Manifestation de soutien au peuple palestinien demain samedi 20 avril 2002 à 14h sur le Vieux-Port de Marseille
à l'appel du Collectif pour les droits du peuple palestinien et de l'Union juive française pour la Paix
[Tous les autres rassemblements sur http://www.solidarite-palestine.org/evnt.html#m]
                                  
Point d'information Palestine > N°197 du 19/04/2002

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Rédaction : Pierre-Alexandre Orsoni et Marcel Charbonnier
                                       
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Au sommaire
                               
Témoignages
Cette rubrique regroupe des textes envoyés par des citoyens de Palestine ou des observateurs. Ils sont libres de droits.
1. J'ai encore révé d'elle… par David Torres, citoyen de Gaza en Palestine
2. Liad à Ramallah par Liad Liad, jeune fille israélo-américaine de passage à Ramallah en Palestine [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
                            
Réseau
Cette rubrique regroupe des contributions non publiées dans la presse, ainsi que des communiqués d'ONG.
1. EXCLUSIF Appel des ressortissants français présents parmi les civils internationaux assiégés dans le Palais présidentiel palestinien à Ramallah par l'armée d'occupation israélienne
2. IMPORTANT Palestine, Pourquoi... par des ressortissants européens qui vivent en Palestine
3. “Israël en danger” ou : Une stratégie médiatique d’avenir, pour Israël par Saleh Abdel Jawad [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
4. Lettre ouverte à Ariel Sharon par Bertrand Bloch
5. Extrait de l'interview avec Rachi Israéli, présenté comme spécialiste de l'Islam et du Proche-Orient, professeur à l'université hébraïque de Jérusalem sur Arutz 7 (radio israélienne) le lundi 25 mars 2002
6. Une autre voix une lettre de l'Union juive française pour la paix - Provence
7. À Jénine, j'ai fondé... par Uri Avnery [traduit de l'anglais par R. Massuard et S. de Wangen]
8. Mise à sac du Centre culturel Khalil Sakakini à Ramallah par Adila Laidi, directrice du Centre [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
9. Désespoir en Palestine par Mumia Abu-Jamal [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
10. C’est çà, nos amis ? par Mumia Abu-Jamal [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
                            
                                       
Revue de presse
1. Abjections par Rudolf El-Kareh paru dans le dernier numéro de La revue d'études palestiniennes - N° 83 - Printemps 2002
2. Kofi Annan demande le déploiement d'une force multi-nationale Dépêche de l'Agence France Presse du jeudi 18 avril 2002, 17h12
3. Le champ de ruines in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 17 avril 2002
4. Ubu est roi à Bethléem par Cécile Feuillatre Dépêche de l'Agence France Presse du dimanche 14 avril 2002, 14h18
5. Sharon avance un plan en oubliant l'UE et... Arafat par Françoise Germain-Robin in L'Humanité du mardi 16 avril 2002
6. Un profond mépris par Amira Hass in Ha'Aretz (quotidien israélien) du lundi 15 avril 2002 [traduit de l'anglais par La Paix Maintenant]
7. Les chrétiens palestiniens dans la ligne de mire d'Israël par Françoise Germain-Robin in L'Humanité du lundi 15 avril 2002
8. Verbicide par Christian Salmon in Libération du lundi 15 avril 2002
9. Notre droit à une vie normale par Mahmoud Darwich in Libération du lundi 15 avril 2002
10. Dans le QG d'Arafat : "La ligne rouge, c'est nous" propos recueillis par Mouna Naïm in Le Monde du vendredi 12 avril 2002
11. Dans le QG d'Arafat : "Un canon pointé sur chaque fenêtre" propos recueillis par Mouna Naïm in Le Monde du jeudi 11 avril 2002
12. Bouclier humain pour protéger Arafat - Entretien avec José Bové réalisé  par Maya Al-Qalioubi in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 10 avril 2002
13. “Un contingent européen à Ramallah, et la guerre s’arrête !” - Interview de Claude Cheysson propos recueillis par Hervé Bontégeat in Le Figaro du mardi 9 avril 2002
14. Le camp d'internement israélien Ansar 3 réveille de vieilles blessures à Gaza par Selim Saheb Ettaba Dépêche de l'Agence France Presse du mardi 9 avril 2002, 12h29
15. Pérès qualifie de “massacre” l’opération de “Tsahal” à Jenin par Aluf Benn & Amos Harel in Ha’Aretz (quotidien israélien) du mardi 9 avril 2002 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
16. Seul le recours à la force armée a quelque chance de succès par Benjamin Netanyahu in The International Herald Tribune (quotidien international publié à Paris) du samedi 6 avril 2002 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
17. Je proteste ! par Michel Del Castillo in Le Monde du mercredi 3 avril 2002
                                                                                                       
Témoignages

                                  
1. J'ai encore révé d'elle… par David Torres, citoyen de Gaza en Palestine
Gaza, le samedi 13 avril 2002 - Un jour, il y a longtemps, j'ai eu envie d'aller en Jordanie retrouver un ami. Je n'avais pas demandé de visa à l'ambassade de Jordanie, à Tel-Aviv, alors pas moyen de passer par le pont Allenby, près de Jéricho. Il fallait passer par le Nord, par Israël. Le voyage promettait d'être intéressant, avec changement de taxi à Naplouse, puis Jénine, enfin un car à Nazareth pour Amman. C'était à la fin du printemps. Je me rappelle la route empruntée tant et tant de fois entre Ramallah et Naplouse, celle qui serpente entre les montagnes, ces monts doux et ronds ou s'élèvent brusquement des colonnes de pierre, ces pentes violettes, vertes ou dorées quelques semaines auparavant, qui commençaient à prendre leurs couleurs d'été. Puis j'ai découvert celle plus monotone, moins fréquentée, plus rustique, qui menait de Naplouse à Jénine. Il faisait déjà chaud quand je suis arrivé dans ce qui serait plutôt un gros village, tant j'y ai respiré un air de campagne, Jénine avec ses maisons à taille humaine, pas de tours ou de grands immeubles comme à Ramallah ou Gaza, et ces vieilles femmes solides à l'accent tellement lourd que j'avais du mal à suivre la conversation.  Alors je regardais le paysage, ces champs qui commençaient à
s'étaler, doucement, vers la plaine. Un check point israélien et nous voilà en Israël, sur la route de Nazareth. Il y a si longtemps.
Ce soir, à la radio, Samuel donnait son avis sur les événements de la journée et, de sa voix rauque, il parlait de Jénine. J'écoute et je m'étonne : "On a quand même un p'tit peu nettoyé, la situation est quand même beaucoup plus nette à Jénine. (.) On a pratiquement terminé notre nettoyage dans la plupart des villes. (.) Il va falloir continuer les opérations militaires dans chaque coin ou on n'a pas fait le nettoyage (.)on a au moins nettoyé la situation !"
J'avais envie de lui dire : "mais vous devriez y aller à Jénine, c'est propre ! Enfin c'est une grosse ville de campagne, ces habitants sont plutôt du genre rustique, mais ce n'est pas plus sale que Cahors ! Je m'en souviens bien, j'ai traversé la ville à pied pour me rendre de la gare des taxis de Naplouse aux taxis de Nazareth. J'ai même un peu tourné, je ne savais pas où trouver l'autre gare, alors j'ai demandé mon chemin à un homme dans la rue, il fallait tourner à gauche après le magasin au parasol rouge, et puis marcher sur 100 m. Bon, je sais c'est vraiment un coin perdu à la campagne, mais c'était propre !" Et je me rappelle cette phrase, le gouvernement israélien qui envoie paître M. Bush Junior et son impatience parce qu'il faut "terminer le travail". Mais il manquait l'essentiel, l'avis d'un homme du coin ! Malheureusement, une copine de Ramallah dont l'appartement a été "nettoyé" par les soldats israéliens il y a une semaine m'appelle : "je viens de recevoir un coup de téléphone du maire de Jénine. Il
m'appelle au secours, il me dit qu'il faut faire quelque chose, qu'ils sont en train de massacrer tout le monde ici !" Ah ! Mais faire quoi ! Dans ma tête les morts se bousculent, les amis, les connaissances, la foule des inconnus, les morts vus à la télévision ou dans les journaux, les morts lus dans les dépêches, ils tournent en rond, me tapent sur le crâne, et ces morts à Jénine qui ne sont pas encore morts, enfin si, presque, ils meurent en ce moment, à peine à plus de 100 km de ma chambre, ils seront là demain, ou s'ils font vite cette nuit, et ils iront avec les autres se bousculer dans ma mémoire, et s'ils ont de la chance ils passeront même à la télévision, en France. Cet
homme qui veut du secours ! Samuel ce soir est dans son lit, bien au chaud. Il va sans doute s'endormir. Je ne peux pas dormir. J'aimerais lui parler, doucement, à l'oreille. Samuel, tuer un homme, ce n'est pas propre. Ça ne nettoie ni le sol qui boit son sang, ni la main de celui qui l'assassine. Samuel, tuer un homme ce n'est pas un travail. Mais c'est trop tard, Samuel dort. Et moi, comment vais-je trouver le sommeil ?
                                    
2. Liad à Ramallah par Liad Liad, jeune fille israélo-américaine de passage à Ramallah en Palestine
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Mercredi 17 avril 2002 - Vous allez me demander : “Eh, ma jolie, qu’est-ce que tu fabriques à Ramallah ?”
Le vendredi 5 avril, sept jeunes israéliennes de bonnes familles juives sont entrées dans Ramallah. J’étais l’une d’entre elles. Notre but, pour le dire simplement, c’était d’exprimer notre opposition à la guerre que notre gouvernement mène contre la population civile palestinienne, actuellement, à Ramallah, ainsi que dans d’autres villes de la Cisjordanie, afin de manifester notre solidarité avec les Palestiniens.
Actuellement, l’entrée des Israéliens dans les territoires occupés est considérée illégale. Illégale : entendre : à moins que vous ne soyez un soldat, bien sûr. Nous savons bien que le gouvernement adopte cette politique dans le but de nous dissuader, nous autres Israéliens, d’aller voir ce qui se passe réellement de l’autre côté. C’est aussi la raison pour laquelle ils ne laissent pas entrer les photographes et qu’ils leur tirent dessus. Mais nous étions déterminées, nous voulions voir par nous-mêmes. Et nous l’avons fait.
Tantôt roulant, tantôt marchant, nous entrons dans Ramallah. Cette marche d’approche, qui ne prend tout au plus qu’une demi-heure, nous donne le sentiment d’être des hors-la loi en cavale, et aussi des cibles ambulantes. Etant Israéliennes, c’est clair : nous sommes confrontées au danger de tous côtés. Il pourrait venir de n’importe quel Palestinien qui n’apprécierait pas notre présence dans les parages et nous considérerait comme ennemies, et aussi des forces d’occupation israélienne qui peuvent nous arrêter à tout moment. Cela pour ne pas parler de balles perdues qui pourraient nous atteindre, venues des deux côtés.
Nous ne pouvons prendre le risque de nous retrouver seules, ne serait-ce qu’une minute. Alors nous discutons pour nous mettre d’accord avec un “guide touristique” palestinien.
La première chose qu’il nous demande, c’est qu’au cas où nous serions arrêtées, pour quelque raison que ce soit, après qu’il nous ait quittées, nous ne mentionnions sous aucun prétexte son nom à l’armée israélienne. Avant d’atteindre le but de notre visite, en voiture, nous avons fait la tournée de tous les camps de réfugiés de la région, ainsi que du bidonville qui s’étend à la périphérie de Ramallah. Les rues sont vides et les magasins fermés. De loin en loin, nous croisons une autre voiture. Généralement, le chauffeur s’arrête et parle avec le nôtre. C’est grâce à ces échanges que notre chauffeur sait où se trouvent les tanks et quelle route prendre.
Nous ne devons nous faire coincer à aucun prix : c’est le couvre-feu, et les militaires (israéliens) n’ont le choix qu’entre nous tuer ou nous arrêter. A un moment, nous devons sortir et marcher en lieu découvert. C’est d’autant plus dangereux que nous sommes vulnérables. A chaque carrefour devant nous, notre guide nous indique de nous cacher derrière l’immeuble le plus proche, le temps qu’il aille vérifier s’il n’y a pas des tanks ou des soldats israéliens au coin de la rue.
Notre guide nous laisse, deux cent mètres avant l’hôpital de Ramallah. Ces deux cent mètres, nous devons les parcourir par nous-mêmes, sans guide... seulement nous, sept femmes, et un groupe de dix Italiens qui en savent aussi peu que nous-mêmes sur la situation. Il nous donne vingt sacs de pains-pita, pour que nous les apportions aux personnes à l’intérieur de l’hôpital, et nous recommande d’être prudents.
Ce furent les deux cents mètres les plus éprouvants que j’aie jamais franchis de toute ma vie. Nous sommes habillées de blanc de pied en cap, pour qu’en cas de capture, les soldats puissent nous identifier comme membres d’ONG internationales et qu’ils ne nous canardent pas. Apparemment, ils ne vous tirent pas dessus, pour peu que vous soyez identifié comme non-Palestinien. Nous devons marcher très lentement, bien au milieu de la route, afin de nous assurer que nous sommes bien visibles. Nous marchons les mains en l’air, pour que les soldats israéliens voient bien que nous ne sommes pas armés.
Nous voilà à l’hôpital, vivantes. Ouf. Le personnel médical nous accueille, ainsi qu’une cinquantaine de militants qui y ont passé plus d’une semaine. Aucun d’entre eux n’a pu se doucher, depuis huit jours, car l’eau est coupée. La seule eau disponible est en bouteilles, et la réserve est fort limitée. Nous rencontrons plusieurs journalistes étrangers, mais aucun journaliste israélien, bien sûr : non seulement la presse est interdite, ici, mais de plus : quel Israélien, journaliste ou pas, mettrait sa vie en danger pour vivre dans de telles conditions, illégalement qui plus est, simplement pour dégoter quelque scoop ? Certains de ces journalistes étrangers aimeraient bien nous interviewer, mais ils ont peur que l’armée israélienne détecte, grâce à leurs articles, qu’ils se trouvent - illégalement - dans la ville et qu’elle ne vienne les en déloger.
On nous épargne de trop éprouvantes visites aux patients, et notre seule expérience d’histoires horribles de scènes de boucherie nous est donnée par les récits des médecins et des militants. Hier matin, nous a-t-on dit, une femme de cinquante-cinq ans a réussi tant bien que mal à rejoindre l’hôpital. Le plâtre qu’elle avait à un pied s’était cassé, et on devait le lui remplacer. Elle a quitté l’hôpital à onze heures. A onze heures et quart, elle y revenait, dans les bras d’un volontaire qui ramenait son cadavre. Elle avait été atteinte de deux balles, une dans une joue et une dans le cou. Deux jours avant, l’armée avait bloqué l’entrée de l’hôpital avec plusieurs tanks. Ils ne laissaient pas les ambulances bondées de blessés et de corps ramassés à travers la ville ne serait-ce que s’en approcher. Les militaires israéliens savent très bien qu’il y a beaucoup de militants qui sont repliés dans l’hôpital. Ils ont menacé de l’investir, d’en chasser les résistants manu militari, et de tout détruire, à l’intérieur.
On nous a informées d’un autre phénomène : les arrestations massives, en particulier d’hommes palestiniens. Il y a d’ores et déjà eu environ trois mille de ces arrestations. L’armée emmène les hommes vers une destination inconnue, les yeux bandés, les mains liées derrière le dos. On les laisse trois ou quatre jours ainsi, généralement sans nourriture et sans eau, jusqu’à ce que l’armée les interroge. Après quoi on les balance comme des sacs-poubelles, toujours les yeux bandés et les mains liées, dans quelque terrain vague au milieu de nulle part. On leur remet une note indiquant qu’ils ont déjà été “vérifiés”, au cas - probable - où ils seraient arrêtés à nouveau. L’un de ces hommes a réussi à rejoindre l’hôpital la veille de notre visite. Il était blessé. Il a raconté qu’il y a des terrains à découverts remplis d’hommes arrêtés comme il l’a été, qui ne peuvent pas bouger et certainement pas renter chez eux. Tant bien que mal, il avait réussi à rentrer chez lui, après une très longue marche. Il avait été arrêté par l’armée, un troufion israélien l’avait arrêté et lui avait écrit quelque chose dans la main, quelque chose qu’il n’arrivait pas à lire : c’était en hébreu. Les militants ont pris des photos de sa main et voulaient qu’on examine ces photos pour leur dire ce qu’il y avait d’écrit. Je pense que plutôt que lui remettre une note disant qu’il avait été “vérifié”, on lui avait tout simplement rédigé son “certificat” dans la main... Ça m’a fait penser irrésistiblement au marquage du bétail, dans les westerns.
Nous décidons d’aller au siège de l’Union des Comités Palestiniens de Secours Médical (UPMRC : Union of Palestinian Medical Relief Committees). Il y a là-bas un chargement de colis alimentaires envoyé par des associations (caritatives) israéliennes, et ces colis doivent être distribués aujourd’hui. La nourriture est arrivée à Ramallah depuis deux jours, mais elle n’a pu être distribuée à la population à cause du couvre-feu. Celui-ci est en vigueur depuis sept jours, et toute personne surprise dans la rue peut être abattue, ce qui est d’autant plus le cas si cette personne a le malheur d’être palestinienne. Ce couvre-feu n’a été levé qu’une fois, jusqu’à maintenant, pour quatre heures, afin de permettre aux habitants de s’approvisionner en nourriture ou de se ruer à l’hôpital s’ils en ont besoin, mais apparemment, même durant la levée du couvre-feu, l’armée continuait à tirer et à tuer les gens qui s’aventuraient dans la rue. Le couvre-feu va être levé à nouveau aujourd’hui, durant trois heures. C’est sans doute en raison de la venue du général Zinni à Ramallah, où il doit rencontrer (Arafat), et parce que le gouvernement israélien veut que l’endroit semble “normal”, pour que Zinni ne voie pas à quoi ça ressemble, un couvre-feu.
Quand il y a levée du couvre-feu, c’est du délire. Les gens courent comme des dératés pour se procurer le plus de vivres et de biens de première nécessité que possible, parce qu’ils savent très bien qu’en un rien de temps ils seront coincés de nouveau chez eux pour une durée indéterminée.
Par-dessus le marché, la plupart des boutiques et des entreprises sont fermées, parce que leurs propriétaires et leurs employés sont eux-mêmes bien trop occupés à tenter de se procurer de la nourriture et de l’eau pour être encore capables de venir travailler. Le seul endroit où les gens trouveront en réalité de la nourriture, ce sera l’UPMRC, et tout le voisinage va y affluer. Alors nous décidons d’y aller et de nous rendre utiles avant la ruée...
Apparemment, pour peu que vous soyez clairement identifié comme travailleur international d’une ONG, on ne vous dégomme pas carrément et vous êtes plus ou moins libre de vous déplacer dans certains quartiers de la ville, en dépit du couvre-feu. Le siège de l’UPMRC est à environ un quart d’heure à pied de l’endroit où nous nous trouvons. Mais aujourd’hui, nous ne pouvons pas aller là-bas en passant au plus court, parce que les tanks bloquent certaines rues, et nous préférerions ne pas avoir affaire aux soldats en faction à certains coins de rues. Nous devons donc emprunter un parcours détourné. Nous nous mettons en route, accompagnées par Huwaida et Adam du Mouvement International de Solidarité et par un volontaire palestinien de l’UPMRC.
A tout bout de champ, les rues sont éventrées, et le macadam porte la trace du passage des chenilles des blindés. Partout, des centaines de douilles de balles de mitrailleuse et d’obus de tank. Je n’avais encore jamais vu des douilles d’obus de tank... On dirait tout-à-fait des douilles de balles, mais il y a une petite différence : elles font trente centimètres de long ! Je commence à en ramasser en souvenir, mais je réalise très rapidement que je ne pourrai jamais les trimballer. Si je ramassais toutes celles qu’il y a devant le pâté de maison devant moi, je n’aurais pas assez de place dans mon sac à dos pour les emporter... Nous dépassons plusieurs carcasses de voitures laminées par les tanks ou brûlées ou encore explosées, toutes méconnaissables.
Après tout cet enfer, plus personne n’aura de bagnole. Quantité de pylônes électriques ont été cassés et gisent au milieu des rues. Apparemment, les tanks affectionnent de rouler sur les voitures et de jouer aux quilles avec les pylônes. Les immeubles eux-mêmes ne sont pas hors d’atteinte, bien entendu. Les façades sont criblées de trous. Dans certains immeubles, les trous sont gros comme ma tête. Ça fait froid dans le dos de penser qu’il y avait des gens, à l’intérieur de ces immeubles, lorsqu’ils ont été touchés. Plusieurs carcasses d’immeubles incendiés par les bombes et entièrement noircies par les incendies. L’un d’entre eux était le plus grand night club de Ramallah, le Rumours, qui servait de lieu de rendez-vous mal famé aux Israéliens aussi bien qu’aux Palestiniens, avant l’Intifada. Que cherchait l’armée israélienne, dans un nigth club ?
A deux reprises, nous avons été arrêtés par les soldats. La première fois, c’était à un coin de rue. Deux soldats sont sortis d’une entrée d’immeuble et sont venus nous arrêter. Dix secondes après, quatre autres soldats sont venus les rejoindre. Ils commencent à nous mettre en joue et à pointer aussi leurs flingues en direction des fenêtres. Ils veulent savoir ce que nous faisons dans la rue. Nous demandent si on ne sait pas qu’il y a couvre-feu ?! Ils nous ordonnent de rebrousser chemin. Ayant repéré un Palestinien parmi nous, il lui demandent de le suivre dans l’immeuble qu’ils occupent. Redoutant de ne jamais le revoir, nous refusons de le laisser seul. Adam commence à argumenter avec les soldats, et je le rejoins. “Que croyez-vous que je vais lui faire ?” demande l’un des soldats. Il se pince. “Je suis un être humain, vous voyez ?” Il n’est pas en train d’essayer de convaincre le Palestinien. C’est à nous qu’il parle.
Le plus dur, c’est de parler aux soldats. Je veux leur hurler à la figure en hébreu. Ils traitent les Israéliens avec un niveau de respect tellement supérieur qu’ils ne le font des étrangers, qu’ils considèrent comme une bande d’illuminés qui soutiennent aveuglément Arafat et ses terroristes et ne comprennent absolument rien à la situation. Je sais pertinemment que si un seul d’entre nous parle en hébreu, nous serons immédiatement arrêtés, tous. On sera tous jugés et nous pourrions bien être condamnés à plusieurs mois de prison ferme. Aussi, nous ne prenons pas ce risque. Nous envoyons Adam, avec notre compagnon palestinien, dans l’immeuble. Nous attendons dehors, plus d’une demie heure. Nous entendons des explosions, des tirs de tanks et de mitrailleuses. Ça se rapproche. Nous entendons des voitures qui approchent. Nous sommes au milieu de la rue et totalement exposés. Nous nous mettons à trembler. Adam et le volontaire palestinien de l’UPMRC ressortent enfin de l’immeuble.
La deuxième fois, le chef et ses assistants qui nous arrêtent sont en train de fouiller une voiture. On avait averti les gens que le couvre-feu serait levé à midi et demi, puis il y a eu une prolongation jusqu’à quatorze heures. Les gens étaient sortis, croyant que le couvre-feu était levé, y compris le pauvre gars qui avait pris sa voiture pour aller chercher du ravitaillement pour sa famille.
Le soldat refuse de lui parler autre chose qu’hébreu. Il lui ordonne d’ouvrir le coffre de sa voiture, et lui pose un tas de question sur ce qu’il fait dehors, où pense-t-il aller comme çà ? Le pauvre homme a de la difficulté à obtempérer aux ordres du soldat tout en répondant à son flot de questions. Il est évident qu’il ne comprend pratiquement pas un mot à ce qu’il lui dit. A peine nous a-t-il remarqués, le soldat nous ordonne de nous aligner dos au mur. Après quelques questions, il nous relâche, non sans nous gratifier de ses “avertissements”.
Le siège de l’UPMRC est situé dans un bâtiment qui abrite également le Centre Mandela pour les Prisonniers politiques, la boutique d’une couturière et un cabinet d’avocat. C’est sans doute en raison de la nature politique de l’activité des deux institutions que le bâtiment a été entièrement pillé, deux jours avant. Le cabinet d’avocat, à l’étage, a subi le plus de dégâts. Dans un premier temps, les soldats ont tiré des balles et des obus de tank contre ces bureaux, puis ils ont fait sauter les portes à la dynamite, sont entrés et ont confisqué tous les documents. La porte ne tient plus que par un fil. Le mur, avec une fenêtre donnant sur la rue a disparu. Le mur intérieur tient à peine debout et il est tellement criblé de projectiles de toutes natures qu’on dirait une passoire. Tout le bureau est plein de gravats. Tout est déchiré et cassé, seule exception : la photo de la fille de l’avocat, qui pend encore au mur.
Nous commençons la distribution de vivres dès la levée du couvre-feu. Les gens frappent aux portes et se poussent afin d’atteindre le guichet. Nous ne pouvons pas les discipliner, et nous ne pourrons jamais travailler assez vite. Nous parlons au téléphone avec Amira Hass, une journaliste israélienne qui vit à Ramallah. Elle me dit : “parlez hébreu, c’est très important que les Palestiniens sachent qui vous êtes et que vous êtes là, (parmi eux)”.
Après plusieurs heures de distribution, nous rentrons. La rue est pleine de gens courant en tous sens, comme pris de frénésie. Nous devons quitter la ville avant la reprise du couvre-feu. Nous atteignons en voiture le check-point à l’extérieur du camp de réfugiés de Kalandia, ce qui semble un record. Nous devons traverser ce barrage à pied, car ils ne laissent passer aucune voiture. Le barrage crée un engorgement, tout le monde doit mettre ses bagages sur une table pour l’inspection, avancer de quelques pas, soulever sa chemise, et se retourner, avant d’être autorisé - ou non - à passer. Nous sommes anxieuses, avant de franchir ce barrage, car nous n’avons pas de document d’identité international. Nous risquons l’arrestation et, encore une fois, le procès et la prison.
Mais nous passons, sans encombre. Nous devons défiler devant les soldats, une après l’autre. La dernière à passer, c’est Shelly. Après que nous nous soyons éloignées du barrage, elle nous a dit qu’elle connaissait l’un des soldats. C’était une camarade de classe. Elles avaient été dans la même classe sept années d’affilée.
Que vous dire de plus ? Que nous sommes des deux côtés ?
[Vous pouvez envoyer vos réactions à Liad Liad - E-mail : liadland@yahoo.com]
                                           
Réseau

                                                         
1. Appel des ressortissants français présents parmi les civils internationaux assiégés dans le Palais présidentiel palestinien à Ramallah par l'armée d'occupation israélienne
[Depuis le dimanche 31 mars 2002, une quarantaine de ressortissants étrangers sont assiégés par l'armée d'occupation israélienne dans le Palais présidentiel palestinien de Ramallah. Ils sont allemands, belges, brésiliens, espagnols, français, irlandais et suisses. Leur mission est de protéger pacifiquement de la brutalité militaire israélienne, le Président Yasser Arafat et ses collaborateurs. Hier, jeudi 18 avril 2002 à 19h10 (heure de Paris), ils nous ont appelé par téléphone et nous ont demandé de transmettre cet appel de toute urgence. ndlr]
Ramallah (Palestine), le jeudi 18 avril 2002 - Depuis trois semaines, assiégés dans Ramallah avec le Président élu du peuple palestinien et son entourage, nous attendons une prise décision claire de la part de l'exécutif français et nous espérons son intervention pour arrêter les massacres perpétrés depuis des semaines par l'armée israélienne.
Malgré nos demandes nous n'avons même pas reçus un appel téléphonique de nos autorités.
Comment Messieurs Chirac et Jospin qui assument à l'heure actuelle les plus autres fonctions de l'état, peuvent-il demander la confiance de  l'ensemble des français pour les élirent ou réélirent au poste suprême.
Ils démissionnent devant leur responsabilités, au moment ou ils devraient intervenir personnellement pour garantir la sécurité de leurs ressortissants, menacés par une armée qui ne recule devant aucune atrocité et se faire les garants des valeurs universelles du droit des peuples à l'autodétermination.
Nous appelons donc tous les citoyens attachés aux valeurs fondatrices de la république française à refuser leur vote à Messieurs Chirac et Jospin, tant qu'ils ne seront pas intervenus personnellement pour imposer la fin de l'occupation et la levée définitive du siège du palais présidentiel à Ramallah.
                               
2. Palestine, Pourquoi... par des ressortissants européens qui vivent en Palestine
Palestine, le jeudi 18 avril 2002 - Européens âgés de 20 à 50 ans, nous partageons depuis des mois voire des années le quotidien des Palestiniens, qualifiés par certains de "terroristes" alors que ce peuple aimerait simplement avoir les mêmes droits que les autres. Nos souvenirs, nos rires sont à Jérusalem, Ramallah, Naplouse, Bethléem, Gaza et autres villes palestiniennes mises à feu et à sang par les forces d'occupation israéliennes qui affament, pillent, terrorisent, torturent et tuent nos voisins et nos amis, au mépris total des Droits de l'Homme, des résolutions de l'O.N.U. et des conventions internationales. Aujourd¹hui l'Histoire s'étale sous nos yeux, et nous sommes réellement effrayés par certains discours.
A ceux qui disent qu'il faut chercher la paix, nous disons que les Palestiniens l'ont cherchée: en acceptant la réalité de l'Etat d'Israël sur les 4/5ème de leur patrie historique et les Accords d'Oslo, qui ont laissé l'occupation et la colonisation se poursuivre.
A ceux qui se déculpabilisent de l'Holocauste en laissant les Palestiniens se faire tuer, nous disons que jamais le sang versé par ce peuple ne lavera l'histoire européenne de ses crimes.
A ceux qui pensent que cette terre a été donnée par Dieu à un peuple qui se permet tout au nom de la Bible, nous disons que la religion est une affaire privée et que la Bible n'est pas un cadastre.
A ceux qui se gardent de critiquer l'Etat d'Israël par crainte d'être accusés d'antisémitisme, nous disons que le devoir d'assistance à un peuple en danger est plus important que les risques d'insultes et d'intimidations.
A ceux qui aiment Israël, nous disons qu'il ne faut pas cautionner les crimes d'un ami.
A ceux qui ne parlent que des attentats en Israël, nous disons "donnez aux Palestiniens des F16 et autres inventions vendues par des hommes pour tuer des hommes". Alors ils pourront défendre la terre qu'on continue de leur voler et faire la guerre comme les Israéliens, selon la méthode que "le monde libre" trouve civilisée.
A ceux qui croient que la neutralité consiste à renvoyer dos à dos le discours de l'occupant et celui de l'occupé, nous soutenons que confronter chaque discours aux faits permettrait de dévoiler les mensonges israéliens.
Les crimes dont nous sommes témoins sont inscrits à vie dans notre chair. Nous les ferons inscrire dans l'Histoire. Les générations futures auront un bain de sang de plus à apprendre à l'école. Ils viendront à leur tour demander des comptes comme nous en demandons aujourd'hui, car cette fois personne ne pourra dire "je ne savais pas". Et surtout n¹oubliez pas : manifestez, protestez, agissez, réagissez !
Signataires : Chantal (Hébron dont 20% n'ont jamais cessé d'être occupés depuis 1967), Valérie (Jérusalem-est occupée), Nathalie, Stéphanie et Omar (Bethléem réoccupée), Vincent, Anaïs, Isabelle, Chadia, Théodora, Chantal et Haïtham, Claude, Myriam, Micaël, Coralie et Antoine (Ramallah réoccupée), Ana, Emilie et Véronique (Naplouse réoccupée), Marianne (Gaza, bouclée), Ben, Manuel et Kristin (Abou Dis surveillée). [Contact :
cevepalestine02@yahoo.com]
                       
3. “Israël en danger” ou : Une stratégie médiatique d’avenir, pour Israël par Saleh Abdel Jawad
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

(Saleh Abdel Jawad est politologue, professeur à l’université de Birzeit en Palestine.)
17 avril 2002 - Ce papier se propose de répondre au mythe qui voudrait que les Palestiniens seraient en train de mener une guerre contre l’existence même d’Israël et que, par tant, la guerre menée par Israël contre les Palestiniens serait une lutte pour sa survie (‘milkhama bifshil ha-bayt’ : ‘une guerre pour la défense du foyer’). Cette idée fausse a proliféré, au cours des derniers mois, et elle est utilisée à la manière d’une lance et d’un axe stratégique de la propagande sioniste contre le peuple palestinien. Viennent y ajouter leurs effets deux autres arguments fallacieux constitutifs du récit israélien : la “générosité” d’Israël à Camp David (que les Palestiniens auraient - pour autant qu’elle eût existé - rejetée), et l’expression “terrorisme palestinien” qui a fait ses preuves dans les médias. Le lobby sioniste aux Etats-Unis et l’appareil de propagande de Sharon ont fait leur cette approche tri-composite, laquelle a même trouvé un écho, récemment, dans les discours du président américain, George Deubeuliou Bush. La propagation réussie, il faut bien le reconnaître, de cette propagande a trouvé une sorte de couronnement dans une numéro spécial, récent, de l’hebdomadaire Newsweek, sur la couverture duquel figurait une étoile de David, avec une légende posant la question de savoir si Israël avait quelque chance de survivre... Ce numéro regorgeait d’articles et de reportages, dont un, écrit par un certain Henry Kissinger, ce même Kissinger Henry dont des archives officielles récemment déclassifiées montrent qu’il a été à l’origine non seulement de la politique arabe des Etats-Unis, mais aussi des drames humains dont les peuples du Timor oriental (durant le mandat de Gerald Ford) et de l’Angola (sous celui de Jimmy Carter) ont eu à souffrir.
L’article de Kissinger, donc, mentionne que le retour d’Israël à ses frontières d’avant le 4 juin 1967 mettrait en danger son existence car, écrit-il, les zones arabes de Cisjordanie sont trop près du coeur de ce pays. Il cite comme exemple la ville israélienne de Netanya, qui n’est qu’à treize kilomètres de Tulkarem (en dépit du fait que Tulkarem sera toujours à treize kilomètres de Netanya, quand bien même Israël ne se retirait pas jusqu’à ses frontières d’avant juin 67. A moins, bien entendu, que Kissinger n’envisage d’éliminer Tulkarem de la carte sans autre forme de procès ?!). Kissinger tente vainement de rejeter la thèse selon laquelle c’est une solution définitive de la question palestinienne qu’il incombe à l’administration américaine de trouver. Il préfère soutenir l’option d’une gestion des crises au moyen de règlements intérimaires. Dans la même veine, nous ne sommes nullement surpris de le voir douter de la pertinence de l’initiative saoudienne et de sa prise en considération d’Israël, en s’en référant à la “froideur” de la paix égypto-israélienne et au cynisme (promu par Barak) intrinsèque à l’exigence d’une reconnaissance d’Israël par les Arabes et d’une normalisation totale de leurs relations avec cet Etat.
Bien que ces allégations soient manifestement sans fondement, le monde arabe doit les prendre tout-à-fait au sérieux. En effet, elles constituent la pierre angulaire de la ”justification” de tous les crimes commis aujourd’hui, ainsi que la violation flagrante de toutes les lois internationales (à commencer par la Quatrième convention de Genève, de 1949) qui régissent l’attitude à observer vis-à-vis des civils dans une situation de guerre (laquelle est en l’occurrence une guerre unilatérale déclenchée par la partie surpuissante, arrogante et insolente).
Ces allégations sont donc un chèque en blanc signé et remis à Sharon, avalisant toutes ses exactions. Il est, par conséquent, indispensable que les intellectuels palestiniens et, avec eux, les intellectuels du monde entier, adressent un message extrêmement clair à l’opinion publique israélienne, mais aussi mondiale, en déconstruisant le cynisme de ces outils de propagande. Car ils pourraient s’avérer encore bien plus dangereux que les mensonges de l’ancien Premier ministre israélien Ehud Barak et de Shlomo Ben Ami, abondamment diffusés par les médias occidentaux et israéliens à la veille de l’échec des négociations de Camp David, déjà mentionnées, en 2000. De la même manière que ce mythe, plus qu’aucun autre auparavant, avait pavé la voie devant le rouleau compresseur de la répression israélienne contre les Palestiniens après l’explosion de l’Intifada Al-Aqsa (survenue dans le marasme causé par le silence des Palestiniens, à l’époque, sur ce qui s’était produit en réalité à Camp David), le nouveau mythe en date menace de paver la voie devant la cristallisation d’un consensus israélien, voire même judéo-occidental, “justifiant” les pires exactions contre les Palestiniens : tueries, destructions, et même expulsion collective manu militari. Nous devons nous remémorer comment les mythes et les mensonges (que tout le monde connaît) répandus par les sionistes sur la guerre de 1948 ont réussi à leur fournir une “légitimation” non seulement de l’ensemble des drames infligés à notre peuple à l’époque, mais même de la plupart de ceux qui lui ont été infligés depuis lors !
C’est ce qui m’amène à vous faire part d’une lettre parodique dont l’objectif est de démolir ces mythes. Je l’ai intitulée “Israël en danger” (j’ai bien le droit, moi aussi, d’attirer le lecteur, non ?) :
Israël se bat pour la survie
Notre existence est menacée : nous ne détenons que deux cents têtes nucléaires. Nous sommes en danger : nous produisons nos propres satellites militaires, alors que les Arabes se déplacent encore à dos de chameau. Nous sommes en danger existentiel, bien que notre aviation militaire soit la seconde au monde après celle des Etats-Unis, du point de vue qualitatif, et bien que notre équipement militaire et nos tanks laissent loin derrière eux en quantité tout ce que la France, l’Allemagne et l’Angleterre prises ensemble peuvent se vanter de posséder. Nous sommes en danger, en dépit de notre avance technologique et de nos armes secrètes, que nous expérimenterons, n’en doutez pas, le moment venu, contre les terroristes arabes, et bien que nous soyons le sixième exportateur d’armement au monde. Tout cela n’empêche pas que nous sommes en danger. Nous vous en conjurons, ne permettez pas qu’Auschwitz recommence.
Il y a (en face de nous) 30 000 Palestiniens armés de vieux riblons AK-47. La plupart d’entre eux se sont rendus sans combattre, quand nous avons investi leurs villes. Of course : ils n’avaient pas de munitions. Mais n’empêche. Leur chef, Abu Ammar (Yasser Arafat, ndt), qui a soixante-treize ans et qui ne peut appeler ses forces (armées), même pas de la cabine téléphonique au coin de la rue, est le plus grand stratège depuis Klauzewicz et Napoléon Bonaparte. Mais comment vous faire comprendre ? Ces diaboliques Palestiniens pourraient bien être capables, les vaches, de détruire nos F-15, avec leurs tromblons ; ils pourraient bien détruire aussi nos têtes nucléaires dans leurs bases secrètes, voire même en vol, ces andouilles. Ils menacent l’existence de nos soldats dont nous vous rappelons, au cas où vous l’auriez oublié, qu’ils ne sont, avec les réservistes, pas plus d’un petit million !
Nous sommes en danger de mort : l’économie palestinienne est en train d’absorber la nôtre. Leur revenu national est de 4 milliards de dollars et ils en ont perdu 2,4 à cause de leur satanée Intifada. Bien fait pour leur tronche. Nous, pauvre petit Israël, n’avons que 120 milliards de dollars de produit national brut. Nous sommes en danger. C’est tonton Riri (Kissinger) qui l’a dit, d’abord : la distance de Netanya à Tulkarem n’est que de treize kilomètres. Les Palestiniens lui auront sans doute dérangé le cerveau, avec leur équipement de déprogrammation télépathique des neurones : c’est la seule explication plausible au fait que le pauvre vieux n’ait pas remarqué que la distance de Tulkarem à Netanya est - elle aussi - seulement de treize kilomètres !
Nous sommes en danger parce que nous défendons notre territoire à Gaza, envahie par des réfugiés palestiniens que nous avions pourtant pris la peine d’expulser de Jaffa et d’Ashdod, en 1948. Aujourd’hui, ceux-ci nous empêchent tout à fait grossièrement de nous emparer des cent pour cent de la Bande de Gaza, dont la superficie, dois-je le rappeler, n’est que de 360 kilomètres carrés !? Que dire de ces gueux ? Une bande de sauvages : ces animaux, dans la bande de Gaza, vivent serrés comme des sardines.
Ils ne sont pas civilisés : voilà qui résume tout le danger auquel nous sommes confrontés. Le citoyen palestinien, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, ne consomme qu’un dixième de l’eau consommée par un colon israélien : voilà pourquoi les Palestiniens sentent tellement mauvais : leur hygiène est déficiente. Quoi qu’il en soit, les Palestiniens sont des oppresseurs puisqu’aussi bien ils ne laissent pas nos colons remplir leurs piscines d’eau fraîche quotidiennement.
Nous sommes en danger démographique, les Palestiniens se multipliant comme des lapins. Mais nous ne pouvons nous résoudre à être des criminels dans le style d’Hitler et construire, ce qu’à Yahvé ne plaise, des chambres à gaz pour les éliminer. Non. C’est pourquoi nous allons résoudre le problème démographique en recourant à la non-violence.
Voici comment nous, qui sommes civilisés, allons procéder.
Tout d’abord, nous allons faire venir des Russes et des Ethiopiens. Et s’ils ne sont pas Juifs ?! Mais qu’est-ce que ça peut bien vous faire, d’abord ? A partir du moment où il ne s’agit pas de Palestiniens du coin...
Ensuite, nous arrêterons les femmes enceintes, aux barrages militaires, afin d’éviter qu’elles ne puissent atteindre une maternité. Par souci humanitaire, nous avons décidé de fournir à nos soldats en faction aux checkpoints des boules Quiès (r) afin qu’ils ne soient pas importunés par les hurlements et les gémissements de ces femmes en gésine en train de mourir, ainsi que par les cris de leurs nouveaux-nés en train de mourir avec elles.
La distribution de ces bouchons pour les oreilles sera autorisée également en cas de Palestiniens hurlant à la mort de douleur, atteints d’infarctus, de coliques néphrétiques nécessitant un traitement d’urgence, ou de toute autre affection mettant leur vie en danger, telles les crises de diabète, d’hypertension, ou autres.
Troisièmement, étant donné que nous ne saurions être des criminels et recourir aux armes biologiques, nous avons décidé d’interdire aux Palestiniens d’enterrer leurs morts. Nous tenons là une idée géniââââle. Les corps en décomposition diffuseront les épidémies. Comme ça, ils crèveront par la faute de leurs propres compatriotes palestiniens, et nous garderons une conscience nickel.
Quatrièmement, afin d’éviter de lourdes charges financières à l’Autorité palestinienne, nous avons décidé d’aider le Ministère de la Santé et le Croissant Rouge palestiniens en les dispensant de toute responsabilité dans l’acheminement des blessés. Comme vous le savez tous, sans doute, le transport des blessés par ambulance est extrêmement coûteux. C’est pourquoi un Palestinien qui se respecte a le devoir de servir sa grande nation palestinienne en saignant à blanc. Ainsi, il connaîtra le confort et procurera du confort à autrui. Que désirer de mieux ? En geste de bonne volonté, nous avons décidé d’aider financièrement les pères de famille et les chefs de famille palestiniens en fermant toutes les écoles, en occupant le ministère palestinien de l’Education nationale et en démantelant et confisquant tous ses fichiers, ordinateurs, etc...
Cinquièmement - c’est absolument sans précédent - nous avons décidé d’accorder aux Palestiniens un congé illimité. Chose incroyable, incompréhensible, ils continuent à se plaindre ! Le Palestinien est le seul au monde à recevoir un congé d’un an (voire plus), alors que les employés les plus qualifiés, dans un pays comme la Suisse, n’ont pas droit à plus d’un mois de congés par an !
Monde libre, te voilà prévenu : le danger a encore augmenté depuis que nous avons envahi les villes palestiniennes.
Les Palestiniens n’ont rien d’autre à manger durant les interminables bouclages, que nous envisageons de maintenir des semaines durant, que des lentilles, des fayots et du blé. Ils ont du bol, et ils devraient nous remercier, ces ingrats : c’est là un régime très équilibré, très riche en fibres. Mais, mince alors, ça produit un tas de flatulences, et nous sommes confrontés à un nouvel Auschwitz. C’est pourquoi nous avons décidé : plus jamais ça !
Enfin, en dépit du fait que nous soyons menacés -  d’extinction, rien que ça - nous avons décidé, comme il sied au Peuple (élu) d’Israël, de mourir, mais cette fois, sans emmerder le monde. C’est pourquoi nous avons décidé qu’il n’y aurait pas de témoins de ces crimes perpétrés contre nous et c’est pourquoi nous sommes amenés à tenir à l’écart tout journaliste du nouvel Auschwitz. Malheureusement, nos juristes ne pourront sans doute pas, dans cinquante ans, exiger des compensations financières. Mais vous pouvez nous croire : nous sommes sincères lorsque nous vous disons que, nous tenons par dessus-tout à ne déranger personne.
Une victime compatissante
Ariel Sharon
                               
4. Lettre ouverte à Ariel Sharon par Bertrand Bloch
(Bertrand Bloch est professeur d’histologie à l’université de Bordeaux 2 et membre de la Coordination des Appels pour une Paix Juste au Proche-Orient – CAPJPO :
http://www.paixjusteauproche-orient.com)
Cher Ariel,
Je viens de passer quelques jours en Israël pour Pessah, afin de témoigner à ma famille qui vit à Beersheba, affection et chaleur dans ces horribles moments. Je  t’écris parce que durant la semaine que j’ai passé là-bas, les évènements antisémites qui se déroulent en France me montrent que tu  contribues, avec les fanatiques de tous bords, à nous faire  basculer  dans un monde et une logique qui sont inacceptables  pour un juif et pour un citoyen  et qui me font peur, pour moi et pour mes enfants.
Pour tous ceux qui, en France sont amis d’Israël, et ont rêvé de la paix lors du processus d’Oslo, une paix juste qui respecte les aspirations nationales des palestiniens, ton arrivée au pouvoir nous a fait craindre le pire; chacun sait et doit dénoncer les atermoiements et les ambiguïtés de certains leaders palestiniens ; chacun voit chaque jour les attentats inacceptables qui radicalisent dans la dignité et  le désarroi la population israélienne.  Celle-ci estime désormais qu’il n’y a d’autre issue que l’affrontement sans merci avec les Palestiniens. Mais le pouvoir des fanatiques ne peut que se nourrir des discours et des actes qui sèment l’humiliation et le désespoir parmi les civils palestiniens afin de fermer les rares portes qui permettraient de stopper cette spirale insensée et mortifère. I. Rabin, qui est mort de la vision de paix qu’il proposait, avait cette volonté farouche de négocier, en dépit des poseurs de bombes, sans transiger avec la sécurité d’Israël. Depuis ton arrivée, et tout singulièrement ces dernières semaines, tu as engagé le gouvernement et l’armée israélienne dans un combat qui laisse croire que la violence aurait raison contre les demandes légitimes d’un peuple; les amis d’Israël, un certain nombre d’israéliens courageux constatent avec tristesse qu’Israël y perd progressivement son âme et son honneur, sans gagner la sécurité à laquelle chacun de ses citoyens aspire.
Cher Ariel, j’ai été choqué lorsque tu t’es adressé à moi, il y a quelques semaines, en tant que juif français, pour me mettre en garde contre une France antisémite et contre le danger que représenterait la communauté arabo-musulmane de notre pays. Il y a en France, comme partout, les antisémites et les racistes d’hier et de demain, contre lesquels chacun de nous doit lutter sans relâche. Mais il y a aussi, et c’est la force de mon pays, celui auquel je veux croire pour nos enfants, l’immense majorité des français, quelles que soient leur origine, leur religion et leurs sympathies pour la Palestine ou pour Israël, qui veulent vivre dans le respect de l’autre, en paix. Ceux-là refusent le repli communautaire; ils ont le souci des valeurs communes de notre pays.
Cher Ariel, ton combat, ton discours de violence, l’impasse à laquelle tu conduis Israël me consternent. Je soutiens Israël mais je ne peux que dénoncer ta politique sans issue. En dépit des horreurs actuelles, je veux croire qu’il n’est pas trop tard. Nous devons tous militer pour l’établissement d’un état palestinien à coté d’Israël dans le respect mutuel des droits et des aspirations des deux peuples. Comme membres de la société civile, comme politiques notre responsabilité est d’agir afin de redonner à chacun confiance dans l’avenir. Plus que jamais.
                                       
5. Extrait de l'interview avec Rachi Israéli, présenté comme spécialiste de l'Islam et du Proche-Orient, professeur à l'université hébraïque de Jérusalem sur Arutz 7 (radio israélienne) le lundi 25 mars 2002
 - Vous voyez que les Palestiniens et le Monde Arabe et je dois dire avec l'aide de la gauche israélienne et de la gauche intellectuelle européenne et américaine ont réussi depuis 1967 à changer l'attention du monde, pour virer du problème israélo-arabe au problème israélo-palestinien. Dans la grande équation Israël/Monde Arabe, avant 1967  c'est Israël qui avait la sympathie du monde, c'était le petit Israël assiégé menacé par tout ce monde arabe autour de lui. (...) On voit dans cette petite équation Israël, le grand pouvoir la grande puissance qui occupe les Palestiniens sont les sans état les pauvres les malheureux.(...). Dès que les Américains ont commencé à lutter contre le terrorisme mondial, la grande équation était entrain de se revivre on voyait bien la menace non seulement contre Israël mais contre tout le monde occidental avec tout ce monde islamique les Arabes et ainsi de suite, et le plan saoudien justement vient pour retourner la situation pour revenir de nouveau à la petite équation Israël/Palestine.
Ce dont on discute maintenant, c'est de l'Irak et non plus des menaces arabes contre Israël, ce n'est plus du terrorisme islamiste international, mais on discute comment régler le problème palestinien.
(...) Je crois ce que le gouvernement israélien est entrain de faire maintenant c'est d'évaluer les grands bénéfices d'Israël quand le grand combat commencera contre l'Irak ou l'Iran ou les deux.
- Ce qui explique le profil bas d'Ariel Sharon en ce moment...
- Absolument. Car les Palestiniens ne menacent pas l'existence d'Israël.C'est l'Irak. (...) Mais pour nous lorsque (jusqu'à ce que) les Américains arriveront à l'étape où la grande menace contre Israël est liquidé.... il vaut mieux payer maintenant ce petit prix par rapport au grand bénéfice que nous aurons (..).Ce qui explique le profil très  très bas de Sharon qui ne veut pas causer aux Américains n'importe quel prétexte pour qu'ils lancent pas le combat décisif contre l'Irak qui est dans notre intérêt.
- Et le combat décisif contre Yasser Arafat ? On a entendu certains ministres comme Uzi Landau dirent que tout était prêt pour des opérations sans précédent , réoccupation de tous les territoires palestiniens. Ce combat là aura t-il lieu? Est ce que Ariel Sharon aura un jour la possibilité de le mettre en oeuvre ?
- Il y a à mon avis deux scénarios possibles : pendant la guerre contre l'Irak, qui va changer, peut être révolutionner le Proche-Orient, l'attention du monde sera de nouveau centré sur l'Irak. Ce qui  nous laisserait les mains libres pour faire bien des choses ici qui maintenant attire l'attention du monde mais qui plus tard attireront moins d'attention. (...)L'autre, c'est qu'Arafat en voyant Saddam, son grand supporter,  est entrain de subir une défaite, se repliera sur lui, et on assistera à une baisse des attentats pour ne pas que le monde se retourne contre lui, pendant que l'attention du monde est tourné vers l'Irak.

                               
6. Une autre voix une lettre de l'Union juive française pour la paix - Provence
Lundi 15 avril 2002 - Nous nous adressons à tous nos concitoyens, et en particulier à ceux qui considérent avoir des liens d'attachement spécifiques avec Israel.
Nous condamnons les actes d'antisémitisme perpétrés en France, dont la portée symbolique est immense. Nous condamnons les attentats kamikazes commis par les Palestiniens à l'égard d'une population civile, qu'ils soient actes individuels de desespérés ou d'organisations politiques. Nous les condamnons sans réserve, parce que le respect de la vie humaine est un devoir sacré, parce qu'aujourd'hui plus que jamais, nous devons nous battre pour la vie et non pour la mort.
Mais nous savons que le risque est grand de rester dans la confusion.
Les attentats terroristes palestiniens ne sont ni la cause ni la justification des massacres commis par l'armée israélienne dans les territoires occupés depuis 1967. Nous rappelons que le premier attentat de ces dernières années fut commis par un juif, Baruch Goldstein, auteur du massacre du Tombeau des Patriarches, tuant dans un acte de folie meurtrière trente neuf musulmans en prière. Nous rappelons également que c'est Sharon qui fut le premier à profaner un lieu saint, en venant parader sur l'Esplanade des Mosquées / Mont du Temple, sous la haute protection de l'armée.
Aussi, malgré toutes les intimes convictions des uns et des autres, il faut regarder la réalité en face.
La «chasse aux terroristes» n'est qu'un pretexte pour anéantir la population palestinienne sommée ou de disparaître ou de se disperser si elle ne veut pas être asservie.
La guerre menée par Sharon et son gouvernement, renforçé de ministres issus de l'extrème droite religieuse, n'a d'autre but que d'annexer définitivement la Cisjordanie et de construire, au mépris de la sécurité même de la population israélienne, «un Grand Israel de la Mer au Jourdain», «Espace Vital du Peuple juif», selon les propos du général Effi Eytam, nouveau ministre du gouvernement d'Union Nationale depuis le 8 Avril (interview recueillie par Sylvain Cypel dans le Monde du 7-8 avril 2002).
Porter la guerre partout, y compris dans les États arabes qui ont conclu la paix avec Israel, est l'ultime visée des manœuvres de Sharon et de ses acolytes qui tentent de s'appuyer sur les instances communautaires juives internationales pour couvrir leurs exactions. Ils tentent ainsi de prendre les juifs du monde entier en otages, en les amenant à soutenir une politique que ceux ci réprouveraient s'il ne s'agissait pas d'Israel. Ils se conduisent comme des pères incestueux, qui tiennent leur famille par la loi de la tribu, au nom du fantasme d'une menace permanente.
Écoutons encore Effi Eytam: «Nous croyons en l'existence du Maitre du Monde, les Chrétiens et les Musulmans aussi, mais ils ne forment pas un peuple, Nous si. C'est notre particularité: Nous sommes seuls au monde à entretenir un dialogue avec Dieu en tant que peuple..... Nous devons ètre la lumière pour nous mèmes, et nous deviendrons la lumière des Nations.... Par sa stature morale, Israel montrera la voie.»
Combien ces propos sont éloignés de l'enseignement le plus fondamental du judaisme : «Ce que tu ne supporterais pas qu'on te fasse, ne le fais pas aux autres !»
Tsahal s'est notamment inspirée de «l'expérience» allemande devant le Ghetto de Varsovie et a fait venir devant son Collège National de Défense le spécialiste de la lutte contre les ghettos noirs à Los Angeles, ainsi qu'un général russe des forces spéciales en Tchéchénie pour préparer l'offensive actuelle contre les villes palestiniennes (Haar'etz Janvier -fevrier 2001).
L'abjection chez eux s'ajoute au ridicule. Shimon Peres, Prix Nobel de la Paix, devenu Prix Sharon de la Guerre, pousse le grotesque jusqu'à parler de «propagande palestinienne» à propos des massacres de Jenine. Pourtant, c'est bien l'armée israélienne qui empèche les journalistes, même israéliens, de faire leur travail d'information. Envers et contre tous les témoignages concordant des européens présents à Ramallah, Bethléem et autres villes palestiniennes, le gouvernement Sharon maintient que la soldatesque de pillards endoctrinés qu'est devenu Tsahal, est l'armée la plus vertueuse du monde.
Agir ainsi c'est faire outrage aux juifs vivants
En jouant de leur peur viscérale de l'antisémitisme pour tenter de ruiner toute liberté de pensée, en instillant un climat de paranoia et défiance devant tout ce qui n'est pas de leur bord et en laissant entendre qu'il y aurait un complot contre les juifs dont seul Israèl serait le bouclier et le rempart.
Agir ainsi c'est faire outrage aux juifs morts
En rangeant sous la même bannière d'un pouvoir fasciste raciste et belliqueux les massacrés de la Shoah. C'est faire outrage à ce qu'il y a eu de meilleur dans le monde juif du XX ème siècle: le combat pour la justice et la fraternité entre les peuples,dans lequel s'illustrèrent des combattants juifs antifascistes, ceux des Brigades Internationales, ceux de la Résistance, de la MOI et de l'Affiche Rouge, ceux enfin du Ghetto de Varsovie.
Massacrer, humilier, torturer, affamer des hommes, des femmes et des enfants en leur nom est une effroyable imposture.
Les crimes de guerre commis ces dernières semaines n'ont d'autre but que de terroriser les civils palestiniens à qui il n'est proposé qu'une alternative: vivre sans droits politiques, comme des étrangers sur leur propre terre, ou partir notamment en Jordanie s'ils continuent à réclamer l'application des résolutions de l'ONU.
Suivant la voie révisionniste, Sharon et ses ministres veulent réécrire l'Histoire, y compris celle des fondements d'Israel. Mais Israel, qui doit son existence à une décision de l'ONU ne peut continuer à bafouer les lois internationales sans mettre en péril son avenir et sa légitimité.
La Paix pour les Israéliens et les Palestiniens passe par le retrait d'Israel sur les frontières d'avant 1967, le démantèlement des colonies, l'existence de deux États ayant chacun Jérusalem comme capitale. L'heure est trop grave pour hésiter à s'engager. Le choix est simple, le combat pour la paix est celui du soutien au Peuple Palestinien, ainsi qu'aux forces de Paix en Israel.
[Contact Union juive française pour la paix - Provence : ujfpp@free.fr]
                                   
7. À Jénine, j'ai fondé... par Uri Avnery
[traduit de l'anglais par R. Massuard et S. de Wangen]
13 avril 2002 - Il y a 105 ans, le lendemain du premier congrès sioniste à Bâle, Théodore Herzl a écrit dans son journal: «À Bâle, j'ai fondé l'État des Juifs.» Cette semaine, Ariel Sharon devrait noter dans son journal : «À Jénine j'ai fondé l'État des Palestiniens.»
Évidemment, ce n'est pas ce qu'il voulait. Tout au contraire, son intention était de détruire la nation palestinienne, ses institutions et sa direction, une bonne fois pour toutes, ne laissant que des ruines, des décombres humains dont on pourrait se débarrasser n'importe où.
En pratique, c'est quelque chose de tout à fait différent qui s'est passé. Confrontée aux attaques de la puissante machine militaire de la région et aux armes les plus modernes du monde, noyée dans une mer de souffrances, entourée de cadavres, la nation palestinienne s'est redressée comme jamais.
Dans le petit camp de réfugiés près de Jénine, un groupe de combattants palestiniens de toutes les organisations se sont rassemblés pour une bataille défensive qui est enraciné pour toujours dans le cœur de tous les Arabes. Elle est le Massada palestinien - comme l'a appelée un officier israélien faisant allusion à la légendaire résistance de ceux qui restaient de la grande révolte contre Rome en 71 avant JC.
Quand les médias internationaux ne pourront plus être tenus à l'écart et que les images de l'horreur seront publiées, deux versions possibles pourront émerger: Jénine, l'histoire d'un massacre, un second Sabra et Chatila - et Jénine, le Stalingrad palestinien, l'histoire d'un héroïsme mémorable. C'est certainement la seconde qui prévaudra.
Les nations sont bâties sur des mythes. J'ai été élevé sur les mythes de Massada et Tel-Chai, qui ont formé la conscience de la nouvelle nation hébraïque. (À Tel-Chai, en 1920, un groupe de défenseurs juifs conduit par le héros manchot Joseph Trumpeldor ont été tués dans un incident avec des combattants syriens anti-Français.) Les mythes de Jénine et d'Arafat emprisonné dans ses bureaux à Ramallah formeront la conscience de la nouvelle nation palestinienne.
Un robot militaire primaire qui voit tout en termes de puissance de feu et de comptage de cadavres ne pourra pas comprendre cela. Mais Napoléon, un génie militaire, a dit que, dans la guerre, le moral compte pour les trois quarts et l'équilibre réel des forces seulement pour le dernier quart.
Comment se présente la guerre de Sharon dans cette perspective?
En ce qui concerne les forces réelles, le rapport est clair. Quelques dizaines d'Israéliens tués, des centaines de Palestiniens morts. Aucune destruction en Israël, des destructions horribles dans les villes palestiniennes.
Le but proclamé était de «détruire l'infrastructure de la terreur». Cette définition est en elle-même un non-sens: L'«infrastructure de la terreur» existe dans l'âme de millions de Palestiniens et de dizaines de millions d'Arabes dont le cœur éclate de rage. Plus il y a de combattants et de kamikazes tués, plus de combattants et de kamikazes sont prêts à les remplacer. Nous avons vu les «laboratoires d'explosifs» - quelques sacs de matériel que l'on peut obtenir dans les boutiques israéliennes. Les FDI sont fières d'en découvrir des dizaines. Il y en aura bientôt des centaines d'autres.
Quand des dizaines de personnes blessées gisent dans les rues et perdent lentement leur sang jusqu'à la mort, parce que l'armée tire sur toute ambulance qui circule - cela crée une haine terrible. Quand l'armée enterre secrètement des centaines de cadavres d'hommes, de femmes et d'enfants - cela crée une haine terrible. Quand des tanks écrasent des voitures, détruisent des maisons, arrachent des poteaux électriques, crèvent des conduites d'eau, laissent derrière eux des milliers de gens sans abri et obligent des enfants à boire l'eau des flaques de la rue - cela provoque une haine terrible.
Un enfant palestinien qui voit tout cela de ses propres yeux devient le kamikaze de demain. Ainsi ce sont Sharon et Mofaz qui créent l'infrastructure terroriste.
Par là même, ils ont créé les fondations de la nation palestinienne et de l'État palestinien. Les gens ont vu leurs combattants à Jénine et croient qu'ils sont de bien plus grand héros que les soldats israéliens, protégés comme ils sont à l'intérieur de leurs énormes tanks. Ils ont vu leur dirigeant dans une séquence historique à la TV, son visage éclairé par une simple bougie dans son bureau sombre et encerclé, prêt à mourir à tout moment, et ils le comparent avec les ministres israéliens hédonistes, assis dans leurs bureaux, loin des combats, entourés par des hordes de gardes du corps. Ainsi naît l'orgueil national.
Rien de bon pour Israël ne sortira de cette aventure, comme rien de bon n'est sorti des aventures précédentes de Sharon. Le concept de l'opération était stupide, son application cruelle, les résultats en seront désastreux. Cela n'apportera ni paix ni sécurité, ne résoudra aucun problème, mais isolera Israël et mettra en danger les Juifs du monde entier.
En fin de compte, on ne se souviendra que d'une seule chose: notre machine militaire géante a attaqué le petit peuple palestinien, et le petit peuple palestinien et son dirigeant ont tenu bon. Aux yeux des Palestiniens, et pas seulement à leurs yeux, cela apparaîtra comme une victoire éclatante, la victoire d'un David moderne contre Goliath.
                                   
8. Mise à sac du Centre culturel Khalil Sakakini à Ramallah par Adila Laidi, directrice du Centre
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
16 avril 2002 - Ce jour, 15 avril 2002, le couvre-feu imposé à la ville de Ramallah a été levé pour la quatrième fois pour une durée de quatre heures, ce qui nous a permis d’entrer dans les locaux du Centre Culturel Sakakini et de commencer à évaluer les dommages commis par l’armée israélienne durant son effraction du samedi 13 avril.
Nous avons découvert un spectacle de désolation et de destruction, défigurant un bel édifice ancien, résumé à lui seul de l’esthétique de l’architecture palestinienne. Toutes les fenêtres du premier étage, toutes les vitres de la véranda ont été soufflées par deux explosions, destinées à “faire sauter” deux portes métalliques latérales. Tous les sols, tant de la véranda que de la salle de conférence et du foyer (cafeteria) étaient couverts d’éclats de vitres.
Les quatre bureaux ont été vandalisés, y compris celui du poète Mahmoud Darwish : les tiroirs des placards muraux d’origine, ainsi que ceux des bureaux, ont été vidés sur le sol, les étagères des bibliothèques cassées, les livres jetés par terre, une porte ancienne en bois fracturée. L’étendue des dommages ne sera connue et estimée que lorsque nous pourrons retourner travailler dans le centre, mais nous pouvons d’ores et déjà faire un premier inventaire :
- dommages irréparables à certaines oeuvres d’art, à un portail d’origine en fer forgé, destruction du standard téléphonique, électricité coupée, système d’alarme endommagé, un radiateur cassé par l’explosion dont l’eau s’est répandue sur le sol du foyer, coffre-fort forcé, marques et impacts profonds causés par les éclats de l’explosion dans tous les murs et plafonds.
- en ce qui concerne le pillage : le disque dur de l’ordinateur central a été volé, ainsi que quelques milliers de NIS (nouveaux shekels israéliens), volés dans le coffre-fort, ainsi qu’un téléphone portable.
Les dommages ont été photographiés et filmés en vidéo.
Le Centre culturel Sakakini est une organisation non-gouvernementale fondée en 1996. Elle organise diverses manifestations artistiques et développe des projets spécifiques consacrés à l’histoire et à la culture orale palestinienne.
Avant l’invasion, le Centre avait reçu la visite d’une délégation internationale d’écrivains, parmi lesquels deux prix Nobel, Wole Soyinka et Jose Saramago.
Les institutions artistiques et culturelles n’ont pas échappé au vandalisme et à la destruction systématique qui ont frappé l’ensemble des institutions palestiniennes, durant ces deux dernières semaines.  Ainsi le Théâtre-Cinémathèque Qassaba, à Ramallah a eu à en souffrir. Les Centres culturels français et grec, à Ramallah, ont été entièrement détruits. Mentionnons l’occupation qui se poursuit, à ce jour, du Centre pour la Paix de Bethleem, ainsi que du siège du Ministère palestinien de la Culture, à Ramallah.
Depuis le début de l’invasion israélienne, le personnel du Centre Sakakini a continué à travailler, sous l’état de siège, rassemblant et expédiant notamment des témoignages sur la vie quotidienne dans la ville assiégée, des lettres et des dessins d’enfants, des appels aux médias, ainsi qu’une lettre ouverte adressée à George Bush.
Tous ces documents sont consultables sur le site : http://www.intertech pal.com.
Un autre site présentant ces documents a fait l’objet d’une attaque par virus. Il s’agit du site : http://www.alnakba.org/siege
Les méthodes de destruction du centre Sakakini correspond à la manière dont l’armée israélienne a usé pour faire irruption dans les domiciles privées et les institutions publiques au cours des deux dernières semaines, qui se résume à deux mots : terreur et crime. Cette sauvagerie prouve une détermination affichée très claire de vandaliser et de détruire toutes les infrastructures institutionnelles des Palestiniens, accompagnée de pillages quasi-systématique commis par des soldats haineux.
Nous ne sommes hélas nullement surpris de constater encore une fois que l’armée israélienne qui n’a aucun respect pour la vie humaine, comme l’illustre le massacre barbare commis dans le camp de réfugiés de Jenine, ni aucun respect pour les lieux saints, comme le symbolise la perpétuation du siège de l’Eglise de la Nativité à Bethléem, qui nous fait revivre le Moyen-Age, montre également qu’elle n’a aucune espèce de considération pour la dignité de tout héritage culturel.
[Pour plus d’information, contacter  Mr. Mazen Qupty, secrétaire du Comité de direction du Centre Sakakini au numéro de téléphone suivant : +972 2 627 66 67 - en particulier, en ce qui concerne les actions légales envisagées.]
                                           
9. Désespoir en Palestine par Mumia Abu-Jamal
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

“ (...) [Une] société qui s’accoutume au recours à la violence pour résoudre ses problèmes, tant mineurs et qu’importants, est une société dans laquelle les racines des relations inter humaines sont atteintes”  Ignacio Martin-Baro, S.J., in Ecrits pour une psychologie de la libération (1994)
21 mars 2002 - La guerre désorganise les vies humaines, détruit la santé et les biens, mais un conflit armé décime également la santé mentale individuelle et collective.
Pour que ce qui concerne celle-ci, un problème est rarement traité, celui des blessures de l’âme, de l’esprit. Encore plus rarement évoqué, l’impact de la guerre sur les pauvres, les jeunes, les dépossédés. Quel sont les effets d’un conflit armé sur les opprimés, les damnés, les démunis ?
Le Dr. Eyad Sarraj, psychiatre palestinien, a écrit, il y a plusieurs années, que l’occupation israélienne avait un caractère si négatif, et des effets si dévastateurs sur la psyché des Palestiniens, que “la chose étonnante (était) non pas que des attentats-suicides se produisent”, mais bien “le fait qu’ils soient tellement rares”. Le Dr. Sarraj notait :
“Je pense qu’il s’agit d’actes de désespoir absolu, marquant le stade extrêmement grave atteint dans un conflit apparemment sans issue. Depuis le déracinement des Palestiniens, en 1948, causé par le terrorisme juif de l’Irgoun, dirigé par Yitzhak Shamir et Menahem Begin, nous avons tout tenté. Nous avons misé sur Nasser et le nationalisme arabe, ce qui nous a valu d’être envahis, en 1956, dans nos maisons de fortune des camps de réfugiés. Ce n’est que parce que l’URSS a menacé de bombarder Londres et Paris, et seulement grâce à la détermination du président américain Eisenhower que l’occupation d’alors a pris fin.
Puis vint le désastre consécutif à la guerre arabo-israélienne de 1967, Israël s’emparant, après une guerre-éclair de six jours, du Sinaï conquis sur l’Egypte, du Golan conquis sur la Syrie, et volant aux Arabes palestiniens tant la Cisjordanie que la bande de Gaza.
Plus de trente années durant, les Palestiniens ont dû vivre sous l’occupation militaire israélienne (qu’ils appellent la Nakba), avec des cartes d’identité spéciales, des permis de résidence, des restrictions extrêmement sévères à leurs déplacements internes, des “passeports” faisant état d’une “nationalité : indéterminée” et l’omniprésence perpétuelle de l’occupant, affectant les moindres gestes quotidiens. Ils ont dû vivre en étrangers sur la terre de leurs pères, une terre surchargée de colonies israéliennes, de barrages de contrôle militaire et de désespoir.
Pour les Palestiniens, rien n’a fonctionné comme promis. Les résolutions de l’ONU proclament leur droit au retour, leur droit à un Etat, la fin de l’occupation israélienne. Mais, sur le terrain, rien ne change. L’armée écrase leurs maisons au bulldozer, des francs-tireurs descendent leurs gamins qui lancent des pierres. Des dirigeants sont liquidés à domicile, les F-16 vrombissent dans le ciel durant la nuit. Et, dans cet espoir sans fond, des jeunes hommes (et désormais des jeunes femmes, aussi ! ) s’entourent la taille de ceintures de mort. Leur seule prière ? Ne pas mourir - seuls...
                                                      
10. C’est çà, nos amis ? par Mumia Abu-Jamal
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

13 mars 2002 - Tandis que les tanks israéliens déferlent sur les territoires palestiniens et que des dizaines de milliers de soldats israéliens détruisent des centaines de maisons palestiniennes, le président des Etats-Unis parle, devant des journalistes clairsemés réunis pour une conférence de presse dont on a cru qu’elle ne viendrait jamais, de l’assaut militaire de l’allié de l’Amérique : “Je pense que cela ne sert à rien”.
Alors que le peuple palestinien vit une de ses heures les plus sombres, alors que Ramallah et les camps de réfugiés sont ravagés par plus de 20 000 soldats israéliens, accompagnés de centaines de chars et des destructions incessantes infligées par les avions d’attaque F-16, la réponse du gouvernement américain est celle-là : insipide, inintelligente et significative du parti-pris écrasant qui caractérise la position des Etats-Unis sur le conflit au Moyen-Orient.
Tandis que les diplomates et les hommes politiques américains multiplient les appels à la paix, on ne saurait affirmer que les Etats-Unis méritent d’être qualifiés d’arbitre impartial.
Examinons, par exemple, le rôle des Etats-Unis dans les couloirs de l’ONU, lorsque des résolutions concernant la Palestine sont mises en discussion :
Résolution 33/110, sur les conditions de vie du peuple palestinien (18.12.1978). Vote : 110 pour, 2 contre (Etats-Unis ; Israël)
Résolution 34/113 : Demande d’un rapport d’enquête sur les conditions de vie des Palestiniens dans les territoires arabes occupés par Israël (14.12.1975). Vote : 120 pour, 2 contre (devinez qui ?)
Résolution 34/133 : Assistance au peuple palestinien (14.12.1979). Vote : 112 pour, 3 contre (Etats-Unis, Israël, Canada)
Résolution 35/169C : Sur les droits des Palestiniens (15.12.1980). Vote : 120 pour, 3 contre (Etats-Unis, Israël, Australie).
Je pourrais poursuivre la litanie, elle est accablante. Mais cela suffit.
Doit-on, par tant, s’étonner si les Palestiniens, en particulier, comme les Arabes en général, ont le sentiment que les Etats-Unis sont fort mal placés pour arbitrer entre les deux parties ?
Si d’aventure un Palestinien attaque un Israélien, les Etats-Unis sont prompts à fustiger Arafat “de ne pas faire suffisamment” pour la paix.
Lorsque des soldats ou des colons israéliens se rendent responsables de violences contre des Arabes, il y a soit un silence assourdissant du côté de Washington, ou le même genre de commentaires tiédasses et  “empruntés” que ceux concédés par Bush en réaction aux incursions israéliennes massives à Ramallah et dans les camps de réfugiés.
Le Conseil de Sécurité de l’ONU a voté récemment, avec le soutien des Etats-Unis, une résolution approuvant l’établissement d’un Etat palestinien. Les Etats-Unis auraient-ils enfin eu les yeux dessillés, tel Saint-Paul, sur le chemin de Damas ? Ne rêvons pas.
Dans cette ère nouvelle de guerre globale, l’empire Etasunien ne pouvait faire à moins afin de calmer ses alliés arabes, tels l’Egypte et l’Arabie saoudite.
La question posée est : Quel Etat ?
Un Etat indépendant, souverain, ou une succursale des intérêts américains et israéliens ?
Une nation, c’est bien plus qu’un drapeau, une capitale et un aéroport, tout particulièrement à notre ère de voracité impérialiste globalisée et de super-pouvoir débridé.
A moins que les événements ne connaissent un retournement radical, un Etat palestinien serait ce qu’Israël et les Etats-Unis permettraient qu’il soit (c’est-à-dire : pas grand-chose). Point.
                                               
Revue de presse 
                                           
1. Abjections par Rudolf El-Kareh
paru dans le dernier numéro de La revue d'études palestiniennes - N° 83 - Printemps 2002

Il y a quelque chose de vicieux, sur le fond, dans la question israélienne.
Et ce quelque chose de vicieux naît de la surdétermination profonde de l'Etat d'Israël par les abominations nazies et par la persécution des juifs notamment en Europe centrale et en Russie.
Ce quelque chose de vicieux se nourrit du décalage entre les crimes commis en Europe et les conditions iniques de la fondation de l'Etat d'Israël au détriment du peuple palestinien. Il se nourrit aussi d'une réponse qui n'a jamais été apportée à la question de savoir au nom de quelle morale les injustices et les souffrances infligées aux communautés juives d'Europe doivent être payées d'une injustice et de souffrances infligées au premier chef au peuple de Palestine.
Ce quelque chose de vicieux se nourrit aussi de la confusion entre les appareillages militaires et idéologiques de l'Etat d'Israël ajoutés à leur instrumentalisation géopolitique, d'une part, et la persécution des juifs d'Europe et de Russie, d'autre part. Il se nourrit encore de la volonté de faire partager et assumer au peuple palestinien et aux peuples arabes en général, non seulement la responsabilité d'une Histoire qui n'est pas la leur, mais aussi le sentiment de culpabilité conséquent aux abominations de la deuxième guerre mondiale, éprouvé en Europe puis plus tard aux Etats-Unis.
Il y a quelque chose de vicieux à faire admettre par la force à des générations palestiniennes et arabes détruites par la politique de l'Etat d'Israël, l'idée qu'elles doivent assumer par la contrainte ce sentiment de culpabilité. La voie du partage de la compassion et de la solidarité avec les victimes du nazisme aurait dû suivre en réalité un chemin parfaitement inverse à celui de la logique qui écrase aujourd'hui le peuple palestinien mais aussi ce qui est devenu la société israélienne : celle de la victime devenue à son tour bourreau, et qui sacrifie, en les reproduisant, aux mêmes actes de barbarie et de sadisme.
Au nom d'une histoire qui n'est pas la leur, les Palestiniens sont ainsi sommés de se contraindre et de se soumettre. Toute résistance à la domination coloniale et au déni, sera réduite avec la plus grande cruauté, selon une logique grotesque, prétextant que les victimes - en l'occurrence du nazisme - et surtout leurs légataires proclamés, doivent se garder d'un retour potentiel de l'oppression historique subie par une oppression exercée, plus grande encore. Logique d'autant plus absurde et criminelle que la victime d'aujourd'hui, oppresseur potentiel supposé de demain, est totalement étrangère aux assassins d'hier.
C'est dans ce quelque chose de vicieux qu'il faut aussi rechercher les causes de la cruauté israélienne actuelle, de ses mots et de ses actes. Jour après jour les confusions intellectuelles et morales dont se trouve pétri le discours israélien officiel se manifestent par des dérapages qui prennent la forme d'une parole de plus en plus structurée, dont de nombreux actes barbares sont le prolongement.
Le racisme des rabbins ultras ou des politiciens d'extrême-droite a investi désormais le discours politique gouvernemental et celui de fractions importantes de l'armée. Ce qui, en d'autres lieux et d'autres circonstances aurait provoqué d'immenses scandales, paraît tout à fait naturel à ceux-là même qui se saisissent de toute critique de la politique israélienne et de celle de ses protecteurs américains pour brandir incontinent et inconsidérément l'accusation d'antisémitisme.
Que l'on en juge.
Rapportés par le journal Haaretz, voici les propos d'un officier israélien présenté comme étant "en charge des Territoires" [ toujours cette indéfinition qui exprime le déni de la Palestine ] : "Afin de se préparer convenablement à la prochaine campagne militaire, il est justifié et même vital de nous inspirer de toutes les sources possibles. Si notre mission est de nous emparer d'un camp de réfugiés densément peuplé ou de nous saisir de la casbah de Naplouse [ quel aveu du fait colonial que ce mimétisme avec la guerre d'Algérie ! ] et si obligation est donnée à un officier de s'efforcer d'exécuter cette mission sans faire de victimes des deux côtés, ce dernier devra avant tout analyser et intégrer les enseignements des batailles passées, et même - aussi choquant que cela puisse paraître - analyser comment l'armée allemande a opéré dans le ghetto de Varsovie".
Le journaliste qui relate ces propos ajoute que "l'officier en question n'est pas le seul à avoir cette approche. Beaucoup de ses camarades estiment que pour sauver des israéliens, il est aujourd'hui légitime de tirer parti de nos connaissances sur les origines de cette guerre terrible dont les victimes étaient leurs familles". Propos terribles lorsque l'on sait que ces "connaissances" et cette "expérience" ont été consignées dans les détails par le général SS Jürgen Stroop qui réduisit la révolte du ghetto de Varsovie. On sait aussi que la "reprise en main" de ce ghetto s'est achevée par l'extermination de sa population. "L'inspiration puisée aux sources" signifie-t-elle dès lors en toute cohérence que "l'analyse et l'intégration des enseignements des batailles passées" scelle le sort des réfugiés des camps et des habitants de la "casbah de Naplouse" ?
Trois semaines plus tard, dès la fin février, plusieurs camps de réfugiés ont été investis par la soldatesque israélienne. Les agences de presse rapportent que des rafles sont opérées notamment dans la ville de Tulkarem, dans le camp de réfugiés de Dhaishé, à Kalkilia et dans la bande de Gaza. Les télévisions internationales montrent des militaires juchés sur des blindés appelant par haut-parleur la population masculine " de quinze à soixante ans" à se rendre dans les cours des écoles. La même technique avait été déjà expérimentée notamment dans les villages libanais, lors de l'invasion de 1982.
La presse internationale rapporte également "que les soldats israéliens avaient couvert la tête de chaque prisonnier d'un bonnet de couleur, noir pour les membres présumés des Brigades des martyrs d'Al-Aksa (…) et rouge pour les membres présumés des Brigades du martyr Abou-Ali Moustapha, branche armée du Front Populaire de Libération de la Palestine". D'autres "détails" se précisent progressivement : les prisonniers raflés apparaissent les yeux bandés, les mains liées derrière le dos . On apprend surtout que les soldats israéliens inscrivent à l'encre "". des numéros sur les bras des Palestiniens arrêtés
L'affaire apparaît au grand jour et se confirme lorsque l'on apprend aussi "qu'à la demande d'un député du parti centriste Shinoui, Tommy Lapid, un rescapé du génocide juif, le chef d'état-major de l'armée israélienne Shaoul Mofaz a ordonné de ne plus inscrire de numéro sur le bras des Palestiniens fait s prisonniers".
"J'ai dit au chef d'état-major que le fait d'inscrire des numéros sur le bras de détenus est insupportable pour quelqu'un qui a échappé à la Shoah". Tommy Lapid a peut-être conscience de la profonde immoralité du symbole. Mais le fond du problème demeure. Ce qui choque ce n'est pas la brutalité coloniale du comportement israélien, ce n'est pas que "l'armée israélienne a tué des dizaines de Palestiniens désarmés, y compris des enfants et des personnels médicaux", comme l'en accuse B'tselem, l'organisation israélienne des droits de l'homme, ce qui est "grave", aux yeux des responsables gouvernementaux et militaires israéliens, ce sont les "conséquence médiatiques" des exactions, notamment les bombardements aériens des populations civiles. S'il faut les arrêter ce n'est pas en raison de leur sauvagerie mais, comme le dit Shimon Peres, "parce qu'ils provoquent trop de dégâts pour…notre image de marque". Peut-être aussi parce que le spectacle des F 16 piquant sur les villes palestiniennes rappelle un peu trop les Stukas plongeant sur Guernica.
Dans tous les cas, et c'est justement ce qui fait leur différence et leur gravité , les propos et les actes abjects ne sont pas tenus par des colons surexcités mais par des responsables gouvernementaux. Chaque jour qui passe apporte, sous une logique tribale, une démesure que l'on croyait indépassable la veille.
Tel ministre du gouvernement Sharon "préconise de couper le courant pendant deux semaines aux localités palestiniennes d'où proviennent les auteurs des attentats" ( Guidon Ezra, vice-ministre de la sécurité intérieure ). Tel autre, cité par France 2 ( 12.03 ) affirme sans ciller : "On ne peut pas se contenter de tuer les moustiques un à un. Il faut assécher le marais, et le marais c'est l'Autorité Palestinienne". Comme ceux de l'officier qui demande que l'on presse exemple sur la Wehrmacht, ces insultes ignobles ne suscitent aucune réaction officielle. Chaque jour apporte là aussi, et au plus haut niveau, son lot d'infamie.
N'a-t-on pas entendu Uri Shani le directeur de cabinet d'Ariel Sharon tourner en dérision la levée du blocus imposé à Yasser Arafat ( on sait ce qu'il en fut depuis, puisque l'effet d'annonce servît d'écran de fumée à l'occupation massive de Ramallah ) : "Arafat pourra passer d'une cage à l'autre, de Ramallah à Gaza". Dans la foulée de celui dont il porte la parole, et qui s'échine depuis le 11 septembre à comparer Arafat à Ben Laden, Shani rêve sans doute de transporter la Palestine à Guantanamo !
L'exemple magistral de l'abjection demeure cependant celui d'Ariel Sharon lui-même. Après avoir publiquement regretté de ne pas avoir assassiné Arafat en 1982, il a ouvert plus largement encore les vannes de la barbarie en affirmant ouvertement, le 5 mars dernier, qu'Israël devait infliger aux Palestiniens "beaucoup de pertes" et des "coups très durs". Les journées qui suivirent furent les plus sanglantes de l'Intifada. Et dans le registre de l'ignoble le ministre de la Justice - de la justice ! - israélien, Meir Shetrit ajouta : "J'approuve toute opération visant à punir les Palestiniens jusqu'à ce qu'ils implorent un cessez-le-feu".
La convergence "intellectuelle" ( dans son immense indigence ) entre les dirigeants israéliens emmenés par Sharon et Georges W. Bush ne doit plus étonner, lui qui traitait ses adversaires réels ou supposés de "parasites terroristes" qu'il fallait "faire disparaître".
En Israël même, si certains anciens hauts responsables militaires parlent " d'une stratégie stupide (…) qui ne fait que renforcer la haine" ( Avraham Tamir), si des experts en stratégie trouvent qu'elle "est le signe d'un certain désespoir de l'armée" ( Martin Van Creveld ), d'autres ne craignent plus de considérer "que le faux consensus actuel et les atrocités quotidiennes dans les Territoires Palestiniens font planer [la menace] de la montée d'un fascisme ordinaire. (Ariel Bronfman). Haim Hanegbi de Maariv écrit quant à lui : "Quiconque suggère d'apprendre "comment l'armée allemande a opéré dans le ghetto de Varsovie" doit savoir que moins de deux ans plus tard, le Reich millénaire n'était plus que cendres et poussières".
Les dirigeants israéliens actuels sont, en fait des "calculateurs". A l'instar de cet "officier en charge des territoires", ils se présentent, comme le général Stroop, en "spécialistes de la solution des problèmes". Ces "spécialistes" sont mécaniques et fonctionnels.
Hannah Arendt les décrivait en ces termes : "Les spécialistes de la solution des problèmes n'appréciaient pas, ils calculaient. Leur confiance en eux-mêmes n'avait même pas besoin de l'autosuggestion pour se maintenir intacte en dépit de tant d'erreurs de jugement car elle se fondait sur une vérité purement rationnelle et mathématique. Le malheur est que cette "vérité" était dépourvue de tout lien avec les données du "problème" à résoudre".
Hannah Arendt, dans une "réflexion sur les documents du Pentagone qui menèrent les Etats-Unis au désastre vietnamien, peignait ainsi certains aspects du mensonge et des techniques d'intoxication. Elle parlait… du totalitarisme.
                                       
2. Kofi Annan demande le déploiement d'une force multi-nationale
Dépêche de l'Agence France Presse du jeudi 18 avril 2002, 17h12

NEW YORK - Le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, a demandé jeudi devant le Conseil de sécurité des Nations Unies le déploiement d'une force multi-nationale armée dans les territoires palestiniens occupés.
"La situation est devenue si dangereuse que la communauté internationale est dans l'obligation de fournir une telle assistance", a-t-il ajouté.
M. Annan a précisé que cette force devrait avoir l'autorisation d'employer la force pour accomplir son mandat qui, a-t-il précisé, devrait relever du chapitre VII (Rétablissement de la paix) de la Charte des Nations Unies.
Cette force, selon le secrétaire général, ne serait pas constituée par les Nations Unies (Casques Bleus) mais de troupes fournies par une coalition de pays alliés volontaires, sur le modèle notamment de la KFOR déployée au Kosovo.
"Cette force, a encore dit M. Annan, doit être impartiale et capable de prendre des actions décisives. Elle doit avoir une force qui la rend crédible, un mandat robuste et être assez nombreuse pour le mettre en oeuvre".
Un porte-parole israélien a aussitôt rejeté cet appel. "Dans la situation actuelle, nous ne pensons pas qu'une présence internationale pourrait être utile", a-t-il affirmé.
                            
3. Le champ de ruines
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 17 avril 2002
« Les pertes provoquées par l'offensive militaire israélienne qui entre dans sa troisième semaine sont évaluées de 10 à 15 milliards de US$. Toute l'infrastructure a été complètement détruite et notre économie est à zéro ». Tel est l'état de l'économie palestinienne, selon le conseiller économique de l'ambassade palestinienne au Caire, Barakat Al-Fera.
Le chômage est à son plus haut niveau. Actuellement, on enregistre presque 100 % de chômage, soit les 130 000 Palestiniens qui travaillaient en Israël et les 450 000 personnes qui travaillaient dans les territoires de l'Autorité palestinienne. « On parle d'un peuple en entier qui n'arrive pas à sortir de sa maison, qui ne représente guère pour lui un abri », a-t-il ajouté. Toute l'infrastructure palestinienne a été détruite, des usines aux hôpitaux en passant par les réseaux électriques et les routes. « Il y a une paralysie et une destruction totale de l'économie dans tous les secteurs : c'est toute l'activité économique qui est bloquée. Face au couvre-feu, les survivants vivent de façon misérable. De toute façon, les ambulances n'arrivent pas à avoir accès aux blessés », a-t-il souligné.
Autre catastrophe : les exportations sont interrompues, rien ne passe. Il n'y a donc pas de sources de revenus pour l'Autorité palestinienne.
Selon une étude menée par l'Institut méditerranéen en novembre 2000, 40 % des recettes intérieures de l'Autorité palestinienne proviennent des taxes et des impôts prélevés par l'Etat israélien pour le compte de cette dernière. En outre, 85 % du volume des transactions se fait avec l'Etat hébreu. L'économie palestinienne, qui ne possède pas de monnaie propre, dépend entièrement du shekel israélien et du dinar jordanien. « Cette forte dépendance financière et économique caractérisant la Palestine la rend très vulnérable face aux chocs extérieurs », constate cette étude.
La destruction de l'infrastructure est la cause première de la récession de l'économie palestinienne au cours des derniers 18 mois. L'indicateur le plus inquiétant est l'augmentation de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté : l'ensemble des habitants de Gaza et de Cisjordanie ne disposent que de deux dollars par jour, selon un rapport de la Banque mondiale.
En fait, ce n'est pas la première fois que les Palestiniens passent par cette épreuve. Déjà lors de la première Intifada, la situation était identique mais ici, cela va de mal en pis.
Depuis le début de l'Intifada jusqu'à aujourd'hui, on remarque deux phases : la première a commencé dès le début de l'Intifada jusqu'au 29 mars et la seconde du 29 mars jusqu'à présent. Au cours de la première phase, les pertes civiles matérielles ont atteint 8 milliards de US$ selon les estimations de la Banque mondiale. Le secteur agricole quant à lui a subi des pertes de 500 millions de US$. Par ailleurs, les forces israéliennes ont fermé tous les accès principaux aux villes, ce qui touche les entreprises palestiniennes, puisqu'elles n'ont le droit ni d'importer ni d'exporter. La production industrielle a baissé de 80 % en moyenne et les exportations qui atteignent en temps normal 2 millions de US$ par jour ont cessé. Le secteur touristique a été complètement paralysé et a atteint le niveau zéro.
Durant la première phase, le taux de chômage a atteint plus de 50 %. 55 % des Palestiniens vivent en dessous du seuil de pauvreté à Gaza et 45 % en Cisjordanie vu qu'Israël contrôle les accès. Le PIB a atteint en 1999 4,5 milliards de US$ et a chuté en 2001 pour arriver à 3,8. En ce qui concerne le PNB, il était de 5 milliards de US$ avant l'Intifada et selon les prévisions aurait dû atteindre 6 milliards en 2001. Toutefois, il est tombé à 4 milliards et cette chute devrait s'accentuer, portant le PNB à 2 milliards de US$ en 2002.
Bref, pour les Palestiniens : ni indépendance politique ni indépendance économique. Ils n'ont pas été les seuls à pâtir de cette guerre déclenchée par les Israéliens. Elle a suscité la colère et la fureur de l'Union Européenne (UE), principal donateur. En fait, l'économie palestinienne dépend de l'aide internationale : 4,5 billions de US$ ont été dépensés en Cisjordanie pour l'installation de l'infrastructure, la construction des routes, des réseaux hydrauliques et électriques, pour l'installation des écoles et enfin des hôpitaux qui sont actuellement détruits. Selon un rapport de la Banque mondiale, c'est un désastre financier pour la communauté internationale. En effet, les dons présentés avaient augmenté de 93 % en 2001 par rapport à 1999 pour atteindre 930 millions de US$. 80 % de ces donations contribuaient à combler le déficit budgétaire et à financer les opérations de secours. Les infrastructures n'ont pu obtenir en 1999 que 400 millions de US$, ce montant a chuté en 2001 à 175. Toujours selon un rapport de la Banque mondiale, les donateurs ont élaboré un agenda précis pour l'année 2002 qui pourrait varier selon le scénario politique. « Si le blocus est levé, le total des dons nécessaires à la reconstruction en Palestine est fixé à 1,1 milliard de US$. En revanche, si la violence persiste, il faudra fournir une somme de 1,5 million de US$ à 1,7 million », souligne le rapport de la Banque mondiale. Les donateurs doivent aussi pourvoir au financement des activités civiles. Sur ce point notamment, il y a un déficit de 85 millions de US$ pour les ONG. Ce qui invite également la Ligue arabe à créer des fondations pour les Palestiniens.
Mais à supposer que les Israéliens se retirent, l'UE continuera-t-elle ses donations pour la reconstruction de l'infrastructure palestinienne ? En fait, cette guerre a provoqué de grands bouleversements dans l'économie palestinienne qui a besoin de nouvelles aides et rapidement. Ce rapport incite les pays arabes à transformer leurs déclarations généreuses en actes. En attendant, ce sont les Palestiniens qui paient la facture. « On paiera de toute façon à long terme les dommages et les destructions avec du temps et de l'argent. Mais rien ne pourra compenser les pertes humaines », a conclu le responsable palestinien.
                               
4. Ubu est roi à Bethléem par Cécile Feuillatre
Dépêche de l'Agence France Presse du dimanche 14 avril 2002, 14h18

BETHLEEM (Cisjordanie) - Trois dirigeables blancs flottent gracieusement au-dessus de la basilique de la Nativité. Suspendu au bout d'une grue devant l'église, un haut parleur géant, installé par l'armée israélienne, émet des sirènes stridentes, suivies d'une volée de cloches ironique.
Le bras de fer qui oppose depuis deux semaines l'armée israélienne et les combattants palestiniens retranchés dans l'église a pris depuis quelques jours une tournure surréaliste, guerre des nerfs dont l'issue apparaissait toujours aussi improbable dimanche.
L'armée israélienne dit avoir tout son temps et reconnaît mener une "guerre psychologique". Les combattants palestiniens retranchés dans l'église affirment qu'ils résisteront jusqu'à "leur dernier souffle", et rejettent la proposition du Premier ministre Ariel Sharon, qui ne leur donne d'autre choix que l'exil à vie ou la prison en Israël.
Chacun raconte une histoire diamétralement différente. Les ballons espions qui planent au dessus de la Nativité ont filmé "des terroristes en train de bronzer et de fumer tranquillement dans l'une des cours du complexe religieux", déclare un porte-parole de l'armée, Olivier Rafowicz, lors d'une conférence de presse improvisée à quelques mètres de la place de la Nativité.
A l'intérieur, les assiégés contactés par téléphone disent ne plus avoir à manger, et décrivent une "situation très difficile".
Les religieux - une trentaine - enfermés dans le complexe, mais dans un autre bâtiment que celui où se trouvent les combattants, "tiennent grâce à l'eucharistie". Le drame est toujours en embuscade. Les tirs éclatent de temps en temps. Samedi soir, un policier palestinien retranché dans la basilique a été tué par un tireur embusqué israélien. "Il se trouvait en plein air dans l'enceinte du complexe", disent les Palestiniens. "Il nous visait depuis l'hôtel Casanova (un des bâtiments du complexe)", répond Olivier Rafowicz.
Des négociations ont été engagées depuis le début du bras de fer, le 2 avril, entre deux équipes de négociateurs israéliens et palestiniens. Mais il s'agit d'un dialogue de sourds. Les Israéliens estiment que la crise est "militaire et doit se régler militairement", mais réitèrent "qu'ils ne toucheront pas aux lieux saints". Les Palestiniens réclament que le Vatican et le patriarche latin Mgr Michel Sabbah soient parties prenantes aux négociations.
Israël estime qu'une trentaine des assiégés sont "de dangereux terroristes" des groupes radicaux Hamas et du Jihad islamique. "S'il y a des gens qui doivent être jugés, ils doivent l'être par des tribunaux palestiniens", réplique l'un des négociateurs palestiniens, Salah Al-Taamari.
En attendant, toute une ville est sous couvre-feu et suspendue à l'issue de "la crise de la basilique de la Nativité".
"Nous ne partirons pas tant que cette question n'aura pas été réglée", admet M. Rafowicz, ajoutant que "la question de Bethléem est directement liée à l'église".
Dans les rues dévastées de la vieille ville, quelques personnes bravent le couvre-feu. Deux vieilles femmes interrogent craintivement les journalistes: "peut-on aller par là ? est-ce qu'ils tirent ?".
A quelques mètres de la place de la Nativité, cernée par les soldats israéliens, "Jean" --c'est le nom qu'il souhaite donner-- ouvre timidement sa porte et échange quelques mots avec les soldats israéliens. "Il faut être poli avec eux", dit ce chrétien palestinien, en insistant pour faire rentrer des journalistes. "Je n'ai parlé avec personne depuis des jours, je ne peux pas sortir", raconte-t-il.
Volets fermés, porte verrouillée, privé de radio, de télévision et de téléphone, Jean ne sait pas ce qui se passe sur la place et dans l'église de la Nativité, à deux pas de chez lui.
                               
5. Sharon avance un plan en oubliant l'UE et... Arafat par Françoise Germain-Robin
in L'Humanité du mardi 16 avril 2002
Le Premier ministre israélien propose à Colin Powell, dont la mission s'est étendue hier au Liban et à la Syrie, une conférence régionale de paix.
Jérusalem, envoyée spéciale.
Le Premier ministre israélien ne manque pas de ressources : pressé depuis une semaine par le président Bush et l'ensemble de la communauté internationale de retirer son armée des villes palestiniennes occupées depuis une semaine, il a trouvé une échappatoire et le moyen de détourner l'attention des exactions commises par l'armée à Jénine et Naplouse en proposant une conférence régionale de paix. Cette proposition a été faite lors d'une réunion de chefs d'entreprises de haute technologie à Tel-Aviv, dimanche soir, et Ariel Sharon a communiqué la teneur de cette idée, qui semble lui être venue soudainement, à Colin Powell, le secrétaire d'Etat américain, qui s'était entretenu le matin même avec Yasser Arafat, juste avant son départ pour Beyrouth et Damas, où il s'est rendu lundi.
La proposition d'Ariel Sharon, telle qu'il en a précisé les contours, vise à réunir " une conférence régionale sous l'égide des Etats-Unis avec la participation de l'Egypte, de l'Arabie saoudite, de la Jordanie, du Maroc et de représentants palestiniens ". Il n'est même plus question, dans la bouche d'Ariel Sharon, de l'Autorité palestinienne, qu'il a rayée d'un trait de plume. Quant à Yasser Arafat, il l'a exclu d'office : " Je suis contre la présence d'Arafat. Il est impossible d'arriver à un accord avec lui et le monde entier le sait. " Il a également exclu la participation de l'Europe à une telle conférence, parce que, a expliqué un de ses ministres, " l'Europe est contre Israël " et il a fait savoir qu'il ne recevrait plus, désormais, le haut représentant de la politique extérieure commune de l'UE, Javier Solana. Autant dire que de telles propositions unilatérales n'ont aucune chance d'être acceptées par quiconque, pas même les Américains, qui ont déjà fait savoir qu'Arafat était à leurs yeux un interlocuteur obligé. Même au sein du gouvernement israélien, plusieurs ministres ont fait savoir qu'il était irréaliste d'imaginer une quelconque conférence sur la Palestine sans Arafat. De toute façon, la Jordanie et l'Egypte ont déjà fait savoir qu'ils n'assisteraient à aucune conférence dont le président palestinien serait exclu. Ce dernier a fait savoir qu'il était " disposé à participer à une telle conférence et à toute initiative de paix mais seulement une fois que l'armée israélienne se sera retirée totalement de l'ensemble des villes occupées ".
Saëb Erekat, ministre de l'Autorité palestinienne et l'un des principaux négociateurs d'Oslo, a fait savoir pour sa part qu'il considérait une telle conférence comme " une perte de temps inutile et un retour en arrière " puisqu'il s'agit en fait de revenir à ce que fut la conférence de Madrid il y a onze ans. Il a rappelé l'existence d'un " plan de paix arabe " adopté le 27 mars par le sommet de la Ligue arabe qu'il suffirait qu'Israël accepte pour mettre fin à cinquante-quatre années de conflit israélo-arabe et assurer la paix dans la région.
Un point de vue défendu hier par le président libanais Lahoud devant le secrétaire d'Etat américain. Ce dernier, inquiet du réchauffement du front entre Israël et le Liban ces derniers jours, est allé demander aux dirigeants libanais d'" agir immédiatement pour stopper les actions agressives, afin d'éviter que le conflit ne passe les frontières et contamine la région ". " C'est notre message à tous les pays de la région et c'est celui que je porte aussi à Damas ", a-t-il ajouté.
Il a également indiqué que le plan de paix arabe " correspondait à la vision américaine d'une paix globale, incluant la Syrie et le Liban sur la base des résolutions 242 et 338 et des autres résolutions pertinentes de l'ONU ". " Il s'agit pour commencer, a-t-il ajouté, de mettre fin à l'incursion israélienne et le président Arafat doit mettre fin aux attentats terroristes. En même temps, il faut mettre en route un processus de paix qui donne une réalité à notre vision. " Colin Powell doit revenir à Jérusalem mardi pour de nouvelles rencontres avec Sharon et Arafat.
                                       
6. Un profond mépris par Amira Hass
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du lundi 15 avril 2002
[traduit de l'anglais par La Paix Maintenant]
Aux yeux des Israéliens, le Président de l'Autorité palestinienne est un super-chef. Voici plus de quinze jours qu'il est retenu prisonnier dans son bureau. Tous les bâtiments relevant de son autorité, y compris les prisons et ceux de son appareil de sécurité, sont détruits, saccagés et vides de toute présence humaine. Tous ses fidèles sont dispersés et se cachent. Ses liaisons téléphoniques dépendent du bon vouloir de Tsahal, et de son matériel de cryptage. L'eau courante a été coupée, et ni son statut, ni son âge, ni le grand nombre de personnes rassemblées autour de lui ne sont des raisons suffisantes pour réparer les dégâts causés par les tanks et les bulldozers de Tsahal au système d'approvisionnement en eau dans la zone de son quartier général.
Et néanmoins, il est encore responsable des deux attentats mortels commis récemment, l'un par un groupe d'opposition islamique, et l'autre par les Brigades des Martyrs d'El-Aqsa, liées au Fatah. En d'autres termes, selon Israël, s'il l'avait vraiment voulu, il aurait pu les éviter.
Une telle perception du chef palestinien n'aurait pas pu prendre racine de cette façon sans une attitude de mépris envers les Palestiniens, sans l'hypothèse selon laquelle ils ne sont qu'un troupeau à la recherche d'un berger et de sa houlette. Ce profond mépris s'est exprimé régulièrement cette semaine à travers les déclarations des porte-parole de l'armée, qui ont prétendu que c'étaient les Palestiniens qui avaient refusé d'évacuer les corps de leurs morts du camp de réfugiés de Jénine (et d'apporter leur aide aux blessés), et ce pour des raisons de propagande à usage externe.
Une telle affirmation se fonde sur deux hypothèses concernant les Palestiniens: les personnels médicaux palestiniens, médecins, infirmiers, ambulanciers, font peu de cas de leur serment et de leur obligation de sauver des vies; ils ne se soucient pas de leurs proches (après tout, nombreux sont ceux qui ont de la famille et des amis dans le camp de Jénine, et partout ailleurs en Cisjordanie, ou l'assistance médicale n'est pas arrivée à temps).
Les équipes médicales palestiniennes, selon les déclarations de Tsahal, n'ont pas à craindre de critiques pour ne pas avoir fait leur travail, ni de la société, ni de leurs familles, et n'ont pas à tenir compte de ces critiques, ni de leurs propres sentiments. Après tout, elles étaient guidées par de savantes «considérations de propagande» pour après la guerre. Selon Tsahal, les Palestiniens n'ont aucun respect non plus pour la tradition musulmane d'enterrer les morts immédiatement.
La Croix Rouge, l'UNWRA (Agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens), les représentants de l'UNSCOT (Coordinateur Spécial de l'ONU dans les Territoires Occupés), le représentant de la Banque Mondiale, tous ont des preuves conséquentes des efforts répétés des équipes médicales d'obtenir la permission, pour eux et pour les ambulances du Croissant Rouge, de pénétrer dans le camp (comme dans la vieille ville de Naplouse, ou dans le QG d'Arafat).
Mais sur le terrain, même après concertation à un haut niveau, des tirs depuis des positions de Tsahal ont empêché les ambulances d'approcher, et des missions de sauvetage urgentes ont été avortées du fait de la détention de l'équipe ambulancière, qui n'a été libérée qu'après plusieurs heures.
La semaine dernière, Israël a évoqué des mesures humanitaires et morales prises au cours de la guerre dans le camp de réfugiés de Jénine, pour éviter de frapper des civils. La preuve: les soldats qui sont tombés à Jénine ne seraient pas morts si Tsahal avait largué une ou deux bombes sur le camp, pour en finir.
Cette déclaration contient une autre hypothèse à propos des Palestiniens: ils ne se font pas tuer par des missiles ordinaires lancés depuis des hélicoptères, ni par des obus de tank ordinaires, ni par des tirs ordinaires de fusils mitrailleurs, et ils n'en ont pas peur. Ils ne se font tuer, ils n'ont peur que des bombes larguées par des avions, et Tsahal n'en a pas larguées.
Environ 13.000 personnes vivent dans le camp, dont la superficie est d'1 km² à peu près, 42% sont des enfants, 4,5% sont des personnes de plus de 65 ans. Même si l'on suppose qu'il n'y a pas eu 90 missiles tirés sur le camp chaque jour pendant une semaine, mais «seulement» 20, et même si l'on suppose qu'il n'y a pas eu 10 tanks tirant et bombardant simultanément, mais seulement deux, n'est-il pas raisonnable de penser que des civils ont été tués, et pas seulement des «poches de résistance terroristes»?
Tsahal n'a pas filmé les effets des bombardements et des tirs, et n'a pas permis qu'ils soient filmés. Ce que les photographes et les cameramen des chaînes de télévision étrangères ont réussi à filmer ­ les cadavres (surtout à Naplouse), la douleur des proches de ceux qui sont morts, les nombreux blessés, les civils tués à l'entrée de leurs maisons, les ambulances trouées par les balles ­ n'est de toute façon pas diffusé ici, ou bien évacué en quelques secondes.
Un chef tout-puissant, même s'il vit assiégé dans des conditions très précaires, entouré de fidèles résistants-snipers, des équipes médicales trahissant constamment leur mission: voilà l'image que les porte-parole militaires et politiques ont soigneusement donnée à l'opinion israélienne.
Pour réussir une campagne militaire et politique, il faut connaître l'ennemi, ses forces et ses faiblesses, ses qualités et ses défauts, ses joies et ses peines. Au lieu de cela, l'ennemi n'est présenté que comme une masse indifférenciée, ignorante et manquant de sentiments comme de pensées. Il est possible que les mensonges diffusés à propos des Palestiniens pendant ces jours de guerre ne font qu'exprimer le mépris des autorités israéliennes envers leur propre opinion publique, et l'hypothèse implicite qu'elle continuera à les avaler. Qu'elle ne s'occupera que d'analyses faites par les services de renseignement, en évitant les analyses sociologiques et historiques, et ainsi ne se posera pas la question de savoir pourquoi tant de Palestiniens souhaitent se faire exploser en en entraînant d'autres dans la mort, et comment des centaines de milliers de Palestiniens supportent des conditions de vie intolérables, avec bombardements, couvre-feu continu, sans eau, ni électricité, ni nourriture.
                                   
7. Les chrétiens palestiniens dans la ligne de mire d'Israël par Françoise Germain-Robin
in L'Humanité du lundi 15 avril 2002
Bethléem, ville morte
Bethléem, envoyée spéciale
Bethléem, ville symbole pour toute la chrétienté, est une ville morte, déserte, comme frappée par un mal terrible qui aurait, d'un seul coup, effacé ses habitants. Toutes les maisons sont hermétiquement closes. Aucun signe de vie. Les rues totalement désertes sont sillonnées par les Jeeps et les chars de l'armée israélienne. Bethléem est " zone militaire fermée " depuis deux semaines, ce qui signifie que l'accès en est totalement interdit, y compris aux journalistes. On ne passe pas aux barrages. En fait, on peut passer en faisant le détour par Beit Jala, autre ville chrétienne palestinienne, elle aussi soumise au couvre-feu, mais où quelques chauffeurs de taxis audacieux - le sigle TV collé sur leur pare-brise - attendent les clients derrière une butte et les conduisent jusqu'à l'hôpital de la ville, en serpentant dans les petites rues pour éviter les patrouilles. De l'hôpital, il faut ensuite monter à pied vers Bethléem. Le moment délicat est la traversée de la grande route de Jérusalem transformée en champ de manouvre des chars israéliens. " C'est là, raconte Francisca, une jeune volontaire suisse venue pour aider les Palestiniens assiégés, qu'on a failli se faire tuer il y a deux jours par un snipper. On se dirigeait vers le camp de réfugiés de Daisheh qui est à deux kilomètres d'ici dans la direction d'Hébron. La balle a sifflé à mes oreilles, nous stoppant net. Aussitôt, deux chars sont arrivés, nous ont barré la route et ont dirigé leurs canons vers nous. C'était très impressionnant. Ils nous ont obligés à faire demi-tour, les mains en l'air ."
Les volontaires des missions civiles de protection du peuple palestinien sont les seuls étrangers - avec les journalistes - à prendre le risque de pénétrer dans la ville pendant le couvre-feu. Celui-ci n'est levé que pour deux heures tous les trois jours pour permettre l'approvisionnement de la population. Mais pas pour ceux qui vivent dans un rayon de quatre cents mètres autour de la basilique de la Nativité, où sont retranchés plus de 200 Palestiniens assiégés par l'armée, en compagnie de 26 religieux et quatre sours.
Distribution sous les balles
Ils sont environ 2 000 habitants à se trouver dans cette zone extrêmement chaude où sont concentrés les chars et les unités d'élite qui cernent la Basilique. Samedi, les volontaires avaient décidé de tenter une distribution de nourriture à ces isolés. L'UNRWA (Agence des Nations unies pour les réfugiés de Palestine) apporte bien des vivres pour la ville, mais n'est pas autorisée à approcher de la Basilique. Ce sont les volontaires étrangers qui s'en chargent, souvent au péril de leur vie, comme ce fut le cas samedi. Le climat était, ce jour-là, extrêmement tendu. De fortes explosions, suivies de lourds panaches de fumée noire, avaient retenti peu après 10 heures non loin du Star Hôtel où sont regroupés les journalistes. Nous tentons alors une sortie, mais sommes refoulés cent mètres plus loin par une patrouille israélienne : " You leave now ! ", ordonne l'officier. Nous étions à deux pas de l'Eglise attaquée jeudi dernier par les soldats et dont le pasteur, un Palestinien, avait été sérieusement molesté. " Si je n'avais pas été au téléphone avec lui au moment où ils ont investi l'Eglise, ils l'auraient tué ", nous avait confié l'évêque luthérien, Munib Younan. " J'ai appelé toutes les chancelleries, remué ciel et terre et ils l'ont finalement lâché au bout de deux heures. " Nous voulions lui rendre visite, mais les officiers israéliens ne sont pas aussi conciliants que Georges Bush vis-à-vis de Sharon. Quand ils disent " Partez immédiatement ", il n'est pas question de mégoter et ils nous ont suivis avec leur Jeep pour s'assurer de notre obéissance.
Une heure plus tard, un petit groupe d'une dizaine de personnes portant des sacs de boîtes de conserve, pâtes, riz et sucre ainsi que du lait en poudre pour les enfants tente à son tour une sortie. Progressant avec précaution à travers les rues en forte pente, jonchées de douilles et de débris, nous commençons la distribution, accueillis à bras ouverts par les Palestiniens qui, tout à coup, surgissent des maisons fermées à double tour : " J'ai trois enfants en bas âge, dont un bébé, je vous en prie, donnez-moi du lait pour eux ", supplie une femme sur son seuil, en longue robe traditionnelle. La ville morte s'anime soudain. Les gens ouvrent les fenêtres pour crier " Take care " (attention) et " Choukran " (merci). Les enfants sortent et courent vers les volontaires. Ces derniers n'iront malheureusement pas très loin : à un coin de rue, soudain, trois voitures dont les tôles tordues et fumantes barrent le passage. Les explosions de tout à l'heure, c'était ça. Pourquoi ? " Pour nous faire peur, montrer qu'ils veulent nous détruire ", explique un Palestinien à sa fenêtre. Une autre explosion, très forte, retentit. Un nuage noir s'élève au bout de la rue. Une odeur âcre nous prend à la gorge. Les volontaires crient pour se signaler, agitent un drapeau blanc. Peine perdue. Une rafale éclate. On ne voit pas les tireurs, mais c'est le groupe qui est visé. L'une des jeunes femmes est légèrement blessée au cuir chevelu et saigne. Avec sang-froid, les volontaires donnent leurs derniers sacs, font signe aux enfants de rentrer chez eux avant de se replier eux-mêmes en bon ordre, drapeau blanc bien visible. Une femme les suit, bravant le danger pour dire sa détresse : elle manque de lait pour son bébé. Kate, une Américaine, lui explique qu'on ne pouvait en apporter davantage par manque de bras, mais qu'ils essaieront de revenir l'après-midi. Au péril de leur vie, avec le courage que leur donne le sentiment de compenser un peu l'injustice dont sont victimes les Palestiniens. Ceux de Bethléem et tous les autres.
La communauté chrétienne en danger
Mais avec la conscience très forte qu'à Bethléem, c'est autre chose qui se joue ces jours-ci : la survie d'une communauté chrétienne palestinienne que les malheurs des temps et l'indifférence du monde ont réduit comme peau de chagrin. Si les chrétiens sont devenus des cibles, c'est que, comme le souligne le père anglican Yazeed Saîd, " ils font partie du peuple palestinien, et donc de la résistance nationale ". " Nous voulons, souligne-t-il, que le christianisme demeure présent dans la culture nationale palestinienne et nous nous battons pour ne pas disparaître. "
Les chefs des 13 communautés chrétiennes de Terre sainte qui ont rencontré, samedi après-midi, Colin Powell ont souligné devant lui ce danger terrible : " Nous lui avons demandé, explique le père Bastistelli, un franciscain, qui dirige la Custodie (1), de prendre en considération la présence chrétienne sur cette terre. Il doit comprendre que cette présence a une identité et que cette identité est palestinienne. Il y a les juifs et les musulmans, mais aussi les chrétiens, dont 99 % sont Palestiniens. Ils veulent avoir leur mot à dire. "
Les chefs des Eglises, dont trois - le catholique, le luthérien et l'anglican - sont des Palestiniens, ne sont pas loin de penser que l'opération lancée contre la Basilique de la Nativité fait partie d'un plan pour terroriser les chrétiens. " La situation est tragique à l'intérieur de la Basilique, explique le père Batistelli. Il y a là 26 religieux dont 14 jeunes franciscains qui sont des étudiants en théologie et philosophie de diverses nationalités et quatre sours. La plupart des Palestiniens qui sont réfugiés là sont des policiers qui assuraient la sécurité autour de la Basilique, plus quelques hommes armés qui ont forcé la porte quand l'armée israélienne a envahi la ville. Vous pouvez imaginer la situation sanitaire après plus de deux semaines, avec en plus le cadavre d'un jeune qui est sorti éteindre un incendie allumé par les Israéliens la semaine dernière et qu'ils ont tué. Depuis, la situation s'est tendue. L'incendie a résulté d'une tentative d'infiltration de "Golanis", une unité d'élite israélienne qui a même laissé du matériel derrière elle. Ils ont peur que cela recommence. Il y a un ballon et des caméras espions en permanence au-dessus de l'Eglise. Israël nous a promis de ne pas attaquer, mais on ne sait jamais. Ils veulent la reddition des Palestiniens, ce qui est hors de question. Nous avons demandé pour eux une garantie d'immunité, mais ils refusent. Une solution serait qu'ils soient remis à une tierce partie, un pays européen par exemple. Nous l'avons proposée aux deux parties mais il y a urgence, cela ne peut plus durer. "
(1) La Custodie est chargée depuis 900 ans de la protection des lieux saints chrétiens de ce qu'on appelle " la Terre sainte ", c'est-à-dire la Palestine historique.
                                                   
8. Verbicide par Christian Salmon
in Libération du lundi 15 avril 2002
(Christian Salmon est directeur du Parlement international des écrivains.)
Comment qualifier ce qui s'est passé à Jénine ? Voilà un camp de réfugiés d'un kilomètre carré, pilonné par les chars pendant plusieurs jours. Soumis à une pluie de missiles, plus de 400 dit-on, lancés des hélicoptères. Plusieurs centaines de morts. Des habitants ensevelis sous les décombres de leurs maisons détruites par les bulldozers. Des milliers de blessés privés de secours. Des enfants qui errent dans les rues, pris sous le feu des chars. Et combien de soldats israéliens brisés par l'épreuve, obligés non seulement de tuer des civils mais d'enterrer les morts loin des regards de la presse internationale, semblables à ces suppliciés qu'on attachait jadis à un cadavre ? Combien d'âmes mortes à Jénine ?
Il y a deux semaines, nous étions une dizaine d'écrivains et d'artistes des cinq continents à nous rendre en Palestine au nom du Parlement international des écrivains (1). Non pas pour jouer les Casques bleus mais simplement pour rencontrer Mahmoud Darwich, encerclé à Ramallah et qui à deux reprises avait été empêché de retrouver certains d'entre nous à New York (lire aussi page suivante). Nous voulions écouter et faire entendre d'autres voix dans le fracas de la guerre, celle des écrivains, des artistes, des universitaires, de tous ceux qui préparent l'avenir en dehors des partis. Opposer à la logique de la guerre, non pas une force d'«interposition» mais des forces d'«interprétation»... Jamais dans un conflit les écrivains n'avaient été aussi nécessaires. A condition qu'ils soient capables d'une certaine éthique du langage. D'une certaine prudence verbale. Et pourquoi pas d'une certaine abstinence médiatique. Loin de tout esprit de polémique, je précise au passage que tous les membres de notre délégation ont rejeté fermement les outrances qui furent prononcées en marge de ce voyage, qu'elles viennent d'un Saramago, qui compara Ramallah à Auschwitz, ou de l'ambassadeur d'Israël, qui qualifia ici même de «fascistes» les pacifistes européens qui, en marchant face aux barrages militaires, ont ouvert la voie des ambulances et leur ont permis de sauver des vies.
Au cours de ce séjour en Palestine, j'ai compris à quel point les mots pouvaient être assiégés par d'autres mots. J'ai vu la souffrance que font lever les analogies stupides et j'ai vu l'appétit des médias pour ces souffrances. La douleur, c'est du langage effondré. Auschwitz en Palestine ! La nuit de Cristal. Arafat-Hitler. L'étoile de David accolée à la croix gammée sur les murs des camps de réfugiés détruits. Stupide télescopage. Mutisme de mort. Un ballet de spectres. La rage imbécile de tout rendre illisible à tout jamais. L'intouchable de tous côtés.
«Les guerres, disait Koestler, sont menées pour des mots sur un terrain sémantique.» Et cette guerre ne fait pas exception. Mais cette fois on entendrait presque distinctement le bruit des mots que l'on broie. Verbicide, cette guerre ne l'est pas seulement en raison du délitement du langage des propagandes. Il n'y pas que le signifié qui soit mis à mal. Il suffit d'y prêter l'oreille ; les souffrances des populations s'enfoncent dans l'épaisseur de la mémoire. Elles affectent l'imagination. Au centre culturel de Ramallah, un poète palestinien nous parla des méfaits de la guerre sur la syntaxe. «Notre langue est sclérosée. Le poème est écrasé tout autant que nos rues. Nous sommes constamment obligés de dramatiser la poésie. Il nous faut résister à la métrique militaire, trouver une cadence qui ne soit pas celle des tambours.» Avant de conclure avec une ironie lasse : «Quand nous regardons les étoiles, nous voyons des hélicoptères. La seule chose postmoderne ici... c'est l'armée israélienne !» Et je pensai à cette phrase courageuse de Darwich disant, il y a quelques mois : «Je ne serai vraiment libre comme poète que quand mon peuple sera libre. Quand je serai libéré de la Palestine.» Je m'étonnai que des Palestiniens en guerre aient gardé cette liberté. Ce rapport vrai à eux-mêmes et à leur langue. La résistance du langage ! Plutôt que le langage de la résistance. Quelques jours plus tard, j'entendis le même constat à Tel-Aviv de la bouche d'un philosophe israélien, Amnon Raz. «Depuis l'échec de Camp David, nous n'avons plus de vocabulaire. Pour négocier, pour faire la paix, il nous faut un nouveau langage.»
Car cette guerre n'oppose pas seulement des droits et des intérêts légitimes, elle a pour enjeu la crédibilité du récit des origines. Depuis le début du siècle, ce qui s'affronte, ce ne sont pas seulement des revendications et des droits sur la terre, mais des légendes et des récits. C'est une guerre transfictionnelle. Avant d'être occupés, les Palestiniens ont été effacés purement et simplement du paysage. Mythe d'une «terre sans peuple» pour «un peuple sans terre». Les Palestiniens ? Une bande de nomades sous des tentes qu'il suffisait de déplacer. L'exode a changé de camp. L'épopée du retour s'est enlisée dans l'occupation. En cinquante ans, on est passé de l'utopie des kibboutz à l'a-topie des colonies. Les Israéliens voulaient transformer le désert en un jardin, et, il suffit de circuler dans les territoires occupés pour en prendre la mesure, ils ont transformé le jardin biblique en un désert, un terrain vague, voire un champ de bataille. Dans quelques années, les enfants palestiniens ne connaîtront d'Israël que des soldats en armes qui humilient leurs parents devant eux. Devenus adultes, ils n'auront connu que les bombardiers qui grondent dans le ciel, les hélicoptères Apache qui crachent leur venin de feu sur leurs villages, les bulldozers qui rasent leurs maisons... De l'autre côté, les Israéliens n'auront d'autres images des Palestiniens que celles des kamikazes qui se font exploser dans les cafés. La figure du kamikaze palestinien occupe l'imaginaire israélien. L'occupant israélien bouche le devenir palestinien. C'est une guerre agoraphobique.
Deux jours après notre départ, l'armée israélienne est entrée dans Ramallah. De nouveau, elle a occupé tous les bâtiments publics, posté aux étages supérieurs des immeubles des snipers pour tirer sur les passants, comme à Sarajevo, bombardé des immeubles où s'étaient réfugiés des civils, violé des sanctuaires religieux qui servaient de refuges depuis le Moyen Age. Mais le pire, le voici : sur une chaîne de télévision privée dont elle venait de prendre le contrôle, elle a interrompu tous les programmes et, sans même s'adresser aux téléspectateurs, elle s'est mise à diffuser en boucle des films pornographiques ! Est-ce cela l'image du «monde libre» que Sharon prétend incarner ? Une armée qui commet de tels actes a perdu toute légitimité ; elle n'est plus qu'une puissance d'humiliation. Pis, l'histoire coloniale l'a montré à maintes reprises, elle a déjà perdu la guerre. La paix n'achoppe pas, répète-t-on des deux côtés, sur des revendications inconciliables. Les négociations multiples et nombreuses ont fait émerger des compromis viables et praticables. Un accord plusieurs fois fut à portée de la main. Mais la paix n'oblige pas seulement à déposer les armes mais à désarmer ses peurs. A lever les sièges de ses représentations mentales. On voudrait nous convaincre que cette guerre n'est pas une guerre mais un exercice d'autodéfense ! Que les destructions de toutes les infrastructures du futur Etat palestinien sont des mesures antiterroristes ! Que l'invasion d'un territoire souverain n'est pas une occupation. Il n'y a pas que le bouclage des territoires qui insulte l'avenir, il y a un bouclage rhétorique.
Lorsque l'armée israélienne est entrée dans Ramallah, que nous venions de quitter, et qu'elle a détruit le théâtre Kassaba, qui résonnait encore des échos de nos textes lus en neuf langues, du chinois à l'arabe, de l'afrikaner à l'anglais, du yorouba au portugais, de l'italien à l'espagnol et au français... et où Mahmoud Darwich avait lu son poème Etat de siège devant un millier de spectateurs, dont certains avaient dû voyager plusieurs heures à cause des contrôles militaires et qui acclamaient debout, non pas des fanatiques religieux plein de haine mais des écrivains et des poètes, je me suis dit que ce qui séparaient ces deux peuples, c'est que les Palestiniens n'avaient toujours pas d'Etat ni de terre mais qu'ils avaient un récit, ce que l'Etat d'Israël, qui opprimait un autre peuple, était justement en train de perdre. L'autorité sur le récit. Non pas l'autorité politique que Sharon ou Bush pouvaient espérer continuer quelque temps à faire respecter par les tanks et les bombes. Mais l'autorité de la chose narrée, la résistance d'un récit qui s'obstine. On peut être un peuple sans terre et sans Etat, mais on ne peut rester longtemps un peuple sans récit.
C'est ce que j'ai appris en Palestine. Et cette leçon tient en un mot : sabreen. C'est un mot qui a échappé à cette guerre verbicide, un mot survivant sorti des camps de réfugiés. Ce mot, je ne l'ai pas trouvé dans un livre, ni même dans un dictionnaire, mais dans les rues de Ramallah... sur le visage des ouvriers massés aux abords des check points et sur celui des femmes de Rafah dont les maisons venaient d'être détruites, sabreen, c'est l'histoire de Job dans la Bible, cela veut dire : «Ceux qui ont la patience.» Et je l'ai dit ce soir-là, au théâtre de Ramallah, aujourd'hui détruit, plongé dans le silence et l'obscurité: «C'est parce que vous avez la patience que l'avenir vous appartient.».
(1) Lire sur le site du PIE (www.autodafe.org) les carnets de route de Breyten Breytenbach, de Vincenzo Consolo, de Juan Goytisolo, de Russell Banks et de Wole Soyinka...
                                               
9. Notre droit à une vie normale par Mahmoud Darwich
in Libération du lundi 15 avril 2002
(Mahmoud Darwich est un poète palestinien.)
Extrait du discours prononcé à Ramallah le 25 mars par le poète palestinien Mahmoud Darwich à l'intention de la délégation du Parlement international des écrivains.
(...) Je sais que les maîtres des mots n'ont nul besoin de rhétorique devant l'éloquence du sang. C'est pourquoi nos mots seront aussi simples que nos droits : nous sommes nés sur cette terre et de cette terre. Nous n'avons pas connu d'autre mère, pas connu d'autre langue maternelle que la sienne. Et, lorsque nous avons compris qu'elle porte trop d'histoire et trop de prophètes, nous avons su que le pluralisme est un espace qui embrasse largement et non une cellule de prison, que personne n'a de monopole sur une terre, sur Dieu, sur la mémoire. Nous savons aussi que l'histoire ne peut se targuer ni d'équité ni d'élégance. Notre tâche pourtant, en tant qu'humains, est d'humaniser cette histoire dont nous sommes simultanément les victimes et le produit.
Il n'est rien de plus manifeste que la vérité palestinienne et la légitimité palestinienne : ce pays est le nôtre, et cette petite partie est une partie de notre terre natale, une terre natale réelle et point mythique. Cette occupation est une occupation étrangère qui ne peut échapper à l'acception universelle du mot occupation, quel que soit le nombre de titres de droit divin qu'elle invoque ; Dieu n'est la propriété personnelle de personne.
Nous avons accepté les solutions politiques fondées sur un partage de la vie sur cette terre, dans le cadre de deux Etats pour deux peuples. Nous ne réclamons que notre droit à une vie normale, à l'intérieur des frontières d'un Etat indépendant, sur la terre occupée depuis 1967, dont Jérusalem-Est, notre droit à une solution équitable du problème des réfugiés, à la fin de l'installation de colonies. C'est la seule voix réaliste vers la paix qui mettra un terme au cercle vicieux du bain de sang.
L'état de nos affaires est d'une criante évidence, il ne s'agit pas d'une lutte entre deux existences, comme aimerait le montrer le gouvernement israélien : eux ou nous. La question est d'en finir avec une occupation. La résistance à l'occupation n'est pas seulement un droit. C'est un devoir humain et national qui nous fait passer de l'esclavage à la liberté. Le chemin le plus court pour éviter d'autres désastres et accéder à la paix est de libérer les Palestiniens de l'occupation, et de libérer la société israélienne de l'illusion d'un contrôle exercé sur un autre peuple.
L'occupation ne se contente pas de nous priver des conditions élémentaires de la liberté, elle va jusqu'à nous priver de l'essentiel même d'une vie humaine digne, en déclarant la guerre permanente à nos corps et à nos rêves, aux personnes, aux maisons, aux arbres, en commettant des crimes de guerre. Elle ne nous promet rien de mieux que l'apartheid et la capacité du glaive à vaincre l'âme.
Mais nous souffrons d'un mal incurable qui s'appelle l'espoir. Espoir de libération et d'indépendance. Espoir d'une vie normale où nous ne serons ni héros ni victimes. Espoir de voir nos enfants aller sans danger à l'école. Espoir pour une femme enceinte de donner naissance à un bébé vivant, dans un hôpital, et pas à un enfant mort devant un poste de contrôle militaire. Espoir que nos poètes verront la beauté de la couleur rouge dans les roses plutôt que dans le sang. Espoir que cette terre retrouvera son nom original : terre d'amour et de paix. Merci pour porter avec nous le fardeau de cet espoir.
                                   
10. Dans le QG d'Arafat : "La ligne rouge, c'est nous" propos recueillis par Mouna Naïm
in Le Monde du vendredi 12 avril 2002
Mercredi 10 avril semble avoir été un jour d'une certaine solennité pour les membres de la Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien, malgré la destruction par l'armée israélienne d'un des bâtiments du complexe présidentiel palestinien de Ramallah, où ils se trouvent depuis treize jours. Jointe au téléphone en fin d'après-midi, Claude Léostic, membre de France-Solidarité Palestine, raconte :
"Ce matin, vers midi, nous étions en réunion et nous avons entendu une explosion très forte. Il y en avait eu d'autres le matin, beaucoup moins fortes, et il était évident qu'elles étaient extérieures au complexe. Le colonel Ismaïl, qui est le chef d'état-major pour la Cisjordanie, m'a dit que c'est son quartier général à l'intérieur du complexe qu'ils ont fait sauter.
" Les Israéliens disent qu'ils l'ont fait parce qu'ils y ont trouvé des explosifs. Le bâtiment dynamité est à quelques centaines de mètres à peine du nôtre. Je pense qu'ils vont essayer de détruire un maximum avant de se retirer.
" Aujourd'hui, les négociateurs palestiniens qui ont été autorisés à venir voir le président Arafat sont venus en compagnie du consul de Norvège. Après s'être entretenus avec M. Arafat, ils sont venus nous rencontrer, nous les internationaux qui sommes ici. Il y avait Yasser Abed Rabbo [le ministre de l'information et de la culture] Saëb Erakat [ministre des collectivités locales] Abou Mazen [numéro deux de l'OLP] et Mohammad Dahlan [le chef de la sécurité préventive pour la bande de Gaza].
"LE DÉSERT DES CARCASSES"
" Il y a eu un échange de discours et le consul de Norvège a réaffirmé que son pays reconnaissait la légitimité de M. Arafat. Il a rendu hommage à notre présence et jugé que, dans la situation dramatique actuelle, Israël ne s'était défini aucune ligne rouge, que la ligne rouge c'est nous.
" M. Arafat a lui aussi souligné à quel point notre présence est importante et s'est dit convaincu que sans nous la situation aurait été radicalement différente. Les négociateurs palestiniens nous ont dit que Colin Powell allait venir rencontrer le président Arafat ici. Je vois à travers les persiennes que leurs véhicules sont toujours là. Il y a aussi un chien paumé qui erre dans le désert de carcasses de voitures aplaties par les Israéliens.
" Ici, il n'y a aucun changement. La délégation nous a apporté de l'eau potable, mais il n'y a toujours pas d'eau courante... Ça devient dangereux et l'état des toilettes est apocalyptique. Les Israéliens ont dit qu'ils acceptaient qu'une équipe de réparateurs vienne, à la condition qu'eux-mêmes soient autorisés à prendre position sur le bâtiment. Les Palestiniens ont évidemment refusé.
" Depuis dimanche, il n'y a pas eu de nouvel approvisionnement en vivres. Nous savons qu'une ambulance chargée de vivres et de vêtements attend à Ramallah une autorisation des Israéliens. En vain jusqu'à maintenant.
" Le corps du cuisinier du complexe tué apparemment avant le siège a été retrouvé aujourd'hui. Les Israéliens ont accepté qu'une ambulance l'évacue, mais ils ont quand même retenu l'ambulance pendant des heures."
                                       
11. Dans le QG d'Arafat : "Un canon pointé sur chaque fenêtre" propos recueillis par Mouna Naïm
in Le Monde du jeudi 11 avril 2002
Samir abdallah , cinéaste, et Cyril, qui préfère ne pas dire son nom - "parce qu'on n'est pas dans une situation tout à fait normale ici" - et qui, en France, dirige un centre de vacances, sont membres de la Coordination civile internationale pour la protection du peuple palestinien. Mardi 9 avril était leur dixième jour de présence dans le complexe présidentiel palestinien assiégé de Ramallah.
Samir : "Il y a ici plein de gens accrochés au téléphone pour prendre des nouvelles de ce qui se passe à Jénine et Naplouse. (...) On nous parle de massacres, de comportements odieux. (...) Tout le monde se demande comment les Israéliens vont pouvoir cacher cela, une fois qu'ils se seront retirés. (...) On m'a réveillé ce matin avec une bonne nouvelle : un convoi de vingt-huit voitures organisé par des ONG et transportant des médicaments et des vivres est entré dans Naplouse. De même qu'une équipe de dix membres de l'International Solidarity Movement, pour la plupart anglais et américains, qui vont soigner les blessés.
"Ici, nous avons l'air de privilégiés par rapport à ce qui se passe là-bas : toujours pas d'eau courante, bien qu'hier on nous l'ait promise. La situation sanitaire est épouvantable. Nous avons quelques réserves de vivres depuis la livraison de dimanche, mais nous nous rationnons. Dehors, les soldats continuent leur manège. Le parking est un cimetière de voitures aplaties par les chars. Aujourd'hui ils ont innové. Ils ont pointé le canon d'un char sur chaque fenêtre, sans tirer. On a entendu quelques grenades assourdissantes et des rafales (...)."
Cyril : "Ce que je souhaite ? Que Sharon lève le siège, que nous puissions circuler à l'air libre, que les enfants se remettent à jouer. La vie, quoi. (...) Pourquoi je suis là ? Parce que quand j'étais petit, j'avais vu les images de la première Intifada, puis il y a eu Oslo et de nouveau des affrontements. J'ai voulu m'informer et être utile. Avec deux collègues, nous avons organisé une mission que des dizaines de personnes à Lyon ont financée. A travers nous, il y a beaucoup de gens de Lyon ici.
"Aujourd'hui, nous avons écrit à José Maria Aznar, qui va recevoir Colin Powell, pour leur demander une intervention d'urgence pour mettre fin au nettoyage ethnique à Naplouse et Jénine, et exiger qu'Israël évacue les zones autonomes palestiniennes. Et aussi pour l'envoi d'une force internationale de protection des Palestiniens et le respect de Yasser Arafat, président élu du peuple palestinien. Cette lettre sera transmise via l'organisation Via Campesina, dont le responsable, Paul Nicolson, est avec nous ici."
                                   
12. Bouclier humain pour protéger Arafat - Entretien avec José Bové réalisé  par Maya Al-Qalioubi
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 10 avril 2002
La Campagne civile de protection du peuple palestinien, à laquelle José Bové a participé en tant que militant de la Confédération paysanne, avait pour but avoué de soutenir et de protéger Arafat, séquestré par Tsahal dans son QG de Ramallah. La mission, composée de 35 militants pacifistes européens, a passé le check point entre Israël et Ramallah, dans la nuit du 28 mars dernier. Les militaires israéliens ont été pris par surprise, et ne les ont pas arrêtés. D'autres militants italiens auront moins de chance, une demi-heure plus tard. Après des manifestations en coordination avec des organisations pacifistes palestiniennes, le groupe des 35 passa la nuit à la Moqataa, formant un bouclier humain. Bové et dix autres activistes seront arrêtés dimanche 1er avril et transférés dans un camp de l'armée israélienne, puis dans un camp de rétention de prisonniers palestiniens. Ils seront détenus ensuite dans le centre de rétention de l'aéroport de Tel-Aviv avant d'être expulsés.
José Bové a fait partie de l'une des actions civiles les plus efficaces depuis le début de la deuxième Intifada. Il s'est laissé enfermer avec Arafat dans son QG de Ramallah avant d'être expulsé manu militari par les Israéliens. Entretien avec ce paysan français, chef de file de la contestation antimondialisation.
« Sharon n'acceptera aucune solution, quelle qu'elle soit, au conflit »

Paris, correspondance
Al-Ahram Hebdo : Lors de la conférence de la Campagne civile de protection du peuple palestinien, vous avez dit que l'offensive militaire israélienne s'assimile à une guerre d'épuration ethnique. Le confirmez-vous ?
— José Bové : Ecoutez. Ce qui continue à se passer est très clairement la volonté du gouvernement et de l'armée israéliens d'expulser une population de sa terre. Alors, appelez ça comme vous voudrez, mais cela a effectivement tous les traits de ce qu'a fait Slobodan Milosevic au Kosovo. Sharon veut un territoire uniquement contrôlé par l'armée israélienne et le gouvernement israélien pour une population choisie par lui.
— Pensez-vous qu'il y ait maintenant en Europe une réelle conscience de l'urgence de la situation en Palestine ? Quelles sont vos revendications politiques ?
— Oui, je pense qu'il y a une véritable prise de conscience. Mais notre revendication est que les Etats européens envoient sur place des forces de protection internationales. C'est la condition sine qua non pour que les résolutions de l'Onu soient respectées. La politique expansionniste d'Ariel Sharon devient de plus en plus claire pour tout le monde. Il est tout aussi évident qu'il n'acceptera aucune solution, quelle qu'elle soit, au conflit.
— Quels sont les pays européens impliqués dans la Campagne civile de protection du peuple palestinien ?
— Il y a un engagement très fort des citoyens de l'Italie, de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne, de l'Espagne, des Pays-Bas et de la Belgique. Mais je suis sûr que j'en oublie. Récemment aussi, il y a eu des manifestations très importantes en Grèce. Les citoyens veulent obliger leurs gouvernements à faire face à leurs responsabilités et à agir. Et c'est loin d'être fini.
— Projetez-vous d'autres actions comme celle de la Campagne civile ?
— L'action entreprise continue. Nous continuons à donner de l'information. De nouvelles délégations partent toutes les semaines. De plus en plus de gens témoignent. Cela va permettre aux organisations internationales des droits de l'homme de mener leur enquête pour qu'éclate enfin la vérité sur les fonctionnements et les méthodes de l'armée israélienne. En ce moment même, il y a encore 35 pacifistes à Ramallah auprès d'Arafat dans son Quartier Général.
— Avez-vous de leurs nouvelles ?
— Oui. Leur moral est toujours excellent. Ils continuent leur action dans le but de voir un jour une négociation en vue de l'application des résolutions des Nations-Unies.
— Trouvez-vous qu'il y ait une évolution positive de la situation en Palestine après les récentes médiations politiques entreprises auprès du gouvernement israélien, notamment la déclaration du président américain George W. Bush ?
— Non, il n'y a pas eu d'évolution. Il n'y a que l'intensification de l'agression commise par l'armée israélienne contre les villes palestiniennes. Il y a une incapacité de la diplomatie à faire revenir Sharon sur ses positions. Il y a même une aggravation de la situation, malgré les quelques tentatives de médiation politique, entre autre celle, timide, de Bush.
— Que pensez-vous de l'échec de la mission diplomatique européenne présidée par le chef de la diplomatie espagnole, Josep Piqué, et le haut représentant pour la politique étrangère et la sécurité européenne, Javier Solana ?
— Cela démontre un mépris total envers la communauté européenne. Sharon n'a pas hésité à bafouer la mission de la plus grande communauté internationale. Il est très clair qu'il ne veut que Bush en tant que seul et unique allié. Refuser de rencontrer la mission européenne montre clairement qu'il n'accepte pas d'autres missions avant celle américaine.
— Quelles sont les retombées de l'invasion israélienne sur les pays arabes ?
— Je pense qu'on assiste à une très grande mobilisation de l'opinion publique arabe. Il y a des manifestations énormes dans tous les pays arabes. Au Maroc, près d'un million de personnes ont manifesté, dimanche dernier. Je pense qu'il existe une réelle solidarité de la part des populations arabes. Ce que l'on peut déplorer, par contre, ce sont les tergiversations continues des gouvernements arabes. C'est pour cette raison d'ailleurs que le sommet de Beyrouth n'a rien donné. 
                                       
13. “Un contingent européen à Ramallah, et la guerre s’arrête !” - Interview de Claude Cheysson propos recueillis par Hervé Bontégeat
in Le Figaro du mardi 9 avril 2002
En 1983, la France montait une opération commando pour “exfiltrer” Yasser Arafat encerclé par l’armée israélienne à Tripoli. Claude Cheysson était alors ministre des Relations extérieures. Il déplore la passivité européenne dans l’actuel conflit israélo-palestinien.
Le Figaro - Aujourd’hui assiégé à Ramallah, Arafat se trouve dans la même situation qu’en 1983. Bien que le contexte ne soit plus du tout le même, tenteriez-vous le même coup de main si vous étiez aux affaires ?
Claude Cheysson - Je ne sais pas. A l’époque, nous avons envoyé un bateau dans les eaux territoriales libanaises, sans demander l’avis de quiconque, et fait débarquer un commando à Tripoli.
Ce qui est sûr, en revanche, c’est que, sans l’ombre d’une hésitation, je militerai pour l’envoi d’une force française ou européenne d’interposition, comme nous l’avons fait au Liban il y a vingt ans... L’envoi d’un contingent composé initialement de Français et d’Italiens avait d’ailleurs précipité l’intervention des Américains sur place.
Le Figaro - Mais l’Europe, et a fortiori la France, a-t-elle les moyens et la crédibilité requise pour “faire tampon” entre les belligérants au Proche-Orient ?
Claude Cheysson - Les moyens de la France sont peut-être limités, ceux de l’Europe sûrement pas. Si des soldats européens prenaient position dans les zones de conflit, croyez-vous vraiment que l’armée israélienne ouvrirait le feu sur eux ? L’Europe aurait le droit international pour elle en faisant respecter l’inviolabilité de frontières reconnues entre Israël et l’Autorité palestinienne. Tout le monde admet aujourd’hui qu’il y a deux Etats dans la région. Si l’on envoie un contingent, la guerre s’arrête du jour au lendemain. Des troupes françaises ou européennes demain à Ramallah, c’est la paix sur le terrain et on peut recommencer à discuter. C’est très facile à monter. Je ne comprends pas pourquoi on ne le fait pas.
Le Figaro - Peut-être parce que les moyens de pression de l’Europe sur Israël apparaissent bien ténus. Aujourd’hui, seuls les Etats-Unis semblent être en mesure de pouvoir jouer un rôle...
Claude Cheysson - Détrompez-vous. L’Europe n’a pas la capacité de pression politique directe des Etats-Unis, c’est une évidence. Mais elle en a une autre, tout aussi redoutable. Israël est beaucoup plus dépendant de ses échanges commerciaux avec l’Europe qu’avec les Etats-Unis. Près de la moitié des importations d’Israël proviennent de l’Union européenne, contre moins de 20 % pour les Etats-Unis. Plus du tiers des exportations israéliennes sont à destination de l’Union. Le pays a un besoin crucial des investissements étrangers pour réduire le chômage, résultant notamment de la vague d’immigration russe. L’Europe a donc là un moyen de pression considérable.
J’ai été membre de la Commission eurorpéenne, chargé de la politique méditerranéenne et des relations Nord-Sud. J’ai eu l’occasion alors de prendre des sanctions à l’encontre de certains pays et je sais les conséquences terribles que cela peut engendrer.
Le Figaro - Mais sur quel motif la Commission pourrait-elle prendre des sanctions contre Israël ?
Claude Cheysson - Au motif qu’elle entrave les relations commerciales avec les Palestiniens. Israël a conclu un accord de libre-échange avec l’Union européenne. Si l’accord est suspendu, c’est-à-dire si le marché européen lui est provisoirement fermé, Israël ne peut pas vivre deux mois !
                                               
14. Le camp d'internement israélien Ansar 3 réveille de vieilles blessures à Gaza par Selim Saheb Ettaba
Dépêche de l'Agence France Presse du mardi 9 avril 2002, 12h29

GAZA - La perspective de la réouverture du camp d'internement israélien d'Ansar 3, dans le désert du Néguev, pour y incarcérer les Palestiniens faits prisonniers en Cisjordanie, réveille de vieilles blessures à Gaza parmi les détenus de l'établissement pendant la première Intifada.
"C'était l'enfer", affirme le directeur du Centre palestinien pour les droits de l'Homme, l'avocat Raji Sourani, qui y a passé deux de ses six mois de détention administrative, en 1988.
Les services de sécurité israéliens ont interné pendant la première Intifada (1987-1993) des milliers de Palestiniens dans le camp de Kséiot, véritable ville de tentes encerclée par des barbelés et des miradors, surnommé "Ansar 3", en référence aux prisons israéliennes d'Ansar 1 au Liban sud et Ansar 2 à Gaza.
"Des préparatifs sont en cours pour la réouverture du camp de Kséiot", a-t-on appris de sources militaires israéliennes vendredi.
"C'était pire que Guantanamo", précise Sami Abou Samhadana, un activiste du Fatah, le mouvement du président palestinien Yasser Arafat, en référence à la base américaine à Cuba où sont internés des centaines de prisonniers d'Afghanistan.
"Les températures montaient jusqu'à 42-43 degrés le jour, et la nuit était glaciale", souligne-t-il.
"Dès le moment où nous sommes arrivés, nous sommes rentrés dans une épreuve de force avec eux", les géoliers israéliens, précise ce vétéran d'Ansar 3, qui se targue d'avoir inauguré avec un groupe de 35 prisonniers en mars 1988 le camp, où il a passé au total près de cinq ans.
Il évoque des vexations et un arbitraire systématiques, au sujet de la permission d'aller aux toilettes la nuit, de porter des vêtements propres, ou des conditions de visite des familles.
Entre une vingtaine et une trentaine de prisonniers devaient se serrer sous la même tente dans le camp, divisé en secteurs de 5 à 12 tentes chacun et organisé par les détenus en fonction des affiliations politiques.
"Si on allait aux toilettes la nuit, on ne retrouvait pas sa place sous la tente en revenant, tellement c'était surpeuplé", souligne M. Abou Samhadana.
"Les mauvais traitements étaient une pratique très courante", en particulier la nuit, souligne M. Sourani.
"Ils (les géoliers) venaient la nuit fouiller les tentes à la recherche d'objets interdits: radios, lacets, etc ... parce que les lacets servaient à étrangler les collaborateurs dans la prison", raconte un journaliste palestinien sous le couvert de l'anonymat.
"S'ils trouvaient quelque chose d'interdit, ils tabassaient tout les occupants de la tente", ajoute-t-il.
"J'ai été arrêté par les forces spéciales israéliennes alors que j'écrivais sur un mur. J'avais 15 ans", explique-t-il. Il a purgé une peine d'un an et demi.
"Ceux qui n'avouaient pas restaient en détention administrative", indique-t-il.
Cette procédure de six mois renouvelables sans accusation se fondait "sur des informations que l'on n'était pas autorisé à connaître", déplore M. Sourani, soulignant que "la plupart ne savaient pas pourquoi ils étaient là".
Un journaliste de télévision condamné à deux ans de détention pour jets de pierre et inscriptions de slogans dit avoir seulement écrit des graffitti, tels que: "Nous voulons un Etat palestinien. Non à Israël, oui à l'OLP (Organisation de libération de la Palestine".
Tous pensent que les futurs détenus d'Ansar 3 souffriront plus encore.
L'armée israélienne a annoncé avoir fait prisonniers plus de 1.200 Palestiniens pendant son offensive en Cisjordanie, dont une centaine étaient recherchés.
"Maintenant, ce sera pire à cause de la situation à l'extérieur. Les conditions s'étaient améliorées après (la conférence de paix de) Madrid", en 1991, estime M. Abou Samhadana.
"Lorsque la télévision israélienne a fait un documentaire sur Ansar 3 il y a trois ans, je leur ai dit: +Gardez-le, vous allez en avoir besoin de nouveau+", raille-t-il.
                                                       
15. Pérès qualifie de “massacre” l’opération de “Tsahal” à Jenin par Aluf Benn & Amos Harel
in Ha’Aretz (quotidien israélien) du mardi 9 avril 2002
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Le ministre des Affaires Etrangères (israélien) Shimon Pérès est très préoccupé par les réactions internationales qui ne manqueront pas d’être extrêmement vives dès lors que le monde aura pris connaissance des détails de la bataille acharnée récente dans le camp de réfugiés (palestiniens) de Jenin, bataille (non encore achevée) durant laquelle plus de cent Palestiniens ont d’ores et déjà été tués dans des combats avec les soldats des Forces Israéliennes de Défense (“Tsahal”). En privé, Pérès qualifie cette bataille de “massacre”.
Des officiers de “Tsahal” ont eux aussi fait état de leurs plus grandes réserves, hier lundi, au sujet des opérations en cours à Jenin. “En raison du danger”, ont-ils dit, “il n’y a pratiquement aucun soldat qui progresse à pied. Les bulldozers sont en train de “raser” les maisons, causant des destructions inimaginables. Quand le monde découvrira le spectacle de ce que nous aurons fait là-bas, cela nous portera un tort écrasant.”
“Quel que soit le nombre d’hommes recherchés que nous tuions dans (ce) camp de réfugiés, quelle que soit l’étendue de l’infrastructure “terroriste” que nous découvrions et que nous mettions hors d’état de nuire dans ce camp, des destructions d’une telle ampleur n’ont absolument aucune justification.”
Pérès, qui se sent de plus en plus isolé au sein du gouvernement (israélien actuel) - Sharon a ajouté trois ministres “ligne dure” à son cabinet, hier lundi - pense qu’à ce stade Arafat est toujours irremplaçable.
Il ne considère absolument pas les documents exhibés hier à la Knesset par Sharon comme un “revolver au canon fûmant” qui prouverait qu’Arafat aurait été directement impliqué dans les activés terroristes. Pour lui, l’isolement d’Arafat par Israël n’a fait que rehausser le prestige du dirigeant palestinien, faisant de lui l’acteur-clé (du conflit).
Toutefois, en dépit de cette posture extrêmement critique, et de sa conviction que le parti Travailliste ne saurait rester plus avant au gouvernement, Pérès veut encore choisir le moment opportun pour en partir. Il dit à ses plus proches conseillers que ce n’est qu’après la fin des combats et après la visite du Secrétaire d’Etat américain Colin Powell, que la décision sera prise. Dût Powell présenter un plan de règlement politique, le parti Travailliste serait enclin à se battre pour le faire aboutir, au sein du gouvernement (actuel).
                                                        
16. Seul le recours à la force armée a quelque chance de succès par Benjamin Netanyahu
in The International Herald Tribune (quotidien international publié à Paris) du samedi 6 avril 2002
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

A trop nous préoccuper du qu’en dira-t-on international, nous n’avons récolté que des fruits amers.
Le message que les terroristes palestiniens nous envoient est clair comme de l’eau de roche : nous vous assassinerons dès que l’opportunité s’en présentera, où que ce soit, peu importe l’heure - même aux jours de vos fêtes les plus sacrées.
[Ce à quoi nous sommes confrontés ] - un carnage ininterrompu, assassinant tout ce qui tombe sous la main des terroristes palestiniens : voilà qui illustre bien la profondeur de leur haine. A l’évidence, la seule contrainte, pour les terroristes arabes, est leur capacité de nuire. Eussent-ils le pouvoir, ils nous détruiraient, tous, jusqu’au dernier (bébé).
L’objectif premier du régime terroriste de Yasser Arafat n’est nullement d’établir le vingt-deuxième Etat arabe, mais de détruire l’unique Etat juif. Tel était le coeur du conflit. Tel il demeure.
En 1948, les Arabes ont rejeté une résolution internationale qui aurait instauré un Etat arabe. Ils ont préféré tenter de détruire l’Etat juif embryonnaire. Cinquante-deux ans après, Arafat a rejeté une offre similaire et a demandé que l’on noie Israël sous des millions de Palestiniens, mesure qui entraînerait inéluctablement la destruction d’Israël en tant qu’Etat juif.
Il n’y a pas de place pour des négociations et pas d’espoir d’obtenir un quelconque accord de paix durable avec un tel régime, dont l’objectif suprême est de nous détruire et qui le poursuit en ne reculant devant aucun moyen barbare.
Il est de fait que la solution la plus audacieuse pour mettre un terme au conflit a été tentée, il y a deux ans, à Camp David, et cette tentative a échoué lamentablement. Arafat a rejeté l’offre israélienne, scandaleusement généreuse, consistant en l’établissement d’un Etat palestinien souverain en Judée-Samarie et dans la bande de Gaza, lequel incluait la moitié de Jérusalem. Il a préféré lancer contre Israël sa guerre terroriste, qui se poursuit encore aujourd’hui.
Israël n’a qu’une seule option : gagner de manière indiscutable la guerre qui lui a été imposée. Ce qui nous est demandé, aujourd’hui, ce n’est pas de serrer les dents et de faire le dos rond devant cette violence. Non. Nous devons rechercher une victoire militaire totale contre un ennemi implacable, lequel mène contre nous une guerre terroriste.
Première priorité, nous devons immédiatement démanteler l’Autorité palestinienne et expulser Arafat.
Ensuite, nous devons encercler les principales concentrations de population palestinienne, en épurer les terroristes et éradiquer l’infrastructure terroriste.
Troisièmement, nous devons établir des lignes de séparation qui permettent aux forces armées israéliennes de pénétrer en territoire palestinien tout en empêchant les terroristes palestiniens d’entrer dans nos villes.
Le choix auquel nous sommes aujourd’hui confrontés n’est pas entre la victoire militaire ou la séparation (entre les deux populations). Nous devons obtenir les deux. Ce n’est qu’en combinant les deux que nous pourrons arrêter le terrorisme, restaurer une dissuasion qui s’était dangereusement érodée au cours des deux années écoulées, et permettre à une direction modérée et réaliste d’émerger parmi les Palestiniens, avec lesquels nous pourrons [alors] rechercher une solution politique.
A la manière d’une dose d’antibiotique insuffisante et ne permettant pas d’éradiquer l’infection, les actes partiels du gouvernement et les balancements intempestifs entre une politique de retenue et des actions militaires peu enthousiastes n’ont abouti - comme on pouvait s’y attendre - à rien. Et les fruits de notre préoccupation excessive pour le qu’en dira-t-on de la communauté internationale sont amers. Le refus, jusqu’ici, d’Israël d’agir comme le ferait n’importe quel Etat qui se respecte lui-même ne fait que renforcer les doutes de nos amis quant à la justice de notre cause et encourager nos ennemis à intensifier leur effusion de sang.
La seule manière de nous gagner la compréhension internationale, en particulier aux Etats-Unis, est d’affirmer sans faiblesse notre droit fondamental à nous défendre et arracher une victoire militaire rapide et décisive qui mette un terme à l’insoutenable massacre de nos concitoyens.
Enfin, l’argument parfois avancé selon lequel nous aurions essayé tous les moyens militaires (sans succès) afin de mettre un terme au terrorisme, cet argument n’est en rien fondé. Nous n’avons même pas encore mis en action une fraction significative de notre puissance militaire, et le peu que nous avons utilisé n’a pas été dirigé vers la bonne cible : en clair, l’élimination du régime d’Arafat. Aujourd’hui, après dix huit mois de terrorisme, le gouvernement (israélien) continue dans l’illusion qu’il est possible de mettre un terme au terrorisme sans en démanteler le principal moteur terroriste (qu’est l’Autorité palestinienne).
Une chose est absolument claire. Nous ne pouvons pas continuer - pas un jour de plus - sur le chemin de l’indécision, sans avoir ni objectif ni politique. Nous devons faire ce que toute nation ferait, à notre place : nous devons arrêter de nous quereller, mener la guerre qui nous est imposée, et défaire un ennemi déterminé à tous nous anéantir.
[Benjamin  Netanyahu est un ancien premier ministre d’Israël. Cette contribution a été publiée par The Los Angeles Times]
                                           
17. Je proteste ! par Michel Del Castillo
in Le Monde du mercredi 3 avril 2002
(Michel Del Castillo, né en 1933, à Madrid, d'un père français et d'une mère espagnole, est écrivain. Il a obtenu le prix Renaudot en 1981.)
Ce sera le cadeau empoisonné d'Ariel Sharon, une guerre de religion larvée sur la terre de France.
Monsieur Sharon remporte l'une de ces victoires dont il a le secret. Derrière lui, l'herbe ne repousse pas. Après l'irruption sur l'esplanade des Mosquées, provocation qui devait fatalement embraser la région, ce qui reste des territoires palestiniens disparaît.
Cynique, il se présente en défenseur du monde libre. On se demande de quelle manière il le défendait à Beyrouth, devant les charniers où des vieillards, des femmes et des enfants agonisaient par milliers.
On aurait souhaité qu'une voix s'élève en France pour dénoncer l'imposture. Atterré, M. Chirac découvre qu'une tragédie se déroule en Palestine. Il condamne - équilibre électoral oblige - le terrorisme, injustifiable "dans tous les cas". Les Français ont-ils oublié qu'il existe des situations (1940-1944 chez nous) où le terrorisme devient l'ultime recours des peuples opprimés ? Se rappellent-ils que les sionistes n'hésitèrent pas (1947-49) à recourir aux attentats sanglants ? Combien parmi nos intellectuels, aujourd'hui révoltés par ces méthodes, les approuvaient quand le FLN les employait dans sa lutte pour l'indépendance ? Comment, par ailleurs, mettre sur le même pied la violence de l'armée la plus puissante de la région et les attentats protestataires commis par un peuple déshérité, acculé au désespoir ? Bombes humaines ? Il a fallu des décennies de parjures et d'humiliations pour fabriquer ces desperados. Le terrorisme est la réponse inadéquate, démente et désespérée à une situation d'impuissance et de folie. On ne combat pas le terrorisme avec des tapis de bombes, on le combat par une analyse et des actions politiques. On le réduit en dénouant les blocages. Accepter de chosifier le terrorisme, d'en faire une essence maléfique, c'est renoncer à toute rationalité politique, ce qui revient à l'encourager.
L'élection présidentielle coule dans l'impéritie et, cependant que les candidats échangent des platitudes, la guerre se déchaîne sous nos yeux. 
Guerre fatale depuis l'assassinat de M. Rabin et l'élection de Sharon. Non seulement la France n'a plus de voix, elle ne possède pas non plus une âme. Cette démission a favorisé l'éclosion d'un communautarisme qui risque maintenant de dégénérer en affrontements sanglants. Ce sera le cadeau empoisonné d'Ariel Sharon, une guerre de religion larvée sur la terre de France. Quand on abandonne la république pour le marché, on récolte des exécrations de basse-cour.
On a feint de tenir pour un formidable progrès le fait que le Conseil de sécurité de l'ONU ait voté une mention reconnaissant le droit, pour les Palestiniens, à posséder un Etat, expression légale d'un territoire. Faut-il rappeler que les Palestiniens ne sont pas des apatrides ? Que, pourchassés et massacrés, ils s'accrochent à leur sol depuis plus d'un demi-siècle ? Que ce qui a été célébré comme un tournant de la politique américaine est en réalité une concession de façade, le prix dont M. Bush accepte de payer la complaisance des gouvernements arabes pour sa croisade contre "l'axe du Mal", degré zéro de la réflexion politique ?
La promesse d'un Etat palestinien est un leurre, les territoires autonomes en sont un autre. Eclatés, séparés les uns des autres, on les a troués de colonies, donjons d'une occupation sournoise. Quand les Américains ont-ils protesté devant ces entorses humiliantes ? Quand ont-ils... ?
Dans le court terme, les Israéliens les plus extrémistes exulteront ; à plus long terme, ils risquent de connaître un réveil cruel. M. Sharon vient, pour longtemps, de rendre impossible toute réconciliation avec les peuples arabes. Il a fondé une mémoire de la haine. Pense-t-on que, dans cet Orient compliqué, de Gaulle eût laissé s'accomplir sans parler ce qui est pis qu'un crime, une faute ? On m'objectera que les mots ne guérissent pas ; ils tuent, ils réveillent parfois. Faute d'armées, la France conservait la générosité et la chaleur du verbe.
Il n'y a plus de France, il reste des Français. C'est à eux que je parle, à ceux du moins qui voudront bien m'entendre. Je suis écrivain, rien qu'écrivain. Ma plume est ma seule arme.
Je proteste contre la lâcheté de nos gouvernants, qui nous enfoncent dans la honte. Je proteste contre l'insulte faite à la France. Je proteste contre l'idée que ces candidats d'opérette se font de leur peuple. Nous ne méritons pas pareille indignité, nous valons mieux que leur mépris. Nous ne sommes pas si étriqués, si égoïstes et si mesquins qu'ils le prétendent. Nous attendons un langage de force et de vérité. Nous voulons retrouver confiance en nous-mêmes.
Les Palestiniens ne sont en rien responsables des crimes de Hitler, s'ils n'en finissent pas de payer le prix de notre remords. Il est temps de leur rendre leur dignité de victimes.
"Vous vaincrez parce que vous avez la force, vous ne convaincrez pas, car il vous manque la raison." Ces paroles, Miguel de Unamuno les jeta, en pleine guerre civile, à la face des généraux franquistes. Elles conservent leur pertinence, elles gardent leur dignité.