Nous avons traversé ces
dernières semaines, une succession de problèmes
techniques.
Nous reprennons
aujourd'hui la diffusion des Points d'information Palestine, et nous excusons
pour cette interruption de service.
Point d'information Palestine
> N°202 du 20/07/2002
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Rédaction :
Pierre-Alexandre Orsoni et Marcel
Charbonnier
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Palestine, ou nous indiquer de nouveaux destinataires, merci de nous adresser un
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Nous dédions ce Point d'information
Palestine à la mémoire de notre ami et compagnon,
Christian Chiambretto, Président de
l'Association Médicale Franco-Palestinienne d'Aubagne,
décédé le mardi 18 juin
dernier.
Au
sommaire
Témoignages
Cette rubrique regroupe des textes envoyés par des citoyens de Palestine
ou des observateurs. Ils sont libres de droits.
1. "De petits villages peuplés d'irréductibles
barbares résistent encore et toujours à l'envahisseur..." par
Nathalie Laillet, citoyenne de Bethléem en Palestine
2. En direct de l'Axe du mal par
Nathalie Laillet, citoyenne de Bethléem en Palestine
3. Accordéon en otage - Vielle à roue
endommagée par Miquèu
Montanaro
Dernières
parutions
1. La Revue d’études palestiniennes n° 84 - Eté
2002
2. Une enfance à Gaza
(1942-1958) par Arlette Khoury-Tadié aux éditions Mainsonneuve &
Larose
Réseau
Cette rubrique
regroupe des contributions non publiées dans la presse, ainsi que des
communiqués d'ONG. Ils sont libres de droits, sauf mention
particulière.
1.
Reporters sans frontières indignée par la mort d'un photographe
palestinien à Jénine - Ariel Sharon classé parmi les prédateurs de la liberté de
la presse2. Le journaliste Daniel
Mermet relaxé dans le procès d'intimidation que lui avait intenté le lobby
pro-israélien français
3. Communiqué de l'Association Avocats sans Frontières -
http://www.asf-
france.org
4. Voici comment ces Princes qui nous
gouvernent ont été charmés par Israël Shamir (15 juin 2001)
5.
Un Goy parlant hébreu par Israël Shamir (29 mai 2002) [traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
6. Se contenter de répéter “la Paix, la Paix... ”,
cela ne suffit pas par Shimon Tzabar [traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Revue de Presse
1. Des casernes chez l'habitant par
Karine Grollier in L'Humanité du mardi 9 juillet 2002
2. Israël - Une proposition de loi fort controversée - La loi «
raciste » passera-t-elle ? par Serge Dumont in Le Soir du mardi 9
juillet 2002
3. Israël-Palestine : le cancer par Edgar Morin, Sami Naïr
et Danièle Sallenave in Le Monde du mardi 4 juin 2002
4. Le lobby des
chrétiens sionistes par Fabrice Guichard in L'Humanité du mardi 4
juillet 2002
5. Les postes-clés de la sécurité palestinienne sont de plus en
plus durs à affecter par James Bennet in The New York Times (quotidien
américain) du dimanche 2 juin 2002 [traduit de
l'anglais par Marcel Charbonnier]
6. Colonies
pénitentiaires par Tanya Reinhart in Yediot Aharonot (quotidien
israélien) du dimanche 30 juin 2002 [traduit de
l'anglais par Marcel Charbonnier]
7. Le camp de Jénine à l'heure du déminage par Georges
Malbrunot in Le Figaro du samedi 29 juin 2002
8. La Palestine selon Bush par Denis Sieffert in Politis
du jeudi 27 juin 2002
9. Dans la vieille ville de Jérusalem - "Arafat
est démocratiquement élu" par Karine Grollier in L'Humanité du mercredi
26 juin 2002
10. Israël durcit sa propagande et le contrôle de
l'information par Antoine Jacob in Le Monde du mercredi 19 juin
2002
11. Des réformes sont attendues aussi d’Israël et des Arabes, et
non pas seulement des Palestiniens par François Basili in Al-Quds
Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du vendredi 24 mai 2002
[traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
12. Autorité palestinienne : c’est l’impasse, avec - ou sans -
Arafat par par Ibrahim Yusri in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe
publié à Londres) du vendredi 24 mai 2002 [traduit
de l'arabe par Marcel Charbonnier]
13.
Des images pour changer le regard par Jinan Jubayli in The
Daily Star (quotidien libanais) traduit dans Courrier International du
jeudi 23 mai 2002
14. Des accusations délirantes par Chris
Patten in The Washington Post (quotidien américain) traduit dans
Courrier International du jeudi 23 mai 2002
15.
L’antisémitisme, une “aubaine” pour Israël ? par Akiva Eldar in
Ha’Aretz (quotidien israélien) traduit dans Courrier International du
jeudi 23 mai 2002
Témoignages
1. "De
petits villages peuplés d'irréductibles barbares résistent encore et toujours à
l'envahisseur..." par Nathalie Laillet, citoyenne
de Bethléem en Palestine
Bethléem, le mercredi 19 juin 2002 -
Je n'ai pas écrit depuis un bon moment. Depuis la fin de l'opération "Rempart",
on essaye de rattraper le retard pris dans le programme. Du coup, les journées
sont particulièrement chargées...
Il y a une dizaine de jours, nous avons
fait passer des examens de français à Hébron. Eh oui, des gens ici continuent à
vouloir apprendre... Entre deux colonnes de tanks et des menaces d'incursion,
nos étudiants ont planché. Certains étaient en retard. Doit-on commencer oui ou
non sans eux... On essaie de se renseigner :
- Il habite où, untel ? Il y a
couvre-feu dans son quartier ?
- Et untel ?
- Ah... il a un tank devant sa
maison...
Surveillance d'épreuve. Bruits bizarres dans la rue. Quelques tanks
font une petite promenade sous les fenêtres de l'association.
Des tanks au
beau milieu de l'après-midi, dans une zone autonome et reconnue comme telle par
la communauté internationale, après tout, pourquoi pas ? Et puis après la
défaite des Bleus, peu importe ce qui se passe en Territoire Palestinien
Autonome.
Et bien sur, cette incursion éclair dont on ne vous a pas parlé a
un but uniquement défensif... Vous n'en doutez pas...
"Faut s'habituer", nous
ont dit les soldats il y a une dizaine de jours. En effet, à un commerçant
peut-être un peu affolé par ces blindés sous ses fenêtres, un soldat a dit
:
- Pourquoi tu fermes ton magasin ?
- Ben... parce que vous êtes
là...
- Fais comme tu veux. Mais tu sais, on va venir tous les jours. Alors
tu ferais mieux de t'habituer tout de suite...
Cette scène surréaliste se
passait à Hébron, le 7 juin dernier. Bien avant donc l'attentat d'hier matin
(celui du 18 juin), qui, soi-disant, justifie les nouvelles incursions en zone
autonome.
La vie reprend donc, ou essaie de reprendre, son cours normal
depuis la fin de l'opération "Rempart". J'ai donc repris mes cours et mes allées
et venues entre Ramallah et Bethléem.
Vendredi dernier (14 juin), j'avais
cours à Ramallah. Peu de monde, le trajet se déroule presque sans problème. Bien
sûr, on a quelques check-points (environ quatre pour 15 km). Mais pas de quoi
fouetter un chat. On a vu pire.
J'arrive au check de Babaorum, euh... pardon,
Qalandia. Un légionnaire romain, euh... pardon, un soldat israélien me demande
mon passeport. Comme j'ai oublié ma gourde de potion magique, je suis bien
obligée de m'exécuter...
Ce que je fais donc... en français évidemment (les
check ont sur moi un effet terrifiant : j'y oublie toujours que je parle
anglais...)
- Boker tov, me dit le soldat (bonjour en hébreu)
- Je ne
comprends pas ce que tu dis.
- What ?
- Je ne comprends pas. Je parle
français seulement.
- Where is your visa ?
- À la page du milieu.
- You
see you understand English !
- Je comprends le mot visa.
- What ? ?
-
On dit aussi visa en français...
- What ? ? ?... You are not allowed to speak
in French in MY makhsoum ! You can speak Hebrew or English... or Arabic.
-
Kwayyes. Iza biddak, mnihki bil 'arabi... (= bien, si tu veux, on parle
arabe)
- Ruhi ! ! (en gros, dans le contexte : "dégage")
Passeport et visa
en règle, le légionnaire romain me laisse passer. Cours à Ramallah, et oh !
surprise ! Lina est là ! Lina est l'une de mes étudiantes. Je ne l'ai pas vue
depuis début avril. Elle est américaine et palestinienne. Sur son passeport
américain, pas de visa en règle. Avec ses papiers palestiniens elle n'est pas
autorisée à passer Babaorum, euh... Qalandia, bien sûr !
- Comment tu as fait
pour venir ?
- Je suis allée à l'Administration Civile israélienne. J'ai une
autorisation de 30 jours pour aller et venir entre Jérusalem et
Ramallah.
Ainsi donc, le système se met peu à peu en place... À la fin de
l'opération Rempart, les autorités israéliennes avaient prévenu de ces nouvelles
autorisations nécessaires pour tout Palestinien désireux de se déplacer À
L'INTÉRIEUR DE SON PROPRE PAYS ! Les consulats occidentaux, et les ONG sur place
se sont insurgés, mais il semble bien que malgré tout, dans l'indifférence la
plus totale, le système se mette en place... Imaginez que vous devez demander,
tous les mois, une autorisation pour vous déplacer de Paris à Juvisy...
Évidemment, si vous devez aller à Arcueil, il vous faut une autre
autorisation... Mais c'est normal, tout ça, nous dit-on... c'est de la graine de
terroriste, ces Palestiniens. Tous les mêmes. Et puis ce sont des Arabes. Et en
France, on les connaît, hein, les Arabes...
Tiens, justement, en parlant de
terroriste... L'Europe des Quinze vient de faire preuve de son allégeance à Bush
Second (je prie pour qu'il ne soit pas le deuxième !). Depuis longtemps déjà, le
Hamas et le Jihad Islamique sont sur la liste noire des organisations reconnues
comme "terroristes" par l'Europe. Je n'ai pas de sympathie particulière pour ces
deux organisations. Seulement, si elles sont sur une liste noire, le Likoud
devrait peut-être y être aussi... Et depuis quelques jours, figurent aussi sur
cette liste les Brigades des Martyrs d'Al-Aqsa (affiliée au Fatah, principal
mouvement politique palestinien) et le Front Populaire de Libération de la
Palestine ! Cette décision est très grave et lourde de conséquences, et pas
seulement au niveau financier. Depuis quelques mois, dans la logique du 11
septembre, les States avaient déclaré "terroristes" ces mouvements politiques.
On a fait pareil à quelques mois d'intervalle. Bonjour l'indépendance
européenne...
Le Hamas, le Jihad, la branche militaire du Fatah et le FPLP.
Tous terroristes. Ces quatre partis regroupent l'ensemble des partis politiques
palestiniens. Ça veut dire que tout groupe politique palestinien est déclaré
terroriste. Ça veut donc dire qu'aucune vie politique normale n'est désormais
possible en Palestine.
On est en train de détruire les structures de la
société palestinienne, et nous, Européens, nous y contribuons sans même parfois
le savoir. Non, le Fatah et le FPLP ne sont pas des "foyers du terrorisme". Oui,
ils revendiquent tous deux la lutte, y compris armée, pour parvenir à la fin de
l'occupation de leur territoire.
"La résistance à l'oppression est un
devoir", ce n'est pas moi qui le dit, c'est notre fameuse déclaration des Droits
de l'Homme et du Citoyen de 1789, reprise dans le Préambule de notre
Constitution actuelle. Ne serait-ce que des mots ?
Si, donc, les mouvements
de résistance sont terroristes, les FFI et les FFL étaient des organisations
terroristes. Jean Moulin était un terroriste en chef, c'est d'ailleurs ce que
disait l'armée d'occupation allemande... Tous mes étudiants sont donc de
dangereux terroristes (Fatah ou FPLP). Et ils me l'ont fait remarquer...
-
Quoi ? Vous n'avez pas fait l'exercice 5 page 42 ?
- Non... Mais fais gaffe,
on est des terroristes maintenant... Hahahaha !
Ils m'ont aussi fait des
cadeaux. Des tee-shirts. De l'une de ces organisations politiques.
- C'est
pour toi et tes amis en France. De la part de "terroristes". Dis, il y a combien
de Français ?
- Environ 60 millions
- On va te donner 60 millions de
tee-shirts !
- Eh ! Je n'ai droit qu'à 20 kg de bagages !
- On les enverra
par la poste !
En 1968, en France, les étudiants brandissaient des portraits
du Che. C'est ce que font mes étudiants ici aussi. On les traite de
"terroristes". Décidément, on est devenu bien bourgeois, de l'autre côté de la
Méditerranée...
Nous sommes en 2002 après Jésus-Christ. Toute la Palestine
est occupée. Toute ? Non ! De petits villages peuplés d'irréductibles barbares
résistent encore et toujours à l'envahisseur... Sharon César s'y casse les
dents. Et pour résister, les barbares ont une potion magique : leur droit à la
liberté.
2. En direct de l'Axe du
mal par Nathalie Laillet, citoyenne de Bethléem en
Palestine
Bethléem, le jeudi 4 juillet 2002 - Marhaba
(salut). Toujours a Bethléem, toujours sous couvre feu. On s'habitue a tout...
ou presque... Le couvre feu est levé pratiquement tous les jours depuis samedi
dernier. Officiellement, et c'est ce que reprennent vos médias, il est levé de
8h du matin à 8h du soir. En fait, lundi il a été levé jusqu'à 15h, mardi, de 9h
à 15h. A 14h55, ils nous ont annonce qu'on avait une demie heure de rab... Pour
un peu, on se prosternerait devant tant de générosité...
Pour mercredi,
surprise ! On a passé la soirée de mardi à regarder la télévision locale pour
savoir a quelle heure le couvre feu sera levé (c'est comme ça qu'on l'apprend :
une petite phrase en arabe (je la connais par coeur!) qui nous dit à quelle
heure on sera libres). Aucune nouvelle concernant la levée
du couvre feu de
mercredi. Vers 22h, un message (toujours à la télévision) nous apprend
que
pour l'instant Israël n'a donné aucune information concernant une levée ou non
du couvre feu.
On va se coucher en se demandant si demain on sort...
Et le
lendemain on se réveille... toujours sous couvre feu ! Les tanks passent et
repassent devant la maison. Pas de levée du couvre feu ! On est quand même
contents pour nos copains de Naplouse et Ramallah, qui, eux, en ont une.
La
matinée se passe au rythme des "glouglous du narguilé (c'est pas parce qu'on est
sous couvre feu qu'on doit se laisser aller hein !), et à 13h, surprise ! Des
voitures dans la rue ! Le couvre feu serait-il levé ? On se précipite devant la
télévision. Oui ! On est libres de 13h a 17h. Encore une fois on se
prosternerait devant tant de générosité !
Mais du coup, notre programme est
chamboulé. On n'a pas le temps de faire ce qu'on avait prévu. Nous, c'est pas
trop grave, on est en vacances. Mais en ce mercredi 3 juillet, les adolescents
palestiniens devaient passer l'épreuve de géographie du bac... Tout était prévu
pour qu'ils la passent ce matin... Loupé... Ce n'est pas grave, ce ne sont
que de dangereux terroristes palestiniens.
Des rares infos qui
parviennent jusqu'a vos oreilles, vous aurez sans doute appris que Sharon a
décidé d'alléger les souffrances des Palestiniens sous couvre feu...
En ce
mercredi midi, c'est a mourir de rire ces déclarations ! Et vous savez pourquoi
on est reste confiné chez nous mercredi matin ? Parce que Sharon et Mofaz
visitaient les travaux de construction du Mur de la Honte au nord de Bethléem.
Un mur, encore un. Et l'occident ne réagit toujours pas.
Aujourd'hui jeudi,
on nous a aussi levé le couvre feu. Hier a la TV, on nous annonçait une levée de
10h à 14h, puis de 9h30 à 13h30. Finalement ce matin, on nous a dit que c'était
de 9h à 18h. Mais on devient méfiants. On a du mal a les croire, les Israéliens.
On les prend un peu pour des menteurs quoi. Traitez nous d'antisémite si ça vous
chante. Mais a tous ceux qui auront envie de m'insulter, je vous invite a passer
des vacances chez moi, à Bethléem. Quelques jours sous couvre feu, et vous
comprendrez mieux.
Dans les mesures d'assouplissement de la situation des
palestiniens, Sharon a annoncé des permis de travail en Israël pour 5000
ouvriers palestiniens. Avant l'Intifada, ils étaient 200 000 à y travailler
quotidiennement, dont la moitie au "black" 5000 autorisations de travail... A
mourir de rire, je vous dis !
Et c'est pas tout...
Vous savez sans doute
que l'argent que reçoit l'Autorité Nationale Palestinienne (corrompue et c'est
donc pour ça que les Palestiniens n'ont pas d'Etat... du coup, en tant que
Française, je suis particulièrement inquiète pour mon pays !) est verse par les
pays donateurs à Israël qui doit ensuite le reverser a l'ANP. Or, Israël a
suspendu ces reversements depuis le début de l'intifada. Du coup, corrompue ou
pas, l'ANP est à sec....
Et bien , savez vous ce que j'ai entendu ce matin
sur radio "Kol Israel" (la Voix d'Israël), émettant de Jérusalem ? 29 hôtels ont
porte plainte devant un tribunal de Tel-Aviv contre l'ANP. Pourquoi ?
Ces
hôtels sont au bord de la faillite, à cause de l'Intifada. Le tribunal a décide
de les indemniser de leurs pertes. Ils vont donc recevoir 90 millions de shekels
(environ 135 millions de Francs) comme dédommagement... 90 millions prélevés sur
les fonds internationaux destinés à l'ANP, puisque c'est l'ANP qui est
responsable de la faillite économique de ces hôtels israéliens, cqfd ! Pour un
peu, on appellerait ça du vol, mais ça serait sans doute antisémite, ça...
Du
coup, je pense porter plainte contre les tribunaux moi aussi. Je suis en effet
payée par le Consulat de France, mais je suis vacataire. Payée à l'heure de
cours, si vous préférez. En avril, je n'ai pas donné le moindre cours, je n'ai
pas eu le moindre shekel. depuis le mois de mars, suite aux "incursions"
répétées de Tsahal, je n'ai pas fait un mois complet. Je compte donc porter
l'affaire devant les tribunaux israéliens pour récupérer les quelques
milliers de shekel qui me manquent...
Et dans le genre "tout va mal ici",
j'an ai encore une bonne : le ministre israélien sans portefeuille Effi
Eitam a appelé à tuer Arafat et Marwan Bargouti. "Arafat est un assassin
dément qu'il faut tuer" a-t-il
déclaré dans une synagogue. Quelle horreur !
Un ministre qui en appelle à tuer un président élu !
J'attends avec
impatience les réactions que cette phrase va susciter dans mon beau
pays...
Si un imam avait vociféré les mêmes horreurs du haut de son minaret,
inutile de dire que ce serait le titre de vos journaux de 20h. Mais hélas
j'ai compris une chose depuis le 11 septembre. Il y a les "bons" et il y a les
"méchants", les cow-boys et les indiens si vous préférez, les Jedi et les
Darkvador.
Je suis en plein dans "l'Axe du mal". Et j'en suis
fière.
3. Accordéon en otage - Vielle à roue endommagée par
Miquèu Montanaro
[Miquèu Montanaro est
musicien, auteur, compositeur et interprète.]
Nous avions
quitté la Palestine Laurence Bourdin et moi en janvier 2002 en nous promettant
d'y revenir présenter dès sa sortie le CD "Chicha" (1) que nous devions réaliser avec Abdel Moneim
Oudwan et Camilia tous deux chanteurs palestiniens.
A l'occasion de la fête
de la musique nous avons donc accepté l'invitation du Centre Culturel Français
de Gaza et avons donné deux concerts emplis de gravité, de chaleur, d'humanité
dans la ville qui n'en avait plus entendu depuis longtemps. Nous avons tenté
d'apporter un peu de beauté là où deuils et colère sont omniprésents et nous
nous apprêtions à prendre l'avion pour rentrer chez nous avec le sentiment
d'avoir été là où nous devions être au moment où nous devions y être...
En
quelques minutes dès notre arrivée à l'aéroport de Tel-Aviv nous nous sommes
sentis considérés comme des personnes dangereuses, interrogés plusieurs fois
séparément, fouillés, nos bagages entièrement disséqués, nos instruments
vérifiés un à un, etc… (tout cela ne m'étonnait pas, dans un pays en guerre cela
pouvait se comprendre.)
Puis les services de sécurité m'ont fait savoir
qu'ils gardaient mon accordéon pour vérifications supplémentaires. Ils m'ont dit
aussi que je pouvais rester mais qu'il me faudrait acheter un nouveau billet
pour le vol suivant, qu'il me faudrait donc repasser à la fouille complète mais
qu'il était possible de leur laisser mon accordéon. Il me serait renvoyé avec le
premier avion en partance... J'aurais été seul je n'aurais pas bougé, payé le
supplément, attendu mon instrument que je n'ai jamais laissé depuis 1988 date de
sa sortie de chez Maugein. Instrument unique fait sur mesure avec lequel j'ai
fait le tour de la planète sans jamais avoir de problèmes...
Mais nos étions
deux, des répétitions nous attendaient à l'arrivée... Je suis donc parti sans
mon accordéon.
Sans non plus de papier officiel prouvant qu'il était retenu,
seulement un ticket de bagage... L'officier de la sécurité israélienne me
demandant de me présenter à Zürich et Nice au bureau des objets trouvés (tous
les autres bagages étaient enregistrés et partaient normalement directement pour
Nice).
Arrivés à Zurich en nous rendant au bureau des objets trouvés pour
voir ce qui se passait pour mon accordéon, nous avons trouvé sur le tapis
roulant le flight case de Laurence avec les serrures détruites et la vielle à
roue endommagée... de nouveau fouillés.
Laurence à reçu un choc émotionnel si
violent qu'elle ne pouvait plus respirer et enfin, quand elle a pu pleurer,
c'était un cri comme celui d'une mère devant son bébé mort.
Toute la tension
que nous avions reçu depuis notre arrivée à l'aéroport s'échappait en pleurs et
râles de douleur.
Pourquoi ? Pourquoi prendre mon accordéon en otage.
Pourquoi après que nous soyons passés par toutes les fouilles, toutes les
vérifications ouvrir par effraction encore une fois la caisse de la vielle à
roue. Pourquoi ? Pour nous punir de considérer les Palestiniens comme des êtres
humains ? Pour nous punir d'avoir dénoncé à la télévision palestinienne le
recours aux bombes humaines au risque de devenir nous mêmes la cible
d'extrémistes ? Parce que pour nous la vie d'un Israéliens à la même valeur que
celle d'un Palestinien, d'un Français ou de n'importe quel être humain sur la
planète ? Pour décourager les artistes de continuer à faire leur métier qui est
de chanter la vie alors que les armes sèment la mort ? Pourquoi ?
Deux jours
après notre départ de Tel-Aviv je n'ai toujours aucune nouvelle de mon accordéon
qui semble n'avoir jamais quitté Israël ?
En quittant Gaza au passage d'Erez,
il y avait une famille palestinienne en costume du dimanche en plein soleil
visiblement depuis longtemps. Le soldat Israélien du poste leur a offert de
l'eau, il a rempli leur bouteille par dessus la barrière...
Pour ce jeune
soldat, pour tous ces Palestiniens souriants et leur "Bienvenue", pour ces
militaires [israéliens] qui sont en prison parce qu'ils ne veulent plus servir
dans une armée d'occupation, pour tous ceux qui luttent pacifiquement pour que
justice et paix soient possible au Moyen-Orient, pour tous nos amis Juifs,
Chrétiens et Musulmans de Paris et d'ailleurs qui ensemble veulent arrêter les
tueries.
Je proteste contre ce manque de respect et ces tentatives
d'intimidation. Je proteste contre la rétention d'un instrument de musique, de
la détérioration d'un autre. Je proteste contre l'injustice et les
provocations... Malgré cela nous continuons à dédier tout notre travail
d'artistes à tous les gens de bonne volonté.
(1)
Chicha - CD VDE10800 - Distribué par Orkhêstra
International.
Dernières
parutions
1. La Revue d’études palestiniennes n° 84 - Eté
2002
[160 pages - ISBN :
2707317969 - Prix : 3,72 euros]
- Au
sommaire :
- Grandeur de Yasser Arafat
(septembre 1983) par Gilles Deleuze
- Messages d'une guerre - La Revue d'études
palestinienne présente dans un dossier de 90 pages, un grand nombre de
lettres, messages et appels parvenus à la revue. Ils proviennent, pour la
plupart, des villes palestiniennes assiégées depuis fin mars 2002 par l'armée
israélienne et constituent des témoignages de première main, parfois directs,
parfois indirects sur ce qui se passe réellement en Cisjordanie, et notamment à
Jenin comme on le verra, des Israéliens indignés et inquiets sur l'avenir
d'Israël ont aussi mêlé leurs voix à celles des Palestiniens. L'accumulation de
tous ces témoignages est particulièrement parlante. En vérité, elle est
accablante. Au milieu de ces messages terribles, sont publiés aussi quelques
textes de correspondants parus dans la presse palestinienne, arabe, française et
internationale.
- D'une intifada l'autre par Ilan Halevi
- La vie en dessous de zéro (1) par Riad Beidas
- Les Chroniques de Ilaln Halevi et Jean-Claude Pons
- Les Notes de lectures de Michael Löwy et Hassan
Chami
- La Chronologie du 1er novembre au 31 décembre 2001 par
Isabelle Avran
2. Une enfance à Gaza (1942-1958) par Arlette
Khoury-Tadié
aux éditions Mainsonneuve & Larose
[280 pages - ISBN : 2706816031 - Prix : 15
euros]
Une petite fille, née pendant la Seconde Guerre mondiale, a traversé à
Gaza, en Palestine, les guerres de 1948 et de 1956. Elle les a observées et
ressenties avec ses yeux d'enfant, et c'est ce que raconte ce livre.
L¹autobiographie est le prétexte à raconter l'histoire d'une ville qui,
avant d'être la "plus grande prison du monde", comme l'a baptisée un reportage
de TF1, et un gigantesque camp de réfugiés, a été une ville paisible, peuplée de
gens pacifiques, avec leurs qualités, leurs défauts, leurs joies et leurs
chagrins ; ils savaient rire et pleurer, et surtout ils vivaient en paix et
n¹étaient pas, ce qu¹ils sont devenus depuis l¹occupation de 1967, des gens
désabusés, écrasés, qui luttent désespérément pour leur survie.
Ce récit, en se fondant sur des faits réels, veut être un témoignage et non
un pamphlet, il veut dire avec les mots de l¹enfant puis de l¹adolescente ce que
celles-ci ont vu et ressenti, et si, de temps à autre, quelques réflexions
viennent d¹un savoir ultérieur, elles ne sont là que pour expliquer une
impression ou ressentie à ce moment et que l¹enfant n¹était pas à même de
comprendre et encore moins d¹exprimer.
L'auteure décrit les traditions
particulières des habitants de Gaza pour donner une idée au lecteur des us et
coutumes d¹une société qui a évolué plus rapidement que d'autres, dont le mode
de vie a totalement changé, non seulement du fait de l¹évolution normale due au
temps et au progrès, comme dans toute société, mais à travers ses souffrances et
les vexations imposées.
C'est l'émouvante évocation, à travers une vie
personnelle, d'une société et d'une civilisation qui disparaissent tous les
jours dans les barbelés et sous les obus.
Arlette Tadié est maître de conférences à l¹INALCO. Elle a
travaillé sur le dialecte dans le roman égyptien contemporain, notamment dans le
roman féminin. Elle est l¹auteur du recueil Le sel de la conversation, 3000
proverbes d¹Egypte paru aux Editions Maisonneuve et Larose en
2002.
Réseau
1. Reporters sans frontières indignée par la mort d'un
photographe palestinien à Jénine - Ariel Sharon classé parmi les prédateurs de
la liberté de la presse
Le 12 juillet 2002, Imad Abu Zahra,
photographe palestinien free-lance, est décédé à Jénine après avoir été
grièvement blessé, la veille, par un tir de l'armée israélienne.
"En
l'espace de cinq mois, deux journalistes ont été tués par Tsahal. Il est
inadmissible, dans le cas d'Imad Abu Zahra, que les soldats israéliens n'aient
pas permis à l'ambulance d'accéder au blessé. Depuis septembre 2000, plus de
quarante journalistes ont été blessés par balles par l'armée israélienne. Depuis
la venue au pouvoir d'Ariel Sharon, en février 2001, dix-sept journalistes ont
été blessés, soixante-dix ont essuyé des tirs et quinze bureaux de médias
étrangers ou palestiniens ont été occupés par l'armée israélienne. Et depuis le
29 mars 2002, date du début de l'opération Rempart, au moins trente journalistes
ont été arrêtés et six d'entre eux, tous Palestiniens, sont toujours détenus.
L'armée israélienne agit en toute impunité. C'est intolérable. Combien
faudra-t-il de morts pour que l'armée cesse de s'attaquer à la presse ?
Reporters sans frontières a décidé de classer le Premier ministre israélien,
Ariel Sharon, parmi les prédateurs de la liberté de la presse", a déclaré Robert
Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières.
Imad Abu Zahra,
photographe palestinien free-lance âgé de trente-cinq ans, est décédé à la suite
de ses blessures à l'hôpital de Jénine. La veille, vers midi, alors que le
couvre-feu avait été levé et qu'il se trouvait au centre-ville avec Saïd el
Dahleh, photographe de l'agence de presse officielle palestinienne WAFA, des
tanks ont tiré sur eux sans aucun avertissement. Les deux hommes ont tous les
deux été blessés à la jambe. Imad Abu Zahrah, sérieusement touché, a perdu
beaucoup de sang durant plus d'une heure, les soldats israéliens empêchant une
ambulance de venir le chercher. Il a finalement été conduit, en voiture, à
l'hôpital où il a été placé en soins intensifs. Selon plusieurs témoins, il n'y
avait aucun affrontement à ce moment. De son côté, un porte-parole de l'armée
israélienne a déclaré : "La foule jetait des pierres et des bombes incendiaires
sur nos véhicules."
Le 13 mars 2002, Raffaele Ciriello, envoyé spécial du
quotidien italien El Corriere della Sera à Ramallah, était également décédé
après avoir été blessé par balles par des tirs israéliens. Le journaliste avait
été atteint de six balles tirées par des soldats israéliens à partir d'un char
situé près de la place Al Manara, au centre-ville.
2. Le journaliste Daniel Mermet relaxé dans le procès
d'intimidation que lui avait intenté le lobby pro-israélien
français
[Détails dans le Point
d'information Palestine N°201 du 17/06/2002 - DOSSIER SPECIAL : Le journalisme
en danger §2. LE CAS DANIEL
MERMET.]
Mettant
en cause des appels d'auditeurs diffusés dans "Là-bas si j'y suis" (une émission
radiophonique très populaire en France) en juin 2001, au cours d'une série
d'émissions sur le conflit israélo-palestinien, l'association Avocats sans
frontières, l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) et la Ligue contre le
racisme et l'antisémitisme (Licra) ont assigné en justice le journaliste Daniel
Mermet et Jean-Marie Cavada, président de Radio France, accusés "d'incitation à
la haine raciale". L'audience a eu lieu le 31 mai, le jugement rendu le vendredi
12 Juillet 2002 au Palais de Justice de Paris, devant la 17ème chambre
correctionnelle :
(../..) Attendu que, pour sa part le tribunal observe
que Mr Mermet, plus en qualité de témoin de l'évènement qu'en journaliste, a
rendu compte d'une situation politique éminemment conflictuelle ; que sans
doute, cette relation d'un vécu qui est ainsi, un peu le sien, ne va pas sans
l'expression de certaines préférences ; que, toutefois celles-ci ont seulement
trait à une cause, défendue par lui indépendamment de toutes considérations
raciales (../..). Par ces motifs, le tribunal statuant publiquement, en matière
correctionnelle (../..) relaxe Messieurs Daniel Mermet et Jean-Marie Cavada des
fins de toutes les poursuites engagées contre eux; en conséquence met hors de
cause la société Radio-France; déboute les parties civiles de leurs demandes.
(../..)
3. Communiqué de l'Association Avocats sans Frontières
- http://www.asf-france.org
Le journal "Le
Monde" a publié dans son édition du dimanche 2 et lundi 3 juin 2002 un article
consacré au procès qui s'est tenu devant le Tribunal de Paris le 31 mai dernier
au cours duquel a été examinée l'action engagée, entre autres, par l'association
Avocats Sans Frontières présidée par Maitre Gilles William Golnadel à l'encontre
du journaliste Daniel Mermet du chef d'incitation à la haine raciale.
L'association Avocats Sans Frontières France, dont le siège est à Toulouse,
présidée par Maitre François Cantier précise qu'elle est totalement
étrangère à cette action. ASF France a pour objet de venir au soutien
d'avocats menacés dans l'exercice de leur profession et d'intervenir chaque fois
que les Droits de L'Homme en général et les Droits de la Défense en particulier
ne peuvent être librement exercés. Les buts poursuivis par ASF-France et les
actions concrètes engagées sur le terrain par des avocats militants n'ont rien
de commun avec ceux de l'association citée par l'article. Une procédure est en
cours devant le Tribunal de Toulouse afin de déterminer laquelle des deux
associations peut se prévaloir de cette appellation. Je vous précise que
l'Association de notre confrère Golnadel n'a strictement aucune action
de solidarité internationale et ne s'est manifestée ces deux dernières années
que par des procédures judiciaires du type de celles d'aujourd'hui.
Francois Cantier, Président d'Avocats sans Frontières -
France
4. Voici comment ces Princes qui nous gouvernent ont
été charmés par Israël Shamir (15 juin 2001)
Extraits de conférences données à l’Université
Standford (Californie) et à l’Université américaine du Caire par le journaliste
et écrivain israélien, Israel Shamir.
- I
- “Mais qu’est-ce qu’il lui trouve donc ?” - murmurent entre elles les
pimbêches jalouses. “Pourquoi l’inonde-t-il ainsi de cadeaux ? Qu’a-t-elle donc
de plus que nous ? Elle lui coûte un fric fou. Elle abuse de sa patience. Elle
lui a fait rompre avec ses vieux potes, et on sait bien pourquoi : cette petite
garce est prête à toutes les mesquineries. Mais lui, radin de nature - on dirait
qu’il a un oursin dans la poche - il est là, toujours aux petits soins pour
elle, rien n’est trop beau, il ne regarde pas à la dépense. Il prend toujours sa
défense, rosse ses ennemis et intime le silence à ses critiques. Qu’y a-t-il
donc derrière cette amourette, unique en son genre, entre cette Fille de Sion,
la moyen-orientale, et Super-Power, le beau prétendant d’outre-Atlantique
?”
Cette question agace l’esprit. C’est une véritable invitation à
aller explorer les sources de la Grande Anomalie de notre époque. Comme
l’exploration des sources du Nil, au début du siècle dernier, cela exige la
capacité de regarder un lion au fond des yeux avec ce dédain pour la mort du
chasseur occidental, ainsi que des talents de détective dignes d’un Sherlock
Holmes.
L’explication courante actuelle réside en on ne sait quel “intérêt
stratégique des trusts américains” très vaguement défini, quelquefois explicité
en un désir des industries de l’armement américaine de vendre leur quincaillerie
aux Arabes. D’autres préfèrent invoquer le besoin pour l’Amérique de disposer
d’une base stratégique, d’”un flic en patrouille” dans une région à problèmes.
Les idéalistes en tiennent pour l’explication par le sentiment de culpabilité
des Américains, dans l’ombre portée de l’Holocauste ou encore pour une
similarité entre mentalités (américaine et israélienne). Une autre école,
prolixe, explique l’Anomalie par le pétrole : le pétrole arabe doit être sous
contrôle américain et qui pourrait être plus indiqué, je vous demande un peu,
pour faire ce boulot, que les féroces Juifs hassidiques ?
Toutefois, cette
école explique par le pétrole tout et n’importe quoi : que ce soit
l’intervention en Afghanistan, l’attaque prévisible contre l’Irak, la tension
entre l’Inde et le Pakistan, ou les troubles en Palestine. Cela me fait penser
aux philosophes de l’Antiquité grecque qui croyaient que l’univers était
constitué d’un seul élément de base.
Thalès disait : l’eau est à l’origine de
toutes choses.
Anaximénès disait : c’est l’air, qui est à l’origine de toutes
choses.
Héraclite disait : Mais non ! Tout a pour origine le feu
!...
“Tout est pipelines”, proclament en choeur nos experts dès que l’on
discute des raisons motivant la politique américaine au Moyen-Orient. Cela
semble convainquant, tant que ne vous revient pas à l’esprit la réplique enjouée
d’Afif Safiyé, sympathique représentant de l’Autorité palestinienne à Londres
:
“Palestine has a lot of oil. Olive oil !”. [“En Palestine, nous avons
beaucoup d’huile. D’huile... d’olive !”. Jeu de mots sur ‘oil’, qui en anglais
signifie aussi bien “pétrole” qu’”huile”, ndt.]
Pour mieux comprendre le
charme sulfureux de cette délurée de Fille de Sion, il convient de nous souvenir
que l’Oncle Sam n’en est pas moins que le troisième du genre dans la série de
ses chevaliers servants. Avec les prédécesseurs de Bush - l’Empire britannique,
de 1917 à 1922 puis l’Union soviétique, de 1945 à 1949 - nous avons au moins
l’avantage indéniable de tout connaître des détails croustillants et des motifs
de ses premières idylles. En effet, les archives ont été ouvertes, publiées et
analysées par les garçons d’honneur... Nous pouvons aisément faire l’inventaire
des fruits de leurs oeuvres, et en déduire les raisons pour lesquelles ces
deux-là “en pinçaient” pour elle.
- II - Le premier Prince Charmant à avoir été vampé par la
voix rauque et enjôleuse de la Fille de Sion fut le Secrétaire au Foreign Office
britannique, Lord Balfour, qui promit de faire de la Palestine un foyer national
pour les Juifs. Ce faisant, la Grande-Bretagne trahissait les promesses qu’elle
avait prodiguées aux Arabes, s’emparait de la Palestine, imposait la domination
juive sur le terrain, tuait et exilait tout dirigeant palestinien récalcitrant,
détruisait l’économie palestinienne et entraînait les futures troupes de choc
des Forces Israéliennes dites “de Défense” à “traiter” les indigènes. En retour,
les Britanniques obtinrent des cacahuètes : la Palestine, ingouvernable, leur
coûta la peau des fesses et leur causa un tas de problèmes. La Perfide Albion
fut honnie au Moyen-Orient. Des soldats et officiers britanniques furent tués,
tant par les Palestiniens que par des sionistes absolument
insatiables.
L’explication traditionnelle du comportement des Britanniques
est identique à celle que l’on avance souvent aujourd’hui au sujet du soutien
inconditionnel des Etats-Unis à Israël. On parle déjà, à propos des
Britanniques, d’”impérialisme”, de “pétrole”, d’”enjeux stratégiques”, de
“diviser pour régner” et autres platitudes du même acabit (à l’exception,
toutefois, de l’Holocauste, puisqu’il est ici question d’événements survenus
bien avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir...). Mais la très riche et méticuleuse
“Recension des documents officiels, mémorandums et lettres des dirigeants en
poste à Londres et en Palestine”, dans les années décisives allant de 1917 à
1922, contient, en tout et pour tout, une seule référence à l’importance pour
l’Empire de la Palestine, telle que perçue par les gouvernants britanniques :
“la Palestine n’a aucune valeur stratégique, de quelque point de vue qu’on
l’examine”. Dans la table des matières, le mot “pétrole” ne figure pas.
Dans
les conversations privées derrière les portes capitonnées de Whitehall, on ne
trouve même pas un filet de désir impérialiste de diviser pour régner. Bien au
contraire, les dirigeants britanniques “anticipent de gros ennuis de la part des
sionistes” (Général Allenby). Comme le dit Lord Cecil, dans une formule
délicieuse, “nous (les Britanniques) n’obtiendrons rien de cela [la possession
de la Palestine]”. Les Britanniques n’avaient nul besoin de la Palestine. Tout
ce qu’ils désiraient, c’était s’en débarrasser. Mais ils n’osaient pas le faire.
Les archives intitulées “Palestine Papers” font un sort à l’interprétation par
l’”impérialisme”, pour ne pas parler, par charité, de l’explication du
“pétrole”, en ce qui concerne la liaison tumultueuse et passionnelle entre les
sionistes et l’Empire britannique.
Aujourd’hui, l’écrivain israélien de
talent Tom Segev propose une motivation très différente, dans son best seller
“Une Palestine, Edition complète”. Publié en anglais l’année dernière, cet
ouvrage a été encensé par les grand pontes juifs américains. Ils le trouvèrent
“extrêmement bien documenté” (Jewish Week), “fascinant” (Hadassa Magazine), “un
phare permettant de se repérer dans l’univers de l’information” (Houston Jewish
Herald), tandis qu’un grand admirateur de Sharon, Ron Grossman, du Chicago
Tribune, y allait carrément de son “Brillantissime. Un récit absolument
fascinant sur cette période cruciale”...
Segev, dans son bouquin, ne mâche
pas ses mots. Rejetant catégoriquement les explications liées à la stratégie
pétrolière il affirme, d’entrée de jeu : “l’Angleterre a fait le coup (de créer
le “foyer”, ndt) parce qu’elle était convaincue de la grande capacité des Juifs,
dans le monde, à exercer une influence décisive sur les événements mondiaux,
tant aux Etats-Unis que dans la Russie révolutionnaire. Le gouvernement
britannique en était arrivé à la conclusion que oui, cela valait le coup de
conquérir la Palestine et de la donner aux sionistes après en avoir supprimé la
population et, cela, afin d’entrer dans les bonnes grâces de la Juiverie
mondiale”.
Le Premier ministre de l’époque, Lloyd George, “avait peur des
Juifs”. Dans ses mémoires, il a expliqué sa décision capitale d’apporter le
soutien de la Grande-Bretagne aux sionistes par le besoin impérieux de conclure
une alliance, “un contrat avec la Juiverie”, “ce pouvoir extrêmement influent
dont la bonne volonté valait la dépense”, et cela, pour rien moins (excusez du
peu...) que remporter la guerre. “Les Juifs avaient la ferme intention de donner
à la Première guerre mondiale l’issue [qui leur conviendrait]. Ils ont été
capables de pousser les Etats-Unis à l’intervention et, en tant que réels
marionnettistes tirant les ficelles de la révolution russe, ils ont également
réussi à contrôler l’attitude de la Russie vis-à-vis de l’Allemagne. Les Juifs
se vendirent au plus offrant. N’eût la Grande-Bretagne surenchéri, les Allemands
auraient emporté l’affaire...” Le rusé Lloyd George fonde son opinion sur les
rapports sans équivoque d’ambassadeurs britanniques. “L’influence des Juifs est
très grande, -notait ainsi son homme à Washington. - Ils sont très bien
organisés, particulièrement dans la presse et dans la finance, et leur influence
dans le monde politique est considérable”. L’ambassadeur britannique en Turquie
rapportait qu’un réseau international de Juifs constituait le pouvoir réel dont
le “révolutionnaire” Atatürk n’était que le pantin. Le sous-secrétaire au
Foreign Office, Lord Cecil, dans son style inimitable, résuma bien la situation
: “Je ne pense pas qu’il soit possible d’exagérer le pouvoir des Juifs au plan
mondial”. L’Institut Royal des Relations internationales a pu affirmer que “la
sympathie des Juifs [à l’égard de la Grande-Bretagne] était décisive pour
remporter la victoire”.
Les Juifs partageaient totalement cette vision d’une
Juiverie unie et puissante, écrit Segev. Le ministre britannique des PTT - juif
et sioniste - Herbert Samuel, proposa en 1915 de donner la Palestine aux Juifs
“afin que des millions de Juifs, dispersés partout dans le monde, y compris les
deux millions de Juifs vivant aux Etats-Unis, soient mis en situation d’avoir à
faire preuve d’une gratitude éternelle envers les générations à venir”. (Cette
gratitude “éternelle” ne dura, en réalité, même pas vingt ans : jusqu’au
déclenchement de la terreur sioniste anti-britannique). Usant d’une litote au
charme authentiquement british, Samuel écrit : “(...) et s’attirer les bonnes
grâces de l’ensemble de la gent juive, voilà un jeu qui pourrait bien s’avérer
en valoir la chandelle...”
Le dirigeant sioniste Chaim Weizmann “fit de son
mieux afin de renforcer cette impression”, écrit Segev. Il “sortit le mythe du
pouvoir juif de derrière les fagots” et “renforça la propension des Britanniques
à voir les Juifs partout et derrière tout événement décisif”. Mais les British
ne mordirent résolument à l’hameçon qu’en 1917, leur situation militaire étant
totalement désespérée. Le font russe s’était effondré sous les coups des
Bolcheviques et les Allemands avaient transféré des divisions sur le front
ouest... La Grande-Bretagne décida alors d’en passer par l’entremise des Juifs
afin que ceux-ci poussent l’Amérique à intervenir dans la guerre en
Europe.
- III - Bon, d’accord, Tom Segev n’a pas (re)découvert
l’Amérique, mais il a introduit un instrument d’analyse qui faisait cruellement
défaut, celui de “perception”. Très judicieusement, il ne dit pas “les Juifs
avaient un tel pouvoir que les Britanniques préféraient traiter avec eux et leur
livrer la Palestine fût-ce au prix du sacrifice de milliers de soldats
britanniques et de millions de Palestiniens”. Non, l’écrivain israélien Tom
Segev utilise une formule parfaitement acceptable, même pour les officiers les
plus sévères du Bureau de Vérification du Politiquement Correct... Il écrit que
le facteur décisif n’était pas le “pouvoir juif”, mais “la perception qu’un
pouvoir juif existât”, “la croyance en un pouvoir juif (présumé)”. Il en va en
cette matière comme en matière de croyance en l’existence de la sorcellerie. Son
nouvel outil d’analyse et ses applications nous permettent de continuer à
traiter du sujet qui nous préoccupe tranquillement, en laissant pour l’instant
de côté la question connexe (mais néanmoins troublante) de la réalité (par
opposition à la perception), sujet pour un autre débat (sûrement
passionnant).
La perception (que les gens ont) d’une chose est tout aussi
importante que cette chose elle-même, en tant que réalité, a expliqué
l’humoriste Mark Twain dans sa nouvelle “Une facture d’un million de dollars”.
Le héros américain de cette histoire est pris unanimement pour un milliardaire,
bien qu’il n’ait pas penny vaillant en poche. Mais cela ne fait rien : il
continue à amasser des millions, grâce à cette réputation...
Une critique du
livre de Tom Segev, publiée dans le New York Times, décrit Balfour et les autres
soutiens des sionistes comme “agissant poussés par des sentiments antisémites”.
C’est là une définition intéressante : même de dévoués sionistes chrétiens, qui
ont soutenu jusqu’au bout l’Etat juif, sont jugés “antisémites”, dès lors qu’ils
ont la perception d’un pouvoir des Juifs et qu’ils y font référence ! Avant la
Seconde guerre mondiale, personne ne faisait attention aux Juifs. C’est pourquoi
il aurait été très malaisé de tenir ouvertement des propos sur l’étendue réelle
du pouvoir juif, qui auraient été jugés incohérents, tout-à-fait de la même
manière qu’il est très difficile, comme on sait, de mesurer et de démontrer une
influence quelle qu’elle soit. Aucun réseau de télévision ni aucun journal du
monde occidental n’oserait s’attaquer à ce défi, même avec des pincettes (“même
du bout d’une perche de péniche”, écrit I. Shamir).
Segev se “couvre” encore
davantage en attribuant aux Britanniques la conviction baroque d’un “contrôle
des Juifs sur le monde”. Aucune personne sensée, de Lloyd George à Hitler, n’a
jamais pensé cela. Le monde est bien trop étendu et complexe : nul ne saurait le
contrôler. Mais généralement l’attitude des apologistes juifs consiste à
attribuer cette accusation outrée à leurs adversaires, pour, ensuite, la réfuter
et considérer que le cas est entendu. Avec nous : ça ne prend pas ! Nous allons
laisser le dossier ouvert encore quelque temps...
Segev laisse pendantes les
raisons pour lesquelles des politiciens et des hauts fonctionnaires britanniques
ayant la tête solidement vissée sur les épaules ont pu succomber à une telle
illusion, ni pourquoi ils n’ont pas attribué aussi une “influence mondiale
déterminante” (du temps qu’ils y étaient) aux guérisseurs de l’Afrique de
l’Ouest ou aux maîtres taoïstes chinois, se cantonnant aux Juifs. Cette lacune
est comblée par un épais volume du Professeur Alfred S. Lindemann, de
l’Université de Californie, publié par Cambridge University Press, intitulé Les
Larmes d’Esaü (Esau Tears).
Dans cette somme, Lindemann fait allusion à la
guerre russo-japonaise de 1905, qui avait vu Jacob H. Schiff, un financier
américain, bloquer la tentative des Russes d’obtenir des bons du trésor auxquels
ils aspiraient, sur le marché mondial, afin de financer l’effort de guerre de la
Russie, et soutenir au contraire le Japon, ce qui eut pour résultat final de
causer la défaite, humiliante, de la Russie. Par la suite, Schiff s’était vanté
de son haut-fait, disant : “Ah, vous voyez bien : la Juiverie internationale
représente un pouvoir, malgré tout !”. Simon Wolf, un autre dirigeant américain
juif important, confident de plusieurs présidents des Etats-Unis, fit la leçon
aux Russes : “Les Juifs dispersés dans le monde entier le contrôlent en grande
partie. Il ne sert à rien de tenter de dissimuler le fait qu’aux Etats-Unis les
Juifs jouent un rôle important dans la formation de l’opinion publique et dans
le contrôle des finances. Ils exercent une influence très puissante, et
absolument tous azimuts.” En 1905, après la guerre russo-japonaise, leurs
fanfaronnades furent admises comme correspondant à la stricte
réalité.
Winston Churchill et Théodore Herzl étaient intimement convaincus
que la Juiverie internationale avait un pouvoir énorme dans le domaine des
relations internationales. Le professeur Lindemann conclut ainsi : “ils
n’avaient pas tort lorsqu’ils pensaient que les Juifs représentaient un pouvoir
(dont ils devaient tenir le plus grand compte) dans le monde, en pleine
expansion de surcroît, tout particulièrement en raison de l’influence qu’ils
étaient en mesure d’exercer aux Etats-Unis, nouvelle grande puissance en cours
d’émergence.”
Lindemann avance l’hypothèse selon laquelle la raison ayant
motivé la déclaration Balfour était la crainte (tant de Balfour que du président
américain Wilson) que les Allemands ne les devançassent en faisant une offre de
cette nature, ralliant ainsi des Juifs influents à la cause des Pouvoirs
Centraux et anéantissant l’effort de guerre anglo-américain... C’est la raison
pour laquelle les Anglais se sont empressés de surenchérir afin d’écarter
d’autres acquéreurs potentiels de l’influence juive (réelle ou fantasmée).
- IV - Trancher ou seulement disputer au sujet de
savoir si les Juifs ont effectivement livré la marchandise, conformément à leurs
engagements, voilà qui sort de notre propos. Qu’il nous suffise d’indiquer que
c’est fort vraisemblable : tout semble en effet l’indiquer. L’Amérique a
effectivement lancé ses troupes toutes fraîches sur les champs de bataille
européens, les troupes allemandes harassées ont été vaincues, et le traité de
Versailles a scellé le sort tant de l’Allemagne que de la Palestine. Les bonnes
relations ancestrales entre Juifs allemands et Allemands furent ruinées de
manière irrévocable par l’alliance soupçonnée des Juifs avec les ennemis de
l’Allemagne. Enfin, des Juifs ordinaires, des Allemands ordinaires et des
Palestiniens ordinaires durent payer le prix - terrible - des ambitions du
leadership juif américain.
Les Britanniques n’osèrent pas tricher avec les
Juifs après la guerre, car ils étaient menacés d’une possible désertion juive, à
nouveau. Cette fois, dans le conflit avec la Russie. Le général McDonogh, chef
du Service du Renseignement Militaire britannique, avertit les hautes sphères
administratives de l’Empire : “Le plus important, en Palestine, ce n’est pas les
relations topographiques avec la Syrie ou je ne sais quoi... Non, ce qui est
fondamental, c’est qu’elle intéresse tous les Juifs, partout dans le monde. Les
sionistes me disent que si les Juifs n’obtiennent pas ce qu’ils veulent en
Palestine, nous les verrons tous se faire bolcheviques et soutenir le
bolchevisme dans tous les autres pays, comme ils l’ont fait en Russie”.
Tout
récemment, les dirigeants de la droite israélienne, en particulier Sharon,
Liebermann et Netanyahu, ont déclaré à plusieurs reprises que “si le peuple juif
n’obtient pas ce qu’il réclame en Palestine”, ils accorderont leur soutien au
président russe Wladimir Poutine. Deux ou trois visites de ministres israéliens
en Russie ont été suffisantes pour forcer les dirigeants américains à réaffirmer
leur engagement vis-à-vis d’Israël, bien que la menace (des Israéliens de se
détourner des Américains pour soutenir Poutine) fût bidon. Maintenant, pour la
première fois depuis des siècles, les Juifs ont perdu leur réputation d’être en
position de courtiers entre deux grandes puissances. La Russie de Poutine est
trop faible pour menacer l’Amérique ; la gauche radicale est plutôt faible, et
ne dispose pas de (leader) juif connu comme tel ; de plus, les Juifs européens
ne se sont jamais remis de la Seconde guerre mondiale. Les dirigeants israéliens
ont la chance (ou/et le talent) d’avoir affaire à des Etats-Unis dirigés par ce
nigaud de Bush, et non pas par des gens de la stature d’un Nixon ou d’un Lord
Curzon, l’homme qui déclara, en mars 1920 : “Les sionistes veulent un Etat juif
avec les Arabes comme bûcherons et porteurs d’eau. Moi, je veux laisser aux
Arabes leurs chances dans la vie. Alors, qu’on ne me parle pas d’un Etat juif !”
Mais, “étrangement”, Nixon a été écarté du pouvoir après la campagne que l’on
sait du journal (aux capitaux juifs) Washington Post, et Lord Curzon a péri dans
des circonstances non élucidées jusqu’à ce jour ...
Comme il l’avait prédit,
l’Empire britannique ne tira rien de bon de son marché avec les Juifs, même à
moyen terme. La victoire britannique sur l’Allemagne, en 1918, fut une victoire
à la Pyrrhus, car elle ne fit qu’accélérer le déclin de l’Empire. Nombreux
furent les politiciens à grommeler, suggérant qu’au lieu de mendier le
ralliement des sionistes et de rechercher à tout prix la victoire en 1915-1917,
les Britanniques auraient bien mieux fait de conclure une paix avec
l’Allemagne...
La domination britannique en Palestine ne donna à l’Angleterre
aucune influence, aucun profit, aucun avantage stratégique. Elle ne lui valut
même pas le soutien des Juifs, pour ne pas parler (par charité !) de leur
gratitude. L’establishment juif organisé soutint l’Amérique, les communistes
juifs soutinrent la Russie révolutionnaire, tandis que les Juifs britanniques de
droite louchaient en direction de Mussolini et d’Hitler à la recherche
d’inspiration et d’assistance...
Les organisations terroristes sionistes
Hagana, Irgun et Stern humilièrent, terrorisèrent et assassinèrent moult
soldats, officiers et hommes d’Etat britanniques. Très rapidement, les Anglais
comprirent qu’ils avaient fait une énorme erreur en concluant leur marché avec
les Juifs. Ils découvrirent à leurs dépens, comme bien des dirigeants avant eux,
et aussi après eux - Yasser Arafat étant le dernier en date - qu’il faut avoir
une cuillère très très longue, si l’on veut manger, dans le même pot, en
compagnie du Diable.
- V - Ainsi se termina - fort mal, comme nous avons vu -
l’idylle entre le Prince charmant britannique et la Fille de Sion... Mais
celle-ci ne resta pas longtemps esseulée. Joseph Staline prit très vite la place
abandonnée par le chevalier servant britannique. Entre 1954 et 1959, l’Union
soviétique devint le puissant soutien et protecteur de l’Etat juif balbutiant.
La Russie vota en faveur du partage de la Palestine, fut le premier Etat à
reconnaître Israël, et le principal fournisseur d’armes des sionistes (à travers
leur satellite tchèque), tandis que l’Occident imposait son blocus à la partie
palestinienne. Finalement, l’admirateur russe laissa tomber sa Dulcinée, comme
son prédécesseur britannique, et se remit à soutenir la cause palestinienne.
L’étrange zig-zag de la politique russe intrigua les politiciens et les
universitaires, qui proposèrent des explications on ne peut plus prévisibles et
prévues : “le désir de Staline d’avoir un pied-à-terre au Moyen-Orient”, “la
croyance des Soviétiques en des sympathies pro-communistes des Juifs en
Palestine”, “les tentatives de la Russie pour saper l’impérialisme britannique”,
l’inévitable “pétrole” et les incontournables “expansionnisme” et “impérialisme”
(soviétiques).
Toutes ces explications semblent plausibles. Pour nous,
Israéliens, la plus recevable est celle qui établit un lien entre la Russie et
la gauche israélienne. En 1948, les combattants du Palmach singeaient l’Armée
rouge et beuglaient des chants de guerre russes ; certains avaient servi dans
les armées communistes russes ou polonaises. Les géostratèges préféraient la
thèse d’une Russie en quête d’un débouché sur la Méditerranée, tandis que les
politologues voyaient la question sous la forme d’une lutte pour le pouvoir au
Moyen-Orient proprement fabuleuse, entre l’ours russe et le lion britannique...
Nous ne savons pas quelle est la réponse exacte. Mais, l’an dernier, les
ministères soviétique et israélien des Affaires étrangères ont publié
conjointement, à Moscou et à Tel-Aviv, deux forts et lourds volumes (lourds...
j’en sais quelque chose : j’ai dû les trimballer...) réunissant des documents
relatifs à cette période de l’histoire. Ils contiennent des lettres secrètes et
confidentielles écrites et reçues par Staline et donnent une vision complète de
la Saga du Deuxième Prétendant. “Oui, notre soutien à l’Etat sioniste représente
une rupture totale avec notre longue tradition soviétique de soutien aux
mouvements anti-coloniaux et anti-impérialistes. Oui, notre décision est appelée
à empoisonner nos relations avec le monde arabe. Certes, elle va réduire le
peuple de Palestine en esclavage. Mais cela peut faire pencher les Juifs
américains en faveur de l’Union soviétique... Alors, les Juifs américains nous
livreront l’Amérique sur un plateau !”. Ainsi raisonnaient - c’est authentique !
- Staline et ses sbires...
En ces années-là, les très fortes sympathies des
Juifs américains pour la cause soviétique avait occasionné le procès des
Rosenberg, et le sénateur McCarthy sentit qu’il y avait quelque chose dans
l’air. Staline, comme avant lui les British, ne se souciait guère du sort de la
Palestine. Il ne voyait pas dans l’Empire britannique un ennemi important -
après deux guerres mondiales, l’Angleterre était en effet complètement ruinée.
Staline n’était pas intéressé par le pétrole. Il pensait, comme les Grands
Bretons, conclure un pacte avec la Juiverie, donner aux Juifs ce qu’ils
réclamaient afin de se gagner leur soutien.
Il lui fallut quelque temps
avant de comprendre son erreur. L’homme fort d’Israël, David Ben Gourion,
désabusa ses puissants amis de Moscou en insistant sur le fait que le premier et
principal ami et maître d’Israël restait l’establishment juif américain. Lorsque
le premier ambassadeur d’Israël en URSS arriva à Moscou - une certaine Mme Meïr,
Golda pour les intimes -, il fut donné à Staline d’assister à des manifestations
ahurissantes de solidarité juive. Les épouses juives de commissaires du Kremlin,
de Madame Molotov à Madame Machin-Bidule, se précipitèrent, en larmes, à la
rencontre de Madame Meir. On aurait dit que celle-ci était leur soeur, qu’elle
ne s’étaient plus revues depuis des années ! Les Juifs occupaient en Russie
beaucoup de postes extrêmement importants (trop ?), et des milliers d’entre eux
se pressaient dans les rues moscovites, devant l’ambassade israélienne. Staline
espérait que son soutien à Israël lui aurait permis de charmer les esprits des
Juifs américains. Mais, loin d’obtenir la cinquième colonne qu’il ambitionnait
de se créer à New York, il n’avait fait que laisser les Américains (à travers
leur allié israélien) activer leur cinquième colonne à Moscou ! Staline avait
totalement sous-estimé la main-mise qu’Israël exerce sur les mentalités juives.
Il contempla l’étendue du désastre et battit en retraite, dès qu’il le
put.
- VI - Ainsi, deux anciens partenaires importants de
l’Etat juif l’avaient soutenu parce qu’ils étaient convaincus que l’influence
juive en Amérique était une sorte de manche-à-balai qui leur permettrait
d’actionner à leur guise le tableau de bord assurant le pilotage de cette
super-puissance. Ils pensaient : “donnez aux Juifs ce qu’ils veulent (la
Palestine) et ils vous donneront ce que vous voulez (l’Amérique)”. Qu’il se fût
agi de réalité ou de simple perception, ils ont fini par s’en mordre les doigts.
Dans un roman anglais classique, “Une patte de singe”, un objet magique
accomplit les désirs de son propriétaire, mais d’une manière si horrible qu’il a
toutes les raisons de regretter de lui avoir demandé ce service. L’alliance avec
les Juifs eut le même effet. Les demandeurs obtinrent ce qu’ils demandaient - la
victoire dans la guerre de 1914-1918 (pour les Britanniques) ou une position
pro-russe des Juifs américains (pour la Russie), mais ils finirent par devoir le
regretter amèrement.
Il n’en demeure pas moins que la croyance en un pouvoir
des Juifs est extrêmement répandue parmi les élites mondiales. C’est d’ailleurs
la raison pour laquelle de nombreux pays envoient à Tel-Aviv leurs meilleurs
ambassadeurs, parmi les plus expérimentés. Le poste est en général pour eux le
marche-pied leur garantissant une nomination à Washington.
C’est aussi
pourquoi, lorsqu’un pays désire supplier Washington de lui accorder quelque
faveur, il commence, de manière inattendue, par envoyer un messager à
Tel-Aviv... Les Israéliens transmettent la supplique aux responsables adéquats,
à Washington, et apparemment, cela fonctionne...
Cette croyance est très
répandue aux Etats-Unis, également. De nombreux politiciens américains
soutiennent Israël parce qu’ils partagent l’avis de Lloyd George et de Herzl.
Ils respectent bien entendu, aussi, la condition imposée expressément par les
héritiers de Jacob Schiff et ne mentionnent jamais, à aucun prix, les mots qui
tuent de “pouvoir juif”. Dans un monde pourtant apparemment libéré des derniers
tabous, un nouvel Henri Miller qui voudrait à tout prix choquer ses lecteurs ne
pourrait plus le faire en parlant de sexe, sujet éventé, mais il lui resterait
celui - autrement scabreux - des Juifs et de leur puissance invisible
!
S’agit-il d’une simple perception ? Peut-être. Mais les élites
traditionnelles américaines la paient doublement : ils envoient leurs
concitoyens mener la troisième grande guerre des cent dernières années pour
défendre les intérêts de quelqu’un d’autre, et leurs positions à la table
directoriale (des affaires du monde) s’effritent de jour en jour. Cette
“impression” saigne à blanc l’Irak et la Palestine, fait affluer des finances en
Israël, pervertit le discours public.
En disant qu’une réputation peut
s’avérer aussi importante que la réalité, Mark Twain ne croyait pas si bien
dire.
5. Un Goy parlant hébreu par Israël Shamir
(29 mai 2002)
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
[Quand un Juif n’est pas en train de tuer un Arabe de ses
propres mains, il se considère un saint, et digne du prix Nobel de la
Paix. Shimon
Tzabar]
A
Londre, j’ai rencontré l’un des premiers sabras “asli”, c’est-à-dire un vrai
Israélien, né et éduqué en Palestine avant la déclaration Balfour, ou peu après.
Shimon Tzabar, “grand vieil homme” d’art israélien, totalement exempt de cette
amertume propre aux immigrés ou de suprématisme juif, se décrit lui-même comme
un fruit parfait du sionisme, un “Goy parlant hébreu”. Le sionisme allait,
supposait-on, en finir avec le particularisme juif. Mais il a eu le résultat
opposé.
Tzabar a publié son premier manifeste contre l’occupation en 1967 ;
on pourrait le re-publier dans le journal demain matin. Ensuite, il a quitté
Israël, dégoûté par sa politique, et s’est installé en Angleterre. Parfois, il
publie un article, dans quelque quotidien israélien ou sur la “toile”
(internet). [http://www.israelimperialnews.org]
Dans l’article ci-après, publié il y a une dizaine
d’années, il énonçait de manière concise ce qui cloche dans le mouvement
pacifiste israélien. J’ai eu la même impression, la semaine dernière, à la
manifestation pour la paix de Tel Aviv, lorsque j’ai entendu les discours d’Amos
Oz et de Yossi Sarid. Ils demandaient aux (réfugiés) Palestiniens d’abandonner
tout espoir de retour, en échange d’un drapeau à faire flotter sur leurs
bantoustans. Mais Shimon Tzabar ne se contentait pas de critiquer (les
pacifistes israéliens), il proposait une solution inexplorée, celle de l’Etat
Unique. Je vous envoie cet article aujourd’hui, alors que pas plus tôt qu’hier
un appel similaire a été lancé par le réalisateur palestinien Elia Suleiman.
Nous devons faire campagne de manière intensive pour la solution de l’Etat
Unique plus que jamais, en un moment où Israël ne sait visiblement plus vers
quelle case pousser ses pions, et avant qu’il ne commette encore
pire.
6. Se contenter de répéter “la Paix, la Paix... ”,
cela ne suffit pas par Shimon Tzabar
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
[Le texte suivant est la
traduction en anglais, mise à jour, d’un article paru dans la revue populaire
israélienne “Hadashot” (en hébreu), publiée en Israël le 9 mars
1990.]
... Il
n’y a pas de différence fondamentale entre La Paix Maintenant (Peace Now, Shalom
Akhshav, ndt) et les ultra nationalistes. Les uns comme les autres soutiennent
et défendent l’idée d’un Etat juif. Et en tant que tels, ils doivent considérer
les Palestiniens comme leurs ennemis. La différence réside en ceci que, tandis
qu’Ariel Sharon et le ministre (assassiné) Ze’evi (surnommé Ghandi) veulent se
débarrasser de tous les Palestiniens, soit en les massacrant soit en les
transférant, les gens de La Paix Maintenant veulent les contenir dans les
enclaves de la bande de Gaza et les bantoustans de Cisjordanie. Au mieux, La
Paix Maintenant et le Bloc de la Paix (Gush Shalom) représentent l’aile modérée
du front sioniste.
Je m’explique :
Commençons par l’intitulé : Bloc de la
Paix. Paix ? Qui donc pourrait être contre la paix ? Citez-moi ne serait-ce
qu’un seul gangster qui ne veuille pas la paix. Pérès est pour la paix, Sharon
est pour la paix, Rehava’am Ze’evi était pour la paix (n’oubliez jamais que même
Hitler était pour la Paix !). Vous pouvez descendre l’avenue Dizengoff, à Tel
Aviv, en chantant et criant “Paix”, vous ne dérangerez personne.
Dans
l’intitulé, le “Maintenant” est un peu plus subtil. Quand vous criez le slogan :
“La paix, maintenant”, vous dites en réalité : “Bon, si nous continuons à
combattre et à conquérir des territoires, nous remporterons encore plus de
butin. Nous aurons plus de villes et plus de villages dans lesquels installer
des Juifs. Nous obtiendrons plus de terrains à confisquer, etc. Mais ça va comme
ça : j’en ai plus qu’assez. Après tout, j’habite déjà dans une maison arabe que
volée en 1948 et aujourd’hui, personne ne nous la réclame. Aussi, je suis bien
peinard, vivant dans mes dépouilles. Pourquoi irais-je risquer ma peau pour une
maison à Naplouse ou à Gaza, pour y installer un Russe ou un autre immigrant
juif ? C’est son problème. Moi, tout ce que je demande, c’est de vivre
tranquille dans mon butin, maintenant : je veux La Paix, Maintenant !”
Je
sais. Mes propos peuvent vous paraître rudes, voire même brutaux. Ici, nous
avons affaire à un peuple à l’âme pure, et voilà que maintenant, comme s’il ne
suffisait pas que Kahana et Ghandi (Ze’evi) crachent sur Shalom Akhshav et Gush
Shalom, ce Shimon Tzabar, que nous avions toujours considéré jusqu’ici comme un
Israélien honnête, vient nous donner un coup de pied au cul... “Comment peut-il
se permettre d’affirmer que j’ai des dépouilles et un butin ? Je n’ai pas de
maison à Jaffa, moi... J’ai épargné agorot après agorot en ôtant le pain de la
bouche de mes enfants pour acheter un appartement dans une cité à Ein Kareem.
C’est un butin, çà ?”
“C’est des dépouilles de guerre, çà ? Je suis contre
l’assassinat d’enfants et je marche dans les manifs du Gush Shalom. Comment
pouvez-vous me considérer comme un assassin d’enfants ?”
Que faire ? Quand un
Juif n’est pas en train de tuer un Arabe de ses propres mains, il se considère
un saint et postule pour le prix Nobel de la paix. Le fait qu’il paie ses impôts
à un gouvernement qui permet (pour ne pas dire : ordonne !) à ses soldats de
tirer sur des enfants, voilà bien sûr qui n’est pas son problème. Il est à
l’aise, “cool”.
Pour être honnête, je dois reconnaître que les gens de la
Paix Maintenant - et c’est sans doute encore plus vrai pour ceux du Gush Shalom
- ne sont pas tous à mettre dans le même sac. Parmi eux, il y a des gens qui
sont simplement en faveur de la paix. D’autres peuvent être favorables à un Etat
palestinien, voire même pour la restitution des territoires conquis en 1967. Il
y en a quelques-uns, parmi eux, qui vivent dans de vieilles maisons
palestiniennes parce qu’ils ne peuvent pas se payer un appartement avec des
fenêtres ouvrant aux quatre point cardinaux (donc, habitables en été, ndt). Ce
qui les apparente aux ultra nationalistes, c’est le Sionisme - cette idéologie
voulant que les Juifs ont droit à un Etat et que cet Etat ne saurait se trouver
ailleurs que dans un unique pays, la Terre d’Israël (Eretz Israël), que d’autres
appellent Palestine.
Il est très facile de dire : “Je suis pour un Etat juif
sur la Terre d’Israël”. La Terre d’Israël n’a jamais été un désert inhabité,
vide de population. Si cela avait été le cas, il n’aurait pas été nécessaire de
la conquérir militairement. Le simple fait que nous ayons eu à la conquérir en
1948 est la meilleure preuve que ce pays était habité. Nous l’avons conquis par
la force armée, nous avons expulsé une partie de ses habitants et nous avons
installé à leur place les Juifs que nous aimions tellement. Mais il y a un prix
à tout. Quand vous expulsez des gens, ils n’aiment pas ça. Vous devez frapper,
tuer et, s’ils répliquent ou tuent en retour, vous, votre fils ou votre fille,
pouvez être tués, vous aussi. Alors, vous devez mettre en place une législation
retorse et discriminatoire et forcer vos juges à pervertir les lois. Vous devez
obéir à deux formes de logique destinées à soutenir deux formes de morale, une
pour vous, l’autre pour eux. C’est vrai, la méthode n’est pas nouvelle, elle est
aussi vieille que l’Histoire. De nombreux Etats et de nombreux empires ont été
créés de cette manière, y compris des plus prestigieux. Mais c’était avant
l’invention de la télévision. Aujourd’hui, ce que vous faites ici sera vu demain
dans le monde entier. Et vous devez vous rappeler que même si vous êtes
suffisamment fort, militairement, pour conserver la terre que vous adorez, vous
n’êtes pas suffisamment fort pour amener le monde entier à être d’accord avec
ça.
Si la situation est bien telle que je la décris, n’y a-t-il aucune
solution au problème ?
La réponse dépend de ce que vous mettez derrière
l’expression “problème juif”. Si le problème est de trouver comment des êtres
humains peuvent vivre en paix ensemble, il n’y a pas de difficulté à le
résoudre, car c’est exactement le problème des Palestiniens. Mais si le problème
juif est de savoir comment vivre en tant que race supérieure et gouverner les
autres en les considérant comme des esclaves, il n’a, dans ce cas, pas d’autre
solution que ce qui est en train de se passer. Je peux simplement suggérer une
alternative à ceux qui souhaitent vivre comme des Etres Humains, et non pas en
tant que Juifs. Cette alternative, c’est de transformer l’Etat juif en un Etat
pour les être humains. Le processus n’a rien de compliqué et il peut être mis en
oeuvre grâce à ces quelques mesures simples :
1 - annexer formellement les
territoire occupés à l’Etat d’Israël ;
2 - tous les habitants du territoire
ainsi formé jouiront des mêmes droits civiques et démocratiques ;
3 - des
élections auront lieu. Le nouveau Parlement mettra au point une constitution. La
constitution garantira non seulement les droits de la majorité, mais aussi ceux
de la minorité. Cela serait une excellente occasion pour ramener et réinstaller
les réfugiés palestiniens. Un Parlement de cette nature pourra aussi décider du
nom du pays et de son drapeau.
Ne me demandez pas si les Palestiniens
accepteraient cette proposition. On doit d’abord la leur soumettre et voir. Et
si vous m’accusez de ne pas me soucier des Juifs, ma réponse sera que j’ai
arrêté de me soucier du peuple Juif depuis le jour où j’ai pris conscience du
fait que le peuple juif avait cessé de se soucier de lui-même et avait remis son
destin entre les mains d’un gang de gens assoiffés de pouvoir et
criminels.
Revue de
presse
1. Des casernes chez l'habitant par Karine
Grollier
in L'Humanité du mardi 9 juillet 2002
Palestine. A Hébron, les militaires israéliens se sont
installés dans les maisons palestiniennes. Reportage.
"Lorsque les enfants ont peur, qu'ils tapent à la porte pour sortir,
les soldats crient parfois après eux... Ils les mettent aussi en joue"
témoigne leur père.
Hébron, correspondance particulière - Sacs de sable entassés sur le perron,
filets de camouflage jetés sur la façade, blindés garés devant l'entrée : la
maison de Chaadi, située sur les hauteurs d'Hébron a été transformée en caserne.
Une rue plus bas, recroquevillé au fond d'une voiture, ce cordonnier de
vingt-six ans raconte, en grillant cigarette sur cigarette : " Les soldats ont
frappé à notre porte au milieu de la nuit, après l'explosion de la Mouqata'a.
Ils ont réquisitionné la totalité de ma maison à l'exception d'un étage, où ils
nous ont parqués. Nous sommes à vingt-cinq, avec huit enfants de moins de dix
ans, dans quelques pièces, sans eau, sans lit et avec l'interdiction de sortir
nuit et jour. Seuls ceux qui ont un emploi peuvent s'y rendre quelques heures le
matin. Même pour boire, nous devons appeler un soldat. " Chaadi n'est pas le
seul Hébronite à croiser dans ses escaliers des militaires débraillés, le M16 en
bandoulière. Dans la zone H1 d'Hébron, dernière zone palestinienne rendue
autonome par le protocole d'Hébron, en janvier 1997 et représentant 80 % de la
ville, une dizaine de bâtiments ont été investis de cette sorte. Si ces "
grignotages " sur la zone autonome ne datent pas d'hier, si Tsahal utilise
depuis longtemps, officiellement pour raisons de sécurité, les maisons
palestiniennes situées sur les hauteurs de cette ville densément peuplée, faite
de collines et de petites vallées, les deux dernières offensives en date, l'une
fin avril, l'autre, en cours, baptisée " Voie ferme " qui consacre la
réoccupation de presque toutes les villes de Cisjordanie, ont été marquées par
la prise de trois autres " positions ". Dont la maison de Chaadi. Cette belle
bâtisse de trois étages offre une vue imprenable à la fois sur les ruines
blanchâtres de la Mouqata'a, le siège de l'Autorité, dynamité par Tsahal dans la
nuit du 28 au 29 juin, et sur les rues populeuses du centre-ville. " La nuit, il
est impossible de dormir à cause du vacarme de l'unité, chantant dans les
porte-voix, frappant avec je-ne-sais-quoi dans les murs ou les portes ", précise
le jeune cordonnier. " Lorsque les enfants ont peur, qu'ils tapent à la porte
pour sortir, les soldats crient parfois après eux... Ils les mettent aussi en
joue, " ajoute-t-il. Il se rappelle aussi les humiliations toujours vives de la
veille, où il a dû attendre deux heures devant chez lui, sans avoir le droit
d'entrer. Son frère Fadi, vingt-quatre ans, a, lui, reçu des coups de pied à son
retour au domicile. Savent-ils pourquoi ? Il répond sur le ton de l'évidence : "
Ils ne disent pas pourquoi. C'est une armée d'occupation, c'est tout. " Il est
près de 15 heures, le couvre-feu va reprendre. Chaadi sort de la voiture pour
retourner à ses geôliers. Il ajoute encore l'essentiel, pour un homme marqué par
l'exode et l'expulsion des Palestiniens en 1948 et 1967 : " Je vis dans cette
maison depuis ma naissance. C'est précieux. Je ne peux pas partir. " Depuis la
caisse de son épicerie, Samir, son voisin, la cinquantaine, fait un récit
similaire, avec quelques variantes : l'occupation de la maison dure depuis cinq
jours déjà, ils ne disposent même pas d'une salle de bain et, pour clore le
tableau, une femme enceinte fait partie du lot des malchanceux. Le vieil homme
n'est pas désireux de parler. Sur les rayonnages derrière lui, les photos d'un
homme : " C'est mon fils, Iyad, explique-t-il quand on l'interroge, il a été tué
par l'armée israélienne en octobre 2001. Il était policier et faisait partie des
Tanzims (brigades armées du Fatah). Il avait trois filles. ", avant d'ajouter :
" Mais oubliez ça ! " avec un geste d'abattement. Ni Chaadi, ni Samir ne savent
jusqu'à quand durera cette occupation. Au fil des jours, l'occupation finit par
ressembler à une routine : c'est le cas chez les frères Al Qadi, qui malgré la
présence de l'armée au dernier étage de leur immeuble, ont pu continuer à vivre
dans leur appartement avec leurs familles et se déplacer librement hors
couvre-feu. Mais " les enfants sont terrorisés ", explique Anouar, l'un des
frères. La famille a cessé de payer les factures d'électricité astronomiques
laissées chaque mois par les soldats. Chacune représente la moitié du salaire
d'Anouar. L'immeuble Al Qadi est situé quelques mètres à l'intérieur de la zone
autonome délimitée par de simples blocs de béton, au sommet du Djebel Rahme.
L'arrivée des soldats, en octobre 2001, suit la mort d'un bébé israélien dans
une colonie, située en contrebas dans la zone israélienne dite " H2 ", tué par
un tir émanant de la colline. Dans H1, quand les maisons ne sont pas occupées,
les rues le sont toujours de près ou de loin : sur Eïn Sara, la rue qui mène au
vieux centre, les soldats sillonnent en jeep les rues où les enfants jouent au
foot pendant les levées de couvre-feu. Comme s'ils avaient déjà oublié que H1
est une zone autonome. Chargé des relations avec la presse pour le TIPH (1), la
mission civile internationale d'observation mise en place à Hébron en 1997, Ib
Knuts en précise : " Il n'est pas possible de violer davantage le protocole. "
Mais il ne répond pas à la question que tous ici se posent : y aura-t-il retour
à la situation antérieure ou les acquis d'Oslo sont-ils définitivement enterrés,
à Hébron comme ailleurs en Cisjordanie ? Il ne peut pourtant s'empêcher de
relativiser la situation des Palestiniens de la zone autonome réoccupée, en
regard des conditions de vie des 30 000 personnes de la vieille ville restée, au
nom de la protection de 450 colons, sous contrôle israélien : " Ces colons sont
très agressifs. Nous avons des vidéos montrant certains d'entre eux sabotant des
lignes téléphoniques ou les citernes d'eau de familles palestiniennes. Du chlore
a même été jeté au milieu d'une salle à manger. Lorsque la situation devient
trop tendue, l'armée impose un couvre-feu aux Palestiniens. Certaines maisons
sont sous couvre-feu quasi permanent depuis vingt mois, même s'il prend des
formes subtiles et variées. "
(1) Temporary International Presence in
Hebron.
2.
Israël - Une proposition de loi fort controversée - La loi « raciste »
passera-t-elle ? par Serge Dumont
in Le Soir du mardi 9 juillet 2002
Le gouvernement d'Ariel Sharon soutient une proposition de loi
interdisant aux Arabes d'Israël de s'installer dans certaines parties du
pays.
TEL-AVIV - Interdit aux Arabes. Tel est, en substance, le résultat de la
décision du cabinet israélien qui a décidé par dix-sept voix pour, deux voix
contre, et une abstention, de soutenir une proposition de loi interdisant à la
population arabe de l'Etat hébreu (un million de personnes) de s'installer dans
certains villages communautaires ou d'acquérir des terres domaniales. Présenté
par le rabbin Haïm Drukman (un député du parti national religieux représentant
essentiellement les colons de Cisjordanie et de la bande de Gaza), cet texte a
été rédigé pour contrer un arrêt du « Bagatz » (la Cour suprême israélienne) qui
avait, en mars 2000, autorisé tout ressortissant arabe d'Israël à s'installer où
il le souhaite dans les frontières du pays. Donc, à bénéficier en ce domaine des
mêmes droits que la majorité juive de l'Etat hébreu.
Tout a commencé en 1995 lorsque Adel Kaadan (un infirmier arabe) et son
épouse Iman (institutrice) ont voulu acheter une parcelle de lotissement à
Katzir, un village communautaire créé en 1982 avec l'aide de l'Agence juive,
l'organisation chargée d'aider les Juifs à émigrer en Israël et de favoriser la
création de nouvelles communautés sur les terres du « Minhal Hakarkaot »,
l'administration publique gérant nonante-trois pour cent des terres de l'Etat
hébreu.
Diplômés, sans histoire et professionnellement établis, les époux Kaadan
correspondent parfaitement au type de population recherchée par les promoteurs
du « projet Katzir ». Le problème, c'est qu'ils sont Arabes. Leur candidature a
donc été rejetée par le « comité d'admission » du village puisque Katzir
n'accepte que les Juifs.
Soutenus par l'Association israélienne pour la défense des droits civils
(ACRI), les époux Kaadan ont alors introduit un recours devant la Cour suprême,
qui leur a donné raison en mars 2000. Une affaire classée ? Pas vraiment puisque
l'infirmier et l'institutrice n'ont toujours pas reçu l'autorisation de
s'établir à Katzir. Et que le rabbin Drukman a donc présenté un projet de loi
tendant à circonvenir l'arrêt de la Cour suprême.
En tout cas, dimanche, le cabinet israélien n'a pas dû discuter longtemps
pour décider d'appuyer ce texte. En effet, à l'exception du ministre de la
Justice Meïr Chitrit qui s'est abstenu parce qu'il redoute de voir l'image
d'Israël gravement atteinte par cette affaire, tous les ministres du Likoud (le
parti d'Ariel Sharon) ainsi que des partis d'extrême droite ont voté pour. Quant
aux travaillistes, ils se sont absentés. Seul le ministre des Transports Ephraïm
Sneh s'est opposé à la décision en dénonçant son caractère raciste. Enfin, le
ministre (centriste) Dan Meridor a également voté contre en expliquant qu'il
n'est pas conçevable qu'un Arabe soit traité différemment qu'un Juif dans ce
pays.
De leur côté, les partisans de la limitation de l'accès des Arabes
israéliens à la propriété terrienne estiment que la décision gouvernementale
marque une nouvelle étape dans la défense d'Israël. Le rabbin Drukman y voit une
grande victoire du sionisme et la ministre de l'Education Limor Livnat justifie
son vote par des nécessités de sécurité nationale. De nombreux villages
communautaires semblables à Katzir sont établis le long de la « ligne verte »
(séparant le territoire israélien de la Cisjordanie, NDLR). Il est donc normal
que l'on filtre leurs habitants car c'est une question de vie ou de mort pour
notre patrie, affirme-t-elle.
Certes, pour l'heure, la proposition de loi de Drukman n'a pas encore été
discutée à la Knesset (parlement) mais on sait qu'elle y sera l'enjeu de débats
animés. Il se pourrait même qu'elle suscite une crise gouvernementale, puisque
les élus travaillistes se sont réveillés après avoir entendu leur nouveau
secrétaire général Ofir Pines déplorer au micro de Kol Israël (la radio
publique) que leur parti soutienne un texte aussi peu respectable. Des propos
amplifiés quelques heures plus tard par le ministre de la Défense Binyamin Ben
Eliezer (le leader du parti travailliste) selon lequel la gauche s'opposera au
vote de cette de loi comme un seul homme.
Quant aux Arabes d'Israël, ils ont réagi par l'intermédiaire de leur Haut
Comité regroupant la plupart des élus et des notables de leur communauté. C'est
de l'apartheid, a notamment déclaré son porte-parole Chouki Hatib. Ce texte
balaye du revers de la main toute idée de dialogue entre les communautés et
d'égalité entre les Juifs et les Arabes.
En fait, la « proposition Drukman » soulève un tel tollé que le procureur
général Elikaim Rubinstein, qui est également le conseiller juridique du
gouvernement, est sorti hier de sa réserve pour révéler qu'il avait suggéré aux
ministres de la rejeter. Et pour déplorer qu'il n'ait pas été
suivi.·
3. Israël-Palestine : le cancer par Edgar
Morin, Sami Naïr et Danièle Sallenave
in Le Monde du mardi 4 juin
2002
Le Moyen-Orient est une zone sismique de la planète où
s'affrontent Est et Ouest, Nord et Sud, riches et pauvres, laïcité et religion,
religions entre elles.
Le cancer israélo-palestinien s'est formé à partir
d'une pathologie territoriale : la formation de deux nations sur une même
contrée, source de deux pathologies politiques, l'une née de la domination,
l'autre de la privation. Il s'est développé d'une part en se nourrissant de
l'angoisse historique d'un peuple persécuté dans le passé et de son insécurité
géographique, d'autre part du malheur d'un peuple persécuté dans son présent et
privé de droit politique.
"Dans l'opprimé d'hier l'oppresseur de demain",
disait Victor Hugo. Israël se présente comme le porte-parole des juifs victimes
d'une persécution multiséculaire jusqu'à la tentative d'extermination nazie. Sa
naissance attaquée par ses voisins arabes a failli être sa mort. Depuis sa
naissance, Israël est devenu une formidable puissance régionale, bénéficiant de
l'appui des Etats-Unis, dotée de l'arme nucléaire.
Et pourtant Sharon a
prétendu lutter pour la survie d'Israël en opprimant et asphyxiant la population
palestinienne, en détruisant des écoles, archives, cadastres, en éventrant des
maisons, en brisant des canalisations et procédant à Jenine à un carnage dont il
interdit de connaître l'ampleur.
L'argument de la survie n'a pu jouer qu'en
ressuscitant chez les Israéliens les angoisses de 1948, le spectre d'Auschwitz,
en donnant à un passé aboli une présence hallucinatoire. Ainsi la nouvelle
Intifada a réveillé une angoisse qui a amené au pouvoir le reconquistador
Sharon.
En fait Sharon compromet les chances de survie d'Israël dans le
Moyen-Orient, en croyant assurer dans l'immédiat la sécurité israélienne par la
terreur. Sharon ignore que le triomphe d'aujourd'hui prépare le suicide de
demain. A court terme, le Hamas fait la politique de Sharon, mais à moyen terme,
c'est Sharon qui fait la politique du Hamas. Si, en deçà d'un certain seuil,
l'Intifada a poussé Israël à négocier, au-delà elle a ranimé l'angoisse de la
proie, exaspérée par les attentats-suicides, et la répression impitoyable semble
une juste réponse à la menace. Si rien ne l'arrête de l'extérieur, l'Israël de
Sharon va au minimum vers la bantoustanisation des territoires palestiniens
morcelés.
C'est la conscience d'avoir été victime qui permet à Israël de
devenir oppresseur du peuple palestinien. Le mot "Shoah", qui singularise le
destin victimaire juif et banalise tous les autres (ceux du goulag, des
Tsiganes, des Noirs esclavagisés, des Indiens d'Amérique), devient la
légitimation d'un colonialisme, d'un apartheid et d'une ghettoïsation pour les
Palestiniens.
La conscience victimaire comporte évidemment une vision
unilatérale de la situation et des événements.
Au départ du sionisme, la
formule "un peuple sans terre pour une terre sans peuple" a occulté le
peuplement palestinien antérieur. Le droit des juifs à une nation a occulté le
droit des Palestiniens à leur nation.
Le droit au retour des réfugiés
palestiniens est vu aujourd'hui, non comme un droit symétrique à celui du retour
de juifs qui n'ont jamais vécu en Palestine, mais à la fois comme un sacrilège
et comme une demande de suicide démographique d'Israël. Alors qu'il aurait pu
être considéré comme une réparation aux modalités négociables.
Il est
horrible de tuer des civils selon un principe de culpabilité collective, comme
le font les attentats-suicides, mais c'est un principe appliqué par Israël
frappant, depuis le temps de Sabra et Chatila et du Liban nord jusqu'à
aujourd'hui, et hélas probablement demain, des civils, femmes et enfants, et en
détruisant la maison et les cultures des familles d'auteurs d'attentat. Les
victimes civiles palestiniennes sont désormais de 15 à 20 fois plus nombreuses
que les victimes israéliennes. Est-ce que la pitié doit être exclusivement
réservée aux unes et non aux autres ?
Israël voit son terrorisme d'Etat
contre les civils palestiniens comme autodéfense et ne voit que du terrorisme
dans la résistance palestinienne. L'unilatéralisme attribue à Arafat seul
l'échec des ultimes négociations entre Israël et l'Autorité palestinienne ; il
camoufle le fait que, sans cesse depuis les accords d'Oslo, la colonisation
s'est poursuivie dans les territoires occupés et considère comme "offre
généreuse" une restitution restreinte et morcelée de territoires comportant
maintien de colonies et contrôle israélien de la vallée du Jourdain.
L'histoire complexe des négociations est effacée par la vision unilatérale
de cette "offre généreuse" reçue par un refus global, et l'interprétation de ce
supposé refus global comme une volonté de détruire Israël.
L'unilatéralisme
masque la dialectique infernale répression-attentat, elle-même alimentée par les
forces extrémistes dans les deux camps. Il masque le fait que la tournée de
Sharon sur l'esplanade des Mosquées n'a pu que renforcer le cercle vicieux
infernal qui favorise le pire dans les deux camps.
Le cercle infernal où tout
accroissement du pire de l'un accroît le pire de l'autre a donné le pouvoir au
clan nationaliste-intégriste en Israël, a installé des officiers issus des
colonies à la tête de Tsahal, a transformé des éléments de cette armée de
réoccupation en soldatesque pillant et tuant parfois jusqu'au massacre (Jenine).
Il a accru le rayonnement et l'emprise des mouvements religieux fanatiques sur
la jeunesse palestinienne.
Certes, il y a également un unilatéralisme
palestinien, mais sur l'essentiel, depuis l'abandon par la charte de l'OLP du
principe d'élimination d'Israël, l'Autorité palestinienne a reconnu à son
occupant l'existence de nation souveraine que celui-ci lui refuse encore. Sharon
a toujours refusé le principe "la paix contre la terre", n'a jamais reconnu les
accords d'Oslo et a considéré Rabin comme un traître.
En Occident, les médias
parlent sans cesse de la guerre israélo-palestinienne ; mais cette fausse
symétrie camoufle la disproportion des moyens, la disproportion des morts, la
guerre de chars, hélicoptères, missiles contre fusils et kalachnikovs. La fausse
symétrie masque la totale inégalité dans le rapport des forces et l'évidence
simple que le conflit oppose des occupants qui aggravent leur occupation et des
occupés qui aggravent leur résistance.
La fausse symétrie occulte l'évidence
que le droit et la justice sont du côté des opprimés. Elle met sur le même plan
les deux camps, alors que l'un fait la guerre à l'autre qui n'a pas les moyens
de la faire et n'oppose que des actes sporadiques de résistance ou de
terrorisme. De même, il y a fausse symétrie entre Sharon et Arafat, l'un maître
d'une formidable puissance, capable de défier les Nations unies et les
objurgations (certes molles) des Etats-Unis, l'autre de plus en plus impuissant.
Une sinistre farce consiste à demander à Arafat d'empêcher les attentats tout en
l'empêchant d'agir.
On a peine à imaginer qu'une nation de fugitifs, issue du
peuple le plus longtemps persécuté dans l'histoire de l'humanité, ayant subi les
pires humiliations et le pire mépris, soit capable de se transformer en deux
générations en "peuple dominateur et sûr de lui" et, à l'exception d'une
admirable minorité, en peuple méprisant ayant satisfaction à humilier.
Les
médias rendent mal les multiples et incessantes manifestations de mépris, les
multiples et incessantes humiliations subies aux contrôles, dans les maisons,
dans les rues. Cette logique du mépris et de l'humiliation n'est pas le propre
des Israéliens, elle est le propre de toutes les occupations où le conquérant se
voit supérieur face à un peuple de sous-humains. Et dès qu'il y a signe ou
mouvement de révolte, alors le dominant se montre impitoyable. Il est juste
qu'Israël rappelle à la France sa répression coloniale durant la guerre
d'Algérie ; mais cela indique qu'Israël fait pour la Palestine au moins ce que
la France a fait en Algérie. Dans les derniers temps de la reconquête de la
Cisjordanie, Tsahal s'est livrée à des actes de pillage, destructions gratuites,
homicides, exécutions où le peuple élu agit comme la race supérieure. On
comprend que cette situation dégradante suscite sans cesse de nouveaux
résistants, dont de nouvelles bombes humaines. Qui ne voit que les chars et les
canons, mais ne voit pas le mépris et l'humiliation, n'a qu'une vision
unidimensionnelle de la tragédie palestinienne.
Le mot "terrorisme" fut
galvaudé par tous les occupants, conquérants, colonialistes, pour qualifier les
résistances nationales. Certaines d'entre elles, comme du temps de l'occupation
nazie sur l'Europe, ont certes comporté une composante terroriste, c'est-à-dire
frappant principalement des civils. Mais il est indu de réduire une résistance
nationale à sa composante terroriste, si importante soit-elle. Et surtout, il
n'y a pas de commune mesure entre un terrorisme de clandestins et un terrorisme
d'Etat disposant d'armes massives. De même qu'il y a disproportion entre les
armes, il y a disproportion entre les deux terreurs. L'horreur et l'indignation
devant des victimes civiles massacrées par une bombe humaine doivent-elles
disparaître quand ces victimes sont palestiniennes et massacrées par des bombes
inhumaines ?
Il ne faut pas craindre de s'interroger sur ces jeunes gens et
jeunes filles devenues bombes humaines. Le désespoir, certes les a animés, mais
cette composante ne suffit pas. Il y a aussi une très forte motivation de
vendetta qui, dans sa logique archaïque si profonde, surtout en Méditerranée,
demande de porter la vengeance, non pas nécessairement sur l'auteur du forfait
mais sur sa communauté. C'est aussi un acte de révolte absolue, par lequel
l'enfant qui a vu l'humiliation subie par son père, par les siens, a le
sentiment de restaurer un honneur perdu et de trouver enfin dans une mort
meurtrière sa propre dignité et sa propre liberté.
Enfin, il y a l'exaltation
du martyr, qui par un sacrifice de sa personne féconde la cause de
l'émancipation de son peuple. Evidemment, derrière ces actes, il y a une
organisation politico-religieuse, qui fournit les explosifs, la stratégie et
conforte par l'endoctrinement la volonté de martyre et l'absence de remords. Et
la stratégie des bombes humaines est très efficace pour torpiller tout
compromis, toute paix avec Israël, de façon à sauvegarder les chances futures de
l'élimination de l'Etat d'Israël. La bombe humaine, acte existentiel extrême au
niveau d'un adolescent, est aussi un acte politique au niveau d'une organisation
extrémiste.
Et nous voici à l'incroyable paradoxe. Les juifs d'Israël,
descendants des victimes d'un apartheid nommé ghetto, ghettoïsent les
Palestiniens. Les juifs qui furent humiliés, méprisés, persécutés, humilient,
méprisent, persécutent les Palestiniens. Les juifs qui furent victimes d'un
ordre impitoyable imposent leur ordre impitoyable aux Palestiniens. Les juifs
victimes de l'inhumanité montrent une terrible inhumanité. Les juifs, boucs
émissaires de tous les maux, "bouc-émissarisent" Arafat et l'Autorité
palestinienne, rendus responsables d'attentats qu'on les empêche
d'empêcher.
Une nouvelle vague d'antijudaïsme, issue du cancer
israélo-palestinien, s'est propagée dans tout le monde arabo-islamique, et une
rumeur planétaire attribue même la destruction des deux tours de Manhattan à une
ruse judéo-américaine pour justifier la répression contre le monde
islamique.
De leur côté, les Israéliens voisins crient "Mort aux Arabes"
après un attentat. Un anti-arabisme se répand dans le monde juif. Les instances
"communautaires" qui s'autoproclament représentantes des juifs dans les pays
occidentaux tendent à refermer le monde juif sur lui-même dans une fidélité
inconditionnelle à Israël.
La dialectique des deux haines s'entretenant l'une
l'autre, celle des deux mépris, celui du dominant israélien sur l'Arabe
colonisé, mais aussi le nouveau mépris antijuif nourri de tous les ingrédients
de l'antisémitisme européen classique, cette dialectique est en cours
d'exportation. Avec l'aggravation de la situation en Israël-Palestine, la double
intoxication, l'antijuive et la judéocentrique, va se développer partout où
coexistent populations juives et musulmanes. Le cancer israélo-palestinien est
en cours de métastases dans le monde.
Le cas français est significatif. En
dépit de la guerre d'Algérie et de ses séquelles, en dépit de la guerre d'Irak,
et en dépit du cancer israélo-palestinien, juifs et musulmans coexistent en paix
en France.
Cependant une ségrégation commence. Une rancœur sourde contre les
juifs identifiés à Israël couvait dans la jeunesse d'origine maghrébine. De leur
côté, les institutions juives dites communautaires entretenaient l'exception
juive au sein de la nation française et la solidarité inconditionnelle à
Israël.
C'est l'impitoyable répression menée par Sharon qui a fait passer
l'antijudaïsme mental à l'acte le plus virulent de haine, l'atteinte au sacré de
la synagogue et des tombes. Mais cela conforte la stratégie du Likoud :
démontrer que les juifs ne sont pas chez eux en France, que l'antisémitisme est
de retour, les inciter à partir pour Israël. Ne devons-nous pas au contraire
mobiliser l'idée française de citoyenneté comme pouvoir de fraternisation entre
musulmans et juifs ?
Y a-t-il une issue ? Une haine apparemment inextinguible
est au fond du cœur de presque tous les Palestiniens et comporte le souhait de
faire disparaître Israël. Chez les Israéliens, le mépris est de plus en plus
haineux, et également semble inextinguible. Mais la haine séculaire entre
Français et Allemands, aggravée par la seconde guerre mondiale, a pu se
volatiliser en vingt années. De grands gestes de reconnaissance de la dignité de
l'autre peuvent, surtout en Méditerranée, changer la situation.
Des Sémites
(n'oublions pas que plus de 40 % des Israéliens d'aujourd'hui viennent de pays
arabes) peuvent bien un jour reconnaître leur identité cousine, leur langue
voisine, leur Dieu commun. L'énormité de la punition qui s'abat sur un peuple
coupable d'aspirer à sa libération va-t-elle enfin provoquer dans le monde une
réaction autre que de timides objurgations ? L'ONU sera-t-elle capable de
décider d'une force d'interposition ? Sharon ne peut qu'être contraint à
renoncer à sa politique.
Il y eut le 11 septembre 2001 un électrochoc qui, au
contraire, l'a encouragé. La "guerre au terrorisme" américaine lui a permis
d'inclure la résistance palestinienne dans le terrorisme ennemi de l'Occident,
de façon à ce que le tête-à-tête israélo-palestinien devienne un face-à-face non
entre deux nations mais entre deux religions et deux civilisations, et
s'inscrive dès lors dans une grande croisade contre la barbarie
intégriste.
L'électrochoc inverse est en fait advenu. C'est l'offre
saoudienne de reconnaissance définitive d'Israël par tous les pays arabes en
échange du retour aux frontières de 1967, conformément à toutes les résolutions
des Nations unies. Cette offre permettrait non seulement une paix globale entre
nations mais une paix religieuse qui serait consacrée par le pays responsable
des lieux saints de l'islam. On peut donc envisager une conférence
internationale pour arriver à un accord comportant une garantie
internationale.
De toutes façons, les Etats-Unis, dont la responsabilité est
écrasante, disposent du moyen de pression décisif en menaçant de suspendre leur
aide, et du moyen de garantie décisif en signant une alliance de protection avec
Israël.
Le problème n'est pas seulement moyen-oriental. Le Moyen-Orient est
une zone sismique de la planète où s'affrontent Est et Ouest, Nord et Sud,
riches et pauvres, laïcité et religion, religions entre elles. Ce sont ces
antagonismes que le cancer israélo-palestinien risque de déchaîner sur la
planète. Ses métastases se répandent déjà sur le monde islamique, le monde juif,
le monde chrétien. Le problème n'est pas seulement une affaire où vérité et
justice sont inséparables. C'est aussi le problème d'un cancer qui ronge notre
monde et mène à des catastrophes planétaires en chaîne.
[Edgar Morin est sociologue, Sami Naïr est député européen
(Mouvement des citoyens), Danièle Sallenave est écrivain, maître de conférences
à l'université Paris-X-Nanterre.]
4. Le lobby des chrétiens sionistes par
Fabrice Guichard
in L'Humanité du mardi 4 juillet 2002
Etats-Unis. L'emprise de la religion sur la
politique.
La politique américaine, spécialement au Proche-Orient, comme l'illustre le
récent " plan Bush ", trouve en partie son origine dans les manouvres de groupes
de pression religieux.
Les Etats-Unis s'engagent-ils sur la voie de la théocratie ? La question,
pour étonnante qu'elle soit, vaut la peine d'être posée, non pas tant parce que
le président Bush ne fait pas mystère de sa foi, ni parce que sur chaque dollar
est inscrit " En Dieu nous croyons " et que chaque discours politique est
ponctué d'un " que Dieu bénisse l'Amérique ". La question vaut la peine d'être
posée parce qu'en matière de politique étrangère la rhétorique du président Bush
puise de plus en plus dans le registre moral et religieux. Ce qui a valu au
monde la condamnation des " Etats voyous " constituant un " axe du mal ". Le
manichéisme affiché et les élans vertueux du chef de la première puissance
mondiale pourraient prêter à sourire s'ils ne se traduisaient pas en partie par
l'encouragement de facto des tensions politico-religieuses d'un bout à l'autre
de la planète.
Le chantage fait au peuple palestinien - un Etat contre la tête d'Arafat -
apparaît ainsi comme l'ultime décision " surprise " d'un président sous
influence. Les colons israéliens lui en savent gré. De même que la droite
(extrême) et les nombreux groupes de pression qui, se reconnaissant volontiers
dans les termes du débat tels qu'ils sont posés par Bush, défendent une vision
apocalyptique de la cause sioniste. Il est à cet égard aisé de désigner
exclusivement le " lobby juif " comme la force financière et électorale ayant
défendu les intérêts israéliens avec le plus d'insistance. Mais c'est là faire
peu de cas de réseaux d'obédience différente, dont on peut néanmoins soupçonner
l'influence sur l'administration américaine actuelle. Ainsi, de l'aveu même de
Ralph Reed, conseiller politique républicain, si " la communauté juive a joué un
grand rôle dans le maintien de la position pro-israélienne du Parti démocrate,
les évangélistes ont joué un rôle similaire auprès des républicains ".
Et comme le note Randall Balmer, professeur de religion à l'université de
Columbia, " les évangélistes se sont montrés à tout le moins très charitables à
l'égard d'Israël, car ils croient que les juifs sont le peuple élu ", ce qui
fait d'eux les acteurs principaux du scénario eschatologique de la " dispense "
(dispensationalism) qui, depuis la première moitié du XIXe siècle, a connu un
succès grandissant outre-Atlantique. Cette théorie doit son nom au fait que Dieu
aurait conçu sa relation avec l'humanité selon trois dispenses : le salut des
juifs par leur respect des dix commandements, celui des chrétiens par la venue
du Christ et, enfin, le retour du Messie dès lors universellement reconnu.
Retour annoncé par le rassemblement préalable (et c'est en cela que réside la
spécificité de cette interprétation chrétienne fondamentaliste) de la diaspora
juive mondiale sur le territoire biblique d'Israël. D'où le soutien immédiat et
inconditionnel à la cause sioniste de la part de tous ceux qui, à l'heure
actuelle, adhèrent à cette vision et qui se regroupent afin de faire pression
sur leurs gouvernants, comme ce fut par exemple le cas en 1980, avec la création
à Jérusalem de l'Ambassade chrétienne internationale (ACI).
Au dire de ses responsables, celle-ci aurait vu le jour suite à la
mobilisation de quelques centaines de chrétiens du monde entier outrés par la
désapprobation internationale suscitée par la désignation de Jérusalem comme
capitale éternelle et indivisible de l'Etat israélien. Cette organisation est
très active dans son soutien à la politique expansionniste et coloniale des
gouvernements israéliens successifs. · preuve, la mondialisation de sa
propagande par des représentants qui seraient présents dans plus de cent pays et
par diverses opérations qui vont de la diffusion de bulletins d'information sur
la situation des juifs dans le monde à un programme d'aide aux nécessiteux juifs
et arabes, en passant par l'aide à l'installation de familles juives originaires
de l'ex-Union soviétique. Tout un ensemble d'activités, donc, auxquelles les
propos de Malcolm Heading, président de l'ACI, donnent indéniablement un tour
politico-mystique : " Israël vient de fêter la 52e année de son accession au
rang d'Etat. Il ne s'agit pas d'un événement politique, ni même laïque, car bel
et bien religieux dans le sens où il découle de la parole de Dieu. Nous vivons à
une époque féconde de l'avènement biblique, la restauration d'Israël en étant la
démonstration la plus remarquable. "
Le message est clair et n'est a priori pas très éloigné de celui d'une
autre organisation chrétienne sioniste, encore plus puissante que la première et
basée quant à elle aux Etats-Unis. Son nom : la Coalition unitaire nationale
pour Israël (CUNI). Elle paraît incontournable sur la scène politique américaine
si l'on considère l'influence électorale des 40 millions d'Américains qu'elle
prétend représenter dans le cadre d'une alliance entre plus de 200 organisations
juives et chrétiennes. Elle aussi s'investit fortement dans la défense des
intérêts d'Israël, à qui elle n'adresse pas que des prières puisque son objectif
est de soutenir explicitement le cabinet Sharon. D'où la mise en place d'un
vaste réseau gérant l'envoi de brochures, la collecte de fonds et le "
harcèlement " épistolaire des " faiseurs d'opinion " et des décideurs de la
communauté (inter)nationale.
Dès son entrée en fonctions en janvier 2001, le président américain reçut
les félicitations de la CUNI, qui l'enjoignait à rompre avec la politique menée
par Bill Clinton et à ne surtout pas confier au président sortant un rôle
quelconque dans la poursuite de la médiation entre Israël et l'OLP. Yasser
Arafat était de plus qualifié de " meurtrier sadique ". Et l'organisation de
dénoncer l'idée selon laquelle Israël pourrait renoncer à une part de son
héritage divin en permettant l'établissement d'un Etat palestinien, ce que
George W. Bush devait à tout prix éviter s'il croyait en Dieu.
Depuis janvier 2001, rien de nouveau sous le soleil, si ce n'est le 11
septembre et l'hallali contre Arafat. L'objectif semble plus que jamais de
convaincre la Chambre des représentants et le Sénat américains d'adopter le "
projet de loi sur la responsabilité d'Arafat " et le " projet de loi sur les
engagements pour la paix au Moyen-Orient ". Deux textes qui, entre autres,
prévoient l'amoindrissement de la représentation palestinienne dans les
instances internationales, le gel de tous les avoir de l'Autorité palestinienne
et la désignation de l'OLP en tant qu'organisation terroriste.
Autant de termes d'une pression que l'administration Bush fait plus que
subir. Elle la nourrit. Ainsi Bush, président à moitié élu, a le front de dicter
la manouvre à un peuple souverain en lui désignant le profil obligatoire du
dirigeant respectable. Car même si le prosélytisme fondamentaliste des
(télé)évangélistes reste relativement discret hors des Etats-Unis, les
revendications politiques qui en découlent pèsent lourd dans la balance. George
W. Bush est persuadé qu'il ne peut se permettre de faire la sourde oreille aux
millions d'électeurs potentiels dont la foi effrénée pourrait dicter le choix
des urnes. D'ici à novembre et les élections du " mid term " au Congrès, le
religieux pourrait donc cadenasser le politique et produire un pouvoir
législatif encore plus zélote.
5. Les postes-clés de la sécurité palestinienne sont de
plus en plus durs à affecter par James Bennet
in The New York Times
(quotidien américain) du dimanche 2 juin 2002
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
A la demande expresse de l’administration
Bush, Yasser Arafat prépare une fusion de ses multiples services de sécurité, en
réduisant le nombre des agences redondantes et en installant de nouveaux
dirigeants à leur tête, indiquent des diplomates en poste ici, à
Jérusalem.
Mais les pressions dans le sens d’une réforme palestinienne
pourraient avoir quelques effets pervers. Certains hauts responsables considérés
par Israël comme des successeurs potentiels de M. Arafat commencent à se
détourner timidement des postes de la sécurité, de crainte que de telles
fonctions ne les fassent apparaître comme se pliant aux pronostics
israéliens.
M. Arafat et ses conseillers au plus au niveau se débattent afin
de satisfaire, ou tout du moins de donner l’air de satisfaire, aux demandes de
réforme émanant tant des Palestiniens que de l’étranger. Tandis que
l’administration Bush met davantage l’accent sur les changements en matière de
sécurité que sur les changements vers plus de démocratie, George J. Tenet,
directeur de la CIA, est attendu ici ce week-end, pour superviser un “shake-up”
de la douzaine, environ, de services de sécurité palestiniens, depuis la
sécurité militaire en Cisjordanie jusqu’à la police maritime à Gaza.
Le
Premier ministre israélien Ariel Sharon a répété, vendredi dernier, à un autre
émissaire américain, Williams J. Burns, assistant du Secrétaire d’Etat américain
pour les affaires du Proche-Orient, qu’un changement complet dans l’Autorité
palestinienne était pour lui la condition sine qua non d’un retour aux
négociations de paix.
L’administration Bush n’a pas faite sienne cette
approche. Elle y préfère des discussions, menées parallèlement aux réformes.
Mais, jusqu’ici, rien ne laisse présager des négociations de cette nature et
l’administration Bush n’en a formulé aucune demande publique, ce qui amène les
Palestiniens à redouter que même les propos de l’administration américaine au
sujet des réformes ne pourrait qu’être une tactique
dilatoire.
L’administration Bush a déjà indiqué par le passé qu’une
conférence sur le Moyen-Orient, pourtant programmée, pourrait se voir repousser
du début de l’été à la fin de cette année. Le ministre allemand des Affaires
étrangères, Yoschka Fischer, a mis en garde aujourd’hui contre ce report, qui
serait “une erreur”, de son point de vue.
“Nous devons agir en temps
opportun, et ne pas perdre le moindre instant”, a-t-il dit à des journalistes
après avoir rencontré le président égyptien Hosni Moubarak, dans la station
balnéaire de Sharm ElSheikh, sur la Mer Rouge. M. Mubarak doit rencontrer plus
tard dans la semaine le président Bush, et peu de progrès sont attendus ici
d’ici là, ont indiqué des diplomates.
Les réformateurs palestiniens affirment
que les exigences de changement provenant d’Israël ne font qu’interférer avec
leurs propres efforts et les gêner en les faisant apparaître comme les
serviteurs des intérêts israéliens bien plus que de ceux des
palestiniens.
Pour la même raison, l’animation d’une agence de sécurité
palestinienne renforcée ne présente pas vraiment l’attrait de tremplin qu’on
pourrait croire attaché à cette fonction. Avec nulle perspective politique à
l’horizon et des Palestiniens fortement favorables au conflit avec Israël, “le
nettoyage des services de sécurité et la chasse aux militants du Hamas, ce n’est
pas le genre de boulot promis à un avenir politique grandiose”, me dit un
diplomate occidental, faisant allusion au groupe activiste musulman
palestinien.
La presse israélienne a fait état, ces derniers jours, du fait
que Muhammad Dahlan, chef de la Sécurité préventive palestinienne dans la bande
de Gaza, sera vraisemblablement appelé à la direction des services de sécurité
palestiniens unifiés. Mais des diplomates en poste à Jérusalem indiquaient que
M. Dahlan ambitionne, quant à lui, de devenir le plus haut conseiller politique
d’Arafat, mission qui lui donnerait des prérogatives plus étendues et le
mettrait à l’abri de la responsabilité au jour-le-jour qui est propre aux
service de sécurité.
Une dynamique différente pourrait bien laisser Jibril
Rajoub, le chef de la sécurité préventive en Cisjordanie, sans poste à la tête
d’un service de sécurité du système révisé, indiquent des diplomates. M. Rajoub,
qui conserve un grand portrait de M. Tenet dans son bureau, est affaibli
politiquement de manière significative, parce qu’il est d’ores et déjà considéré
par beaucoup de Palestiniens comme trop enclin à coopérer avec les Israéliens et
les Américains.
Israël a renoncé au travail en commun avec les services de
sécurité palestiniens. Des officiels israéliens très haut placés disent qu’aussi
longtemps que M. Arafat restera aux manettes, améliorer la sécurité des
Palestiniens reviendrait, à défaut d’autre chose, à mettre Israël en
danger.
Israël n’a absolument pas effacé les limites négociées entre
territoires contrôlés par ses forces et territoire contrôlés par la sécurité
palestinienne. Il a cessé de qualifier certains de ses raids dans les
territoires contrôlés par les Palestiniens d’”incursions” et s’est mis à y faire
référence en évoquant des “patrouilles”, un mot suggérant non l’invasion, mais
le travail routinier de la police.
Aujourd’hui, les troupes israéliennes ont
réinvesti le camp de réfugiés de Dheisheh, à l’intérieur de Bethléem, arrêtant
un homme, avant de se retirer, a indiqué l’armée. Les troupes israéliennes ont
continué à opérer dans le camp de réfugiés de Balata, à Naplouse, où elles ont
procédé à l’arrestation de plus de cent hommes pour interrogatoire, après quoi
trente parmi ces hommes ont été emprisonnés, depuis samedi dernier, indique
l’armée.
Israël a pris d’autres mesures de sécurité significatives, telle le
resserrement de son blocus imposé aux zones palestiniennes. Cette semaine, les
forces israéliennes ont creusé une tranchée de plus d’un mètre de profondeur et
de plus d’un mètre de largeur à travers les oliveraies qui entourent
pratiquement de tous côtés la ville de Bethléem. A côté de cette tranchée, des
rouleaux de fil de fer barbelé sont déroulés, sur une hauteur de plus d’un
mètre, et la piste en terre battue a été passée au bulldozer, la terre extraite
étant déversée par-delà la grille.
En début de semaine, M. Arafat a proposé
de réduire ses forces de sécurité, qui sont au nombre d’environ une douzaine, à
six. Mais des diplomates européens et américains ont rejeté ce nombre, encore
trop important. M. Arafat est actuellement en train d’évaluer la réduction de
ces services à quatre, auxquels il faudra ajouter sa garde prétorienne, la
Force-17.
Les dirigeants de la Force-17 ont, dit-on, rejeté violemment des
suggestions selon lesquelles leur force pourrait se fondre dans un autre service
de sécurité. Dans un tel système, la Force-17 aurait un rôle plus clairement
défini, plus limité, elle se contenterait de servir de garde personnelle
rapprochée à M. Arafat.
M. Dahlan et M. Rajoub, qui parlent couramment
l’anglais et l’hébreu, en plus naturellement de l’arabe, figurent depuis
longtemps en tête de liste des successeurs putatifs de M. Arafat. Des
responsables israéliens de la sécurité spéculent depuis plusieurs mois sur une
Autorité palestinienne post-Arafat se scindant en deux entités : un “Rajoubstan”
et un “Dahlanistan”, deux provinces gouvernées séparément par les deux hommes
forts.
Les Palestiniens se gaussent de telles spéculations qu’ils considèrent
incarner les voeux pieux d’Israéliens rêvant de diviser pour mieux
régner.
Les deux hommes ont un impressionnant état de services de
combattants. M. Dahlan a été emprisonné durant six ans par Israël, et M. Rajoub
durant dix-sept ans. Tous deux avaient été finalement exilés par Israël, et tous
deux étaient rentrés, au milieu des années 1990, lorsque M. Arafat fut autorisé
à rentrer en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, en vertu des accords
d’Oslo.
Mais les destins politiques des deux hommes se sont
séparés.
Tandis que l’influence de M. Rajoub déclinait et que sa popularité
s’évanouissait, M. Dahlan améliorait sa position auprès de M. Arafat. Mais
certains Palestiniens disent qu’il a des liens avec des responsables corrompus,
et qu’il a eu des difficultés à étendre son rayon d’action au-delà de la bande
de Gaza, en Cisjordanie. C’est notamment ce qu’expliquent des analystes
palestiniens spécialisés.
Les responsables de la sécurité israélienne ont
déclaré récemment à des journalistes que M. Dahlan joue un double jeu,
encourageant les activistes (“terroristes”) tout en se présentant pour la
galerie comme un responsable de la sécurité. Mais dans la galerie des miroirs
déformants que représentent les relations israélo-palestiniennes, ce type
d’accusations est susceptible de ne représenter, en réalité, qu’un effort
israélien visant à redorer le blason de M. Dahlan dans l’opinion publique
palestinienne...
Alors que les forces israéliennes ont détruit le QG de
M. Rajoub, situé au sommet d’une colline, à Ramallah, durant leur incursion
d’avril dernier, elles n’ont pas touché à celui de M. Dahlan, à Gaza.
M.
Dahlan est un politique accompli et prudent. Il est le genre d’homme à répondre
à une interview en arabe, mais à corriger à de multiples reprises l’interprète
traduisant ses réponses en anglais... Durant des mois, il a insisté non
seulement sur son intention de reprendre en main les activistes, mais aussi sur
l’incapacité où il serait placé de le faire, aussi longtemps qu’il ne lui serait
pas possible de proposer une alternative politique crédible et prometteuse à la
violence.
Déjà en novembre dernier, M. Dahlan affirmait que les incursions
des Israéliens dans le territoire contrôlé par les Palestiniens, ainsi que leurs
assassinats programmés de dirigeants de la résistance palestinienne, mettaient
l’Autorité palestinienne dans l’impossibilité totale de réduire la violence
palestinienne. “Ils exigent de l’Autorité palestinienne qu’elle s’en prenne au
peuple palestinien, et ça, c’est totalement hors de question”, disait-il
alors.
6. Colonies pénitentiaires par Tanya
Reinhart
in Yediot Aharonot (quotidien israélien) du dimanche 30 juin
2002
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
(Version complétée de l’article cité.)
La bande de Gaza est la réalisation parfaite de la conception qu’ont les
Israéliens de la “séparation”. Entourée de barrières électrifiées et de postes
militaires, totalement isolée du monde extérieur, Gaza est devenue une prison
géante. Près d’un tiers de ses terrains ont été confisqués pour être remis aux 7
000 colons israéliens qui y vivent (avec leur troupes protectrices), tandis
qu’un million de Palestiniens doivent s’entasser dans les zones restées
inoccupées de cette vaste prison. Sans travail, sans revenus, ce sont près de 80
% des résidents de Gaza qui dépendent, pour leur survie, de l’UNRWA ou d’aides
de pays arabes et d’organisations non gouvernementales caritatives. Aujourd’hui,
Israël envisage sérieusement d’y emprisonner les familles de kamikazes ayant
commis un attentat-suicide et originaires de Cisjordanie [1]. Pour reprendre
l’expression d’un analyste israélien, Gaza peut servir désormais “de colonie
pénitentiaire” d’Israël, devenir son “île des réprouvés, son
Alcatraz.”
(Nahum Barnea, Yediot Aharonot, 01.06.2002).
Tel est le futur
que Sharon et l’armée israélienne réservent tout aussi bien à la Cisjordanie.
Tandis que l’on construit, d’ores et déjà, la clôture extérieure, les opérations
militaires israéliennes en cours ont tout l’air d’être la phase finale de la
mise en application des plans des Forces armées de défense visant à rétablir une
administration militaire totale (laquelle avait été abolie dans de larges
parties de la Cisjordanie au fur et à mesure de l’avancée du processus d’Oslo).
Bien qu’Israël décrive toutes ses actions comme autant de réactions spontanées à
la terreur conjoncturelle, le plan avait été entièrement détaillé par les médias
israéliens, dès mars 2001, soit peu après l’arrivée au pouvoir de Sharon. Alex
Fishman, analyste militaire et stratégique du quotidien Yediot Aharonot, a
expliqué que, dès Oslo, “l’armée israélienne considérait les territoires occupés
comme s’ils avaient constitué une seule entité territoriale”, ce qui imposa
certaines contraintes à l’armée israélienne et permit un relatif niveau de
liberté pour l’Autorité palestinienne, et aussi pour la population
palestinienne. Le nouveau plan représente un retour au concept d’administration
militaire que nous avons connu dans les années d’avant-Oslo : les territoires
occupés seront divisés en dizaines de “cellules isolées”, chacune d’entre elles
devant être confiée à telle ou telle unité militaire, “et le commandant local
aura toute latitude de décider de manière discrétionnaire” quand tirer, et sur
qui ? (Yedioth Aharonot, supplément du week-end, 09.03.2001).
La première
phase de ce plan, à savoir la destruction des institutions de l’Autorité
palestinienne, a été menée à bien au cours de l’opération “Rempart”, en avril
dernier. En pratique, depuis lors, les villes et les villages de Cisjordanie ont
été complètement isolés. En sortir même à pied, chose qui était auparavant
possible, jusqu’à un certain point, ne l’est plus et se déplacer entre les
“prisons territoriales” requiert désormais des permis officiels délivrés par les
autorités militaires israéliennes. Des soldats et des francs-tireurs empêchent
toute personne “non autorisée” de se rendre sur les cultures, sur les lieux de
travail et d’étude, ou même à un dispensaire pour y recevoir des
soins.
Toutefois, à la différence de l’administration militaire de la période
pré-Oslo, l’armée affirme clairement qu’elle n’a aucunement l’intention de
mettre en place une quelconque administration civile qui prendrait en charge les
besoins quotidiens de deux millions de Palestiniens, tels l’alimentation, les
services sanitaires, les ordures et l’assainissement. Pour ces tâches, un
semblant d’Autorité palestinienne sera maintenu, bien qu’en pratique on ne le
laissera pas fonctionner.
Comme l’a indiqué une “source militaire” au
quotidien Ha’aretz, “les conclusions internes des échelons sécuritaires, à la
suite de l’opération “Rempart”, montrent que le fonctionnement des services
civils de l’Autorité palestinienne a atteint un niveau de déréliction sans
précédent, en raison essentiellement des destructions occasionnées par
l’opération de l’armée israélienne à Ramallah (qui a comporté, notamment, la
destruction systématique d’ordinateurs et de bases de données). Si l’on y ajoute
les restrictions très sévères imposées aux déplacements, la population
palestinienne est en train de devenir, pour reprendre les mots de l’armée
elle-même “pauvre, dépendante, sous-employée ou au chômage, sous-alimentée,
poussée à bout”... Les réserves financières de l’Autorité sont en passe
d’atteindre le fond... Dans un futur pas très éloigné, la majorité des
Palestiniens ne pourront assurer un minimum de survie qu’en recourant à l’aide
internationale.” (Edition hébreue de Ha’aretz, Amos Har’el, 23.06.2002). Comme
on le constate, la Cisjordanie est menée tout droit au niveau de pauvreté
endémique régnant dans la bande de Gaza.
Priver les Palestiniens de leurs
gagne-pain n’empêche pas Israël, néanmoins, de déployer des efforts substantiels
pour obtenir une diminution - voire un arrêt - de l’aide internationale (qui
leur est destinée), au prétexte que cette aide serait détournée afin d’aider les
terroristes et leurs familles. A l’issue de sa nouvelle “opération”, Israël a
“décidé de bloquer l’afflux des aides alimentaires et médicales provenant d’Iran
et d’Irak aux Palestiniens des territoires” (Ha’aretz, Amos Har’le, 24.06.2002).
L’aide humanitaire iranienne et irakienne est une cible facile pour Israël, ces
pays appartiennent à l’”Axe du Mal”. Toutefois, Israël a entrepris de lancer une
campagne plus ambitieuse : l’Union européenne, le donateur le plus généreux pour
l’Autorité palestinienne, est soumise à des pressions constantes d’Israël
l’incitant à stopper ses aides, qui sont utilisées, entre autres, pour payer les
salaires des enseignants et des travailleurs de la santé. La tactique est
toujours la même : Israël fournit certains documents supposés établir une
complicité de l’Autorité dans le terrorisme. Toute aide à l’Autorité
palestinienne devient, dans ce cas de figure, une aide apportée au terrorisme
[2].
L’aide humanitaire de l’UNRWA est la prochaine cible sur la liste.
L’Agence des Nations Unies pour les Secours et le Travail des Palestiniens au
Moyen-Orient (UNRWA) est devenue la principale source de denrées alimentaires
pour les Palestiniens vivant dans les territoires assiégés. Ses rations
alimentaires sont distribuées non seulement dans les camps, mais également dans
les villages, et dans les villes. La quantité des rations alimentaires
distribuées par l’UNRWA a quadruplé en deux ans [3].
Récemment, “Israël a
entrepris une campagne, aux Etats-Unis et à l’ONU, afin de réclamer un réexamen
de la manière dont fonctionne l’UNRWA, qui gère les camps de réfugiés
palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Israël accuse les agents
de cette agence d’avoir tout simplement ignoré le fait que des organisations
palestiniennes transformaient les camps en bases terroristes et exige de cette
Agence qu’elle fasse un rapport à l’ONU sur toute activité militaire ou
terroriste à l’intérieur des camps... En même temps, des lobbyistes juifs et
pro-israéliens mènent une campagne parallèle, aux Etats-Unis... Les lobbyistes
juifs américains basent leur action sur le fait que les Etats-Unis assurent
actuellement environ 30 % du budget annuel de l’UNRWA (400 millions de dollars),
et qu’ils sont par conséquent en position d’exercer leur influence sur l’agence
: un refus par le Congrès d’approuver le financement américain de l’UNRWA serait
susceptible d’en désorganiser gravement les opérations. (Ha’aretz, 29.06.2002,
Nathan Guttman). La campagne des lobbyistes ne demande pas encore l’arrêt de
l’aide - voire même de la présence de l’UNRWA sur le terrain - mais son
exigence, impossible à satisfaire, que l’UNRWA joue un rôle actif dans “la
guerre contre le terrorisme” (“en signalant les actions militaires ou
terroristes”) est un premier pas dans cette voie [4].
Depuis le 11 septembre,
Sharon s’applique à échafauder une analogie entre les territoires occupés et
l’Afghanistan (dans son analogie, l’Autorité palestinienne jouerait le rôle
d’Al-Qa’ida). Il ne cesse de déclarer que la solution au terrorisme palestinien,
ainsi que les “réformes” requises, doivent suivre les grandes lignes tracées en
Afghanistan. L’analogie est d’une transparence effrayante : en imposant leurs
“réformes” en Afghanistan, les Américains réduisaient à la famine des millions
et des millions de personnes. Voici comment Noam Chomsky décrit la situation :
“Le 16 septembre, le New York Times écrivait que ‘Washington avait demandé aussi
au Pakistan un arrêt total des livraisons de pétrole... et l’élimination des
convois de camions qui assuraient la plus grande partie des fournitures en
produits alimentaires et autres produits de première nécessité aux civils
afghans.” D’une manière étonnante, ce rapport ne suscita pas de réaction
détectable en Occident, ce qui suffit à rappeler à qui aurait tendance à
l’oublier la véritable nature de la civilisation occidentale dont tant les
dirigeants que les commentateurs appartenant à l’élite se proclamaient les
hérauts. Au cours des jours suivants, ces exigences trouvaient satisfaction...
“La vie du pays tenait à un fil”, avait commenté un humanitaire rapatrié, “et ce
fil, nous venons de le couper.” (New York Times Magazine, 30 septembre). D’après
les plus grands journaux du monde, alors, Washington exigeait que le Pakistan
assume la mort d’un nombre énorme d’Afghans, dont plusieurs millions déjà au
bord de la famine, en coupant les subsides très limités qui les maintenaient en
vie.” (Interview avec Michael Albert, repris dans Noam Chomsky, 911, Seven
Stories, 29 septembre). Arundhati Roy avait résumé la situation, à l’époque, en
écrivant : “Voyez la “justice infinie” de ce siècle nouveau : des civils meurent
de faim, en attendant d’être tués (par les bombes)” (Guardian, 29.09).
Le
nouveau degré atteint dans la “séparation” à l’israélienne ne peut plus être
comparé à l’apartheid de l’Afrique du Sud. Comme l’a déclaré Ronnie Kasrils,
ministre sud-africain des richesses hydrauliques, dans un interview à
l’hebdomadaire Al-Ahram Weekly, “le régime sud-africain d’apartheid n’a jamais
entrepris le type de répression qu’Israël est en train d’infliger aux
Palestiniens.” (28.03.2002). Nous assistons à la mise à mort quotidienne et
invisible des malades et des blessés auxquels on dénie les soins médicaux, des
personnes affaiblies qui ne peuvent survivre dans les conditions actuelles de
nouvelle pauvreté imposée, et ceux qui sont menacés par la famine.
Néanmoins,
le débat public en Israël tourne autour de questions d’efficacité : est-il
possible d’arrêter le terrorisme avec de telles méthodes ? Et, à supposer que ce
soit le cas, en avons-nous le droit ? Est-ce là ce que nous, Israéliens, voulons
être?
Un peuple a volé l’”agneau de son voisin, pauvre [5]”. Gaza et la
Cisjordanie représentent 22 % de la terre d’Israël-Palestine, où les
Palestiniens vivaient autrefois. Sur ce minuscule territoire, vivent trois
millions de personnes, qui ont leurs espoirs, leurs rêves et leurs besoins,
exactement comme nous. Depuis Oslo, on les a bernés avec des promesses qui
parlaient d’évacuation des colonies et de leur redonner leurs terres, exactement
au même moment où nous, nous étions en train de les emprisonner dans la bande de
Gaza, leur volant encore une parcelle supplémentaire de leur territoire, en
Cisjordanie, et en ne leur laissant aucun espoir, quel qu’il soit. Le peuple
palestinien se bat pour sa liberté. Les crimes du terrorisme palestinien ne
sauraient lever notre propre responsabilité dans nos propres crimes.
Avant
Oslo, aussi, il y avait eu une vague d’attentats-terroristes horribles. Mais, à
l’époque, après chacun des attentats de ce genre, on entendait le slogan :
“Israël, hors des colonies !” On comprenait encore, à l’époque, que lorsque vous
ne laissez aucun espoir au peuple, rien ne peut empêcher la folie des
attentats-suicides. Il n’est pas trop tard pour se retirer des territoires
occupés.
- Notes :
[1] : Au
cours de sa réunion du vendredi 21 juin 2002, le cabinet israélien “s’est
prononcé en principe en faveur de l’expulsion des familles de kamikazes de
Cisjordanie vers la bande de Gaza... La mise en application de cette politique
d’expulsions ne dépend plus que des résultats des études de faisabilité
juridique.” (“L’armée israélienne prête à expulser les familles de kamikazes”,
par Aluf Benn, Amos Har’el et Gideon Alon, Ha’aretz, 23.06.2002).
[2] : Voici
un exemple des pressions exercées sur la Communauté européenne :
“Les
documents saisis au cours des derniers mois dans les bureaux de l’Autorité
palestinienne, dont certains ont été rassemblés dans le document compilé par le
ministre sans portefeuille Dan Naveh à la suite de l’opération Rempart, ont été
présentés la semaine dernière à la délégation de l’Union européenne en Israël et
à des représentants du Fonds Monétaire International, au cours d’une réunion
avec des officiers des Forces israéliennes de défense. Naveh affirme que ces
documents apportent la preuve que des financements européens ont bien été
détournés afin de financer le terrorisme et la propagande anti-israélienne
(“incitement”), et que d’autres ont bien trouvé le chemin qui aboutit dans les
poches des principaux responsables de l’Autorité palestinienne.
Le chef de la
délégation de l’UE en Israël, Giancarlo Chevallard, a déclaré à Ha’aretz qu’à
cette réunion, la délégation a eu la preuve qu’Arafat finance le terrorisme,
mais il a ajouté qu’Israël n’avait pas apporté de preuve que des aides
financières européennes destinées à payer les salariés d’employés de l’Autorité
palestinienne aient été détournées afin de financer des attentats terroristes.
Un autre officiel de haut rang dans cette délégation, s’est déclaré extrêmement
sceptique quant à l’existence de preuves d’un financement du terrorisme au moyen
d’aides européennes financières détournées par l’Autorité palestinienne...
Il
n’en reste pas moins, qu’à la lumière des accusations israéliennes, le comité du
budget du Parlement Européen a retardé, la semaine dernière, le transfert de
18,7 millions d’euros d’aide financière destinée à l’Autorité palestinienne,
jusqu’à ce que l’Union ait remis un rapport sur les modalités d’utilisation de
ces fonds... “ (Ha’aretz, 06.06.2002, Yair Ettinger). Cette somme, gelée, a été
débloquée depuis, en dépit de la continuation des pressions israéliennes sur
l’Union européenne.
[3] : Amos Har’el : L’armée israélienne neutralise
l’Autorité palestinienne, et les organisations humanitaires font ce qu’elles
peuvent pour la suppléer (‘The IDF neutralizes the Palestinian Authority, and
humanitarian organizations try to replace it’, Ha’aretz Hebrew edition,
23.06.2002, op. cit.).
[4] : La campagne anti-UNRWA indiquait, auparavant :
“Dans des courriers envoyés à (Kofi) Annan en mai, le sénateur américain
républicain Arlen Specter et le représentant démocrate Tom Lantos accusaient
l’agence de l’ONU de fermer les yeux sur des activités terroristes dans les
camps, voire de les favoriser. Specter a dit que les écoles de l’UNRWA faisaient
la promotion de sentiments anti-israéliens et antisémites, tandis que Lantos
affirmait que l’Agence permettait aux terroristes de s’organiser, à l’intérieur
même des camps de réfugiés.” (Inter Press Service, 24.06.2002).
[5] : Bible,
Samuel II, 12:11 : “12:1 Le Seigneur a envoyé Natan à David. Il vint vers lui et
lui dit : “Il y avait deux hommes, dans une ville ; un riche et un pauvre. 12:2
Le riche avait beaucoup de troupeaux d’ovins et de bovins, 12:3 mais le pauvre
n’avait rien, si ce n’est une petite agnelle qu’il avait achetée et élevée. Elle
grandit avec lui, et lui avec ses enfants. Elle mangeait dans son plat, buvait
dans sa coupe, dormait sur ses genoux, et était comme une fille, pour lui. 12:4
Un voyageur vint voir le riche, et celui-ci s’abstint de prélever sur son propre
troupeau afin d’accueillir le voyageur dignement. Il vola l’agnelle du pauvre,
la sacrifia et l’apprêta pour l’offrir en festin de bienvenue à l’homme qui
venait le voir.” (http://ebible.org/bible/hnv/2Sam.htm)
7. Le camp de Jénine à l'heure du déminage par
Georges Malbrunot
in Le Figaro du samedi 29 juin 2002
Avant de reconstruire le village détruit, les Nations unies ont entrepris
de neutraliser les explosifs enfouis dans les décombres
La bataille de Jénine n'a pas fini de livrer ses secrets. Le bilan des
affrontements qui ont opposé début avril les habitants du camp de réfugiés aux
soldats israéliens s'établit à ce jour à cinquante-quatre tués côté palestinien,
dont trente-deux combattants et vingt-deux civils, et cinq disparus.
L'Office
des Nations unies chargé des réfugiés a commencé la réhabilitation du camp, qui
s'étalera sur trois ans. La priorité : reloger les 735 familles qui ont perdu
leur logement dans la partie où se sont concentrés les combats (Ground Zero, 15
% du camp). Des tentes leur ont été proposées mais les déshérités, furieux de
constater qu'elles arboraient un drapeau américain, les ont refusées.
Ensuite viendra l'heure de la reconstruction. Mais auparavant, il faut
déblayer les centaines de milliers de mètres cubes de gravats qui s'amoncellent
dans Ground Zero. La noria de camions va commencer l'évacuation des ruines la
semaine prochaine, si le couvre-feu décrété par Tsahal, qui réoccupe la ville,
est levé d'ici là. Elle devrait durer trois mois au moins. Sous la chaleur, face
à une population à cran devant les tirs d'intimidation au canon d'hélicoptère,
la tâche s'annonce difficile et dangereuse. Depuis mi-avril qu'ils sont à pied
d'oeuvre, les responsables des Nations unies se heurtent à un obstacle de taille
: le déminage des nombreux engins explosifs abandonnés par les
belligérants.
Deux réfugiés, dont un enfant, ont trouvé la mort en manipulant des bombes,
vingt-quatre autres habitants ont été blessés. Et la petite équipe de démineurs
anglais et français ne s'est pas encore aventurée sous les décombres de Ground
Zero. Mais déjà la récolte est fructueuse : en 192 sorties, elle a mis la main
sur 3 234 engins, en majorité des bombes construites par les Palestiniens au
moyen de tuyaux et des roquettes improvisées, le reste étant constitué de
quelques obus de chars israéliens, de munitions éclairantes et de missiles tirés
par les hélicoptères et qui n'ont pas explosé.
Des diplomates qui ont visité le camp ont été surpris par la quantité
d'explosifs accumulés par la résistance. « Tout ce qu'ils ont pu fabriquer, ils
l'ont fabriqué, explique un expert sur place. On tombe par hasard sur l'atelier
qui mettait au point les conteneurs ou sur la pièce dans laquelle ils faisaient
la synthèse des explosifs. Ce qui nous inquiète le plus, c'est lorsqu'en fin de
chantier, on va atteindre les caves et les soubassements. On pourrait y
découvrir de nombreux laboratoires, mais on ne pourra pas évacuer la population
autour. On a déjà du mal à garder les gosses à distance, ils cherchent à nous
revendre les balles qu'ils récupèrent dans les ruines. »
Les activistes ont fabriqué une grande quantité d'explosifs, notamment du
TATP, un explosif relativement dangereux qui devait servir à la défense du camp
davantage qu'à fournir les kamikazes qui vont commettre les attentats suicides,
comme le prétendait l'Etat hébreu, qui a fait du camp de Jénine « la capitale du
terrorisme » palestinien. « Ils ont des experts mais la fabrication reste
artisanale, ajoute un autre démineur. Les explosifs sont instables et dangereux.
Ils ont été fabriqués localement en quelques jours et ils ont été utilisés
localement, pour se protéger pendant l'opération israélienne. Les explosifs que
nous avons trouvés sont trop lourds, pas assez facilement transportable pour
servir aux attentats suicides. Les kamikazes viennent peut-être du camp mais pas
l'équipement. »
A Jénine, même si les activistes ont infligé de lourdes pertes à Tsahal
(treize tués), l'amateurisme a caractérisé le combat des Palestiniens. Le
laboratoire peut très bien être situé dans une cave, sans aération, ce qui est
dangereux quand l'acide nitrique sert de composant à la bombe. Les experts
chimistes ont opéré en cachette mais leurs planques étaient au coeur de la
population.
Sans véritable plan de défense, les rues étroites ont constitué souvent le
seul rempart face aux tanks, mais un rempart qui n'a pas résisté à l'avance des
bulldozers mastodontes D-9 utilisés par Tsahal pour raser les venelles et faire
sortir les activistes de leurs caches. Les premières conclusions des experts
valident la thèse selon laquelle l'Autorité de Yasser Arafat n'a que peu
participé aux combats. « Ni les maisons ni les portes n'étaient piégées
efficacement, note un ancien militaire. Les guet-apens étaient conçus à
l'emporte-pièce. Ils ne pouvaient rien contre des chars à partir du moment où
ils n'ont pas utilisé leurs roquettes RPG 7 », entre les mains de certaines
forces de sécurité.
L'action des démineurs est entravée par l'absence de moyens mis à leur
disposition. « On désarme, on neutralise, mais on ne détruit pas les bombes »,
observe l'un d'eux. L'Etat hébreu, auquel ils doivent théoriquement fournir les
résultats de leurs fouilles, refuse de leur livrer les quelque 200 kg
d'explosifs nécessaires à l'élimination de l'arsenal de mort. Un diplomate qui
essayait de faire passer un canon de neutralisation d'engins explosifs au
barrage d'Erez, entre la bande de Gaza et Israël, a dû rebrousser chemin. On
doit se débrouiller avec les moyens du bord.
Les bombes neutralisées ont été noyées dans le béton. Les négociations
continuent pour régler le différend, mais la réoccupation prolongée du camp par
Israel pourrait changer la donne : « Si on applique la loi internationale, c'est
à la puissance occupante de s'occuper du déblayage », avertit un des démineurs.
Ce dernier s'interroge : « Pourquoi Israël n'interdit-il pas l'entrée en
Cisjordanie d'engrais à plus de 30 % d'acide nitrique. D'autres pays l'ont fait.
Ainsi les Palestiniens auraient beaucoup plus de difficultés pour fabriquer
leurs bombes. »
Dans le camp, les relations avec les factions politiques – les islamistes
en particulier – sont relativement tendues. Le 17 juin au soir, un restaurateur
avertit l'équipe des démineurs qu'une bombe avait été cachée dans la rue en face
de chez lui. Le lendemain matin, les experts arrivent sur place pour récupérer
l'engin. Quelques minutes après sa neutralisation, un groupe d'hommes en armes
s'est rendu à leur quartier général pour tenter de récupérer la bombe.
Le système de mise à feu des explosifs utilisés pendant la bataille de
Jénine est moins perfectionné que dans la bande de Gaza. Mais la prolifération
des bombes montre que les artificiers palestiniens disposent maintenant d'appuis
parmi la population. Celle-ci semble de moins en moins réticente à céder une
cave ou une arrière-boutique. Autre motif d'inquiétude : même si la majeure
partie des explosifs collectés reste de qualité moyenne, certains échantillons
ont été envoyés dans des laboratoires occidentaux afin d'être analysés pour
détecter la présence éventuelle d'explosifs plus puissants.
8. La Palestine selon Bush par Denis
Sieffert
in Politis du jeudi 27 juin 2002
En un petit quart
d'heure, George W. Bush a tout dit. Il n'a certes frayé aucun chemin sérieux
vers la paix, mais il a tout casé : l'économie de marché, la Banque mondiale, le
Fonds monétaire international, des « entreprises honnêtes », et la bienveillante
tutelle des États-Unis d'Amérique. Un peu de morale et beaucoup de commerce. On
tiendrait presque pour secondaire que ce discours, prononcé lundi depuis la
Maison Blanche, fût consacré au Proche-Orient. Ce n'est pas seulement une vision
de la Palestine, ni même une vision de la région, que le Président américain a
offerte en pâture à tous les exégètes et analystes internationaux. C'est une
vision du monde. L'avantage, si l'on ose dire, c'est que s'adressant aux
Palestiniens, c'est-à-dire aux faibles parmi les faibles, aux damnés de la terre
qu'ils n'ont même pas, George W. Bush n'a pas eu à s'embarrasser de fioritures.
Il a dicté tranquillement sa volonté, brossé le portrait-robot du « leadership »
idéal, rédigé à grands traits une constitution, fixé les équilibres entre
exécutif et législatif, défini le système économique, tracé la voie pour les
futurs échanges commerciaux. C'est un discours qui s'adresse à tout le monde.
C'est un discours néo-colonial dans toute son horreur. Dans la pensée du
président américain, les Palestiniens ne comptent guère. Les autres, sans doute,
non plus. Mais à eux, il peut se permettre de le dire franchement. C'est en cela
qu'il est instructif pour tous.
De façon moins directe, il a délivré un
message aussi à Israël : Israël, ce doit être cela dans la région. Une sorte
d'antenne commerciale, de succursale, de dépositaire du libéralisme économique.
Le mépris est pour tout le monde. Car il y a bien des courants de pensée dans ce
pays qui ne partagent pas cette conception. Le reste est presque secondaire.
Bush ne veut plus d'Arafat ? Certes. Mais il y a belle lurette qu'Arafat n'est
plus un problème sauf dans l'instrumentalisation qu'en fait la propagande
d'Ariel Sharon. La vraie question, avec ou sans Arafat, c'est l'évolution
sociale et culturelle de la société palestinienne. L'imposture dans le discours
de Bush, comme dans celui, récurrent, des dirigeants israéliens, consiste à
faire croire que cette évolution est un pur problème interne. La société
palestinienne aurait à se réformer en dehors du problème de l'occupation
coloniale. Elle pourrait, et elle devrait trouver les chemins de la démocratie
(selon la définition qu'en donne George Bush, évidemment) sous la botte de
l'occupant, pulvérisée par des centaines de barrages, hachée menue en lopins de
terre encerclés par des implantations israéliennes, et en dehors de
l'édification d'un État.
C'est évidemment là que le bât blesse. Car, dans sa
pensée simple, et incapable d'imaginer qu'on puisse voir les choses autrement,
le président américain oublie une donnée fondamentale, humaine, éternelle : la
psychologie des peuples. En fait, George Bush dit aux Palestiniens : « Acceptez
tout et je vous donnerai de l'argent. » Il n'est pas sûr que cela marche. Car ce
discours fait fi de ce qu'on appelle un peu pompeusement la dignité, ou
l'orgueil, ou encore le sentiment national. Il n'est pas sûr non plus que cela
ne marche pas dans certaines couches de la société palestinienne. Il y a là
comme partout des affairistes qui seront tentés, pourvu qu'ils sentent qu'ils ne
seront pas trop rejetés par les leurs. Ce qui est certain, c'est que des
courants nationalistes, de gauche, ou extrémistes religieux, pour des raisons
évidemment opposées, ne peuvent pas l'accepter. Dans un premier temps, le
discours de Bush pourrait donc déboucher sur des déchirements internes qui
n'assureront sûrement pas la sécurité d'Israël. Et comme Bush ne donne aucun
gage à ceux qui pourraient faire réellement évoluer la Palestine dans un sens
démocratique et laïque, qu'il ne dit rien du démantèlement immédiat des
colonies, qu'il ne fixe aucune échéance au retrait israélien (il se borne à
souhaiter que « prennent fin les activités israéliennes de colonies de
peuplement »), il n'est pas sûr que le nouveau discours américain ne fasse pas
le jeu des extrémistes.
À terme, il ne conforte d'ailleurs pas non plus la
droite israélienne. Car il plaide pour un néo-colonialisme et non pas pour un
colonialisme à l'ancienne. Dans sa vision, le joug américano-israélien doit
d'abord être économique. Point besoin pour cela des colonies de peuplement qui
incarnent un colonialisme idéologique ou religieux. C'est sans doute ce qui
explique que la gauche israélienne commence tout doucement à se démarquer
d'Ariel Sharon. Shimon Peres reparle de démission. Et, surtout, Benyamin Ben
Eliezer, dur parmi les durs, et cependant leader du parti travailliste, vient de
faire une découverte ébouriffante. Il est allé dans une prison à la rencontre de
deux kamikazes palestiniens. Et il a reconnu que « les opérations militaires
(d'Israël) accentuent les frustrations, la haine et le désespoir et sont
l'incubateur du terrorisme. » A-t-il fallu plus de deux mille morts Palestiniens
et 515 Israéliens en vingt mois pour que M. Ben Eliezer parvienne à cette
évidence ? À moins que cette compassion toute neuve ne soit l'ébauche d'une
rupture avec Sharon. Et une offre de service à George Bush.
9. Dans la vieille ville de Jérusalem - "Arafat est
démocratiquement élu" par Karine Grollier
in L'Humanité du mercredi
26 juin 2002
Jérusalem-Est, correspondance particulière - Walid, père
de famille de quarante-cinq ans, marche d'un pas pressé vers la porte de Damas,
dans la vieille ville de Jérusalem, quartier palestinien : " Quelle est cette
demande absurde ? Comment voulez-vous créer une démocratie sous un régime
d'occupation ? " lance-t-il en réaction à la déclaration du président George
Bush, la veille. Il est 13 heures, ce mardi, dans l'enceinte des remparts.
L'heure des derniers achats dans les ruelles animées du souk afin de préparer le
repas familial. Rien, en apparence, ne laisse transparaître les drames qui se
jouent à quelques kilomètres de là, dans les territoires autonomes à nouveau
occupés depuis quelques jours. · Jerusalem-Est, l'occupation est devenue monnaie
courante depuis 1967 : ici, une patrouille de l'armée, là, une camera visionnant
la rue ou encore une maison de colons flanquée d'un drapeau israélien. Une
proposition de plus ou de moins de l'administration américaine ne semble pas
devoir perturber cet état de fait. Le scepticisme est d'ailleurs sur de
nombreuses lèvres. Jamal, trente-cinq ans, vend des souvenirs dans l'une des
principales rues du souk pour nourrir ses quatre enfants. Il n'y croit plus : "
Les négociations ont échoué à de multiples reprises : lorsque les Israéliens
sont d'accord sur un point le matin, ils changent d'avis l'après-midi ou ne
l'appliquent jamais sous de faux prétextes. Comment pourrions-nous croire George
Bush. Les Etats-Unis envoient à Israël les armes qui tuent nos enfants chaque
jour ou presque ", explique-t-il. Attablé au fond du café Internet très moderne
dont il est propriétaire, Houssam, vingt-trois ans, diplômé d'informatique,
reste songeur à la lecture de la déclaration : " Bush ne peut nous rendre nos
terres en application de la résolution 242 de l'ONU, c'est-à-dire sur les
frontières de 1967 qui incluent Jérusalem-Est. Je crois qu'il y perdrait la
Maison-Blanche. Quant à nous, les Palestiniens, nous allons de concession en
concession depuis 1948, mais rien n'y fait. " La solution vient-elle, comme
l'affirment les gouvernements israélien et américain, d'un changement des
dirigeants palestiniens, et en particulier d'Arafat ? Par-delà leurs divergences
sur l'Autorité palestinienne, sur les capacités d'Arafat de négocier une paix
juste, l'honnêteté de cette autorité fréquemment accusée de corruption, tous se
retrouvent autour de la même affirmation résumée par Raed, cinquante ans, gérant
d'un des rares restaurants palestiniens encore ouverts : " Seul le peuple
palestinien est en mesure de décider d'un changement de nos dirigeants. Arafat
est un président démocratiquement élu, peut-être le seul du monde arabe. Choisir
librement nos représentants est notre droit le plus fondamental. Ce que suggère
M. Bush est une forme de dictature. Et c'est paradoxal. Si Arafat est président
aujourd'hui, c'est aussi avec le feu vert et le soutien des Etats-Unis, qui ont
parrainé le processus d'Oslo ", remarque-t-il. Et Houssam d'ajouter : " Les
Palestiniens sont tellement à bout que, en cas de nouvelles élections
aujourd'hui, il est probable qu'une personnalité bien plus intransigeante
vis-à-vis des Israéliens serait élue. "
10. Israël durcit sa propagande et le contrôle de
l'information par Antoine Jacob
in Le Monde du mercredi 19 juin 2002
Les autorités israéliennes multiplient les initiatives, inspirées des
méthodes américaines, pour faire valoir leur point de vue auprès des rédactions
étrangères. Elles n'hésitent plus à entraver le travail de la presse
internationale, jugée hostile.
Jérusalem de notre envoyé spécial - Une
première. En lançant l'opération "Mur de protection" en Cisjordanie, fin mars,
l'armée israélienne a interdit aux journalistes tout accès à certaines zones où
elle était engagée. Les médias israéliens - qu'on ne peut pourtant pas suspecter
d'antipatriotisme en cette période d'attentats-suicides perpétrés par des
Palestiniens - n'ont pas non plus été acceptés, contrairement aux précédentes
opérations militaires. Cela n'a pas empêché des journalistes de défier l'armée
en contournant les barrages militaires. En dépit de manœuvres d'intimidation de
la part de soldats, ils n'ont pas été inquiétés à leur retour.
Depuis, les autorités israéliennes ne font rien pour faciliter le travail
des médias dans les territoires qu'elles occupent, au contraire. D'un autre
côté, en Israël, elles redoublent d'énergie pour expliquer aux journalistes
étrangers le bien-fondé de leur politique. De plus en plus affirmées, ces deux
pratiques complémentaires font partie des efforts accrus déployés par l'Etat
hébreu en vue de remporter la bataille de la communication vis-à-vis du monde
extérieur.
Dans un conflit très médiatisé, qui fait régulièrement la "une" de
l'actualité, l'un des éléments cruciaux pour chacune des parties engagées
consiste à faire passer son message pour justifier au mieux sa position. "La
lutte tourne autour de la narration : qu'est-ce qui a causé quoi, comment en
est-on arrivé là ?", pointe Aviv Lavie, le chroniqueur média du Ha'aretz, reputé
pour ses prises de position critiques par rapport à la politique du gouvernement
d'Ariel Sharon.
Les positions des deux camps, le fond du message de communication sont
clairement définis. D'après Israël, les opérations militaires sont un mal
nécessaire pour éradiquer les réseaux "terroristes" qui commettent des attentats
sanglants, y compris contre des civils. Pour les Palestiniens, la lutte armée
est justifiée par le fait que leur terre est occupée par une armée, en violation
du droit international.
"Le problème de la stratégie de communication d'Israël, c'est que
l'occupation passe très mal : quand on voit des soldats et des tanks d'un côté,
des femmes et des enfants jetant des pierres de l'autre, le monde a tendance à
prendre parti pour les faibles", souligne Aviv Lavie. D'où les tentatives des
autorités israéliennes de limiter le plus possible l'accès des journalistes
étrangers, et en particulier les équipes de télévision, aux territoires
palestiniens, en dépit des critiques suscitées par cette pratique.
Les télévisions et agences de presse internationales ont de plus en plus de
mal à faire travailler leur personnel palestinien dans les territoires. Ces
journalistes locaux se sont vu refuser le renouvellement de leur carte de presse
depuis janvier et ne peuvent plus se rendre sur le sol israélien, ni même d'une
ville palestinienne à une autre. Les autorités les accusent désormais de
soutenir la cause de leur peuple et, pour certains, d'aider concrètement des
organisations engagées dans la lutte armée, sans avancer jusqu'à présent de
preuves (Le Monde du 12 juin).
Parallèlement, les médias étrangers font l'objet de l'attention croissante
des autorités israéliennes. "Depuis quelques mois, à chaque fois qu'un gros
attentat se produit, le bureau de presse du gouvernement nous propose dans les
dix minutes des interviews en français de responsables pour dénoncer ces actes",
raconte Charles Enderlin, le correspondant de France 2. Idem en anglais pour les
chaînes anglo-saxonnes. Les équipes de télévision n'ont même pas besoin de se
déplacer : les candidats aux entretiens se rendent directement dans l'immeuble
de huit étages où sont stationnées les chaînes étrangères accréditées à
Jérusalem.
Pour faire passer leur message devant les caméras et les micros, les
autorités israéliennes ont choisi, le plus souvent, de faire appel à des
porte-parole féminines. "Elles peuvent paraître plus convaincantes, moins
militantes que des hommes", analyse Aviv Lavie. Ainsi le futur porte-parole des
forces armées et son numéro deux seront des femmes.
Familiers des méthodes américaines de communication, les responsables
israéliens n'hésitent pas, aussi, à mener des campagnes d'information à
l'étranger. C'est dans ce cadre qu'Olivier Rafowicz, porte-parole de l'armée
chargé des journalistes étrangers, s'est rendu récemment dans des rédactions de
journaux français pour dresser un bilan de l'opération israélienne dans la ville
de Jénine, imité en cela par des Palestiniens (Le Monde daté 16-17 juin). Des
proches de victimes d'attentats ou des blessés ont également été envoyés
témoigner en Italie et en Espagne, l'Europe étant en général moins perméable aux
arguments israéliens que les Etats-Unis.
Alors que le précédent gouvernement travailliste d'Ehoud Barak "était
tellement sûr de lui qu'il estimait que ce n'était pas la peine d'expliquer sa
politique, note Marius Schattner, journaliste à l'AFP, le gouvernement Sharon
est complètement obnubilé par son image". Celle du premier ministre reste encore
ternie par sa responsabilité (jugée indirecte par une commission d'enquête
israélienne) dans le massacre perpétré, en 1982, par les phalangistes libanais
dans les camps palestiniens de Sabra et de Chatila.
Toutefois, de l'avis de nombreux observateurs, le gouvernement a plutôt
bien réussi à vendre sa politique, en particulier aux Etats-Unis, principal
acteur extérieur dans ce conflit. Avoir réussi à dégrader l'image du chef de
l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, usant d'une "campagne de dénigrement
personnel", n'est pas le moindre de ses succès, estime Aviv Lavie.
11. Des réformes sont attendues aussi d’Israël et des
Arabes, et non pas seulement des Palestiniens par François
Basili
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du
vendredi 24 mai 2002
[traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
(François Basili est un écrivain égyptien résidant à New
York.)
Avec la confusion à laquelle nous assistons entre les
concepts du vrai et du faux, le maquillage des traits de l’agresseur visant à le
faire passer pour la victime, la stigmatisation de tous les aspects de la
résistance à l’occupation, dont la résistance légitime contre les soldats
occupants armés jusqu’aux dents, consistant à qualifier tous ces aspects d’actes
de terrorisme, nous ne sommes nullement étonnés d’entendre Sharon et les
fondamentalistes extrémistes de son entourage, au gouvernement israélien et en
dehors du gouvernement israélien, exiger de l’Autorité palestinienne qu’elle
procède à des réformes structurelles, administratives et constitutionnelles et à
des élections afin de prouver sa légitimité démocratique. Il n’est pas non plus
stupéfiant de voir et d’entendre le gouvernement israélien accuser l’Autorité
palestinienne de corruption, de dictature, de bureaucratie et d’incompétence !
Ce à quoi nous assistons, actuellement, sur la scène du théâtre mondial, c’est à
la représentation d’un mauvais mélo de la comédie noire tel que nous n’en avons
jamais vu aucun autre aller aussi loin dans la dérision, l’exagération et la
futilité, et aussi dans l’audace du metteur en scène, des acteurs et des
participants à sa production en matière de tout un bric à brac d’accessoires, de
jeux de lumière, de fumées, de sons et de couleurs, dans le but de nous faire
prendre les illusions qui leur passent par l’esprit pour des réalités, et
l’agression, l’écrasement d’autrui et la violence arbitraire pour le fin du fin
de la liberté, de la civilisation, de l’urbanité, voire de la
spiritualité.
“Réforme” : voilà un mot, ô combien, cher à notre âme. Les
réformes ? Les intellectuels arabes n’ont jamais cessé d’en exiger de leurs
gouvernements. Certains Palestiniens n’ont eu de cesse de les réclamer à leurs
dirigeants. Mais le mot, désormais, est prononcé par le gouvernement
israélien... Voilà qui est fort bien, car cela nous donne l’occasion d’exiger, à
notre tour, des réformes ô combien nécessaires du gouvernement israélien et en
même temps des gouvernements arabes. En effet, l’Autorité palestinienne n’est
pas la seule à avoir le plus grand besoin de procéder à des réformes. Cette
Autorité palestinienne, qui n’a d’autorité sur aucune terre et aucun ciel, qui
est dépourvue de souveraineté, voilà qu’on exige d’elle d’exercer une
souveraineté imaginaire sur une terre occupée où les blindés israéliens évoluent
à leur guise, entrant, sortant, tirant, détruisant. Mais les familles
palestiniennes, elles, interdites de déplacement, menacées de pénuries
alimentaires et d’eau, ne sachant pas même comment enterrer leurs morts, voilà
qu’elles doivent exercer leur droit de vote dans les urnes.
Nous tenons à
jour une longue liste des réformes auxquelles le gouvernement israélien devrait
procéder afin d’améliorer la situation bancale qui le fait pencher en permanence
d’un côté, toujours le même - le côté où il ne trouve pour le soutenir que le
gouvernement américain - tandis que tous les autres pays du monde sont de
l’autre côté, cela a pu être vérifié pour l’adoption de la plupart des décisions
émanant des Nations Unies. Et également pour les décisions prises et en train
d’être prises par les institutions de la société civile, non gouvernementales,
lesquelles ont toutes opté pour une position, tandis qu’Israël et les
Etats-Unis, seuls, en prenaient une autre, à la fin d’une conférence mondiale
récente, tenue quelques jours avant le onze septembre (Durban, ndt). Il n’y a
donc aucun doute sur le fait qu’existe une faille terrifiante dans ce système
(mondial) qui place le gouvernement israélien en position d’ennemi du monde
entier, et cela depuis de longues années. Le besoin de réformes administratives
et constitutionnelles en Israël est donc, nous le constatons, évident et sans
aucune ambiguïté.
Est venue confirmer ce besoin urgent de réformes à
l’intérieur du gouvernement israélien la décision, prise récemment par le parti
Likoud au pouvoir actuellement en Israël, de procéder à un vote afin d’adopter
une décision rejetant la création d’un Etat palestinien à quelque moment que ce
soit et cela, définitivement (éternellement ?).
Nous nous interrogeons :
comment le gouvernement israélien actuel a-t-il pu ne pas tomber après que son
parti majoritaire ait adopté cette résolution qui va totalement à l’encontre de
la volonté de l’ensemble des pays du monde, y compris de celle des Etats-Unis
eux-mêmes, le premier pays allié d’Israël ? Fondamentale est cette faille dans
l’ossature du régime israélien, qui permet que son gouvernement soit en
contradiction avec lui-même ainsi qu’avec son parti dirigeant, tout en
continuant à gouverner... Il continue à gouverner... : sur quelle base, en
fonction de quel projet, de quelle politique ? Comment l’Autorité palestinienne
et l’ensemble des gouvernements arabes peuvent-ils accorder leur confiance à ce
gouvernement qui refuse l’idée même d’un Etat palestinien indépendant ?
Le
régime de gouvernement israélien ne réclame pas que des réformes structurelles.
Les responsables israéliens doivent réviser de façon urgente les programmes
d’enseignement, de fond en comble. En effet, les programmes scolaires israéliens
actuels ont produit cette large couche de la jeunesse israélienne qui ne voit
aucun inconvénient à servir dans une armée d’occupation brutale et usurpatrice,
laquelle inflige à l’ensemble d’un peuple des traitements inhumains, empêchant
ce peuple d’exercer son droit naturel à une vie digne comme les autres peuples
sur notre Planète, humiliant hommes, femmes et enfants de ce peuple aux barrages
militaires et aux points de contrôle, tous les jours, ce qui représente pour
elle une tâche infamante et épuisante, coupant l’eau et l’électricité à des
quartiers d’habitation entiers, voire à des villes, ce qu’aucune autre armée
régulière au monde ne fait. Ces soldats d’occupation commettent ces actions
criminelles à l’encontre des civils palestiniens sans que ne s’élève dans leur
for intérieur la voix de la conscience. Quelle est la cause de cette mentalité,
sinon les programmes scolaires israéliens, ces programmes qui produisent un tel
terrorisme intellectuel et pratique sur une aussi vaste échelle, ces programmes
dont n’a pu se libérer qu’une infime minorité - elle atteint actuellement tout
au plus cinq cents individus - de soldats réservistes à la conscience vivante,
qui ont proclamé leur refus de servir dans l’armée israélienne de réserve si ce
qu’on leur demande est d’aller contribuer à l’occupation de la Cisjordanie et de
la bande de Gaza, en précisant qu’ils ne veulent servir qu’à la défense
d’Israël, à l’intérieur de ses frontières de 1967 et qu’ils ne contribueront pas
à réduire en esclavage un autre peuple ni à l’humilier. Chose que ne font pas la
majorité écrasante des soldats israéliens.
Nous constatons qu’il y a aussi
grand besoin de réformer de manière fondamentale les lois israéliennes actuelles
qui encouragent les Israéliens, voire même les juifs qui affluent en Israël de
tous les pays du monde, à s’emparer des terres d’autrui en Cisjordanie et dans
la bande de Gaza, d’y construire des colonies déclarées illégales par les lois
internationales de l’ONU. Bien plus, les Etats-Unis ont déjà affirmé à plusieurs
reprises, par le passé, que ces colonies sont illégales et ils en ont demandé le
gel. Nous exigeons du gouvernement israélien qu’il pallie à cette incurie et à
cette corruption administratives effrayantes qui consiste à légaliser le vol des
terres des Palestiniens par la force armée, la construction de colonies-avant
postes, habitées d’hommes en armes, extrémistes fondamentalistes religieux,
lesquels tirent ensuite sur toute silhouette humaine ou enfantine qui
s’approcherait de la colonie fortifiée, selon un modèle qui n’a qu’un seul
précédent dans l’histoire contemporaine : le régime raciste de l’apartheid qui
régnait en Afrique du Sud, avant que le monde entier ne boycotte ce pays
économiquement et politiquement, jusqu’à ce que chute du dit régime
s’ensuive.
Nous exigeons du gouvernement israélien l’examen et l’émondage de
la culture de la rue, des journaux et des médias en Israël, ainsi que de la
culture religieuse, en particulier chez les extrémistes fondamentalistes juifs.
C’est la culture de la haine, de la violence, de la terreur. Elle a conduit, par
le passé, à l’assassinat d’Yitzhak Rabin. C’est elle qui a produit, aussi, le
terroriste qui avait provoqué un carnage en tuant à la mitraillette des dizaines
de fidèles dans une mosquée, tandis qu’ils étaient prosternés, en pleine prière.
S’ajoutent à cela une quantité incroyable d’expressions agressives, et
méprisantes, racistes, à l’encontre des Arabes et des Palestiniens, parlant
d’eux comme s’ils se situaient à un niveau infra-humain. Il faut passer en revue
les livres dans lesquels ces jeunes reçoivent leur enseignement et les expurger
des idées de haine, de racisme, d’exaltation religieuse et de fondamentalisme
extrême qu’ils renferment.
Il faut aussi procéder à des réformes judiciaires
essentielles et éliminer ces lois qui justifient la captation des propriétés,
terres, terrains, commerces... des Palestiniens, partout, et donc aussi à
l’intérieur d’Israël : les fondamentalistes extrémistes y occupent des bâtiments
palestiniens après en avoir terrorisé et chassé les habitants. Les lois ont été
mises en “conformité”, par la suite, afin de “légaliser” à posteriori
l’usurpation de ces biens par la force, lesquels ont finalement été attribués à
leurs usurpateurs.
La société israélienne, aujourd’hui, se caractérise par
la multiplication d’agissements agressifs et repoussants qui exigent des
réformes radicales. Les Etats arabes et le monde entier doivent exiger du
gouvernement israélien qu’il procède à ces réforme. Si certains pays arabes font
pression actuellement sur l’Autorité palestinienne afin qu’elle procède à des
réformes, ils doivent aussi exiger du gouvernement israélien qu’il prenne des
mesures afin de réformer chez lui ce qui doit l’être, dans tous les domaines que
nous avons mentionnés. Ils doivent formuler les mêmes demandes vis-à-vis des
Etats-Unis, tout comme Sharon a inondé le président américain de centaines de
documents et de “pièces à conviction” qui ne prouvent absolument rien, au cours
de sa dernière visite, en prétendant que ces documents “apportaient la preuve”
de l’implication du président palestinien Yasser Arafat dans le terrorisme. Mais
le Secrétariat d’Etat américain a déclaré que ces documents n’apportent pas le
moindre commencement de preuve aux allégations d’Israël. Ces déclarations ont
fait la une du New York Times, le 17 mai, sous le titre : “Le communiqué du
Secrétariat d’Etat, qui a étudié les relations d’Arafat avec le terrorisme,
réfute les allégations israéliennes”.
Bien entendu, cela a eu le don de
déplaire à certains membres du Congrès, partisans inconditionnels d’Israël. Ils
ont exigé du Secrétariat d’Etat un nouveau communiqué qui fasse sonner à leurs
oreilles la douce musique qu’ils désirent entendre (et exigent d’entendre). Nous
exigeons des réformes dans ces modes de gestion de l’administration
gouvernementale israélienne qui tournent en dérision d’une telle manière
incroyable la vérité et qui lui permettent de proférer si aisément ses
allégations que son premier allié, les Etats-Unis, sont obligés de déclarer
ensuite que ces allégations sont complètement fallacieuses et dénuées de
fondement.
Quant aux gouvernements arabes, ils doivent se dépêcher, eux
aussi, de procéder à des réformes radicales dans leurs régimes politiques, leurs
lois et leurs manières d’agir. Depuis très longtemps, les intellectuels et les
juristes arabes réclament de telles réformes qui garantissent aux peuples arabes
une vie politique authentique, dans laquelle ils exercent leur droit à choisir
leurs gouvernants et à exprimer leurs opinions, à décider des choses de leur vie
quotidienne et de leur destin. Mais le sort de bien de ces penseurs et de ces
hommes de loi a été d’être jetés dans les oubliettes des geôles arabes. Cette
situation n’a pas changé, de nos jours, et nous prions Dieu que ne vienne jamais
le jour où Sharon et ses alliés exigeraient de ces gouvernements arabes qu’ils
procédassent aux réformes qu’il voulût leur voir mettre en oeuvre, comme il le
fait aujourd’hui avec l’Autorité palestinienne, avec le soutien américain, arabe
et international. Mais ce jour humiliant, infamant, viendra, soyez-en assurés,
si ces gouvernements arabes perpétuent leurs agissements ambigus actuels, qui
les voient se vanter de leur impuissance dans leurs relations extérieures tout
en déclenchant, sur le plan intérieur, une répression acharnée et une
marginalisation sans limite à l’encontre de leurs propres citoyens.
La
question posée est celle de savoir si les gouvernements arabes vont mettre en
oeuvre, de leur propre mouvement, des réformes démocratiques réelles ou bien
s’ils vont attendre qu’Israël les exigent d’eux, auquel cas nous constaterons
qu’ils seront obligés d’obtempérer comme ils obtempèrent actuellement à Israël
qui leur demande d’exercer ses pressions par délégation sur l’Autorité
palestinienne, ce qu’ils font de la manière la plus servile qui soit ? Mais dût
cela advenir, ces “réformes” seraient-elles en quoi que ce soit dans l’intérêt
des peuples arabes ? La région, dans son ensemble, va vers des bouleversements
phénoménaux. Les gouvernements arabes doivent se hâter de reprendre en mains les
rênes de l’initiative afin de procéder aux changements internes fondamentaux à
même de libérer leurs peuples du poids de régimes politiques atteints
d’obsolescence, d’apathie, de faillite, de corruption, de grandiloquence. En
effet, seule la liberté politique totale et authentique - et non de façade - est
susceptible de libérer les riches potentialités des peuples arabes, afin qu’ils
créent, innovent, produisent, à l’instar des autres peuples [apportant ainsi
leur contribution à la civilisation humaine].
12. Autorité palestinienne : c’est l’impasse, avec -
ou sans - Arafat par par Ibrahim Yusri
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du
vendredi 24 mai 2002
[traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
Les Israéliens et certains Palestiniens la
considèrent gênante et superfétatoire
(Ibrahim Yusri est avocat
et juge départiteur international en Egypte.)
Le président Arafat a
compris, grâce à son sens politique et à sa longue expérience, la profondeur de
la crise qu’il traverse et les dangers que cette crise représente pour l’avenir
de son pouvoir, la crédibilité de l’Autorité, voire son existence. Le martyre de
Jénine lui infligé une leçon plus amère que le fiel. Mais il a entrepris, en
habile manoeuvrier, d’enfourcher la vague de colère et d’éponger la vindicte de
la rue palestinienne et arabe, en prononçant son discours devant le Conseil
législatif palestinien, qu’il s’était vu contraint de convoquer après l’avoir
laissé au congélateur très longtemps et après avoir ignoré royalement ses
décisions à l’époque où il se réunissait encore. Ainsi, Arafat a reconnu des
erreurs, dont il a endossé la responsabilité. Mais il a aussi livré les grandes
lignes d’un programme de réforme politique, jouant son va-tout pour reconquérir
la faveur de l’opinion publique palestinienne. Arafat n’a pas non plus oublié de
lancer une brassée de fleurs au maître de la Maison-Blanche, en dépit du dédain
et du peu de respect que ce dernier n’a cessé de manifester à son égard et aussi
- c’est plus grave - en dépit de l’alignement total de Bush sur Sharon. Assez
bien joué. La tentative d’Arafat a-t-elle quelque chance de succès ? Afin de
dégager les différentes facettes de la situation présente, une rapide revue des
derniers développements est nécessaire :
- Au cours de sa cinquième visite à
la Maison-Blanche, Sharon a exhibé un dossier “complet” “prouvant” l’implication
du président Arafat dans les opérations de la résistance palestinienne. Sharon
n’a pas caché son jeu. Il a appelé sans ambages à une refonte totale de la
direction et des institutions de l’Autorité palestinienne afin qu’elle
s’”adapte” à son plan grandiose visant à imposer la Pax Israeliana au peuple
palestinien. Après l’attentat-suicide du 7 mai au soir, au sud de Tel Aviv, les
canaux de la propagande hébreue en ont blâmé avec une insistance exaspérante le
président Arafat. Sharon, interrompant immédiatement sa tournée américaine, est
rentré dare-dare en Israël pour étudier les circonstances et les dimensions de
l’événement, dont la principale est qu’il n’y a pas de solution militaire au
conflit et que la résistance se poursuit en dépit de l’effondrement de
l’infrastructure de l’Autorité, de l’occupation des territoires palestiniens, de
leur mise en état de siège, de leur démembrement...
- Le panorama s’est
éclairci, les objectifs de l’Etat hébreu sont devenus plus nets, après que se
sont un tant soit peu refroidies les cendres laissée derrière elles par les
hordes sauvages, impitoyables, dévastatrices, lancées contre notre peuple
désarmé en Palestine occupée. Incursion durant laquelle ont été violés tous les
principes et toutes les lois internationales, et en particulier l’ensemble des
règlements du droit humanitaire international. Attaque durant laquelle il n’est
pas une ligne rouge qui n’ait été piétinée et franchie, pas un seul engagement
pris par Israël en vertu de la litanie des réunions du processus d’Oslo, dans le
cadre de référence de la conférence de Madrid, qu’Israël n’ait superbement
ignoré et, cela, avec le soutien ouvertement affiché des Etats-Unis et le
silence complice de l’Union européenne et des autres grandes puissances qui se
sont (activement) montrées impuissantes à repousser la déferlante hébreue
diabolique et primitive, ce dont le monde entier est témoin. Israël a fait des
confetti avec les résolutions de l’ONU, dont celle d’entre elles appelant à la
constitution, puis à l’envoi en Palestine d’une commission d’enquête (à Jénine,
notamment), chose qui a contraint le Secrétaire général de cette auguste
assemblée à remiser subreptiscement le brouillon du projet de résolution dans sa
poche.
- Personne ne conteste que l’objectif premier de l’offensive hébreue
du 29 mars, sous ses diverses et nombreuses dénominations fantaisistes, était de
détruire l’infrastructure de l’Autorité palestinienne et de la paralyser,
d’affaiblir à l’extrême sa capacité à faire face à ses responsabilités,
permettant à Sharon de se délier aisément de tous ses engagements et des
conséquences des accords d’Oslo (parmi lesquels, au premier chef : l’existence
même d’une Autorité palestinienne) et d’entreprendre d’imposer le plan frappé au
coin du sionisme de la Pax Israeliana au pré carré concédé à une entité
palestinienne soumise et impuissante, qu’il lui coûterait peu d’enjoliver du
vocable d’”Etat” et aussi, pourquoi pas, du temps qu’on y est, de gratifier d’un
drapeau et d’un hymne national avec, par-dessus le marché, vingt et un coups de
canon et une garde d’honneur pour son président. A la condition expresse que sa
mission essentielle se limite exclusivement à assurer la sécurité d’Israël et à
gérer les questions municipales et les tribunaux d’instance, afin d’alléger les
lourdes tâches pesant sur les épaules de l’Etat hébreu, en abandonnant toute
idée de souveraineté et surtout sans jamais se bercer d’on ne sait quelles
velléités d’indépendance.
En réalité, l’Autorité palestinienne n’a jamais
acquis la personnalité morale en droit international, telle que définie par les
règlements et les procédures en vigueur. Pour la communauté internationale, au
contraire, elle est demeurée une entité à la souveraineté imparfaite et elle n’a
jamais accédé au rang d’Etat, quand bien même a-t-elle usurpé sans pudeur les
titres de “président” et de “ministres” dont se sont affublés ses dirigeants, et
l’on passe sur les cérémoniaux réservés d’ordinaire aux chefs d’Etat et aux
ministres que certains Etats flagorneurs ont déployés à leur intention.
J’illustrerai cette situation par un exemple que je connais bien. Il s’agit d’un
procès, en Egypte. Le Conseil d’Etat égyptien a émis un jugement cassant un
procès que j’avais moi-même intenté en défense d’un pilote de ligne égyptien,
lequel avait refusé d’admettre à bord de son avion des Egyptian Airlines, à
l’aéroport de Gaza, des agents, armés, de la sécurité israélienne... Ils
voulaient à toute force monter dans l’avion en vertu d’un accord conclu entre
l’Autorité palestinienne et Israël... Cet histoire démontre que l’Autorité
palestinienne n’a jamais été considérée comme une personne morale en droit
international.
Le piquant de toute cette affaire est le fait que l’héroïque
Intifada d’Al-Aqsa, qui a éclaté le 28 septembre 2000, est en réalité une
insurrection contre les dispositions d’Oslo après qu’elles eurent perdu toute
crédibilité dans la rue palestinienne et arabe, non sans que les masses
palestiniennes leur aient accordé quelque neuf années de probation, neuf années
durant lesquelles Israël a tout fait afin de se délier des engagements
contractés à Oslo, dans le cadre fixé par la conférence de Madrid. Ainsi,
l’ironie du sort fait que les objectifs de l’Intifada actuelle coïncident peu ou
prou avec ceux de l’expédition punitive sharonienne du 29 avril, pour ce qui est
de la mise à l’écart de l’Autorité palestinienne qui a lamentablement échoué à
satisfaire aux demandes légitimes et validées du peuple palestinien, tout en ne
satisfaisant pas totalement, non plus, pour autant, aux attentes de l’Etat
hébreu, lequel lui demandait d’accepter un règlement inique et gravement amputé
du conflit israélo-palestinien, à Camp David et durant les réunions ultérieures,
ni à ses exigences en matière de “sécurité”, Israël imposant à l’Autorité
palestinienne qu’elle se charge d’assurer sa sécurité par procuration, en
arrêtant et en pourchassant les responsables des opérations de l’héroïque
résistance palestinienne.
Si, ayant admis la validité de cette thèse, nous
en recherchons les significations sur le terrain, nous en arriverons
nécessairement à une conviction dérangeante, navrante et pessimiste, qui reflète
pourtant la réalité. Cette certitude, c’est que l’Autorité palestinienne n’a
plus de prérogatives ni de fonctions qui justifiassent la continuation de son
existence sous ses formes originelles, découlant des accords d’Oslo. Elle n’est
plus ni une entité répondant à une attente quelconque ni utile à quoi que ce
soit, ni du côté palestinien, ni du côté israélien.
Revenons un peu en
arrière et souvenons-nous de la longue série de remarques et de critiques
successives émanant de l’intérieur de l’Autorité, entre autres demandes qu’elle
soit épurée de la corruption et de la bureaucratie, et que son action soit
dynamisée alors qu’elle souffrait d’inefficacité, que ses institutions, voire
ses dirigeants, soient changés, en consultant le peuple au moyen du vote. Les
choses en étaient arrivées aux allusions à une certaine exaspération devant le
comportement antidémocratique de la direction politique palestinienne dans sa
façon d’exercer ses prérogatives, et jusqu’à l’obstruction à l’ajournement
perpétuel du débat et du contrôle dans ses institutions législatives et
politiques, et aussi devant certaines attitudes totalement inacceptables pour la
rue palestinienne, notamment la façon qu’avaient ses dirigeants de s’adresser à
l’ennemi avec cordialité et chaleur, en arguant d’une nécessaire souplesse... et
de condamner des opérations de résistance héroïques et d’arrêter des combattants
intègres, bien loin de leur décerner les médailles du courage et de l’esprit de
sacrifice. La direction palestinienne a refusé, à de multiples reprises, de
procéder à un quelconque changement radical de son système, de sa composition et
de ses orientations, en arguant du caractère dangereux et sensible de la
période. Ainsi, les années 1990 ont été caractérisées par l’aggravation des
contradictions entre les éléments des différentes organisations parties
prenantes à l’Autorité et le fait qu’elles n’avaient pas de programme unifié ou
adopté d’un commun accord pour l’action nationale. L’Autorité a continué à pâtir
de ce manque, jusqu’à ce que les formations de la résistance lui administrent
sur le terrain une leçon qu’elle n’a (hélas) pas assimilée. Cette leçon aurait
voulu que l’Autorité palestinienne unifiât ses programmes et ses actions sur le
terrain de la lutte et qu’elle participât aux actions de la résistance dans le
cadre d’une coordination puissante et efficace, au moment où les affrontements
se déchaînaient, chose qui aurait donné aux opérations de résistance une
efficacité accrue et un impact beaucoup plus important sur le moral de
l’ennemi.
Il était naturel, dans ces conditions, que la situation explosât
après la libération du président Arafat sous la protection et la domination de
Sharon. Des débats très animés ont marqué la première réunion des dirigeants de
l’Autorité, durant laquelle ont émergé des exigences très fermes de changement
complet des structures de l’Autorité et de ses manières d’exercer ses
prérogatives. Il est résulté de cette situation quasiment pré-révolutionnaire la
démission de certains dirigeants, dont le premier fut le ministre Nabil
Amr.
Le plus grave danger qu’affronte l’Autorité palestinienne après la
libération grand-guignolesque du président Arafat (et il s’agit d’une
“libération” dont on voit mal les objectifs pour une raison très simple, qui est
celle qu’Arafat est très loin de jouir d’une liberté de mouvement totale, et
qu’il est toujours pris au piège et à la merci des griffes de l’Etat hébreu),
c’est que l’Amérique et Israël ont perdu totalement le peu de crédibilité qui
leur restait, et qu’une entente, une compréhension mutuelle avec eux, dans le
cadre de toute négociation à venir, est conditionnée à la soumission humiliante
d’Arafat à la volonté d’Israël, ce contre quoi se dresse toute l’histoire de
l’homme combattant qu’il est, ou à l’émergence d’une direction alternative qui
soit prête à se plier aux orientations israélo-américaines, dans un contexte de
rejet de cette direction alternative par le peuple, et de doute absolu quant à
ses orientations. Ici, nous voyons que le peuple palestinien est tombé dans un
piège. Il a conservé la direction d’Arafat ; il n’y a donc aucune solution et
aucun règlement possible. Et, dût une direction alternative émerger, elle ne
bénéficierait d’aucune confiance et d’aucune crédibilité. Il est par conséquent
très difficile d’imaginer qu’il soit possible de parvenir, à moyen terme, à des
arrangements ou à des compromis satisfaisants pour les deux
parties.
L’éternelle question qui ressurgit sans cesse continue à se poser
dans la rue arabe, et parmi les intellectuels et commentateurs arabes et
étrangers, sans qu’y soit apportée une réponse convaincante. Cette question est
celle de la raison d’être d’une Autorité palestinienne après qu’aient été
fermées devant elles toutes les portes donnant accès à l’exercice de ses
prérogatives et à l’accomplissement de ses missions premières. En effet,
l’Autorité est née des accords d’Oslo afin d’assumer la responsabilité de gérer
la vie de la cité et d’assurer le fonctionnement de l’infrastructure et des
services publics, et la mission de mettre un terme à l’intifada et d’assurer
l’ordre public. Plus important encore, l’Autorité s’est vue confier la
responsabilité de négocier avec l’Etat hébreu les dispositions des arrangements
transitoires, puis des questions relatives à un accord définitif. Et notre
peuple, en Palestine, soutenu par les pays arabes, à travers les décisions
adoptées par leurs sommets successifs, a imposé un plancher minimal palestinien
aux droits qu’il revendiquait, que l’on peut résumer en ceci : le retrait
d’Israël aux fontières antérieures au 4 juin 1967, le démantèlement des
colonies, le retour des réfugiés, la création de l’Etat palestinien indépendant
avec Jérusalem pour capitale. A Camp David, il est apparu clairement que le
projet d’Israël était d’imposer une solution bancale faisant de la Palestine un
Etat-croupion à la souveraineté incomplète, dont les villes se seraient
retouvées dans une sorte d’archipel de colonies et n’auraient joui tout au plus
d’une administration municipale, mais auraient dû néanmoins assurer le rôle du
gendarme chargé de pourchasser les mouvements de résistance et d’arrêter les
combattants.
L’impossibilité d’obtenir qu’Israël accède à ces demandes et
l’impossibilité pour la rue palestinienne et arabe de se contenter de moins que
ce strict minimum ont imposé à l’ensemble du problème une sorte de glaciation
qui a réduit très fortement la possibilité de le traiter avec suffisamment de
souplesse pour l’un quelconque des protagonistes. Il en découle que toute
solution proposée par Israël ou les Etats-Unis ne saurait être imposée autrement
que par la force et que l’Autorité risquerait fort de ne pas pouvoir résister
très longtemps aux pressions violentes et intenses exercées sur elle afin
qu’elle y appose son seing. Dût cela se produire - et c’est très probable - cela
signifierait qu’il ne resterait à l’Autorité palestinienne plus qu’une unique
mission ; celle de ratifier une solution israélo-américaine ou d’aller au diable
et de se contenter de gérer les municipalités et les tribunaux locaux sous la
domination totale de l’Etat hébreu.
Le peuple palestinien ressent très
douloureusement la situation délicate à laquelle le président Arafat est
actuellement confronté, avec (ou en dépit de) sa longue histoire faite de combat
et d’honneur, après que l’Amérique et Israël se soient interposés pour lui
interdire le martyre qu’il avait pourtant revendiqué, auquel il s’était préparé
et dans lequel il voyait le plus éminent hommage par lequel il puisse conclure
son long combat, afin de devenir un symbole inoubliable pour les siècles à
venir, enflammant l’imagination des générations successives de combattants,
jusqu’à la victoire. Mais Arafat, après son élargissement (ne parlons pas de
“libération”), n’est plus l’Arafat-lion en cage/Arafat martyr en puissance. Il
n’est plus qu’un président aux mouvements entravés d’une Autorité palestinienne
qui a perdu ses références et qui a été déchue de ses missions politiques
fondamentales et souveraines, si elle n’a pas perdu carrément sa raison d’être,
ses prérogatives restreintes se rapprochant des fonctions des municipalités sous
le régime de l’administration militaire israélienne.
C’est là, tout à la
fois, une impasse mortelle et un défi redoutable que les dirigeants de
l’Autorité palestinienne doivent relever avec le maximum de sérieux et de
détermination. En raison de sa position éminente, le premier à devoir affronter
ce défi est évidemment le président Arafat lui-même, après avoir été privé de
martyre et exposé à l’humiliation, voire pire, après que se soit réduite comme
peau de chagrin la dimension de souveraineté inhérente aux actions concrètes de
l’Autorité du fait de la destruction de son infrastructure, d’une part, et de
l’abaissement du plafond fixé aux revendications palestiniennes par Israël et
les Etats-Unis, d’autre part. Arafat est donc contraint, s’il veut conserver son
prestige et rester fidèle à son épopée de combattant, en tant que symbole de la
lutte palestinienne durant près d’un demi-siècle, soit de renoncer à son poste,
soit d’accepter de gouverner, plutôt de diriger, depuis l’exil extérieur, ce qui
serait revenir à la situation prévalant avant Oslo, et à la situation qui était
celle de la révolution algérienne lorsqu’elle avait décidé de conserver certains
dirigeants en exil, tels Ben Bella. Avec la sagesse et le talent politique qu’on
lui connaît, Arafat ne doit pas se tromper dans l’interprétation de l’accueil
chaleureux que son peuple lui a réservé immédiatement après la levée du siège et
la colère qui s’était emparée de la rue, partout dans le monde arabe, après que
Sharon eût osé l’assigner à résidence, l’empêchant de prendre part au sommet de
Beyrouth et de recevoir dignement et dans un cadre normal de nombreuses
délégations internationales. Sa popularité est attribuable au fait qu’il est le
symbole et qu’il est le raïs (le chef). Lorsque le peuple palestinien l’acclame
et s’oppose à ce qu’on l’assiège, se réjouit lorsqu’est levé l’écrou imposé à sa
personne, il ne fait que s’adresser au concept de la dignité/fierté
palestinienne et affirmer sa détermination et sa volonté à continuer la lutte.
Se tromperait lourdement quiconque y verrait on ne sait trop quelle consécration
d’Arafat à la tête de l’Autorité palestinienne, alors que l’ère de ce leadership
historique est révolue et que s’imposent une direction nouvelle et des idées
neuves, pour une étape inédite. Il est vrai que la buée des affects et des
sentiments de vénération et de respect a pu brouiller la vision des données de
la froide (et néanmoins correcte) analyse, chez ceux, innombrables, dont les
yeux se sont remplis de larmes lorsqu’ils ont accueilli comme cela allait de soi
le retour du chef, du leader et du symbole. Mais avec le temps et la dissipation
des nuées des sentiments, il est indispensable qu’advienne une opération
d’évaluation exhaustive permettant d’affronter la nouvelle situation créée,
laquelle impose des changements drastiques dans les directions de l’Autorité
palestinienne, d’autant plus que nombreux sont les Palestiniens à se poser une
multitude de questions sur le fait que ceux des dirigeants qui ont accumulé des
fortunes (et ils sont fort peu nombreux, heureusement) sont encore à leur poste,
sur les raisons qui ont fait que les dirigeants de l’Autorité ont bénéficié de
la sécurité et n’ont jamais manqué de rien tandis que le peuple connaissait les
affres de la violence et de l’impitoyable cruauté cynique de l’armée hébreue et
les privations les plus extrêmes, tandis que les dirigeants de la résistance
continuaient à faire l’objet d’assassinats ciblés comme jamais ?
Vient encore
aggraver la complexité de l’impasse actuelle, très difficile à régler, le fait
que le conflit palestino-israélien fait l’objet d’une polarisation extrême entre
deux alternatives entre lesquelles on n’entrevoit pas de troisième solution, ni
de voie de compromis. Cette alternative est entre l’adoption par Israël de
l’option du transfert et donc de la purification ethnique, ou le passage du
combat par des rapports de force et des pressions externes aboutissant
finalement, à moyen ou à long terme, à l’émergence d’un Etat unique
binational.
Ceci ne signifie nullement que la lutte est terminée. Il ne faut
surtout pas oublier que le peuple palestinien est le souverain et maître en la
matière ; c’est lui qui tient en main les rênes de l’initiative, lui qui a mené
l’intifada des pierres lorsqu’il subissait l’administration militaire de
l’occupant israélien, puis alors qu’il vivait sous le régime des
municipalités et de l’administration régionale palestinienne avant la création
de l’Autorité. Bien plus : c’est la première Intifada qui avait abouti à la
création de l’Autorité palestinienne, dont la fonction première et la raison
d’être étaient de la contenir (de la détourner ?).
L’existence d’une Autorité
palestinienne dont les prérogatives et les fonctions n’excèdent pas celles des
municipalités et de l’administration régionale : voilà ce au-dessous de quoi on
n’était jamais tombé, depuis la création de l’Autorité, avant un certain 29 mars
2002, et voilà aussi qui est devenu insupportable dans les circonstances
actuelles. Ceci impose un débat national général, entre toutes les composantes
(palestiniennes), afin qu’elles dégagent ensemble des orientations stratégiques
innovantes qui soient à la hauteur des données nouvelles et de reconstruire le
creuset institutionnel palestinien d’une manière adaptée aux caractéristiques de
la nouvelle étape, afin d’assurer la continuation de la lutte et de contenir
toute invite à la capitulation, tout sentiment de défaite, de les combattre
quelque soient les dénominations ou les excuses qu’on leur donne, soit en
continuant les attentats-suicide, voire même en ayant, à nouveau, recours aux
pierres, soit en affrontant l’ennemi avec des fusils RPJ, des fusées Stinger,
des mortiers et des roquettes artisanales. Ce qui est fondamental, c’est de
continuer la lutte et de ne signer aucun accord intérimaire qui cacherait quasi
nécessairement des concessions mortelles, diffuseraient l’esprit capitulard ou
céderaient aux tentations des “aides” européennes et américaines ou du “marché
du travail” israélien.
Le destin de l’Autorité palestinienne est de faire
face à ses responsabilités politiques et de se démettre, en raison de l’échec
total de l’après-Oslo en dépit des efforts acharnés et épuisants qu’elle a
déployés, malgré aussi la résistance audacieuse et ferme qu’elle a opposée aux
pressions intenses exercées sur elle par l’Etat hébreu, les Etats-Unis et
certains pays arabes et amis. De même, le destin de notre peuple, en Palestine,
est d’assumer totalement la charge de la lutte et de la résistance, pour
défendre les droits de tous les Arabes et tous les musulmans, puisque manque le
soutien réel, à cette lutte, des régimes arabes, lesquels souffrent de multiples
insuffisances et sont affectés de nombreuses brêches et de nombreux facteurs de
faiblesse. Mais cette situation humiliante ne durera sans doute pas
éternellement car les éléments de la force des Arabes, qui est grande et
influente, dépassent leurs facteurs de faiblesse. Que ceux qui ourdissent des
plans dans les coulisses de la Maison-Blanche et du Pentagone, à la CIA et dans
les services secrets israéliens, comprennent bien que le projet de Herzl et de
Balfour n’a pas réussi à s’imposer, en cinquante ans, et que le peuple arabe a
pour lui une patience hors de pair ainsi qu’une capacité à digérer plus d’un
contretemps. Et que, de surcroît, grâce aux potentialités qui sont les siennes
et à la richesse inépuisable de sa civilisation multiséculaire, il ne saurait
être vaincu.
13. Des images pour changer le
regard par Jinan Jubayli
in The Daily Star (quotidien libanais)
traduit dans Courrier International du jeudi 23 mai
2002
[Des jeunes qui rêvent d’un avenir meilleur : avec
le soutien d’agences jordaniennes, une campagne publicitaire vient d’être lancée
pour présenter autrement les Palestiniens. Courrier
International]
Beyrouth - La photo montre une jeune Palestinienne au
visage angélique, dans une pose imitant celle de son modèle, Mère Teresa. La
légende qui accompagne l’image est la suivante : “Sarah, la Palestinienne qui
rêve de devenir une Mère Teresa. Y a-t-il encore place pour l’espoir ?” C’est
l’une des publicités de la campagne jordanienne Dying to Live [Envie de vivre (à
en mourir)]. “Pour atteindre son but, cette campagne doit être apolitique, non
conflictuelle, porteuse d’un message”, écrivait dans une interview Souleiman
Matouk, chef du comité de ce projet.
La campagne Dying to Live a été mise en
place en deux semaines avec la collaboration de 50 agences de publicité
jordaniennes. Tout est né d’un simple mél envoyé à toutes les agences et les
invitant à trouver un moyen de contrecarrer l’offensive médiatique contre la
Palestine. Les agences ont réagi avec enthousiasme. Matouk estime que “dans les
guerres actuelles, les médias deviennent l’un des principaux théâtres
d’opérations. Bien des conflits sont gagnés dans les médias avant même
l’ouverture des hostilités. Depuis des années, Israël occupe le terrain des
médias et, quoi qu’il fasse en Palestine et dans les Territoires occupés, c’est
toujours lui la victime. D’où l’idée de lancer une campagne qui expliquerait au
monde ce qui se passe en Palestine.”
Journaux et magazines jordaniens ont
offert à la campagne des espaces gratuits. En outre, comme il s’agissait avant
tout de montrer le vrai visage de la Palestine aux Etats-Unis, un site web a été
créé : <www.dying2live.com [http://www.dying2live.com/french/ pour la version française, ndlr]. Il n’a
fallu que deux jours pour le mettre sur pied. Ruba Nazer dirige l’équipe qui
travaille sur ce site. “Elle se compose de trois personnes très motivées : un
concepteur graphique, Hanin, un webmestre, Abdel-Razzaq, et un spécialiste des
animations Flash, Rami. Ce site n’aurait pas pu exister sans leur
dévouement.”
Les diverses affiches de la campagne peuvent être
télédéchargées. Bien que les images soient en faible résolution, on peut
contacter le site pour plus de renseignements. “Nous voulons donner le plus
grand retentissement possible à cette campagne, explique Nazer. Jusqu’ici, de
nombreux visiteurs nous ont demandé comment obtenir les fichiers à haute
résolution, mais nous devons être prudents. S’ils tombaient entre de mauvaises
mains, la campagne pourrait être détournée !”
Les publicités associent un
enfant avec un certain nombre de modèles adultes, notamment Oum Kalsoum ou le
Mahatma Gandhi. “Pour choisir ces modèles, nous sommes partis du principe qu’ils
devaient être connus des Occidentaux, précise Matouk. Il s’agit de personnalités
de différents pays et de sensibilités diverses, qui ont laissé un important
héritage aux générations futures. Nous voulions aussi éviter tout sexisme, et
nous avons donc choisi également des personnalités féminines”, commente-t-il. La
campagne est un grand succès international, s’enorgueillit Matouk. “Depuis le
lancement du site Internet [au début du mois], nous avons reçu des centaines et
des centaines de méls de soutien, du Panama à l’Australie, des Etats-Unis à
l’Afrique, de juifs et de non-juifs, d’Arabes et de non-Arabes.”
L’une des
nombreuses réactions parvenues au site a été celle de Thomas Olson, de New York.
Il écrit : “Je suis bouleversé par la vision d’avenir que vous avez insufflée à
ce projet, et pour la première fois mon coeur est plein d’espérance. Je vous
remercie du fond du coeur pour ce merveilleux cadeau d’espoir que vous offrez !”
Le nombre de personnes qui visitent le site est impressionnant, à en croire
Nazer. “En moins d’une semaine, nous avons eu près de 121 000 visiteurs, dont 53
% en provenance d’Amérique du Nord. C’est très étonnant à tous les points de
vue. D’autant que, jusqu’à présent, notre site n’apparaît pas sur des moteurs de
recherche comme Yahoo.”
14. Des accusations
délirantes par Chris Patten
in The Washington Post (quotidien
américain) traduit dans Courrier International du jeudi 23 mai
2002
[Chris Patten, le commissaire aux Relations extérieures
européen, répond aux attaques de George F. Will, qu’il juge infondées et
injurieuses. Courrier International]
Washington - Quel choc ce fut pour moi quand, ouvrant le
Washington Post, j’ai appris, en lisant l’éditorial d’un journalistes
conservateur pourtant respecté, que l’Europe, après avoir assassiné des juifs
par millions dans les années 30 et 40, pratiquait désormais un “antisémitisme
sans juifs” et jouait son rôle dans la “deuxième - et dernière ? - phase de la
lutte pour la ‘solution finale de la question juive’”.
Comment quelqu’un que
j’avais toujours considéré comme bien informé et sain d’esprit a-t-il pu écrire
ces idioties obscènes et injurieuses ? Interrogé à ce sujet, un collègue en
poste à Washington m’a répondu que l’article était assez représentatif de ce
qu’on pouvait lire habituellement et que l’on entendait le même genre de propos
dans les couloirs du Capitole. Mais que se passe-t-il ? Les démocraties
européennes sont certes de temps à autre confrontées au défi de l’extrémisme
xénophobe, anti-immigrés et sans aucun doute antisémite. C’est notamment le cas
en France avec Le Pen. Tout attentat contre une synagogue est un scandale. Mais
nombre d’agressions ont également visé les symboles et les fidèles de l’islam.
Le Pen séduit ceux qui sont hostiles à l’immigration venue du Maghreb.
Considérer le succès de ce réactionnaire avant tout comme une recrudescence de
l’antisémitisme, c’est être mal informé.
Que devons-nous donc conclure de
cette éruption de colère contre l’Europe ? Quand, il y a quelques années, aux
Etats-Unis, des paroisses majoritairement fréquentées par des Noirs ont été
prises pour cibles par des incendiaires, aurions-nous dû immédiatement en
déduire que le Ku Klux Klan avançait sur la Maison-Blanche ?
Pas de règlement sans un Etat palestinien
viable
Les préjugés antiaméricains en Europe sont écoeurants. Mais
je suis choqué de découvrir l’équivalent - un mépris viscéral pour l’Europe -
dans ce pays que j’aime et admire. Faut-il toujours revenir au pauvre Israël ?
Un sénateur démocrate déclarait récemment à un Européen en visite aux Etats-Unis
: “Ici, nous sommes tous du Likoud, maintenant.” Et, par conséquent, toute
critique de la politique et de la philosophie du Likoud fait de son auteur un
antisémite.
Il ne pourra y avoir de règlement au Moyen-Orient qu’avec la
création d’un Etat palestinien viable et la certitude pour Israël de vivre en
toute sécurité à l’abri de frontières reconnues. Israël doit obtenir l’assurance
qu’il ne sera pas submergé par le retour des réfugiés. Les terribles attentats
suicides doivent prendre fin. Ce sont des actes atroces, et il est scandaleux
que les leaders du monde arabe ne les aient pas condamnés plus fermement. Mais
l’existence d’un Etat palestinien implique un retour aux frontières de 1967.
Sinon, la folie continuera.
En tant que ministre britannique, je me suis
souvent efforcé de persuader les représentants et les sénateurs américains
d’adopter une ligne plus dure concernant le financement du terrorisme irlandais.
Je leur déclarais alors que les actes terroristes sont toujours des actions
néfastes. Il en va de même au Moyen-Orient, et l’affirmer n’est en rien
antisémite. Pas plus que de dire que la campagne contre le terrorisme subira des
dommages irréversibles si nous laissons le Likoud la détourner.
Que Dieu
vienne en aide à Israël, à la Palestine et à nous tous si cette attaque aussi
absurde qu’ignoble contre la raison se poursuit ! Mais je crains fort que Dieu
n’ait rien à voir dans tout cela.
15. L’antisémitisme, une “aubaine” pour
Israël ? par Akiva Eldar
in Ha’Aretz (quotidien
israélien) traduit dans Courrier International du jeudi 23 mai
2002
[Déclarer antisémite tout gouvernement qui
critique Israël est dangereux, estime Ha’Aretz. Les Européens ont peut-être
raison de déplorer les violations des droits de l’homme dans les Territoires.
Courrier International]
Tout gouvernement étranger critiquant l’occupation est
automatiquement taxé d’”antisémitisme”. Il en va de même pour tout journal
européen publiant la liste de nos violations des droits de l’homme. [L’ancien
ministre des Affaires étrangères] Abba Eban avait coutume de dire que
l’antisémitisme est le problème des goys. A présent, il semble que
l’antisémitisme soit devenue une aubaine pour les juifs. Si le monde entier est
contre nous, à quoi bon démanteler les implantations et nous retirer des
Territoires ? Israël et les juifs de la diaspora doivent tout faire pour lutter
contre l’antisémitisme et le décapiter. Mais nous ne pouvons accepter que cette
lutte soit dirigée par des adversaires de tout compromis déguisés en
patriotes.
Après tout, les détracteurs des juifs en Egypte, aux Etats-Unis et
en Europe ont toujours pu subordonner leurs sentiments anti-juifs et
anti-israéliens à leurs intérêts politiques et économiques. Le passé antisémite
de l’ancien président Anwar elSadate ne l’a pas empêché de venir à Jérusalem.
L’antisémitisme récemment révélé de l’ex-président Richard Nixon ne l’a pas
empêché de défendre les intérêts d’Israël lorsqu’ils correspondaient aux
intérêts américains. Lorsque George Bush père a accepté d’aider Israël à
financer l’absorption de l’immigration ex-soviétique à la condition que l’effort
d’implantation soit interrompu, la droite israélienne a eu tôt fait de le
décrire comme un antisémite sudiste typique. Lorsque George Bush fils qualifie
Arile Sharon d’”homme de paix” et feint de ne pas voir les nouvelles
implantations israéliennes, la famille Bush devient tout à coup “une amie
d’Israël”. Il n’est pas inutile de souligner que les tendances antisémites des
évangélistes américains n’ont jamais empêché la droite israélienne de Benyamin
Nétanyahou de les enrôler pour défendre notre cause au Congrès et à la
Maison-Blanche.
De notre expérience passée avec l’Europe, nous savons que
l’antisémitisme ne se décrète pas d’en haut. L’accord d’association conclu avec
l’Union européenne (UE) en 1995 prouve de toute évidence que c’est l’attitude
d’Israël qui fait que nous sommes accueillis chaleureusement ou froidement. Cet
accord d’association, qui offre à Israël un accès préférentiel aux marchés des
quinze pays membres de l’UE, était la récompense des accords d’Oslo. C’est la
politique du gouvernement Nétanyahou qui a ensuite poussé les Parlements de
France et de Belgique à reporter la ratification de l’accord UE-Israël. S’ils
l’ont finament ratifié, en 2000, c’est parce qu’ils étaient convaincus des
efforts de paix du gouvernement Barak.
A présent, les partis politiques
israéliens traitent les Belges d’antisémites parce qu’ils oeuvrent auprès de la
Commission européenne pour annuler l’accord d’association au nom des violations
des droits civils et humanitaires dans les Territoires. Les critiques formulées
par le gouvernement belge ne sont pourtant qu’une version bien tempérée d’une
pétition publiée dans les colonnes du quotidien Le Soir par des juifs de gauche,
au grand dam de l’ambassadeur d’Israël auprès de l’UE.
Personne ne souhaite
évidemment qu’Israël mette en danger ses intérêts vitaux pour amadouer les
gouvernements européens. Avec Chypre sur la voie de l’adhésion à l’UE, l’Europe
et le Proche-Orient se rapprochent pas à pas. Sharon est peut-être en droit de
mettre [la colonie de] Netzarim et Tel-Aviv sur le même plan, mais il ne peut
pas attendre des Européens qu’ils garnissent leurs salons avec les fleurs [de la
colonie] de Goush Katif, tout en se persuadant que cela amènera la stabilité
dans leur arrière-cour. Laissons dormir la bête antisémite, elle trop dangereuse
pour être utilisée comme une arme
politique.