la société nationale chargée de la vente du pétrole), on est en droit de se demander s’il ne s’agit pas de faux émis par la CIA. Quand on connaît l’étendue des mensonges de l’administration Bush sur la réalité des armes de destruction massive, on peut légitimement douter de ces révélations.
Déjà, depuis juin, des escrocs irakiens – téléguidés par les services américains -  tentaient de monnayer des documents fabriqués à des personnalités étrangères, les menaçant de révéler à la presse internationale les informations qu’ils contenaient  si elles ne les achetaient pas au prix demandé.
Le dossier publié par Al- Mada sent la manipulation américaine. Il fait suite à la diffusion sur Internet – à partir de Londres -  d’une « liste noire des personnalités qui soutenaient le régime de Saddam Hussein » où on retrouve la plupart des noms cités aujourd’hui.
On a affaire à une campagne internationale de diffamation. Les Etats-Unis, embourbés en Irak, tentent de freiner l’opposition qui enfle contre eux. Il leur faut montrer du doigt des personnes connues pour leur opposition à l’embargo, des pays qui n’approuvent pas l’agression américaine contre l’Irak,  des pays ou des personnalités qui réclament le départ des GI’s et, enfin, qui estiment qu’on ne restaurera pas la paix civile en Irak sans dialoguer avec la Résistance. Objectif de cette opération montée de bric et de broc : intimider tous ceux répertoriés comme « anti-américains ».
Hypocrisie américaine
Enfin, comment ne pas dénoncer derrière cette campagne une grande hypocrisie, quand on sait que la majeure partie du brut enlevé dans le cadre de « Pétrole contre nourriture »  se retrouvait souvent sur le marché américain, ou servait de combustible pour la flotte de guerre américaine croisant dans le Golfe arabe. On s’étonne aussi de ne pas trouver dans la liste les noms, par exemple, des sociétés pétrolières américaines Mobil-Exxon, Coastal States (de Houston –Texas, quand G.W Bush était gouverneur) ou Bay Oil, qui ont enlevé du brut irakien jusqu'au MOU 9 ! En échange de quels services ? Quant à l’ancienne opposition à Saddam Hussein, faut-il rappeler qu’elle était financée par le Congrès, la CIA, la DIA, et certaines grandes entreprises américaines qui font aujourd’hui la loi sur le marché irakien ?
Pour développer l’action des Amitiés franco- irakiennes, soutenir la politique arabe de la France, tenter d’obtenir la levée de l’embargo, aider des Irakiens dans le besoin, il fallait des moyens financiers. Une société pétrolière française avait bien voulu servir d’intermédiaire en soutenant ponctuellement certaines de nos activités. Je l’avais introduite sur le marché du pétrole irakien. Elle a fait son travail en toute légalité. Je regrette seulement qu’il n’y ait pas eu plus d’entreprises françaises à nous aider. Si c’était à refaire : je recommencerai.
[Contact : AFI - Amitiés franco-irakiennes - Gilles Munier - Email : gilmun@club-internet.fr - Fax : 02 23 20 96 58 - Site : http://iraqtual.com]
                                   
Revue de presse

                                           
1. Pascal de Crousaz : "Face à Israël, l'irrationalité l'emporte" propos recueillis par Rache Haller
in Le Courrier (quotidien suisse) du jeudi 5 février 2004

Pascal de Crousaz, spécialiste du Proche-Orient, ne mâche pas ses mots pour dénoncer l'attitude des Occidentaux face au conflit israélo-palestinien.
Expert des questions relatives au Proche-Orient, Pascal de Crousaz dénonce la fascination qu'exerce sur les Occidentaux le conflit israélo-palestinien. Une fascination nourrie de projections parfois irrationnelles qui seraient autant de freins à la résolution du conflit.
- Le Courrier : Pourquoi parlez-vous de fascination pour décrire le rapport qu'entretient l'Europe avec Israël et la Palestine ?
- Pascal de Crousaz : Très concrètement, la place qu'occupe dans les médias et les consciences le conflit israélo-palestinien ne possède aucune commune mesure avec sa dimension. En cent ans, celui-ci a fait probablement moins de victimes que la plupart des autres conflits actifs dans le monde. Alors que depuis des décennies, Jérusalem est le deuxième nom de ville le plus souvent cité dans les médias.
- Comment expliquez-vous cette surenchère ?
- Malgré la laïcité de nos sociétés – ou peut-être à cause d'elle – tout ce qui touche à cette terre surinvestie en sacralité trouve un énorme retentissement. De plus, le conflit israélo-palestinien possède tous les ingrédients d'une tragédie propre à mobiliser les esprits: les pierres millénaires, le sang, les larmes, le sacrifice, les passions... Plus prosaïquement, on n'a non plus jamais reçu autant d'informations et d'images d'un conflit. La plupart des médias disposent d'une équipe sur place qui, si ce n'est que pour justifier ses coûts fixes, relaie petits et grands événements et contribue à maintenir les consciences éveillées. Ainsi, la presse elle-même s'est prise au jeu de la fascination.
- Peut-on encore parler d'objectivité ? 
- Là est le noeud du problème. Les Occidentaux investissent ce conflit d'enjeux et de questionnements qui leur sont propres. Du coup, ils tendent à le complexifier, à l'éloigner de sa réalité et à rendre ainsi sa résolution plus passionnelle. Pour preuve, la communauté internationale n'arrive pas à faire appliquer les résolutions des Nations Unies édictées sur la base d'un regard froid, objectif et juridique. Pourtant, leur contenu est limpide. Elles reconnaissent l'existence de deux peuples, l'égalité de leurs droits et l'illégalité de l'occupation et de la colonisation.
- Ce phénomène d'identification est-il récent ?
- Dès le début du siècle et, surtout, peu après la création de l'Etat d'Israël, les Occidentaux ont vu en ce dernier la réunion des impossibles rendus possibles: une cohabitation harmonieuse entre un modèle capitaliste et la formule la plus achevée du communisme –les kibboutz–, un Etat ancien-nouveau où la Bible pouvait servir de carte d'état-major et une langue morte reprendre vie. Bref, Israël a longtemps incarné l'exemple du progrès dans une région dominée par l'«obscurantisme». A partir des années 1960-1970, certains courants de pensée ont commencé à remettre en doute la valeur absolue du progrès et à prendre fait et cause pour des sociétés plus «authentiques», comme la société palestinienne. Cette nouvelle tendance s'est confirmée avec la guerre du Liban en 1982 et la première Intifada, entre 1987 et 1993, où le peuple palestinien a été clairement identifié comme «la» victime. La situation est plus confuse aujourd'hui, où victimes et bourreaux s'échangent leur rôle.
- Existe-t-il un clivage droite-gauche dans la perception du conflit ? 
- L'originalité de cette guerre procède notamment du consensus qu'elle a su susciter. Ensemble, les camps bourgeois et les partis de gauche ont soutenu l'entreprise sioniste, puis condamné l'occupation et la répression. Mais depuis peu, la gauche et les mouvements altermondialistes font de la cause palestinienne l'un de leurs principaux chevaux de bataille, sans doute pour sa dimension symbolique d'oppression et de «victimisation». Par réaction mécanique, la droite soutient de plus en plus l'autre camp. Et cette rupture politique va jouer en défaveur des Palestiniens, car le conflit est en train de devenir un instrument de lutte entre la gauche et la droite, alors que seul un consensus fort entre et au sein des pays occidentaux pourrait imposer une solution rationnelle et viable. L'exemple de l'Italie est particulièrement frappant: pourtant à la pointe de l'action européenne pour la reconnaissance des droits palestiniens dans les années 80 et 90, elle se range aujourd'hui du côté de Sharon, car Berlusconi a pu assimiler les discours pour la défense des droits palestiniens à ceux de ses ennemis de gauche.
- On vient de l'apprendre, Ariel Sharon, le premier ministre israélien, envisagerait de faire passer des localités arabes israéliennes sous souveraineté palestinienne, en échange de l'annexion par Israël de zones de Cisjordanie. Un premier pas ? 
- Cela permettrait d'obtenir deux entités ethniquement plus homogènes. Certains parleraient d'une forme douce de purification ethnique. On pourrait ainsi se «débarrasser» des arabes israéliens, qui disposent aujourd'hui du droit de vote et qui sont perçus comme une menace en raison de leur poids démographique croissant, pour avoir un Etat juif plus juif que jamais.
                       
2. Scène d'un contrôle ordinaire à Gaza par Ghada Ageel
in L'Intelligent - Jeune Afrique du lundi 2 février 2004

Pour franchir les barrages israéliens dans les Territoires, certains Palestiniens n'hésitent pas à défier les soldats de Tsahal. À leurs risques et périls.
En décembre, je suis allée rendre visite à mon cousin, Mohamed Aqil Abou Smaleh, à l'Hôpital européen. Il avait été blessé en octobre par un missile israélien qui avait tué deux de ses cibles et un passant. Un fragment du missile s'était logé dans la moelle épinière de Mohamed et l'avait laissé paralysé. Il s'était trouvé au mauvais endroit au mauvais moment.
Ma vie de famille est depuis lors bouleversée. Nous nous battons pour préserver la santé et l'équilibre moral de Mohamed. Le seul réconfort que nous avons est la sympathie et la sollicitude de nos voisins de Khan Younès, des Israéliens de bonne volonté et des amis du monde entier.
En rentrant de l'hôpital, mon mari, Nasser, mon fils de 3 ans, Tariq, et moi-même avons été bloqués pendant plus de six heures au poste de contrôle entre Khan Younès et la ville de Gaza. Le voyage prend normalement quarante minutes.
À 18 h 50, les soldats israéliens ont autorisé quelques voitures à passer. Au bout de cinq minutes, ils ont de nouveau interdit le passage. Les gens étaient dans un tel état de nerfs qu'ils sont sortis de leurs taxis et qu'ils ont avancé à pied, défiant les Israéliens. J'éprouvais un mélange d'indignation en voyant que des Gazaouis étaient obligés d'affronter des soldats armés avec leur poitrine nue, de fierté en constatant ce que des Palestiniens étaient capables de faire, alors qu'il n'était que trop possible que cette résistance non violente leur coûte la vie, et de peur en imaginant ce qui allait se passer.
J'avais bien raison de m'inquiéter. Les soldats israéliens se sont mis à tirer dans le tas. C'était absolument terrifiant. J'ai connu la guerre, la violence et l'occupation tout au long de mes 33 ans, mais je ne m'habituerai jamais à l'horreur et à la peur.
Pour ajouter à la peur, il y avait la présence de notre fils. Devant moi, un jeune homme avait reçu une balle dans la jambe. Ses amis l'ont amené dans notre voiture. Il saignait et pleurait, et ses sanglots se mêlaient à ceux de mon enfant. Il y a un instinct puissant chez toutes les mères, je pense, de protéger les enfants à tout prix. Mais là, je me sentais totalement impuissante. Et pourtant, je n'étais pas complètement paralysée. Je me suis mise à crier aux gens de laisser le passage à notre voiture. En même temps, je composais sur mon portable le numéro de l'hôpital, que je ne connaissais que trop bien, pour demander une ambulance.
Après un quart d'heure de cris et de manoeuvres, nous avons installé le jeune homme. Je me suis aperçu que je n'avais plus de voix.
Le camp de réfugiés de ma famille, Khan Younès, avait été attaqué deux fois en une semaine par Tsahal. Des dizaines de maisons avaient été détruites, comme les centaines qui, à Gaza et en Cisjordanie, ont été réduites à l'état de gravats ces trois dernières années. Beaucoup de familles sont venues se réfugier chez mes parents. Nous étions en 2003, mais, dans ma tête, nous étions revenus à 1948.
Que veut de plus Ariel Sharon ? À quoi cela sert-il de faire attendre des civils pendant des heures aux postes de contrôle ? Comment les dirigeants israéliens peuvent-ils justifier qu'ils nous aient chassés de chez nous il y a plus de cinquante-cinq ans et qu'ils envoient maintenant leurs bulldozers dans nos camps de réfugiés ?
Je venais de voir mon cousin allongé sur un lit d'hôpital et un adolescent saigner abondamment à l'arrière de notre voiture sous les yeux de mon fils de 3 ans, et je me rendais compte qu'il n'y a pas d'endroit, à Gaza, où l'on puisse se réfugier ou se cacher. Mon fils n'avait pas été touché physiquement, mais comment un bébé de 3 ans pourrait-il accepter mentalement ce que j'ai moi-même du mal à comprendre ? Son activité mentale à lui, c'est de courir dans la maison, le doigt pressé sur une détente imaginaire, en criant « Tah, tah, tah ! » pour imiter le bruit des rafales israéliennes.
Quand nous nous sommes mariés, Nasser et moi, nous pensions que nous pourrions offrir à nos enfants la sécurité et un avenir plein d'espoir. Je suis allée jusqu'à étudier l'hébreu en Israël. Mais nos espoirs pour notre peuple n'ont toujours pas été réalisés.
L'occupation continue parce que Sharon continue de penser qu'il peut avoir à la fois la sécurité et l'occupation. Or ce n'est pas possible.
Quand vous voyez des gens désarmés marcher sous les balles pour atteindre leur destination, vous vous rendez compte qu'ils cherchent autre chose qu'une destination physique. La meilleure définition qu'on peut en donner, je crois, c'est le désir très humain de la liberté. Aucun pouvoir et aucune force ne peuvent pénétrer dans nos coeurs et le détruire.
Ce jour de la liberté palestinienne viendra beaucoup plus vite si l'on accorde plus d'attention à de tels actes de courage et à de telles manifestations non violentes aux États-Unis et ailleurs. Nous n'avons pas besoin que l'armée américaine se batte pour nous. Nous demandons seulement qu'on fasse preuve d'un peu d'équité. Nous avons souffert trop longtemps.
                   
3. L’Initiative de Genève : une chance pour la paix ? par Michel Staszewski
in Points Critiques (mensuel de l’Union des Progressistes Juifs de Belgique) du mois de janvier 2004

A en croire les grands médias, la paix et la réconciliation tant attendues seraient enfin à portée de main. Abandonnant la politique « des petits pas », des personnalités courageuses, tant palestiniennes qu’israéliennes, se seraient attaquées à toutes les questions difficiles et auraient trouvé, pour chacune d’entre elles, et dans les moindres détails, la meilleure solution possible. Il suffirait que les opinions publiques israélienne et palestinienne portent au pouvoir des représentants politiques partisans de l’initiative de Genève pour que ce conflit, vieux de plus d’un siècle, soit résolu.
Une lecture attentive du contenu de ce projet d’accord [1] me conduit à un jugement très différent.
Le texte publié est, tout d’abord, très incomplet. Il est dépourvu de ses très nombreuses annexes censées fournir les détails de chacun de ses articles. C’est ainsi que manquent des éléments aussi importants que la délimitation exacte des territoires respectifs ou la composition des groupes de civils et de militaires chargés de veiller à l’application des accords. Et le problème essentiel de la répartition des ressources en eau n’est pas du tout abordé.
D’autre part, le caractère extrêmement déséquilibré de ce document le rend difficilement acceptable pour la grande majorité des Palestiniens, qu’ils résident en Palestine, en Israël ou ailleurs. Examinons-en quelques points.
Le territoire de la Palestine mandataire serait divisé sur base de la frontière du 4 juin 1967, c’est-à-dire que 78 % des terres seraient attribuées à l’Etat d’Israël et 22 % à l’Etat de Palestine. Rappelons que le principe de cette répartition très inégale est officiellement accepté par l’O.L.P. depuis les Accords d’Oslo de 1993. Les négociateurs israéliens ont cependant obtenu l’échange de territoires cisjordaniens fortement peuplés de colons juifs contre un territoire israélien jouxtant le sud-ouest de la Cisjordanie et une bande de terre longeant la bande de Gaza. Pour qui connaît un peu la géographie locale, il est clair que cet échange est très inéquitable du point de vue de la pluviométrie. Cette inégalité pourrait néanmoins être compensée par un partage équitable des ressources globales en eau… qui n’est pas du tout garanti par le texte actuel puisque l’article consacré à la répartition des ressources en eau reste à rédiger. Un corridor, ouvert en permanence, sous administration palestinienne mais sous souveraineté israélienne, relierait la Cisjordanie à la bande de Gaza. Des « barrières de défense » seraient construites le long de ce corridor, en territoire israélien.
Pour ce qui concerne Jérusalem, le projet prévoit que la ville serait à nouveau divisée. Le seul endroit où l’on pourrait, en principe, circuler librement d’une zone à l’autre serait l’intérieur de la vieille ville (un territoire minuscule en comparaison de l’agglomération entière), mais à chacune de ses portes serait établi un poste de douane donnant accès soit à l’Etat de Palestine soit à celui d’Israël. La répartition inégale du territoire de la vieille ville - trois quarts pour la Palestine, un quart pour Israël - ne doit pas faire illusion : dans la mesure où l’ensemble de la vieille ville se trouve à l’est de la « ligne verte » [2], c’est bien l’Etat israélien qui serait gagnant dans l’affaire. De plus, le grand cimetière juif du Mont des Oliviers, situé à l’est de la vieille ville, demeurerait sous administration israélienne. Pour le reste, Jérusalem Ouest resterait entièrement sous contrôle israélien alors que les nombreuses colonies juives construites depuis 1967 autour de Jérusalem-est seraient annexées à l’Etat d’Israël.  
Environ quatre des six millions de Palestiniens sont des exilés ou des descendants des exilés de 1948. Le droit au retour des exilés est un droit humain essentiel reconnu internationalement. Que les Palestiniens acceptent d’en faire un objet de négociation, prenant ainsi en considération les angoisses démographiques des Israéliens, devrait être considéré par ces derniers comme une offre extrêmement généreuse. Or le projet d’accord implique que les Palestiniens renoncent à leur droit au retour sans même que soit reconnu le bien fondé de ce droit ni la moindre responsabilité israélienne dans cette affaire. Le nombre d’exilés autorisés à se réinstaller en Israël serait « laissé à la discrétion souveraine d’Israël ». L’Etat d’Israël accepterait néanmoins de contribuer à un fonds d’indemnisation pour les propriétés palestiniennes « perdues ».  
Un article du projet d’accord où apparaît de manière particulièrement flagrante son caractère déséquilibré (doux euphémisme) est celui qui concerne la « sécurité ». Il semble, à lire les détails de cet article, que la création d’un Etat palestinien indépendant à ses côtés, représente pour l’Etat d’Israël un danger vraiment terrible. Jugez-en plutôt. Alors qu’il est prévu qu’Israël conserve la souveraineté absolue sur son territoire et l’intégralité de son équipement militaire (rappelons que « Tsahal » est une des armées les mieux équipées du monde et qu’il est de notoriété publique qu’Israël possède des armes nucléaires), l’Etat palestinien, uniquement doté d’une « puissante force de sécurité » chargée de missions de police, serait démilitarisé et devrait s’en remettre pour sa sécurité extérieure à une  « Force multinationale ». Cette Force, stationnée seulement en territoire palestinien (y compris sur l’Esplanade des Mosquées/Mont du Temple), ferait partie intégrante du « Groupe d’Application et de Vérification », composé de représentants des Etats-Unis, de la Russie, de l’Union européenne et des Nations Unies. Sa composition, sa structure et ses effectifs devraient faire l’objet d’une annexe non publiée à ce jour. Des éléments de l’armée israélienne resteraient présents dans la vallée du Jourdain durant 36 mois et dans deux « stations d’alerte lointaine » situées dans le nord et l’est de la Cisjordanie durant 10 ans. L’aviation militaire israélienne garderait le droit d’utiliser l’espace aérien de l’Etat palestinien. La Force multinationale serait présente aux frontières de l’Etat de Palestine avec la Jordanie et l’Egypte ainsi que dans les ports et les aéroports palestiniens… dans lesquels les Israéliens pourraient maintenir pendant plusieurs années « une présence discrète ». En Cisjordanie, des « routes désignées », reliant Jérusalem à Tibériade, la Mer morte, Bethléem et Hébron,  seraient contrôlées conjointement par la police palestinienne et la Force multinationale pour garantir la sécurité des Israéliens qui les fréquenteraient. La « lutte contre le terrorisme » serait supervisée par un « Comité de sécurité triangulaire » composé  d’Israéliens, de Palestiniens et … d’Américains.
La situation actuelle des habitants des territoires occupés est si épouvantable que la concrétisation d’un tel projet d’accord représenterait pour eux un progrès considérable. Les exilés y gagneraient, pour leur part, le droit de s’installer définitivement dans un pays d’accueil ou dans l’Etat de Palestine indépendant et seraient indemnisés pour la perte de leurs propriétés situées sur le territoire de l’Etat d’Israël. Par contre, les Palestiniens citoyens de ce même Etat et les quelques exilés autorisés à les rejoindre se verraient confirmés dans leur position de minorité tolérée dans « l’Etat du peuple juif » (préambule du projet d’accord). Car, comme l’affirmait récemment Amram Mitzna, l’ancien président du parti travailliste israélien, en signant un tel accord, les Palestiniens reconnaîtraient « pour la première fois dans l’histoire » « l’Etat d’Israël comme l’Etat du peuple juif, et ce à jamais. » [3] Il est en effet expressément prévu que la mise en œuvre de cet accord « mettra fin à toutes les réclamations des Parties découlant d’événements antérieurs à sa signature » (art. 1). Et Mitzna d’ajouter : « Ils ont renoncé au droit au retour en Israël, assurant ainsi que notre Etat conserverait une majorité juive stable et solide » [4]. Pour ce qu’il est convenu d’appeler la « gauche sioniste », ce projet d’accord représente en effet une solution de rêve. Non seulement il « bétonne » le caractère majoritairement juif de l’Etat d’Israël mais il permet d’annexer les territoires colonisés les plus peuplés de Cisjordanie permettant ainsi de réduire considérablement le nombre de colons mécontents d’un tel accord. De quoi espérer une victoire électorale aux prochaines élections ?
L’« Accord de Genève » n’est conforme ni au principe d’équité ni au droit international. Il est basé sur un rapport de force qui permet de faire accepter aux négociateurs palestiniens les « lignes rouges » de la « gauche sioniste ». Vu la situation catastrophique de leur peuple et le rapport de force à ce point en leur défaveur, il est pourtant possible qu’un accord de ce type (qui prévoit aussi la libération graduelle de tous les prisonniers politiques) soit un jour accepté par des négociateurs palestiniens officiels. Mais comme il n’a pas grand chose à voir avec la justice, il ne conduira sûrement pas à une véritable réconciliation. Il ne mettra pas définitivement fin au conflit.
Ceci étant dit, on est aujourd’hui très loin de la conclusion d’un tel accord. Je crains fortement que l’encensement médiatique de l’« Initiative de Genève » ne contribue, comme l’avait fait la signature des Accords d’Oslo (de véritables accords, ceux-là) à occulter la situation sur le terrain et à démobiliser les opinions publiques face aux crimes qui se commettent quotidiennement sur ordre du gouvernement israélien. Je demande à ceux qui dépensent tant d’énergie pour défendre et pour faire connaître en Europe l’Initiative de Genève, d’en consacrer un peu pour pousser nos représentants politiques à exercer de réelles pressions sur le gouvernement israélien, pour qu’il ordonne le démantèlement de la « clôture de sécurité » qui enferme les populations palestiniennes dans des ghettos invivables, pour le retrait de l’armée des villes et villages palestiniens, pour la libération des prisonniers politiques détenus illégalement, pour que le rapport du Rapporteur Spécial de l’O.N.U. sur la terrible crise alimentaire qui frappe les territoires occupés soit enfin rendu public [5], pour soutenir les militaires « refuzniks » et les autres activistes israéliens qui se battent contre les « attentats ciblés », les destructions de maisons et de cultures, les confiscations de terres, les humiliations quotidiennes aux checks points, etc.  C’est là que réside la plus grande urgence.
- NOTES :
1. Une version française de ce texte est disponible sur la page web :
http://www.solidarite-palestine.org/txt004.html
2. La ligne verte est la frontière du 4 juin 1967.
3. MITZNA, A., Voilà pourquoi M. Ariel Sharon a peur, in Le Monde Diplomatique, déc. 2003, p. 19.
4. Ibidem.
5. La publication officielle de ce rapport, pourtant disponible depuis le mois de septembre dernier, n’a pas encore eu lieu, du fait de pressions efficaces exercées par le gouvernement israélien et ses soutiens extérieurs. Son texte intégral est néanmoins disponible sur Internet, par exemple sur la page
www.reseauvoltaire.net/rapport-ziegler.html [L'intégralité du Rapport à été publiée dans le Point d'information Palestine N°229 du 09/10/2003, nous pouvons vous l'adresser par email à votre demande, NDLR du PiP].
                                   
4. "L'ennemi est leur seul horizon" par Agnès Rotivel
in La Croix du vendredi 30 janvier 2004

Dans les Territoires palestiniens, des jeunes sans travail, sans éducation, sans futur et sans objectif sont unis dans la frustration et la colère.
Une société palestinienne divisée en tribus, une société en manque de leadership, des jeunes livrés à eux-mêmes, tels sont les grandes lignes du tableau que Mahdi Abdoul Hadi, responsable de la Société académique palestinienne pour l'étude des affaires internationales (Passia) dresse des Palestiniens aujourd'hui. Une société éclatée entre «quatre millions de Palestiniens dans la diaspora, qui continuent à exister grâce à la mémoire de leur histoire, et nous, les 3,4 millions de Palestiniens des Territoires occupés par Israël».
Mahdi Abdoul Hadi plaide pour d'indispensables changements car la société palestinienne s'enfonce, ses structures éclatent sous l'effet de l'occupation. Elle est divisée selon lui en «trois tribus politiques» : le Fatah, parti politique de Yasser Arafat, le Hamas, mouvement islamiste dirigé par cheikh Ahmed Yassin, et ce que Mahdi Abdoul Hadi appelle «les professionnels», troisième groupe, dans lequel il range «les élites des ONG, les démocrates, les visionnaires».
Le Fatah, l'arme politique de Yasser Arafat, a pour symbole le keffieh, «notre vision de la Palestine. Notre fierté nationale». L'Organisation de libération de la Palestine (OLP), poursuit-il, se comporte comme «un vulgaire régime arabe faible et corrompu». Lorsque ses chefs sont revenus dans les Territoires palestiniens en 1994, les Palestiniens de l'intérieur n'ont pas aimé ce qu'ils ont vu : «une simple dictature, et non un État de droit». Mais que faire sans ce symbole qu'est le «Vieux» ? «Il est comme la colle. On ne peut pas s'en défaire. Tout passe par lui. C'est le vieux cheikh de la tribu. Il fournit de l'argent à tout le monde, mais il n'a pas le pouvoir. Il ne gouverne pas.» Le seul réformateur du Fatah, Marouan Barghouthi, a été arrêté et emprisonné par les Israéliens.
Palestiniens et Israéliens n'ont plus de moyens de communiquer
Face au Fatah, le Hamas. Une organisation née en février 1987 qui a su gagner les coeurs de nombreux Palestiniens grâce à une politique sociale active. Elle représenterait 20 à 22 % de la société palestinienne. Mais, selon Mahdi Abdoul Hadi, elle serait aujourd'hui profondément «divisée» entre la vieille garde, puissante, dirigée par un «vieux roi», cheikh Ahmed Yassin, politiquement aveugle, et les jeunes insatisfaits. Les divisions se sont creusées, dit-il, depuis l'assassinat par Israël de plusieurs de ses dirigeants. Ce sont les jeunes qui font la loi à Gaza. Ils ont leur propre agenda, différent des chefs du mouvement. Ils veulent un État palestinien mais à leur façon, plus radicale.
Enfin, la troisième tribu, un groupe éclaté dans lequel cet intellectuel palestinien range, pêle-mêle, «les professionnels, les élites des ONG, les démocrates, les visionnaires». Ils rêvent d'une «troisième voie». «Ils représentent la société, mais faute de leader, ils ne peuvent développer leur programme politique».
Qui reste-t-il dans la société en dehors de ces trois tribus ? Des jeunes sans travail, sans éducation, sans futur et sans objectif, unis dans la frustration et la colère. Sur ce terreau se développe ce que Mahdi Abdoul Hadi appelle «la culture du sacrifice» qui dans l'islam veut qu'un homme ou une femme qui meurt en défendant sa terre devienne un martyr.
«Les jeunes font la queue pour se faire sauter parce que l'ennemi est leur seul horizon dans leur vie.» Le leadership est en peine de leur offrir un espoir. L'ex-premier ministre palestinien Mahmoud Abbas, jugé trop «faible et instrumentalisé par les Israéliens», a échoué. Le nouveau, Abou Ala, joue une autre tactique, celle de la reconnaissance du plus grand nombre. On l'a vu rendre visite au chef du Hamas à Gaza et se faire photographier à ses côtés.
Palestiniens et Israéliens n'ont plus de moyens de communiquer, conclut l'intellectuel, et pourtant il faut que les Israéliens comprennent qu'avec la politique d'Ariel Sharon ils créent toujours plus de haine.
Aussi, Mahdi Abdoul Hadi prône-t-il la tenue d'élections dans les Territoires palestiniens, mais sans la présence israélienne, afin que tous les «sans-nom, les sans-visage de notre société puissent enfin s'exprimer».
                               
5. L'inacceptable expulsion des Palestiniens par Pascal Fenaux
in Courrier international du vendredi 23 janvier 2004

L'historien israélien Benny Morris a justifié l'exode forcé des Palestiniens en 1948 en affirmant qu'à l'époque, l'alternative était détruire ou être détruit. Un propos qui est plutôt passé inaperçu auprès de la population israélienne mais qui a suscité de fortes réactions de la part d'intellectuels juifs.
Le 9 janvier 2004, Mousaf Ha'Aretz, le supplément sabbatique du quotidien libéral de centre-gauche Ha'Aretz, publiait un entretien fleuve accordé au journaliste Ari Shavit par l'historien israélien Benny Morris. Dans cet entretien, Benny Morris révélait le contenu de ses dernières recherches sur les causes de l'exode palestinien de 1948 : l'armée israélienne a mis en oeuvre des directives émises par le Premier ministre David Ben Gourion et destinées à expulser autant de Palestiniens que possible. Loin de déplorer cet épisode central du conflit israélo-arabe, Benny Morris déclarait qu'"en 1948, l'alternative était détruire ou être détruit, l'épuration ethnique ou le génocide. Un Etat juif ne pouvait naître sans le déracinement de 700 000 Palestiniens. [...] Mon sentiment est que cet endroit [Israël] serait moins pénible si l'hypothèque démographique avait été levée une fois pour toutes. Si Ben Gourion avait nettoyé le pays dans son entièreté, notre Etat aurait été consolidé pour plusieurs générations."
Enfin, sur la tournure actuelle du conflit, le cycle attentats-liquidations et l'édification d'une "clôture de séparation" au tracé de plus en plus controversé, Benny Morris estimait que "quand on a affaire à un tueur en série, l'essentiel n'est pas de comprendre pourquoi mais bien de l'enfermer ou de l'exécuter. [...] Les valeurs du monde arabe sont aujourd'hui celles de barbares. Comme les Croisés, nous, Israéliens, sommes une branche vulnérable de l'Europe dans cette région."
Dans un premier temps, cet entretien choc a suscité peu de commentaires du Ha'Aretz et de ses concurrents israéliens. Certes, le quotidien conservateur Maariv y faisait indirectement référence le lendemain de la manifestation qui, le 11 janvier, rassemblait à Tel-Aviv 100 000 militants de droite opposés au démantèlement de quelques colonies décrété par Ariel Sharon : "Dans cette foule portant le deuil du Grand Israël, le nom de Benny Morris était sur toutes les lèvres. Le prophète du post-sionisme considère désormais positivement le 'transfert' et les manifestants déboussolés se raccrochaient à lui comme à un nouveau Messie."
Mais il aura fallu attendre le Mousaf Ha'Aretz du 16 janvier pour découvrir des réactions émanant d'intellectuels et de collègues de Benny Morris. Ainsi, pour l'historien Haggaï Ram, de l'université Ben Gourion de Beersheva, "si la liberté de parole et la liberté de recherche sont des valeurs fondamentales, ces libertés ont des limites morales et éthiques que le professeur Morris vient de fouler aux pieds. De sa chaire d'historien, il délivre une interprétation anhistorique et raciste quant aux Palestiniens, au monde arabe et au monde musulman. Ses propos reviennent à valider des crimes contre l'humanité qu'Israël pourrait commettre à l'avenir. Enfin, Morris n'est pas sans savoir qu'une partie de ses étudiants appartiennent à la communauté palestinienne d'Israël [les Arabes israéliens] qu'il qualifie de 'cinquième colonne' et de 'bombe à retardement'."
Pour Adam Keller, un des animateurs du Goush Shalom [Bloc de la Paix, gauche radicale], "Morris est incapable de tirer les leçons morales de ses recherches sur la guerre de 1948. Il ne s'agit pas de démanteler l'Etat d'Israël. Un enfant né d'un viol a un droit imprescriptible à la vie. Il s'agit tout simplement qu'Israël reconnaisse la terrible injustice que sa création a infligée aux Palestiniens et qu'il indemnise en conséquence ces derniers." Pour l'ancien député travailliste Ori Orr, "Benny Morris nous présente comme une bande de voleurs bénéficiant d'une impunité de fait qui devrait l'encourager à récidiver. De même, il nous met en garde contre un monde arabe au comportement de tueur en série et de barbare. Et il voudrait que nous en tirions les leçons. Désolé, mais ces leçons, il peut les garder pour lui seul." Enfin, le politologue de l'université de Bir Zeit, Selim Tamari, "remercie Morris d'avoir résolu la quadrature du cercle entre la recherche sur 1948 et les conclusions politiques à en tirer. J'ai toujours considéré que l'opposition israélienne au droit de retour était moins liée à la démographie qu'à la peur des 'barbares'."
Ce sont des organes non israéliens qui, en définitive, auront été les plus prompts à publier des réactions israéliennes. Sur Amin, le site Internet du journaliste américano-palestinien Jonathan Kuttab, le sociologue Lev Grinberg réagissait dès le lendemain de la publication de l'interview de Morris. "Voici un mois, alors que je l'invitais à débattre du dernier livre de Yehuda Shenhav, 'Les Juifs arabes', l'ashkénaze Morris me répondit : 'Pourquoi me fatiguer à répéter ce que je pense des Juifs orientaux ?' Et il est vrai qu'à plusieurs reprises, il a eu l'occasion d'exprimer la répulsion que lui inspire l'Orient, tout l'Orient, Juifs orientaux y compris." Et, dans sa newsletter hebdomadaire, Tikkun, bimestriel libéral juif américain, publiait une réaction du sociologue israélien Adi Ophir. "Pour Morris, dans certaines circonstances, l'expulsion, voire le génocide, sont inévitables et justifiables. Les assassins rwandais et serbes qui comparaissent aujourd'hui devant la justice internationale pourraient l'engager comme conseiller juridique. Pis, Morris donne raison aux Palestiniens pour qui la mentalité israélienne est ainsi faite qu'il est inutile de négocier avec nous. Morris nous enferme dans une logique sans issue qu'il justifie en recourant à un vocabulaire psychologique effrayant : les Palestiniens sont une société malade. Mais le plus effrayant, ce n'est pas tant la logique de destruction mutuelle défendue par Morris que le fait que Ha'Aretz ait jugé opportun de faire sa Une des propos de cet homme. S'il y a bien une société malade, c'est celle qui autorise la publication d'un tel discours et contribue à l'alimenter."
                       
6. L'ambassadeur d'Israël en Suède vandalise une oeuvre d'art glorifiant selon lui les kamikazes
Dépêche de l'agence Associated Press du samedi 17 janvier 2004, 16h26

STOCKHOLM - Un ambassadeur qui perd son sang-froid. Le gouvernement suédois réclame samedi des explications au représentant d'Israël en Suède, convoqué pour avoir endommagé dans un musée une oeuvre d'art qui selon lui glorifie les auteurs d'attentats-suicide.
Vendredi, l'ambassadeur Zvi Mazel, en poste depuis 2002, a été expulsé du Musée national des Antiquités: il avait endommagé une des oeuvres exposées, en lui jetant un spot d'éclairage.
Il s'agissait d'un petit bateau transportant la photo d'une kamikaze du Jihad islamique flottant sur un petite piscine rectangulaire remplie d'eau rougie. Hanadi Jaradat s'était faite exploser le 4 octobre à Haïfa, entraînant 21 passants dans la mort.
"Ce n'était pas une oeuvre d'art, c'était une monstruosité, une déformation obscène de la réalité", a déclaré l'ambassadeur à la radio suédoise.
Intitulée "Blanche-Neige et la folie de la Vérité", cette représentation visait à mettre l'accent sur les choses horribles que deviennent capables de faire des gens faibles, isolés, manipulés, a expliqué l'artiste d'origine israélienne, Dror Feiler. Pour lui, l'ambassadeur a "cherché à empêcher la liberté d'expression".
Convoqué la semaine prochaine au ministère suédois des Affaires étrangères, Zvi Mazel devra s'expliquer. "De notre côté, nous réaffirmerons qu'il est inacceptable de détruire des oeuvres d'art de cette manière", a déclaré la porte-parole Anna Larsson.
L'exposition de cette oeuvre avait lieu dans le cadre de la conférence internationale sur la prévention du génocide, qui doit s'ouvrir plus tard en janvier à Stockholm. "Vous pouvez réagir à l'art de beaucoup de manières, mais la violence n'est jamais défendable", a estimé Kristian Berg, directeur du musée.
Selon la diplomatie israélienne, l'exposition "va à l'encontre" de l'accord passé entre l'Etat hébreu et la Suède, selon lequel cette conférence ne devait pas traiter du conflit israélo-palestinien.
L'Etat hébreu a donc réclamé la suppression de l'oeuvre incriminée, "parce c'est une glorification d'une femme kamikaze" ayant tué des civils israéliens, a déclaré le porte-parole de la diplomatie israélienne David Saranga. "Si la Suède ne le fait pas, Israël rééxaminera sa participation à la conférence".
                       
7. Romano Prodi taxé d'antisémitisme par Jean Quatremer
in Libération du mercredi 7 janvier 2004

Indigné, il suspend la préparation d'un séminaire coorganisé par le Congrès juif mondial et Bruxelles.
Bruxelles (UE) de notre correspondant - Romano Prodi n'a pas supporté de se faire taxer d'antisémitisme par les dirigeants des Congrès juifs mondial (CJM) et européen, respectivement le célèbre homme d'affaires américain Edgar Bronfman et l'Italien Cobi Benatoff. «A la fois surpris et choqué», le président de la Commission européenne a annoncé hier qu'il «suspendait» la préparation d'un séminaire sur l'antisémitisme coorganisé par le Congrès juif et l'exécutif européen, prévu le mois prochain, en estimant que les «conditions» du dialogue n'étaient plus remplies.
En jouant la crise, Romano Prodi a voulu placer Bronfman et Benatoff devant leurs responsabilités. Lundi, les deux hommes ont publié une tribune dans le Financial Times, le quotidien britannique des affaires, dans laquelle ils jugent la Commission «coupable» d'antisémitisme, à la fois «par action et par inaction». La charge, d'une rare violence, est motivée par la publication, en novembre dernier, d'un sondage commandé par Eurostat, l'office statistique de l'UE, d'où il ressortait que les citoyens européens considéraient Israël ­ cité dans la question avec neuf autres pays ­ comme «le plus grand danger pour la paix dans le monde». L'affaire s'est aggravée lorsque le CJM a révélé que l'Observatoire européen sur le racisme et la xénophobie avait retoqué une étude montrant une augmentation des actes antisémites en Europe et l'implication des minorités musulmanes dans cette recrudescence. Pour l'Observatoire basé à Vienne, l'échantillon retenu par les chercheurs était trop restreint. Pour le CJM, c'était un acte de «censure» de la Commission.
«Les faits sont têtus et les ignorer est très périlleux», écrivaient lundi Bronfman et Benatoff. «Dans le cas présent, ceux qui sont le plus menacés ne sont pas les obstructionnistes qui ont retenu l'étude pendant presque un an mais les juifs d'Europe, témoins et victimes des actes les plus barbares de massacre et de cruauté jamais perpétrés de mémoire d'homme». Le sondage et l'étude montrent, pour les dirigeants du Congrès juif mondial, que «la politique d'Israël à l'égard des Palestiniens fournit une excuse pour critiquer les juifs d'une façon générale» en Europe. «Pour l'Union européenne, cacher ces faits empeste la malhonnêteté intellectuelle et la trahison morale.» Romano Prodi a d'autant plus mal pris ces attaques qu'il pensait avoir désamorcé le malentendu : à New York, où il se trouvait au moment de la publication du sondage contesté, il avait proposé au CJM l'organisation d'un séminaire commun afin de «débattre du problème de l'antisémitisme dans la perspective plus large du rôle des communautés juives» en Europe. Ricardo Levi, proche conseiller de Romano Prodi, ne cache pas sa surprise : «Cette tribune est publiée à l'issue d'une période de dialogue intense. Je n'arrive pas à comprendre l'enjeu de cette affaire.»
Cet incident participe du procès en antisémitisme qui est fait à l'Union depuis le début de la seconde intifada. Jacques Chirac en a lui-même été victime, en octobre dernier : un journal israélien avait alors accusé le président de la République d'antisémitisme au prétexte ­ faux ­ qu'il se serait opposé à ce que le Conseil européen condamne les propos, réellement antisémites, du Premier ministre malaisien. Pris par surprise, Jacques Chirac avait eu quelques difficultés à se sortir de ce guêpier : il avait fallu que le gouvernement israélien vole finalement à son secours pour que l'affaire en reste là. Cette fois, c'est le président de l'Union des communautés juives d'Italie, Amos Luzzatto, qui s'y colle. Dans une déclaration publiée hier, il fait part de sa «consternation» et «prend ses distances à l'égard du CJM» : «Cette polémique n'aidera pas à combattre le risque d'antisémitisme.»
               
8. Ryad juge l’initiative de paix arabe suffisante pour contrer les projets d’implantation par Khalil Fleyhane
in L'Orient - Le Jour (quotidien libanais) du lundi 5 janvier 2004

Ryad, de notre envoyé spécial - Le ministre des Affaires étrangères Jean Obeid a entamé hier des entretiens en Arabie saoudite, dans le cadre d’une tournée arabe destinée à promouvoir l’adoption d’un plan interarabe ayant pour objectif de contrer les projets d’implantation des réfugiés palestiniens dans les pays d’accueil.
Les dirigeants saoudiens que M. Obeid a rencontrés ont réitéré le soutien de la monarchie au Liban, mais sont demeurés plus timorés au sujet de l’élaboration d’un nouveau plan pour contrer l’implantation, estimant que l’initiative arabe de paix, adoptée en 2002 au sommet de Beyrouth était suffisante à cet égard.
M. Obeid a été reçu hier après-midi par le roi Fahd ben Abdel-Aziz, à qui il a transmis un message verbal du chef de l’État, Émile Lahoud, dont la teneur n’a pas été précisée.
Au cours de l’entretien, le chef de la diplomatie a insisté sur l’attachement du Liban au droit de retour des réfugiés palestiniens dans leur patrie et fait État d’une unanimité chez les Libanais à ce sujet.
M. Obeid a également été reçu par le prince héritier et homme fort du royaume, Abdallah ben Abdel-Aziz. Ce dernier a souligné, au cours de l’entrevue, l’importance de la solidarité interarabe et réaffirmé le soutien de l’Arabie saoudite au Liban.
Auparavant, le ministre des Affaires étrangères avait eu un long entretien en tête à tête avec son homologue saoudien, le prince Saoud el-Fayçal. Durant près de deux heures et demie, les deux responsables ont passé en revue les principaux sujets intéressant la région, notamment le conflit israélo-arabe et la question du droit du retour, avant d’être rejoints par leurs collaborateurs.
« La solidité des relations entre les deux pays n’a pas besoin d’être affirmée », a déclaré le prince Saoud lors d’une conférence de presse commune à l’issue des discussions.
Interrogé sur la position de son pays au sujet des velléités d’implantation des réfugiés palestiniens dans les pays d’accueil, le ministre saoudien a dit : « Naturellement, cette question intéresse au premier chef les Palestiniens eux-mêmes, qui ont d’ailleurs une opinion à ce sujet. » « Je pense qu’il ne faudrait pas que nous cédions à la stratégie israélienne qui cherche à faire en sorte que la question palestinienne devienne un problème interarabe », a-t-il ajouté, estimant « nécessaire de faire face à cette manœuvre » .
« Seule la solidarité entre les pays arabes et leur capacité à traiter les questions délicates, comme celle du retour des Palestiniens, nous le permettront », a-t-il dit.
À la question de savoir si l’Arabie saoudite allait soutenir les demandes du Liban au sujet du droit au retour, le chef de la diplomatie saoudienne s’est refusé à singulariser son pays, se retranchant derrière l’initiative arabe adoptée au sommet de la Ligue tenu à Beyrouth en mars 2002. Cette initiative qui propose une normalisation des relations entre les pays arabes et Israël en échange d’un retrait de tous les territoires occupés, « évoque le droit des Palestiniens au retour », a-t-il noté.
Enfin, sur le point de savoir s’il était favorable à un plan interarabe pour contrer l’implantation des réfugiés, comme le propose Beyrouth, il a une nouvelle fois éludé la réponse, affirmant que « le plan de paix » (l’initiative arabe) pourrait faire l’affaire. Il a, d’ailleurs, souligné qu’il était « temps de réactiver l’initiative arabe ». De son côté, M. Obeid a estimé que l’objectif de « faire échec aux projets d’implantation fait partie de l’initiative arabe ». Or, a-t-il poursuivi, cette initiative, ainsi que les fondements de Madrid, à l’origine du processus de paix, sont entrés « au cœur de la “feuille de route” agréée par le Conseil de sécurité ».
Interrogé sur le plan de paix non officiel de Genève, conclu en novembre dernier entre Israéliens et Palestiniens, M. Obeid a souligné que ce plan « n’est pas éloigné de la “feuille de route” ni de l’initiative arabe ».
« Il s’agit d’un effort non gouvernemental dont nous espérons qu’il aura des effets bénéfiques sur l’opinion publique », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, M. Obeid s’est rendu au siège du Conseil de coopération du Golfe, où il s’est entretenu avec le secrétaire général de cet organisme, Abdel Rahmane Attié.
Le chef de la diplomatie, qui était arrivé samedi à Ryad, doit se rendre ce lundi soir à Bahreïn. Ultérieurement, il compte visiter le Koweït, Qatar, les Émirats arabes unis et le sultanat d’Oman.
                           
9. Vers la tenue d’un forum mondial contre l’implantation par Edouard Bassil
in La Revue du Liban (hebdomadaire libanais) du samedi 3 janvier 2004
Il y a eu du nouveau, ces derniers jours, à propos de l’implantation. En effet, Ileana Ros-Lehtinen, auteur d’une proposition de loi prévoyant l’installation des réfugiés palestiniens dans les pays où ils résident, a décidé de la retirer, “après avoir réalisé les graves retombées d’une telle solution sur certains Etats hôtes, le Liban en tête. D’ailleurs, M. Farouk Kaddoumi, chef du département politique de l’OLP (notre photo), est venu à Beyrouth cette semaine, pour réaffirmer le droit au retour des Palestiniens de la diaspora.
Nous ne parlerons jamais assez de l’implantation, surtout que ce sujet semble faire maintenant l’unanimité dans les milieux officiels américains et européens.
M. Farouk Kaddoumi, chef du département politique de l’OLP, est venu à Beyrouth pour s’en entretenir, une fois de plus, avec les responsables et dissiper leurs craintes quant à sa concrétisation.
Il était porteur, assure-t-on, d’un message personnel de M. Yasser Arafat, chef de l’Autorité palestinienne, au président Emile Lahoud, exprimant son appréciation des prises de position du chef de l’Etat et des constantes qu’il proclame dans les instances régionales et internationales, autour du droit des réfugiés de réintégrer leur terre et, partant, de s’opposer à leur implantation dans les pays où ils sont actuellement établis.
Le président de la République a réitéré devant le chef du département politique de l’OLP ce qu’il ne cesse de répéter, à savoir que l’attachement du Liban au droit de retour des Palestiniens, ne découle pas, uniquement, de la résolution 194 du Conseil de sécurité, mais du fait que le déni de ce droit annihile l’essence de la cause palestinienne.
Il nous revient que M. Kaddoumi a transmis au président Lahoud, le souhait de l’Autorité palestinienne de le voir entreprendre une action au double plan arabe et international, à partir du Liban, en sa qualité de principal opposant avec la Syrie, à tous les projets d’implantation, en vue de préparer un forum mondial à consacrer à cette grave affaire.
Il s’agirait d’une conférence internationale appelée à élaborer un plan d’action commun efficace, en vue de mettre en échec toute tentative destinée à faire adopter de tels projets qui servent, en définitive, les intérêts de l’Etat hébreu et ses visées expansionnistes.
Les pourparlers de M. Kaddoumi à Beyrouth ont, également, porté sur les conciliabules palestino-israéliens ayant débouché sur “l’initiative de Genève”. Les responsables libanais ont émis des réserves sur cette initiative, pour la simple raison qu’elle ignore le problème des Palestiniens de la diaspora et méconnaît leur droit au retour en Terre sainte.
Le président Lahoud a attiré l’attention sur le fait que les formules et projets ambigus ne peuvent favoriser la solution du conflit israélo-arabe. “L’attachement aux résolutions de la légalité internationale, soutient-il, la fermeté dans les positions envers les causes justes et la persistance de la résistance pouvant maintenir vivante la première cause des Arabes dans la conscience et la communauté mondiales... D’ailleurs, la création de l’Etat hébreu en 1948 était conditionnée par la nécessité d’assurer le retour des Palestiniens à leur terre dont ils ont été expulsés manu militari”.
                               
10. Irak : nouveau Vietnam ? par Gilles Munier
in 7 Jours du samedi 3 janvier 2004
En 30 ans de voyages en Irak, je n’ai jamais rencontré personne croyant l’armée irakienne capable de barrer la route aux Américains. En revanche, six mois avant l’agression américaine, la plupart des Irakiens se disait prêt à résister en cas d’occupation de leur pays et il était presque de notoriété publique que le parti Baas s’était doté d’une direction clandestine, que des cellules dormantes attendaient leur heure et que des caches d’armes étaient aménagées dans le pays. 
En arrêtant Saddam Hussein, George W. Bush a gagné des points dans les sondages, mais il ne peut plus accuser la guérilla d’être composée de « gangs de tueurs nostalgiques à la solde du président irakien ». Dans quelques semaines, il s’apercevra – paradoxalement – que sa capture a galvanisé la Résistance. En humiliant son adversaire, il a soulevé une vague de haine dans tout le monde musulman. La version américaine de l’arrestation est maintenant remise en cause par un groupe indépendantiste kurde qui la revendique. D’autres affirment que des gaz paralysants ont été utilisés pour l’arrêter. En tout cas sur les images présentées à la télévision, il était blessé et drogué . Finalement, le plus étonnant c’est qu’on ait laissé Saddam Hussein en vie. Est-ce pour faire chanter des personnalités politiques occidentales qui risquent d’être accusées de « complicité de crime contre l’Humanité » ? S’il meurt en prison – assassiné pour le faire taire ou non - il deviendra un martyr aux yeux de nombreux musulmans.
Sur le terrain malgré les centaines d’arrestations, les GI’s s’enlisent. Faut-il pour cela parler de « nouveau Vietnam », comme le font des commentateurs américains ? Quels sont les points de comparaison entre les deux guerres ? Lyndon Johnson avait prétexté d’un incident douteux dans le Golfe du Tonkin pour déclencher l’escalade guerrière contre Hanoi. George W. Bush, lui, a agité la menace fictive des armes de destruction massive irakiennes. Certes, il y a moins de morts en Irak qu’au Vietnam, mais leur impact sur l’opinion américaine est différent. Le Pentagone a tellement martelé la théorie du « zéro mort » qu’un militaire tué en vaut maintenant des dizaines. Résultat : cette fois le « bourbier » est d’abord dans les têtes. Il n’a pas fallu cinq ans pour attendre les premières réactions des familles de soldats.
Apparemment l’Etat-major américain n’a tiré aucun enseignement de la défaite vietnamienne. Il se prépare à « irakiser » la guerre comme il a « vietnamisé » celle du Vietnam. Nous allons assister à une ronde de gouvernements irakiens fantoches et d’hommes soi-disant providentiels. L’US Army va se calfeutrer dans des bases « imprenables » pour limiter ses pertes. Des milices locales feront régner la terreur. Demain, l’Iran et la Syrie seront tenus pour responsables de la dégradation de la situation, comme l’ont été hier le Cambodge et le Laos. Ils seront peut être bombardés, déstabilisés. Et après ? Même si l’URSS et la Chine maoïste n’existent plus, même si la Résistance irakienne n’a pas la cohésion du Vietcong, elle a derrière elle une majorité d’Irakiens, le monde musulman et une partie de l’opinion publique mondiale. Quantités négligeables pour George W. Bush ? Staline disait aussi : « Le Pape !  Combien de divisions ? ». On connaît la suite. Parions qu’il ne faudra pas dix ans avant que les Américains s’en aillent.
                                                      
11. Pourquoi les accords de Genève ne sont pas viables par Thierry Meyssan
on Réseau Voltaire
- Décembre 2003
Les accords de Genève, le nouveau plan de paix né de " l'initiative citoyenne " de l'Israélien Yossi Beilin et du Palestinien Yasser Abed Rabo, ont bénéficié, depuis leur apparition sur la scène internationale, de relais de communication exceptionnels. Lors de leur signature protocolaire, on trouvait parmi les délégations un grand nombre de personnalités, acteurs, chanteurs, philosophes. Des hommes d'État tels que Colin Powell et Tony Blair ont salué la démarche. Une étude approfondie de l'accord révèle pourtant que, loin d'être la solution idéale à tous les problèmes, ce texte ne permet pas d'envisager la mise en œuvre durable de la paix.
Des accords de paix israélo-palestiniens ont été signés en grande pompe à Genève, le 1er décembre. Un impressionnant parterre de personnalités, venues du monde entier, assistait à la cérémonie, tandis que la presse internationale versait des louanges sur les principaux négociateurs, l'Israélien Yossi Beilin et le Palestinien Yasser Abed Rabo. D'une manière générale, les commentateurs voient là le redémarrage du processus d'Oslo, interrompu par l'assassinat de Rabin, et la preuve que la " solution à deux États " peut être mise en œuvre immédiatement. C'est tout au moins ce que l'on voudrait nous faire croire. Je m'efforcerai de démontrer le contraire : l'initiative de Genève montre par défaut que la solution à deux États est définitivement impossible.
Il existe une quantité de plans de paix concurrents. Outre l'Initiative de Genève, on connaît notamment l'accord Ayalon-Nusseibeh, la Feuille de route du Quartet diplomatique et l'Initiative arabe du prince Abdallah d'Arabie saoudite. Sans parler du projet Erdan. Le problème ne réside donc pas dans l'absence de propositions.
Lorsqu'on présente ces plans au public, on détaille les concessions des uns et des autres. Comme si la paix était le fruit d'un troc, d'un marchandage. Puis, on compare les différents plans entre eux pour évaluer lequel est le plus avantageux pour tel ou tel camp. Enfin, on explique les diverses oppositions à ce plan en fonction d'intérêts particuliers, avant de conclure que son rejet est imputable à des fanatismes. Cependant l'Histoire nous apprend que pour réussir, un plan de paix doit répondre à des critères formels de négociation. Et il se trouve, que depuis cinquante ans, aucun de ces critères n'a jamais été rempli par les plans de paix successifs pour le Proche-Orient, y compris la récente initiative de Genève.
Illégitimité des négociations secrètes
En premier lieu, si l'évaluation des problèmes peut-être réalisée par des personnes non-mandatées, dans le cadre d'initiatives privées, voire dans le secret, les négociations proprement dites ne peuvent être conduites que par ceux qui sont en situation d'appliquer les décisions. Lorsque le pouvoir est détenu par des monarques, les négociations peuvent avoir lieu de personne à personne dans le secret. Mais, lorsque le pouvoir appartient aux peuples, ceux qui les représentent doivent leur rendre compte pas à pas, faute de quoi aucune décision ne sera applicable. À l'issue de la Première Guerre mondiale, les démocraties s'étaient engagées à ne plus jamais recourir à la diplomatie secrète parce que l'expérience avait montré que des accords négociés en secret étaient source de guerre. L'ONU a été construite sur ce principe. L'initiative de Genève est, de ce point de vue, de toute manière vouée à l'échec.
Exclusion de certains protagonistes
En second lieu, pour réussir, des négociations doivent impliquer toutes les parties concernées. Or, les événements de Palestine sont présentées depuis des années comme un conflit opposant les Israéliens aux Palestiniens. On en conclut donc que ces deux groupes peuvent régler le problème à eux deux. Pourtant, il est absurde de prétendre que les Israéliens en veulent aux Palestiniens. Lorsqu'il a formulé le projet sioniste, Theodor Herzl n'envisageait pas d'installer l'État juif en Palestine, mais en Argentine, puis en Ouganda.
Ce sont les Britanniques, en 1917, qui ont fixé le foyer national juif en Palestine. Et chacun peut constater que les États-Unis sont aujourd'hui partie prenante du conflit. En outre, l'expulsion des Palestiniens a provoqué des migrations dans toute la région, étendant ainsi le problème au monde arabe. Enfin, la querelle sur la souveraineté de Jérusalem concerne les croyants de trois religions monothéistes : les juifs, les chrétiens et les musulmans. Il est vain d'exclure tous ces protagonistes des négociations et de prétendre leur imposer une solution. C'est pourtant la tactique qu'a imposée Henry Kissinger, il y a trente ans, et que l'on poursuit encore. Cela s'appelle diviser pour régner.
Abandon du droit au retour
En troisième lieu, des négociations doivent distinguer ce qui est fondamental de ce qui est aménageable. Nul ne peut marchander les Droits de l'homme. Or, la résolution 194, adoptée par l'ONU en 1948, proclame que le " droit au retour " des Palestiniens est " inaliénable ".
Ce droit s'applique aux personnes expulsées par la force et à leurs héritiers, soit aujourd'hui environ 4 millions de personnes. Bien sûr, il ne s'agit pas d'un droit à revenir habiter sa maison, car celle-ci peut avoir été détruite. Mais un droit de retrouver sa terre et de disposer d'une juste compensation de l'expropriation que l'on a subie.
Sur ce point, l'initiative de Genève est fort confuse et les différents négociateurs en ont d'ores et déjà une interprétation différente. Pour Yasser Abed Rabo, le "droit au retour" a été aménagé, mais pour Yossi Beilin, il a été abandonné. Or, le propre d'un droit inaliénable, c'est que nul ne peut y renoncer, pas même celui qui en jouit.
Par ailleurs, pour les principaux partis politiques israéliens, le " droit au retour " est vécu comme une menace pesant sur la survie de l'État juif. En effet, la présence physique de 4 millions de Palestiniens sur le territoire israélien ferait basculer l'équilibre démographique d'un pays de 6,6 millions d'habitants, qui comprend déjà 1,2 millions d'Arabes. En négociant illégitimement et illégalement le " droit au retour " des Palestiniens, les initiateurs du pacte de Genève ont en réalité cherché à régler un autre problème : la nature de l'État d'Israël.
La " solution à deux États " arrive trop tard
Nous arrivons là à la quatrième condition nécessaire à la négociation juste d'un accord de paix : définir l'architecture finale avant de débattre des aménagements intérieurs. Ici la question est de savoir si l'on cherche un État fédéral bi-national, comme le souhaitait l'ONU au départ ; ou deux États distincts, comme on le prône aujourd'hui ; ou encore un seul État garantissant les droits individuels de chacun à égalité comme on sera forcé de le faire bientôt. Le postulat de l'initiative de Genève, c'est la " solution à deux États ". Et le fait que, pour y parvenir, on ait été obligé de bafouer un droit inaliénable et de violer toutes les règles diplomatiques prouve, a contrario, que cette solution n'est plus viable.
Elle arrive trop tard
Les pères fondateurs d'Israël, en proclamant unilatéralement la création de leur État, portent la responsabilité d'avoir fait échouer, il y a cinquante ans, la solution de l'État binational. Ils ont trop attendu pour la solution à deux États. Il ne reste plus que la décolonisation au sens où elle a été conduite en l'Afrique du Sud, mais il leur manque des hommes de la trempe de De Klerk et Mandela. Le fond du problème réside dans le caractère anachronique du projet sioniste, dernier reliquat du nationalisme ethnique du XIXe siècle. Ce projet n'a plus de sens dans un monde démocratique et globalisé. Il faudra bien admettre que, pour se pérenniser, Israël doit devenir un État comme les autres, avec une population hétéroclite.
L'initiative de Genève nous apprend qu'il existe une alternative en Israël à la politique d'Ariel Sharon, mais elle nous montre aussi que l'opinion publique israélienne n'est pas encore mûre pour prendre les décisions qui s'imposent. Le soutien apporté par de nombreux intellectuels européens et par la presse internationale à cette initiative illustre leur volonté de se démarquer de Sharon, sans pour autant accepter l'égalité en Palestine.
                               
12. Accord de Genève - Complicité avec le crime d'Apartheid par Daud Abdullah
in The Palestine Times (e-mensuel palestinien) du mois de décembre 2003
[traduit de l'anglais par Claude Zurbach]

(Daud Abdullah est chercheur au Palestinian Return Center et éditeur de la revue Return.)
De tous les endroits du monde sous les feux de l'actualité, le Moyen-Orient est certainement le plus lucratif pour l'industrie des "résolutions de conflit". Cette région du monde est à ce point privée de paix que n'importe quel plan peut s'y vendre. Avec la "Feuille de route" qui est tout sauf officiellement enterrée, plusieurs initiatives sont en concurrence pour lui succéder. Le dernier "jeu à la mode" est l'accord de Genève.
Après le fiasco du processus de Madrid, les courtiers en paix sont retournés là où tout a commencé, c'est-à-dire en Suisse. L'importance symbolique de ce pays est sans égale. C'est dans la ville de Bâle que le premier congrès sioniste a lancé son programme de promotion de "la colonisation de la Palestine par des travailleurs et agriculteurs juifs".
Hélas, même avec l'ensemble des structures et institutions du régime colonial encore en place, un groupe d'opposants Israéliens et d'officiels Palestiniens ont choisi Genève comme lieu de signature de leur agrément pour une paix finale. Le document de 10 000 mots est largement considéré comme une production intellectuelle de l'ancien ministre de la Justice israélien, Yossi Belin, ainsi que de Yasser Abed Rabbo, l'ancien ministre palestinien de l'Information.
Toile de fond et timing
Si on laisse de côté le symbolisme de Genève, le moment choisi pour la proclamation de l'accord parait beaucoup plus significatif. Cet accord survient dans une période où la seconde Intifada a plongé l'état d'Israël dans la pire crise sociale et économique qu'il ait connu depuis sa création.
Après trois années de résistance à l'occupation [imposée aux Palestiniens - N.d.T], l'économie israélienne est en phase de déclin continu. Tourisme, investissements, et exportations sont tous virtuellement paralysés : 66 % des services liés au tourisme ont fermé et leurs revenus stagnent à 500 millions de dollars US, comparés aux 7 milliards de 1990. L'ensemble des pertes subies par les industries touchées dépasse les 6,5 milliards de dollars US.
Dans le même temps une étude produite par le Secrétariat Général des Affaires Economiques de la Ligue Arabe estime que la poursuite de l'agression israélienne et de la résistance palestinienne entraînent pour l'économie israélienne une perte journalière de 30 millions de dollars US. La production en provenance des implantations coloniales a chuté de 70 % après que près de 50 % des colons aient quitté les colonies. Alors que le nombre de migrants vers Israël ne dépasse pas les 15 % du nombre projeté, on estime à 250 000 le nombre d'Israéliens ayant quitté leur pays.
Quant au niveau social, le quotidien israélien, Yediot Ahronot, rapporte le 18 février 2002 que un israélien sur trois souffre d'une forme de désordre psychologique. L'usage de stupéfiants est en augmentation, spécialement dans l'armée. Et, comme c'est toujours le cas, cette augmentation s'est doublée d'une augmentation régulière de la criminalité, en particulier dans les vols, les meurtres, les viols.
Voici ce qu'il en est du contexte de l'accord de Genève.
Une annexe d'Oslo
Dans les milieux officiels, Il n'y a eu aucune limite dans les louanges vis à vis de l'accord de Genève. Du candidat sortant Tony Blair aux personnalités d'hier comme Bill Clinton, Nelson Mandela et Fréderic de Klerk, les leaders mondiaux ont clairement fait bon accueil à cet accord. Comme prévu, les mots récurrents dans leur concert de louanges sont "pragmatisme" et "concessions". Le fait que cet accord s'attaque aux questions de Jerusalem, des réfugiés et des colonies leur parait suffisant pour devoir gagner leur support et leur recommandation. Mais savoir si cet accord est conforme aux contraintes imposées par les lois internationales et par les Nations Unies est sans importance.
Sur le futur de Jerusalem, les parties sont d'accord sur le partage de la ville entre deux pays, chacune des entités étant une capitale. En regard aux réfugiés, le document évite la formule de "droit au retour". Il suggère qu'une partie des réfugiés restent dans leurs lieux d'habitation actuels, tandis que d'autres seraient absorbés par l'Etat Palestinien promis. Un nombre limité serait rapatrié en Israël, selon les propres critères de celle-ci. Et, au nom du "réalisme" Israël serait autorisé à conserver la majeure partie des colonies de Gush Etzion, Maale Adumim, Ariel et Kiryat Arba'a et des terres occupées.
Les parties de l'accord de Genève se déclarent non liées par les termes de cet accord et qu'ainsi il n'a aucune statut légal. Sa valeur supposée est d'être uniquement un cadre conceptuel avec des recommandations spécifiques sur le prix à payer pour la Paix. Pour commencer, cet arrangement était en préparation depuis 1995. Il est dans sa forme actuel une annexe de la Déclaration de Principes de 1993. Après la signature de cette dernière, il est apparu évident aux deux protagonistes qu'ils ne pourraient pas différer indéfiniment la résolution des questions de Jérusalem, des réfugiés, des colonies, des frontières et de l'eau.
Donc Bellin, agissant en connaissance de cause du premier ministre Rabin et du ministre des affaires étrangères Peres, organisa une série de rencontres à Tunis avec la direction de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP). Après plus de 20 rencontres tenues secrètes en divers lieux en Europe et au Moyen-Orient, les deux parties ont trouvé un arrangement appelé "Cadre pour la conclusion d'un accord définitif entre Israël et l'OLP". Ceci fut complété lors d'une rencontre dans un immeuble de Tel Aviv le 31 octobre 1995. Mis au courant des conclusions de cet arrangement, Rabin fut cependant assassiné le 4 novembre avant l'avoir officiellement approuvé. Le plan fut laissé en l'état après la défaite électorale de Péres en 1996.
Le récent soutien américano-israélien à Abu Mazen a été largement encouragé par le rôle que celui-ci a joué dans cet arrangement et en particulier en ce qui concerne la solution de la question des réfugiés.
Nous pouvons lire dans la section I de l'Article VII :
"Alors que le côté Palestinien considère que le droit pour les réfugiés Palestiniens de retourner dans leurs foyers est inscrit dans la loi internationale et dans une justice naturelle, il reconnait que les contraintes liées à la nouvelle période de paix et de coexistence ainsi que les réalités qui se sont imposées sur le terrain depuis 1948 ont rendu la mise en oeuvre de ce droit impraticable. Le côté Palestinien déclare en conséquence sa disposition à accepter et à mettre en oeuvre une politique et des mesures qui assureront autant que possible la sécurité matérielle et le bien-être de ces réfugiés."
De Taba à Genève
Après l'échec des négociations de Camp David à l'été 2000, les deux parties se sont retrouvées à Taba en janvier 2001 afin d'examiner des propositions de conciliation. Beilin conduisait l'équipe israélienne sur la question des réfugiés. Dès le début son objectif a été de se débarrasser du droit légal et historique appartenant aux réfugiés en mettant tout en oeuvre pour faire accepter un "arrangement pratique, mutuel et acceptable" entre Israël et la direction palestinienne, arrangement qui mettrait fin à toute revendication.
Lorsque les négociations ont cessé, Beilin proclama que lui-même et Nabil Shaat avait trouvé un arrangement sur la question des réfugiés, mais Ahmed Qureih - Abu Ala'a - le désavoua et fit une déclaration selon laquelle " ... Les Palestiniens insistent sur le Droit au Retour, et Israël est le seul à le rejeter".
En effet, l'accord de Genève représente un pas en arrière par rapport aux propositions mises sur la table à Taba. Alors que le papier "non officiel" de Beilin à Taba ne mentionnait le Droit au Retour qu'une seule fois, et encore entre guillemets, l'ingénieux document de Genève n'arrive même pas au niveau de cette concession. Au lieu de cela, les parties en cause se sont mises d'accord pour transformer le Droit au Retour pour les Palestiniens en un privilège sélectif à la discrétion et au bon vouloir d'Israël.
L'accord ne représente pas une solution durable
En réalité, l'accord ne représente pas une solution durable car il ne prévoit aucune disposition pour qu'un choix individuel et volontaire puisse être fait en ce qui concerne le rapatriment. La meilleure méthode pour la résolution du problème des réfugiés est l'exercice de la Loi de rapatriement des réfugiés. Les conclusions du Comité Exécutif de l'UNHCR [Haut Commissariat aux Réfugiés - Nations Unis - N.dT] de 1980 et 1985, respectivement les conclusions 18 et 40, spécifient que "le rapatriement des réfugiés ne peut avoir lieu qu'à la condition d'un souhait librement exprimé; le caractère individuel et volontaire du rapatriement des réfugiés ainsi que le besoin d'être déplacé dans des conditions d'absolue sécurité et de préférence sur le lieu de résidence d'origine du réfugié dans son pays, doivent être toujours respectés".
Toutes choses étant égales, chacun pourrait s'attendre à ce que le premier ministre Ahmad Qureih réagisse de la même façon qu'il avait réagi aux propositions de Taba en 2001. La nécessité de disposer d'un Etat ne justifie pas d'accepter une offre avec de tels défauts. Et surtout lorsque les négociations sont conduites sur la base des attentes israéliennes et non pas sur la base de ce qui est juste et légitime.
Ceci dit, Mr Qureih doit également écouter et respecter les souhaits des réfugiés. Leurs besoins et leurs aspirations sont bien connus. Une commission d'enquête du Palement Britannique sur les conditions de vie des réfugiés Palestiniens fait savoir dans son rapport qu'après avoir visité les camps de réfugiés en Syrie, au Liban, en Jordanie ainsi qu'en Cisjordanie et à Gaza, à quel point elle a été "... surprise et impressionnée par l'unité de vue manifestée par la majorité des réfugiés. Où que nous ayons été, les réfugiés partagent le point de vue selon lequel le Droit au Retour doit s'appliquer à tous les réfugiés, sans s'arrêter à leur condition physique ou financière, et où qu'ils soient."
Mis en face d'un grand nombre de témoignages équivalents, les auteurs de l'accord de Genève n'ont prévu aucune disposition permettant aux réfugiés Palestiniens de mettre en pratique leur droit à choisir de revenir. Le principe du choix individuel a toujours été le point focal de toute solution durable. Ceci est mis en évidence dans les rapports du médiateur des Nations Unies dont les recommandations sont à la base de la résolution 194. L'accord de Genève ignore ce principe et aborde ce sujet comme un marchandage politique entre Israël et l'OLP pour la promesse d'un Etat.
En addition, cet accord mise sur la fin du conflit et sur la fin de toutes les revendications palestiniennes avec la pleine reconnaissance d'Israël et de la nature juive de son Etat - c'est-à-dire un Etat dans lequel les citoyens juifs sont majoritaires et contrôlent le pays. En conséquence, Israël conserverait perpétuellement la terre de la Palestine historique pour tous les juifs du monde. Entretemps, la majorité des réfugiés Palestiniens qui pourraient être ramenés dans leurs maisons et leurs villages sont appelés à renoncer à leur Droit au Retour.
Une telle discrimination basée sur la race, la couleur, les origines, l'appartenance nationale ou ethnique est définie par les Nations Unies comme étant du racisme. Et toute mesure législative ou autre ayant pour objectif de provoquer la destruction physique d'un groupe racial, de dénier délibérément à ses membres la liberté de retourner dans son pays et le droit à la vie et à la liberté est considéré comme un crime d'apartheid par la Convention Internationale de 1973 pour la Suppression et la Punition du Crime d'Apartheid.
Le déni du droit des Palestiniens au retour sous le prétexte que ce droit est une menace pour la nature juive d'Israël est un crime. La "responsabilité criminelle au niveau international s'applique aux individus, membres d'organisations, institutions et responsables d'Etat qui directement se font les complices, encouragent ou coopèrent dans 'acte criminel d'Apartheid, quel que soit le motif invoqué". [Art. III]. Ceci inclue les auteurs, sponsors et supporters de l'accord de Genève.
[Paru sur le site des CCIPPP - Campagne Civile Internationale pour la Protection du Peuple Palestinien - 21 ter, rue Voltaire - 75011 Paris - Email : ccippp@club-internet.fr - Tél-fax : 01 42 54 71 23 - Site : www.protection-palestine.org]
                                   
13. Israël et l’Empire - Une interview de Jeff Halper propos recueillis par John Elmer
on Togethernet le vendredi 28 novembre 2003
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

(Jeff Halper, anthropologue, est le Coordinateur du Comité Israélien contre les Démolitions de Maisons [ICAHD – Israeli Committee Against House Demolitions]. John Elmer effectue actuellement des reportages depuis la Palestine, il est l’éditeur de http://www.FromOccupiedPalestine.org, cet entretien a été effectué le 20 septembre 2003.)
John Elmer : [J.E.] : Vous utilisez l’expression « matrice de contrôle » pour décrire l’occupation israélienne ? Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit, et comment cette matrice de contrôle fonctionne-t-elle ?
Jeff Halper [Halper] : Le conflit israélo-palestinien est souvent présenté en termes de territoires : la fin de l’occupation, un Etat palestinien viable, et ce que cela signifie en termes de territoires. Mais deux Etats, et la cessation totale de l’occupation, même dans le meilleur des scénarios, n’est pas la solution la plus satisfaisante. La totalité de l’Etat palestinien n’occuperait que 22 % du pays, et il serait divisé entre la Cisjordanie et la bande de Gaza. L’Etat d’Israël, aujourd’hui, à l’intérieur des frontières de 1967, représente 78 % de la superficie du pays (= la Palestine historique, ndt).
J.E. : Ainsi, même dans la situation idéale, après la fin de l’occupation et un retrait total d’Israël à l’intérieur de ses frontières antérieures à 1967, l’Etat palestinien ne représenterait que 22 % du territoire du pays ?
Halper : Israël ne peut pas concéder plus que cela – et encore, la question se pose encore. Mais si Israël veut un Etat palestinien, c’est (uniquement) parce qu’il veut se débarrasser de trois millions et demi de Palestiniens. Les Palestiniens qui vivent, aujourd’hui, dans les Territoires occupés. Au cas où il ne pourrait pas les expulser du pays, Israël veut tout au moins les enfermer dans un mini-Etat du type bantoustan. Ainsi, le problème est cantonné dans les considérations territoriales, et la question – fondamentale – qui est occultée est celle du contrôle de ce territoire. Le problème est le suivant : les Palestiniens, à la fin des fins, auront-ils un Etat disposant d’un potentiel de développement économique, d’une souveraineté politique réelle, du contrôle de ses frontières, de ses ressources, comme, notamment, l’eau ?
Les Palestiniens auront-ils un Etat établi sur un territoire cohérent, à l’intérieur duquel les gens pourront se déplacer librement ? Sera-ce un véritable Etat, même si cet Etat est petit, s’agira-t-il d’un bantoustan contrôlé par Israël ? Et si tel est le cas, la matrice de contrôle nous indique de quelle manière Israël contrôle les Palestiniens : en incorporant la Cisjordanie à Israël proprement dit au moyen de routes, en connectant les réseaux électriques, les réseaux d’eau, les services urbains, etc. Elle nous indique qu’Israël entend conserver le contrôle militaire, le contrôle sur certaines parties du pays, comme Jérusalem et certaines parties de la Cisjordanie, ce qui aura pour résultat, au final, de concéder aux Palestiniens des îlots non-viables.
Cette matrice de contrôle nous indique de quelle manière s’opère la planification juridique, administrative et bureaucratique afin de contrôler les déplacements, les constructions et l’activité économique des Palestiniens. En d’autres termes, ce que nous indique la matrice de contrôle, c’est qu’au-delà du problème du contrôle militaire, et parallèlement au problème territorial, Israël exerce un contrôle très serré et multiforme sur la Palestine. Israël contrôle l’eau, les frontières, Jérusalem, l’armée des Palestiniens, leur liberté de mouvement. Et à moins que la matrice de contrôle ne soit démantelée, nous n’aurons pas fait grand-chose. La différence entre un Etat palestinien – fût-il minuscule – et un bantoustan, c’est précisément l’existence, ou non, de cette matrice de contrôle.
Aujourd’hui, je ne pense pas qu’il soit possible de la démanteler. Je pense qu’elle est allée beaucoup trop loin, et que l’occupation est définitive. Nous vivons dans un état d’apartheid. Mais tout le monde n’est pas d’accord avec moi sur ce point. Uri Avnery n’est pas d’accord avec moi ; les gens qui sont en faveur d’une solution à deux Etats persistent à penser que nous pouvons mettre un terme à l’occupation, ou que nous pouvons la rouler un peu, comme un tapis, tout juste assez pour qu’un semblant d’Etat palestinien puisse émerger…
Mais le danger, chez ceux qui se prononcent pour un Etat palestinien (et donc, pour une solution à deux Etats, ndt), c’est qu’ils ne comprennent pas les dimensions de ce contrôle israélien. En réalité, ils ne font que militer en faveur de l’instauration d’un bantoustan ! Je m’explique : Sharon, lui aussi, veut un Etat palestinien ; il veut un Etat entièrement contrôlé par Israël. Ainsi, si vous vous contentez de vous focaliser sur un arpent de territoire et que vous ignorez le problème fondamental du contrôle (israélien), vous ne faites, en fin de compte, que prôner l’instauration d’un bantoustan.
J. E. : Voyez-vous un plan politique de long terme du côté israélien ? Ou alors, s’agit-il seulement de réactions ?
Halper : Eh bien, voyez-vous, Sharon est accusé de ne pas avoir de vision politique, et de se contenter de frapper sur l’ « infrastructure terroriste », comme ils disent. Mais je pense qu’il y a bien un véritable projet politique, très précis : l’apartheid. Sharon appelle ce plan : la cantonisation. Il consiste en la création d’un Etat palestinien sur environ 42 % de la Cisjordanie, en trois ou quatre cantons isolés, contrôlés – tous – et encerclés – tous – par Israël. Ce plan implique d’amener les Palestiniens à se soumettre en adoptant une direction fantoche qui signera le décret de création de ce bantoustan, cette cantonisation. Cela implique également que l’on se débarrasse de la classe moyenne palestinienne qui s’y opposera au moyen de ce qu’il est convenu d’appeler le « transfert tranquille » - c’est-à-dire en les chassant du pays en les contraignant à un habitat médiocre, à un système éducatif indigent et au marasme économique, afin de créer une masse palestinienne extrêmement malléable qui acceptera, dès lors, simplement et passivement un bantoustan. Sharon ne dit pas cela explicitement ; il laisse les choses dans le vague, de manière délibérée, mais c’est bien ce vers quoi il se dirige.
J. E. :  S’orienter vers une solution à un seul Etat, comme vous le suggérez, augmenterait-il la possibilité d’un nettoyage ethnique « traditionnel » ? Comme l’a dit Sharon, il y a déjà un Etat palestinien : la Jordanie… ?
Halper : Cela dépend du degré de la menace ressentie par Israël. Israël n’a pas besoin de procéder à un nettoyage ethnique, à ce stade, parce qu’il est dans une situation où il contrôle la totalité de la Palestine historique. Un Etat palestinien est une nécessité, pour Israël, parce que tant que vous n’aurez pas mis les Palestiniens dans un Etat qui leur soit propre, Israël sera réellement confronté à un danger existentiel. Il y a trois millions et demi de Palestiniens dans les Territoires, et près d’un million en Israël, qui menacent la majorité juive. Aussi, le seul moyen pour conserver une majorité juive, c’est de contrôler l’ensemble de la Palestine historique. C’est-à-dire, de prendre les Palestiniens, de les mettre dans ces petits îlots, et de les appeler « Etat ». C’est ce qu’Israël va tenter de faire. Maintenant, cela risque de ne pas très bien marcher, à cause, par exemple, de la communauté internationale, qui n’acceptera pas l’idée d’un bantoustan – comme cela s’est passé en Afrique du Sud – ou encore à cause de la résistance palestinienne, ou du développement d’un mouvement en faveur d’un seul Etat, ou encore des réfugiés, qui peuvent manifester fortement leur volonté de retourner chez eux – c’est précisément, dans ce type de situation où Israël se sentirait démographiquement – et par conséquent, de manière existentielle- menacé, qu’il pourrait avoir recours au transfert, en désespoir de cause.
J. E. : Commentant l’option de l’expulsion (des Palestiniens), David Ben-Gourion a écrit, dans les années 1930 :
« Ce qui est inconcevable en temps ordinaire devient possible dans un contexte révolutionnaire ; et si, aujourd’hui, l’opportunité est manquée et si ce qui est possible, en ces heures historiques n’est pas mené à bien – c’est un monde entier qui serait perdu. » Les assassinats (ciblés) qu’effectue actuellement Israël aujourd’hui sont-ils, à votre avis, une tentative de créer les conditions de « temps révolutionnaires », de manière très semblable à la façon dont les bombardements du Sud Liban, en 1981 et au début 1982 visaient à provoquer les inévitables représailles qui fourniraient le prétexte de l’invasion du Liban, en 1982 ?
Halper : Ces assassinats sont, en partie, une tentative de détruire toute direction nationale palestinienne authentique. Israël a besoin d’un Quisling, d’un dirigeant fantoche et collaborateur – comme ceux des bantoustans en Afrique du sud – afin d’assurer la bonne marche de son plan d’apartheid. J’ai demandé à un ami palestinien, récemment : « Regarde, Abou Mazen (Mahmoud Abbas), cela n’a pas marché, Abu Ala (Ahmed Qureï) ne semble pas marcher mieux ; n’y a-t-il donc aucun dirigeant palestinien qui tienne la route ? Il m’a répondu : « Non, en effet : Israël les a tous tués ! ». A l’instar d’Abu Jihad (Khalil al-Wazir), chef de l’aile militaire de l’OLP, assassiné à Tunis en 1988, les dirigeants palestiniens déterminés ont été assassinés par Israël. Et aujourd’hui, Israël menace de s’en prendre à Arafat. Le jeu, pour Israël, consiste à éliminer les dirigeants qui pourraient réellement lui tenir tête, et à ne laisser en vie que ceux des dirigeants palestiniens susceptibles de signer le marché de dupe permettant l’émergence des bantoustans qu’Israël leur réserve. Je pense que cela fait partie de la stratégie israélienne. Israël est convaincu de pouvoir vaincre les Palestiniens militairement, qu’il peut les soumettre. Il doit donc briser les Palestiniens militairement.
J. E. : Y a-t-il une solution militaire ?
Halper : Sharon est convaincu qu’il y en a une. Le gouvernement israélien et l’armée israélienne travaillent à partir de l’hypothèse qu’il s’agit d’une situation gagnant-perdant : nous pouvons vaincre, et ils (les Palestiniens) peuvent perdre, pensent-ils. D’ailleurs, le chef d’état-major de l’armée israélienne, Moshe Ya’alon, a déclaré au quotidien Yediot Ahronoth, il y a environ deux mois, que nous avions gagné, et que nous ne faisons pas autre chose, aujourd’hui, que le ménage. Les assassinats s’inscrivent dans la guerre menée par Israël afin d’écraser les Palestiniens, et ils font aussi partie du processus politique consistant à éliminer les dirigeants qui n’accepteraient pas l’option « bantoustan ».
J. E. : Pouvez-vous nous décrire et expliciter ce que vous avez appelé le « paradigme panique » à l’intérieur de la société israélienne – et comment le simple fait que Sharon ait serré la main à Arafat à Oslo a profondément ébranlé le paradigme « les Arabes sont nos ennemis » ?
Halper : Des années 1920 jusqu’en 1993, toutes les générations d’Israéliens successives ont grandi dans la notion que « les Arabes sont nos ennemi ». Nous sommes les gentils ; ils sont les méchants : ils sont des terroristes, ils ne veulent qu’une chose : nous tuer ; ils ne veulent rien d’autre que nous « jeter à la mer » - il n’y a pas de solution politique. Après Oslo, on constate un petit changement. A Oslo, le monde entier nous regardait. Sur tous les écrans de la télévision, en Israël, on a pu voir Yitzhak Rabin, un militaire, serrant la main de Yasser Arafat. Peut-être y aura-t-il un Etat palestinien, peut-être plus d’occupation, peut-être plus de problème de réfugiés : en voilà assez pour créer une véritable panique, que j’ai appelée le « paradigme panique ». Ainsi, par exemple, on pouvait voir en Israël un autocollant, sur les pare-chocs des bagnoles, après Oslo, affirmant : « Cette paix est un cauchemar ! ». Mais, en 1994 et en 1995, il y eut une petite fenêtre d’opportunité où il semblait que le vieux paradigme était en train de changer. Mais cela a cessé, net, avec l’élection de Benjamin Netanyahu, en 1996. Les attentats du Hamas contre des autobus, en 1996, suffirent à donner à Netanyahu cette fraction de pour cent des voix qui lui permirent de battre Pérès aux élections – et cela, bien entendu, aboutit à l’effondrement total de l’ensemble du processus d’Oslo. Avec Netanyahu, vous avez un retour au vieux paradigme, et cet état d’esprit-là est encore plus fort, chez les Israéliens, aujourd’hui.
E. J. : Norman Finkelstein a fait ce commentaire : les Israéliens renvoient toujours tout à plus tard, en l’attente d’un « miracle ». Il cite plusieurs exemples : i) la déclaration Balfour de 1917, à laquelle personne ne pouvait s’attendre ; ii) l’URSS et les Etats-Unis tombant d’accord, en 1947, sur la fondation d’un Etat juif ; iii) au cours d’une très sérieuse crise économique, dans les années 1960, ce fut le « miracle » de la guerre de juin 1967 qui se produisit et, enfin, iv) le « miracle » de l’immigration d’un million de juifs soviétiques, juste au moment où la « bombe démographique » était des plus menaçante. Pouvez-vous commenter cette vision des choses ?
Halper : C’est vrai. Nous attendons. Mais nous attendons en étant en position de pouvoir. Dans tous ces cas, que vous avez mentionnés, même si nous avons connu des problèmes, nous étions tout de même la partie dominante. Aujourd’hui, aussi, nous attendons, parce que les Israéliens ne pensent pas qu’il y ait une quelconque solution. Et les Israéliens sont aussi terriblement désabusés ; nous avons un système politique qui donne réellement tout le pouvoir aux partis. Vous votez pour des partis politiques, vous ne votez pas pour des candidats, en Israël, si bien qu’il y a un fossé énorme entre les partis et l’électorat. Aucun parti politique, dans toute l’histoire d’Israël, n’a jamais obtenu une majorité à la Knesset, pas une seule fois, si bien qu’il a fallu, pratiquement toujours, créer des gouvernements de coalition, avec des partenaires que votre propre électorat n’admet pas nécessairement de gaîté de cœur. Comme l’a indiqué Avi Shlaim dans son ouvrage Le Mur de fer, lorsque Nasser proposa sa célèbre négociation à Ben Gourion, en 1954, Ben Gourion déclina son offre. Il lui dit que les Arabes finiraient, tôt ou tard, par faire la paix avec « nous » (les Israéliens), parce que « nous » sommes les plus forts.
Les Arabes seront toujours demandeurs de paix, aussi nous n’avons aucune raison de nous précipiter. D’abord, laissez-nous obtenir tout ce que nous voulons. Vous voyez bien : ce n’est pas une attente passive ! Vous créez une situation qui vous permet de sélectionner vos opportunités, et vous êtes en situation de bondir. La guerre de juin 1967 fut un miracle en ce sens qu’elle était totalement imprévisible. D’un autre côté, quand cette guerre a éclaté, Israël était on ne peut plus prêt, et il savait exactement ce qu’il allait faire. En deux semaines, furent appliqués successivement le plan Dayan (installation de juifs dans des zones arabes densément peuplées, comme à Hébron), le plan Alon (création de colonies servant de « buffers », de tampons territoriaux, dans des régions stratégiques… Et voilà : Israël n’a pas eu besoin de plus de deux semaines pour prendre le contrôle de la moitié de la Cisjordanie. Aujourd’hui, les Israéliens disent qu’il n’y a pas de solution, mais nous bénéficions du soutien des Américains, du soutien des Européens, nous sommes très forts militairement, aussi, il va bien falloir que quelque chose craque, quelque part, d’une manière ou d’une autre. Et quand cela arrivera, nous sommes fins prêts afin d’en retirer le maximum d’avantages. Pour l’instant, nous pouvons continuer à attendre…
J. E. : Noam Chomsky a dit qu’Israël est, avant tout, une base militaire américaine avancée. Quelle fonction stratégique Israël remplit-il dans l’empire américain, et qu’est-ce que cela entraîne, pour le militantisme à l’intérieur des Etats-Unis, en termes d’exigence de fin de l’occupation ? Cela rend-il l’action militante aux Etats-Unis tout aussi importante, voire même plus importante, qu’en Israël, voire même en Palestine ?
Halper : Je ne suis pas entièrement d’accord avec Chomsky – je pense qu’il sous-estime le caractère proactif d’Israël, et à quel point Israël manipule les Etats-Unis. En un sens, si vous désirez une analyse rationnelle, vous pouvez dire que le soutien américain à Israël est contre-productif, pour les Etats-Unis. Ce soutient met l’ensemble du monde arabe en ébullition, il a des conséquences fâcheuses pour les approvisionnements pétroliers, et nous avons aujourd’hui l’occupation américaine de l’Irak, qui ne peut manquer d’amener l’opinion à faire des comparaisons avec notre occupation en Palestine. L’alliance entre l’Amérique et Israël avait une raison d’être à l’époque de la guerre froide. Nous avions, en Israël, une plaisanterie qui consistait à dire que nous étions le plus grand porte-avions américain au monde. Peut-être cela avait-il un sens, à l’époque, mais : aujourd’hui ? La clé dont tout le monde a besoin, bien que Chomsky l’ait piquée, parce que c’est précisément son domaine de recherches, c’est le fait qu’Israël s’est placé délibérément, du point de vue stratégique, au centre du réseau mondial des industries d’armement. Les armes sophistiquées israéliennes et les logiciels militaires israéliens sont très importants pour le développement militaire, aux Etats-Unis. Israël est également devenu le principal sous-traitant des Etats-Unis en matière d’industries militaires. L’année dernière, tout juste, Israël a signé un contrat de formation et d’équipement de l’armée chinoise. Il a signé un autre contrat similaire, portant sur plusieurs milliards de dollars, avec l’armée indienne. Avec quoi Israël équipe-t-il l’armée indienne ? Je vais vous le dire : avec des armes américaines. D’un côté, Israël joue un rôle crucial, du fait de la sophistication de ses industries high-tech et de ses capacités commerciales.
En revanche, de l’autre, il n’y a en Israël aucune contrainte éthique, ni morale : il n’y a pas le Congrès, il n’y a aucune préoccupation en matière de droits de l’homme, il n’y a aucune loi qui interdise de toucher des pots-de-vin – le gouvernement israélien peut faire absolument tout ce qu’il veut. Ainsi, vous avez un pays voyou très sophistiqué – non pas un état voyou à la libyenne, mais un état voyou high-tech, expert en développement militaire. Et ça, il faut bien le dire, c’est terriblement utile, tant pour l’Europe que pour les Etats-Unis. Ainsi, le Congrès américain impose des restrictions aux ventes d’armes à la Chine, en raison des atteintes aux droits de l’homme perpétrées dans ce pays. Alors, que fait Israël ? Il bricole des armes américaines juste assez pour les maquiller en armes israéliennes, et voilà qui permet de court-circuiter le Congrès des Etats-Unis ! Pour la part essentielle de ses activités en la matière, Israël sert de couverture aux ventes d’armes américaines aux pays du « Tiers Monde ».
Il n’y a de régime sanguinaire – Colombie, Guatemala, Uruguay, Argentine, Chili à l’époque des colonels, Birmanie, Taiwan, Zaïre, Liberia, Congo, Sierra Leone – qui n’ait des relations militaires primordiales avec Israël. Les dealers d’armement israéliens se trouvent dans ces pays, où ils se comportent en mercenaires – le type, derrière Noriega, était Michael Harari, un Israélien, qui a pu se tirer à temps du Panama. Les mercenaires israéliens en Sierra Leone contournent les boycotts de l’ONU, imposés à ce que nous appelons les diamants sanglants ; il en va de même en Angola. Israël était très impliquée en Afrique du Sud, bien entendu, comme on sait, au temps de l’apartheid. Aujourd’hui , Israël développe un système de missiles avec l’Angleterre, un nouveau type d’avion de chasse avec la Hollande, et il vient d’ «acheter » trois sous-marins nucléaires sophistiquées l’Allemagne. On le voit : Israël joue dans la cour des grands !
Les trafiquants d’armes israéliens sont très à l’aise, ils sont comme des poissons dans l’eau, dans des pays rudes et troublés où les Américains se feraient bouffer tout crus : l’Ouzbékistan, le Kazakhstan, la Russie, la Chine, l’Indonésie sont des pays où les Américains ne peuvent absolument pas opérer, d’une part en raison des pratiques du business qui y prévalent, d’autre part parce que des contraintes politiques (du Congrès) et juridiques les en empêchent. C’est là précisément le chaînon manquant. Si vous consultez le site ouèbe de l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee), le principal lobby pro-israélien aux Etats-Unis, vous verrez une rubrique : « Coopération stratégique ». Les Etats-Unis et Israël ont conclu un traité officiel, scellant une alliance officielle, en vertu duquel Israël a accès à pratiquement toutes les données ultra-secrètes sur la technologie militaire américaine. Lorsque l’Aipac vend Israël au Congrès américain, il ne va pas voir les membres du Congrès pour leur demander de soutenir Israël parce qu’il est judéo-chrétien, ou parce qu’il s’agirait de la seule démocratie au Proche-Orient, ou je ne sais pas quoi (bien que l’Aipac fasse aussi cela !). Non, son argumentaire commercial est beaucoup plus direct : « Vous êtes membre du Congrès des Etats-Unis, et il est de votre responsabilité de soutenir Israël, car de nombreuses entreprises, dans votre Etat, ont des liens d’affaires avec Israël, et c’est grâce à cela que de nombreux ingénieurs en recherche-développement effectuent leurs recherches dans les universités de votre Etat, dont beaucoup d’emplois dépendent des industries militaires et de défense ». Et ils appliquent ce discours de manière circonstanciée aux spécificités de chacun des parlementaires, lesquels tirent très vite la conclusion qui s’impose : s’ils votent contre Israël, ils votent contre la poule qui pond les œufs d’or !
Dans la plupart des districts électoraux des Etats-Unis, les membres du Congrès dépendent énormément du secteur de l’armement. Plus de la moitié de l’emploi industriel, en Californie, est peu ou prou lié à la défense. Israël est très bien situé, il occupe une position centrale, en la matière. Et c’est de là qu’il tire l’essentiel de sa force. Et lorsque nous (le Comité israélien contre la démolition des maisons, par exemple) allons voir un membre du Congrès des Etats-Unis, nous lui parlons de droits de l’homme, de l’occupation, des Palestiniens. Alors, il nous regarde, et il nous dit : « Voyez-vous, je sais tout ça. Je lis les journaux, je ne suis pas idiot, mais ce n’est pas sur ces bases-là que je détermine mon vote. La base sur quoi je vote, c’est ce qui est bon pour mon électorat ».  Aussi, en matière de militantisme, lorsque vous envisagez une campagne d’opinion internationale, il est extrêmement important de dénoncer les implications d’Israël dans les industries de la défense, dans la production d’armes, et le soutien qu’apporte Israël à des régimes odieux et aux violations des droits de l’homme dont ils sont responsables, et quelles en sont les conséquences pour le monde entier. Si vous voulez parler de l’Empire, bien qu’Israël soit un tout petit pays, il est un élément clé de l’Empire. Si vous consultez le site ouèbe de l’Aipac, ils vous disent noir sur blanc que la mission d’Israël est de protéger les intérêts économiques américains au Moyen-Orient. Ils disent que nous développons des armes au laser fonctionnant depuis l’espace afin de protéger les intérêts américains. Tout est dit clairement et effrontément. Israël se perçoit, avec beaucoup de fierté, comme un élément essentiel de l’Empire américain. Là où Israël dispose d’un énorme avantage, en matière de relations publiques, c’est qu’il sait se faire passer pour une victime. C’est un pays entouré par un océan d’Arabes, et les Arabes, c’est bien connu, n’est-ce pas, sont tous des « terroristes », de même que tous les musulmans sont des « fanatiques »…
J. E. : … et jouer le rôle de la victime éternelle devient un outil politique, à l’instar de l’ « antisémitisme »… ?
Halper : Exactement. L’antisémitisme se nourrit de l’idée qu’Israël serait une victime. Le ministère israélien des Affaires étrangères a inventé une nouvelle forme d’antisémitisme, depuis quelques années, qu’il appelle le « nouvel antisémitisme ». Après quoi, ses technocrates ont trouvé quelques universitaires complaisants et très empressés à donner à cette notion un semblant de crédibilité académique. Le « nouvel antisémitisme », qui est aujourd’hui répandu dans le monde entier, dit que toute critique d’Israël est de l’antisémitisme. Point barre. Et pour ce qui est de marcher, cela a marché ! Un membre du Congrès américain nous dira, désormais : « en plus de voter dans l’intérêt de mes mandants, je dois aussi être réélu, et la dernière chose dont je puisse avoir besoin, c’est bien que quelqu’un vienne dire que je suis « antisémite » ». Ce complexe est très puissant, il permet à Israël d’échapper à toute responsabilité – on ne saurait appliquer la loi internationale à Israël, on ne peut contraindre Israël à respecter les droits de l’homme, on ne saurait demander à Israël des comptes sur ses agissements, car nous sommes les victimes, nous sommes les faibles, nous ne faisons que nous défendre ! ! !
Vous ne pouvez en aucun cas nous critiquer : nous sommes juifs, et vous nous avez persécutés. Ce complexe est impénétrable, et il permet à Israël de faire des pieds de nez au monde entier. Par exemple, le 19 septembre dernier, l’Assemblée générale de l’Onu a adopté à 133 voix contre 4 une résolution contre la menace israélienne d’expulser Arafat. Les quatre pays ayant voté contre ? Israël, les Etats-Unis, la Micronésie et les Iles Marshall. Et ça fait des années que ça dure : c’était déjà le cas, dans les années 1970 ! A l’époque, les Israéliens s’interrogeaient : « La Micronésie ? C’est où, ça, la Micronésie ? » Alors ils ont envoyé un journaliste du Yediot Ahronot, muni d’une carte précise, en Micronésie ! Il est parti, et il a trouvé ce minuscule pays, où pas un seul journal n’est publié, et il leur a demandé : « Pourquoi soutenez-vous Israël ? » On lui a répondu : « 100 % de notre budget national proviennent des Etats-Unis, alors, vous comprenez : on fait ce que les Etats-Unis nous disent de faire… Le reste, on s’en fout. » Voilà donc comment Israël a conquis sont grand Allié du Pacifique – la Micronésie !
Mais c’est bien le cœur du problème. Le monde entier peut être opposé à la position des Etats-Unis sur ces questions, et les Etats-Unis peuvent continuer à s’en moquer éperdument : le vote des seuls Etats-Unis fait plus que contrebalancer ceux des 133 pays restants. Aussi, il faut absolument changer cette image d’Epinal, selon laquelle Israël serait une « victime ». En d’autres termes, nous devons recadrer les choses. Israël présente le problème d’une certaine manière, que nous connaissons, et si nous nous contentons de simplement réfuter ses arguments, nous ne gagnerons jamais. C’est celui qui définit le cadre du conflit qui gagne – toujours – c’est celui qui définit le cadre de la discussion qui l’emporte, parce que les conclusions que tirent les gens découlent de la manière même dont vous exposez les problèmes. Nous devons, par conséquent, dénoncer Israël en sa qualité de superpuissance régionale et de composante indispensable à l’Empire américain, chose qu’Israël est indubitablement, il faut le savoir. L’économie israélienne pèse trois fois plus lourd que celles de l’Egypte, de la Palestine, de la Jordanie, de la Syrie et du Liban prises ensemble. Non ; Israël n’est en aucun cas le petit David du Moyen-Orient. Bien au contraire, il en est le Goliath.
                                       
14. Irak : les buts de guerre US par Hichem Ben Yaïche
on Vigirak.com le samedi 27 décembre 2003

Il serait naïf de croire que les Etats-Unis d’Amérique vont réviser fondamentalement leur doctrine en Irak. Les leçons des neuf mois de l’après-guerre sont en train d’être tirées et mises à profit pour corriger le tir et ajuster la stratégie pour lui permettre une plus grande efficacité. Le pragmatisme américain ne s’embarrasse pas de contradictions, ce qui prime dans cette démarche, c’est d’intégrer en permanence la réalité, d’épouser la configuration du terrain, afin d’éviter ses pièges et ses leurres. C’est ce à quoi on assiste depuis plusieurs semaines. Mais cela suffirait-il aux Américains pour sortir du bourbier dans lequel ils s’enfoncent de jour en jour ? Il est encore trop tôt pour le dire avec certitude.
Tout indique que les faucons de l’administration Bush restent inflexibles – et intraitables – sur les objectifs stratégiques de cette guerre, lesquels demeurent inchangés. En revanche, ils ont compris tout l’avantage d’un changement de tactique. Cette manière de faire permet non seulement d’ouvrir le jeu en apparence, de réduire la pression extérieure, mais aussi de donner l’illusion aux adversaires de l’opération américaine en Irak d’accéder à une partie de leurs arguments. 
Rien de mieux pour illustrer ce basculement, qui constitue un point tournant, est la capture de Saddam Hussein, annoncé le 14 décembre. Le décryptage du grand show médiatique mondialisé montre que les Etats-Unis d’Amérique est aussi hyperpuissance de la communication et de l’image : trois ou quatre gros plans et une image fixe de Saddam Hussein ont été, pendant plusieurs jours, l’événement qui a tout écrasé sur son passage. Plus rien ne pouvait résister à la dramaturgie hollywoodienne de cette arrestation. J’imagine que chacun de nous s’est frotté plusieurs fois les yeux en regardant sur l’écran de sa télé l’ancien président irakien les cheveux en bataille, les yeux écarquillés, le visage parcheminé : l’image parfaite de l’homme des cavernes. 
Saddam agité comme un trophée de guerre ? On peut trouver le procédé choquant, honteux, inacceptable, mais la tentation était trop forte, pour l’équipe Bush, de ne pas l’utiliser à des fins de politiques intérieures, à quelques mois des élections présidentielles qui vont nous réserver des surprises. Mais attention à l’effet boomerang ! Saddam Hussein va parler et dire des choses, dont les dirigeants passés et actuels ont tout à craindre. Attendons de voir.
Cependant, ne restons pas les yeux rivés sur cette affaire, qui cache des enjeux géopolitiques majeurs. Il s’agit tout simplement de rappeler les buts de cette guerre ? L’Irak n’est que l’alibi dans la tête des néoconservateurs au pouvoir à Washington. Sur l’Orient arabe, leur religion, si je puis dire, est déjà faite : leur nouveau paradigme est en phase d’exécution [1]. Sans vouloir jouer la dramatisation à outrance, force est de constater, cependant, que la situation en Irak s’achemine vers le chaos. Le pays est devenu un laboratoire du terrorisme en tout genre. Les armes passent avec une facilité déconcertante les frontières des pays voisins. Personne ne pourra dire comment vont évoluer les choses. En tout état de cause, ce que l’on peut dire, c’est que la méconnaissance américaine de la complexité de l’Irak – où l’on tente, à l’insu des uns et des autres, de faire séparément un deal secret avec les kurdes, les chiites et autres tribus –, n’augure rien de bon. Ce marchandage confirme toutes les craintes : l’atomisation selon des critères ethnico-religieux de la société irakienne. Cette vision a été longuement exprimée, argumentée et exposée dans les travaux des think tanks néoconservateurs, dont sont issus les hommes de Bush [2]. D’où le projet de remodelage du Moyen-Orient, avec une démocratisation à la clé ! Cette conviction s’est confirmée dans la tête des dirigeants US après les événements le 11 septembre. Pour plus de clarté, on peut la résumer ainsi : si le monde arabe ne change pas, on se charge de le faire à sa place. Voilà tout est dit.
Les difficultés rencontrées en Irak ont beaucoup retardé et compliqué la planification américaine. On sait que, sauf contre-performance électorale en novembre prochain, les Etats-Unis se donnent, au moins, cinq ans (1 + 4) pour réussir [3].
Au-delà de l’Irak, qui constitue la matrice nourricière de la stratégie américaine, des changements commencent à affecter la région. Les signes de craquement de la monarchie saoudienne se multiplient et la zizanie, pour le moment à peine maquée, dans les rangs de la famille royale risque de faire des dégâts considérables. La vie du régime est plus que jamais comptée [4]. Fragilisée, neutralisée, l’Arabie Saoudite sera bientôt hors jeu. 
Tournons le regard maintenant vers la Syrie. Elle est une pièce maîtresse à faire tomber pour desserrer l’étau autour d’Israël, pays au nom duquel les néoconservateurs (Paul Wolfowitz, notamment) ont décidé de procéder à cette redistribution géopolitique régionale. Les pressions sur ce pays sont à l’œuvre depuis plusieurs mois déjà ; elles vont s’accentuer. Ce faisant, les Américains veulent bouter hors du pouvoir les alaouites ou les pousser à accepter leurs conditions : ouvrir le jeu politique et quitter le Liban, afin de porter l’estocade finale au Hezbollah, considéré par Israël comme l’ennemi numéro 1. A Washington, on s’accorde le temps nécessaire pour y parvenir. Pour l’instant, la stabilisation de l’Irak reste la priorité. 
Pendant ce temps, Ariel Sharon guette la moindre opportunité pour imposer son plan de paix, tout en maximisant une série de faits accomplis sur le terrain, notamment avec l’érection du mur de séparation, lequel empiète largement sur les terres palestiniennes.
Les Etats-Unis, architectes du monde arabe ? Cela ne fait guère de doute. Toutes les raisons invoquées pour justifier cette guerre sont épuisées. Saddam Hussein capturé, 44 sur les 55 personnalités figurant sur le jeu cartes sont entre leurs mains. Reste une chose, qui se révèle être un vrai mensonge : l’absence d’armes de destruction massive en Irak. La boucle est bouclée. Ce que l’on peut dire au regard du contexte actuel, c’est que les Etats-Unis sont implantés pour de longues années dans l’Orient arabe. Personne ne pourra dire, aujourd’hui, ce qu’il adviendra de cette partie du monde. Ils sont certes militairement les maîtres à bord, mais ils ont sous-estimé – certainement par maladresse et par cette incapacité de se mettre à la place des autres –, la psychologie profonde des peuples de la région. Les conséquences de cette erreur seront, hélas, terribles pour les Américains, et pour les Arabes. 
- NOTES :
[1] Lire ma chronique « Orient arabe : le nouveau paradigme US »,
www.vigirak.com.
[2] Sur les think tanks, consultez le site
www.vigirak.com. A paraître aux Editions du Rocher : « Quatrième guerre mondiale : faire mourir et faire croire », de François-Bernard Huyghe.
[3] 1 + 4 : un an de pouvoir à terminer pour Bush et 4 ans pour le nouveau mandat.
[4] Lire à ce propos le livre « La guerre d’après », de Laurent Murawiec, Ed. Albin Michel. Un chercheur français proche des faucons US.
                               
15. Fadwa Touqan par Fadwa Miadi
in L'Intelligent - Jeune Afrique du dimanche 21 décembre 2003

Poète palestinienne, décédée à Naplouse, le 13 décembre, à 86 ans
« Il me suffit de mourir dans mon pays, d'y être enterrée, de m'y dissoudre et m'anéantir », écrivait Fadwa Touqan l'une des rares femmes poètes de Palestine. Son souhait, que ne saisiront pleinement que ceux qui ont été spoliés de leur terre, s'est exaucé. Fadwa Touqan a été inhumée le 15 décembre à Naplouse, deux jours après son décès à 86 ans, des suites d'une attaque cérébrale. C'est dans cette ville de Cisjordanie que cette dame menue aux cheveux de jais et au regard pétillant de gamine espiègle a vu le jour en 1917, l'année de la déclaration Balfour. Elle connaîtra donc la Palestine sous mandat britannique, assistera à la création d'Israël, vivra l'occupation et l'émergence d'une autonomie palestinienne mais guère la paix.
Et comme si l'oppression de l'occupant ne suffisait pas, Fadwa Touqan n'aura pas non plus trouvé l'harmonie au sein de sa famille. C'est une enfant non désirée, née dans un milieu de notables conservateurs. Son père règne en tyran, sa mère se soumet et son frère Youssef fait la loi. Il lui interdit dès 13 ans d'aller à l'école. Son tort ? Un jeune homme voulait lui offrir une rose. « Tu ne sortiras plus que le jour de ta mort, lorsque nous t'emmènerons au cimetière », lui assène-t-il alors. C'est le choc, l'enfermement... Heureusement, son autre frère, Ibrahim, considéré comme l'un des fondateurs de la littérature palestinienne, l'initie à la poésie. Condamnée à la réclusion domestique, elle trouvera son salut dans l'écriture.
On ne s'étonnera donc pas de voir naître sous sa plume des élégies funèbres ou des poèmes hantés par la solitude ou la tristesse. À partir de 1967, avec l'occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza par Israël, ses écrits prennent des accents nationalistes. « Ils sont morts / Debout astres scintillants / Embrassant la vie sur la bouche. Regarde-les au loin enlacer la mort pour exister encore » (Les Martyrs de l'Intifada).
Outre des recueils de vers, celle que Mahmoud Darwish qualifie de « maître de tous les poètes » nous a aussi légué des Mémoires d'une touchante sincérité. Dans le premier tome, Le Rocher et la peine (éd. Langues & Mondes-L'asiathèque, 1997), elle revient sur sa jeunesse qu'elle a passée confinée dans une chambre tapie de livres. « Mon histoire, c'est l'histoire de la lutte d'une graine aux prises avec la terre rocailleuse et dure. C'est l'histoire d'un combat contre la sécheresse et la roche », confie celle qui a dû subir le despotisme d'une société patriarcale qui l'a définitivement dégoûtée de la gent masculine. Au point « qu'elle a toujours refusé de se marier », confie Joséphine Lama cotraductrice de ses Mémoires.
Préoccupée par la condition féminine, elle a d'ailleurs fondé à Naplouse un centre de recherche sur la situation des femmes. Dans le deuxième volume, Le Cri de la pierre (même éditeur, 1998), Fadwa Touqan raconte non sans malice ses rencontres avec Moshé Dayan qui voulait lui « parler de poésie », Gamal Abdel Nasser qui voulait savoir de quoi elle s'était entretenu avec le ministre de la Défense israélien et de nouveau Dayan qui se demandait à son tour ce qu'elle avait bien pu dire au président égyptien. Cet ouvrage est aussi l'occasion d'évoquer ses entretiens avec Anouar el-Sadate mais aussi Yasser Arafat et de confier ses espoirs de voir la paix s'instaurer au Moyen-Orient.
Une dame au grand charisme s'en est allée. Restera son oeuvre marquée par le refus du double asservissement exercé et par des hommes de son peuple et par des Israéliens. « Qu'il te suffise de n'avoir pas été vaincue ni rompue par les flèches du destin », se consolait-t-elle dans Autoportrait, un de ces plus célèbres poèmes.
                       
16. "Un plan de paix parmi d’autres" pour les Palestiniens par Valérie Féron
in La Tribune de Genève (quotidien suisse) du lundi 1er décembre 2003

Si les critiques les plus vives contre l’Initiative de Genève viennent des réfugiés, c’est en fait l’ensemble de la société palestinienne qui regarde avec indifférence ou méfiance cette proposition de paix . Dans la partie occupée de Jérusalem comme dans le reste des territoires palestiniens, l’asphyxie économique et la poursuite de la colonisation semble avoir vaincu toute confiance en l’avenir. L’Initiative de Genève n’apparaît que comme un plan de paix, bien théorique, parmi d’autres.
"Le problème, c’est qu’il y a foison de plans et toujours pas de paix", bougonne Mohammed, propriétaire d’une librairie près de la rue Salaheddine, la grande rue commerçante près de la Vieille Ville. Quelques mètres plus loin, Yassine, affairé à disposer les décorations de Noël dans son magasin, esquisse un sourire las: "Il y a ceux qui discutent et nous qui essayons de survivre, tempête cet Arménien père de deux enfants. Ce que veulent les Palestiniens, ce sont des résultats. Du concret. Regardez la situation ici à Jérusalem. C’est de pire en pire. Nous sommes occupés depuis 1967. Avant lorsque nous avions un problème nous allions à la Maison d’Orient. Les Israéliens l’ont fermée en août 2001. Depuis nous n’avons personne à qui nous adresser lors de litiges. La police israélienne, elle, n’est là que pour protéger les colons".
Un partenaire inexistant
La colonisation et le mur en construction qui va éventrer la Cisjordanie risquent d’achever l’isolement total de la ville, carrefour religieux économique et social des Palestiniens. Du coup de nombreuses familles vivant "du mauvais côté" des check-points ou du mur reviennent habiter la Vieille Ville et ses environs proches. Ici comme ailleurs une seule conviction: tout sur le terrain démontre que "ce sont les Palestiniens qui n’ont pas de partenaire" pour établir une vraie paix.
"Depuis la Conférence de Madrid en 1991 combien de plans avons nous eu?" questionne Nafez, coiffeur dans la Vieille Ville. "Et aucun n’a marché parce que les Israéliens ont continué à voler notre terre et à refuser notre existence même ici". On ne reconnaît donc généralement qu’un aspect positif à l’Initiative de Genève: "Elle embarrasse le gouvernement israélien".
Pour Khader, traducteur, ce plan est l’occasion de faire le point sans détour: "Apparemment nous, Palestiniens, n’avons pas su expliquer clairement au monde les énormes concessions que nous avons faites jusqu’ici qui prouvent que nous recherchons la paix. Nous avons cédé 78% de notre patrie historique et reconnu l’Etat d’Israël. Nous n’avons plus rien à négocier". Cet homme d’une quarantaine d’années d’une famille chrétienne de la Vieille Ville critique la présentation du conflit à l’extérieur: "On le présente comme celui de deux peuples qui se battent pour une terre. Mais la réalité c’est un colonisateur israélien et un peuple palestinien sous occupation malgré une Autorité nationale sans pouvoir".
Droit du retour trop limité
Lorsqu’il se penche sur les clauses du projet de paix, Khader, comme beaucoup de Palestiniens, dénonce l’application limitée du droit au retour pour les réfugiés. Une question centrale du conflit, qui concerne quelque cinq millions de personnes actuellement, conséquence de l’expulsion par les forces sionistes en 1948 de deux tiers du peuple palestinien. Des faits attestés par maints historiens dont des Israéliens, archives à l’appui, mais que continue de nier officiellement l’Etat hébreu.
"Certes l’application de ce droit est difficile, continue Khader, puisque les Israéliens ont détruit des centaines de villages et que des centaines de familles juives vivent désormais dans les maisons que les nôtres ont dû quitter en 1948. Mais ceci ne diminue en rien la valeur de ce droit, insiste-t-il. Aucun plan de paix ne sera viable tant que les faits historiques seront niés, tant que les Israéliens ne reconnaîtront pas clairement tous leurs crimes et nos droits". Seule cette reconnaissance apparaît aux yeux des Palestiniens comme le point de départ de négociations pour un accord de paix durable.
                       
17. Oslo-Genève : à nouveau, on regarde à travers les lunettes israéliennes par Nayef Hawatmeh
in Al Quds Al Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du samedi 27 novembre 2003
[traduit de l’arabe par Marcel Charbonnier]

(Homme politique palestinien né le 17 novembre 1935 à Salt, en Transjordanie, dans une famille paysanne chrétienne de rite grec catholique, Nayef Hawatmeh est le dirigeant du Front Démocratique pour la Libération de la Palestine - FDLP. Son mouvement fut, au début des années 90, le théâtre d'une scission emmenée par son numéro deux, Yasser Abed Rabbo, lequel fonda alors l'Union Démocratique palestinienne (Fida) et devint ensuite ministre de la Culture et de l'Information dans l'Autorité palestinienne. Yasser Abed Rabbo est un des initiateurs de l'Accord de Genève.)
L’état où en est arrivée l’Autorité palestinienne ne saurait réjouir ses amis. Il est lourd de nouveaux drames et de nouvelles reculades, et son seul effet constaté à ce jour est une perte nette. C’est au beau milieu de cette confusion politique absolue que certains des mousquetaires d’Oslo viennent nous annoncer les derniers avatars de la grande saga des abandons successifs en matière de prescriptions du droit international, sous la forme d’un énième accord, baptisé : « document de Genève »…
Ce document a été conçu dans le giron de rencontres subreptices menées dans l’ombre, qui se sont poursuivies deux années durant dans les capitales et les non capitales les plus diverses. Et voilà que les oiseaux de nuit viennent de jeter leur dévolu sur l’hôtel Monavik, sur la mer Morte, du côté jordanien, afin d’y conclure leur marché avec leurs interlocuteurs israéliens et y signer avec eux les points sur lesquels ils sont tombés d’accord – première étape vers la signature « officielle » du traité, le 4 février prochain à Genève (Suisse). Peut-être le choix, par le côté israélien, de Genève, ne relève-t-il pas entièrement du hasard. Voici un peu plus d’un siècle, en effet, le mouvement sioniste tenait son premier congrès dans la ville helvétique, elle aussi, de Bâle (c’était en 1897), annonçant au monde son projet colonial sanguinaire et éradicateur, visant le peuple palestinien. Commença alors le calvaire de notre peuple, qui n’a épargné aucun sacrifice afin de défendre son territoire, sa dignité et sa liberté.
Si les Israéliens parviennent à faire passer ce document, ils récolteront en une moisson magistrale ce qu’ils n’ont pu obtenir tout au long de leur occupation et de leurs massacres à l’encontre de notre peuple sans défense. Qu’il me soit permis avant de poursuivre, de rappeler que les participants palestiniens à la rencontre de Genève ne sont nullement mandatés pour ce faire, quand bien même Yasser Arafat leur a-t-il assuré une couverture politique. Il s’agit, en la matière, e questions extrêmement graves, qui engagent le destin de notre peuple, dont personne ne saurait disposer à sa guise dans son dos, ni dans celui des composantes de l’OLP et de ses institutions nationales.
Toute décision en la matière doit recueillir le consensus national, et l’unanimité ne saurait se faire au prix de nos droits légitimes au retour, à l’indépendance, à notre autodétermination et au libre choix de notre avenir.
Il semble, hélas, que l’Autorité et les ministres pressentis en échange de concessions ad libitum n’ont rien appris du gâchis des années calamiteuses d’Oslo, qui n’ont apporté, en fin de compte, à notre peuple, que des échecs et des drames. Ils sont retournés à leur délire et à leurs billevesées, et ils ont fait ingurgiter à notre peuple les malheurs les plus amers. Ils nous ont mis à plus d’une reprise au bord du gouffre de la dissension, voire de la guerre civile, et voilà qu’aujourd’hui, ils essaient, avec « Genève », de casser l’unité de notre peuple, une fois encore, et de l’entraîner dans les dangers mortels d’un gouvernement d’état d’urgence.
A chaque fois où nous avons fait front aux voleurs de décision populaire, nous leur avons imposé de demander au peuple de trancher nos dissensions. A chaque fois, ils sont revenus sur leurs positions en enveloppant leur nouvelle position dans une démagogie qui était la copie conforme de celle de leurs positions antérieures, puis ils n’ont pas tardé à revenir à leurs marottes politiques scissionnistes et factieuses.
De la marée des exemples, je ne citerai qu’une ondée. Durant une conférence de presse tenue à Genève un certain 14 décembre, le frère Yasser Arafat a donné lecture de sa déclaration en anglais, comme le lui avait imposé l’administration américaine par la voix du ministre des Affaires étrangères américain de l’époque, Schultze, condition sine qua non de la « légitimation de l’OLP ». Cette déclaration comportait les points suivants : le droit à l’existence d’Israël, un règlement politique fondé sur la seule résolution 242, à l’exclusion de tout lien avec les autres arrêts du droit international, dont la résolution 194, et le rejet de toute violence individuelle et collective. Arafat a justifié sa position, à Genève, en indiquant qu’elle était conjoncturelle et improvisée, et que son insuffisante maîtrise de l’anglais ne lui avait pas permis de faire le départ entre un mot commençait par la lettre R et un autre commençant par un D.
Autre exemple : le 18 octobre, Fayçal al-Husseini a remis à James Baker la liste des membres de la délégation palestinienne centrale incluse dans la délégation jordanienne pour les seules Cisjordanie et Gaza. Or cela se passait quatre heures seulement après la fin des travaux du conseil central palestinien, avec notre participation unanime et contrairement aux décisions adoptées par le dit conseil avec l’accord de Yasser Arafat. Ces décisions préconisaient une délégation de 14 membres représentant les territoires occupés, Jérusalem et les réfugiés de la diaspora palestinienne, sur la base des résolutions des deux conseils – national et central – de l’OLP, chargée de négocier en une seule fois, et de A jusqu’à Z, toutes les questions ( Jérusalem, frontières, colonies, réfugiés), sur la base des résolutions internationales 194, 242 et 338. Nous ne différions en rien, de ce point de vue, de la Jordanie, ni de la Syrie, ni du Liban. Et tout ça a été fiché en l’air… N’est-ce pas là une preuve accablante et irréfutable de leur total mépris des instances nationales consensuelles et du programme de travail commun ?
Par la suite, et à divers moments décisifs des négociations, le courant d’Oslo a proclamé le contraire de ce qui avait été discuté et avait fait l’objet d’un accord avec les Israéliens. Le démenti des Israéliens a mis ce courant en grande difficulté à chaque fois, et force est bien, malheureusement, de reconnaître la véridicité de la version israélienne dans bien des cas.
En dépit du démenti qui leur était apporté, et de la preuve qu’ils mentaient, qui était ainsi établie, les tenants d’Oslo ont persisté dans leur comportement amoral. Nous nous souvenons tous de quelle manière les gens d’Oslo se sont servi des négociations menées par la délégation palestinienne à Washington pour couvrir leurs négociations secrètes à Oslo. Le scandale de ces négociations parallèles ayant éclaté, le Dr. Haydar Abdal-Shafi démissionna avec pertes et fracas et, avec lui, beaucoup des membres de sa délégation. Il a aujourd’hui encore le cœur plein d’amertume, car il a compris que lui-même et ses collègues ont été les victimes d’une énorme duperie, digne du cheval de Troie.
Peu après le sommet d’Aqaba et afin de tenter bien naïvement de limiter les dégâts destructeurs du discours qu’y avait tenu Abou Mazen, Arafat a prétendu que celui-ci n’avait pas pu lire son discours jusqu’à la fin et que son discours avait été, par conséquent tronqué, qu’il était incomplet ! Puis il est revenu sur cette déclaration, optant, cette fois-ci, pour une nouvelle version des faits selon laquelle Abou Mazen serait tombé, en fait, dans un piège : il aurait lu son discours dans sa forme convenue d’un commun accord, tandis que Bush et Sharon, quant à eux, auraient rompu, l’un comme l’autre, leur engagement et n’auraient pas donné lecture des positions arrêtées au préalable avec Abou Mazen. Les dissensions s’aggravant entre les différentes tendances de l’Autorité, et afin de défendre sa position au sommet d’Aqaba, Abou Mazen a réaffirmé à plusieurs reprises qu’il a bien lu l’intégralité, à la virgule près, du discours dont il avait convenu avec Arafat. Et voilà qu’aujourd’hui Arafat nous gratifie de sa bénédiction accordée à ce qu’il est convenu d’appeler la « charte de Genève », allant jusqu’à préciser que « les Palestiniens qui ont contribué à sa rédaction n’étaient pas officiellement mandatés » ? Hier encore, Arafat faisait payer au seul Abou Mazen le prix d’une politique qu’il avait définie avec lui, après quoi, il lui assénait le coup de grâce. Et ni leurs longues années de combat mené côte à côte, ni leur proximité politique n’ont pu adoucir la sanction infligée par Arafat, a fait savoir Abou Mazen au cours de la session du 06.09.2003 du Conseil législatif, durant laquelle il a présenté la démission de son gouvernement. Arafat pourra-t-il, cette fois encore, faire payer la facture à sa place, sachant que la facture de ce document est exorbitante et que le budget des instances exécutives ne sauraient y suffire ?
« Genève » sera signé dans quelques jours seulement. L’équipe « israélienne » n’est nullement officielle, et donc aucunement responsable de sa mise en œuvre, c’est une certitude. Sharon s’est empressé de « paralyser l’initiative » totalement, comme il en avait usé avec le « plan Tenet » et la « déclaration Mitchell », et comme il continue à le faire avec la « feuille de route ». Ainsi, le document « Genève – Mer Morte » fixe-t-il le plafond des revendications palestiniennes, revendications que les Israéliens pourront entreprendre immédiatement de grignoter, conformément à leur habitude. Il n’est plus temps de demander aux soutiens de ce « document », du côté palestinien, de faire leur introspection. Il ne faut pas, non plus, voir dans ce qui sera signé de simples éprouvettes d’essai. En effet, les cinquante pages de « Genève » sont rien moins que la dénonciation des droits de millions de réfugiés palestiniens, et un quitus donné aux Israéliens pour leurs gains sur le terrain et leurs colonies expansionnistes, à tous les sens du terme. En voici les raisons :
- Le document nie toute compétence aux instances internationales dans la recherche d’une solution au conflit, la base de la solution étant désormais représentée par le degré d’accord obtenu par les deux protagonistes, et non par des négociations dont la finalité ultime serait la mise en application des décisions de l’ONU afférentes à la cause nationale palestinienne. Aucun rôle n’est attribué, dans le document de Genève, à l’ONU, ni à la communauté internationale, ni dans les négociations intermédiaires, ni dans les négociations en vue d’un règlement définitif. Cela aura pour effet de laisser les Palestiniens seuls face aux Israéliens, soutenus comme on sait par les Etats-Unis – et, cela, en l’absence d’une quelconque supériorité dans les rapports des forces qui leur conférerait un quelconque avantage dans ces négociations.
Considérer que « ce document vise à mettre un terme définitif au conflit et à rendre irrecevable toute revendication ultérieure » revient à fermer irrévocablement et totalement la porte à tout retour aux décisions de l’ONU et à toute compétence des instances internationales en cas de différent, voire de conflit.
- Ce sur quoi les deux parties sont tombées d’accord fournit une base à un règlement qui fait de l’annulation des résolutions internationales une condition nécessaire. Dès lors, il devient légitime, pour Israël, suivant cette logique, de refuser le principe de son retrait total des territoires palestiniens occupés en 1967, et cela est d’ailleurs spécifié de manière très explicite par le texte de l’accord, selon lequel « Israël » conservera les blocs de colonisation principaux.
A ce sujet, préciser que le taux d’échange de territoires sera de 50 / 50 est une précaution superfétatoire, puisque ce qui est envisagé est rien moins que l’accaparement par Israël de terres palestiniennes parmi les plus fertiles, en « échange » de régions désertiques désolées situées près de Gaza, ou encore du côté d’Hébron – Bershéva !
L’Etat (palestinien) promis sera désarmé, ses espaces aérien et maritime, ainsi que ses frontières, seront ouverts devant l’armée israélienne sous prétexte de garantir la sécurité d’Israël et de faire obstacle au terrorisme. Bref, dans les faits, il s’agirait d’un Etat non souverain et démantelé par les murs israéliens racistes de séparation, ainsi que par les colonies.
- Les décisions de l’ONU, en particulier la 194, seront reformulées. D’après « Genève », on renonce au droit au retour des réfugiés, et on requalifie ce droit : les réfugiés auraient le droit de s’installer dans les régions composant l’Etat palestinien projeté, et le statut juridique d’ »Israël », en matière de recherche d’une solution à leur problème, change : Israël devient un pays accueillant des réfugiés. La détermination du nombre des réfugiés admis à se « réfugier » ( !) en Israël est du seul ressort de la souveraineté israélienne. En échange de la suppression de toute responsabilité juridique ou morale d’ « Israël » dans le surgissement du problème des réfugiés, dans l’expulsion de leurs foyers et la confiscation de leurs terres et de leurs biens, « Israël » accepte un regroupement familial symbolique pour quelques milliers d’entre eux, en fonction d’un calendrier fixé dans le long terme. A cet effet sera créée une commission internationale chargée de requalifier qui est éligible au statut de réfugié et de déterminer le montant des dédommagements auxquels le réfugié ainsi estampillé pourra prétendre. Tout ceci aura pour effet de placer les réfugiés palestiniens devant le dilemme suivant : soit l’installation définitive là où ils se trouvent aujourd’hui ; soit leur expulsion.
- D’après « Genève », Jérusalem serait la capitale éternelle d’ »Israël ». La solution proposée représente un recul considérable sur la proposition Clinton. Les quartiers arabes de Jérusalem, conquis en 1967, seraient placés sous souveraineté palestinienne (souveraineté : totale, partielle, administrative… ? le texte de Genève ne le précise pas). Les quartiers juifs d’aujourd’hui, qui en sont venus à représenter, à force d’annexions et de judaïsation, la plus grande partie de Jérusalem, ainsi que l’enceinte de la ville, seraient placés sous souveraineté israélienne. Le bassin sacré de Jérusalem, quant à lui (il comporte les lieux saints, c’est-à-dire le Haram al-Sharif [esplanade des Mosquées] et le Saint Sépulcre), ne serait soumis à la souveraineté de personne, et placé sous contrôle international. Cela revient à accepter la judaïsation de la plus grande partie de Jérusalem arabe occupé, qui serait abandonnée à Israël.
- La reconnaissance du droit d’ »Israël » à l’existence, ainsi que celle de la légitimité du « caractère juif » de cet Etat, reviennent en toute clarté à annihiler et à condamner les droits historiques du peuple palestinien, et à nier la légitimité de son combat historique.
Plus grave : cela revient à légitimer le droit, pour « Israël », de persécuter les Palestiniens vivant dans les régions englobées par « Israël » en 1948, et à menacer leur existence même, en les plaçant face aux dangers de l’exil et de l’épuration de masse – du « transfert ». Et ; cela ; alors même que les Arabes de 1948 luttent en vue d’obtenir un Etat démocratique qui soit celui de tous ses citoyens, sans considération de sexe, d’ethnie, de religion, ni de confession.
Les gens d’Oslo – ce sont les mêmes qui ont fait « Genève » - disposent à leur guise de la cause et des droits du peuple palestinien, sans mandat de quiconque. Et pendant ce temps-là, l’Autorité palestinienne voit ses prérogatives limitées aux seules Cisjordanie et Gaza, conformément aux accords d’Oslo…
- La condamnation du droit du peuple palestinien à la résistance sous ses différents aspects et leur assimilation à du terrorisme, ainsi que l’engagement à démanteler l’infrastructure des formations de la résistance et à leur faire la guerre sont une condition préalable. Il convient de noter que la réalisation de la sécurité de l’Etat d’ »Israël » est première : c’est la condition nécessaire de toute solution au conflit (d’après Genève, toujours, bien entendu, NdT).
- De tout ce qui précède, nous pouvons déduire que le document de Genève reprend les choses au point où le processus d’Oslo les avait laissées, c’est-à-dire dans l’impasse de Camp David II et de Taba, en 2000. Le document de Genève incarne (de la part des Palestiniens) un rapprochement sans précédent des positions israéliennes en matière de solution au conflit. Par tant, il représente des concessions essentielles, qui sapent les piliers porteurs des droits nationaux légitimes de notre peuple. Le pire, c’est que les Israéliens ne manqueront pas de faire de ce document le plafond des revendications palestiniennes recevables, qui ne manqueront pas d’être grignotées, lentement mais sûrement, par Israël, qui arrachera ainsi encore plus de concessions (sur ce plafond minimaliste).
Le jeu des controverses entre la gauche et la droite sionistes israéliennes, qui a commencé dès la signature du « document de Genève » n’est qu’un marchandage éhonté. Il représente un retour à la politique du « pressage du citron » qu’ont pratiquée les négociateurs sionistes des gouvernements israéliens de gauche, avec la délégation palestinienne à Oslo, à Camp David II et à Taba, ainsi que les négociateurs de la droite sioniste lors des accords d’Hébron, lors du partage de cette ville en deux zones, et de ceux de Wye Plantation.
Ce à quoi revient ce projet de solution du conflit, c’est à un enchaînement sans fin de concessions dérogatoires à la légalité internationale, et l’Autorité issue d’Oslo ne pourra pas sortir de l’impasse où elle se trouve aujourd’hui en rééditant les « solutions « d’Oslo, qui ont suscité l’Intifada en réponse, et en alternative à la politique d’Oslo et à ses conséquences funestes. La seule issue qui s’offre à elle, c’est de réintégrer l’unité nationale grâce à un débat national général, seul à même de remettre sur pied les institutions nationales consensuelles (sur la base d’élections réellement démocratiques), parmi lesquelles les institutions de l’Autorité palestinienne, dont les prérogatives électives et juridictionnelles ont atteint leur terme au mois de mars 1999 (conseil législatif + Autorité). Sa composition partisane ne produit plus que des crises et des reculs pour le peuple palestinien. Elle fait désormais obstacle à l’approfondissement du caractère démocratique de l’Intifada, qui, seul, peut en assurer la poursuite et le développement.
La reconstruction d’une nouvelle stratégie palestinienne de négociations est la première urgence. Elle appartient à l’ensemble du peuple palestinien, représenté par ses forces, ses formations principales, qu’elles soient « nationalistes, démocratiques ou islamiques » . Il n’appartient plus à quiconque d’exercer ses lubies politiques, au feu desquelles nous nous sommes brûlé les ailes. L’accord de Genève est totalement déséquilibré, car il s’agit d’une fabrication qui n’échappe pas à une vision israélienne expansionniste des choses, que notre peuple a expérimentée, et dont ses combat et son Intifada représentent, précisément, la digue destinée à en rediriger l’énergie vers une paix globale et équilibrée, sous l’égide de la légitimité et du contrôle internationaux.
Pour finir, ce conseil aux protagonistes d’Oslo : reposez-vous ! Faites votre introspection, avant qu’il ne soit trop tard !
                       
18. Le texte et le contexte israéliens de l’Accord de Genève par Shiko Behar et Michel Warschawski
on Middle East Report Online du mercredi 24 novembre 2003
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

(Shiko Behar dirige Alternative Information Center (Centre d’Informations Alternatives), une organisation palestino-israélienne sise à Jérusalem et à Beit Sahour. Michel Warschawski en est le fondateur et co-directeur.)
L’Accord de Genève, dernier en date des cadres non-officiels pour une paix israélo-palestinienne, rendu public à la mi-octobre 2003, n’est certes pas devenu la base de négociations officielles. Mais cette initiative a déjà remporté un succès sur un point : il a libéré autant d’espoirs exprimés à haute voix que de protestations chez les Israéliens et les Palestiniens, même si le gouvernement israélien l’a rejeté et même si l’Autorité palestinienne ne l’a pas endossé de manière formelle. Essentiellement une nouvelle présentation du plan de paix du président Bill Clinton, à la fin 2000, l’Accord de Genève stipule plusieurs points fondamentaux sur lesquels un accord de paix permanent pourrait être finalisé.
L’initiative de Genève appelle un examen critique sérieux de la part de tous ceux qui sont intéressés à une paix durable – qui est tout à fait possible – entre Israéliens et Palestiniens. Sa négociation a exigé un nombre impressionnant de personnalités de tout premier plan, sous la houlette de Yossi Beilin, ancien ministre dans plusieurs gouvernements israéliens travaillistes, et Yasser Abed Rabbo, qui était encore tout récemment ministre de l’Autorité palestinienne, chargé du cabinet du gouvernement et l’un des acteurs majeurs dans de précédentes négociations. A l’heure actuelle, l’Accord de Genève est le projet de document allant le plus loin à avoir été ratifié par le consensus palestinien et certains hommes politiques israéliens. Toutefois – et cela n’est pas sans rappeler les initiatives de l’époque Clinton – ce document en apparence audacieux est intrinsèquement défectueux. De plus, il a été présenté de manière trompeuse – et en fin de compte, autodestructrice – par ses rédacteurs israéliens.
Une double urgence
Selon cet accord, Israël est autorisé à légaliser et à conserver des implantations en Cisjordanie occupée, qui abritent en gros 300 000 colons, dont toutes les colonies postérieures à 1967 dans Jérusalem-Est ; en échange, les Palestiniens reçoivent une compensation sous forme de territoires cédés par Israël. Les Palestiniens se voient accorder la souveraineté sur le territoire gagné du fait de cet échange, ainsi que sur les autres parties de la Cisjordanie et de Gaza, dont les quartiers arabes de Jérusalem-Est. L’entité palestinienne souveraine demeure non-militarisée. La sécurité sur le Mont du Temple / Haram al-Sharif (les lieux saints de Jérusalem), est supervisée par une force internationale permanente, tandis que les aspects non-sécuritaires de la gestion de ces lieux saints incombent aux Palestiniens ; un accès plein et entier aux Lieux saints est garanti aux juifs. Si les Palestiniens chassés de chez eux et devenus réfugiés en 1948 reçoivent certaines compensations, la détermination du nombre de réfugiés – sur un total de plus de 4,1 millions de réfugiés enregistrés auprès de l’ONU – admis à retourner dans leurs foyers en Israël est laissée à la discrétion d’Israël.
Cette clause représente une concession énorme de la partie palestinienne en matière de droit au retour des réfugiés – bien que celui-ci ne soit pas totalement abandonné. A cet égard, l’opposition au document, chez les Palestiniens, est légitime, non seulement du point de vue politique et moral, mais aussi du point de vue humanitaire et du droit international, où les Palestiniens ont un avantage certain. Afin de justifier cette concession, les participants palestiniens au processus de Genève pointent une double urgence, qui s’impose actuellement aux autres problèmes, sur le théâtre politique israélo-palestinien.
La première de ces urgences tient au fait que le temps s’épuise, pour une solution faisant l’objet d’un accord : dans un futur proche, il risquerait fort de ne plus rien rester à négocier, étant donné la colonisation incessante des Territoires par Israël, et la construction par Israël d’un mur à l’intérieur de la Cisjordanie qui, dans les faits, installe un système d’apartheid.
La seconde urgence résulte d’une conviction croissante, chez les opinions publiques palestinienne et israélienne, qu’il n’y a plus de partenaire avec qui négocier, de l’autre côté. Par tant, arguent les négociateurs palestiniens, il risquerait de devenir rapidement impossible de persuader les Palestiniens et les Israéliens de la possibilité de parvenir à une quelconque solution négociée du conflit. Les participants israéliens au processus de Genève partagent ce sentiment d’une double urgence. C’est la raison pour laquelle ils justifient l’importance de leur initiative en en soulignant la capacité à renverser la spirale du désespoir israélien, ou au moins à la stopper.
Les leçons d’Oslo
Bien que le devenir de l’accord d’Oslo soit incertain, un autre ministre palestinien, Ghassan al-Khatib, s’est fait l’écho de bien des commentateurs lorsqu’il a déclaré que cette initiative « crée un bruit fort utile » en Israël. Intervenant après trois années d’absence de toute initiative officielle de négociations, du côté du gouvernement Sharon, et parmi des critiques ouvertes de la répression impitoyable de Sharon dans les Territoires occupés, notamment celles de Moshe Yaalon, chef d’état-major des Forces Israéliennes de Défense, ainsi que de quatre anciens directeurs des services israéliens de renseignement, l’initiative de Genève est susceptible d’interrompre le glissement à droite de l’opinion publique israélienne. Mais l’analyse de l’impact de l’accord doit prendre en considération l’expérience de l’agrément d’Oslo, de 1993, qui semblait lui aussi promettre la paix, ainsi que la désintégration de cette initiative de paix, dans la deuxième moitié des années 1990.
Beaucoup, parmi ceux qui pensaient que l’accord d’Oslo aboutirait à une paix qui était tout aussi possible avaient limité leur analyse au texte, qui les conduisait à la conviction que l’agrément satisfaisait aux aspirations minimales du peuple palestinien. Bien que l’agrément d’Oslo ait été très loin de satisfaire ces aspirations, il pouvait encore servir de modeste point de départ pour une paix israélo-palestinienne qui satisfît aux besoins fondamentaux des Israéliens et des Palestiniens (seulement à Gaza et en Cisjordanie) – dès lors que les Palestiniens et les Israéliens auraient compris ce texte d’une manière similaire, et pour peu qu’ils aient mené les négociations en toute bonne foi. Hélas, ce fut très loin d’être le cas.
Alors que les négociateurs palestiniens semblaient authentiquement motivés à parvenir à ce qu’ils qualifiaient de « compromis historique » sur la base de la Résolution 242 de l’ONU – qui signifiait la renonciation à rien de moins que 78 % de leurs exigences nationales sur l’ensemble de la Palestine mandataire – les hommes politiques israéliens utilisèrent le document d’Oslo pour consolider encore un peu plus leur mainmise coloniale sur les vies des Palestiniens et sur leurs terres. Tout au long du « processus de paix », les colonies existantes s’accrurent, de nouvelles furent construites et le nombre des colons, quant à lui, fit plus que doubler. Ces faits conduisirent à une unique conclusion : les Premiers ministres Yitzhak Rabin et Shimon Peres avaient, dès le départ, l’intention d’exploiter la balance asymétrique des forces entre l’Etat d’Israël, force occupante, et la société palestinienne – occupée – afin d’imposer à l’Autorité palestinienne une conception de la paix fondée sur la continuation de sa domination.
Beaucoup des observateurs du processus de Genève négligent le fait que les années 1990, en Israël, furent essentiellement une période de gouvernement des sionistes de gauche, plus qu’une période dominée par le Likoud et la droite ultra-nationaliste. Entre l’élection de Rabin, en juin 1992, et la victoire de Sharon sur l’ex-Premier ministre Ehud Barak, en février 2001, il y a eu près de six années pleines de gouvernement du parti Travailliste et du parti de gauche Meretz. Contrairement à l’impression dominante, à l’époque, c’est la gauche sioniste – plus que la droite – qui porte la responsabilité principale dans l’échec du « processus de paix » durant les années 1990. Etant donné que le processus de Genève a émergé de la même école israélienne qui avait produit le processus d’Oslo, Beilin et ses associés auraient pu renforcer la viabilité de leur nouveau processus de Genève, s’ils avaient publiquement reconnu leurs échecs tout au long de la décennie 1990. Ils ne l’ont pas fait, négligeant une fois de plus d’offrir à l’opinion publique israélienne une explication alternative de l’Intifada qui sorte de la version rebattue selon laquelle les Palestiniens « auraient fait le choix de la violence ».
En 1993, au lieu de convaincre les Israéliens qu’une nouvelle ère, fondée sur une coexistence pacifique et l’égalité était sur le point de commencer, les dirigeants de la coalition parti Travailliste – Meretz fondèrent leur stratégie de marketing uniquement sur la sécurité, la séparation des Palestiniens et la continuation de la suprématie coloniale israélienne. La direction parti Travailliste – Meretz ne voulait assumer aucune responsabilité israélienne, ou sioniste pré-étatiste, dans plus d’un siècle de conflit. En revanche, ces dirigeants ont en toute connaissance de cause lié le conflit, tant sur le plan politique que dans leur rhétorique, au « terrorisme » palestinien et à un rejet historique permanent.
En écoutant attentivement les Israéliens éminents liés au processus de Genève – c’est particulièrement évident lorsqu’ils s’expriment en hébreu – il appert immédiatement qu’ils n’ont rien oublié, ni rien appris, de leur échec d’Oslo, auquel ils ont eux-mêmes travaillé. En réalité, ce sont un comportement et des stratégies de marketing identiques vis-à-vis de l’opinion publique israélienne qui sont inscrits dans le tissu même de l’initiative de Genève.
Le « réalisme » et la « générosité »
Le texte de l’accord de Genève a peu de sens si on l’extrait du contexte politique et journalistique dans lequel il a été vendu au public israélien. Pour l’essentiel, la véritable substance du processus est incluse dans l’exégèse verbale et écrite qui entoure le texte de l’accord. Ces contextes explicatifs renvoient d’entrée de jeu au fiasco politique qui semble attendre au tournant le texte, dans un futur rapproché.
Un article, publié dans le Guardian, par l’un des plus éminents participants au processus de Genève, le romancier et commentateur internationalement reconnu Amos Oz, illustre cette prétention. L’article d’Oz, intitulé « Nous avons fait le forcing de la paix », reprenait un article en hébreu, qu’il avait publié en Israël. Oz explique que les pourparlers de Genève diffèrent des précédentes interactions israélo-palestiniennes. Par exemple, on ne parle plus « du droit au retour des réfugiés », mais d’ « une solution au problème des réfugiés ». On ne parle plus de « retour aux frontières de 1967 », mais d’une « carte logique, qui prend les données actuelles en compte, et pas seulement l’histoire. » Des lecteurs peu avertis peuvent en conclure que la logique est la propriété exclusive de la gauche sioniste et que les Israéliens, à la différence des Palestiniens, n’ont jamais fondé une quelconque de leurs revendications nationales sur l’histoire. Le message central d’Oz est le suivant : dans l’accord de Genève, les Palestiniens ont finalement choisi d’être « réalistes », et de renoncer, non seulement au droit au retour, mais aussi à l’exigence d’un retrait total jusqu’aux frontières de 1967.
Principal gourou du mouvement israélien La Paix Maintenant, Oz fait un effort supplémentaire pour répéter que c’est l’entêtement palestinien qui a conduit aux échecs d’Oslo et du sommet de Camp David, en juillet 2000. Oz suggère l’idée que le camp de la paix israélien aurait finalement réussi à convaincre les irrationnels Palestiniens du fait qu’ils doivent accepter les lignes rouges fixées par la gauche israélienne. Ces lignes rouges, d’après un collègue d’Amos Oz, représentent un énorme sacrifice de sa part, dès lors qu’il est « prêt à renoncer à rien moins qu’une partie de sa conviction religieuse, dès lors qu’il est prêt à concéder aux Palestiniens, le cœur brisé, la souveraineté sur le Mont du Temple. » Plus loin, Oz a recours à un symbolisme propagandiste semblable, lorsqu’il déclare que « nous renonçons à la souveraineté sur des parties de la Terre d’Israël où reposent nos cœurs. » Quel sont donc les principaux problèmes d’Oz, et de l’école israélienne de Genève, qu’il représente de manière si brillante, en matière d’opinion publique israélienne ?
Incapable d’une quelconque autocritique, Oz renforce l’auto-justification d’Israël, et il confisque aux Palestiniens la position de la victime, en se représentant lui-même, ainsi qu’Israël, comme les victimes véritables. Il ne tente jamais de comprendre les sacrifices énormes consentis par ses partenaires palestiniens. Sa prose reflète les présupposés sous-jacents à l’offre « généreuse » qu’aurait fait Barak au dirigeant de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat, à Camp David, en juillet 2000.
Afin de convaincre l’opinion publique israélienne, les Israéliens participant au processus de Genève devront montrer – c’est du moins ce dont ils sont convaincus – que les Israéliens ont « gagné » et que les Palestiniens ont « rendu les armes ». Le plus grand défaut de l’accord de Genève tient à ce que la notion fondamentale des droits humains et politiques du peuple palestinien est totalement ignorée par Oz et ses associés, comme ce fut d’ailleurs déjà le cas lors du processus d’Oslo.
A la suite de Barak, Oz remplace la notion de droits par celle de charité – « si nous leurs avions offert, en 1967, ce que nous leur offrons aujourd’hui… » Les droits n’étant aucunement pris en compte, et l’équilibre des forces favorisant d’une manière aussi patente l’occupant illégal, le discours israélien standard est le suivant : les Palestiniens ont renoncé à leur objectif destructeur (puisque pour Oz et l’école de Genève, « retour » est un nom de code signifiant « destruction d’Israël »), c’est pourquoi, nous, le camp de la paix israélien, avons décidé de nous montrer extrêmement généreux.
Une contre-productivité systématique
Mis à part ses ambivalences morales, l’argumentation contextuelle de « marketing » des participants israéliens à Genève est politiquement contreproductive pour l’objectif visé, qui est de provoquer un changement dans l’opinion publique israélienne. Si les droits humains et politiques n’existent pas, et si le conflit résulte d’une détermination irrationnelle des Palestiniens à éradiquer les juifs, quel Israélien va-t-il jamais croire que les Palestiniens sont susceptibles de changer ? De plus, si les Palestiniens changent seulement parce que le camp de la paix israélien s’est montré suffisamment dur dans ses tractations avec eux, pourquoi, alors, n’être pas encore plus durs et les forcer à accepter la domination israélienne, sans aucune concession que ce soit ?
Même des alchimistes du calibre de l’école de Genève ne peuvent bâtir la confiance sur un mensonge : afin de conquérir l’opinion israélienne, certains des participants à Genève arguent du fait que, cette fois-ci, les Palestiniens ont renoncé à leur droit au retour. Une simple lecture de l’Article 7 de l’accord montre que les participants palestiniens au processus de Genève sont effectivement prêts à faire des compromis particulièrement importants sur les droits des réfugiés palestiniens. Toutefois, ils ne sont certainement pas allés jusqu’à renoncer totalement au « droit au retour », tel qu’il est fixé par la Résolution 194, adoptée par l’ONU en 1948, puisqu’une telle décision ruinerait totalement et instantanément leur légitimité aux yeux de l’opinion publique palestinienne.
Tous ceux qui sont intéressés à une paix durable – qui est tout à fait possible – entre les Israéliens et les Palestiniens doivent par conséquent se poser cette unique question : pourquoi l’école de Genève tente-t-elle d’acheter l’opinion publique israélienne en faisant le marketing de l’exact opposé de ce que leurs homologues palestiniens disent à leur opinion publique, précisément afin de gagner son soutien à l’initiative conjointe ? Le résultat final du processus de Genève ne pourra être qu’un creusement de la différence entre les lectures israélienne et palestinienne, plantant encore une fois le décor pour l’accusation israélienne, dont les doyens de l’école de Genève eux-mêmes se feront très vraisemblablement l’écho, à savoir que les Palestiniens sont des menteurs.
Certains, parmi les participants israéliens au processus de Genève les plus cyniques, savent parfaitement qu’il y a une contradiction volatile entre la lecture palestinienne de l’agrément et la façon dont ils le vendent à l’opinion publique israélienne. Ces Israéliens semblent penser qu’une déformation de la position palestinienne est susceptible de les aider à inciter les Israéliens à réinstaller le parti Travailliste au pouvoir, où il trouvera bien le moyen d’imposer l’ «accord ».
Mais le parti Travailliste ne réussira pas à reconquérir le pouvoir, parce que sa politique est une pâle réplique des convictions des partis de droite. La démission du dernier candidat travailliste au poste de Premier ministre, Amram Mitzna, de la direction du parti, couplée à celles de Travaillistes de gauche tels Beilin et Yael Dayan, afin de former un nouveau parti social-démocrate, attestent de l’impossibilité d’une réforme sérieuse de ce parti. Dans le domaine socio-économique, le parti Travailliste défend des positions néo-libérales similaires à celles de Binyamin Netanyahu, du Likoud. Sur le conflit israélo-arabe, les parlementaires Travaillistes, tels les généraux Binyamin Ben Eliezer, Efraim Sneh et Dany Yatom sont probablement pires que certains des députés Likoud à la Knesset.
Pour l’électeur israélien moyen, la question reste la même : pourquoi voter pour un parti Travailliste copie conforme du Likoud, alors que vous pouvez voter pour l’original ?
Que faudrait-il faire ?
S’ils sont réellement intéressés à une paix viable et durable pour leur peuple, les hommes politiques israéliens devront, finalement, présenter un accord de paix qui puisse conquérir le soutien des Palestiniens de base. A cette fin, l’opinion publique israélienne devra développer une compréhension beaucoup plus raisonnée des dynamiques socio-politiques sous-jacentes au conflit arabo-israélien. Plutôt que de se focaliser sur telle ou telle clause de l’Accord de Genève, les Israéliens intéressés par l’obtention d’une paix juste et durable doivent immédiatement concentrer leur attention sur les explications verbales et écrites, sans arrière-pensées, qui sont nécessaires afin de contextualiser ces accords d’une manière productive.
Tout d’abord, les Israéliens critiques doivent expliquer au public israélien que le conflit ne résulte pas du terrorisme ou du fanatisme palestiniens, mais bien plutôt d’une dépossession et d’une occupation israéliennes ; la responsabilité d’Israël dans le conflit doit être démasquée par des Israéliens. Les droits humains et politiques fondamentaux des Palestiniens, déniés par les politiques israéliennes d’occupation et de colonisation, doivent être pris en compte dans tout accord si l’on veut qu’il aboutisse à une paix juste. Il doit être dit clairement à l’opinion israélienne que la seule « offre généreuse » qui ait jamais été faite, dans l’arène israélo-palestinienne, c’est le renoncement des Palestiniens à 78 % de leurs revendications sur leur patrie historique.
Le droit au retour (des réfugiés palestiniens) est un droit humain fondamental. Le fait que certains Palestiniens soient prêts à le considérer comme objet de négociation, tout en prenant en considération les préoccupations démographiques d’Israël, doit être compris comme une offre généreuse palestinienne supplémentaire. Les Israéliens critiques doivent demander à leurs compatriotes – ceux de l’école de Genève, y compris – comment peuvent-ils demander aux Palestiniens de renoncer à leur droit au retour avant même qu’Israël ait reconnu leur simple existence ?
Ce qui est requis, ensuite, des Israéliens critiques – et en fin de compte des hommes politiques israéliens – c’est de promouvoir constamment la notion positive que représente la paix basée sur la coexistence et l’égalité entre tous les hommes. La notion de paix qui doit être résolument rejetée, non seulement en raison de sa faillite morale, mais parce qu’elle n’a aucune chance de fonctionner, c’est précisément celle d’Amos Oz et de ses associés à Genève, qui entendent par « paix » le moyen qui leur permettrait de maintenir les Palestiniens hors de leur vue, de l’autre côté d’un mur, et de considérer que les Palestiniens représentent un danger pour l’existence même d’Israël.
Comme c’était déjà le cas, avec les accords d’Oslo, en 1993, dans les Accords de Genève, le contexte est plus important que le texte – et de très loin. C’est d’autant plus le cas en ce qui concerne l’opinion publique israélienne. 
                       
19. Matrix Reloaded - Une nouvelle fois de Jonathan Cook
in Al-Ahram Weekly (hebdomadaire égyptien) du jeudi 13 novembre 2003
[traduit de l'anglais par Anne Claire Le Reste]

Il se peut qu'Israël crée un jour une sorte d'État, aux pouvoirs très limités, pour les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza. Mais quel type de nation restera-t-il pour jouir de ses quelques fruits ? Telle est la question que pose Jonathan Cook.
L'universitaire israélien Jeff Halper a inventé l'expression "matrice de contrôle" (the matrix of control) pour décrire le système constitué de colonies, d'avant-postes, de routes de contournements, de terres confisquées qu'on fait passer pour des parcs nationaux, de zones militaires, de checkpoints et, désormais, de centaines de kilomètres d'un "mur de séparation" : un ensemble d'éléments qui a pour effet d'enfermer la population palestinienne dans des ghettos disséminés en Cisjordanie et à Gaza.
Ce que J. Halper cherche à faire, c'est expliquer comment l'État d'Israël utilise, en sus des outils militaires, des outils non-militaires (lois de planification, architecture et géographie) dans le but d'entasser les Palestinien dans les espaces qu'il leur alloue : les "Bantoustans" bien connus de l'apartheid sud-africain.
Le prétexte en est peut-être bien la sécurité, mais l'objectif est d'empêcher l'avènement d'une direction palestinienne populaire et de briser toute résistance à l'occupation. Pendant ce temps, Israël continue son appropriation coloniale de ressources vitales telles que la terre et l'eau. Halper, ainsi que d'autres militants de l'extrême gauche israélienne, commencent à comprendre que, en dépit des "concessions" récentes faites par la gauche de pouvoir israélienne en signant l'Accord de Genève, il n'y a désormais plus d'espoir pour une solution reposant sur la création de deux états.
Les dirigeants israéliens n'ont pas renoncé à leur volonté de mettre en place un seul état, qui leur permettrait de tout contrôler. Le gouvernement est déjà en train de créer une série d'enclaves palestiniennes isolées qu'il appellera hypocritement état palestinien.
Cela donnera l'apparence de deux états, sans aucune substance. L'entité palestinienne, qui ne sera dotée d'aucun réel pouvoir, sera dirigée par les héritiers de l'Autorité Palestinienne, des vieux copains qui reçoivent leurs ordres de Jérusalem Ouest.
Cette sombre perspective est en fait plus qu'évidente depuis quelques temps déjà. Le problème, c'est que les observateurs étrangers, ainsi que le minuscule groupe de penseurs israéliens indépendants, se sont entêtés à considérer que le salut du peuple palestinien résidait uniquement dans le principe "terre contre paix" mis en avant par Oslo, et dans la mise en place, soutenue par les Israéliens, de l'Autorité Palestinienne. Ils ne commencent à entrevoir la vérité que tardivement.
Pour comprendre pourquoi Israël n'a jamais envisagé la création d'un réel état palestinien, souverain et autonome, il suffit de détourner quelque peu les yeux de Ramallah, Naplouse et Jénine, afin de regarder ce qu'Israël a fait de ses Palestiniens d'origine – la population indésirable qui lui est restée après avoir chassé, par la terreur, 80 % des Palestiniens vers des camps de réfugiés disséminés un peu partout au Moyen Orient.
Les réfugiés sont parfois appelés les Palestiniens oubliés, mais en fait, les quelques Palestiniens qui sont restés sur leurs terres à Jaffa, Nazareth, Sakhnin, Umm Al-Fahm, dans le Négev et ailleurs, et sont devenus des citoyens israéliens, ont été au moins autant négligés. Leur histoire est l'histoire oubliée de la Palestine.
Le traitement historique de cette minorité (qui atteint aujourd'hui environ un million de personnes, soit presque 20 % de la population d'Israël) éclaire de manière saisissante les intentions actuelles de l'État juif envers les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza. Ce qui est arrivé à Nazareth nous en dit beaucoup sur le destin programmé de Ramallah, et ce qui est arrivé à Sakhnin peut suggérer ce qu'Israël réserve à Jénine.
Ce qui relie tous ces endroits, c'est qu'ils projettent sur Israël l'ombre d'une patrie palestinienne antérieure à son existence. Ils témoignent du crime de guerre initial qui a donné naissance à Israël : non pas la guerre de 1967 qui a mené à l'occupation, et qui constitue le paratonnerre de l'attention internationale, mais la guerre de 1948, qui a été largement exorcisée de nos mémoires. En tant que tels, des Palestiniens qui continuent à vivre sur leurs terres, que cela soit à Jaffa ou à Bethlehem, à St Jean d'Acre ou à Hébron, constituent la même menace et doivent être neutralisés de manière similaire.
Tous les premiers ministres israéliens ont parfaitement bien compris cela, depuis le premier, David Ben Gurion, jusqu'au plus récent, Ariel Sharon. Et aucun d'entre eux, pas même le plus béatifié, Yitzhak Rabin, n'a dévié du principe directeur suivant : le but principal d'Israël doit être l'éradication de la conscience nationale du peuple palestinien, grâce à sa division en identités séparées (les Cisjordaniens, les Gazaouites, les réfugiés, les habitants de Jérusalem-Est et les Arabes israéliens), et à la partition sans fin de leur territoire en blocs géographiques de plus en plus petits.
Les dirigeants militaires israéliens croient que l'association de ces deux lignes d'action peut venir à bout de la résistance palestinienne, en diminuant la possibilité d'action collective, et en rétrécissant l'espace, psychologique comme physique, dans lequel les Palestiniens – tous les Palestiniens – peuvent manœuvrer contre l'occupation.
Pour mesurer l'étendue du succès israélien, il suffit de constater à quel point la communauté internationale a fini par accepter la validité de la position israélienne selon laquelle seuls les habitants de Cisjordanie et de Gaza sont des Palestiniens, dans le sens que seuls eux ont le droit à une forme d'état. Le récent Accord de Genève, et sa cécité sur la question du droit au retour pour les réfugiés, est juste le dernier plan de paix en date à traiter, de fait, comme non-Palestiniens, tous les Palestiniens qui vivent en dehors des Territoires Occupés. Leurs destins ont été dissociés de l'avenir palestinien.
Ceci a été rendu possible par le présupposé des pays occidentaux selon lequel l'énorme crime de guerre commis par Israël en 1948 (contre des Palestiniens qui constituent aujourd'hui un million de ses citoyens, ou contre les réfugiés qui sont désormais presque quatre millions) n'a plus d'importance. Ces deux groupes ont été, dans une large mesure, effacés de l'histoire palestinienne.
Le danger, c'est que ce processus insidieux perdure. La réussite du projet israélien de négation des droits collectifs des Palestiniens de 1948, ne devrait pas nous amener à conclure que les droits des Palestiniens de 1967 (ceux de Cisjordanie et de Gaza) sont, par conséquent, moins menacés. Bien au contraire. Ce qui a été fait il y a cinq décennies peut être tenté une nouvelle fois – et sera certainement tenté. Cela pourrait être fait, comme en 1948, par un nettoyage ethnique systématique. Ce serait la leçon des réfugiés. Mais cela pourrait aussi être fait de manière plus subtile, en utilisant les méthodes employées à l'encontre des citoyens palestiniens d'Israël. Ceci est le scénario le plus probable.
En fait, les similitudes sont frappantes entre ce que l'État d'Israël est en train de faire en Cisjordanie et à Gaza, et ce qu'il a infligé à sa minorité palestinienne dès les toutes premières années de l'État Juif. Oubliez les tanks et les hélicoptères de combat (les solutions à court terme pour imposer l'occupation) et concentrez-vous plutôt sur la "matrice de contrôle" d'Halper : le plan, à long terme, de destruction de l'identité palestinienne. La minorité palestinienne d'Israël est confrontée à la même matrice de contrôle que les Palestiniens des territoires occupés, mais ce depuis bien plus longtemps. Alors que le projet d'écrasement de l'identité nationale est bien avancé dans le cas des citoyens palestiniens d'Israël, il n'en est, en terme relatifs, qu'à ses débuts en Cisjordanie et à Gaza.
Le processus a commencé pour la minorité palestinienne par la colonisation de portions de leur terre (notamment de terres agricoles) par des immigrants/colons juifs appuyés par la loi martiale locale. C'est ainsi que l'État Juif est né : pendant les 18 premières années, jusqu'en 1966, les Palestiniens en Israël (contrairement aux citoyens juifs) étaient soumis à l'autorité d'un gouvernement militaire qui leur rendait la moindre sortie hors des limites étroites de leur village quasiment impossible. Pour se déplacer (que cela soit pour rendre visite à la famille, ou pour chercher du travail), il leur fallait demander un permis au gouverneur militaire. Souvent, les postulants subissaient une pression extrême pour qu'ils collaborent avec les autorités israéliennes, avant que la permission ne leur soit accordée. C'était la genèse du système de collaboration qu'Israël a rapidement établi, et n'a cessé de développer, parmi sa population palestinienne.
La minorité palestinienne, parquée dans ses villages, avait peu de moyens à sa disposition pour empêcher l'armée de convertir ses terres agricoles en zones militaires interdites. Quand les immigrants juifs arrivaient et avaient besoin de terre, alors seulement ces zones pouvaient être libérées pour la construction. C'est ainsi que naquirent des centaines de kibboutz et de coopératives agricoles moshav (qui fournirent le schéma directeur pour les colonies actuelles de Cisjordanie et de Gaza), et, plus tard, les villes nouvelles de Nazareth Ilit et de Karmiel,  que l'on retrouve dupliquées aujourd'hui en Cisjordanie avec Maale Adumin et Ariel.
Finalement, dans les années 1980, Israël persuada ses classes moyennes blanches de rejoindre le projet, en établissant une série de petites colonies luxueuses mitzpim (de guet) en Galilée et dans le Triangle Central, près de la frontière avec la Cisjordanie. Ces colonies attirèrent tout le monde, des banquiers aux généraux, des voyants aux acupuncteurs. Cette dernière phase n'a pas encore débuté en Cisjordanie et à Gaza, mais vous pouvez être certains que Sharon et quelques autres sont, en ce moment même, en train de réfléchir à la manière dont ils vont bien pouvoir la mettre en oeuvre. Si les classes moyennes de gauche peuvent être recrutées pour la cause, alors la création d'un état palestinien Bantoustan devrait poser peu de problèmes.
Pour accomplir ceci, il était nécessaire de dupliquer, dans les territoires occupés, le gouvernement militaire qui opère en Israël depuis deux décennies. Ce qui fut fait. En ces temps médiatiques, on lui attribua un nom plus consensuel : celui d'Administration Civile. Cette Administration, dirigée par les généraux de l'armée israélienne, délivre les permis de travail et de circulation, impose les couvre-feux et peut fermer les écoles et les universités palestiniennes comme bon lui semble. Elle participe à la confiscation des terres de manière à ce que ces dernières soient affectées à des besoins de sécurité, et ceci inclut son attribution à des colons juifs. Elle aussi aide à diriger un vaste réseau de collaborateurs, souvent d'anciens prisonniers qui, grâce à des pot-de-vin ou par peur, rendent presque futile toute tentative d'organisation de la résistance à l'occupation.
Quel est donc le scénario qui s'appliquera vraisemblablement aux Palestiniens des territoires occupés, dans l'hypothèse où l'État d'Israël finirait par décider qu'il peut se permettre un quelconque état palestinien Bantoustan ? A nouveau, il convient de chercher des éléments de réponse dans le traitement réservé à la minorité palestinienne d'Israël.
Bien que le gouvernement militaire ait pris fin il y a de nombreuses décennies à l'intérieur d'Israël, son héritage est toujours présent. En principe, les citoyens palestiniens d'Israël jouissent des mêmes droits que leurs voisins juifs. Mais, en réalité, toute tentative d'émergence d'un semblant de société civile palestinienne (ou même arabe) en Israël, est impitoyablement réprimée.
Les droits des minorités nationales ne sont pas reconnues par les tribunaux et l'activité politique est sévèrement contrôlée. Le ton fut donné par le gouvernement militaire. Les journaux arabes furent interdits. Quiconque tentait de s'organiser politiquement était arrêté. Le seul parti nationaliste arabe créé pendant cette période, Al-Ard, fut interdit par les tribunaux, et ses dirigeants emprisonnés. Cette persécution continua pendant les années 70 et 80. Les Fils du Village (Sons of the Village), un petit mouvement qui milite pour la mise en place d'un seul état garantissant véritablement une égalité totale entre Juifs et Palestiniens, compte dans ses rangs un nombre non négligeable d'hommes d'une cinquantaine d'années qui peuvent vous montrer les cicatrices qu'ils gardent de leur emprisonnement à Kishon, Nafha ou Shata, et des interrogatoires des services du Shin Beth qu'ils y ont subi.
De même, l'éducation de la minorité est strictement contrôlée par Israël. Lorsque les élèves  demandent à ce que leur soit enseignées l'histoire palestinienne, la perte de leur terre et la destruction des Palestiniens en tant que peuple, les enseignants doivent refuser.
Quant à ceux qui ne le font pas, on les force à quitter la profession. Les cafés de Nazareth, par exemple, sont remplis d'anciens enseignants, dont le Ministère de l'Éducation a décidé qu'ils étaient trop "politiques" pour que l'on puisse leur confier de jeunes esprits.
Dans le domaine de la protestation citoyenne, un droit élémentaire de toute démocratie, Israël a également donné une série de cruelles leçons à ses citoyens palestiniens. Ceux qui descendent dans la rue (même dans les rues de leur propre village) apprennent à leurs dépends que la protestation pacifique n'est pas plus tolérée que les jets de pierres des Palestiniens des territoires occupés.
En 1976, six citoyens furent abattus à Sakhnin alors qu'ils manifestaient contre le vol systématique de leurs terres par l'État d'Israël, un épisode qui est désormais commémoré dans tout le Moyen Orient sous le nom de Jour de la Terre. En 1998, lorsque les habitants de Umm Al-Fahm installèrent une tente de protestation après la transformation d'une énorme portion de leur terres agricoles en terrain militaire, les forces de sécurité envahirent la ville, envoyant 300 personnes à l'hôpital. Une école fut saccagée par la police et des gaz lacrymogènes lancés dans les salles de classe, blessant de nombreux élèves.
Et enfin, dans l'épisode le plus récent et le plus notoire, lorsque les citoyens palestiniens voulurent manifester en soutien à leurs frères palestiniens, au début de l'Intifada, 13 d'entre eux furent abattus par la police. Les balles en caoutchouc et les balles réelles furent la réponse immédiate des escouades de tireurs embusqués anti-terroristes.
Aujourd'hui, la plupart des citoyens palestiniens savent que leur présence dans l'État juif est à peine tolérée. Les accusations de complots terroristes fomentés par la minorité fleurissent quotidiennement dans les médias hébreux. Quiconque a un brin de jugeote fait profil bas. La menace d'expulsion, ou de "transfert", comme ses partisans l'appellent hypocritement, plane constamment sur eux.
Il est même conseillé aux dirigeants politiques de se mettre au pas, et ce de manière on ne peut plus claire. Ainsi les services de sécurité s'acharnent-ils, devant les tribunaux, contre les deux seuls hommes politiques palestiniens qui ont osé s'exprimer, le nationaliste laïque Azmi Bishara et le dirigeant du Mouvement Islamique, le cheikh Raed Salah.
Bishara est passé en justice à deux reprises pour avoir dit ce qu'il pensait de la résistance à l'occupation. Sans l'intervention de la Cour Suprême, il aurait été déchu de ses droits à participer aux élections de janvier. La Cour, comme toujours, sait protéger la réputation démocratique d'Israël quand il le faut.
Quant à Salah, qui bénéficie d'une popularité bien moins grande dans les pays occidentaux, son sort est pire encore : il est en prison, en attente de son procès. Ces 18 derniers mois, on lui a interdit de quitter le pays, le journal de son parti a été interdit et ses organisations caritatives islamiques fermées. Depuis l'élection de Sharon, le Shin Bet a enregistré chaque coup de téléphone passé par Salah et les dirigeants de son parti, et intercepté tous leurs emails. Il y aurait plus de 200.000 enregistrements en attente de traduction de l'Arabe vers l'Hébreu. Salah et quatre autres dirigeants de son parti doivent être jugés pour des chefs d'accusation dont même la police israélienne reconnaît qu'ils reposent principalement sur des suspicions de blanchiment d'argent, et même ces affirmations sont fondées sur une interprétation très libre de la loi israélienne.
L'objectif de cette persécution est de neutraliser toutes les manifestations d'une conscience identitaire palestinienne parmi la minorité afin de la transformer en un groupement anonyme et docile, que l'État d'Israël se plaît à appeler les "Arabes israéliens".
A bien des égards, ce processus s'est montré efficace. Les universitaires, commentateurs et dirigeants israéliens ont beau affirmer que la minorité s'est radicalisée et est devenue "plus palestinienne", il s'agit là d'une flagrante déformation de la réalité, au service du discours de l'extrême droite israélienne.  La droite cherche à présenter la minorité palestinienne comme déloyale, comme une cinquième colonne, parce que cela contribue à canaliser les hostilités énormes qui existent entre les Juifs israéliens (entre religieux et laïques, Ashkénazes et Séfarades, par exemples) en les redirigeant vers une cible solitaire et externe : les Arabes du pays.
C'est Eux ou Nous. En général, cela permet également de préparer l'opinion publique juive à d'éventuelles mesures extrêmes à plus long terme, telle que l'expulsion des citoyens palestiniens d'Israël. En fait, l'identité palestinienne de la minorité a été, dans une grande mesure, vidée de sens. S'il y a un sentiment d'appartenance à une identité palestinienne, il constitue à bien des égards une réaction face à l'éternel refus d'Israël d'accorder une identité israélienne à ses citoyens palestiniens. Lorsque l'entrée dans une nation dépend de l'appartenance à un groupe ethnique-religieux exclusif (les Juifs) et de la participation à une armée dont le but est de détruire son propre peuple, choisir d'être "Israélien" est une option impossible.
La hâte subite de la minorité à revendiquer une identité israélienne pendant les années grisantes et trompeuses du processus d'Oslo (l'empressement à afficher le drapeau israélien, le soutien soudain pour des équipes de football et de basket juives israéliennes) a suffisamment montré à quel point, pour beaucoup d'entre eux, l'identité palestinienne n'avait plus grande substance.
Le projet des dirigeants israéliens a toujours été la destruction de la conscience palestinienne parmi la minorité arabe d'Israël, en l'isolant de son peuple et en affaiblissant son sentiment d'appartenance à une communauté plus large. De fait, la minorité palestinienne a perdu sa capacité à s'organiser et à résister aux ambitions cyniques de la communauté juive concurrente et dominante.
Le résultat fut qu'Israël réussit à s'emparer de terres palestiniennes pour la colonisation juive. En Galilée, par exemple, le conseil des colonies juives de Misgav contrôle désormais 18 fois plus de terres que la ville arabe voisine de Sakhnin, alors que sa population représente à peine plus de la moitié de Sakhnin : c'est-à-dire que chaque Juif bénéficie de presque 36 % de terres en plus. La plupart de ces terres ont été confisquées à la population de Sakhnin.
En 55 ans d'existence de l'État d'Israël, aucun village ni aucune ville arabes n'ont été créés (si ce n'est une poignée de municipalités, sous-financées, afin de forcer les Bédouins à abandonner leurs terres agricoles) alors que la minorité palestinienne a été multipliée par huit. Les citoyens palestiniens vivent dans les communautés les plus peuplées d'Israël. Aujourd'hui, Israël possède 93 % de la terre, ses citoyens palestiniens seulement 3 %, et ce chiffre ridicule diminue chaque jour lorsque Israël choisit d'implanter de nouvelles routes, de nouveaux champs de tirs, de nouveaux parcs nationaux, sur les derniers lambeaux de terre qui appartiennent encore à la minorité palestinienne.
Ces ghettos vont devenir de plus en plus familiers aux Palestiniens des territoires occupés, qui sont cernés chaque jour davantage de zones militaires ou de protection de l'environnement, sans compter les omniprésentes routes de contournements, soi-disant nécessaires pour permettre aux colons de se rendre plus rapidement dans leurs colonies illégales. Ils reconnaîtront également les obstacles insurmontables auxquels la minorité palestinienne se heurte lorsqu'il s'agit d'obtenir un permis de construire. De nombreuses constructions illégales résultent de cette situation, et les mesures prises par les autorités pour résoudre le problème se résument à la démolition de maisons, tout comme dans les territoires occupés. Dans le Néguev, les fermiers bédouins sont forcés, par la terreur, à quitter leurs terres historiques pour aller dans des villes nouvelles qui constituent les zones les plus défavorisées d'Israël. Pour utiliser le vocabulaire gouvernemental : ils sont "concentrés", chassés de leurs "communautés éparses".
Les Palestiniens ont de nombreux avantages par rapport aux citoyens palestiniens d'Israël. Au moins, cette fois-ci, le monde regarde, même s'il comprend rarement, pendant que l'État d'Israël dépossède les Palestiniens de leur terre. La plupart des gens s'accorde à dire que les colonies sont illégales, et les Palestiniens ont une foule de résolutions des Nations-Unies en leur faveur. Mais les pays occidentaux se lassent vite, et leurs bonnes intentions sont loin d'être garanties.