Rencontre aujourd'hui avec Leïla Shahid à Aix-en Provence
[détails dans la
rubrique "Rendez-vous"]
Point d'information Palestine
> N°199 du 16/05/2002
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Rédaction :
Pierre-Alexandre Orsoni et Marcel
Charbonnier
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Au
sommaire
Témoignages
Cette rubrique regroupe des
textes envoyés par des citoyens de Palestine ou des observateurs. Ils sont
libres de droits.
1.
Allons enfants... par David Torres, citoyen de Gaza en
Palestine
2. Bethléem libérée ? par Nathalie Laillet,
citoyenne de Bethléem en Palestine
2. Projection du film "Paul le
charpentier" de Ibrahim Khill le mercredi 22 mai 2002 au Centre
culturel algérien de
Paris
Dernière
parution
- Retour de Palestine par José Bové
et Collectif, préface de Rony Brauman aux éditions Fayard -
collection Mille et Une
Nuits
Réseau
Cette rubrique
regroupe des contributions non publiées dans la presse, ainsi que des
communiqués d'ONG. Ils sont libres de droits, sauf mention
particulière.
1. Une rencontre avec Arafat par
Uri Avnery [traduit de l'anglais par R. Massuard et
S. de Wangen]
2. Le Comité de Vigilance pour une
Paix Réelle au Proche-Orient dénonce le procès fait à l'historien israélien Ilan
Pappé
3. Les Héros de la Dernière
Chance par Israël Shamir [traduit de
l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Revue de
presse
1. Le prince Abdullah contacte les directions du
Hamas et du Jihad afin de les convaincre d’abandonner les attentats-suicides
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du mardi 7 mai
2002 [traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
2. Pour en finir avec la
légende de l’influence américaine et de l’impuissance arabe. Le gouvernement
américain est encore plus impuissant que les dirigeants arabes par
Abdel Wahhab alAfandi in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du
mardi 7 mai 2002 [traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
3. Sharon propose de
court-circuiter Arafat dans de futures négociations par Todd S. Purdum
& Steven Erlanger in The New York Times (quotidien américain) du mardi 7 mai
2002 [traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
4.
Les Etats-Unis “encouragent” Israël à intégrer Arafat à des
négociations par Todd S. Purdum & Judith Miller in The New York
Times (quotidien américain) du dimanche 5 mai 2002 [traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
5.
Jénine, enquête sur un crime de guerre - La Palestine à feu et à
sang par Amnon Kapeliouk in Le Monde Diplomatique du mois de mai
2002
6. Les associations de défense des droits de l’homme
(israéliennes, juives comme arabes) en butte à une campagne de grande envergure
visant à les exclure du consensus national par Roti Sinaï in Ha’Aretz
(quotidien israélien) du jeudi 25 avril 2002 cité par Al-Quds Al-Arabi
(quotidien arabe publié à Londres) du mercredi 26 avril 2002 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
7.
La mosquée al-Khudra, de Naplouse, l’une des plus anciennes du monde,
détruite par les tanks israéliens se “creusant” un passage dans la vieille
ville par Ala’ Badarnéh in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à
Londres) du mercredi 26 avril 2002 [traduit de
l'arabe par Marcel Charbonnier]
8. Une commission des
urgences humanitaires par le Shaykh Ra’ed Salah in Al-Quds Al-Arabi
(quotidien arabe publié à Londres) du mercredi 26 avril 2002 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
9.
La normalisation a échoué... Essayons le boycott par Sa’id
alShihabi in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du mercredi 26
avril 2002 [traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
10. Quelle sorte de guerre est-ce donc
là ? par Amira Hass in Ha’Aretz (quotidien israélien) du lundi 22 avril
2002 [traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
11. C’est
cette semaine que l’on saura qui dirige l’alliance
américano-israélienne par Robert Fisk in The Independent (quotidien
britannique) du lundi 8 avril 2002 [traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Témoignages
1. Allons
enfants... par David Torres, citoyen de Gaza en
Palestine
Dimanche 5 mai 2002 - Le journal libanais l'Orient
le Jour a pondu un papier sur le boycott des produits américains. Et les
nouvelles sont plutôt réjouissantes. Après les campagnes de pub a la télé et sur
le net les consommateurs des pays arabes du proche-orient ont commencé a éviter
les fast-food (-20% de ventes en
Egypte) et a boire des jus de fruits frais
(-65% pour Coca et -45% pour Pepsi en Arabie Saoudite). Et le phénomène prend de
l'importance au Liban et en Syrie, a Bahrayn et en Jordanie. On se réjouit pour
la santé de ces braves gens, et on leur souhaite aussi d'arrêter de fumer (Lucky
Strike, Marlboro.) ce serait génial. Peut-être qu'un jour, avant de déverser son
mépris sur le monde, l'Amérique réfléchira 5 mn et évitera de cracher sur les
foules de consommateurs. Triste monde. Enfin dans la même veine, mais avec plus
de force, les poly-réfugiés de Jénine (1948, 1967, 2002.) dans un sursaut de
dignité ont renvoyé au visage des bonnes consciences américaines les paquets
d'US AID. Passe encore de manger les bombes et les balles Made in USA, payées
trois fois rien aux américains avec de l'argent gracieusement prêté à Israël par
les Etats Unis. Bon ils n'avaient pas le choix. Mais prendre le dessert avec les
biscuits de l'oncle Sam !!! Les bonnes consciences sont reparties comme Jospin,
sous la colère de ceux qui ont bu une telle dose de mépris qu'ils n'en peuvent
plus. Et en France quelles sont les nouvelles ? Et bien pour ceux qui
seraient devenu subitement un peu plus citoyens depuis le premier tour des
élections, on ne fait pas les choses a moitié. Si on veut lutter contre le
racisme et la haine, il faut le faire complètement.
Il n'y a pas de bons
racistes ou de bonnes raisons d'avoir une politique haineuse fondée sur des
critères raciaux. Alors pour ceux qui vont faire les courses, a moins d'être
vraiment accroc a telle ou telle marque de jus de fruits, un petit coup d'oil
sur le code barre. En bas une liste de chiffres. Si ca commence par 729, ca veut
dire que ce produit vient d'un pays dont le président use d'une liberté de
parole qui doit laisser Le Pen rêveur, dont le chef du gouvernement est
responsable de plus de morts que Klaus Barbie, un pays qui pratique sur une
large échelle déportations, massacres, destructions de maisons, d'écoles, de
villes et villages, emprisonnements, torture, qui détient actuellement dans ses
geôles 499 enfants de 13 a 18 ans. Alors lutter contre Le Pen, c'est bien oui,
mais lutter contre le racisme et la haine c'est aussi ne pas donner notre argent
a ceux qui pratiquent ce qu'en France Le Pen lui-même n'oserait pas faire.
Allez, un petit
effort.
2.
Bethléem libérée ? par Nathalie Laillet, citoyenne de Bethléem
en Palestine
lundi 13 mai 2002 - Bonjour à tous. Je suis
rentrée à Bethléem samedi 11 mai dans l'après-midi. Au check-point de Mar Elias,
le principal, trois tanks Merkava, canons pointés, font face à la voiture dans
laquelle je me trouve. Prudemment, on rebrousse chemin et on prend la direction
du check-point DCO à Beit Jala. Un tas de terre au milieu de la route. Il faut
descendre, laisser la voiture et prendre un taxi de l'autre côté. Mais ici pas
de tanks. Des jeeps, mais pas de contrôle de passeport. Bref on rentre dans Beit
Jala puis Bethléem sans problème.
Je file chez moi poser mon sac avant de
partir travailler.
En chemin je remarque que le carrefour central, Bab
Az-Zqaq, a été pas mal abîmé ces derniers jours. Les tanks se sont visiblement
«amusés» à rouler sur les panneaux indicateurs (il y avait des terroristes
cachés derrière, c'est certain...). Près de chez moi, je remarque des morceaux
de verre, des débris de plastique, de bois... Ça a dû être mouvementé en mon
absence (je vous rappelle que j'ai été absente du 1 au 11 mai). La voiture de
mon voisin n'est pas à sa place. J'espère qu'ils ne l'ont pas abîmée.
Pendant
le couvre-feu, ils ont tiré deux roquettes sur la voiture d'un de nos copains
qui était stationnée pas très loin d'ici. Notre copain n'a plus de voiture... et
nous non plus du même coup, puisqu'il nous servait volontiers de taxi! Mais, que
voulez-vous, une voiture garée dans la rue pendant le couvre-feu ne peut être
autre chose qu'une «entité terroriste». N'oubliez pas que nous sommes dans
l'«Axe du Mal»! Ça me fait toujours rire, cette expression, allez savoir
pourquoi... À chaque fois que je l'entends, j'ai l'impression de me trouver dans
un film de SF style «la Guerre des Étoiles». Imaginez Arafat en Dark Vador, et
Sharon en Jedi! À mourir de rire, je vous dis!
Pause cinéma terminée, je
reprends mon récit :
J'arrive devant ma porte. Des débris de verre ici aussi.
Que s'est-il passé?
J'ouvre la porte. Choc. «Ils» sont venus. «Ils» sont
entrés. «Ils» ont fouillé. (veni, vidi, vici, à la mode israélienne en
somme...)
Armoire ouverte. Vêtements étalés par terre. Matelas retournés. Ils
ont défait les draps. Radio-cassette par terre. Livres aussi, écornés.
Apparemment, rien de cassé ni de volé. Ilhamdoulillah!! (merci mon Dieu).
Je
monte quatre à quatre chez les voisins. Et j'apprends. La maman, encore choquée,
me raconte:
- C'était lundi dernier, le 6 mai. Vers 4 ou 5 heures de
l'après-midi. Le tank s'est arrêté en bas, dans la rue, le canon pointé vers nos
maisons. Des soldats sont venus à pied. Ils sont entrés chez M. notre voisin.
Regarde son appartement!
Je regarde dans la direction indiquée. Re-choc. Par
les fenêtres béantes, j'aperçois des bouts de meubles calcinés. C'est donc de là
que venaient les débris... Ma voisine reprend :
- Ils sont entrés chez lui.
Il n'y avait personne. Ils ont posé une bombe. Si tu avais entendu le bruit!
J'ai cru que j'allais mourir!
Ses yeux se remplissent de larmes, son visage
exprime la peur. Elle porte la main à son cœur. Tout a explosé dans
l'appartement de M. Les vitres ont volé en éclats, les volets aussi. J'interroge
:
- Mais où était M.?
- Ah, tu ne le connais pas?
- Non...
- Il
était dans l'Église de la Nativité. Maintenant, il est à Gaza...
J'ignorais
que j'avais un voisin célèbre... Elle continue :
- Après, ils ont visité des
maisons. Ils sont venus chez nous. Mon fils s'est précipité, les mains en l'air,
pour leur ouvrir la porte avant qu'ils ne la fassent exploser. De l'autre côté
de la porte vitrée, les soldats le mettaient en joue! J'avais tellement peur! Oh
mon Dieu! Un groupe est venu dans notre maison. Un autre groupe nous a demandé
si
quelqu'un habitait l'appartement du dessous. On leur a dit qu'il y avait
une Française mais que pour le moment, elle était à Jérusalem. On leur a dit
qu'on n'avait pas la clé. «D'accord, m'a dit le soldat, si dans deux minutes, tu
n'as pas la clé, on fait exploser la porte. Ton fils vient avec nous.» Ils
étaient dix environ. Cinq sont restés chez nous, cinq sont descendus chez toi.
J'ai, grâce à Dieu, trouvé un double de ta clé. Mon fils leur a ouvert ton
appartement et voilà. Ils ont cassé des choses chez toi?
- Non apparemment
rien. Mais j'ai du ménage (encore!) à faire! Comment ça s'est passé chez vous?
Ils ont cassé?
- Non. Mais Émilie, ma fille, devait les précéder dans chaque
pièce, un canon pointé dans le dos. Mon fils était avec eux en bas, ma fille
avait une arme dans le dos, j'ai cru que je devenais folle!
- Combien de
temps ça a duré?
- Je ne sais pas... J'avais tellement peur!
- Ils sont
partis maintenant...
Je me garde bien de lui raconter les tanks au check et
mes sombres pressentiments... Ainsi donc, les soldats sont venus chez moi... Ils
ont fouillé. À la recherche de terroristes, d'usine d'explosifs ou de caches
d'armes. Et ils croyaient les trouver sous le matelas, dans l'armoire ou entre
les pages de mes livres...
Ce n'était pas leur première visite. Ils étaient
déjà passés «nous voir» une fois. Une nuit. À trois heures du matin. N'avaient
rien cassé. Ils étaient entrés chez mes voisins au dessus, mais pas chez moi.
Moi j'étais dans mon lit. Terrorisée. En pyjama, avec mon passeport dans la
main. Toute la nuit, il y avait eu des tirs. Et des tanks. Je ne dormais pas, je
ne pouvais pas. Je les ai entendus entrer chez mes voisins. Je les entendais
marcher avec leurs grosses rangers. Je les entendais parler et bouger les
meubles. J'attendais qu'ils viennent. J'avais tellement peur que je n'osais pas
bouger, je n'osais même pas m'habiller.
Apparemment, ils n'ont pas vu qu'il y
avait un appartement en dessous. Ils sont partis. Je n'ai pas dormi cette
nuit-là. Et beaucoup d'autres après, où je ne pouvais pas m'endormir avant trois
heures du matin... 40 jours de couvre-feu.
On vous a décrit ce qu'est un
couvre-feu. Vous avez vu les images de ces rues désertes à la TV. Pourtant, vous
ne pouvez pas imaginer ce que sont 40 jours de couvre-feu. 40 jours. 40 nuits.
40 jours terrés dans votre maison et votre peur. 40 nuits aussi.
Pensez à
tout ce que vous, qui êtes libres, avez fait pendant ces derniers 40 jours.
Imaginez que toutes ces choses, ces menus détails qui font votre quotidien
disparaissent d'un coup. Vous êtes chez vous. La peur au ventre. Terrés comme
des bêtes.
Les attentats vont reprendre de plus belle, n'en doutez pas.
Pendant ces 40 jours, la haine a mûri. Samedi, l'armée d'occupation a quitté la
ville. Mais le check est fermé. Liberté? Samedi et dimanche, les avions de
combat ont survolé la région. Un petit clin d'œil de l'armée d'occupation,
histoire de nous rappeler qu'ils sont là et qu'ils reviendront. Parce qu'ils
vont revenir. Et à chaque fois qu'ils reviennent, c'est plus violent que la fois
précédente. Je n'ose pas imaginer les fois prochaines. La paix? Il n'y a bien
qu'en Occident qu'on y croit
encore...
Rendez-vous
1. Rencontre avec Leïla Shahid
à Aix-en-Provence
ce jeudi 16 mai 2002 à 21h
Palestine : Comment agir pour une paix
dans la justice ? Une rencontre organisée par Aix
Solidarité avec le soutien de nombreuses
organisations* ce jeudi 16 mai 2002 à 21h - Salle
du Bois de l'Aune - ZAC Jas-de-Bouffan - Aix-en-Provence - autour de
Leila Shahid, Déléguée générale de Palestine en
France, le Pr. Marcel-Francis Kahn, porte-parole du
Collectif des citoyens d'origine juive ou arabe pour le droit des palestiniens,
Oren Medicks, membre de "Gush Shalom" ("Le Bloc de la Paix") et
le témoignage de participants de notre
région à des Missions civiles de protection du peuple palestinien http://www.protection-palestine.org.
A partir de 20h : Exposition de photographies
d'Anne-Marie Camps "Douce et brûlante Palestine" - Stands
associatifs.
* AMFP (association médicale franco-palestinienne) -
ASTI (association de solidarité avec les travailleurs immigrés) - ATTAC Pays
d'Aix - ATMF (association des travailleurs maghrébins de France) - CIDIM (centre
d'information et de documentation sur l'immigration et le maghreb) - CIMADE du
pays d'Aix - LDH (Ligue des droits de l'homme) - MRAP (mouvement contre le
racisme et pour l'amitié entre les peuples) - RFPP (rassemblement
franco-palestinien pour la paix) - UJFP (union juive française pour la
paix)
2. Projection du film "Paul
le charpentier" de Ibrahim Khill
le mercredi 22 mai 2002 au Centre
culturel algérien de Paris
Le Centre culturel algérien - 171,
rue de la Croix-nivert - Paris 15ème - M° Boucicaut ou Convention - Tél. 01 45
54 95 31 - organise une projection du film "Paul le charpentier" du
réalisateur palestinien, Ibrahim Khill [1], en présence de ce dernier et avec la
participation de Michel Lelong [2], père blanc, ancien responsable du Secrétariat
pour les relations avec l'islam (SRI). PAF : 3 euros.
[1] Lire dans le 75° Point d'information Palestine du 30/06/2000 :
"Paul le charpentier ou le combattant de l'amour" par Annie Fiore in La
Marseillaise du mardi 27 juin 2000 et dans le 120° Point d'information Palestine
du 14/12/2000 : "Le portrait d'un juste" par Philippe Clanché in Témoignage
Chrétien du jeudi 7 décembre 2000.
[2] Michel Lelong a publié plusieurs
ouvrages, dont L'Islam et l'occident aux éditions Albin Michel (2000 - ISBN :
2226014284) et Guerre ou paix à Jérusalem ? aux éditions Albin Michel (1982 -
ISBN : 2226016368).
Dernière
parution
Retour de Palestine par José
Bové et Collectif, préface de Rony Brauman
aux éditions Fayard - collection Mille et Une
Nuits
[12,00 euros / 78,71
FF - ISBN : 284205699X - Parution en mai 2002 - 208
pages]
Témoignages des participants à la 11ème mission
organisée du 27 mars au 13 avril 2002 par la Campagne
civile internationale pour la protection du peuple palestinien
http://www.protection-palestine.org
Ils étaient partis pour aider des paysans, des médecins, des
enseignants palestiniens. Ils se sont retrouvés dans la guerre. Ils auraient dû
hurler pour qu'on les rapatrie. Ils ont décidé de rester pour protéger les
populations civiles. L'histoire est à peine croyable. Cinquante-deux Français,
avec José Bové et des centaines d'internationaux, ont imposé la logique de Porto
Alegre dans un cadre de guerre chaude : non-violence et résistance civile. Cela
a marché : ils ont sauvé l'hôpital de Ramallah, rompu le siège du quartier
général de Yasser Arafat, arrêté des chars, sauvé des dizaines de civils. Ce
qu'aucun diplomate ni humanitaire n'a pu faire, ils l'ont réussi, là où ils
étaient. Ce récit à cinquante-deux voix a été recueilli dans l'urgence. Derrière
l'aventure, qu'ils racontent avec l'humilité des gens simples, apparaît la
tragédie d'un peuple au temps d'une guerre coloniale. Un document
bouleversant.
La diplomatie du faible au fort - Préface de
l'ouvrage par Rony Brauman
Les missions civiles pour la protection du
peuple palestinien qui se relaient depuis des mois auprès de la population
palestinienne n'ont certes pas pu empêcher les massacres de Jénine, ni s'opposer
aux exactions commises par l'armée israélienne. Elles ne le prétendaient pas,
même si chaque volontaire, évidemment, l'espérait plus que tout. Ce qu'elles ont
accompli, pourtant, aucun gouvernement ou organisme politique ne le faisait,
aucune institution humanitaire ne le pouvait.
Elles ont bloqué l'étau dans
lequel le gouvernement israélien s'était promis d'étouffer le président de
l'Autorité palestinienne. Ces citoyens, qu'on appelle désormais des "
internationaux ", ont arrêté l'invasion et probablement la destruction de
l'hôpital de Ramallah. Grâce à leur présence permanente sur les lieux, l'hôpital
parvient à fonctionner tant bien que mal. A force de ténacité et de courage
physique (il en fallait), ils ont symboliquement brisé l'isolement des
Palestiniens assiégés. Ils n'ont pas mis fin à cette guerre coloniale, qui
continue de faire rage à l'heure où ces lignes sont écrites. Mais ils ont
démontré, par la diversité de leurs origines et la clarté de leurs positions,
que l'exigence de justice reste bien vivante sous tous les horizons de la
planète.
C'est là, dans cette volonté incassable de rappeler que la
résistance à l'oppression est un droit fondamental, que réside leur légitimité.
Et c'est dans leur faiblesse même que se trouve leur force. Plus que quiconque,
en maintenant avec leurs moyens dérisoires un lien avec la Palestine bouclée et
le reste du monde, ils auront travaillé à désamorcer la spirale de haine où se
trouve aspiré le Proche-Orient.
Tous ceux qui ont vainement œuvré à la
formation de " brigades internationales de la paix " au moment du siège de
Sarajevo peuvent se féliciter. Quelque chose de neuf s'est produit, qu'ils
appelaient de leurs vœux, avec le surgissement effectif de cette diplomatie du
faible au fort. Ces francs-tireurs pacifiques ne visent rien d'autre qu'une paix
juste. Ils ont su avant tout le monde que le huit-clos voulu par l'occupant
serait dévastateur pour l'occupé. C'est à ce verrouillage qu'ils ont voulu très
tôt s'opposer et ils y sont parvenus.
Fort d'un important soutien dans
l'opinion publique, ce mouvement est aussi la cible de critiques féroces, voire
d'agressions physiques, dans un contexte où les violences identitaires se
multiplient. Un " racisme de guerre ", selon l'expression de Maxime Rodinson, a
fait son apparition en France, et il est malheureusement probable qu'il durera
tant que durera cette guerre. D'où qu'ils viennent et qu'elles qu'en soient les
causes, faut-il le redire, les acte et propos racistes sont intolérables.
Contrairement aux calomnies martelées par la plupart des représentants
d'institutions communautaires juives françaises, tous les membres des missions
civiles et ceux qui les soutiennent ont condamné ces attaques sans appel et sans
excuse. La mémoire du supplice des Juifs sous le IIIe reich hante les
générations suivantes, comment pourrait-il en être autrement ? Mais elle ne
saurait justifier le soupçon d'antisémitisme jeté a priori sur toute personne
osant revendiquer avec force l'application du droit dans le conflit
israélo-palestinien. Invoquer la Shoah pour soutenir, même indirectement, une
politique criminelle est une insulte aux victimes du nazisme.
Les " bombes
humaines " qui se font exploser parmi les civils en Israël commettent des actes
effroyables. Mais quiconque s'est rendu, ne serait-ce que quelques jours, dans
les territoires palestiniens constate que l'on y fabrique depuis des années du
désespoir et de la violence à grande échelle. Ce n'est pas excuser le moins du
monde cette terreur que de constater qu'elle est d'abord le produit d'une autre
terreur.
Le gouvernement israélien est en voie de radicalisation, avec
l'entrée au cabinet de sécurité du général Effi Eitam qui affirme qu' "aucune
souveraineté autre qu'israélienne n'existera jamais entre la mer et le Jourdain
". Ce colon mystique prône la création de homelands, l'apartheid, la
purification ethnique. Cette solution a déjà été testée en Afrique du Sud et il
est peu probable qu'elle soit techniquement réalisable. Quoi qu'il en soit,
l'ascension politique d'un tel fanatique rappelle, si l'on pouvait encore
l'oublier, que le gouvernement d'Ariel Sharon croit à une solution militaire du
" problème palestinien ".
Mais elle devrait également poser un sérieux
problème à ceux qui décrivent encore Israël comme une démocratie. Comment
pourrait-on se prétendre républicain intransigeant en France et tenir pour un
détail la présence d'un exalté raciste au gouvernement à Jérusalem ? Au-delà des
circonstances du moment, un Etat qui opprime un peuple eput-il être qualifié de
" démocratique " ? C'est bien de cela qu'il s'agit en définitive : du droit
d'avoir des droits. C'est ce principe fondateur de toute politique décente que
les volontaires des missions civiles sont allés défendre aux côtés des
Palestiniens à Ramallah. Lisons-les avec attention, car ils nous racontent les
aventures du seul combat qui vaille, celui de la liberté et de la justice.
(Paris, le 10 avril 2002)
Réseau
1. Une rencontre avec Arafat
par Uri Avnery
[traduit de l'anglais par R.
Massuard et S. de Wangen]
Samedi 11 mai 2002 - « Ils
veulent que nous promulguions une Constitution ? Pas de problème ! Je vais
demander à Israël de m’envoyer un exemplaire de la leur et la copierai mot pour
mot ! » Arafat m’a lancé un regard amusé. Israël, bien sûr, n’a pas de
Constitution.
C’était mercredi soir, après que cinq militants de Gush Shalom
– Haim Hanegbi, Adam Keller, Oren Medicks, Rachel Avnery et moi – eurent réussi
à pénétrer dans Ramallah (interdite aux Israéliens) et à entrer dans le complexe
bombardé, fortifié du chef palestinien. Il existait un risque qu’Ariel Sharon,
qui rentrait alors de Washington, exploite l’attentat suicide meurtrier du soir
précédent à Rishon-Letzion pour parvenir à son vieil objectif : tuer Yasser
Arafat. Cela aurait été un désastre pour Israël et aurait empêché la paix pour
des générations. Nous pensions que la présence d’Israéliens dans le complexe
pourrait aider à éviter une telle attaque.
Immédiatement après qu’Arafat eût
terminé sa rencontre avec l’émissaire européen, Moratinos, au cours de laquelle
ils avaient conclu l’accord final mettant fin au siège de l’église de la
Nativité à Bethléem, il nous a reçus pour un long entretien. « Je vais donner
des bourses aux 13 qui doivent aller à l’étranger, » a-t-il observé, comme s’il
continuait la conversation précédente, et il nous a lu le document qu’il venait
de signer.
Depuis que je l’ai rencontré en 1982 dans Beyrouth assiégée, dans
des circonstances presque similaires, je l’ai revu de nombreuses fois. Je l’ai
trouvé calme, souriant, sûr de lui, un peu fatigué.
Il a ri quand je lui ai
décrit les « réformes » que Georges W. Bush veut voir adopter par l’Autorité
palestinienne : la Palestine devrait devenir démocratique comme l’Arabie
Saoudite, avoir une séparation des pouvoirs comme en Syrie, être présidée par un
chef d’Etat sans pouvoir comme en Jordanie, avoir un service de sécurité unifié
comme en Egypte et une Cour indépendante comme en Irak.
La nouvelle idée
Bush-Sharon de « réformer » la structure de l’Autorité (c’est-à-dire la
nomination d’agents américains) comme condition préalable à la paix ne semble
pas avoir fait une impression profonde sur Arafat. En réalité, il est difficile
de savoir si ceci est un prétexte cynique pour reporter une solution ou
seulement une démonstration de stupidité monumentale. « Il n’y aura pas de Hamid
Karzai palestinien », a-t-il dit, faisant allusion au président potiche que les
Américains ont imposé de l’extérieur à l’Afghanistan.
Jamais comme
maintenant, Arafat n’avait été aussi profondément intégré dans le cœur même du
peuple palestinien. Son prestige est monté au zénith dans tout le monde arabe,
où les masses comparent leurs propres rois et présidents à l’homme qui a enduré
six semaines de siège, la plupart du temps presque sans nourriture, sans eau ni
électricité, à une distance de deux mètres des soldats israéliens (nous avons
mesuré la distance nous-même) sans fléchir. L’idée que quelqu’un de l’extérieur
pourrait ne faire de lui qu’une figure de proue est ridicule.
²« L’OLP est
au-dessus de l’Autorité palestinienne et je suis le chef de l’OLP » nous a-t-il
rappelé. L’OLP représente toutes les composantes du peuple palestinien, alors
que l’Autorité palestinienne a été élue seulement par les habitants de la
Cisjordanie (y compris Jérusalem Est) et de la Bande de Gaza.
Au cours de la
rencontre, des officiers supérieurs sont entrés plusieurs fois et ont fait état
de concentrations de troupes israéliennes autour de la Bande de Gaza et de
Ramallah. Une attaque de Sharon semblait pouvoir intervenir à tout moment.
Arafat a pris ces informations en compte et donné quelques ordres brefs. Yasser
Abed Rabbo a été présent pendant toute la rencontre, et d’autres personnalités
importantes entraient de temps en temps et écoutaient.
Nous lui avons demandé
sa réaction à l’annonce de l’attentat-suicide qui avait eu lieu 24 heures
auparavant. « J’ai publié une condamnation ferme (Arafat a utilisé, pour la
première fois, le mot arabe ‘irhab’, terrorisme) et ordonné l’arrestation de
militants du Hamas, » a-t-il répondu. « Ils ont programmé l’attaque exactement
pendant la rencontre au cours de laquelle Sharon demandait à Bush la permission
d’appliquer ses plans contre l’Autorité palestinienne et contre moi-même. Les
responsables du Hamas savaient qu’ils servaient Sharon. Ils veulent détruire
l’Autorité et peu leur importe d’utiliser Sharon dans ce but. »
«
Réfléchissez, » a-t-il continué, « Ai-je l’air d’un imbécile qui poserait des
bombes sous son propre siège ? »
Il était presque minuit quand la rencontre
s’est terminée. Les soldats nous ont invités à un dîner de pitta, sardines,
fromage, homous. Pendant la longue nuit en leur compagnie, nous sommes devenus
une attraction dans le complexe qui loge plus d’une centaine de soldats armés de
la Force 17 qui ont continué pendant toute la nuit à fortifier l’endroit avec
des sacs de sable. Beaucoup parmi eux se mettaient autour de nous, nous inondant
de questions qui montraient qu’ils étaient immensément curieux de la situation
en Israël, comme nous étions curieux de leur propre situation.
Nous étions
assis en cercle dans une salle où tous les meubles avaient été repoussés contre
les murs, bavardant et fumant. Haim est devenu ami avec un jeune de 17 ans, qui
n’avait pas vu sa famille à Jénine depuis 4 mois, à cause du blocus, et qui
était très inquiet de leur sort. Un autre n’avait pas vu sa famille à Gaza
depuis deux ans. Tous ses biens avaient brûlé dans les incendies qui s’étaient
propagés des immeubles voisins, le laissant avec seulement les vêtements qu’il
avait sur le dos. Adam a eu une discussion avec un homme de 25 ans qui parlait
bien l’hébreu et se souvenait avec nostalgie du Juif irakien qui l’avait employé
sur le marché de Beer-Sheva. Un autre, de 37 ans, avait été arrêté à 15 ans pour
avoir jeté des pierres, il avait passé 15 ans en prison et sert maintenant comme
officier.
Seul un soldat ne s’est pas joint à nous, le visage fermé. Il
écoutait, disant seulement qu’il ne croyait pas que la paix viendrait un jour.
Et Rachel prenait des photos.
Tous voulaient savoir ce que pensent les
Israéliens et avant tout pourquoi Israël ne veut pas la paix. Ces terribles «
hommes armés » (comme on les appelle dans les articles de presse israéliens),
avec leurs différentes kalashnikovs, certains en vêtements civils (« tous nos
uniformes ont été brûlés par vos missiles ») parlaient avec nostalgie de la
paix. Après quelques heures de conversation, Oren a résumé : « Nous pourrions
signer un traité de paix dans les cinq minutes. »
Il y avait quelque chose de
surréaliste dans la situation : tous parlaient du Ra’is avec une admiration sans
bornes. Comme nous, ils s’attendaient à être attaqués à tout moment par les
tanks israéliens, mais ils avaient une conversation amicale avec les Israéliens
qui étaient venus vers eux.
Quand nous nous sommes enfin étendus sur nos
matelas, côte à côte avec quelques « internationaux » de plusieurs pays qui
étaient également venus pour servir de « boucliers humains », on m’a demandé une
interview par téléphone en direct pour la télévision Al Jazeera qui a diffusé la
nouvelle de notre présence dans des millions de foyers dans l’ensemble du monde
arabe. Encore un petit pont pour la paix.
Le matin, après une toilette
sommaire (il y avait une longue file devant la salle de bain), nous avons fait
le tour du complexe, guidés par la courageuse Neta Golan qui avait été présente
pendant toute la durée du siège. Un odeur d’urine et d’excréments remplissait
toutes les chambres qui avaient été occupées par notre armée. Quelqu’un avait
peint Mezuzot (l’étoile de David) sur toutes les portes. Dans une chambre, il y
avait une haute pile d’ordinateurs brisés. Partout les meubles étaient détruits.
Sur tous les murs, des graffitis : l’hymne national israélien (avec des fautes
grossières), le nom Israël en arabe (mal épelé), un slogan en anglais : « Isreal
(sic) règne » ». Dans les murs, les trous béants, qui sont devenus la marque de
fabrique des FID, en dépit du fait que toutes les portes avaient été ouvertes.
Dehors, des tas de voitures écrasées. Sur le côté, la Chevrolet blindée noire,
que le Président Clinton avait donnée en présent à Arafat, aplatie, avec des
marques de tanks clairement visibles sur le toit. Partout la saleté, la
destruction et le vandalisme gratuit de « l’armée la plus humaine du monde ».
Nous ne nous sentions pas très fiers.
2. Le Comité de Vigilance pour une
Paix Réelle au Proche-Orient dénonce le procès fait à l'historien israélien Ilan
Pappé
Le Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au
Proche-Orient (CVPR) [1] apprend que
l'historien israélien Ilan Pappé [2], professeur à l'université de Haïfa, se trouve
sous le coup d'une procédure d'exclusion engagée par les autorités académiques
de cette université.
Les prétextes avancés contre le professeur Pappé sont
liés aux critiques formulées, par ce dernier, à l'égard de l'attitude de
l'université de Haïfa envers un autre universitaire, Theodor Katz. Ce dernier a
subi une "disqualification académique" pour avoir traité d'un sujet considéré
comme tabou par les autorités israéliennes. Celles-ci lui font grief d'avoir
soutenu une thèse de doctorat consacrée au massacre de Tantoura, commis dans la
nuit du 22 au 23 mai 1948 par des militaires connus sous le nom "d'anges de la
mort" appartenant au troisième régiment de la "brigade Alexandroni" de la
Haganah commandés, à l'époque, par Dan Epstein.
Le professeur Pappé est
l'une des figures de proue du courant dit des "nouveaux historiens" dont les
travaux, dans leur diversité, entreprennent de dégager l'étude de l'histoire
réelle du Proche-Orient des contraintes et des déformations de l'historiographie
et de l'idéologie. Par sa démarche il contribue à rétablir la vérité sur la
genèse de la tragédie proche-orientale.
Cet apport au rétablissement des
faits, est la condition d'un "apaisement des esprits" fondé sur la confrontation
des protagonistes avec leur propre histoire. En ce sens, la démarche de
l'historien apporte une contribution essentielle au travail commun des
Palestiniens et des Israéliens sur eux-mêmes. Et ce travail est sans aucun
doute, l'un des principes de la fondation d'une paix réelle au
Proche-Orient.
Le CVPR considère que les menaces qui pèsent contre le statut
du professeur Ilan Pappé sont porteuses de graves dangers pour l'avenir. Le
procès qui lui est fait s'inscrit dans un climat de type maccarthyste, qui pèse
de plus en plus lourdement sur la société israélienne dont pourront faire les
frais, universitaires, intellectuels, journalistes, artistes etc... qui ne se
plient pas à la pensée conforme du moment, et qui menace, sans détail, leurs
homologues appartenant à la communauté arabe palestinienne de 1948.
Ce
procès s'inscrit, également, dans le contexte de la situation dramatique des
universités palestiniennes et de la destruction des institutions éducatives
palestiniennes délibérément ravagées lors de la récente offensive israélienne en
Cisjordanie.
Les intimidations dont le procès fait au professeur Pappé est
un exemple, sont particulièrement inquiétantes à l'heure où, les tabous
progressivement levés, surgissent de nouvelles menaces, et notamment le spectre
funeste de "transferts de population", synonymes de nouvelles catastrophes, dont
tous seront affectés, sans aucune exception.
Le CVPR lance, à cet égard, un
appel aux autorités académiques françaises et européennes. Il leur demande
d'intervenir immédiatement afin de faire cesser les poursuites engagées contre
le professeur Ilan Pappé. Il entend entreprendre d'autres démarches à cet effet.
Il appelle plus largement l'UNESCO, l'Union Européenne (Parlement et
Commission), ainsi que toutes les organisations garantes, par principe, de la
liberté de pensée et des libertés démocratiques fondamentales, à œuvrer en vue
d'empêcher par tous les moyens institutionnels disponibles les nouvelles dérives
qui menacent aujourd'hui le Proche-Orient, mais dont les conséquences, y compris
pour l'Europe, seront incalculables.
[1] Le
Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient est une association
présidée par le philosophe Georges Labica, et dont le président d'honneur est le
Professeur Jacques Milliez. Elle compte notamment au sein de son conseil
d'administration, des universitaires et des Ambassadeurs de France. Le Comité de
Parrainage du CVPR est composé de : Guy Aurenche, Albert Bourgi, Jacques
Chatagner, Claude Cheysson, Robert Davezies, Jacques de la Ferrière, Gisèle
Halimi, Stéphane Hessel, Jean-Marie Lambert, Simon Malley, André Miquel, Edgar
Morin, Louis Odru, Pierre Pradier, Jack Ralite, Madeleine Rébérioux, Philippe
Rebeyrol, Paul Ricoeur et Pierre Vidal-Naquet.
[2] A lire : La guerre de 1948
en Palestine de Ilan Pappé aux édition de La fabrique (22,71 euros / 148,97 FRF
- ISBN : 291337204X - Parution en avril 2000 - 390 pages). Pour plus
d'information sur cette affaire, consultez le dossier et signez la pétition
disponible sur le site de Giorgio Basile http://www.solidarite-palestine.org/breves.html#m295.
3. Les Héros de la Dernière
Chance par Israël Shamir
[traduit de
l'anglais par Marcel Charbonnier]
Lundi 6 mai 2002,
10h32 - Cette année, c’est longtemps après l’Occident - au début mai - que
l’Orient a fêté Pâques. Mais l’ambiance était bien peu à la fête, l’Eglise de la
Nativité, à Bethléem, étant assiégée depuis un mois. Des prêtres et des laïcs
affamés sont enfermés dans la grotte où la Vierge mit le Christ au monde ; des
corps de policiers abattus par des tireurs d’élite israéliens s’entassent au
pied de la mosaïque à l’Arbre de Jessé rutilant. De temps en temps, les
attaquants envoyaient des étoupes enflammées sur la charpente en bois de la
toiture de la basilique et s’amusaient au spectacle des défenseurs assiégés qui
couraient afin d’éteindre les débuts d’incendies. Mais Pâques a produit son
miracle, et ce miracle a été baptisé MIS.
Qu’est-ce donc que ce MIS ? Pour la
réponse, déplacez-vous à quelques centaines de mètres de l’église, sur la vaste
terrasse qui domine le moutenement en pente douce des collines, en direction de
la Mer Morte, là-bas, au-delà du “s” de la route ; il y a là-bas un petit
sanctuaire byzantin, jouxtant une citerne. Le vent d’est, venu du désert, y a
amassé une couche de poussière de sable sur le couvert de mosaïques, et des
chardons de légende ont poussé parmi leurs croix rouge sombre. Ce sanctuaire a
un je-ne-sais quoi d’aquatique, comme nombre de tombeaux, en Terre sainte. On
l’appelle Bi’r Daoud (le Puits de David), en mémoire d’un exploit
légendaire.
Il y a bien longtemps, une armée conquérante venue des cités de
la plaine avait déclaré la Guerre à la Terreur et assiégé ce petit village
escarpé, dans le but de capturer un homme du coin, un chef terroriste
palestinien nommé David, lequel attaquait les colonies des conquérants. Mais les
compagnons de ce David, une petite bande hétéroclite, défia les ordres des
envahisseurs. Ils contournèrent les barrages en travers des routes, ignorèrent
les mesures de sécurité, se faufilèrent dans les villages et, chose tout-à-fait
inouïe, ils apportèrent de l’eau, puisée dans un village voisin, Bethléem, à
David, que nous appelons de nos jours le Roi David.
Et voilà que des siècles
après, cet exploit a été renouvelé par une nouvelle version des compagnons du
Roi David, le Mouvement International de Solidarité, ou MIS, la terre de
Palestine étant devenue la scène d’une confrontation et d’un engagement
international parmi les plus dramatiques depuis des décennies, si ce n’est des
siècles. De jeunes hommes et jeunes femmes, européens et américains, nés trop
tard pour rejoindre les Brigades Internationales venues au secours des
Républicains espagnols, en 1936, ont rejoint le Mouvement International de
Solidarité et sont venus parmi les vertes collines de Bethléem et d’Hébron. Ils
sont venus en des temps on ne peut plus troublés : des dirigeants israéliens ont
en effet planifié l’expulsion et l’extermination des Palestiniens afin de créer
un pays aussi juif que l’Allemagne était aryenne. Du fait de leur simple
présence, les volontaires du MIS ont fait échouer ce plan et ils ont sauvé les
paysans locaux de la destruction et de l’expulsion. Ils vivent dangereusement,
jouant au chat et à la souris avec les “mechaslim” (les “exterminateurs”)
israéliens, esquivant les balles des tireurs d’élite, restant auprès des paysans
dans des villages sans défense. Si, pour vous, le Roi David, c’est trop rétro,
voyez en eux des Héros de la Dernière Chance, dignes de la réputation de
Schwarzenegger.
Bien que certains d’entre ces volontaires aient des parents
juifs, ils rejettent les conceptions séparatistes du “réservé aux Juifs”, tel
que perpétué par les Peaceniks Sionistes du “camp de la paix”. Ils sont pour
l’égalité, pour l’”Internationale des Hommes de Bonne Volonté”, comme dirait
Isaac Babel. Ils sont venus du pays de Folke Bernadotte, et aussi du pays d’Abe
Lincoln, de T. E. Lawrence. Certains de ces volontaires du MIS ont pris part aux
protestations non-violentes de Seattle, de Gothenburg et de Gênes, en affrontant
le dragon à deux-têtes : celui de la Mondialisation et du Sionisme. D’autres
sont venus en Terre sainte en avril 2002, en pleine offensive israélienne de
Pâque, tandis que les nervis volontaires de Sharon démolissaient les maisons,
arrachaient les oliviers, déportaient des milliers de Palestiniens vers des
camps de concentration, massacraient des centaines d’hommes, de femmes et
d’enfants dans le camp de réfugiés de Jénine et dans la ville de Naplouse.
Lorsque le Raz-de-Marée israélien a fait irruption dans Bethléem, plus de deux
cent habitants de la ville se sont réfugiés dans la basilique.
En réalité, la
tradition du droit d’asile est plus ancienne que le christianisme ; elle est
connue de l’humanité depuis l’aube de la civilisation. Les églises ont de tout
temps offert des lieux d’asile, et le Bossu de Notre-Dame de Victor Hugo vient
immédiatement à l’esprit. En Amérique latine, les gens persécutés, que ce soit
des immigrants illégaux ou des dirigeants syndicalistes, ont été sauvés dans des
églises, où ils ont été cachés tandis que, pendant la seconde guerre mondiale,
des milliers de Juifs trouvèrent refuge dans des églises et des monastères.
C’est pourquoi les malheureux captifs de Bethléem pensaient qu’ils seraient en
sécurité, à l’abri derrière les murs formidables de la plus ancienne église de
toute la chrétienté.
L’église de la Nativité, à Bethléem, a été édifiée en
l’an 325. Elle est la seule survivante des trois plus importants édifices
chrétiens de la Terre sainte. Son histoire tourmentée a été, toute chose prise
en compte, plutôt chanceuse : les envahisseurs perses refusèrent les ordres de
la détruire (de leurs commissaires juifs), en l’an 614. En 1009, les Sarrasins
désobéirent à des ordres similaires de Hakim, le calife d’Egypte, qui était
complètement fou...Tandis qu’en ces deux occurrences, l’église-soeur, le Saint
Sépulcre de Jérusalem, était incendié et démoli. En 1099, Tancrède, futur prince
de Galilée, eut connaissance, à Latrun, à une quarantaine de kilomètres de là,
en territoire hostile, de rapports faisant état de plans de l’ennemi visant à
détruire l’Eglise de la Nativité : il chevaucha, de nuit, à la tête de ses
chevaliers, et ils réussirent à la sauver.
Les Rois croisés de Jérusalem
choisirent d’être couronnés dans l’Eglise de la Nativité, et des rois
d’Angleterre et de France envoyèrent à son clergé des présents somptueux. En
1145, des mosaïques d’une beauté extraordinaire ornaient ses murs : elles
représentaient l’Arbre de Jessé, l’Arbre de Vie, et l’incrédule Saint-Thomas
touchant du doigt les plaies du Ressuscité. En 1932, les Britanniques
découvrirent une magnifique mosaïque du quatrième siècle, sur le sol et, en
2000, Yasser Arafat fit entièrement réaménager la Place de la Mangeoire, devant
la basilique. Cette église a été révérée par des millions de croyants à travers
les siècles ; c’est pourquoi ces pauvres gens pensaient qu’ils seraient en
sécurité, à l’abri de son enceinte.
Mais les Juifs n’ont strictement rien à
faire de l’inviolabilité des églises. Bien sûr, entre eux, les avis divergent.
Les sionistes adeptes du Rabbin Kook, principale obédience religieuse en Israël,
professent que toutes les églises doivent être détruites au plus vite, avant
même les mosquées : c’est dire ! Pour eux, l’éradication du christianisme est
une tâche encore plus urgente que l’élimination des Palestiniens. Leurs
opposants traditionnels pensent qu’il n’y a pas le feu au lac, et que cela
devrait être fait par le Messie Vengeur des Juifs, lorsqu’il daignera arriver.
Les Juifs laïques s’en foutent royalement. C’est la raison pour laquelle l’armée
juive n’a éprouvé aucune espèce de difficulté (morale) à encercler l’église et à
entreprendre le plus cruel des sièges de sa pourtant longue et “riche”
histoire...
Quarante moines et prêtres sont restés à leur poste, dans
l’église, avec deux cent réfugiés. Durant un mois, les Israéliens n’ont pas
accepté que l’on amenât de l’eau ou des vivres aux assiégés. Comme lors des
sièges médiévaux, des gens sont morts de faim, en tentant de survivre grâce à de
l’eau de pluie dans laquelle on faisait bouillir quelques feuilles de citronnier
et quelque herbe folle. A l’intérieur de l’église vénérable, la puanteur des
cadavres et des blessures infectées rendait l’atmosphère irrespirable.
Des
caméras dernier-cri assistaient les tireurs d’élite israéliens, suspendus dans
les airs, installés sur des nacelles treuillées par des grues et tirant sur tout
ce qui bougeait. Ils ont tué des moines et des prêtres, et aussi des réfugiés.
Avant même le siège, ils ont tué un enfant de choeur, Johny, et au moment où je
vous écris, en ce 4 mai, ils ont assassiné un autre homme d’église,
accomplissant son sacerdoce. Ils ont fait cela impunément, puisqu’aussi bien ils
savent qu’ils ont les médias occidentaux à leurs bottes. L’écrivain de contes
merveilleux danois, Hans Christian Andersen, a évoqué dans l’un de ses contes le
miroir magique de la Reine des Neiges, lequel déforme la réalité, transformant
les belles choses en choses horribles, et vice-versa. Dans le miroir magique de
la CNN, cette église ancestrale est devenue “un endroit où certains Chrétiens
pensent que Jésus serait né”. Les réfugiés y ont été présentés comme des
“terroristes”. Les moines et les prêtres devinrent leurs “otages” : voilà le
travail du miroir magique de la Reine des Neiges... Les cris des assiégés ne
risquaient pas de franchir les portes capitonnées des médias occidentaux dont
les Israéliens tirent toutes les ficelles.
C’est en ces heures on ne peut
plus sombres que le Mouvement International de Solidarité est arrivé. Alors que
la Terre Sainte s’était préparée pour le Vendredi Saint (la majorité des
chrétiens palestiniens appartiennent à l’église grecque-orthodoxe de Jérusalem),
deux dizaines de volontaires se séparèrent en deux groupes : l’un mit en scène
une diversion dans la meilleure tradition des Canons de Navarone d’Alistair
McLean. Tandis que les soldats israéliens étaient stupéfaits par leur courage
frisant la folie et perdaient leur temps à essayer de les capturer, le deuxième
groupe se précipitait et réussissait à franchir le portail de l’église. Ils
apportèrent un peu de nourriture et d’eau pour les réfugiés affamés et assiégés,
de quoi tenir jusqu’au dimanche de Pâques. Sans doute les livres d’histoire
appelleront-ils leur percée “Sauvetage de Pâques”.
Lorsqu’on aura (enfin)
fait piquer le sionisme (comme un chien incurable, ndt), les noms de ces hommes
et femmes courageux seront gravés sur les murs de l’église. Dans la sacristie,
près de l’épée de Godefroy de Bouillon, le Défenseur du Saint-Sépulcre (le
dirigeant de la Première Croisade avait en effet refusé la couronne, mais avec
accepté ce titre), on mettra les casquettes de base-ball et les tennis des
Défenseurs de la Nativité, de ceux qui sont entrés dans l’église, pour y
partager la faim et le danger imposés par le siège israélien : Alistair Hillman
(Royaume Uni), Allan Lindgaard (Danemark), Erik Algers (suède), Jacqueline
Soohen (Canada), Kristen Schurr (Etats-Unis), Larry Hales (Etats-Unis), Mary
Kelly (Irlande), Nauman Zaidi (Etats Unis), Stefan Coster (Suède) et Robert
O’Neill (Etats-Unis), ainsi que de ceux qui, sacrifiant leur liberté, ont créé
la diversion et ont été emprisonnés : Jeff Kingham (Etats Unis), Jo Harrison
(Royaume Uni), Johannes Wahlstrom (Suède), James Hanna (Etats-Unis), Kate Thoms
(Royaume Uni), Marcia Tubbs (Royaume Uni), John Caruso, Nathan Musselman, Nathan
Mauger, Trevor Baumgartner, Thomas Kootsoukos (Etats-Unis), Ida Fasten (Suède)
et Huwaida Arraf (Etats-Unis).
Le groupe ayant fait diversion a été arrêté
pour le crime affreux d’avoir apporté de la nourriture aux réfugiés affamés,
dans l’église, à Pâques. Pour commencer, les hommes ont été séparés des femmes
et mis en prison dans la colonie juive illégale d’Etzion. Les femmes furent
envoyées à Jérusalem, et convoquées au tribunal, où on les a condamnées à être
expulsées. Sur le chemin de leur transfert vers la prison, les Anglaises ont
réussi à sauter de la camionnette et à échapper à leurs gardiens ! L’une d’entre
elles a été capturée par un civil israélien, qui n’hésita pas une seconde à la
menacer d’un couteau. Deux autres sont toujours en cavale, ainsi qu’une jeune
suédoise, Ida. Elles ont montré ce qu’est la vraie désobéissance civile, comment
une action humanitaire non-violente peut faire la différence, même dans le
circonstance déshumanisé de l’occupation israélienne. Aujourd’hui, les hommes
sont toujours emprisonnés dans Hébron occupée, ils sont aux mains des colons
“hébronites” fanatiques.
Bien qu’ils n’aient commis aucune contravention sur
le territoire d’Israël, ils ont été condamnés à l’expulsion du territoire
israélien, avec interdiction d’y pénétrer durant une période de dix ans.
Espérons que l’apartheid de l’”Etat d’Israël” ne durera pas aussi longtemps...
Leur condamnation a prouvé que, pour les Israéliens, les “territoires
palestiniens” ne sont qu’une fiction légale, que l’on peut respecter ou ignorer
à sa guise. Alors, qu’est-ce qui nous empêche d’en user de même, et d’exiger
l’égalité pour tous, Juifs comme Gentils, dans l’ensemble de la Palestine
?
En tant que journaliste, je regrette que ce drame intense du siège, de la
percée, de la diversion, du soulagement, du sauvetage, des arrestations, de la
fuite et de la confrontation de Pâques, à l’ombre de la vénérable église - on ne
saurait portant faire mieux en terme de suspense et de péripéties - n’ait pas
atteint l’audience maximale en Europe et en Amérique, que tout cela n’ait pas
été diffusé par toutes les stations de télévision et repris par tous les
journaux.
Mais ce regret ne diminue en rien ma joie : celle que l’un des
jeunes qui ont brisé le siège était mon propre fils...
[Message
d’Israël Shamir du lundi 6 mai 2002, à 11h56 - A tous mes correspondants qui ont
eu la gentillesse de demander des nouvelles de mon fils. Après l’action à
l’église de la Nativité, mon fils, Yohi, a été expulsé d’Israël ce jour (lundi)
et il est désormais libre, en Suède. Israël Shamir - shamir@home.se -
http://www.israelshamir.net]
Revue de
presse
1. Le prince Abdullah contacte les directions
du Hamas et du Jihad afin de les convaincre d’abandonner les
attentats-suicides
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à
Londres) du mardi 7 mai 2002
[traduit de l'arabe
par Marcel Charbonnier]
Les jours prochains verront se
déployer une initiative saoudo-égypto-jordanienne, coordonnée par les
Etats-Unis, visant à faire pression sur le président palestinien Yasser Arafat,
avec deux objectifs, dont le premier est de susciter des réformes radicales dans
l’Autorité nationale palestinienne qu’il dirige, en particulier dans ses
instances sécuritaires, et le second d’empêcher les attentats-suicides coûte que
coûte.
Des sources palestiniennes bien informées indiquent que le prince
Abdullah Bin AbdelAziz, prince régnant saoudien, est actuellement en contact
avec les mouvements Hamas et Djihad islamique en vue d’inviter leurs dirigeants
à Riyadh pour les convaincre d’abandonner définitivement les opérations-suicides
et de les inciter à apporter leur soutien à l’Autorité palestinienne.
Les
mêmes sources laissent entendre que la délégation égyptienne qui a rendu visite
à Yasser Arafat, à Ramallah, avant-hier, laquelle comptait parmi ses membres
Usama al-Baz, conseiller politique du président Moubarak, Omar Suleïman, chef
des services secrets égyptiens, ainsi que M. Ahmad Maher, ministre des Affaires
étrangères, a remis au président palestinien un message du président Moubarak
lui demandant d’opérer des réformes politiques immédiates en conformité avec les
exigences américaines, d’unifier les instances de sécurité palestiniennes, et de
reprendre en main immédiatement la rue palestinienne et les formations
oppositionnelles, en interdisant formellement toute opération-suicide.
Ces
sources nous ont confirmé que le gouvernement égyptien a proposé d’accueillir
une rencontre tripartite au Caire, entre des représentants des mouvements Fatah,
Hamas et Djihad islamique, afin de convenir d’une modalité de coexistence et de
coopération aboutissant à la formation d’un gouvernement (palestinien) d’union
nationale réunissant toutes les factions et s’engageant à interdire tout
attentat-suicide.
D’après ces sources, M. Maher a insisté également sur
l’absolue nécessité de réformer l’Autorité palestinienne et ses institutions
politiques et sécuritaires, et de mettre un terme à la corruption au moyen d’une
comptabilité nationale adéquate (et c’est un Egyptien qui le dit !...
ndt).
Elles ajoutent que le président palestinien n’a pas acquiescé à ces
propositions, il a au contraire refusé toute rencontre tripartite, car celle-ci
aurait signifié qu’on mettait le mouvement Fatah sur le même niveau que les
autres factions. Par ailleurs, Arafat considère qu’une rencontre entre les trois
formations relève des affaires intérieures palestiniennes et qu’elle doit par
conséquent être laissée à l’examen de l’Autorité elle-même, afin qu’elle y donne
les suites qu’elle entend donner, comme cela a toujours été le cas
jusqu’ici.
Les Etats-Unis avaient laissé filtrer des informations sur
l’engagement du prince Abdullah vis-à-vis du président Bush à oeuvrer, avec les
autres gouvernements arabes, en vue d’obtenir une cessation des
attentats-suicides.
Ces manoeuvres en coulisse se produisent au moment où le
premier ministre israélien Ariel Sharon a des conversations au sommet, à
Washington, au cours desquelles il espère convaincre les Etats-Unis d’écarter le
président palestinien du “processus de paix” au Moyen-Orient. Sharon a rencontré
le ministre américain des Affaires étrangères, Colin Powell, ainsi que le
ministre de la Défense, Donald Rumsfeld, hier. Aujourd’hui, il doit rencontrer
le président Bush à la Maison Blanche. Ce sera la cinquième rencontre entre les
deux dirigeants.
Bush a déclaré hier qu’il ressentait, à l’instar d’Israël,
une “grande déception” vis-à-vis d’Arafat. Il a notamment déclaré : “Il (Arafat)
m’a déçu. Il doit prendre en main les rênes du pouvoir et montrer au monde qu’il
croit en la paix.”
A la question de savoir si les critiques d’Israël envers
Arafat représentaient un obstacle à la paix, Bush a répondu : “ils (les
Israéliens) disent qu’ils ont perdu tout espoir dans sa capacité à gouverner”,
ajoutant : “la déception est grande”.
Condoleezza Rice, conseillère du
président en matière de sécurité nationale, avait déclaré peu auparavant que
l’administration américaine allait entamer des conversations avec “les alliés
arabes, européens et autres” en vue d’exercer des pressions sur Arafat. Et en
effet les Européens ont commencé à mettre en application les volontés
américaines, en prenant “sérieusement” en considération les allégations de
Sharon sur un lien entre Arafat et les opérations-suicides.
Un porte-parole
de la Commission européenne, à Bruxelles, a déclaré hier que l’Union européenne
examine “avec le plus grand sérieux” les accusations portées contre Arafat dans
le rapport israélien (du même nom...), notamment le fait qu’il ait détourné des
fonds européens aux fins de financer des attentats anti-israéliens.
Ce
porte-parole européen a déclaré, au nom du commissaire européen chargé des
relations extérieures, Chris Patten, que “les affirmations du gouvernement
israélien sont graves. Nous les examinerons avec le plus grand sérieux. La
Commission européenne étudiera tous les indices disponibles lorsque nous
recevrons ces documents de la part du gouvernement israélien.”
Sa’ib Uraïqat,
principal négociateur palestinien, a qualifié le rapport israélien de
“contrefait et bourré de gros mensonges”. Il a déclaré : “Nous sommes prêts à
montrer au président Bush les corps de Palestiniens déchiquetés par les balles
israéliennes, et en particulier ceux de Fatiméh Muhammad Zakarinéh (30 ans) de
Jénine, ainsi que le corps de l’enfant Samir Abu Thuraya, de Tulkarem... Ces
corps déchiquetés par les balles israéliennes symbolisent le terrorisme d’Etat
et les crimes de guerre israéliens. Il s’agit là d’une preuve tangible, d’un
témoignage réel de ce qui se passe sur le terrain, et non de documents
fallacieux.”
Uraïqat a poursuivi : “le peuple palestinien est victime de
crimes de guerre, de massacres, de terrorisme d’Etat de la part d’Israël, jour
après jour, heure après heure.”
Les forces armées israéliennes ont poursuivi
leurs opérations de pénétration et d’arrestations, dans plusieurs villages de
Cisjordanie. Elles ont tué hier matin, à l’aube, quatre Palestiniens à
Gaza.
Les négociations sur la fin du siège de l’Eglise de la Nativité (à
Bethléem) sont dans l’impasse. Ce siège en est à son trente-sixième jour. Les
négociations étaient sur le point d’aboutir, les Palestiniens acceptant
l’expatriation des hommes recherchés par Israël vers Gaza et l’Italie.
Tandis
que l’Italie refusait de recevoir six des assiégés qu’Israël veut expulser, en
accord avec l’Autorité palestinienne, Israël a porté ce nombre à treize... Des
négociations sont actuellement en cours quant à l’expulsion de ces (treize)
personnes vers la Jordanie, dans l’attente qu’elles soient admises par un pays
tiers, trente assiégés devant être expulsés vers la bande de Gaza. L’armée n’a
pas pu, apparemment, patienter jusqu’à la conclusion des négociations,
puisqu’elle a fait exploser hier la maison de l’un des assiégés, Jihad alJa’ara,
à Bethléem.
2. Pour en finir avec la légende de
l’influence américaine et de l’impuissance arabe. Le gouvernement américain est
encore plus impuissant que les dirigeants arabes par Abdel Wahhab
alAfandi
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du mardi 7
mai 2002
[traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
(Abdel Wahhab alAfandi est un
écrivain-chercheur soudanais résidant à Londres.)
Sans doute nos
nobles gouvernants, ces shaykhs de nos tribus arabisantes, trouveront-ils
beaucoup de consolation à l’observation de cet homme qui, prétendant être le
dirigeant de l’Etat le plus puissant qui soit au monde, n’en est pas moins
incapable d’obtenir qu’un pays survivant grâce à sa seule aumône lui obéisse. Et
non seulement ça : loin d’adresser à cet Etat l’avertissement qui convient et de
le menacer de lui couper les subsides, il en est réduit à bégayer ses
déclarations ouvertement hypocrites et mensongères, dans lesquelles il chante
les louanges du dit Etat, et à prétendre que ses dirigeants sont coopératifs et
comprennent on ne peut mieux ses propres impératifs. Il y a aussi, sans doute,
quelque consolation, pour les membres des Parlements arabes, de Bagdad à
Nouakchott, contraints en permanence de chanter les louanges du chef unique, de
sa descendance et de sa domesticité, au spectacle des membres du Congrès
américain, réduits à devoir faire la course avec eux afin de présenter leurs
protestations d’allégeance, d’obéissance aveugle, d’hypocrisie et de duplicité à
leur souverain, Israël, en reprenant, pour ce faire, les mêmes expressions
surgies de la fertile imagination et de l’éloquence fleurie des Bani Ya’rab (les
Arabes, ndt) rendant hommage à leurs dirigeants inspirés et infaillibles ? Ne
dit-on pas “au spectacle du malheur d’autrui, son propre fardeau est allégé
?”
S’il y a dans l’impuissance patente de l’Amérique quelque consolation pour
des dirigeants arabes que leurs peuples accusent d’impuissance à se porter au
secours de leurs frères en Palestine, en demandant qu’ils soient remplacés sans
délai par des gens plus à même de faire face à leurs responsabilités, cette
impuissance américaine tire, simultanément, le tapis de dessous les pieds de ces
mêmes dirigeants et de leurs initiatives de paix. En effet, les dirigeants du
“camp de la paix” arabe ont élaboré leur pari, depuis l’époque de feu le
président Anwar ElSadate, sur l’idée que 99 % de la solution était entre les
mains de l’Amérique. Dans cette optique, il suffirait de convaincre les
dirigeants américains de la nécessité de soutenir cette solution, et de donner à
ces dirigeants toutes les marques d’allégeance, d’obéissance, en s’engageant à
soutenir leurs intérêts, pour que la puissance américaine fasse son devoir en
convainquant Israël de faire les minuscules concessions indispensables à la
réalisation de la paix des braves. Il a été établi, au cours des semaines
écoulées, que les Etats-Unis et leur gouvernement sont encore plus impuissants
que les dirigeants arabes et que les dirigeants de l’Amérique s’aplatissent
devant Israël encore plus que les dirigeants arabes ne s’aplatissent devant
l’Amérique.
Devant cette réalité, l’idée selon laquelle s’aplatir devant
l’Amérique remplirait la fonction qu’on attend de cette attitude, à savoir
parvenir à un marchandage à même de permettre aux dirigeants arabes de garder la
face (ou tout au moins ce qu’il en reste), en éloignant le spectre du désastre
pour tout le monde. Peut-être alors la solution est-elle de trouver
l’intermédiaire idoine et de s’orienter sans plus attendre vers l’aplatissement
aux pieds d’Israël : c’est ce qu’a fait, en effet, la direction palestinienne à
Oslo, ainsi que la Jordanie, bien qu’à un moindre degré. Mais comme la crise
actuelle le montre, cette solution n’a pas, elle non plus, abouti, semble-t-il,
aux résultats attendus. Durant les huit années consécutives aux accords d’Oslo,
signés en septembre 1993, la direction palestinienne a tout fait, absolument
tout, afin de donner satisfaction aux Bani Ya’kub (les Juifs, ndt). Elle a
dépensé tout l’argent dont elle disposait pour construire des prisons et des
camps de détention, pour enrôler des dizaines de milliers d’hommes dans des
services de police et de sécurité innombrables et, cela, afin de punir tous ceux
qui auraient eu la fantaisie de mettre en colère les maîtres ou de troubler la
quiétude de leur occupation. Mais ces services n’ont pas permis ne serait-ce que
de mettre en application les accords partiels signées par les Israéliens, ni
d’amener à une solution définitive satisfaisant, et de très loin, au minimum
requis par les aspirations légitimes du peuple palestinien.
Sans doute la
preuve la plus éloquente de l’échec de cette politique est-elle apportée par le
destin du colonel Jubraïl al-Rajub, commandant de ce que l’on appelle “la
sécurité préventive” en Cisjordanie. Cet homme surpassait tous ses homologues en
termes de sens des responsabilités et d’énergie à sévir contre les Palestiniens
opposants à Israël, à les humilier et à les mépriser. Il a poursuivi cette
abnégation même après avoir réchappé à une tentative d’assassinat ciblé
israélien. Il était même allé jusqu’à garder ses propres prisonniers
palestiniens jusqu’à ce que son QG subisse une attaque impitoyable des forces
israéliennes, qui ne devait l’épargner ni lui, ni ceux qui étaient dans sa
poigne d’acier, mais tout cela ne lui a été d’aucun secours, ne lui valant même
pas un minimum de reconnaissance de la part d’Israël, pas même son acceptation
comme partenaire dans le fameux “processus de paix”.
Ce paradoxe ne saurait
être attribué à l’insuffisance des dirigeants arabes, bien qu’il s’agisse là
d’une réalité incontestable. Il est lié à l’équilibre des forces sur le plan
international, auquel s’ajoute la nature des régimes en question. En effet, les
régimes arabes souffrent d’une double crise, qui s’incarne dans la faiblesse de
la légitimité dont ils peuvent se réclamer et du soutien populaire dont ils
bénéficient, d’une part, et d’autre part, de leur succès à intimer à toutes les
voix discordantes l’ordre de se taire. En contre-partie, les systèmes
politiques, en Israël et aux Etats-Unis, ne souffrent d’aucune faiblesse en
matière de légitimité et n’ont nulle crainte du pluralisme des opinions, mais au
contraire s’en renforcent dans la confrontation avec les régimes arabes
monolithiques. C’est pourquoi nous constatons que le gouvernement Sharon
comporte en son sein des partis qui pourraient considérer le Hamas, en
comparaison avec eux-mêmes, comme extrêmement modéré et pacifiste. Mais le
gouvernement israélien n’accepte pas que l’on publie un quelconque article
critique, dans une quelconque publication palestinienne et il considère que
Yasser Arafat est responsable de tout attaque anti-israélienne, que cette
attaque soit armée ou simplement verbale.
Cette situation est rendue encore
plus complexe, si besoin était, par la composition de la société internationale
actuelle, laquelle rejette les notions de piété filiale et de générosité
charitable, ne se préoccupant que de violence, dans ses diverses manifestations.
Ainsi, par exemple au Kossovo, les Albanais ont souffert pendant des décennies
de l’oppression et de l’humiliation, sans que quiconque ne se préoccupât de leur
sort. Mais à peine les Kossovars eurent-ils pris les armes et menacé la
stabilité de l’Europe, l’ONU et l’OTAN, et avec eux le monde entier, sont
accouru pour régler le problème. Dans notre monde arabe, qu’il suffise de faire
la comparaison avec l’occupation israélienne des territoires arabes, en Syrie et
au Liban. Dans le premier cas, la Syrie s’est engagée dans le choix de la paix.
Elle a attendu sans intervenir que vienne le jour où enfin Israël mettrait en
applications les résolutions du Conseil de sécurité, en lui restituant le
plateau du Golan. Quant au Liban, la résistance ne s’y est en aucun cas reposé
sur Kofi Annan, mais elle a pris ses responsabilités et elle a eu recours aux
armes. Résultat : le Golan est toujours aussi occupé, tandis que le sud-Liban
s’est, lui, débarrassé des forces israéliennes d’occupation.
Ainsi, on le
voit, les Arabes sont impuissants à pratiquer l’un quelconque des deux langages
de notre époque : le langage de la force et le langage de la démocratie et des
droits légitimes. Quant à la voix de la soumission, la seule qu’ils connaissent
encore, elle n’est pas de grand secours dans un monde où la reconnaissance et la
bonté ne jouissent d’aucune considération, comme nous l’avons indiqué. Ainsi,
d’une manière générale, quiconque s’abaisse à la mendicité est incapable de
dicter à son bienfaiteur ce que ce dernier daignera en fin de compte jeter dans
sa sébile. Dans la loi de la jungle qui règne sur l’arène internationale de nos
jours, la mendicité ne sert à rien, à moins qu’il ne s’agisse de mise à
l’épreuve. Ainsi, le président américain ne peut que se rendre au Congrès pour
lui demander d’arracher les territoires à Israël et de les offrir en cadeau aux
Arabes en signe de reconnaissance et de générosité. Plus, il doit convaincre le
Congrès que les intérêts de l’Amérique l’imposent, et que ces intérêts seront en
danger tant que ses exigences n’auront pas été satisfaites. Quand on connaît
l’hégémonie sioniste sur la scène politique et dans les médias, aux Etats-Unis,
le président et les membres du Congrès ne sauraient que déplaire à Israël, faute
de quoi leurs intérêts propres seraient remis en cause avant même ceux de
l’Amérique.
En ce qui concerne cette fois Israël, il y règne un régime
démocratique, jusqu’à un certain point. L’éventualité que les Arabes et
l’Amérique lui demandent l’aumône est rendue invraisemblable, elle aussi, par
les équilibres de pouvoir à l’intérieur même d’Israël. Il s’agit d’équilibres
qui n’ont cessé de tendre, malheureusement pour les Arabes, vers la satisfaction
des intérêts des éléments les plus extrémistes, ce qui est, là encore, une
conséquence de la faiblesse des Arabes. En effet, les éléments israéliens
favorables à une paix significative avec les Arabes sont très affaiblis, non pas
à cause des opérations du Hamas ou du “terrorisme”, contrairement à ce que
d’aucuns avancent, mais exactement à cause du contraire. Nous n’avons jamais
entendu, par exemple, parler des partisans de Kahana jusqu’à ce qu’ils
s’opposent au retrait de l’armée israélienne du sud-Liban, après les coups très
douloureux qui lui furent portés par les “terroristes” du
Hizbollah.
L’impuissance américaine est le reflet de l’arrogance israélienne,
laquelle est, à son tour, le reflet de l’impuissance arabe. Dans le marché
mondial contemporain, le client n’obtient que ce dont il est prêt à payer le
prix ou ce dont il serait capable de payer le prix. Ainsi, les riches deviennent
de plus en plus riches et les pauvres deviennent de plus en plus pauvres, et
cela vaut, également, pour celui qui réclame son droit usurpé. Ainsi, l’Egypte
n’a-t-elle récupéré le Sinaï qu’après avoir apporté la preuve qu’elle était
capable de menacer l’emprise d’Israël sur elle, ainsi que sur le Golan. Ainsi le
Liban n’a-t-il récupéré son territoire, au sud, qu’après avoir fait s’élever le
prix de la main-mise israélienne sur celui-ci jusqu’à un niveau qu’Israël ne
pouvait plus supporter de payer. Il en va de même dans la crise actuelle, où les
Etats-Unis n’ont pas bougé le petit doigt afin de défendre les Palestiniens
jusqu’à ce que l’Intifada ait créé un véritable tremblement de terre, non pas
seulement sous les pieds d’Israël, mais aussi sous les pieds des alliés arabes
de l’Amérique. C’est à cause de l’Intifada que les appels au secours et la
mendicité des alliés de l’Amérique se sont transformés en défi involontaire. Car
la terreur qui s’est emparée des régimes (arabes) s’est transformé en terreur
ressentie à Washington, ainsi qu’à Tel-Aviv.
En résumé, la solution
pacifique, dans la logique des choses actuelle, ne pourra prendre place qu’après
une guerre, ou après une menace de guerre, du point de vue d’Israël. Car les
conditions de la paix sont réunies, la paix existe, d’autant plus que les Arabes
ne cessent de répéter, du matin jusqu’au soir, qu’ils ne toucheront pas à un
seul tank israélien, qu’ils s’engagent à faire de leurs Etats, y compris
l’Autorité palestinienne, des lignes de défense avancées contre quiconque
envisagerait de porter atteinte à la sécurité d’Israël. Ce qu’ayant fait, ils
escomptent que l’Amérique fasse pression sur Israël afin que celui-ci leur fasse
des concessions. Plus : certains demandent à Israël d’autoriser l’envoi de
forces internationales qui mettent les Palestiniens à l’abri de sa terreur. Au
nom de quelle logique, sous quel prétexte Israël pourrait-il accepter cela ? Si
Israël voulait mettre un terme à sa terreur, ne le ferait-il pas sur le champ,
et de lui-même ?
La seule logique qui puisse amener Israël à accepter une
présence étrangère, ce serait si cette présence étrangère était destinée à le
protéger contre un danger qui le menacerait. Si les Arabes veulent obtenir cette
présence étrangère, il devront nécessairement créer la menace nécessaire. Ils ne
le feront pas, dans le statu quo actuel, caractérisé par la fragilité de leurs
régimes et la faiblesse tant de leurs potentialités que de leur
volonté.
3. Sharon propose de court-circuiter Arafat
dans de futures négociations par Todd S. Purdum & Steven
Erlanger
in The New York Times (quotidien américain) du mardi 7 mai
2002
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Le premier ministre israélien Ariel
Sharon a entamé ses conversations avec les dirigeants de l’administration Bush,
ici, ce jour, soulignant sa vision de la phase qui s’ouvre en matière de paix au
Moyen-Orient, recherche de la paix qui, pour lui, devrait ignorer Yasser Arafat
et ne proposer que des étapes intérimaires en vue d’un Etat palestinien, ont
indiqué des officiels israéliens et américains.
“Tout le monde sait que nous
n’allons pas nous mettre à tracer des lignes frontalières pour un statut
définitif, ni diviser Jérusalem”, a déclaré un officiel israélien aujourd’hui.
“Ce n’est vraiment pas à l’ordre du jour”.
Les responsables israéliens ont
renforcé leurs plaidoiries contre M. Arafat et ont continué à faire circuler des
documents dont ils affirment qu’ils prouvent que l’Arabie saoudite finançait les
familles de terroristes-kamikazes.
Pendant ce temps, le roi Abdullah II de
Jordanie et le ministre saoudien des Affaires étrangères, tous deux à
Washington, poursuivaient leurs propres objectifs, incluant la recherche de
soutiens pour M. Arafat, durant une journée de diplomatie derrière les portes
closes, avec le secrétaire d’Etat, Colin L. Powell.
Dans un discours prononcé
ici, ce soir, par M. Sharon devant la Ligue anti-diffamation (la Licra
américaine, ndt), il a exprimé son soulagement de voir que l’ONU a été contraint
d’abandonner une mission d’enquête proposée, sur les agissements d’Israël dans
le camp de réfugiés palestiniens de Jenine, qualifiant les accusations
palestiniennes de massacre de “diffamation palestinienne sanglante”. Il a
remercié le président Bush et le secrétaire d’Etat Powell pour leur aide dans
l’enterrement de cette mission, disant notamment : “Ils ont su se montrer très
fermes afin de ne pas permettre que des soldats israéliens soient
interrogés.”
M. Bush, qui doit rencontrer M. Sharon mardi, a renouvelé ses
critiques acerbes contre M. Arafat, mais il n’a pas fait écho aux exigences de
M. Sharon que le dirigeant palestinien soit remplacé. Au contraire, il a exhorté
Arafat et les autres dirigeants au Moyen-Orient à “assumer leurs
responsabilités” et à “gouverner”.
“Il m’a déçu”, a confié M. Bush à des
journalistes durant une visite dans un collège du Michigan, à Southfield,
parlant de M. Arafat. “Il doit diriger. Il doit montrer au monde qu’il croit en
la paix.”
Mais, a-t-il ajouté, “afin de parvenir à la paix, toutes les
parties - les pays arabes, Israël, le président Arafat et l’Autorité
palestinienne - doivent assumer leurs responsabilités et décider.”
Dans son
discours, ce soir, M. Sharon n’a donné aucune précision sur ses idées, mais il a
déclaré qu’Israël avait dû faire face à “une campagne brutale de terreur
suscitée et encouragée par l’Autorité palestinienne et son chef.”
Ne citant
pas le nom de M. Arafat, Sharon a poursuivi : “une Autorité palestinienne
responsable et capable de promouvoir la cause de la paix ne saurait dépendre de
la volonté d’un seul homme.”
La “diffamation sanglante” mentionnée dans son
discours est une expression que M. Sharon affectionne. Avant de l’employer au
sujet des accusations (portées contre Israël) au sujet de Jenine, il avait
accusé l’hebdomadaire Time magazine de “diffamation sanglante” dans un procès
qu’il avait intenté à cette publication, il y a une vingtaine d’années.
En
Israël, des pourparlers se sont poursuivis pour examiner la façon de dénouer la
crise du siège militaire imposé à l’Eglise de la Nativité, à Bethléem, dans
laquelle plus de 120 personnes sont assiégées. Israël exige que lui soient remis
des activistes palestiniens figurant sur une liste de personnes recherchées. En
échange, Israël affirme qu’il se retirera de Bethléem, dernière zone importante
sous souveraineté palestinienne encore occupée militairement.
Les grandes
lignes d’un accord ont été tracées dimanche dernier, mais des officiels ont
indiqué que M. Arafat avait objecté à l’exigence d’Israël d’exiler 13 hommes de
la région, probablement vers l’Italie, en s’en tenant à l’envoi en relégation de
seulement six hommes. Des responsables israéliens ont indiqué penser que M.
Arafat était réticent à donner à M. Sharon une quelconque victoire avant sa
rencontre avec M. Bush, qui a exercé des pressions intenses afin qu’une issue
soit trouvée à l’impasse.
Sur ces entrefaites, des diplomates arabes ont
indiqué qu’ils espéraient que le président égyptien Hosni Mubarak, le président
syrien Bashar al-Assad et le prince régnant Abdullah d’Arabie saoudite
rencontreraient M. Arafat dans la cité balnéaire égyptienne de Sharm elSheykh,
ce week-end, afin de l’encourager à contrôler la violence et à aplanir le chemin
en vue d’une reprise des négociations de paix.
Mais la série désordonnées de
réunions qui se succèdent ici à Washington ont contribué à souligner les
gouffres séparant les positions respectives des Arabes, d’Israël et des
Etats-Unis. Des responsables israéliens appartenant au parti de M. Sharon ont
publié un document de 85 pages dont ils disent qu’il contient les preuves de
paiements saoudiens de pensions aux familles de kamikazes (palestiniens) ainsi
qu’au groupe terroriste Hamas. L’ambassadeur d’Arabie saoudite à Washington, le
prince Bandar bin Sultan, a publié un communiqué rejetant ces allégations
qualifiées de “totalement fallacieuses et sans fondement.”
Depuis quelques
jours, les responsables israéliens font circuler ces documents ainsi que des
documents saisis allant dans ce sens, alléguant la complicité de M. Arafat dans
des attentats terroristes.
Mais aujourd’hui, la moutarde est montée au nez de
responsables saoudiens. Le prince Bandar a fait état de sa frustration devant le
manque d’enthousiasme de M. Sharon à soutenir l’initiative de paix proposée
récemment par son pays, appelant à une reconnaissance générale d’Israël par
l’ensemble des pays arabes en échange du retrait israélien de l’ensemble des
territoires occupés.
“La question posée, a dit le prince, est celle de savoir
s’il arrive parfois à M. Sharon de répondre à une question par “oui”“...
Ni
les Israéliens ni l’administration Bush ne sont disposés à donner des détails
sur les conversations prévues entre M. Sharon et le président américain, mais
ils ont laissé filtrer suffisamment de “fuites” pour que l’on puisse prévoir
quelques tensions dans l’air.
Des hauts responsables européens et arabes ont
répété que tout nouvel effort de paix exigera un calendrier précis et minuté en
vue de la création garantie d’un Etat palestinien. Des officiels israéliens ont
fait savoir que pour le moment M. Sharon était disposé à ne discuter que de
mesures intérimaires dans ce sens, tandis qu’Israël renforce ses mesures de
sécurité et se réserve le droit d’opérer des raids stratégiques dans des zones
palestiniennes, dans le court terme, dût la violence se poursuivre.
“Je pense
que nous sommes aujourd’hui dans une phase d’observation, afin d’examiner
quelles mesures sont susceptibles d’être adoptées, des premiers pas sur le
chemin d’une solution définitive, mais certainement pas un accord définitif tout
de suite”, a indiqué un officiel israélien. Personne ne veut clore les
négociations sur le règlement définitif”. Mais, a-t-il ajouté, Israël n’est pas
près, aujourd’hui, pour ces négociations.
“La flexibilité que Sharon
s’apprête à offrir ne saurait déboucher sur le vide”, a poursuivi l’Israélien.
“Elle présuppose une coopération en matière de sécurité. Si les attentats
reprennent, nous reviendrons (dans les territoires) immédiatement.”
Le
secrétaire d’Etat Powell a rencontré M. Sharon dans sa suite, durant environ 45
minutes, mais les deux hommes n’ont pas rencontré les journalistes. En sortant,
M. Powell s’est contenté de déclarer : “nous avons eu une réunion intéressante
et cordiale”.
Des responsables israéliens et américains ont indiqué que M.
Sharon n’avait pas apporté son “dossier Arafat” à son rendez-vous avec M.
Powell, et que ce document n’avait été produit, en passant, qu’au cours d’une
rencontre ultérieure, avec le secrétaire à la Défense, Donald H.
Rumsfeld.
Powell, après avoir rencontré le roi Abdullah II de Jordanie au
Département d’Etat, a indiqué que lui-même et M. Sharon avaient discuté des
moyens d’améliorer la sécurité, de reconstruire les institutions palestiniennes
et de préparer le terrain en vue d’une solution politique au conflit, mais il a
précisé que l’administration (américaine) elle-même n’avait pas encore arrêté de
manière définitive le modus operandi.
“Différents points de vue se sont
exprimés, sur la dimension politique (du conflit)”, a dit Powell. “Et ce que
nous allons discuter avec nos amis, au cours des semaines à venir, c’est la
nature d’un règlement global, ou d’un règlement qui devrait impliquer des étapes
définies sur la voie vers un règlement global. Nous n’avons pas encore arrêté
notre position à ce sujet, et c’est la raison pour laquelle nous poursuivons nos
consultations avec les pays amis (des Etats-Unis)”.
Après avoir rencontré le
secrétaire d’Etat Powell au Département d’Etat, le ministre saoudien des
Affaires étrangères, le prince Saud al-Fayçal, a déclaré qu’il ne pouvait pas
encore donner d’avis sur une conférence de paix au Moyen-Orient au niveau des
ministres des Affaires étrangères, conférence proposée par les Etats-Unis, car
trop de détails demeuraient encore dans le flou.
A la question qu’on lui
avait posée, en arabe, de savoir s’il avait l’intention de rencontrer quelqu’un
appartenant à la délégation de M. Sharon, profitant de leur présence tous les
deux à Washington, le prince Saud répondit, d’abord en arabe, puis en d’autres
langues : “C’est la’, non, no, nyet et nein !”
4. Les Etats-Unis
“encouragent” Israël à intégrer Arafat à des négociations par Todd S.
Purdum & Judith Miller
in The New York Times (quotidien américain) du
dimanche 5 mai 2002
[traduit de l'anglais par
Marcel Charbonnier]
La Maison Blanche déploie des
efforts de dernière minute afin de persuader le gouvernement israélien de la
nécessité de traiter avec Yasser Arafat, en dépit du fait que les Israéliens
continuent à mener une campagne intensive afin de le discréditer.
Les deux
campagnes contraires se déploient tandis que l’on prépare, ici, à Washington,
une rencontre entre le président Bush et le premier ministre Ariel Sharon,
mardi.
Le défi immédiat que devra relever M. Bush, indique l’un de ses
principaux assistants en matière de politique étrangère, sera de “convaincre les
Israéliens qu’il est dans leur intérêt, à long terme, de traiter avec Arafat,
aussi fautif soit-il.”
Mais, au cours des derniers jours, des officiels
israéliens ont déployé une campagne intensive afin d’écarter M. Arafat et
l’Autorité palestinienne en tant que négociateurs plausibles, en se basant sur
des documents saisis par Israël au cours de ses opérations en Cisjordanie, et
sur les interrogatoires de quelque 1 800 Palestiniens arrêtés durant
l’offensive, parmi lesquels des associés éminents de M. Arafat.
Les
responsables des services de renseignement israéliens ont “briefé” leurs
homologues de Washington, les informant de ce qu’ils affirment être des preuves
établissant clairement que l’Autorité palestinienne dirige un réseau terroriste,
lequel planifie, finance et exécute ses propres attentats-suicides contre des
civils (israéliens) et coopère avec des formations islamistes.
Israël a
commencé à rendre public un échantillonnage des éléments qu’il prétend avoir
recueillis au cours de sa plus vaste offensive terrestre en plus de vingt ans :
des armes artisanales, des camouflages, des cartes d’identité israéliennes
volées, des posters célébrant des terroristes-kamikazes, ainsi qu’une partie des
quelque 500 000 documents saisis. (Y z’exagèrent pas un peu, là ? Ndt)
Le
gouvernement israélien a déclaré ce jour qu’il publierait un dossier d’une
centaine de pages, dimanche, détaillant “les liens financiers de M. Arafat avec
les organisations terroristes palestiniennes, ainsi que son implication
personnelle dans les activités de celles-ci”
Parmi ces documents, certains
semble établir l’accord de M. Arafat pour le paiement du perpétrateur d’un
attentat contre un repas de bat mitzvah, qui avait causé la mort de six
personnes et cinquante blessés, ainsi que sa signature d’un arrêté portant
création d’une usine palestinienne d’armement lourd.
(Les Israéliens ont
trouvé) aussi un document portant le logo du Comité saoudien d’assistance à
l’Intifada d’Al-Quds, document qui, aux dires des Israéliens, comporte la
répartition d’allocations d’un montant total de 500 000 dollars aux familles de
cent deux “martyrs”, dont au moins huit étaient impliqués dans des
attentats-suicides.
Les Palestiniens mettent en doute l’authenticité de ces
documents, et il est évident que leur publication par Israël vise à mettre
l’accent sur une contradiction chez M. Bush entre la façon dont il traite les
groupes terroristes (dans le cadre de sa croisade mondiale, ndt) et celle dont
son administration préconise de continuer à traiter avec M. Arafat.
Dimanche,
des responsables de la Maison Blanche ont indiqué que même si ces documents sont
convainquants, ils n’en obèrent pas pour autant l’absolue nécessité qu’il y a de
travailler avec M. Arafat dans le cadre d’un plan de paix dans le genre de celui
que M. Bush s’efforce de mettre en place avec l’aide de pays arabes amis des
Etats-Unis.
M. Sharon, attendu à Washington dimanche soir, avancera
vraisemblablement l’argument selon lequel les efforts de M. Bush en vue de la
promotion d’une paix sont condamnés à l’échec aussi longtemps qu’ils dépendront
du dirigeant palestinien.
“Les Israéliens ont été extrêmement choqués par la
quantité d’informations qu’ils ont trouvée” sur les liens de l’Autorité
palestinienne avec le terrorisme, au cours de leurs derniers coups de filet et
descentes dans les zones palestiniennes, a indiqué un haut fonctionnaire de
l’administration américaine. “Même s’ils ne pensent pas que la collusion avec
certains de ces groupes terroristes allait très loin”, a-t-il précisé.
Il
n’en reste pas moins, a poursuivi ce haut responsable américain, parlant du
gouvernement de M. Sharon, “qu’ils doivent comprendre que ce n’est qu’en ayant
une Autorité palestinienne responsable [ce qu’elle est, de notre point de vue]
que nous pourrons résoudre ces questions, et que Yasser Arafat est le dirigeant
de cette Autorité palestinienne.”
La rencontre en tête à tête entre M. Sharon
et le président américain, prévue mardi après-midi dans le Bureau Ovale (de la
Maison Blanche) promet d’être une confrontation inhabituelle et risquée entre
les deux leaders conservateurs, dont le franc-parler de l’un comme de l’autre
est connu.
Des officiels de l’administration américaine ont mené des
conversations intenses avec leurs partenaires israéliens dans le but de faire de
cette rencontre en tête à tête, d’une heure, un succès. Avant de rencontrer M.
Bush, M. Sharon doit rencontrer plusieurs responsables de l’administration
américaine, dont le secrétaire à la Défense Donald H. Rumsfeld, le
vice-président Dick Cheney et la conseillère en matière de sécurité nationale,
Condoleezza Rice.
MM. Bush et Sharon semblent avoir rompu la glace, il y a
quatre ans de cela, lorsque M. Sharon avait invité M. Bush, alors gouverneur de
l’Etat du Texas, dans son hélicoptère personnel, pour une découverte de la
Cisjordanie et de la bande de Gaza depuis les airs (!). Mais, au cours du mois
écoulé, cette relation s’est envenimée, M. Bush ayant été absolument furieux du
refus de M. Sharon d’obtempérer à son appel à un retrait “sans délai” de la
Cisjordanie.
Cette semaine, la crise s’est quelque peu apaisée, avec le
retrait d’Israël de Ramallah et son accord à la “libération” de M. Arafat -
concession qui a rendu possible l’invitation de M. Sharon à Washington. Un
responsable américain a dit que M. Sharon “sait désormais que le soutien du
président (Bush) ne saurait être automatique.”
En Israël, des officiels ont
indiqué que M. Sharon va s’attacher à réaliser trois objectifs, durant sa visite
aux Etats-Unis. L’un de ces objectifs est le remplacement de M. Arafat par un
nouveau dirigeant palestinien, le second étant le déploiement d’idées concrètes
en vue de la conférence sur le Moyen-Orient que le secrétaire d’Etat Colin L.
Powell a proposée à l’échéance de cet été, et, enfin, la coordination politique
entre les Etats-Unis et Israël.
Au sujet de la conférence estivale, “nous ne
voulons pas y aller et y avoir la surprise d’une initiative à laquelle nous
n’aurions aucune part”, a indiqué un officiel israélien. Cette conférence
pourrait réunir des ministres des Affaires étrangères de pays arabes, d’Europe,
de Russie, ainsi que d’Israël et des Etats-Unis, afin de discuter différentes
possibilités.
Mais Israël exigera que la Syrie ne soit pas admise à cette
conférence, puisqu’aussi bien ce pays est accusé d’héberger des terroristes, a
indiqué un officiel israélien. Certains pays arabes ont commencé eux aussi, dès
aujourd’hui, à édicter les conditions de leur participation. Le ministre
égyptien des Affaires étrangères a ainsi indiqué qu’Israël doit se retirer de
tous les territoires sous souveraineté palestinienne avant que des discussions,
dans le cadre d’une conférence de paix, soient envisageables, a rapporté
l’agence Reuters.
A Washington, une question demeure pendante : celle de
savoir jusqu’où M. Bush peut - ou veut - pousser M. Sharon afin de le convaincre
d’envisager favorablement un plan visant à remettre à l’ordre du jour des
négociations avec les Palestiniens.
Le père de l’actuel président américain
avait recherché des négociations, il y a dix ans, et le président Clinton avait
marché dans ses brisées jusqu’à ce que ces négociations échouent, à la fin de
son mandat.
M. Sharon a jusqu’ici freiné des quatre fers, et l’on s’attend à
ce qu’il cherche à s’attirer, ici, à Washington, les bonnes grâces de la droite
du parti républicain, lequel accuse M. Bush de ne pas soutenir suffisamment la
ligne dure adoptée par Israël.
M. Sharon demandera vraisemblablement son
soutien pour un bannissement de M. Arafat.
La position de la Maison Blanche
consiste à dire que M. Bush s’efforce de suivre ce qui lui semble être la
meilleure stratégie, sans égard pour les pressions qui pourraient émaner du sein
de son propre parti. Mais ses conseillers politiques ont une claire conscience
que les alliés de M. Bush sont beaucoup plus critiques sur sa position
(personnelle) que ne le sont ses adversaires démocrates
(eux-mêmes).
L’approche diplomatique annoncée il y a tout juste un mois par
M. Bush est menacée par le refus opposé par M. Sharon à toute idée de traiter
avec M. Arafat. L’approche Bush envisage une sorte de division du travail, dans
laquelle les pays arabes, emmenés par l’Arabie saoudite, l’Egypte et la
Jordanie, se verront confier la mission d’exercer une pression sur M. Arafat,
tandis que le président américain se fait fort, de son côté, de presser M.
Sharon d’adopter des mesures concrètes allant dans le sens de la création d’un
Etat palestinien.
Deux jours après le départ de M. Sharon, le roi Abdullah II
de Jordanie arrivera à Washington pour des conversations avec M. Bush sur les
étapes suivantes, consistant à contraindre M. Arafat à retenir les extrémistes
et à maintenir le couvercle sur la marmite des kamikazes.
M. Bush insiste sur
le fait qu’il est persuadé que son approche peut fonctionner, mais seulement si
tant les Israéliens que les Palestiniens suivent sa baguette de chef
d’orchestre. “Je suis optimiste. Nous avons fait de grands et bons progrès”,
a-t-il déclaré mercredi dernier, après une rencontre avec des dirigeants
européens, consacrée au Moyen-Orient, à la Maison Blanche.
“Après tout, il
n’y a pas plus d’une semaine, Yasser Arafat était coincé dans son bâtiment de
Ramallah, un bâtiment plein de pacifistes manifestement allemands (!) (Bush a
l’air de craindre que José Bové soit un clone d’Adolf Hitler, ndt), ainsi que de
toutes sortes de gens (louches, ndt). Maintenant, (tout ce petit monde) est
dehors. (Arafat) est de nouveau libre et à même de montrer qu’il est un chef,
capable d’agir dans le monde.”
En privé (!), Bush a dit à Sharon qu’il
n’avait absolument aucune confiance en Arafat et qu’il aimerait bien trouver un
autre Palestinien avec qui négocier, a indiqué un officiel américain (!!). Le
secrétaire d’Etat Powell a eu des rencontres multiples avec certains adjoints
d’Arafat, mais personne, dans l’administration américaine, n’a trouvé le moyen
de mettre à l’écart M. Arafat lui-même, qui demeure le dirigeant élu (des
Palestiniens).
Ainsi, d’après des sources officielles de l’administration
américaine, M. Bush envisage de dire à M. Sharon que la stratégie consistant à
faire en sorte que des pays arabes fassent pression sur le dirigeant palestinien
fonctionne, afin que M. Sharon ne puisse rien dire ni faire qui soit susceptible
de contrarier cette stratégie.
“Nous pensons pouvoir dire que nous avons
constaté certaines avancées, notamment à Crawford”, a déclaré un haut
responsable américain très impliqué dans les négociations, au cours d’une
interview, vendredi dernier. Il faisait allusion à la rencontre entre M. Bush et
le Prince régnant Abdullah d’Arabie saoudite, tenue dans le ranch texan du
président, à Crawford, il y a une dizaine de jours.
“Les Saoudiens ont été
très actifs afin d’amener Arafat à accepter le marchandage de Ramallah”, a dit
cet officiel, faisant allusion à l’accord des Palestiniens consistant à confier
à la bonne garde de surveillants américains et britanniques six Palestiniens
accusés par l’Autorité palestinienne du meurtrer du ministre israélien du
tourisme, en octobre dernier (Re’avam Ze’evi, ndt). “Et je pense que les
Egyptiens ont téléphoné à Arafat, eux aussi. Donc, on voit bien que cela peut
marcher”, si en effet les Saoudiens et les Egyptiens peuvent jouer de leur
influence afin de peser sur l’attitude de M. Arafat...
5. Jénine, enquête sur un crime de guerre -
La Palestine à feu et à sang par Amnon Kapeliouk
in Le Monde
Diplomatique du mois de mai 2002
(Amnon Kapeliouk est journaliste, et
vit à Jérusalem. Il est l'auteur de "Sabra et Chatila, enquête sur un massacre"
aux éditions du Seuil - Paris 1982.)
Le paysage défie toute description. Une incarnation
de l’horreur, une vision d’après ouragan. Des maisons détruites, totalement ou
partiellement, des débris de béton et de fer, des fils électriques entremêlés.
Des voitures pulvérisées par les chars ou les missiles ajoutent une dimension
barbare à cet effrayant spectacle. Une odeur âpre de cadavres flotte sur les
décombres. Rien ne demeure des infrastructures.
Au milieu du camp, un terrain
vague rectangulaire. C’était le quartier Haouachine, qui comptait quelque 150
maisons (sur un total de 1 100). Des bulldozers géants ont complètement démoli
ce quartier, avant d’en aplanir la surface. Des femmes, des vieux, des enfants,
des hommes errent dans les décombres, à la recherche de leurs proches
ensevelis.
Un homme de trente ans creuse la terre avec une pelle, tandis que
son fils dégage les débris avec ses mains. Ils espèrent trouver les membres de
leur famille qui y ont été enterrés vivants. Quelques dizaines de mètres plus
loin, trois hommes arrachent le cadavre de leur père, défiguré, des restes de ce
qui fut leur maison dans l’un des quartiers les plus pauvres de la Cisjordanie.
Dans le coin d’un bâtiment, à moitié détruit, une femme d’une quarantaine
d’années pleure et crie : “Dieu ! Venge-nous et fais mourir Sharon!” Des membres
de sa famille, insiste-t-elle, gisent sous les décombres. Quelques enfants
regardent autour d’eux, ébahis ; l’horreur a effacé tout sourire de leurs
visages. “Sharon, par sa folle et criminelle opération, a fait de tous ces
enfants de futurs suicidaires à la bombe. C’est lui, ce monstre, qui nous
poussera tous à riposter par tous les moyens, pour chasser son armée et ses
colons de notre terre”, dit une jeune femme dont toute la famille a été sauvée
en prenant la fuite dans le village voisin de Roummanéh, au premier jour de
l’assaut contre le camp. “Les destructions terribles dans le camp ont été faites
selon un plan minutieux. Sharon voulait nous terroriser”, explique Mouhammad
Abou ElHija, dentiste de 32 ans, dont la famille fut expulsée en 1948 de la
région de Haïfa, comme beaucoup d’autres habitants. De 80 % à 90 % des maisons
sont inhabitables. Sur le côté est et dans le centre de la localité, le ravage
est total. Le délégué général de l’Office de secours et de travaux des Nations
unies pour les réfugiés (UNRWA), M. Peter Hansen, a exprimé son horreur et
déclaré le camp zone sinistrée.
“Boucliers humains”
Jénine a été envahi le 3 avril, cinquième jour de
l’assaut contre les villes palestiniennes de Cisjordanie. Un tir nourri, des
obus de chars et des missiles d’hélicoptères ont signalé le commencement de
l’attaque contre le camp. Un couvre-feu a été décrété et les habitants terrifiés
ont trouvé refuge dans leurs maisons. Comme les chars ne pouvaient pénétrer dans
les ruelles, des bulldozers géants détruisaient les maisons des deux côtés. Une
deuxième vague de destruction a commencé quatre jours plus tard, visant
l’ensemble du centre, où s’élevaient des habitations de un à trois étages. C’est
là que des combattants palestiniens munis de kalachnikovs et d’explosifs
s’étaient regroupés pour faire face à l’une des armées les plus modernes du
monde. La bataille fut très dure et inégale. Les Palestiniens subirent des
pertes très lourdes, les blessés - des combattants, mais aussi, en majorité, des
civils - agonisèrent, l’armée interdisant aux ambulances du Croissant-Rouge de
circuler.
Le 9 avril, les Palestiniens tendirent une embuscade, dans laquelle
treize soldats furent tués. L’armée donna alors des consignes en vue d’éviter à
tout prix de nouvelles pertes. On tira donc à vue sur tout ce qui bougeait. Les
soldats n’avaient-ils pas été informés que le camp était un repère de
terroristes du Hamas et du Djihad ? Voilà qui justifiait une punition
collective... Le dynamitage des maisons s’est alors intensifié. Dans ce camp
comme dans toutes les villes palestiniennes, toute institution ou bureau de
l’Autorité palestinienne a été systématiquement détruit : il s’agissait d’en
anéantir tous les symboles et tous les moyens.
Chaque appartement fut
systématiquement fouillé : une fois la famille enfermée dans une seule pièce,
les soldats renversaient les meubles, ouvraient les armoires, jetant tout à
terre et semant un désordre indescriptible. Vols d’argent, de bijoux et même de
cigarettes se sont multipliés. Pour faire ouvrir les portes, ils se servaient
d’un “bouclier humain”, à savoir un habitant du camp les précédant - une
pratique qui relève du crime de guerre. S’il n’y avait pas de réponse, ils
faisaient sauter la porte à l’aide d’explosifs. Un “incident” parmi tant
d’autres : un “bouclier” affirme au soldat qu’il a entendu du bruit à
l’intérieur de la maison, mais celui-ci fait quand même exploser la porte,
blessant grièvement une femme. “Je regrette”, dit le soldat, avant de passer à
la porte suivante...
Les ruines de Jénine, à ciel ouvert, témoignent d’une
rage de destruction. Mais qu’en est-il du nombre de victimes ? Le camp comptait
14 500 âmes. Quelque mille personnes ont fui pour gagner les villages
avoisinants la veille de l’assaut. Le deuxième jour de l’entrée des blindés, des
haut-parleurs de l’armée ont appelé les Palestiniens à quitter le camp. Décrété
au début de l’opération, le couvre-feu a été levé pour faciliter leur départ. Ce
même jour et les suivants, plusieurs milliers de personnes sont parties à pied
vers sept petits villages de la région : 4 000 autres sont restées terrées dans
leur maison dans des conditions désastreuses : sans eau, ni nourriture, ni
électricité, sans pouvoir aller à l’hôpital et dans une atmosphère infernale de
tirs, de bombardements et d’explosions, jour et nuit.
Les hélicoptères ont
“arrosé” le camp sans pitié. Ici, seuls les Cobra, les redoutables “monstres”
qui opéraient durant la guerre du Vietnam, étaient en service. Un pilote de
l’escadrille, le lieutenant-colonel Sh., raconte : “Notre escadrille a lancé
pendant tous les jours des combats une quantité énorme de missiles à l’intérieur
du camp des réfugiés. Des centaines de missiles. Toute l’escadrille fut
mobilisée pour ces opérations, y compris des réservistes. (...) Pendant les
combats, il y avait toujours au-dessus de Jénine deux Cobra prêts à lancer un
missile vers la maison indiquée par le QG en bas (...). Les “combattants
volants” ne jureront pas que leurs missiles n’ont pas touché des
civils.”
Question. Est-ce que cela ne ressemble pas à un jeu vidéo truqué ?
Vous êtes là-haut avec un missile Taw, et eux sont armés avec des
kalachnikovs.
- Oui, ce n’est pas un combat à armes égales, et c’est bien que
ce soit ainsi. (...) Je n’ai jamais tiré un missile sur des femmes et des
enfants. Est-ce que je n’ai pas raccourci en fin de compte la vie d’êtres
humains ? La réponse est positive. Je n’y peux rien [1].”
L’intervention des
Cobra a fait l’objet de centaines d’heures de préparation. Le camp a été
photographié par satellite, chacune de ses maisons a reçu un numéro de quatre
chiffres, les deux pilotes avaient un carte, et, lorsqu’ils captaient un ordre
indiquant un numéro, le missile était aussitôt lancé sur la maison désignée.
Combien de personnes ont été touchées avec ces missiles ? Combien de victimes y
a-t-il eu parmi les combattants ? Et combien parmi les civils innocents ? Nul ne
saurait le dire.
“Ce n’est pas difficile d’imaginer ce qui se passe à
l’intérieur des maisons après tout ce qu’on a tiré dessus, dit un réserviste qui
requiert l’anonymat. (...) A la suite de la mort du commandant de notre
compagnie dans les premières minutes de combat, l’ordre que nous avons reçu
était très clair : il fallait tirer sur chaque fenêtre, arroser chaque bâtiment
sans tenir compte du fait qu’on tire ou non de là-bas. On nous a dit d’une façon
claire : “Cassez-les !” A partir de ce moment-là, nous avons craché des
munitions de toutes les armes que l’armée possède, sauf l’artillerie. Nous avons
tiré des dizaines de missiles à l’intérieur des maisons et utilisé des
mitraillettes lourdes contre chaque fenêtre. Nous avons même achevé un cheval
qui passait dans la rue.
“Chaque nuit, il fallait, selon les ordres,
“réveiller le camp”. Le but était de tirer contre [les combattants] pour les
inciter à riposter, et alors tirer exactement sur les endroits d’où provenait le
feu. Pourtant, en réalité, nous avons tiré des quantités énormes de munitions
dans toutes les directions. (...) Pendant le couvre-feu, il y avait des
“patrouilles violentes”. Un char “galopait” dans les rues désertes, écrasait
tout ce qu’il trouvait sur son chemin et ouvrait le feu sur ceux qui violaient
le couvre-feu.
- Avez-vous vu des victimes ?
- Moi, personnellement, non.
Ils étaient dans leurs maisons. Les derniers jours, la plupart de ceux qui sont
sortis des bâtiments étaient des vieillards, des femmes, des enfants qui avaient
subi notre feu. Nous ne leur avons laissé aucune chance de sortir du camp ; il
s’agit d’un grand nombre de personnes. Une nuit, j’ai monté la garde (dans un
appartement dans lequel nous nous étions installés). Toute la nuit j’ai entendu
une petite fille qui pleurait. Là-bas, il s’est produit une déshumanisation.
Certes, nous avons subi un feu nourri, mais, en revanche, nous avons effacé une
ville [2].”
Le 11 avril, les derniers combattants palestiniens ont cessé la
résistance.
Le grand nombre de victimes palestiniennes a choqué, en Israël,
tous ceux que révulse la politique de force du gouvernement, mais aussi tous
ceux qui redoutent que l’image de l’Etat juif en sorte ternie. Les pacifistes
ont manifesté dans les grandes villes du pays, tentant même de faire parvenir
une aide humanitaire à la population sinistrée. Même le ministre des affaires
étrangères, M. Shimon Pérès, s’est alarmé, selon le quotidien Haaretz, des
“réactions internatioanles hostiles dès que les dimensions de la bataille au
camp de réfugiés de Jénine, dans laquelle plus de cent Palestiniens ont été
tués, seront connues. Lors de conversations à huis clos, Pérès a qualifié
l’opération de “massacre” [3]”.
Le premier ministre s’étant emporté contre
ces “propos irresponsables”, M. Pérès a affirmé qu’il avait été mal cité. Mais
les faits sont têtus, et le nombre des victimes palestiniennes n’a cessé
d’augmenter. Le spécialiste des questions de défense au quotidien Haaretz, Zeev
Schiff, connu pour ses liens avec l’establishment militaire, a raconté que,
“après la fin des combats, au cours des premières fouilles, 80 cadavres ont été
trouvés. On estime que le nombre des victimes dans les combats s’élève à quelque
200 Palestiniens, y compris des civils, dont une partie est enterrée sous les
décombres des maisons effondrées [4]”. Le chiffre de 200 morts s’impose. Le
porte-parole de l’armée, le colonel Ron Kitri, l’utilise également [5].
Pour
les habitants du camp, ce nombre est sous-estimé. Pourtant, le ministre de la
défense, le travailliste Benjamin Ben Eliezer, déclare que le “vrai chiffre” est
de quelques dizaines. Un éditorialiste israélien s’interroge : “Est-il possible
que dans des combats aussi durs que ceux de Jénine, qui ont coûté la vie à 23
soldats israéliens et en ont blessé 60, auxquels ont participé des hélicoptères
d’assaut, des chars et des bulldozers lourds, avec des destructions tellement
importantes, le nombre des morts (palestiniens) soit si réduit. Il y a quelque
chose qui cloche dans ce calcul [6].”
Le secret du bilan exacte, de toute
façon très élevé, est enfoui sous les maisons détruites, ainsi que dans les
tombes palestiniennes et les fosses creusées par l’armée. Au cours des combats,
quinze victimes ont été enterrées par des habitants, dont huit devant l’hôpital.
Dans le côté est du camp, il existe un terrain vague où les soldats israéliens
ont, selon plusieurs témoins, creusé la terre avec un bulldozer, “et sans doute
enterré des cadavres”. Près du cimetière, quelques victimes ont été inhumées,
dont le nombre n’est pas connu. Il y avait aussi encore des dizaines de cadavres
dans les services de santé - 48 ont été ensevelis.
Enfin, le plus grand
secret entoure le transfert des cadavres ramassés dans le camp et emportés tout
d’abord au bois de Saadeh, dans le nord de la localité. De là, emballés par les
services du rabbinat militaire dans des sacs de plastique noirs, ils ont été
transportés par des camions réfrigérés vers le cimetière créé par l’armée, près
du pont Damiah, dans la vallée du Jourdain, pour les activistes palestiniens
(“cimetière des terroristes” pour les Israéliens, “cimetière des numéros” pour
les Palestiniens, à cause des numéros qui figurent, seuls, sur les tombes). Des
associations israéliennes des droits humains se sont adressées à la Cour suprême
pour faire cesser ces enterrements, mais le gros du “travail” avait déjà été
fait. Combien de cadavres y ont été transférés ? Mystère...
C’est dire que la
commission créée par le secrétaire général de l’ONU, mais dont M. Sharon a
commencé à contester la composition et les objectifs, a devant elle une lourde
tâche. De surcroît, elle devra aussi étudier l’interdiction faite, pendant onze
jours, à la Croix-Rouge, au Croissant-Rouge, ainsi qu’à diverses organisations
humanitaires, d’intervenir, en violation avec les conventions sur le droit de la
guerre. Les Palestiniens ont sollicité d’urgence l’envoi de matériel lourd pour
dégager les maisons détruites afin de chercher des survivants. Israël, qui
dispose des moyens en ce domaine, s’y est refusé. La longue fermeture hermétique
du lieu du désastre à la presse locale et internationale, inhabituelle dans ce
pays, a provoqué beaucoup de doutes sur les comptes rendus de l’armée et du
gouvernement. Qu’y avait-il à cacher ? La presse israélienne n’a pas été à la
hauteur des événements, sauf quelques journalistes qui n’ont pas respecté le mot
d’ordre “Silence, on tire !”
Désormais, le camp de réfugiés palestiniens de
Jénine appartiendra à la longue liste de crimes qui jalonnent le conflit
israélo-palestinien, du massacre de Qibya (1953) à celui de Sabra et Chatila
(1982). Avec, pour dénominateur commun, le général Ariel
Sharon.
[1] : Yediot Aharonot, Tel-Aviv, 19 avril
2002.
[2] : Ibidem.
[3] : Haaretz, 9 avril 2002.
[4] : Haaretz, 12
avril 2002.
[5] : Ibidem, 15 avril 2002.
[6] : Yediot Aharonot, 19 avril
2002.
6. Les associations de défense des droits de l’homme
(israéliennes, juives comme arabes) en butte à une campagne de grande envergure
visant à les exclure du consensus national par Roti Sinaï
in
Ha’Aretz (quotidien israélien) du jeudi 25 avril 2002 cité par Al-Quds Al-Arabi
(quotidien arabe publié à Londres) du mercredi 26 avril 2002
[traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
A l’occasion de la Journée de
l’Holocauste, célébrée (en Israël) il y a trois semaines, des militants arabes
des droits de l’homme ont demandé qu’une minute de silence soit respectée en
hommage aux victimes palestiniennes de l’Intifada. Cette demande a été formulée
au cours d’un débat réunissant des militants des droits de l’homme, arabes et
juifs, qui s’est déroulé en marge d’un congrès pédagogique axé sur la
démocratie, tenu à Nazareth. Cette demande a été justifiée par le fait que les
martyrs (victimes de l’Intifada) sont des victimes de la “situation” comme le
sont celles des attentats-suicides. Les militants arabes ont demandés également
que leurs homologues juifs publient un communiqué indiquant que leurs
associations respectives refusent de considérer Israël comme un Etat juif et
qu’Israël doit être l’Etat de tous ses citoyens.
Personnellement, j’ai
sursauté et je me suis dis que je voulais qu’Israël soit un Etat au caractère
national juif, mais dans lequel les citoyens arabes jouissent de droits égaux à
ceux des citoyens juifs. Mais on m’a très vite attaqué. On m’a dit que dans tout
Juif se cachait un nationaliste extrémiste, puis on a ajouté d’autres arguments
du même tonneau. Nous avons refusé également leur proposition d’observer une
minute de silence à la mémoire des martyrs. Je leur ai dit que, pour moi, “les
martyrs n’ont plus à être protégés par de quelconques droits de l’homme”. C’est
aussi l’avis de l’avocat Yuval Albshein, qui a créé la section des droits de
l’homme à l’université académique de droit de Ramat Gan, qu’il préside depuis
deux ans.
Cet incident met en lumière une faille qui va s’élargissant dans
les milieux des droits de l’homme dans le contexte de l’Intifada, d’une manière
générale, et en particulier depuis les opérations menées par l’armée israélienne
en Cisjordanie. Depuis le début de l’Intifada, les militants des droits de
l’homme sont en proie à une perplexité croissante. Dans certaines associations,
il y a eu des débats enflammés, au cours des derniers mois, portant sur la
démarche à adopter dans le contexte du conflit sentimental et moral où elles se
perdent en raison des attentats kamikazes.
Celles de ces associations qui se
considèrent comme fondamentalement sociales, et qui participaient autrefois à
des débats sur les droits de l’homme palestinien, préfèrent aujourd’hui se
replier sur leur anxiété au sujet des couches les plus pauvres de la population
israélienne. Elles n’élèvent d’ailleurs quasiment plus la voix sur les autres
sujets.
Le sommet de la crise a été atteint avec une attaque sans précédent,
au cours des deux semaines écoulées, contre les activités de l’association des
“Droits du citoyen”, que l’on considérait jusqu’ici comme une institution
jouissant du respect et de l’estime la plus large dans le public, bien qu’elle
ne se situe pas au centre du consensus national (israélien).
Il est vrai que
des tentatives nombreuses ont été déployées, déjà par le passé, visant à
déligitimer cette association, la mesure la plus évidente dans ce sens ayant été
une déclaration de Rabin selon qui cette association (était, en réalité)
“l’association des Droits du Hamas”. Mais les présidents de l’association, parmi
lesquels le conseiller juridique Dan Yaker, qui achèvera prochainement sa
vingtième année passée à son service, n’ont pas souvenir d’attaques contre eux
approchant de près ou de loin la campagne de dénigrement actuelle. Cette cabale
les angoisse, en particulier parce qu’une partie non négligeable d’entre ses
auteurs appartiennent à l’appareil judiciaire, au sein duquel l’association,
pourtant, s’est formée et a grandi au cours des années
écoulées.
L’association mentionne en particulier les critiques du conseiller
juridique du gouvernement, Eliakim Rubinstein, au cours d’une conférence
prononcée voici quinze jours à l’université Bar Ilan, dans laquelle il a fustigé
les obstacles mis par l’association devant l’armée israélienne au prétexte de
défendre les droits de l’homme.
Depuis que l’armée a pénétré dans les
régions autonomes A, il y a quatre semaines, l’association a saisi à quatre
reprises la Cour suprême de justice israélienne, en collaboration avec d’autres
associations, telle Adalah, qui assure le suivi du respect des droits en matière
judiciaire de la minorité arabe d’Israël. Les chances de voir ces interventions
aboutir étaient minimes. L’association a participé, en réalité, à une guerre de
propagande contre l’Etat, à travers cette action. Elever des protestations
n’était pas une action intelligente, elle n’a fait que porter atteinte à la
crédibilité de la Cour suprême, laquelle représente un point d’appui capital
pour la promotion des droits de l’homme. Albashein dit que le fait que les
associations de défense des droits de l’homme se considèrent de gauche pour
ainsi dire par définition obère la possibilité pour elles de développer leur
action. De là découle sa décision de s’adresser à des milieux nouveaux, et
notamment dans les colonies colonies, afin d’y faire parvenir le message des
droits de l’homme.
Du point de vue historique, des personnalités éminentes de
la droite ont défendu les droits de l’homme, en Israël, à l’instar de Ze’if
Jabotinsky, Menahem Begin et Dan Meridor. Le premier président de l’association,
Hans Klinghofer, était député de droite à la Knesseth. Le second, le juge
Shim’un Egrant, n’était pas du tout une personnalité politique. Les derniers
événements ont mis un terme aux efforts entrepris depuis un an par Albeshein,
visant à mobiliser la droite pour les activités de protection des droits de
l’homme.
Karmi n’est pas d’accord avec cela. Elle dit qu’il faut séparer la
théorie sociale fondée sur les principes de l’équité et les principes des droits
de l’homme. “On nous présente sous les traits de gens qui luttent contre l’Etat,
mais nos activités découlent, précisément, du souci profond que nous avons de
l’image donnée par l’Etat. Notre personnalité morale, en tant qu’Etat, se mesure
à l’aune de ce que nous faisons aux autres, et non à celle de ce que les autres
nous font”, ajoute Karmi. Ce à quoi on lui répond que les droits de l’homme
s’arrêtent là où est posée la question de savoir qui a l’intention de nous
porter du tort, tout en sachant que la clé réside dans l’universalité des droits
de l’homme, selon elle, sans égard à l’appartenance de cet homme à un groupe
déterminé.
Les critiques qui se sont abattues sur l’association portent sur
le fait, notamment, qu’elle serait sortie de la politique rationnelle et étudiée
qu’elle avait décidée, en pleine controverse sur les droits de l’homme, en
adoptant des positions extrémistes en matière de défense des Palestiniens. Karmi
refuse cette allégation en disant que les critères d’action de l’association
n’ont pas varié d’un iota.
Le Dr. Rohama Marton, présidente de l’association
(israélienne) des Médecins pour les Droits de l’homme dit que s’il est avéré que
l’Etat a bel et bien glissé vers la droite, l’association n’a, en revanche, pas
cessé d’agir au centre. Mme Marton considère que la tendance à adopter un
discours prétendument “équilibré” consistant à dire que toute critique du
comportement de l’armée doit être accompagné d’une critique des opérations
palestiniennes et que la défense des droits des Palestiniens implique
nécessairement la défense des droits des Israéliens aboutit à effacer la
réalité. Elle avance qu’il s’agit là “d’un faux problème”, ajoutant : “ainsi,
personnellement, je ne défends pas les attentats-suicides, très loin de là, mais
il ne saurait y avoir de tentative d’assimilation ou d’établissement d’une
équivalence entre l’occupant et celui qui ploie sous le joug de
l’occupation”.
Dans le contexte de la campagne menée contre elles, les
associations arabes et juives de défense des droits de l’homme (en Israël) ont
de plus en plus tendance à resserrer leurs liens. Les autres milieux ne sont pas
enclins à répondre à leurs appels. S’adresser au grand public est toujours aussi
difficile pour elles, car les médias sont mobilisés au service de l’Etat. Mais
ces associations sont convaincues du fait que la nécessité de défendre les
droits de l’homme devient plus évidente précisément en temps de crise, ce qui
est tout particulièrement le cas actuellement. Dans quelque temps, les mêmes
personnes qui adoptent actuellement des positions défensives jetteront un regard
en arrière et se diront qu’elles ne comprennent pas pourquoi elles ont fait ce
qu’elles font aujourd’hui. C’est ce qui s’est passé, au début de la guerre du
Liban (1982, ndt), quand tous ceux qui manifestaient pour protester contre cette
guerre étaient considérés comme des traîtres. Ce n’est qu’après la bataille que
les gens ont compris que cette petite minorité avait conscience de l’énormité de
la faute qui était commise alors.
7. La mosquée al-Khudra, de Naplouse, l’une des plus
anciennes du monde, détruite par les tanks israéliens se “creusant” un passage
dans la vieille ville par Ala’ Badarnéh
in Al-Quds Al-Arabi
(quotidien arabe publié à Londres) du mercredi 26 avril 2002
[traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
“Le muezzin continue ses appels... Il
faut que nous prions”, dit ‘Uthman al-Kattut, connu sous le sobriquet d’Abu
Ghalib (cinquante-huit ans). Il habite la rue Kushaïk, au-dessus de la mosquée
al-Khudra (mosquée Verte), dans le quartier Yasaminéh de la vieille ville de
Naplouse et il vient de terminer ses prières dans cette mosquée, bien qu’elle
soit très endommagée.
La mosquée Khudra, à Naplouse, est considérée comme
l’une des plus anciennes du monde. Elle a été édifiée au temps du Sultan
Al-Mansur Sa’ad edDin Qalawun, que Dieu l’honore, et elle avait été restaurée
entièrement en 1975 avec les fonds de donateurs privés. Elle a subi l’agression
des occupants au cours de leur incursion dans la ville historique de
Naplouse.
Avec ses portes historiques, ses belles coupoles, cette mosquée
jouissait d’un prestige particulier, et “dans sa petite salle de prières se
pressaient des fidèles venus de tous les quartiers anciens de Naplouse”, nous
indique le hajj Abu Ghalib, revenu y prier et faire deux génuflexions près de la
niche indiquant la direction de la Mekke, appelée mihrâb en arabe, c’est-à-dire
juste à côté des pierres et des gravats résultant des destructions des
bulldozers et des tanks israéliens, qui ont complètement abattu la façade nord
et la coupole verte centrale, avec ses vitraux anciens, non datés.
Sur les
armoires aux portes finement ciselées, les occupants ont écrit des obscénités en
hébreu.
Les beaux tapis persans anciens qui recouvraient entièrement le sol
ont été enlevés, après avoir été foulés par les rangers des soldats de “Tsahal”
totalement irrespectueux de la sacralité d’une mosquée, et on ne les remettra
sans doute pas après ce sacrilège, car personne ne voudrait désormais prier sur
des tapis ainsi souillés.
Tous les fidèles que j’ai interrogés et qui étaient
là, dans cette mosquée à moitié démolie m’ont dit qu’ils avaient l’habitude d’y
venir prier, même de loin, quotidiennement, et qu’ils continuaient à le faire
malgré les destructions.
Nimr Abu Dawud (soixante deux ans) était occupé à
soulever une pierre sculptée d’inscriptions ornementales donnant la date de
fondation de la mosquée, afin de la mettre en lieu sûr. Je lui ai demandé quels
ont été ses sentiments lorsqu’il a trouvé la mosquée dans cet état
déplorablel. Il m’a répondu : “Nous l’avons bien construite une première fois ?
Nous allons la reconstruire. Je viens ici pour toutes les prières, depuis des
années.”
J’ai demandé au hajj Nimr ce qu’il pense des allégations des
Israéliens qui prétendent avoir trouvé la mosquée en ruines à leur arrivée dans
la ville. Nimr a éclaté de rire, puis il m’a montré les traces laissées par les
bulldozers sur les colonnes et sur les murs encore debout. Un groupe de jeunes
du quartier sont intervenus pour confirmer son témoignage : “Nous avons vu les
bulldozers et les tanks : ils emplissaient la rue qui surplombe la mosquée. Ils
sont restés là plusieurs jours de suite. Un bulldozer israélien a tenté d’ouvrir
un passage à travers la mosquée pour aboutir au quartier de Yasaminéh et
pénétrer dans les autres quartiers de la vieille ville. C’est alors qu’ils ont
démoli la partie ouest de la mosquée. Les soldats israéliens y ont pénétré par
l’escalier supérieur, après avoir démoli la coupole”. Le hajj Nimr me montre les
tombeaux de saints hommes inhumés dans une petite cour adjacente à la mosquée.
Les pierres tombales ont été arrachées. Ensuite il me montre une large brèche,
dans un mur d’une autre cour : les soldats israéliens l’ont utilisée pour
investir les quartiers situés derrière la mosquée et les terrasses des maisons,
ainsi qu’une école voisine. Ils y ont tué des dizaines de jeunes combattants qui
défendaient le quartier de Yasaminéh. M’étant enquis du sort de l’imam de la
mosquée, on me répond que le shaykh Maher al-Kharraz a été atteint par balle et
qu’on ne sait pas où il se trouve jusqu’à présent. On avait fait courir la
rumeur de sa mort, certains disent qu’il a été arrêté, mais la plupart des gens
pensent qu’il n’a été que légèrement blessé.
Le lendemain, après que tous les
tapis eurent été retirés, le hajj Abu Ghalib était revenu prier dans la mosquée.
Il était le seul fidèle, seul avec les ruines et les rayons du soleil couchant
passant par l’énorme trou au milieu de la coupole centrale. Après avoir achevé
sa prière, il m’a à nouveau souhaité chaleureusement la bienvenue, m’informant
que le muezzin allait faire l’appel à la prière, et qu’une prière collective
suivrait immédiatement.
Je l’ai pris en photo (l’article est accompagné d’une
photo de M. Abu Ghalib, priant au milieu des ruines, ndt). Il m’a invité à
revenir après la reconstruction de la mosquée afin que nous priions ensemble
dans une mosquée Khudr toute neuve, bientôt, affirmant qu’il est impossible
d’effacer la mémoire des peuples : ni les pelles dentées des bulldozers ni les
chenilles des tanks ne peuvent l’effacer. Il m’a assuré que la mosquée verte
retrouverait bientôt ses coupoles vertes.
La mosquée verte n’est pas la seule
à avoir subi des destructions, à Naplouse. Les bulldozers ont démoli également
la porte principale, historique, de la grande mosquée située à l’est de la
vieille ville. Cette porte monumentale était l’une des plus anciennes de
Naplouse. Elle était ornée de magnifiques motifs sculptés. La mosquée ElBey a
fait l’objet d’une incursion, elle a été transformée en hôpital de campagne et
des dizaines de blessés y ont été recueillis, dont la plupart sont morts entre
ses murs, après avoir perdu tout leur sang. Il y a eu encore plus de morts après
que les réserves d’oxygène et les médicaments se sont mis à manquer. Des
médecins secouristes qui s’étaient portés volontaires pour sauver les blessés
qui s’entassaient à l’intérieur de la mosquée ont été amenés à faire office de
boucliers humains afin d’empêcher que l’armée israélienne ne l’investisse ou
n’arrête certains blessés, que les ambulances n’ont pu emmener dans les
hôpitaux, puisqu’on le leur interdisait, et qui sont morts en grand nombre, au
milieu des colonnades de la mosquée ElBey.
Des mosquées sont détruites,
d’autres sont vandalisées. L’église grecque catholique, dans la vieille ville de
Naplouse, très ancienne, nous dit le père Georges Awwad qui en est responsable,
a dû elle aussi payer son tribut dans ces destructions. Les avions F-16 et leurs
missiles ont détruit des vestiges antiques remontant à plus de trois
millénaires, transformés en gravats eux aussi.
Mais tous affirment, à
Naplouse, que la reconstruction est la seule option, ici. Tous veulent
réentendre les appels du muezzin et le tintement des cloches.
8. Une commission des urgences humanitaires
par le Shaykh Ra’ed Salah
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à
Londres) du mercredi 26 avril 2002
[traduit de
l'arabe par Marcel Charbonnier]
(Le Shaykh
Ra’ed Salah est chef du Mouvement islamiste en “Israël de 48".)
Je
dois avouer à mes lecteurs que je commence à avoir honte de moi-même ! De plus,
me voilà hésitant : parlerai-je, ou non ? Ecrirai-je, ou non ? Participerai-je à
des réunions politiques, ou non ? Oui, je suis encore en proie à ces sentiments.
Et même, ils ne font que se confirmer, de jour en jour ! Je me demande, avec
reproche et suspicion “Qui sommes-nous ? Et lorsque je demande qui nous
sommes, j’entends par “nous” le monde arabo-musulman ?!
Qui sommes-nous,
nous qui savons que des dizaines de blessés sont prisonniers sous les décombres
de leurs maisons détruites dans le camp de réfugiés de Jénine ? Voilà des jours
qu’ils souffrent et appellent au secours ! Ils réclament de quoi manger : il n’y
a rien à manger ! Ils meurent de soif : il n’y a plus d’eau ! Ils ont besoin de
médicaments : il n’y en a pas ! Leur âme abandonne leur corps, ils meurent en
martyrs, sans trouver, dans une nation d’un milliard de musulmans, parmi
lesquels les Arabes, quelqu’un qui leur réponde ! Oui, qui sommes-nous, nous qui
savons, tous autant que nous sommes, qu’il y a eu en Palestine des dizaines de
blessés assiégés, des malades souffrant d’affections chroniques ou de maladies
graves et qui ne cessent de nous appeler à leur secours, à Jénine, à Naplouse, à
Ramallah, à Bethléem...
Certains d’entre eux doivent impérativement être
dialysés, mais personne ne venant à leur secours, c’est la mort qui vient les
chercher ! D’autres, blessés grièvement, perdent leur sang et seule une
opération en urgence pourrait les sauver, mais là aussi, le chirurgien
remplaçant, c’est la mort ! Et aussi, ces femmes enceintes, dans leurs villes
assiégées, qui supplient qu’on les assiste au moment de la délivrance, mais :
personne. Soit ce sont elles-mêmes qui meurent, soit c’est leur enfant, soit
encore, bien souvent : les deux ! Qui sommes-nous, nous qui savons, tous, nous
qui avons appris et ne saurions feindre d’ignorer que des milliers de
prisonniers sont arrêtés par l’armée israélienne d’occupation et sont menacés,
pour certains, d’être exécutés, comme d’autres avant eux l’ont été. Leurs
familles nous appellent à leur secours, nous disant : si, au moins, les
Israéliens nous disaient combien il y a de prisonniers, quels sont leurs noms...
afin qu’on puisse s’opposer autant que faire se peut à leur exécution. Mais,
jusqu’ici, personne n’a été capable de les aider : jusqu’à ce jour le sort de
ces prisonniers suscite les plus vives inquiétudes et, semblables à nous-mêmes,
nous n’avons répondu à aucun de ces appels au secours !
Nous sommes devenus
la Ummah des musulmans impotents, nous sommes devenus le monde arabe version
ramollo ! Notre devoir se limiterait-il à organiser manifestations et défilés ?
C’est important, certes. Nous incombe-t-il seulement de décréter une journée de
grève et de nous mettre d’accord sur la prochaine ? Voilà qui est, certes, très
important ! Nous contenterons-nous de crier des slogans aux carrefours, devant
différentes ambassades, devant des barrages militaires ? Pouvons-nous nous en
tenir aux campagnes de secours humanitaires traditionnelles ? Et je réaffirme
qu’elles sont indispensables ! Comment pouvons-nous définir ensemble ce qui
relève de toutes les actions que j’ai énumérées et ce qui relève d’une action
qui soit véritablement à la hauteur des graves problèmes accumulés à la suite
des massacres commis contre notre peuple par l’occupation israélienne ? Au
Mouvement islamique, nous avons créé une Commission des urgences humanitaires,
qui fédère les sections suivantes :
1 - le Centre d’études contemporaines ; 2
- la Commission des secours humanitaires ; 3 - l’association Al-Mizan (la
Balance) pour la défense des droits de l’homme ; 4 - l’association Sanad
(Soutien) pour la protection maternelle et infantile ; 5 - l’association
al-Balagh (Eloquence) ; 6 - une Commission de l’information.
A la commission
des secours humanitaires, nous avons défini un programme d’action aux objectifs
précis, que je vais m’efforcer de vous présenter de manière succincte, mais sans
les trahir, en mentionnant les mesures qui ont d’ores et déjà été programmées et
validées :
1/ Nous avons lancé une campagne de grande envergure auprès de la
population de la Galilée, du Triangle, du Néguev et des villes côtières (St Jean
d’Acre, Haïfa, Jaffa, Lidd, Ramléh). Cette campagne de solidarité a permis de
collecter des denrées alimentaires, des médicaments, des vêtements et de
l’argent. Nous poursuivons ces collectes et j’indique - c’est très important -
que nous avons réussi à faire passer plusieurs dizaines de camions en
Cisjordanie et dans la bande de Gaza, où ces secours ont pu être
distribués.
2/ Nous avons procédé à une campagne d’information sur un grand
projet, intitulé “Campagne des 100 000 colis alimentaires”. Ce fut un grand
succès. Nous avons déjà collecté plusieurs dizaines de milliers de colis
alimentaires, d’un coût unitaire de 25 dollars (~ 25 ~ 175 F). Nous
avons déjà distribué plusieurs milliers de ces colis en Cisjordanie et dans la
bande de Gaza.
3/ Par ailleurs, nous avons entrepris la réalisation pratique
d’un projet que nous avions lancé il y a plusieurs mois : le “Projet de la
Fraternité”, lequel a pour objectif de créer des liens fraternels entre familles
de l’intérieur (Israël de 48, ndt) et familles de Cisjordanie et familles de
Gaza. Un engagement matériel accompagne ces liens de fraternité et d’entraide :
chaque famille de l’intérieur, c’est-à-dire de Galilée, du Triangle, du Néguev
et des grandes villes côtières, s’engage à verser à une famille des territoires
500 NIS (nouveaux shekels israéliens). Les familles donatrices sont encouragées
à faire un effort plus important, si elles le peuvent.
4/ Nous nous préparons
à recevoir des orphelins, dont le nombre s’est malheureusement accru de manière
dramatique à la suite des dévastations des camps de Jénine et de Balata, de la
vieille ville de Naplouse, de Ramallah, de Tulkarem, de Tubas, etc...
L’association pour la Protection maternelle et infantile (Sanad) qui relève de
la Commission des secours humanitaires a pris les dispositions
nécessaires.
5/ Nous avons mis sur pied un programme d’action sanitaire, qui
consiste à distribuer 5 000 boîtes à pharmacie dans les familles de nos
compatriotes en Cisjordanie et à Gaza, en allant les voir chez eux. Nous avons
prévu de remettre 200 mallettes de premiers secours à 200 médecins dans les
territoires, et nous allons commencer cette répartition prochainement.
6/
Nous avons commencé à ouvrir des centres médicaux dans les différents quartiers
de Gaza, afin que nos concitoyens puissent trouver un dispensaire près de chez
eux.
7/ En ces jours extrêmement difficiles, nous nous efforçons de secourir
les malades dont la vie est menacée s’ils ne peuvent recevoir en temps utile les
traitements appropriés à leur état. Malheureusement, certains sont décédés.
C’est pourquoi nous renforçons cette action. Nous avons pu amener un certain
nombre de ces malades vers les hôpitaux de Nazareth (en Israël, donc, ndt), dont
des diabétiques et des dialysés, notamment.
8/ Nous avons entrepris de
manière efficace et permanente le suivi des personnes arrêtées. Cela consiste à
chercher à en connaître le nombre, les identités, les lieux de détention. Ceci,
afin d’éviter qu’ils ne soient isolés individuellement, phase préparatoire à une
possible exécution sommaire, comme cela a pu se produire par le passé.
L’association Mizan, membre de la Commission des urgences humanitaires, a
entrepris cette action de recensement des prisonniers, qu’elle poursuit en
permanence.
9/ Nous recensons également les massacres commis durant
l’Intifada al-Aqsa et nous documentons, en particulier, le massacre du camp de
Jénine. Nous sommes déterminés à mener à bien cette action de recension des
preuves, en ne négligeant aucune dimension de ce drame humain.
10/ Nous
réfléchissons à la reconstruction du camp de Jénine, grâce à un camp de travail
volontaire qui réunira des dizaines de maçons et des centaines d’ouvriers du
bâtiment. Nous reconstruirons collectivement les maisons détruites dans le camp
de Jénine ! Beaucoup de volontaires se sont déjà fait connaître auprès de notre
association : ils sont prêts à se mettre au travail. C’est pourquoi je pense ne
pas exagérer en disant que nous ambitionnons de jouer un rôle important dans la
reconstruction non seulement du camp de Jénine, mais aussi des maisons et
bâtiments publics détruits dans le camp de Balata et dans le centre historique
(Qasabah) de la ville de Naplouse, ainsi qu’à Ramallah et à Bethléem.
11/
Nous ne négligeons pas, non plus, un problème important, dramatique, auquel doit
être apportée une solution urgente. Ce problème, je pense pouvoir le cerner au
moyen des questions suivantes : qu’en est-il du sort des personnes qui ont tout
perdu, que l’on a extraites de leurs maisons (souvent en ruines) à Jénine et
ailleurs ? Où loger les habitants du camp de Jénine en attendant qu’il soit
reconstruit ? Comment y accueillir de nouveaux réfugiés (car il le faudra sans
doute) ?
12/ Nous devons également évaluer et recenser les destructions. Pour
ce faire, nous accueillerons à bras ouverts toute institution spécialisée qui
accepterait de nous aider à mener à bien cette tâche extrêmement lourde, mais
indispensable.
13/ Nous avons contacté des instances arabes locales, dans
l’espoir qu’une municipalité arabe nous fera don d’un terrain afin d’y édifier
un musée-mémorial des atrocités commises par Israël au cours de l’Intifada
al-Aqsa, dont les massacres de Jénine. Nous avons pris l’initiative de demander
à nos édiles municipaux de donner à un rond-point, dans chaque localité arabe,
le nom de “Rond-point du massacre de Jénine”, ou “Rond-point du massacre de
Balata”, ou “Rond-point du massacre de la Qasabah de Naplouse”, etc... Nous
demandons aux conseils municipaux de placer au centre du terre-plein de ces
ronds-points des vestiges des destructions, amenés des différents camps de
réfugiés et quartiers dévastés.
A ce propos, je mentionne que l’idée a été
soulevée de conserver en l’état une parcelle du camp de Jénine, ainsi que
d’autres camps dévastés, en témoins silencieux et néanmoins éloquents de la
sauvagerie de l’institution militaire israélienne.
Nous préparons un film
documentaire sur les massacres et, d’une manière générale, sur la barbarie de
l’occupation israélienne.
14/ D’aucuns vont peut-être poser la question :
“sommes-nous capables de mener à bien toutes ces missions ?” Je leur répondrai
ceci : si bon nombre d’entre nous arrêtaient de fumer, nous pourrions faire
beaucoup de choses avec l’argent que cela leur permettrait d’économiser !
Pourquoi des centaines d’entre nous ne consacreraient-ils pas l’argent de leur
petit pèlerinage à la Mekke (‘umra), cette année, à ces projets humanitaires ?
Je pense en particulier à certains parmi eux qui ont déjà accompli ce pèlerinage
- coûteux- mainte fois...
15/ Enfin, ce que je viens de vous exposer, ce sont
des actions qui doivent être entreprises en fonction de l’ordre des priorités.
Il s’agit, pour certaines d’entre elles, d’action à long terme. Par ailleurs,
nous appelons toutes les personnes de bonne volonté, hommes et femmes, à venir
se joindre à nous et à mettre leur travail et leur compétence au service de nos
concitoyens des territoires. Je demande à Allah - qu’Il soit exalté - de nous
accorder le succès et de guider nos pas vers ce qu’Il aime et ce qu’Il
agrée.
9. La normalisation a échoué... Essayons le
boycott par Sa’id alShihabi
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe
publié à Londres) du mercredi 26 avril 2002
[traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
(Sa’id alShihabi est un
journaliste bahreïni qui réside à Londres.)
Le boycott est un moyen
de pression qui a fait ses preuves. Mais le boycott a aussi une dimension
symbolique, laquelle est indispensable dans le soutien à tout objectif
politique. Cette dimension symbolique revêt une valeur intrinsèque, et elle
n’est pas dépourvue de résonances et de conséquences. Pour peu que ses tenants
soient vraiment convaincus de sa raison d’être et de ses justifications, le
boycott est susceptible de se transformer en culture bien ancrée, capable de se
poursuivre dans certains cas durant plusieurs décennies, voire plusieurs
générations. Ainsi, le boycott imposé par les Etats-Unis à Cuba après la
révolution castriste, il y a plus de quarante ans, se poursuit, bien qu’il n’ait
aucune justification pratique. L’économie cubaine est demeurée cohérente durant
ces décennies de boycott, en dépit des difficultés que celui-ci lui a créées.
Mais, du point de vue américain, ce boycott signifie le refus des politiques
adoptées par le régime cubain, Washington sachant pertinemment qu’il est seul à
le pratiquer, aucun autre Etat ne l’ayant suivi sur cette voie. Le boycott
économique américain de l’Iran se poursuit depuis la révolution (islamique) de
1979 et il en va de même dans le cas de l’Irak depuis son invasion du Koweït, il
y a désormais pas loin de douze ans. Ces différents boycotts n’ont amené aucun
changement politique significatif. Il est indéniable que les pays concernés
souffrent de difficultés économiques parfois énormes, mais la justification du
boycott économique est qu’il vient appuyer des positions politiques qu’il
réaffirme en dehors de toute considération pour son efficacité économique. Dans
certains cas, il peut y avoir aussi efficacité économique. Ainsi, il y a plus de
cent trente ans, après que le grand religieux Ayatollah Mirza Hasan al-Shirazi
ait publié sa fatwa (décret islamique) stipulant le boycott du tombac anglais
(il s’agit du tabac pour les pipes à eau, ou narghilés, ndt), les compagnies de
tabac anglaises ont subi des pertes très importantes. On voit ainsi que l’arme
du boycott économique est l’un des moyens de pression politiques possibles, qui
prend une importance accrue lorsque les autres alternatives politiques manquent.
Lorsque les Etats-Unis, il y a cinq ans, ont interdit les investissements
supérieurs à 20 millions de dollars tant en Iran qu’en Libye (loi d’Amato, ndt),
ils savaient que la mise en pratique de cette décision ne serait pas aisée. Mais
leur objectif était d’affirmer leur politique hostile aux deux pays visés par ce
décret.
Aujourd’hui, le boycott, son efficacité et sa justification sont de
nouveau à l’ordre du jour. La réapparition de ce débat résulte de la colère très
vive des peuples arabes et musulmans devant les événements en Palestine et de
leur impuissance à influer d’une quelconque manière sur leur déroulement. Les
manifestations, énormes, dans les capitales arabes, risquent fort de ne pas
amener les Etats-Unis à modifier leur politique de soutien à l’occupation
israélienne, d’autant que ceux-ci sont conscients du fait que leur réputation
dans le monde ne saurait être pire que ce qu’elle est aujourd’hui. Mais ces
manifestations sont l’expression d’une opinion publique totalement opposée à la
politique américaine. Il n’en reste pas moins que les manifestations de
protestation ne suffisent pas, à elles seules, à atteindre l’objectif visé.
Elles appellent d’autres mesures, susceptibles de leur donner un contenu
concret. Elles posent, donc, le problème du boycott économique des produits
américains en tant que nécessité du moment, pour faire comprendre au peuple
américain à quel point la politique de leur gouvernement est scandaleuse, qui
consiste à soutenir l’agression israélienne, fût-ce au détriment des intérêts du
peuple américain. Le problème est que l’hégémonie sioniste sur les médias
américains est parvenue à faire intégrer par le public américain l’agressivité
envers tout ce qui est arabe ou musulman. Il en résulte que, lorsque ces médias
traitent du boycott, ils le font d’une manière qui leur enlève toute possibilité
d’exercer une quelconque influence sur l’opinion publique américaine. Le boycott
n’en demeure pas moins indispensable, car à long terme, et particulièrement dans
le contexte actuel, où l’économie américaine montre des signes de stagnation ou
tout au moins de faible croissance, il peut être efficace. Pour ce faire, il
faut reprendre en considération la politique d’exportation du pétrole, le volume
de la production et le prix du brut. La décision du gel de la production
pétrolière dans les pays de l’OPEC et dans un certain nombre de pays
exportateurs de pétrole n’y adhérant pas, telle l’Egypte, entraînerait
nécessairement une augmentation du prix du pétrole mesurée, celui-ci pouvant
atteindre de 30 à 40 dollars le baril (ce qui reste encore bien inférieur au
prix réel que le pétrole devrait raisonnablement atteindre). Cette augmentation
du prix du pétrole devrait à son tour entraîner des difficultés économiques aux
Etats-Unis (principalement sur la côte Ouest), et cela permettrait de faire
toucher du doigt aux Américains la force réelle des pays pétroliers. Le boycott
des produits américains viendrait encore renforcer la pression exercée sur
l’économie américaine. Pour peu que ces mesures soient accompagnées d’une
campagne médiatique et d’un programme sophistiqué de relations publiques afin
d’expliquer à l’opinion publique occidentale les raisons de ce boycott, il est
vraisemblable que l’opinion publique américaine ferait pression sur la Maison
Blanche afin qu’elle modifie sa politique et ses prises de position en ce qui
concerne Israël.
Un ministre arabe des Affaires étrangères, commentant la
revendication du recours à l’arme du pétrole, a déclaré que celui-ci était
“l’arme du développement”, et non une arme politique. Cela, au moment où les
pays du Benelux décidaient de suspendre leur coopération culturelle avec Israël
en raison des crimes commis par ses forces armées à Jénine, Naplouse, Ramallah,
Tulkarem, et autres localités palestiniennes. Ces pays ont bien utilisé la
culture comme une arme, dans un combat humaniste, convaincus qu’ils étaient de
la nécessité qui s’imposait à eux de protester contre les agissements
israéliens, en recourant à un moyen civilisé.
Les Arabes sont les premiers
concernés par un boycott économique de l’entité israélienne et des Etats-Unis
d’Amérique. On sait que le soutien de Washington à Tel-Aviv n’est pas que
militaire, mais qu’il est aussi économique et politique. Plus grave encore est
l’engagement des Etats-Unis à soutenir la politique d’Israël dans l’arène
internationale, de le protéger contre la protestation mondiale. Ce faisant, ils
passent par pertes et profits les principes de base du droit international,
lequel condamne les crimes contre l’humanité et les crimes de
guerre.
Actuellement, certains pays arabes qui ont décidé, il y a sept ans,
de lever l’embargo secondaire et tertiaire à l’encontre d’Israël ressentent une
certaine amertume. Le boycott arabe avait permis de porter atteinte à l’économie
israélienne de manière sensible, les pertes israéliennes du fait de ce boycott
étant évaluées à plus de 90 milliards de dollars. Régulièrement, les Etats-Unis
protestaient avec véhémence contre ce boycott.
En 1977, le président
américain Jimmy Carter avait fait adopter une loi interdisant aux compagnies
américaines de s’associer au boycott arabe d’Israël. Il avait même fait voter
une loi visant à “mettre fin aux divisions au sein de la société américaine
résultant du boycott étranger visant les citoyens juifs américains”. Après la
guerre du Golfe, l’Amérique a fait pression sur les pays arabes du Golfe afin
qu’ils normalisent leurs relations avec l’entité israélienne. Cette
normalisation commençait par l’allégement du boycott d’Israël de la part de ces
pays. La décision prise par le Conseil de Coopération du Golfe, le 1er octobre
1994 reflète bien ces pressions (américaines).
Cette décision comportait la
reconnaissance d’une avancée dans le processus de paix, principalement dans les
processus (“bilatéraux”) palestinien et jordanien, et le “sentiment” qu’il
convenait de remettre en cause le boycott d’Israël. Le communiqué final des pays
du Golfe disait alors que les pays membres du conseil de coopération “ont
examiné la situation et sont convaincus de la nécessité de suspendre le boycott
(d’Israël) aux niveaux secondaire et tertiaire”, affirmant que la coopération
économique directe avec l’entité israélienne n’était pas possible, et qu’une
décision pour ce faire devrait être prise à l’unanimité des pays arabes. A Taba,
en Egypte, en février 1995, les responsables du commerce égyptiens, américains,
jordaniens et palestiniens ont signé un document commun (connu sous le nom de
“déclaration de Taba”), lequel “appuie tous les efforts en vue de l’arrêt du
boycott d’Israël”.
Ce dont il est question aujourd’hui, c’est de prendre des
décisions qui rendent une validité à une position arabo-musulmane.
La
décision de boycotter constituerait une innovation susceptible de se substituer
aux modalités habituelles des politiques arabes et musulmanes, lesquelles se
caractérisent par leur caractère réactif (et non proactif). Afin que cette
action soit efficace, il faut qu’elle soit accompagnée de la décision de réduire
la production du pétrole, laquelle est possible. Mais Washington s’y opposera
violemment. La réduction de la production de pétrole n’est certes pas une arme,
mais elle n’en constitue pas moins une mesure incontournable imposée par les
lois du marché et la nécessité de trouver un équilibre entre cette ressource
unique du côté arabo-musulman et les biens importés des Etats-Unis et des autres
pays du monde à des prix qui ne cessent d’augmenter.
Il y a une autre
dimension au boycott, qui concerne les instances religieuses dans le monde
musulman. On est fondé à s’étonner de l’absence d’intérêt de ces instances pour
le boycott, d’autant que les populations ont entrepris spontanément de prendre
des mesures concrètes dans ce domaine. Ainsi, dans les pays du Golfe, les
citoyens évitent d’acheter des produits américains, leur en préférant d’autres,
et ils vont jusqu’à modifier leurs préférences consuméristes et leur mode de vie
pour ce faire. Cela ne leur pose pas de difficulté particulière, car ce qui les
motive, c’est l’amour du bien et la lutte contre le mal. Par le passé, on a vu
des appels au boycott signés par des ulamâ’ (docteurs de la loi musulmans),
lesquels ont publié force déclarations en ce sens. Mais ce qui est nécessaire
aujourd’hui, c’est un boycott efficace et percutant. Pour ce faire, un consensus
entre les hommes de religion des grandes capitales arabes et musulmanes est
requis, portant sur l’action commune minimale permettant de faire aboutir ce
projet. Selon les données disponibles, et en tenant compte des initiatives
multiples actuelles, il semble que le succès d’un boycott est largement assuré.
Actuellement, les investissements des pays du Golfe en Occident dépassent les
600 milliards de dollars et les échanges commerciaux annuels atteignent les 100
milliards de dollars, échanges commerciaux dans lesquels les Etats-Unis se
taillent la part du lion. Dans le contexte actuel de mondialisation économique,
un produit donné peut être obtenu de multiples provenances, avec des standards
de qualité et des niveaux de prix quasi-identiques. Le boycott des produits
américains est la mesure minimale que peuvent prendre les ulamâ’ (juristes
musulmans) afin de sortir de la situation actuelle d’exaspération populaire, qui
se traduit par des manifestations et des protestations qui vont, en certains
endroits, jusqu’à l’enrôlement de volontaires pour des opérations de résistance
en Palestine. Laisser la colère populaire sans débouché, comme actuellement, ne
sera pas sans conséquences, certains pouvant être incités à commettre des actes
graves ou à adopter des positions d’une radicalité extrême. Le boycott des
produits américains, accompagné de la reprise du boycott arabe, secondaire et
tertiaire, d’Israël, est à même d’apaiser la conscience (des gens) et de réduire
la pression morale qui s’exerce sur eux, résultant du sentiment d’impuissance à
apporter un soutien à un peuple assiégé et soumis à un déluge de fer et de feu,
et aussi de donner une expression concrète à la solidarité, à l’unité des rangs
et au destin commun. En l’absence de ces mesures, nous risquons de voir la
situation échapper totalement à la maîtrise (des gouvernements), surtout lorsque
l’on tient compte du risque que représente la poursuite par Sharon de ses
(funestes) projets.
10. Quelle sorte de guerre est-ce donc là ?
par Amira Hass
in Ha’Aretz (quotidien israélien) du lundi 22 avril
2002
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Il est toujours impossible de savoir
combien de personnes sont encore ensevelies sous les ruines du camp de réfugiés
de Jenine, où la puanteur des cadavres en décomposition se mélange à l’odeur
âcre des ordures qui s’entassent et au parfum des géraniums rosat et de la
menthe.
Appuyé sur sa canne, un homme contemple un énorme tas de gravats :
mélange de béton concassé, de ferrures tordues, de lambeaux de matelas, de
câbles électriques, de fragments de carrelage, de morceaux de tuyauterie, avec
un interrupteur pour la lumière, orphelin. “C’est ma maison”, me dit-il, “et mon
fils est là-dessous.” Il s’appelle Abu Rashid. Son fils, Jamal, 35 ans, était
condamné au fauteuil à roulettes. Le bulldozer avait commencé à attaquer la
maison alors que la famille était encore à l’intérieur. Et où ailleurs
auraient-ils bien pu se trouver, sinon chez eux, recherchant - comme tous les
habitants du camp de réfugiés de Jenine - l’endroit le plus sûr pour se mettre à
l’abri des tirs de mortiers, de roquettes et de mitrailleuses, dans l’espoir
d’une brève accalmie ?
Abu Rashid et les autres membres de sa famille se sont
précipités vers la porte d’entrée, sont sortis de la maison, les mains en l’air,
et ont tenté de crier pour attirer l’attention du conducteur de ce bulldozer
énorme, conducteur que l’on ne voyait ni n’entendait, et l’avertir qu’il y avait
encore quelqu’un à l’intérieur. Mais le bulldozer ne s’arrêtait pas de vrombir,
de prendre un peu de recul pour attaquer de plus belle, trouvant une prise dans
le mur de béton, jusqu’à ce que toute la maison finisse par s’effondrer sur
Jamal avant que personne ait pu faire quoi que ce soit pour le sauver.
Tout
autour d’Abu Rashid, d’autres personnes escaladaient des tas de gravats, se
frayant un passage entre des poteaux en ciment, des ferrures et des fragments de
métal redoutablement effilés, des piliers en béton et des plafonds effondrés,
des fragments de sanitaires. Tous n’étaient pas aussi introvertis qu’Abu Rashid,
qui se parlait à lui-même plus qu’il ne parlait à ceux qui s’étaient arrêtés
pour l’écouter. Qui essayait de sauver quelque chose des ruines : un vêtement,
une chaussure, un sac de riz. Tout près, une petite fille en équilibre précaire
sur un tas de blocs de ciment fracassés, montrait un plafond, à ses pieds, et ne
pouvait s’arrêter de pleurer. Entre ses sanglots, elle réussit à nous dire que
c’était ce qui restait de la maison de ses parents et qu’elle ne savait pas qui
était enterré là-dessous, qui avait pu s’échapper, s’il y avait encore quelqu’un
de vivant sous les ruines, qui les délivrerait, et quand ?
Parmi les tas de
ruines, au milieu de quelques maisons qui tiennent encore partiellement debout,
les murs qui ne se sont pas effondrés étant criblés d’impacts de toutes tailles,
un grand “ground zero” a été créé. Là où, jusqu’à il y a deux semaines,
plusieurs maisons se trouvaient, dont certaines bâties sur trois niveaux, un ou
plusieurs bulldozers des Forces Israéliennes de Défense étaient passés à
plusieurs reprises sur les tas de ciment, afin de les écrabouiller et de les
réduire en farine, bref : d’en faire “une autoroute trans-israélienne”, pour
reprendre la métaphore plaisante du lettré Ariel Sharon. La maison d’Abu Rashid
y était passée elle aussi, victime des mâchoires des bulls. On me montre une
petite ouverture dans l’un des monceaux de gravats. Provenant de là-dessous, il
avait entendu des appels au secours jusqu’à dimanche soir. Lundi matin, plus un
son n’en provenait. Quelqu’un d’autre me montre ce qui avait été auparavant une
maison que se partageaient deux soeurs. On me dit qu’elles sont infirmes. On ne
sait toujours pas si elles sont sous les ruines ou si elles ont pu sortir du
camp quand il en était encore temps.
Calme relatif
Certaines maisons étaient vides
lorsqu’elles ont été démolies. Dans certains cas, les soldats ont donné l’ordre
aux gens de sortir immédiatement : c’était leur seul moyen d’avoir la vie sauve.
Les gens me disent qu’un homme âgé a refusé de quitter son domicile. “Il y a
cinquante ans, vous m’avez expulsé de Haifa. Aujourd’hui, je n’ai plus d’endroit
où aller”, aurait-il déclaré. Les soldats ont empoigné le vieil homme déterminé
et l’ont emmené de force. Dans certains autres cas, ils n’ont même pas pris la
peine d’avertir, et les bulldozers étaient déjà là. Sans actionner les klaxons
des bulls, dans vérifier s’il n’y avait pas encore quelqu’un à l’intérieur. Cela
est arrivé, dimanche 14 avril, à la famille Abu Bakr, qui vit à la limite entre
le camp de réfugiés et la ville de Jenin proprement dite.
Tant dans la ville
que dans le camp de réfugiés, un couvre-feu avait été imposé ; les soldats
israéliens circulaient à bords de tanks et de véhicules blindés, à pied
également. De temps en temps, ils hurlaient, balançaient des grenades
incapacitantes ou faisaient sauter des objets jugés suspects. Mais en
comparaison de la semaine précédente, la situation était incomparablement plus
calme : il n’y avait plus de tirs depuis des hélicoptères, plus d’échanges de
tirs avec une poignée de militants palestiniens armés. Mais, soudain, à quatre
heures de l’après-midi, les membres de la famille Abu Bakr entendirent le son
d’un mur qu’on abat. Le père de famille sortit, agitant un drapeau blanc, et il
cria aux soldats : “Nous sommes chez nous ; où voulez-vous qu’on aille ?
Pourquoi êtes-vous en train de démolir notre maison, avec nous à l’intérieur
?”
Ils lui crièrent : “Yallah, yallah, rentre !” et ils arrêtèrent le
bull.
La ligne de crête étroite où cette maison est située, large de quelques
mètres, servait de pont de transit entre la ville et le camp. Les habitants de
la ville de Jenin, qui sont nombreux à être originaires du camp, tentaient
d’échapper aux soldats israéliens et d’apporter à leurs parents et amis de
l’eau, de la nourriture et des cigarettes. Ils en ont déduit que c’était devant
la maison des Abu Bakr que l’armée israélienne voulait élargir la zone séparant
la ville du camp, afin d’éviter toute espèce de “contrebande” que ce soit. Dans
l’après-midi, un véhicule blindé prenait position près de la maison et des
soldats entreprenaient de passer au peigne fin les terrains tout autour. Puis le
véhicule blindé partit. M. alla préparer le café. A peine avait-il eu le temps
de mettre une cuillerée de sucre en poudre dans la petite cafetière orientale à
gorge étroite et à long manche que quelqu’un ou quelque chose faisait intrusion
par une fenêtre, cassant la vitre et enflammant immédiatement la cuisine. Une
bombe incapacitante ? Une grenade lacrymogène ? Les soldats, dehors, ont-ils cru
que quelqu’un leur tirait dessus, lorsqu’il a allumé le gaz ? M. loue le ciel de
n’avoir eu “que” des brûlures aux mains et au visage dans les flammes qui ont
été immédiatement maîtrisées, que personne n’ait été blessé dans sa famille, et
que sa maison n’ait pas été détruite.
Mohammed al-Sba’a, 70 ans, n’a pas eu
cette chance. Lundi 8 avril, les bulldozers tonnaient tout près de sa maison,
dans le quartier de Hawashan, au milieu du camp. Il sortit de sa maison pour
dire aux militaires qu’il y avait des gens, à l’intérieur - lui, sa femme, leurs
deux fils, les épouses de ceux-ci et leur sept enfants. Il a été abattu sur le
pas de sa porte, d’une balle dans la tête, a indiqué l’un de ses fils, cette
semaine. Des membres de sa famille ont réussi à le ramener à l’intérieur. Mais
on leur ordonna alors de sortir : les hommes ont été arrêtés, puis relâchés et
emmenés au village de Rumani, au nord de Jenin. Les femmes ont été emmenées au
bâtiment du Croissant Rouge. Le corps du père est resté dans la maison. Quand
ses deux fils, les deux hommes de la maisonnée, sont revenus de leur captivité,
ils n’ont pas retrouvé trace de la maison.
La destruction de dizaines de
maisons par bulldozers a commencé le samedi 6 avril, quatre jours après le début
de l’attaque lancée par les Forces israéliennes de Défense contre Jenin. Il est
encore impossible de savoir combien de personnes ont été ensevelies sous les
ruines. L’horrible puanteur des cadavres en décomposition - on en exhume tous
les jours - se mélange à l’odeur des ordures non collectées, et qu’on a été
obligé de brûler sur place, et au parfum surprenant des géraniums, des roses et
de la menthe poussant au pied des bougainvillées cultivées par les gens dans les
étroites venelles qui séparaient les maisons surpeuplées. Quand cela sera
possible, l’UNRWA et la Croix-Rouge établiront les listes de détenus, de blessés
et de disparus. Mais l’urgence absolue, actuellement, c’est de distribuer de
l’eau potable, de la nourriture et des médicaments. Le camp a été défini comme
zone sinistrée.
La démolition des maisons par bulldozers a été précédée de
tirs à l’arme lourde, par les tanks, dès le début de l’opération de l’armée
israélienne, le mardi 2 avril. Les tanks ont encerclé le camp, on pris position
sur les collines situées à l’ouest, et se sont ruées dans la rue principale.
Deux jours plus tard, les tirs d’hélicoptères commençaient, raconte les gens :
tirs de missiles et de mitrailleuses. Les habitants se sont réfugiés dans leurs
cages d’escaliers, au rez-de-chaussée, dans les salles de bains intérieures,
dans les celliers à l’angle des cours intérieures. Les gens se faisaient tout
petits dans ces espaces confinés, se serraient les uns contre les autres,
terrorisés. Ils se bouchaient les oreilles et fermaient les yeux, tentaient de
calmer les enfants.
Statistiques des dommages
Quand les tirs se sont calmés, ont-ils témoigné, ils sont sorti et ont
trouvé leurs maisons calcinées, les flammes et la fumée s’en échappant en nuées
ardentes, les murs étaient criblés de balles, les sols en équilibre précaire,
les portes et les volets arrachés, les fenêtres pulvérisées, avec d’énormes
trous dans les façades. Le temps des statistiques de dommages viendra lui aussi,
et alors les équipes de l’ONU seront en mesure de nous dire combien de maisons
ont été détruites par les bulldozers, combien ont été endommagées par les tirs
et si elles pourront être réparées ou s’il est plus sûr de les démolir
complètement. Combien de familles les habitaient. Combien de personnes au
total...
Umm Yasser a sauvé un bébé d’un an dans la maison des voisins, qui
avait été bombardée. Le père du bébé, Rizk, m’a-t-elle dit, avait réussi à se
tirer des décombres alors qu’il était blessé aux deux jambes et qu’il avait eu
le dos grièvement brûlé dans l’incendie. Il est sorti, les bras tendus devant
lui, perdant son sang. La maison a été cernée par les soldats. Un médecin (ou un
infirmier) militaire israélien est venu, il a nettoyé ses blessures, lui a mis
des bandages, et les soldats l’ont emmenés à l’emplacement du cimetière, où ils
l’ont abandonné. Des voisins qui avaient suivi la scène sont allé le chercher et
ont appelé un docteur. Ils n’ont pu l’emmener à l’hôpital qu’une semaine
après...
H. et sa famille étaient chez eux quand leur maison a été bombardée.
Ils sont allés s’abriter dans la famille de la mère, proche de là. H. pense que
cela s’est passé le 8 avril. Les gens ont beaucoup de difficulté à se souvenir
des dates exactes : tous les jours de l’attaque israélienne ont été un mélange e
terreur, de sang et de destruction, sans distinction entre le jour et la nuit.
Son mari, Y. , a été blessé par balle alors qu’il était sorti sur le seul de la
maison. Elle l’a tiré jusqu’à la maison de son père. Là, ils bandèrent sa jambe
blessée, priant pour que tout se passe bien, et ils n’ont réussi à l’emmener à
une clinique privée que le dimanche suivant, le 14 avril, en échappant aux
patrouilles israéliennes qui arpentaient la ruelle.
A.S. a été blessé alors
qu’il effectuait une mission imposée par l’armée israélienne. Une patrouille à
pied l’a extrait de chez lui pour lui intimer l’ordre d’accompagner les soldats,
de marcher au-devant d’eux et d’ouvrir les portes du voisinage pour eux. A.S.
fit ce qu’on lui ordonnait. Alors qu’il se trouvait devant l’une des portes
d’entrée, une autre unité de soldats apparut. Sans doute ont-ils pensé qu’il
appartenait aux ‘muqâwimîn’ (les insurgés, les résistants armés), car personne
d’autre n’aurait osé arpenter les rues durant les premiers jours de la prise de
contrôle du camp par l’armée. Ils lui tirèrent dessus et le blessèrent.
Il
est resté couché, blessé, durant quatre jours, chez des voisins, jusqu’à ce que
ses frères parviennent à l’emmener aux urgences. Leur domicile, au deuxième
étage de la maison familiale située sur une colline, a été endommagé par quatre
ou cinq roquettes et d’innombrables balles : des soldats avaient pris position
dans un immeuble élevé, à côté, et ils faisaient des cartons.
Sa mère nous
raconte toute l’histoire en détail, tout en conduisant les visiteurs d’une pièce
détruite à une autre. Puis elle nous emmène au jardin : “il aimait planter plein
de choses, il aimait la vie, pas la mort”, nous dit-elle, parlant de son fils.
Ses autres enfants offrent à tous des fruits du jardin : des loquats (bibaces -
nèfles orientales, ndt, en arabe : akidouniyéh) délicieusement aigrelets, des
prunes juteuses et rafraîchissantes. La plupart des réservoirs d’eau du camp ont
été touchés dès les premiers jours. Les canalisations d’eau ont été crevées par
le passage des chenilles des chars et des bulldozers de l’armée israélienne.
L’eau potable a été coupée dès le début.
Sachant cela, dans une situation où
chaque goutte d’eau doit être précieusement épargnée, planter sa canine dans ces
fruits absolument exquis est un luxe inimaginable.
Abu Riyad, 51 ans, a été
contraint lui aussi, comme tant d’autres, à exécuter des missions pour l’armée
israélienne. Durant cinq jours, il a dû accompagner les soldats de “Tsahal” :
durant la journée, il marchait au-devant d’eux, allant de porte en porte,
frappant à ces portes tandis que les soldats se planquaient derrière lui, leurs
flingues pointés tant sur la porte que sur lui-même. De nuit, il était contraint
d’être avec eux dans quelque maison “conquise”. Ils l’avaient menotté et deux
soldats le gardaient, a-t-il indiqué. A la fin de sa “mission”, ils lui ont dit
de rester dans une maison qu’ils lui ont désignée, seul. Tout autour, les
bulldozers et les tanks s’activaient. L’un des tanks fonça sur la maison. Abu
Riyad sauta littéralement dans une maison adjacente, échappant d’une maison à
une autre, que l’armée détruisait sur ses talons, jusqu’à ce qu’il finisse par
se retrouver chez lui, c’est-à-dire dans une maison elle aussi partiellement
détruite, atteinte par trois missiles. Lorsque les missiles avaient atteint sa
maison, treize personnes s’y trouvaient.
Un officier de “Tsahal” nettoie la salle de bain
S. se
considère chanceuse. La maison de sa famille n’a été occupée qu’une semaine,
comme une douzaine d’autres, dans le camp qui s’étend sur les contreforts des
collines et des falaises avoisinantes. S. est veuve. Elle vit avec son frère et
la famille de celui-ci, dans une maison située à l’extrémité ouest du camp :
quatre adultes, dix enfants. La plupart des résidents de la maison avaient pu
quitter le coin avant l’intrusion de l’armée israélienne. Durant la première et
la seconde nuits, des soldats ont pris le contrôle de trois maisons voisines.
Les membres de la famille se sont réfugiés dans la cuisine, qu’ils pensaient
être la pièce la plus sûre.
Soudain, au beau milieu de la nuit, quelqu’un
fit irruption à travers le mur, en creusant un trou au niveau du sol et s’en
extirpant devant le nez de Rabiya, 8 ans. Les fenêtres volèrent en éclats et la
pièce se retrouva emplie de poussière. Les quatorze personnes qui se trouvaient
dans la cuisine, se mirent à hurler, terrorisées. Par le trou, dans le mur, ils
entendirent quelqu’un crier, en arabe : “quiconque tentera de sortir sera tué
!”. Ils risquèrent un oeil par la fenêtre et virent un groupe de soldats
israéliens, dans la ruelle adjacente. Ils essayèrent de négocier avec eux,
demandant s’ils ne pourraient pas passer dans la maison des voisins, dans un
abri plus sûr. Mais ne reçurent pour toute réponse que la même phrase :
“quiconque sortira de cette maison sera abattu !”
Peu après, les soldats
creusèrent un trou dans le mur de la montée d’escalier et firent irruption à
l’intérieur. Les membres de la famille, sidérés, blottis dans un coin, les
virent sauter l’un après l’autre dans la cage d’escalier, leurs visages
barbouillés de noir (maquillage de guerre).
Les membres de la famille furent
conduits sans ménagement dans une autre pièce, pleine de poussière et d’éclats
de verre. On les y retînt jusqu’au vendredi matin. Les soldats, nous a rapporté
S. , ne les autorisaient pas à quitter cette pièce très peu éclairée. Lorsqu’ils
supplièrent qu’on les laisse aller aux toilettes, les soldats leur ont amené une
casserole, prise dans la cuisine. Le beau-frère de S. a été arrêté ; trois
femmes et leurs enfants ont été abandonnés dans une maison pleine d’étrangers,
des soldats qui plus est (on sait par ailleurs que l’armée “mixte” d’Israël,
Tsahal, se livre délibérément à des mises en scène pornographiques dans les
maisons occupées afin de bien montrer qui, en l’occurrence, est civilisé,
ndt).
Le soir venu, S. ouvrit sa porte et découvrit que les soldats avaient
été relevés. Par gestes, elle signala aux nouveaux qu’elle voulait aller aux
toilettes, y emmener ses enfants, apporter de quoi manger. Quelqu’un qui lui
sembla être un officier lui dit d’y aller. Elle dût enjamber autant de soldats
israéliens qu’il y en avait d’avachis sur le sol de sa propre maison, en
marchant sur la pointe des pieds afin de ne pas déranger leurs majestés. Les
toilettes étaient dans un état de saleté indescriptible. L’officier israélien,
qui se trouvait non loin lui fit le geste de se passer la corde au cou pour se
pendre. Elle comprit alors qu’il mourrait de honte de voir ce qu’il voyait. Il
alla dans une maison voisine, où il n’y avait personne, et ramena de l’eau. Puis
il entreprit de nettoyer lui-même les toilettes. Lorsque les valeureux soldats
de “Tsahal” débarrasseront le plancher, d’ici une semaine dans le meilleur des
cas, ils laisseront derrière eux une quantité incroyable de boîtes de conserve
vide : celles de leurs rations militaires.
Cette nuit-là, alors que la
famille était bouclée dans une pièce, les soldats entreprirent de fouiller la
maison. Ils vidèrent tous les tiroirs et les placards, retournèrent les meubles,
cassèrent le poste de télévision, coupèrent le fil du téléphone, qu’ils
emmenèrent, et creusèrent un nouveau trou (!) dans le mur mitoyen avec un autre
appartement. Sur le mur nouvellement cassé, il y avait une fresque peinte par
son beau-frère alors qu’il avait quinze ans. Il avait dessiné un paysage suisse
: un lac, des pics enneigés, des sapins, un daim, une maison au toit de tuiles
rouges, la fumée s’élevant en volutes au-dessus de la cheminée. Au bord du lac,
il avait portraituré deux hommes moustachus, habillés en costume palestinien, à
dos de mulet. La date : 10 mai 1995. Signé : Ashra Abu al-Haija.
Al-Haija a
été tué dans les premiers jours de l’attaque de l’armée israélienne, il a été
atteint par un missile. Le mardi de l’avant-dernière semaine, son cadavre
déchiqueté gisait encore dans l’une des pièces de la maison à moitié démolie.
Al-Haija était un militant du Hamas, lequel avait juré de défendre le camp
jusqu’à la mort, avec des membres d’autres groupes armés. J. Z., dont deux des
neveux se trouvent parmi les hommes armés à avoir été tués, estime qu’ils
n’étaient pas plus de soixante-dix. “Mais quiconque les a aidés se considère
tout aussi actif qu’eux, dans la résistance : ceux qui leur signalaient, de
loin, l’approche des soldats israéliens, ceux qui les cachaient, ceux qui leur
faisait du thé.” D’après lui, aucune porte, dans le camp, ne leur était fermée
lorsqu’ils fuyaient les soldats à leurs trousses. Les habitants du camp, nous
a-t-il dit, avait décidé de ne pas les abandonner, de ne pas laisser les
combattants avec leurs seuls équipements. Telle fut la décision de la majorité,
prise par chacun individuellement.
Bien que parent ou proche de bien des
hommes armés, il admet qu’il est difficile pour lui de décrire précisément comme
les combats se sont déroulés, au cours desquels ils ont été tués, ainsi que des
soldats israéliens. “Des reconstitutions que nous avons tenté de faire après
coup, il nous semble que l’armée israélienne a attaqué le camp à la mitrailleuse
depuis plusieurs directions à la fois, tout en tentant de faire pénétrer des
fantassins dans le camp. Mais en raison de la résistance que nos combattants
leur ont opposée, ce fut un échec. Ensuite, ils se sont mis à s’en prendre à
toutes les maisons, dans le camp, en les bombardant au moyen d’hélicoptères et
de tanks, au hasard. Les soldats qui ont pu prendre le contrôle de maisons
situées en bordure du camp signalaient contre quoi tirer et que détruire”. Petit
à petit, les Palestiniens armés ont été contraints à reculer vers le centre du
camp, où ils ont livré leurs dernières batailles, leur combat jusqu’à la
mort.
J. Z. est un maçon qui a construit sa maison de ses propres mains,
ainsi que celles d’amis. Sa maison a été détruite par des tirs directs de
plusieurs missiles. Il dormait chez son jeune ami, A.M. Le soir venu, le camp
est plongé dans l’obscurité : l’électricité a été coupée dès le 3 avril. On
entretient l’illusion qu’une fenêtre à travers laquelle ne se devine pas la
lueur d’une bougie ne sera pas visée. Les tirs de l’armée israélienne se
poursuivent, par intermittence, bien que plus aucun Palestinien ne s’avisât de
tirer dans sa direction. De temps à autre, le silence est déchiré par le fracas
d’une explosion.
L’anxiété et le doute trouvent un remède passager dans une
conversation, typique en ces journées, comme celle entre la mère d’A.N. et sa
tante. Lundi matin, la conversation avec l’invitée venue d’Israël (Amira Hass,
ndt) commença par l’énumération de ceux dont J. Z. savait qu’ils avaient été
tués. Sept d’entre eux étaient des combattants et sont morts dans la bataille.
Il y avait aussi dix civils, dont trois femmes et au moins deux vieillards. Le
sort de dizaines de personnes est encore inconnu.
Puis la conversation saute
à des souvenirs de la prison provisoire de Ketsiot, où J. avait été incarcéré
durant la première intifada et qui a repris du service, pour les soldats
israéliens. Quelqu’un a raconté à A.M. qu’un soldat israélien avait perdu son
casque dans une maison qu’il avait fouillée. Les tirs étaient très intenses dans
les parages. Le soldat ordonna à un jeune Palestinien qui avait été “recruté” de
lui ramener son casque, en échange de quoi il serait libéré. Ignorant les
balles, ce jeune homme alla en courant à la maison inspectée, ramena le casque
du soldat israélien, et fut autorisé à rentrer chez lui. J. relate un autre fait
marquant, qui s’est produit près du camp, dont les protagonistes étaient des
soldats qui avaient été attaqués à l’intérieur d’une maison qu’ils venaient
d’investir, et d’où ils avaient décampé, abandonnant leurs armes derrière eux.
Dans le camp, on raconte que l’un d’entre eux criait : “Maman, maman, c’est
quoi, cette guerre de m.r.e !?!”
11. C’est cette semaine que
l’on saura qui dirige l’alliance américano-israélienne par Robert
Fisk
in The Independent (quotidien britannique) du lundi 8 avril
2002
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Quoi d’étonnant ? Voici qu’inopinément
Israël ne veut pas nous écouter. L’ex-général Ariel Sharon préfère continuer à
bousiller l’Autorité palestinienne, faisant des confettis des accords d’Oslo au
nom de sa Guerre Sainte contre le terrorisme. Pourquoi nous formaliser du nombre
scandaleux de victimes civiles chez les Palestiniens ? Après tout, l’Amérique
n’a-t-elle pas elle aussi pris sa revanche en tuant des milliers de civils
innocents dans l’un des pays les plus pauvres de la planète après les crimes
contre l’humanité perpétrés le 11 septembre (2001) ? Je doit toutefois admettre
avoir ressenti une satisfaction morose en entendant la réponse d’un président
George Bush abasourdi devant le refus de M. Sharon de retirer son armée de
Cisjordanie. Le Premier ministre israélien est bien, que je sache, ce même homme
qui avait envoyé son armada au Liban, en 1982, afin d’”en éradiquer le
terrorisme” (veuillez noter la similitude dans le vocabulaire, et aussi les
mentalités), et dont les forces israéliennes d’”élite” avaient tué, excusez du
peu, 17 500 personnes, pratiquement toutes des civils. M. Sharon est, je le
rappelle, l’homme qui a envoyé les Phalangistes alliés d’Israël dans les camps
de réfugiés de Sabra et Chatila, à Beyrouth, où ils ont massacré 1 700 civils
palestiniens. Il avait été tenu “personnellement responsable” de ces exactions
par la propre commission d’enquête mise sur pied par Israël. Des témoignages en
train de faire surface à Beyrouth indiquent que la plupart des réfugiés
massacrés ont été tués en réalité au cours des deux semaines consécutives au
massacre originel, dont les survivants ont été livrés aux Phalangistes par les
soldats israéliens eux-mêmes. Aussi, on se demande bien pourquoi M. Sharon
s’arrêterait-il en si bon chemin, et pourquoi aujourd’hui ? Si M. Bush veut
réellement réfréner son incorrigible allié, pourquoi ne pose-t-il pas à M.
Sharon quelques questions ? Pourquoi ne lui demande-t-il pas ce que sont devenus
les plus d’un millier de prisonniers palestiniens qui ont disparu entre les
mains d’Israël durant ces deux dernières semaines ? Qu’est-il advenu, par
exemple, des cinq hommes, les yeux bandés et ficelés comme des poulets, que j’ai
découverts dans la colonie juive de Psagot ? Que sont devenues ces cohortes de
jeunes hommes que j’ai vu embarqués de force dans un autobus aux vitres
entourées de fil de fer barbelé, un bus qui contourna Jérusalem et obliqua vers
l’ouest, prenant l’autoroute de Tel-Aviv ? Combien de ces jeunes hommes sont-ils
soumis à la torture, dans des centres d’interrogatoire ou dans la Colonie Russe
(Moskobiyéh), principal centre de torture à Jérusalem Ouest ? Mais depuis que
les soldats de M. Bush sont passés maîtres dans l’art de ficeler des prisonniers
musulmans et de leur bander les yeux, avant de les placer devant des cours
martiales, pourquoi M. Sharon devrait-il faire des chichis ? En effet, mois
après mois, tandis que M. Sharon déchirait l’accord d’Oslo, construisait des
colonies juives sur les territoires arabes à la vitesse grand V et envoyait ses
escadrons de la mort assassiner des Palestiniens, l’administration Bush -
craignant comme la peste de déplaire aux Israéliens - lui laissait faire
absolument tout ce qui lui passait par la tête. En réaction aux atroces
attentats-suicides palestiniens, Bush exprimait son indignation. En réponse à
l’agression israélienne, il appelait à la retenue - autant dire qu’il ne faisait
rien.
Je pose à nouveau la question : y a-t-il là quelque chose de surprenant
? Durant des mois, les médias américains ont refusé de dire à leurs
téléspectateurs et lecteurs ce qui se passait dans les territoires occupés. Les
journaux américains ont toléré l’insanité d’éditorialistes qui encourageaient M.
Sharon à l’escalade dans des agissements de plus en plus barbares. Que dire, par
exemple, d’un article publié récemment dans le New York Times par William
Safire, parlant certes de civils juifs assassinés par des Palestiniens, comme
d’habitude, mais par contre, de civils arabes “pris dans des échanges de tirs”,
“les échanges de tirs” étant l’extrême limite de ce qu’osent la majorité des
journalistes pour suggérer que les responsables en sont les Israéliens. Safire
joue le jeu rebattu consistant à qualifier les territoires occupés de
“territoires contestés”, ce qui est une grotesque distorsion de la vérité, chose
réaffirmée par le Département d’Etat dans une note politique émise par le
Secrétaire d’Etat Colin Powell.
Mais Safire brandit une nouvelle menace à
l’adresse des journalistes qui seraient encore désireux de dire la vérité : “Il
s’agit de territoires contestés”, écrit-il, “et les appeler “occupés” dénote un
préjugé contre le droit d’Israël à disposer de frontières sures et défendables”.
On voit bien quelle est l’argutie. Si nous avons un “préjugé” contre les droits
d’Israël, le pas n’est pas difficile à franchir pour nous accuser
d’antisémitisme. Mais qui se laisse prendre à cette absurdité ? Suis-je supposé
obligé d’alléguer que les soldats qui m’ont bloqué, dans ma voiture, et ont
pointé leurs mitraillettes sur moi, la semaine passée, en Cisjordanie, étaient
suisses ? Suis-je supposé croire que ce ramassis de soldats israéliens qui
tiraient contre des femmes palestiniennes cherchant désespérément à sortir de
Ramallah étaient des Birmans ? Safire reçoit régulièrement des coups de fil de
M. Sharon (après quoi il est tout content de nous raconter les dernières lubies
de M. Sharon), mais mon vieux pote Tom Friedman, dans son éditorial toujours
plus messianique que celui de la veille, dans le New York Times, a presque à
coup sûr quelque chose d’encore plus croustillant à raconter sur Sharon. “Israël
doit frapper un grand coup militairement afin de montrer clairement que le
terrorisme ne paie pas”, annonçait-il, la semaine dernière. Dites-moi, je vous
en conjure, à quel jeu joue un journaliste américain lorsqu’il exhorte M. Sharon
à emprunter le sentier de la guerre ? Friedman était avec moi, dans les camps de
Sabra et Chatila : a-t-il oublié ce que nous avons vu ? La semaine dernière,
toutefois, Friedman donnait aux Palestiniens le conseil sans frais de s’orienter
vers une résistance non-violente,’à la Ghandi’ (en français dans le texte,
ndt).
Pour lui, “un mouvement palestinien non-violent, qui en aurait appelé à
la conscience de la majorité silencieuse israélienne, aurait déjà obtenu un Etat
palestinien depuis au moins trente ans...” Inutile de dire que lorsque des
Occidentaux, parmi lesquels deux Britanniques, manifestèrent pacifiquement à
Bethléem et furent blessés par un soldat israélien qui leur tira dessus,
Friedman ne dit pas un mot. Pour Friedman, la raison pour laquelle les
Palestiniens recourent aux attentats-suicides, ce n’est pas leur désespoir face
à l’occupation - cette occupation dont Safire, bien entendu, nous donne l’ordre
de ne jamais la mentionner - mais le fait que “les Palestiniens sont rendus
aveugles par leur fureur narcissique à un point tel” qu’ils ont perdu de vue le
caractère sacré de la vie humaine. Et ça continue. Après avoir bestialisé les
Palestiniens tellement d’année, pourquoi serions-nous surpris lorsque une
société [en l’occurrence, l’israélienne] finit par produire précisément les
monstres que nous avons toujours prétendu voir en eux ? Il n’est pas jusqu’au
discours de M. Bush, la semaine dernière, annonçant l’envoi de M. Powell en
mission “urgente” de paix tout en lui donnant un délai incroyablement lambinant
de sept jours (!) pour arriver en Israël, qui n’ait réservé son venin aux
Palestiniens. Et malgré tout ça, après tout ça, il ne comprend pas pourquoi M.
Sharon peut se permettre le caprice de conserver son armée dans les territoires
occupés... C’est pourquoi la semaine qui s’ouvre sera décisive, dans le rapport
entre Israël et les Etats-Unis. Ce sera un test en temps réel pour la présidence
Bush. Nous allons enfin découvrir qui - des Etats-Unis ou d’Israël - mène la
politique américaine au Moyen-Orient. Ça serait merveilleux de pouvoir penser
que ce sont les premiers. Personnellement, je suis loin d’en être
convaincu.