"A trop manipuler les codes génétiques des Etats et des nations,
il se pourrait qu'une nouvelle génération de monstres politiques surgisse de la nuit de l'Histoire."
François Thual
                                 
Point d'information Palestine N° 216 du 20/03/2003
Newsletter privée réalisée par l'AMFP - BP 33 - 13191 Marseille Cedex 20 - FRANCE
Phone + Fax : +33 491 089 017 - E-mail :
amfpmarseille@wanadoo.fr
L'AMFP Marseille est une section de l'Association France-Palestine Solidarité
Pierre-Alexandre Orsoni (Président) - Daniel Garnier (Secrétaire) - Daniel Amphoux (Trésorier)
Association loi 1901 - Membre de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
Rédaction : Pierre-Alexandre Orsoni et Marcel Charbonnier
                               
Si vous ne souhaitez plus recevoir nos Points d'information Palestine, ou nous indiquer de nouveaux destinataires, merci de nous adresser un e-mail à l'adresse suivante : amfpmarseille@wanadoo.fr. Ce point d'information est envoyé directement à un réseau privé de 6893 destinataires et n'est adossé à aucun site internet. Les propos publiés dans cette lettre d'information n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs.
Consultez régulièrement les sites francophones de référence :
http://www.solidarite- palestine.org
 - http://www.paix-en- palestine.org - http://www.france-palestine.org
http://www.protection- palestine.org
 - http://www.paixjusteauprocheorient.com - http://www.palestinet.org
http://acrimed.samizdat.net
 - http://www.presse-palestine.org
                   
Les premiers bombardements américano-britanniques sur Bagdad ont commencé ce jeudi 20 mars 2003 vers 5H35 heure locale...
               
Au sommaire
                   
Rendez-vous
Pour retrouver l'ensemble des rendez-vous en Europe et au Canada, consultez l'agenda sur : http://www.solidarite- palestine.org/evnt.html
1. EXCEPTIONNEL - Rencontre avec Mahmoud Darwich à Aix-en-Provence les jeudi 3, vendredi 4 et samedi 5 avril 2003 à La Cité du Livre
2. Théâtre - L'homme aux petites pierres encerclé par les gros canons de André Benedetto au Théâtre des Carmes en Avignon du 4 au 6 avril 2003
3. Rencontre - Rencontre avec des artistes de la scène palestinienne à Bruxelles le lundi 24 mars 2003 à 20h15 à La Maison du Spectacle
                           
Dernières parutions
1. La Pensée de Midi - Regarder la guerre (N° 9 - Hiver 2002/2003) aux éditions Actes Sud
2. Recettes contre l’oubli : Saveurs orientales édité et distribué par la Cimade
                   
Réseau
1. Feux d'artifice pour une résolution finale ? Ariel Sharon prendra-t-il les devants ? par Bernard Cornut
2. S’il vous plaît, Monsieur le Président, bombardez Seattle ! par Geov Parrish [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
3. Nos médias, ces parents qui nous couvent par Gabriel Ash paru sur YellowTimes.org le vendredi 14 mars 2003 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
4. Les oreilles de Midas par Israël Shamir (11 mars 2003) [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier] 
                                                                           
Revue de presse
1. La Guerre du feu par Richard Labévière sur Radio France International le mardi 18 mars 2003
2. Mille mercis, président Bush par Paulo Coelho in Le Monde du mardi 18 mars 2003
3. Au-delà du pacifisme par Edgar Morin in Le Monde du mardi 18 mars 2003
4. Tsahal : "La mort d’une activiste américaine à Gaza est un "accident regrettable" par Arnon Regular in Ha'Aretz (quotidien israélien) du lundi 17 mars 2003 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
5. Les divisions entre juifs américains les conduisent à faire silence sur la guerre contre l’Irak par Laurie Goodstein in The New York Times (quotidien américain) du samedi 15 mars 2003 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
6. Un génocide n’a pas besoin de chambres à gaz ! par Shulamit Aloni paru dans Ha’Aretz (quotidien israélien) traduit dans Courrier International du jeudi 13 mars 2003
7. La doctrine Bush contre les valeurs américaines par Georges Soros in Le Figaro du jeudi 13 mars 2003
8. Un site pour "noircir" la Belgique... par Serge Dumont in Le Soir (quotidien belge) du jeudi 13 mars 2003
9. Les réformes vues par la presse palestinienne par Hoda Saliby-Yehia in Le Monde du jeudi 13 mars 2003
10. La crise irakienne et la guerre des Juifs par Bradley Burston in Ha’Aretz (quotidien israélien) du mercredi 12 mars 2003 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
11. Israël veut rafler la mise par Samar Al-Gamal in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 12 mars 2003
12. La Palestine via Bagdad par Randa Achmawi et Ahmed Loutfi in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 12 mars 2003
13. Les Palestiniens n'ont même pas de météo par Tanya Reinhart in Yediot Aharonot (quotidien israélien) du 9 mars 2003 [traduit de l'anglais par Giorgio Basile]
14. Gaza a faim par Peter Hansen in The Guardian (quotidien britannique) du mercredi 5 mars 2003 [traduit de l'anglais par Ana Cleja]
15. Comment nier le choc Islam-Occident ? par Hubert Védrine in Le Monde du vendredi 28 février 2003
16. Crécher dans le désert par Christophe Ayad in Libération du vendredi 21 février 2003
17. Ces Israéliens qui rêvent de "transfert" par Amira Hass in Le Monde diplomatique du mois de février 2003
18. Quand les « boîtes à idées » américaines donnent des cours de politique étrangère… par Brian Whitaker in The Guardian (quotidien britannique) du lundi 19 août 2002 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
                  
Rendez-vous

                                       
1. EXCEPTIONNEL - Rencontre avec Mahmoud Darwich à Aix-en-Provence
les jeudi 3, vendredi 4 et samedi 5 avril 2003 à La Cité du Livre
[Les Écritures Croisées - Cité du Livre - 8/10, rue des Allumettes - 13090 Aix en Provence - Renseignements : 04 42 26 16 85]
           
Les Écritures Croisées, menées par Annie Terrier, vous proposent une rencontre exceptionnelle de trois jours avec Mahmoud Darwich à Aix-en-Provence.
De nombreux invités seront présents lors de ces rencontres, pour évoquer l'œuvre de Mahmoud Darwich, aux côtés de Leïla Shahid, Déléguée générale de Palestine en France, Etel Adnan, Dia Azzawi, Breyten Breytenbach, Subhi Hadidi, Marcel Khalife, Elias Khoury, Rachid Koraïchi, Jacques Lacarrière, Farouk Mardam-Bey, Bernard Noël, Elias Sanbar, André Velter et Saadi Youssef.
           
Mahmoud Darwich : la terre et le temps - Seul Mahmoud Darwich, poète et Palestinien, pouvait “contre son gré”, dit-il, atteindre aussi simplement la parole universelle. Depuis toujours, il met en scène et en sons des silences “dus à la honte le plus souvent, parfois aussi à l’héroïsme”, silences remplis d’affirmations fracassantes. Comme métaphore de ces silences, la parole, fleuve ténu, les faits, discordance planétaire, et les ombres si douces du quotidien.
L’ancrage au cœur des mémoires méditerranéennes fixe la profondeur de l’œuvre de Mahmoud Darwich. Nous entendons, “c’est-à-dire nous sentons et nous comprenons” l’épopée transcendante que forment les histoires simples qu’il révèle. À l’œuvre, seulement des hommes et des femmes, flore et faune, et même éléments naturels. Il a trouvé assez d’amour pour faire entrer en vibration les choses et les sons qui les disent, depuis Aristote déjà, dans une ambivalence qui fait sens.
Et lui, l’Impatient, combien de mots faudra-t-il qu’il dise encore ? Alors que l’instant transforme le temps en histoire. Et que le vent gonfle de poussière neuve la terre glaise bientôt bonne à façonner. En les étendant à l’univers, Mahmoud Darwich inaugure le bon usage de la terre et du temps. Il montre avec quelle rigueur la conscience littéraire permet le travail sur soi-même que l’événement semble interdire.
Mahmoud Darwich est né en 1942 à Birwa près de Saint-Jean-d’Acre en Palestine. En 1948, son village est détruit par les forces sionistes et sa famille se réfugie au Liban. Mais il revient clandestinement la même année en Palestine pour y faire ses études. Il commence très jeune une carrière de journaliste tout en publiant ses premiers poèmes. Engagé dans le combat politique, il milite dans le parti communiste israélien, ce qui lui vaut d’être emprisonné à plusieurs reprises de 1960 à 1970 et d’être assigné à résidence à Haïfa. Mahmoud Darwich quitte Israël en 1971 et choisit de s’exiler d’abord au Caire, puis à Beyrouth, à Tunis et à Paris. Membre du comité exécutif de l’OLP, il démissionne en 1993. Il vit désormais entre Amman et Ramallah. Mahmoud Darwich est unanimement considéré comme l’un des plus grands poètes arabes contemporains et c’est probablement le poète arabe le plus lu et le plus traduit dans le monde. Auteur de plusieurs ouvrages maintes fois réédités, il est devenu “l’expression poétique” de tout un peuple. Il a reçu en 1983 le Lenin Price, en 1997 il devient commandeur des Arts et des Lettres et reçoit en 2001 le Lannan Price pour la liberté de la culture.
Il a publié de très nombreux ouvrages dont en France : Rien qu’une autre année : anthologie poétique (1966-1982), Minuit, 1983 - Palestine mon pays : l’affaire du poème, Minuit, 1988 - Plus rares sont les roses, Minuit, 1989 - Chroniques de la tristesse ordinaire, suivi de Poèmes palestiniens, Cerf, 1989 - Au dernier soir sur cette terre, Sindbad/Actes Sud, 1994, et Petite Bibliothèque de Sindbad - Une mémoire pour l’oubli, Sindbad/Actes Sud, 1994 - Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ?, Sindbad/Actes Sud, 1996 - La Palestine comme métaphore, Sindbad/Actes Sud, 1997 - Then, Palestine, photographies de Larry Towell, Marval, 1998 - La terre nous est étroite et autres poèmes, Gallimard, 2000 - Le Lit de l’étrangère, Actes Sud, 2000 - Murale, Actes Sud, 2003.
                       
PROGRAMME
- Jeudi 3 avril 2003 - Amphithéâtre de la Verrière - Galerie Zola - Cité du Livre
18h00 -
OUVERTURE DES RENCONTRES - Mahmoud Darwich et l’ensemble des invités
LECTURE par Mahmoud Darwich et Bernard Noël
suivie du VERNISSAGE DES EXPOSITIONS
- Vendredi 4 avril 2003 - Amphithéâtre de la Verrière - Cité du Livre
17h00
 - PROJECTION DU FILM "Nous aimons aussi la vie" réalisé par Jean Asselmeyer (Métropolis - Arte-France - 13 mn)
17h30 - ENTRETIEN AUTOUR DE L’ŒUVRE DE MAHMOUD DARWICH avec Etel Adnan, Breyten Breytenbach, Subhi Hadidi, Elias Khoury, Jacques Lacarrière, Farouk Mardam-Bey, Bernard Noël, Elias Sanbar, André Velter et Saadi Youssef
21h00 - CONCERT de Marcel Khalife "Takassim" (Création mondiale) [Entrée 10 euros - Tarif réduit 5 euros dans la limite des places disponibles - Prévente à la librairie Forum Harmonia Mundi Tel : 04 42 38 18 91]
- Samedi 5 avril 2003 - Amphithéâtre de la Verrière - Cité du Livre
11h30 - 12h30 - S
IGNATURE de Mahmoud Darwich sur le stand de la librairie Forum Harmonia Mundi
15h00 - PROJECTION DU FILM "Mahmoud Darwich : Et la terre, comme langue" de Simone Bitton et Elias Sanbar (59 mn)
16h00 - ENTRETIEN entre Mahmoud Darwich et le public
CLÔTURE avec l’ensemble des invités
(Exposition Dia Azzawi et Rachid Koraïchi à Galerie Zola du 3 avril au 3 mai 2003)
                           
Takassim (concert) par Marcel Khalife
(Dédié à Mahmoud Darwich) - Depuis longtemps, ma musique s’est trouvée si étroitement liée à la poésie de Mahmoud Darwich que, dans la conscience du public du monde entier, le nom de l’un de nous deux est automatiquement associé au nom de l’autre. En effet, si je revois mon parcours musical depuis près de vingt-sept ans, je le vois jalonné de signes et de repères qui renvoient, presque tous, à des œuvres de Mahmoud Darwich. Dès les Promesses de la Tempête, première rencontre entre la poésie et ma musique, jusqu’aux chansons qui accompagnent le tout récent Concerto Al Andalus, Mahmoud Darwich est partout présent. Dès mes premiers balbutiements et bien avant que l’on se rencontre – et qu’on se reconnaisse – je sentais comme si sa poésie m’était destinée : le pain de sa mère avait le même goût que celui de ma mère, les yeux de sa Rita, la douleur de son Joseph trahi par ses frères, son passeport qui porte ma propre photo, ses oliviers, son sable, ses oiseaux, ses geôliers et ses chaînes, ses gares et ses trains, ses cowboys et ses Indiens sont miraculeusement  les miens. C’est pourquoi ma musique épouse son vers, naturellement, sans effort, sans artifice.
Sa poésie était née pour que je la chante, pour que je la joue, pour que je la crie, la prie, la  pleure… Je la tissais avec un naturel incroyable sur les cordes de mon oud, et quand j’associais tout l’orchestre à sa parole et à ma voix, il en sortait ce chant qui, tour à tour, secouait, consolait, faisait bondir, résister ou prendre conscience.
Et voilà que ce soir, et précisément dans ce concert qui est un hommage de Marcel Khalife à Mahmoud Darwich, plus d’une personne va être déroutée.
En effet, sur ma partition, je n’ai prévu aucune place ni à ma voix ni au verbe de Darwich. Et pourtant, jamais ma voix, jamais son verbe n’auront été aussi présents que ce soir. Pareils aux enfants que nous sommes demeurés, Voix et Verbe courront sans répit sur les cinq rails de la partition. Et le public, qui les rencontrait jadis dans les notes et les paroles, les surprendra, s’il veut bien être notre complice, comme il l’a toujours été, l’une courant derrière le masque carré d’une “pause”, l’autre mimant l’herbe ou le vent, le rire ou le sanglot au bord d’un “soupir” ou au coin d’une “demi-pause” blottie dans un interligne peu fréquenté par l’archet.
Farce ou fantaisie ?
Ni l’une ni l’autre ! Mais une fleur de précipice vers laquelle je tends la main depuis longtemps, vers laquelle je n’osais pas encore m’aventurer. J’ose enfin le faire, ce soir,
et précisément en hommage à Mahmoud, mon ami, mon frère.
Je confie aux deux tessitures du oud et de la contrebasse le soin de dire la complicité profonde du Poète et du Musicien. Graves, profondes et souterraines seront les cordes de la contrebasse tour à tour secouées, lacérées, caressées, torturées, flagellées par l’archet et le doigt. Viriles malgré de nombreux  jaillissements à l’aigu seront les cordes du oud. Douloureuses mais nobles et retenues, sans effusions, sans pathos ! Quant aux timbres, ils seront puisés dans les réminiscences superposées des multiples voix en contrepoint de Darwich psalmodiant ses vers sur maints autels du monde où il m’a été donné de l’écouter.
Ce soir, ma musique ne “figurera” rien, ne “référera” à rien : elle ne sera pas de l’ordre de  l’“analogique”. Elle sera faite de toutes les sensations que la poésie de Darwich a suscitées en moi, et de ce fait, elle sera de l’ordre du “numérique”, c’est-à-dire, je chercherai à restituer toutes les ondes sensorielles, affectives, spirituelles et intellectuelles dans des vibrations sonores qui diront ce que jamais ma voix n’a réussi à dire en chantant les paroles de Darwich. Ce sera un jeu de “correspondances” et de “synesthésies” : un univers m’est suggéré ou communiqué par le verbe de Darwich. J’en marque le code en langage de sons, de rythmes et de timbres. La sensibilité du public sera le décodeur de ma composition.
Puisse la restitution être la plus fidèle possible !
Marcel Khalife, est né en 1950 à Amchit au Mont-Liban. Ses études au Conservatoire national de musique de Beyrouth le consacrent spécialiste du luth oriental, le oud, et il contribue depuis à rénover l’utilisation de cet instrument. En 1972, il crée dans son village natal un groupe qui a pour but de faire revivre l’héritage musical et la chorale arabe. Les premières tournées ont lieu au Liban. Le groupe Al Mayadine voit le jour en 1976. Enrichi de l’expérience du groupe local précédent, sa notoriété dépassera les frontières du Liban, et Marcel Khalife, accompagné par son ensemble musical, commence à effectuer de nombreuses tournées dans les pays arabes et dans le monde entier. Depuis 1974, Marcel Khalife a participé à la composition musicale de spectacles de danse où, à travers un travail d’échanges profonds, la musique et la danse ont donné naissance à un genre nouveau : le “ballet oriental populaire” (Groupe Caracalla, Groupe Al Sarab, etc.).
De même, il participe à la composition de musiques de films documentaires et longs métrages réalisés par Maroun Bagdadi, Oussama Mohamad et d’autres.
Marcel Khalife a composé récemment : La Symphonie du Retour, Chronique concertante L’Élégie de l’Orient, Concerto Al Andalus Suite pour oud et orchestre, Diwan Al Oud, Duo oud Jadal, Quatuor oud Moudaala, l’Écoute Al Sama dans les formes classiques arabes, et Danses Raks.
Mais son combat n’est pas seulement musical. D’abord interprète et spécialiste du luth oriental, il est aussi un compositeur profondément attaché au contenu des textes sur lesquels il s’appuie. En s’associant avec les grands poètes arabes contemporains, et principalement avec Mahmoud Darwich, il a cherché à renouveler l’idéologie de la chanson arabe, à en briser les stéréotypes et à faire évoluer la société qui l’entoure, en proposant des alternatives thématiques capables de transcender un auditoire habitué aux traditionnels récits de tourments et de frustrations propres à la chanson arabe et dans lequel il finissait par se confondre.
Il a édité vingt albums dont : Promesse de la Tempête, Ahmad El Arabi, Les Noces, Tourbihouna Ala Watan, Qahwet Arab, etc...
                           
2. Théâtre - L'homme aux petites pierres encerclé par les gros canons de André Benedetto au Théâtre des Carmes en Avignon
du vendredi 4 au dimanche 6 avril 2003
- Initialement programmée en février dernier, cette création sera présenté du 4 au 6 avril en Avignon.
C’est l’histoire d’un type sur le dernier carré de terre de son pays occupé, privé de tout, qui refuse de disparaître, qui n’a que quelques pierres pour se défendre, une espèce de clown dans un cercle de pierres, qui joue tout ce qu’il sait tout ce qu’il voit autour de lui. A la lueur d’une bougie il appelle au secours car il reste persuadé qu’il y a encore quelques humains sur la terre qui pourraient l’entendre et lui venir en aide
[Théâtre des Carmes - 6, Place des Carmes - 84000 Avignon - Tél : 04.90.82.20.47 - Fax : 04.90.86.52.26 - Vendredi 4 et samedi 5 avril à 20h30, dimanche 9 avril à 16h - Durée du spectacle : 1h40 - Tarif : 16 et 12 euros]
                               
3. Rencontre - Rencontre avec des artistes de la scène palestinienne à Bruxelles
le lundi 24 mars 2003 à 20h15 à La Maison du Spectacle

«Voices of Palestine» est un cycle de conférences organisé par IETM (Informal European Theater Meeting) dans le cadre du projet paneuropéen « 100 Artistes en Palestine ». Après les Halles de Schaerbeek et le Kaaitheater, c’est la Maison du Spectacle- La Bellone qui accueille des artistes de la scène venant témoigner de leur travail de créateur.
Cette conférence sera plus spécialement consacrée au théâtre : Ecriture théâtrale, adaptation et archive en Palestine
- Ont été sollicités : Wasim Kurdi (Fondation Al-Qattan : coordination pour la recherche et le développement) ; Iman Aoun (Ashtar Théâtre : directrice artistique et comédienne) ; Ya’coub Ismail (écrivain) ; Khaled Massou (écrivain) et Raeda Ghazala (comédienne) Inad Théâtre ; Abdel Fattah Abu Sroor (écrivain, auteur dramatique); Rafat Al Aydeh (écrivain) et Jackie Lubeck (co-directeur), Théâtre Day Productions.
La rencontre sera conduite par le Dr. Nabil Haggar, vice-président, Université de Lille, chargé de la Culture.
Merci de confirmer votre présence. Entrée libre.
Une production de l’IETM en collaboration avec la Fondation Européen de la Culture,  les Halles de Schaerbeek, Culture et Démocratie, Kunst en Democratie, la Ligue des Droits de l’Homme, la Maison du Spectacle – la Bellone, le VTI, le Kaaitheater, le Théâtre Royal de La Monnaie, Rosas et l’Association Belgo-Balestinienne. Avec le soutien/Met de steun van : Fondation européenne de la Culture Ministère de la Culture de la Communauté française de Belgique, Ministerie Muziek, Letteren & Podiumkunsten van de Vlaamse Gemeenschap, Vlaamse Minister van Ontwikkelingsamenwerking, Commissariat général aux Relations internationales de la Communauté française de Belgique, Fonds Triodos,
[Lieu : La Maison du Spectacle- La Bellone - Rue de Flandres 46 Vlaanderenstraat - 1000 Bruxelles - Tél : +32 (0)2 513 33 33 - E-mail : www.bellone.be]
                                       
Dernières parutions

                     
1. La Pensée de Midi - Regarder la guerre (N° 9 - Hiver 2002/2003)
aux éditions Actes Sud
[174 pages - ISBN : 2742739211 - 15 euros]
Nous avons voulu croire que la geurre s'était absentée, qu'elle avait été comme mise entre parenthèses, guerre froide à l'ombre des armes nucléaires, sur lesquelles durant près de cinquante ans l'équilibre de la terreur a reposé. Ce temps-la, du ni guerre ni paix, est bien révolu. La guerre est de retour et il nous faut apprendre à bien la regarder en face. Comme le souligne Paul Virilio dans l'entretien qui ouvre ce numéro, "Regarder la guerre et faire la guerre, c'est le même jeu." Une réflexion qui va nous poursuivre longtemps...
EXTRAIT DU SOMMAIRE
- Editorial : Thierry Fabre
- L'art de l'effroi par Thierry Fabre et Maryline Crivello
- Entretien avec Paul Virilio par Thierry Fabre
- Regards sur la guerre fragments d'histoire par Maryline Crivello
- Un héros des temps modernes : le correspondant de guerre par Emile Témime
- Processus de guerre par Christian-Marc Bosséno
- En finir avec la guerre contre les civils par Rashid Khalidi
- Téléviser des monstres en Méditerranée par Daniel Dayan
- "C'est fragile, une images" Entretien avec Jean-Claude Coutausse par Renaud Ego
- "Les Etas-Unis réécrivent l'histoire" Entetien avec Stewart O'Nan
- Contre toute attente par Sophie Elbaz
[Revue littéraire et de débat d'idées fondée et dirigée par Thierry Fabre. Site : http://www.lapenseedemidi.org]
                           
2. Recettes contre l’oubli : Saveurs orientales
édité et distribué par la Cimade

[40 pages - 7,5 euros - Illustrations en couleur - Format : 21x21cm - Mars 2003]
Ce livre, contenant 20 recettes et 11 interviews, est édité par la Cimade, service œcuménique d’entraide, en partenariat avec l’association de femmes palestiniennes et libanaises Najdeh.
Synonyme de fête, de convivialité, d’échange et de partage, la cuisine est aussi un mode d’expression extraordinaire pour raconter l’histoire et la vie d’un peuple. Quand l’odeur du pain chaud se mêle à celle de l’huile d’olive et au parfum corsé de la cardamome, c’est un véritable voyage dans le temps et dans l’espace qui vous est offert ! Dans cet ouvrage, les femmes palestiniennes réfugiées au Liban vous livrent leurs secrets de cuisine : hommous, taboulé, poulet farci, caviar d’aubergine, koubbé, falafels… Le destin d’un peuple exilé, qui a préservé l’essentiel de son identité en dépit de son histoire dramatique, se révèle au fil de recettes savoureuses et parfumées. En vous confiant quelques unes de leurs recettes, ces femmes vous invitent à une rencontre avec leur culture et leur vie quotidienne.
Les bénéfices réalisés par la vente de ce livre seront reversés à l’association Najdeh, pour le jardin d’enfants du camp de réfugiés palestiniens de Borj El Barajneh à Beyrouth.
Vous pouvez commander le livre de cuisine en envoyant un chèque à la Cimade (7,5 euros + 1,5 euros de frais d'envoi) ou l’acheter dans les boutiques Artisans du Monde. Pour plus de renseignements : Cimade-Documentation - 176, rue de Grenelle - 75007 Paris - Tél : 01 44 18 60 54 - E-mail : ssi@cimade.org
                                                               
Réseau

                               
1. Feux d'artifice pour une résolution finale ? Ariel Sharon prendra-t-il les devants ? par Bernard Cornut
CE TEXTE A ETE ECRIT LE 14 MARS 2003... 
(Bernard Cornut est polytechnicien, président de "For a Just UNO", auteur de "Ben Laden ou Kyoto ? Orienter - l'Occident plutôt qu'occire l'Orient" aux éditions de l'Harmattan à paraître fin mars 2003.)
Paris, le 14 mars 2003 - Nous tenons de source généralement bien informée qu’un bref projet de résolution ferme et finale circule entre quelques membres du Conseil de Sécurité de l’ONU, et non des moindres.
France, Syrie, Royaume-Uni semblent déjà d’accord pour un texte en 2 paragraphes seulement qui couronnerait tous les efforts déployés à grands frais par les Etats-Unis pour impressionner ceux qui résistent encore à une application rapide et précise du droit international, sans délais ni conditions.
La Russie et la Chine, et l’Allemagne évidemment, ont fait savoir à la France qu’elles seraient d’accord mais attendent la version finale en leur langue pour se prononcer publiquement. Le Pakistan n’hésite plus à sortir de sa réserve et a trouvé le 20 mars l’occasion de dire à une réception de la  Francophonie : Vive la France, bravo Chirac !
On voit mal G.W. Bush opposer seul un veto contre une résolution qui confirmerait brillamment qu’obtenir le désarmement et la paix sans tirer un coup de feu, c’est une très belle victoire. Le président américain a néanmoins besoin de quelques jours pour déterminer en consultation la date clé qui sera inscrite dans la résolution.
La Bulgarie et l’Espagne le suivraient avec un ouf de soulagement d’avoir participé avec patience à l’unité du vote européen et à la paix en Méditerranée aussi. Constatant l’unanimité retrouvée des cinq membres permanents, les autres pays membres se rallieraient.
Les pays africains, Angola, Cameroun, Guinée, y ont déjà vu leur intérêt pour amortir les tensions sur les marchés pétroliers. Naturellement le Chili a déclaré qu’il s’alignerait sur cette position commune Nord-Sud.
Voici sans doute en exclusivité mondiale le projet de résolution dans son état à jour au 14 mars, dans une version traduite en français à partir du draft non-paper transmis par une personne bien placée qui a requis l’anonymat.
«Rappelant toutes ses résolutions antérieures pertinentes, le Conseil de Sécurité décide, en vertu du Chapitre VII de la Charte, qu’elles devront toutes être en début d’application au JJ/MM/2003 à minuit TU, et toutes appliquées intégralement un an plus tard, sauf difficultés techniques pour lesquelles le Conseil reste saisi.
Le Conseil prie le Secrétaire Général de consulter tous les Etats Membres de l’ONU lors d’une session extraordinaire de l’Assemblée générale sur les définitions d’assiettes et les taux d’une triple redevance volontaire globale sur les énergies fossiles, les productions d’armes et les transferts internationaux de capitaux. Cette redevance serait affectée à un « Fonds des Nations Unies pour la paix par la Justice et le Développement durable », pouvant assumer les justes compensations dues aux victimes civiles des guerres passées et leurs ayant droit, à établir sous les auspices de la Cour Internationale de Justice d’ici 10 ans.» (jusqu’au JJ/MM/2013, NDLR).
                       
2. S’il vous plaît, Monsieur le Président, bombardez Seattle ! par Geov Parrish
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Seattle, le 28 février 2003 - Cher Président Bush, je vous écris en tant qu’Américain fier de l’être et en tant que résident de l’une de nos si nombreuses grandes cités : Seattle. Vous avez sans doute entendu parler de nous ? Space Needle, les montagnes, les forêts, le saumon… Microsoft… Lorsque vous possédiez le club de base-ball Texas Rangers, votre équipe était dans la même division que la nôtre : les Mariners. Nous avons perdu, à l’époque. Nous espérons que vous nous en êtes toujours reconnaissant. Oh, et puis, j’allais oublier : la firme Boeing vous envoie ses affectueux baisers.
Monsieur le Président, j’ai une énorme faveur à vous demander. Pourriez-vous, s’ils vous plaît, nous bombarder ?
Non pas une fois ou deux, comme ça, pour la galerie. Non. Je dis bien : bombardez bien comme il faut la ville de Seattle, impitoyablement, comme vous planifiez de le faire à Bagdad, et probablement aussi à Pyongyang, à Téhéran et à Damas et sur n’importe laquelle des cinquante ou soixante capitales mondiales qui sont couchées sur les listes des planificateurs du Pentagone. J’insiste : faites tout péter et ramenez-nous bien, surtout, à l’âge de pierre. Y faut que ça saigne ! Envoyez nous un message inoubliable !
Je préférerais que vous n’hésitiez pas trop longtemps et que vous n’y pensiez pas trop : je ne voudrais surtout pas que vous alliez nous attraper une migraine, ou quoi que ce soit… Mais si vous chopez un mal de tête, dites-vous que, nous aussi, nous courbons l’échine sous le joug d’un dirigeant avide de pouvoir que nous n’avons jamais élu, qui utilise la torture et qui opprime les minorités religieuses et politiques, faisant disparaître des gens des rues de nos villes dans un système carcéral d’où ils n’émergent plus jamais. Ce gouvernement dispose d’un nombre incroyable d’armes redoutables, et il semble impatient de les utiliser, non ?
En ce qui concerne Seattle, eh bien, Monsieur le Président, il faut bien reconnaître que nous sommes dans la partie « rouge » du pays, la partie qui a voté pour Al Gore. Aussi, je suis persuadé que vous comprendrez que nous avons apporté plus que notre contribution au terrorisme au fil des années. Ces terroristes de l’intérieur, arrêtés il y a quelques semaines, pour avoir volé des plans top secrets à l’armée ? C’étaient des gars de chez nous. Nous les avons élevés patiemment, des années durant, tous, depuis les snipers du District of Columbia en passant au Tueur de Green River et Ted Bundy pour finir par bien d’autres. Nous avons « protégé » tous ces types-là. Pour votre talentueuse équipe, prouver que nous représentons une menace internationale sera un jeu d’enfant. Prenez juste quelques photos satellite floues au-dessus de notre ville et encerclez une ou deux voitures. Vous les trouverez assis dans des 4 x 4 aux heures de pointe, tous les jours, dès que les nuages se seront dissipés et que vos caméras pourront les filmer. Après ça, laissez votre ami Colin faire son boulot…
Très sérieusement, Monsieur le Président, regardons les choses en face : les plus grandes menaces contre la sécurité planétaire tendent à provenir des pays les plus riches et les plus puissants, et non pas des plus petits. Et si vous voulez vraiment avoir un quelconque espoir de les remettre à leur place, vous devrez les convaincre que vous êtes prêt à sacrifier tout le monde, même votre propre mère. Même votre propre ville.
Dégommez-nous, disons…, avec une de ces grosses bombes nouvelles, les post-daisy-cutter (modèle supérieur aux « faucheuses de marguerites »), ces bombes MOAB (bombes à effet de vide, de neuf tonnes, dont le sobriquet est « Mères de toutes les bombes », ndt), vous savez, ces bombes qui tuent exactement comme la bombe atomique d’Hiroshima, sauf qu’il n’y a pas de retombées radioactives (c’est plus propre…). Balancez-nous sur la tronche, je sais pas moi, quelques centaines ou quelques milliers de missiles de croisière, avant, histoire de nous assouplir, ou bien alors envoyez les missiles en même temps que les MOAB, pour être bien sûr que les boules de feu s’étendront bien au-delà des banlieues. Des missiles idiots, des missiles intelligents : tout ce que vous avez sous la main fera l’affaire.
Cela donnerait à tous les Américains un respect bien plus sincère pour le nouvel Empire américain dans l’aventure duquel vous vous êtes embarqué. Voyez-vous, le problème avec l’oblitération de Bagdad et de ses cinq millions d’habitants, c’est que cette ville et ces gens sont beaucoup trop loin d’ici. Pour la plupart des Américains, le travail d’artiste découlant de votre génie serait, là bas, à Bagdad, tout simplement trop abstrait pour qu’ils puissent l’apprécier à sa juste valeur. En revanche, prenez un endroit comme Seattle – une ville qu’ils ont sans doute visitée, un endroit où ils ont peut-être des souvenirs de régiment ou un ami ou deux – et ça devient tout de suite beaucoup plus concret. Une proximité imprenable : seulement à deux ou trois fuseaux horaires des grandes chaînes de télé ! Un bombardement de Seattle attirera beaucoup plus les médias qu’une attaque contre je ne sais quel jardin d’enfants d’un obscur dictateur. Et puis, vous n’auriez pas à vous fier à des correspondants de guerre maison importunant vos soldats, et vous bénéficieriez des prises de vue les plus brillantes en direct, en prime time. Il suffit que vous le demandiez : je suis sûr que les réseaux de télévision sont prêts à coopérer. (Un peu dans le genre des prises de vue qu’ils font dans les stades de foot, avec le soleil couchant au-dessus du Pacifique, mais avec en plus, d’énormes explosions ! Parfait, pour le nettoyage de printemps !)
Mieux : les téléspectateurs pourront totalement apprécier ce que vos armes peuvent faire, les survivants ayant la même tronche qu’eux (à part les brûlures), et parlant même (presque) la même langue, accordant à la vie humaine la même valeur que nous. Mais si vous bombardez, ici, nos dilemmes sembleront beaucoup plus immédiats à nos compatriotes américains que le sort de vingt trois millions de suppôts de Saddam Hussein. Cela sera pain béni pour d’incroyables reality shows télévisés.
Notre proximité rendra beaucoup plus facile la tâche des organisations humanitaires, également, ainsi que celle des travailleurs convoyant des secours médicaux et des vivres de survie. De plus, une ville riche, du Premier monde, comme Seattle, avec son gigantesque panorama urbain et son infrastructure moderne, cela signifiera, c’est bien évident, des centaines de milliards de dollars de contrats de reconstruction après la guerre – ce sont là d’énormes retombées dont vous pourrez faire bénéficier vos copains de business sous forme de petites faveurs politiques, au cours de votre prochain dîner de gala électoral, en 2004…
Et puis, voilà le meilleur : il ne semble pas que nous ayons aucun moyen de répliquer, ou quoi que ce soit dans ce genre-là… Nous pourrions demander à notre police municipale de le faire, je suppose, mais toute action dépassant le saupoudrage au poivre de motocyclistes noirs se situerait nettement au-delà de ses prérogatives. Et puis, au cas où vous vous ennuieriez, il vous suffirait de nous re-bombarder ! Bombarder, reconstruire, re-bombarder, re-reconstruire… voilà qui re-dynamiserait notre économie !
L’un dans l’autre, Monsieur le Président, je pense que cela serait parfait pour le nouvel Empire américain que vous avez l’intention de bâtir. Il s’agit d’une attaque sans provocation, contre une population civile sans défense, basée sur des crimes commis soit par des dirigeants irresponsables, soit par des individus psychopathes qui, à un moment ou à un autre, sont passés en ville. Cela rendra vos amis encore plus riches, et cela contribuera, d’une manière beaucoup plus directe qu’une campagne outre-mer ne pourrait le faire, à votre réélection l’année prochaine. Ce sera douze circonscriptions électorales gagnées d’avance : autant de soucis en moins pour vous. Et nous y gagnerons une nouvelle autoroute urbaine.
Maintenant que vous y avez réfléchi, Monsieur le Président, je suis sûr que vous avez pris conscience que vous ne pouvez plus reculer. Je suis persuadé que Powell fera les représentations nécessaires aux puissances étrangères dans les plus brefs délais. Je pense que vous serez surpris par le nombre de nations qui voudront – que dis-je, qui seront impatientes de – signer cette déclaration de guerre contre Seattle. Faites-moi confiance là dessus. Votre ami patriote, Geov Parrish.
P.S. 1 : Je déménage à Phoenix. Très bientôt.
P.S. 2 : Bigre ! Je viens juste de me souvenir d’un truc : nous n’avons aucune réserve pétrolière inexploitée, à Seattle. Ah, mince alors ! J’imagine que ça remet tout notre projet en cause, mmh ? Tant pis…
                                           
3. Nos médias, ces parents qui nous couvent par Gabriel Ash
paru sur le site américain YellowTimes.org le vendredi 14 mars 2003
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Supposons que vous soyez journaliste et qu’il y ait eu des élections. Supposons que l’administration du nouveau gouvernement ait décidé de lancer une guerre à sa convenance contre un autre pays, pour des raisons que le monde entier trouve embarrassantes. Supposons qu’un autre journaliste découvre que la décision de déclencher une guerre n’a même pas été examinée conformément aux procédures classiques du Département d’Etat, mais se fonde uniquement sur des recommandations provenant du Pentagone. Que feriez-vous ?
Peut-être dresseriez-vous une liste des plus hauts responsables du Pentagone ? Peut-être examineriez-vous de près leurs biographies, leurs déclarations publiques et leurs accointances, afin de vous faire une idée de leur vision du monde et de leurs motivations ?
Supposons maintenant que vous découvriez que le troisième officier par ordre d’importance décroissante était l’un des membres d’un groupe de personnes extrêmement liées entre elles et entretenant des relations très suivies et étroites avec un parti politique d’un pays étranger ? Notre officier de tout à l’heure, par exemple, était membre du conseil d’administration d’une organisation appelée Jinsa, The Jewish Institute for National Security Affairs. Ne seriez-vous pas intrigué ? Ne voudriez-vous pas savoir quelle obscur rapport peut bien exister entre le judaïsme et la sécurité nationale ? Et, sait-on jamais, s’il s’agissait d’une théorie biblique inconnue à propos de la dissuasion nucléaire ?
Maintenant, ne voudriez-vous pas savoir qui d’autre appartient à ce fameux Jinsa, ce que le Jinsa fait, d’où il tire ses financements ? Votre curiosité ne serait-elle pas aiguillonnée si vous appreniez que le Jinsa regorge de hauts cadres de sociétés d’armement contractant avec les hauts responsables de la défense américaine, ou encore que le conseil d’administration du Jinsa gère notamment une « association caritative » qui finance des implantations juives en territoire syrien ? Ne chercheriez-vous pas à savoir si les gens du Pentagone n’ont pas, par hasard, eux aussi, soutenu des violations patentes de certaines résolutions du Conseil de Sécurité ?
Supposons que vous ayez découvert que le Jinsa a pour principale fonction de faire du lobbying au profit d’Israël (ce n’est pas du tout un secret – quelques ‘clics’ de souris sur le site ouèbe du Jinsa permettent de s’en rendre compte immédiatement). Ne trouveriez-vous pas notable qu’Israël soit le seul pays au monde dont les dirigeants veulent positivement une guerre contre l’Irak ? Ne voudriez-vous pas savoir pourquoi ?
Et si vous aviez découvert que l’officier en question – à propos, il s’appelle Douglas Feith – lorsqu’il était en fonctions, a donné à Israël des conseils visant à l’aider à miner l’influence des Etats-Unis dans le monde ? Publieriez-vous un article sur toutes ces découvertes troublantes ?
Ne me faites pas marcher : je parie que vous le feriez !
Mais le New York Times ne le publierait pas, cet article. Non, ce n’est pas, comme vous pourriez être amené à le penser, parce que ce journal est extrêmement soucieux de la bonne réputation des gens. Le NY Times n’hésite jamais à se draper dans le drapeau national lorsqu’il publie des mensonges éhontés sur le compte du physicien nucléaire sino-américain Wen Ho Lee. Bien sûr, Lee, c’est différent. Lee n’est qu’un immigrant « ethniquement handicapé » [en américain « politiquement correct », ndt : ‘racially challenged’]. Le Times a des scrupules, voyez-vous, mais seulement lorsqu’il s’agit des gens appartenant aux sphères du pouvoir à Washington.
On pourrait penser que si les journaux existent, c’est afin de tenir la population informée. Le NY Times, toutefois, se considère comme le gardien de notre tranquillité d’esprit. Comme un papa – poule, il nous met à l’abri du monde dérangeant des adultes – remettre en cause les loyautés des détenteurs du pouvoir à Washington serait un traumatisme beaucoup trop insupportable pour nos tendres âmes infantiles…
Mais, il faut bien le reconnaître : c’est vraiment difficile, d’être parents, à l’ère d’Internet. L’information circule plus rapidement qu’elle ne l’avait jamais fait. D’autres se sont chargés d’exhumer ces sujets que le NY Times trouve quant à lui trop dérangeants. Les gens communiquent entre eux d’un point à l’autre du globe en un clin d’œil. Les nouvelles relatives à la Zionist Connexion à Washington, ignorant l’interdiction parentale du NY Times, continuent à circuler…
Finalement, quand le scandale devient trop énorme pour être ignoré, le NY Times change de stratégie.
Le 8 mars courant, il nous a fait bénéficier d’une de ces conversations sérieuses entre adultes sur les choses de la vie – il s’agissait d’une tribune due à la plume de Bill Keller. Le sujet de cet article d’une insupportable condescendance entendait nous rappeler que nous, les enfants, nous ne devons pas adresser la parole à des inconnus. En effet, seule une information passée au crible de la « discussion consensuelle » (je traduis : qui soit du goût du patron de Keller), peut être sans danger pour notre petite santé fragile d’enfants délicats…
L’argumentation de ce Keller ne tient pas debout. Il tire son pouvoir de l’amplification et de la manipulation du sentiment d’insécurité de ses lecteurs en les menaçant de se couvrir de ridicule et d’être rejetés par autrui s’ils n’adoptent pas intégralement et servilement ses vues. Sa stratégie consiste à stigmatiser le travail d’investigation accompli de manière déontologique par des journalistes tel Jason Westas, en les qualifiant de « théorie du complot ».
Au sens trivial du terme, toute décision prise à huis clos est un complot. Toute explication qui tente de déduire la nature d’une telle décision d’indices circonstanciels relève donc de la théorie du complot. La théorie selon laquelle le Troisième Reich a conspiré afin d’exterminer les Juifs d’Europe est une théorie du complot, de même que la théorie soutenant que onze barbus venus d’Afghanistan ont descendu les Tours jumelles (du World Trade Center, ndt). Je suppose que Keller admet pourtant la validité de ces deux théories ? Oui ? A la bonne heure : moi aussi...
L’expression « théorie du complot » était généralement utilisée jusqu’ici pour désigner un mode paranoïde d’interprétation qui ne laissait aucune place à la falsification. Dans ce mode de raisonnement paranoïde, une preuve confirme la thèse, mais une preuve contradictoire, c’est-à-dire une preuve qui « démontre » qu’un indice a été supprimé ou ajouté, le fait aussi. Une théorie du complot était généralement jusqu’ici une théorie qui postulait l’existence d’une conspiration secrète et toute-puissante, tout en manipulant les lois d’inférence, afin de parvenir à tout coup à la même conclusion, quels que soient les indices matériels.
La théorie de la Maison Blanche, selon laquelle l’Irak détiendrait des armes nucléaires, quand bien même tous les indices tendent à prouver le contraire (en laissant de côté les faux fournis par le Pentagone) est un exemple classique de la manière de penser des théoriciens du complot. Comme le dit Rumsfeld en personne : « l’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence », mais c’est la preuve que des efforts sont déployés afin de faire disparaître des indices…
Cependant, pour Keller, la « théorie du complot » n’est qu’une insulte qu’il est facile de proférer à l’encontre de quiconque se pose la question des motivations des grands personnages du pouvoir. Si vous pensez qu’il y a une différence entre la rhétorique et la réalité, que comprendre la politique requiert bien plus que la répétition servile de passages d’un discours officiel, si vous pensez que les hommes sont souvent motivés par toute autre chose que de nobles idéaux, ou encore que les hommes politiques disent derrière une porte close des choses que jamais ils ne déclareraient en public, Keller en déduira que vous êtes un « théoricien du complot ».
Keller ne se donne jamais la peine de citer un opposant crédible. Bien loin de s’attaquer à des sujets sérieux et profondément dérangeants, tels les synergies malsaines entre le sionisme et l’industrie militaire américaine, Keller tourne en ridicule l’ « idée que nous serions en train d’envoyer un quart de million de soldats américains à la guerre pour les beaux yeux d’Israël. » Présenter les choses de cette manière est simpliste et complètement faux. Le NY Times, toutefois, n’a pas permis jusqu’ici que ses lecteurs aient l’opportunité de lire une analyse convaincante du rôle joué par les sionistes à Washington.
Le principal « argument » de Keller est sans queue ni tête. Keller rejette la pertinence d’un document stratégique dans lequel Perle, Feith et Wurmser, trois hommes du Pentagone, conseillaient au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, en 1996, d’œuvrer au renversement du régime de Saddam Hussein. Ce document, intitulé « Rupture franche » [« Clean Break »] serait, selon lui, non pertinent, parce que ses auteurs « n’ont pas appelé à une conquête de Saddam par les Américains », mais ont suggéré à Israël d’agir seul. Mettons de côté pour le moment, voulez-vous, la dyslexie bouddhique qui s’est emparée du stylo de Keller – « la conquête de Saddam » sonne comme le titre d’un film porno que, personnellement, je préfèrerais ne pas regarder. Keller veut nous faire croire que les conseils éclairés donnés à Israël par Perle, Feith et Wurmser, en 1996, (à savoir : œuvrer au renversement du gouvernement irakien) n’a rien à voir avec l’actuelle marche à la guerre, qui se trouve, sans doute par hasard, viser exactement le même objectif ? Mais Keller trouve immédiatement la réponse : les auteurs du rapport ne pouvaient escompter que les Etats-Unis attaquent l’Irak, en 1996, pour la seule « bonne » raison que Clinton était alors au pouvoir et que, eux, ils n’y étaient pas ! Keller, à l’évidence, est convaincu que la plupart de ses lecteurs sont trop stupides pour remarquer qu’il n’a absolument rien à dire.
Le rapport « Rupture franche » montre très clairement que trois sionistes néoconservateurs entretenant des relations étroites avec les milieux de droite israéliens, voyaient dans le renversement de Saddam Hussein un but stratégique pour Israël et, cela, en 1996. Ce document révèle aussi à quel point ses auteurs s’identifient à Israël, partagent entre eux les mêmes croyances fanatiques au sujet du « droit à la terre » d’Israël, de la légitimité de la construction de colonies dans les Territoires occupés… etc. Cela ne prouve en aucune manière qu’Israël contrôlerait la politique américaine. Mais cela suggère, à tout le moins, que le sionisme joue un rôle important, peut-être trop important (la question est ouverte au débat), dans la détermination de la politique américaine.
Keller pointe le fait que « Franche Rupture » prône un Etat d’Israël plus indépendant, qui pourrait « réorganiser » le Moyen-Orient à sa convenance. Et en effet, d’après un article du quotidien Ha’aretz du 20 mars 2002, ce n’est que l’année dernière que Douglas Feith s’est rendu en Israël et qu’il a conseillé en privé au gouvernement Sharon de commencer à faire en sorte de se passer de l’aide militaire américaine, afin d’être moins dépendants de Washington. Les sionistes du Pentagone déploient un tel zèle dans leur soutien à un Israël jusqu’au-boutiste qu’ils considèrent que l’influence américaine produit sur cet Etat un effet par trop modérateur !… Leur idéologie non seulement les situe à droite de Colin Powell ; elle les rend plus à droite même qu’Ariel Sharon : ils sont à l’aise au milieu des colons les plus fanatiques. On dit souvent que le but des pro-guerre néoconservateurs est un empire américain capable d’imposer ses quatre volontés au monde entier. Pour au moins un d’entre eux – Feith – il y a au moins une exception, et elle est de taille : dans le cas d’Israël, il préfère à l’évidence voir la capacité des Etats-Unis à exercer une influence sur cet Etat diminuée, plutôt que renforcée !
Les autres tribunes de Keller ne valent pas mieux. Il admet, en réalité, l’idée que les Israéliens veulent la guerre contre l’Irak, qui les aiderait à « rester droits dans leurs bottes » et à refuser tout compromis avec les Palestiniens. Mais il continue à ne se douter de rien et à espérer que George W. Bush contraindra Israël à démanteler ses colonies. En l’occurrence, Keller escompte de ce même président qui a reçu ses soixante secondes d’éducation géopolitique d’une cabale de sionistes d’extrême droite qu’il devienne vraiment intraitable avec le Veau d’Or, idole de ses conseillers les plus proches. Remettons les pieds sur terre ! Si Keller veut vraiment la paix pour Israël, je lui suggère de se joindre à moi afin d’en appeler à mettre l’Empereur Bush à la retraite anticipée et à poursuivre devant la justice tous ses conseillers pour tentative de crimes contre l’humanité.
En dépit de tout son battage prétentieux, l’article de Keller représente une petite victoire pour tous ceux qui s’efforcent d’informer les Américains du lien existant entre les sionistes et la guerre contre l’Irak. Le présent article donne la mesure de notre succès à diffuser l’information que le NY Times veut occulter.
Dans deux mois environ, lorsque le rôle des sionistes dans le déclenchement ou (espérons-le) la seule planification de cette guerre sera largement connu, le NY Times publiera sans doute un éditorial déplorant d’un air embarrassé la manière qu’auront eue certains responsables du Pentagone de laisser leurs opinions personnelles influencer la politique des Etats-Unis. Si Keller a de la chance, son article pourrait même constituer une preuve à conviction que le NY Times a divulgué l’information au bon moment, mais que personne n’a voulu l’écouter… C’est ainsi que l’on écrit, chez nous, les archives de l’histoire.
Gandhi a dit : « D’abord, ils vous ignorent. Puis ils vous rient au nez. Après quoi, ils vous combattent. Enfin, vous vainquez. » Ce genre de déclaration, ça requinque, vous ne trouvez pas ?…
                       
4. Les oreilles de Midas par Israël Shamir (11 mars 2003)
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Un nouveau spectre hante l’Amérique. Il s’insinue dans les salles capitonnées des conseils d’administration des grands journaux et des banques, il secoue les fondations de ses gratte-ciel. C’est le spectre de la glasnost : le secret opaque du pouvoir juif est exposé à la vue de tous. Récemment encore, c’était un sujet « troisième rail », « pas touche », mortellement dangereux, à ne pas mentionner. L’évoquer, c’était l’assurance de mettre un terme prématuré à sa carrière professionnelle. Hier, Joe Public, en arrachant sa chaîne de télévision à un magnat détenteur d’un passeport israélien, mais pour la confier à un membre d’une boîte à idées… juive, devait se marmonner à lui-même : C’est certainement une simple coïncidence si autant de gens importants et très majoritairement non élus appartiennent à cette petite minorité. C’est certainement une simple coïncidence s’ils appartiennent à différents partis politique et s’ils finissent néanmoins par aboutir aux mêmes conclusions. C’est certainement juste une coïncidence si quatre-vingt dix pour cent de l’aide américaine à l’étranger sont destinés à leurs cousins vivant dans la prospère Tel Aviv. Le fait qu’ils dirigent nos journaux, nos chaînes de télévision, notre cinéma, nos universités relève certainement du plus pur des hasards. Quoi qu’il en soit, nous ne sommes pas autorisés à remarquer cet éléphant campé au beau milieu de notre salon…
Seuls, quelques rares desperados osent un commentaire, à l’instar d’Edgar Steele sur le site Rense.com : « Le silence, en Amérique, autour des Juifs, est rien moins qu’assourdissant… Un vieil adage ne dit-il pas que, lorsqu’on visite un pays étranger et que l’on veut savoir avec certitude qui le dirige réellement, il suffit de recenser les personnes dont on ne parle qu’en chuchotant, voire dont on ne parle jamais ? » A en juger à cette aune, les Juifs règnent en maîtres en Amérique. Et en effet, lorsque j’ai fait allusion, en été 2001, au cours d’une conférence à l’Unesco, aux « magnats juifs des médias », je me suis bien rendu compte que les cœurs de mon public ont raté au moins un battement…
La Guerre encore non livrée contre l’Irak a changé tout ça. La date de l’ultimatum américain était fixée au 17 mars, jour de la fête juive de Pourim. La fête de Pourim 1991 vit la destruction de l’armée irakienne et la mort de 200 000 Irakiens. Cela fait bien des coïncidences, pour une guerre purement « américaine » ?… Les Américains ont risqué un œil dans les abysses sans fond de la Troisième Guerre Mondiale et ils se sont extirpés de leur torpeur vieille d’une génération. Ainsi, la première victime de la guerre en Irak, ce n’est certainement pas la vérité, mais bien le tabou le plus tabou de tout l’Occident. Un membre – démocrate – du Congrès, spécimen au demeurant plutôt docile de cette instance (un certain James Moran), a osé déclarer à ses supporters : « N’était-ce le soutien acharné de la communauté juive à cette guerre contre l’Irak, nous ne serions pas en train de vouloir la lancer. »
Il reçut immédiatement une baffe oratoire d’un Juif venu tout spécialement surveiller ses propos : « Entendre le Représentant Moran proférer ce genre d’accusations est totalement ahurissant ! », a clamé ce contradicteur, Directeur du National Jewish Democratic Council, un certain Ira N. Forman. « On le sait : un certain nombre des dirigeants du mouvement anti-guerre qui se développe rapidement aujourd’hui aux Etats-Unis sont juifs, et les organisations juives ne sont visiblement pas à l’avant-garde des groupes qui soutiennent activement et bruyamment une guerre en Irak ». Forman dixit : les médias rendirent compte de son opinion, en l’amplifiant, et Moran se rétracta, dûment, et digéra sa baffe. Mais il n’est pas le seul.
Le secret est éventé et, comme le secret du Roi Midas et de ses grandes oreilles, il est répété à cor et à cri de la côte Ouest à la côte Est, en dépit des efforts frénétiques déployés par la communauté juive organisée afin de remettre prestement le couvercle sur le chaudron en ébullition. Kathleen et Bill Christison [1], deux anciens experts auprès de la CIA, ont décrit le lien reliant les Juifs de droite américains et l’administration Bush. Edward Said, célèbre intellectuel américain d’origine palestinienne, a bien résumé la situation : « Une république immensément riche et puissante vient d’être piratée par une petite cabale d’individus dont aucun n’est élu : ces gens ne sont par conséquent en rien susceptible d’être affectés par une quelconque pression de l’opinion publique. » [2]
Il fut secondé par des hommes courageux, Herman, Neumann et Blankfort. Ces Américains, d’origine juive, dénoncent le pouvoir juif non-élu, et donc, antidémocratique, comme ils le feraient de toute minorité jouissant d’un pouvoir exorbitant. Leur intervention – qui a été rendue possible par le fait qu’ils ne craignent absolument pas de se voir étiqueter d’ « antisémites » - a joué un rôle fondamental dans le retournement de la vague, protégeant la majorité des Américains, qui se tiennent cois, de campagnes (sionistes) d’intimidation multiples et multiformes.
Edward Herman, co-auteur (avec Noam Chomsky) de La Fabrique du consentement [Manufacturing Consent], a évoqué dans cet ouvrage « le lobby pro-israélien très puissant aux Etats-Unis, qui assure la promotion des intérêts d’Israël en faisant pression sur l’administration dans le sens de plus d’aides et de protection américaines à cet Etat, ainsi, dans la période actuelle, qu’en la poussant à une guerre contre l’Irak, laquelle servirait, là encore, les intérêts israéliens. Ce lobby n’a pas seulement contribué à assurer aux sionistes un contrôle quasi total sur le débat médiatique et à faire du Congrès un « territoire occupé par Israël », il a veillé à ce que de nombreuses personnalités officielles « à la loyauté duale » occupent des fonctions stratégiques dans des postes clés de l’administration Bush. »
Jeffrey Blankfort, ce Californien qui a débouté l’Anti Defamation League (l’équivalent américain de la Licra, ndt) qu cours d’un procès qu’elle lui intentait et a obligé Foxman à lui payer des sacs de dollars en raison de ses activités d’espionnage contre des militants, a franchi un nouveau pas, important, en rejetant les analyses défendues par Noam Chomsky, Joel Beinin et Stephen Zunes, qui sont des radicaux de l’ancienne génération et qui minimisent l’importance pourtant cruciale du pouvoir juif. Jeff Blankfort a découvert les racines de l’ascension météoritique du mouvement des Evangélistes extatiques aux Etats-Unis. Cette secte obscure n’aurait jamais quitté sa tanière, dans ce trou perdu qu’est Dixie, sans les magnats juifs des médias. Jeff a observé que lors de la prise de contrôle de la chaîne de télévision Black Entertainement Television [c’est une chaîne de variétés « ethniques » s’adressant aux « colored persons » aux Etats-Unis. Un rapide coup d’œil à son site ouèbe en dit beaucoup sur sa profonde débilité, ndt] par Viacom, dont le propriétaire, Sumner Redstone (né Murray Rothstein) a été présenté, tout récemment, par le New York Times comme le plus grand magnat des médias au niveau mondial, il en a fait disparaître les programmes d’information et a immédiatement programmé des publicités institutionnelles pour l’Etat d’Israël, réalisées et payées par les églises chrétiennes évangélistes. La liste des « juifs des médias » [3] dressée par Blankfort permet de comprendre le secret de l’irrésistible charme juif, et on peut la comparer à celle, exhaustive, du Professeur Kevin McDonald, de l’Université de Californie.
La guerre contre l’Irak – et a fortiori son lien avec la Palestine – est devenu le test au papier tournesol du pouvoir juif. La juiverie organisée ne cesse de pousser à la guerre tout en déniant toute prise de position et tout engagement en la matière. Néanmoins, le Conseil municipal de la ville de New York a rejeté une résolution dénonçant cette guerre, laquelle résolution n’a reçu que 12 votes (ce conseil municipal compte 51 membres). A New York, ville où existe une communauté juive numériquement très importante, cela ne saurait surprendre. D’ailleurs, le Représentant (démocrate) Robert Jackson, a déclaré, d’une manière très directe : « New York City est la deuxième résidence de très nombreux juifs ; et nombreux sont les membres de la communauté juive à être persuadés que la guerre servira au mieux les intérêts de l’Etat d’Israël. » D’après ce Jackson, plusieurs de ses collègues membres du conseil municipal ont été intimidés et réduits au silence par les cris d’un public majoritairement pro-israélien dans les tribunes : « Les gens ne parlent pas du tout de cette question » !
Jackson avait certainement raison, mais un journal juif [4] (que l’on doive ou non s’en étonner, TOUS les journaux de la région de New York ont des propriétaires juifs, c’est un fait), l’a condamné pour racisme : « [Non seulement il a clamé] que les Juifs dirigent New York, mais il a même affirmé que les juifs avaient réduit leurs adversaires au silence par la menace. Jackson pourrait tout aussi bien appeler New York Hymietown, du temps qu’il y est ! »
Cette réplique est absolument remarquable, en raison de sa logique typiquement juive. Tout d’abord, l’argument rationnel de l’adversaire est perverti et déformé, puis il est voué à l’opprobre et, enfin, phase ultime : l’adversaire est détruit. Définitivement. C’est une des bottes secrètes du pouvoir juif : les Juifs entament le « dialogue » en étant d’entrée de jeu comme fous furieux, avec une véhémence aussi éloignée que possible du style socratique. Alors que les gens normaux se contentent de citer correctement leur adversaire et de contrer son argumentation, les fous (car un homme hors de lui est un individu temporairement fou), eux, attaquent leur adversaire toutes griffes dehors.
Ainsi, David Mamet, un dramaturge américain juif, nous donne un bon exemple de cette véhémence dans cette remarque : « [C’était] une vieille Volvo, la bagnole de mes frères, les libéraux congénitaux. Elle était ornée, comme il convient pour ce genre de bagnole, de toutes sortes d’exhortations sur lesquelles il n’y a rien à redire : « Sauvez James Bay, Respectez la biodiversité, etc., etc… » Mais il y avait aussi un autocollant, sur un pare-chocs, qui proclamait : « Israël hors des territoires ! Démantèlement des colonies ! » Slogan que l’on ne saurait traduire que par : « Juifs au nez crochu, crevez ! » »
Je me demande bien pourquoi Mamet s’en est arrêté en « si bon » chemin, car ce slogan pourrait aussi être traduit, si l’on reprenait sa logique, avec une égale exactitude : « Torturez les bébés ! Dénoncez l’Amérique et Brûlez la Tarte au Pomme ! » Quelqu’un a-t-il quoi que ce soit à cirer de la forme du nez des juifs ? Il y a déjà fort longtemps que Mel Brooks a fait remarquer que les jeunes filles juives ont des petits nez parmi les plus mignons qui soient, chefs d’œuvres des plus brillants chirurgiens esthétiques…
C’est la politique juive raciste en Palestine occupée qui révulse les gens bien, « congénitalement libéraux ». Mais si, pour changer, Mamet devenait honnête, il ne s’appellerait plus Mamet…
Passons maintenant à Bill Keller, du New York Times, qui a fait une analyse du Riot Act [Loi sécuritaire « anti-émeutes »] pour les Américains. Il admet, très gentiment, que « la plupart des grandes organisations juives et de nombreux donateurs soutiennent la guerre », mais il insiste sur le fait que « la suggestion que les intérêts d’Israël dicteraient l’une des mutations les plus drastiques dans la politique étrangère américaine est simpliste et offensante. » Bien. Keller est certainement payé pour avoir ce genre de convictions par un magnat juif des médias de la pire espèce, Arthur Sulzberger Jr, propriétaire du New York Times, du Boston Globe et d’une kyrielle d’autres journaux. Voilà qui sape la véracité des affirmations de Keller. Que l’on nous écrive ce genre de choses dans un journal non-juif, passe encore ! Mais hélas, des journaux de quelque importance qui ne soient pas détenus ou contrôlés par des juifs, aux Etats-Unis, cela n’existe pas !
C’est sûrement une coïncidence ? N’en mettez pas votre main à couper. Il y a quelques jours de cela, à l’Université Hébraïque de Jérusalem, une importante conférence consacrée à l’antisémitisme et réunissant les communautés juives du monde entier s’est tenue, sous l’égide du prestigieux Institut Sassoon. L’intervention de l’historien juif français Simha Epstein porta sur la France d’avant-guerre, mais elle collait très bien à la situation actuelle en Amérique. Voici ce qu’Epstein a dit :
« Les antisémites, avant-guerre, affirmaient que les Juifs de France ourdissaient un cartel destiné à financer secrètement la presse afin de la subvertir. Et que disaient les Juifs, à l’époque ? « Bien sûr que non ! Non, c’est un mensonge, bien sûr que non ! Nous ne sommes pas engagés dans un quelconque complot ! » Et que dirent les historiens et l’historiographie juive, par la suite ? « Bien sûr que non ! C’est des balivernes antisémites ! » Mais nous savons, aujourd’hui – de sources juives – que les Juifs de France finançaient secrètement plusieurs journaux, avant la Seconde guerre mondiale.
« Depuis la fin du dix-neuvième siècle, il existait une organisation secrète juive, très bien financée, qui achetait ou finançait des journaux. Cette organisation prit le contrôle d’un certains nombres de journaux, qui devinrent du jour au lendemain dreyfusards du simple fait qu’ils avaient perçu des financements juifs. Par ailleurs, quelques quotidiens (non communautaires, ndt) furent créés spécialement par des juifs. Deux journaux très importants de l’époque, Les Droits de l’Homme, et l’Humanité, quotidien socialiste puis communiste français, étaient également financés par les juifs. Bien entendu, j’affirme ceci en me basant sur des sources juives faisant autorité.
« Et cela nous amène à un dilemme dramatique propre à l’historiographie. Dire cela, dire ce que je viens d’affirmer, est quelque chose d’horrible et d’inacceptable, parce que cela signifie que les juifs ont organisé un complot et ont acheté secrètement les médias, ou une partie des médias. C’est précisément ce que les antisémites affirmaient à l’époque, et c’est ce qu’ils continuent à soutenir aujourd’hui. Et nous savons, de sources juives, que ces allégations étaient véridiques, qu’il existait bien une activité clandestine de prise de contrôle de la presse. » Fin de citation.
Certaines personnes considèrent que la moindre suggestion que des juifs soient susceptibles d’agir de concert ressortit à une théorie du complot délirante. Qu’ils lisent et relisent donc ce rapport, présenté par un historien juif devant un public juif. S’il est aujourd’hui prouvé au-delà de la possibilité raisonnable d’avoir le moindre doute que des juifs de France ont acheté secrètement et subverti des médias français durant de nombreuses années afin de déformer le discours national et de précipiter une France qui n’y était pas prête dans l’horrible et totalement inutile Seconde guerre mondiale, est-il totalement impensable que les juifs américains aient pris secrètement le contrôle de leurs médias nationaux et soient aujourd’hui en train de précipiter les Etats-Unis dans une horrible et totalement inutile Troisième guerre mondiale ?
En réalité, il n’est nul besoin de secret. L’un des principaux idéologues sionistes, Zeev Hefetz (ex-porte-parole du Premier ministre Menahem Begin), a écrit dans un journal américain : « Désarmer l’Irak, ce n’est qu’un début dans ce que nous avons à faire au Moyen-Orient », étant donné que « les cultures arabe et iranienne (sic !) » sont « irrationnelles » et que rien ne peut être tenté – mis à part (bien sûr) la guerre – afin d’ « améliorer la santé mentale collective des sociétés arabes ». [5] Ce « désarmement » massif sera certainement mené à bien, n’en doutons pas un instant, par des soldats américains, même si les ordres seront donnés par les fauconneaux sur leur perchoir au Pentagone. Quant aux prétextes de la guerre, ils ont été formulés de manière éloquente par un ténor lors d’une conférence sur l’antisémitisme, Yehuda Bauer, le directeur de l’Institut Mémorial de l’Holocauste Yad va-Shem de Jérusalem :
« Le judaïsme n’est ni une nationalité, ni une religion », a-t-il dit. « Les juifs constituent une civilisation, et ils ont une mission civilisatrice. Ils ne peuvent tolérer la civilisation musulmane concurrente, de la même manière qu’il ne pouvaient tolérer jadis le christianisme ou le communisme. C’est pourquoi la guerre, avec l’Islam, est inévitable. »
Sauf que la guerre est évitable ! Même aujourd’hui, quelques minutes avant l’Heure « H », la guerre est évitable. Et si un coup de balai est inévitable, faisons en sorte que les conseillers juifs du président Bush soient virés. Faisons en sorte que ce Pourim voit le grand Exode de la « Cabale de Wolfowitz » du Pentagone. Si l’on écarte la possibilité clinique que G.W. Bush ait d’ores et déjà été transformé en zombie, il devrait être capable de comprendre qu’il a été fourvoyé par cette minorité très puissante et non élue. Ces comploteurs sont incapables de tenir ce qu’ils ont promis. De plus, leurs jours au sommet de la République américaine sont comptés. Ils ont surestimé leurs capacités et ils ont poussé le bouchon trop loin. Comme la grenouille de La Fontaine, maintenant, ils peuvent exploser, ils peuvent crever. Bush peut encore négocier un virage en épingle à cheveux, se sauver lui-même et sauver son pays.
Par certains aspects, l’Amérique d’aujourd’hui rappelle la Russie de 1986, au début de la glasnost [ère de la transparence, ndt]. Dès le jour où les citoyens soviétiques ont été autorisés à savoir qui les gouvernaient, et comment, les jours du régime étaient comptés. La glasnost laissa place à la perestroïka [ère de la reconstruction, ndt]. Aujourd’hui, pour la première fois de toute une génération, les Américains sont à même de voir les hommes qui détiennent le pouvoir et la combinaison toxique entre les démocrates de droite de Lieberman, les néo-libéraux républicains, les néoconservateurs et les conservateurs pur sucre. C’est la guerre (programmée) contre l’Irak qui les a amenés à se mettre en avant et placés sous les projecteurs. Aujourd’hui, le temps est venu de démonter leur emprise.
Cela ne saurait être renvoyé à plus tard, car la présidence semeuse de discorde de George Deubeuliou Bush est perçue comme la période phare du pouvoir des « blancs » anglo-saxons protestants, en dépit de la prépondérance de ses conseillers juifs. Tous les challengers disponibles pour les prochaines élections – Lieberman, Kelly, voire même Kuchinich – se glorifient de leurs connexions juives et clament leur loyauté indéfectible aux juifs et à l’Etat d’Israël. Dans la configuration politique américaine actuelle, il n’y aura donc pas de réelle alternative à la prépondérance juive. Si Bush échoue lamentablement, il sera présenté par les médias comme un raté « blanc, anglo-saxon et protestant » (« WASP »). S’il est élu, son succès sera perçu comme un grand succès par ses conseillers juifs.
C’est la raison pour laquelle les forces patriotiques américaines ne devraient pas attendre les prochaines élections, ou la fin de la guerre. Elles doivent agir maintenant, exiger la suspension du projet de guerre. Elles ont un ennemi, mais cet ennemi ne se trouve pas en Irak.
Ce dont le monde a un besoin urgent, c’est d’une nouvelle Révolution américaine, aussi importante que le New Deal et l’abolition de l’esclavage. Il s’agit, en l’occurrence, de la révolution contre la monopolisation du discours – du discours des médias et des universités, pour commencer.
Au début du vingtième siècle, les Américains ont démantelé la puissante Standard Oil. Ils ont voté, pour ce faire, des lois contre la constitution de monopoles et ils ont définitivement éliminé la menace qui pesait sur la démocratie. Rien n’interdit d’obtenir un succès de la même ampleur aujourd’hui.
- Notes :
[1] : Kathleen & Bill Christison, « A Rose By Another Name : The Bush Administration’s Dual Loyalties », Counterpunch, 13.12.2002.
[2] :
http://www.ahram.org.eg/2003/628/op2.htm
[3] : Voici un échantillon qui permettra de voir qu’il ne s’agit sans doute pas d’une coïncidence :
Tout d’abord, Sumner Redstone (né Murray Rothstein) possède pour 8 milliards de dollars d’actions de Viacom, ce qui lui donne le contrôle sur CBS, Viacom, MTV à l’échelle mondiale (Brian Graden, PDG). Très récemment, il a acheté Black Entertainment Television : il a immédiatement supprimé ses émissions relatives aux affaires publiques. Le président de CBS est Leslie Moonves, petit-neveu de David Ben Gourion.
Michael Esner est le principal détenteur de Disney-Capitol Cities, qui détient ABC. David Westin est le PDG d’ABC News. Bien que cette chaîne ait perdu beaucoup de téléspectateurs, son journaliste qui anime le talk-show Nightline, Ted Koppel, est un pro-israélien acharné. Lloyd Braun est président d’ABC Entertainment et Jack Myers y occupe des fonctions importantes.
Bien que Rupert Murdoch, de la chaîne Fox, ne soit pas juif, Mel Karamazin, le président, l’est, ainsi que Peter Chernin, second en importance dans le conglomérat médiatique de Murdoch.
Sandy Grushow est directrice de Fox Entertainment, et Gail Berman en est le président. Murdoch a reçu de nombreuses distinctions de différentes organisations « caritatives » juives.
Jamie Kellner est président et PDG de Turner Broadcasting.
Walter Isaacson est le directeur de l’information de CNN, où l’on trouve également Wolf Blitzer, animateur de la Dernière édition, Larry King du talk-show « Larry King Live », Paula Zahn et Andrea Koppel, fille de Ted (Turner).
Jordan Levin est directeur de Warner Bros. Entertainment.
Howard Stringer est le fondateur de Clear Channel Communications.
Terry Semel, ex co-directeur de Warners, est PDG de Yahoo.
Barry Diller, ancien propriétaire d’Universal Entertainment, est directeur de USA Interactive.
Joel Klein est directeur et PDG de Bertelsmann’s American operations, la plus grande entreprise de publicité au monde.
Mort Zuckerman, président de la Conférence des Présidents des Principales Organisations Juives Américaines [le Crif à la sauce américaine, ndt], possède US News and World Report ainsi que New York Daily News.
Arthur Sulzberger, Junior, publie le New York Times, le Boston Globe et une pléiade d’autres journaux.
Marty Peretz publie le quotidien New Republic, outrageusement pro-israélien. Il en va de même du Weekly Standard, dont le rédacteur en chef est William Kristol.
Donald Graham Jr. est le directeur et le PDG de Newsweek et du Washington Post.
Michael Ledeen, connu pour avoir trempé dans le scandale Iran-Contra (Irangate), publie National Review.
Ron Rosenthal est le directeur de San Francisco Chronicle et Phil Bronstein en est le directeur exécutif.
David Schneiderman possède Village Voice et plusieurs autres hebdomadaires dits « alternatifs ».
Les éditorialistes William Safire, Tom Friedman, Charles Krauthammer, Richard Cohen, Jeff Jacoby, sont les publicistes les plus lus.
Il y a un grand nombre d’animateurs de talk-shaws, tels Michael Savage (ABC), présent sur plus de cent radios, Michael Meved, sur 124 radios et Dennis Prager dont le site ouèbe arbore un drapeau israélien… D’autres encore : Ron Owens, Ben Wattenberg, et un ancien responsable de ZOA, Jon Rothman, travaillent tous à ABC (San Francisco).
A Hollywood, qui fut fondé par des juifs, on trouve bien entendu Stephen Spielberg, David Geffen et Jeffrey Kranzberg, sur Dreamworks, Eisner de la Disney, Amy Pascal, directeur de Columbia et de très nombreux autres.
En ce qui concerne les intellectuels, nous avons NPR, avec le mandarin Daniel Schorr et ses hôtes du week-end Scott Simon et Liane Hansen, Robert Segal, Susan Stanberg, Eric Weiner, Daniel Lev, Linda Gradstein (conférencière incontournable des manifestations pro-israéliennes), qui assure la couverture de Jérusalem, Mike Schuster (dont l’interview bonasse d’Ariel Sharon au lendemain de Sabra et Chatila aurait dû l’amener devant la cour israélienne dans le cadre de l’enquête menée par Hamarabi), ainsi que Brook Gladstein.
Ce ne sont là que des amuse-gueule. Depuis le patron jusqu’aux garçons de livraison, la liste est impressionnante. Même si tous ces gens ne peuvent pas être mis totalement dans le même panier lorsqu’il est question de leur position sur Israël, ils garantissent tous, plus ou moins, qu’il y aura des limites à toute critique éventuelle qu’ils pourraient (accidentellement) formuler à l’égard d’Israël.
[4] : New York Post, 22.02.2003.
[5] : The New Haven Register, 12.11.2002.
                                    
Revue de presse

                               
1. La Guerre du feu par Richard Labévière
sur Radio France International le mardi 18 mars 2003

Ainsi, et ce n'est pas complètement une surprise, la Grande-Bretagne et l'Espagne, emmenés par les Etats-Unis lanceront très bientôt une guerre qui n'aura pas l'aval de l'ONU. Des peintres en bâtiment ayant pris possession de la salle du Conseil de sécurité, la réunion qui s'est tenue hier matin dans les sous-sols de la maison de verre - le siège de l'ONU à New-York - confinait, justement au mythe de la caverne : un jeu d'ombres qui prétend incarner le réel. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Espagne annonçant le retrait de leur projet commun de résolution.
Cette résolution dont les Etats-Unis annonçaient, pourtant depuis quinze jours la mise au vote devait légitimer le recours à la force contre l'Irak. Si ce texte a été retiré, c'est justement parce qu'il ne recueillait que la voix de ses auteurs - Etats-Unis, Grande-Bretagne, Espagne - ajouté à celle de la Bulgarie contre les onze autres Etats membres du Conseil de sécurité continuant à privilégier le désarmement de l'Irak par les inspections.
Malgré les pressions politiques, malgré une avalanche de dollars, malgré l'écoute téléphonique de leurs diplomates et autres coups tordus... Les six pays dit flottants - les trois Africains, les deux Latino-américains et le Pakistan - ne se sont pas laissés convaincre.
Cette cinglante déroute diplomatique traduit une indéniable perte d'influence, sinon l'aveu d'impuissance de l'hyper puissance américaine qui indique vraisemblablement le début de la fin de l'empire... Pourtant, ce revers qui exprime clairement le sentiment de la communauté internationale dans sa très large majorité n'entame en rien la détermination américaine de faire une guerre planifiée bien avant les attentats du 11 septembre 2001.
Colin Powell s'était engagé à respecter les procédures des Nations unies. Mais l'ONU n'avalisant pas ses vues, l'Empire décide de passer outre. C'est un jeu de billes truqué, explique un diplomate africain, soudain celui qui est en train de perdre rafle les billes et accuse le joueur le plus habile d'avoir triché.
Avec courage et dignité le ministre britannique Robin Cook a démissionné anticipant à n'en pas douter le courage et la dignité à venir de son patron Tony Blair qui avait exclu une guerre sans l'ONU. La Grèce qui assure la présidence de l'Union européenne déclare même que l'Espagne et la Grande-Bretagne se placent ainsi hors de l'Union, hors de la légalité internationale.
George Bush a beau invoquer à longueur de journée... Dieu, la justice et la démocratie, cette guerre annoncée restera la première de l'histoire des Etats-Unis déclenchée contre un pays qui ne les a pas directement attaqué.
Ce sera aussi la première guerre de la doctrine dite préventive, doctrine d'un monde où les Etats-Unis s'accordent le droit de frapper qui bon leur semble et quand ils le
souhaitent afin de protéger leurs intérêts économiques et d'imposer leur vision des choses.
Cette régression absolue qui rompt avec l'impulsion donnée au droit international depuis la fin de la Seconde guerre mondiale nous ramène à un monde hobbesien où chaque Etat est un loup pour l'Etat; régression au monde primitif de la guerre du feu, projection dans un monde où la délinquance internationale impose la loi de la force contre celle de l'intelligence.
[Ecoutez l'éditorial "international" de sur RFI, du lundi au vendredi, à 6h15, 11h55 et 17h55 (temps universel) sur http://www.rfi.fr]
                       
2. Mille mercis, président Bush par Paulo Coelho
in Le Monde du mardi 18 mars 2003

(Paulo Coelho est écrivain.)
Merci à vous, grand dirigeant. Merci, George W. Bush. Merci de montrer à tous le danger que représente Saddam Hussein. Nombre d'entre nous avaient peut-être oublié qu'il avait utilisé des armes chimiques contre son peuple, contre les Kurdes, contre les Iraniens. Hussein est un dictateur sanguinaire, l'une des expressions les plus manifestes du Mal aujourd'hui.
Mais j'ai d'autres raisons de vous remercier. Au cours des deux premiers mois de l'année 2003, vous avez su montrer au monde beaucoup de choses importantes, et pour cela vous méritez ma reconnaissance.
Ainsi, me rappelant un poème que j'ai appris enfant, je veux vous dire merci.
Merci de montrer à tous que le peuple turc et son Parlement ne se vendent pas, même pour 26 milliards de dollars.
Merci de révéler au monde le gigantesque abîme qui existe entre les décisions des gouvernants et les désirs du peuple. De faire apparaître clairement que José Maria Aznar comme Tony Blair n'ont aucun respect pour les voix qui les ont élus et n'en tiennent aucun compte. Aznar est capable d'ignorer que 90 % des Espagnols sont opposés à la guerre, et Blair ne fait aucun cas de la plus grande manifestation publique de ces trente dernières années en Angleterre.
Merci, car votre persévérance a forcé Tony Blair à se rendre au Parlement britannique avec un dossier truqué, rédigé par un étudiant il y a dix ans, et à le présenter comme "des preuves irréfutables recueillies par les services secrets britanniques".
Merci d'avoir fait en sorte que Colin Powell s'expose au ridicule en présentant au Conseil de sécurité de l'ONU des photos qui, une semaine plus tard, ont été publiquement contestées par Hans Blix, l'inspecteur responsable du désarmement de l'Irak.
Merci, car votre position a valu au ministre français des affaires étrangères Dominique de Villepin, prononçant son discours contre la guerre, l'honneur d'être applaudi en séance plénière – ce qui, à ma connaissance, n'était arrivé qu'une fois dans l'histoire des Nations unies, à l'occasion d'un discours de Nelson Mandela.
Merci, car grâce à vos efforts en faveur de la guerre, pour la première fois, les nations arabes – en général divisées – ont unanimement condamné une invasion, lors de la rencontre du Caire, la dernière semaine de février.
Merci, car grâce à votre rhétorique affirmant que "l'ONU avait une chance de démontrer son importance", même les pays les plus réfractaires ont fini par prendre position contre une attaque de l'Irak.
Merci pour votre politique extérieure qui a conduit le ministre britannique des affaires étrangères, Jack Straw, à déclarer en plein XXIe siècle qu'"une guerre peut avoir des justifications morales" – et à perdre ainsi toute sa crédibilité.
Merci d'essayer de diviser une Europe qui lutte pour son unification ; cet avertissement ne sera pas ignoré.
Merci d'avoir réussi ce que peu de gens ont réussi en un siècle : rassembler des millions de personnes, sur tous les continents, qui se battent pour la même idée – bien que cette idée soit opposée à la vôtre.
Merci de nous faire de nouveau sentir que nos paroles, même si elles ne sont pas entendues, sont au moins prononcées. Cela nous donnera davantage de force dans l'avenir.
Merci de nous ignorer, de marginaliser tous ceux qui ont pris position contre votre décision, car l'avenir de la Terre appartient aux exclus.
Merci parce que, sans vous, nous n'aurions pas connu notre capacité de mobilisation. Peut-être ne servira-t-elle à rien aujourd'hui, mais elle sera certainement utile plus tard.
A présent que les tambours de la guerre semblent résonner de manière irréversible, je veux faire miens les mots qu'un roi européen adressa autrefois à un envahisseur : "Que pour vous la matinée soit belle, que le soleil brille sur les armures de vos soldats – car cet après-midi je vous mettrai en déroute."
Merci de nous permettre à tous, armée d'anonymes qui nous promenons dans les rues pour tenter d'arrêter un processus désormais en marche, de découvrir ce qu'est la sensation d'impuissance, d'apprendre à l'affronter et à la transformer.
Donc, profitez de votre matinée, et de ce qu'elle peut encore vous apporter de gloire.
Merci, car vous ne nous avez pas écoutés, et ne nous avez pas pris au sérieux. Sachez bien que nous, nous vous écoutons et que nous n'oublierons pas vos propos.
Merci, grand dirigeant George W. Bush.
Merci beaucoup.
[Traduit du portugais (Brésil) par Françoise Marchand Sauvagnargues.]
                                           
3. Au-delà du pacifisme par Edgar Morin
in Le Monde du mardi 18 mars 2003

(Edgar Morin est sociologue.)
L'HISTOIRE humaine a commencé il y a huit millénaires. Elle s'est mise en mouvement avec l'essor des Etats, animés par une mégalomanie dominatrice, que surdétermine la soif de gloire de leurs souverains et la soif de sang de leurs dieux. L'histoire naît de la guerre et fait naître la guerre. Elle voit l'essor des civilisations ; chacune apporte ses arts, ses techniques, ses mythes, ses chefs-d'œuvre. Mais elle voit aussi le naufrage de ces civilisations, perdues corps et biens dans d'innombrables Titanic historiques. L'histoire a actualisé des potentialités rationnelles, techniques, économiques, imaginaires, esthétiques créatrices, ludiques, poétiques, mais aussi la démence et la démesure d'homo sapiens-demens.
Les guerres ont pris un cours nouveau à partir de la révolution industrielle, qui multiplie la puissance mortifère des armements. Les Etats, devenus maîtres de formidables méga-machines sociales, utilisent des armes de plus en plus massivement meurtrières.
La première guerre mondiale opère des hécatombes sans précédent, elle s'en prend aux populations civiles et devient guerre totale. La seconde décuple l'efficacité des armes de destruction, anéantit des millions de civils par bombardements et déportations, et elle s'achève sur les champignons funèbres d'Hiroshima et de Nagasaki. La civilisation scientifique-technique-militaire est désormais capable d'anéantir l'humanité, c'est-à-dire de s'anéantir elle-même.
Le pacifisme moderne est né en réaction d'horreur à la première guerre mondiale. Il s'est désintégré sous l'occupation nazie, sa logique conduisant au paradoxe de la collaboration à la guerre hitlérienne, et il a fait place chez beaucoup, dont l'auteur de ces lignes, à la Résistance, c'est-à-dire à l'entrée dans un camp en guerre.
Toutefois, la menace nucléaire d'après Hiroshima a fait renaître le pacifisme. Mais, dès que l'URSS fut maîtresse de l'arme atomique, le Mouvement de la paix, manipulé par l'URSS (qui interdisait en son sein toute contestation pacifiste) continua à se concentrer contre l'armement occidental. Ce qui fit dire justement à François Mitterrand : "Les pacifistes sont à l'Ouest et les missiles à l'Est."
La guerre du Vietnam, les guerres de libération coloniale firent naître dans les pays colonisateurs des oppositions aux guerres répressives. Aux Etats-Unis, le mouvement pacifiste idéalisa le Vietminh, ignora le système totalitaire qu'il instaurait, et se trouva pris à contre-pied quand le Vietnam envahit le Cambodge.
En dépit de sa maladie infantile prosoviétique, le pacifisme d'après Hiroshima témoignait de la conscience d'un passage à une menace globale sur l'humanité. Le pacifisme contre la guerre du Vietnam, en dépit de son caractère borgne, témoignait que dans les pays colonisateurs, une conscience universaliste du droit des peuples s'était formée et demandait à l'Occident de rompre avec son passé hégémonique. Il n'y eut cependant pas de mouvement civil global pour la destruction de toutes les armes de destruction massive, au premier chef nucléaires.
Les manifestations récentes ont constitué une coalition hétéroclite d'un pacifisme absolu, d'un antiaméricanisme héritage ultime du prospectivisme mort, d'un pacifisme motivé contre une impudence et imprudence belliqueuse, et enfin d'un pacifisme qui trahit les besoins vitaux de l'ère planétaire.
Il y a effectivement dans le soulèvement pacifique une part de réaction contre l'impudence d'une chasse au Ben Laden qui se transforme par tour de prestidigitation en chasse au Saddam Hussein, de réaction contre l'inanité des arguments sur le danger irakien, contre la dissimulation des vrais desseins qui, fondamentalement stratégiques et pétroliers visent au contrôle du Moyen-Orient. Plus encore, il y a une réaction contre la politique hégémonique quasi impériale des Etats-Unis déterminée à assurer l'ordre mondial même sans accord des Nations unies.
Il y a aussi une part de réaction contre l'imprudence d'une intervention au cœur de la zone sismique de la planète. Une guerre contre l'Irak ne saurait être circonscrite, ce sera une opération d'apprenti sorcier pouvant déclencher une réaction cataclysmique en chaîne.
Sous les imposantes manifestations récentes en Europe, aux Etats-Unis, en Australie, c'est-à-dire dans le monde occidental lui-même, il y a, à mon sens, le sentiment sous-jacent d'une menace apocalyptique. Il ne s'agit nullement de sauver Saddam Hussein. Il s'agit d'une réaction contre un cercle vicieux de haine et de terreur déjà en activité abominable dans la relation Israël-Palestine.
De plus, la situation actuelle porte en elle un message encore informulé : la guerre, fille de l'histoire et mère de l'histoire, est arrivée au point fatal où elle risque de faire chavirer l'histoire. Une telle réévaluation prend sens, non seulement parce que le développement même de l'histoire, devenue planétaire, conduit à l'abîme, mais aussi parce qu'elle nous conduit du même coup aux préliminaires d'une post-histoire possible. En effet, l'ultime étape de la mondialisation, commencée en 1990, a produit les infrastructures techno-économiques d'une société-monde. Mais elle est incapable d'en instaurer les structures et déchaîne un chaos qui la rend hautement improbable.
Nous voici donc devant le paradoxe de notre troisième millénaire : nous avons désormais la possibilité de sortir de l'histoire par le haut, c'est-à-dire en accédant à une société-monde qui dépasse les Etats et leurs conflits, et instaure non pas un gouvernement mais une gouverne mondiale à partir d'instances de décision concernant les problèmes vitaux de la planète. Mais, en même temps, les nations ne sont pas capables d'instaurer le pouvoir supranational qui limiterait leur souveraineté ; les Nations unies sont impuissantes à constituer la force de gouvernance mondiale qui permettrait de dépasser l'ère des guerres en dépassant l'ère de la souveraineté absolue des Etats nationaux. Or nous sommes dans l'alternative : ou les Nations unies arrivent à se hisser à assumer leur rôle de pacification planétaire, ou bien la voie sera libre à la domination d'un nouvel Empire qui aspire aujourd'hui à prendre en charge la société-monde. Réformer les Nations unies est devenu une exigence forte pour l'humanité.
L'alternative va devenir de plus en plus pressante ; ou sortir de l'histoire par le haut, ou se faire engloutir par les ultimes déchaînements de l'histoire. On sortirait alors de l'histoire par le bas. Nous en avons la prémonition dans le film Mad Max, où une formidable barbarie de tous contre tous se déchaîne en utilisant les débris et détritus de la civilisation technique.
L'idée de "sortir de l'histoire" semble utopique. Mais l'humanité n'est-elle pas, il a quelques milliers d'années, sortie de la préhistoire ? Sortir de l'histoire n'est pas s'immobiliser. C'est continuer l'évolution mais selon d'autres normes et à un méta-niveau. Ainsi, l'évolution des sociétés humaines a continué l'évolution biologique, mais selon d'autres normes et à un méta-niveau... Et l'ère planétaire produit les conditions d'une méta-évolution.
Tout cela se passe à l'ombre de la mort. La crise planétaire s'intensifie. Mais nous savons que la conscience du danger peut le prévenir si, évidemment, elle n'est pas trop tardive. Et c'est dans la crise que peuvent surgir et s'activer les puissances génératrices et régénératrices qui sont incluses, inhibées, endormies en chaque être humain, en chaque société et en toute l'humanité.
                           
4. Tsahal : "La mort d’une activiste américaine à Gaza est un "accident regrettable" par Arnon Regular
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du lundi 17 mars 2003
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

La mort d’une militante pacifiste américaine, dimanche dernier, tuée par un bulldozer de l’armée israélienne qui l’a écrasée au cours de la démolition d’une maison du camp de réfugiés de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, était un « accident regrettable », d’après un porte-parole de l’armée israélienne.
 « Il s’agit d’un accident regrettable », a indiqué le porte-parole des forces israéliennes « de défense », le capitaine Jacob Dallal. « Nous avons à faire à un de ces groupes de protestataires qui se comportent de manière totalement irresponsable, mettant tout le monde en danger », a-t-il ajouté.
Rachel Corey, 23 ans, originaire d’Olympia, dans l’Etat de Washington, a été tuée alors qu’elle s’est portée au-devant un bulldozer afin de tenter de l’empêcher de détruire une maison, ont témoigné des médecins de Gaza. Un autre militant a été blessé au cours de cet affrontement.
Quelques heures après, deux Palestiniens étaient tués par les forces israéliennes « de défense », dans la bande de Gaza toujours, ont indiqué des sources palestiniennes. Un jeune palestinien a été tué à Khan Yunis, d’après ces mêmes sources, tandis qu’un autre Palestinien était tué à Rafah, à l’extrême sud de la bande de Gaza, sur la frontière entre l’Egypte et la Palestine.
« Corey a été tuée dans le Quartier As-Salâm (= Quartier de la Paix !) lorsqu’un bulldozer de l’armée israélienne, auquel elle tentait de barrer la route de son corps, l’a ensevelie sous le sable », a indiqué le Dr Ali Musa, un médecin de l’hôpital Al-Najâh [Ha'Aretz écrit Al-Najar ! Ndt], situé dans le sud de la bande de Gaza. Il a précisé que la victime était morte de ses blessures à la boîte crânienne et à la poitrine.
Greg Schnabel, 28 ans, de Chicago, a précisé que les manifestants se tenaient dans la maison du Dr Samir Masri.
« Rachel était seule dehors, devant la maison, et nous tentions de les persuader d’arrêter », a précisé Greg Schnabel. « Avec les bras, elle faisait de grands signes au bull, lui demandant de s’arrêter. Elle est tombée et le bull a continué à avancer. Nous hurlions : ‘Stop ! Arrêtez ! Arrêtez !’ Mais le bull ne s’est absolument pas arrêté. Il lui est passé de toute la longueur de ses chenilles sur le corps, puis il a fait marche arrière, et : même chose. »
Depuis le début de l’Intifada, des groupes de protestataires internationaux se regroupent dans différents lieux dans les territoires, s’érigeant en « boucliers humains » et tentant d’entraver les opérations des forces israéliennes « de défense ».
Corey est la première militante de ces groupes constituant le « Mouvement international de solidarité » à avoir été tuée au cours du conflit. Greg Schnabel a indiqué que Corey était étudiante au Collège Evergreen et qu’elle devait passer sa maîtrise cette année.
Il a raconté qu’il y avait huit militants sur le site, quatre Américains et quatre Britanniques. « Nous restons avec les familles dont la démolition de la maison est programmée », a-t-il dit à l’agence Associated Press au téléphone, depuis Rafah, peu après l’incident.
Pour l’instant, le Département d’Etat américain n’a fait aucun commentaire. [2 h16 heure israélienne : GMT + 2]
                              
5. Les divisions entre juifs américains les conduisent à faire silence sur la guerre contre l’Irak par Laurie Goodstein
in The New York Times (quotidien américain) du samedi 15 mars 2003
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Des organisations juives connues pour n’avoir jamais par le passé hésité à publier des résolutions sur la politique étrangère américaine, en particulier au Moyen-Orient, sont restées silencieuses sur la question de savoir si les Etats-Unis devaient (ou non) faire la guerre à l’Irak.
Certains dirigeants de la communauté juive (américaine) disent que, bien qu’ils soutiennent le président Bush en qui ils voient un allié fiable du gouvernement israélien, ils sont de plus en plus effrayés à l’idée d’un retour de manivelle dans la tronche au cas où la guerre tournerait mal.
Mais une autre raison – plus fondamentale – de leur réticence face à cette guerre est le fait que leurs propres adhérents sont incapables, depuis des mois, de se mettre d’accord sur la question de savoir si une guerre contre l’Irak est une bonne idée, ou non.
La question de savoir comment les juifs américains se situent par rapport à cette guerre a revêtu une acuité accrue, cette semaine, après que James P. Moran, Représentant démocrate de l’Etat de Virginie, a été condamné par des membres des deux partis (républicain et démocrate) pour avoir déclaré que des juifs influents entraînaient les Etats-Unis dans la guerre, déclarations pour lesquelles il a été contraint de présenter des excuses publiques.
Tandis que des responsables de la communauté juive reconnaissaient que certains décideurs politiques juifs avaient contribué à dessiner la stratégie présidentielle en ce qui concerne l’Irak, et que certains lobbyistes juifs soutiennent cette stratégie, beaucoup d’indices montrent que les juifs américains sont aussi divisés entre eux sur cette question que le reste de la nation américaine.
 « Le seul consensus auquel nous sommes parvenus concerne le fait qu’il n’existe pas, précisément, de consensus », a déclaré Hannah Rosenthal, directeur du Conseil juif pour les affaires publiques, évoquant la réunion à Baltimore, il y a deux semaines de cela, de 700 dirigeants juifs actifs au sein de son organisation, qui compte des juifs ressortissants aux quatre principales branches de la communauté : les reconstructionnistes, les réformistes, les conservateurs et les orthodoxes.
« Le sentiment général », a indiqué le rabbin Elie Yoffie, président de l’Union des Congrégations hébraïques américaines, « est qu’il existe une profonde ambiguïté. Il n’y a aucun enthousiasme effréné pour une action militaire contre l’Irak, au sein de la communauté juive… En tous cas, certainement pas dans le mouvement que j’anime personnellement. »
Au cours d’une réunion, cette semaine, du bureau exécutif de l’union – qui représente des synagogues de l’obédience du mouvement réformiste, le plus important du judaïsme américain – certains membres n’ont même pas tenté de mettre aux voix une prise de position sur la guerre, car il était hautement improbable qu’ils puissent parvenir à un accord durant une seule journée, a indiqué le rabbin Yoffie. Plusieurs sondages ont permis de constater que les juifs sont moins susceptibles que l’opinion publique générale de soutenir une action militaire contre l’Irak. Un ensemble de sondages réalisé par le Centre de recherches Pew, d’août 2002 à février 2003 ont permis de constater que 52 % des juifs sont en faveur de la guerre, 32 % y sont opposés et 16 % sont indécis (parmi l’ensemble des Américains, ces mêmes sondages aboutissent aux résultats suivants : 62 % favorables, 28 % opposés et 10 % sans opinion).
Des responsables juifs ont déclaré, dans une vingtaine d’interviews, cette semaine, qu’ils ont le sentiment d’être confrontés à un dilemme. Ils voient en Saddam Hussein un danger imminent et ils souhaiteraient le voir écarté du pouvoir. Le rabbin David Ellenson, président du Collège hébraïque unifié – Institut juif religieux (il s’agit d’une université réformiste) – a déclaré : « Les juifs américains reconnaissent le danger que le terrorisme représente pour le monde entier, et je pense que les juifs américains sont plus au courant que d’autres Américains du très mauvais dossier de Saddam Hussein en matière de violations des droits de l’homme, tout simplement parce que nous, les juifs, nous accordons une attention plus soutenue (que d’autres) à ce qui se passe au Moyen-Orient. »
Mais certains juifs sont de plus en plus préoccupés par l’absence d’un large soutien international à une frappe (américaine) préemptive, et ils sont sceptiques quant à la capacité des Etats-Unis à instaurer un gouvernement qui jouisse d’une relative stabilité dans l’Irak de l’après-guerre.
Le rabbin Ismar Schorsch, chancelier du Séminaire théologique juif d’Amérique, centre universitaire et spirituel du judaïsme conservateur, a déclaré, cette semaine, au cours d’une conférence : « Nous vivons dans un monde devenu fou, un monde dans lequel un tigre de papier est devenu l’ennemi mortel de l’Amérique, un monde dans lequel l’Amérique s’apprête à entrer dans une guerre dans laquelle l’Amérique se retrouve seule. »
Au cours d’une interview, ce même rabbin a déclaré être persuadé que la Corée du Nord représente une menace plus importante que l’Irak, que la fin de l’Irak [nous pensons que le rabbin Schorsch veut parler du régime irakien ? Ndlr] ne sera pas celle d’Al-Qa’ida, et que les Etats-Unis ont « gravement affaibli les institutions de l’arène internationale, si péniblement édifiées après la Seconde guerre mondiale. »
La plupart des confessions chrétiennes ont pris position contre une entrée en guerre de l’Amérique. Mais chez les juifs, si certains individus ont joué un rôle éminent dans les manifestations et les déclarations pacifistes, les groupements  juifs ont fait extrêmement peu de déclarations qui soient explicitement opposées à la guerre, ou qui la soutiennent.
Les juifs « colombes » disent que le fait que les associations juives ne se soient pas prononcées contre la guerre est une preuve de la nature intrinsèquement « faucon » de la plupart des juifs. Mais les faucons juifs disent exactement le contraire : à savoir que leur silence assourdissant traduit, précisément, à quel point les « colombes » sont prépondérants parmi les juifs américains.
Les dirigeants juifs disent que bien qu’ils aient eu de temps à autre des rencontres avec des responsables officiels à la Maison Blanche et au Département d’Etat au sujet des problèmes du Moyen-Orient, l’administration ne leur a jamais demandé de mettre la sourdine à – ou au contraire de monter le son de – leurs déclarations publiques au sujet de la guerre.
Une vingtaine de dirigeants juifs ont rencontré hier Condoleezza Rice, la conseillère en matière de sécurité nationale, afin de commenter le bref discours que M. Bush venait de prononcer dans la Roseraie de la Maison Blanche, et dans lequel il a déclaré que la « feuille de route » vers une paix au Moyen-Orient serait très prochainement remise à l’ordre du jour, une fois que les Palestiniens auront intronisé un nouveau premier ministre susceptible de faire véritablement contrepoids à Yasser Arafat.
« Ils ne nous demandent pas d’être sur le front ; ils ne nous demandent pas d’être sur le front », a déclaré Steve Rosen, responsable des questions de politique internationale au Comité d’action politique américano-israélien.
Les dirigeants juifs ont confié s’être retrouvés, la semaine passée, dans une situation fort inconfortable, les projecteurs étant braqués sur eux afin de leur arracher des prises de position sur la question irakienne. La semaine dernière encore, une notion souvent formulée en Europe et dans certains pays arabes était devenue le sujet de conversation des médias consensuels américains : en substance, que M. Bush est poussé à la guerre par une clique de juifs introduits dans les hautes sphères de la politique étrangère des Etats-Unis.
Cette idée gagna en popularité lorsque des informations commencèrent à circuler, suggérant que M. Moran, congressiste de Virginie, avait déclaré lors d’un forum anti-guerre tenu voici quelques semaines, que « n’était le soutien très fort de la communauté juive à cette guerre contre l’Irak, nous ne serions pas là. » Mr Moran avait ajouté que « les dirigeants de la communauté juive (américaine) ont suffisamment d’influence pour pouvoir changer la direction vers laquelle les choses sont en train d’évoluer », ajoutant : « Je pense d’ailleurs qu’ils devraient le faire. »
Les responsables juifs répliquèrent, indignés. M. Moran présenta des excuses, et, hier, il a démissionné de sa responsabilité de chef de groupe régional à la Chambre des Représentants (il existe 24 de ces commissions régionales). Mais ce coup de torchon a occasionné une large discussion autour du rôle des juifs dans la politique étrangère américaine et des motivations de la politique présidentielle, ainsi que de la question de savoir si soulever ce genre de problèmes relève ou non de l’antisémitisme.
David A. Harris, président exécutif du Comité juif américain, a qualifié les commentaires tels ceux de M. Moran de « syndrome antisémite classique. Et, comme chacun sait, nous n’utilisons jamais le terme « antisémite » à la légère. » M. Harris a ajouté que les commentaires de M. Moran partaient d’une « once de vérité » - à savoir qu’un certain nombre de juifs travaillant dans l’équipe de l’administration spécialisée dans la détermination de la politique étrangère prônent depuis longtemps la stratégie d’une guerre préventive contre M. Saddam Hussein.
Ce qui, par contre, relève de la théorie du complot, c’est de dire que ces décideurs politiques juifs jouissent d’un pouvoir démesuré, qu’ils sont plus loyaux à Israël qu’aux Etats-Unis, et qu’ils sont en train de manipuler un gouvernement trop crédule.
« Si la guerre tourne mal », a ajouté M. Harris, « il y aura immanquablement des gens qui vont s’efforcer de nous ressortir la théorie élimée voulant que nous cherchions à tout prix un bouc émissaire : et l’on sait que les juifs servent de boucs émissaires aux bigots sectaires depuis des siècles. »
Malcolm Hoenlein, directeur de la Conférence des présidents des principales organisations juives américaines a déclaré, pour sa part : « Personne ne dit que Colin Powell et Condoleezza Rice étant noirs, nous assistons à un effort concerté de la communauté noire afin de pousser à la guerre. »
                           
6. Un génocide n’a pas besoin de chambres à gaz ! par Shulamit Aloni
paru dans Ha’Aretz (quotidien israélien) traduit dans Courrier International du jeudi 13 mars 2003

Cri de colère contre la politique d’Ariel Sharon dans les Territoires palestiniens, par Shulamit Aloni, ex-ministre de la Culture du gouvernement Rabin et leader de la gauche israélienne.
Nous n’avons pas de chambres à gaz ni de fours crématoires, mais il n’existe pas qu’une seule méthode pour commettre un génocide. Le Dr Ya’akov Lazovik écrit dans le journal "Ha’Aretz" que le gouvernement de l’Etat d’Israël et la nation ne sauraient projeter de commettre un génocide. Est-ce là de la naïveté ou de l’hypocrisie ? C’est difficile à dire. On sait bien qu’il n’y a pas qu’une façon de commettre un meurtre, et cela vaut également pour le génocide. L’écrivain Y. L. Peretz parlait de ce “chat vertueux” qui ne fait pas couler le sang, mais étouffe ses victimes.
Le gouvernement israélien, avec son armée et ses instruments de destruction, non seulement fait couler le sang, mais étouffe aussi ses victimes. Comment qualifier autrement le largage d’une bombe de 1 tonne sur une zone urbaine densément peuplée [le 22 juillet dernier, à Gaza], officiellement pour tuer un dangereux terroriste et sa femme ? Bien sûr, les autres personnes - dont des femmes et des enfants - qui ont été tuées ou blessées ne comptent pas. Comment peut-on expliquer qu’on expulse des citoyens de chez eux à 3 heures du matin sous la pluie, puis qu’on place des bombes dans leurs maisons et qu’on s’en aille sans rien leur dire ?
Et comment justifier ce qui s’est passé à Jénine ? Nous n’avons pas détruit tout le quartier, mais seulement 85 maisons ; ce n’était pas un massacre, nous n’avons tué qu’une cinquantaine de personnes. Combien de gens faut-il tuer, combien de maisons faut-il détruire pour que ce soit un crime ? Un crime contre l’humanité tel qu’il est défini par les lois de l’Etat d’Israël et pas seulement par les lois belges.
Mieux encore : un couvre-feu et le bouclage d’une ville entière pour permettre à quelques adeptes d’une bande raciste [les ultras des colonies juives] d’entrer dans le caveau des Patriarches à Hébron, des chars qui détruisent des étals de fruits et légumes, des bulldozers abattant des maisons et des généraux qui, dans leur immense orgueil, sont prêts à détruire tout un quartier pour un groupe de voyous de colons. Couvre-feu, bouclages, brutalités, meurtres, destruction des maisons des suspects... on a fait tout cela.
L’ordre qu’a donné Ariel Sharon aux soldats qui sont allés se venger à Qibiah [en Jordanie, en 1956] - “Maximisez les pertes en vies et en biens” - n’a pas été oublié. Aujourd’hui, le Premier ministre Sharon, [le ministre israélien de la Défense] Shaül Mofaz et [le chef de l’état-major] Moshe Yaalon, les trois généraux qui dirigent la politique de ce gouvernement, se comportent comme le chat hypocrite : ils s’emploient à étouffer leurs victimes. Benny Alon, ministre du gouvernement actuel, l’a bien dit : “Rendez-leur [aux Palestiniens] la vie tellement impossible qu’ils partiront d’eux-mêmes.”
C’est ce qui se fait tous les jours. Le chef d’état-major a annoncé qu’il détruisait “pour reconstruire”. Ses actions laissent supposer que, par “construire”, il entend : construire de nouvelles colonies. Pour ne pas être obligée de veiller au bien-être des habitants, l’armée pénètre dans un village, tue, détruit, arrête et se replie. Ceux qui restent au milieu des cendres et des ruines n’ont plus qu’à se débrouiller tous seuls.
Israël ne veut tout simplement pas savoir
Nombre de nos enfants sont endoctrinés, on leur dit dans les écoles religieuses que les Arabes sont des Amalécites [tribu ennemie des Hébreux] et la Bible nous enseigne qu’il faut anéantir les Amalécites. Un rabbin (Israël Hess) a écrit une fois dans le journal de l’université Bar-Ilan que nous devions commettre un génocide car ses recherches avaient montré que les Palestiniens étaient des Amalécites.
La nation israélienne ne projette pas un génocide ; elle ne veut tout simplement pas savoir ce qui se passe dans les Territoires. La nation obéit aux ordres donnés par ses représentants légitimes. Depuis l’assassinat du Premier ministre légitime [Yitzhak Rabin, en 1995], qui voulait apporter la paix, le doigt est sans cesse sur la détente, la cupidité passe avant tout et il existe toujours une raison pour brutaliser l’ensemble des habitants d’une ville qui en compte des dizaines, voire des centaines de milliers - parce qu’il y a toujours des gens qui sont recherchés. Il suffit qu’une personne soit recherchée pour bombarder et tuer, par erreur bien entendu, des femmes, des enfants, des ouvriers et d’autres êtres humains - en admettant qu’on les considère encore comme des êtres humains.
Bien entendu, avec notre hypocrisie, avec l’adoration que nous vouons à notre “morale juive”, nous faisons en sorte que tout le monde sache que les victimes palestiniennes sont merveilleusement soignées dans nos hôpitaux. Mais nous nous gardons bien de faire savoir combien de Palestiniens sont exécutés de sang-froid dans leur propre maison.
Le génocide dont il s’agit aujourd’hui n’est pas le même que celui dont nous avons été victimes dans le passé. Comme me l’a dit l’un de ces généraux malins, nous n’avons pas de chambres à gaz ni de fours crématoires.
                                     
7. La doctrine Bush contre les valeurs américaines par Georges Soros
in Le Figaro du jeudi 13 mars 2003
(Georges Soros est Président de l'Open Society Institute et du Soros Fund Management.)
Alors que les troupes américaines et britanniques se préparent à envahir l'Irak, l'opinion publique de ces pays s'oppose à une guerre sans l'accord de l'ONU. Le reste du monde est lui aussi dans sa grande majorité opposé à cette guerre ; la communauté internationale considère néanmoins que Saddam Hussein est un dictateur qui doit être désarmé. Le Conseil de sécurité de l'ONU a voté à l'unanimité la résolution 1441 qui exige qu'il détruise ses armes de destruction massive. Pourquoi ce désaccord ?
C'est la première fois que la doctrine Bush est appliquée et cela provoque une réaction de rejet. Cette doctrine repose sur deux piliers : les USA doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour maintenir leur suprématie militaire et ils s'arrogent le droit de déclencher des actions préventives.
Elle suppose l'existence de deux types de souveraineté : d'une part la souveraineté américaine qui primerait sur le droit international, d'autre part la souveraineté des autres pays. Cela rappelle La Ferme des animaux de George Orwell, une fiction dans laquelle tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d'autres. La doctrine Bush n'est pas présentée aussi brutalement, car elle se cache sous un double langage orwellien. Ce double langage est nécessaire, car la doctrine Bush est en contradiction avec les valeurs américaines.
L'Administration Bush estime que les relations internationales sont basées sur des relations de pouvoir, la légalité et la légitimité ne servant que de décorum. Cette idée n'est pas fausse, mais elle repose sur un aspect de la réalité exagérément grossi, à l'exclusion de tous les autres aspects : la puissance militaire. Mais aucun empire ne peut reposer exclusivement sur la puissance militaire.
Or c'est cette idée qui anime le gouvernement américain. Le premier ministre israélien Sharon y croit aussi, et on en voit le résultat. L'idée que la puissance fonde le droit est inconciliable avec l'idée d'une société ouverte, d'où la nécessité de faire appel au double langage orwellien.
L'Administration Bush a pris les rênes du pouvoir avec une idéologie fondée sur le «fondamentalisme de marché» et la suprématie militaire. Avant le 11 septembre, elle ne pouvait guère la mettre en oeuvre car elle ne disposait ni d'un mandat clair en ce sens ni d'un ennemi bien défini. Le terrorisme lui a fourni l'ennemi idéal parce qu'il est invisible et ne disparaît jamais. En déclarant la guerre au terrorisme, le président Bush a trouvé le mandat qui lui faisait défaut.
Mais sa politique a déjà des conséquences graves et inattendues. L'UE et l'Otan sont divisées et les USA donnent l'image d'un forcené qui s'agite en tous sens. L'Afghanistan a été libéré, mais la loi et l'ordre ne s'appliquent pas au-delà de Kaboul et le président Karzaï doit être protégé par des gardes du corps américains. Le conflit israélo-palestinien s'envenime.
Une victoire rapide en Irak avec des pertes limitées pourrait entraîner un changement spectaculaire de situation. Le prix du baril de pétrole pourrait s'effondrer, les marchés boursiers se redresser, les ménages recommencer à consommer et les entreprises accroître leurs investissements. Le conflit israélo-palestinien serait plus facile à résoudre, l'Amérique ne serait plus dépendante du pétrole saoudien et elle pourrait entamer des négociations avec la Corée du Nord sans risquer de perdre la face. C'est ce sur quoi compte le président Bush.
Mais une victoire militaire sur l'Irak est l'étape la plus facile, c'est la suite qui pose problème. Lors de la formation d'une bulle boursière, le début du phénomène tend à renforcer l'erreur de raisonnement qui lui a donné naissance. C'est cette situation que l'on peut craindre en ce qui concerne l'Irak.
Il n'est pas encore trop tard pour empêcher que le processus de formation de la bulle n'échappe à tout contrôle. L'ONU pourrait accorder à Hans Blix, le chef des inspecteurs, les quelques mois supplémentaires qu'il demande pour achever sa mission. La présence militaire américaine dans la région pourrait être réduite, quitte à être renforcée si l'Irak se dérobe à ses obligations ; l'invasion pourrait intervenir si nécessaire à la fin de l'été. Ce serait une victoire tant pour l'ONU que pour les USA qui auront poussé le Conseil de sécurité à agir avec fermeté. C'est ce que proposent les Français, mais ce n'est pas ce qui va se passer. Le président Bush a pratiquement déclaré la guerre.
Il reste à espérer que la conquête de l'Irak sera rapide et sans trop de dommage. Déloger Saddam est une bonne chose, il n'en reste pas moins qu'il faut s'opposer à la méthode suivie par le président Bush. A long terme, une société ouverte ne peut survivre que si les personnes qui y vivent croient en elle.
(Copyright : Project Syndicate, mars 2003.(Traduit de l'anglais par Patrice Horovitz.)
                           
8. Un site pour "noircir" la Belgique... par Serge Dumont
in Le Soir (quotidien belge) du jeudi 13 mars 2003
Noircir l'image de la Belgique dans le monde. Tel est l'objectif affiché par les promoteurs israéliens d'un nouveau site internet consacré à la face cachée du royaume qui veut juger Ariel Sharon alors qu'il a tant de sang sur les mains. Récemment lancé par des spécialistes en relations publiques désireux de garder l'anonymat, financé grâce à quelques donateurs américains, ce site antibelge consacre ses pages à l'affaire Dutroux, aux méfaits de la colonisation du Congo, à la collaboration durant la deuxième guerre mondiale. Il est illustré par des photos de Léopold II, de Léon Degrelle ainsi que par des affiches appelant les Belges à s'engager dans la Waffen SS.
La Belgique accuse notre Premier ministre de crime contre l'humanité mais elle ne poursuit pas les phalangistes libanais chrétiens qui ont vraiment commis le massacre de Sabra et de Chatilah, affirment les auteurs. En revanche, aucun dirigeant belge n'a jamais été poursuivi par la justice de son pays pour avoir laissé commettre des atrocités contre les Noirs au Congo et pour avoir fermé les yeux sur les massacres au Rwanda. Le reste est à l'avenant. C'est-à-dire mal documenté, partial, voire outrageusement mensonger. Ce qui n'a pas empêché plusieurs médias israéliens dont le « Yediot Aharonot » (le quotidien le plus lu) d'y consacrer des articles.
Paradoxalement, ce site a été créé alors que les relations belgo-israéliennes retrouvent un semblant de calme depuis que Silvan Shalom a remplacé Binjamin Netanyehou à la tête de la diplomatie. Certes, rappelé à Jérusalem le 13 février, l'ambassadeur d'Israël en Belgique Yehoudi Keinar n'a pas encore réintégré son bureau ucclois. Cependant, la récente lettre publique adressée par Michel à ses « amis israéliens » et la manière posée avec laquelle la commission de la Justice de la Chambre examine une série d'amendements à la loi sur la compétence universelle contribuent à réchauffer le climat.
                   
9. Les réformes vues par la presse palestinienne par Hoda Saliby-Yehia
in Le Monde du jeudi 13 mars 2003
Yasser Arafat a approuvé la création du poste de premier ministre et a proposé son bras droit Mahmoud Abbas, alias Abou Mazen, considéré comme un modéré. "Les réformes au sein de l'Autorité palestinienne (...) arrivent en retard et apparaissent comme une réponse aux exigences israélo-américaines. En fait, ce sont des revendications palestiniennes. L'objectif étant d'assainir le système politique et non pas de transformer le poste de Yasser Arafat en un poste honorifique", commente Al Ayyam.
"La création d'un poste de premier ministre répond à la volonté américano-israélienne d'écarter Arafat, bien qu'il soit arrivé au pouvoir par des élections libres", enchaîne Al Quds Al Arabi. Le quotidien palestinien de Londres qualifie les accords d'Oslo, dont Abou Mazen fut l'un des artisans, d'"erreur stratégique" et le met en garde contre "toutes négociations, secrètes ou publiques, qui pourraient aboutir à des accords sacrifiant Jérusalem ou brader le droit au retour des réfugiés palestiniens".
Les deux quotidiens appuient "la poursuite des réformes et la démocratisation de l'Autorité palestinienne", mais restent méfiants, car c'est "sous la pression des critiques internationales" que ces initiatives sont prises. Ils s'inquiètent surtout de l'opposition de certaines factions qui contraste avec l'approbation quasi unanime du Conseil législatif. En effet, les islamistes du Hamas et du Djihad, tout comme les laïcs du Front populaire et du Front démocratique, précise Al Quds Al Arabi, ont rejeté l'idée de nommer un premier ministre. C'est, pour les islamistes, "une mesure qui restera sans lendemain. Elle est inefficace tant que l'occupation israélienne se poursuit. La priorité actuelle du peuple palestinien est la lutte pour la libération et non pas l'innovation dans la hiérarchie politique".
Yasser Arafat continuant de contrôler la défense et la diplomatie, le Jerusalem Post ne voit "rien de nouveau" dans ces réformes. Américains, Européens et Israéliens s'attendaient "à un vrai transfert du pouvoir et au remplacement d'Arafat. Or, ce n'est pas le cas". Ils sont prêts à "sacraliser Mahmoud Abbas, car ils recherchent plus un interlocuteur qu'une vraie démocratisation palestinienne". Mais celui-ci a beau être considéré comme un "modéré, en réalité, il n'a pas appelé à l'arrêt total des violences mais seulement à l'arrêt des attaques-suicides à l'intérieur d'Israël". Paradoxalement, le Post arrive à la même conclusion que les islamistes : "Cette nomination n'a aucune importance." Le travailliste Yossi Beilin ne partage pas cet avis et décrit, dans le Yediot Aharonoth, Abou Mazen comme "un pragmatique, ouvert au dialogue avec n'importe quel Israélien".
                                   
10. La crise irakienne et la guerre des Juifs par Bradley Burston
in Ha’Aretz (quotidien israélien) du mercredi 12 mars 2003
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

La crise irakienne a déclenché le plus grand mouvement préventif anti-guerre de l’Histoire, avec des millions de manifestants défilant en protestation contre une guerre qui n’a pas encore commencé. Tandis que la vague d’opposition à cette guerre enflait, parallèlement, un argument sous-jacent selon lequel l’influence juive en Amérique et en Israël représenterait un facteur crucial poussant Washington dans la bataille se répandait, suscitant à son tour un débat extrêmement vif autour de la frontière séparant la libre expression de l’antisémitisme classique.
Le dernier foyer où a eu lieu un débat de cette nature a été un district (sorte de canton, ndt) proche de Washington, où l’ancien membre du Congrès américain (démocrate) James P. Moran Junior suscita contre lui un tollé en expliquant lors d’une assemblée contre la guerre dans une église de Virginia pourquoi il pensait que l’opposition massive à une offensive contre l’Irak, dans l’ensemble des Etats-Unis, n’avait pratiquement rien fait qui soit de nature à renverser la vapeur, dans la marche inexorable vers la guerre.
« N’était le soutien extrêmement fort de la communauté juive à cette guerre contre l’Irak, nous ne serions pas là », dit Moran, entre autres réflexions citées mardi dernier par le Washington Post. « Les dirigeants de la communauté juive ont une influence telle qu’ils pourraient changer la direction où les choses sont actuellement engagées. J’ajoute que je pense qu’ils devraient le faire. »
C’est un raz de marée de critiques qui s’ensuivit, que les excuses de Moran ne parvinrent pas à apaiser. Exprimant ses regrets d’avoir répondu comme il l’a fait parce que son interlocutrice s’était présentée comme juive, Moran a maintenu que ses opinions s’adressaient aux organisations, en général. « Si plus d’organisations, dans ce pays, y compris les groupes religieux, étaient plus déterminées dans leur protestation contre la guerre, je ne pense pas que les Etats-Unis continueraient aujourd’hui à considérer la guerre comme un choix envisageable. »
Sophie R. Hoffman, présidente du Conseil de la Communauté juive du Grand Washington, ne fut absolument pas convaincue par ces explications. « Lorsque Moran s’est rendu compte à quel point ses remarques étaient outrageantes, il a tenté de faire marche arrière, en disant qu’il ne voulait pas dire ce qu’il a pourtant dit très distinctement », a-t-elle indiqué. « Mais, cette fois, ça ne marchera pas. »
Le porte-parole de Mme Hoffman est allé encore plus loin, qualifiant les déclarations de Moran de « répréhensibles et antisémites ».
Les observations de Moran s’inséraient dans un flot de commentaires provenant d’analystes tant de la gauche que de la droite américaines, suggérant que l’administration Bush était à l’écoute des conseils – voire recevait carrément des ordres – du gouvernement Sharon et de l’establishment de l’armée israélienne quant à la manière de s’y prendre avec Saddam Hussein.
Ces commentaires de spécialistes se sont accélérés tandis que des responsables israéliens de haut rang multipliaient les déclarations prédisant que la guerre était susceptible d’avoir un effet curatif souverain sur la plupart des maladies affectant la sécurité de l’Etat juif et paralysant sa vie économique.
L’image d’un tel deus ex machina a déjà été évoquée tellement souvent qu’elle est désormais intégrée au discours public en Israël, qu’elle est devenue synonyme des effets collatéraux positifs d’une guerre contre l’Irak – une solution qui, aussi tirée par les cheveux puisse-t-elle paraître à bien des égards – est sans doute le seul remède, rien d’autre de positif ne se profilant à l’horizon.
Dernièrement, ce sont précisément ces mêmes organisations juives qui protestent contre ce qu’elles considèrent comme une nouvelle forme d’antisémitisme qui sont accusées d’ « être aux ordres de montreurs de marionnettes juifs et israéliens, qui se tiennent dans les coulisses ». En octobre dernier, le poète afro-américain Amiri Baraka – qui jure qu’il résistera aux tentatives visant à le destituer du prix de poésie qui lui a été décerné par l’Etat du New Jersey, parce qu’il a écrit des vers suggérant l’idée que les juifs et le gouvernement israélien savaient d’avance que les attentats du 11 septembre allaient se produire – a déclaré devant les membres d’un club de poésie de New York qu’il aimerait bien savoir « pourquoi la Anti-Defamation League [= la Licra américaine, ndt] du B’nai Brith [= le Crif à la sauce américaine, ndt] n’est pas enregistrée en qualité de succursale d’une puissance étrangère. »
Les premiers grondements du débat actuel au sujet de l’influence alléguée des juifs et d’Israël se sont fait entendre plusieurs années avant l’élection de George W. Bush. L’administration Clinton était truffée de conseillers juifs occupant des postes clés.
Mais ce débat jusqu’ici feutré n’est devenu totalement public que sous la présidence Bush. Plusieurs des conseillers actuels de Bush en matière de défense nationale avaient en effet joué un rôle fondamental dans la mise au point d’un document de doctrine remis en 1996 au premier ministre israélien de l’époque, Benjamin Netanyahu, petit chéri de plusieurs politiciens se qualifiant eux-mêmes de « néoconservateurs », dont de nombreux Républicains juifs de haute volée. Ce document à destination des responsables israéliens leur faisait entre autres la recommandation de « concentrer leurs efforts sur la mise à l’écart de Saddam Hussein du pouvoir en Irak. »
Parmi les auteurs du document figuraient notamment Douglas Feith, aujourd’hui sous-secrétaire à la Défense pour les questions politiques de Bush, Richard Perle, aujourd’hui secrétaire du Panel de la Politique de Défense qui joue un rôle d’expert auprès du Pentagone et David Wurmser, aujourd’hui assistant spécial du sous-secrétaire d’Etat [affaires étrangères, ndt] John R. Bolton.
Les voix qui se font entendre, alléguant une influence indue d’Israéliens et de juifs jusqu’au-boutistes, citent également les nominations du faucon Paul Wolfowitz au poste de vice-secrétaire à la Défense et du protégé de Perle, Elliot Abrams, qui est considéré comme un détracteur persuasif du processus de paix israélo-palestinien moribond, à celui de directeur des affaires moyen-orientales au Conseil National de Sécurité [présidé par Condy Rice, ndt]. La nomination d’Abrams avait incité un haut fonctionnaire de l’administration Bush ayant préféré conserver son anonymat à déclarer au quotidien Washington Post, au mois de février dernier, que « les Likudniks sont désormais réellement dans la place. »
« La théorie du complot apparaît sous différents avatars, allant du malveillant au purement cynique », a écrit l’éditorialiste du New York Times Bill Keller dans un article qu’il a consacré aux controverses au sujet d’une influence juive et israélienne indue sur la politique des Etats-Unis. « Mais elle se présente, en gros, comme suit : Une coterie de zélotes pro-sionistes, à l’intérieur de l’administration Bush et de son chœur médiatique (le « coin des bénis oui oui », comme les a appelés crûment l’isolationniste Pat Buchanan la dernière fois que nous avons menacé l’Irak), a planifié depuis longtemps le remodelage du Moyen-Orient, afin de le rendre plus sûr pour Israël en éradiquant le régime hostile de Saddam Hussein. Ils ont finalement réussi, conclut cette théorie, à force de manœuvres, à faire déposer leur programme politique sur le bureau d’un président américain trop crédule. »
Deux semaines tout juste après les attentats du 11 septembre, Buchanan, un conseiller à la Maison Blanche sous les présidences de Nixon et de Reagan, et à trois reprises candidat aux présidentielles, fit allusion au lien entre Netanyahou et les néconservateurs. Il écrivit ceci : « La guerre que veulent Netanyahou et les néoconservateurs, impliquant que les Etats-Unis et Israël combattent l’ensemble des Etats islamistes radicaux, est aussi la guerre que veut Ben Laden : c’est exactement cette guerre dont ses tueurs espéraient allumer les feux lorsqu’ils envoyèrent des avions de ligne se fracasser contre le World Trade Center et le Pentagone. »
Après avoir évoqué le règlement du sort des Taliban en Afghanistan, Buchanan demandait : « Allons-nous maintenant dynamiter la coalition américano-arabo-musulmane mise sur pied par Powell en utilisant la puissance américaine pour envahir l’Irak ? Allons-nous procéder à un renversement d’alliances et faire de la guerre d’Israël la guerre des Etats-Unis ? »
Mis à part Buchanan et d’autres politiciens de droite qui posent implicitement la question de l’influence juive, des arguments similaires sont avancés par la gauche américaine. Bien que certains juifs, à gauche, soient habitués depuis longtemps à être fustigés – le plus souvent par leurs coreligionnaires – et qualifiés d’antisémites pour la simple raison qu’ils osent critiquer Israël, les vociférations anti-israéliennes de certains des militants anti-guerre ont convaincu jusqu’à des juifs de gauche, eux aussi sur des positions anti-guerre, du fait que l’antisémitisme est bien le terme approprié.
Le rabbin militant pacifiste Michael Lerner, rédacteur en chef de la publication juive de gauche Tikkun Magazine, lui-même fréquemment la cible des responsables de la communauté juive ulcérés par ses attaques contre le gouvernement Sharon et sa défense du droit des Palestinien à un Etat, a, le mois dernier, qualifié certains discours tenus à des meetings anti-guerre organisés par des groupes d’extrême gauche de « tirs de barrage d’éreintement d’Israël et de stupidités antisémites. »
« Le climat passionnel, dans ces manifestations, était celui que la plupart des juifs avec qui j’en ai parlé situent quelque part entre le gênant et l’ouvertement antisémite », a-t-il déclaré au Los Angeles Weekly. « Ainsi, à mon avis, il est incroyablement autodestructeur, pour un mouvement anti-guerre – qui, pour l’instant, ne bénéficie pas du soutien d’une majorité des Américains – de repousser ainsi l’une des couches les plus progressistes de la société américaine, à savoir les voix libérales et progressistes des juifs » qui critiquent Israël mais soutiennent activement son droit à l’existence.
Il y a une autre source, encore, de tension : c’est le moment choisi par Israël pour formuler la demande pressante auprès de la Maison Blanche qu’elle donne son feu vert à des milliards de dollars d’aide à Tel Aviv sous forme de prêts garantis et d’investissements directs.
En réponse à ce débat bourgeonnant, le directeur national de l’Anti-Defamation League, Abraham Foxman, a déclaré à l’hebdomadaire U.S. Jewish Forward, le mois dernier, que, s’il est certainement légitime de poser la question de savoir comment se positionnent le gouvernement Sharon et les groupes juifs américains par rapport à la guerre, la ligne de démarcation, très ténue, est franchie par ceux qui véhiculent une présentation de ces organisations sous les traits d’une conspiration juive ourdie dans l’ombre, et exerçant son contrôle sur la politique étrangère américaine.
« Dire que les juifs contrôlent l’Amérique et sa politique étrangère est un bobard ancien, bien connu », a indiqué Foxman. « Au cours des deux guerres mondiales, les antisémites prétendaient que les juifs avaient réussi en complotant à entraîner les Américains dans la guerre. Aussi, lorsqu’il vous est donné d’entendre à nouveau ce même refrain, il y a de bonnes raisons d’être sur nos gardes et d’avoir une sensibilité épidermique pour ces diffamations. »
D’après l’ancien ministre de l’éducation nationale et de la culture Amnon Rubinstein, les accusations selon lesquelles la guerre imminente (contre l’Irak) « est un complot couvé par les juifs » ont quelque chose de familier à l’oreille. Elles évoquent l’affirmation arabe selon laquelle l’attentat contre les Tours Jumelles (du World Trade Center) aurait été perpétré par le Mossad (« Il est absolument indéniable que, ce jour-là, les juifs ne sont pas venus au bureau ») ou encore la diffamation suprême selon laquelle les juifs seraient en train de tout faire afin de répandre le Sida en Egypte.
« Ce qui rend ces accusations extrêmement intéressantes, c’est le fait qu’elles associent la propagande antisémite à la propagande anti-israélienne », écrit Rubinstein dans le quotidien Ha’aretz, mardi dernier. « C’est vrai, toute critique envers Israël n’est pas nécessairement infondée et tous ceux qui dénoncent les incursions militaires dans les camps de réfugiés de Gaza ne sont pas antisémites. »
Toutefois, poursuit Rubinstein, une attention particulière devrait être apportée au boycott pratiqué depuis quelque temps par une galerie d’art de Malaga, en Espagne, contre « toute personne ayant un rapport avec Israël. En effet, nous sommes en désaccord total avec la politique ségrégationniste de cet Etat, et nous adoptons, nous le déclarons ouvertement, une attitude antisémite à l’égard de toute personne ayant un lien quelconque avec ce pays. »
Bien que cette affaire de Malaga soit un cas extrême, Rubinstein la cite car il y voit un signe précurseur d’un retour de la haine classique anti-juive – même dans une société laïque dans laquelle l’Eglise a pratiquement perdu toute influence.
 « L’incident de Malaga démontre que même là où il n’y a aucun juif ou de très nombreux chrétiens engagés, il demeure néanmoins un résidu préoccupant de cet âge d’or de la haine. Même lorsque le sourire d’une oreille à l’autre de l’Eglise s’est évanoui, son sourire antisémite demeure – en Espagne [par exemple]. 
                               
11. Israël veut rafler la mise par Samar Al-Gamal
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 12 mars 2003

Un enthousiasme exaspérant et un empressement unique : Israël est le seul pays au monde où gouvernement et peuple affichent un soutien sans réserve à une guerre contre l’Iraq. Contrairement a ce qui s’est passé partout dans le monde, même aux Etats-Unis, aucune voix ne s’est élevée au sein de l’Etat hébreu pour dire non au conflit à venir. Aucune personnalité, même dans le camp pacifiste israélien, n’a émis une réserve ou n’a lancé un appel a la paix.
Et contrairement à ce que déclarent les responsables israéliens, un nouveau conflit au Proche-Orient servira les intérêts de l’Etat hébreu, peut-être pas sur le plan économique ou sécuritaire, mais à d’autres niveaux encore plus forts.
Ce manque de réaction de la part des Israéliens démontre qu’ils ont tout intérêt à ce que les enfants de l’oncle Sam déclenchent une offensive militaire contre Bagdad et surtout à ce qu’ils en sortent victorieux. Sur le court terme, les militaires israéliens comptent sur cette deuxième guerre du Golfe pour en finir avec la deuxième Intifada. La première n’avait-elle pas connu un sort identique en 1991, après la première guerre du golfe ? Et comme ceci a été le cas lors de la guerre en Afghanistan, le gouvernement Sharon en profitera pour en finir avec les Palestiniens, lorsque les Américains seront en mission en Iraq. Alors que des raids étaient menés sur Kaboul, parallèlement l’armée israélienne avait bombardé Ramallah. Cette fois-ci, le résultat serait une « réoccupation de toute la Cisjordanie et de la bande de Gaza », comme le craignent nombreux responsables palestiniens. Affaire d’opportunité donc. Et sous la houlette des Etats-Unis, les Israéliens poursuivront un projet aussi ancien que leur existence. Le transfert des Palestiniens. En réoccupant Gaza et la Cisjordanie, ils forceront les Palestiniens à l'exil ou au moins une partie d’entre eux.
« Violence aveugle, répressions et assassinants, ça sera leur façon pour régler le conflit », estime Ahmed Qorei, président du Conseil législatif palestinien. Des terres palestiniennes sans Palestiniens … pas de conflit, donc. Mais où iront alors ces Palestiniens ? Peu importe pour le projet sioniste. Peut-être dans la partie centrale de l’Iraq. Scénario presque irréel, mais fort possible avec des Israéliens fort soutenus par la Maison Blanche. Qui osera alors s’y opposer ? La carte américaine de la région de l’après-guerre en Iraq est donc, selon Qorei, une carte tout à fait israélienne Une chute du régime iraqien aura des effets positifs sur Israël. Si Saddam tombe, pourquoi pas Arafat ? Renverser ou éliminer le premier permettrait d’évincer le second et le remplacer par une nouvelle direction. D’après Ephraim Halevy, ancien directeur du Mossad, le président palestinien « pourrait alors perdre le peu qui lui reste ». Arafat, qui a été assimilé par Sharon à Ossama bin Laden suite aux événements du 11 septembre, sera associé à Saddam Hussein.
Pour Israël encore, un changement de pouvoir à Bagdad aura également des répercussions sur d’autres pays de la région, mais dans l’intérêt de Tel-Aviv. La chute de Bagdad aura un « effet de dominos » sur ses voisins. Dans une interview au magazine Times, Ariel Sharon a demandé à George Bush d’attaquer l’Iran dès que la guerre avec l’Iraq sera terminée. En finir avec des régimes ennemis, tel est l’objectif israélien. L’Iran mais aussi la Syrie, en soutenant le Hezbollah au Liban, ont été responsables d’une des plus grandes humiliations qu’ait subies Tsahal. Et à la place ? Des régimes démocratiques ? Oui, une démocratie « made in USA », et par conséquent pro-israélienne, ou dans le pire des cas pas anti-israélienne. Parce que Israël, cette clé de voûte de la domination américaine au Proche-Orient, ne doit être menacé en aucun cas. Ce gendarme des Américains, qui bénéficie chaque année de 4 milliards de dollars d’aide militaire américaine et qui a construit avec l’aide de la France le sixième arsenal nucléaire au monde, préserve son impunité totale. Avec une protection américaine mais aussi européenne, Israël s’est permis de cracher sur toutes les résolutions de l’Onu. Pour garantir à jamais l’existence de l’Etat hébreu, c’est à l’Iraq, après la Palestine, de payer le prix.
                            
12. La Palestine via Bagdad par Randa Achmawi et Ahmed Loutfi
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 12 mars 2003

La guerre contre l'Iraq aura des répercussions dramatiques sur la région. Mais la question palestinienne, qui en subira les contrecoups, reste la question-clef.
La situation au Proche-Orient « ne sera pas stable tant que le problème palestinien ne sera pas résolu. Nous ne pouvons pas parler seulement de la tension créée par la question de l'Iraq sans accorder une attention, au moins égale, à la question centrale qui est celle de la Palestine ». Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe, qui s'adressait à l'Onu, reprenait ainsi les divers rappels lancés par de nombreux chefs d'Etat arabes pour lesquels la guerre attendue contre l'Iraq ne devrait pas faire oublier que la clef de la stabilité au Proche-Orient résidait surtout dans la question palestinienne. Le président Hosni Moubarak, lors du sommet arabe de Charm Al-Cheikh et celui de l'Organisation de la Conférence islamique de Doha, n'a pas manqué de répéter que la question palestinienne était beaucoup plus difficile à résoudre que la crise iraqienne. Il a même fait état d'entretiens téléphoniques avec George W. Bush où il a expliqué cette idée et les risques qui découleraient d'une négligence de ce problème. D'une certaine manière, la question qui se pose est de savoir si ces affirmations, si pertinentes soient-elles, ont droit de cité à l'heure où une attaque américaine contre l'Iraq est imminente et que le rappel d'autres priorités ne semble pas utile ... En fait, cet antagonisme ou ces vues divergentes entre le monde arabe et les Etats-Unis datent de l'élection de George W. Bush. Celui-ci, dès son entrée à la Maison Blanche, a fait savoir qu'il ne voyait pas de rapport direct entre l'Iraq et la Palestine et qu'il n'envisageait pas le Proche-Orient comme un tout. Ainsi, il a dès le départ considéré qu'il allait accorder sa priorité à l'Iraq. La question palestinienne est ainsi passée au second plan, du moins pour l'Administration américaine.
Pourtant, pour les Arabes, il est toujours temps de rappeler à Bush que quelle que soit l'issue de la crise iraqienne, la complexité de la question palestinienne rendra précaire tout équilibre dans la région.
L'opposition entre les deux agendas se reflète dans la feuille de route censée apporter une solution, du moins provisoire, à la question palestinienne. Ainsi Moussa a demandé que le Quartette (les Etats-Unis, l'Union européenne, les Nations-Unies et la Russie), qui essaie de trouver une issue au conflit israélo-palestinien, procède à la publication, plusieurs fois reportée, de la « feuille de route » devant aboutir à la création de deux Etats vivant côte à côte et en paix. « Publier la feuille de route est une étape nécessaire. Ce n'est pas grand-chose, mais cela engagerait les membres du Quartette », a ajouté le secrétaire général de la Ligue arabe.
Questions sur l'après-guerre 
Amr Moussa fait partie d'une délégation qui a été chargée par le sommet de Charm Al-Cheikh (Egypte) d'exposer la position arabe sur la crise iraqienne aux Nations-Unies, et cette visite a coïncidé avec la tenue d'une réunion ministérielle du Conseil de sécurité sur l'Iraq.
Les Américains ont laissé entendre qu'ils allaient s'engager sur le volet palestinien une fois qu'ils en auraient terminé avec l'Iraq. Même son de cloche en Israël. Ce qui semble déconcertant, voire irréel, pour de nombreux politiciens et analystes arabes habitués à la remise aux calendes grecques de toute issue en Palestine. D'autant plus que les Etats-Unis ont fait preuve d'un véritable cynisme dans leur gestion de la crise iraqienne. « Il est très préoccupant de voir que les Etats-Unis ont l'intention de mettre de côté les principes de la légitimité internationale en Iraq. Comment alors espérer qu'ils veillent à l'application des résolutions des Nations-Unies en Palestine ? », souligne Emad Gad, rédacteur en chef du mensuel Israeli Digest. D'ailleurs, croit-il savoir, Washington envisage de nommer comme gouverneur de l'Iraq dans la période de l'après-Saddam « un proche d'Ariel Sharon, à savoir le général J. Garden qu'on présente généralement comme un ami d'Israël. Le gouvernement américain fait ainsi preuve d'un manque de bon sens flagrant dans sa gestion des questions régionales », ajoute Gad. Ainsi donc pour ce spécialiste des questions israéliennes, il ne s'agit que de promesses, comme celles qui ont été faites par les Américains des dizaines de fois. Mais au moment où elles doivent être concrétisées, on ne voit pas les Etats-Unis exercer la moindre pression sur Israël.
L'opportunisme israélien
D'ailleurs, l'Etat hébreu, fort de ce soutien inconditionnel de Washington, ne manque pas de jeter l'huile sur le feu et d'encourager les Etats-Unis à mettre dans le même camp Palestiniens, Saddam Hussein et terroristes. Ainsi le premier ministre israélien, Ariel Sharon, a assimilé l'attentat suicide commis mercredi dernier à Haïfa, qui a fait 15 victimes, à l'attaque du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center de New York. « Le terrorisme qui a frappé les tours (du World Trade Center) est le même que celui qui tue des lycéens, ce qui montre à qui nous avons affaire », a affirmé Sharon dans un discours retransmis par la radio publique.
Le premier ministre israélien a d'ailleurs affirmé qu'une lettre avait été retrouvée dans la poche du kamikaze qui a commis l'attentat de mercredi dans laquelle il se « félicitait de l'attentat contre les Twin Towers » de New York. Vrai ou faux, cela a donné toute latitude au premier ministre, lui-même coupable de crimes de guerre, de poursuivre : « Pendant des années, le monde, y compris nos plus proches alliés, n'a pas compris le danger que représente le terrorisme. Aujourd'hui, le monde comprend mieux, et en particulier les Etats-Unis avec le président George W. Bush qui a pris la tête de la bataille du monde libre contre le terrorisme ». Un discours destiné sans doute à encourager Bush dans sa campagne iraqienne et à lui demander de ne pas faire la différence entre Palestiniens et Iraqiens, et de manière générale entre les différents peuples arabes et musulmans. Ainsi Emad Gad estime que les Israéliens sont tout à fait en harmonie avec Washington. « Le gouvernement israélien est convaincu que cette Administration américaine ne va pas exercer de pressions sur lui, ni l'obliger à prendre des mesures qu'il ne souhaite pas ». De plus, Israël semble vouloir récolter les fruits de cette guerre qu'il appelle de ses vœux (lire encadré). En premier lieu, un Iraq affaibli et divisé rendra fragile le monde arabe qui sera obligé d'accepter les termes d'un règlement dicté par un gouvernement d'extrême droite en Israël.
Les conséquences régionales de crise iraqienne
Entre-temps, Sharon en profite pour mettre les bouchées doubles. Le lendemain de l'attentat, l'armée israélienne a effectué une incursion dans un camp de réfugiés très densément peuplé du nord de la bande de Gaza, tuant 11 Palestiniens, dont huit directement touchés par l'explosion d'un obus tiré sur la foule par un char. Les Palestiniens ont immédiatement dénoncé un « crime de guerre » et affirmé que ces actes laissaient présager d'un important durcissement des interventions armées d'Israël dans les territoires occupés, quand une guerre débuterait en Iraq.
Cela ne manque pas cependant d'embarrasser Washington, si puissants soient-ils.
En cherchant à agir, même sans l'aval de l'Onu, contre l'Iraq, les Etats-Unis souhaitaient quand même ne pas se mettre à dos l'ensemble du monde arabe. Ainsi le président George W. Bush a fait état de sa préoccupation devant la mort de Palestiniens innocents lors de telles opérations. Deux jours auparavant, la Maison Blanche avait déjà critiqué Israël pour les démolitions de maisons palestiniennes
Selon des sources occidentales au Caire, Bush est conscient du sérieux de la situation en Palestine et sait « que la corde palestinienne vibre plus que la corde iraqienne pour les Arabes. Tout le monde craint que la situation en Palestine soit envenimée pendant la période critique de frappes contre l'Iraq. Tout le monde va essayer d'influencer les Israéliens pour faire en sorte de ne pas aggraver la situation dans la région ». Mles Israéliens vont-ils comprendre que cette escalade n'est pas dans leur intérêt ?
D'ailleurs, Saïd Kamal, secrétaire général adjoint de la Ligue arabe chargé du dossier de la Palestine, craint d'autres répercussions qui toucheraient l'Autorité palestinienne. Il a mis en garde les Etats-Unis contre « la résistance aux attaques américaines à l'intérieur de l'Iraq, susceptible de faire tâche d'huile et de gagner les Palestiniens ». Cette résistance risque de se propager dans les territoires. « Elle pourrait contribuer à faire s'écrouler l'Autorité palestinienne », estime Kamal. Le dirigeant du Hamas, Mahmoud Al-Zahar, avait annoncé qu'il profiterait de l'attaque américaine contre l'Iraq pour prendre le dessus à l'intérieur des territoires sur les plans politique, financier et social.
Les jeux sont faits d'une certaine manière. La question palestinienne que l'on croyait oubliée pourrait être le catalyseur d'une crise plus vaste, surtout qu'aucune solution véritable n'est recherchée. Sharon a clairement fait comprendre que son cabinet ne chercherait pas à renouer des négociations avec les Palestiniens tant que Washington n'aura pas réussi à mettre à l'écart Saddam Hussein.
Le président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, lui, a réagi en nommant premier ministre Mahmoud Abbass (Abou-Mazen), numéro deux de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP), qui est considéré comme un modéré et un pragmatique. Il veut prendre ainsi de court les Etats-Unis qui visent à remodeler le Proche-Orient et y appliquer des réformes voire des changements de régime.
De toute façon, l'Amérique semble dominer la situation. C'est du moins ce qu'affirme Mohamad Bassiouni, ancien ambassadeur d'Egypte en Israël et vice-président de la commission des Affaires de sécurité au Conseil consultatif. « Les promesses américaines sont à prendre ou à laisser. On n'a pas d'alternative. On doit accepter les promesses d'un règlement de la question palestinienne parce qu'elles ne viennent pas uniquement des Etats-Unis, mais du Quartette. Ce sont les membres du Quartette qui ont élaboré ce plan. Nous les appelons à être à la hauteur de leur responsabilité et à appliquer la feuille de route ».
Mais une chose est sûre : rien ne sera plus comme avant après cette guerre et le règlement de la question palestinienne serait peut-être la seule soupape de sécurité pour la région.
                               
13. Les Palestiniens n'ont même pas de météo par Tanya Reinhart
in Yediot Aharonot (quotidien israélien) du 9 mars 2003
[traduit de l'anglais par Giorgio Basile]

(Tanya Reinhart enseigne la linguistique à l'université de Tel Aviv. Elle est l'auteur de "Détruire la Palestine - ou comment terminer la guerre de 1948" paru en 2002 aux éditions La Fabrique.)
Dans la mesure où l'on discute en Israël des récentes actions militaires dans les Territoires, le débat ne tourne quasi exclusivement qu'autour de la question de savoir s'il est possible de cette façon de mettre un terme au terrorisme palestinien. Les Palestiniens, en tant qu'êtres humains, n'existent tout simplement pas.
Il y a quelques jours, il a neigé à Jérusalem. Mardi 25 février, la vague de froid a fait la une de tous les quotidiens israéliens. Même dans ma maison chauffée de Tel Aviv, il faisait froid. Mes pensées allaient vers mes amis palestiniens – mes collègues de l'université de Bir Zeit. Sous la neige, comment s'en tire une famille qui dispose encore d'une maison, mais pas d'argent pour la chauffer? Et qu'en est-il pour ceux qui n'ont plus de maison? Il neigeait aussi à Jénine. Comment les réfugiés de Jénine survivent-ils dans le froid, ou bien ceux qui ont été récemment forcés de fuir Hébron? Et qu'en est-il pour les personnes âgées, particulièrement vulnérables au froid? Comment les nouveaux sans abris de Gaza ont-ils passé la nuit – tous ceux dont la maison a été démolie ce même jour? L'UNRWA est-elle encore en mesure de leur fournir des couvertures et des tentes?
Début février, l'UNRWA (l'Office des Nations Unies pour l'aide aux réfugiés palestiniens) a renouvelé son appel d'urgence à la communauté internationale afin d'obtenir des contributions financières pour les six premiers mois de 2003. L'UNRWA a fait savoir qu'à défaut de ce financement, qui a baissé récemment, l'agence manquerait de ressources d'ici la fin mars. [1]
Le cœur cherche des réponses, mais les journaux ne vous racontent rien à ce propos. De l'autre côté de la clôture, hors des médias, hors de la conscience, les Palestiniens n'ont même pas de météo.
Le même jour, cependant, le Ha'aretz faisait état d'une nouvelle campagne, lancée par les hauts responsables de la sécurité israélienne, et destinée à confisquer les fonds transférés aux Palestiniens – «des dizaines de millions de dollars, provenant principalement d'organisations caritatives dans les pays arabes et en Europe - via des banques israéliennes» (Amos Har'el, dans l'édition en hébreu seulement). Alors que l'UNRWA est sur le point de s'effondrer, les Palestiniens devraient également être privés de l'aide humanitaire qui les aide à survivre.
Il ne s'agit pas d'un incident isolé, mais d'une étape supplémentaire dans la politique israélienne systématique d'étranglement économique. Déjà, en juin 2002, «des conclusions internes aux services de sécurité, à la suite de l'opération «Rempart», ont estimé que les réserves financières de l'Autorité palestinienne sont sur le point de toucher le fond... Dans un futur pas trop éloigné, la majorité des Palestiniens ne pourront poursuivre une vie décente qu'en ayant recours à l'aide internationale.» (Amos Har'el, Ha'aretz, édition en hébreu, 23 juin 2002). Au même moment, Israël, avec l'aide du lobby juif auprès du Congrès américain, lançait une campagne en vue de restreindre l'aide internationale, en demandant que soient «reconsidérées» les opérations menées par l'UNRWA dans les Territoires occupés:
«Israël a entamé une campagne aux États-Unis et auprès des Nations unies, les pressant de reconsidérer le mode de fonctionnement de l'UNRWA, qui alimente les camps de réfugiés de Cisjordanie et de Gaza. Israël accuse les travailleurs de l'UNRWA d'ignorer purement et simplement le fait que des organisations palestiniennes ont transformé les camps en bases terroristes, et demande que l'agence fasse rapport aux Nations unies de toutes les actions militaires ou terroristes survenant à l'intérieur des camps... Entre-temps, des lobbies juifs et pro-israéliens mènent aux États-Unis une campagne parallèle... Les lobbyistes juifs américains fondent leurs efforts sur le fait qu'actuellement, les États-Unis contribuent à hauteur de 30% au budget annuel de l'UNRWA, qui est de 400 millions de dollars, et sont dès lors en position d'exercer une pression sur l'agence. Un refus du Congrès d'approuver le financement de l'UNRWA pourrait compromettre sérieusement son fonctionnement.» (Nathan Guttman, Ha'aretz, 29 juin 2002)
La malnutrition des enfants palestiniens dans les Territoires occupés atteint désormais la même ampleur qu'au Congo ou au Zimbabwe [2], mais Israël «entame une campagne» pour faire obstacle même au peu qui leur reste pour se nourrir.
Dans notre esprit, le génocide est associé à des charniers, ou à des convois de populations déplacées. La mort lente infligée au peuple palestinien n'a, sans doute, pas encore de nom jusqu'à présent, et pourtant, comment se fait-il que la société israélienne ferme son cœur et se refuse à voir ce qui est? La réponse vient en partie de ce que le mal est enveloppé dans des propos ayant trait à la «guerre contre le terrorisme». Des sources sécuritaires annoncent que l'UNRWA «ne tient pas compte» des activités terroristes (comme si l'UNRWA était une force de police), ou que les aides caritatives envoyées aux Palestiniens représentent des «millions de dollars pour le terrorisme», et les médias se contentent de faire circuler leurs prophéties. Aucune autre preuve n'est nécessaire.
Suite à la confiscation des aides caritatives, qui a débuté dans des banques de Jérusalem-Est, «le Commandant de la région, Levi, a refusé de divulguer des détails précis au sujet des activités terroristes à Jérusalem qui auraient été financées à l'aide de ces fonds [confisqués]» (Arnon Regular et Amos Har'el, Ha'aretz, 28 février 2003). L'instinct premier de l'Israélien de croire que l'armée ne ment jamais fait le reste.
La persécution par Israël du peuple palestinien n'est pas une guerre contre le terrorisme. Il existe un remède simple au terrorisme suicidaire palestinien: quitter les Territoires, et donner aux Palestiniens des raisons de vivre. La guerre contre les Palestiniens, c'est pour la «Terre Promise» de Sharon, de l'armée et des colons. Dans une guerre de ce genre, il faut mentir constamment, parce que (selon les sondages), la plupart des Israéliens ne se soucient pas des Territoires, et qu'ils sont prêts à ce qu'ils soient évacués dès demain.
Laissé à lui-même, le peuple ne chercherait pas des moyens d'affamer, de torturer et d'abandonner dans le froid des millions d'autres personnes. Pour lui faire accepter cela, il faut entretenir ses peurs. De la même manière, la moitié du peuple américain qui soutient la guerre contre l'Irak s'imagine que si le peuple irakien n'est pas immédiatement éliminé, Saddam Hussein va éliminer les États-Unis.
- Notes :
[1] Le texte de l'appel d'urgence de l'UNRWA en 2003 peut être lu sur http://www.un.org/unrwa/emergency/pdf/5th- appeal.pdf.
[2] Chris McGreal, The Guardian, 11 février 2003.
                                   
14. Gaza a faim par Peter Hansen
in The Guardian (quotidien britannique) du mercredi 5 mars 2003
[traduit de l'anglais par Ana Cleja]

(Peter Hansen est le Commissaire Général de l'Office de Secours et de Travaux des Nations Unies pour les Réfugiés de Palestine - UNRWA - UN Relief and Works Agency.)
En Palestine, l'échec du processus de paix et la destruction de l'économie par Israël ont conduit à un terrible désastre naturel.
Le monde a pris l'habitude de considérer que la faim se manifeste par des joues creuses et des ventres ballonnés à l'image des famines en Afrique. Mais aujourd'hui dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, une faim insidieuse a pris le peuple palestinien dans ses griffes. Une malnutrition silencieuse, cachée dans le sang anémié des enfants ou perdue dans les statistiques de croissances rabougries, traque les Palestiniens.
Les populations de Gaza et de la Cisjordanie vivent depuis plus de deux ans avec des check-points, des verrouillages et des couvre-feux qui ont ravagé leur économie. La moitié des Palestiniens sont au chômage et plus des deux tiers d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté.
L'effet de cet effondrement de l'économe s'est fait sentir tout d'abord par l'érosion de l'épargne des familles, suivi par l'endettement, puis par la vente forcée des biens du ménage. La famille étendue palestinienne et le réseau de la communauté ont sauvé les Territoires d'un effondrement total comme on aurait pu trouver ailleurs face aux mêmes situations de déclin rapide.
Dans les Territoires occupés, chaque dollar est partagé. Chaque personne qui a un salaire ou un cousin travaillant à l'étranger, soutient jusqu'à sept autres adultes. Néanmoins, après trente mois d'Intifada, la pauvreté se fait de plus en plus sentir dans les ventres.
Dans les termes des experts, les Palestiniens souffrent de micro-déficiences dues au manque de nourriture - ce que le l'Organisation Mondiale de la Santé appelle "la faim cachée". C'est sans doute moins grave que la malnutrition due au manque de protéines que traquent les urgences africaines, mais à l'échelle des Palestiniens, c'est tout aussi sérieux. Les enfants souffrant de micro-déficiences nutritives ne grandissent pas et ne se développent pas; leur capacité d'apprendre est endommagée souvent de façon sévère et irréversible; leurs systèmes immunitaires sont compromis. Les capacités mentales et physiques sont défaillantes chez les enfants comme chez les adultes. Le résultat, dans les cas extrêmes, peut être la cécité ou la mort.
Le développement mental et physique d'une génération d'enfants palestiniens est remis en question. Une étude financée par l'Agence des États-Unis pour le Développement International a trouvé que quatre enfants sur cinq vivant à Gaza et en Cisjordanie ont un manque de fer et de zinc, des déficiences qui provoquent de l'anémie et amoindrissent le système immunitaire. Plus de la moitié des enfants dans chaque territoire ne reçoit pas assez de vitamine A et de calories.
La vérité est que presque le quart des enfants palestiniens souffre de malnutrition aiguë ou chronique et cela pour des raisons purement provoquées par l'homme. Aucune sécheresse n'a frappé Gaza ou la Cisjordanie, les récoltes n'ont pas fait défaut et les magasins sont souvent pleins de nourriture. Mais l'échec du processus de paix et la destruction de l'économie causée par la politique d'enfermement d'Israël ont le même effet qu'un terrible désastre naturel.
Les femmes allaitantes et les femmes enceintes souffrent également. Elles consomment en moyenne 15 à 20 % de calories en moins par jour qu'avant l'éruption du conflit en 2000. La conséquence de l'anémie, la prise réduite d'acide folique et le manque de protéines, menacent leur santé comme celle de leurs enfants.
L'agence d'assistance des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens, l'UNRWA, est la plus grande organisation d'aide dans les Territoires. Avant le début de l'Intifada, elle fournissait de la nourriture à environ 11.000 familles dans la bande de Gaza et en Cisjordanie - familles qui avaient perdu leur soutien de famille ou qui se trouvaient dans des situations à risque. Ces deux dernières années, le programme de nourriture de l'UNRWA (devenu un programme d'urgence) s'est étendu à 220.000 familles, soit presque la moitié de la population palestinienne dans les Territoires.
L'UNRWA a été aussi obligée d'augmenter son programme d'aide de nourriture parce que seuls 12.000 Palestiniens reçoivent des permis pour quitter les Territoires alors qu'auparavant 150.000 Palestiniens partaient travailler en Israël et pouvaient ainsi subvenir aux besoins de leur famille. À l'intérieur même des Territoires, les déplacements sont presque impossibles. Les villes palestiniennes sont encerclées par des troupes israéliennes et coupées les unes des autres. Cela, et les fréquentes incursions militaires dans les villes, empêchent les gens de circuler pour leur travail et empêchent les marchandises des usines et les récoltes des fermiers d'atteindre les marchés. La bande étroite de Gaza est régulièrement étouffée par les check-points sur la seule route ouverte Nord/Sud. Les destructions de maisons et le déblaiement des terres agricoles jouxtant les colonies, associés à la politique des verrouillages, conduisent à un effondrement presque total de l'économie.
Le déclin de l'économie palestinienne a été tellement rapide que seuls les efforts des Nations Unies, de la Croix Rouge et d'autres agences d'aide ont empêché l'effondrement économique de devenir une effondrement social total. L'UNRWA elle-même nourrit 1,3 million de personnes et presque tous les Palestiniens dépendent maintenant d'une aide étrangère pour survivre.  Pour financer cet énorme effort de sécurité de subsistance en plus des autres situations d'urgence, l'UNRWA s'est tournée vers la communauté internationale avec plusieurs requêtes d'urgence. La dernière requête pour couvrir les opérations d'urgence pendant la première moitié de 2003, a été lancée en décembre et représente une demande de 32 millions de dollars afin de fournir de la nourriture à Gaza et en Cisjordanie. C'est inquiétant de constater qu'après deux mois, l'Agence n'a reçu que seulement 1,5 millions de dollars. Les demandes sont en concurrence avec l'Afghanistan et l'Afrique, et avec l'inquiétude concernant l'impact humanitaire provoqué par une guerre éventuelle en Irak, les donateurs évitent de faire des promesses concernant notre fonds d'urgence.
La télévision ne trouvera pas encore de visages squelettiques à Gaza à filmer, pas de ventres ballonnés qui provoqueraient une réaction dans le monde; mais ce serait une triste accusation vis-à-vis des priorités du monde si ce programme de nourriture se faisait attendre à cause de la relative non visibilité de cette crise.
                                  
15. Comment nier le choc Islam-Occident ? par Hubert Védrine
in Le Monde du vendredi 28 février 2003
(Hubert Védrine est ancien ministre des affaires étrangères.)
Le choc des civilisations ? Plutôt que de nous offusquer de cette théorie, trouvons les moyens d'en sortir, car il a commencé il y a longtemps, il se poursuit sous nos yeux, il peut s'aggraver.
Comment nier le choc Islam-Occident alors même qu'il se manifeste de mille façons, que ses racines plongent profondément dans l'histoire, que des extrémistes spéculent sur lui, et qu'une guerre en Irak, la privation de toute espérance pour les Palestiniens, le terrorisme islamique et l'ubris américaine peuvent le faire dégénérer ?
On a caricaturé Samuel P. Huntington, comme s'il avait préconisé cet affrontement, alors qu'il prévenait d'un risque. Sa formule de "clash des civilisations" heurte ou fait peur. Elle heurte en Occident les hommes de bonne volonté engagés dans cet exorcisme rituel qu'est le dialogue des cultures ainsi que tous ceux qui croient en l'existence d'une seule civilisation : la démocratie. Elle effraie les Européens, qui aspiraient à vivre dans un monde post-tragique. Elle fait peur aux nominalistes, qui craignent qu'admettre le risque revienne à favoriser le fait. Elle accable les musulmans modernes, qui luttent vaillamment dans leur monde contre la régression et voient dans cette expression fatidique l'annonce de ce qui les broiera.
Et pourtant... toutes ces dénégations bien intentionnées ne conjurent rien. Les éléments du clash sont à l'œuvre de part et d'autre.
D'abord dans le monde musulman, du fait d'un long passé qui ne passe pas : après les foudroyantes conquêtes arabes du début, des siècles de croisades, d'affrontements, de colonisation chrétienne suivis d'un XXe siècle humiliant, formellement de décolonisation, mais qui, en fait, aura conduit le Moyen-Orient de l'Empire ottoman à la domination américaine. Plus la plaie vive israélo-palestinienne.
Aujourd'hui, le cocktail des rancœurs, des ignorances croisées et des peurs symétriques reste explosif. Alors que se précise le retour à l'ingérence avec ses conséquences imprévisibles, nous n'aimons pas, nous, Occidentaux, nous rappeler ces siècles où l'ingérence occidentale a été la règle, la non-ingérence l'exception. Chez nous, le remords colonial et tiers-mondiste est bien loin, recouvert par l'amnésie et la bonne conscience. Les musulmans, eux, n'ont pas oublié.
On peut essayer de se rassurer en notant que ceux qui, en Islam comme en Occident, cherchent à en découdre sont ultraminoritaires et que le recours à la violence est condamné partout. Mais ils trouvent dans leur monde un écho. Ainsi, la quasi-totalité des musulmans récuse le terrorisme et le nihilisme islamiste, et la grande majorité résiste aux intégristes ; mais, dans le même temps, une immense majorité honnit l'Occident, son mépris, son hégémonie, ses diktats, son cynisme au Proche-Orient, tout ce qu'exploitent sans relâche les islamistes, qui inondent leurs fidèles de prêches haineux, et les terroristes, qui se nourrissent de ces rancœurs.
On peut rétorquer en soulignant les responsabilités musulmanes, le fiasco politique et social des régimes arabes. Cela ne change rien au problème.
En Occident, les fondamentalistes américains qui influencent tant aujourd'hui le Parti républicain au pouvoir à Washington, et sont alliés avec une partie de la droite et de l'extrême droite israéliennes, les Folamour et les apprentis sorciers qui veulent "remodeler" à leur façon le Moyen-Orient sont très minoritaires.
Il n'empêche que, dans leur ensemble, les Occidentaux d'aujourd'hui – sur ce point les Européens ne diffèrent pas des Américains – sont sincèrement convaincus de la valeur universelle, c'est-à-dire de l'absolue supériorité, de la démocratie occidentale sur tous les autres systèmes de valeurs et de l'urgence de sa propagation, notamment dans le monde arabo-musulman. C'est un fait.
D'ailleurs, l'administration Bush a joué dans l'affaire irakienne de cette conviction pour essayer d'ébranler le pacifisme ou le multilatéralisme des opinions qui sont contre la guerre, mais ne peuvent pas être contre la démocratie en Irak.
Le traumatisme du 11 septembre 2001 ayant libéré à l'encontre de l'Islam bien des inhibitions, une partie de l'Occident est ainsi disponible, voire candidate à exercer à nouveau notre séculaire "mission civilisatrice", même s'il y a controverse sur les moyens : le recours aux armes effraie, mais pas, sous des noms à peine modernisés, la recolonisation, les protectorats, les mandats.
Une nouvelle islamophobie intellectuelle se développe même sans provoquer grande réaction.
Les résistances à cette tentation au sein du monde occidental ? Un relativisme culturel embarrassé et déclinant, une complaisance complexée envers l'Islam, un formalisme multilatéral, l'appel à la coopération, le pacifisme des opinions européennes. Mais pas de vraie contestation de principe.
C'est dire que les facteurs de confrontation sont bien réels, et que les événements qui s'annoncent peuvent les aggraver.
Ni l'Islam ni l'Occident ne pourront sans doute aller très loin dans le sens des pulsions antagonistes de leurs éléments les plus extrêmes. Ils n'auront d'autre choix que de continuer à coexister. L'Occident est beaucoup plus fort. Aucun terrorisme ne l'affaiblira, au contraire. Et s'il peut assujettir des gouvernements arabes ou effectuer aisément des opérations militaires, il ne pourra ni convertir ni soumettre les musulmans.
Mais, en attendant, le fossé s'élargit sous nos yeux, le ressentiment croît et la disproportion croissante entre l'hyperpuissance américaine et la faiblesse de tous les autres fait que tout peut arriver. Ces remarques seraient valables même sans l'imminence d'une guerre en Irak ; elles le sont a fortiori avec.
Nous ne pouvons accepter la fatalité de cette confrontation. Que faire, en ce qui nous concerne, pour l'arrêter ? D'abord cesser de faire l'autruche :
– ne pas nier le risque, mais au contraire en prendre la mesure ;
– ensuite parler entre politiques, religieux, intellectuels des "deux rives" de ce qui l'alimente, pour trouver ensemble des réponses ;
– combattre en nous-mêmes la résurgence d'une arrogance et d'un délire de puissance occidentaliste ;
– nous méfier des nombreuses fausses bonnes raisons de recoloniser l'ancien tiers-monde ;
– contrer les arguments ou les slogans de nos propres extrémistes antimusulmans, comme Oriana Fallacci ;
– imposer – c'est crucial – la création d'un Etat palestinien viable ;
– faire, s'il y a lieu, de l'après-Saddam Hussein une démonstration de modernisation démocratique et de multilatéralisme réussi ;
– soutenir plus courageusement partout les musulmans modernes ;
– encourager aux réformes les pays arabo-musulmans, sans diktat ni maladresse dominatrice ;
– intégrer mieux les musulmans d'Europe sans transiger quant aux principes fondamentaux de nos sociétés.
Tout cela est connu et déjà proclamé ? Mais on le fait sans le faire, dans un tissu de contradictions.
De la part des responsables arabes, et musulmans, il serait courageux de reconnaître que, s'il y a risque de clash, ce n'est pas seulement du fait d'une pression néocolonialiste occidentale ou de l'aventurisme de l'administration Bush, mais aussi en raison des rancœurs et des tensions accumulées au sein du monde arabo-islamique, et de tous ceux qui y font de la haine de l'Occident un exutoire.
Les intellectuels et les religieux devraient oser aborder sans détour ces problèmes. Quant aux dirigeants de ces pays, s'ils continuent à s'arc-bouter sur un statu-quo "pré-démocratique" sous prétexte de ne pas faire le jeu des islamistes, ils finiront broyés entre ces derniers, leur population et les occidentaux. Ils doivent faire sans tarder de vraies réformes politiques et sociales, celles qui ne sont acceptées que si elles viennent de l'intérieur. Il faut que des visionnaires, des hommes d'Etat occidentaux et musulmans et de grandes figures religieuses concluent un pacte, une alliance pour la réforme, la démocratisation et la coopération dont les objectifs seraient affichés et les risques assumés solidairement.
Rien ne prédispose les Etats-Unis d'aujourd'hui à concevoir cette stratégie ni à mener cette politique. Les musulmans modernes ne leur feraient d'ailleurs pas confiance, même après une impressionnante démonstration de force militaire en Irak. Sauf si l'administration Bush changeait radicalement de politique dans l'affaire israélo-palestinienne et devenait porteuse d'espérance pour tous les peuples de la région. Mais tout annonce le contraire.
C'est donc l'Europe qui pourrait en être le concepteur et l'initiateur. L'Europe, aux divergences démasquées par l'épreuve irakienne ? Oui, l'Europe quand même, car elle dispose pour ce faire de tous les atouts, à commencer par l'intelligence historique de la situation. Elle pourrait trouver là, si elle en a la volonté, de quoi refaire son unité et jouer un rôle à sa mesure dans un monde désemparé aux fractures rouvertes.
On mesure dans quelle poudrière l'administration Bush veut à tout prix mettre en œuvre ses projets. Mais, même si la guerre en Irak devait au bout du compte ne pas avoir lieu, nous serons quand même, nous Occidentaux, placés devant ce défi : il n'y aura pas de communauté internationale tant que nous n'aurons pas écarté le spectre d'un affrontement Islam-Occident, tant que nous n'aurons pas su lui ôter toute justification et lui substituer une autre vision, partagée, de l'avenir de l'humanité, en nous libérant des siècles qui nous pré-déterminent.
                           
16. Crécher dans le désert par Christophe Ayad
in Libération du vendredi 21 février 2003
Neta Golan, 32 ans, une des seules Israéliennes à vivre dans les territoires, a épousé un Palestinien dont elle attend un enfant.
Neta Golan en 11 dates :
1971 - Naissance à Tel-Aviv.
1975-1980 - Sa famille s'installe momenta-nément au Canada.
1987 - Début de l'Intifada.
1988-1990 - Elle s'enfuit au Canada pour échapper au service militaire.
1993 - Fin de la première Intifada, accords d'Oslo.
1997 - Elle rencontre Nizar Kamal lors d'une visite à Naplouse, en Cisjordanie.
Janvier 2000 - S'installe avec Nizar à al-Ram.
Septembre 2000 - Début de la deuxième Intifada.
Novembre 2001 - Mariage avec Nizar et installation à Ramallah.
Avril 2002 - Opération rempart, Neta passe un mois assiégée dans le QG d'Arafat.
Juillet 2002 - Tombe enceinte, s'installe chez sa belle-soeur à Naplouse. 
Elle doit accoucher le mois prochain et elle aurait préféré une fille. «Qu'est-ce que je vais lui répondre, à mon garçon, quand il va vouloir aller lancer des pierres ?» Elle le dit avec un mélange de cabotinage et d'absolue sincérité. Palestinienne d'adoption, Israélienne malgré tout. Neta Golan, Mme Kamal depuis qu'elle s'est mariée à Nizar, un Palestinien de Naplouse, est la fille de Yoram Golan et de Gila Gabrielef. Son père, courtier en assurances, vote Sharon ; sa mère, ultraorthodoxe, habite chez les «hommes en noir», à Bnei Brak, un shetl polonais perdu dans la banlieue de Tel-Aviv. Neta a aussi deux frères : Yishaï, comédien, et Hazi, architecte, qui rêve de sauver le tiers monde en construisant des maisons écologiques... Sans oublier un oncle d'extrême droite qui dirige la colonie d'Efrat. Sa famille, c'est Israël en miniature. On ne choisit pas sa famille, mais Neta Golan ne la renie pas pour autant.
Neta est la seule Israélienne installée dans les territoires palestiniens, à l'exception d'Amira Hass, l'exemplaire correspondante du quotidien Ha'Aretz. Elle est la seule à s'être mariée à un Palestinien des territoires occupés, en pleine Intifada. Neta Golan est une exception absolue, ses compatriotes la prennent pour une folle. Mais dans une société saisie de folie, qui est le fou?
Neta Golan n'est ni une folle, ni une icône, juste une jeune femme de 32 ans, l'air sérieux mais la mine épanouie. Avec ses joues un peu rondes et ses taches de rousseur, Neta Golan est bien la petite-fille de juifs polonais et allemands qui ont fui l'Europe avant la Seconde Guerre mondiale. C'est la vie plus que les idées qui ont amenée Neta là où elle est aujourd'hui, dans un appartement inconfortable qu'elle partage avec sa belle-soeur palestinienne en pleine casbah de Naplouse. En 1998, bien avant l'Intifada, Neta a rencontré Nizar lors d'une visite dans les territoires palestiniens. «J'ai eu le coup de foudre, mais, pour lui, ça n'a pas été aussi évident. Il a fallu un an pour que les choses deviennent concrètes.» Sa belle-soeur, elle, a mis trois ans avant d'accepter leur liaison, puis leur mariage. Aujourd'hui, elle les héberge volontiers, même si elle n'a jamais pardonné à Israël d'avoir interdit à sa vieille mère malade de revoir la Palestine avant de mourir, il y a quelques années.
Neta et Nizar, comme si les Montaigu et les Capulet avaient surmonté leur différend, pas leurs différences. Aujourd'hui encore, alors que Neta se raconte sans façons, Nizar s'efface, tendu tel un chat effarouché. Par pudeur peut-être, par prudence sûrement. Il travaille comme fonctionnaire pour l'Autorité palestinienne. Elle, enfant choyée aux yeux noisette et sûre de son droit, a toujours fait ce qu'elle voulait. Lui, orphelin aux yeux bleus transparents, né en exil de parents réfugiés, a appris à ne pas faire de vagues. Elle s'excuse presque de son enfance sans douleur, de son aisance actuelle. «Toute ma vie, c'est l'histoire d'un long déconditionnement.»
Neta Golan vient d'une famille de petits-bourgeois, sionistes et de droite. Jusqu'à l'âge de 15 ans, elle n'avait jamais entendu parlé de l'occupation ni des Palestiniens. «Le monde était simple et effrayant. Il y avait les bons, les juifs, et les méchants, tous les autres, surtout les Arabes qui voulaient tous nous tuer. Pour les juifs, il n'y avait que deux options : l'Holocauste ou un Etat hébreu fort.»
Un jour, une activiste de la Paix maintenant fait une conférence dans sa classe sur la Cisjordanie et Gaza. «Je n'en ai pas cru mes oreilles. Je me suis dit : c'est le Chili, l'Argentine, mais pas Israël !» Elle décide alors de ne pas faire son service militaire. La veille de sa convocation, à 17 ans, elle part au Canada. «J'ai prétexté des vacances. De là-bas, j'ai écris une longue lettre d'explication à mon père. Il s'est senti trahi, ça a été terrible.» A chaque foucade de Neta, le paternel a commencé par tempêter avant de renouer : «Il a toujours eu assez d'amour pour ne pas rompre.» Il a longtemps mis la main à la poche.
A 19 ans, elle rentre chez papa-maman. Pas d'armée donc pas de bac, elle vire baba cool : shiatsu, séjour en Inde, stage bouddhiste en France, retraite dans le Sinaï avant d'atterrir dans un village «alternatif» en Galilée... C'est là qu'elle rencontre les Palestiniens des environs, des Arabes israéliens. Puis s'enhardit et participe avec son association à des rencontres-débats dans les territoires palestiniens. «Je n'avais même pas conscience qu'il y avait une frontière. Quand on allait voir mon oncle, on allait juste en Judée-Samarie, pas en Cisjordanie occupée.»
Elle rencontre Nizar et tombe amoureuse des Palestiniens : «En Israël, on les présente comme des terroristes ou des émeutiers. Nous, nous ne pouvons être que des victimes ou des héros. En fait, ce sont les Israéliens qui manquent de beauté, d'humanité, de gentillesse par rapport aux Palestiniens...» La deuxième Intifada n'a pas encore éclaté mais Neta découvre qu'il n'y a pas de processus de paix. «Les barrages, les humiliations, la colonisation, tout cela se poursuivait alors que les Israéliens mangeaient les fruits d'Oslo sans en payer le prix.» En janvier 2000, elle quitte Jérusalem pour s'installer avec son fiancé à Al-Ram, un village arabe près de Ramallah où il travaillait à l'époque. Avec une bonne dose d'optimisme et de naïveté, ils se lancent dans l'organisation de visites «touristico-politiques» des territoires palestiniens pour les Israéliens curieux de cette terra incognita à quelques kilomètres de chez eux. «J'avais beau faire, à chaque fois que j'allais à Ramallah, pendant le premier quart d'heure j'étais saisie par une panique suffocante. J'avais l'impression que tout le monde allait me tuer. Et puis c'est passé.» Elle ne se souvient plus quand.
Lorsque l'Intifada éclate, fin septembre 2000, Neta n'est pas surprise. «Ce qui m'a choquée, c'était la violence de la réaction israélienne. Je ne pensais pas que les Israéliens accepteraient que leur armée assassine des gosses, ni que la communauté internationale laisserait faire la destruction et la réoccupation des territoires.» A cause des bouclages de plus en plus hermétiques, elle décide de s'installer avec Nizar à Ramallah, en territoire autonome. Le lynchage de deux soldats israéliens, en octobre 2000, ne l'a pas dissuadée. «Je ne veux pas justifier, mais ils étaient des soldats. Quand on arrive armé, on ne doit pas s'attendre à être bien accueilli.» Jamais elle n'a été inquiétée, ni menacée : «Quand les gens apprennent qui je suis, ils se fâchent parfois et déversent leur colère, puis ils se radoucissent. Ce qu'ils veulent, c'est être entendus.» Le couple s'est marié en octobre 2001, en Italie, «parce que c'était la seule possibilité de ne pas faire un mariage religieux». Les familles se sont rencontrées, quand c'était possible : «Personne n'est enthousiaste mais les relations sont civiles.»
En deux ans, l'Intifada a fait de la baba cool fleur bleue une militante endurcie. Elle organise la venue des missions civiles internationales de protection du peuple palestinien, se fait casser le bras par un policier israélien dans une manifestation devant la colonie de son oncle, harangue les militaires en leur demandant de désobéir, manifeste devant le domicile de Sharon, reste enfermée plus d'un mois comme bouclier humain dans la Moqataa en avril dernier avec Yasser Arafat assiégé par les chars... Sa culpabilité presque expiatoire effraie la gauche israélienne, son pacifisme à l'emporte-pièce énerve les groupes armés palestiniens... Neta n'en a cure, elle fonce. Les kamikazes palestiniens qui se font sauter dans les bus et les cafés ? Les exécutions sommaires de «collabos» dont les corps sont pendus aux réverbères ? Tout cela, pour elle, est la faute de l'occupation. Neta Golan pense parfois un peu court, mais elle pense clair.
Depuis sa grossesse, elle a mis son militantisme en sourdine et découvre l'enfer de la vie quotidienne en territoire palestinien : l'ennui, la survie, l'imprévisible arbitraire du couvre-feu et l'armée qui tire sur les civils, détruit les maisons... Avant même de naître, son fils aura goûté au pire et au meilleur de ce que la vie peut offrir : l'humiliation d'un père et l'honneur d'une mère.
                                         
17. Ces Israéliens qui rêvent de "transfert" par Amira Hass
in Le Monde diplomatique du mois de février 2003
(Amira Hass est correspondante du quotidien Ha'aretz (Tel-Aviv) à Ramallah.)
Une nouvelle expulsion de Palestiniens paraît impensable, moralement et politiquement. Pourtant, l'idée du « transfert » a progressé dans l'opinion israélienne. Un tir de scuds chimiques irakiens, un méga-attentat palestinien, voire une manifestation qui dégénère, pourraient en donner le signal. En Palestine même, l'armée et les colons provoquent déjà de «mini-transferts».
A la fin décembre 2002, un diplomate européen a découvert un nouveau panneau routier sur une route de la vallée  du  Jourdain :  elle  s'appelait désormais « Gandhi » - surnom paradoxal du général Rehavam Zeevi, fondateur du parti Moledet, qui avait explicitement  appelé  au  «transfert»  des Palestiniens vers les pays arabes. Plaisanterie de mauvais goût ou cynisme délibéré ? Le panneau se trouvait juste avant la bifurcation de la route vers l'est, vers le pont Allenby (passage vers la frontière jordanienne) - la direction du «transfert» souhaité par celui qu'un commando du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) assassina en octobre 2001.
Au lendemain d'un nouvel attentat-suicide, peu avant sa mort, Rehavam Zeevi avait osé déclarer tout haut à nouveau que la seule « solution » était le «transfert» ( accepté») des Arabes, se sentant assez soutenu pour transmettre clairement à la radio un message que, pendant des années, il avait été obligé de brouiller.  C'est  que  les  Israéliens  ne considèrent les attentats-kamikazes ni comme une forme de lutte contre l'occupation ni comme une vengeance face aux agressions de l'armée - qui ont fait, selon  le  Croissant-Rouge palestinien, plus de 2 000 morts palestiniens, dont au moins 1 500 civils : ils y voient la preuve que les Palestiniens entendent effacer l'Etat d'Israël de la carte et «  tuer les juifs parce qu’ ils sont juifs ». Dans ce contexte, l’« initiative du transfert » se présente comme une solution défensive, une « réponse humaine » à une situation sans autre issue. Et les autorités légales ne font rien pour empêcher la propagation de cette idée. Ce qui reste volontairement flou, c'est la population visée. Les Palestiniens résidant dans  la  bande  de  Gaza  et  en Cisjordanie ? Les réfugiés ? Ou tous les Arabes vivant entre la Méditerranée et le Jourdain, y compris ceux qui sont des citoyens israéliens ?
En donnant pour consigne aux écoles de célébrer l'anniversaire de la mort de Rehavam Zeevi, la ministre de l'éducation a légitimé ce débat. De fait, des banderoles  apparaissent,  affirmant  : «Pas  d'Arabes,  pas  d'attentats», « Transfert = paix » ou « La Palestine, c'est la Jordanie ». Un sondage indique que 20 % des juifs « envisageraient » de voter pour le parti d'extrême droite  Kach (C'est ainsi) fondé par le rabbin Meïr [Cabane et interdit depuis 1988, s'il était autorisé à se présenter. Et 73 % des habitants des villes de développement (1) estiment qu'Israël doit encourager l'émigration des Arabes israéliens - 87 % des religieux et 76 % des immigrés de l'ex-URSS partagent cette opinion. Dans les années 1980, le Kach n'avait obtenu qu'un seul siège, avec environ 1,5 % des voix...
Des scénarios-catastrophes
A l'aide  de  sociétés  de  ressources humaines situées à l'étranger et publiant des offres d'emploi dans les journaux arabes, des militants du parti Moledet (Patrie) proposent aux Palestiniens du travail à l'étranger. Ils cherchent ainsi à montrer qu'il est possible, légal et même « humain » d'«encourager  l 'émigration ».   Mais  chacun convient qu'un « transfert volontaire » de centaines de milliers de personnes est impensable : il serait nécessairement « forcé ». Numéro deux de la liste Moledet, le professeur Arieh Eldad, ancien commandant du service de santé de l'armée, distingue  pourtant  transfert « volontaire » et « accepté » : le premier suppose que tous les Palestiniens acceptent d'émigrer (mais il est peu probable, admet M. Eldad, qu'un fellah quitte sa terre de plein gré) ; le second, poursuit-il,  se produira avec  l'aval de  la communauté internationale,   que   Moledet cherche à obtenir.
A droite, certains vont plus loin : ils lient « transfert » et conflit. Numéro un du Parti national religieux (Mafdal), M. Effi Eitam voit la souveraineté israélienne  s'étendre  sur  l'ensemble  des terres comprises entre le Jourdain et la Méditerranée et un Etat palestinien naître en Jordanie et dans le Sinaï ; les Palestiniens auront alors le choix entre «résidence éclairée» dans le Grand Israël et « citoyenneté obscure » dans l'Etat palestinien. « Je ne parlerais pas de transfert, précise-t-il (2). Je ne le considère ni comme une option poli- tique  ni  comme  quelque  chose  qui puisse passer sur le plan moral », mais une guerre est « un jeu avec d'autres règles». L'ancien général affirme ne pas rechercher la guerre, mais pense que, lorsque celle-ci éclatera, « de nombreux citoyens arabes ne resteront pas ici ».  Lui-même établit un lien avec la guerre de 1948 et l'expulsion, alors, de quelque 800 000 Palestiniens...
Plus direct, le maire de la colonie de Kyriat Arba, M. Zvi Katzover, un des fondateurs du mouvement colonisateur du Goush Emounim (Bloc de la foi), répondit à un journaliste, fin novembre 2002, après la bataille de Hébron qui fit douze morts parmi les soldats israéliens et trois parmi les Palestiniens : « Lorsque commencera la grande guerre et que les Arabes fuiront, il sera possible de retourner aux maisons (3). » (Les maisons en question sont celles qu'habitaient des juifs jusqu'au massacre de 1929.)
Les partisans du « transfert » restent néanmoins perçus comme une minorité, et leurs « idées » comme irréalistes et immorales. Dans les journaux, des éditoriaux et des lettres de lecteurs les condamnent, même si d'autres, plus fréquentes qu'autrefois,  approuvent.  Le Likoud et la plupart des autres partis de droite ne mènent pas campagne sur ce thème. En revanche, on peut se demander si, derrière les efforts pour préparer l'opinion, certains dirigeants politiques et militaires  ne conservent pas dans leurs  tiroirs  de  véritables  scénarios- catastrophes. Les forces démocratiques auront-elles le pouvoir de les arrêter à temps ? Qu'ils soient  israéliens  ou qu'ils habitent en Cisjordanie et à Gaza, les   Palestiniens   gardent   tous   en mémoire l'expulsion de 1948. Sans relâche, ils le jurent : « Cette fois, nous ne les laisserons pas nous chasser. .» Cette conscience du danger, le savoir-faire acquis en matière de recours aux instances légales et les liens, de part et d'autre  de  la  Ligne  verte,  avec  la communauté internationale constituent autant de digues.
La commission électorale du Parlement, majoritairement de droite, n'a pas moins tenté  d'interdire  la  participation  aux élections du 28 janvier 2003 d'une liste arabe  (celle  de  l'Alliance  nationale démocratique) et de deux candidats : MM. Ahmad Tibi et Azmi Bishara. - le conseiller juridique du gouvernement, M. Elyakim Rubinstein, reprochait en particulier à ce dernier de prôner la destruction de l'Etat d'Israël et de soutenir le terrorisme. Mais il excluait aussi la candidature de l'ancien numéro deux de Kach, M. Baruch Marzel, candidat d'un autre parti d'extrême droite, le Herout (Liberté), qui édulcore un peu le message du « transfert » - tout en refusant de juger ceux qui tentent de mettre en œuvre le « transfert accepté » en proposant aux Palestiniens des emplois à l'étranger.
La gauche a appelé à la mobilisation contre cette tentative de « transfert parlementaire » : 20 % des citoyens arabes auraient  été  privés  de  leurs  droits civiques. Mais les manifestations n'ont pas rassemblé de grandes foules. Le sursaut est venu de la Cour suprême, qui, le 9 janvier 2003, a finalement autorisé l'Alliance nationale démocratique à se présenter, offrant ainsi à la démocratie israélienne  une  bouée  de  sauvetage contre la perspective d'un boycottage massif du scrutin par les Palestiniens...
Le même Elyakim Rubinstein avait pris position contre le « transfert », mais refusé de poursuivre ceux qui le prônent. Réponse d'un parlementaire travailliste, qui exigeait une enquête sur les partisans de l'«émigration volontaire» : la loi fondamentale contre le racisme interdit  de  distinguer  entre  « transfert » volontaire et « transfert » forcé. Dans le même esprit, des jeunes du Parti travailliste ont participé à une initiative des militants  du  « Courage  de  refuser » - qui regroupe des officiers refusant de servir dans les territoires occupés (4) - consistant à effacer les slogans racistes. Certains de leurs aînés s'en sont indignés, considérant les refuzniks comme des «traîtres antisionistes ».
D'autres s'opposent au refus de servir d'un point de vue de gauche : il ne faut pas, disent-ils, laisser l'armée aux mains de la droite et des colons, qui risquent, le moment venu, de concrétiser le « transfert ». Or plusieurs enquêtes montrent que la proportion d'originaires de l'ex-URSS dans les unités combattantes a beaucoup augmenté, de même que celle des partisans de la droite  religieuse  parmi  les  officiers supérieurs - deux milieux parmi lesquels cette idée du « transfert » jouit d'un appui solide.
Dans les territoires occupés, la présence de militaires pacifistes n'empêche pas des « mini-transferts » de se produire. La vieille ville de Hébron, où vivent 500 colons juifs agressifs, s'est vidée de nombre de ses habitants palestiniens, qui ne supportent plus le harcèlement incessant de leurs «. voisins » juifs. Pas plus qu'ils ne supportent le couvre-feu presque permanent que leur impose l'armée, au nom de la sécurité de ces « voisins ». Dans le nord de la Cisjordanie, quelque 180 habitants du village de Yanoun ont dû quitter leurs maisons pour s'installer plus loin, sous la pression croissante des agressions des habitants d'Itamar, la colonie voisine. Sans parler des expulsions entraînées par la construction du « mur » (5).
Ces  « mini-transferts »  n'ont pas échappé à l'opinion israélienne, et ils ont fait l'objet de manifestations. Mais celles-ci n'ont pas empêché les Palestiniens de se voir dépossédés à un rythme accéléré,  depuis  deux  ans,  de  leurs terres et de leur espace.
 Le « bouclage intérieur » enferme deux millions et demi d'entre eux en Cisjordanie et plus d'un million à Gaza dans leurs villes et leurs villages : l'armée, face au conflit meurtrier qui a éclaté en septembre 2000, leur interdit (à l'exception du tout petit nombre muni de permis spéciaux) de se déplacer sur les routes principales, de sortir de leurs communes et de se rendre dans les villes. Autour de ces dernières s'est  construit  un  système de barrages, de clôtures, de portes en fer, de buttes, de chars et de patrouilles  militaires  qui  gêne tout mouvement sans vraiment décourager  ceux  qui  partent commettre  des  attentats  en Israël. Quiconque voyage sur les routes réservées aux Israéliens peut avoir l'impression que l'expulsion a déjà eu lieu : routes vides,    villages    palestiniens déserts, terres et vergers sans âme qui vive. Nombre d'habitants sont allés s'installer dans les  grandes  villes  où  ils  travaillent, afin de s'épargner les check-points quotidiens.
Tourmentés par la peur des attentats,  les  Israéliens  restent inaccessibles à l'argument selon lequel le bouclage est une punition collective qui renforce le soutien aux attentats. Des officiers  supérieurs  le  présentent comme une mesure « réversible », qui sera annulée dès que les Palestiniens renonceront au terrorisme. En attendant, c'est une politique qui convient à merveille aux projets d'« accord définitif» nourris par plusieurs partis de droite, ceux-là mêmes qui prennent garde à ne pas parler de « transfert ». Ainsi les Russes d'Israël-Beitenou (Israël-Notre maison), alliés à Moledet, proposent la création de plusieurs enclaves-prisons isolées,  sans  continuité  territoriale. Seule différence avec l'« Etat palestinien » d'Ariel Sharon : la dimension des enclaves...
Un attentat-prétexte ?
Certains redoutent que l'opération des Etats-Unis contre l'Irak ne crée les conditions d'une expulsion massive - surtout si Bagdad lançait sur Israël des missiles à charge chimique ou si les Palestiniens manifestaient leur soutien à M. Saddam Hussein, les choses pouvant alors échapper à tout contrôle... Mais Washington a besoin de stabilité au Proche-Orient pour mettre en œuvre ses
plans, et une expulsion massive aurait l'effet contraire.
D'autres craignent qu'une organisation palestinienne ne parvienne à perpétrer un méga-attentat particulièrement meurtrier. Un officier supérieur nous a dit - et il en était sincèrement inquiet - que, dans ce cas, il doutait que l'armée veuille et puisse faire obstacle à une «initiative» locale visant à expulser, par exemple, les habitants du village dont les  terroristes  seraient  originaires.  Et d'évoquer l'absence de réaction des autorités et de l'armée lorsque, à l'automne 2002, des colons empêchèrent par la  force des villageois palestiniens de récolter leurs olives.
Ceux qui continuent d'envoyer des jeunes commettre des attentats en Israël (et projetteraient ce méga-attentat) ne semblent pas mesurer que leurs actes risquent de susciter une réaction - l'expulsion - qui, dans des circonstances extrêmes, pourrait être comprise d'une grande partie de l'opinion en Israël, et même dans les pays occidentaux. Ces mouvements fondamentalistes palestiniens expriment leur foi - symétrique à celle des fondamentalistes juifs – dans la  chance  qu'offrirait  une  « grande guerre » de renverser la vapeur...
Depuis deux ans, la Jordanie a progressivement durci les règles en vigueur pour l'entrée des habitants de Cisjordanie et de Gaza sur son territoire. Amman craint, certes, une vague de Palestiniens fuyant les souffrances de l'occupation, mais redoute aussi les scénarios-catastrophes. Et pour cause : on a pu lire dans Haaretz, le 28 novembre 2002, que le premier ministre Ariel Sharon refusait de prendre publiquement l'engagement que les Palestiniens ne seraient pas expulsés vers la Jordanie, au motif que ce simple soupçon était blessant. Le premier ministre jordanien a donc rappelé que le traité israélo-jordanien excluait toute expulsion. Mais les tenants du transfert s'intéressent peu aux accords de paix...
Pour l'instant, la mise en œuvre progressive du « mini-transfert » comme du « transfert » intérieur dans les territoires occupés opère comme un soporifique sur l'opinion israélienne et mondiale. S'il convient donc, en priorité, de réagir à ces pratiques aussi illégales que dangereuses, on ne saurait pour autant considérer  comme  imaginaire  la  menace d'une expulsion massive. La percée des conceptions fondamentalistes et catastrophistes,  la  disparition  des  repères moraux dans la politique israélienne, la diversification des méthodes d'oppression de l'armée, l'absence d'une direction palestinienne capable d'orienter la résistance à l'occupation et la passivité de la communauté internationale constituent autant d'indices inquiétants.
(1) Ces cités champignons s'apparentent à ce que l'on  appelait  naguère,  en  France,  «villes nouvelles», Ndt.
(2) Haaretz, 22 février 2002.
(3) Interview à la première chaîne de télévision, 27 novembre 2002.
(4) Lire Joseph Algazy, « Ces soldats israéliens qui disent non », Le Monde diplomatique, mars 2002.
(5) Lire Matthew Brubacker, « Le mur de la honte », Le Monde diplomatique, novembre 2002.
                                               
18. Quand les « boîtes à idées » américaines donnent des cours de politique étrangère… par Brian Whitaker
in The Guardian (quotidien britannique) du lundi 19 août 2002
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

(Brian Whitaker enquête ici sur le réseau des « instituts de recherche » américains, dont les avis et les prestations télévisées sont en passe de supplanter toute autre opinion, aussi autorisée soit-elle, sur les problèmes du Moyen-Orient.)
Il existe un fait, assez peu connu, au sujet de Richard Perle, le principal avocat de la ligne dure au Pentagone. Ce fait, c’est qu’il a jadis écrit un polar. Ce roman, intitulé fort judicieusement « La ligne dure » (Hard Line), est campé aux beaux jours de la guerre froide avec l’Union soviétique. Son héros est un haut fonctionnaire (mâle) au Pentagone, travaillant tard le soir et luttant presque à lui seul afin de sauver les Etats-Unis des mains des poules mouillées libérales du Département d’Etat, lesquelles veulent brader la dissuasion nucléaire de l’Amérique dans le cadre d’un accord de désarmement sur le point d’être conclu avec les Russes…
Dix ans plus tard, Mr Perle se retrouve dans le rôle de son héros de fiction, mais dans la vie réelle. La différence : les Russes ne représentent plus une menace. Alors, il doit se contenter des Irakiens, des Saoudiens, et du terrorisme, de manière générale…
Autre différence : dans la vraie vie, Mr Perle ne mène pas son combat tout seul. Il dispose, autour de lui, d’un réseau confortable et astucieusement architecturé d’ « experts » en questions moyen-orientales, qui partagent sa vision néoconservatrice et dont les bobines apparaissent, comme surgissant d’une boîte à ressort, sur les télévisions américaines, dans les journaux, les livres, les dépositions devant les commissions parlementaires et lors des dîners d’affaires à Washington…
Ce réseau s’appuie sur des centres de recherche, des boîtes à idées qui s’efforcent d’influencer la politique gouvernementale et sont financés par des dons non imposables de généreux donateurs anonymes.
Lorsqu’il n’est pas trop occupé au Pentagone, ni à diriger Hollinger Digital – filiale du groupe qui publie entre autres le Daily Telegraph en Angleterre – ni à quelque conseil d’administration du Jerusalem Post, Mr Perle est « chercheur invité » de l’une de ces boîtes à idées : The American Enterprise Institute (AEI).
Mr Perle a un ami intime, et un allié politique, à l’AEI : David Wurmser, directeur de son département d’études sur le Moyen-Orient. Mr Perle a fort judicieusement écrit l’introduction d’un ouvrage de ce Mr Wurmser : « L’Allié de la tyrannie : Comment l’Amérique a échoué devant Saddam Hussein » [ ! ? !, ndt]. L’épouse de Mr Wurmser, Meyrav, est cofondatrice, avec le colonel Yigal Carmon, ancien des services secrets israéliens, du Memri (Middle East Media Research Institute – Institut de recherches en matière médiatique sur le Moyen-Orient), qui se fait une spécialité de traduire et de distribuer des articles présentant les Arabes sous un mauvais jour.
Elle a aussi des opinions très tranchées sur les intellectuels de gauche israéliens, qu’elle considère comme une menace pour Israël (voir « Selective Memri », Guardian Unilimited, 12.08.2002)
Aujourd’hui, Mme Wurmser dirige la section Moyen-Orient d’une autre boîte à idées, le Hudson Institute, dont Mr Perle a rejoint, récemment, le conseil d’administration. De plus, Mme Wurmser appartient à une organisation ayant nom The Middle East Forum (Forum du Moyen-Orient).
Michael Rubin, spécialiste de l’Iran, de l’Irak et de l’Afghanistan, venu tout récemment d’encore une autre boîte à idées, The Washington Institute for Near East Policy (Institut Washington pour les politiques moyen-orientales), assiste Mr Perle et Mme Wurmser à l’AEI. Mr Rubin appartient lui aussi au Middle East Forum. Un autre chercheur sur le Moyen-Orient à l’AEI est Laurie Mylroie, auteur de La Guerre inachevée de Saddam Hussein contre l’Amérique [Saddam Hussein’s Unifinished War Against America], qui expose une théorie complètement zinzin, selon laquelle l’Irak aurait manigancé l’attentat commis en 1993 contre le World Trade Center…
Lorsque ce livre fut publié par l’AEI, Mr Perle le salua comme « splendide et parfaitement convaincant ! »
Un précédent livre sur Saddam Hussein et la crise dans le Golfe, dont Mme Mylroie est la co-auteure avec Judith Miller, une journaliste du New York Times, avait été le premier best seller au palmarès de ce journal.
Tant Mme Mylroie que Mme Miller ont des liens avec le Middle East Forum. Mr Perle, Mr Rubin, Mme Wurmser, Mme Mylroie et Mme Miller sont tous clients d’Eleana Benador, une linguiste péruvienne qui joue en quelque sorte le rôle de conseiller théâtral pour les experts sur le Moyen-Orient et le terrorisme : elle organise leurs prestations télévisées et même leurs conférences publiques…
Sur les vingt huit clients de Madame Benador, neuf, au moins, sont liés à l’AEI, au Washington Institute et au Middle East Forum. Bien que ces trois organismes privés ne fassent la promotion des vues que d’une extrémité du spectre politique, la publicité dont ils jouissent grâce à leurs livres, leurs articles et leurs émissions télévisées est absolument extraordinaire.
Ainsi, le Washington Institute, par exemple, peut se glorifier d’avoir placé environ quatre-vingt dix articles rédigés par ses membres – en grande partie des tribunes libres – dans la presse, au cours de l’année écoulée.
Sur ces quatre-vingt dix articles, quarante ont paru dans le Los Angeles Times, neuf dans New Republic, huit dans le Wall Street Journal, huit dans le Jerusalem Post, sept sur National Review Online, six dans le Daily Telegraph, six dans le Washington Post, quatre dans le New York Times et quatre dans le Baltimore Sun. Au total, cinquante de ces articles étaient dus à la plume de Michael Rubin…
Quiconque a essayé d’envoyer une tribune à un grand quotidien appréciera l’ampleur de ce succès ! L’attention médiatique accordée à ces boîtes à idées ne doit rien au manque d’experts en la matière. Les universités américaines comptent environ 1 400 professeurs à plein temps spécialisés dans le Moyen-Orient…
Sur ces 1 400, entre 400 et 500 sont spécialisés dans l’un ou l’autre des aspects de la politique contemporaine dans cette région du monde. Mais leurs analyses sont rarement sollicitées ou entendues, que ce soit par les médias, ou par le gouvernement…
« Je vois un défilé incessant de gens de ces instituts qui viennent nous causer dans le poste. Je vois très rarement, en revanche, un professeur d’université participer à ce genre d’émissions », dit Juan Cole, professeur d’histoire à l’Université du Michigan, très critique sur ces instituts privés.
« Les universitaires sont fort occupés à analyser ce qui est en train de se passer, mais ils ne sont pas des propagandistes, ils sont de ce fait beaucoup moins péremptoires », dit-il. « L’expertise sur le Moyen-Orient existe dans les universités. Elle n’est pas utilisée, même pas pour donner au public l’information élémentaire. »
Bien entendu, très peu d’universitaires disposent d’agents (« artistiques ») comme Eleana Benador, afin de faire la promotion de leurs travaux, et très peu d’entre eux se trouvent à Washington – ce qui rend les rendez-vous avec les télévisions plutôt difficiles à obtenir, ou les occasions de côtoyer les hauts fonctionnaires du Département d’Etat plutôt rares.
Les gens qui travaillent dans les boîtes à idées américaines s’affublent volontiers de titres pseudo universitaires tels que « maître assistant » ou « professeur associé », mais leurs recherches sont très différentes de celles qui sont menées dans les universités – elles visent exclusivement à exercer une influence sur la politique du gouvernement. Ce que personne, à l’extérieur de ces boîtes à idées, ne sait, toutefois, est d’où vient l’argent consacré à ces recherches en lobbying ?
Selon les lois américaines en vigueur, les dons importants en faveur d’organisations à but non lucratif et « non partisanes », telles les boîtes à idées, doivent être déclarés sur leur formulaire de déclaration d’impôt (formulaire n°  990) par les donateurs. Mais l’identité des donateurs n’est pas obligatoirement rendue publique.
L’AEI, qui traite de bien d’autres sujets que le Moyen-Orient, disposait de 35,8 millions de dollars de capitaux et avait perçu 24,5 millions de dollars de revenus en 2000. La même année, il percevait sept dons d’un million de dollars (ou plus) en valeur ou en actions, le don le plus important étant d’un montant de 3,35 millions de dollars.
Le Washington Institute, qui est spécialisé exclusivement dans les questions moyen-orientales, avait en 2000 un fonds de roulement de 11,2 millions et un revenu de 4,1 millions. L’institut indique que ses donateurs sont identifiables, car ils sont également ses actionnaires, mais la liste des actionnaires comporte 239 personnes, ce qui rend totalement impossible la distinction entre les mécènes importants et le menu fretin.
Quant au plus petit, le Middle East Forum, il avait un revenu de moins d’1,5 million en 2000, le don le plus important étant d’un montant de 355 000 dollars.
En terme de capacité à influencer la politique gouvernementale, les boîtes à idées ont plusieurs avantages sur les universités. Tout d’abord, elles peuvent louer des personnels sans aucune procédure collégiale, ce qui leur permet de mettre sur pied des équipes de chercheurs qui partagent une orientation politique similaire.
Elles peuvent aussi publier elles-mêmes des livres sans avoir à passer par les processus de vérification académique requis par les publications universitaires. De plus, elles s’installent généralement à Washington, tout près du gouvernement et des principaux médias nationaux.
Mis à part influencer la politique moyen-orientale du gouvernement américain, le Washington Institute et le Middle East Forum ont lancé, dernièrement, une campagne visant à discréditer les universités spécialisées dans l’étude de la région concernée…
Après le 11 septembre, après que divers services gouvernementaux aient pris conscience d’un manque d’Américains connaissant bien l’arabe, on a assisté à diverses initiatives destinées à renforcer les facultés habilitées à en former.
Mais Martin Kramer, du Washington Institute et du Middle East Forum, ancien directeur du Moshe Dayan Center de l’Université de Tel Aviv, voyait, lui, les choses autrement…
Il produisit un pamphlet au vitriol, intitulé « Les Tours d’ivoire bâties sur le sable » [Ivory Towers on Sand], dans lequel il critiquait les instituts d’études orientales des différentes universités américaines. Son livre a été publié par le Washington Institute et a fait l’objet d’une chaude critique dans le Weekly Standard, dont le rédacteur en chef, William Kristol, est membre du Middle East Forum, comme Mr Kramer lui-même ! « Kramer a rendu un service crucial en dénonçant la décomposition intellectuelle régnant dans un domaine universitaire présentant une importance vitale pour le bien-être de la Nation », écrivait notamment la revue…
Le Washington Institute est considéré comme la plus influente des « boîtes à idées » sur le Moyen-Orient, c’est d’ailleurs celle que le Département d’Etat prend le plus au sérieux. Son directeur est un ancien diplomate américain, Dennis Ross.
En plus de ses publications et de son entrisme auprès des journaux, cet institut déploie plusieurs autres types d’actions qui ne ressortissent pas au lobbying du point de vue juridique, car cela en changerait le statut. Il organise des dîners et des séminaires, à peu près trois fois par semaine, au cours desquels des idées sont échangées et où le tissage du réseau politique prend place. Mentionnons qu’il a témoigné devant des commissions parlementaires (au Congrès) à neuf reprises au cours des cinq années passées.
Tous les quatre ans, il réunit une « commission bipartisane « sélect » », connue sous le nom du Groupe d’études présidentiel, lequel groupe d’études présente un rapport permettant d’éclairer la politique moyen-orientale du président nouvellement élu [C’est là un point sur lequel j’attire l’attention : ndt].
L’institut ne fait pas un secret de Polichinelle de ses liens très étroits avec Israël, il est d’ailleurs l’hôte, actuellement, de deux chercheurs provenant des forces armées israéliennes.
Israël est un allié, et la connexion est tellement connue que les officiels et les hommes politiques en tiennent compte lorsqu’ils traitent avec l’institut. Mais il en irait vraisemblablement tout autrement si l’allié en question était un pays tel l’Egypte, le Pakistan ou l’Arabie saoudite…
Excepté quelques bévues, telle la publication du livre de M. Kramer, le Washington Institute est le type même de la voix sobre et pondérée du conservatisme américano-israélien. Le Middle East Forum en revanche, en est la voix stridente : deux tonalités différentes, mais pratiquement les mêmes personnes.
Trois personnalités éminentes du Washington Institute – Robert Satloff (directeur de la politique), Patrick Clawson (directeur de la recherche) et M. Rubin (écrivain prolixe, actuellement à l’AEI) – appartiennent également au Forum.
Daniel Pipes, le barbu qui se fait 100 000 dollars par an à la direction du Forum, figure sur la liste en tant qu’ « associé », tandis que M. Kramer, l’éditeur de la revue du forum, est présenté comme « un collègue visiteur ».
M. Pipes est devenu la bête noire des associations musulmanes américaines après qu’il ait publié un article dans National Review, en 1990, qui faisait allusion à « l’immigration massive de gens au teint basané qui cuisinent une tambouille bizarre et ne maintiennent pas des standards d’hygiène que l’on pourrait qualifier d’authentiquement germaniques »…
Etant donné qu’il a l’habitude de protester vigoureusement lorsque ses propos sont cités en dehors de leur contexte originel, le lecteur est invité à lire l’article dans son entièreté à l’adresse URL suivante : http://www.danielpipes.org
Il est connu également pour ses performances au combat au corps à corps sur la chaîne Fox News, où on lui trouve d’intéressantes relations d’affaires. Recherchez son nom sur le site web de Fox News, et vous verrez, à côtés de transcriptions de ses interviews télévisées, un encart publicitaire disant  « Daniel Pipes est joignable par l’intermédiaire de Barber & Associates, première entreprise de service proposant des conférenciers en matière de business, de relations internationales et de technologie depuis 1977 ».
The Middle East Forum publie régulièrement deux revues, le Middle East Quarterly et le Middle East Intelligence Bulletin (publié conjointement pour ce dernier avec le Comité américain pour un Liban libre [United States Committee for a Free Lebanon]).
Le Middle East Quarterly se présente lui-même comme « audacieux, pénétrant et polémiste ». Parmi les études publiées dans sa dernière livraison, on notera une article sur les armes de destruction massive, qui affirme que la Syrie « détient plus de capacités destructrices » que l’Irak ou l’Iran…
Le Middle East Intelligence Bulletin, qui est envoyé gratuitement par email – mais qui parvient néanmoins à payer (grassement) ses contributeurs – est spécialisé dans la couverture des aspects obscurs des relations syro-libanaises. Tiens : coucou, le revoilou ! Le vibrionnant Mr Rubin figure à son conseil de rédaction...
Le Middle East Forum prend aussi pour cibles les universités, à travers son bureau des conférenciers de campus – lesquels, adoptant la ligne définie dans l’ouvrage de M. Kramer, veillent à corriger « les cursus orientalistes déficients dans le système éducatif américain », en dénonçant les « partis pris » et les « erreurs fondamentales » et en apportant « une meilleure information » que les étudiants ne sauraient en obtenir de la part des trop nombreux professeurs « irresponsables » dont ils sont persuadés qu’ils grouillent dans les facs américaines…
En des temps où le monde entier est abasourdi par ce qu’il perçoit comme un éventail de politiques de plus en plus bizarroïdes sur le Moyen-Orient en provenance de Washington, comprendre le gentil petit réseau présenté plus haut est susceptible de rendre ces politiques peut-être un petit peu plus explicables (je n’ai pas écrit : ‘compréhensibles’…)
Bien entendu, ces gens et ces organisations ne sont pas les seules à tenter d’exercer une influence sur la politique américaine au Moyen-Orient. Il en est d’autres, qui essaient de l’infléchir, elles aussi, dans différentes directions, au demeurant.
Toutefois, ce réseau-là est agissant dans un climat politique qui est particulièrement réceptif aux idées qu’il véhicule.
Ce réseau est très bien pourvu par ses bienfaiteurs anonymes. Il est très bien organisé. Les idées semées par un des actants sont amoureusement arrosées et nourries par les autres.
Quoi que puissent penser les gens qui observent cela de l’extérieur, les Américains, plutôt pragmatiques, ne voient pas là motif à s’inquiéter outre mesure. Ce n’est qu’une coterie de copains sur la même longueur d’onde, qui font leur petit boulot habituel. Bref : une histoire de tous les jours dans la vie politique telle qu’elle se vit à Washington…
[brian.whitaker@guardian.co.uk - Signalons un site très utile, réalisé par Brian Whitaker, auteur de cet article :http://www.al-bab.com]