Point d'information Palestine N°
214 du 16/02/2003Newsletter privée réalisée par l'AMFP - BP 33 - 13191 Marseille Cedex 20
- FRANCE
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France-Palestine Solidarité
Pierre-Alexandre Orsoni (Président) - Daniel
Garnier (Secrétaire) - Daniel Amphoux (Trésorier)
Association loi 1901 -
Membre de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
Rédaction :
Pierre-Alexandre Orsoni et Marcel Charbonnier
Au
sommaire
Témoignage
- Où les rues avaient un nom par
Hanan Elmasu, citoyenne de Ramallah en Palestine [traduit de l'anglais par Eric Colonna]
Dernières
parutions
1. Revue d’études palestiniennes n° 86
aux Edition de Minuit
2.
à paraître le 15 mars prochain - À tombeau ouvert - La crise de
la société israélienne de Michel Warschawski aux éditions La
Fabrique
Réseau
1. Les pacifistes sionistes ! de
Claire Bertrand (12 février 2003)
2. Des faits, rien que des faits
! par Tarik Tazdaït (12 février 2003)
3. Irak, ira pas
? par Christiane Taubira distribué par le Réseau Voltaire le 4
février 2003
4. L’étrange argument de Jared Israël par
Israël Shamir (3 octobre 2002) [traduit de l'anglais
par Marcel
Charbonnier]
Revue de
presse
1. Au lieu de vilipender les Français, on
ferait mieux de les écouter par John Lichfield in Independent
(quotidien britannique) du mercredi 12 février 2003 [traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
2. Economie : Les sociétés américaines
se postent déjà pour extraire le brut irakien par Myret Zaki in Le
Temps (quotidien suisse) du mercredi 12 février 2003
3. Le pétrole,
une affaire de famille chez les Bush par Ram Etwareea in Le Temps
(quotidien suisse) du mercredi 12 février 2003
4. La petite faiseuse
de rêves par Dalia Chams in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du
mercredi 12 février 2003
5. La défaite de la modernité par
Tahar Ben Jelloun in Libération du mercredi 12 février 2003
6.
Ce cimetière est une pièce à conviction qui accuse la France in
Corriere della Sera (quotidien italien) du mardi 11 février 2003 [traduit de l'italien par Marcel
Charbonnier]
7. Insulté et menacé de mort par des
inconnus, José Bové a décidé de porter plainte par Caroline Monnot in
Le Monde du mardi 11 février 2003
8. Ce plagiat britannique qui
conforte les opposants à la guerre en Irak par Jean-Pierre Langellier
in Le Monde du dimanche 9 février 2003
9. A propos d'un
pseudo-boycott par Monique Chemillier-Gendreau in Le Monde du samedi 8
février 2003
10. Un officier israélien limogé pour avoir refusé de
mettre en danger des civils palestiniens Dépêche de l'agence Associated
Press du vendredi 7 février 2003, 23h13
11. La “ Vieille Europe ”
projette une intervention de casques bleus en Iraq in Der Spiegel
(hebdomadaire allemand) du vendredi 7 février 2003 [traduit de l'allemand par Françoise
Diehlmann]
12. Les résistants d'Israël par
Denis Sieffert in Politis du jeudi 6 février 2003
13. Les euros
palestiniens sous expertise par Pascal Martin in Le Soir (quotidien
belge) du mercredi 5 février 2003
14. Des intellectuels français
scandalisés par les conditions de vie des Palestiniens par Stéphanie Le
Bars in Le Monde du mercredi 5 février 2003
15. Les
combats de Mecca Cola par Patrice Claude in Le
Monde du mercredi 5 février 2003
16. Raymond Aubrac s'adresse à la
résistance palestinienne propos recueillis par Françoise Germain-Robin
in L'Humanité du mardi 4 février 2003
17. Leïla Shahid à Saint-Étienne : la paix qui saigne en
Palestine par Jean Thollot in Le Progrès (quotidien régional français)
du lundi 3 février 2003
18. Leïla Shahid : "Notre combat est universel" propos
recueillis par Jean Thollot in Le Progrès (quotidien régional français) du
vendredi 31 janvier 2003
19. Des "inspecteurs" canadiens en quête
d'armes de destruction US Dépêche de l'agence Reuters du jeudi 30
janvier 2003
20. "Les Palestiniens cherchent les
moyens de résister à l'occupation et à trouver du travail" - Interview de
Intessar Al-Wazir propos recueillis par Atef Saqr in Al-Ahram Hebdo
(hebdomadaire égyptien) du mercredi 29 janvier 2003
21. Quand allons-nous résister ? par
Edward Saïd in The Guardian (quotidien britannique) du samedi 25 janvier 2003
[traduit de l'anglais par
CCIPPP]
22. Nous attendons toujours
l’application de la 242 par Paul Foot in The Guardian (quotidien
britannique) du mercredi 13 novembre 2002 [traduit
de l'anglais par Marcel Charbonnier]
23. Après
l’Irak, Bush attaquera sa cible véritable par Eric Margolis in Toronto
Sun (quotidien canadien) du lundi 10 novembre 2002 [traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
24. La mauvaise conscience du
sionisme par Joel Kovel in Tikkun (bimensuel américain) du mois
de septembre/octobre 2002 [traduit de l'anglais par
Marcel Charbonnier]
25. La censure dans les médias
américains dès qu’il est question d’Israël : "Je vous en supplie, faites-le
savoir" par Mark Schneider in Palestine Chronicle (e-magazine
palestinien) du jeudi 19 septembre 2002 [traduit de
l'anglais par Marcel Charbonnier]
26. Le président Bush et le lobby
chrétien-sioniste par Clifford Kiracofe in The Daily Star (quotidien
libanais) du vendredi 5 septembre 2002 [traduit de
l'anglais par Marcel Charbonnier]
27. il y a vingt ans... - Le
bloc-notes de Lotfallah Soliman in France - Pays Arabes du mois de
septembre 1982
Témoignage
- Où les rues avaient un
nom par Hanan Elmasu, citoyenne de Ramallah en
Palestine
[traduit de l'anglais par Eric
Colonna](Hanan Elmasu possède la double
nationalité, palestinienne et canadienne. Elle est consultante des droits de
l'Homme, et la représentante internationale pour Addameer, une association de
soutien aux prisonniers et de défense des droits de l'Homme basée à Ramallah
http://www.addameer.org.)Ramallah,
le vendredi 24 janvier 2003 - Ces jours-ci, marcher dans les rues de Ramallah
est devenu un acte de réflexion, d'incertitude, de force de volonté. Revenant
juste d'un passage au Caire, où je me suis souvenue de ce que voulait dire
marcher dans les rues d'un pays arabe sans appréhension, avec son agitation et
sa vie, ses odeurs, ses cris, ses rires et son chaos organisé, je ne pouvais
rien faire d'autre que me lamenter de la perte de ces promenades dans Ramallah.
De retour, en taxi de l'aéroport (le troisième taxi sur la route du retour, un
de l'aéroport à Jérusalem, un autre de Jérusalem au passage de la frontière à
Qalandia, pouvant aussi bien s'appeler un check-point, et un troisième de
l'autre côté du passage jusqu'à mon appartement à Ramallah, un total de trois
heures, comparé à mon heure de vol pour le Caire), je me suis de nouveau
rappelée de la beauté de cette ville appelée Ramallah. C'est une beauté unique,
gâchée par la tragédie et la peur, mais une beauté néanmoins. Lorsqu'on est
attiré par les yeux d'un enfant dont la vie est marquée telle une cicatrice par
la tristesse, alors on est attiré par la beauté de cet endroit.
Sa beauté est
très différente de ce à quoi je m'attendais, quand je suis revenue la première
fois, des histoires de mes souvenirs d'enfance au Canada, des histoires
d'oliviers, d'amandiers, d'abricotiers, des histoires d'étés nonchalants dans
les brises fraîches au milieu d'une chaleur étouffante. Il y a de la lumière et
de la vie émanant de cette ville telle que je ne l'ai rencontrée dans aucune
autre ville lors de mes nombreux voyages. À la différence du Caire, où il nous
est constamment rappelé la vie qui jaillit de ses rues, la sensation d'une ville
qui possède une âme et un esprit qui lui est propre, des rues de cette cité
suinte une vie qui est ancienne dans sa souffrance, mais qui a persévéré en
dépit d'attaques continuelles. C'est une vie que tu ressens lorsque tu touches
la peau d'une personne et que tu sens la pulsation sous cette frêle
protection... un lent et constant courant de vie qu'il est dur de
détruire.
J'arpente les rues maintenant, et je songe à ce qui se passera
durant chaque trajet. En passant à la boutique à l'angle, je regarde les
camionnettes Ford qui transportent les gens à travers la ville et je me demande
si les Forces Spéciales israéliennes pouvaient se trouver à l'intérieur,
stoppant n'importe où dans la ville, surgissant du van avec des armes et des gaz
lacrymogènes, ouvrant le feu dans les rues, ou faisant une razzia dans un
immeuble du centre. J'observe les gens qui marchent devant moi, à côté, derrière
moi, pour voir si je les reconnais, me demandant si l'homme à coté de moi avec
la tête recouverte d'un keffieh pourrait être un membre d'un autre groupe de
Forces Spéciales qui, subitement, sortirait un pistolet et attaquerait le jeune
homme devant moi. Je me demande si, soudainement, le bourdonnement d'avions de
reconnaissance qui tournent souvent au-dessus de nous, disparaîtrait et serait
remplacé par un hélicoptère Apache qui commencerait à larguer des bombes, alors
que je me dirige vers la maison de mon amie. Je regarde le véhicule garé sur le
côté de la route à côté de moi, alors que j'attends un taxi qui s'arrête et me
prend, et je me demande ce qui se passerait si ce véhicule venait à exploser. À
quelle distance devrais-je rester pour m'assurer de ne pas être blessée en cas
d'explosion? Cela changera-t-il quelque chose si je traverse la rue? Je ne suis
pas rassurée de marcher vers des angles où je ne peux apercevoir l'autre bout de
la route, parce que, peut-être, une jeep israélienne, tapie dans les buissons,
attend quelqu'un à arrêter ou à viser. Alors que je rentre à la maison,
j'entends un énorme bruit, et je me demande si c'est un camion poubelle qui
passe sur un ralentisseur, ou la maison d'une personne dynamitée par l'armée
israélienne.
Mais mes promenades de prédilection sont celles qui se déroulent
lorsque cette cité est sous couvre-feu. Lorsque son pouls a été ralenti à la
suite de substances étrangères que son corps s'est habitué à rejeter. Je marche
la nuit, pendant le couvre-feu, pour que ce soient ces petits actes de bravade
qui me rappellent que je suis encore un être humain, qui me forcent à rejeter le
poison d'une occupation, occupation qui s'évertue à me jeter des accusations
afin de me convaincre que je ne suis pas un être humain. C'est une sensation de
liberté que d'arpenter les rues après 6 heures du soir, lorsque le couvre-feu
est imposé, ça me maintient en vie. Cette liberté est un délit sous occupation.
Malgré tout, je commets ce délit la tête haute, en défiant quiconque de me dire
de faire autrement, et je guette d'autres «criminels» faisant la même chose.
Quand marcher dans les rues de votre ville natale devient un crime, vous savez
que vous posez les pieds en eaux troubles. Cependant, ce sont ces petits actes
de défi qui cimentent le courage d'un peuple. Comme l'histoire de mon amie
Cathy, me racontant que sous le couvre-feu, son collègue décida de prendre sa
voiture pour acheter des provisions de cigarettes et du pain. Aux protestations
pleines d'inquiétude de sa femme, il répondit simplement «Ana mish kalb»... je
ne suis pas un chien. Pourtant, ici, tant de gens ont été traités pire que des
chiens toute leur vie, qu'il est parfois devenu difficile de les persuader
qu'ils n'en sont pas.
Pourtant, ces actes de courage découlent de
ramifications si sérieuses, qui forment la lutte quotidienne de la résistance
non violente des Palestiniens. Tenter d'avoir une vie comme tout être humain,
dans les Territoires occupés, a été une des plus longues formes de résistance
non violente de notre histoire. Je suis fatiguée et écœurée par les appels
continuels lancés aux Palestiniens afin qu'ils adoptent une résistance non
violente face à l'occupation brutale d'Israël. Je suis découragée par ceux qui
ne vivent pas sous occupation et qui me disent que si seulement les Palestiniens
appelaient à cesser toute violence, alors le monde soutiendrait leur cause. Les
Palestiniens ont fait ceci, il me semble, toute leur vie (le simple fait
d'existence est une résistance). En réalité, ils ont été les précurseurs de la
résistance pacifique face à l'oppression. Un ami me rappelait, il y a quelque
temps, qu'ils furent en fait parmi les premiers à utiliser la désobéissance
civile, dès 1925, au moyen de grèves générales en protestation à la colonisation
sioniste, et plus tard en 1936, pendant la révolte arabe, où une grève générale
étendue a tenu durant six mois, bien avant le mouvement des droits civiques aux
USA. Un peu plus tard, ce sont les milices sionistes que la communauté
internationale avait condamnées comme terroristes. La seule différence avec
aujourd'hui, c'est que ces milices sont devenues un État, dont le gouvernement
et son armée mène un terrorisme d'État, avec l'accord tacite et, parfois,
carrément le soutien de la communauté internationale.
Si tu m'aurais dit il y
a dix ans, lorsque j'étais à Vancouver, que j'aurais à vivre cette vie, je
t'aurais ris au nez. Si tu avais essayé de me relater ce que signifiait le
simple fait de marcher dans les rues, ici en ce moment, je t'aurais pris pour un
cas paranoïde. Si tu m'aurais dit aussi que je passerais une nuit comme celle
d'hier, réveillée par les soldats israéliens frappant à la porte à 3 heures du
matin, m'obligeant moi et les autres quarante locataires de mon immeuble
(beaucoup parmi eux sont des enfants) à rester dehors sous un froid glacial
pendant qu'ils fouillaient à l'intérieur, je t'aurais dit que des choses comme
cela n'arrivent plus dans ce monde moderne.
Pourtant, je suis ici, à 12h30,
ayant passé la journée encore à écrire un autre communiqué de presse concernant
une personne détenue arbitrairement, cette fois-ci, alors qu'elle se rendait à
un forum mondial pour discuter de ces mêmes questions, je suis ici, attendant le
retour des soldats israéliens, parce qu'ils ont dit qu'ils repasseraient. Je
suis ici, lisant encore des tragédies quotidiennes, d'enfants tués, de leaders
arrêtés, d'humiliations aux check-points, de quartiers entiers démolis et
détruits. Je vis ici, où l'irréel est devenu une réalité horrifiante. Et je me
demande si, dans dix ans, je serai de retour à Vancouver, à rêver aux rues que
j'empruntais pour descendre, des rues qui, autrefois, avaient un nom, avant de
disparaître sous le bulldozer de l'apathie, le manque de volonté politique, et
la reconnaissance trop tardive d'un peuple privé de vie.
Dernières parutions
1. Revue d’études
palestiniennes n° 86
aux Edition de Minuit
[160 pages - ISBN : 2707318264 - 14
euros]
Extrait du sommaire :
- Jalal Al Husseini : L'UNRWA et les réfugiés
Enjeux humanitaires,
intérêts nationaux. Une étude exhaustive sur l'UNRWA, ce qu'elle est, ce qu'elle
représente pour les Palestiniens, ce qu'elle est appelé à devenir.
- Juan Goytisolo : Le monde après le 11 septembre
Le point de
vue de l'auteur espagnol sur les conséquences des attentats du 11 septembre 2001
et sur la politique des Etats-Unis.
- Entretien avec Eyad El Sarraj : "Le désespoir lorsqu'il n'y a plus
de différence entre vivre et mourir"
Le psychiatre Eyad El Sarraj répond
aux questions de Linda Butler à propos de l'évolution des mentalités en
Palestine, notamment de la mentalité des jeunes. Un constat
inquiétant.
- Moshé Sharett : Le raid de 1953 sur Qibya
Extraits du Journal
du ministre israélien des Affaires étrangères (1948-1956) qui fut aussi Premier
ministre (1954-1956). Ces extraits sont présentés par Walid Khalidi et annotés
par Neil Caplan. Les notes couvrent la période du 13 octobre au 21 décembre 1953
et concernent exclusivement le raid mené par l'unité 101 de l'armée israélienne
les 14 et 15 octobre 1953 sur le village de Qibya, en Cisjordanie, alors
jordanienne. Ce raid fut initié et préparé par un jeune commandant israélien de
25 ans, Ariel Scheinerman (qui devint Sharon), fondateur et commandant de
l'unité 101.
- Gadi Algazi et Azni Bdeir
Le véritable cauchemar des
transferts. Deux journalistes de Haaretz donnent leur point de vue sur le
comportement des colons israéliens dans les territoires occupés et estiment que
le transfert des populations palestiniennes a déjà commencé.
- Document : La " feuille de route " du président George W.
Bush
L'avant-projet d'un plan par étapes élaboré par l'administration
Bush pour créer un Etat palestinien.
à paraître
le 15 mars prochain
2. À tombeau
ouvert - La crise de la société israélienne de Michel
Warschawski
aux éditions La Fabrique
[128 pages - ISBN : 2913372260 - 13 euros]
Michel Warschawski
présentera son livre, le mardi 18 mars 2003 à 19 heures, à la Librairie
Compagnie - 58, rue des Ecoles - 75005 Paris
Avril 2002
: l'occupation du camp de réfugiés de Jénine donne lieu a une explosion de
brutalité qui marque un tournant dans les normes de conduite de l'armée
israélienne et du gouvernement qui lui donne ses ordres : assassinats d'hommes
désarmés, destructions systématiques de maisons sur leurs habitants, utilisation
de jeunes Palestiniens comme boucliers humains, interdiction aux ambulances de
venir secourir des blessés. Sans parler du vandalisme systématique et de la
multiplication des actes de pillage. Quelques semaines plus tôt, on pouvait voir
des soldats israéliens faire courir devant eux des Palestiniens a moitié nus,
d'autres marquer leurs prisonniers avec un numéro sur le bras. La presse
israélienne faisait même état d'un officier superieur qui appelait a étudier les
tactiques appliquées par la Wehrmacht pour écraser l'insurrection de Varsovie.
Quelque chose a craqué dans la societe israélienne, en profondeur : une
nouvelle mentalité, de nouvelles normes comportementales et morales se sont fait
jour. Une nouvelle politique aussi, et une armée dont la composition et les
méthodes ont radicalement changé.
Ce changement, on peut le dater : fin
juillet 2000, avec le fiasco du sommet de Camp David, et les ravages provoqués
par le Grand Mensonge d'Ehoud Barak : "les Palestiniens ont refusé nos offres
généreuses ; la preuve est faite qu'ils n'ont jamais renoncé à leur objectif
intial: détruire l'État d'Israël". La société israélienne se persuade que son
existence même est menacée et qu'elle est obligée de mener, une fois de plus,
une guerre de survie. Et tout est permis pour se défendre : on a le droit de
tuer, de torturer, de détruire des quartiers entiers, de bombarder des zones
d'habitations civiles.
Quand on mène une guerre de survie, il faut
aussi s'en donner les moyens en termes de mobilisation citoyenne et de
protection face au "danger intérieur". Une véritable révolution nationale est
donc en cours, à travers les changements structurels entrepris par le ministère
de l'Éducation nationale, les médias de plus en plus enrégimentés et une Cour
suprême qui remet en question certaines de ses propres jurisprudences en faveur
des libertés individuelles.
Particulièrement préoccupante est la volonté de
"remettre a sa place" la minorité palestinienne d'Israël, par une législation
visant à réinstitutionaliser leur enfermement en ghetto et à interdire toute
forme d'expression politique qui ne serait pas conforme aux "priorités
nationales". Les vingt ans de libéralisation et de normalisation qu'a connus la
société israélienne après l'invasion du Liban en 1982 sont bel et bien révolus.
L'intégrisme militariste et le colonialisme messianiste ont triomphé des
partisans de la paix. Israël ne croit plus à la paix, Israël ne veut plus croire
a la coexistence et semble avoir fait le choix du conflit total avec le monde
arabo-musulman, quel qu'en soit le prix.
Comment un tournant aussi extrême,
avec des implications aussi graves, a t-il pu se produire si rapidement ?
On
a sans doute exagéré les ruptures internes à la société israélienne
pendant les années 1980 et 1990 : les racines du mal actuel étaient déjà
là, même pendant la période du "processus de paix". Trois facteurs principaux
peuvent expliquer pourquoi Israël a fait, le choix de la guerre totale : 1) le
poids de la peur dans la culture israélienne, entretenue par les machines de
formation idéologique mais aussi liée a l'histoire du génocide dont les effets
sont encore omniprésents ; 2) la mentalité coloniale dont même les pacifistes
israéliens ont de la peine a se débarrasser dans leurs relations avec les
Palestiniens, ce qui explique l'incapacité de négocier une paix fondée sur
l'égalité et la réciprocité ; 3) la mentalité tribale : confrontée au choix
entre réconciliation avec les Arabes ou réconciliation nationale, la grande
majorité des Israéliens préfèrent perdre la paix pour garantir l'union
nationale.
Le choix d'un ghetto armé et dépendant totalement des États Unis
est un choix suicidaire où la société israélienne risque, après avoir tout
détruit sur son passage, de se précipiter droit dans le mur, comme Samson dans
sa guerre face aux
Philistins.
Réseau
1. Les pacifistes sionistes
! de Claire Bertrand (12 février 2003)
(Claire
Bertrand est une responsable de la coordination Israël/Territoires occupés de la
section française d'Amnesty International.)
> Ce courrier a été adressé à la rédaction du Point
d'information Palestine.
Chers amis - Merci d'abord pour votre compilation
que je lis toujours avec beaucoup de plaisir. […] Je réagis à l'article N°4 de
votre dernière compilation qui range Amnesty International parmi les
organisations qui "ont tout fait pour détourner la discussion et la condamnation
des massacres de Jénine"
[Cf. Les "pacifistes" sous
influence sioniste ? Tous, pratiquement ! par Dave Kersting in 213ème Point
d'information Palestine du 31/01/2003]. Nous
recevons beaucoup de mails à Amnesty International comme beaucoup d'autres
organisations nous accusant d'être pro-palestiniens, mais jusqu'ici jamais
encore d'accusations d'être soumis au lobby israélien. Je recommande à tous ceux
que cela intéresse de visiter notre site www.amnesty.asso.fr. A propos de Jénine,
par exemple, les membres de la mission d'Amnesty International ont été parmi les
premières personnes à entrer à Jénine le lundi 15 avril 2002, mais le premier
document concernant Jénine date du 10 avril et a été suivi par toute une série
d'autres communiqués de presse presque quotidiens à cette époque. Le 22 avril,
dans "Les premières conclusions des délégués d'Amnesty International de retour
de Jénine" Amnesty International affirme que "Les éléments que nous avons pu
rassembler montrent que de graves atteintes au droit international humanitaire
et aux normes internationales relatives aux droits humains, dont des crimes de
guerre, ont été commises." Je vous laisse libres de juger s'il est utile ou non
de publier cette courte réponse, je ne l'ai écrite que parce que certains
peuvent peut-êter être influencés par ce genre de désinformation contre laquelle
nous luttons chacun de notre côté. Avec mes
amitiés.
2. Des faits, rien que des faits ! par Tarik
Tazdaït (12 février 2003)(Tarik Tazdaït est chercheur au
CNRS.)Il est devenu commun chez les défenseurs inconditionnels
d'Israël d'assimiler à des antisémites tous ceux qui se font l'écho de la
tragédie palestinienne et qui, par là même, condamnent le caractère
discriminatoire du sionisme. Ce mouvement inauguré par le livre de Pierre-André
Taguieff, "La nouvelle judéophobie", a été illustré il y a encore peu par des
propos de Roger Cukierman, président du CRIF, lors du dîner annuel de cette même
institution, selon lesquels l'antisionisme d'extrême gauche et des Verts
voilerait un antisémitisme qui guette les faux pas des démocrates.
Cette
position se fonde sur une ambivalence qui a fait tout le succès du livre de
Taguieff. D'après celui-ci, derrière ce qu'il nomme la "palestinophilie" se
cache une "judéophobie" qui abuse sans compter du spectre du nazisme pour
délégitimer Israël. En comparant la politique israélienne à celle de l'ère
nazie, les "palestinophiles" commettent un délit moral qui reflète la haine
qu'ils éprouvent à l'égard de l'ensemble du peuple juif.
C'est pourtant
aller un peu vite en besogne que de ne présenter qu'un aspect de l'exploitation
de la mémoire du Judéocide. Qu'il y ait des excès dans la condamnation du
caractère discriminatoire du sionisme, on ne peut le nier, notamment chez cette
frange marginale qui établit un amalgame entre sionisme et judaïsme. Une
auto-critique de ces derniers est en ce sens incontournable. Mais elle l’est
encore plus pour les initiateurs de ce phénomène, à savoir les dirigeants
sionistes eux-mêmes (sans parler de leurs partisans). Le recours à une
terminologie liée au nazisme pour condamner l'adversaire a été, depuis la
création de l’Etat d’Israël, une de leur pratique les plus prisées, la
banalisant au point de lui faire perdre toute sa symbolique. Comme le souligne
Tom Segev en parlant des représentants politiques israéliens, "les deux facettes
du spectre politique [gauche et droite] ont toujours eu recours au nazisme pour
délégitimer l'adversaire et on peut encore le voir aujourd'hui à la Knesset. De
même, aucun dirigeant arabe, pas même le président Sadate, n'a échappé à
l'assimilation à Hitler. David Ben Gourion comparait fréquemment Menahem Begin à
Hitler, tandis que Begin traitait Yasser Arafat de « Führer ».(…) Menahem Begin
(…) annonçait avoir envoyé Tsahal à la conquête de Beyrouth afin, je cite, « de
mettre la main sur Adolf Hitler [Yasser Arafat] dans son bunker »".
Il est
intolérable que sous couvert d'antisémitisme, on en vienne à taire les critiques
relatives à la politique discriminatoire des gouvernements israéliens
successifs. Encore aujourd'hui, on voudrait nous faire oublier que le concept de
"transfert" de populations est intrinsèque au projet sioniste, que les
expulsions manu militari de 1948 ont jeté sur les routes de l'exode entre 700 et
800.000 palestiniens, que les massacres de population civile ont été nombreux
(Deir Yassin, Kafar Kassem, Qibya, etc), que près de 375 villes palestiniennes
ont disparu de la carte, que des cimetières musulmans ont été balayés (celui de
Jaffa, par exemple, a été recouvert par un hôtel, l'hôtel Hilton, tandis que
celui d'Afouleh a été transformé en dépôt d'ordures), que la législation n'a eu
de cesse de légitimer les expropriations de palestiniens, qu'Israël ne se prive
pas de démembrer les Territoires Autonomes palestiniens en favorisant
l'implantation de colonies, et cela au mépris même de ses propres engagements
dûment signés, … En vertu de ce bref panorama il devient impérieux, pour ne pas
dire un devoir, de s'élever contre le caractère colonial du sionisme.
Les
travaux les plus originaux sur le sujet nous viennent aujourd'hui d'historiens
et de politologues israéliens qui ont pour nom Simha Flapan, Benny Morris, Ilan
Pappé, Tom Segev, Gershon Shafir, Avi Shlaim ou Zeev Sternhell. Le contenu des
documents israéliens et anglais déclassifiés dont ils ont pris connaissance les
a heurtés au point qu'il devenait inadmissible de s'en tenir aux discours
officiels. On n'imagine pas le courage qu'il leur a fallu pour dévoiler les
supercheries de la propagande. Plus que le courage, il leur a fallu la force de
se remettre en cause, ce qui est signe d'une intégrité dont certains
intellectuels français ne peuvent se prévaloir. Ils sont beaucoup à prendre
position ou, plus simplement, à s'exprimer sur le conflit israélo-palestinien
sans jamais évoquer, ni même faire allusion aux transferts, à la dépossession
des terres ou à la destruction des villages. L'amnésie semble être de mise dans
certains milieux intellectuels, or ces omissions (volontaires ou involontaires)
biaisent considérablement la compréhension du problème par le grand public, le
vidant notamment de sa substance.
Ajoutons, enfin, que l'antisémitisme est
une chose beaucoup trop sérieuse pour que l'on se permette d'en faire un
argument d'humeur ou partisan. Lorsque cet argument est utilisé pour balayer les
droits des palestiniens, il devient urgent de préciser qu'en agissant de la
sorte les inconditionnels d'Israël en viennent à cautionner l'antisémitisme. Ils
en deviennent même l'un des fers de lance. Rappelons, si besoin est, que
l'antisémitisme traduit la haine des juifs pour le seul fait qu'ils soient
juifs, mais également la haine des arabes pour le seul fait qu'ils soient
arabes. Dénier leurs droits aux palestiniens parce qu'ils sont palestiniens,
c'est être antisémite.
Il ne suffit pas d'être un partisan d'Israël, et
encore moins sioniste, pour disposer du flambeau de la lutte contre
l'antisémitisme. Combattre l'antisémitisme est un choix qui s'insère dans une
vision des relations humaines rythmée par les valeurs de justice et d'égalité.
C'est sur la base de ces valeurs qu'il devient possible de déterminer ce qui
tient ou non de l'antisémitisme. Ceux qui refusent que l'on critique la
politique discriminatoire israélienne dans le seul but de priver les
palestiniens de leur dû ne peuvent prétendre à l'intégrité morale qu'exige la
lutte contre l'antisémitisme. Et cela, il faut savoir le dire avec fermeté,
comme il importe de rappeler que les mouvements d'extrême gauche et les Verts
ont toujours été à la pointe de la lutte contre le racisme et la xénophobie.
N'est ce pas justement la Ligue Communiste Révolutionnaire qui fut à l'origine
des manifestations républicaines contre l'extrême droite à l'annonce du score du
Front national au premier tour des présidentielles de 2002 ? Une chose est sûre,
ce n'est ni l'extrême gauche, ni les Verts, qui se sont fourvoyés à déclarer que
ce score était "un message aux musulmans leur indiquant de se tenir tranquille".
Même ça, on voudrait nous le faire oublier.
3. Irak, ira pas ?
par Christiane Taubira
distribué par le Réseau Voltaire [http://www.reseauvoltaire.net] le
4 février 2003(Christiane Taubira est députée de Guyane,
première vice-présidente du Parti radical de gauche (PRG), candidate à
l'élection présidentielle française de 2002.)Voilà un dictateur
épais, sanguinaire, obscène que personne n'aime. Même pas son peuple. Car, qui
aime bien châtie bien. Or, on ne châtie pas en votant à cent pour cent.
Pourtant, il dure. Autant que durent l'embargo et ses dérogations
pétrole-nourriture, que persiste la dépendance d'une population livrée au seul
pouvoir dispensateur de ressources, de subsides et d'expédients, que demeurent
une mortalité infantile effrayante, une minorité kurde sans droits, des femmes
sans larmes, un avenir sans espoir pour une jeunesse qui aura bien du mal à ne
point haïr.
Et voilà les États-Unis, champions de la déstabilisation de
régimes démocratiques du Chili à l'Argentine, jouisseurs de lupanars de Cuba à
Hawaï, envahisseurs et occupants de Haïti à Grenade, voilà ces fomenteurs de
coups d'État au nom de la doctrine de Monroe, ces tombeurs de présidents
démocrates, ces as de la révocation sanglante de dictateurs devenus indociles
comme au Panama, ces imbattables du soutien à l'opposition conservatrice comme à
Caracas, ces pourvoyeurs charitables de stages et de logistiques comme à Ben
Laden, ces sauveurs de minorités comme dans les Balkans, voilà ces invincibles
vaincus par la spirale de la morale sommaire du bien et du mal, prêts à nous
entraîner tous, avec la désapprobation irrésolue de nos dirigeants, dans le ve
rtige d'un embrasement r égional, dans le chaos diffus de frustrations
aveuglément meurtrières, dans l'égarement d'alliances opportunistes et
douteuses.
Avec la désapprobation ou sans l'approbation de nos dirigeants.
Ce n'est pas d'hier que nous pataugeons dans les atermoiements à l'égard de ce
pays à qui Victor Hugo disait à propos de la condamnation à mort d'un
abolitionniste Blanc « vous sauvez votre honte mais vous tuez votre gloire ». Ce
n'est pas d'aujourd'hui que nous cultivons des velléités coupables face à cette
« justice immuable » et discriminatoire, que nous n'entendons de la voix de
l'Amérique que celle de son président, ignorant à dessein la polyphonie
démocratique, clairvoyante et généreuse de ses opposants prestigieux ou
ordinaires. Ce n'est pas la première fois que nous plions face à cette
conception désordonnée de l'ordre international. Comme si nous consentions, nous
aussi, au manichéisme commode des bases américaines qui se pérennisent contre
Saddam le méchant qui s'éternise. Comme si les bombes américaines et
britanniques déversées depuis dix ans n'étaient que faits divers. Comme si les
trafics d'armes et l'économie interlope de la région n'étaient qu'anecdotes.
Comme si nous pouvions céder le sort du monde à des stratèges de pacotille et
des rentiers d'artillerie. Comme si nous étions d'imprévoyants comparses.
A
moins de clamer haut et fort que le droit international est notre référence, que
l'ONU n'est pas une chambre d'enregistrement mais l'espace, déjà imparfait, de
la démocratie internationale. A moins d'exiger, conformément à l'article 35 de
la Constitution, un débat et un vote au Parlement. A moins que la France, dans
un sursaut d'honneur et d'indépendance, use solennellement de son droit de veto.
Car, « celui qui ne hurle pas la vérité se fait complice des faussaires »
(Péguy).
4. L’étrange argument de
Jared Israël par Israël Shamir (3 octobre 2002)
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]Les Maîtres du Discours ne seraient pas
ce qu’ils sont s’ils ne recouraient pas à la ruse. Nombreux sont les gens qui en
arrivent à la conclusion que les médias, les experts et les hommes politiques
les trompent. Fort bien. Mais la réalité vraie, quelle est-elle ? Les Maîtres du
Discours fournissent un vaste choix de pièges et d’explications trompeuses de la
réalité – des explications toujours, à la fois, partiellement vraies et
partiellement fausses. Seule une lecture très attentive peut nous permettre de
remarquer le traquenard.
Le site ouèbe Emperor’s Clothes (litt. : les
Vêtements de l’Empereur = « Le roi est nu… ») a toutes les qualités requises
pour passer pour oppositionnel : on y fait force objections à la politique
actuelle de l’administration Bush. On peut éventuellement y désapprouver
l’arrogance israélienne. On y dénonce très judicieusement certains des mensonges
injectés dans les médias et dans le discours des hommes politiques américains.
Mais ce n’est que très rarement que les propos tenus sur ce site reflètent son
véritable projet politique. Une lettre d’un lecteur, un M. Golub, a attiré mon
attention sur l’un de ses nombreux pièges.
Un échange récent d’observations
http://www.emperors-
clothes.com/letters/joan.htm
entre l’un des éditorialistes les plus actifs d’Emperor’s Clothes et un lecteur,
nous donne l’opportunité unique de voir à quel point l’opposition de ce site est
contrefaite. Ce lecteur demandait à Jared Israël s’il ne voyait pas un lien
entre les bruits de botte à Washington et le lobby juif aux Etats-Unis.
Et la
voix prétendument oppositionnelle de démentir aussitôt l’ « allégation » :
«
Je connais beaucoup de juifs, et je puis vous dire, en ce qui concerne Israël,
que la plupart d’entre eux sont convaincus que les conséquences des attentats du
onze septembre ont rendu les choses beaucoup plus difficiles pour ce pays. La
plupart des juifs américains NE VEULENT PAS d’une guerre avec l’Irak. »
Si
vous avalez ça, demain, on vous vendra le pont de Brooklyn ! La plupart des
juifs QUI COMPTENT, aux Etats-Unis, poussent à l’Apocalypse. Parmi eux, Richard
Perle, secrétaire du panel de la politique de défense au Pentagone, ancien
employé d’une entreprise d’armements israélienne (Soltam) ; le grand partisan de
cette guerre, Paul Wolfowitz, vice-secrétaire à la défense ; Douglas Feith,
sioniste de choc et représentant de commerce d’un fabriquant d’armes israélien ;
Dov Zakheim, sous-secrétaire à la défense ; Edward Luttwak, du groupe des études
de sécurité nationale au département de la défense, au Pentagone ; Lewis Libby,
chef de cabinet du vice-président Dick Cheney et avocat de l’escroc Mark Rich ;
Robert Satloff, expert auprès du Conseil national de défense et directeur
exécutif de la boîte à idée du lobby israélien : le Washington Institute for
Near East Policy ; Elliott Abrams, expert auprès du Conseil national de sécurité
; et bien d’autre encore… Il y a certainement des juifs qui sont contre la
guerre, (aux Etats-Unis), mais on ne les entend pas.
Je ne vous livre pas,
là, des informations classées « défense », diffusées par d’obscurs sites
Internet. Un juif honnête, Philip Weiss, reconnaît, dans le quotidien New York
Observer [1] : « Les juifs et la droite ont conclu une alliance – sacrée ou non,
c’est une autre question – et ensemble, ils poussent à la guerre ». « Qu’en
est-il de la propension naturelle des juifs au libéralisme ? », demande ensuite
Weiss, qui répond immédiatement : « les libéraux ont gagné de l’autorité dans le
débat politique. Le refus des juifs américains libéraux d’adopter une position
qui leur soit propre a mis la gauche américaine dans le désarroi. Le libéralisme
américain tire sa force, depuis toujours, des juifs. Les juifs libéraux évoquent
souvent, en privé, le Moyen-Orient, en reconnaissant l’absence de charisme du
gouvernement israélien et le désespoir des Palestiniens. Mais, généralement, ils
ne souhaitent pas que ces questions soient abordées publiquement avec d’autres
citoyens américains (non juifs). Le discours juif à usage interne est devenu
terriblement raciste. Ainsi, The Jewish Press a publié un pamphlet contre «
L’épidémie des mariages judéo-arabes » », conclut-il.
Voilà pour le premier
mensonge de Jared Israël. Mais il ne s’arrête pas là. Il doit encore dissuader
ses lecteurs de penser que ce sont bien Israël et les juifs américains qui
poussent à la guerre.
Dans un petit bijou de désinformation, il écrit : «
RIEN NE SERAIT PIRE, pour Israël, qu’une guerre au Moyen-Orient. Israël, en
effet, est un petit pays, aux frontières difficiles à défendre, cerné par des
pays dominés par l’islam et dont la population est près de cinquante fois plus
importante. Pour Israël, la pire des choses serait une guerre en Irak, qui ne
pourrait qu’attiser les flammes du fanatisme musulman, lequel se retournerait
très vite contre lui. Si les Etats-Unis et l’Angleterre attaquent… c’est Israël
qui paiera les pots cassés… »
Bien. Israël est, concédons-le, « cerné par des
pays dominés par l’islam », mais ce « petit pays » qu’est Israël, non content de
posséder le troisième arsenal nucléaire au monde, est totalement soutenu par «
un pays dominé » par les juifs qui – voyez comme le hasard fait bien les choses
– se trouve être, aussi, l’hyperpuissance mondiale unique ! Lorsqu’il affirme
qu’une guerre contre l’Irak serait pour Israël le pire des scénarios, Jared
Israël pense sans doute à un autre Israël que celui que nous connaissons… En
effet, tous les hommes politiques israéliens importants, ses premiers ministres,
ses ministres de la défense, ses porte-parole – officiels comme officieux –
appellent à la guerre (contre l’Irak), tant publiquement qu’en privé.
Victor
Ostrovsky [2], ancien agent du Mossad, a demandé à ses supérieurs pourquoi ils
déployaient une telle énergie afin de causer une guerre entre les Etats-Unis et
l’Irak. On lui a répondu que c’était parce qu’Israël n’avait pas le personnel et
les avions gros-porteurs nécessaires !… Les toutes premières déclarations
d’Ehoud Barak et de Bibi Nétanyahou, immédiatement après les attentats du onze
septembre (2001), furent pour demander la destruction de l’Irak (prochains pays
sur la liste : l’Iran et la Libye… Mais : chaque chose en son temps…) Sans
relâche, Ariel Sharon pousse les Américains à la guerre. S’il est allé, tout
récemment, à Moscou, c’est uniquement dans le but de tenter de convaincre le
président Poutine de se joindre à la meute.
Bien entendu, la guerre va à
l’encontre des véritables intérêts des juifs vivant en Israël [dont Israël
Shamir fait partie, ndt]. Mais nous n’avons pas voix au chapitre : nos
politiciens sont totalement intégrés à l’establishment judéo-américain. Ils sont
financés par les juifs américains. Bref, c’est au son des violons des juifs
américains que nos dirigeants dansent. Nos intérêts bien compris n’émergeront –
s’ils émergent un jour – que le jour où les juifs américains auront perdu leur
ascendant sur le discours politique aux Etats-Unis.
Le troisième mensonge
développé par Jared Israël franchit un degré supplémentaire dans l’effronterie :
« Les Etats-Unis et l’Angleterre attaquent… Israël paie les pots cassés » :
quelle stupidité ! Israël ne paie JAMAIS. Quoi qu’il se passe – redéploiement de
l’armée israélienne, attaques violentes contre les Palestiniens, construction de
nouvelles colonies dans les Territoires occupés, assassinats d’enfants
palestiniens – ce sont toujours les citoyens américains et européens qui
raquent. Ils ont financé le retrait israélien du Liban et d’une partie du Golan
(syrien). Aujourd’hui, ils paient les vivres destinés aux Palestiniens qui
risquent de connaître la famine, et ils paieront tout « accord de paix »
qu’Israël voudra bien daigner parapher.
Lorsque les activistes du «
camp de la paix » israélien suggère l’idée de compensation versée aux réfugiés
palestiniens, ils ne proposent jamais de payer les terrains et les maisons
volées où ILS habitent : leur condition est, en permanence, la même : « tout
sera remboursé par la communauté internationale » ! Les factures d’Israël ne
sont pas honorées non plus par les juifs américains : ils ne sont pas
complètement idiots ! Non, voilà ce que font les juifs américains : ils paient
les hommes politiques de leur choix, ou bien ils les menacent de les faire
tomber définitivement dans les oubliettes de la politique, si d’aventure ils
avaient le mauvais goût de refuser de faire casquer les goyiim américains. Et
si, malgré toute leur bonne volonté, des considérations politiques les obligent
à se dédire, alors les juifs américains trouvent le moyen de contraindre les
goyiim allemands et suisses à payer la note.
Comment le lecteur peut-il
prendre connaissance de l’agenda politique réel d’un menteur effronté ? Il y a
quelques indices révélateurs :
D’abord, le menteur effronté va rapidement
traiter un peu tout le monde de « nazi », depuis les frères Dulles jusqu’à votre
humble serviteur. Il va invoquer l’Holocauste à tout bout de champ. Poussé dans
ses derniers retranchements, il vous fera le coup de la « théorie du complot ».
Ainsi, Jared Israël répond à son interlocuteur : « si vous voyez un complot dans
le fait qu’Ari Fleischer [le porte-parole de la Maison Blanche, ndt] est juif,
pourquoi le fait que je sois MOI MEME juif n’attirerait-il pas automatiquement
les soupçons sur ma personne ? » Eh bien, c’est exactement ce qu’on a dit
lorsque toutes les lumières de l’Amérique juive ET de l’Etat d’Israël – depuis
Foxman jusqu’à Barak – sont allé supplier Bill Clinton d’absoudre leur vieux
copain (escroc d’envergure mondiale) Mark Rich. Norman Finkelstein, un écrivain
américain juif qui voit clairement les choses, a fait observer : « Lorsque les
juifs en vue agissent de concert, devons-nous fermer les yeux, désespérés, et
nous lamenter en pleurnichant : « Oh non ! Ça en peut pas être vrai ! Sinon, on
va encore être accusés d’être des tenants de la « théorie du complot » ! » Pour
dire les choses très simplement : oui, Monsieur Jared Israël, vous faites partie
du complot judéo-sioniste ! Je vous accuse de fournir aux instigateurs juifs de
la guerre (contre l’Irak) le camouflage dont ils ont désespérément besoin
!
Que le site ouèbe Emperor’s Clothes fasse campagne contre la guerre, voilà
qui est fort bien. Qu’il ne soutienne pas l’effort de guerre du lobby juif,
voilà qui est excellent. Mais tout ça ne vaut pas un clou si l’on n’y dénonce
pas les véritables instigateurs de la guerre annoncée. Ce n’est certainement pas
le grand dadais de la Maison Blanche, ni même le Pentagone. Non. C’est
l’establishment juif – les juifs avec lesquels il faut compter – qui poussent à
la guerre, avec la connivence des libéraux, lesquels se taisent. Le seul espoir
qui nous reste, c’est un brillant philosophe canadien – juif -, Michael Neumann,
qui l’a magnifiquement exprimé :
« Tôt ou tard, les grands hommes blancs
d’Amérique prendront conscience de leurs intérêts véritables : alors, il se
chercheront une nouvelle équipe de scribouilleurs de discours et autres grands
pontes, experts ès stratégie. Ce jour là, les juifs seront passés de mode
».
- Notes :
[1] :
http://www.observer.com
[2] : « The
Other Side of Deception : A Rogue Agent Exposes the Mossad’s Secret Agenda »,
1995.
Revue de presse
1. Au lieu de vilipender les
Français, on ferait mieux de les écouter par John Lichfield
in
Independent (quotidien britannique) du mercredi 12 février 2003
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
D’un différend entre alliés,
on a fait une parodie de la pire espèce de campagne électorale américaine en vue
des primaires.
Mieux vaut, à tout prendre, être « un ouistiti pusillanime caséïphage »
qu’un « gorille obèse, dévoreur de beurre de cacahuètes et bardé de flingues ».
C’est le problème, avec les insultes. Elles paralysent le débat rationnel ;
elles vous forcent à répliquer par l’insulte. Les baquets d’invectives
nauséabondes déversés sur ces Français, - vous savez, les « ouistitis
pusillanimes », les « rats quittant le navire», les « poules mouillées », les «
fouines », etc. – dans la presse américaine et anglaise, ces jours derniers, ne
parviennent plus à détourner l’attention de quiconque du problème posé par la
crise irakienne. On le comprend aisément, puisque le problème – ce sont
précisément ces invectives.
Les insultes ont certes été portées à des
sommets d’inventivité par la droite américaine, mais c’est le Secrétaire d’Etat
à la Défense, Donald Rumsfeld, qui a donné le signal du départ, en raillant « la
vieille Europe ». Ce qui aurait pu être un débat politique et diplomatique entre
alliés – les torts et les raisons étant largement partagés – a été transformé en
une parodie de la pire espèce de campagne primaire américaine, où tous les coups
(bas) sont permis. L’adversaire, on ne se contente pas de s’y opposer : on le
traîne dans la boue ; on le détruit en l’associant à des épouvantails à moineaux
(dans le cas de la France, et de l’Allemagne : l’antisémitisme et le nazisme).
Ce n’est certainement pas la seule raison pour laquelle la France refusera
de se plier à la ligne américaine au Conseil de Sécurité de l’ONU, qui doit se
tenir la semaine prochaine – mais c’est une des raisons. Pour beaucoup
d’observateurs, le Président Jacques Chirac semblait laisser ouvertes beaucoup
d’options, la semaine passée. Plus maintenant. Ce serait suicidaire,
politiquement, pour lui, de donner l’impression qu’il se plie aux quatre
volontés des Etats-Unis. Voilà un pays qui, au nom de la démocratie,
paradoxalement, refuse de tolérer la moindre dissension parmi ses amis...
Si
l’alliance atlantique semble menacée d’effondrement, ce n’est pas seulement à
cause du refus de trois pays (la France, l’Allemagne et la Belgique) de
s’inscrire dans la planification de la guerre concoctée à Washington. L’Otan en
a vu d’autres, à commencer par le retrait de la France de De Gaulle de l’aile
militaire de l’organisation, dans les années 1960. Néanmoins, nous sommes en
train de vivre la tension la plus terrible de toute l’histoire du Pacte
atlantique. Si l’alliance est menacée, c’est simplement parce que la température
de l’altercation a été portée délibérément à un degré destructeur.
Ce n’était
en rien inéluctable. Prenons un peu de recul, un bref instant, voulez-vous
?
Les Etats-Unis sont convaincus qu’après douze années de tergiversations,
Saddam Hussein doit être immédiatement désarmé, précisément au moyen d’une
intervention armée. Washington argue, avec quelque raison, du fait que les
inspections en désarmement de l’ONU ont été essayées et qu’elles ont échoué, et
que l’Irak ne pourra jamais être cru tant que Saddam y demeurera aux manettes.
La France préconise le désarmement de Saddam, mais elle pense qu’il n’y a aucune
urgence qui justifie en quoi que ce soit de déclencher une guerre contre l’Irak,
qui entraînerait la mort de milliers de civils innocents et renforcerait la
haine de l’Occident, grande pourvoyeuse de terroristes, dans le monde
musulman.
La majorité des Etats membres de l’Union européenne et de l’Otan
sont d’accord avec les Etats-Unis. Soit. Cela fait-il de la France on ne sait
trop au juste quelle sorte d’Etat paria cynique, égoïste, couard, antisémite et
boulimique de fromage ? En aucune façon.
Le point de vue de la France est
partagé par une vaste majorité des opinions publiques dans l’ensemble des pays
européens, y compris la Grande-Bretagne. Il est soutenu par la majorité au
Conseil de Sécurité de l’Onu. Il est partagé, presque mot pour mot, par le
Secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan. Il est même admis par près de la moitié
de l’opinion publique aux Etats-Unis mêmes. Les Français peuvent se tromper. Ils
peuvent aussi avoir raison. L’important étant qu’ils ont une argumentation
rationnelle et recevable, qui mérite d’être écoutée, et certainement pas
raillée.
Au-delà de la controverse en cours au sujet de l’Irak, la France a
des préoccupations plus profondes – au sujet des Etats-Unis eux-mêmes. Il est
peut-être exact que drapée dans la toge du juge de l’Amérique, la France est
sans doute un témoin peu fiable, ou à tout le moins un critique de très vieille
date. Peut-être la raison en est-elle que la France a des mobiles égoïstes ( en
tant que membre permanent au Conseil de Sécurité) à vouloir conserver ce
consensus d’après-guerre, qui laisse entendre que les Nations Unies sont le
meilleur garde-fou contre un comportement (américain) à demi civilisé (et donc à
demi sauvage).
Toutefois, ce n’est pas la seule France qui a été – ou devrait
être – alarmée par la « doctrine de Dubya », qui veut que l’Amérique ait un rôle
spécifique à jouer dans le monde de l’après 11 septembre. Le Président Bush ne
dit pas que la puissance, c’est le droit (« might is right »). Il affirme que
l’Amérique dispose d’une puissance écrasante et qu’elle n’en demeure pas moins
dans son droit parce qu’elle est (tout simplement)… l’Amérique ! Si le Conseil
de Sécurité de l’Onu veut survivre, il doit le faire, dans le monde de l’après
11 septembre, en tant que réincarnation d’une sorte de Soviet Suprême
international, dont la mission est d’entériner les visions de l’Amérique. Ou de
l’Otan (c’est du pareil au même).
Inutile d’être américanophobe (j’ai vécu
très heureux aux Etats-Unis durant cinq ans ; mon fils a la nationalité
américaine) pour que cette approche vous foute les jetons. Je suis persuadé que
de nombreuses personnes, en Amérique, la trouvent, eux aussi, plutôt effrayante.
Je suis convaincu que le gouvernement britannique la trouve tout aussi flippante
que les Français. L’absolutisme moral inadmissible dont témoignent ces attaques
contre des opposants amis démontre à quel point elle est préoccupante.
Tony
Blair semble penser que la meilleure façon de contrôler le gorille d’une tonne
bardé de flingues, c’est encore de le chevaucher. Les Français ont tenté de le
faire rentrer dans sa cage et de le distraire pour le faire patienter. Ni l’une,
ni l’autre de ces méthodes, n’ont marché. L’Otan est en ruines. Le tour de l’Onu
est peut-être venu de s’effondrer. Et dire que la guerre n’a même pas encore
commencé !
2. Economie : Les sociétés
américaines se postent déjà pour extraire le brut irakien par Myret
Zaki
in Le Temps (quotidien suisse) du mercredi 12 février
2003
PETROLE. A l'heure du divorce avec Riyad, le contrôle
américain de l'or noir irakien devient crucial. Washington redistribue déjà les
cartes. Exit TotalFinaElf, Lukoil, China National Petroleum Company. Place à
Exxon, Chevron, Halliburton, Unocal. Les alliés qui auront coopéré auront une
part du gâteau.
«Achetez des actions de sociétés de services pétroliers américains.» Dans
une note aux investisseurs datée du 31 janvier, Bank of America Securities vante
sans détours les opportunités du régime post-Saddam: «L'ouverture des champs
pétrolifères combinée à la fin de l'incertitude quant aux investissements dans
la région sera positive pour les sociétés américaines du secteur.» L'analyste
explique: «Il est considéré parfaitement légal, pour la force d'occupation,
d'utiliser les revenus du pétrole pour engager des sociétés de services dans le
but d'augmenter la production de pétrole.»
En cas de conflit, les cartes
seraient redistribuées en faveur des sociétés américaines. Lors d'une éventuelle
occupation, les Etats-Unis veilleraient à «sécuriser» les 1500 puits de pétrole
irakien. Les forces armées auraient le droit d'utiliser les revenus des
ressources capturées pour restaurer les capacités. Ce vaste marché d'ingénierie,
d'équipements et de services pétroliers reviendra presque certainement en
priorité aux firmes américaines telles Halliburton, Baker Hughes, et Weatherford
International, qui auraient déjà des contrats ou seraient en cours de
discussion. Elles seront talonnées par les majors américains de la production et
distribution Exxon Mobil, Unocal et Chevron Texaco. Des 2 millions de barils par
jour actuellement, la production pourra passer à 6 milions d'ici à cinq ans. A
terme, la maximisation de la production de pétrole irakien est considérée comme
un but en soi, si ce n'est même la plus haute priorité de l'administration Bush
après la «déclaration de victoire» américaine. Il s'agirait là d'un
spectaculaire retournement de situation .
Lors des dix dernières années, les
Etats-Unis sont en effet restés à l'écart des contrats pétroliers en Irak. Des
sociétés russes, françaises et chinoises se partageaient cette manne virtuelle
car suspendue à la levée de l'embargo. Deutsche Bank estime à 38 milliards de
dollars la valeur des contrats de production pétrolière accordés par Saddam
Hussein. Lukoil, China National Petroleum Company, TotalFinaElf et ENI comptent
parmi celles ayant signé les contrats les plus importants.
Tous ces contrats
n'auront donc de valeur qu'une fois les sanctions levées. Cette situation a été
utilisée par Washington à son avantage. Soutenu par les Américains, l'opposant
irakien Ahmad Chalabi, qui dirige le groupe dissident du Congrès national
irakien, a d'ores et déjà dénoncé l'ensemble des contrats pétroliers en place,
tout en entamant des discussions avec les compagnies américaines, déclarant
qu'il les récompenserait avec des contrats si Washington libère Bagdad de
Saddam.
Si les autres sociétés veulent conserver leur part du gâteau, cela
sera fonction de la participation de leur pays à l'effort de guerre, si l'on se
réfère à la déclaration de l'ancien directeur de la CIA, James Woolsey, selon
laquelle «seuls les pays alliés aux Etats-Unis dans la guerre pourraient espérer
coopérer à l'avenir avec les groupes pétroliers américains en Irak».
En
attendant, Bank of America estime que les actions américaines des services
pétroliers s'apprécieront en moyenne de 33% sur les douze prochains mois, une
attente de performances phénoménales en période de déprime boursière. Elle
recommande de miser en particulier sur Patterson Utilities, qu'elle voit
s'apprécier de 60%, suivie par BJ Services (+18%), Ensco International (+44%) et
Rowan Companies (+54%).
3. Le pétrole, une affaire de
famille chez les Bush par Ram Etwareea
in Le Temps (quotidien
suisse) du mercredi 12 février 2003
George Bush père et fils,
mais aussi d'autres dignitaires de la Maison-Blanche, comme Dick Cheney, ont
partie liée avec d'importantes sociétés pétrolières.
L'administration américaine a une forte odeur de pétrole. Dans les années
1970, c'est-à-dire bien avant qu'il ne devienne président des Etats-Unis, George
Bush a fait son entrée dans l'industrie pétrolière en s'associant avec Ambusto
Energy, entreprise de forage à Midland (Texas). Puis en 1986, il devient l'un
des principaux actionnaires de la société Harken. Celle-ci, grâce à l'influence
de son père qui s'apprête à conquérir la Maison-Blanche, décroche, au grand dam
de certains grands pétroliers dont Amocco, un permis d'exploitation off shore à
Bahreïn, dans le golfe Persique. Pour la petite histoire, George Bush n'a pas
fini d'expliquer pourquoi il a vendu au plus haut sa participation dans Harken
en 1990, alors que huit jours plus tard, l'entreprise annonçait des pertes
spectaculaires de 23 millions de dollars. Le fils du président avait-il commis
un délit d'initié?
Mais c'est peut-être le vice-président Dick Cheney qui
est encore davantage trempé dans l'or noir. Avant de déménager à Washington, il
a dirigé Halliburton (services pétroliers) durant dix ans. L'entreprise opère
aux quatre coins du monde, y compris dans les Etats dits voyous. Sous son règne,
elle a vendu pour plusieurs dizaines de millions de dollars d'équipements à
l'Irak. Comme l'association avec un pays proscrit par les Etats-Unis était
plutôt mal vue, Halliburton est passé par des filiales étrangères (Dresser Rand
et Ingersoll-Dresser) pour signer des contrats avec l'ennemi. Pendant un temps,
Cheney niait les faits. Il les a avoués plus tard, en disant que c'était le
malheureux résultat d'une fusion. Halliburton fut la première entreprise à
proposer un emploi à Bush Jr.
Collusion d'intérêt
Condoleezza Rice, directrice du
Conseil national de sécurité, a passé neuf ans chez Chevron, aujourd'hui en
première ligne pour exploiter les gisements irakiens dans l'ère post-Saddam
Hussein. En guise de cadeau de départ, la société a donné le nom de son
ancienne collaboratrice à l'un de ses pétroliers [Espérons qu'il ne viendra pas s'échouer sur les côtes bretonnes !
ndlr du PiP]. Dans ses nouvelles fonctions, Condoleezza Rice est
l'architecte de la nouvelle stratégie pétrolière américaine, qui est de réduire
la dépendance du Proche et Moyen-Orient en s'approvisionnant davantage en Asie
centrale et en Afrique. Don Evans, le secrétaire d'Etat au Commerce comme son
adjoint Grand Aldonas viennent les deux du même secteur.
Il n'est par
ailleurs un secret pour personne que l'industrie pétrolière a largement financé
la campagne électorale de George Bush à la Maison-Blanche et de Dick Cheney.
Parmi les donateurs notoires, Kenneth Lay, qui n'a pas eu à s'expliquer sur les
comptes manipulés de la défunte Enron dont il était le patron.
Le clan Bush
entretient aussi des relations troublantes avec le Carlyle Group. Le pot aux
roses a été révélé par le New York Times le 5 mars 2001, qui mettait en garde le
nouveau maître de la Maison-Blanche contre une collusion d'intérêt. Tel un fonds
d'investissement, le groupe finance, achète et revend des entreprises à travers
le monde. Il est aussi l'un des plus importants fournisseurs de l'armée
américaine, en armes, en pétrole et autres équipements. Il gère aujourd'hui la
somme colossale de 13 milliards de dollars et doit son succès à une équipe de
«vendeurs» de choc. Parmi lesquels, George Bush, père du président.
4. La petite faiseuse de rêves par Dalia Chams
in
Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 12 février
2003
A 15 ans, elle a signé son premier roman Rêver la
Palestine où elle pénètre des lieux et des êtres lointains mais qu'elle sent
très proches. Randa Ghazi, Egyptienne d'origine, vivant en Italie, voit son
œuvre qu'elle a écrite en italien publiée dans sa langue maternelle, chez Dar
Al-Chorouq.
Elle croit en la toute puissance des rêves, cette
puissance onirique ; on dirait des signes d'Allah. Quand elle avait 9 ans,
raconte-t-elle, son grand-père maternel, installé également en Italie, est
décédé. Affligée par cette disparition, elle entend son aïeul en rêve : « Je
suis avec toi, tout près ». Etonnant. C'est comme s'il venait lui rendre visite
en classe, après sa mort.
Quelque temps après, une autre vision : elle
aurait vu durant son sommeil, les questions qu'elle aura le lendemain matin pour
son épreuve de grec ancien.
Ces coïncidences ont fait l'objet d'un poème sur
l'espoir qu'elle a composé ultérieurement et qui lui a valu un prix sur concours
au montant de 100 lires italiennes.
Aujourd'hui, à travers son premier roman,
c'est tout un pays qu'elle rêve : la Palestine.
Bien qu'elle n'ait jamais
rencontré de Palestiniens avant d'écrire son roman Rêver la Palestine, et
qu'elle n'ait jamais visité cette terre de conflits et de rêves, justement,
Randa Ghazi a su pénétrer les lieux et les âmes. Elle explore, jusqu'au menu
détail, l'intérieur de ces êtres, de ces héros palestiniens, ravagés par tant
d'années de lutte, en dépit de leur jeune âge. Eux aussi cherchent parfois
refuge dans un monde onirique. Comme elle, tout à fait. Le voilà, Ibrahim,
principal protagoniste, qu'elle a appelé du nom de son père, s'exprimer : « Je
pense que les leurres peuvent parfois se substituer à la réalité et représenter
une bonne alternative pour affronter la situation. Nous avons tous tendance à
aborder la réalité de manière trop directe ; de quoi nous blesser. Car la quête
de la réalité n'est pas toujours la meilleure des choses, notamment qu'en ce
moment précis je suis conscient à quel point rêves et espérances peuvent nous
apaiser ».
Cette manière de méditer sa vie n'empêche qu'il s'agit pour la
plupart de personnes stoïques, dont Ibrahim, son préféré. « Le moment le plus
émouvant pour moi a été quand j'ai perdu Ibrahim vers la fin. J'étais très
attachée à mes personnages, je les ai créés et je détestais les voir périr ».
Ses yeux encerclés d'un crayon vert bleu pétillaient de mille éclats. La
chevelure frisottée, elle n'est pas sans ressembler à Riham, l'une de ses
protagonistes. « On a toutes les deux la même manière de cacher notre côté
fragile et de nous montrer très protectrices envers notre jeune frère ». L'une
tient de l'autre également une grande fascination pour les étoiles : « Ces
étoiles innombrables telles des taches de rousseur sur le visage » ! Elle
sourit. Car « rien ne se perd si l'on maintient la capacité de sourire », cette
phrase provient d'elle, elle s'en sert pour décrire l'affabilité de l'un de ses
personnages, Djihad.
Tant de similarités entre ses personnages imaginaires
et son quotidien font que tous ceux qui la connaissent tentent d'en déchiffrer
les codes. Ibrahim Al-Moallem, l'éditeur de la traduction en arabe, Halem bi
Falastine (Dar Al-Chourouq, février 2003) souligne à titre d'exemple que l'un
des héros, Ahmad, se retranche constamment dans la lecture de Shakespeare
notamment, à l'instar de l'auteure elle-même. « Lire, c'est comme prendre un
train dont vous ignorez la destination. A l'arrivée, on se sent triste de devoir
descendre (…). Je pensais pouvoir rester ici à lire jusqu'à la fin du monde,
mais … », dit Ahmad dans le roman.
En effet, Randa est une « malade de lire
». Elle a accompagné depuis toujours sa mère, diplômée en philosophie, à la
bibliothèque. Et dès l'âge de 5 ans, elle n'a pu arrêter cette fureur de lire.
Elle lisait, quand tout le monde dormait, avec les lumières éteintes, sous sa
douche ou durant les visites familiales … L'été, quand elle visitait la ville
natale de ses parents, Alexandrie, elle partait sur les traces de Naguib
Mahfouz, dans Miramar, avec ses cafés, la corniche, les auberges …
« Toute
petite, elle cachait les bouquins dans le panier à linge, à la salle de bain !
Et garde dans son sac un livre qui l'intéresse, quand on rend visite à des amis
ou des parents, si elle ne se sent pas concernée par la conversation, elle se
met dans un coin et sort une lecture ! », se souvient sa mère. Elle qui la
connaît tellement bien se dit parfois épatée de la voir répondre aux
journalistes comme elle le fait. Pourtant, elle connaît sa fille comme les
lignes de la main et est consciente qu'elle est plutôt du genre qui ne cède
jamais. « Elle cherchait souvent à me convaincre et ne baissait jamais les bras
! A la suite d'un accident qu'elle a eu à l'âge de 8 ans, l'auscultation
médicale nous a révélé qu'elle est une surdouée, son QI est supérieur à la
moyenne ».
Randa Ghazi a toujours rêvé d'écrire un livre, mais que cela se
concrétise de manière si précoce ? Toutefois, il y a eu un déclic non
négligeable : les images de Mohamad Al-Dorra criblé de balles israéliennes et le
témoignage du soldat hébreu qui l'a tué affirmant qu'il a commis son acte exprès
pour torturer le père ! Elle avait 15 ans, alors que Mohamad Al-Dorra n'avait
que 12. Terrible ébranlement. Elle navigue sur Internet, creuse, demande des
explications à son père vivant en Italie depuis une trentaine d'années … les
informations ne faisaient qu'accroître sa désolation. Elle voulait comprendre
pourquoi Al-Dorra a été tué, qu'est-ce qui pousse autant de jeunes martyrs à
effectuer volontairement des opérations suicides ... et pour quelle raison l'on
n'aboutit guère à une paix durable. « Pas de paix sans justice. Pas de paix sans
justice », répète le père d'Ibrahim dans Rêver la Palestine. Sur ce, « le djihad
est légitime », c'est dur d'expliquer à un enfant pourquoi sa mère est morte …
Randa Ghazi tente d'opérer une secousse frénétique, adressée surtout à des
Occidentaux qu'elle côtoie et qui connaissent mal la cause palestinienne ou
voient rarement ces images choquantes comme c'est le cas en Italie, son pays de
naissance. « On ne fait pas la paix avec des morts, nom de Dieu ! »,
lance-t-elle dans son roman, de peur qu'un jour ce ne soit trop tard.
La
parution de son roman et sa présentation à travers la Foire internationale de
Bologne ont chamboulé son existence. C'est la consécration. « Difficile à
ménager. J'essaye d'en prendre l'habitude mais il me faut une année pour
comprendre ce qui m'arrive. Le soir, on me traite de vedette, m'interviewe et
parfois m'entoure de gardes du corps. Et le matin, je dois revenir l'étudiante
que je suis ». Du jour au lendemain, l'adolescente « milanaise » qu'elle est se
transforme en star laquelle donne des conférences et voyage en tournée. «
D'abord, j'ai posé ma candidature pour un concours littéraire d'adultes, avec
une nouvelle de 7 pages. Je reçois alors le deuxième prix, et un membre du jury
également membre de l'administration de la maison d'édition R.C.S. Libri SpA me
demande de leur écrire un roman inspiré du même thème ou sur une autre intrigue
de mon choix ». Et c'est parti. Seulement, la mission devait être accomplie en
deux semaines, car l'éditeur voulait hâtivement participer à la grande Foire de
Bologne. Le retard était alors inexcusable et le défi à relever. La nouvelle se
transforme en roman. Un roman écrit dans le rythme saccadé de la guerre, la
narration est consternée à son tour et les répétitions sont de mise. « En
écrivant, je me sentais de plus en plus égyptienne, par conséquent arabe, et par
conséquent palestinienne. Et plusieurs personnes ont cru que j'étais
palestinienne. Mais je ne faisais qu'écouter les chansons du groupe palestinien
Radio-derviche. Il y avait cette colère en moi, qui progressivement a mué en une
insistance sur mon côté égyptien ».
Une cure identitaire. Une révolte contre
tous les mensonges cités dans plusieurs ouvrages concernant le conflit
arabo-israélien. « Parfois je ne savais qui croire, mon père ou l'Internet ! »,
ironise-t-elle à maintes reprises, lors des conférences données récemment au
Caire, à l'occasion de la sortie de son ouven langue arabe. Souvent, les
questions tournaient au politique. La jeune interlocutrice ne bat pas de l'aile.
Maintenant, après tant de questions autour de l'antisémitisme, du racisme, du
djihad et du processus de paix, soulevées aux quatre coins de la terre, elle
semble en avoir l'habitude. L'adolescente s'en tire pas mal, bien qu'elle ait
moins d'engouement pour les questions politiques. Celles-ci n'ont pas manqué de
lui attirer les foudres du lobby juif, notamment en France. Car son roman a été
traduit en plusieurs langues. C'est alors que le rêve a failli tourner en
cauchemar.
« Au début, j'aimais bien que les gens parlent politique, j'avais
des choses à dire. Mais je n'ai que 16 ans, j'ai écrit la guerre à 15 ans.
L'expérimentation littéraire doit compter plus que les questions politiques ».
Ensuite, elle poursuit dans un mélange d'anglais et d'égyptien dialectal : « Je
suis inquiète, je ne sais pas si plus tard j'aborderais un sujet qui n'est pas
aussi politique, les gens seront-ils toujours aussi curieux de le lire ?
Aurais-je droit à autant de traductions ? ». Car, cette fois-ci, le choix de son
sujet lui a valu une notoriété ; l'étudiante de troisième secondaire lettres a
vu même son ouvrage se transformer partiellement en performance théâtrale en
Sicile. Celle-ci était jouée par d'autres étudiants et était essentiellement
centrée autour de l'amour entre Sarrah, la juive et Rami, le Palestinien. Un
amour impossible sans doute, dit-elle dans son roman, compte tenu de l'histoire
de guerre entre les deux peuples. Les colombes s'envolent. L'étoile est
fugitive. Et nous entrons dans le rêve, mais il ralentit le pas pour nous
échapper comme le clame si bien Mahmoud Darwich, dans son poème S'envolent les
colombes.
[Jalons - 1986 : Naissance à Milan (Italie). -
2001 : Lauréate du deuxième prix du concours littéraire pour adultes. - 2002 :
Publication de son premier roman, en italien, Sognando Palestina (Rêver la
Palestine), éditions R.C.S. Libri SpA, Milano. Et sortie de la traduction en
français, chez Flammarion. - 2003 : Traduction du roman vers l'arabe, par Miriam
Rizqallah, Halem bi Falestine, éditions Dar
Al-
Chourouq.]
5. La défaite de la
modernité par Tahar Ben Jelloun
in Libération du mercredi 12 février
2003
(Tahar Ben Jelloun est écrivain. Dernier ouvrage paru :
"Cette Aveuglante Absence de lumière" aux éditions Corps 16 -
2002.)
Sur l'Irak, l'Europe doit plus que jamais
résister à la brutalité d'une Amérique qui s'apprête à agir au mépris de la
morale, du droit et de la démocratie.
La furie du monde hante
nos enfants. La peur diffuse et persistante grandit dans leur sommeil. En même
temps, l'angoisse fait le siège de l'homme qui ne sait comment résister à la
folie qui s'est emparée de quelques puissants. Il a appris comment vivre avec
les autres en érigeant des principes, en respectant des valeurs. Il a appelé
cela «démocratie» et «Etat de droit». Il découvre que l'intelligence et la
pensée sont vaincues par la brutalité et l'arrogance d'une grande puissance,
celle-là même qui avait dressé une liste des «Etats voyous» et se comporte
aujourd'hui avec une désinvolture déconcertante. Cette puissance est en fait
fragile puisqu'elle s'apprête à se conduire comme un «super-Etat voyou», elle va
«légitimer» l'arbitraire et ne pourra plus donner des leçons de morale aux Etats
qu'elle condamnait et dénonçait. Elle perd son âme comme elle risque de perdre
la raison.
La défaite qu'on nous prépare est celle de l'homme qui fait une
chute dans le chaos, ce désordre du monde où la force évacue de manière
arbitraire les valeurs qu'on croyait universelles. Dans cette chute, l'homme
n'est plus qu'une poussière négligeable. Il serait apaisé dans l'inconscience du
monde parce qu'il ne veut pas de cette douleur et de ces massacres planifiés
avec une technicité sophistiquée. Il s'est assis sur le bord de la route et
regarde passer les convois de la mort. Cet homme n'est même pas visible ; il
n'est rien et sa voix n'est pas audible. Il parle, il crie, il agite ses bras,
mais ses mots sont ravalés parce qu'ils n'ont pas où aller, où se poser. Ils
tombent comme de la cendre, n'ayant pas trouvé de sens. Personne ne les
entend.
Alors la douleur du monde se couvre de terre grise et de sable blanc,
ailleurs, elle est enfouie sous l'herbe parce que tout va bien, tout est encadré
par l'immense machine qui produit des preuves et des mensonges, tout est dirigé
par la cruauté enrobée dans une prière où Dieu est invoqué, où Dieu est supplié
de protéger les soldats du Bien contre les pouilleux rongés par le Mal. Tout est
arrangé par l'étrange et grotesque bruit de la peur.
La honte tombe et perd
ses oripeaux. Elle ne s'affiche plus sur les visages, dans les consciences, elle
ne signifie rien ; elle est devenue inutile, sans valeur, sans couleur.
Le
monde ne se console plus. Il continue de respirer la mauvaise poussière. Il
bouge pour se convaincre qu'il n'est pas mort, peut-être pour résister, pour
nous demander de déchirer les images qui défilent à grande vitesse et nous
donnent à voir à Bagdad ou à Bassora une famille mutilée, père mort, enfant
qu'un éclat d'obus a rendu aveugle, et puis les autres à l'affût de n'importe
quel mouvement qui ressemble à la vie, cette chose devenue rare et froissée,
cruelle et imprévisible, s'acharnant sur des gens anonymes, des gens qui ne
demandent rien au ciel, juste respirer dans la dignité et ne pas mourir pour
rien ou pour sauvegarder les intérêts des autres.
D'autres, adolescents,
répètent des mots d'ordre stupides pour ne pas pleurer. Oui, ils résisteront,
oui, ils se battront contre les envahisseurs, oui, ils creuseront de leurs mains
les tombes des soldats américains et anglais, oui, ils vaincront et n'iront plus
à l'école. Oui, ils auront toute la mort pour rire de leur destin funeste. Ils
seront ensevelis sous des tonnes de bombes et peut-être aussi sous des sacs de
nourriture largués par les mêmes avions.
Au-dessus de leurs têtes, veille la
statue du Commandeur, Saddam, le grand, le très grand fossoyeur de son peuple,
celui qui tue de ses propres mains tout être soupçonné d'opposition, celui qui a
programmé la mort par gaz de milliers de Kurdes à Halabja.
Rôde la douleur.
Rôde la défaite des hommes, de leur culture, de leurs valeurs. Rôde la déchéance
de la morale qu'elle soit politique ou métaphysique.
Intolérable, cette
mascarade qui veut nous faire croire que la planète sera détruite de manière
massive et irrémédiable par un seul homme, un dictateur mille fois plus
pernicieux et dangereux pour son peuple que pour le reste du monde. Un dictateur
installé, soutenu, choyé par ceux-là mêmes qui s'en servent aujourd'hui pour
détruire un pays, une population désespérée, usée par tant de malheur et que
personne ne vient secourir. Ils détruiront pour mieux réorganiser les choses.
Mais que de régimes totalitaires et moyenâgeux seront confortés dans leur
système anachronique et antidémocratique !
Désarmer Saddam, certes, mais à
quel prix ? Au prix de la défaite de la modernité, défaite de la force du droit,
défaite de la culture dont les conséquences seront incommensurables. Mais une
grande puissance qui perd la faculté d'entendre et de raisonner, qui s'entête à
vouloir avoir raison contre le monde et sa douleur, est-elle encore une grande
puissance ? Plus que jamais, cette «vieille Europe», Europe des Lumières, de
l'Esprit des lois et de l'abolition de la peine de mort, devra résister à la
brutalité américaine.
6. Ce cimetière
est une pièce à conviction qui accuse la France
in Corriere della
Sera (quotidien italien) du mardi 11 février 2003
[traduit de l'italien par Marcel
Charbonnier]
"Ils sont morts pour la Fance. Mais la
France les a oubliés" : telle est peut-être l'attaque la plus violente encore
jamais prononcée dans la guerre des invectives entre les Etats-Unis et la
France. C'était le titre du New York Post d'hier, un quotidien populaire de la
Grosse Pomme, qui tire à 600 000 exemplaires. "Quand je vois comment ils ont
abandonné ce cimetière, où sont enterrés des milliers de boys américains morts
pour libérer la France, mon coeur se remplit de colère", clame l'éditorial
tirant à boulets rouges. Ces derniers jours, le New York Post avait fait un sort
aux Français, les qualifiant de "singes bâfreurs de fromage", tandis que le Wall
Street Journal, de son côté, tonnait : "Chirac n'est qu'un pygmée déguisé en
Jeanne d'Arc!".
Francophobie contre antiaméricanisme : la première victime de
guerre, c'est l'amitié entre les deux rives de l'Océan atlantique...
7. Insulté et menacé de mort
par des inconnus, José Bové a décidé de porter plainte par Caroline
Monnot
in Le Monde du mardi 11 février 2003
Des soupçons se
portent sur les extrémistes juifs.
Militants altermondialisation,
membres de la LCR ou des Verts soutenant les Palestiniens : ils sont désormais
plusieurs à affirmer être l'objet de menaces de mort, d'intimidations, d'appels
téléphoniques incessants à leur domicile, y voyant le signe d'une radicalisation
de groupes extrémistes juifs ; situation aggravée, selon eux, par les récents
propos du président du CRIF, Roger Cukierman fustigeant une "alliance
brun-vert-rouge". "Les dirigeants du CRIF jouent avec le feu en taxant tous ceux
qui ont approché de près ou de loin la cause palestinienne d'antisémitisme,
indique Christian Picquet, un des responsables de la LCR. Les individus dérangés
ou les groupuscules extrémistes à l'origine des dérapages auxquels on assiste
depuis plusieurs semaines peuvent se sentir encouragés."
C'est ainsi que
lundi 3 février, José Bové, porte-parole de la Confédération paysanne, a déposé
une plainte contre X à la gendarmerie de Millau (Aveyron) après une série de
messages sur son téléphone portable, des menaces révélées par Le Journal du
dimanche. "Durant trois jours, à Porto Alegre, j'ai reçu des menaces extrêment
précises me promettant de me "crever" à mon retour à Roissy. Du coup, la
Confédération et Attac ont demandé au ministère de l'intérieur de prendre des
dispositions pour assurer ma sécurité à l'aéroport, explique-t-il. Puis il y a
eu un nouvel appel de ce type dans la nuit du samedi 1er au dimanche 2 février,
alors que j'étais rentré à Millau. Là, on a décidé que cela suffisait et on a
fait écouter aux gendarmes le message qui avait été enregistré sur la boite
vocale." La qualification de la plainte devrait être précisée lors d'une
entrevue entre François Roux, avocat de M. Bové, et le procureur de la
République de Millau.
EXCUSES PUBLIQUES
Le syndicaliste paysan est devenu
la cible privilégié de groupes extrémistes juifs après être allé soutenir Yasser
Arafat, assiégé à Ramallah, en avril 2002. Et, surtout, après avoir tenu à son
retour des propos laissant notamment entendre que le Mossad aurait intérêt à la
poussée d'agressions antisémites en France - propos dont il s'est publiquement
excusé depuis.
"Il y a maintenant un tel degré de haine sur la personne de
Bové", constate M. Picquet qui, comme animateur des manifestations de soutien
aux Palestiniens, dit avoir lui aussi fait l'objet de menaces téléphoniques.
"J'ai décidé de ne pas porter plainte pour le moment", indique-t-il. De son
côté, Noël Mamère, député Verts de Gironde, fait aussi état d'inscriptions
malveillantes devant son domicile et d'incessants coups de fil d'insultes ou de
menaces, jugeant que "le président du CRIF a lancé une véritable fatwa sur les
Verts".
8. Ce plagiat britannique qui
conforte les opposants à la guerre en Irak par Jean-Pierre
Langellier
in Le Monde du dimanche 9 février 2003
Londres de notre
correspondant - A trop vouloir prouver les vices de Saddam Hussein, le
gouvernement britannique a été pris en flagrant délit de... plagiat. Le 5
février, à la tribune du Conseil de sécurité, le secrétaire d'Etat américain,
Colin Powell, avait attiré l'attention de son auditoire sur l'"excellent dossier
présenté par le Royaume-Uni qui décrit en détail les activités de dissimulation
irakiennes". Ce document avait été publié deux jours plus tôt sur le site web du
10 Downing Street.
Quelle ne fut pas la surprise d'un chercheur américain,
Ibrahim Al-Marashi, en découvrant que 4 des 19 pages de ce document
reproduisaient mot pour mot des extraits de sa thèse de troisième cycle. "On a
même recopié mes erreurs de grammaire et mes fautes d'orthographe !", a déclaré
l'intéressé au San Francisco Chronicle. Ce travail universitaire, dont un résumé
a été édité en septembre 2002 dans une revue spécialisée, ne contient, bien sûr,
aucune révélation, ni même aucun indice récent sur les activités illégales du
régime de Saddam Hussein. Il se fonde sur des informations vieilles de douze
ans, contenues dans des dossiers abandonnés par les Irakiens en 1991 après leur
fuite du Koweït et dans des documents saisis par des rebelles kurdes dans le
nord du pays. Rien à voir donc avec l'actuelle dissimulation d'armes de
destruction massive dénoncée par le "dossier" britannique.
Ce texte, présenté
à Londres comme émanant en partie des "services d'espionnage", contient
d'ailleurs d'autres emprunts. Selon Glen Rangwala, professeur à Cambridge, 11
pages au total ont été "entièrement puisées dans des documents universitaires".
Pris la main dans le sac, les services de Tony Blair ont dû faire amende
honorable. "Nous aurions dû, pour lever toute confusion, faire connaître quelles
parties du dossier provenaient de sources publiques, et quelles autres
provenaient d'autres sources", a reconnu, penaud, vendredi 7 février, le
porte-parole du premier ministre. Avant d'ajouter que, dans sa substance, ce
texte était "solide" et "exact".
Le recours, de la part d'un gouvernement
démocratique, à une méthode de propagande aussi grossière a conforté tous les
opposants à la guerre en Irak. Beaucoup y ont vu un nouveau dérapage des spin
doctors(conseillers en communication) de Downing Street, ces experts en
manipulation de l'information qui veillent – avec beaucoup trop de zèle – à
"vendre" l'image de Tony Blair. L'ancienne actrice – et actuelle députée
travailliste – Glenda Jackson s'est indignée : " Voilà un nouvel exemple de la
façon dont le gouvernement tente de tromper le public et le Parlement à propos
d'une guerre éventuelle en
Irak."
9. A propos d'un pseudo-boycott par Monique
Chemillier-Gendreau
in Le Monde du samedi 8 février 2003
(Monique
Chemillier-Gendreau est professeur de droit international à l'université
Paris-VII-Denis-Diderot.)
L'affaire du prétendu "boycottage des universités
israéliennes"qui aurait été réclamé en décembre 2002 par le conseil
d'administration de l'université Paris-VI (Pierre-et-Marie-Curie) a fait l'objet
de confusions très graves dont les enjeux implicites sont lourds de sens et
qu'il faut impérativement dévoiler. Des appels à critiquer la position de cette
université ont circulé et de fortes pressions ont été exercées (sans succès) sur
les membres de son conseil pour les inciter à revenir sur leurs
positions.
Cette campagne a eu pour objectif de renforcer l'impunité d'Israël
et de laisser croire que les collègues qui ont soutenu la démarche de Paris-VI
auraient basculé dans l'antisémitisme (certains appels ont tenté d'entretenir la
confusion en évoquant les mesures de Vichy). Heureusement, d'autres universités
(Grenoble, Montpellier-III) se sont prononcées à leur tour, limitant ainsi
l'indifférence inquiétante de nos sociétés envers le sort fait au peuple
palestinien.
Dans ce contexte, il paraît indispensable de poser ici une série
de questions.
– Pourquoi avoir ignoré grossièrement le contenu exact de la
motion de Paris-VI ? Selon les termes adoptés, cette université a demandé que
l'Union européenne ne renouvelle pas l'accord qu'elle avait passé en 1995 avec
Israël accordant à cet Etat des avantages commerciaux, mais aussi des
financements d'infrastructures ou de programmes de recherche, qu'elle appelle
les collègues israéliens à prendre position sur le sort fait aux universités
palestiniennes qui sont mises dans l'impossibilité de travailler et qu'elle
mandate son président pour nouer des contacts avec les universitaires des deux
parties afin d'aider à la paix. Il n'y a là aucun "boycottage". Il est seulement
demandé que l'UE ne renouvelle pas l'accord d'association afin de ne pas
cautionner par des mesures très favorables à Israël l'évolution dramatique de la
situation.
– Pourquoi refuse-t-on de prendre en considération une clause
qualifiée d'essentielle dans un accord international ? L'accord d'association
UE-Israël, signé en 1995, était soumis à la condition centrale du respect des
droits de l'homme et des principes démocratiques considérés comme les fondements
des relations entre les deux parties et de toutes les dispositions de cet accord
(article 2).
Ignore-t-on qu'Israël viole les droits des Palestiniens
massivement ? Que la répression fait chaque jour son lot de morts et de blessés,
notamment parmi les enfants, que les assassinats extrajudiciaires sont fréquents
et revendiqués par le gouvernement israélien, que la torture est pratiquée, les
emprisonnements arbitraires multipliés, que les terres des Palestiniens sont
depuis cinquante ans confisquées et qu'on y érige des colonies de peuplement
afin de rendre la paix impossible ? Que les maisons et les plantations sont
détruites quotidiennement ?
Combien de temps va-t-on rester sans comprendre
que tant d'injustices conduisent les plus fragiles des Palestiniens à l'horreur
d'une mort qu'ils se donnent en y entraînant des civils israéliens innocents et
que c'est en rompant avec l'injustice que l'on enrayera la spirale de la
violence ?
Ignore-t-on que les infrastructures développées en Palestine avec
les sommes versées par l'UE ont été détruites avec provocation par l'armée
israélienne dans les derniers mois ?
Toutes les raisons sont ainsi réunies
pour suspendre l'accord sur la base des dispositions de son article 2, ce que le
Parlement européen (serait-il gagné par l'antisémitisme ?) a voté le 10 avril
2002. Refuser d'évoquer cette clause droits de l'homme, c'est donc considérer
qu'elle ne vaut rien, que ce sont des mots pour les mots, des mots pour rire ou
pour grincer des dents.
Aussi est-ce l'honneur des collègues de Paris-VI que
d'avoir pris ce texte au sérieux. La neutralité universitaire est un mauvais
argument pour critiquer leur position car elle consiste à se laver les mains de
violations graves du droit international. Et l'invocation de la laïcité et du
respect de la diversité des opinions invoquée par d'autres universitaires pour
ne porter aucun jugement sur l'application de l'accord voudrait-elle dire
implicitement que les violations massives des droits des Palestiniens ne
seraient que les conséquences d'une "opinion" acceptable parmi d'autres et que
le respect des droits de l'homme et du droit international seraient une
"religion" que le principe de laïcité autoriserait à ne pas pratiquer ?
–
Cela nous mène à la dernière question que ceux qui ont manifesté contre le
prétendu "boycottage" ne peuvent pas esquiver. Que faisons-nous, que
proposons-nous pour mettre un terme à la descente aux enfers des Palestiniens ?
La réponse est : rien. Nos gouvernements se dérobent. Les efforts de la société
civile sont inéluctablement limités. Les universités sont des établissements
publics qui ne peuvent être indifférents aux conditions dans lesquelles se
déploie la coopération internationale. Qu'une poignée d'universitaires lancent
un appel pour exiger que cette coopération soit conforme aux principes affichés,
est une lueur d'espoir dans un océan d'indifférence.
La détermination était
plus forte lorsque nous tentions d'enrayer l'apartheid de l'Afrique du Sud. La
démission collective face aux dérives criminelles de certaines sociétés éloigne
l'heure des solutions et encourage les pires répressions. Le sort fait au peuple
tchétchène mériterait lui aussi une mobilisation autour de mesures fortes contre
la Russie au lieu des marques d'amitié que l'on ne cesse de prodiguer au
gouvernement de Vladimir Poutine.
Demander que l'accord d'association entre
l'UE et Israël ne soit pas renouvelé ou plutôt que ce renouvellement soit
l'occasion de faire pression sur Israël pour un changement radical de politique,
est le premier pas dans la voie d'une attitude enfin conforme au respect des
droits de l'homme que nous prétendons défendre. Comment pouvons-nous invoquer
les textes sur les droits de l'homme contre les répressions ou contre le racisme
et l'antisémitisme dans toutes les situations où ces fléaux se développent si,
lorsque ces textes sont la base d'un engagement concret, nous en faisons aussi
peu de cas ? Les manifestants contre la motion de Paris-VI qui brandissent le
risque d'antisémitisme feraient bien de se poser cette
question.
10. Un officier israélien limogé pour avoir refusé de
mettre en danger des civils palestiniens
Dépêche de l'agence
Associated Press du vendredi 7 février 2003, 23h13
JERUSALEM - Un
officier du renseignement israélien a été limogé pour avoir refusé, de peur que
des civils palestiniens ne soient blessés, de relayer une information sans
laquelle l'armée n'a pas pu bombarder une cible palestinienne, a confirmé
vendredi une source au renseignement.
L'attaque visait un bâtiment abritant
un bureau du Fatah de Yasser Arafat à Khan Younès, dans la bande de Gaza. Il
s'agissait de représailles après le double attentat-suicide qui avait tué 23
Israéliens et des travailleurs étrangers le 5 janvier à Tel Aviv.
Le
lieutenant en question a refusé de dire au Shin Bet (sécurité intérieure) qui se
trouvait dans le bâtiment, déclarant à ses supérieurs que leur ordre était
illégal et que la loi israélienne l'obligeait à désobéir, selon un autre
officier du renseignement, qui a requis l'anonymat.
Le lieutenant est passé
en cour martiale et a été relégué à un poste administratif sur une autre base
mais, selon le quotidien "Maariv", qui cite des sources militaires, l'homme a vu
sa punition adoucie pour éviter que la colère ne l'amène à révéler des
informations.
L'armée israélienne a seulement confirmé que le lieutenant
"avait été démis de ses fonctions pour avoir refusé un ordre direct de ses
supérieurs, nuisant à une opération" militaire.
C'était, selon le "Maariv",
la première fois qu'un soldat n'appartenant pas à une unité de combat sur la
ligne de front refusait d'obéir à un ordre qu'il estimait illégal.
11. La “ Vieille Europe ”
projette une intervention de casques bleus en Iraq
in Der Spiegel
(hebdomadaire allemand) du vendredi 7 février 2003
[traduit de l'allemand par Françoise
Diehlmann]
l'Allemagne et la France oeuvrent à un plan
alternatif visant le désarmement de l'Iraq. Les soldats de l’ONU doivent occuper
le pays et assurer le travail des inspecteurs, annonce le Spiegel.
L'intervention aurait lieu avec participation allemande. Le plan secret a été
convenu avec la Russie et la Chine pour l’instant.
Berlin - Le ministre
américain de la Défense, Donald Rumsfeld, ne s’y attendait certainement pas : En
effet, au cours de la conférence de Munich sur la sécurité, alors qu’il plaidait
avec son éloquence habituelle pour l’adhésion à un cours inflexible
contre
Saddam Hussein, la “ vieille Europe ”, qu’il surnomma ainsi avec moquerie pour
les hésitations dont elle fait preuve, envisage dans le secret absolu
l’intervention avec participation allemande.
l'Allemagne et la France
tentent en toute dernière minute un forcing diplomatique, visant au maintien de
la Paix dans le Golfe. Elles travaillent à un plan de désarmement complet de
l'Iraq. Le projet secret "Mirage" prévoit que des milliers de casques bleus
armés des Nations Unies pénètrent en Iraq pour permettre le travail des
inspecteurs . Sous leur protection, les inspecteurs pourraient procéder à une
énorme “ perquisition ” à travers tout le de pays. Les casques bleus se
chargeraient effectivement du contrôle du pays pendant des années et
garantiraient un "régime de désarmement durable" – également avec une
participation allemande : “ Si cette idée d'un régime de désarmement durable
l’emporte, alors l'Allemagne y sera ”, a déclaré un membre du gouvernement
au Spiegel. Depuis le début de l'année, la chancellerie et l’Elysée travaillent
à un modèle de désarmement. “ Seulement dire Non ne suffit plus ” lance Schröder
au cours de discussions internes sur la situation. D’après le concept qui sera
sans doute présenté comme projet de résolution franco-allemand au conseil de
sécurité, tout l’Iraq serait déclaré zone d'interdiction de vol pour le régime..
Des avions de reconnaissance français du type "Mirage IV" soutiendraient en vol
le travail des inspecteurs dont le nombre serait triplé.
Des soldats américains doivent assurer l'intervention de la
paix
Les Mirages dotés de caméras de surveillance spéciales obtiendraient,
conformément au plan, un soutien des drones allemands, Luna, et des avions
espions américains U2. Un poste de coordination permanent central en Iraq,
éventuellement sous l'ordre de l'inspecteur en chef, Hans Blix, surveillerait
les inspections. Les 200.000 soldats américains déployés autour de l'Iraq
devraient rester en position comme support en cas de menace, pour assurer
l'intervention pacifique. l'Iraq ne serait plus de fait, selon le plan, qu’un
protectorat de l'ONU, et Saddam seulement le dirigeant formel de son pays. “ Si
cela devait conduire à ce que les forces modérées du pays se renforcent et à ce
que l’étau qui se resserre autour du régime de Saddam le fasse imploser, on s’en
accomoderait simplement, mais ce ne serait pas le premier objectif de l’exercice
”, selon un conseiller du chancelier. Tout un réseau resserré de sanctions
intensifierait le contrôle du régime. En feraient partie, outre Les contrôles
accrus d'exportation dans les pays industrialisés, les accords internationaux
avec les Etats voisins de l'Iraq, pour empêcher la fraude pétrolière, le pétrole
étant une des sources de revenus les plus importantes du régime. Le plan est
étudié actuellement avec plusieurs critiques de la stratégie américaine, parmi
eux le premier ministre grec et président en exercice du Conseil de l'Union
européenne Kostas Simitis, le président russe Vladimir Poutine et le président
chinois Hu Jintao.
12. Les résistants
d'Israël par Denis Sieffert
in Politis du jeudi 6 février
2003
En faisant entendre dans leur livre des voix
dissidentes trop souvent étouffées par le poids du consensus, Michel Warschawski
et Michèle Sibony brossent le portrait d'un autre Israël, ultra- minoritaire,
mais digne et insoumis.
« Nous ne sommes plus un peuple différent et bizarre, au teint pâle et au
regard empli de sagesse, mais un soldat brutal comme tout le monde. Nous ne
sommes plus un peuple différent, mais enfin semblable à toutes les nations. Et
tout cela en soixante courtes années ! N'est-ce pas une nouvelle optimiste ? »
Ces mots d'une ravageuse ironie sont d'un grand éditorialiste israélien, dont le
nom de plume est B. Michael. Son texte, publié une première fois dans le
quotidien Yedioth Aharonot le 15 mars 2002, au plus fort de l'offensive
militaire israélienne dans les territoires palestiniens, figure dans un recueil
qui paraît ces jours-ci sous le titre À contre choeur (1). Une soixantaine
d'autres textes, souvent douloureux, parfois rageurs, ou témoignant simplement
de regards singuliers sur la société israélienne, ont ainsi été sélectionnés par
Michel Warschawski et Michèle Sibony. Émerge de leur travail le portrait d'un
Israël méconnu, digne et insoumis. L'étonnant est dans la diversité de ces voix
dissidentes. Ce sont souvent des militants de longue date, comme Michel
Warschawski lui-même, président du Centre d'information alternative de
Jérusalem, mais parfois des personnalités en vue de l'establishment israélien,
un universitaire de renom, un grand journaliste, un juriste, quand ce n'est pas
un ancien chef des services de sécurité générale (le Shin Beit), comme Ami
Ayalon, qui ne craint pas de prononcer le mot d'apartheid. On trouve évidemment
des noms familiers de ce qu'il faut bien nommer la résistance : la journaliste
Amira Hass - la seule journaliste israélienne vivant à Ramallah, parmi les
Palestiniens - et son collègue de Haaretz Gidéon Lévy, ou la sociologue Tanya
Reinhart, ou encore évidemment le superbe Uri Avnery, patriarche de la paix,
fondateur de Gush Shalom (le Bloc de la paix). Celui qui fut le premier
Israélien a oser rencontrer Arafat, en 1982, dans Beyrouth assiégé, publie
d'ailleurs ces jours-ci sa Chronique d'un pacifiste israélien pendant l'intifada
(2).
Mais le lecteur français découvrira à leur côté des signatures moins
connues comme celles de l'historien et géographe Meron Benvenisti, de
l'universitaire Ran Hacohen ou de l'écrivain Yitshak Laor. C'est ce dernier qui
raconte cette histoire terrible : « Tandis que les corps en décomposition
jonchaient le camp de Jénine, et que de jeunes enfants couraient dans tous les
sens à la recherche de nourriture ou de leurs parents portés disparus, que les
blessés se vidaient encore de leur sang, l'armée israélienne empêchant tout
secours et les représentants de l'ONU de pénétrer dans le camp (qu'avaient-ils
donc à cacher ?), le ministère de l'Éducation distribuait une circulaire à
l'ensemble des écoles stipulant que les enfants devaient envoyer des colis aux
soldats [...] Imaginez l'engagement idéologique de ces enfants dans l'avenir »,
remarque Yitshak Laor, avant de laisser tomber cette terrible sentence : « C'est
là juste l'un des aspects de notre société sans opposition. »
On n'est pas
très loin ici en effet de cette propagande dont Israël accuse les livres
scolaires palestiniens. Ce qui frappe, dans ces textes, c'est leur violence. Nos
grands inquisiteurs médiatiques français ne sont pas derrière Ami Ayalon ou B.
Michaël ou Tom Seguev, pour les accuser d'antisémitisme. Il est vrai que ceux
qui laissent échapper ces cris de révolte sont toujours légitimes. Leur colère
ne peut être suspectée d'aucune arrière-pensée. Il faut d'ailleurs souligner
l'une des grandes vertus de ce livre, et qui explique aussi l'engagement de
Michèle Sibony, Française, vice-présidente de l'Union juive française pour la
paix : montrer qu'Israël, pas plus que la communauté juive française, n'est un
bloc, et qu'il existe encore dans ce pays des personnages qui osent crier haut
et fort leur révolte. Il n'existe peut-être plus en Israël de camp de la paix,
mais il existe encore un camp de la morale et du droit.
Le lecteur lira
d'ailleurs avec grand intérêt l'introduction de Michel Warschawski qui retrace
l'histoire de ces « Israéliens à contre choeur ». Il comprendra mieux aussi les
raisons profondes de l'effondrement du camp de la paix, lié au parti
travailliste. Warschawski en voit l'origine dans une approche qui ne s'est
jamais départie du regard colonial. Au plus fort de sa mobilisation, le
mouvement « La Paix maintenant » a toujours expliqué son action par la nécessité
de préserver la société israélienne des effets pervers de la colonisation.
Jamais par le respect du droit des Palestiniens. Tout naturellement, les accords
d'Oslo, en 1993, ont été interprétés par les dirigeants de ce mouvement comme
une fin en soi. Pour Warschawski et la plupart de ceux qui apparaissent dans ce
livre, ce devait être au contraire le début d'une nouvelle mobilisation. La
signature des dirigeants israéliens ne valait pas renoncement à la colonisation.
Le doublement du nombre des colons entre 1993 et 2000, puis la mystification de
Camp David, a rapidement prouvé que l'analyse juste était de ce
côté-là.
- Notes :
(1) À contre choeur,
Michel Warschawski, Michèle Sibony, Textuel, 314 p., 24 euros.
(2) Chronique
d'un pacifiste israélien pendant l'intifada, Uri Avnery, L'Harmattan, 304 p., 24
euros (on peut lire la chronique hebdomadaire d'Uri Avnery sur le site de Gush
Shalom : www.gush-
shalom.org
13. Les euros palestiniens sous expertise par
Pascal Martin
in Le Soir (quotidien belge) du mercredi 5 février
2003Union européenne - Une commission d'enquête pourrait être
lancéeLe quorum nécessaire pour demander la constitution d'une
commission d'enquête sur l'aide financière à l'Autorité palestinienne a été
atteint mardi au sein du Parlement européen. Un quart des parlementaires au
moins 170, selon certaines sources a apposé sa signatures au bas du document qui
demande la transparence des comptes et l'assurance que l'aide européenne n'est
ni détournée ni mal utilisée. Tous les groupes politiques sont représentés. Un
seul socialiste français est cependant de la partie.
L'Union attribue chaque
mois dix millions d'euros à l'Autorité palestinienne. L'argent doit contribuer
au paiement des salaires de ses fonctionnaires. Des accusations de corruption,
mais aussi de financement d'actes terroristes ont été régulièrement formulées.
Les fonds alloués servent également au financement de l'enseignement
palestinien. Selon l'eurodéputée (MR) Frédérique Ries, qui compte avec le VLD
Willy De Clercq parmi les instigateurs de l'initiative, ils auraient également
permis l'achat de manuels scolaires prônant la haine contre Israël : Le Juif est
ton ennemi, cite-t-elle de mémoire. C'est ton serpent. La victoire finale est
inéluctable. Elle poursuit : La Commission rétorque qu'elle a financé l'achat
des bancs, qu'elle paie les salaires et les locaux, mais qu'elle n'a rien à voir
avec ces livres. C'est inacceptable.
La constitution d'une commission
d'enquête est une procédure assez rare. Le Parlement n'y a recouru qu'une
demi-douzaine de fois, la dernière en date s'étant penchée sur la vache folle.
Pour que la requête soit soumise au vote en séance plénière, la conférence des
présidents de partis devra lui donner son aval le 13 février prochain.
Les
intiateurs du projet craignent toutefois que Chris Patten, qui a la
responsabilité de la gestion de ces fonds, n'enterre le dossier. J'ai peur que
le Commissaire aux Affaires extérieures ne s'oriente vers une commission
d'enquête temporaire ou la création d'un groupe de travail, explique Frédérique
Ries. Ces outils risquent de nous enlever les moyens de faire un travail
sérieux. Les principaux groupes politiques représentés au Parlement que sont le
PPE (centre-droit et conservateurs) et le PSE (social-démocrate) seraient pour
leur part favorables à un groupe de travail associant les commissions des
Affaires étrangères, du Budget et du Contrôle budgétaire du PE.
Chawki
Armali, le représentant de l'Autorité palestinienne en Belgique, conclut à la
manoeuvre politique, au lobby proisraélien. L'argent européen, promet-il, sert
bien au paiement des salaires des fonctionnaires. Sa destination a été examinée
par la Banque mondiale, le FMI et la Commission. Patten a dit lui-même qu'il n'y
a pas de preuves de malversations allégation à laquelle Frédérique Ries rétorque
que le Commissaire n'en a pas fourni les preuves.
14. Des intellectuels
français scandalisés par les conditions de vie des Palestiniens par
Stéphanie Le Bars
in Le Monde du mercredi 5 février
2003
Une visite de six jours en Israël et en
Palestine
Jérusalem de notre correspondante - Après une visite de
six jours qui les a menés de Jérusalem à Ramallah, en passant par Gaza, Nazareth
et Tel-Aviv, une douzaine d'intellectuels français juifs et non juifs, venus
confronter leur connaissance du conflit israélo-palestinien à la réalité du
terrain, ont quitté Israël, lundi 3 février, déterminés à témoigner de leur
expérience dès leur retour en France. Ces militants de la paix, parmi lesquels
d'anciens résistants comme Raymond Aubrac, ont tenu à se démarquer des
institutions juives de France.
Ils ont fait part du "choc" ressenti en
découvrant in situles conditions de vie des Palestiniens et la politique de
colonisation du gouvernement israélien."La situation des habitants de Gaza est
scandaleuse, incompatible avec les droits de l'homme et la civilisation
démocratique", a jugé Stéphane Hessel, ancien ambassadeur de France. "Nous avons
observé dans les territoires tous les signes d'une occupation intolérable, qui
explique bien des violences", a renchéri le scientifique Jean-Jacques
Salomon.
Des images et des paroles emmagasinées, chacun a retenu ce qui l'a
le plus révolté. "J'ai été submergé par des termes que je ne connaissais que
dans les livres d'histoire, tels que transfert, déportation, illégalité", s'est
indigné le producteur Sacha Goldman. Pour Annick Weiner, universitaire, la
vision des habitations palestiniennes détruites par l'armée israélienne s'est
superposée, de manière choquante, à celle des "splendides maisons en haut des
collines", celles des colons. Les avancées de la présence israélienne dans les
territoires occupés les ont particulièrement marqués. "J'ai été frappé par le
génie de la colonisation autour de Jérusalem", a souligné le docteur Mathieu de
Brunhoff, évoquant le réseau routier que développent les Israéliens pour couper
la ville du reste de la Cisjordanie.
Optimistes par nature, ces partisans de
la paix n'ont pu masquer un certain pessimisme. "La méfiance, le racisme
partagé, sont contraires à ce qui serait souhaitable pour une solution à court
terme", a estimé M. Salomon. "Côté palestinien, il n'y a plus de matrice pour
une société ; la police, la justice, les prisons ont été détruites", a rappelé
M. Goldman. Leur rapide visite au quartier général dévasté de Yasser Arafat n'a
fait qu'amplifier ce sentiment. "J'ai perçu la faiblesse de l'Autorité
palestinienne, écrasée par Israël et rongée de l'intérieur par une crise de
légitimité", a témoigné M. Salomon. "Nous avons eu le sentiment qu'aucune
solution ne peut venir de l'intérieur ; une intervention internationale est
essentielle", a estimé le chercheur Gérard Toulouse.
Pour eux, le manque de
réaction de la majeure partie de la société israélienne demeure
incompréhensible. "Il est paradoxal de constater que, face à la litanie des
violations des droits élémentaires, si peu de gens soient choqués", s'est étonné
Martin Hirsch, président d'Emmaüs France. Leur admiration pour leurs hôtes, les
pacifistes israéliens, n'en est que renforcée.
15. Les combats de Mecca
Cola par Patrice Claude
in Le Monde du mercredi 5 février 2003
Derrière l'étonnant succès du
Mecca Cola, premier produit engagé de consommation de masse, se dissimulent un
militant et son rêve : créer une télévision arabe en Europe.
La boucherie musulmane du boulevard de la Villette, dans le vieux
Belleville, à Paris, en stocke plusieurs dizaines, juste au-dessus des gondoles
de viande hallal. "C'est le même prix que le Coke. Alors, si on peut éviter de
donner notre flouze à Bush pour qu'il aille encore attaquer des Arabes, autant
le faire, non ? C'est ce que je dis à mes clients en tout cas..." De Belleville
à Casablanca, de Barbès à Tripoli, Amsterdam, Berlin, Bruxelles et bientôt en
Arabie saoudite, dans les Emirats du Golfe persique, au Pakistan, au Bangladesh,
en Indonésie et ailleurs encore, c'est partout la même histoire. Comme dit
Tawfik Mathlouthi, "ils veulent tous mon Mecca Cola..."
Trois millions de bouteilles d'un litre et demi
vendues en quelques mois, 16 autres millions en commande, "entre 250 millions et
300 millions d'ici la fin de l'année", espère l'inventeur. Voici l'incroyable
histoire d'un produit de consommation qui n'existait pas l'été passé, qui fut
lancé par un homme seul, fauché, et qui semble sur le point de conquérir le
monde musulman, voire au-delà, puisqu'un gros commerçant américain de Californie
vient à son tour de passer commande. Quel est ce miracle ?
Qu'y a-t-il donc dans ce "sirop typhon" qu'on
s'arrache ? Réponse : à l'intérieur de la bouteille, rien. Ou plutôt si, il y a
le triste mélange habituel des sodas : de l'eau gazéifiée, du sucre, du sirop de
glucose-fructose, un peu de caféine, un zeste d'acide phosphorique et une dose
d'un colorant caramel poétiquement dénommé E150D. Adeptes du bio, s'abstenir. En
réalité, la martingale que semble avoir découverte Tawfik Mathlouthi, improbable
et nouveau "seigneur des bulles" sur un marché bien encombré, n'est pas à
l'intérieur du récipient. Elle est collée dessus et elle tient en six mots : "Ne
buvez plus idiot, buvez engagé."
Le coup de génie du papa de Mecca Cola est tout
entier dans ce slogan publicitaire et ses déclinaisons politiques subliminales
qu'a très bien comprises notre épicier de Belleville. "Pas un sou pour les
guerres de Bush !" Le breuvage, on l'a compris, ressemble à du Coca-Cola – son
étiquette rouge à grandes lettres blanches pourrait même s'apparenter à une
sorte de plagiat de l'estampille "real thing", il a presque le même goût que le
Coca-Cola ou le Pepsi-Cola – en moins sucré —, et il coûte le même prix que le
fameux brouet américain.
La différence entre l'ancien et le nouveau est
ailleurs. Dans la répartition des profits surtout. Chez Mecca, c'est écrit sur
l'étiquette, et une "Fondation Mecca Cola" qui détient un cinquième du capital
"le garantit". Parole de Tawfik Mathlouthi, 10 % iront à des œuvres caritatives
européennes, "dont celle de l'abbé Pierre", précise-t-il, et dix autres pour
cent seront réservés à des œuvres charitables qui aident l'enfance
palestinienne. Qui ne souscrirait à une consommation plus "éthique"? En ces
temps d'antiaméricanisme virulent dans les pays musulmans où l'on regarde chaque
soir avec rage et mauvaise conscience les "frères palestiniens" combattre et se
faire tuer chez eux par l'armée et les colons d'Israël avec l'apparent
assentiment et les armes de l'Amérique, le boycottage des produits made in USA
est un phénomène en pleine ascension. McDonald's, Coca et les autres admettent
tous une baisse d'activité dans ces régions.
Vint alors le premier "produit de consommation
politique de masse" pour le nouveau siècle. Nul ne peut dire si sa carrière sera
longue ou éphémère, mais pour les tsars du marketing, son envol à la verticale
est déjà un cas d'école. "Culture Pub", l'émission spécialisée de M6 prépare un
dossier sur le sujet. Toutes les grandes chaînes télévisuelles, de France et
d'ailleurs, de BBC-TV à CNN en passant bien sûr par Al-Jazira, ont diffusé des
reportages sur Mecca Cola, "premier produit anti-impérialiste du
millénaire".
On a vu la bonne bouille ronde, les lunettes
cerclées et la barbe taillée au cordeau de M. Tawfik Mathlouthi partout, dans
les news magazines comme dans les quotidiens les plus réputés : du New York
Times à la Stampa en passant par Le Figaro, plusieurs gazettes pakistanaises,
quelques saoudiennes, les principaux journaux du Golfe. Et désormais Le Monde.
Un budget publicitaire de rêve, entièrement gracieux. Dans la presse, on résiste
rarement à une "bonne histoire".
"Tout commence en mai dernier" se souvient notre
homme."A la suite du massacre de Jénine en Palestine occupée" plus précisément.
Militant propalestinien "depuis sa plus tendre enfance en Tunisie", quand l'OLP
de Yasser Arafat y était encore bannie, Tawfik Mathlouthi entend l'appel au
boycottage lancé après Jénine par de nombreux comités de défense spécialisés. Il
se met à chercher le moyen d'embrayer le mouvement en France. Des similis cocas,
il en existe déjà une bonne trentaine de par le monde.
Elle-même accusée en son temps d'avoir un peu copié
sa célèbre – et toujours secrète – recette sur un produit français de la fin du
XIXe siècle qu'on appelait "le vin Mariani", la firme d'Atlanta ne l'ignore pas.
Et ne bouge pas. Le plus célèbre de ces succédanés s'appelle "Zamzam Cola". Il a
été créé en 1979 en Iran pour remplacer "the real thing", décrétée non grata en
république islamique. Zamzam, c'est le nom d'une célèbre source sacrée à La
Mecque. Et La Mecque, en anglais, se dit "Mecca". Mais n'anticipons
pas.
Tawfik Mathlouthi appelle Zamzam à Téhéran. Une
fois, deux fois, dix fois, "impossible d'obtenir un responsable" jure-t-il. "
Moi, tout ce que je voulais, c'était devenir leur représentant en France et
populariser le produit." Agent local de firmes internationales est un job que
notre homme, juriste de formation et consultant agréé de plusieurs grands
"groupes internationaux", connaît bien. A la fin des années 1990, avant de
prendre la mesure du "caractère sanglant du régime Ben Ali" et d'entrer dans
l'opposition tunisienne, il avait obtenu de la société américaine de courrier
rapide, DHL International, l'exclusivité de sa représentation en Tunisie. Il est
d'ailleurs en procès là-bas avec l'un des gendres du président qui lui a soufflé
la place, "en toute illégalité".
Bref, sans réponse idoine des Iraniens, lesquels
n'arrivent déjà plus à fournir une demande qui a décuplé depuis l'an dernier,
notamment en Arabie saoudite, Tawfik Mathlouthi, naturalisé français en 1998, né
le 10 octobre 1956 à Kalâa Kebira en Tunisie, fils aîné et "unique immigré"
d'une famille de neuf enfants élevés par un père enseignant et imam de sa
mosquée, décide de se lancer tout seul dans l'aventure. Il invente
l'appellation, se jette sur Internet, trouve la composition de son produit et se
met en quête d'un producteur. Il découvre vite que "sur les 22 fabricants
français de soda, 18 appartiennent à Coca et Pepsi". L'un des quatre derniers
indépendants accepte de lui faire confiance. L'homme d'affaires emprunte alors,
"à droite, à gauche", la somme de 22 000 euros. Ce sera, dit-il, tout son
viatique.
Il dépose sa marque, commande 160 000 bouteilles et
crée un site – mecca-cola.com – pour populariser son produit. Bingo ! Le 27
septembre, Le Point rédige un petit papier sur la nouveauté. C'est parti. Le 10
octobre, le fabricant remet les premiers échantillons. Le 27, il livre la
commande. Dix jours après, "tout était vendu". La suite est connue. Le siège de
Mecca Cola à Saint Denis, dans la banlieue parisienne, occupe désormais 18 m2 de
bureau et 8 personnes à plein temps. Ce n'est qu'un début. Des partenaires ont
été trouvés dans le Golfe et en Asie, quatre usines sont en construction là-bas
pour fabriquer le Mecca sous licence. Tawfik Mathlouthi a lancé les dés, il a
gagné.
Ce n'est pas son premier essai, mais la chance n'a
pas toujours été au rendez-vous. "Ce type a énormément d'estomac, il vous sort
une idée à la minute et il n'a peur de rien, s'ébahit un de ses amis. Le
problème, c'est qu'il se disperse." Outre ses différents mandats de consultant
(pour le Port de Marseille, Air Corse, Al Amri International Group, etc.),
l'inventeur de Mecca Cola a fondé plusieurs sociétés aux destins divers : un
magazine de business, bien revendu, deux stations de radio, quelques
associations, un prix international pour l'enfance, et même, en 2001, une
formation politique – le Parti de la France plurielle, aujourd'hui en
sommeil.
Grand "tchatcheur" devant l'Eternel, l'homme est un
passionné de communication. En 1995, il ne s'en cache pas, il a même été
conseiller d'Omar Bongo pour la présidentielle du Gabon. Autant, dira-t-on, pour
le combat ardemment revendiqué par lui "contre toutes les dictatures et pour la
démocratie..." Narcissique et généreux, agaçant et séduisant, chaleureux et
calculateur, l'inventeur de Mecca Cola apparaît comme un homme rusé et pétri de
contradictions. Il peut, dans le même battement de cils, vous citer Napoléon et
Gandhi.
Sur Radio Méditerranée, une petite station "beur"
qu'il a fondée et dirige depuis 1992 (en FM, 88,6 MHz) avec un succès mitigé, il
peut agonir "le régime criminel et barbare de Saddam Hussein" et conduire
lui-même à Bagdad quatre délégations d'opposants à la guerre comprenant
notamment son "vieil ami" le professeur Léon Schwartzenberg. Ces voyages ont
fait naître une méchante rumeur sur d'éventuels subsides irakiens ? Il rit : "Si
les Irakiens me finançaient, franchement, je ne serais pas obligé de courir
après les fonds comme je le fais."
Tawfik Mathlouthi est un type un peu énigmatique.
Il se reconnaît lui-même "un peu mégalo, un peu prétentieux peut-être". C'est
quelqu'un qui revendique "de laisser une trace sur terre". En tout cas, il se
voit un destin. "J'ai une ambition illimitée", dit-il. "Pas commerçant", il
refuse l'étiquette mercantile et jure que sa démarche "est cent pour cent
politique". Mais il admet chercher désespérément de l'argent pour mettre sur
pied le grand projet de sa vie, "une véritable idée fixe" intitulée
"Télé-Liberté". Ce serait une sorte de nouvelle Al Jazira, inondant l'Europe en
trois langues – arabe, français et anglais. Les statuts sont déjà déposés. A
Londres, "parce qu'il est impossible de le faire en France, où les esprits
décideurs sont trop liés au sionisme".
Ah, le sionisme ! L'idéologie politique qui a créé
Israël en Palestine en 1948 et dont se réclame toujours Ariel Sharon pour
occuper la plus grande partie du dernier quart des territoires mandataires en
principe réservés aux trois millions de Palestiniens, c'est la grande affaire,
le grand ennemi de "Monsieur Mecca Cola". Sur les ondes de sa station, tous les
dimanches, entre deux pubs pour ses bulles caramélisées, Tawfik Mathlouthi,
ligne ouverte et phrasé saccadé, vitupère contre "le criminel de guerre Sharon
et sa soldatesque".
Fondateur l'an dernier d'une association,
l'Observatoire national contre le racisme et l'antisémitisme à l'égard des
Arabes et des musulmans (Onacram), il attaque bille en tête et souvent nommément
ce qu'il appelle "toutes les dérives prosionistes des pouvoirs et des hommes
politiques en place" dans ce pays. Cela lui vaut quelques ennuis. En décembre,
Radio Méditerranée a été vandalisée, la porte défoncée et des étoiles de David
peinturlurées sur les murs. Les sites Internet de l'extrême droite sioniste le
mettent à l'honneur et l'agonisent d'insultes racistes.
Pour Tawfik Mathlouthi, il n'y a pas à sortir de
là, "le sionisme est une idéologie raciste anti-arabe"qu'il convient de
combattre. A ceux qui, comme Yasser Arafat et l'OLP, ont accepté l'existence
d'Israël sur les trois quarts de la Palestine mandataire, et dont certains
critiquent son radicalisme, il rétorque : "Nous ne combattons pas pour la même
Palestine." Lui, souhaite ouvertement la disparition de ce qu'il n'appelle
jamais que "l'entité sioniste"et son remplacement par un Etat arabe sur la
totalité de la Palestine,"étant entendu que les Juifs de la région pourraient
évidemment y rester et y vivre". Le même homme qui annonce fièrement avoir pour
principal chroniqueur politique "un Juif non sioniste"– il s'agit de Patrick
Azoulay, fils du célèbre chanteur Lili Boniche —, le même qui coupe brutalement
l'antenne à un auditeur quand il le sent déraper de l'antisionisme à
l'antisémitisme, partage, sur le sort d'Israël, exactement la même position que
le Hamas.
Un brin islamiste, le Rastignac de Kebira ? Rien ne
le met plus en colère."Je suis un Arabe, un musulman croyant et fier de l'être,
qui ne va pas assez à la mosquée. Mais je suis aussi un Français, un républicain
et un laïque." L'intégrisme, "c'est le repli sur soi, le contraire de moi". La
semaine dernière, après le Pakistan et le Golfe, Tawfik Mathlouthi est passé à
Londres. Il annonce des partenaires sérieux pour "Télé-Liberté". A suivre
?
16. Raymond Aubrac s'adresse à
la résistance palestinienne propos recueillis par Françoise
Germain-Robin
in L'Humanité du mardi 4 février 2003
Raymond Aubrac est arrivé à Jérusalem mercredi dernier, avec une délégation
de quatorze personnalités, dont plusieurs juifs de France, conduite par
l'ambassadeur Stéphane Hessel. Une visite organisée avec l'association pacifiste
israélienne Gush Shalom (Le bloc de la paix) " pour nous rendre compte par
nous-mêmes de la situation et manifester notre solidarité ", précise
l'ambassadeur. Au cours d'une rencontre avec la presse organisée par le consul
de France à Jérusalem alors que la délégation revenait d'une visite à Ramallah
où elle avait rencontré Yasser Arafat, Raymond Aubrac a livré ses premières
réflexions à l'Humanité : " Ma première impression, dit-il, est que la
résistance palestinienne me semble terriblement mal organisée. Certes, la
résistance est légitime face à l'occupation, et l'occupation israélienne, on le
constate tous les jours, est très brutale. Mais les attentats suicides sont
inacceptables et moralement injustifiables car ils touchent des civils. C'est
très différent de la résistance du Vietnam où je me suis rendu à seize reprises.
Je connaissais très bien Hô Chi Minh. Je l'ai vu travailler : il était très
attentif à l'opinion publique française et il faisait tout ce qu'il pouvait pour
lui faire comprendre la justesse de son combat. Les Palestiniens devraient en
faire autant à l'égard de l'opinion israélienne : expliquer pourquoi ils se
battent et utiliser des méthodes acceptables par la majorité des Israéliens au
lieu de les braquer contre eux avec ces attentats aveugles. Je comprends très
bien ce que peuvent ressentir les Palestiniens face aux humiliations
quotidiennes qu'ils subissent. C'est fait pour recruter des terroristes et,
après cela, avoir un prétexte pour exercer des représailles. On peut comprendre
ces jeunes qui souffrent tant et n'ont aucun avenir devant eux, mais on ne peut
approuver ceux qui les recrutent et les envoient à la mort en leur faisant
commettre ces actes horribles. Pour avoir une chance de se libérer, les
Palestiniens doivent unifier leur résistance, comme nous l'avons fait nous-même
pendant l'occupation. "
17. Leïla Shahid à Saint-Étienne : la paix qui saigne
en Palestine par Jean Thollot
in Le Progrès du lundi
3 février 2003
«En cinquante-cinq ans de conflit, la haine n'a jamais été aussi profonde»,
a dit avant-hier soir à Saint Etienne la déléguée générale de la Palestine en
France. Un drame sur lequel pèse la menace de guerre contre l'Irak.
C'était sa première venue à Saint Etienne, la neige et le froid n'ont pas
découragé ceux que préoccupe le conflit israélo-palestinien. Ils sont venus
nombreux, hier soir, écouter Leïla Shahid, d'autant que la déléguée générale de
la Palestine en France intervenait dans un contexte plus sensible encore pour le
peuple palestinien. Ainsi confie-t-elle d'entrée que la réélection d'Ariel
Sharon lui inspire «une angoisse justifiée par l'évaluation de deux années de
guerre» et que «la quasi totalité des citoyens palestiniens partagent ce
sentiment». Elle ajoute même qu' «en cinquante-cinq ans de conflit, la haine n'a
jamais été aussi profonde» et que ce n'est pas fini: les menaces qui se
précisent d'une guerre contre l'Irak promettent d'en rajouter. D'autant que
«Benyamin Netanyahu a déjà dit son intention d'en profiter pour éliminer Yasser
Arafat et finir de détruire l'Autorité palestinienne».
Les haines accumulées
de part et d'autre ne plaident-elles pas en faveur d'un nouveau leader? «Pas
question de se plier au diktat d'Israël», répond avec force la déléguée de la
Palestine.
«Dans le grand Israël dont rêve le Likoud, il n'y a pas de place
pour un Etat palestinien. Dès lors, tout devient alibi pour ne pas négocier».
Quitte à jouer la carte du pire: «On a le sentiment que chaque fois qu'on
approche d'une trêve que pourraient accepter le Hammas et le Jihad islamique,
une nouvelle vague d'assassinats réamorce la violence et fait tout échouer», dit
Leïla Shahid qui chiffre à trois cents le nombre d'assassinats perpétrés en deux
ans.
«C'est énorme pour une population de seulement trois millions et demi
d'habitants». La couverture des événements par la presse laisse dans l'ombre la
douloureuse question du sort des prisonniers. «Il est très difficile de savoir
où et combien ils sont. Ni la Croix Rouge Internationale ni les avocats n'ont
accès aux camps, au mépris du droit international. Seules des bribes
d'informations nous parviennent par le biais de certaines ONG israéliennes qui
militent pour les Droits de l'Homme, ou encore quand les prisonniers se
révoltent».
«Non assistance à peuple en danger»
De cette manière,
l'objectif des rafles est atteint: «Elles ne visent pas les leaders. Les
leaders, on les assassine. C'est sur des jeunes qu'on fait main basse pour
terroriser la population et briser son moral». Hier soir, une jeune femme
palestinienne, qui vit à Saint Etienne, a donné des nouvelles de ses proches
restés à Naplouse. Un cri pudique de désespoir et de révolte. La mort
programmée, au quotidien. Le silence complice des Nations. «La non assistance à
personne en danger est un délit qu'on punit comme tel. La non assistance à un
peuple en danger n'est-elle pas un délit?» s'indigne l'historien Youssef
Boussamah. Sale temps pour la paix au Proche-Orient. Et toujours pas d'espoir en
vue. Dans ce contexte de barbarie, le moindre geste de fraternité prend
dimension de soleil. Leïla Shahid a remercié les Stéphanois qui ont hébergé et
soigné des enfants de Palestine victimes des conflits. «Vous leur avez rendu un
peu de foi en l'homme. C'est important que l'action citoyenne ne démissionne
pas». Hier, ils étaient près de huit cents à le dire.
18.
Leïla Shahid : "Notre combat est universel" propos recueillis
par Jean Thollot
in Le Progrès (quotidien régional français) du vendredi 31
janvier 2003
La déléguée générale de Palestine en France est à
Saint-Etienne cet après-midi. Au lendemain des élections en Israël et à la
veille d'une possible guerre contre l'Irak qui « finirait de détruire le peuple
palestinien », Leïla Shahid insiste plus que jamais sur la dimension universelle
du conflit israélo-palestinien.
Depuis dix ans qu'elle est déléguée générale de la Palestine en France,
Leïla Shahid se bat avec la force des mots pour la paix de son peuple. Leïla
Shahid est à Saint-Etienne, cet après-midi, à l'initiative de l'association
France Palestine Solidarité. Pour rappeler que le conflit israélo-palestinien
est un conflit universel et pas seulement communautaire : « Se battre pour la
paix en Palestine, c'est se battre pour la paix partout dans le monde ». Elle a
répondu hier à nos questions.
- Comment avez-vous réagi à la
réélection d'Ariel Sharon ?
- Avec beaucoup d'angoisse. C'est
un gouvernement qui ne veut pas de la paix, il a une foi aveugle dans la force
militaire. Cette fois, c'est le camp de la paix en Israël qui est vaincu.
- Le parti travailliste est affaibli.
- Il paie
ses erreurs passées. Lors du sommet de Camp David, l'été 2000, Ehud Barak, qui
dirigeait le gouvernement, a détruit le partenaire palestinien et piétiné le
projet de paix. Le parti travailliste ne s'est pas contenté de faire le jeu
d'Ariel Sharon, il a accepté de servir de caution pour une politique qui a fini
de détruire, en deux ans, tous les acquis d'Oslo, de 1993 à 2001. Quel échec
cuisant pour le parti fondateur de l'Etat d'Israël, il y a 55 ans, celui qui a
porté le projet de paix avec les Palestiniens !
-
Qu'attendez-vous du prochain gouvernement ?
- Qu'il tire la
leçon tragique, pour les Palestiniens mais aussi pour les Israéliens, des deux
dernières années, en renonçant à une politique de répression militaire et de
stratégie uniquement sécuritaire.
- La violence et l'aveuglement
ne sont-ils pas dans les deux camps ?
- L'insécurité, les
kamikases sont la conséquence d'une résistance à une occupation militaire qui
nie la société palestinienne. Ce n'est pas un problème de délinquance juvénile,
ni d'islamisme fondamentaliste. C'est le pourrissement d'une situation
d'occupation, de répression militaire, de pauvreté économique et de désespoir
qui est la cause de la violence dont souffrent les deux peuples. On ne peut y
mettre fin que par une solution politique avec la création d'un Etat
palestinien.
- Et maintenant, la guerre contre l'Irak se
précise.
- Face aux Américains, il n'y a que la position
courageuse de l'Allemagne et de la France, contredite, ce matin, par huit pays
européens qui se rangent aux côtés de l'Amérique.
- Quelles sont
vos craintes ?
- Une nouvelle guerre contre l'Irak aura des
répercussions très graves non seulement pour le peuple irakien, mais pour tous
les peuples de la région, à commencer par les plus vulnérables, comme le peuple
palestinien. Il y a un mois, Benyamin Netanyaou a osé dire qu'Israël profiterait
de l'attaque contre l'Irak pour se débarrasser de Yasser Arafat et de l'Autorité
palestinienne.
- Que peut faire l'Europe ?
- Défendre le droit. L'Europe ne peut pas revendiquer sa crédibilité
lorsqu'elle fait appliquer le droit au Kosovo, en Bosnie, au Koweït et que, dans
le même temps, elle permet à Israël une impunité totale depuis trente-six ans
que les résolutions des Nations unies ne sont pas appliquées. L'Union
européenne, qui est le premier partenaire économique d'Israël, a des
responsabilités et des moyens, telle que la suspension des accords
d'association.
- Et l'opinion publique, comment comptez-vous la
mobiliser ?
- En montrant que l'enjeu du conflit va bien
au-delà de nos frontières. Se battre pour la justice et pour la paix en
Palestine, c'est se battre pour la justice et la paix en France, en Europe,
partout. Si on réussit là-bas, ce sera bon pour nous ici. Et si on y arrive ici,
alors, il est urgent de nous aider là-bas.
19. Des "inspecteurs"
canadiens en quête d'armes de destruction US
Dépêche de l'agence
Reuters du jeudi 30 janvier 2003
OTTAWA - Dénonçant ce qu'elle
qualifie d'"hypocrisie américaine" dans la crise irakienne, une députée
canadienne a annoncé jeudi qu'elle dirigerait une équipe d'inspecteurs
"bénévoles" en désarmement qui se rendront aux Etats-Unis le mois prochain à la
recherche d'armes de destruction massive.
Libby Davies, députée du Nouveau
Parti démocratique à la Chambre des communes à Ottawa, a déclaré que le
président améri cain George W. Bush repr ésentait tout autant un danger pour
l'humanité que le dirigeant irakien Saddam Hussein, dont le régime est
actuellement dans la mire de Washington.
"Notre action a pour but de
contester l'hypocrisie du président américain et sa position sur les armes de
destruction massive", a-t-elle déclaré dans un communiqué.
S'exprimant au nom
d'une nouvelle coalition internationale baptisée "Rooting Out Evil" (Supprimer
le mal), Libby Davis a précisé que les inspecteurs se rendraient dans la région
de Washington le 22 février prochain.
Selon les responsables de la coalition,
les Etats-Unis sont coupables des mêmes torts que ces derniers imputent à l'Irak
-- la possession de grandes quantités d'armes de destruction massive, le manque
de respect envers les Nations unies et la violation de traités internationaux en
vigueur.
"Nous suivons l'exemple de Bush et demandons aux Etats-Unis de nous
donner accès, immédiatement et sans contrainte, à n'importe quel site au pays",
a déclaré Christy Ferguson , l'une des organisatrices de la
campagne.
L'organisme canadien présentera sous peu au secrétaire américain à
la Défense, Donald Rumsfeld, une requête officielle pour autorisations afin
d'effectuer des inspections, a-t-elle ajouté.
Personne n'a pu être contacté
dans l'immédiat à l'ambassade américaine à Ottawa pour commenter cette
initiative.
20. "Les Palestiniens cherchent les moyens
de résister à l'occupation et à trouver du travail" - Interview de Intessar
Al-Wazir propos recueillis par Atef Saqr
in Al-Ahram Hebdo
(hebdomadaire égyptien) du mercredi 29 janvier 2003
Ministre palestinienne des Affaires
sociales, Intessar Al-Wazir décrit les conditions de vie difficiles des
Palestiniens et les maux sociaux dont ils souffrent à cause de l'occupation
militaire israélienne.
— Al-Ahram Hebdo : Quelle est la
situation réelle de la société palestinienne sous l'occupation israélienne,
notamment après plus de deux ans d'Intifada ?
— Intessar Al-Wazir : Le blocus et
le siège ont empêché le déplacement et la circulation entre les villages et les
camps de réfugiés. Du coup, les contacts sont coupés entre les personnes, voire
entre les membres d'une même famille. Les jeunes
représentent 23 % de la population. Cependant, la société renferme un fort taux
de handicapés de l'ordre de 10 %, en raison des affrontements avec les forces
de l'occupation israélienne. Ces gens souffrent de maladies diverses, y compris
psychologiques à cause de l'occupation. L'occupation israélienne a désarticulé
et déchiré le peuple et les territoires palestiniens. Dans ce cadre, nous menons une campagne sérieuse pour offrir une aide
psychologique aux Palestiniens.
— Qui sont les cibles de cette campagne
?
— Au départ, elle se concentrait sur les enfants.
Aujourd'hui, elle se penche sur les problèmes de la femme et de l'enfant,
notamment les épouses des martyrs et des détenus.
— Comment cette prise en charge
psychologique est-elle menée ?
— Elle repose fondamentalement sur l'enseignement
et l'apprentissage. Elle inculque à la mère la façon de réagir au cas où son
enfant est pris de panique ou d'hystérie, le comportement à suivre chez soi en
cas de bombardement. Il est également question de la prise en charge des mères
des martyrs, des épouses des détenus et les familles des blessés, ou celles dont
la maison a été détruite par l'armée israélienne.
Plusieurs associations caritatives et des droits de
l'homme palestiniennes et internationales prennent part à cette campagne, ainsi
que des organisations des Nations-Unies. Des institutions internationales se
sont chargées de trouver des maisons en location aux familles sans abri.
Cependant, ce sont les tentes qui sont la solution la plus courante dans ces
cas. D'autre part, l'UNRWA (Office des Nations-Unies pour les réfugiés
palestiniens) et le ministère du Logement se chargent de construire de nouveaux
logements en location. L'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis financent,
quant à eux, la location de logements pour une durée de 6 mois pour les familles
sans abri. Le ministère des Affaires sociales offre de son côté des couvertures
et des vêtements aux plus défavorisés grâce aux donations qui viennent des Etats
arabes, du Fonds du soutien à l'Intifada, du Croissant-Rouge égyptien et de
l'épouse du président égyptien, Suzanne Moubarak. Le ministère des Affaires
sociales œuvre également en coordination avec la Banque islamique de
développement par l'intermédiaire du Fonds de soutien aux familles de martyrs.
— Quel est l'impact économique du
blocus imposé par Israël sur la vie quotidienne des Palestiniens
?
— Le taux de chômage est de 65 % dans la bande de
Gaza, entre 50 et 55 % en Cisjordanie. 70 % du peuple palestinien vit en dessous
du seuil de pauvreté. Les Israéliens empêchent les ouvriers de se rendre au
travail et interdisent l'importation des matières premières. Les patrons des
usines locales sont souvent obligés de licencier des employés. Le problème
devient complexe et le taux de chômage s'accroît. Car Israël poursuit sa
politique de destruction des usines et des établissements industriels. Il y a de
moins en moins d'offres d'emploi pour les cadres. Ce qui implique la propagation
du travail précaire. Ce qui n'aide bien évidemment pas à redresser
économiquement la société palestinienne.
La réoccupation israélienne des territoires
palestiniens a eu des conséquences désastreuses sur tous les aspects de la vie,
économique, éducative et sanitaire. Le nombre de familles qui ont perdu leur
tuteur est aujourd'hui en forte hausse. Le nombre de victimes palestiniennes de
l'Intifada s'approche de 2 500 martyrs. Par ailleurs, la destruction des terres
cultivées et des oliviers fait perdre aux agriculteurs palestiniens leur
gagne-pain. En outre, l'Autorité palestinienne est aujourd'hui incapable de
payer ses employés.
— Et les jeunes dans tout cela
?
— Contrairement aux jeunes ailleurs, la jeunesse
palestinienne n'a pas de temps, par exemple, pour soutenir des clubs de
football. Elle s'occupe plutôt d'apporter son soutien aux partis et aux
organisations politiques dans le but de renforcer la lutte contre les
Israéliens. Le peuple palestinien cherche le moyen de résister à l'occupation,
et le moyen de trouver un emploi.
L'enfant palestinien peut aujourd'hui distinguer
les divers types de missiles des avions israéliens et même les divers genres de
projectiles des bombes utilisées par l'armée.
— Comment venez-vous en aide à cette
population démunie ?
— Le ministère des Affaires sociales présente des
aides à 48 000 familles à Gaza et en Cisjordanie et à 23 000 familles à
l'extérieur de la Palestine, qui sont les familles des martyrs. Et il y a les
organisations internationales, y compris américaines qui travaillent en
collaboration avec des institutions locales.
— Ces organisations aident-elles les
résistants palestiniens ?
— Non, ceux-ci ne reçoivent aucune aide de ces
organisations. Elles considèrent qu'une telle assistance se traduit par
davantage de « violence et de terrorisme ». Par conséquent, elles se concentrent
sur les questions sociales, comme le développement ou les droits de l'homme.
— Qu'en est-il de l'assistance
financière apportée par les gouvernements arabes ?
— L'Arabie saoudite respecte à la lettre ses
engagements financiers. D'autres Etats tiennent plus ou moins intégralement
leurs promesses alors que d'autres ne le font pas du tout. Nous espérons que
tous les pays pourront aider les Palestiniens dans cette période cruciale.
— Quel est votre avis sur les
accusations lancées contre l'Autorité palestinienne, selon lesquelles cette
dernière a permis l'enrichissement d'une minorité ?
— C'est une campagne menée par l'Etat hébreu contre l'Autorité
palestinienne dans le but de la discréditer. Les Israéliens ne veulent pas faire
la paix avec le peuple palestinien. Preuve la plus parlante est l'assassinat par
un extrémiste de l'ancien premier ministre israélien Yitzhaq Rabin, qui a conclu
l'accord d'Oslo avec les Palestiniens. La société israélienne se dirige vers
l'extrémisme. Et on en est à ce stade parce que les accords de paix auraient dû
aussitôt être mis en application.
Il y a certes une corruption chez nous, comme partout dans le monde. Cela
ne veut pas dire que la corruption est enracinée. Le problème est qu'Israël
désire une autre direction palestinienne qu'il qualifie de « différente ».
Autrement dit, une direction qui abandonne la lutte nationale.
— Pouvez-vous nous évaluer la situation particulière des
habitants de Jérusalem-Est sous l'occupation ?
— Ils souffrent autant que tous les autres Palestiniens à cause du blocus
et des points de passage. Les Israéliens tentent de séparer Jérusalem des autres
villes et villages palestiniennes en vue de la couper de la Cisjordanie. Israël
tente de séparer Jérusalem de son entourage arabe par le blocus. Il empêche les
Palestiniens de se rendre dans la ville en fixant l'âge de ceux qui peuvent
aller prier à la mosquée d'Al-Aqsa.
21. Quand allons-nous résister ? par Edward
Saïd
in The Guardian (quotidien britannique) du samedi 25 janvier
2003
[traduit de l'anglais par
CCIPPP](CCIPPP : Campagne Civile
Internationale pour la Protection du Peuple Palestinien http://www.missions-
palestine.org)"Les
Etats-Unis se préparent à attaquer le monde arabe, et les Arabes sont soumis et
gémissent."Quiconque ouvre le New York Times de façon
quotidienne peut lire l'article le plus récent à propos des préparatifs de
guerre qui occupent les Etat-Unis. Un autre bataillon, encore des transports de
troupes et des croiseurs, un nombre toujours plus important d'avions, de
nouveaux contingents d'officiers sont envoyés dans le Golfe Persique. Une force
énorme et délibérément intimidante est en train d'être rassemblée au-delà des
mers, alors que dans notre pays les mauvaises nouvelles sociales et économiques
se multiplient de façon implacable.
L'immense machine capitaliste parait
vaciller et semble même mettre à bout la majorité des citoyens. Et pourtant
George Bush propose une nouvelle et importante réduction d'impôt pour le 1% le
plus riche de la population. Le système public d'éducation est en crise et une
assurance sociale n'existe tout simplement pas pour 50 millions d'Américains.
Israël demande pour 15 billions de dollars de nouvelles garanties de prêt et
d'aide militaire. Et les taux de chômage aux Etats-Unis augmentent de façon
inexorable en même temps que chaque jour des emplois sont perdus.
Les
préparatifs pour une guerre incroyablement coûteuse se poursuivent néanmoins,
sans approbation publique et, au moins jusqu'à très récemment, avec une évidente
désapprobation. Une indifférence générale de la majorité de la population (qui
peut dissimuler une grande crainte, de l'ignorance ou de l'appréhension) a
accueilli le bellicisme de l'administration [Bush, N.d.T] et son curieux manque
de réponse au défi manifesté par la corée du Nord. Dans le cas de l'Iraq, où il
n'y a pas d'armes de destruction massive dont on puisse parler, les Etats-Unis
planifie une guerre ; dans le cas de la Corée du Nord, ils offrent aide
économique et énergétique. Quelle humiliation dans la différence entre le
traitement imposé aux Arabes et le respect manifesté face à la Corée du Nord,
une dictature aussi sombre et cruelle.
Dans les mondes arabe et musulman, la
situation apparait plus singulière. La plupart des politiciens américains, des
experts, des officiels de l'administration et des journalistes ont répété les
poncifs devenus des standards très éloignés de la réalité de l'Islam et du monde
arabe. Une bonne part de ces poncifs a précédé le 11 septembre. Au cœur unanime
d'aujourd'hui s'est ajouté le rapport des Nations Unies concernant le
développement social du monde Arabe, rapport certifiant que les Arabes sont
dramatiquement à la traîne du reste du monde en ce qui concerne la démocratie,
la connaissance et les droits des femmes.
Chacun sait (avec bien évidemment
quelque justification) que l'Islam demande une réforme et que le système
éducatif dans le monde Arabe est un désastre - de fait, une école pour
fanatiques religieux et bombes humaines [suicide bombers - N.d.T] fondée non
seulement par des imams ayant perdu la raison et leurs riches adeptes (tel
Oussama Ben Laden) mais aussi par des gouvernements considérés comme des alliés
des Etats-Unis.
Les seuls " bons " Arabes sont ceux qui occupent les médias
et dénigrent sans aucune réserve la culture et la société arabe d'aujourd'hui.
Rappelons-nous la répétitivité de leurs condamnations, avec rien à dire de
positif sur eux-mêmes, ni sur leur peuple ni sur leur langue ; ils ne font que
recracher les éternelles et fatigantes formules américaines que l'on trouve sur
les ondes ou les pages imprimées.
Nous manquons de démocratie, disent-ils ;
nous n'avons pas assez mis en cause l'Islam, nous devons faire plus pour nous
débarasser du spectre du nationalisme arabe et du credo de l'unité arabe. Tous
ceci ne serait que détritus idélogiques et sans aucun crédit. Tout ce que nous
disons avec nos instructeurs américains à propos des Arabes et de l'Islam - des
clichés orientalistes recyclés et imprécis, répétés à satiété par des
médiocrités du type de Bernard Lewis - sont exacts, insistent-ils. Le reste ne
serait pas assez réaliste ou pragmatique.
" Nous " avons besoin d'accéder à
la modernité - modernité signifiant de fait que nous soyons occidentalisés,
globalisés, avec un marché libre et une démocratie, quoi que ces mots puissent
signifier. Il pourait y avoir un essai de rédigé sur la prose de grands diplômés
tels Fuad Ajami, Fawwaz Gerges, Kanan Makiya, Shibli Talhami, Mamoon Fandy, et
sur les relents de servilité contenus dans leur langage, l'inauthenticité et la
répétition guindée et désespérée de ce qui leur est imposé.
Le choc des
civilisations, que George Bush et ses esclaves tentent de promouvoir afin de
justifier une guerre préventive pour le pétrole et leurs vues hégémoniques sur
l'Irak, est supposé aboutir à la construction triomphale d'une nation
démocratique, au changement de régime et à une modernisation forcée à
l'américaine.
Qu'importent les bombes et les ravages produits par les
sanctions jamais mentionnées. Il s'agira d'une guerre purificatrice dont les
buts sont de chasser Saddam et ses sbires et de les remplacer tout en
redessinant la carte de toute la région. Nouveau Sykes Picot. Nouveau Balfour.
Nouveaux 14 points de Wilson. Monde tout à fait nouveau. Nous sommes appelés par
les Irakiens dissidents, et les Irakiens fêteront leur libération et oublieront
peut-être leurs souffrances passées. Peut-être …
Pendant ce temps, la
destruction des âmes et des corps se poursuit en Palestine, empirant à chaque
instant. Il ne semble pas y avoir de force capable de stopper Ariel Sharon et
son ministre de la défense, Shaul Mofaz, lesquels meuglent leur défi au monde
entier. Nous interdisons, nous punissons, nous bannissons, nous brisons, nous
détruisons. Le torrent d'une violence sans frein s'abat sur une population
entière.
Au moment où j'écris ces lignes, j'ai reçu une information selon
laquelle le village d'Al-Daba' dans le district de Qalqilya (Cisjordanie) est
sur le point d'être rayé de la carte par les bulldozers israéliens (fabriqués
aux Etats-Unis) de 60 tonnes : 250 Palestiniens perdront leurs 42 maisons, 700
dunums de terre agricole, une mosquée et une école élémentaire pour 132 enfants.
Les Nations Unies restent passives, contemplant comment à chaque heure sont
transgressées ses résolutions. Hélas, George Bush s'identifie à Ariel Sharon, et
non pas au jeune Palestinien de 16 ans utilisé comme bouclier humain par les
soldats israéliens.
Pendant ce temps, l'Autorité Palestinienne propose un
retour aux pourparlers de paix, et probablement à Oslo. Bien qu'ayant été floué
pendant 10 ans, Arafat paraît inexplicablement vouloir y revenir. Ses fidèles
lieutenants produisent des déclarations et écrivent des contributions dans la
presse, suggérant leur bonne volonté à accepter quelque chose que ce soit. De
façon tout à fait remarquable, la grande masse de ce peuple héroïque paraît
vouloir aller de l'avant, sans paix et sans répit, saignant, affamé, mourant
jour après jour. Leur confiance en la justesse de leur cause et leur dignité
leur interdisent de se soumettre honteusement à Israël comme l'ont fait leurs
responsables. Que peut-il y avoir de plus décourageant pour l'habitant de Gaza
qui résiste à l'occupation israélienne, que de voir ses dirigeants jouant les
suppliants à genoux devant les Américains ?
Dans ce panorama de désolation,
ce qui saute aux yeux est la totale passivité et l'impuissance de tout le monde
Arabe. Le gouvernement américain et ses valets, déclaration après déclaration,
affichent leurs objectifs, déplacent des troupes et du matériel, transportent
des tanks et des contre-torpilleurs, et les Arabes, individuellement et
collectivement peuvent à peine, en rassemblant leur courage, manifester un
faible refus. Au mieux ils disent : " Non, vous ne pouvez pas utiliser nos bases
militaires sur notre territoire ", pour se déjuger quelques jours plus
tard.
Pourquoi un tel silence et une impuissance aussi stupéfiante ? La
puissance dominante dans le monde est en train de préparer une guerre contre un
pays Arabe souverain actuellement gouverné par un régime épouvantable, avec pour
objectif non seulement de détruire le régime du Ba'ath mais aussi de refaire la
carte de tout le monde Arabe, en changeant peut-être d'autres régimes et
d'autres frontières dans la foulée. Personne ne pourra se mettre à l'abri d'un
tel cataclysme s'il se produit. Et nous n'avons droit qu'à un long silence suivi
de quelques bêlements polis en guise de réponse. Des millions de personnes vont
être affectées, et l'Amérique planifie leur futur avec mépris et sans les
consulter. Est-ce que nous méritons un tel mépris raciste ?
Ceci n'est pas
seulement inacceptable mais aussi impossible à croire. Comment une région de 300
millions d'individus peut-elle attendre passivement les coups à venir sans
pousser un hurlement collectif de résistance ? Le monde Arabe s'est-il dissout ?
Même un prisonnier sur le point d'être exécuté prononce en général quelques
mots. Pourquoi n'y a-t-il pas à présent une ultime déclaration pour toute une
région historique, pour une civilisation sur le point dêtre bousculée et
totalement transformée, pour une société qui malgré ses inconvénients et ses
faiblesses, fonctionne ?
Des enfants Arabes naissent tous les jours, d'autres
enfants vont à l'école, des hommes et des femmes se marient, travaillent, ont
des enfants ; ils jouent, et rient, et mangent, ils sont tristes, ils souffrent
de maladie et de mort. Il y a de l'amour et de la compagnie, de l'amitié et de
l'enthousiasme. Oui, les Arabes sont réprimés et mal gouvernés, terriblement mal
gouvernés, mais ils s'adaptent malgré tout dans leur travail et dans leur vie.
C'est une réalité ignorée des dirigeants arabes et des Etats-Unis lorsqu'ils
gesticulent à destination d'une soit-disante "rue Arabe" [Arabe street - N.d.T],
concept inventé par de médiocres orientalistes.
Qui traite aujourd'hui des
questions existentielles qui se posent à propos du futur de notre peuple ? La
tâche ne peut pas dépendre d'une cacophonie de religieux fanatiques ni de
moutons fatalistes et soumis. Mais il semble que ce soit malgré tout le cas. Les
gouvernements Arabes - non, la plupart des pays Arabes - se reculent dans leurs
sièges et attendent, tandis que l'Amérique prend des poses, met en garde et
menace, tout en alignant plus de bateaux, de soldats et de F-16 avant de porter
ses coups. Le silence est assourdissant.
Des années de sacrifices et de
luttes, d'os brisés dans des centaines de prisons et chambres de tortures de
l'Atlantique jusqu'au Golfe, des familles détruites, de la pauvreté et de la
souffrance sans fin. Des armées énormes et chères. Et tout cela pour quoi
?
Ce n'est pas une question de parti, d'idéologie ou de faction : c'est une
question que le grand théologien Paul Tillich nommait le sérieux ultime
[ultimate seriousness, N.d.T]. La technonologie, la modernisation et une
inévitable globalisation ne constituent pas une réponse face à ce qui nous
menace maintenant. Nous avons dans notre tradition une part complète de discours
séculaire et religieux traitant de début et de fin, de vie et de mort, d'amour
et de colère, de société et d'histoire. Mais aucune voix, aucun individu
disposant d'une large vision et d'une autorité morale parait capable d'y puiser
et de porter cela à l'attention.
Nous sommes à la veille d'une catastrophe et
nos dirigeants politiques, moraux et religieux font de timides mises en garde
et, tout en se dissimulant derrière des chuchotements, des clins d'oeil de
connivence et des portes fermées, ils font des plans sur les moyens d'échapper à
la tempête. Ils réfléchissent à leur survie et peut-être à la providence. Mais
qui est en charge du présent, de ce qui est matériel, de la terre, de l'eau, de
l'air et des vies qui dépendent des uns et des autres ? Personne ne parait avoir
cette responsabilité.
Il y a une expression magnifique qui exprime de façon
précise et ironique notre inacceptable impuissance, notre passivité et notre
incapacité à nous aider les uns les autres alors que notre force serait requise.
Cette expression est : la dernière personne à sortir peut-elle éteindre les
lumières ?
Nous sommes à la veille d'un bouleversement qui laissera peu de
chose debout et qui dangereusement laissera même peu de chose dont on puisse se
souvenir, excepté la dernière injonction pour faire disparaître la lumière.
Le temps n'est-il pas venu d'affirmer une sincère alternative pour le monde
Arabe, face aux ravages sur le point d'engloutir notre société ? Il ne s'agit
pas d'invoquer uniquement un changement de régime, et Dieu sait comme nous
savons le faire. En tout cas cela ne peut être un retour à Oslo qui serait une
nouvelle supplication à Israël d'accepter notre existence et de nous laisser
vivre en paix, ou autrement dit une autre incitation servile et rampante à la
pitié. Personne ne viendra donc se mettre en pleine lumière pour refléter une
vision de notre futur qui ne soit pas basée sur un scénario écrit par Donal
Rumsfeld et Paul Wolfowitz, ces deux symboles de nullité du pouvoir et
d'arrogance incontinente ?
J'espère que quelqu'un m'entend
....
22. Nous attendons toujours
l’application de la 242 par Paul Foot
in The Guardian (quotidien
britannique) du mercredi 13 novembre 2002
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Les photos triomphalistes des journaux,
montrant les quinze membres du Conseil de Sécurité de l’ONU au complet (pas un
ne manque !) votant à l’unanimité la résolution 1441 sur l’Irak, m’ont rappelé
une image assez semblable, qui a trôné dans la maison de mes parents pendant une
bonne décade. Mon père, Hugh Foot, qui fut ennobli en Lord Caradon, passa le
plus clair de son existence en tant que fonctionnaire colonial. Il contribua à
ramener l’Union Jack, au Nigeria, où il était secrétaire général, à la Jamaïque
et à Chypre, où il fut gouverneur. Mais, de très loin, ce dont il était le plus
fier, c’était d’avoir été le représentant du Royaume-Uni à l’ONU en 1967, année
où il parvint, après cinq mois de négociations soutenues et délicates, à
persuader l’ensemble des quinze membres du Conseil de Sécurité de voter la
résolution 242. Il avait fait encadrer la photo du scrutin, et cette photo a
trôné fièrement sur son bureau jusqu’à sa mort, en 1990.
La résolution 242
portait sur la conquête et l’occupation de territoires par l’armée israélienne
au cours de la guerre de juin 1967 (dite ‘des six jours’), territoires peuplés
majoritairement de Palestiniens. Elle appelait au « retrait des forces
israéliennes des territoires conquis au cours du récent conflit ». Les termes de
cette résolution ont fait l’objet de débats très vifs, depuis lors. Des juristes
pro-israéliens futés font observer que le mot « tous » (all) n’apparaît pas,
dans le texte anglais, devant les mots « territoires occupés » (… territories
occupied…) et que, par conséquent, la résolution laisse toute latitude à l’armée
israélienne de se retirer seulement de « certains » (‘some’) territoires
occupés, et non pas de la totalité. Ainsi, j’ai été très heureux de lire un
article dans la dernière livraison de la très sérieuse revue International and
Comparative Law Quarterly, écrit par le procureur de Londres John McHugo. Il y
démolit méticuleusement et exhaustivement ce qu’il appelle la version « de
droite » de cette résolution. Afin d’illustrer son propos, il cite l’exemple
d’une pancarte, dans un parc public, qui annoncerait « les chiens doivent être
tenus en laisse » (‘dogs must be kept on a lead’) en demandant si cela peut être
interprété dans le sens : « certains chiens doivent être tenus en laisse »
(‘some dogs must be kept on a lead’), ou bien dans le sens : « tous les chiens
doivent être tenus en laisse » (‘all dogs must be kept on a lead’) ? Plus
sérieusement, il interprète la résolution 242 dans le contexte de son préambule
qui insiste sur l’ « inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la
guerre ». Après avoir analysé les différentes contributions au débat ayant
précédé l’adoption de la résolution, à l’ONU, dont celle de mon père, il conclut
que la résolution voulait bien dire ce qu’elle voulait dire, à savoir : les
forces israéliennes doivent être retirées des territoires qu’elles ont occupées
au cours de la guerre des six jours : la Cisjordanie, la bande de Gaza, les
hauteurs du Golan et une grande partie de Jérusalem.
Quel rapport, entre les
réactions après l’adoption de la résolution 242, et celles constatées après la
résolution adoptée la semaine dernière concernant l’Irak ? La résolution sur
l’Irak a été adoptée avec une hâte qui frise la précipitation. Les inspecteurs
en armement sont attendus en Irak sous huitaine, et à la moindre hésitation,
fût-elle momentanée, de la part du gouvernement irakien, tout le monde suppose
qu’une guerre s’ensuivra. La résolution 242, par ailleurs, a été prise voici 35
ans. Durant tout ce temps, elle a été ignorée avec mépris par le
gouvernement israélien. Quelle conclusion pouvons-nous tirer de cette
comparaison ?
Certains juristes internationaux avancent l’argument que la
résolution ‘Irak’ a été adoptée dans le cadre du chapitre VII de la charte de
l’ONU et que, par conséquent, elle exige une prise de décision rapide en cas
d’infraction, ce qui n’est pas le cas de la résolution 242. Et pourquoi donc ?
Pourquoi l’exigence du retrait israélien des territoires occupés n’est-elle pas
soutenue par la menace du recours à la force ? Comme le président Bush l’a
déclaré lui-même dans son discours devant l’Assemblée générale de l’ONU, le 12
septembre : « Les résolutions du Conseil de Sécurité sont-elles faites pour être
appliquées, ou bien pour être mis dans un coin, sans aucune conséquence ? »
L’argument qui tue, derrière le ‘deux poids – deux mesures’ (‘double standard’)
semble être ceci : les résolutions unanimes de l’ONU allant dans le sens de
l’impérialisme pétrolier des Etats-Unis seront mises en applications avec la
rigueur militaire la plus impitoyable, tandis que les résolutions de l’ONU
prises à l’unanimité mais dirigées contre des Etats amis des Etats-Unis seront
ignorées. Est-ce cela, que les fondateurs de l’ONU avaient à l’esprit ? Ce n’est
pas clair. Ce qui est, en revanche, parfaitement clair, c’est que, quoi qu’il
arrive en Irak, la Palestine restera le Problème numéro 1…
23. Après l’Irak, Bush
attaquera sa cible véritable par Eric Margolis
in Toronto Sun
(quotidien canadien) du lundi 10 novembre 2002
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
(Eric Margolis connaît bien la
politique au Moyen-Orient. Il met en lumière ici un des aspects de la guerre
contre l’Irak, rarement débattu. La cible visée, in fine, est l’Iran, un pays à
l’industrie nucléaire naissante, qui préoccupe beaucoup plus Israël que ne le
fait l’ogre irakien édenté.)
New York – Le président Bush, drapé dans le ‘Stars and Stripes’ (étoiles et
rayures), le drapeau américain, a remporté une victoire électorale majeure, la
semaine dernière, qui a vu les électeurs américains lui confier les clés à la
fois du Congrès et du parti Républicain. Aux élections de mi-mandat
(‘mid-term’), comme celles-ci, le parti au pouvoir s’en tire généralement plutôt
mal. Mais cette année, l’électorat, pétrifié par la hantise du terrorisme et
qu’une propagande survoltée avait mis dans un état de fébrilité guerrière, a
massivement voté républicain. Merci, Oussama ! Et puis, aussi, n’oublions pas :
merci, Saddam !
Une photo, poignante, en disait des volumes, à elle seule :
celle montrant le sénateur Démocrate de l’Etat de Géorgie, Max Cleland, assis
dans un fauteuil à roulettes. Il est cul de jatte et a perdu un bras, dans les
combats au Vietnam. Ce héros surmédaillé a été battu par un ancien fauteur de
guerre au Vietnam, qui eut l’audace de l’accuser, durant sa campagne électorale,
d’avoir été « antipatriote » après que le sénateur eût voté courageusement
contre les pleins pouvoirs demandés par Bush en vue de sa guerre annoncée. Je
n’ai pas souvenir d’un moment plus honteux dans toute la vie politique
américaine…
La victoire accordée à Bush est clairement un feu vert qui vient
de lui être donné pour poursuivre sa croisade contre l’Irak. Les préparations
guerrières en sont à un stade ultime. Depuis des semaines, les Etats-Unis
déménagent tranquillement leur armada, leurs blindés et leurs unités mécanisées
d’Europe au Moyen-Orient. L’équivalent de trois divisions terrestres et d’une
brigade lourde de la Marine sont désormais à pied d’œuvre, presque sur le
théâtre des opérations. Des forces spéciales américaines opèrent dans le nord de
l’Irak, et aussi, en coopération avec des unités de repérage israéliennes, dans
le désert occidental de l’Irak, tout près de la base aérienne H2, extrêmement
importante sur le plan stratégique. La guerre pourrait débuter dès la
mi-décembre, à moins qu’un coup d’Etat renverse Saddam Hussein d’ici
là…
Mais, en dépit d’un flot de propagande autour du pernicieux Saddam,
l’Irak n’est pas l’objectif principal de la petite, mais néanmoins pittoresque,
coterie de faucons qui, au Pentagone, dirigent la politique de sécurité
nationale de l’administration Bush. L’Irak n’est pas, non plus, l’objectif de
leurs homologues intellectuels et émotionnels dans le parti israélien de droite,
le Likud. La cible réelle de la guerre annoncée est l’Iran, pays en lequel
Israël voit son ennemi principal. Et aussi le plus dangereux. L’Irak sert
simplement de prétexte permettant de fouetter les sangs de l’Amérique afin de la
placer dans une frénésie guerrière et de justifier l’envoi d’un grand nombre de
soldats américains en Mésopotamie.
Menace mineure
Les responsables israéliens de la défense ont depuis longtemps remisé
l’Irak en ruines dans la catégorie des menaces mineures, même si ce pays détient
encore vraisemblablement des missiles Scud, qu’il tient cachés et qui seraient
au nombre, au minimum de six et au maximum de dix-huit. Saddam n’a pas utilisé
d’armes chimiques en 1991 [lors de ses bombardements du territoire israélien,
ndt] de crainte qu’Israël ne riposte en le ‘nucléarisant’. Israël dispose,
aujourd’hui, du système anti-missiles le plus évolué au monde – Arrow – dont
deux batteries sont d’ores et déjà opérationnelles, ainsi que de nombreuses
batteries de missiles américains Patriot de dernière génération, déjà en
place.
L’opinion dominante au sein de la soldatesque israélienne est que
l’Irak sera rapidement défait par les forces américaines, après quoi ce pays
sera vraisemblablement scindé entre deux ou trois cantons. Les partisans nord
américains d’Israël, toutefois, continuent à être entretenus ‘dans la ligne du
parti’, selon laquelle Israël est en danger de mort, ce danger provenant de
l’Irak…
L’Iran, c’est une autre histoire. L’Iran est susceptible de produire
quelques bombes nucléaires d’ici cinq ans, afin de faire face au très important
arsenal nucléaire israélien, et il développe des missiles à moyenne portée, les
Shihab 3 et Shihab 4, qui peuvent atteindre Tel Aviv facilement.
Avec ses 68
millions d’habitants et sa puissance industrielle en croissance rapide, l’Iran
représente aux yeux des Israéliens une menace sérieuse et un rival géopolitique
majeur, au Moyen-Orient. Les deux pays louchent sur les énormes réserves
pétrolières de l’Irak.
Le ministre de la défense israélien nouvellement
nommé, un dur, ancien général de l’aviation israélienne, Shaul Mofaz, lequel est
né en Iran, a déjà menacé, par le passé, de s’en prendre aux installations
nucléaires de l’Iran. Grâce à ses avions F-15 I fournis (surprise, surprise…)
par les Etats-Unis, auxquels s’ajoutent ses missiles de croisière et ses
missiles balistiques, Israël peut frapper toutes les cibles qu’il désire, en
n’importe quel point de l’immense territoire iranien. Cette semaine, la
stratégie israélienne à grande échelle a été révélée sans ambages, pour la
première fois, même si cette information a été à peine relevée par les médias
nord américains. En effet, le premier ministre israélien Ariel Sharon a appelé à
l’invasion de l’Iran « dès le lendemain » de l’écrasement de l’Irak…
Les
élections en Israël, prévues pour la fin janvier 2003, renouvelleront
vraisemblablement le mandat du Likud de Sharon et de ses alliés d’extrême
droite, qui seront, cette fois-ci, en position de force. Une compétition féroce,
pour la direction du parti, entre l’homme aux poings d’acier, Sharon, et
Benjamin Netanyahou, encore plus dur que celui-ci, laisse entrevoir la
perspective d’une accentuation du virage vers l’extrême droite, l’annihilation
de toute chance de paix avec les Palestiniens et une politique plus agressive
envers les voisins qui ne filent pas le parfait amour avec Israël.
Aux
Etats-Unis, les partisans de la tendance dure au Pentagone élaborent des plans
d’invasion de l’Iran, une fois que l’Irak et son pétrole auront été « libérés ».
Ils espèrent qu’une guerre civile éclatera en Iran, pays déchiré depuis des
siècles par des dissensions entre factions se haïssant cordialement, après quoi
un régime pro-américain s’emparerait des manettes, à Téhéran. Si cette évolution
espérée au Pentagone tarde à se dessiner, pas de problème : des forces
américaines basées en Irak se positionneront de manière idoine, afin d’attaquer
l’Iran… Ou bien, elles pourraient tout aussi bien faire mouvement vers l’ouest
et envahir la Syrie, autre ennemi d’Israël, et non des moindres…
Les
Likudniks israéliens sont assoiffés de revanche contre la Syrie – et aussi
l’Iran – car ces deux pays ont soutenu le mouvement Hezbollah au Liban, qui a
réussi à chasser l’armée israélienne du Sud de ce pays, occupé par Israël et ses
supplétifs.
Le superfaucon du Pentagon, Richard Perle, a déclaré lors d’une
émission de la chaîne de télévision TVO intitulée ‘Immunité Diplomatique’, que
les Etats-Unis sont prêts à attaquer la Syrie, l’Iran et le Liban…
Aux
environs de février-mars, les médias américains seront vraisemblablement saturés
d’avertissements alarmistes au sujet de la menace que l’Iran est censé
représenter pour le monde entier. Le lobby pro-israélien aux Etats-Unis
détournera ses flingues de l’Irak pour les pointer sur l’Iran. Des « liens »
seront, très vraisemblablement, « découverts » opportunément entre l’Iran et
l’organisation terroriste Al-Qa’ida… Le système à l’emporte-pièce qui a si bien
fonctionné pour faire monter la mayonnaise de la psychose de guerre contre
l’Irak pourrait tout aussi bien fonctionner contre l’Iran, la Syrie, ou même
l’Arabie Saoudite – et permettre (à Bush) de remporter les prochaines élections
présidentielles
américaines…
24. La mauvaise conscience du
sionisme par Joel Kovel
in Tikkun (bimensuel américain) du
mois de septembre/octobre 2002
[traduit de
l'anglais par Marcel Charbonnier](Joel Kovel
enseigne à Bard College. Son dernier ouvrage, "The Enemy of Nature", vient
d’être publié par Palgrave (Zed Books, Londres). Pour plus d’information, voici
l’adresse de son site personnel : http://joelkovel.org.
"Tikkun" signifie "Réparation" en hébreu, ce magazine publié à San Francisco, se
défini comme un bimensuel Juif de critique politique, de culture et de société.
Son site : http://www.tikkun.org)Permettez-moi
de commencer par quelques questions très directes, dont le caractère abrupt ne
jurera pas sur la toile de fond de la situation en Israël/Palestine. Comment les
juifs, associés depuis des temps immémoriaux à la souffrance et à de hautes
considérations morales, en sont-ils venus à être identifiés à un Etat-nation
mondialement honni en raison de son caractère oppressif à l’égard d’un peuple
indigène ployant sous son joug ? Pourquoi une majorité substantielle de juifs
a-t-elle choisi de tromper l’opinion mondiale afin de la rallier à un Etat connu
essentiellement pour avoir fait de territoires qu’il occupe illégalement un
énorme camp de concentration, contraignant les populations soumises à son
occupation à recourir à des expédients aussi incroyablement barbares que des
attentats suicides ? Pourquoi la communauté sioniste, dans sa rage impuissante
contre le terrorisme, oublie-t-elle que trois premiers ministres d’Israël, au
cours des vingt dernières années – Begin, Shamir et Sharon – sont unanimement
connus pour avoir été des terroristes de première classe et des assassins de
masse ? Et pourquoi ces mots que je viens tout juste d’écrire – ainsi que
les propos d’autres juifs critiquant Israël – doivent-ils être systématiquement
vilipendés haineusement et amèrement dénoncés par les sionistes et qualifiés par
eux de « typiques du juif se haïssant lui-même » et d’ « antisémites » ?
Pourquoi donc les sionistes ne voient-ils pas, ou plus exactement - voient mais
continuent à nier - la réalité brutale que cet Etat a créée ?
L’utilisation
que je viens de faire de la notion de déni suggère que la communauté sioniste
justifie d’un traitement psychologique. Mais en ces matières, la psychologie
n’est qu’un des aspects d’un ensemble beaucoup plus important qui inclut des
faits têtus, et notamment l’occupation par la force d’un territoire revendiqué,
mais autrefois habité par d’autres. Les phénomènes de conscience relèvent certes
d’un traitement subjectif. Mais ils ne naissent jamais à l’intérieur des esprits
ni ne restent jamais limités à des pensées et à des sentiments. La conscience
est également objective, elle est liée à des notions telles la justice et la
loi, qui existent à l’extérieur d’une volonté individuelle quelconque. La
conscience est aussi collective, elle est relative à ce qui est fait par le
groupe à l’intérieur duquel l’identité prend forme. Ces phénomènes de groupe
sont, pouvons-nous dire, organisés en « univers moraux », dans lesquels
l’histoire, la mythologie et les comportements moraux individuels sont
rassemblés et fusionnés en un ensemble plus large. De tels univers peuvent à
leur tour être universalisants, en ce sens que cet ensemble en inclut d’autres,
qui sont perçus comme des parties constituantes de la commune humanité (ou, dans
le cas des créatures non-humaines, de la nature). Ou bien alors, comme c’est
trop souvent le cas, ils peuvent être unis au seul moyen (et au seul prix) d’une
sécession d’avec les facultés morales.
La situation qui prévaut aujourd’hui
en Israël/Palestine est une situation où la commune humanité est déniée, où
l’Autre n’est pas reconnu, et où prévaut le deux poids – deux mesures (‘double
standard’). Dans une conception telle que celle-là (qui a entaché l’Histoire
depuis ses origines et constitue l’un des principaux obstacles à l’avènement
d’un monde meilleur), c’est la loi du talion qui règne : la violence envers
Autrui est approuvée et la violence venant d’Autrui est diabolisée. Comme dans
les domaines de la matière et de l’anti-matière, chacun de ces univers moraux
est associé de manière bijective avec ceux du domaine antagoniste. Mais un tel
effet de miroir n’implique nullement une équivalence morale ; il n’y a aucun
doute à avoir sur le fait que ceux qui ont dépossédé autrui et occupent
illégalement le territoire national d’autrui endossent la culpabilité initiale.
Ceci n’excuse en rien telles ou telles exactions palestiniennes ou arabes qui se
sont manifestées au cours des affrontements – les admettre reviendrait à perdre
son sens moral – mais donne seul le contexte permettant de comprendre le conflit
à un niveau plus profond et nous oblige à examiner avec un soin particulier la
situation curieuse qui est celle des juifs. En dépit des innombrables variantes
qui existent entre les différentes fractions du judaïsme, certaines forces
historiques communes ont abouti à un dilemme commun et ont joué un rôle crucial
dans l’apparition et l’épanouissement du sionisme.
De tout temps, les juifs
sont supposés savoir mieux, être mieux (que les autres). D’avoir été persécuté
et d’avoir vécu éternellement aux marges de l’Europe était supposé avoir rendu
les juifs moralement plus développés. Je parle d’expérience, ayant été éduqué,
depuis ma plus tendre enfance, dans l’idée que j’avais hérité d’une double
supériorité, du simple fait que j’appartenais à un peuple à la fois plus
intelligent et plus moral que les non-juifs qui nous entouraient. Nous, juifs,
étions les exceptions de l’Histoire.
Un mythe avait rendu cette croyance
cohérente, à travers les siècles, tout en donnant forme à l’identité juive : il
y avait un « pacte », une sorte de traité spécial, de promesse, entre les juifs
et Dieu. Un livre, appartenant au petit univers de mon enfance, aux jours de la
Yeshiva [première communauté juive en Palestine, avant la création d’Israël,
ndt], avait pour titre : « Quelle idée, tout de même, ce Bon Dieu : aller
choisir les juifs ? »
Le sentiment d’avoir été choisi par l’Etre Suprême et
d’avoir été de ce fait placé au-dessus des simples « goyim » [les non-juifs,
ndt] , cela vous donne un optimisme et un allant indéniables. Les implications
morales douteuses de cette attitude et le mépris haineux qui l’accompagnaient
souvent – on aurait presque pu entendre s’écraser le crachat sur le trottoir
lorsque le mot « goyim » était prononcé – étaient équilibrés par le fait que les
juifs parlaient depuis une position de victimes. L’exceptionnalisme juif était
une sorte d’acompte qui annulait les siècles de réclusion dans des ghettos, de
déni des droits fondamentaux tel le droit à posséder des terres, de persécution,
de chasses à l’homme, de massacres, d’expulsions, pour ne pas parler de ce que
cela représentait d’être en permanence dans la ligne de mire du système raciste
régnant - l’antisémitisme.
D’avoir vécu avec l’antisémitisme, même dans les
périodes où sa violence ouverte était plus latente, a contribué à promouvoir la
conscience de soi du caractère juif et aussi sa sensibilité à fleur de peau.
Aujourd’hui encore, peu de juifs sont tout à fait capables de ne pas ressentir
la peur viscérale inhérente à l’héritage du judaïsme : il existe toujours un
arrière-fond de reproche, qui est lourd du pogrom à venir. Un juif vit encore
aujourd’hui avec le fait que son peuple a été pris pour bouc émissaire, des
siècles durant, par l’Europe chrétienne – nous entendons toujours, dans notre
tête, dire que les juifs étaient les assassins du Christ, et qu’ils sont donc
responsables des échecs de la chrétienté ; la destruction de la vie
communautaire médiévale (en Europe) était attribuée aux usuriers juifs, et non
pas aux propriétaires terriens, les barons ; les juifs étaient tenus
responsables de la misère du peuple russe, et non le Tsar… De multiples façons,
trop nombreuses pour les énumérer ici, les juifs devaient payer pour les crimes
de l’Occident, et pour la trahison de ses idéaux. L’exaltation particulière liée
à la persuasion d’être soi-même le peuple élu est à la fois le résultat et
aussi, dans une certaine mesure, la cause de la persécution antisémite : ils
nous haïssent, mais nous sommes meilleurs qu’eux ; de là : s’ils nous haïssent,
c’est parce que nous sommes meilleurs qu’eux. L’exceptionnalisme a renforcé le
tribalisme imposé aux juifs et leur tribalisme a été l’instrument de
l’antisémitisme, même s’il les en défendait.
C’est dans cette configuration
qu’une grande variété de manières d’être juif apparurent. Elles comportaient, en
particulier pour les juifs vivant en diaspora en Europe occidentale, la
possibilité de s’assimiler ou de rester à l’écart des sociétés où ils
habitaient. Certains juifs, bien entendu, se reposèrent sur la protection
assurée par les mœurs tribales, qui leur offraient un moyen de se défendre
contre un monde très dur et ostracisant. D’autres embrassèrent les professions
financières qui avaient été imposées aux juifs bien avant que le capitalisme ne
devienne le système dominant, et ils les développèrent, devenant les maîtres de
la finance lorsque le capital en vint à occuper le centre de la scène. En
Occident, certains juifs virent dans les grands idéaux de l’universalité et des
Lumières un moyen de transcender le rôle tribal étriqué qui leur avait été
jusqu’alors imparti. Ayant été persécuté, après s’être vu dénier les droits
élémentaires d’autodétermination accordés aux autres, les juifs de cette
catégorie adoptèrent l’idéal des droits universels de l’homme, apparus à l’ère
des Lumières (dix-huitième siècle, ndt) et se firent les champions de
l’émancipation.
Ensuite, vers la fin du dix-neuvième siècle, l’ancienne
alliance du Pacte prit la forme d’une Terre promise bien réelle. Israël offrit
aux juifs d’Europe l’opportunité matérielle d’équilibrer les tensions entre le
tribalisme et l’esprit des Lumières. Poussé par la montée de l’antisémitisme qui
avait commencé quelques années auparavant et qui allait culminer en donnant un
stimulus horrifiant au Troisième Reich, Israël devint la résidence de la tribu,
l’endroit sûr où les juifs pouvaient être juifs. Concomitamment, Israël offrait
aux juifs qui s’identifiaient au libéralisme des Lumières la possibilité de
démontrer leur compétence dans les industries libérales occidentales (y compris
socialistes). Ainsi, naquit un projet qui aspirait à combiner et à synthétiser
ensemble les valeurs démocratiques occidentales et des valeurs tribales
ancestrales.
De l’Occident, les sionistes adoptèrent les valeurs de la
démocratie libérale, mais aussi les objectifs, les tactiques et la mentalité
d’un impérialisme qui accompagnaient très généralement celle-ci. La convergence
entre tribalisme et impérialisme parut, en surface, représenter une symbiose
heureuse des différentes motivations du projet sioniste. A partir des toutes
premières implantations juives en Palestine, la mentalité impérialiste permit
aux sionistes d’immédiatement « justifier » le déplacement auquel ils
procédaient des indigènes palestiniens en invoquant la notion d’une « mission
civilisatrice », enjolivée d’un répertoire complet de préjugés orientalistes (et
donc, racistes, ndt).
L’allégeance du sionisme à la modernité lui conféra
également un haut degré de compétences techniques et une grande faculté en
matière organisationnelle. A l’époque du Yishuv (ou implantation des pionniers),
cela était illustré par le point auquel les sionistes évinçaient constamment
dans leurs productions et leurs performances les populations indigènes en dépit
de l’énorme supériorité numérique de celles-ci. Plus tard, à l’époque des
guerres qui aboutirent à la création de l’Etat d’Israël, ainsi qu’aux guerres
déclenchées par cet Etat lui-même, une capacité organisationnelle supérieure,
combinée à un armement nettement supérieur firent d’Israël le mastodonte numéro
1 de la région, guidé par la loi du talion héritée du tribalisme juif et par la
ridiculisation raciste de l’adversaire, de surcroît.
Pendant un temps, il fut
facile de sympathiser avec l’Etat juif, en fermant les yeux sur ses
tendances impérialistes, particulièrement durant la période cruciale de la
deuxième moitié des années 1940, lorsque la réalité de l’Holocauste s’imposa en
aide-mémoire diabolique de la vulnérabilité des juifs aux malignités de la
Civilisation Occidentale autoproclamée. Je me souviens très bien comment, alors
que j’avais à l’époque seulement douze ans, de l’explosion de joie et d’espoir
lorsqu’il fut de plus en plus évident que nous allions enfin avoir « notre Etat
», et je sais parfaitement à quel point les juifs autour de moi partagèrent
profondément ces sentiments.
Mais ni la compréhension ni la sympathie ne
peuvent rien au fait qu’en suivant cette pente, le sionisme dressait le décor,
aussi sûrement que l’auraient fait un Eschyle ou un Euripide, de la situation
que nous connaissons, proprement infernale. Cela est très lié au fait que la
notion d’un Etat « juif démocratique », en dépit du fait que cela sonne bien,
est un oxymoron : une impossibilité logique, doublée d’un piège. Il est
absolument navrant qu’un peuple aussi sophistiqué que le peuple juif ait autant
de difficulté à saisir l’impossibilité inhérente à leur notion de Terre promise
: il ne saurait exister de démocratie réservée à un peuple déterminé, car la
raison fondamentale constitutive d’un Etat démocratique moderne est,
précisément, que cet Etat revendique son caractère d’universalité.
Les Etats
nations modernes sont des synthèses complexes de deux notions : la nation,
laquelle incarne le territoire vécu, territorial, sensible et sensuel,
l’histoire mythifiée d’un peuple ; et l’Etat, lequel représente l’instance
supérieure qui régit une société et qui détient la capacité, comme l’a écrit Max
Weber, d’exercer la violence légale. Dans sa forme pré-moderne et
non-démocratique, l’Etat nation pouvait exprimer directement la volonté d’un
corps de la nation particulier. Dans ces cas-là, le pouvoir d’Etat était exercé
par les personnes ou les groupes qui contrôlaient la nation. En pratique, il
s’agissait d’un ensemble de rois et d’aristocrates qui exerçaient un contrôle
territorial direct, secondés par les théocrates de la classe ecclésiale qui
contrôlaient les productions symboliques et mythico-poétiques. C’est en opérant
un compromis entre le droit divin des souverains et les pouvoirs territoriaux
des prêtres que prit forme la légalité des Etats pré-modernes.
L’Etat nation
démocratique est une mutation de ce compromis, opérée de manière à s’allier le
pouvoir des nouvelles classes capitalistes émergentes, certes, mais aussi à
promouvoir la notion de droits humains universels, à savoir l’idéal à la fois
novateur et émouvant des droits universels de l’homme. Mais il faut bien tenir
présent à l’esprit que nos espoirs d’un monde dépassant le stade de la vendetta
tribale et de l’arbitraire des gouvernants dépendent de manière absolue du
renforcement et de la promotion de la notion des droits universels de
l’humanité. La légitimité des Etats nations modernes – qui n’est autre que la
légitimité de la justice elle-même – dépend de ces droits universels de l’homme.
Bien entendu, tous les Etats nations démocratiques ne sont pas équitables, dans
la pratique, et, pour certains, ils ne doivent pas non plus leur existence à des
moyens conformes aux droits universels de l’homme qu’ils prônent. Néanmoins, Ben
Nighthorse (Cheval de Nuit) Cambell, un Indien d’Amérique, siège au Sénat des
Etats-Unis, tandis que Colin Powell et Condoleezza Rice, tous deux descendants
d’esclaves africains, gèrent la politique étrangère américaine (inutile
d’ajouter qu’ils le font d’une manière des plus cordiales pour Israël… ce n’est
pas là notre propos), et l’un comme l’autre pourraient bien être élu(e)
président(e) un jour.
Rien de ce que nous avons dit ne contredit ce fait
essentiel : le racisme interdit à l’Etat démocratique moderne d’être à même
d’accomplir sa mission. Mais il y a une différence de taille entre un Etat qui
faillit à remplir son contrat social à cause de son histoire saturée de racisme,
et un Etat où le contrat génère de par lui-même le racisme, comme c’est le cas
d’un Israël colonialiste de peuplement qui prétend tout à la fois être une
démocratie et une ethnocratie organisée par et pour le peuple juif. Dans ces
conditions, le racisme n’est pas un simple atavisme historique : il s’agit bien
d’un trait normal et constant du paysage politique que l’Etat présente. Vouloir
un Etat créé expressément pour un peuple déterminé détruit et ridiculise en
permanence les aspects soi-disant démocratiques et émancipateurs du sionisme. En
résumé : le sionisme est construit sur une impossibilité. Vivre dans le sionisme
et en faire partie revient à vivre un mensonge et dans le mensonge.
Dans le
cas de certains autres Etats post-colonialistes de population, la promesse
démocratique, quoi que compromise, confère une légitimité. Dans le cas d’Israël,
la logique de l’Etat ethnocratique écarte toute démocratie authentique et est
antithétique de toute légitimité. Toute cette propagande autour d’Israël, «
seule démocratie au Moyen-Orient », j’en passe et des meilleures, est fausse
jusqu’au trognon, aussi nombreuses soient les institutions sophistiquées qui
soient construites en Israël, ou les miettes jetées aux Arabes autorisés à
résider à l’intérieur de ses frontières. On peut en apporter un nombre
incalculable de façons, dont l’incapacité d’Israël de se donner une Constitution
et une Loi fondamentale n’est pas la moindre.
Nous savons que nombreux sont
les Etats, dans le monde contemporain, à s’autoproclamer faits pour un peuple
donné, et nous savons aussi que ces Etats sont à bien des égards des endroits où
il est encore beaucoup plus déplaisant de vivre qu’en Israël, j’en veux pour
preuve notamment certains Etats islamiques, tels le Pakistan ou l’Arabie
saoudite. Mais aucun de ces Etats n’a la prétention extravagante d’incarner les
bienfaits de la modernité démocratique, ce qu’Israël, lui, passe son temps à
faire. Ainsi, on n’attend rien du Pakistan ni de l’Arabie saoudite, en matière
de démocratie : et ce rien, on l’obtient ! Il n’y a pas de déconvenue. Israël,
lui, grince – craque, même - de toutes parts, sous la torsion des contradictions
découlant du fait qu’il s’ingénie en vain à introduire des traits de la
démocratie libérale occidentale dans une mission nationale de nature tribale et
fondamentalement pré-moderne.
En Israël, l’exceptionnalisme juif devient le
catalyseur d’une explosion dévastatrices des facultés morales et, par extension,
de l’ensemble de l’univers moral qui polarise la pensée juive. En effet, le
peuple élu de Dieu, avec son identité durement gagnée de haut sens moral, n’est
pas susceptible – pour ainsi dire, par définition – de tomber dans l’ornière de
la violence raciste. « C’est pas nous, c’est pas possible ! » se rengorge le
sioniste, quand ce sont précisément les sionistes qui sont en train de faire ce
à quoi nous assistons. Le résultat, inévitable, c’est une schizophrénie qui
élimine du tableau la responsabilité de leurs propres actes. Subjectivement,
ceci signifie que les différentes facultés de conscience, de désir et de
contrôle se désintègrent et sont soumises à des processus de développement
séparés. Il en résulte que le sionisme ne connaît aucune dialectique interne, et
par conséquent aucune possibilité de correction dialectico-cybernétique, sous sa
façade d’exceptionnelle vertu exceptionnaliste. L’Alliance devient licence à
dominer, et non plus engagement à l’élévation morale. Le sionisme, par
conséquent, ne peut grandir ; il ne peut que bégayer ses crimes et poursuivre
son implacable dégénérescence. Seul un peuple aspirant à une telle élévation
pouvait tomber aussi bas…
Nous pouvons résumer ces phénomènes à un seul : la
présence d’une « mauvaise conscience » à l’intérieur du sionisme. Ici, le
malaise fait référence aux effets de la haine, qui est l’affect primaire
résultant du hiatus entre les idéaux exaltés de promesse divine et les
impératifs triviaux du tribalisme et de l’impérialisme. Une susceptibilité
extraordinairement épidermique et le déni de toute responsabilité en sont les
produits inévitables. L’incapacité à voir dans les Palestiniens des êtres
humains à part entière agace la conscience, mais la douleur est totalement
renversée et exsude sous la forme de la haine dirigée contre ceux qui risquent
de rappeler la trahison : les Palestiniens, bien sûr, mais aussi d’autres, et en
particulier certains juifs, qui seraient susceptibles de montrer du doigt les
contradictions du sionisme. Incapable de tolérer la moindre critique, la
mauvaise conscience transforme instantanément le déni en projection. Le « ça
peut pas être nous » devient un « c’est forcément eux », et cela ne fait
qu’envenimer le racisme, la violence et la gravité du « deux poids, deux mesures
». Ainsi, le « juif ayant la haine de lui-même » est l’image renversée au miroir
d’un sionisme incapable de s’y reconnaître. C’est aussi l’écran sur lequel la
mauvaise conscience est susceptible d’être projetée. Il s’agit d’une culpabilité
qui ne peut être transcendée afin de devenir prise de conscience ou réelle
réparation, et qui, de ce fait, s’impose encore et encore, sous ses avatars du
délire de persécution et de l’agression permanente.
La mauvaise conscience du
sionisme est incapable d’opérer une distinction entre la critique authentique
(bienveillante) et les tromperies miroitantes d’un antisémitisme toujours prêt à
resurgir, tapis au fond des marécages de notre civilisation mais réveillés par
la crise actuelle. (Pour lui), l’une comme les autres sont des menaces, bien que
la critique progressiste, mieux ajustée, est en réalité la plus dangereuse, en
ce qu’elle pointe la réalité d’Israël et montre la voie vers
l’auto-transformation au moyen de la différenciation entre judéité et sionisme ;
tandis que l’antisémitisme considère le juif à la manière d’une abstraction et
de manifestations démoniaques telles l’ « argent juif » ou les « complots juifs
», ce qui lui fait manquer la cible véritable. Le sionisme use et abuse de
l’antisémitisme, qu’il instrumentalise : l’antisémitisme lui sert à la fois de
poubelle où jeter tous ses contempteurs et de couveuse où cultiver la peur qui
lui sert à rameuter les juifs autour de lui. Il ne faut pas, pour autant,
minimiser la menace que l’antisémitisme représente, ni la nécessité qu’il y a de
le combattre avec vigueur. Mais la priorité est celle de développer une
perspective authentiquement critique, et de ne pas se laisser entraîner dans
l’impasse consistant à confondre la critique d’Israël et l’antisémitisme. On ne
peut, en conscience, condamner l’antisémitisme tout en soutenant Israël, dès
lors que c’est Israël qui doit impérativement être changé si l’on veut qu’un
jour le monde soit tiré de son cauchemar.
Nous n’explorerons pas ici la
configuration à laquelle conduirait ce changement. Mais le principe directeur
peut en être défini, très clairement. En faisant d’Israël un refuge et un foyer
pour des juifs voulant échapper à des siècles de persécution, en passant, de
surcroît, un pacte faustien avec l’impérialisme, ceux parmi les juifs qui ont
opté pour le sionisme ont renié leurs souffrances passées et troqué leur
faiblesse passée contre leur force présente. Mais cette force, fondée qu’elle
est sur la domination, l’oppression et l’expulsion d’autrui, est inutile. Le
sionisme a nié ce qui a été fait aux juifs, mais il n’a pas réussi à nier la
négation elle-même, et c’est pourquoi il réitère le passé, en revêtant
simplement des masques différents. Quiconque en doute n’a qu’a penser à toutes
les formes d’oppression infligées aux juifs par la chrétienté : contraints à
vivre dans des ghettos, on leur a dénié des droits élémentaires, notamment à la
propriété foncière, ils ont été rejetés, expulsés, exilés et soumis à un régime
raciste par leurs oppresseurs ; et se demander ensuite si ce n’est pas la même
situation qui a été imposée aux Palestiniens par les sionistes, à la seule
différence, notable, des modalités d’expression du racisme ?
Il n’est jamais
trop tard pour remédier à ce genre de situation, et une minorité non négligeable
de gens de bonne volonté sont en train d’agir d’ores et déjà en ce sens, avec
courage. Mais il serait irresponsable de tenter de dissimuler le fait que le
cœur du problème est le sionisme lui-même, qui persiste à en tenir pour
l’absurdité selon laquelle Etat (fait) pour un peuple particulier puisse être un
Etat démocratique. Aussi longtemps que cette absurdité sera tenue pour une
possibilité, les contradictions empoisonnées continueront à jaillir du
territoire ancestral appelé Palestine ou Israël. Un Etat d’Israël ouvertement
non-démocratique, voire même fasciste, pouvant difficilement représenter un
mieux, nous sommes conduits à la conclusion qu’une remise en cause totale de
l’exceptionnalisme juif constitue le fondement de toute paix juste et durable au
Moyen-Orient. Cela a beaucoup de conséquences, toutes à examiner. Mais reste
que, pour le peuple juif, il est grand temps de reprendre sa marche vers
l’universalité.
25. La censure dans les médias américains dès qu’il est question
d’Israël : "Je vous en supplie, faites-le savoir" par Mark
Schneider
in Palestine Chronicle (e-magazine palestinien) du jeudi 19
septembre 2002
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier](Mark Schneider et quatre
autres Américains de l’Etat du Colorado sont revenus récemment d’un séjour de
quatre semaines en Palestine. Vous pouvez lire plus de détails sur leur voyage
en Palestine sur le site suivant : http://www.ccmep.org.
Mark Schneider est l’organisateur de la Campagne du Colorado pour la Paix au
Moyen-Orient. Vous pouvez le contacter à l’adresse e-mail ci-après :
dogbuckeye@cs.com.)[Réponse
– étonnante - d’un journaliste : « Bien que je sois entièrement d’accord avec
vous sur les liens géopolitiques entre les Etats-Unis et Israël, (je ne peux pas
en parler) : autant aller faire tout de suite le ménage dans mon bureau (parce
que si j’en parlais, je serais sûr d’être viré !) »]Amjad Shawa,
secrétaire général d’une association de défense des droits de l’homme de Gaza,
fumant cigarette sur cigarette, les traits du visage tirés par l’épuisement et
le désespoir, une barbe de deux jours, partagea avec moi plusieurs photos –
horribles – de jeunes Palestiniens mystérieusement assassinés par l’armée
israélienne, quelques jours seulement avant notre rencontre.
Shawa m’a
imploré : « s’il vous plaît, je vous en supplie : envoyez un communiqué de
presse : ils faut que les gens le sachent ! ». Il faisait allusion aux médias
américains. La délégation, composée de cinq Américains et un Canadien, dont je
faisais partie, représentait la seule présence d’Occidentaux à Gaza. Absolument
personne d’autre.
En écrivant mon communiqué, j’étais au bord des larmes :
je revoyais tout « le film » : trois jeunes Palestiniens avaient essayé de
passer en Israël clandestinement pour y travailler, s’étaient fait tirer dessus,
avaient été passés à tabac, abattus, puis sauvagement éviscérés. Sans
délicatesse, les corps avaient été restitués quatre jours après, sans
explication. Aussi aguerri que l’on puisse l’être, il s’agissait là d’un
événement majeur, riche en arrière-plans politiques.
A l’instant même où je
tapais à la machine le communiqué, qui allait être ensuite faxé à des dizaines
de médias américains, je savais d’avance qu’aucun journal ni a fortiori aucune
chaîne de télé ne le liraient, n’y apporteraient le moindre intérêt ni n’en
tireraient effectivement un « item » d’information. Et, pas manqué : aucun ne
l’a diffusé !
Il y a certainement des tas d’autres histoires à vous briser le
cœur et qui, d’après les critères en vigueur dans les médias américains, ne sont
jamais retenues, bien que « toute nouvelle soit bonne à publier. » Pourquoi ?
D’après les journalistes auxquels j’ai parlé, et l’expérience personnelle qu’il
m’a été donné d’acquérir en la matière, Israël occupe une place à part dans les
médias américains. Inutile de cacher, par ailleurs, que le lien des entreprises,
de l’armée et du gouvernement américains avec Israël est solide comme le
roc.
A de rares et remarquables exceptions, les médias américains sont
incapables d’assurer une couverture de niveau professionnel des événements du
point de vue palestinien, voire même simplement d’un point de vue objectif et
seulement soucieux des droits de l’homme. J’ai été très longtemps dubitatif au
sujet de telles allégations de censure et d’autocensure dans les médias
américains, mais aujourd’hui, j’ai changé, après en avoir été le témoin direct.
Je vous en donne ci-après quelques exemples :
A la mi-février 2001, les
Américains lancèrent un raid de bombardements aériens massifs sur l’Irak, en
dehors des zones « de non-survol » déjà en elles-mêmes très discutées
internationalement. Il s’agissait du premier bombardement massif de l’Irak
depuis la prise de fonctions de Bush Junior. Sachant que mon association
protesterait contre ce bombardement, une station locale de télévision nous
téléphona afin de nous solliciter pour une interview. Plusieurs heures après,
dans un des studios de cette chaîne télévisée, le porte-parole de notre
association, le Révérend (Père) Bob Kinsey était interviewé par l’un des
reporters chevronnés, qui lui demanda quelles étaient, à son avis, les
principales causes des problèmes au Moyen-Orient. Le Révérend Kinsey évoqua
l’aide militaire américaine massive à Israël et l’instabilité qui en résulte.
Et, stupeur, l’interviewer lui répondit : « Bien que je sois entièrement
d’accord avec vous sur les liens géopolitiques entre les Etats-Unis et Israël,
(je ne peux pas en parler) : autant aller faire tout de suite le ménage dans mon
bureau (parce que si j’en parlais, je serais sûr d’être viré !) ». Bien entendu,
cette interview ne fut jamais diffusée.
Plusieurs mois ayant passé, j’ai eu
l’occasion de parler avec ce reporter. Je lui ai demandé pourquoi il continuait
à travailler dans cette pesante atmosphère de censure. « Pour cinq ou dix
marronniers que j’écris sur les Broncos ou l’élevage des chiens », me
répondit-il, « il y a un article ayant un réel contenu, qui me permet d’exercer
réellement mon métier. Dans les médias indépendants ou alternatifs, je peux
écrire sur tous les sujets que je veux, mais il n’y a pratiquement personne qui
écoute véritablement ce que je dis, en-dehors d’un cénacle restreint ». Puis il
m’informa qu’il aimerait partir en Palestine comme reporter télé, mais que cela
n’était pas pour demain… Les sociétés qui possèdent les stations de télévision,
surtout préoccupées de gouvernance et de profit financier, se soucient fort peu
de journalisme d’investigation, ou de couvrir l’actualité internationale.
Pourquoi le feraient-elles ? Elles engrangent des profits monstres sans cela,
alors… » Au mieux, me confia-t-il, elles peuvent faire à l’occasion du vrai
journalisme, juste pour le prestige et pour décrocher certains prix, mais en
aucun cas pour apporter au public une bonne information.
En décembre
dernier, je me préparais à partir en Palestine pour y participer à une action
directe non violente avec des militants internationaux pour exiger la cessation
de l’occupation israélienne illégale. Mon groupe avait convenu d’une interview
avec le bureau régional de la chaîne Fox. Le journaliste était très intéressé,
car il voyait, comme nous, dans notre histoire un lien entre notre région et un
grand problème international. Bien que l’interview eut été fixée plusieurs jours
à l’avance et mise au point par les chargés de l’information ad hoc, elle fut
abruptement supprimée, une heure à peine avant mes quinze secondes de
temps-télé. « Vous savez, moi, je suis un simple piou-piou, pas un général ! »
répondit le journaliste à nos demandes d’explication.
Dix jours plus tard,
deux attentats suicides horrifiants se produisirent en Israël, et voilà que la
même chaîne eut tout à coup besoin d’un avis local. Le même journaliste me
joignit au téléphone et parvint à arrêter un rendez-vous en moins d’une heure…
Très rapidement, car il craignait que son sujet ne soit condamné à la casse,
nous eûmes un petit quart d’heure d’interview. Par la suite, il me confia que le
directeur de l’information de la chaîne lui avait recommandé, sur un ton
d’injonction, de tenir compte « des deux camps », en l’avertissant : « je vous
tiens à l’œil ». « Alors, je fais ce qu’on me dit : je demande des avis dans les
deux camps… », me dit le reporter, piqué au vif , «… je les envoie sur les
ondes, et très vite, je rentre chez moi, et je prie (pour conserver mon boulot)
! »
Un reporter chevronné d’une autre chaîne, CBS, qui avait réalisé juste
deux ans auparavant un reportage fort honnête sur ma mission de paix en Irak
(bien qu’il y ait aux Etats-Unis une loi interdisant aux citoyens américains
d’aller dans ce pays), refusa même mes propositions d’exclusivité en ces termes
: « Votre voyage en Irak était à finalité humanitaire. Mais cette fois, votre
mission (en Palestine) est beaucoup plus politique ». Pas d’interview…
Pour
se faire une idée plus précise de ce qui se passe en coulisses, il suffit
d’examiner l’histoire que nous avons eue avec l’antenne locale de la chaîne
Warner Brothers TV. A notre retour de notre mission en Palestine, couronnée de
succès mais très traumatisante, un des producteurs de cette chaîne était très
désireux de nous avoir en direct, afin que nous parlions brièvement de notre
mission et que nous montrions même quelques extraits des documents vidéo que
nous ramenions de Palestine. Interview arrangé plusieurs jours à l’avance : tout
baigne. Puis, moins de vingt quatre heures avant l’interview, la
productrice m’appelle, plutôt gênée, en colère et confuse. Elle avait eu
plusieurs heures d’ « engueulade de magnitude 5 » avec les gros bonnets de la
chaîne, au sujet de l’interview.
« Je ne comprend pas ce qui se passe », me
dit-elle, désespérée. Le matin même, à son arrivée au siège de la chaîne, on lui
avait dit, sans autre explication, d’annuler immédiatement l’interview. Alors
qu’elle insistait pour qu’on lui donne les raisons de cette décision, un
éditorialiste lui répondit : « nous avons déjà couvert leur histoire, hier soir.
» La veille, au soir, nous étions allés, mes camarades et moi, protester contre
la visite de l’Ancien Premier Ministre Benjamin Netanyahou (le même Netanyahou
qui a un jour appelé à l’expulsion d’Arafat et dit « nous pourrions balayer
toute la population palestinienne. Nous n’utilisons pas même un centième de
notre puissance. ») Alors qu’elle insistait, l’éditorialiste l’estomaqua en lui
disant : « Nous n’avons pas l’intention d’avoir des gens de leur espèce sur nos
antennes. Point final ! » Visiblement ébranlée, la productrice se répandit en
plates excuses à nouveau. En retour, je lui dis que j’étais vraiment désolé
qu’elle ait à travailler dans une telle ambiance…
La presse écrite fournit d’autres exemples :
En avril
2001, l’un des membres de notre association, Brian Wood, s’apprêtait à aller en
Palestine pour s’impliquer plus directement dans la résistance internationale à
l’occupation israélienne. Avant son départ, il s’était mis d’accord avec
l’éditeur d’un quotidien alternatif, pour écrire une tribune libre par mois, au
tarif de 40 dollars la tribune. Leur accord fut remis en cause après la
troisième tribune libre. Brian était-il un piètre écrivain ? Non. Le problème
était que le rédacteur en chef était rentré de congés, sur ces entrefaites.
Lorsqu’il a vu les tribunes de Brian, nous a raconté un des journalistes de la
maison, « il devint rouge comme une pivoine et se mit à fulminer sur «
l’incroyable parti pris de ces articles. » Chose sans précédent, le
rédacteur en chef décréta que c’est lui qui prendrait, à l’avenir, les décisions
éditoriales finales, plaçant l’éditeur dans une situation délicate, où il avait
l’impression de devoir marcher sur des œufs.
Puis, en un rare moment de
chance apparente, l’un des principaux quotidiens de Denver, The Rocky Mountain
News, publia une tribune de Beth Daoud, une femme parmi cinq Américains
originaires du Colorado, tout juste de retour d’une expérience harassante en
Palestine. Mais, chose absolument incroyable : quelques jours plus tard, le
rédacteur en chef, Vincent Carroll, appela Beth au téléphone, et commença à lui
poser des questions sur le caractère véridique (ou non) de son article…
« Je
lui ai donné l’adresse du site ouèbe du CCMEP pour qu’il puisse voir les photos
», raconta Beth. « Et je lui ai dit que je serais heureuse de lui communiquer
les noms et les numéros de téléphone des témoins oculaires. Il déclina cette
offre. Puis il me dit qu’il n’avait pas aimé le ton de ma lettre, ni son
contenu, commençant à vouloir débattre avec moi autour de mes positions sur la
question. Il me demanda si j’avais jamais VU un Palestinien en train de se faire
tuer. Je lui répondis que « non », mais que je connaissais des gens dont c’était
le cas. Je lui ai cité le cas de trois membres de la famille de mon mari, tués
simplement parce qu’ils se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment. Il
me rit au nez d’une façon sardonique et me dit : « Oh, alors comme ça, vous
n’avez en réalité JAMAIS VU de Palestinien en train de se faire tuer ; les
Palestiniens inventent des histoires ! » Après m’avoir harcelé quelques minutes
supplémentaires, il me dit : « Votre cause est désespérée, vous ne changerez pas
l’opinion des gens – ni même d’une seule personne – sur les Palestiniens !
»
Autres cas de censure :
L’une des membres de notre association qui est allée en Palestine a perdu
son emploi dans un hebdomadaire « alternatif ». Tandis que nous étions en
Palestine, ce périodique avait publié une lettre ouverte envoyée par un autre
membre de notre association. Comme une réédition de ce qui était arrivé à Brian,
lorsque le rédacteur en chef rentra de congés, trouvant cet article, « il fit
péter les plombs ». Avant son départ, notre amie avait eu un accord verbal pour
publier deux reportages (annoncés en page de couverture) sur son voyage en
Palestine. Non seulement ces deux reportages ont été supprimés, mais elle a été
virée sans autre forme de procès quelques semaines après, à cause des tensions
politiques autour de cette histoire d’articles censurés, et elle a fort peu de
chances d’être reprise, même après procès aux prud’hommes.
Et les rares fois où les médias font leur boulot, est-ce la fin des
problèmes ?
Ayant vu à la télévision la protestation de notre association contre la
venue à Denver de l’ancien Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou,
l’association « Forum des Femmes d’Affaires de Denver » [Denver Business Women’s
Forum Group] annula une conférence programmée depuis longtemps de trois
participantes à notre délégation (de cinq personnes, au total) en Palestine.
Pourquoi ? Ces dames n’ont pas du tout aimé ce qu’avait dit Val Phillips dans
son interview à Channel 4 (du groupe CBS), et elles ont estimé que la conférence
que nous avions prévue serait « trop politique » (sic) !
Voici ce que Val
avait déclaré à Channel 4 :
« L’occupation israélienne, c’est du terrorisme.
L’occupation est le principal obstacle à la paix au Moyen-Orient, et elle doit
prendre fin. L’Etat d’Israël et l’Etat de Palestine peuvent coexister en paix.
Le peuple palestinien dit depuis longtemps que c’est cela qu’il veut. Mais
l’armée israélienne et les colons israéliens doivent quitter la Cisjordanie et
Gaza pour que le peuple palestinien puisse vivre libre. »
26. Le président Bush et le
lobby chrétien-sioniste par Clifford Kiracofe
in The Daily Star
(quotidien libanais) du vendredi 5 septembre 2002
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
(Clifford Kiracofe est
journaliste et vit à Washington, DC. Il a exercé une fonction importante dans le
secrétariat du Comité des Affaires étrangères du Sénat
américain.)
Le doute au sujet de l’influence et de la pénétration de
l’idéologie chrétienne-sioniste au Congrès des Etats-Unis n’est plus de mise,
après les déclarations du chef du parti républicain à la Chambre des
Représentants. Le 1er mai, le Congressiste du Texas Richard Armey a déclaré tout
de go à la télévision (talk show sur MSNBC), au présentateur Chris Mathews,
qu’il soutenait l’expulsion en masse des Palestiniens des territoires
palestiniens occupés.
L’influence chrétienne-sioniste sur les Congressistes
et les Sénateurs républicains a atteint un niveau tel que le président Bush
lui-même, en tant que chef du parti Républicain au plan national, ne peut
empêcher les Républicains du Congrès d’introduire et de voter des résolutions
aussi extrémistes qu’irresponsables, diamétralement opposées aux intérêts des
Etats-Unis et aux nécessités de la stabilité au Moyen-Orient.
Bien que
rejetée par toutes les églises chrétiennes des Etats-Unis, l’idéologie
chrétienne-sioniste est promue de manière agressive par une petite minorité de
fondamentalistes liés au lobby juif sioniste aux Etats-Unis, en corrélation avec
les éléments les plus extrémistes de l’éventail politique israélien.
Bien que
conclue au milieu des années 1980, cette alliance politique stratégique n’est
devenue un sujet de débat politique national aux Etats-Unis que depuis le début
de la crise actuelle au Moyen-Orient (septembre 2000, ndt) déclenchée par les
provocations et les agressions israéliennes sous la houlette de Sharon. Même si
le Congressiste Armey part à la retraite cette année, son petit poulain et
protégé, le Congressiste texan Tom DeLay prendra sa place, l’année prochaine :
c’est prévu. A l’instar d’Armey, DeLay épouse ouvertement l’idéologie
chrétienne-sioniste. Il utilise toujours les termes codés de « Judée » et «
Samarie » lorsqu’il évoque la Palestine occupée.
Les liens entre les
sionistes chrétiens américains et Israël remontent essentiellement à la guerre
de 1967. Au lendemain de la guerre, des éléments extrémistes créèrent en Israël
le Mouvement pour le Grand Israël, ainsi que le mouvement des colons qui
créèrent la colonie de Kiryat Arba’, près d’Hébron. C’est dans cette pépinière
que naquit le mouvement de colons extrémistes Gush Emunim (= « Armée de la Foi
»…)
Au cours des années suivantes, le Gush Emunim devint la formation de
proue de la nouvelle droite israélienne, laquelle comportait trois formation :
les factions du parti Travailliste (de « gôche », ndt) favorables au Mouvement
pour le Grand Israël, les activistes nationaux religieux nouvelle manière et la
vieille droite nationaliste de la vieille ligne Jabotinsky (parfois dite «
révisionniste », ndt), reversée dans le parti Herut dirigé par Menahem
Begin.
Entre 1974 et 1977, trois dirigeants du parti Travailliste se
faisaient concurrence pour présider aux destinées du pays - chacun d’entre eux
eut son conseiller Gush Emunim préféré. C’est ainsi que le Premier ministre
Rabin (prix Nobel de la « paix » ! ndt) eut pour conseiller spécial un certain
général… Ariel Sharon !
Le ministre de la Défense, Shimon Peres, eut quant à
lui pour conseiller Yuval Neeman, qui devint par la suite chef du parti
Ha-Techiyah, proche du Gush-Emunim. Le ministre des Affaires étrangères, Yigal
Allon, était pour sa part, en personne, le patron du réseau de colons fanatiques
qui développèrent Kiryat Arba’.
Lorsqu’en 1977 le Likoud accéda au pouvoir,
la domination du Gush Emunim sur le gouvernement devint totale, Begin étant
depuis toujours un grand supporter du mouvement des colons.
Aux Etats-Unis,
toutefois, l’administration Carter s’efforça de mener une politique
moyen-orientale un peu plus équilibrée, tenant tête à un lobby sioniste
américain tout-puissant. C’est ainsi que des intellectuels juifs sionistes
extrémistes, autrefois liés au parti Démocrate, changèrent d’attitude. Ils se
mutèrent en néoconservateurs dans le but de s’infiltrer dans les réseaux
décisionnels du parti Républicain en matière de politique étrangère, en ayant en
ligne de mire les élections de 1980 et la victoire probable, en tout cas
potentielle, de la nouvelle droite américaine.
En Israël, le Likud oeuvra
afin d’établir des relations politiques avec les groupes fondamentalistes
chrétiens aux Etats-Unis, sur lesquels il pouvait compter pour soutenir sa
politique du Grand Israël (« Eretz Israel »). A son tour, cet alignement
politique ne manquerait pas de renforcer la position des néoconservateurs juifs
dans une administration Républicaine (attendue) à Washington.
Une thèse
universitaire fondamentale pour cette question, réalisée par la jeune et
brillante universitaire israélienne Yona Malachy, a servi de manuel opérationnel
aux stratèges politiques du Likud pour conquérir le terrain américain. Cette
thèse, intitulée « Fondamentalisme et Israël : la relation entre les Eglises
fondamentalistes avec le sionisme et Israël » [American Fundamentalism and
Israel : The Relation of Fundamentalist Churches to Zionism and the State of
Israel], fut publiée en 1978 par l’Institut juif contemporain [Institute of
Contemporary Jewry] de l’Université Hébraïque de Jérusalem.
En temps
opportun, une Ambassade Chrétienne Universelle à Jérusalem [International
Christian Embassy-Jerusalem – ICEJ] fut instituée dans cette ville. C’était le
20 septembre 1980. Le maire, Teddy Kollek, accueillit la cérémonie
d’inauguration de cette ambassade d’un genre un peu particulier, et
l’organisation devint une officine de soutien du sionisme chrétien à la
politique d’Eretz Israel menée par le parti conservateur Likoud. Le bureau de
l’ICEJ a Washington devint rapidement le point de ralliement des activités
politiques et du lobbying des chrétiens sionistes aux Etats-Unis.
Après
plusieurs années de mise en place organisationnelle dans l’ensemble des
Etats-Unis, le mouvement chrétien sioniste sortit du placard avec le « Premier
Déjeuner de Prières pour Israël » organisé à Washington le 6 février 1985.
L’événement attira nombre de personnalités politiques et de célébrités.
« Des
sentiments d’appartenance historique, de poésie et de moralité, voilà de quoi
étaient imbus les chrétiens sionistes qui commencèrent, il y a plus d’un siècle
de cela, à écrire, à planifier et à organiser la renaissance d’Israël », déclama
notamment, dans son allocution, l’animateur de ce déjeuner de gala. « Les écrits
de chrétiens sionistes, britanniques et américains, ont directement influencé
des dirigeants aussi importants que Loyd George, Arthur Balfour et Woodrow
Wilson ». Cet orateur invité, particulièrement éloquent, n’était autre que
l’ambassadeur israélien aux Etats-Unis, un certain… Benjamin Netanyahu…
Au
cours des dix dernières années, une nouvelle organisation est apparue, qui est
le bras armé des sionistes chrétiens américains : elle porte le titre pompeux de
Coalition d’Unité Nationale pour Israël [National Unity Coalition for Israel –
NUCI]. Bien entendu, cette organisation a des liens très étroits avec l’ICEJ,
ainsi qu’avec les cercles de réflexion (think tanks : boîtes à idées, ndt)
néconservateurs à Washington et les conseillers néoconservateurs, très puissants
dans l’entourage de Bush.
Sur la Colline du Capitole, la NUCI travaille en
parallèle avec le très influent Comité Américano-Israélien pour les Affaires
Publiques [American Israel Public Affairs Committee – AIPAC] afin de dominer le
Congrès lorsqu’il s’agit de décider de mesures législatives et politiques
relatives au Moyen-Orient.
Le président Bush est confronté à de multiples
défis internationaux, dans sa politique de solution à deux Etats à la question
de Palestine, même si le plan saoudien et le nouveau « quartette » offrent
certaines ouvertures. Mais le président des Etats-Unis devra - avant toute chose
- imposer son autorité constitutionnelle plénière, « à la maison », aux
Etats-Unis, s’il veut pouvoir mener une politique étrangère quelconque en dépit
d’un Congrès et d’un Parti Républicain récalcitrants, aux mains d’une minorité
chrétienne sioniste extrémiste.
il y a vingt
ans...
27. Le bloc-notes de
Lotfallah Soliman
in France - Pays Arabes du mois de septembre 1982
Il aura donc fallu que l’horreur
atteigne le niveau de l’intolérable pour que M. Reagan finisse par « se mettre
en colère » ! Il aura donc fallu que le Premier Ministre d’un Etat souverain,
particulièrement jaloux de la spécificité et de l’indépendance de son pays,
menace d’en appeler aux jeunes juifs de France pour mettre de l’ordre dans les
affaires françaises, pour que l’on finisse par admettre que les prétentions du «
roi de Jérusalem » ne se limitent pas à l’Etat d’Israël, quelles que soient ses
frontières, à sa sécurité ou même à son expansionnisme régional, sinon universel
! Il aura donc fallu que le ministre des Affaires étrangères de l’Etat dit «
hébreu » ose comparer l’argumentation française sur « les responsabilités
intérieures » et les « ingérences extérieures » à la logomachie nazie, pour que
l’on finisse par réaliser que l’antisémitisme le plus dévastateur peut être
suscité, encouragé et catastrophiquement amplifié par ceux-là même qui font mine
de le dénoncer le plus bruyamment !
Basculer, quelles qu’en soient les
justifications, dans un quelconque antisémitisme, primaire ou élaboré, serait
faire le jeu de ceux qui veulent faire de notre opposition à l’insoutenable
politique des dirigeants israéliens, une manifestation de racisme rampant ou
installé, honteux ou déclaré. Aujourd’hui plus que jamais, il ne faut surtout
pas donner raison – même a posteriori – à ceux qui veulent ternir notre cause en
la confessionalisant, à ceux qui veulent faire croire que les juifs ne pourront
jamais se sentir en sécurité qu’en Israël. Pour qu’elle puisse, un jour, sortir
victorieuse, malgré les épreuves subies et quel qu’en soit le prix, notre cause
doit demeurer juste. Aussi, j’adjure mes compatriotes arabes et leurs amis de
raison garder. Je les adjure, au nom de la morale qui doit être la nôtre, mais
également au nom de l’efficacité, de ne rien faire, de ne rien dire qui puisse
donner, ne fut-ce qu’une seule goutte d’eau au moulin de ceux dont nous ne
sommes plus les seuls ennemis. Malgré nos défaites apparentes, jamais, depuis
près d’un demi-siècle, nous n’avons été moins seuls. Cette percée dans la
conscience universelle – et surtout, dans la conscience juive -, nous l’avons
trop chèrement payée. La dilapider serait nous suicider. Et jamais, en dépit de
ce que d’aucuns pensent, le suicide n’a été révolutionnaire.
Mais ne pas
basculer ne doit aucunement signifier admettre le basculement des autres. Des
phrases entendues et enregistrées, à Tel-Aviv et à Paris, comme « ces Arabes, il
faut tous les tuer », doivent être épinglées, agrandies et mises sous le nez de
tous ceux qui, aujourd’hui, veulent nous faire la morale, sous prétexte que «
les mots tuent ». D’autant que de telles phrases ne sortent pas spontanément du
néant et qu’elles répondent, en écho, à toute une philosophie, à toute une
éducation continuellement distillées.
En d’autres termes, il ne faut pas
tolérer que l’on s’en tienne quitte en dénonçant les « écarts » d’un Begin ou
d’un Sharon, tout en acceptant la philosophie dont Begin et Sharon sont les
avocats outranciers. Entre un Begin et un Pérès, un Sharon et un Rabin, la
différence n’est que quantitative. Pas fondamentale. L’épithète de « terroriste
» accolée à tout Palestinien désireux de recouvrer son identité nationale, ne
date pas de Begin et Sharon. Le « ces Arabes, il faut tous les tuer » et le «
les Arabes ne comprennent que la force », aussi.
Il est vrai que « les mots
tuent ». Mais cette vérité à laquelle nous sommes décidés à nous astreindre,
cette vérité doit être appliquée à tout le monde.
Sinon, à notre corps
défendant, il faut s’attendre à ce que les mots continuent à tuer.
P.S.
Je tiens à signaler que « l’optimisme historique » que j’affichais ici, le mois
dernier, ne se trouve nullement démenti ni par le pilonnage répété de Beyrouth
par les Israéliens, ni par le départ probable de l’OLP du Liban. Je continue à
croire que jamais la création d’un Etat palestinien n’a été aussi concrètement
proche. Toutes les conditions politiques sont actuellement remplies et il n’y
aura plus que des « incidents de parcours » qui ne changeront rien à ce
déterminisme historique devenu actualité.