Rassemblement de soutien au peuple palestinien
ce samedi 30 mars 2002 à 14h sur le Vieux-Port de Marseille
à l'appel du Collectif Palestine et de l'Union juive française pour la paix
                                       
                                  
Point d'information Palestine > N°195 du 28/03/2002

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Sélections, traductions et adaptations de la presse étrangère par Marcel Charbonnier
                                       
Si vous ne souhaitez plus recevoir (temporairement ou définitivement) nos Points d'information Palestine, ou nous indiquer de nouveaux destinataires, merci de nous adresser un e-mail à l'adresse suivante :
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Ce point d'information est envoyé directement à un réseau privé de 4817 destinataires et n'est adossé à aucun site internet.
Consultez régulièrement les sites francophones de référence :
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Nous rencontrons depuis le 20 mars dernier, d'énormes problèmes techniques qui ne seront totalement résolus que d'ici une dizaine de jours. Il se peut qu'un certain nombre de courriers électroniques que vous nous auriez envoyé ne nous soient pas parvenus, nous vous remercions de nous les renvoyer si vous constatez que nous n'y avons pas apporté de réponse.
 
Au sommaire
                               
Témoignage
Cette rubrique regroupe des textes envoyés par des citoyens de Palestine ou des observateurs. Ils sont libres de droits.
- Il y a des jours ou je hais les soldats par Nathalie Laillet, citoyenne de Bethlehem en Palestine
                       
Dernière parution
- Sur la frontière de Michel Warschawski aux éditions Stock
               
Réseau
Cette rubrique regroupe des contributions non publiées dans la presse, ainsi que des communiqués d'ONG.
1. Touche pas à mon armée par L'union juive française pour la paix (Section Provence)
2. La situation en Israël, dans les territoires occupés et en zones autonomes par le Comité International de la Croix Rouge Service de Presse du lundi 18 mars 2002 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
3. "Yesh-Gvul" ("il y a une limite") Et "Seruv" ("le refus") par Pierre Stambul à paraître dans le prochain numéro de L'école émancipée
4. L'appel des réservistes israéliens
5. Notre Dame de Douleur par Israël Shamir [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
6. Apocalypse Now par Israël Shamir [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
7. Une file de kamikazes qui attendent par Uri Avnery [traduit de l'anglais par R. Massuard et S. de Wangen]
                                   
Revue de presse
1. Bernard Botiveau : "Rien n'est possible sans solution politique" propos recueillis par Linda Bediaf in La Marseillaise du mardi 26 mars 2002
2. Plus de dix mille personnes ont manifesté à Paris pour une paix "juste" au Proche-Orient par Mouna Naïm in Le Monde du mardi 26 mars 2002
3. Bourhane Ghalioune, professeur de civilisation arabe : "Ce qui caractérise les sommets arabes, c'est l'absence d'une vision" propos recueillis par Mouna Naïm in Le Monde du mardi 26 mars 2002
4. Israël envisage une offensive majeure si les négociations pour la trêve échouent par Lee Hockstader in The Washington Post (quotidien américain)  du lundi 25 mars 2002 [traduit de l'anglais par Monique Barillot]
5. Un voyage d'écrivains auprès des Palestiniens pour rappeler la "guerre aveuglante" par Mouna Naïm in Le Monde du dimanche 24 mars 2002
6. A Ramallah, visite à un poète reclus par Juan Goytisolo in Le Monde du vendredi 22 mars 2002
7. "Procès" kafkaïen du mouvement pacifiste israélien par Antoun Shalhat in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du lundi 11 mars 2002 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
8. Le plan qui gêne Sharon par René Backmann avec Victor Cygielman à Jérusalem in Le Nouvel Observateur du jeudi 28 février 2002
9. Le travail de fourmis de Michael et Diana, juristes palestiniens qui veulent expliquer Taba par Stéphanie Le Bars in Le Monde du mercredi 20 février 2002
                                                           
Témoignage

                                        
Il y a des jours ou je hais les soldats par Nathalie Laillet, citoyenne de Bethlehem en Palestine
Je suis rentrée à Deheishe le samedi 16 mars 2002. Ce serait trop long et trop déprimant, de vous raconter tout ce que j'ai vu depuis ce jour. Sachez seulement que j'ai du patienter 1h30 au checkpoint [barrage militaire israélien, ndlr] de Bethlehem ce fameux 16 mars. Je n'avais pas le droit d'entrer. Finalement je suis passée, grâce à l'aide précieuse d'une amie journaliste. Le dimanche suivant, la sortie du jour, c'était la messe. Mes amis, chrétiens, venait de vivre une semaine de couvre feu. Ils ne vont jamais à la messe. Ce dimanche, ils en avaient envie. Histoire sans doute de se mettre en règle avec le Bon Dieu, au cas ou...
A la messe donc, l'église est pleine. Vers 12h30, on se retrouve tous sur le parvis, devant l'Eglise de la Nativité. On prend la voiture d'un copain et on file acheter du café (une semaine confinés à la maison, les stocks sont épuisés). Tous nos portables se mettent à sonner les uns après les autres. La nouvelle tombe :
- "Les tanks arrivent ! Tirez vous et rentrez à la maison !"
- "Mais ce n'est pas possible ! Il y a deux minutes, on était place de la Nativité et tout était calme !"
- "Ils arrivent, ils arrivent ! Tirez-vous !"
Café acheté, on obéit, un peu incrédules. Tout était calme ce matin. Retour la maison. Télévision allumée sur la chaîne locale. C'est confirmé ! Les tanks sont dans le centre ville ! L'un d'eux parade... à l'endroit même ou nous avions gare la voiture ! Du délire ! On était juste partis à la messe, nous...
L'un de nos copains, le propriétaire de la voiture, est de Beit Sahour. Vu la situation, il décide de rentrer aussitôt chez lui, sans attendre que le café soit prêt. Une demie heure plus tard, il nous téléphone :
- "Les tanks étaient devant le Collège des Frères (école chrétienne de Bethlehem) ! Je me suis retrouve nez à nez avec eux ! Je n'ai jamais eu aussi peur de ma vie ! Je ne sais pas encore comment je m'en suis tiré !"
Ça c'était dimanche. Puis il y a eu lundi, et les menaces de couvre feu. Puis mardi, et mes étudiants de Deheishe qui me sont tous tombés dans les bras, en pleurs. J'ai joué les "psy" et du mieux que j'ai pu, j'ai tenté de les consoler. Le fardeau est lourd sur mes épaules. Puis mercredi. Puis jeudi, et son cortège de mauvaises nouvelles en tout genre. Puis vendredi, et la route Ramallah Bethlehem. Vers 4h30 j'ai passe le checkpoint de Qalandia. Il a changé ce checkpoint. On passe un par un. Quand arrive notre tour, on se retrouve dans la ligne de tirs de 3 fusils mitrailleurs. Si un soldat a la main un peu lourde, adieu tout le monde...
Je me revois encore, avec ce canon béant pointé sur moi. Seule. Mon passeport dans une main, mes bouquins de français dans l'autre. Et le soldat qui crie je ne sais quoi en hébreu. J'ai peur. Mes mouvements, comme ceux des autres d'ailleurs, évitent toute brusquerie. Mon manteau est ouvert, pour qu'ils voient que je n'ai ni armes ni bombes. Je passe enfin.
Encore trois checkpoints jusqu'à Jérusalem. Et encore un autre entre Jérusalem et Bethlehem. Me voilà chez moi. Week-end. On fait des provisions, riz, pâtes, lentilles, au cas ou... Puis dimanche à Jérusalem.
Et lundi après midi j'ai a nouveau fait la route Jérusalem Bethlehem. A nouveau ce checkpoint que je connais trop bien. Je passe sans problème. La vallée en contre bas sert de "laffé" (détour) pour les Palestiniens qui ne sont pas autorisés à aller à Jérusalem. Pour savoir l'ambiance, il est toujours utile d'y jeter un œil. Et encore une fois, je vois. Une Jeep, des soldats devant, un à côté, fusil braqué. Braqué vers quoi ? Devant la Jeep, qui lui tournent le dos, une dizaine d'hommes, debout, jambes écartées, têtes baissées. Humiliation. Encore une fois. Encore. Jusqu'à quand ?
Je sens mon sang bouillir et je vous assure que je n'ai aucun respect pour les soldats qui se rendent coupables de tels actes.
"Ils ont des ordres" allez-vous me dire. Maurice Papon aussi avait des ordres. On lui a justement reproché d'y avoir obéi.
Je prends un taxi collectif jusqu'à chez moi. Dans le taxi, j'apprends qu'un village près de Al Khader est soumis au couvre feu.
- "Qu'est ce qui s'est passé ?" Interrogent les gens dans la voiture.
- "On ne sait pas."
- "Et moi alors, comment je fais pour rentrer chez moi ? J'habite la bas !" Demande une dame entre deux âges. "Tout était calme ce matin !"
Comment a-t-elle fait pour rentrer chez elle ? Je n'en ai aucune idée. J'ai de la chance. Il n'y a pas de couvre feu là ou j'habite.
Aujourd'hui mardi, je suis a nouveau venue à Jérusalem, pour y toucher mon chèque. Encore le check... Je passe sans problème et c'est nouveau. Il y a beaucoup d'étrangers cette semaine ici et je pense que les soldats ont reçu des ordres pour ne pas nous "emmerder". Le soldat jette un œil sur mon passeport et m'invite, poliment, à passer devant lui. J'avais oublié, ces derniers mois, qu'un soldat pouvait être poli. Mais ce même soldat si poli tient en joue un homme qui lui n'a pas la chance d'avoir un passeport étranger. Cet homme a entre 25 et 30 ans, la peau mate, les cheveux noirs, les yeux clairs. Jambes écartées, mains posées sur le mur, à hauteur de la tête. Je croise son regard une demi seconde. J'y lis la même détresse que dans le regard de mon étudiant Mohammad qui me racontait ce que lui avait fait les soldats quand ils sont rentrés à Deheishe. Il détourne la tête. Le soldat qui le tient en joue lui gueule quelque chose en hébreu. Il baisse la tête. Il y a des jours ou je hais les soldats.
                                       
Dernière parution

                                        
Sur la frontière de Michel Warschawski
aux éditions Stock

[308 pages - 20 euros / 131,19 FF - mars 2002 - ISBN : 2234054761]
"Les trente-cinq dernières années de ma vie ont été une longue marche sur la frontière, ou plutôt sur les différentes frontières où se côtoient Israéliens et Arabes, Israéliens et Palestiniens, mais aussi Juifs et Israéliens, religieux et laïcs, Juifs d'Europe et Juifs d'Orient. Des frontières qui s'entrecroisent et parfois se superposent, plus ou moins perméables, plus ou moins infranchissables."
Né à Strasbourg dans une famille religieuse, Michel Warschawski, parti en Israël à 16 ans pour y poursuivre des études talmudiques, est devenu l'une des figures les plus connues de la gauche radicale israélienne. Militant de la paix israélo-palestinienne depuis 1968, condamné à 20 mois de prison pour soutien à des organisations palestiniennes illégales, il raconte un parcours et un engagement exceptionnels, où la politique n'exclut pas le sentiment, ni la raison l'émotion. Attaché aux valeurs du judaïsme de la diaspora, inspiré par le socialisme sans frontières des révolutionnaires de l'ancien monde yiddish, ce passeur connaît aussi la réalité israélienne de l'intérieur. Dans ce livre qui mêle l'analyse au témoignage, il dit ses premiers moments de désarroi, son amour de Jérusalem, ses indignations, ses amitiés, ses combats et son désespoir aujourd'hui, quand s'élèvent les frontières de la haine. Président de l'AIC (Centre d'Information Alternative) de Jérusalem, auteur d'ouvrages en hébreu et en arabe, Michel Warschawski a publié en français "Israël-Palestine, le défi binational" aux éditions Textuel en 2001.
                                              
Réseau

                                       
1. Touche pas à mon armée par L'union juive française pour la paix (Section Provence)
C'est un scandale, une infamie : des juifs osent manifester avec des arabes! Ici, à Marseille, devant le parc Chanot...De surcroît ils passent à la télé, sur quasiment toutes les chaînes,  bien connues pour leurs reportages falsifiés, inauthentiques, tronquant la réalité . C'est sûr, ils ont dû payer les journalistes. D'ailleurs l'autre, le photographe italien, qui est mort par mégarde, juste une bavure, une balle perdue, voyez comme on monte cet " accident " en épingle alors que tant d'enfants juifs ont été décimés dans les attentats terroristes.
Aussi,  ces juifs, à Marseille je vous le dis, ne méritent plus le nom de juifs. D'ailleurs comment osent-ils encore revendiquer ce titre? Ce sont des traîtres, des renégats, qui sous prétexte de vouloir la paix n'ont d'autres buts que de diaboliser Israël. De plus ils ne savaient rien, ne connaissent rien : le comité de Bienfaisance pour le bien-être du soldat israélien, cela fait des décennies qu'il existe; il a été crée au lendemain de la guerre, sous le mandat britannique, et ne s'occupe que du réconfort des braves gars de Tsahal lorsqu'ils sont en repos. Ces prétendus citoyens juifs français sont fous, hypocrites et dangereux . Gewalt, Gewalt ! Il est temps de réagir et de saper leur prétentions.
Effectivement jugeons de la " réaction ":  coups de téléphone dont certains anonymes, menaces de mort, insultes grossières dignes de bordels de campagne, malédictions pour l'au-delà ....comme de juste. Une fatwa doit avoir lieu car il est inadmissible que des inconscients mettent en danger " le peuple juif " ici et en Israël, qu'ils aillent pactiser avec l'ennemi, ces millions d'arabes du Moyen-Orient, qui guettent à la porte de la terre sacrée pour exterminer nos valeureux soldats et nos chers enfants.
Qui parle ainsi? Des malades, des paranoïaques, des fanatiques ? Non, des membres et des représentants de la dite " communauté juive de France. ". Eh, oui, il est plus que difficile pour d'anciennes victimes de se reconnaître dans le rôle du bourreau. Surtout quand les victimes en question n'ont que par ouï-dire subi les crimes nazis, ont cultivé pendant plusieurs décennies la peur et l'angoisse de mort, ici et en Israël, avec une nostalgie, une jalousie, pour une partie d'autres eux, de n'avoir pu en " être " de ces victimes de l'extermination. Pas grave, On a la jouissance qu'on peut ! Suffit de veiller à bien l'entretenir, de la renouveler à chaque occasion. Au mépris des faits historiques, , avec un magnifique déni de réalité de ce que fait effectivement aujourd'hui Tsahal dans les territoire occupés, en Palestine: enfants de plus de 12 ans, emprisonnés,  torturés, ambulances écrasées, femmes enceintes empêchées d'aller rejoindre un hôpital, malades livrés eux-mêmes sans médicaments, sans soins, maisons écrabouillées par les tanks, terres agricoles saccagées, misérables citernes d'eau bombardées, population humiliée, à genoux, à genoux, oui, vous palestiniens qui souhaitez  passer le check point...
La cruauté, le sadisme, inspiré des meilleurs modèles nazis, de cette vaillante armée israélienne, n'est qu'un incident de parcours, la geste de quelques excités, on ne peut pas tout contrôlé dans une armée, vous savez. Et puis les colons  - un peu fanatisés, c'est vrai - ne sont qu'une minorité, en Israël. Nous, la paix on la veut vraiment, alors on ne comprend pas pourquoi  tant de haine. Les palestiniens n'ont qu'à faire un geste, qu'ils nous tendent la main, car c'est nous,  les plus faibles, avec tant d'arabes à notre porte. Vous ne les voyez pas, ces masses grouillantes qui guettent nos moindres faux pas, qui sont prêtes à nous jeter à la mer. Et les  arabes, vous ne les connaissez pas, regardez ce qu'il ont fait les syriens au Golan , et  les égyptiens et les kamikazes du Hamas , sans parler de l'Irak, l'Iran, c'est ça que vous soutenez? Honte, honte à vous juifs de malheur !
Et si on  rappelle qu'aujourd'hui des israéliens, soldats, officiers, mères , femmes qui ont perdu des enfants dans les attentats, protestent , manifestent contre leur " gouvernement de mort ", contre les massacres organisés par Tsahal, dénoncent tous les jours en Israël, dans la rue, les journaux et bientôt devant l'ONU qu'il ne s'agit plus d'une armée chargée de défendre la sécurité et son territoire en danger mais bien d'une guerre d'occupation et bien c'est clair et immédiat, au téléphone, on nous raccroche au nez !
[Dernière nouvelle : A Paris , où l'on est beaucoup moins tolérant qu'à Marseille,  où l'on a perdu bien plus l'habitude de cohabiter avec l'autre, un journaliste couvrant la manifestation de protestation contre le gala de bienfaisance à Tsahal, Porte de Versailles, s'est retrouvé à l'hôpital avec divers points de suture. Quand on pense que l'agresseur, le Betar, s'était donné , à l'origine, la noble mission d'empêcher l'extrême droite française, le GUD, de se manifester.  Qui aurait l'affront de penser qu'aujourd'hui comme il y déjà 25 ans, le Betar, s'est transformé en milice armée ?  Des fascistes juifs ? Vous n'y pensez pas !]
*  "Danger, au secours" en yddish, langue inconnue par les temps qui courent.
                           
2. La situation en Israël, dans les territoires occupés et en zones autonomes par le Comité International de la Croix Rouge
Service de Presse du lundi 18 mars 2002
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Département de l'information et département international des sociétés de la Croix rouge et du Croissant rouge, Genève, le 14 mars 2002
Chers collègues, suivent les informations les plus récentes au sujet de la situation en Israël, dans les territoires occupés et autonomes, relatives aux ambulances et aux services médicaux. Résumé de la semaine précédente :
4 mars : un médecin du Croissant Rouge palestinien tué à Jenin. Conférence de presse du Comité International de la C.R. sur l'escalade de la violence.
- A la lumière de la dernière flambée de violence, le CICR a tenu une conférence de presse, le 4 mars dernier, afin d'exprimer ses graves préoccupations au sujet des pertes inacceptables en vies de civils, des deux côtés. Le CICR a également souligné la nécessité que l'on laisse travailler, que l'on respecte et que l'on protège activement, cela concerne tous les belligérant, le travail humanitaire, de manière générale, et les missions médicales, en particulier.
Le CICR a également exhorté la communauté internationale à redoubler d'efforts afin de garantir le respect des textes du droit humanitaire international par toutes autorités, organisations et individus engagés dans la violence actuelle. Un communiqué de presse a été publié par le CICR à Tel Aviv à ce sujet. (Voir texte complet, ci-dessous).
Le jour où la conférence de presse se tenait, le chef de l'équipe d'urgence de la Société du Croissant rouge palestinien (SCRP) de Jenin, le Dr. Khalil Suleiman, a été tué lorsque son ambulance a été atteinte par un engin explosif lancé par les Forces Israéliennes de Défense. L'ambulance avait cependant obtenu l'autorisation de se déplacer des autorités israéliennes par l'intermédiaire du CICR. Trois de ses collègues ont été grièvement brûlés et sont toujours hospitalisés, leur cas est préoccupant. Deux membres de la SCRP venus à leur secours, dans une autre ambulance, portant très distinctement l'emblème protecteur du Croissant rouge ont été blessés, eux aussi, leur véhicule ayant été pris sous les tirs.
Les "insinuations" selon lesquelles l'ambulance de la SCRP à Jénin aurait été chargée d'explosifs, qui auraient entraîné sa destruction totale, est le dernier en date des exemples de diffamation dont la Société du Croissant rouge palestinien est l'objet. Le CICR a établi, avec l'assistance d'experts professionnels indépendants, que la force de l'explosion a été causée par une bombonne d'oxygène, équipement standard en matière de matériel médical, dans des véhicules destinés à des missions de premiers secours. L'explosion du tube d'oxygène comprimé a été causée soit par l'explosion initiale du projectile tiré contre l'ambulance, soit par l'exposition à la chaleur résultant de l'incendie que ce dernier a provoqué dans le véhicule.
La SCRP a publié un communiqué au sujet de la mort du Dr. Suleiman et le CICR ainsi que la Fédération internationale ont publié un communiqué de presse conjoint depuis Genève. Le président de la Association Magen David (israélienne), le Dr. Moshe Mellul, a envoyé un message de condoléances et de sympathie au Croissant Rouge palestinien.
7 mars : Tulkarem : un employé de l'ONU et un ambulancier du Croissant rouge palestinien tués, un blessé dans un garage d'ambulances du Croissant rouge. La même nuit, un ambulancier tué et un membre du Croissant rouge blessé à Gaza.
On relève trois incidents séparés. A la suite des tirs contre l'ambulance des Nations Unies, le CICR a notifié spécifiquement et obtenu un sauf-conduit pour deux ambulances du Croissant rouge qui ont néanmoins essuyé des tirs : M. Ibrahim Assad a été tué et deux aide-soignants blessés. Quelques minutes plus tard, le Dr. Nabhan Jallad était blessé à la jambe, dans le garage d'ambulances du Croissant Rouge sis à Tulkarem.
Dans la nuit du 7 mars, un officier d'ambulance de services médicaux locaux a été tué et un médecin ambulancier du Croissant rouge a été gravement blessé par des projectiles dans le nord de la bande de Gaza. Une deuxième équipe du Croissant rouge est venue à leur secours et a réussi à évacuer le mort et le blessé après plus d'une heure.
Le 8 mars, le Croissant rouge a organisé une conférence de presse à laquelle le CICR et les chefs de délégations de la Fédération internationale des Croix rouges ont prit part. Des chauffeurs d'ambulances du Croissant rouge palestinien ont manifesté en silence à Ramallah. Le CICR a publié un communiqué de presse depuis Genève appelant les autorités israéliennes à une protection immédiate des missions médicales. La Fédération internationale a également publié un communiqué de presse reprenant des citations de la conférence de presse du Croissant rouge palestinien.
12 mars : des véhicules du CICR sont pris sous les tirs à Ramallah, au cours d'échanges de coups de feu en provenance et à destination de l'hôpital de Ramallah.
Le 12 mars en fin de journée, un véhicule du CICR escortant une ambulance du Croissant rouge palestinien a été atteinte de trois balles dans le rétroviseur gauche, à proximité des bureaux du Croissant rouge à ElBireh (région de Ramallah). Personne n'a été blessé. Le véhicule portait très visiblement l'emblème de la croix rouge et la mission qu'il effectuait avait été notifiée aux autorités israéliennes.
Les circonstances de cet incident ne sont pas encore connues, et aucune hypothèse ne saurait être émise quant à la question de savoir si le véhicule a été visé délibérément, et si oui, par qui ? Au moment où il s'est produit, il n'y avait aucun tir dans les environs. Un tank et un véhicule blindé israéliens ont été vus, devant le convoi.
Le même jour, l'hôpital de Ramallah essuyait des tirs, et il y avait apparemment des gens qui tiraient depuis son toit. Le Jerusalem Post en ligne a rapporté qu'"à un moment donné, des hommes armés ont ouvert le feu depuis l'hôpital de Ramallah, blessant légèrement un soldat, a rapporté l'armée, et les troupes (israéliennes) ont répliqué. Il a été fait appel aux services du Comité international de la Croix Rouge pour une médiation et afin de convaincre les Palestiniens de demander aux hommes armés de quitter l'hôpital, a indiqué le porte-parole du CICR Uri Massad. Ailleurs, un véhicule appartenant à la Croix rouge a été touché par un tir tandis qu'il escortait une ambulance du Croissant Rouge quittant ElBiréh. Personne n'a été blessé dans cet incident, a indiqué Massad, qui releva qu'il y avait un tank des "forces israéliennes de défense ainsi que des soldats d'infanterie israéliens dans les parages."
Les activités du CICR et les évacuations médicales du Croissant Rouge palestinien à Ramallah ont été temporairement suspendues jusqu'à ce que des garanties en matière de sécurité soient obtenues des autorités israéliennes, le 13. Le Croissant rouge palestinien a fait état du décès de deux Palestiniens durant la nuit, l'un de blessures par balles, l'autre de diabète, dans les deux cas, parce que les ambulances ne pouvaient pas aller leur porter secours.
La semaine dernière, ce sont 9 membres du personnel du Croissant rouge palestinien qui ont été blessés.
Veuillez noter que les incidents mentionnés ci-dessus ne représentent pas une liste exhaustive des agressions contre le personnel ou des installations médicaux : un médecin a été tué à Bethléem, un hôpital endommagé à Hébron, etc..
Pour plus d'information, consulter, sur Internet : http://www.icrc.org ; http://www.palestinercs.org ; http://www.ifrc.org ; http://www.magendavidadom.org ; ONU : "Annan presse Israël d'enquêter sur la mort d'un assistant de l'ONU en Cisjordanie" (http://www.un.org/apps/news/story.asp?NewsID=3064&Cr=UNRWA&Cr1=) ; Médecins Sans Frontières : "Conflit au Moyen-Orient : appel à la reconnaissance du droit aux soins médicaux et au droit du personnel médical à ne pas être pris pour cible" : http://www.msf.org
Discussions avec les autorités d'Israël
Des discussions sont en cours avec les autorités israéliennes, ces jours derniers, à différents niveaux, avec de premiers résultats positifs et un renouvellement de l'engagement de leur part afin d'assurer la sécurité des services de secours médical. Nous ne pouvons pas dire, toutefois, que le problème ait été résolu, à l'heure actuelle.
Le CICR réclamait depuis longtemps que des réunions soient tenues avec les autorités israéliennes afin de discuter du fonctionnement des services d'ambulances et de secours médical, d'améliorer les procédures et les problèmes de sécurité et de prendre de nouvelles mesures afin d'aider les Forces Israéliennes de Défense à mieux identifier le personnel et les véhicules du Croissant rouge palestinien.
Du côté palestinien, le CICR est intervenu, par le passé, afin de demander la protection des ambulances de la Magen David (Croix de David rouge d'Israël) et de soulever le problème de la prolifération d'emblèmes du Croissant rouge et de la Croix rouge palestiniens aux mains d'organisations et d'individus non autorisés à les détenir, situation qui doit cesser.
Au sujet des accusations portées contre le Croissant rouge palestinien
Cette situation regrettable vient s'ajouter à une campagne de diffamation, qui bat actuellement son plein, contre le Croissant rouge palestinien. Le CICR a exprimé à de nombreuses occasions aux membres du gouvernement et de l'armée d'Israël ses graves préoccupations au sujet d'accusations répétées formulées à l'encontre du Croissant rouge palestinien et répercutées par les médias.
En dépit de nombreuses requêtes du CICR allant dans ce sens, les Forces Israéliennes de Défense n'ont jamais pu produire de preuve évidente établissant la participation de membres du Croissant rouge palestinien à des actes de violence, dans l'exercice de leurs fonctions, contre les Israéliens. Ce n'est qu'à une seule occasion qu'un porte-parole du gouvernement israélien a retiré son affirmation, basée sur une information fausse.
Il a toujours été très clair, pour tout le monde, que les ambulances peuvent être inspectées et fouillées à tout moment.
Le 13 mars, les propos du porte-parole du Croissant rouge palestinien ont été cités par des agences de presse. Selon elles, il aurait déclaré que "... le Croissant rouge palestinien serait heureux de disposer d'escortes de l'armée israélienne si celle-ci voulait être sure que ses ambulances ne transportent pas d'hommes armés".
Messages-clés
- Le CICR a : insisté sur l'importance représentée par l'ambulance et les services médicaux comme instrument et activités permettant de sauver des vies, auxquels les blessés et les malades, à quelque partie qu'ils ressortissent, ont droit, en vertu des Conventions de Genève ; rappelé l'obligation faite à tous les participants aux hostilités de respecter et de faciliter la mission des services médicaux : exprimé sa solidarité et son soutien aux victimes et au Croissant Rouge Palestinien.
- Il explicite les événements récents et la position du CICR/Mouvement, exposée au moyens de plusieurs communiqués de presse. Explique qu'en dépit des événements dramatiques de la semaine dernière, le CICR et le Croissant rouge palestinien (et, bien entendu, la Magen David d'Israël) ont bien accès et peuvent travailler (nous devons absolument éviter de ne souligner que les seuls problèmes).
- Nombreuses sont les situations où la coordination par le CICR des Sociétés de la Croix Rouge palestinienne a bien fonctionné :
- Trois chirurgiens du CICR forment actuellement des chirurgiens palestiniens à la chirurgie de guerre, en raison essentiellement du nombre élevé de blessés, ils procèdent désormais à des opérations sur les dernières victimes des affrontements et peuvent ainsi soulager leurs collègues palestiniens débordés.
- En raison des bouclages, le CICR transporte des stocks de médicaments des entrepôts du ministère de la Santé de l'Autorité palestinienne jusqu'aux hôpitaux palestiniens.
- Le CICR insiste sur le fait que l'objectif commun du CICR/Croissant rouge palestinien/Magen David est d'assurer un fonctionnement correct des services médicaux tant en direction des Palestiniens que des Israéliens. Ces organisations doivent par conséquent absolument rester en-dehors de la spirale des violences et des représailles.
- L'approche du CICR, comme il est de tradition, a été de discuter de ces différents problèmes avec les autorités concernées ; les autorités israéliennes ont entamé ces conversations le 13 mars ; il s'agit là d'une avancée positive dont nous attendons une traduction concrète sur le terrain.
- Le CICR rappelle aux journalistes que tandis que le problème des ambulances et des services médicaux est devenu une priorité en raison des récents événements, d'autres graves problèmes et d'autres missions essentielles ne devraient pas être oubliés : les victimes civiles palestiniennes des derniers jours, les victimes civiles israéliennes d'attaques contre des colonies, contre le nord d'Israël et la bande de Gaza, le journaliste italien tué le 13 mars à Ramallah (les journalistes sont protégés, au même titre que les civils, par le droit humanitaire international), les visites du CICR aux prisonniers, qui continuent, les conséquences humanitaires de l'occupation et des bouclages israéliens des villes palestiniennes, etc.
- Les journalistes devraient être incités à assurer la couverture médiatique du problème des ambulances et des secours médicaux.
Communiqué de presse du CICR du 4 mars : La vie des civils doit être respectée, en vertu du droit humanitaire international
Tel-Aviv, 4 mars 2002 (CICR) - Le Comité international de la Croix Rouge (CICR) est gravement préoccupé par l'éruption de violence récente et la perte de vies civiles dans les Territoires palestiniens occupés et Autonomes, ainsi qu'en Israël. Il condamne tous actes de violence susceptible de causer la mort ou les blessures de civils, en particulier, d'enfants, protégés par le droit humanitaire international (IHL = International Humanitarian Law).
Une fois encore, le CICR rappelle à toutes les parties engagées que les règles et les principes universellement reconnus du droit humanitaire international doivent être respectés en toutes circonstances, et il en appelle à la communauté internationale afin qu'elle redouble d'efforts en vue de garantir le respect des attendus du droit humanitaire international par toutes les autorités, organisations et individus engagés dans la situation actuelle d'occupation et de violence.
Le droit humanitaire internationale stipule de manière non équivoque que seuls des objectifs militaires sont susceptibles d'être visés et que toutes les précautions d'usage doivent être prises afin de réduire au strict minimum les victimes civiles ainsi que les dommages infligés à leurs biens. Des attaques contre des civils, indiscriminées, et des actes visant à répandre la terreur parmi la population civile, ainsi que des représailles contre des civils et leurs biens, sont interdits de la manière la plus absolue et inconditionnelle.
L'accès totalement libre aux services médicaux de secours est primordial, en permanence. Les ambulances et le personnel médical doivent être autorisés à se déplacer, sans qu'on leur porte atteinte physiquement et qu'on les empêche par la contrainte de mener à bien leurs missions. Le travail des services médicaux apporté par les forces armées, les organisations civiles, la société du Croissant rouge palestinien et Magen David Adom (MDA) (d'Israël) doit être respecté et facilité, comme doivent l'être les activités de tous les autres intervenants dans le domaine humanitaire.
René Kosirnik, chef de la délégation du CICR, a déclaré, ce jour, au cours d'une conférence de presse tenue à Jérusalem : "En ces jours éprouvants, les activités des acteurs de terrain du CICR sont plus vitales que jamais. Afin d'apporter des secours urgents à un village isolé, d'organiser le sauf-conduit de familles allant visiter des parents détenus, ou bien pour se faire l'avocat des causes humanitaires auprès des autorités concernées : voilà quelles sont quelques-unes, seulement, parmi ces missions essentielles."
Dépositaire des Conventions de Genève, le CICR rappelle à tous ceux qui sont concernés par les violences actuelles que la Quatrième Convention de Genève demeure applicable en totalité dans et au sujet des territoires palestiniens occupés et autonomes. Ses attendus visent à rendre la "vie sous occupation" aussi normale que possible, et stipulent certaines droits à garantir à la population civile, tels celui de se déplacer et le libre accès aux soins médicaux, au travail et à l'éducation.
Depuis septembre 2000, le CICR a réaffirmé à plusieurs reprises sa préoccupation pour les conséquences humanitaires des violences en Israël et dans les territoires palestiniens occupés et autonomes. La déclaration du CICR, à la Conférence des Hautes Parties contractantes de la Quatrième Convention de Genève, tenue le 5 décembre 2001, peut être consultée sur le site web :
http://www.icrc.org.
D'autres détails sur l'action du CICR en Israël et dans les territoires occupés et autonomes peuvent être consultés sous les rubriques "Activités par pays" / "Moyen-Orient et Afrique du Nord."
                               
3. "Yesh-Gvul" ("il y a une limite") Et "Seruv" ("le refus") par Pierre Stambul
à paraître dans le prochain numéro de L'école émancipée
Il est arrivé plusieurs fois au cours du siècle précédent qu'une armée soit obligée d'arrêter son carnage par une révolte de ses soldats. Citons les soldats russes de 1917 ou les militaires portugais refusant les guerres coloniales. En France pendant la guerre d'Algérie ou aux Etats-Unis pendant la guerre du Viêt-Nam, les oppositions à la guerre sont souvent venus des conscrits, de leurs familles et parfois même de " dissidents " (le Général de la Bollardière quittant l'armée pour protester contre la torture).
De l'invasion du Liban à la deuxième intifada
Un mouvement anti-guerre est né en Israël après l'invasion du Liban en 1982. Il s'appelle Yesh-Gvul (le refus). Son site est http://www.yesh-gvul.org.
Constatant le rôle brutal des forces israéliennes, ce mouvement s'est créé pour soutenir 168 conscrits emprisonnés pour insoumission. Placé devant un grave dilemme (désobéir ou commettre des actes illégaux et immoraux), ces conscrits avaient choisi de désobéir. La plupart d'entre eux ne sont pas antimilitaristes, certains se veulent même patriotes et c'est souvent au nom des " valeurs " qu'ils en arrivent à l'insoumission.
Le mouvement a continué avec la première Intifada (1987) et à présent avec la deuxième. Yesh-Gvul conseille les soldats et apporte un soutien illimité à ceux qui choisissent de refuser d'obéir. Il s'agit d'un soutien financier aux familles de " refuzniks " emprisonnés (le tarif habituel est de 28 jours de prison " reconductibles ") et de manifestations publiques devant les prisons militaires. Leur slogan : " nous ne tirons pas, nous ne pleurons pas et nous ne servons pas dans les territoires occupés ". Yesh-Gvul est clairement pour l'existence de 2 états (israélien et palestinien) sur un pied d'égalité.
Les "refuzniks"
Leurs témoignages sont clairs : " on m'a ordonné d'escorter des colons. Si je l'avais fait, je n'aurais plus été moi-même " écrit l'un d'eux.
Les références de Yesh-Gvul ne sont ni révolutionnaires, ni anti-sionistes. Politiquement, ils sont divers. Certains se réclament de l'humanisme, de la non-violence de Gandhi ou de Luther King. La plupart ne sont pas antimilitaristes, ils prônent une désobéissance sélective. Le groupe " adopte " un refuznik pour ne pas le laisser isolé.
Écoutons un autre soldat emprisonné : " depuis 1967, Israël domine 3 millions et demi de palestiniens et occupe leurs territoires avec des violations continuelles des Droits de l'Homme. L'occupation nourrit le terrorisme ".
Le programme de Yesh-Gvul est clair : quand on commet des exécutions extra judiciaires, quand on dynamite des maisons, quand on ouvre le feu sur la population civile, quand on tue des enfants, des femmes, des vieillards, quand on détruit les vergers, quand on empêche la population de se nourrir, d'étudier ou de se soigner, on viole les conventions internationales. Yesh-Gvul rappelle le jugement d'une cour israélienne, il y a 40 ans qui a autorisé la désobéissance dans un cas pareil.
" Soldat, y a-t-il un peuple quelque part et dans le monde qui ne résisterait pas à un régime d'occupation ? Si tu étais Palestinien, est-ce que tu courberais la tête face à une occupation étrangère ? Soldat, l'occupation salit notre pays, corrompt notre armée. Nous voulons que l'argent soit investi pour l'Éducation, les services sociaux, la santé, les infrastructures. Mais le gouvernement dépense des milliards pour les colonies et l'Armée. Arrêtons l'occupation, réduisons le service militaire à 2 ans. Soldat, nous ne pouvons pas prendre la décision à ta place. Beaucoup de soldats ont dit non aux crimes de guerre. Celui qui fera le choix du refus sera aidé ! "
Seruv
(Seruv = le refus. Leur site est http://seruv.nethost.co.il ). Plusieurs centaines de conscrits, de réservistes ou d'officiers ont signé une pétition publiée dans le journal Ha'Aretz. Cette pétition bénéficie de l'approbation d'un tiers de la population. Minorité certes mais minorité significative.
" Nous, officiers et soldats, élevés suivant les principes du Sionisme et du sacrifice pour le peuple et l'État d'Israël,
nous avons reçu des ordres qui n'ont rien à voir avec la sécurité de notre pays et dont le seul but est de perpétuer notre contrôle et notre domination sur le peuple Palestinien.
Les missions qu'on nous donne dans les territoires détruisent les valeurs et corrompent toute la société israélienne.
Nous savons que les territoires, ce n'est pas Israël et que les colonies devront être évacuées. Nous ne continuerons pas de faire la guerre pour les colons. Nous ne nous battrons pas hors des frontières de 1967 pour dominer, affamer et humilier un peuple.
Le soutien nécessaire
À la CA Nationale du SNES, nous avons déposé une motion de soutien aux objecteurs et insoumis israéliens demandant que le syndicat informe ses membres, les invite à entrer en contact avec ces mouvements, publie des interviews de leurs militants et leur donne une aide financière (car l'aide juridique et le soutien aux familles des soldats emprisonnés coûte cher). Résultat du vote : 6 pour, 0 contre et une trentaine d'abstentions ou de refus de vote. La majorité UA avait un peu honte, seuls quelques-uns osant affirmer " qu'on sortait là du rôle du syndicat " Le SNES continue de croire dans les résolutions de l'ONU ou dans les contacts avec les syndicats. Pourtant la Histadrouth, principal syndicat israélien possède une part importante de l'économie, fait partie du mouvement sioniste et a beaucoup de ses membres qui votent pour le Likoud de Sharon.
Les insoumis nous montrent une autre voie, dans la tradition du courage des fusillés de Soissons (1917), de Vauthier et Flacelière qui eurent 20 ans dans les Aurès mais refusèrent d'être des criminels ou des capitaines portugais d'avril 74. Ils montrent avec d'autres mouvements qui naissent en Israël et en Palestine occupée, ce que pourrait être une réconciliation fondée sur l'égalité, le respect et le refus de la haine de " l'autre ".
                                   
4. L'appel des réservistes israéliens
Nous, officiers et soldats combattants de réserve de Tsahal, qui avons grandi dans le berceau du sionisme et du sacrifice pour l'état d'Israël, qui avons toujours servi en première ligne, qui avons été les premiers, en toute mission, qu'elle soit facile ou difficile, à défendre l'état d'Israël et à le renforcer. Nous, officiers et soldats combattants qui servons l'état d'Israël pendant de longues semaines chaque année, malgré le prix personnel élevé que nous avons payé. Nous qui avons été en service de réserve dans tous les territoires et qui avons reçu des ordres et des instructions qui
n'ont rien à voir avec la sécurité de l'état, mais dont le seul objectif est la domination du peuple palestinien. Nous qui avons vu de nos yeux le prix sanglant que l'occupation impose aux deux parties en présence. Nous qui avons senti comment les ordres que nous recevions détruisaient toutes les valeurs de ce pays. Nous qui avons compris que le prix de l'occupation était la perte de l'image humaine de Tsahal et la corruption de toute la société israélienne. Nous qui savons que les territoires occupés ne sont pas Israël, et que toutes les colonies sont destinées à être supprimées... Nous déclarons que nous ne continuerons pas à combattre dans cette guerre pour la paix des colonies, que nous ne continuerons pas à combattre au-delà de la ligne verte pour dominer, expulser, affamer et humilier tout un peuple. Nous déclarons que nous continuerons à servir Tsahal en toute occasion qui servira la défense de l'état d'Israël. L'occupation et la répression n'ont pas cet objectif. Et nous n'y participerons pas.
[Pour plus de renseignements http://www.seruv.org.il (en anglais et en hébreu)]
                           
5. Notre Dame de Douleur par Israël Shamir
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
17 mars 2002 - La quiétude de l'Occident devrait nous effrayer bien plus encore que le contexte moyen-oriental, car elle pourrait signifier la mort de notre civilisation.
Dans la partie supérieure de l'Eglise de l'Annonciation, à Nazareth, on découvre une collection marquante d'images. Ce sont les hommages de différents artistes à la Vierge Marie. Une Vierge délicate, vêtue d'un kimono chatoyant, tenant sur son bras l'Enfant, en vêtement de cérémonie japonais, parmi un semis de fleurs bleues et dorées ; le visage gothique d'une Madone, inspiré d'une enluminure française clunisienne ; la Reine des Cieux chinoise, sculptée dans un bois précieux par de pieux formosans ; la statue cubaine, ornée de pierreries, de la Madone de Guadeloupe, une Vierge Noire polonaise ; le visage, plein d'une infinie tendresse, d'une Mère de Dieu byzantine ; une Madone moderne, en acier poli, des Etats-Unis... nous regardent, depuis les murs de l'église, nous unissant dans une seule famille humaine. Aucune autre image, dans le monde, n'est aussi universelle et aussi poignante que celle de la Vierge à l'Enfant.
Où que vous alliez, de Saint-Jacques de Compostelle, à l'extrême ouest de l'Espagne, jusqu'aux dômes dorés de Russie, de la glaciale Uppsala, en Suède, jusqu'à Sainte-Sophie de Constantinople, vous découvrirez son visage sublime. Les meilleurs artistes ont formé ses traits compatissants, traduit son amour pour son enfant et son affliction. Botticelli l'a peinte, à côté d'un grenadier en fleurs, parmi les Rois de l'Orient ; Michel-Ange et Rafael, Cimabue et Le Titien, van der Wayden et Fra' Filippo Lippi ont été inspirés par son image. Cette symbiose unique entre la jeune fille et la mère, entre vulnérabilité et protection, entre admiration et amour ont formé la base spirituelle et l'inspiration de notre civilisation.
Elle est apparue à un paysan mexicain, et son image couverte de fleurs a arrêté les combats et unifié les Américains natifs et les Espagnols dans une même nation. Elle a donné son rosaire à Saint Dominique. Elle a confié une lettre à des enfants portugais, à Fatima. Le Prophète Mahommet conservait et chérissait son icône, trouvée dans le temple de la Mekke, nous apprend l'islamologue français Maxime Rodinson. Elle est apparue à un riche banquier juif, Alphonse Ratisbonne, lequel, exécutant les ordres sacrés qu'elle lui avait donnés, fit construire le couvent des Soeurs de Sion à Ein Karim. Un musulman palestinien, dans un camp de réfugiés au Liban, avait pu conserver son image, emportée dans l'exil depuis son village natal de Galilée, raconte Elias Khoury dans son roman Bab Al-Shams (la Porte du Soleil) (traduit dernièrement en hébreu par Moshe Hakham et édité par Anton Shammas). Des astronautes syriens allèrent invoquer sa protection, au couvent de Seidnaya, (dans la montagne de l'Anti-Liban, près de Damas, ndt), avant de s'embarquer pour aller rejoindre la station spatiale soviétique [1].
Souvent les légendes médiévales présentaient les Juifs comme ennemis de la Vierge. Un tronçon de colonne, sur la Via Dolorosa, à Jérusalem, marquerait l'endroit où, d'après la tradition, elle aurait été agressée par des Juifs. C'étaient là des vieilles histoires. Ce sont désormais de nouveaux faits. Cette semaine, à Bethléem, un Juif a fait un carton sur la Vierge. Un militaire juif, dans son énorme tank Merkava-3 construit selon le dernier cri de la technologie américaine et avec l'argent du contribuable américain, a tiré un obus, à cinquante mètres de distance, contre la statue de la Madone, au-dessus de l'entrée de l'église de la Sainte Famille, dans la ville de la Nativité.
La Vierge a perdu un bras, et son beau visage est mutilé. Elle est devenue une parmi la centaine de femmes palestiniennes abattues par les Juifs au cours de la flambée actuelle du conflit. Cet acte de vandalisme apparemment gratuit n'était pas un coup parti tout seul. Aucun terroriste ne se dissimulait derrière sa silhouette protectrice, sur le pinacle de l'église de l'hôpital. A cinquante mètres, toute erreur est à écarter. Il pourrait s'agir d'ordres ; ou bien cela pourrait être l'expression spontanée des sentiments d'un Juif fanatique. Notre monde régresse à tombereau ouvert vers les temps obscurs. Israël ayant rallumé le rejet hostile traditionnel des Juifs pour le christianisme, ces deux possibilités ne sauraient être écartées.
Quelle que soit la signification qu'on ait voulu donner à cet acte, le tir de cet obus a pris la valeur de vérification suprême dans le système du contrôle mental : la nouvelle de ce sacrilège se répandra-t-elle partout ? Va-t-elle émouvoir les coeurs, dans la chrétienté ? Le résultat doublement négatif de cette vérification a vraisemblablement confirmé les plus grands espoirs de ses initiateurs. Les médias mondiaux, depuis New York jusqu'à Moscou, en passant par Paris et Londres, sont bien tenus en mains par les suprématistes juifs ; aucun grincement de dents ne s'en échappe, sauf autorisation préalable. L'invasion israélienne, en cours, de Ramallah et de Bethléem a été couverte dans les médias sous le titre "Sharon recherche la paix"... La résolution de l'ONU met sur un pied d'égalité, à mots couverts, les agresseurs et leurs victimes. Les médias consensuels occidentaux ont tiré une couverture de silence sur les cris s'élevant de Terre Sainte, pour les étouffer.
Alexander Cockburn [2] écrit, cette semaine : "Soi-disant, il est inutile, en matière de journalisme, d'avoir ne serait-ce qu'une discussion au sujet de l'étendue du contrôle des Juifs sur les médias. Jude Wanniski a noté, la semaine dernière, dans une de ses "Notes en Marge" quotidiennes, publiées dans sa lettre d'information sur Internet, Supply Side Investor, que l'on peut avancer à juste titre que les Juifs contrôlent le débat autour d'Israël, dans les médias de ce pays."
Et en effet, l'information (de la destruction de la statue de la Vierge de Bethléem, ndt) a été transmise par l'agence Reuters, et cette photo terrible (jointe par I. Shamir à son texte, ndt) a été prise par un photographe de l'Associated Press. Tous les médias, de par le vaste monde, en disposaient. Néanmoins, aucun journal ni aucun magazine à grand tirage ne l'ont publiée. Par contre, ils ont publié force articles sur l'antisémitisme chrétien. 
La conscience occidentale souffre d'une pathologie de vision inversée, lorsqu'il s'agit du Moyen-Orient. Les actes terroristes ont été perpétrés par les Juifs contre les Palestiniens, mais le nom même de Palestinien est devenu synonyme de terroriste. Les Palestiniens sont confrontés au risque d'un nouvel holocauste ; les militaires juifs leur impriment des numéros sur le front et sur les avant-bras, ils séparent les hommes des femmes et les envoient dans des camps de regroupement, mais les mémoriaux à l'holocauste des Juifs poussent un peu partout, comme des champignons. Israël et les Etats-Unis méprisent le droit international, mais leurs adversaires sont stigmatisés et traités d'"états-voyous" [3]. Alors que des villes palestiniennes sont envahies par des tanks israéliens, le Wall Street Journal publie un article intitulé "Israël en état de siège", écrit par le "maire" illégal de Jérusalem, Ehud Olmert. Des églises sont bombardées, des évangiles brûlés, des chrétiens sont persécutés par des Juifs, en Palestine, mais de quoi les éditeurs de journaux et les hommes d'église se préoccupent-ils ? D'antisémitisme chrétien...
L'accusation d'antisémitisme est devenue l'injure suprême, de nos jours. Mais est-ce une nouveauté ? Dans le Marchand de Venise, Shylock se plaignait de la haine des Gentils, bien que ce soit lui qui eût haï (les autres), qui désapprouvaient ses pratiques d'usurier. Au lieu de réduire le taux de son usure, ils préféra trancher dans la chair d'Antonio, et se réfugier derrière une prétendue discrimination dont il aurait été la victime. Si la Portia de Shakespeare avait eu l'attitude qui est aujourd'hui la nôtre, elle aurait plutôt laissé Shylock avoir sa livre de chair humaine plutôt que de l'en dissuader et se voir accusée d'antisémitisme.
C'est vraisemblablement sous l'empire d'un même état d'esprit que les gardiens de la conscience publique ont décidé de contrecarrer ou de minimiser le sacrilège commis à Bethléem. Cette indifférence de l'Occident devrait nous alarmer bien au-delà du contexte moyen-oriental, car elle pourrait signifier que notre civilisation est morte.
La civilisation ne peut survivre après que son coeur sacral ait cessé de battre. Lorsque la foi perd sa signification, la civilisation s'éteint, a écrit le philosophe de l'histoire Arnold Toynbee dans un ouvrage expliquant la disparition de la civilisation de l'Egypte antique. Il n'y a pas de vie sans sacré, a confirmé le philosophe des religions, Mircea Eliade. Que nous acceptions la notion de philosophie de l'histoire, ou une lecture mystique, ou encore des études sociologiques pragmatiques ; que nous suivions Durkheim ou Heidegger, la conclusion est la même : l'indifférence pour le sort de la Vierge de Bethléem est de mauvais augure pour la civilisation chrétienne occidentale. Elle implique que les Européens et les Américains ont perdu le noyau sacral, et que notre civilisation profanée est vouée à l'extinction, à moins que nous ne fassions un pas en arrière, pour nous éloigner du bord du précipice.
- Notes :
[1] : W. Dalrymple, From the Holy Mountain
[2] :
http://www.nypress.com/ Billy Graham : War Criminal
[3] : voir : Francis Boyle in CounterPunch, 14.03.02
                               
6. Apocalypse Now par Israël Shamir
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
L'histoire a ses carrefours : ce sont des temps de grande instabilité. Dans ces périodes particulières, l'action de l'homme, fût cette action modeste et l'homme isolé, est susceptible de changer l'ordre des choses.
1er février 2002 - Un vieux clochard erre sur les pelouses verdoyantes de Hyde Park, traînant une pancarte écornée : "La Fin du Monde est Proche". Cela fait des années et des années qu'il hante les lieux, s'il s'agit bien du même clochard que j'avais remarqué, dans le même parc, il y a environ trente ans. Mais une horloge cassée finit par indiquer l'heure juste, tôt ou tard... et si l'heure fatidique était déjà là ? Le pentagramme magique a été révélé et la Tour de Babel s'est effondrée, le onze septembre. Les Juifs règnent sur la Terre Sainte. Le dollar est au plus haut, mais la créativité de la Chrétienté est tarie. Ses magasins regorgent de marchandises, mais ses églises sont vides ; les dealers, les brokers et les brasseurs de fric abondent, mais il n'y a plus aucun nouvel artiste, plus aucun nouveau poète, plus aucun nouveau saint. 
Inondations et sécheresses, neige en été et canicule en hiver, rivières empoisonnées et lacs asséchés nous rappellent s'il en était besoin que notre Mère, la Terre, est très, très malade. "L'Apocalypse, c'est maintenant", ont été très nombreux à penser, très fortement, les gens, ces derniers mois. La semaine dernière, Justin Raimondo a écrit un de ces articles dont il a le secret, dans le Weekly World News, "ce magazine de caniveau, si ridiculement sinistre que personne n'avouerait le lire même en faisant la queue à la caisse d'un supermarché", sous un titre étrangement prémonitoire : "Le Visage de Satan a été Photographié Au-dessus du Capitole !" Il y avait même une photo dégoulinante de pure malveillance : perçant de derrière un nuage sombre et menaçant, un visage effilé et sardonique, au regard dément de braise, la bouche tordue en un rictus satanique. Le Weekly cite les déclarations d'un "retraité de la CIA qui a tenu à garder l'anonymat" : "Cette apparition était une incarnation du terrorisme bien plus terrible que tout ce que nous avons connu jusqu'ici dans ce pays. S'agit-il d'un phénomène surnaturel ? De quelque manifestation vitale inconnue ? Est-ce - et puis, merde, tant pis, je pose la question - est-ce Satan en personne ?" [1]
Cette impression, jadis privilège unique des personnes imaginatives et ultrasensibles - ou encore des lecteurs assidus du Weekly World News - éclabousse désormais tous les carreaux de l'échiquier social. A Moscou comme à New York, à Jérusalem comme à Bagdad, à Paris comme à Berlin, les gens, qu'ils soient religieux pratiquants ou laïques purs et durs, se saluent de la question : "Est-ce la fin du monde ?"
- "Oui", a répondu à cette question un grand penseur américain, Immanuel Wallerstein. Mais il a pris la précaution d'ajouter une réserve prudente au titre d'un de ses ouvrages, très justement intitulé "La Fin du monde telle que nous le connaissons" [2]. Le philosophe en est arrivé à la conclusion qu'une très longue période de l'histoire de l'Humanité est parvenue à un terme imminent et néanmoins imprévisible. Le monde que nous avons - ou que nos parents et grands-parents ont - connu est, en effet, sur le point de s'achever.
Pour Wallerstein, "le monde tel que nous le connaissons est apparu, il y a environ cinq cents ans, en Europe occidentale et c'est aux Etats-Unis qu'il a atteint son apogée. Il se caractérise par une aberration spécifique du développement humain, appelée "Progrès". Wallerstein a refusé, courageusement, l'axiome de "l'inéluctabilité du développement positif" et a établi qu'il ne s'agissait pas nécessairement d'un progrès, mais même, le cas échéant, d'un processus régressif. En d'autres termes, ce développement est la célébration d'une tendance à la domination et à une avidité sans borne, un reniement tout à la fois de Dieu et de l'Homme.
Cette forme de développement a entraîné la grande destruction de la nature et de la société des hommes. Elle a accompli son destin en nous amenant au bord de l'abîme. Nous serions vraisemblablement parvenus depuis fort longtemps au point où nous en sommes aujourd'hui si nous étions restés sous le Talon de Fer de l'oligarchie, comme l'avait pressenti Jack London en 1910. Mais la Révolution russe de 1917 a suffisamment secoué le monde pour offrir une alternative à sa toute-puissance, écrit Wallerstein. C'est pourquoi les peuples de l'Europe occidentale et de l'Amérique du Nord ont eu la possibilité d'édifier leur société de bien-être, caractérisée par une classe moyenne prépondérante et des travailleurs plutôt satisfaits de leur sort, tandis que le Tiers-Monde se voyait accorder un répit - relatif - dans les expéditions punitives et les conquêtes coloniales dont il était auparavant la victime. Avant 1917, l'Angleterre n'avait pas hésité à bombarder la ville japonaise de Shimonoseki au simple motif de l'assassinat d'un diplomate britannique, imputé à un Japonais. Avant 1917, les disparités sociales étaient aussi importantes, dans la société européenne, que celles que l'on constate aujourd'hui dans le Tiers Monde. Mais après l'écroulement du système socialiste, c'en était terminé de ce grand répit historique. Pour Wallerstein, nous sommes en 1914.
Il est possible, bien entendu, de voir les événements mondiaux sous un angle bien différent. Avec tout le respect dû à la Révolution russe, il faut tenir compte d'un autre acteur, puissant, qui a changé de bord, sur ces entrefaites. Une nouvelle force spirituelle et sociale est apparue, au début du vingtième siècle. Dans un de mes précédents articles [3],  j'ai appelé cette force "les Mammonites", les adorateurs de Mammon. Ces Mammonites ont combattu les anciennes élites, partout dans le monde. En Russie, ils ont exterminé et envoyé en exil les élites russes traditionnelles. En Angleterre et en Scandinavie, les anciennes élites ont perdu leur pouvoir après l'ascension de la social-démocratie. L'Allemagne et l'Italie, quant à elles, ont vu leurs élites respectives détruites par la seconde guerre mondiale. Tant que les élites anciennes existaient encore, les Mammonites se faisaient les promoteurs de l'égalité sociale, prônant le transfert des ressources de ces anciennes élites vers le peuple en général.
C'était le temps des grands espoirs. La puissance énorme de la richesse et du réseau d'influence des Mammonites soutenait les forces favorables à l'égalité, et peu nombreux (pas assez nombreux...) furent ceux qui se posèrent la question de savoir quels étaient les plans véritables de ces puissants "grands frères". Aussi longtemps que les banquiers, les juristes et les propriétaires de journaux de New York continuèrent à soutenir un vaste programme d'action (en apparence) humaniste, on pouvait se permettre d'ignorer leurs visées profondes.
Après la révolution manquée de 1968, les Mammonites, atteignant leur but, parvinrent à s'intégrer aux anciennes élites. Ensuite, une fois dans la place, ils grattèrent le vernis gentillet de l'égalité et des droits civiques, adoptant un programme (en apparence) nouveau : l'asservissement de l'homme, de la même manière que les bourgeois avaient su détourner à leur profit la puissance et la colère des classes inférieures qui avaient déclenché la Révolution française de 1789. Les ouvriers et les paysans français avaient alors renversé les vieilles élites aristocratiques, et les nouvelles élites bourgeoises n'avaient pas tardé à les évincer, s'emparant du pouvoir grâce au génie militaire de Napoléon. Après 1968, implacable, l'Histoire refait passer le même plat...
Les Mammonites n'ont plus besoin de la démocratie ou du 'welfare state' (société de bien-être 'social-démocrate'). Ce dont ils ont besoin, aujourd'hui, c'est d'un Napoléon qui leur permette d'imposer définitivement leur pouvoir. C'est pourquoi, après le onze septembre, les forces oligarchiques s'emploient à effacer le Bill of Rights, les libertés démocratiques, la charte des Nations Unies et les accords internationaux, afin de créer un monde nouveau aux mains d'une poignée de milliardaires, avec une classe moyenne pressurée, des ouvriers paupérisés, une armée et une police pléthoriques et surpuissantes. Ils mettent tout en oeuvre afin d'émerger comme les maîtres d'une position imprenable, une fois la tempête passée. Mais cette heure, des plus sombres, est aussi un temps pour l'espoir.
Demain est dissimulé à nos yeux, pour une raison bien simple : nous sommes arrivés aujourd'hui à la grande bifurcation de l'histoire, nous dit Wallerstein, à un carrefour historique, l'un de ces instants décisifs qui n'adviennent qu'une fois au maximum au cours d'un même millénaire. Par définition, cette bifurcation s'accompagne d'instabilité. C'est le temps où l'action, même modeste, d'un homme, fût-il seul, est susceptible de changer le destin. Dans les périodes de stabilité, même des efforts énormes ne changent pas grand-chose. Durant une petite centaine d'années, les gens ont cru en une issue prédestinée et inéluctable de l'histoire : le rêve marxiste, le welfare state, le Second Règne. Ces temps de certitude sont révolus. Nous pouvons verser dans les Nouveaux Siècles d'Obscurité, dans l'une ou l'autre des mornes anti-utopies, et dans ce cas nos enfants ne nous pardonneront jamais notre passivité. Ou bien nous pouvons continuer à lutter, tout en espérant des jours meilleurs.
Une blague juive met en scène deux hommes qui ne réussissent pas à déplacer une armoire, car ils poussent et tirent, successivement, dans des directions opposées. Il est bien évident qu'il faut savoir quand, et dans quelle direction, tirer et pousser, sinon l'armoire reste là où elle est. C'est pourquoi je propose ici un mode de pensée et d'action constructif. Le bombardement par les Américains de la télévision Al-Jazira, peu après celui de la télévision serbe, est une preuve supplémentaire que les mots sont importants. Jadis, Marx a décrit l'histoire humaine comme une histoire de lutte des classes, pour la propriété des moyens de production. Je la décrirais, pour ma part, comme une guerre des idées.
Nous pouvons imaginer deux grands protagonistes, semblables, pour nous faire une idée, à ceux que l'on voit dans le Livre de Job, jouant avec des idées nouvelles sur un grand échiquier. Satan pourrait pervertir toutes les idées de Dieu ; Dieu pourrait transformer toute idée de Satan en quelque chose de merveilleux. Ainsi, l'amour pour le pays du Christ a causé les meurtrières Croisades, mais le communisme matérialiste a entraîné un grand enthousiasme libérateur. Les joueurs n'ont pas de mains, et il nous incombe, à nous, les humains, de déplacer les pièces sur l'échiquier à leur place, de faire les bons choix, d'aider Dieu à gagner la partie. Les guerriers prétentieux d'autrefois s'écriaient "Dieu est avec nous". Humbles penseurs du présent, nous devrions simplement dire : "nous sommes avec Dieu".
II - Wallerstein a déployé des efforts héroïques, incomplètement couronnés de succès, afin de décrire la fin du monde en termes matérialistes. Je ne suis pas certain que cela soit possible. Notre monde, d'une manière générale, élude ce genre de descriptions. De plus, je ne pense pas que cela soit souhaitable, pour les raisons que je vais exposer ci-après. Nous sommes conditionnés à n'admettre de raisonnement que matérialiste, et nous rejetons les explications qui en réfèrent à des forces situées sur un plan différent. Une part importante de l'aberration dans laquelle nous nous débattons découle du fait que les gens en viennent la plupart du temps à rejeter les composantes spirituelles de l'univers. Jusqu'à l'instauration de la présente Aberration, l'idée même d'un monde totalement matérialiste, explicable au moyen de lois purement matérialistes, aurait semblé étrange. La vision que l'Homme a de l'univers a varié au cours des temps et elle varie selon les lieux où il vit. Mais jamais n'aura-t-elle été aussi purement et exclusivement matérialiste.
Les anciens penseurs voyaient le monde comme à la fois spirituel et matériel, comme un continuum à plusieurs strates, dans lequel les forces du Bien et du Mal, les Vertus et les Péchés, les Nations et les Idées menaient leur existence propre et semi-indépendante. Parfois, ces forces étaient décrites comme étant des dieux, des anges, ou des démons. Le Nouveau Testament parle du Prince de l'Univers et d'autres forces maléfiques pour l'Homme. Saint Paul était conscient des dangers à venir, lorsqu'il avertissait que "notre combat n'est pas contre la chair et le sang, mais contre les pouvoirs maléfiques agissant en ce sombre bas-monde et contre les forces spirituelles du mal, dans le royaume des cieux." [4]
Leur vision me semble mieux adaptée à la réalité (que celle qui prévaut actuellement). Il est plus facile d'expliquer les calamités et le salut, les catastrophes et la prospérité par une interaction entre diverses Forces Supérieures, que par des facteurs purement matériels ou par les changements d'humeur du bon Dieu. Il est plus facile d'expliquer pourquoi la guerre de Troie dura plus de dix interminables années en mettant en cause les querelles mettant aux prises les Dieux pro-Troyens et les Dieux pro-Grecs, en tenant compte bien sûr de la beauté d'Hélène et d'intérêts commerciaux divergents entre les deux provinces. La Guerre froide pourrait être vue comme une lutte opposant l'Esprit Communautariste Russe au Mammon américain. Un esprit religieux peut voir, de même, dans la Troisième guerre mondiale qui s'annonce contre les peuples du Tiers-monde, un "Armageddon".
Serge Averintsev, un penseur russe contemporain de tout premier plan, nous rappelle le paradoxe de la foi biblique et demande : "Comment Dieu, omniprésent, transcendant et spirituel (comme il est affirmé qu'il l'est) pourrait-il bénir de Sa Présence un lieu spécifique, qu'il s'agît du Saint des Saints, du ventre de Marie, du corps de Jésus fait Homme ou du pain et du vin de l'Eucharistie ?" Il fait remarquer qu'il s'agit pourtant là d'un des fondements de la foi. "Je résiderai parmi les Israélites" [5], dit le Dieu de l'Ancien Testament, et le même verbe est utilisé à nouveau dans les Evangiles : "Le Verbe se fit Chair et descendit parmi nous" [6]. Averintsev nous révèle une pensée inspirée par Dieu : "Le Prince de l'Univers [7], c'est à dire, la force hostile à la Présence divine, s'efforce de séparer le Transcendant de l'Immanent, de refermer les portes de la Création au visage du Créateur et, ce faisant, de 'purifier' la Nature de tout ce qui est Surnaturel. Il est secondé en cela par un allié involontaire : le rationalisme théologique zélé qui s'efforce d'éliminer toutes traces des croyances populaires ou de la pluralité ésotérique, afin d'atteindre au pur transcendantalisme [8]". Retenons cette idée puissante : Satan soutient (quand il ne les génère pas) les idées qui excluent la Grâce divine de notre existence.
Revenant à l'image de nos deux protagonistes penchés sur l'échiquier, nous pouvons dire : Satan gagne (Que Dieu nous vienne en aide !) dès lors que toute trace de la Présence divine est éliminée de notre monde. Toutefois, quelque chose a semble-t-il échappé à Averintsev. La nature est source d'inspiration divine et Dieu, Qui a habité sous les tentes des Israélites et dans le sein de Marie, réside aussi dans la source qui jaillit au creux du sanctuaire des montagnes des Highlands. Cela rend la tâche de Satan encore plus immense, mais il ne recule pas devant ce défi. Il a deux options : détruire la Nature, ou bien détruire la capacité de l'Homme à dialoguer avec la Nature. Mais il préfère encore recourir aux deux à la fois.
Si nous voulons comprendre les événements et ce qui en résultera, nous devons franchir un pas audacieux, un pas qu'on nous a enseigné à ne jamais franchir, sous aucun prétexte. Durant plus de cinq cents ans, la recherche scientifique et la quête spirituelle ont été séparées et nous avons été endoctrinés à les maintenir hermétiquement séparées. Cette façon admise d'envisager la réalité n'est pas l'approche dualiste du Manichéisme remise au goût du jour par les propagandistes de la Troisième Guerre mondiale Apocalyptique. Il y a de nombreux dégradés de gris entre le blanc et le noir purs d'une image par trop simplifiée. Efforçons-nous donc d'intégrer ces deux contours, immanent et transcendent, afin de tracer un portrait complet du monde dans lequel nous vivons.
Nous découvrirons, à notre grande surprise, que ces deux lignes sont parallèles, comme s'il s'agissait de deux langues différentes décrivant une même réalité. Ainsi, l'amour redécouvert, moderne, de la nature, improprement nommé "environnementalisme" ou désigné comme par un code de couleur par le (mouvement écologique) "vert", pourrait être traduit, dans le monde chrétien, par "amour de la Vierge Marie." Et en effet, Dostoïevski a établi l'identité entre Notre Mère la Terre avec la Mère de Dieu. La destruction de la nature pourrait alors être associée au rejet de la Vierge. Lorsqu'il évoque "toutes les traces de croyances populaires ou de pluralité ésotérique", il fait allusion aux esprits locaux qui sont encore de nos jours révérés par la partie la moins matérialiste de l'humanité.
Le Nouvel Ordre Mondial est, en termes religieux, le commencement du Royaume de l'Antéchrist, fondé sur l'élimination des éléments spirituels de notre existence. Sur le plan pratique, il s'agit d'une tentative ambitieuse d'asservissement total de l'Homme.
III - Mais cela n'est pas aussi simple qu'il y paraît. Tout homme est relié à ce bas-monde par quatre liens : il a des racines dans le sol natal, il appartient à sa famille, à sa communauté territoriale, et à Dieu. Tant que ces liens subsistent, un homme ne peut être asservi. Ces quatre points cardinaux forment l'image ancestrale de la Croix, telle qu'elle a été tracée par les ancêtres des Palestiniens actuels sur des rochers et sur des murs. Bien avant son utilisation comme instrument de torture et d'exécution capitale, la Croix était un grand signe mystique venu des temps les plus anciens, et inaccessible au profane. Ce signe était connu de Moïse, qui avait tracé le signe de la croix sur le front des enfants de son peuple, tandis que l'ange de la mort rôdait autour de leurs maisons. On retrouve le symbole de la croix dans les couches archéologiques les plus anciennes, dans les fouilles effectuées en Palestine et en Egypte.
A l'âge chalcolithique, plus de cinq mille ans avant Jésus Christ, les anciens Palestiniens, troglodytes habitant les grottes de Tel Abu Matar, près de Beersheva, ont tracé le symbole de la croix à l'aide de petits galets blancs, dont chacun est lui-même gravé de ce même symbole. "La marque cruciforme était perçue comme un signe servant à repousser le mal et à assurer protection", a écrit le grand archéologue Jack Finnegan [9]. Aux temps bibliques, la croix était appelée "tau". Les Grecs l'appelèrent, eux, "xhi". Le Roi David traçait le signe de la Croix (Tau) lorsqu'il était en danger [10]. Le Prophète Ezekiel [11] promit le salut aux hommes bons qui se lamenteraient des injustices commises (par Sharon et Olmert ?) à Jérusalem. Ces hommes pieux auraient le front marqué du signe salvateur de la Croix (ceci est encore pratiqué de nos jours par les Chrétiens d'Egypte et d'Ethiopie).
Les Esséniens des Evangiles de Damas citaient ces propos d'Ezekiel, car apparemment ils connaissaient ce "signe de protection, de délivrance et de salut" [12]. Cela était compris des Pères de l'Eglise, Origène et Tertullien, qui pouvaient interroger à ce sujet leurs contemporains en Palestine. Les prêtres du Temple de Jérusalem étaient consacrés au moyen de croix tracées sur leur front avec une huile d'olive particulièrement pure [13], comme si le nom du Christ, symbolisé par son initiale grecque "Khi" était ainsi inscrit sur leur personne. Le choix de la Croix pour la mise à mort du Christ était, dès lors, chargé de sens : ses ennemis voulaient discréditer et mettre en doute l'idée même du salut. Mais les disciples du Christ relevèrent le défi et firent de ce signe secret un symbole public. Ils le tracèrent sur leurs fronts : "C'est une tradition reçue des Apôtres", dirent les Chrétiens palestiniens, d'origine juive, à Basile de Césarée, en l'an 375. Les gnostiques retinrent cette information dans leurs textes.
La signification spirituelle de la Croix, nous l'avons dit, était la symbolisation des quatre attachements fondamentaux qui caractérisent l'Homme. Un homme est lié à la terre, à sa famille, à son peuple et à Dieu. Aussi longtemps qu'un homme conserve ne serait-ce qu'un seul de ces liens, il ne peut être totalement suborné, totalement corrompu, totalement asservi. Mais l'homme a besoin des quatre attachements, et dans un équilibre convenable. S'il s'occupe de sa famille au point de négliger sa communauté ; s'il aime Dieu mais néglige sa terre, et vice versa, il sera damné, à long terme.
Les nouveaux suppôts du vieux paradigme de la domination aspirent à accomplir l'oeuvre de Satan et à priver le monde où nous vivons de la Présence Divine. C'est pourquoi ils combattent la Foi, ils détruisent la Nature, ils déracinent l'Homme en brisant ses liens territoriaux, sociaux et familiaux. Ils accomplissent cette oeuvre destructrice partout, du Vermont à l'Afghanistan. Mais la Palestine représente le projet-pilote pour le nouvel ordre mondial (qu'ils veulent instaurer), comme l'Espagne, en 1936, était le projet-pilote pour l'instauration du fascisme montant.
Ils font cela en Terre Sainte pour une bonne raison, qui est que le peuple palestinien est profondément enraciné dans son sol et que ses enfants sont les témoins quotidiens (de la présence) de Dieu. La Sainteté de cette terre n'est pas le résultat d'une coïncidence historique. Elle est un trait de son paysage unique et de son peuple. C'est au pied de cette colline, auprès de cette source, sous ce vieil arbre (et nulle part ailleurs) que les héros palestiniens Abraham, David et Jésus ont fait Un avec Dieu. Les villages des hauts plateaux de la Palestine sont les mouillages de l'espèce humaine : sans ces points d'ancrage, nous serons précipités sur les récifs et nous nous y fracasserons.
IV - Les hommes luttent contre le déracinement, mais leurs défenses sont souvent mal conçues et erronées. Le nationalisme moderne est un mécanisme de défense contre le déracinement, mais ce bouclier est aberrant. Lorsque le vrai attachement, fait d'amour pour sa propre communauté humaine et son terroir, a disparu, lui est substituée la fiction chimérique d'une nation. Le nationalisme allemand nous en fournit un bon cas d'étude.
Tant que la société germanique a su conserver ses racines, les Allemands aimaient leurs villes et leurs villages, leurs petits royaumes et leurs duchés. Ils écoutaient Beethoven et Bach, ils dégustaient leurs "wurst mit sauerkraut" (saucisses-choucroute), ils avaient un esprit de clocher bienveillant et bon enfant. Une fois ce tissu sociétal endommagé, les Allemands choisirent malencontreusement le fantasme du patriotisme germanique comme baume apaisant. Le peintre viennois du nom d'Aldolf Hitler était un immigré, déraciné en Allemagne, un homme qui avait coupé les liens avec son pays natal et sa communauté d'origine, avec sa famille et avec son Eglise. Pire, il n'avait pas conscience de son énorme préjudice. Son amour pour l'Allemagne et pour le peuple allemand excluait le paysage, le sol de l'Allemagne, ne les prenant en aucune manière en considération. C'est pourquoi il rêva de conquérir l'Europe orientale et la Russie, de façon à créer sur ces terres un nouvel Empire de la Race des Seigneurs Aryens, tout comme les Anglo-saxons avaient créé les Etats-Unis sur les terres des natifs Américains. Il ne comprit pas que les Allemands arrachés au sol Allemand perdraient toutes les qualités qu'il admirait sans doute sincèrement. Pour un peuple, l'expansion à l'extérieur de son paysage naturel est une aventure mortelle.
Ses idées nationalistes, Hitler les avait empruntées à l'arsenal intellectuel de la pensée juive. L'idée de la supériorité raciale, de la Race des Seigneurs et de son inverse, le sous-homme "Untermench", pouvaient être trouvée facilement dans plus d'un enseignement exalté de la religion juive. Le génocide est autorisé - que dis-je : ordonné - par l'Ancien Testament, et le commandement "Tu extermineras la nation d'Amalech" porte encore aujourd'hui le numéro 604 dans la liste des 613 commandements du judaïsme orthodoxe. Récemment, le rabbin orthodoxe de l'Université Bar Ilan a publié un traité concis intitulé le Commandement du Génocide dans la Torah, dans lequel il explicite et élève le concept de génocide au rang d'un commandement positif pour les croyants. (Nous n'entrerons pas ici dans la question toute autre de la praxis, de la mise en application concrète des théories). Comme bien des plagiaires, Hitler n'a pas vu une différence fondamentale [14] entre lui-même et ceux qu'il copiait. Les Juifs appartiennent à un groupe non-territorial, tandis que les Allemands ont été formés par leur territoire, sur lequel leur civilisation est fondée. Un peuple attaché à son territoire n'a aucun motif à s'étendre au-delà des limites naturelles de celui-ci. Bien plus, il ne peut exister en dehors de ces limites. La preuve en a été apportée par les descendants des Allemands émigrés en Pennsylvanie et ailleurs aux Etats-Unis : ils ont perdu leur ethnicité et sont devenus des Américains. On peut comprendre l'erreur commise par Hitler. Il était horrifié par le succès des Juifs, par l'"ascension des Juifs", alors il a décidé de singer la stratégie juive. Son boycott des commerces et des entreprises juives était une reprise du boycott des entreprises des Gentils et des employés Gentils, pratiqué par les Juifs sionistes, dans la Palestine de l'époque. Son idée d'expulsion massive des Juifs copiait le concept du transfert des Palestiniens, tel que les sionistes l'avaient prôné continûment depuis Théodore Herzel, et qu'ils ont fini par mettre en pratique en 1948.
Un psychanalyste américain, Kevin McDonald, a décrit ainsi la doctrine nazie : "c'est l'image inversée, comme reflétée dans un miroir, de la stratégie juive" et, par tant, la plus grande menace contre les Juifs. Il avait prédit qu'à l'avenir, les Gentils, européens et américains, inquiets de "l'ascension des Juifs", "imiteraient certains aspects du Judaïsme en recourant à des idéologies et à des organisations sociales collectivistes et opportunistes [15]". McDonald ne croyait pas si bien dire lorsqu'il affirmait que "cela représentera un grand impact du Judaïsme en tant que stratégie évolutive de groupe sur le développement des nations occidentales". Sa conclusion est profondément pessimiste : la stratégie juive est vouée au succès, qu'elle soit développée par les Juifs eux-mêmes, ou par les nations dont ils sont les hôtes.
Pour un suprématiste blanc, cette conclusion est une invitation à mettre en pratique la stratégie juive au profit des nations-hôtes. Pour un suprématiste juif, en revanche, la stratégie juive ne doit être mise en application que par les seuls Juifs, et à leur seul profit. Mais pour nous, qui sommes anti-racistes, la stratégie juive est mauvaise en soi, qu'elle soit mise en application par des Allemands, des Juifs ou des WASPs ("élite" bourgeoisie blanche urbaine protestante américaine ~ les bo-bos parisiens). En effet, la possibilité d'une réponse totalement différente, non-juive, existe. Alors que copier servilement la stratégie d'autrui est autodestructeur, d'autres stratégies, basées sur des concepts (intrinsèquement) non-judaïques de territorialité et de contenu local sont possibles. Un Anglais totalement enraciné (dans son ambitus) n'a aucun besoin du nationalisme anglais, puisqu'aussi bien, l'Angleterre, pour ainsi dire, il la respire. Il est en quelque sorte un récipient plein de richesse/satisfaction locale, où il n'y a plus aucune place pour le placebo de l'"anglitude". Lorsqu'en revanche un Anglais ressent avoir perdu une partie de ses liens, il s'efforce de compenser (cette perte) en chérissant l'idée d'une Angleterre idéalisée. Le nationalisme pousse sur les décombres des enracinements locaux. Lorsque les liens qu'un homme peut avoir avec la Toscane, le Kent ou la Bourgogne se distendent, cet homme a besoin d'y substituer les ersatz que sont l'Italiiiie, la Fraaaance, l'Angleteeerre. En bout de course, le nationalisme se mue en chauvinisme et finit par oublier tout-à-fait sa propre inscription locale.
Les super-patriotes que sont les Américains néoconservateurs sont totalement exempts de réel attachement/contenu national américain. Leur agitation chauviniste des "stars and stripes" est un succédané d'amour de l'Amérique réelle et des vrais Américains. Ils soutiennent une immigration illimitée aux Etats-Unis, le cadet de leur souci étant ce qu'en pensent leurs supposés "compatriotes" (d'ailleurs, si, pour eux, ces derniers existaient, penseraient-ils ?) Ils ne se soucient pas plus du reste de l'humanité, d'ailleurs, ce qui fait qu'ils vitrifieraient volontiers l'Irak, patrie d'Abraham, pour les beaux yeux d'Israël. Les gens à juste titre horrifiés par l'agressivité cyclopéenne de cette secte sont les victimes désignées (à leur insu) d'un programme politique anti-national, universaliste et cosmopolite. Est-il Dieu possible que nous soyons condamnés de la sorte à n'avoir le choix qu'entre l'anonymat et le chauvinisme ?
Non, il y a une réelle alternative à ces deux maladies, le Scylla du nationalisme, et la Charybde de l'absence universelle de racines : l'amour de sa propre région, de son propre village. L'amour de Faulkner pour Yoknapatawpha et celui de Barth pour le Maryland, l'obsession de Joyce pour Dublin, la passion de Romain Rolland pour la Bourgogne, le monde florentinocentriste de Dante et de Botticelli, nous donnent la clé de la nature humaine universelle. En effet, le contenu/enracinement local existe dans la réalité, il est l'exact opposé des généralisations abstraites.
Les dirigeants sionistes, avec leurs sophismes à quatre francs six sous, avaient l'habitude de clamer qu'"il n'y a pas de peuple palestinien." Comme n'importe quel sophiste, ils disaient une partie de la vérité, mais certainement pas toute la vérité. L'attachement local des Palestiniens était si riche qu'ils n'avaient strictement rien à faire du nationalisme, propre à l'homme déraciné. Les Palestiniens appartiennent à leurs villages. Pour eux, leurs Jifna, Taïbé, Nazareth ou Bar'am... sont absolument irremplaçables. Nous pourrons nous faire une représentation de cette notion en nous souvenant de cette plaque, apposée sur la Croix : "Jésus de Nazareth".
C'est là une des nombreuses choses que les Palestiniens ont à nous apprendre. L'amour de nos communautés territoriales, de nos villages, de nos villes et bien entendu de leurs habitants, en lieu et place d'on ne sait quelle idéalisation glorieuse (?) de notre N(?)ation et de notre E(?)tat... Dans le contexte américain, cela signifie donner la prépondérance aux droits des Etats et non au pouvoir fédéral, la primauté aux autorités du comté sur celles de l'Etat, subventionner les villages avant de subventionner le comté. On a de bonnes choses à copier sur les Suisses : il est impossible d'immigrer en Suisse avant d'avoir été accepté par une communauté territoriale, à quelque niveau qu'elle se situe. C'est justice : si une poignée de libéraux et de néoconservateurs richissimes sont favorables à l'immigration, qu'on les oblige à accueillir les immigrés dans leurs quartiers chics et à les intégrer en voisins. Gageons que cette mesure mettrait un terme immédiat et quasi total à l'immigration...
La valeur locale est réelle, par opposition à l'abstraction de la nation. Elle assure, de plus, une protection sûre contre la peste aliénante et réductrice de la mondialisation. Je suis d'accord avec les critiques du nationalisme et de l'Etat-nation : le nationalisme a lamentablement échoué partout dans le monde, de l'Italie au Japon, de la Serbie en Israël. Cette invention du dix-neuvième siècle a entraîné des fleuves de sang versé, créé des structures quasi-maffieuses, opprimé les liberté et suscité les haines. Mais quelle alternative ? S'agit-il du super-état mammonite qui s'élève aujourd'hui sur les ruines de la Pax Americana ? Du plagiat de la stratégie juive propre à des groupes nationaux déracinés dans une société multiculturelle ? Non. L'alternative se trouve dans le caractère unique de nos villages et de nos cités. Le pouvoir devrait être dévolu de plus en plus près du terrain, vers le niveau des communautés locales. A ce niveau, il n'y aura jamais place pour la bureaucratie et la "démocratie" manipulatrice. Cela sauvera les gens comme vous et moi de la dictature des experts rusés et des gros bonnets opulents [16] Nous devrions apprendre auprès de nos frères palestiniens à aimer nos villages et nos villes, à les rendre aussi uniques que le sont Jifna et Florence. Personne ne saurait être un authentique patriote attaché à sa terre s'il n'aime d'abord et  avant toute autre chose sa propre ville. Ce n'est pas un hasard, si Ulysse soupire après son Ithaque natale, et non pas après la Grèce en sa totalité...
V - Nombreux sont les gens de bien à rejeter le sionisme et à le comparer aux mouvements prônant la colonisation de peuplement ou avec le national-socialisme allemand. Il est vrai que l'action du sionisme a abouti à défigurer l'aimable paysage de la Palestine et qu'il a servi de puissant instrument de concentration du pouvoir entre les mains des dirigeants juifs suprématistes, en Amérique et ailleurs. Toutefois, le sionisme avait ses raisons propres qui ne sauraient, hélas, être explicitées en notre ère du Politiquement Correct. Mais courage : osons. Et disons quelles sont ces raisons. Le sionisme et l'antisémitisme ne se sont pas contentés de se  renforcer mutuellement et de se nourrir l'un de l'autre, comme les antisionistes aiment à le rappeler à juste titre. Les premiers sionistes pensaient que certaines qualités propres aux Juifs étaient détestables et que, par tant, il fallait éradiquer ces "tares". De préférence en transplantant les Juifs dans les environnements hostiles de la Palestine ou de l'Ouganda. Les sionistes appelaient la mentalité juive traditionnelle "Galutiyut" (mentalité "diasporique"), mais la vision qu'ils avaient de celle-ci ne différait en rien de celle que s'en formaient les antisémites.
Récemment, le Juif antisioniste (et avisé) Lenni Brenner, a commenté une lettre de Chaim Weizmann, écrite en 1914. Weizmann, dirigeant sioniste et futur premier Président de la république d'Israël, venait d'avoir une conversation décisive avec Lord Balfour (oui, le Balfour de la fameuse déclaration...) et celui-ci lui avait confié qu'il "partageait beaucoup des idées développées par les antisémites"... Weizmann lui fit savoir que les sionistes étaient "d'accord, eux aussi, avec les antisémites "culturels""... Brenner conclut, triomphant : "en anglais de tous les jours, et non plus diplomatique, il ne restait plus à Balfour qu'à remercier Weizmann pour l'approbation qu'il venait de lui manifester à propos de son antisémitisme..."
Cela semblera peut-être étrange à de jeunes lecteurs accoutumés à la littérature juive adulatrice, mais les premiers sionistes étaient très durs avec les Juifs de leur temps. Pour eux, la pléthore d'avocats, de pornographes, de changeurs de monnaie, d'activistes des lobbies les plus divers, de banquiers, de magnats de la presse, de gros bonnets de l'immobilier, de journalistes libéraux... juifs était "un phénomène indésirable et démoralisant", pour reprendre la version soft d'un Weizmann, voire "le dépotoir de la planète", pour reprendre le langage fleuri d'un David Ben Gourion. Le sionisme faisait sien le fonds de commerce de l'antisémitisme, (mais) pour en proposer le remède : une rééducation "façon Mao (Tsé-Toung)", dans un paysage isolé et relégué.
Toutefois, l'Histoire en a décidé différemment. La Galutiyut, la Judéïté (de la Diaspora) finit par s'avérer porteuse d'une stratégie gagnante pour l'Occident adorateur de Mammon. Les avocats et les magnats de la presse mentionnés plus haut ont captivé l'esprit de l'Amérique et sont devenus des modèles à imiter pour beaucoup d'Américains, Juifs comme Gentils. Le sionisme israélien a perdu son esprit originel, dégradé qu'il est en totalitarisme militaire ne survivant plus que sur les subsides prodigués par une Amérique hypnotisée. Mais cela ne signifie pas que les diatribes "antisémites" des premiers sionistes étaient entièrement dépourvues de fondement : le succès à l'échelle mondiale ne saurait être, en effet, le nec plus ultra, l'unique aune à laquelle devrait être mesurée toute chose.
Un des traits de la mentalité juive de la diaspora était particulièrement étrange et unique en son genre. Lorsque des enfants de bonnes familles juives russes fin-de-siècle (le dix-neuvième...) quittèrent la vie douillette de leurs communautés juives pour s'intégrer au monde des Gentils, ils prirent (soudain) conscience d'un élément tragique de l'existence des Juifs : leur divorce quasi-total d'avec la Nature. Les Juifs ne s'intéressaient absolument pas à la nature, ils ne la décrivaient jamais dans leur poésie ou dans leur prose, ils ne la peignaient pas, ils n'avaient aucun lien avec elle ; ils n'apportaient aucun intérêt au paysage, en dehors de leur schtetl. Des jeunes hommes et des jeunes femmes pensèrent que cela devait changer, à l'avenir, et qu'on allait voir ce qu'on allait voir. Certains d'entre eux allèrent en Argentine, où le Baron Hirsch essaya de créer un attachement des Juifs à la terre. D'autres établirent des colonies en Crimée, ou en Palestine.
Ils avaient l'intention de se débarrasser de leur judéïté. Ils se moquaient bien du nom qu'on leur donnerait (bon, d'accord, il y en a eu quelques-uns, qui demandèrent à être appelés qui Israéliens, qui Hébreux, qui Canaanites). Non, ce qui les préoccupait au plus haut point, c'était les particularités "du Juif", dont ils voulaient se débarrasser coûte que coûte, et se réconcilier avec la Nature. N'étant pas sionistes de stricte obédience, nous nous autoriserons à signaler que certaines personnes d'origine juive ont parfaitement réussi à se défaire de ces particularités sans pour autant aller vivre en Palestine (peut-être ces personnes seraient-elles qualifiées plus exactement de "descendants de Juifs", plutôt que de "Juifs" elles-mêmes). La majorité des Juifs israéliens ont échoué de la belle manière à s'enraciner dans le territoire de la Palestine, chose qui était difficilement réalisable sans fusionner avec la population locale.
La raison du divorce des Juifs d'avec la Nature a été expliquée au moyen de différentes théories, qui toutes convergent vers un même constat, par un historiographe russe, le "Toynbee russe", Lev Gumilev. Il appelle "ethnos" un groupe humain attaché à son cadre de vie. Une ethnie, par conséquent, ne saurait exister en l'absence d'une niche écologique qui lui soit propre. Gumilev a défini les Juifs ("les Juifs de la diaspora non reconstruite", dirait un sioniste), comme le peuple d'un ambitus anthropogénique (façonné par l'homme). C'est ce qui explique pourquoi il est extrêmement facile, pour un Juif, de changer de cadre de vie : il ignore la nature, et l'on sait que les villes modernes sont toutes identiques les unes aux autres. C'est pourquoi un Juif jouit d'un avantage précieux dans la lutte pour la vie : alors que la mentalité anglaise, pour prendre un exemple, renvoie aux compétences indispensables pour vivre dans l'environnement propre aux Iles britanniques (façonné dans une grande mesure par la rigueur des éléments), la mentalité juive est admirablement adaptée, de manière, pourrait-on dire, anticipatrice, à un environnement façonné par l'homme.
Gumilev théorise la dichotomie Juifs vs. Gentils en une autre : ethnie de paysage anthropogénique vs. ethnie(s) d'écosystème(s) naturel(s). Cette opposition pertinente ne coïncide pas avec l'opposition pertinente ville/village, un citadin pouvant être considéré partie constituante du paysage de sa ville. Ce genre d'hommes vivent dans de vieilles cités magnifiques, telles Florence ou Oxford, Jérusalem ou La Mekke, Suzdal' ou Leon. Ces cités ont grandi, telles des fleurs rares, dans leur cadre naturel. Elles ont créé des merveilles artistiques, érigé des cathédrales et des mosquées ; elles sont à la fois uniques, locales et universelles. Il y a aussi place, parmi elles, pour les grandes métropoles du monde, Paris, Londres, New York, Bombay, Shanghaï : ce sont les lieux de rendez-vous des civilisations. Toutefois, les villes modernes entièrement créées par l'homme, telles Milton Keynes, Luton, St-Denis (Canada), la ceinture de la banlieue de New Jersey, nos Holon et Afula (à nous, Israéliens), sont sans personnalité, toutes semblables les unes aux autres, dépourvues de la moindre trace de culture.
Un ethnos réussit dans sa propre niche écologique. Dans une niche écologique étrangère, il échoue. Afin de l'emporter, dans la compétition avec d'autres groupes ethniques, un ethnos essaie de s'adapter à l'environnement ou, à l'inverse, d'adapter l'environnement à ses besoins. Nous pouvons observer le même phénomène lorsque nous essayons de pêcher un gros poisson : en se débattant, il essaiera de tirer le pêcheur dans son propre environnement - l'eau - car il pense, à bon escient, que c'est dans cet environnement naturel qu'il est susceptible d'avoir le dessus. Le pêcheur, à l'inverse, essaie de tirer le poisson dans son propre environnement - le plancher des vaches - où il est certain de l'emporter (en asphyxiant son adversaire).
C'est la raison pour laquelle les Juifs (de la diaspora) sont enclins à détruire le paysage naturel qui leur est par essence étranger (pour eux, non pour les autres) et à le remplacer par un paysage créé par l'homme, dans lequel ils savent comment développer leur stratégie. Il s'agit d'une disposition aussi instinctive que celle qui dicte au poisson de tirer le pêcheur à l'eau. Un exemple d'une stratégie de cette nature est fourni par la dynastie juive canadienne des Reichmann.
Cette famille de pieux Juifs orthodoxes était active dans l'immobilier au Canada, en Angleterre et ailleurs dans le monde. Ils avaient immigré au Canada depuis l'Autriche, durant les années noires du pouvoir d'Hitler, et, dans les années quatre-vingt, leurs avoirs étaient estimés à 40 milliards de dollars. Les Reichmann ont inventé le centre commercial (shopping mall), un pattern de design urbanistique qui a changé la vie des gens partout sur la planète. Les centres commerciaux ont miné des centres villes jadis socialement intégrés, décimé les petits commerces traditionnels, dévasté les artisanats, servi de support aux publicités pour les marques, pour le plus grand profit des grandes compagnies, encouragé les achats d'automobiles, la vie dans les banlieues lointaines et la désintégration sociale qui en a résulté.
Les centres commerciaux ont évincé les avantages naturels des produits et des producteurs locaux, au profit de produits importés ou fabriqués par des entreprises hyperconcentrées, étant donné que dans ces "shopping malls", il n'y a ni boutique ni boutiquier traditionnels, ni artisanat appuyé sur la maîtrise d'un métier acquis au cours de toute une existence.
Les "malls" ont rendu les Reichmanns immensément riches, et les Canadiens ont l'habitude de dire : "il y a les riches, il y a les super-riches, et puis... il y a les Reichmann." Ils ont financé diverses associations caritatives juives et des projets en Israël, claqué un fric monstrueux pour l'immigration russe en Israël (vous vous rappelez : l'immigration des "Juifs" russes... ?). Mais ils ont fait plus de mal que de bien à la société israélienne naissante. Leurs centres commerciaux ont dévasté Tel Aviv et Jérusalem Ouest, les acheteurs relativement aisés y prenant leurs habitudes, désertant les boutiques locales, puis les cafés et autres lieux de rencontre, qui finirent par perdre toute clientèle. La société israélienne, naguère relativement cohérente, s'est désintégrée, ne formant plus qu'une juxtaposition hétérogène de groupes divers. Les enfants d'immigrants, avec leur lien plus que balbutiant et vague au paysage, ne jouent désormais plus sur les pentes des collines de Judée : ils tuent l'ennui en glandouillant dans les centres commerciaux, s'imprégnant d'un paysage urbain entièrement artificiel et n'ont plus que le "shopping" (on parlerait plus proprement de lèche-vitrine) en guise de distraction. Les enfants des centres commerciaux peuvent passer sans anicroche d'un mall à Jérusalem à un autre mall identique à Toronto : ils y retrouveront exactement les mêmes fringues de marque, dans des centres commerciaux bâtis par exactement les mêmes Reichmann... C'est pourquoi l'inclination naturelle des Juifs de la diaspora a réussi à miner tout aussi bien l'utopie sioniste que la vie sociale et les traditions, dans maint pays, de par le vaste monde.
VI - Un Mall, ça ne pousse pas comme un champignon dans quelque terrain vague. Les clients des futurs malls ont grandi dans des blocs d'habitation standardisés, construits après la Seconde guerre mondiale. Inspirés par les Gropius, Le Corbusier, Niemeyer, ils sont basiquement les mêmes dans le monde entier, jusques et y compris à Novossibirsk, ma ville natale. Ces blocs d'habitation nous ont placés, tous autant que nous sommes, dans un environnement artificiel, coupé de tout contenu/valeur locale, de toute tradition nationale et de tout environnement naturel. Les villes sans caractère, reconstruites après les énormes destructions de la guerre, sont particulièrement déprimantes. Mais même des villes indemnes des folies guerrières ont bien souvent été ruinées par la tendance "moderniste".
Les Suédois ont invité chez eux Oscar Niemeyer, fils d'un immigré brésilien, disciple de Lucio Costa et de Gregory Warszawchik, afin qu'il contribue à l'embellissement de Stockholm. Il proposa de démolir le centre médiéval de Gamla Stan, la Vieille Ville, et de construire à la place un alignement impeccable de blocs cubiques... Ce projet fut (heureusement) écarté. Mais, comme "compensation", on lui permit de raser le quartier central d'Hotorget, avec ses belles demeures du dix-neuvième siècle, qu'il eut la joie de remplacer par ses obsessionnelles boîtes à chaussures. Ce sont les mêmes blocs de béton qui ont été construits (je devrais écrire "posés") sur le site du magnifique quartier dix-huitième siècle de l'Arbat, à Moscou. Un ami de l'Union soviétique, Niemeyer, est à l'origine de gigantesques programmes de construction de HLM dans la Russie post-stalinienne, qui ont fait de millions de Russes des hommes façonnés par un paysage artificiel.
Un jour, j'ai accompagné la directrice d'une chaîne de télévision russe, une belle jeune femme de Moscou, dans une excursion dans l'oued de Ein Jedi, l'un des lieux les plus charmants et délicieux de toute la Palestine, avec ses cascades et ses bouquetins sauvages, sa végétation luxuriante et ses petites vasques naturelles. "Ouff... qu'attendez-vous pour construire une réplique de ce canyon dans la piscine d'un hôtel d'Eilat ?", se plaignit-elle, alors que nous rentrions après cette belle ballade. Elle ne plaisantait pas : cette citadine pur sucre n'avait nul besoin de la nature et de sa beauté fascinante. Elle est loin d'être la seule. Une autre fois, alors que je montrais à des touristes russes de magnifiques maisons arabes, à Jérusalem, j'entendis une remarque sceptique : "Ouaip, peut-être vous pouvez, à la rigueur, vivre là-dedans... si vous n'avez pas le choix !..." Mais, "heureusement",  les HLM hideux des faubourgs de Jérusalem leur arrachèrent des vivat enthousiastes !
La Russie rurale a été transformée, elle aussi, par l'intrusion agressive d'un habitat standardisé, par la collectivisation et un exode rural massif. En définitive, la Russie est devenue un paysage mixte, à la fois anthropogène et naturel. Cette division est palpable dans les arts, la littérature, la vie politique, les préférences économiques, la structure sociale. La domination de l'artificiel s'imposa de plus en plus, au point de devenir quasi-totale, au fur et à mesure que les dirigeants communistes post-staliniens aspiraient de plus en plus à imiter l'Occident. L'opposition - les "dissidents" - soutenaient, quant à eux, de manière croissante, les politiques anthropocentrées. Les écrivains et les peintres de la nature étaient, parallèlement, de plus en plus marginalisés.
Les conséquences pour la Russie de cette invasion du paradigme anthropocentré furent funestes. La nature a été détruite : rivières irrémédiablement empoisonnées par les rejets d'effluents industriels, villages rasés car "économiquement non-viables" (!). L'année 1991 a parachevé le transfert du pouvoir et de l'influence entre les mains anthropocentriques, phénomène mis en évidence par l'ascension fulgurante d'une oligarchie juive, composée d'une poignée de banquiers hyper-riches et de gros bonnets de l'industrie.
Ce processus s'est déroulé ailleurs, aussi, et le modèle anthopocentré (a-naturel) domine désormais le monde. Attention : je ne pense pas que les Niemeyer, Reichmann et autres créateurs, devant l'Eternel, d'environnements artificiels, travaillaient consciemment dans l'intérêt de la domination de la diaspora juive sur le monde, comme les tenants du "complot" pourraient le penser. Certains d'entre eux créaient, de manière subconsciente, un environnement dans lequel eux-mêmes seraient susceptibles de prospérer. Et cet environnement favorable ne pouvait être, logiquement, qu'anthropogénique... D'autres étaient tout-à-fait imperméables à l'idée qu'un environnement artificiel fût mortel pour l'Homme Naturel, et attribuaient la résistance du peuple, face à leurs "créations", aux préjugés des ploucs qu'à leurs yeux ils étaient. Affligés d'une hypertrophie de l'ego et de la volition et têtus comme des mules, ils pensaient sincèrement bien mieux savoir que le peuple ce qui était bon pour celui-ci. Probablement n'ont-ils même jamais compris que ce qu'ils produisaient était, en tout et pour tout, exclusivement bon pour eux-mêmes...
Instinctivement, comme le poisson essaie d'entraîner le pêcheur qui l'a ferré au fond de l'eau, les propriétaires juifs de médias formèrent l'opinion afin de lui faire adopter l'artificiel ; des financiers juifs financèrent des projets anthropogéniques ; des agents immobiliers juifs construisirent et vendirent des complexes d'habitation, puisqu'aussi bien leurs élans naturels allaient au monde anthropogénique et puisqu'ils savaient intimement que dans un tel monde, il prospéreraient. Je pense qu'il s'agit-là d'attitudes instinctives plus que consciemment réfléchies. D'ailleurs on les constate tout aussi bien au sein de la colonie juive en Palestine. Indubitablement, ces hommes d'affaires avaient une profonde sympathie pour Israël, et Niemeyer y a d'ailleurs vécu plusieurs années de sa vie. Mais (hélas) leurs activités en Israël se sont révélées tout aussi destructrices qu'ailleurs.
On peut comparer ce processus avec un développement similaire des événements, qui s'était produit plus tôt, lorsque les immigrants britanniques avaient colonisé l'Amérique du Nord. Ils devaient entrer en compétition avec les habitants d'origine, les aborigènes Américains, qui vivaient en symbiose parfaite avec la nature. Afin de survivre, les colons n'avaient pas d'autre choix qu'entre changer eux-mêmes ou transformer l'environnement (naturel). Le pionnier de Fennimore Cooper était un homme qui savait s'adapter à la nature et adoptait les us et coutumes des Indiens d'Amérique. Si les indigènes américains avaient été assez puissants pour bloquer ou limiter l'immigration venue d'Europe, si les colons anglais avaient partagé l'engouement des Français pour le Bon Sauvage, une coexistence entre eux aurait été possible.
Hélas ! Les colonisateurs anglais, protestants fervents, dévots de l'Ancien Testament, ont été inspirés par l'idée de leur Election, par l'idée qu'ils représentaient une réincarnation d'Israël répétant la conquête de Josué. Les indigènes locaux étaient, dans ce cas de figure, les "Cananéens" qui devaient être à tout prix "dépossédés" (Ch. 33:53 et "détruits jusqu'au dernier" Ch. 21:3)) Le modèle fourni par l'Ancien Testament (totalement contredit par le Nouveau Testament et le Coran) est celui d'une guerre totale, de l'anéantissement, de la dépossession et de la domination. En revenant à l'Ancien Testament, les colonisateurs déclaraient la guerre à "moins élus" qu'eux. C'est pourquoi il tuèrent et dépossédèrent les naturels Américains dès qu'ils en eurent l'occasion, mais c'est aussi ce qui les amena à détruire l'environnement : bisons éradiqués, puits empoisonnés, grande prairie détruite. La destruction de l'environnement est l'un des modes naturels de prise de contrôle par un groupe allogène.
VII - Les motifs de la destruction du paysage sont souvent présentés comme étant de nature purement financière. Chaque fois qu'une belle source est tarie, qu'une rivière déborde de rejets industriels, qu'une forêt est rasée et une colline desséchée, nous sommes invités à blâmer la rapacité humaine. Toutefois, on peut tout aussi bien observer ce processus en l'absence de toute cause déclenchante imputable à la finance. Dans ma Sibérie natale, de nombreux villages ont été détruits et des paysages entiers ruinés par la création de lacs artificiels et de stations hydroélectriques. Dans la Sibérie soviétique, nul profit financier ne saurait avoir servi de prétexte. Ajoutons que les énormes quantités d'électricité ainsi produites sont, dans une large mesure, inutilisées [17].
On pourrait citer des centaines d'exemples, dans lesquels la destruction de la nature bat son plein sans qu'aucun profit sonnant et trébuchant ne soit recherché, ni perçu. L'un des écrivains les plus inspirés, sur le Web, Diane Harvey, a pu écrire, profondément abattue : "La relation de cause à effet entre les cerveaux qui régissent la Terre et l'interminable agonie du monde naturel est stupéfiante. Qu'est-ce qui a bien pu amener les propriétaires-gérants de notre globe à laisser les systèmes assurant la continuation de la vie planétaire se dégrader au point d'atteindre cet état de choc toxique ? Les soubresauts d'agonie de la nature s'intensifient, et pourtant les actions humaines fatalement destructrices continuent, impavides, comme si cet état de chose n'avait rien à voir avec la pérennité de la vie humaine. Nous devons nous demander si ces homme puissants, à la barre de ce bateau en train de couler, responsables de l'empoisonnement d'une planète entière, n'ont pas tout-à-fait perdu l'esprit. Nous nous interrogeons, perplexes : ces dévots ardents de la rapacité ont-ils fini par être emportés et rendus carrément fous par ce péché mortel ? Sommes-nous d'ores et déjà emportés dans les remous d'un chaos démentiel, tout droit vers l'abîme ? [18].
Diane Harvey, comme Immanuel Wallerstein, déploie un effort héroïque afin de tenter d'apercevoir l'oeuvre de la raison dans un comportement en apparence irrationnel. Et elle parvient presque à généraliser le concept de rapacité. Elle conclut : "les structures du pouvoir financier globalisé... ont planifié la destruction de la nature, qui représente (pour elles) la meilleure opportunité pour faire des affaires de tous les temps. Elles ont à l'esprit l'idée de rendre l'humanité totalement dépendante des succédanés qu'ils veulent lui en refiler, et d'exercer sur nous un contrôle absolu, au moyen de ces mêmes ersatz de vie naturelle qu'ils nous contraindront à acheter au prix fort. J'affirme que les forces du totalitarisme financier sont en train de détruire de manière délibérée le monde entier, de façon à pouvoir nous revendre la version virtuelle qu'ils sont en train d'en tirer, à leur plus grand profit".
Son diagnostic est certes sombre. Mais il n'est pas encore assez sombre. Qui promet à Madame Harvey qu'on lui vendra les ersatz d'air et d'eau, aux noirs lendemains de nos cauchemars ? Après tout, la rapacité et le profit, même capitalisés, présupposent l'existence d'un mode opératoire permanent. Cela exige un certain effort, de reconnaître que la rapacité n'est ni une particule élémentaire, ni une force physique. Derrière l'avidité, se tapit une figure plus ancienne et plus sombre : celle de l'inclination à dominer. Pour la domination, l'avidité représente un simple moyen pour atteindre le but. Bien sûr, il est bon et beau de vendre de l'air à Madame Harvey et d'en tirer un profit rondelet. Mais peut-être serait-il encore plus jouissif de refuser de lui vendre l'air, pour elle absolument vital, et de se distraire à l'observer, en proie aux affres de l'agonie ?
Après tout, mes ancêtres, obsédés par leur instinct dominateur, n'avaient-ils pas payé argent comptant des prisonniers chrétiens, après la mise à sac de Jérusalem par les Perses, et n'avaient-ils pas égorgé ces prisonniers de leurs propres mains, refusant le prix, plus élevé car intégrant la "marge bénéficiaire", que ces derniers leur offraient afin de racheter leur liberté ? [19] Le profit n'est pas le fin mot ; dans l'enchaînement des péchés, le dernier maillon, c'est le désir de dominer autrui. La cupidité ne saurait expliquer ce qui pousse un multimilliardaire à amasser encore plus de milliards. Il joue dans une autre catégorie : ce qui le pousse, c'est l'aspiration à dominer.
Comme nous l'avons déjà indiqué, qui dit domination dit esclaves, or aucun homme ne saurait être réduit en esclavage tant qu'il est encore connecté avec la nature. C'est la raison pour laquelle il faut détruire la nature : cela est absolument nécessaire si l'on veut réduire ne serait-ce qu'un seul homme en esclavage. Mais, par-delà l'instinct de domination, par-delà la destruction de la nature, nous observons quelque chose d'autre. Comme le navigateur de Christophe Colomb apercevant la terre, nous n'en croyons pas nos propres yeux : Non, ce n'est pas possible !
Durant deux cents ans, voire plus, la chrétienté a essayé de vivre en ignorant Dieu. Certains niaient qu'Il existât, d'autres non, mais croyants comme non-croyants expliquaient nos problèmes existentiels sans faire référence à la présence de Dieu dans l'Univers. Nos bons et mauvais penchants et désirs devraient y suffire, pensions-nous. Il existe un adage, attribué à différents savants, selon les sources, de Newton à Einstein : "Je n'avais aucune raison d'introduire Dieu dans mes formules". Un érudit médiéval anglais, du Surrey, William Ockham (qui a fourni le personnage principal au roman d'aventure d'Umberto Eco, le Nom de la rose), a formulé un principe, appelé le Rasoir d'Ockham. Le voici : "Ne multipliez pas les paramètres si cela n'est pas absolument nécessaire." Il voulait dire ainsi que de deux théories concurrentes entre elles, la plus aisée à démontrer doit être retenue. C'est pourquoi nous ne recourons pas, généralement, aux catégories spirituelles, lorsque nous explicitons des phénomènes triviaux.
Alors que nous étions relax, dans notre monde entièrement matériel, un autre principe de la casuistique médiévale, la Loi de Manifestation, nous préparait un piège. Cette loi énonce : "toute entité réellement existante finit par se manifester un jour." Une entité vouée à ne jamais se manifester pourrait tout aussi bien être qualifiée d'inexistante, sans dommage. De manière théorique, nous savions qu'à partir d'une certaine vitesse, l'espace ne répond plus aux règles, remontant à des temps immémoriaux, formulées par Euclide. Les remplacent alors les lois d'une nouvelle géométrie, fondée au dix-neuvième siècle par le brillant rejeton d'un prêtre de Hanovre, Bernhard Riemann. Dans la pratique, notre esprit refusa de l'admettre - jusqu'à ce que cette géométrie riemannienne devienne une réalité.
De la même manière, en théorie, un homme croyant devrait être préparé à observer une manifestation du monde spirituel, de Dieu, comme des Forces succubes. En pratique, nous refusions d'admettre qu'une telle possibilité existât. Une femme pasteur suédoise, à qui on avait demandé ce qu'elle ferait si un jour Sainte Brigitte lui apparaissait, répondit : "Je m'enfilerais deux demis de bière, j'expédierais un gros steak, et si ça ne suffisait toujours pas, je traînerais mes vieux os jusqu'à un hôpital psychiatrique." Si telle est l'approche d'une femme de religion, dites-le moi : qu'attendre des laïques ?
En tournant systématiquement le dos à la présence de Dieu, en veillant à Lui dissimuler constamment la vie que nous menions, nous aidions Son adversaire, assis en face de lui, devant le grand échiquier de l'univers. Aujourd'hui, l'influence et les plans de celui-ci sont devenus tangibles, et il n'y a aucune montagne de steaks-frites et de bocks de bière qui puisse y changer quoi que ce soit. Les derniers développements de l'histoire humaine, faits de destruction gratuite de la nature et de guerre contre l'esprit, ne sauraient être attribués de manière plausible à des causes matérielles et rationnelles. Au-delà du visage par trop humain des grands trusts, au-delà de l'Avidité capitalisée, au-delà du paradigme de la Domination, le Destructeur sans visage est apparu, comme Lord Dark Vador, maître d'une planète totalement à sa merci, dans la Guerre des Etoiles.
- NOTES :
[1] :
http://www.weeklyworldnews.com/bizarre/bizarre.cfm?instanceid=10
[2] : 1999, University of Minnesota Press
[3] : On the Move
[4] : Ephésiens 6:12
[5]: Exode 29:45
[6]: Jean 1:14
[7]: Jeann 12:31, 14:30, 16:11
[8]: Serge Averintsev, Sophia-Logos, Kiev 2001
[9] : The Archaology of New Testament, Princeton University Press, 1992
[10] : I Samuel, 21:14. Référence in Biblical Archaeology Review 1980
[11] : 9, 4:6
[12] : Finnegan, p. 334
[13] : Talmud, Horayot 12a
[14] : voir un poème amusant, en dépit de son caractère obscène, sur la Fabrication des Gourdes, du poète afghan Rumi, sur l'échec d'un plagiaire à observer les détails de l'action, et sur les conséquences fâcheuses que cela s'avère avoir.
[15] : Kevin McDonald, the Culture of Critique, Praeger, 1998, p. 330
[16] : Cette idée avait été promue par Bakunin, archi-ennemi de la bureaucratie, et magnifiquement exprimée par Lénine dans son dernier ouvrage, l'Etat et la révolution (1916)
[17] : Il avait fini par trouver une utilisation dans une fonderie usine d'électrolyse de l'alumine (production d'aluminium). Après 1991, cette usine a été privatisée. Elle appartient aujourd'hui à un Israélien.
[18] : Global Totalitarianism And The Death Of Nature, Diane Harvey,
http://www.rense.com
[19] : voir mon article Mamilla Pool
                                            
7. Une file de kamikazes qui attendent par Uri Avnery
[traduit de l'anglais par R. Massuard et S. de Wangen]

23 mars 2002 - Quand tout un peuple est saisi par la rage, il devient un ennemi dangereux, parce que la rage n'obéit pas aux ordres. Quand elle existe dans le cœur de millions de gens, elle ne peut pas en être extirpée en appuyant sur un bouton. Quand cette rage déborde, elle crée des kamikazes - bombes humaines alimentées par la puissance de la colère, contre laquelle il n'y a aucune défense. Une personne qui a renoncé à la vie, qui ne voit pas d'autre issue, est libre de faire tout ce que lui dicte son esprit perturbé. Certains des kamikazes sont tués avant même d'avoir atteint leur but, mais quand ces kamikazes sont des centaines, des milliers, aucune méthode militaire ne rétablira la sécurité. Les actions du général Mofaz durant le dernier mois ont porté cette rage à un niveau sans précédent et l'ont instillée dans le cœur de chaque Palestinien, qu'il soit professeur d'université ou gamin des rues, ménagère ou étudiante, militant de gauche ou intégriste. Quand les tanks se déploient n'importe comment dans le centre d'une ville, écrasant les voitures et détruisant les murs, défonçant les routes, tirant sans discrimination dans toutes les directions, paniquant une population entière - cela provoque une rage désespérée.
Quand des soldats défoncent un mur pour entrer dans le salon d'une famille, traumatisant les enfants et les adultes, saccageant les biens, détruisant les fruits d'une vie de dur labeur, et ensuite cassent le mur du logement voisin pour tout y détruire - cela provoque une rage désespérée. Quand des soldats tirent sur tout ce qui bouge - parce que c'est la panique, parce que c'est l'anarchie ou parce que Sharon leur a dit de " causer des pertes " - cela provoque une rage désespérée.
Quand des officiers donnent l'ordre de tirer sur des ambulances, tuant des médecins et des infirmiers en train de sauver des blessés saignant à mort - cela provoque une rage désespérée.
Quand de tels actes et des milliers d'autres humilient un peuple entier, lui brisant l'âme - cela provoque une rage désespérée.
Et puis il s'avère que la rage n'est après tout pas désespérée. Les kamikazes s'engagent pour prendre une revanche, avec un peuple entier derrière eux les bénissant et se réjouissant à chaque Israélien tué, soldat ou colon, jeune fille dans un bus ou adolescent dans une discothèque.
Les Israéliens sont abasourdis par ce terrible phénomène. Ils ne peuvent le comprendre, parce qu'ils ne savent pas (ou ne veulent pas savoir) ce qui se passe dans les villes et villages palestiniens. Seuls leur parviennent quelques faibles échos de ce qui s'y passe réellement. Les médias dociles ne donnent pas l'information ou la diluent de telle façon que le monstre ressemble à un chaton inoffensif. La télévision, qui est désormais soumise à une censure de style soviétique, ne dit pas à ses spectateurs ce qui se passe. Si quelqu'un est autorisé à en dire quelques mots, au nom de " l'équilibre ", ses paroles sont noyées dans un océan de bavardages par les politiciens, les commentateurs agissant comme des porte-parole officieux des généraux responsables des ravages.
Ces généraux observent sans réagir une lutte qu'ils ne comprennent pas et font des discours arrogants sans rapport avec la réalité. Des déclarations comme " nous avons empêché des attentats ", " nous leur avons donné une leçon ", " nous avons détruit l'infrastructure du terrorisme " dénotent un manque de compréhension infantile de ce qu'ils font. Loin d'avoir " détruit l'infrastructure du terrorisme ", ils ont construit une pépinière de kamikazes.
Une personne dont le frère aimé a été tué, dont la maison a été détruite dans un déchaînement de vandalisme, qui a été mortellement humilié devant ses enfants, va au marché, achète une carabine pour 40.000 shekels (certains vendent leur voiture pour cela) et part prendre sa revanche. " Donnez-moi une haine couleur de cendre comme un cilice " (" Give me a hatred gray like a sack ") a écrit notre poète Nathan Alterman, plein de rage contre les Allemands. La haine dont parle le poète est désormais partout.
Des bandes d'hommes armés parcourent maintenant toutes les villes et tous les villages de Cisjordanie et de la Bande de Gaza, avec ou sans masque noir (disponibles pour 10 shekels sur les marchés). Ces bandes n'appartiennent à aucune organisation. Des membres du Fatah, du Hamas, et du Djihad s'associent pour programmer des attaques, sans tenir compte des institutions établies.
Ceux qui croient qu'Arafat peut arrêter cela en appuyant sur un bouton rêvent. Arafat est le chef adoré, maintenant plus que jamais, mais quand un peuple est envahi par la colère, même lui ne peut l'arrêter. Au mieux, la pression de la cocotte-minute peut diminuer lentement, si la majorité des gens sont persuadés que leur honneur a été rétabli et leur libération garantie. Alors le soutien public aux " terroristes " diminuera, ils seront isolés et s'évanouiront. C'est ce qui est arrivé dans le passé. A l'époque d'Oslo, il y avait aussi des attentats, mais ils étaient organisés par des dissidents, des fanatiques, et l'aversion populaire à leur encontre limitait les dégâts qu'ils causaient.
Les hommes politiques américains, comme les officiers israéliens, ne comprennent pas ce qu'ils font. Quand un vice-président dominateur met des conditions humiliantes à une rencontre avec Arafat, il jette de l'huile sur le feu. Une personne dénuée d'empathie pour la souffrance d'un peuple occupé, qui ne comprend pas la situation dans laquelle celui-ci se trouve, ferait mieux de se taire. Parce que toute humiliation de ce genre tue des dizaines d'Israéliens. Après tout, les kamikazes sont prêts et attendent leur tour.
                           
Revue de presse

                                           
1. Bernard Botiveau : "Rien n'est possible sans solution politique" propos recueillis par Linda Bediaf
in La Marseillaise du mardi 26 mars 2002

Spécialiste de la question de l'Etat palestinien*, Bernard Botiveau est chercheur au CNRS et à l'Institut de Recherches et d'Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM). Il enseigne également à l'Institut d'Etudes Politiques d'Aix-en-Provence. A la veille du sommet de la Ligue arabe qui réunit ses 22 pays membres à Beyrouth au Liban (1), Bernard Botiveau apporte un éclairage sur l'état de la situation au Proche-Orient. 
- Le conseil de sécurité de l'ONU a voté une résolution reconnaissant l'existence d'un Etat palestinien. Comment faire appliquer ce vote historique ?
- La résolution 1397 est très importante parce qu'elle est inspirée et soutenue par Washington. Les Etats-Unis ont été finalement contraints de faire pression sur Israël après la proposition du plan de paix du prince saoudien Abdallah  faite le 17 février (2). On peut effectivement s'intéresser sur les moyens pour faire appliquer cette résolution qui ne définit pas la nature ni le contour de l'Etat palestinien : Sera-t-il viable ? Y aura-t-il un lien entre la Cisjordanie et la bande de Gaza ? Y aura-t-il une capitale ? Jérusalem ? Ces questions devront être tranchées, mais la difficulté qu'il y aura à les résoudre sur le terrain, compte tenu de la profondeur des désaccords nuira certainement beaucoup à l'application de la R 1397.
- Quelle a été la réaction de l'administration Bush à l'annonce de l'initiative de paix saoudienne ?
- Cette proposition permet à Washington de normaliser ses relations avec l'Arabie Saoudite lui laissant ainsi les mains libres contre toute attaque contre l'Irak.
Ce plan est aussi un moyen pour l'Arabie Saoudite de se rapprocher des Etats-Unis dont les relations se sont détériorées depuis les événements du 11 septembre.  L'Arabie Saoudite a longtemps été un partenaire privilégié des Etats-Unis. Leur partenariat s'était renforcé après la guerre du Golfe en 1991 avec un pacte semblable à un " protectorat " militaire américain.
- La forme définitive du plan saoudien va être présentée au sommet de la Ligue arabe. Quels sont les enjeux politiques au sein du monde arabe ?
- Les pays arabes sont diversement d'accord sur ce plan. La principale réticence vient de la Syrie qui a demandé une modification de la formule " normalisation " avec " paix complète " car elle est directement impliquée dans la région du Golan (3). Une stabilisation que recherche aussi l'Egypte et la Jordanie, voisins d'Israël et principaux concernés par le processus de paix. En ce qui concerne les pays du Golfe, ils se retranchent derrière l'Arabie saoudite. Quant à l'Irak s'il est pour le moment hors-jeu,
l'ensemble du monde arabe redoute une attaque américaine contre ce pays, qui
aurait certainement des effets négatifs pour ces régimes et probablement
dévastateurs pour plusieurs d'entre eux.
- Et Israël ? Shimon Peres a invité le prince Abdallah à venir lui présenter son offre. Quelles perspectives vont prendre les négociations ?
- Le ministre des Affaires étrangères Shimon Peres n'est pas un élément majeur dans le gouvernement israélien dont il a souvent été désavoué. Il est utilisé pour faire des ouvertures diplomatiques. D'ailleurs, il n'y a pas eu de suite après cette invitation. Et je ne pense pas que cela soit possible. Au contraire, il y a une réoccupation par Israël des Territoires avec de très nombreuses victimes palestiniennes. A l'heure actuelle, rien n'est possible tant qu'on ne parlera pas de solution politique, tant que l'armée israélienne n'aura pas évacué les Territoires palestiniens. Pour le moment on ne peut pas parler de retrait israélien car il s'agit d'un retrait purement médiatique puisque l'armée continue d'encercler les villes. Il faut faire disparaître au préalable les causes du désespoir.
(*) L'État palestinien, Paris, Presses de Sciences Po, Coll. "La bibliothèque du citoyen", 1999, 134 pages. Bernard Botiveau a été rattaché au Centre d'Etudes et de Recherches sur le Moyen Orient Contemporain (CERMOC) à Amman et a enseigné à l'Université de Birzeit (Palestine).
(1) Cinq principaux points devraient être abordés: le soutien arabe à l'Intifada, la lutte contre le terrorisme, l'assainissement des relations arabes, la situation en Irak, et l'initiative de paix saoudienne.
(2) L'initiative du prince Abdallah a été révélée le 17 février dans le New York Times. Elle propose la fin du conflit israélo-arabe, par la " normalisation " des relations entre tous les pays arabes et Israël en échange d'un retrait de ce pays de tous les territoires arabes qu'il avait occupé lors de la Guerre des six jours (1967) : la Cisjordanie, la bande de Gaza, Jérusalem-Est, le Sinaï égyptien et le Golan syrien.
(3) Le Liban plaide pour une " paix juste et globale " basée sur les résolutions 242 (retrait des territoires occupés) et 338 (négociation pour paix juste et durable) de l'ONU.
                               
2. Plus de dix mille personnes ont manifesté à Paris pour une paix "juste" au Proche-Orient par Mouna Naïm
in Le Monde du mardi 26 mars 2002

À L'APPEL de plus de cinquante associations, organisations non gouvernementales, syndicats et partis politiques, dix à douze mille personnes ont participé, samedi 23 mars à Paris, à une manifestation de solidarité avec le peuple palestinien et pour une paix "juste"au Proche-Orient qui reconnaisse son droit à un Etat aux côtés d'Israël. C'était la manifestation la plus importante de la société civile depuis le début de l'Intifada.
Pendant plus de trois heures, de la place de la République à la place de la Nation, les participants - certains sous la banderole "Juifs, Arabes, notre sort est lié : paix juste au Proche-Orient", brandie par la Coordination pour une paix juste au Proche-Orient - ont défilé enchaînés.     
Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l'homme (LDH), Marcel Francis-Kahn, président du Collectif des citoyens d'origine juive et arabe, Rony Braumann, ancien président de Médecins sans frontières, ainsi que des célébrités des mondes du spectacle, scientifique, sportif et littéraire - Juliette Binoche, Léon Schwartzenberg, Djamel Bourras, Régine Desforges, Tahar Ben Jelloun, Catherine Frot... - côtoyaient des milliers d'anonymes répondant à l'appel d'associations diverses - la LDH, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme, le MRAP, l'Association France-solidarité Palestine, le Parti communiste, la Ligue communiste révolutionnaire, la CGT, les Verts, les Femmes en noir, l'Association des travailleurs maghrébins, l'Union juive française pour la paix, ou encore... l'Association des ex-prisonniers politiques chiliens.
"GUERRE COLONIALE"
Sur les banderoles et pancartes, le premier ministre israélien, Ariel Sharon a été conspué, traité d'"assassin". "Juifs et Arabes, tous contre Sharon", "Armée d'Israël hors des territoires palestiniens", "Bush-Sharon, terroristes", "les Conventions de Genève sont bafouées" en Palestine, "halte à la guerre coloniale", "démantèlement de toutes les colonies, à Gaza et en Cisjordanie",disaient les calicots. D'autres réclamaient une protection internationale pour les Palestiniens, leur droit à vivre en paix à l'intérieur d'un Etat, ou encore "la défense de la dignité humaine dans toute sa diversité culturelle". La diversité des slogans reflétait celle des appartenances : "Par notre âme et notre sang, nous te servirons, Palestine", "Pas de sécurité pour les Israéliens sans la liberté pour les Palestiniens", "Nous sommes tous des Palestiniens", ou "Sharon t'es foutu, l'Intifada continue". Un incident a eu lieu au début de la manifestation, lorsqu'un groupe d'une quarantaine de personnes a voulu défiler sous une pancarte traitant les juifs de "malheur du monde". Ils ont été expulsés par les organisateurs.
Le Palestinien Jaber Wichah, présenté comme l'un des dirigeants de l'Intifada, a rendu hommage aux participants qui, par leur action, "apportent la confirmation que le peuple palestinien sortira vainqueur de l'épreuve qu'il endure". Le cinéaste israélien Eyal Sivan a déploré qu'"il n'y ait pas en Israël autant de manifestants" qu'à Paris. Pour lui, "le gouvernement Sharon-Pérès est le plus sanglant depuis 1948" (création de l'Etat d'Israël) et "n'a pas compris qu'aucune puissance coloniale ne peut empêcher un peuple d'accéder à l'indépendance". Il a souhaité que l'assistance apporte son soutien "aux mouvements minoritaires en Israël qui luttent pour les droits du peuple palestinien, et, en particulier, aux centaines de soldats" objecteurs de conscience qui refusent d'aller servir dans les territoires palestiniens occupés.
                                     
3. Bourhane Ghalioune, professeur de civilisation arabe : "Ce qui caractérise les sommets arabes, c'est l'absence d'une vision" propos recueillis par Mouna Naïm
in Le Monde du mardi 26 mars 2002
- Bourhane Ghalioune, vous êtes directeur du Centre des études arabes et de l'Orient contemporain à la Sorbonne nouvelle-Paris-3. Comment décririez-vous le monde arabe à la veille du sommet de Beyrouth ?
- Les dirigeants du monde arabe sont dans le désarroi, manquent d'orientation et surtout de vision. Ce qui caractérise ce sommet, comme les sommets précédents, c'est l'absence d'un agenda commun. L'initiative du prince héritier saoudien, Abdallah Ben Abdel Aziz, leur a donné un sujet autour duquel je pense qu'il y aura un consensus.     
Cette initiative a sauvé le sommet. L'opinion publique arabe ne compte pas beaucoup sur ce genre de sommet dont l'expérience nous a appris que le seul but est de publier une déclaration qui répond plus ou moins aux attentes des populations, elles aussi dans le désarroi face à l'agression israélienne et aux problèmes sociaux, économiques, auxquels elles doivent faire face. Ce qui manque à ce genre de sommet, depuis la mort de [l'ancien président égyptien Gamal Abdel] Nasser, c'est un leadership visionnaire qui unifie les buts, stimule les énergies et donne une direction.
- A quoi est dû cet état de fait ?
- A la crise que traversent la plupart de ces pays et qui les pousse à chercher des solutions immédiates aux problèmes qui surgissent chaque jour. Chacun des dirigeants essaie de tirer le maximum de bénéfices de ce rassemblement, ce qui, loin d'aider à dépasser les divisions interarabes, les consacre.
- Quelles sont les attentes des opinions publiques arabes ?
- Elles n'attendent plus rien de leurs dirigeants. Il y a une rupture de plus en plus profonde entre les dirigeants et leurs sociétés ; en même temps, sous la pression des événements, les opinions publiques arabes souhaitent que leurs dirigeants se hissent au niveau de leurs responsabilités et entreprennent des actions : par exemple, aujourd'hui, une aide au peuple palestinien qui lui permette de riposter à l'agression israélienne, davantage de coopération au niveau économique pour faire évoluer les choses, une riposte à la campagne de dénigrement au niveau international dont elles s'estiment victimes. Elles attendent que leurs dirigeants remplissent leurs fonctions et dirigent des pays qui sont à la dérive. Les dirigeants arabes ont un grand problème de représentativité et même de légitimité.
- Comment expliquer qu'il n'y ait pas de véritable révolte contre eux ?
- Depuis vingt ans dans le monde arabe s'est instaurée une crise majeure, qui ressemble à celle que les pays du bloc de l'Est ont connue avant la chute du mur de Berlin : un grand mouvement d'exode et d'émigration vers l'étranger des cadres et des travailleurs, des systèmes politiques dictatoriaux, la violence sous toutes les formes, la répression, la paupérisation, la montée du chômage.
Mais les opinions publiques arabes ne sont pas structurées. Il n'y a pas de partis suffisamment développés et forts pour suggérer d'autres lignes de conduite politique que ce que les gouvernements proposent. Les opinions publiques exigent des solutions sans savoir lesquelles. Aussi longtemps qu'il en sera ainsi, on doit s'attendre à une perpétuation de la crise. Les dirigeants n'en sont pas conscients pour la bonne raison que la situation sert leurs intérêts et ceux de leur famille. Ce sont des régimes qui se sont approprié les ressources de ces pays et qui n'ont pas intérêt à mettre en cause le système qu'ils ont créé pour assurer leur domination.
Les chercheurs qui travaillent sur le monde arabe semblent ne pas avoir eux non plus compris ce qui se passe. La plupart des recherches relèvent soit de la complaisance, soit au contraire d'un certain esprit de revanche et de la volonté de croire que le monde arabe est archaïque, qu'il rejette la modernité et veut un retour au passé, alors que la réalité est tout à fait différente.
- Quels sont les éléments constituants de la crise ?
- Les systèmes sociaux n'arrivent plus à satisfaire les besoins de la population. Le système économique crée un nombre de plus en plus grand de chômeurs ; l'enseignement est déconnecté de la production et des besoins du travail, il n'offre pas aux jeunes les moyens de s'intégrer dans un quelconque système social ou international ; et le système politique est fondé sur une gestion militaire, bureaucratique et administrative de la population qui n'ouvre aucun droit à la participation, nie l'existence même de l'individu. L'Etat, tout en se modernisant sur le plan technique, n'accepte pas encore l'autonomie de la société et l'autonomie de l'individu.
- L'islamisme est-il l'une des expressions de la révolte contre les régimes ou est-ce un phénomène plus fondamental ?
- C'est une sorte de révolte, qui se dissimule derrière des revendications à caractère politique et religieux, mais l'origine de ce phénomène, c'est la crise du système social, politique et idéologique depuis un demi-siècle. C'est l'impasse de la modernité qui provoque ce genre de réaction. Ce n'est pas un refus de la modernité, mais d'un certain type de modernité qui a abouti à une impasse.
En réalité, depuis un siècle et demi, le monde arabe s'est engagé dans la modernité : avant la colonisation, il y a eu, aussi bien en Egypte qu'en Turquie, une véritable politique de modernisation, qui a été cassée par le mouvement colonial. La lutte contre le colonialisme a, elle aussi, été inspirée par une volonté modernisatrice, le souci de rattraper le retard et non de revenir au passé. Le nationalisme a été lui aussi porteur de ce projet de modernisation ; à l'indépendance, les peuples n'ont pas choisi de rétablir le califat, ni de revenir à l'islam traditionnel, ou à la tradition ; au contraire, dans la plupart des cas, ils ont proclamé des républiques et adopté des constitutions et institutions modernes, généralisé l'enseignement, modernisé les instruments juridiques. Le panarabisme avait pour objectif de donner à ces peuples le cadre juridique et économique capable de faire avancer l'économie, de décoller sur le plan industriel.
C'est parce que ce projet a été avorté que cette modernité a été mise en doute, comme cela s'était fait en Europe avant la deuxième guerre mondiale. La première moitié du XXe siècle a été occupée en Europe par le fascisme et par le communisme, non par rejet de la modernité, mais par réaction à l'impasse dans laquelle une forme de modernité a mis les sociétés. C'est sur cette base qu'on peut comprendre l'islamisme, ou un secteur de l'opinion publique qu'incarne l'islamisme. Ce n'est ni l'islam, ni la culture traditionnelle, ni l'absence de modernité, ni le désir d'authenticité ou de particularisme qui sont à l'origine de la crise qui engendre l'islamisme, parmi d'autres phénomènes. L'islamisme, cette nouvelle interprétation de la religion, répond à la réaction d'un certain secteur de l'opinion contre la crise. Si donc on admet que l'origine du problème est la quête d'une véritable modernité qui reconnaît l'individu, la liberté, l'égalité devant la loi, les droits de l'homme, la reconnaissance de l'autonomie de l'individu, les choses changent énormément. Et ce n'est pas en réprimant encore plus cette opinion publique et ces sociétés qu'on aboutit à la paix et qu'on peut faire face au danger de leur exclusion, mais au contraire en les aidant à intégrer encore plus la modernité, à y récupérer un peu leur place, en reconnaissant leurs revendications légitimes à vivre comme des êtres humains, libres et à part entière.
                                       
4. Israël envisage une offensive majeure si les négociations pour la trêve échouent par Lee Hockstader
in The Washington Post (quotidien américain)  du lundi 25 mars 2002
[traduit de l'anglais par Monique Barillot]

Alors même que les Etats Unis essaient de négocier une trêve au Moyen-Orient, l'Etat major militaire Israélien se prépare à un assaut majeur des cités, des villes et des camps de réfugiés palestiniens.
Assaut qui devrait être plus vaste et plus profond que l'offensive entreprise en début de mois, selon des sources israéliennes officielles.
Les officiels, qui parlent à condition de ne pas être identifiés, ont souligné qu'ils avaient l'intention de donner toutes ses chances de succès aux négociations de cessez le feu entreprises par l'envoyé US, Antony Zinni. Mais ils ont exprimé leurs doutes de voir les discussions aboutir à une fin durable de la violence et des attaques terroristes contre les Israéliens
Si les négociations échouent alors que la violence palestinienne continue, on verra se répandre et monter à la fois dans le gouvernement du Premier ministre Ariel Sharon  et dans l'armée le soutien à ce qu'un officiel a appelé "une confrontation militaire élargie" avec les palestiniens.
Les jours à venir pourraient être décisifs parce que si nous ne réussissons pas (dans les négociations de cessez le feu) nous pourrions être amenés à la conclusion qu'il n'y a aucun espoir, et que nous avons à choisir une autre voie, a dit un officiel israélien haut placé.
Les avertissements israéliens semblent destinés à préparer tant l'opinion intérieure que l'opinion internationale à une nouvelle effusion de sang, et à'inciter les palestiniens à mettre au pas les groupes militants et à céder aux conditions qu' Israël met à la trêve
Quoi qu'il en soit, les avertissements précédents se sont accompagnés de menaces et attaques à l'encontre des palestiniens. Et les critiques occidentales de l'agression israélienne ont provoqué un courant de sympathie pour la cause palestinienne
Le dilemme auquel Sharon est confronté est que  la forte augmentation des pertes israéliennes et palestiniennes ces derniers mois a plombé sa popularité
D'une façon très large, les sondages d'opinion montrent que les Israéliens ne croient pas que le leader de 74 ans ait une stratégie pour sortir le pays de l'une de ses crises les plus graves.
Quand Sharon a demandé au Israéliens le mois dernier de se préparer à un long combat , sa cote a encore plongé. Quand il a aussi annoncé le mois dernier que sa police allait infliger au palestiniens de si lourdes pertes qu'ils cèderaient sur les demandes inacceptables par Israël, quelques modérés de sa coalition se sont insurgés. Son ministre des Affaires Etrangères, Shimon Peres, a averti à plusieurs reprises qu'il n'existait pas de solution militaire au conflit.
Pourtant,  pendant les derniers 18 mois d'affrontements israélo-palestiniens, qui ont été caractérisés par une escalade constante de la violence des deux cotés, les officiels israéliens ont  souvent  claironné leurs intentions , comme ils semblent le faire aujourd'hui. Par exemple, au début de l'année dernière, des généraux et officiels israéliens au plus haut niveau ont commencé à parler ouvertement de la possibilité d'offensives à l'intérieur des territoires palestiniens.. un scénario considéré alors comme une mesure vigoureuse. Quand les forces israéliennes ont fait leur première incursion, cela a provoqué l' indignation internationale,  y compris une sévère critique émanant du secrétaire d'état Colin L. Powell. Pendant ce temps, malgré tout, les incursions s'installaient dans la routine .
Au début de l'année,  les officiels chevronnés ont commence à parler de raids sur les camps de réfugiés, ce qui jusqu'alors était jugé dangereux et qui dépassait les bornes. Le 21 janvier, par exemple, Sharon a dit qu'Israël adopterait des " tactiques totalement différente " si les palestiniens tiraient des roquettes de leur fabrication sur les territoire israéliens, ce qu'ils ont fait cinq jours plus tard
Le 28 février, l'armée a attaqué le camp de réfugiés de Balata à la périphérie nord ouest de Naplouse.
Les jours suivants, plusieurs autres camps ont été attaqués… y compris le plus grand, Jabalva, dans la bande de Gaza…au cours de l'offensive la plus importante menée en zone palestinienne depuis 1967.
L'armée a fait savoir que l'offensive de deux semaines, au cours de laquelle plus de 150 palestiniens ont été tués, n'a atteint au mieux qu'une partie du résultat recherché.  Alors que plusieurs milliers de
Palestiniens étaient encerclés, la quasi-totalité des militants les plus recherchés ont échappé à la capture. Quelques armes ont été saisies, des prétendus ateliers de fabrication de roquettes ont été détruits, mais les palestiniens ont toujours de nombreuses armes et la semaine dernière une roquette a été tirée de Gaza sur le territoire Israélien.
Il semble aussi que l'assaut israélien ait peu ou pas d'effet  pour entamer la volonté ou la capacité des palestiniens à attaquer Israël.  Pendant la semaine qui a vu Israël se retirer  des plus grosses miettes du territoire palestinien qu'il venait de réinvestir, il y a eu presque quotidiennement des attaques suicides à la bombe, des tirs ou des attentats terroristes. Maintenant le slogan c'est plus d'action militaire agressive.
Le lieutenant Gen. Shaul Mofaz, chef du personnel de l'armée, a dit que l'offensive d'Israël était incomplète. D'autres officiels ont remarqué que les attaques israéliennes avaient eu pour effet de d'arrêter la sortie des territoires occupés par l'armée de terroristes présumés.
Il existe une opinion largement répandue dans l'armée israélienne et dans les milieux de la sécurité qui est que la seule façon d'arrêter les terroristes et les autres attaques contre Israël serait d'occuper les zones palestiniennes où vivent et agissent les attaquants , bien que même ça  ne procure aucune garantie, reconnaissent les officiels.
"Laissez moi vous rappeler que pendant la semaine de notre opération à Ramallah, il n'y a pas eu d'attaque terroriste en provenance de Ramallah ", a dit un officiel en faisant référence à la capitale non officielle de Cisjordanie. " Et dans les jours qui ont suivis notre retrait, ils y a eu plusieurs attaques (venant de la ville) que nous avons réussit à prévenir pour certaines d'entre elles, mais pas toutes "
Les militaires sont réticents à révéler les détails des plans militaires, sinon pour dire que les projets pourraient conduire l'armée au cœur des villages palestiniens, villes et camps de réfugiés, plus profondément encore qu'ils ne l'ont fait ce mois-ci, à y rester plus longtemps et à descendre davantage de militants présumés.
Mais les officiels ont bien conscience qu'il y a des limites. Aucun personnage qui occupe une situation de pouvoir en Israël ne prend au sérieux la possibilité d'une re-occupation complète et durable de la Cisjordanie et de Gaza, d'un bombardement  total de Ramallah, ou de la destruction des  systèmes palestiniens de distribution de l'au et de l'électricité, a dit un officiel.
Les officiels reconnaissent aussi que ceux qui établissent les plans d'action sont sensibles aux conséquences politiques d'une offensive tous azimut, y compris  à la crainte de provoquer une guerre dans la région et la probabilité de recevoir des critiques des Etats Unis .
A Washington, une escalade sensible des attaques Israéliennes serait ni plus ni moins considérée comme de nature à saper les efforts de l'Administration Bush pour recueillir le soutien et l'accord des Arabes dans la campagne menée contre le gouvernement de Hussein en Iraq. A l'intérieur d'Israël, une escalade pourrait déstabiliser la coalition du gouvernement Sharon qui comprend des modérés aussi bien que des partisans de la ligne dure.
Bien plus, même quelques uns des partisans d'une nouvelle offensive israélienne majeure disent qu'ils doutent que cela fasse cesser les attaques palestiniennes, et que cela pourrait même faire le jeu du leader palestinien Yasser ARAFAT.
" C'est embarrassant pour nous, tout ce que les palestiniens ont à faire pour gagner, c'est survivre ", dit un officiel israélien. Cela en fait un ennemi redoutable, mais cela ne veut pas dire qu'on ne doit pas les combattre de toutes façons.
Néanmoins, les officiels  disent clairement qu'Israël ne pourra pas longtemps maintenir le dispositif actuel de bouclage qui est en place depuis une semaine. Parallèlement aux règles informelles du bouclage  israélien, l'armée continue sans relâche ses opérations . Mais Israël s'est abstenu de lancer des attaques aériennes en réponse aux attaques suicides à la bombe palestiniennes.
Les journaux israéliens ont aussi rapporté ces derniers jours que Sharon avait dit à l'administration Bush de s'attendre à une escalade si aucun cessez le feu ne pouvait être obtenu. Par exemple, Shimon Schiffer, un des journalistes politiques israélien les mieux  introduits, a écrit aujourd'hui dans le Yedioth Ahronoth que, lors de la visite du Vice-Président Cheney la semaine dernière, Sharon avait " conclut un accord " avec lui pour que, en cas d'échec de la mission Zinni, Washington soutienne les interventions israélienne contre les palestiniens. Les officiels US n'ont pas démenti ces propos.
On n'a pas d'informations claires sur le moment que choisirait Israël pour lancer une nouvelle attaque, mais cela ne devrait pas intervenir tant que Zinni sera dans la région ;
Ce soir, le quatrième meeting de la semaine entre les commandements de sécurité Israéliens et palestiniens sous l'autorité de l'ancien général du corps des marines s'est terminé sans déboucher sur un accord. Une autre réunion a été programmée pour lundi.
Les deux  parties ne sont pas d'accord sur le calendrier de mise en place d' une trêve, et sur la demande faite par Israël que les militants palestiniens soient arrêtés. Les palestiniens demandent que toute trêve soit suivie d'un rapide engagement de négociations politique qui comprennent le gel de toute construction de colonies juives en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Israël refuse de lier les pourparlers de trêve à tout projet de concessions politiques, ce qui, Sharon le croit, représenterait une récompense au 18 mois de violence palestinienne renouvelée contre l'occupation continue par Israël de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.
 Alors qu'Israël se prépare à la prochaine phase du combat, nombreux sont les tenants de la ligne dure du Likud de Sharon qui ont  soutenu l'option d'une attaque dévastatrice  qui pourrait déstabiliser l'Autorité palestinienne d'Arafat et déraciner ce qu'Israël appelle " l'infrastructure de la terreur ". Parmi les plaideurs on trouve le tout premier rival de Sharon au sein du Likud, l'ancien premier Ministre Binyamin Netanyahu,  un concurrent possible pour la direction du parti et du gouvernement plus tard dans l'année ou l'année prochaine.
Un des partenaires les plus importants de la coalition Sharon , le part ultra orthodoxe Shas, a apporté son soutien à l'idée d'un assaut majeur contre les palestiniens. " Ils faut que ce soit eux qui crient grâce, pas nous ", a dit au journal Maariv le chef du parti, ministre de l'intérieur Eliahu Yishai. " Je suis un modéré, et si je dis que c'est la solution, alors, c'est que la situation est réellement désastreuse ".
                                
5. Un voyage d'écrivains auprès des Palestiniens pour rappeler la "guerre aveuglante" par Mouna Naïm
in Le Monde du dimanche 24 mars 2002

L'IDÉE a germé par une sorte de "solidarité naturelle" envers l'un de ses membres fondateurs, le poète palestinien Mahmoud Darwish, quand celui-ci a été empêché à deux reprises, du fait de sa réclusion forcée à Ramallah, de rencontrer à New York l'écrivain nigérian Wole Soyinka, Prix Nobel de littérature (1986). Avec, donc, pour objectif de départ de briser l'isolement des écrivains palestiniens, le Parlement international des écrivains (PIE) a pris la décision de lancer un appel pour la paix en Palestine et d'envoyer une délégation sur place. C'est la première ambassade du genre pour le PIE, qui n'en est toutefois pas à son premier acte de solidarité internationale, puisqu'il accueille déjà des écrivains de différentes nationalités au sein de son réseau de villes refuges, qu'il leur a ouvert son site Internet et sa revue annuelle Autodafé. Ces "espaces de pensée offerts à des paroles étouffées et ghettoïsées", selon l'expression de Christian Salmon, directeur exécutif du PIE et membre de la délégation, seront également ouverts aux écrivains et artistes palestiniens qui le souhaitent, parce que "l'interdit frappe tous les récits possibles".
L'Américain Russel Banks, le Nigérian Wole Soyinka, le Portugais Jose Saramago (Prix Nobel de littérature en 1998), le Chinois Bei Dao, le Sud-Africain Breyten Breytenbach, l'Espagnol Juan Goytisolo, l'Italien Vincenzo Consolo et le Français Christian Salmon se rendent en Palestine et en Israël, du 24 au 29 mars, pour y rencontrer "des écrivains et des artistes", ainsi que "des représentants des mouvements civils qui luttent pour la paix et le dialogue culturel".
Il s'agit, explique Christian Salmon, de réhabiliter la parole dans une Palestine devenue "une zone de langage effondré", d'enquêter et de témoigner sur "la manière dont on détruit les bases même du dialogue" par la construction continue de colonies de peuplement, et "les destructions massives, y compris de paysages". 
Il s'agit de briser la "bipolarisation" et de rappeler que cette région "appartient à toute l'humanité", qu'elle est "le symbole et la mémoire" d'une histoire multimillénaire et multiculturelle, que ce patrimoine est en danger. Il s'agit aussi de briser le "silence total" des intellectuels sur la Palestine, alors que sur Sarajevo, les Balkans, la Tchétchénie ou l'Afghanistan, ils étaient foule à écrire, dire le droit ou effectuer des missions sur place. "On aimerait, dit-il, que ceux qui s'intéressent aux guerres oubliées s'intéressent aussi aux guerres aveuglantes."
La délégation du PIE n'entend pas se substituer aux politiques, et veut éviter à tout prix d'être rabattue sur le politique. Aussi, aucune rencontre avec des officiels palestiniens ou israéliens n'est-elle prévue. Le voyage se réserve à des rencontres avec des écrivains, artistes et universitaires palestiniens à Ramallah, Gaza et Jérusalem-Est, ainsi qu'à la visite de deux camps de réfugiés dans la bande de Gaza. Côté israélien, la délégation s'entretiendra, à Jaffa et à Tel-Aviv, avec des universitaires et écrivains israéliens, mais également avec des représentants d'organisations non gouvernementales, telles Physicians for Human Rights (Médecins pour les droits de l'homme), les initiateurs d'un Appel pour une intervention internationale, des représentants du Comité israélien contre la démolition des maisons (palestiniennes) et du Bloc de la paix (Gush Shalom). Le cinéaste Samir Ahmad Abdallah et son assistant José Reynes, les metteurs en scène Thierry Bédard et Olivier Py, ainsi que l'assistant de ce dernier, Paul Rondin, accompagnent la délégation, en vue d'un projet de film ou de théâtre.
L'appel pour la paix en Palestine lancé par le PIE, le 6 mars, a déjà recueilli plus de 500 signatures d'écrivains, de cinéastes, comédiens, artistes, universitaires, militants d'associations, originaires de plus de vingt-cinq pays. Le PIE se propose de consacrer un grand dossier sur la Palestine dans le prochain numéro d'Autodafé, prévu à l'automne.
                               
6. A Ramallah, visite à un poète reclus par Juan Goytisolo
in Le Monde du vendredi 22 mars 2002
(Juan Goytisolo est écrivain.)
Traduit de l'espagnol par Abdelatif Ben Salem.
Accepter, même provisoirement, l'inacceptable serait un désastre moral tant pour les oppresseurs que pour les opprimés
Dimanche 24 mars, une délégation du Parlement international des écrivains, composée de Wole Soyinka, José Saramago, Vincenzo Consolo, Breyten Breytenbach, Russell Banks, Bei Dao et l'auteur de ces lignes, se rendra à Ramallah en compagnie de Christian Salmon, secrétaire général, pour visiter un poète pris au piège, comme ses trois millions de compatriotes, dans l'une de ces souricières disséminées, sans contact entre elles, auxquelles se réduit actuellement ce qu'on appelle l'Autorité nationale palestinienne.
L'écrivain reclus à Ramallah par les troupes de Sharon est l'un des meilleurs poètes arabes de ce siècle. Son histoire personnelle se confond avec celle de son peuple. Son village natal de Galilée fut rayé de la carte en 1948. A l'âge de 16 ans, il se réfugie avec sa famille au Liban. De retour dans sa patrie occupée, il effectue des études primaires et secondaires et s'initie très tôt à la littérature et au journalisme. Condamné à plusieurs reprises à des peines de prison par les Israéliens, à cause de ses écrits, il part à nouveau en exil en 1970. Il réside successivement à Moscou, au Caire, à Beyrouth, à Tunis et à Paris. Fondateur de l'excellente revue littéraire Al-Karmel - probablement la plus courageuse et la plus ouverte des publications arabes de ces dernières décennies, il a vécu le siège barbare de la capitale libanaise par cette même armée qui le contraint aujourd'hui à une mesure d'assignation à résidence.
Son second exil le conduit à réaliser une œuvre poétique belle et bouleversante, dans laquelle la Palestine occupe une place centrale. Sa poésie est engagée non avec la militance ou la propagande, mais avec le mot substantiel et concis : Mahmoud Darwich a su créer dans l'esprit du lecteur, comme tous les poètes authentiques, une réalité verbale qui perdure indépendamment de la cause ou de l'objet qui l'engendrent. Après l'intermède de "ni guerre ni paix", consécutif aux bancals accords d'Oslo, Mahmoud Darwich retourne dans son pays afin de poursuivre à Ramallah son œuvre poétique et diriger la publication de sa revue. Là-bas, il a été rattrapé par la seconde Intifada. Il partage en ce moment même le sort des habitants de Ramallah, que les blindés, les lance-missiles et les hélicoptères de l'armée israélienne maintiennent jour et nuit encerclée, sa population soumise à un effroyable martyre.
Le plan de Sharon, dévoilé avec courage et une grande lucidité par l'anthropologue israélien Jeff Halper ("Offensive finale pour en finir avec les Palestiniens", El País du 11 février), témoigne de la volonté du premier ministre israélien de réaliser d'un seul coup son vieux rêve d'arracher coûte que coûte à ses ennemis l'acceptation d'un "mini-Etat morcelé, dépendant, sans aucune continuité territoriale, sans économie fiable, et sans véritable souveraineté". Pour aboutir à ses fins, toutes les méthodes d'intimidation et de violence seront bonnes : assassinats ciblés, destruction d'habitations, couvre-feu imposé pendant des semaines, confiscation des terres, maintien de la population palestinienne sous un régime d'apartheid inhumain et dégradant.
S'il fallait reconnaître à Sharon une qualité, ce serait celle de la franchise et de la clarté. Son projet de militariser la conscience de la société israélienne est la prémisse indispensable à l'éradication du terrorisme de ses victimes, c'est-à-dire de ces sanglants attentats-suicides menés par des jeunes désespérés qu'il serait injuste, voire inapproprié, de comparer avec ceux des fanatiques programmés de Ben Laden. Or l'usage qu'on fait du terme terroriste pèche par imprécision, par contradiction et par intérêt, parce qu'un grand nombre de nations, de credo religieux ou d'idéologies a toujours dégagé des organisations qui incitent au meurtre de civils innocents au nom de causes prétendument sacrées. Le monde n'est pas divisé entre terroristes et antiterroristes et les actes des premiers sont jugés très diversement selon les circonstances.
Cependant, depuis l'attaque criminelle contre les tours jumelles du World Trade Center et l'"unilatéralisme" annoncé par Bush dans son discours du 29 janvier, le responsable des massacres de Sabra et Chatila, recouvrant une impunité qui lui faisait auparavant défaut, peut à sa guise, écrit Jeff Halper, jeter tout le poids de "la formidable puissance de son arsenal militaire contre tout objectif qu'il décrète terroriste, en prenant tout le temps qu'il faut, sans devoir rendre compte à qui que ce soit".
Jour après jour, semaine après semaine, nous voyons dépasser les limites de l'intolérable sans que personne n'élève la voix pour protester et dire basta ! L'écrasante supériorité des Etats-Unis à l'échelle planétaire et celle d'Israël au Proche-Orient leur permettent de mener jusqu'au bout leur propre croisade contre le Mal - pour Sharon, il n'existe aucune différence entre Ben Laden et Arafat -, nonobstant le malaise silencieux que cela suscite dans les pays membres de l'Union européenne ou les protestations officielles du monde islamique. A l'exception des manifestations de mauvaise humeur des ministres des affaires étrangères de France et d'Allemagne et les condamnations d'une Ligue arabe impuissante, le silence qui règne dans les milieux officiels européens et parmi les intellectuels postmodernes est véritablement surprenant.
L'instauration d'un régime d'apartheid autour des ghettos et des enclaves palestiniennes à l'aube de ce troisième millénaire constitue un cas flagrant d'anachronisme. Lorsqu'on sait que l'abrogation du système ségrégationniste en Afrique du Sud, il y a une douzaine d'années, ne fut possible que grâce à la pression internationale, comment expliquer cette résignation silencieuse devant l'état d'exception permanent imposé par un Etat qui se considère lui aussi comme exceptionnel ?
L'exception israélienne qui fonde la création d'un foyer national juif après l'Holocauste peut-elle, une fois son objectif atteint, perdurer indéfiniment au prix des souffrances et des humiliations sans fin qui sont devenues le lot quotidien des Palestiniens ? Ne serait-il pas temps d'en finir avec cette exception et appuyer l'idée d'un projet de coexistence pacifique entre deux Etats normaux, égaux en droit, à l'intérieur des frontières internationalement reconnues ? Accepter même provisoirement l'inacceptable serait un désastre moral tant pour les oppresseurs que pour les opprimés. Sharon n'est pas seulement l'ennemi numéro un des Palestiniens, il l'est aussi, à court ou à long terme, d' Israël lui-même.
La réclusion de Mahmoud Darwich est métonymique de celle de ses compatriotes de Ramallah et des autres villes, agglomérations et camps de réfugiés des territoires occupés pendant la guerre de six jours. A commencer par le président de l'Autorité nationale palestinienne lui-même, tant diabolisé, pour finir avec le dernier nouveau-né entre les clôtures de fil de fer barbelé, dans des conditions révoltantes de précarité et de détresse. La visite d'un groupe d'écrivains indépendants à la ville assiégée où il se trouve va au-delà de la simple solidarité avec le poète : elle veut faire la démonstration concrète qu'il n'est jamais trop tard pour agir contre les injustices de l'histoire et la politique réactionnaire de Bush, qui annulent d'un seul trait la doctrine de Franklin D. Roosevelt, celle qui repose sur l'alliance des pays démocratiques et qui a permis de vaincre les totalitarismes au siècle dernier.
                           
7. "Procès" kafkaïen du mouvement pacifiste israélien par Antoun Shalhat
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du lundi 11 mars 2002
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
(Antoun Shalhat est un écrivain palestinien.)
Réflexions au sujet du "discours (jugé) sévère" prononcé par le président de la Knesset, discours dans lequel des propos "agréables (pour nous) à entendre" relatifs au caractère corrupteur de l'occupation ont côtoyé des "propos un peu moins agréables" sur la nature "globalement libératrice" du sionisme, mouvement qui a(urait) "rendu le peuple juif à sa patrie biblique" !
A l'occasion du cinquante-troisième anniversaire de la fondation de la Knesset, Avraham Burg, son président, a prononcé lors de la séance spéciale commémorant cet événement, le lundi 28 janvier 2001, un discours portant le titre (éloquent) de "La démocratie en temps de guerre". Le quotidien HaAretz du lendemain a qualifié ce discours de "sévère". Il a suscité des réactions enflammées parmi les députés de la "droite" (et je mets ce mot entre guillemets afin d'indiquer que j'adopte, en l'utilisant, de manière spontanée, la manière dont il est utilisé et instrumentalisé par les médias israéliens). La réaction la plus violente a été de demander la démission de Burg de sa fonction pour être sorti des usages du "décorum" que ce genre de "célébrations nationales" impliquent le plus généralement.
A la relecture attentive du discours de Burg, dans les procès-verbaux des séances de la Knesset, il appert que la colère des députés en question a éclaté, essentiellement, après que l'orateur ait pris en main les rênes du droit de protester, au nom de la "minorité" dont il est le porte-parole au parlement et populairement - chose qu'il a reconnue, personnellement - contre les agissements de la majorité (sous la direction du chef du gouvernement Sharon), lesquels agissements risquent de (voire : visent à) (selon sa lecture personnelle) porter atteinte à la démocratie patiemment édifiée en donnant la priorité aux "nécessités" de l'occupation et de l'effort de guerre qui vise à la pérenniser...
Voici, en détail, quels sont les passages, dans le discours de Burg, qui ont particulièrement "défrisé" plus d'un député :
"L'occupation est destructrice et corruptrice. Pour être plus précis, (je dirai) que l'occupation nous a (déjà) corrompus, en ceci que nous ne sommes plus cette nation de la justice, nous sommes plus cette société exemplaire que nous étions jadis. Le cercle infernal des opérations de destruction et les réactions qu'elles entraînent, l'enchaînement des morts et des vengeances, des enterrements et de la colère, (tout cela) nous a rendus durs, intraitables, incapables, jusqu'à ce jour, d'étudier la possibilité d'une alternative aux "frappes" et au marteau pilon... Alors que la mission qui repose sur nos épaules, sur les épaules de l'appareil démocratique, est toute autre. Cet appareil démocratique doit penser en termes de visions d'avenir, en termes d'objectif national, de cristallisation d'un futur et de création des conditions rendant possible un espoir. En effet, une société ne peut être prospère si elle n'est pas démocratique et nous avons droit à une part de ce paradis, fût-ce au prix d'un règlement : nous devons apporter au peuple une réponse pratique, optimiste (positive), à la question :
Où va la société ?
Quelles sont les valeurs du peuple et comment pouvons-nous les traduire dans la vie politique ? En dépit - et à cause - de tout cela, je crois profondément au nouveau sionisme, au sionisme de la paix globale et de la démocratie sans concessions, au sionisme qui sait écouter et apporter des solutions, qui sait négocier et dialoguer. Donnez sa chance à la démocratie afin qu'elle triomphe, car lorsque c'est l'armée qui triomphe, les enterrements (à la chaîne) ne sont pas prêts de s'arrêter. Et ce n'est que lorsque triomphe la démocratie que commence l'espoir." (Extrait des délibérations de la Knesset).
Ce discours de Burg est indissociable de ses dernières évolutions. Ces évolutions, à leur tour, doivent être prises en considération dans le contexte du réveil constaté dans les rangs du mouvement pacifiste israélien, après une longue hibernation. S'agissant d'un réveil (causé) par les conséquences de la politique de Sharon, il y a là un signe que l'on recherche une "contradiction positive" avec cette politique et autour des réserves qu'elle suscite, recherche qui serait susceptible d'épargner (à ce mouvement)(pense-t-il) une disparition définitive ! Il reste que ce réveil tardif ne saurait (nous) dispenser de poser à ce camp de la paix la question de ce qu'il a fabriqué jusqu'ici, en dépit du fait qu'il y a fort longtemps que le masque est tombé, pour tout le monde (sauf lui), en ce qui concerne la situation, dont il nous dit pourtant qu'elle devient plus claire seulement aujourd'hui... Si j'ai usé du terme "hibernation" pour décrire en réalité une absence de conscience, il s'agit, en ce qui concerne le "camp de la paix", d'un état qui ressemble beaucoup à celui dans lequel vivait Joseph K, le héros du célèbre roman de Kafka : le Procès. Ainsi, il n'est pas inutile de revenir à ce roman, car il n'est pas sans évoquer le procès que l'on pourrait à juste titre intenter au mouvement pacifiste israélien, dans ses rapports positifs et négatifs avec la réalité. Les similarités et les métaphores qui apparaîtront au cours de la revue rapide du "Procès" (de Kafka) à laquelle je vais procéder maintenant n'échapperont pas, j'en suis persuadé, au lecteur attentif.
Le roman commence [j'ai utilisé dans cette lecture critique l'ouvrage d'Eric From "la Langue oubliée"], par une phrase qui ne manque pas de surprendre : "Une chose est sûre : quelqu'un a dû accuser Joseph K. En effet, il a été arrêté, un beau matin, sans qu'il ait fait aucun mal." Cette phrase signifie, avant tout, que Joseph K. ne commence à avoir la perception de ce qui l'entoure qu'au moment où il a prend conscience que quelqu'un l'a "arrêté". Le participe "arrêté", ici, a une double signification. L'"arrestation" de quelqu'un peut signifier qu'il est mis en prison par la police. Mais "arrêter" quelqu'un peut signifier aussi que l'on met un terme à sa croissance et à son développement. Le roman, dans son contenu obvie, emploie "arrêter" dans la première acception, mais son contenu symbolique doit être compris dans la seconde. En effet, Joseph K. comprend qu'il a "été arrêté", qu'il "s'est (lui-même) arrêté", au sens où la dynamique de son développement personnel a été entravée.
Dans un passage extrêmement concis, mais d'une force extraordinaire, Kafka nous explique pourquoi Joseph K. a été arrêté. Nous déduisons de ce passage que les déterminants de son arrestation sont à rechercher dans son mode de vie même. Il s'agit d'un fonctionnement personnel évocateur d'une vie routinière, stérile, vide.
La réalité, c'est que K. a été "arrêté" et qu'une voix intérieure lui dit qu'il s'est arrêté (lui-même) et cette voix l'avertit du danger qui menace son propre "moi".
L'autre face de ce passage nous informe que Joseph K. était d'une personnalité faible, qu'il dépendait des autres, chose qui avait pour conséquence que sa principale préoccupation était de toujours apparaître "élégant et affable", particulièrement aux yeux de ceux qui lui donnaient ce dont il avait besoin. Ce qu'il craignait par-dessus tout, c'était que quelqu'un n'exprime sa colère ou ne le prive de ce qu'il lui donnait auparavant. K. croyait que la source des actions bienveillantes, toutes, était située en-dehors de lui-même et le problème de la vie elle-même se résumait, pour lui, à éviter les dangers susceptibles de le priver des bienfaits qui lui provenaient de cette source (extérieure). A quoi pouvait donc aboutir tout cela, si ce n'est à l'absence de conscience de K. en sa capacité (de décision) personnelle ?
(Peu de temps après l'assassinat d'Itzhaq Rabin, un psychanalyste israélien a montré que la fracture de la société juive israélienne face à ce qu'il a appelé "la réalité du processus de paix" y fait apparaître deux camps opposés, au moins en apparence, lesquels, dans la pratique, tentent (l'un comme l'autre) de fuir le réel. Ainsi, le "camp nationaliste" (dénomination, par construction, de la droite) est logique lorsqu'il adopte la proposition qu'il n'y a pas de solution au conflit du Moyen-Orient. Il chausse des "lunettes noires" à travers lesquelles il voit que l'avenir est lourd de calamités sans nombre et sans nom. Le "camp des colombes", quant à lui, est sous pression, hystérique, car il a conscience de son impuissance et qu'il ne peut rien faire qui soit susceptible d'influer aussi peu que ce soit sur le cours des choses. Ainsi, au total, les deux camps fuient la réalité : le "camp nationaliste" fuit la réalité en refusant les indices de la paix, alors que le "camp des colombes" vit dans un état d'abandon de toute responsabilité et de fuite du réel vers l'illusion ("escapism", ang. ~ "faux-fuyantomanie", ndt). Il est coupé des événements, isolé de la réalité, dans une sorte d'exil à l'intérieur de son propre pays. Ce dernier camp, celui "de la paix", a perdu toute dynamique de changement de l'existant, alors que le premier, le "camp nationaliste", veut que rien, absolument rien, surtout rien, ne change...
Revenons à Joseph K. Ce que nous en avons vu signifie que jusqu'à son "arrestation", il n'a pas conscience que le problème réside dans l'intimité de sa personne elle-même, et qu'il peut - et que même, il est seul à pouvoir - se sauver lui-même.
En réalité, tout le roman, construit sur cette donnée première, expose la réaction de Joseph K. face à cette sensation obscure. Il nous rend spectateurs des efforts que le héros déploie afin de se défendre et de sauver sa peau.
L'issue est dramatique. Lorsque K. entend l'appel de sa conscience, il ne le comprend pas et, bien loin de trouver une logique à son arrestation, nous le voyons tentant d'échapper sans cesse aux appels de cette conscience. Au lieu de tendre à son âme la seule perche dont elle ait besoin - à savoir : qu'il admette la réalité et qu'il s'efforce de la modifier - nous le voyons rechercher désespérément un soutien extérieur, alors qu'il n'en existe aucun. A l'extérieur ? C'est-à-dire, auprès des autres, auprès des juristes, lesquels sont (classiquement) rusés et sans scrupules. Face à eux, il clame son innocence et intime l'ordre de se taire à la voix qui crie (à l'intérieur de lui-même), lui rappelant son insuffisance et sa faute.
Peut-être pourrait-il trouver une solution, n'était son sens moral qui brouille devant lui les pistes. En effet, il ne connaît qu'une seule sorte de loi morale : l'autorité implacable qui a pour seul leit-motiv : "tu dois obéir". Il ne connaît rien d'autre que "la conscience de domination" qui considère que l'obéissance est la vertu suprême et la révolte, le crime absolu. Il ne soupçonne jamais (je dis bien : 'soupçonne') l'existence d'une autre sorte de conscience, la "conscience réellement humaine", décrite par Eric From comme l'appel intérieur qui nous est propre et qui nous exhorte à redevenir nous-mêmes.
Le Procès de Kafka se termine mal (la peine de mort est requise contre Joseph K.) Mais tandis que les bourreaux s'affairent aux préparatifs de l'exécution par la guillotine, Joseph K. entrevoit enfin quelle est la réalité de son problème, pour la première fois. Alors qu'il a passé toute sa vie à trouver des réponses, ou plus exactement à chercher les réponses auprès d'autrui, voilà qu'en cette heure critique entre toutes, il pose les questions. Mieux, il pose les bonnes questions ! C'est sa peur de la mort qui lui donne enfin cette capacité. Mais le grand paradoxe réside en ceci qu'il a commencé à croire en la possibilité de changer la réalité pour la première fois dans sa vie au moment où il allait mourir !
Le discours sur le "camp de la paix" reste essentiellement et en permanence incomplet s'il découle seulement de la compréhension de son rapport à la réalité politique israélienne.
Si nous examinons le discours de Burg, nous voyons dans certains passages une négation de la réalité politique israélienne en ce qui concerne le développement du conflit. C'est en quoi ces propos nous concernent.
Examinons le passage suivant, exemple parmi beaucoup d'autres :
"L'essence du sionisme s'incarne dans l'indépendance (au sens de liberté nationale, d'affranchissement) du peuple juif, là où il se trouve, du joug de la domination des autres peuples. C'est la raison pour laquelle nous sommes venus ici (en Palestine/Israël, ndt), et il est éminemment regrettable que nous nous soyons transformés, par ce qu'on peut considérer comme une sorte de renversement psychologique, en maîtres d'un autre peuple. Celui-ci ne nous accepte pas dans ce rôle. Mais nous, nous voulons demeurer dans notre pays biblique, dans nos colonies que l'on peut rejoindre par des routes de contournement qui traversent la réalité quotidienne (de cet autre peuple). Ainsi, nous sommes (devenus) des maîtres comme les autres, de notre propre volonté et, cela, à seule fin de conserver (nos) colonies, dans l'outre-mer du consensus national".
Il est clair, ici, que le discours n'est pas indemne de toute connotation idéologique. Burg ne fait que redéfinir les points communs qui tracent les limites d'un "consensus national" qui ne s'est jamais remis en question, bien à l'abri sous le parapluie de la "mentalité sioniste".
Lorsque Burg évoque "l'essence du sionisme" qui se serait "incarnée dans l'affranchissement du peuple juif, là où il se trouve, du joug de la domination des autres peuples" et dans l'"indépendance" sur la terre de Palestine (qu'il appelle "son" pays "biblique"), son discours renferme une idéologie qui, en même temps, amplifie l'identité - juive - et nie, passe par pertes et profit l'autre, en l'occurrence le Palestinien (c'est là le "péché originel" du sionisme).
C'est cette même idéologie que l'on retrouve dans son allusion à la "réaction" au "renversement psychologique" - résultat, semblent suggérer ses propos, de l'Holocauste, même s'il n'en prononce pas le nom.
En cela, nous constatons que les termes mêmes, "choisis" (par Burg), évoquent ce que Todorov a pu qualifier de "prise de possession linguistique d'autrui". Cette prise de possession a été effective, également, sur les plans économique et culturel, au moyen de la mise à l'écart d'autrui et de tentatives pour l'exterminer, au point que les habitants originels sont devenus une minorité - une minorité d'étrangers dans leur propre pays. Le langage, par ses expressions couramment reçues, fût-ce parmi les "épigones" du camp de la paix israélien, remplit sa fonction, à l'insu de leur conscience, à moins qu'ils en soient pleinement conscients (?!), laquelle fonction consiste à normaliser cette conquête de peuplement et cette violation culturelle d'autrui [le même grand penseur, Tsvetan Todorov, a montré, de manière éclatante, que plusieurs facteurs doivent être réunis pour que la pérennisation d'une conquête soit garantie : celle-ci doit être considérée, par les deux parties et sur un pied d'égalité, non pas comme résultant seulement d'une victoire militaire ou d'une supériorité économique, mais aussi d'une lutte inter-civilisationnelle dans laquelle le langage, dans son acception sémiotique, joue un rôle non négligeable.] 
Tel est, donc, le "sionisme nouveau" (arrivé comme le Beaujolais ? ndt) en lequel Avraham Burg affirme croire.
Il s'agit de ce même nouveau sionisme auquel on est susceptible d'aboutir en empruntant les routes de contournement qui permettent d'éviter de voir le "péché originel" (du "sionisme existant", ndt). Nous avons eu souvent l'occasion d'identifier les manifestations de ce nouveau sionisme sous-jacent aux représentations idéologiques dans le discours de bien d'autres personnages publics qu'Avraham Burg.
Tous tiennent à rester fidèles à une méthode consistant à cantonner le conflit israélo-arabe et la cause palestinienne à l'intérieur d'un "cercle confiné" - cercle consistant (en tout et pour tout) à mettre fin à l'occupation des territoires palestiniens par Israël, depuis juin 1967. Il est évident que l'essence de cette méthode est de critiquer le principe de l'expansionnisme sioniste colonisateur, lequel consiste à grignoter toujours plus de territoires à l'extérieur des ""frontières" de l'"Etat"" (les guillemets intérieurs sont de moi, ndt). En dépit de l'importance de cette critique (limitée mais néanmoins) pertinente, elle ne saurait justifier que l'on continue à fermer les yeux et à refuser de comprendre qu'en profondeur, elle vise aussi à occulter le besoin - la nécessité - d'appréhender le principe premier de cette expansion, ce même principe premier qui avait abouti, à un moment historique donné, à la création de l'Etat (d'Israël) avec toutes les conséquences - extrêmement lourdes - que cette création a entraînées.
                           
8. Le plan qui gêne Sharon par René Backmann avec Victor Cygielman à Jérusalem
in Le Nouvel Observateur du jeudi 28 février 2002
Si elle était adoptée fin mars par le sommet de la Ligue arabe, l’initiative de paix du prince héritier saoudien Abdallah permettrait peut-être de ressusciter le processus de négociation entre Israéliens et Palestiniens. Mais Sharon, confronté à l’échec total de sa stratégie, peut-il l’accepter ?
«La véritable raison pour laquelle Ariel Sharon ne s’adresse jamais au pays est enfin révélée: il n’a rien à dire.» Ce jugement de l’éditorialiste de «Haaretz», Yoel Marcus, au lendemain du discours radiotélévisé du Premier ministre israélien le jeudi 21 février, ne révèle pas seulement le rejet de plus en plus brutal, par le camp de la paix, d’un homme qui n’a jamais partagé son rêve – au point de voter contre les accords d’Oslo, qu’il tient pour la «pire des catastrophes» –, mais aussi la lassitude de tous ceux qui avaient cru à ses promesses de paix et de sécurité et qui doivent se rendre à l’évidence: jamais, depuis longtemps, la vie n’a été aussi dangereuse et angoissante pour les Palestiniens comme pour les Israéliens.
Les premiers, qui vivent un véritable siège, avec son lot de terreur et d’humiliations, sous le feu des chars, des avions et des hélicoptères de combat israéliens, ont vu jour après jour s’effondrer, avec les immeubles éventrés par les missiles, leur espoir de construire une vie digne et une économie prospère en attendant de disposer d’un Etat indépendant. Près de 980 d’entre eux sont morts, plus de 16000 ont été blessés. Stigmates qui rendront encore plus difficile le retour à la paix. Quant aux dégâts matériels, ils sont pour l’instant difficiles à évaluer, les restrictions de circulation empêchant tout recensement fiable. A elles seules, les infrastructures financées par l’Union européenne et détruites ou endommagées par les frappes israéliennes représentent une perte de près de 20 millions d’euros. A quoi il faut ajouter des centaines de maisons démolies, des milliers de sans-abri, près de 1500 hectares de terres agricoles et d’oliveraies saccagées, des dizaines de bâtiments administratifs, parfois à peine achevés, en ruines.
Du côté israélien, où «l’Intifada al-Aqsa» a fait en dix-sept mois près de 280 morts, les spécialistes des questions militaires dressent un constat accablant: l’année que Sharon vient de passer au pouvoir a été la plus sanglante vécue par Israël depuis une génération. Le doute a même gagné les rangs de l’armée, où 270 soldats et officiers qui refusent désormais de servir dans les territoires occupés ont signé la pétition des «refuzniks» tandis que d’autres, comme ce commandant adjoint d’un bataillon qui s’est confié à la radio d’Etat, n’hésitent pas à affronter une punition de vingt-huit jours de cachot pour avoir protesté contre «l’absence d’instructions de tir claires, la gabegie, le désordre, le manque de protection pour les sentinelles».
«Nos soldats ont peur, constate cet officier, alors ils tirent sans discernement, dans toutes les directions.» Aux périls qui guettent conscrits et réservistes, et qui hantent pratiquement chaque famille israélienne en temps de guerre, s’ajoute désormais la terreur provoquée par les «hommes-bombes» des organisations islamistes, capables de déclencher leurs ceintures d’explosifs en plein cœur des villes israéliennes. A cela s’ajoute la pire récession depuis près de cinquante ans, due à la crise des nouvelles technologies, et surtout à l’effondrement du tourisme, miné par l’Intifada. En attendant une année 2002 qui s’annonce plus noire encore, avec un taux de chômage proche de 10% et un budget amputé de plus de 1 milliard d’euros…
Face à ce désastre, les conseillers de Sharon avaient promis, avant son intervention radiotélévisée, des «surprises» et un «nouveau plan». Malgré une pénible tentative de ton churchillien, un appel à la fermeté, à l’union, au calme, et des mots très durs pour les «refuzniks» accusés d’«encourager les organisations terroristes», le Premier ministre n’avait pas d’autre nouveauté à annoncer, ce soir-là, que la création de «zones tampons» destinées à séparer Israël de la Cisjordanie. Que deviendraient, si cette stratégie de la séparation était appliquée, les Palestiniens qui vivent dans ces zones tampons? Où seraient-ils transférés? Et quel serait le destin, dans cette hypothèse, des colons israéliens dont les implantations sont dispersées dans toute la Cisjordanie? Seraient-ils déplacés, eux aussi, dans de nouveaux blocs de colonies à créer?
Le Premier ministre, qui a donné, selon «Haaretz», l’image d’un «dirigeant faible, dépourvu de vision», n’a livré aucun détail sur son plan, aucune réponse à ces interrogations. «Il a fourni une solution tactique à un problème qui est fondamentalement politique et idéologique, résumait dimanche un commentateur. Ce qu’il propose n’est pas une fin de l’occupation, c’est la construction d’un camp retranché. Il n’y a là aucune volonté de mettre fin au conflit, mais au contraire un moyen de le perpétuer.» Le plus surprenant, pour nombre d’observateurs israéliens et étrangers, est que le Premier ministre n’ait pas saisi cette occasion pour livrer son jugement sur la proposition faite quatre jours plus tôt par le prince Abdallah ben Abdel Aziz, qui dirige de facto le royaume saoudien depuis que la maladie a écarté du pouvoir le roi Fahd, en 1995.
Dans un entretien avec Thomas Friedman, du «New York Times», le prince Abdallah avait en effet annoncé son intention de proposer au sommet de la Ligue arabe, prévu pour les 27 et 28 mars à Beyrouth, «un retrait total [d’Israël] de tous les territoires occupés, en accord avec les résolutions de l’ONU, en échange d’une normalisation totale de nos relations». L’initiative était d’autant plus spectaculaire qu’elle avait été précédée par des consultations avec les principaux dirigeants arabes, Moubarak et Bachar el-Assad compris, et qu’elle émanait d’un prince connu pour ses relations tendues avec Washington. Elle arrivait en outre à un moment critique des relations entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite, Washington reprochant à Riyad ses négligences coupables face aux réseaux saoudiens de Ben Laden.
Jugée «intéressante et positive» par le ministre des Affaires étrangères israélien Shimon Peres, considérée comme «un pas important» par le secrétaire d’Etat américain Colin Powell, la proposition a ensuite été retirée par le prince Abdallah, pour protester contre les «actes de violence et d’oppression» ordonnés par Ariel Sharon dans les territoires occupés. Mais elle pourrait être relancée avant la réunion de Beyrouth. «S’il s’agit d’un nouveau processus qui peut changer le Proche-Orient, nous ne pouvons pas dire non. Nous devons d’abord dire oui et accepter d’écouter», estime le ministre israélien de la Défense, le travailliste Binyamin Ben Eliezer. Quant au président israélien Moshe Katsav, il a invité lundi le prince saoudien à venir présenter sa proposition à Jérusalem, tout en se déclarant prêt à se rendre à Riyad. Pour sa part, Ariel Sharon a simplement déclaré qu’il avait «cherché à nouer des contacts» avec le régime saoudien pour connaître le détail des propositions.
Si elle est relancée par le prince Abdallah, puis approuvée ensuite par le sommet arabe de Beyrouth et acceptée par Israël – ce qui fait beaucoup de conditions –, l’initiative saoudienne pourrait déboucher sur un nouveau processus de négociation. Un processus qui pourrait être fondé sur les conclusions des pourparlers de Taba, en janvier 2001, document dont l’Union européenne est aujourd’hui «dépositaire».
Ariel Sharon est-il disposé à négocier? Tout montre le contraire. Depuis l’accueil désinvolte réservé, au début du mois, au «non-papier» du gouvernement français, qui proposait des élections dans l’Autorité palestinienne et la création d’un Etat palestinien, jusqu’au traitement humiliant infligé à Yasser Arafat, autorisé à circuler… dans Ramallah au moment même où à Jérusalem Javier Solana, représentant de l’Union européenne pour les relations extérieures, déclarait que le président palestinien doit être «totalement libre de ses mouvements». «Un seul interlocuteur compte pour Sharon, c’est George W. Bush, explique un diplomate européen. Or Bush, sur ce point comme sur d’autres, est autiste. Pour lui, il n’y a plus de processus de paix entre Israël et les Palestiniens. Rien ne se passera tant qu’il n’aura pas changé d’avis sur ce point. C’est-à-dire tant que Washington n’y aura pas un intérêt direct.»
                                           
9. Le travail de fourmis de Michael et Diana, juristes palestiniens qui veulent expliquer Taba par Stéphanie Le Bars
in Le Monde du mercredi 20 février 2002

Givat Haviva (Israël) de notre envoyée spéciale - L'un était à Camp David, l'autre à Taba. Michael Tarazi et Diana Nazic Buttu, deux jeunes juristes palestiniens, ont conseillé les représentants palestiniens lors des négociations avec les Israéliens, en 2000 et 2001. Ils ont "tout vu, tout entendu". Depuis, las des "contrevérités" et des "mythes" colportés dans l'opinion publique israélienne, et en dépit des violences persistantes entre les deux camps, ils ont engagé un travail de fourmis, sillonnant Israël à la rencontre de citoyens désireux de comprendre le point de vue palestinien. Leurs passeports, américain et canadien, leur facilitent les déplacements.
"On n'en pouvait plus d'entendre toujours les mêmes reproches : "on vous a tout offert à Taba et vous avez refusé", "c'est bien la preuve que vous ne voulez pas la paix", indique M. Tarazi. "Au printemps 2001, avec l'accord de l'OLP, on a mis sur pied ces séances d'explication." Elles se déroulent chez des particuliers, à l'université ou, comme ce mardi 19 février à Givat Haviva, dans un centre qui prône la coexistence entre Juifs et Arabes.
Devant une soixantaine d'Israéliens juifs et arabes, les deux VRP palestiniens déploient une carte établie à partir des propositions de Camp David. Pendant plus de deux heures, ils vont s'attacher à démontrer que l'échec de Taba n'est pas de leur fait, rappeler les raisons qui ont fait exploser l'Intifada et dire les attentes de leurs responsables politiques. M. Tarazi assure que Camp David n'assurait aux Palestiniens ni la "viabilité" ni "l'indépendance" de leur futur Etat. "Les colons demeuraient dans les zones de Cisjordanie où il y a le plus de ressources en eau, Jérusalem restait encerclée de poches israéliennes et les réfugiés ne pouvaient pas revenir en Israël", résume-t-il dans un anglais appliqué.
Ce dernier point suscite le plus grand nombre d'inquiétudes dans l'assistance. Evoquant la "peur irrationnelle" que l'éventuel retour des réfugiés provoque en Israël, Esther, une habitante juive des environs, se fait interrompre par un "juif réfugié de Syrie". "Israël est notre terre, donnée par l'ONU. Si les Arabes reviennent, c'en est fini du caractère juif de l'Etat", assène-t-il. "Savez-vous exactement combien de réfugiés souhaiteraient revenir ?", lance une voix inquiète.
A chacun, les représentants de l'OLP tentent d'apporter une réponse argumentée. "Nous voulons avant tout qu'un accord offre aux réfugiés un large choix : revenir dans un Etat palestinien, obtenir la nationalité du pays où ils sont réfugiés (pour le cas particulier du Liban), rejoindre un pays tiers, ou s'installer en Israël en étant conscients qu'il ne s'agit pas d'un retour dans le village de leurs grands-parents." "La question du nombre est impossible à trancher tant que nous ne pouvons pas proposer des solutions précises aux réfugiés", insiste Mme Nazic Buttu.
Le public s'étonne aussi que les avancées des négociations de Taba n'aient pas mis fin à l'Intifada. M. Tarazi s'efforce de convaincre. "Arafat n'a pas appuyé sur un bouton pour déclencher l'Intifada. (...) Elle s'est installée à cause des frustrations des Palestiniens depuis les accords d'Oslo. Sur le terrain, ils ont vu davantage de barrages, le doublement du nombre de colons."
Au chapitre des solutions, Mme Nazic Buttu rencontre le consensus du public : mettre fin à l'occupation, lier discussions sécuritaires et politiques, faire superviser les engagements des deux parties par un juge indépendant. Elle ne relève qu'"un" obstacle : Ariel Sharon. "Il ne veut pas la paix", assure-t-elle. Un dernier doigt se lève : "Quand vous avez refusé Taba..." M. Tarazi interrompt l'intervenant, un rien découragé : "Je vous rappelle que ce sont les Israéliens qui ont quitté la table des négociations." Dur métier.