Rassemblement pacifique de protestation contre l'organisation au Palais des congrès de Marseille, d'une soirée de soutien à l'armée israélienne, ce dimanche 17 mars 2002 à 18h30 au Métro Périer à Marseille à l'appel du Collectif Palestine et de l'Union juive française pour la paix
                                   
                                  
Point d'information Palestine > N°193 du 14/03/2002

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Au sommaire
                   
Témoignages
Cette rubrique regroupe des textes envoyés par des citoyens de Palestine ou des observateurs. Ils sont libres de droits.
1. Hommage au au Dr Ahmad Nooman, docteur en pharmacie et directeur général de l'hôpital Al-Yamamah à Bethléhem par le Dr Annie Dudin, pédiatre à l'hôpital Al-Yamamah (Bethléem)
2. En attendant Zinni... par Stéphanie David, citoyenne de Ramallah en Palestine
3. Khuza'a, mon village, nuit du 8 mars 2002 par Walid Enadjar citoyen de Khuza'a (bande de Gaza) en Palestine
4. Idrab par Nathalie Laillet, citoyenne de Bethléem en Palestine
                                   
Rendez-vous
Retrouvez l'agenda complet des conférences, manifestations, spectacles, expositions... sur http://www.solidarite-palestine.org/evnt.html
1. Rassemblement pacifique de protestation contre l'organisation au Palais des congrès de Marseille, d'une soirée de soutien à l'armée israélienne ce dimanche 17 mars 2002 à 18h30 au Métro Périer à Marseille à l'appel du Collectif Palestine et de l'Union juive française pour la paix [détails]
2. "Semaine Arabe 2002" à l'Ecole Normale Supérieure (ENS) à Paris du vendredi 15 au lundi 25 mars 2002
                      
Dernière parution
- Le droit au retour de Farouk Mardam-Bey et Elias Sanbar aux éditions Actes Sud / Sindbad 
                                                     
Réseau
Cette rubrique regroupe des contributions non publiées dans la presse, ainsi que des communiqués d'ONG.
1. Encore un plan de paix ?! - Dans le marchandage "quid pro quo", Israël en tient pour le "quid". Le "quo" peut attendre : n'attend-il pas depuis cinquante ans ? par Israël Shamir [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
1.1. Un sondage d'opinion montre que les Israéliens juifs sont plus nombreux à être favorables au transfert des Palestiniens par Amnon Barzilai in Ha'Aretz du mercredi 13 mars 2002 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
2. La bataille de Palestine par par Israël Shamir [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
                                   
Revue de presse
1. Un photographe italien tué par des tirs israéliens à Ramallah Dépêche de l"agence Reuters du mercredi 13 mars 2002, 10h49
2. Vote historique au Conseil de sécurité : l'Etat palestinien mentionné Dépêche de l'Agence France Palestine du mercredi 13 mars 2002, 8h06
3. Le malheur des autres par Luis Lema in Le Temps (quotidien suisse) du mercredi 13 mars 2002
4. Indignation à propos de réunions "en l'honneur de Tsahal" en France par Mouna Naïm in Le Monde du mercredi 13 mars 2002
5. Le Dr Folamour vit toujours au Pentagone par Jean Chatain in L'Humanité du mardi 12 mars 2002
6. Arafat accuse l'armée israélienne de "nouveau racisme nazi" par Arieh O'Sullivan Jerusalem Post (quotidien israélien) du mardi 12 mars 2002 [traduit de l'anglais par Mimi Tal]
7. Manif à Marseille in L'Humanité du lundi 11 mars 2002
8. On ne peut l'accepter ni d'Israël ni de l'Europe par Emilio Menéndez del Valle in El Païs (quotidien espagnolo) du lundi 11 mars 2002 [traduit de l'espagnol par Michel Gilquin]
9. Silence de la Cour suprême par Gideon Levy in Ha'Aretz (quotidien israélien) du dimanche 10 mars 2002 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
10. Les barrages de l'arrogance par Meron Benvenisti in Ha'Aretz (quotidien israélien) du jeudi 7 mars 2002 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
11. Palestiniens de Balata : Choqués mais déterminés par Valérie Féron in La Croix du lundi 4 mars 2002
12. La défaite des deux dirigeants par Bernardo Valli in La Repubblica (quotidien italien) du lundi 4 mars 2002 [traduit de l'italien par Marcel Charbonnier]
13. "Va savoir pourquoi tu es encore en vie..." traduit par Victor Cygielman in Le Nouvel Observateur du jeudi 28 février 2002
14. Pourquoi considère-t-on, en Israël, que la France est le pays occidental "le plus antisémite" ? par Subhi Hadidi in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du vendredi 18 janvier 2002 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
15. Les Palestiniens ? Ils sont divisés... par Khalil Shikaki in Foreign Affairs (revue américaine bimestrielle) de janvier-février 2002 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
 
 
 
 
Témoignages

                                        
1. Hommage au au Dr Ahmad Nooman, docteur en pharmacie et directeur général de l'hôpital Al-Yamamah à Bethléhem par le Dr Annie Dudin, pédiatre à l'hôpital Al-Yamamah (Bethléem)
Dimanche 10 mars 2002 - Tu es mort dans l'exercice de tes fonctions le 8 mars 2002, d'une balle en pleine tête ; tu n'avais que 37 ans, tu étais père de 6 enfants dont une handicapée mentale, tu étais incapable de faire du mal à quiconque ; ta dépouille mortelle repose toujours à la morgue et nous n'avons pas encore pu t'enterrer mais nous voulons te dire à toi, dans l'au-delà, et à toute ta famille, que toute l'équipe  médicale de l'hôpital a perdu non seulement son directeur mais aussi un ami. Ahmad, nous ne t'oublierons jamais.
                               
2. En attendant Zinni... par Stéphanie David, citoyenne de Ramallah en Palestine
Mardi 12 mars 2002 - En attendant Zinni, Sharon fait place nette ! Afin que tout soit propre pour accueillir son ami américain.
Sous couvert d'efforts diplomatiques et de concessions virtuelles, il nous fait une fois de plus prendre des vessies pour des lanternes: non, Yasser Arafat n'est pas libre de se déplacer comme il l'entend, puisque la permission de tonton Arik n'est valable que pour les zones sous contrôle palestinien. En étant ironique, on s'interroge sur ce que sont encore ces zones alors que l'armée réoccupe entièrement les villes autonomes en toute impunité! De plus, il est fort à parier qu'à la première sortie d'Arafat, son QG sera réduit à néant. Et si, toutefois, il décidait de se rendre au sommet arabe qui aura lieu dans quelques jours, alors le risque est grand pour lui de ne plus pouvoir rentrer dans les Territoires!
Comment Sharon peut-il oser prétendre qu'il lâche du lest alors qu'au même moment des colonnes de chars pénètrent dans Ramallah en pleine nuit afin de poursuivre la mission de «nettoyage» confiée à l'armée? Si j'avais bien prévu l'incursion dans les camps de Ramallah, quelques scènes manquaient à mon scénario: en effet, je garderai longtemps en mémoire la peur qui m'a saisie lorsqu'à 1 heure du matin, je fus réveillée par le bruit assourdissant des moteurs et des chenilles des Merkava qui venaient de prendre position devant la fenêtre de ma chambre! Ils sont restés quelques temps avant de remonter dans le quartier en direction du camp d'al-Amari. Je tentai alors de me rassurer en pensant que les blindés postés tout près de moi n'étaient là que dans le but d'assurer une base arrière.
Cette journée est sans conteste la plus difficile depuis le début de l'Intifada. Impossible de sortir de chez soi. Impossible de sortir de Ramallah. Certains quartiers sont privés d'électricité, et l'hôpital général de la ville est encerclé! Le gouvernement israélien repousse chaque jour les limites du pire en pariant encore sur la solution militaire, alors que le bon sens le plus élémentaire voudrait que ces gens prennent conscience qu'ils sont en train de se fabriquer un avenir macabre pour les décennies à venir! Une amie palestinienne me disait que ses enfants qualifiaient désormais les israéliens de «evil enemy». Oui, pour les parents, les israéliens étaient déjà les ennemis; aujourd'hui, pour leurs enfants, ils représentent en plus le diable en personne! Alors, comment vont grandir ces enfants de la deuxième Intifada? Quels sentiments vont-ils nourrir pour les dix ou quinze ans qui viennent, à part la haine et le désir de vengeance? C'est précisément de cela que la société israélienne doit prendre conscience si elle veut qu'un jour ses propres enfants vivent en sécurité.
À long terme, cette politique sera sans doute plus dévastatrice pour Israël que pour les Palestiniens. Le prix des faits de guerre d'un premier ministre responsable et coupable de milliers de morts palestiniens en 50 ans de carrière! Des terroristes font la guerre à d'autres terroristes, mais ces deux terrorisme-là n'auraient rien à voir car les motivations ne seraient pas de même nature. Mais depuis quand doit-on établir une gradation dans l'horreur? On a dit et redit que ceux qui ignorent l'Histoire, leur Histoire, s'exposent à la revivre. Ce qui se passe actuellement ici montre bien que les leçons du passé n'ont pas été tirées, que les erreurs se répètent, bref, qu'on a la mémoire qui nous arrange! Courte et sélective.
L'armée israélienne fait la guerre toute seule. Il n'y a rien d'héroïque à terroriser une population civile en pénétrant de force dans les maisons au beau milieu de la nuit, à faire le grand nettoyage de printemps en déployant des centaines de chars pour neutraliser des «combattants civils» munis de kalachnikovs. Ce pourrait être un jeu vidéo. Ce n'en est pas un: ici les morts sont bien réels et on n'a pas droit à une deuxième vie.
                                     
3. Khuza'a, mon village, nuit du 8 mars 2002 par Walid Enadjar citoyen de Khuza'a (bande de Gaza) en Palestine
vendredi 8 mars 2002 - Cette nuit-là était la plus sanglante dans l'histoire de mon village. Les Israéliens ont fait un assaut dans notre village, ils l'ont attaqué à 1 heure du matin lorsqu'on dormait. Les gens ont appelé par les micros des mosquées les personnes qui sont armées pour défendre notre village.
Tu sais, on l'attendait depuis l'après-midi, puisqu'on est proche des frontières avec les Territoires occupés par Israël en 1948, et on a vu les Israéliens en train de faire des renforts sur les frontières avec une cinquantaine de chars blindés et des centaines de soldats, ils ont attaqué les trois côtés alors, je me suis habillé, je suis sorti, moi et mon frère, et on entendait les tirs de mitrailleuses, on a trouvé tout le monde à l'extérieur, et bien sûr les résistants.
Tu sais, dans notre quartier il y a juste notre famille, elle est très nombreuse, elle contient 1.200 personnes et presque 1.500 personnes dans un autre village. Mais la catastrophe et le massacre qu'Israël a commis dans notre village était vraiment horrible: 18 martyrs, dont les trois premiers sont de mes cousins les plus proches: Moussa, Achraf et Baker, qui sont aussi mes meilleurs amis, le premier par une balle explosive (c'est des balles qui explosent lorsqu'elles traversent le corps et elles font des dégâts dans le corps) dans sa tête, on a trouvé son cerveau par terre lorsqu'on a essayé de l'évacuer, et les chars ont barré la route devant les ambulances pendant des heures, Moussa était lieutenant colonel, il avait deux frères martyrs l'un en 1969 à Jéricho et l'autre en 1991. Le deuxième, une balle au ventre, il a fait un geste d'adieu, il était état-major. L'autre c'est Baker, 20 ans, civil et lui aussi il avait un frère martyr en 1989 durant la première Intifada, et il y a aussi deux blessés dont le seul frère de Baker: il est hospitalisé; ils ont bien défendu notre village, mais quoi faire devant les chars et les hélicoptères; et il y a aussi 15 autres martyrs d'autre familles, et parmi eux un général de la sécurité nationale.
J'étais dehors sous les tirs et les coups de feu, et on entendait le bruit des chars, c'était vraiment un vendredi sanglant, noir comme un cauchemar, et j'ai même pensé que je serai sûrement martyr comme les autres.
Je t'écris ces mots en pleurant pour mes proches, mes amis.
L'histoire est encore très longue et j'arrive pas à continuer, peut-être un jour j'écrirai.
                                                  
4. Idrab par Nathalie Laillet, citoyenne de Bethléem en Palestine
Samedi 9 mars 2002 - Toujours à Jérusalem occupée (à savoir Jérusalem-Est, déclarée territoire occupé depuis juin 1967 et considérée comme telle actuellement par les résolutions de l'ONU.)
Impossible de retourner chez moi [Bethléem, ndlr]. Les tanks sont devant ma maison. J'ai parlé avec certains de mes amis hier: «Ne rentre pas! Reste où tu es!» m'ont-ils tous dit. Alors je reste. En attendant des jours meilleurs. La mort dans l'âme.
Réveillée tard ce matin.
Je descends à la réception de l'hôtel, et la surprise! Ibrahim (j'ai changé les lieux et les prénoms) est là!
Ibrahim, c'est un de mes amis de Dheisheh! Il travaille illégalement en Israël, depuis des années. Il a 24 ans, onze frères et sœurs, et il est l'un des rares à rapporter des sous à la maison.
- Qu'est ce que tu fais là?
- Je voulais venir travailler...
- Comment tu es passé?
- Le check-point est totalement fermé. L'armée est partout. Je suis passé à pied, par le détour.
- Mais c'est super dangereux!
- Oui... Il y avait des tirs; je ne sais pas trop d'ou ça venait. Mais, alhamdoulillah (grâce à Dieu), je suis arrivé.
- Tu as mis combien de temps?
- Presque quatre heures.
- Et la situation là-bas?
Un silence. Ses yeux qui se plantent dans les miens.
- «Sa'ab, Nathalie, sa'ab» (difficile, Nathalie, difficile). Tu vois où est le restaurant «Taboun Zaman»?
- Oui.
- Les tanks sont là.
À dix mètres de l'endroit où je donne mes cours! Les propriétaires du restaurant, je les connais. Ce sont des chrétiens de Beit Jala. Leur fils ainé se prénomme Marcel, en l'honneur du chanteur Marcel Khalife.
Je pense à eux. Et aussi au propriétaire du supermarché d'à côté. C'est là-bas que j'achète mes cartes de téléphone et mon tabac pour le narguilé. Lui et moi, on passe des heures à discuter de la meilleure façon de préparer un bon narguilé...
Ibrahim continue:
- Les tanks sont là. Cette nuit, les soldats sont rentrés dans le camp. Ils ont essayé d'attraper des gens. On ne sait pas trop s'ils l'ont fait ou pas. Tu sais, tout le monde se terre chez soi, on a du mal à savoir ce qui se passe dans la maison d'à côté. À un moment, l'électricité a été coupée. Et aussi le téléphone. Tu sais, il y a deux morts dans le camp.
- Qui?
- Tu ne les connais pas.
(Je ne peux m'empêcher, dans ma tête, de prononcer un «alhamdoulillah» de soulagement...)
- Comment ils sont morts?
- Le premier, il était à sa fenêtre et il essayait de voir ce qui se passait. Il a pris une balle dans la tête.
- Quel âge?
- 22 ans.
- Allah yarhamo (Que Dieu le garde).
- L'autre,... c'était un tanzim. 22 ans aussi.
- Ils fréquentaient Ibdaa (association dans laquelle je bosse)?
- Le deuxième un peu... mais tu ne le connais pas.
On sort prendre un café. Tout est fermé. «Idrab», c'est-à-dire «grève». En mémoire des cinquante morts d'hier. Cinquante morts en une seule journée. Plus de deux morts par heure. C'est du carnage. Rien d'autre. Il serait peut-être temps d'appeler un chat un chat, vous ne croyez pas?
En sortant de l'hôtel, on tourne à gauche, on fait deux pas, et hop, demi-tour!
- «Fi jaish» (il y a l'armée), me dit Ibrahim.
Il n'a rien fait de mal. Mais puisque sur sa carte d'identité, il est écrit qu'il est de Bethléem (à 8 kilomètres de là), il risque gros par le seul fait qu'il se trouve là. On tourne. Détours dans la ville, par des ruelles que je ne connais pas. En chemin, les shebabs s'interpellent pour savoir où sont les patrouilles. On joue au chat et à la souris.
Devant un café parfumé à la cardamome, je lui demande ce qu'il risque s'il se fait prendre:
- La prison.
Puis il se reprend:
- Si le soldat est gentil (il y en a), il va contrôler mes papiers, me prendre ma carte d'identité, me faire patienter quelques heures, puis me relâcher. S'il est un peu moins gentil, il va me prendre mes papiers, m'emmener dans une ruelle, me tabasser, puis me lâcher. Enfin, s'il applique les ordres, c'est direct la prison.
Et il me dit tout ça avec un grand sourire! Avec effroi, je note que le «soldat tabasseur» est malgré tout rangé dans la catégorie «gentil»!
Un silence, puis il continue:
- Mon frère s'est fait tabasser en juin dernier au check de Bethléem. Côtes cassées. Et il a toujours mal au dos maintenant. Ce matin, mon père ne voulait pas que je parte. Il voulait que je reste à la maison. Mais moi je voulais venir bosser. Tant pis pour les risques.
- Tu ne rentres plus à Dheisheh?
- Seulement quand ils seront partis! Comme toi, quoi!
- Tu vas aller où?
- Je vais travailler, et je vais dormir là où je travaille.
- Tu ne sors pas de là?
- Seul, c'est trop dangereux.
Terré comme un rat quelque part dans Jérusalem occupée. Parce qu'il ne travaille pas du côté juif, Ibrahim. Il est à Jerusalem-Est, la Jérusalem arabe, la ville que les Palestiniens considèrent comme leur capitale.
On rentre là où il bosse. À chaque détour, à chaque tournant, on risque de tomber sur une patrouille. Alors, je joue les éclaireurs. Je pars devant, j'inspecte la rue et je lui fais signe.
- Tu sais, me dit-il, ce que tu viens de faire, c'est ce que je faisais dans le camp quand j'étais gamin. L'armée israélienne était dans le camp. Les hommes recherchés (à savoir, presque tous les hommes de plus de... 15 ans) nous envoyaient en éclaireurs. On était les seuls, nous les petits de moins de 10 ans, à pouvoir passer devant une patrouille sans se faire arrêter.
Ibrahim, je le connais depuis des mois. Ce n'est pas un terroriste. Un Palestinien, certes, et qui le clame haut et fort. Mais pas un terroriste.
J'ai vu ce matin des photos des hommes de 14 ans à 40 ans du camp de réfugiés de Tulkarem. Les forces d'occupation les ont mis dans l'école du camp (au passage, bâtiment géré par les Nations unies...). Depuis deux jours, ils sont là, accroupis et mains sur la tête. Ces photos sont sur les dépêches d'agence, sur des sites tel que Yahoo. Si vous voulez savoir, vous pouvez.
Qu'attendons-nous pour réagir, pour agir?
Je ne comprends plus ce monde occidental qui ne semble se préoccuper que de son bien-être, sa voiture, sa maison, ses vacances. Non, je ne comprends plus la «civilisation».
Quand un régime oppresse des gens, la résistance à l'oppression est un devoir. Ça ne vous rappelle pas quelque chose, ce truc? Les Droits de l'Homme, ce ne sont pas seulement des mots. Pour qu'ils aient une portée, encore faut-il les mettre en œuvre, ces mots. Il ne suffit pas de les faire apprendre par cœur aux gosses des écoles. Je pense particulièrement à nos hommes politiques, qui nous sortent toujours de belles phrases, mais que la seule pensée d'«agir», de «faire quelque chose» (dans tous les domaines), fait frémir. Je les ai écoutés, pendant mon séjour en France. J'ai honte pour eux.
Plus de cinquante morts pour la seule journée d'hier, dont six Israéliens. Une pensée pour eux, à la fin de ce message. Un moment de silence.
                                           
Rendez-vous

                                        
1. Rassemblement pacifique de protestation contre l'organisation au Palais des congrès de Marseille, d'une soirée de soutien à l'armée israélienne ce dimanche 17 mars 2002 à 18h30 au Métro Périer à Marseille à l'appel du Collectif Palestine et de l'Union juive française pour la paix [détails]
Alors que l'armée israélienne (Tsahal) multiplie ses massacres dans les territoires palestiniens, le Palais des Congrès de Marseille, s'apprête a accueillir ce dimanche 17 mars 2002 , une "Grande soirée de soutien à l'Armée de défense d'Israël" (Tsahal) organisée par "l'Association pour le Bien-être du Soldat Israélien" (ABSI) ! Au programme, sous le haut patronage du Chef d'état Major de l'Armée israélienne, le Général Shaul Mofaz, en présence de la Consul général d'Israël à Marseille, se succéderont à la tribune :
 - Jocelyn Zeitoun, Président de l'Association pour le Bien-être du Soldat Israélien à Marseille, par ailleurs 2ème vice-président de la Commission tourisme du Conseil Régional Provence-Alpes-Côtes d'Azur (apparenté PS) et ancien Président du CRIF Provence (Conseil représentatif des institutions juives de France),
[A lire ci-dessous, un extrait d'un interview qu'il avait accordé à l'hebdomadaire "Tribune Juive".]
- Gil Taïeb, Fondateur de l'Association pour le Bien-être du Soldat Israélien à Paris
- mais aussi, le Grand rabbin de Marseille, Charles Bismute, l'Attaché de défense de l'ambassade d'Israël, le Général Yehiel Gozal, le président mondial de l'ABSI, le Général Rami Dotan, le porte parole de Tsahal, le Lieutenant Colonel Olivier Rapowitch...
- Pour information :
Interview de Jocelyn Zeïtoun, 2ème vice-président de la Commission tourisme du Conseil Régional Provence-Alpes-Côtes d'Azur (apparenté PS), ancien Président du CRIF Provence (Conseil représentatif des institutions juives de France) - Propos recueillis par Olivier Gulan dans l'hebdomadaire "Tribune Juive" du 13 janvier 2000.
- EXTRAITS -
- Vous considérez-vous encore comme un militant communautaire ?
- Plus que jamais. Je participe à la vie associative, par différents canaux, je suis vice-président du Consistoire central... De plus, mes activités au Conseil Régional sont éminemment juives.
- Que voulez-vous dire ?
- En tant que vice-président de la commission tourisme, j'organise des voyages en Israël. J'emmène sur place des hommes politiques, des décideurs économiques... C'est un travail de terrain extrêmement utile, croyez-moi.
- Seriez-vous "le Juif" de Michel Vauzelle, le Président de la Région ?
- Je ne présenterais pas les choses ainsi. Mais je ne vois pas pourquoi je mettrais mes convictions et mon engagement au placard. Je contribue à renforcer les relations franco-israéliennes. Je n'ai pas à en rougir. On à dit trop longtemps : "La communauté n'a pas à se mêler de politique, ou le moins possible". Je suis d'un avis diamétralement opposé. Je suis favorable à une forme de lobbying.
                               
2. "Semaine Arabe 2002" à l'Ecole Normale Supérieure (ENS) à Paris
du vendredi 15 au lundi 25 mars 2002
[l'Ecole Normale Supérieure (ENS) 45, rue d'Ulm - Paris 5°]
Cette année, c'est autour du thème du voyage que se déroulera, du 15 au 25 mars, la Semaine arabe proposée par les élèves arabisants de l'École. Après le Yémen et la Palestine, c'est sur l'Irak que l'accent sera mis cette année. Plaisir ou nécessité, suscité par la soif de découvertes ou par une insupportable détresse: le voyage sera envisagé sous ses aspects les plus différents. Ainsi, l'intervention de Houari Touati (EHESS), Voyage et islam au Moyen Âge, permettra de mesurer l'importance du voyage dans l'élaboration de la culture et des sciences arabes, tandis que Ghislaine Alleaume (CEDEJ-Le Caire) nous parlera d'un voyage-expédition, celui de Bonaparte en Égypte, ainsi que de la mission scientifique égyptienne partie pour la France au XIX° siècle. Plus modestement, les élèves arabisants présenteront le film réalisé lors de leur dernier séjour linguistique et voyage d'études au Yémen; le héros de ce documentaire n'est autre qu'un étudiant yéménite aujourd'hui pensionnaire étranger de l'École.
Mais le voyage, c'est aussi l'émigration et l'exil, expériences vécues aujourd'hui par tant d'hommes et de femmes originaires du monde arabe. Brigitte Dumortier (Paris-IV) analysera un phénomène contemporain, celui de l'immigration de certaines populations vers les pays du Golfe. Le problème de l'immigration maghrébine en France sera plus particulièrement abordé par deux films récents de grande qualité: Vivre au paradis (fiction algérienne de Boualem Guerdjou) et Quand les hommes pleurent (documentaire marocain de Yasmine Kassari). Le voyage comme exil sera le propos des interventions de trois écrivains: Hoda Barakat, romancière libanaise installée à Paris; Edward Saïd, théoricien et critique littéraire palestino-américain qui, à travers son propre témoignage, nous parlera des intellectuels arabes en exil; Fawzi Karim, poète iraquien, qui proposera une lecture de poèmes choisis et d'un texte inédit sur sa vie en exil.
Les problèmes géopolitiques du monde arabe contemporain ne seront pas oubliés: l'actualité brûlante de l'Iraq sera abordée par Pierre-Jean Luizard (CNRS), celle de la Palestine par Camille Mansour (Universités de Bir Zeit et de Paris-II).
Le voyage marquera aussi les spectacles proposés en soirée. Les Mille et une nuits du conteur Jihad Derwish nous avaient captivés lors de la toute première Semaine arabe; il reviendra pour raconter l'épopée de Gilgamesh, voyage initiatique s'il en est. Un autre voyage, intérieur celui-là, sera célébré sous nos yeux par les derviches tourneurs d'Alep, qui lanceront notre semaine par un concert et des danses liturgiques soufies.
Enfin, on sait le rôle qu'à joué le voyage dans la naissance de la géographie arabe; durant toute la Semaine, le public pourra, grâce à l'exposition récente prêtée gracieusement par la Bibliothèque Nationale de France, admirer l'œuvre du géographe arabe al-Idrissi.
Nous sommes heureux de vous convier à cette semaine de découvertes et de réjouissances.
- Exposition permanente : "Al-Idrissi, Géographe arabe ", prêtée par la BNF : inauguration lundi 18 mars à 15h, avec le concours de l'ENS, de la Fondation de l'ENS, du COF et de la Bibliothèque Nationale de France.
Géopolitique : vendredi 15 mars, 17h30-19h30, salle Dussane. Camille Mansour (U. Bir-Zeit, U. Paris II) : Avenir de la question palestinienne.
- Concert : vendredi 15 mars, 20h30-22h30, Gymnase. Al-Kindy (Derviches tourneurs de Damas).
- Histoire contemporaine : lundi 18 mars, 17h30-19h30, salle Dussane. Pierre-Jean Luizard (CNRS) : Actualité de l'Irak.
- Film : lundi 18 mars, 20h30-22h30, salle Dussane. Vivre au Paradis (Fiction algérienne de Boualem Guerdjou) en présence de Magda Wassef (IMA).
- Géographie : mardi 19 mars, 17h30-19h30, salle Dussane. Brigitte Dumortier (Paris IV) : Immigration dans les pays du Golfe.
- Restauration : mardi 19 mars, 20h30-22h30, K-Fêt. Café Egyptien (Pâtisseries arabes, thé, karkadeh…).
- Anthropologie : mercredi 20 mars, 17h30-19h30, salle Dussane. Houari Touati (EHESS) : Voyage et Islam au Moyen Âge.
- Histoire : mercredi 20 mars, 20h30-22h30, salle Dussane.Ghislaine Alleaume (CEDEJ-Le Caire) : L'expédition de Bonaparte en Egypte.
- Poésie : jeudi 21 mars, 17h30-19h30, salle Dussane. Fawzi Karim (Irak-Londres) : Moi, poète irakien en exil.
- Film : jeudi 21 mars, 20h30-22h30, salle Dussane. Quand les hommes pleurent (Documentaire marocain de Yasmine Kassari) et film des Elèves au Yémen.
- Roman : vendredi 22 mars, 17h30-19h30, salle Dussane. Hoda Barakat (Liban-France) : Exil, périples et identité.
- Spectacle : vendredi 22 mars, 20h30-22h30, salle Dussane. Jihad Darwish (conteur) : L'épopée de Gilgamesh.
- Soirée orientale : vendredi 22 mars, à 23h, au Pot.
- Anthropologie : lundi 25 mars, 17h30-19h30, salle Dussane. Edward W. Saïd (U. Colombia) : Intellectuels arabes et exil.
[Renseignements : 01 44 32 32 76 ou gresh@horus.ens.fr]
                                                   
Dernière parution

                                               
Le droit au retour de Farouk Mardam-Bey et Elias Sanbar
aux éditions Actes Sud / Sindbad 
[250 pages - 139,06 FF / 21,2 euros - ISBN 2742736093]
Affirmé solennellement dès 1948 par l’ONU et réaffirmé depuis lors pendant près de cinquante ans par les grandes puissances, y compris les Etats-Unis, le droit au retour des réfugiés palestiniens est à présent dénié et décrié plus que toute autre revendication palestinienne. Non seulement en raison des réparations qu’il implique, humaines et financières, mais aussi et surtout parce qu’il rappelle aux Israéliens ce qu’ils préfèrent oublier : les conditions réelles dans lesquelles Israël a été fondé - et la Palestine rayée de la carte.
Cet ouvrage, qui constitue avec Jérusalem, le sacré et le politique, un diptyque original sur les dossiers les plus difficiles du conflit israélo-arabe, se propose d’expliquer pourquoi le droit au retour est jugé inaliénable et imprescriptible par les Palestiniens. Il voudrait, en particulier, montrer que sa prise en compte par Israël, comme cela a été esquissé lors des négociations de Taba en janvier 2001, ne met en cause ni l’existence ni le caractère juif de cet Etat, mais pourrait devenir, au contraire, l’acte inaugural d’une véritable réconciliation israélo-palestinienne et judéo-arabe.
                                                                
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1. Encore un plan de paix ?! - Dans le marchandage "quid pro quo", Israël en tient pour le "quid". Le "quo" peut attendre : n'attend-il pas depuis cinquante ans ? par Israël Shamir
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

(Israël Shamir est un journaliste juif israélien vivant à Jaffa. Ses articles peuvent être consultés sur le site : http://www.israelshamir.net)
Mardi 12 mars 2002 - Il fait déjà chaud, dans les collines adoucies qui longent la plaine. Des lupins cramoisis, dont la floraison soudaine nous rappelle que nous somme en mars, bordent la piste de terre battue entre le camp de réfugiés et une carrière voisine. L'endroit grouille de soldats, venus assister les agents de la sécurité dans leur tâche de sélection. Les hommes sont séparés des femmes ; on leur lie les poings avec des menottes en plastique produites à la chaîne, on leur passe des sacs plastique standard sur la tête. On les emmène à la carrière, on les bat. Certains sont abattus, d'autres - torturés. Leurs maisons ont été détruites par de gigantesques bulldozers Caterpillar. Aux environs de huit heures, vingt hommes avaient été exécutés.
C'était : matinée de nettoyage ethnique ordinaire en Palestine...
Sur une autre planète, à cinquante kilomètres de là, les Israéliens se débattent dans d'inextricables embouteillages. Une nouvelle journée de shopping et de loisirs commence. Dans les buildings Qiriya, qui abritent les services du gouvernement, des hommes politiques et des hauts fonctionnaires discutent entre eux du plan de paix saoudien. Le prince Abdallah a proposé la reconnaissance d'Israël par l'ensemble des pays arabes, en échange de son retrait complet des territoires occupés en 1967. En Israël, réactions reflètent la nature véritable des différences entre les tendances de l'opinion publique israélienne.
La brute Sharon et ses partisans de droite rejettent la proposition catégoriquement. Ils se moquent de la reconnaissance arabe comme de leur première chemise.
Le libéral Pérès du parti Travailliste y répond, en disant, en gros : "Mais oui, bien sûr ; nous acceptons le plan saoudien, qui nous fait bien plaisir. L'idée du Prince, de reconnaître et d'admettre Israël est une très bonne idée, c'est merveilleux. Nous ne rendrons certainement pas les territoires ni nous ne nous en retirerons... Mais ça ne fait rien : quel bon plan !"
Dans ce quid pro quo, la "gauche" juive en tient pour le 'quid'. Le 'quo' attendra. Cela fait d'ailleurs cinquante ans qu'il attend, alors... La droite israélienne, en revanche, n'est pas aussi intéressée que ça à jouer le jeu du "processus de paix".
L'objet de ce jeu est de calmer les nerfs tendus de nos contemporains, à qui il est donné d'être les témoins d'une chose déplaisante : un Holocauste Palestinien. C'est dur, de vivre sans espoir... C'est bien pourquoi des esprits féconds inventent de nouvelles propositions, de nouveaux cadres et de nouvelles tables de négociation. Et pendant les débats, l'Holocauste continue : on détruit la Palestine, on assassine les Palestiniens, on les torture. Et nous n'en sommes qu'aux prémisses de la nouvelle Nakbah. Dans Ha'Aretz de ce jour [1], Amnon Barzilai rend compte du dernier sondage d'opinion réalisé par l'Institut Jaffe pour les Etudes Stratégiques. Selon ce sondage, 46 % des Juifs en Israël sont en faveur de la déportation de masse (transfert) des Palestiniens. Si la question est posée sous une forme "politiquement plus correcte", les opinions en faveur de cette Solution Finale montent jusqu'à 60 %.
Les nazis n'ont jamais proclamé ouvertement leur intention de massacrer les Juifs et les Tziganes. Ils ont parlé de "déportation" et de "transfert", ainsi que de leur "Solution Finale". Même en 1938, ces idées ne bénéficiaient pas, dans l'Allemagne nazie, de la même faveur qu'elles ont aujourd'hui dans l'Etat juif.
Mais, l'Etat Juif, qu'est-ce donc ? Serait-ce Israël, cette lichette de terre, au Moyen-Orient ? Si tel était le cas, serait-il capable, comme il le fait, de plier à sa volonté les Européens et les Américains ? Un historien juif, Solomon Lurie, auteur d'une somme incontournable sur l'antisémitisme dans l'antiquité, a parlé d'un "Etat-nation juif non-territorial". Actuellement, ce puissant état-nation non-territorial, qui s'étend de New York à Moscou, a repris la doctrine nazie pour politique et adopté le génocide comme pratique. Une bonne illustration nous en est donnée par le professeur de droit d'Harvard, Alan Dershowitz, qui est juif et qui écrit dans le Jérusalem Post (dont le propriétaire est Sir Conrad Black) [2] : "le premier attentat terroriste (palestinien) devrait se traduire par la destruction du village qui a pu servir de base pour l'opération terroriste. Ses habitants auraient vingt-quatre heures pour partir, l'armée viendrait et passerait au bulldozer toutes les maisons". C'est ce que les troupes nazies faisaient couramment, en Europe occupée.
Etant donné que Dershowitz et d'autres, du même genre, ont formé des générations d'étudiants américains, tandis que Black (du Jérusalem Post) et ses camarades d'armes se faisaient les propagandistes zélés de ce programme, il n'est nullement étonnant que les Etats-Unis soutiennent à fond la machine de guerre judéo-nazie. Les rumeurs d'une attaque imminente des Etats-Unis contre l'Irak et l'Arabie saoudite n'avaient pas d'autre finalité que de pétrifier les pays arabes voisins dans un état d'expectative horrifiée.
Apparemment, cela a marché. Le prince saoudien Abdallah comprend sans doute aussi bien que quiconque, au Moyen-Orient, que toute "proposition de paix" sera récupérée pour les sionistes afin, en rendant les conversations interminables, de poursuivre leurs plans homicides. Mais sans doute le Prince a-t-il senti que son premier devoir s'adressait à son peuple, aux Saoudiens, sous la menace de l'épée de Damoclès de l'US Air Force. Ce plan n'a pas la moindre chance d'aboutir, il connaîtra le sort des autres, que ce soit celui de Zinni, celui de Tenet ou celui de Mitchell. Entre les années 1970 et 1972, toute une collection de plans de paix ont été proposés par Jarring et autres hommes d'état. Israël a mis a profit le temps gagné en parlottes pour renforcer sa ligne Bar-Lev, sur le canal de Suez, tantôt usant de manoeuvres dilatoires, tantôt rejetant purement et simplement les propositions versées au débat. La même chose s'est répétée, encore et encore... Après Madrid... Après Oslo...
Les plans des judéo-nazis sont sur la table. Les médias qu'ils contrôlent étouffent les reportages et les commentaires sur l'Holocauste Palestinien. Les Forces Armées US les assurent de leur totale protection. Rien n'empêchera leur poignard de s'abattre. Certainement pas les rituelles propositions de paix, quoi qu'il en soit.
Au lieu de dépenser sa salive inutilement, Sa Majesté Royale le Prince Abdallah et autres dirigeants feraient mieux de convertir en Euros et en or, sans plus attendre, leurs dépôts bancaires, toujours en dollars à ce jour. L'activité bancaire usurière, et donc intrinsèquement anti-islamique, devrait être mise hors-la-loi, comme toute autre méthode d'extorsion de fonds. Nous pouvons faire la même chose, et y ajouter un boycott total des journaux et des professeurs d'université qui se font les thuriféraire du génocide en Palestine.
L'humanité a encore une chance de sauver les Palestiniens et de se sauver elle-même. Dershowits, Black &Co doivent être traités comme les simples auxiliaires des crimes de guerre de Sharon - ce qu'ils sont - et l'Etat juif doit être dénazifié, aussi complètement que l'Allemagne l'a été après 1945.
- NOTES :
[1] :
http://www.haaretz.co.il/hasen/pages/ShArt.jhtml?itemNo=1410196 (en anglais) > Traduction en français de cet article, ci-dessous.
[2] : Lundi 11 mars 2002
                               
1.1. Un sondage d'opinion montre que les Israéliens juifs sont plus nombreux à être favorables au transfert des Palestiniens par Amnon Barzilai
in Ha'Aretz du mercredi 13 mars 2002
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Quelque 46 % des citoyens juifs d'Israël sont favorables au transfert des Palestiniens en-dehors des "territoires", tandis que 31 % se prononcent en faveur du transfert des Israéliens arabes hors du pays, indique le sondage annuel sur la sécurité nationale effectué par le Centre Jaffee pour les Etudes Stratégiques.
En 1991, 38 % de la population juive d'Israël était favorable au transfert des Palestiniens en-dehors des "territoires" ; 24 % se prononçant pour le transfert, y compris, des Arabes israéliens (hors d'Israël).
Lorsque la question du transfert est posée en des termes politiquement plus "soft", 60 % des répondants disent qu'ils sont favorables à l'idée "d'encourager les Arabes israéliens à quitter le pays". Les résultats du sondage révèlent également que 24 % des citoyens juifs d'Israël pensent que les Arabes israéliens ne sont pas loyaux envers l'Etat, à comparer aux 38 % qui pensent que les Arabes étaient loyaux envers l'Etat, au début de l'Intifada.
Le sondage, supervisé par le Professeur Asher Arian, a établi également que l'opinion publique juive en Israël est devenue plus extrémiste en matière de politique étrangère et de défense, ainsi que sur des concessions israéliennes éventuelles, en particulier au cours de négociations de paix.
Un échantillon représentatif de 1 264 résidents juifs d'Israël avait été interrogé pour ce sondage d'opinion, le mois dernier, au cours d'interviews en tête-à-tête.
Les Arabes israéliens représentent un danger pour la sécurité d'Israël pour 61 % de la population juive, alors qu'environ 80 % de cette dernière s'oppose à ce que les Arabes israéliens soient impliqués dans la prise de décisions importantes, telle la fixation des frontières internationales du pays, ce qui représente une augmentation, en comparaison avec  75 % en 2001 et 67 % en 2000.
72 % des Israéliens juifs sont opposés à ce que des partis politiques arabes soient associés à un gouvernement de coalition, à comparer avec 67 %, l'année dernière et 50 %, en 1999.
Ce glissement général vers la droite s'est accompagné d'une chute significative dans le soutien au processus d'Oslo, soutien passé de 57 % l'an dernier à 49 %, cette année.
Seulement 40 % des Juifs israéliens sont en faveur du transfert aux Palestiniens du contrôle de quartiers arabes de Jérusalem, dans le cadre d'un règlement de paix, à comparer à 51 %, l'an dernier. On constate également une chute du nombre de personnes qui accepteraient l'abandon, par Israël, des colonies, dans le cadre d'un accord avec les Palestiniens : 49 % sont favorables à leur abandon (à l'exception des grands blocs) dans le cadre d'un règlement définitif, à comparer à 55 %, l'année dernière.
Environ 40 % des répondants affirment que les actes de violence commis par les Palestiniens les ont rendus moins ouverts au compromis, tandis que 10 % d'entre eux, seulement, déclarent que la violence actuelle a eu, pour eux, l'effet inverse.
                                                    
2. La bataille de Palestine par par Israël Shamir
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Samedi 9 mars 2002
I - La route principale du haut-plateau palestinien, entre Naplouse et Jérusalem, passe par un défilé étroit, entre les collines de Samarie : le Wadi Haramiyyéh. Par endroits, ses murets retenant des terrasses plantées d'oliviers s'interrompent et laissent place à un village, comme le petit hameau charmant, aux maisons serrées, de Aïn Siniyyé, ou Sinjil, splendide bourgade dont le nom immortalise Raymond de Saint-Gilles, Comte de Toulouse, bailli et Croisé. Nous sommes au coeur de la Palestine : chaque pierre conserve la mémoire d'anciennes batailles et escarmouches. J'aime cet endroit : à Sinjil, on m'a pris pour le fils, né à l'étranger, de gens du coin qui étaient partis vivre en Amérique, dans les années quarante. A Aïn Siniyyé, un vieux paysan m'a parlé de son ami Moshe Sharet, Juif palestinien et ministre d'Etat israélien, qui a grandi dans ce village, des années avant la ségrégation sioniste. J'ai bu de l'eau à la petite source d'Aïn al-Haramiyyéh, protégée par un khan ottoman en ruines, une autre ruine, la Tour du Roi Baudouin, surveillant l'entrée méridionale du défilé. Le relief du lieu en fait l'emplacement idéal pour une embuscade de bandits de grands chemins. Le nom en est on ne peut mieux choisi : Wadi Haramiyyéh signifie en effet : "Vallée des brigands".
Le 3 mars, un Rob Roy palestinien, armé d'une vieille carabine datant de la Seconde guerre mondiale, a réussi à abattre toute une compagnie de Juifs armés jusqu'aux dents. L'un après l'autre, il a abattu les soldats et leurs officiers. Puis il a disparu, sain et sauf. D'un coup magistral, il a effacé le mythe surfait de la vaillance militaire israélienne. Jamais plus les partisans d'Israël ne pourront se gausser de la couardise des Arabes, jamais plus ils ne raconteront leurs histoires de chaussures abandonnées dans le Sinaï durant la Guerre des Six Jours. Cet homme,  renouvelant l'exploit de Karaméh a rendu aux Palestiniens leur honneur.
Il a, du même coup, offert une saine alternative à l'attraction morbide des attentats-suicides : ce n'était pas trop tôt. Depuis longtemps je voulais dissuader mes frères palestiniens et mes soeurs palestiniennes de commettre cette folie, mais je détestais l'idée de courir le risque d'être pris pour un instrument du sionisme. Je comprends les motivations des shahids (les martyrs), je salue leur courage, mais je regrette profondément leurs actes. Il s'agit d'actes contre-productifs, inutiles, aveugles. Je suis sûr (1) que certaines cellules terroristes sont complètement manipulées par les services secrets israéliens : trop souvent, les bombes explosent là où il ne faut pas, quand il ne faut pas, contre des objectifs totalement erronés. Leurs actes sont récupérés à fond par la propagande israélienne. Leur mort est une perte terrible pour l'humanité. Ils sacrifient leur vie comme le fils d'Abraham s'était offert au couteau. Mais Dieu lui avait substitué, à l'instant fatidique, un bélier.
Le tireur d'élite a ouvert une route différente vers la gloire, une route qui ne passe pas par la Vallée de la Mort. L'histoire de la Bataille de Haramiyyéh devrait être chantée par les bardes, et enseignée aux résistants combattants partout dans le monde. À un contre dix, le Commando Seul a atteint le symbole le plus haïssable de la loi juive en Palestine, un barrage militaire. Ces barrages où des soldats israéliens désoeuvrés, gavés et sadiques humilient quotidiennement, battent et souvent assassinent la population locale.
Juste la veille, les soldats avaient commis sans doute l'un de leurs actes de cruauté les plus révoltants et lâches. Une femme palestinienne, sur le point d'accoucher, s'était présentée devant le barrage, soutenue par son mari. Les soldats l'avaient laissée passer, puis ils avaient tiré. Son mari avait été tué. La Palestinienne, blessée, a accouché à l'hôpital. Les soldats n'avaient nullement été sanctionnés, mais l'armée avait "exprimé ses regrets" aux survivants...
Le souci principal de l'armée israélienne est de maintenir la population en état de vulnérabilité totale et dans l'incapacité de se défendre. Les soldats sont accoutumés à abattre des civils innocents. Leurs victimes préférées sont les enfants ; leur arme de prédilection, un fusil de précision à longue portée et à haute vélocité. Leur conception de l'amusement a été observé par un expert de "la face sombre des Forces Israéliennes de Défense", le chef du bureau du New York Times au Moyen-Orient, Chris Hedges : ils déversent un torrent d'injures sur les enfants d'un camp de réfugié, puis ils leur tirent dessus et les estropient à vie lorsqu'ils s'approchent du piège mortel (2).
Il n'en reste pas moins que les tirs contre la femme enceinte était un acte aussi fatal que l'assassinat de la femme du Lévite, dans la Bible. Le Seigneur Dieu de Palestine a entrevu le calvaire de Ses enfants. Les agissements odieux des soldats sionistes devaient être punis. La malédiction prononcée par le Seigneur contre les enfants égarés d'Israël (Deutéronome 28) leur est retombée sur la tête. Quelques soient les conclusions de la commission militaire d'enquête, c'est là l'explication la plus vraisemblable de cet événement. Celui Qui a donné la victoire au jeune berger David contre Goliath, a accordé la victoire au combattant isolé de Wadi Haramiyyéh.
L'attaque-surprise contre le chekpoint a asséné un coup mortel au complexe de supériorité psychotique des Israéliens. Les lâches et les sadiques, en effet, sont incapables d'encaisser une défaite ; ils y répondent par la rage de tuer. C'est pourquoi l'armée israélienne a entrepris sans tarder de livrer un assaut en règle contre des villes et des villages palestiniens. Au moment où j'écris, les soldats israéliens tirent contre les ambulances qui tentent d'emmener les blessés. Les avions de chasse américains, pilotés par des Israéliens, bombardent l'école pour enfants aveugles de Gaza. Des commandos de choc de la division Golani, secondés par des chars, investissent le camp de réfugiés de Tulkarem. Ils se préparent à réitérer le massacre de Sabra et Chatila, dernier en date des hauts-faits du général Sharon. Leur manuel ? Les mémoires du commandant de la Waffen-SS qui avait écrasé le ghetto de Varsovie. Ils sont tout excités par les pertes extrêmement faibles de la Wermacht, en 1943, et ils espèrent en répéter la performance en écrasant les Palestiniens (3).
Sharon a surpassé Hitler : le dictateur allemand avait évité soigneusement de donner l'ordre de tuer les Juifs : le führer juif a appelé sans ambages à tuer les goyiim au journal de vingt heures, à la télévision israélienne. Alors que de nombreux Allemands, auxquels les nazis faisaient horreur, avaient au péril de leur vie fui leur pays pour aller servir dans les armées alliées contre le Troisième Reich, les Juifs hésitent encore à rompre le lien de fausse loyauté envers leur Troisième Malkuth. Les Israéliens de conscience refusent de participer directement au nettoyage ethnique. C'est très bien. Mais cela ne saurait suffire. Nous devons suivre l'exemple d'Erns Thaelmann et de Joe Slovo, franchir les lignes et rejoindre les combattants palestiniens sur les barricades de Gaza et de Tulkarem. Dans le quotidien anglais The Guardian (4), Jonathan Freedland qualifie les protestataires israéliens de "héros". Je tiens ce titre en réserve, en ce qui me concerne, pour le tireur d'élite de la Vallée des Brigands.
II - Il y a quelque temps de cela, je décrivais la guerre qui se déroule en Palestine de "génocide rampant". Aujourd'hui, le processus s'accélère. Je doute qu'il pût en aller autrement, étant donné que le paradigme juif des faits accomplis est cause inéluctable de génocide et de transfert de population. Les gouvernements largement dominés par des Juifs de la Pologne et de la Tchécoslovaquie d'après-guerre ont mené une politique génocidaire de transfert de leur population allemande, en 1945. Le gouvernement très majoritairement juif de la Hongrie révolutionnaire de 1919 a massacré ses opposants à grande échelle. Les Juifs occupaient une place éminente dans le gouvernement d'Atatürk lorsque les Grecs furent massacrés à Smyrne (Izmir). Ce paradigme n'a pas besoin de Juifs ethniques pour être appliqué : l'Allemagne nazie a mis en pratique son idéologie raciste contre les Juifs en recourant au paradigme judaïque de pureté et de supériorité raciales.
Une différence : depuis 1945, les Allemands paient pour les atrocités commises. Leur remords a complètement brisé leur volonté. Mais les Juifs ont très peu de remords pour les transferts et les massacres. John Sack, écrivain juif américain, a décrit la participation des Juifs aux atrocités commises après la chute du Reich, en 1945, dans son livre "Oeil pour oeil". Cet ouvrage aurait pu fournir l'occasion d'une catharsis, de regrets profonds, de remords. Mais non, bien loin de là. Le livre fut interdit et Sack devint une non-personne. Le comportement étrange de Benny Morris, le "nouvel historien" israélien, a stupéfié plus d'un de ses amis : comment l'homme qui a décrit l'Holocauste palestinien de 1948, Al-Nakbah, peut-il être aujourd'hui un détracteur de la cause palestinienne ? Rien d'étonnant à cela, en réalité : tuer et transférer des Gentils n'est en rien motif à regret, dans le paradigme juif de supériorité.
Il n'est pas du tout étonnant que ce paradigme archaïque ait pris un tel ascendant dans l'Etat juif. Il y a quelques jours, la télévision israélienne a diffusé un débat fort animé sur les avantages du transfert (des Palestiniens, ndt). Tout le monde n'était pas en faveur de cette "solution", mais les chauds partisans du transfert n'ont absolument pas été stigmatisés. Ils étaient là, assis, tranquillement, appelant au massacre de masse et à l'expulsion des Palestiniens avec des sourires suffisants, citant abondamment les transferts précédents pour appuyer la légitimité de leur cause. La nouvelle la plus horrifiante jusqu'à ce jour a été diffusée aujourd'hui par Israël et servilement reprise telle quelle par CNN et les médias détenus par les Juifs partout ailleurs. L'information première concernait la mort d'un sergent israélien, suivie par la mention - pour mémoire - de celle de cinquante Palestiniens.
Comment est-ce possible ? Les Israéliens ne sont pas des monstres, ni les Juifs. Même Sharon a l'air d'un nounours câlinable, a dit le général américain Zinni. Comment nos compatriotes fondamentalement sympas sont-ils capables de commettre des crimes horribles et cependant de rester plutôt sympas ? Ce paradoxe trouve ses racines dans un clivage artificiel, dans la mentalité juive, entre les Juifs et les non-Juifs. Dans l'enchaînement "Juif-Gentil-animal", la différence entre les deux premiers termes et beaucoup plus importante que celle qui existe entre les deuxième et troisième, décrète doctement le Taniya, un recueil d'enseignements juifs traditionnels. Cette notion est bien ancrée dans le subconscient de très nombreux Juifs, bons comme mauvais.
Tandis que les mauvais Juifs de l'espèce de Sharon assassinent les Gentils sans le moindre remords, de nombreux bons Juifs protestent contre les agissements de Sharon comme ils le feraient contre le traitement cruel d'animaux. Il est de fait qu'à Tel-Aviv, il y a plus d'affiches, sur les murs, protestant contre l'inhumanité du gavage des oies que d'affiches dénonçant les massacres de Goyiim.
Le Talmud prône la compassion envers les animaux, comme nous le voyons dans cette fable. Un mouton, qu'on amenait à l'abattoir, avait essayé de se mettre à l'abri auprès du Rabbin Judah Princeps. Mais celui-ci dit que le destin normal d'un mouton était d'être abattu. Comme il avait failli à la mansuétude envers le mouton, Dieu lui retira sa mansuétude divine, et le saint Rabbin souffrit, des années durant, de terribles douleurs rénales. Des années après, il intervint pour interdire que l'on tuât des guêpes : cette preuve de compassion amena Dieu à revenir sur Son jugement. Mais il y a une profonde absence de compassion envers les non-Juifs. Ils sont fréquemment comparés à des animaux. Si sauver un animal en danger est un devoir, il n'y a aucune obligation à porter secours à un Gentil. Ce paradoxe associant la compassion envers les animaux et l'absence de sensibilité envers les Gentils se traduit par de nombreuses anomalies dans l'attitude des Juifs.
En dépit des bons sentiments envers les animaux, les gens n'hésitent pas à les vendre, à les tuer, à les séparer et à les déplacer où cela est jugé nécessaire. Nous ne considérons pas cela comme un péché ni comme un comportement répréhensible. Lady Macbeth avait perdu le sommeil à cause du sang versé, mais une personne ayant une façon juive de voir les choses n'aurait ressenti aucun malaise. Elle serait restée elle-même, enjouée, après avoir tué des paysans palestiniens à Kafr Kassem en 1956, des prisonniers de guerre égyptiens, en 1967 voire même des gens appartenant à la petite noblesse terrienne en Russie et en Hongrie, en 1920, des Allemands et des Polonais en 1945, des Irakiens et des Afghans en 2002...
Cette personne ne donnerait pas l'impression d'être un tueur maniaque, car elle se considérerait elle-même comme absolument normale. J'ai rencontré de nombreux tueurs et tortionnaires professionnels, en Israël : aucun d'entre eux n'avaient la moindre idée de ce que pouvaient bien être les soubresauts de la conscience. Un ancien juge de la Cour suprême israélienne, Moshe Landoi, a autorisé la torture "modérée" des Goyiim détenus, mais leurs cris ne l'ont jamais empêché de dormir. Il est toujours honoré par ses collègues et les médias. Dans une interview, un responsable du Shabak (service de renseignement israélien) s'est vanté d'avoir écrasé la tête d'un prisonnier Palestinien à coups de pierre (5). Il ne comprenait pas que l'on puisse trouver cela critiquable. Et effectivement, lorsque sa carrière souffrit un léger contre-temps, de nombreux députés et l'opinion publique israélienne lui manifestèrent leur soutien.
La profonde conviction que nous avons raison nous rend, nous autres, Juifs, très différents. Cela rend la tâche des bons Juifs d'autant plus difficile. Nous ne dérangeons pas assez. Les Juifs nazis sont on ne peut plus tolérants à l'égard des Juifs libéraux : les deux parties entretiennent entre elles les relations tendues, mais vivables, du type de celles qu'entretiennent entre eux un chasseur et un végétarien, et non entre un chasseur et sa proie. Rares sont les Juifs radicaux tels le groupe Al-Awdah à casser le moule de la complaisance en rejetant l'idée-même d'un Etat juif et du peuple éternel d'Israël.
La réserve vis-à-vis du non-Juif se manifeste dans l'endogamie juive, la tradition du mariage à l'intérieur de la communauté. Dans le Talmud, le mariage avec un Gentil est assimilé à la bestialité. Au vingtième siècle, encore, l'écrivain Sholom Aleichem décrit son bon Juif, Tevie le laitier (dans Un violon sur le toit), pratiquant scrupuleusement les rites de deuil après que sa fille ait épousé un Gentil. L'année dernière encore, Mortimer Zuckerman, propriétaire de plusieurs journaux américains, a divorcé de sa femme non-juive afin de pouvoir être élu à la tête de la communauté juive aux Etats-Unis. (C'est dommage, car) des Juifs, mariés en-dehors de la communauté, brisent généralement les amarres d'avec la juiverie organisée, se départissent de leur racisme et intègrent la commune humanité.
Les enfants de mariages mixtes sont souvent perdus quant à leur véritable statut vis-à-vis de la communauté juive. Quoi que puissent leur dire leurs parents bien intentionnés, ils sont le plus souvent considérés comme des bâtards impurs, indignes d'être investi d'une quelconque responsabilité dans la communauté. La communauté les utilisera, les exploitera, puis elle les rejettera. Ce schéma est couramment constaté en Israël, où les enfants de mariages mixtes font le service militaire mais sont enterrés en-dehors de l'enceinte (du cimetière militaire) s'ils meurent pour l'Etat juif. Ils feraient mieux, tout en conservant un intérêt modéré pour leurs origines, d'aller partager le sort de gens enclins à les accepter pleinement parmi eux.
La flambée actuelle de paradigme juif n'est pas la première. C'est comme le Freddy du film d'horreur Elm Street : dès que ce concept se matérialise, il provoque un génocide. Le génocide total de la Bible, perpétré par Josué, a servi de modèle aux génocidaires Hasmonéens, les massacres de Bar Kochba ont conduit aux massacres de gentils au Yemen et en Palestine, à Chypre et à Alexandrie. Ils ont été largement surpassés par le génocide à grande échelle commis par les chefs juifs khazars. Le génocide des Palestiniens ne sera pas oublié, et il causera le génocide des Juifs. C'est pourquoi je pense que le spectre sanglant d'un Etat juif devrait être enterré.
Nous proposons un paradigme différent, celui de l'égalité. Après tout, la véritable césure n'est pas entre les Arabes et les Juifs, elle est entre les Sionazis et tous les autres. Les dirigeants actuels d'Israël ont commis des crimes de guerre horribles qui leur ont fait perdre les derniers vestiges de leur légitimité. Il y a un besoin urgent d'établir une nouvelle direction pour l'ensemble de la Palestine, en s'inspirant de l'ANC sud-africaine, un leadership regroupant toutes les communautés religieuses et ethniques de Palestine, un leadership qui appellera les citoyens à prendre les armes contre le dictateur assoiffé de sang Sharon.
- NOTES :
(1) : voir mon article Doute et Certitude
(2) : publié par Harpers Magazine, octobre 2001,
http://www.harpers.org/online/gaza_diary/?pg=1
(3) : Ha'Aretz, 27.01.2002
(4) : Guardian, 06.03.2002
(5) : Les crimes du Shin Bet, par John Danisezwski, La confession d'un meurtre commis de sang froid glace Israël d'effroi ; Moyen-Orient : Le service de sécurité Shin Bet fait face à de nouvelles critiques : un de ses agent décrit la mort de prisonniers, en 1948, Los Angeles Times, Home Edition, 27.02.1996, p. A-1 (haut de page)

                           
Revue de presse

                   
1. Un photographe italien tué par des tirs israéliens à Ramallah
Dépêche de l"agence Reuters du mercredi 13 mars 2002, 10h49
ROME - Un photographe italien, Raffaele Ciriello, a succombé à ses blessures après avoir été touché par des tirs israéliens à Ramallah, annonce le ministère italien des Affaires étrangères.
De source hospitalière dans cette ville de Cisjordanie, on avait auparavant rapporté que le photographe avait été touché de six balles à la poitrine.
Le ministère italien a demandé aux autorités israéliennes d'ouvrir une enquête sur les circonstances de la mort de journaliste indépendant expérimenté, qui avait notamment couvert les conflits en Sierra Leone, en Afghanistan, au Rwanda, au Liban et au Kosovo.
L'armée israélienne, qui quadrille cette ville de 200.000 âmes située à une vingtaine de km au nord de Jérusalem, vérifie pour le moment l'information. 
                        
2. Vote historique au Conseil de sécurité : l'Etat palestinien mentionné
Dépêche de l'Agence France Palestine du mercredi 13 mars 2002, 8h06
NEW YORK - Dans un vote historique tard dans la nuit de mardi à mercredi et à l'issue d'ultimes tractations, le Conseil de sécurité a fait figurer pour la première fois dans une résolution, la mention d'Etat palestinien.
La résolution 1397, dont la présentation par les Etats-Unis avait constitué un coup de théâtre, a été adoptée peu avant minuit mardi (05H00 GMT mercredi) par 14 voix pour et une abstention, celle de la Syrie, membre non permanente du Conseil. Premier texte sur le Proche-Orient depuis octobre 2000, elle a été adoptée à l'issue de la journée de mardi qui, avec 37 morts, a été l'une des plus meurtrières depuis la reprise des violences dont le bilan, en dix huit mois, dépasse les 1.500 tués.
Le Conseil de sécurité, dans la deuxième phrase de ce texte de moins de trente lignes, se déclare "attaché à la vision d'une région dans laquelle deux Etats, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, à l'intérieur de frontières reconnues et sûres". Les tractations se sont poursuivies jusqu'à la dernière minute mais en vain pour tenter d'obtenir que la Syrie participe au vote, "son abstention faisant remarquer un diplomate, risquant d'ôter beaucoup de signification politique à un texte aussi important".
Le représentant syrien, Mikhaïl Wehbe, a expliqué l'abstention de son pays par le fait que cette résolution "était faible" et "ne mentionnait pas la question de l'occupation israélienne". "Elle met le bourreau et ses victimes sur le même pied", a-t-il ajouté dans une déclaration lue en séance publique avant le mise au voix du texte.
Cette résolution, a déclaré John Negroponte, l'ambassadeur des Etats-Unis aux Nations Unies, était "une initiative pour capturer un consensus assez large sur ce que doit être le processus d'un règlement au Proche-Orient". Il a ajouté que la mention d'un état palestinien ne constituait pas un changement de la politique de Washington faisant remarquer le président George W. Bush lui-même avait parlé de son existence.
Yehuda Lancry, le représentant d'Israël, a assuré trouver cette résolution "balancée" ce qui, a-t-il fait remarquer, "constitue au Conseil de sécurité pour Israël une nouveauté, un fait rare et remarquable". Ce n'est pas l'avis d'un autre diplomate qui déclarait dans les couloirs du Conseil que "le message adressé ce soir était un message sévère au Premier ministre d'Israël".
Le représentant palestinien aux Nations Unies, Nasser al Kidwa a estimé pour sa part que la résolution "aiderait à la situation sur le terrain". "Le fait que les Etats-Unis ont présenté ce texte est en soi significatif", a-t-il ajouté.
L'ambassadeur de France a également souligné le fait que "pour la première fois depuis des décennies, les Etats-Unis ont pris l'initiative d'une résolution sur le Proche-Orient". "C'est le début d'un processus prometteur du réengagement des Etats-Unis au Proche-Orient et de leur réengagement au Conseil de sécurité sur ce dossier essentiel", a estimé Jean-David Levitte.
                                 
 
3. Le malheur des autres par Luis Lema
in Le Temps (quotidien suisse) du mercredi 13 mars 2002
Jusqu'au dernier jour, Ariel Sharon sera l'homme d'une seule idée. Pour venir à bout de ce qu'il décrit comme une guerre contre les Arabes longue déjà de plus de 120 ans, une seule arme est efficace, du moins à ses yeux: la dissuasion. Pour éviter d'être frappé, il faut frapper le premier. Sonné par un coup fort, il faut le rendre plus fort encore. Cette doctrine, le premier ministre israélien ne pouvait plus l'appliquer comme il l'entendait. Parce que le bruit des bombes du Proche-Orient gêne l'Amérique et parce que les cris des Palestiniens mettent mal à l'aise son allié travailliste, Ariel Sharon devait trouver un moyen de se procurer de l'oxygène diplomatique. Il l'a fait ces derniers jours, semblant revenir sur des exigences qu'il a toujours formulées comme préalables à l'ouverture du dialogue avec les Palestiniens: le retour au calme et la destruction «des réseaux terroristes». Ariel Sharon sait que s'il n'avait pas cédé de lui-même, l'Amérique l'aurait obligé à le faire. C'est sa nouvelle flexibilité, apparente, qui lui laisse aujourd'hui les coudées franches pour écraser ce qu'il reste de la Palestine autonome et pour humilier des centaines d'hommes faits prisonniers. Demain, lorsque viendra l'émissaire américain Anthony Zinni, il sera toujours temps de clarifier la portée réelle des «concessions». Pour l'instant, une seule chose compte: rétablir, par l'usage de la force, le moral d'un pays ébranlé par les attaques portées contre lui. Cette recette a marché pour l'Amérique de l'après-11 septembre, elle marchera pour l'Israël de l'après-Oslo, doit se dire le général Sharon. Il fait ainsi mine d'ignorer qu'il dirige actuellement un pays qui saigne, qui pleure et qui commence à nouveau à douter, après avoir traversé un an de guerre tête baissée. Aujourd'hui comme hier, ce n'est pas en redoublant le malheur des autres qu'Israël parviendra à trouver la paix et la sécurité auxquelles il aspire.
                               
4. Indignation à propos de réunions "en l'honneur de Tsahal" en France par Mouna Naïm
in Le Monde du mercredi 13 mars 2002

DANS DES LETTRES au président de la République, Jacques Chirac, au premier ministre, Lionel Jospin, au ministre des affaires étrangères, Hubert Védrine, ainsi qu'au maire de Paris, Bertrand Delanoë, la Coordination des appels pour une paix juste au Proche-Orient (Capjpo) exprime son indignation à l'annonce de manifestations "en l'honneur de Tsahal", "dont la tenue, souligne la Capjpo, serait déshonorante pour la France".
L'association Pour le bien-être du soldat israélien, écrit la Capjpo, "a ainsi prévu de tenir à Lyon, Marseille et Paris, du 14 au 18 mars, des réunions dont l'objet explicite est de célébrer la gloire de l'armée israélienne et de collecter des fonds pour son développement".     
A Paris, où la réunion est programmée le 18 mars à 20 heures au Palais des sports, les organisateurs annoncent la présence du chef d'état-major de la marine israélienne, le général Yedidia Yaari, de la vice-ministre de la défense, Dalia Rabin-Philosoph, de l'ambassadeur d'Israël, Elie Barnavi, et son attaché de défense.
"Est-il possible qu'à l'heure où l'armée israélienne interdit le concert pour la paix de Daniel Barenboïm et prend pour cible les personnels médicaux palestiniens et les ambulances du Croissant-Rouge, en violation flagrante des conventions de Genève, se tiennent dans notre pays de telles manifestations à la gloire d'une armée d'occupation et de ses crimes ?", interroge la Capjpo.
"TOURNEE DE PROTESTATION "
"Quel crédit l'opinion française et internationale pourraient-elles donner aux propos du ministre des affaires étrangères dénonçant avec justesse la "carte blanche" donnée par le gouvernement israélien à son armée pour "tuer beaucoup de Palestiniens" si de telles provocations se déroulaient sur le sol de notre pays ? Aucun, vous l'aurez compris", souligne la Capjpo, au nom des plus de 2 500 signataires de l'Appel pour une paix juste au Proche-Orient. Elle demande que soit "empêché un tel scandale, générateur d'un grave trouble de l'opinion et de l'ordre publics".
Les documents relatifs à ces manifestations, notamment des encarts publicitaires publiés par des journaux de la communauté juive, ont été remis jeudi à un haut fonctionnaire du Quai d'Orsay par une délégation de la Capjpo. De son côté, l'association Bus urgence Palestine organise le 14 mars un rassemblement place des Invalides pour une "tournée de protestation -contre ces manifestations- à Matignon, au Quai d'Orsay et à la Mairie de Paris".
                               
5. Le Dr Folamour vit toujours au Pentagone par Jean Chatain
in L'Humanité du mardi 12 mars 2002

Washington. Un rapport " secret " prévoit le recours à l'arme nucléaire contre sept pays, dont l'Irak.
Jusqu'alors définie comme " dissuasive ", l'arme nucléaire changerait de vocation aux yeux de la Maison-Blanche, si l'on en croit les révélations publiées samedi par le Los Angeles Times. Selon ce journal, Washington a demandé aux militaires de préparer des plans contre sept pays. Quatre nations arabo-musulmanes (Irak, Iran, Libye et Syrie), la Corée du Nord, mais aussi la Russie et la Chine ! Réaction empêtrée, dimanche, du secrétaire d'Etat Colin Powell déclarant à la chaîne CBS que cela ne signifie pas qu'une opération américaine soit imminente mais qu'il s'agit d'une... " saine planification conceptuelle militaire ". Une tentative pour minimiser les choses qui, en l'occurrence, revient à verser encore un peu plus d'huile sur le feu.
Le rapport " secret " du Pentagone aurait été présenté au Congrès le 8 janvier dernier. Il prévoit le recours au nucléaire dans trois cas de figure : " Contre des cibles capables de résister à une attaque non nucléaire " ; " en représailles à une attaque à l'arme nucléaire, biologique ou chimique " ; " dans le cas d'événements militaires surprenants ". Autant dire que la Maison-Blanche se réserve toute latitude pour décider du recours à la " bombe ", la notion de " surprenant " étant par définition extensible à merci.
Le Pentagone se déclarerait prêt à utiliser l'arme nucléaire dans le cadre d'un conflit arabo-israélien. Il présente formellement cette option comme une " riposte à une attaque irakienne contre Israël ". Ce dernier, qui a refusé de signer le traité de non-prolifération, étant l'Etat le plus nucléarisé de la région, l'hypothèse semble surtout viser à donner forme recevable à cette volte-face du discours stratégique américain, définissant désormais l'arme nucléaire comme une arme offensive parmi d'autres, tout en présentant toujours plus Bagdad sous un jour menaçant.
De fait, il se confirme que l'Irak est dans le collimateur. Le premier Britannique recevait hier le vice-président américain Dick Cheney pour lui donner de nouveaux gages de soutien à ce propos. Il doit cependant composer avec les réticences au sein même de son parti face une possible offensive contre l'Irak (70 députés du Labour ont signé une motion dénonçant cette perspective). Tony Blair aurait dit à des proches qu'il était prêt à appuyer une telle opération le moment venu, tout en sachant qu'elle sera impopulaire, écrit le Times de lundi. Le " statu quo " des relations de l'Irak avec la communauté internationale " n'est pas acceptable ", avait déclaré la veille la conseillère présidentielle américaine pour la sécurité nationale, Condoleezza Rice, et " ça ne peut pas durer éternellement ".
Le rapport du Pentagone a bien évidemment polarisé l'attention des autres capitales concernées. · commencer par Moscou. " Le Pentagone a décidé de vérifier la réaction des militaires et des hommes politiques russes ", en organisant cette " fuite ", a ainsi déclaré Dimitri Rogozine, président de la commission des Affaires étrangères de la Douma, soulignant que " les tentatives de déplacer les armes nucléaires d'une catégorie politique à une catégorie d'armes qui puissent être utilisées dans un conflit sont dangereuses pour les Etats-Unis eux-mêmes ". Il rejoint ainsi John Isaacs, figure du monde associatif américain, qui qualifie le rapport de " très, très dangereux ", avant de citer le vieux film de Stanley Kubrick et constater : "Le Docteur Folamour est toujours vivant au Pentagone."
                           
6. Arafat accuse l'armée israélienne de "nouveau racisme nazi" par Arieh O'Sullivan
Jerusalem Post (quotidien israélien) du mardi 12 mars 2002
[traduit de l'anglais par Mimi Tal]
Jérusalem - Le président de l'Autorité Palestinienne Yasser Arafat a dit, dans une interview radiodiffusée hier, que la conduite de l'armée israélienne au cours des rafles de militants palestiniens menées dans les camps de réfugiés de Cisjordanie était comparable à «un nouveau racisme nazi».
L'armée a rejeté l'accusation comme obscène et absurde.
«Vous avez vu ce qu'ils ont mis sur les détenus du camp de réfugiés de Tulkarem - ces numéros sur leurs bras?» a dit Arafat à la télévision de Abu Dhabi, se référant à la rafle menée dans le camp de réfugiés la semaine dernière, pendant laquelle les troupes ont arrêté des centaines de Palestiniens pour les interroger sur leurs liens éventuels avec des groupes terroristes.
«N'est-ce pas ce qu'ils disent que les nazis ont fait aux juifs? Qu'est-ce qu'ils ont à dire à ce sujet? N'est-ce pas un nouveau racisme nazi?», a-t-il dit dans l'interview, enregistrée dans son quartier général de Ramallah. Des extraits ont été montrés à la télévision israélienne.
Un porte-parole de l'armée israélienne a rejeté la comparaison avec l'Allemagne nazie, où les juifs étaient tatoués dans les camps de concentration, portant un numéro d'identification.
«Cette déclaration est absurde et obscène, et ne mérite aucun autre commentaire.»
«La comparaison des actions de l'armée israélienne dans les Territoires, avec les horreurs subies par le peuple juif pendant l'Holocauste est cynique et inappropriée.»
«Les soldats de l'armée israélienne ont reçu pour instructions de se comporter humainement», selon une déclaration de l'armée israélienne.
Une source militaire a dit qu'on a donné un numéro aux 1.200 prisonniers de Tulkarem pour faciliter leur interrogatoire. Elle dit que les numéros ont été écrits sur leurs bras avec une encre qui s'efface. C'est la même procédure employée par les soldats sur eux-mêmes lorsqu'ils pénétraient en convois au Liban, a ajouté cette source.
[Flash d'information sur la page d'accueil Internet du quotidien israélien Ha'Aretz, le 12 mars 2002 à 11h28  - "Le chef de l'armée israélienne donne l'ordre d'arrêter d'écrire des numéros sur les bras des prisonniers palestiniens." (radio israélienne)]
                                       
7. Manif à Marseille
in L'Humanité du lundi 11 mars 2002
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté leur soutien au peuple palestinien samedi à Marseille, à l'appel de deux associations : l'Union juive française pour la paix et l'Association médicale franco-palestinienne.
Les participants se sont rassemblés sur le Vieux-Port pour dénoncer " la purification rampante " et " intolérable " du peuple palestinien et demander " le retrait des troupes d'occupation israéliennes ", " le respect du droit international " ainsi que " la présence d'une force internationale d'interposition ". Les différentes organisations ont souligné combien l'évolution actuelle et en particulier la politique d'Ariel Sharon mettaient en péril l'amitié judéo-arabe dont elles se revendiquent elles-mêmes pour construire une issue au conflit.
Elles ont également appelé la France à prendre des sanctions contre l'Etat israélien et à condamner " les actes de guerre du gouvernement d'Ariel Sharon ". Les manifestants, munis de banderoles appelant au " Respect des droits des Palestiniens " et à mettre " Dehors colons et soldats ", se sont ensuite rendus à la préfecture pour y remettre un courrier présentant leurs revendications en faveur d'une paix juste et durable.
                       
8. On ne peut l'accepter ni d'Israël ni de l'Europe par Emilio Menéndez del Valle
in El Païs (quotidien espagnolo) du lundi 11 mars 2002
[traduit de l'espagnol par Michel Gilquin]
(Emilio Menéndez del Valle est Ambassadeur d'Espagne et eurodéputé socialiste.)
Quand, au début de 2001, Ariel Sharon remporta les élections, les opinions publiques, israélienne et internationale, se posèrent les questions suivantes : obtiendra-t-il la paix et la sécurité pour Israël promises dans la campagne électorale ? Le Sharon récemment reconverti en Premier Ministre est-il le même que celui qui contribua aux massacres de Palestiniens dans les camps libanais de réfugiés de Sabra et Chatila en 1982 ?
Plus d'un an après, la réponse à la première est évidente : jamais comme maintenant, les citoyens d'Israël ne se sont trouvés en aussi grande insécurité. Et le même Sharon s'est chargé de formuler lui-même la réponse à la seconde, quatre-vingt dix jours après avoir pris son poste. Dans un entretien au quotidien Haaretz, il dit : "la guerre d'Indépendance n'est pas terminée. 1948 n'en fut que le premier chapitre... Non, il n'existe pas un nouveau Sharon. Je n'ai pas changé. "
On ne peut pas exiger plus de clarté ni de cohérence. Les contradictions ne viennent pas de son côté, mais du nôtre. Et je me réfère à l'unique acteur international -l'Union Européenne- qui, d'une manière ou d'une autre, a été active (jusqu'à ce jour d'une manière brillante et inutilement active) dans la recherche de la paix et de la sécurité. Pour les Palestiniens, pour les Israéliens et pour la région toute entière. Les contradictions, j'insiste, sont les nôtres parce que nous nous sommes fondés sur des postulats erronés. Deux, fondamentalement. Le premier est de considérer comme acquis que le premier ministre israélien désire la paix. Sharon ne désire pas la paix, sauf celle qui serait dictée unilatéralement aux conditions qu'il aurait imposées. Ce qu'il veut, oui, c'est la pacification au travers d'une soumission des Palestiniens, c'est-à-dire une paix injuste. Et aucune paix dans ces termes, à supposer qu'elle puisse se réaliser un jour, n'est durable.
La seconde erreur est de présupposer que les Etats-Unis sont neutres. Ils ne le sont pas. George Bush ne l'est pas. Lui et tout l'establishment politique qui compte - avec l'exception honorable du Secrétaire d'Etat Colin Powell, dont on peut se demander combien de temps il résistera - sont pro-israéliens, bien que parfois tous ne soient pas ouvertement pro-Sharon. De toutes façons, les manques de scrupules et le sens de la relativité politico-morale de la classe dirigeante de l'empire couvrent une large amplitude. A tout le moins quand on se réfère à la question proche-orientale, compte tenu de l'influence et du pouvoir de la communauté juive américaine. Ceci explique, par exemple, l'attitude de Hillary Clinton qui, après avoir défendu il y a cinq ans (embarrassant son mari) la justice et la nécessité de créer un Etat palestinien, embrasse, il y a quelques jours, Sharon à Jérusalem et déclare exactement le contraire. Sans complexe, car elle a besoin du vote juif new-yorkais pour être sénatrice.
Ainsi sont les choses, que nous devons dire et écrire avec clarté. Nous ne pouvons mettre sur un pied d'égalité les deux parties en lutte. Il ne s'agit pas de deux Etats qui se trouvent en guerre. D'ailleurs, un des deux n'existe pas. Ce ne sont pas deux armées régulières qui s'affrontent mais bien une armée, la plus puissante de la région, qui occupe des territoires qui ne sont pas les siens et réoccupe d'autres supposés être autonomes, autonomie que les gouvernements israéliens s'étaient engagés à respecter en vertu des accords internationaux. Les Palestiniens se défendent comme ils peuvent et avec les armes qu'ils ont, qui, évidemment, ne sont pas des chasseurs F 16, des hélicoptères Apache ou des tanks Markava, comme ceux avec lesquels les israéliens causent des dégâts. Aussi, si Sharon assure qu'Israël est en guerre, alors pourquoi lorsque des soldats israéliens sont abattus, on qualifie cela d'assassinat tandis que les actions contre les Palestiniens sont qualifiées de représailles et non d'assassinats ?
Avec cette même règle de trois, le président en exercice du Conseil de l'Union Européenne, José Maria Aznar, nous mène en bateau lorsque, lundi 5 mars, il déclare à Budapest que nous sommes face à " une situation de guerre ouverte qui ne peut être stoppée que par un acte exprès de volonté des parties. Si celles-ci ne manifestent pas clairement une volonté d'en finir avec la situation actuelle, les choses ne pourront qu'empirer ". D'autres incitent les " deux parties à s'asseoir pour parler ". Si nous n'assimilons pas que c'est Sharon qui ne veut ni s'asseoir pour parler ni manifester aucun acte exprès de volonté, nous continuerons de nous leurrer.
Ce qui manque de notre côté, c'est d'admettre notre impuissance actuelle et de ne pas mettre notre point d'honneur à nous mobiliser face à ce que dit et fait Sharon. Par exemple, face à cette déclaration au Parlement le 4 mars 2002 : "  Les Palestiniens doivent souffrir davantage jusqu'à ce qu'ils comprennent qu'ils n'obtiendront rien par la voie du terrorisme. S'ils ne sentent pas qu'ils ont été vaincus, nous ne pourrons retourner à la table des négociations " .  Quel exemple de morale peut donner à son peuple et aux générations futures un homme qui s'exprime dans ces termes ? C'est le même homme qui parle de " misérables palestiniens ", rend responsable Arafat de chaque acte de violence, exige qu'il arrête les coupables et qui, dans le même temps le fait prisonnier depuis trois mois dans une maison de Ramallah, dans la cour de laquelle tombent les missiles. Il lui impose des conditions impossibles à satisfaire, parmi lesquelles les sept jours sans aucune violence comme préalable pour négocier et, quand cela se produit, comme en décembre dernier, Sharon ne consent pas à négocier . Désormais il parle ouvertement qu'ils doivent être vaincus.
Ne nous trompons pas. Sharon ne poursuit pas la paix. Il poursuit les Palestiniens. Il veut les anéantir, les expulser, sauf quelques-uns qui se résigneront à vivre comme esclaves. Vaincus ? Détruits ?  Le vae victis de l'antique Rome impériale, le malheur aux vaincus ! doit aujourd'hui être appliqué à nous autres, Européens et occidentaux, qui prêchons des valeurs de justice et de démocratie et qui sommes incapables de réagir face aux actes barbares " génériques " ou " sélectifs " ordonnés par Sharon. Les vaincus, ce sont nous. Comme le savent les lecteurs, l'avant-dernière " sélection " a consisté à exterminer au moyen d'un missile une famille entière d'un dirigeant de Hamas, femme et enfants, ainsi que deux gamins qui passaient par là. Pendant combien de générations durera la haine ? La déroute morale, j'insiste, est la nôtre, et mieux vaudrait que nos sociétés bien nourries, y compris l'israélienne, réagissent maintenant, si nous ne voulons pas en porter les stigmates pour très longtemps. En présence d'un nouvel holocauste, cette fois-ci palestinien, nos petits-enfants et les petits-enfants de Mohamed, et, je l'espère, aussi ceux de Shlomo, se dresseront contre nous pour ne pas avoir voulu combattre à temps cette indignité. Oui, la violence de chaque côté doit se terminer. Mais quelle est la cause première de la violence ? L'occupation israélienne de territoires qui ne sont pas les siens. La fin de l'occupation est la condition de la fin de la violence.
                                                   
9. Silence de la Cour suprême par Gideon Levy
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du dimanche 10 mars 2002
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Aharon Barak, le président de la Cour suprême de justice israélienne, est satisfait du fonctionnement de la démocratie et de l'état de droit, dans un Israël en guerre contre le terrorisme. Pourtant, aussi bien un monde aux yeux dessillés que des cercles s'élargissant jour après jour, ici, en Israël même, évoquent ces temps derniers des actes très graves commis par Israël, tels la liquidation d'individus recherchés, sans le moindre procès, des punitions collectives, la démolition indiscriminée de maisons, l'emprisonnement de centaines de milliers de personnes à l'intérieur de leurs villes ou villages, la famine imposée et des refus de traitements médicaux.
Néanmoins, la plus haute autorité judiciaire locale tire fierté du niveau moral et juridique du pays, comme si aucun des événements cités plus haut ne s'était produit dans la réalité. En avalisant ainsi globalement les agissements d'Israël, sans un mot de critique, Barak (Aharon, pas Ehud, ndt) est au-dessous de tout. Il affaiblit l'autorité morale qui est la sienne et aussi celle de l'institution aux destinées de laquelle il préside. C'est une très mauvaise nouvelle pour les défenseurs de la démocratie et des droits de l'homme, en Israël.
S'exprimant à l'occasion d'une cérémonie tenue à l'Université Hébraïque de Jérusalem, mercredi dernier, Barak a déclaré que les terroristes piétinent la loi, alors qu'au contraire, Israël, Etat démocratique et respectueux des lois, mène sa guerre contre le terrorisme sans enfreindre celles-ci. Tout-à-fait dans la veine de la rhétorique traditionnelle en Israël, Barak a établi un distinguo entre ceux qui sont entièrement mauvais et ceux qui sont totalement angéliques. "Nous, nous ne sommes pas des terroristes", s'est-il vanté, se faisant l'écho du sentiment d'une majorité d'Israéliens.
On eût attendu de Barak qu'il offrît une classification plus scrupuleuse. Ainsi, le fait de tuer des dizaines de civils innocents sous prétexte et à l'occasion d'opérations de liquidation nous différencie-t-il des terroristes d'une manière à ce point irréfutable ? Empêcher des femmes sur le point d'accoucher d'aller à l'hôpital, en causant la mort de leur bébé, ça ne serait pas un peu, quelque part, aussi du terrorisme ? De tels agissements n'amènent pas Barak à dire "hé là, une minute..." ? Ils ne génèrent pas le moindre doute dans son esprit ? Lorsqu'une telle affirmation est exprimée par la bouche du président de la Cour suprême et non pas par quelque professionnel de la propagande, cela lui confère encore davantage de force : Barak ne fait que légitimer le versant sombre du comportement d'Israël dans les territoires, en lui donnant, en fin de compte, un véritable feu vert.
Pour les défenseurs des droits de l'homme, en Israël, les commentaires de Barak viennent confirmer ce dont ils ont le soupçon depuis longtemps - à savoir qu'il n'existe en Israël plus une seule institution vers laquelle se retourner afin de chercher de l'aide. Si le président de la Cour suprême peut dire qu'Israël se comporte convenablement après un an et demi d'engagement des Forces Israéliennes de Défense dans des opérations de liquidation et de démolitions, d'encerclement des populations et de tirs indiscriminés, il y a quelque chose qui cloche, à l'évidence, dans la démocratie israélienne et dans l'état de droit tel que le pays le conçoit. Toutefois, aussi inadmissibles qu'aient pu être les commentaires de Barak, ils n'ont surpris aucun de ceux qui ont suivi l'évolution du comportement de la Cour suprême au cours des derniers mois. Durant cette période, la Cour a validé la quasi-totalité des infractions commises par l'establishment militaire et elle a refusé systématiquement d'examiner toute accusation qui aurait pu ressembler de près ou de loin à une mise en cause de crimes de guerre.
Etrangement, cette évolution fait suite à une année au cours de laquelle la cour a modifié son approche des droits de l'homme sous occupation. Entre septembre 1999 et septembre 2000, la Haute-cour de justice a mis hors-la-loi le recours à la torture par les services de sécurité israéliens (Shin Bet), ordonné la libération de citoyens libanais qu'Israël retenait en guise de "monnaie d'échange", publié une ordonnance intérimaire déclarant que les résident du sud du Mont Hébron devaient être autorisés à retourner s'installer dans les grottes, où ils vivaient, et d'où l'armée les avaient chassés.
Toutefois, depuis le déclenchement de l'intifada II, l'attitude de la Haute cour a connu un virage en épingle à cheveux. Désormais, tout est permis, dès lors qu'il y a des tirs. C'est là une approche extrêmement périlleuse. L'Association pour les Droits de l'homme en Israël a envoyé - à trois reprises - des pétitions à la Haute Cour de Justice pour dénoncer les pratiques de l'armée consistant à tenir prisonniers les habitants de Cisjordanie derrière des barrages militaires (checkpoints), leur rendant impossible tout accès à des secours médicaux parfois vitaux ou à des vivres et services de première nécessité. Cependant, la Haute cour a refusé de statuer sur cette politique d'encerclement et de bouclages, se contentant des assurances que l'establishment de l'armée lui prodiguait, au cas par cas, village par village... Ce qui devrait préoccuper la Cour, au premier chef, n'est-ce pas l'emprisonnement d'une nation entière ? Un Etat qui prend de telles mesures mérite-t-il autant de fleurs de la part du président de sa cour suprême ?
Une autre fois, l'association des Médecins pour les Droits de l'homme tint à informer la Haute cour de cent cinquante cas de refus de traitement médical et d'attaques contre des ambulances, mais la Cour suprême ne daigna pas prendre cette plainte en considération sous prétexte qu'il se serait agi de "cinéma" mis en scène par les Palestiniens ! "Bon, alors : qu'est-ce qui arrive aux femmes enceintes ?" demanda la procureure Dalia Dorner, considérée pourtant comme en faveur des droits de l'homme, pendant une audience. Un représentant de l'Etat répondit qu'elles ont la possibilité de téléphoner, au préalable, aux Forces Israéliennes de Défense, pour demander l'autorisation de quitter leur village ! Et Dalia Dorner de prendre pour argent comptant, sans sourciller, ce mensonge effroyable !...
La réponse de la Cour à une saisine par pétition de Médecins pour les droits de l'homme lui demandant de faire en sorte qu'on laisse les secours d'urgence accéder à des blessés, à Jenin, lesquels perdaient leur sang depuis plusieurs heures, s'était vu ajourner de plusieurs jours, si bien qu'elle perdait toute raison d'être : les blessés étaient morts depuis belle lurette. Le procureur Michael Cheshin, de service, à l'époque, n'était pas pressé, voilà tout. Bien entendu, il y a eu aussi rejet des pétitions contre la liquidation d'individus recherchés, la Cour déclarant qu'elle n'intervient pas - "ce n'est pas sa tradition" - dans des affaires impliquant des combats armés. Ainsi, la Cour, dont le président avait pourtant déclaré, par le passé, que "tout, absolument tout était recevable", est devenue inopinément modeste et affirme maintenant qu'elle ne se mêle pas des questions pourtant cruciales de comportement au combat. Qui est susceptible de prendre le relais ? Le chef d'état-major ? Le ministre de la Défense ? Le bureau de l'avocat général militaire, qui n'a pas encore ouvert la moindre enquête, depuis le début de l'actuelle intifada ? Ou bien alors, peut-être convient-il de laisser ces questions à l'examen de la Cour Internationale de Justice de La Haye ?
"C'est précisément lorsque les canons sont en train de tonner que nous devons nous attacher à tout faire afin de nous assurer que notre camp est au-dessus de tout reproche", a promis Barak dans son discours. Mais, durant ces mois de crise aiguë, la Cour suprême n'a pas montré que cette proclamation fracassante reposât sur une quelconque base. Un jour viendra où les juges de ce qui était considéré comme le phare de notre justice se verront demander où donc étaient-ils au moment où les atrocités que nous constatons depuis des mois étaient en train d'être commises ?
                                     
10. Les barrages de l'arrogance par Meron Benvenisti
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du jeudi 7 mars 2002
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
L'échec tragique illustré par la mort de soldats des Forces Israéliennes de Défense abattus par des guérilleros palestiniens sur des barrages que ces soldats tenaient a donné libre cours à un flot de critiques, lesquelles ont contrait le commandement de l'armée à retenir certaines leçons et à apporter quelques changements à la manière de gérer ces barrages et à les utiliser tactiquement.
Il est loisible d'imaginer que ces leçons seront mises en pratique et que des mesures tant défensives que de sécurité, ainsi que la supervision des points de contrôle, seront renforcées. Mais il est illusoire d'attendre des enquêteurs qu'ils aillent jusqu'à recommander le démantèlement pur et simple des dits check-points, non pas parce qu'ils en seraient parvenus à la conclusion qu'ils revêtent une importance militaire majeure, ni parce que les colons insisteraient pour qu'on les maintienne en place pour la simple raison qu'ils "donnent un sentiment de sécurité aux usagers des routes" en Cisjordanie...
Les barrages resteront les principaux points de contact et d'affrontement entre la puissance occupante et la population insurgée non pas parce qu'ils remplissent une quelconque fonction de sécurité, mais parce que leur fonction est d'envoyer en direction de la seconde un message de force et d'autorité, d'inspirer la peur, et de symboliser le statut d'inférieur piétiné de ceux qui sont sous l'occupation.
Les énormes blocs de ciment, les positions fortifiées et la demi-douzaine, environ de soldats apeurés de faction sur un barrage militaire ne sont pas autre chose qu'une vitrine destinée à exposer qui détient le pouvoir de régenter la vie de ceux qui sont soumis à ce pouvoir, ou, le cas échéant, de causer leur mort - et cela, sans pratiquement avoir réellement recours à la force, mais en se reposant sur l'angoisse des occupés, qui ont été poussés à accepter de se comporter conformément aux règles édictées par les agents du pouvoir.
Le mépris des militaires et leur abandon arrogant à la supposée mentalité soumise des Palestiniens trouvent leur traduction non seulement dans l'existence même des barrages, mais également dans leur emplacement. Le check-point de Wadi Haramiyyéh était là où on l'avait érigé parce que personne n'aurait jamais envisagé la possibilité que les Palestiniens pussent être capables de tirer parti de l'infériorité tactique inhérente à son positionnement, puisqu'aussi bien tout ce qu'on attendait d'eux se résumait à ce qu'ils se mettent en rang tranquillement et de manière obséquieuse, devant les militaires. Quoi ? Ils ont osé rompre les règles, réduire en miettes le dispositif et faire du check-point un exemple pathétique de l'échec du maintien d'un contrôle par la force ?
De tout temps, les différents régimes coloniaux ont été fondés sur l'arrogance d'une poignée de soldats contrôlant la vie de millions de sujets au moyen d'un recours minimal à la force et en restant fidèles à une "dissuasion" supposée susceptible de perpétuer l'infériorité de ceux qui se trouvent sous leur joug. De tels régimes ne sauraient durer que dans la mesure où leurs sujets acceptent de se comporter conformément aux diktats venus d'en-haut. Mais dès le moment où les règles du jeu sont abolies et où les barrages de contrôle, de vitrines de la puissance occupante, se transforment en barricades pour les insurgés, de petites escouades de soldats n'ont aucune chance de rester plus que de simples exutoires pour le mépris de leurs commandants.
Ce n'est qu'après que des centaines de milliers de personnes faisant la queue, de manière obséquieuse, en lignes sinueuses et interminables, entre les blocs de ciment, se seront révoltées et auront refusé de produire leur carte d'identité ou d'obéir aux ordres qui leur sont intimés de retourner d'où elles venaient, et seront prêtes à payer de leur vie leur révolte, que des commissions d'enquête seront mises sur pied afin de découvrir comment une armée aussi puissante a-t-elle bien pu perdre la bataille des check-points...
La leçon apprise par les Britanniques en Inde (et la leçon apprise par tous les autres colonialistes arrogants) ne sera pas considérée comme pertinente parce que les check-points, ici, sont considérés comme liés directement aux colonies, et que la sécurité des colonies et leurs accès doivent être garantis coûte que coûte. C'est pourquoi la mentalité de ceux qui établissent les barrages, basée sur une attitude colonialiste envers les Palestiniens, est cette même mentalité qui avait amené hier seulement à bâtir des colonies en se fondant sur la certitude qu'on ne sait trop quelle onctueuse infériorité palestinienne serait éternelle...
Ceux qui ont installé des colonies dans le bloc ("ghush") de Katif ou au coeur de la Samarie et dans le nord de la Judée tenaient pour acquis que les Palestiniens resteraient toujours soumis. Sinon, comment expliquer la logique qui aurait présidé à l'installation de colonies juives au coeur de populations arabes ?
Les colons arguent du fait que, depuis ses origines, le sionisme a toujours défié la réalité. S'il a réussi de la manière qu'on connaît, avancent-ils, c'est justement parce qu'il a ignoré la réalité de terrain et ne s'est jamais rendu aux principes rationnels de réalité qui prédisaient l'échec de la cause sioniste. Il en découle que les arguments démographiques et topographiques invoqués contre les colons se sont évaporés comme par enchantement, une fois confrontés à la ferveur de leurs visions.
Mais il s'avère désormais que d'autres, aussi, sont susceptibles de changer la réalité par la puissance de l'engagement dans une idéologie nationaliste et la bévue consistant à revendiquer l'exclusivité de la détention d'idéaux, qui découle de la fausse croyance selon laquelle l'autre ne peut se révolter et ne se révoltera jamais, cette bévue conduit à un désastre irrémédiable.
La soi-disant entreprise de colonisation, ainsi que les barrages érigés pour tenter de la protéger, disparaîtront de la surface du globe, tout simplement parce que la roue a tourné. Aujourd'hui, le tour est venu pour les Palestiniens, cette fois, de se cabrer devant la réalité et de la rejeter, de refuser d'abdiquer et de se rendre aux perceptions (rationnelles) de l'équilibre des pouvoirs (existant), dont tout indique qu'il annonce leur échec inexorable : ils ont de qui tenir...
                                   
11. Palestiniens de Balata : Choqués mais déterminés par Valérie Féron
in La Croix du lundi 4 mars 2002
Dans le camp de réfugiés de Balata, près de Naplouse, où l’armée israélienne vient de mener une opération militaire d’envergure de trois jours, parallèlement à celle dans le camp de réfugiés de Jénine dans le nord de la Cisjordanie, l’heure est au désespoir, à la colère et à la détermination à poursuivre la lutte pour l’indépendance et le droit au retour.
Saed n’en peut plus. Depuis jeudi dernier, il n’a dormi que trois ou quatre heures. Le reste de son temps il l’a passé à aider à soigner les blessés, dans la rue ou à l’hôpital Rafidiah de Naplouse. Encore très choqué psychologiquement par tout ce dont il a été témoin, il explique d’une voix saccadée : " ils sont arrivés jeudi dans la nuit, avec leurs hélicoptères Apache et 70 tanks. Ils ont commencé par détruire le système électrique et Balata s’est retrouvé complètement plongé dans le noir. Cela tirait de partout ! Les civils étaient dans les rues pour apporter leur soutien à nos combattants armés, qui ont résisté du mieux qu’ils ont pu. Et dans le noir, j’entendais les hurlements de peur ou de souffrance, des voix de blessés qui appelaient à l’aide et que l’on ne pouvait même pas repérer. Il m’est arrivé de mettre neuf personnes dans la même ambulance en priant pour qu’elle puisse arriver à l’hôpital ", l’armée israélienne ayant refusé à plusieurs reprises des heures durant, le passage des secours. Ingénieur biomédical, il a laissé sa femme et son fils à Balata, son épouse, ukrainienne, ayant refusé de quitter leur foyer. En évoquant son fils, la voix de Saed au téléphone devient tremblotante et ce jeune homme de 27 ans éclate en sanglots. Désespoir, colère, fatigue se mêlent à un fort sentiment de solitude : " les gens à l’extérieur ont peut-être vu quelques images de ce qui s’est passé ici à la télé, mais quand on le vit, c’est indescriptible. Les Israéliens sont entrés pour tuer, voilà notre sentiment. Tirant sur tout ce qui bouge, dans la rue, visant les fenêtres, passant de maisons en maisons, dynamitant les murs mitoyens, et endommageant tout, sans compter les vols. Et toi tu es dans ta maison à les attendre, à te demander quand viendra ton tour. Tu ne peux plus cuisiner, ni même boire ", les réservoirs d’eau potable ayant presque tous été détruits. Les 20 000 habitants de Balata ont un sentiment d’abandon très fort, doublé d’images de massacres passés comme celui de Sabra et Chatila, suite à l’invasion israélienne du Liban menée par l’actuel Premier ministre israélien, Ariel Sharon, à l’époque responsable des armées. Les plus âgés repensent aux massacres connus de 1948, comme celui de Deïr Yassine. 1948, date fatidique s’il en est dans la mémoire collective palestinienne et plus particulièrement celle des réfugiés : dans le cadre de la création de l’Etat d’Israël, il est désormais prouvé notamment par les " nouveaux historiens " israéliens que quelque 750 000 Palestiniens ont été chassés de chez eux par la force par les groupes armés de l’époque regroupés ensuite au sein de la toute nouvelle armée israélienne. Les uns resteront à quelques kilomètres de leurs villages d’origine, ou dans les actuelles Cisjordanie et bande de Gaza, les autres se retrouvant à l’extérieur, premiers membres de ce qui deviendra la diaspora palestinienne. Dans le camp de Balata, les familles sont originaires de Jaffa et de Lod, aujourd’hui israéliennes. Et les enfants de ces " émigrés " de force ont reçu en héritage l’amour de la terre perdue : " je vis à Balata mais mon cœur est à Jaffa, confie Saed, j’ai même été voir à plusieurs reprises la maison familiale habitée désormais par des Israéliens. Mais nous avons encore tous les titres de propriétés ". Ce discours est commun à l’ensemble des réfugiés palestiniens qui restent plus que jamais déterminés à lutter pour " la reconnaissance de l’injustice qu’ils ont subi ". Un dossier ultra sensible du conflit, dont la droite israélienne tout particulièrement ne veut pas entendre parler continuant d’affirmer " que les réfugiés sont partis d’eux-mêmes ". Pour Dalal Salameh, députée palestinienne et enfant de Balata, les opérations militaires dans les camps de Jénine et de Balata ne sont qu’une continuité de ces faits, et illustrent bien la politique de Ariel Sharon : " il est certes le Premier ministre de l’Etat d’Israël mais à nos yeux il n’est rien d’autre qu’un criminel qui poursuit une politique de destruction pour  mettre le peuple palestinien à genou et lui imposer  sa paix, ou pire provoquer une nouvelle expulsion. Son but est de briser moralement la résistance civile à l’occupation qui dure depuis 1967 et en ce qui concerne les réfugiés, de saper notre unité pour affaiblir nos revendications. Avec toujours plus de destructions de maisons, de familles brisées, un quotidien infernal, une situation économique désastreuse, et en parallèle l’augmentation du nombre de colonies ". Le cycle de la violence et l’absence de perspectives politiques sérieuses pour parvenir à la paix aidant, le tunnel paraît sans fin. Mais les habitants de Balata, camp réputé pour être un noyau dur de la résistance à l’occupation israélienne, entendent bien continuer leur lutte : " cette nouvelle épreuve ne fait que nous rendre encore plus déterminés à nous battre pour nos droits, assure Dalal Salameh, et à titre personnel en tant que femme à lutter pour vivre libre".
                                       
12. La défaite des deux dirigeants par Bernardo Valli
in La Repubblica (quotidien italien) du lundi 4 mars 2002
[traduit de l'italien par Marcel Charbonnier]
Ariel Sharon a certes perdu sa guerre. Mais Yasser Arafat n'a pas vaincu la sienne. Dans le bilan des dernières journées sanglantes (30 morts et 300 blessés chez les Palestiniens, 21 morts et des dizaines de blessés du côté israélien), le tragique le dispute à l'ambigu. Ce score que l'on n'ose qualifier de "nul" annonce de nouvelles tragédies à venir. Incapable de ramener l'ordre comme il l'avait promis, Sharon est battu. Les conflits, à notre époque, ne manquent pas, qui ont démontré qu'une armée moderne, à la fois dotée d'une nette supériorité en armement, soutenue par l'opinion publique de son propre pays et incapable d'écraser une insurrection soutenue par la volonté populaire chez l'adversaire, finit par être défaite, tôt ou tard, même si elle continue à bénéficier d'une supériorité matérielle jamais démentie.
Les exemples ne manquent pas. Mais ceux, évidents, de l'Algérie, du Vietnam et de l'Afghanistan, d'où des armées aussi puissantes que celles de la France, des Etats-Unis et de l'URSS ont dû se retirer, n'ont qu'une pertinence relative dans le cas d'espèce moyen-oriental. Entre Israéliens et Palestiniens, point de mers, d'océans ni de vastes territoires. Les uns et les autres sont voués à vivre en contact étroit. Par tant, ceux que nous pouvons qualifier de vaincus demeurent, et avec eux demeure la force qui interdit aux autres de se proclamer vainqueurs.
La survie politique d'Arafat illustre l'échec de Sharon. Le dirigeant palestinien semblait fini. Sa popularité chez les Palestiniens était en net déclin. Nombreux étaient ceux qui fouillaient, parmi les candidats de la nouvelle génération, à la recherche d'un successeur. La décision israélienne de le retenir prisonnier à Ramallah, où il se trouve en assignation à résidence depuis le début décembre, soit depuis trois mois déjà, a redonné à Arafat approbation consensuelle et prestige, non seulement chez les Palestiniens, mais encore chez les Arabes. Ce qui aurait dû être une humiliation s'est avéré une résurrection politique.
On dit qu'Arafat aurait contribué à l'élection de Sharon, en refusant les propositions du travailliste Barak à Camp David et en déclenchant la seconde Intifada. Si l'on adoptait cette même "logique", on pourrait soutenir aujourd'hui que Sharon a contribué objectivement à la "réélection" d'Arafat. En le désignant comme cible principale, Sharon n'a fait qu'à lui redonner quelque lustre. Le raïs est redevenu le symbole de la résistance palestinienne, laquelle, après trente-cinq années d'occupation, ne s'est ni scindée, ni n'a laissé le moindre espace à une quelconque forme de collaboration avec les occupants. En renforçant la répression, Sharon espérait ouvrir quelque brèche en ce sens. Là encore : fiasco total.
La confiance des Israéliens en Sharon se désagrège rapidement. Elle est déjà passée en-dessous des cinquante pour cent. C'est, là encore, un signe inquiétant pour le Premier ministre israélien. Une armée moderne qui ne parvient pas à conclure un conflit chronique perd peu à peu l'appui de l'opinion publique qui l'appuyait au départ, surtout lorsque cette opinion peut s'exprimer dans une société où règnent les règles démocratiques essentielles.
Mais c'est précisément en ce sens qu'Arafat, en dépit de l'échec de Sharon, peut difficilement s'estimer vainqueur. La moitié, au moins, de ceux qui n'accordent plus aucun crédit aux capacités stratégiques de l'actuel premier ministre israélien ne préconisent nullement une solution pacifique mais, bien au contraire, une action militaire plus décisive. Par conséquent, ils misent sur un successeur à Sharon encore plus intransigeant et "efficace". Ce que Sharon n'a pas osé faire (c'est-à-dire  décréter la réoccupation des territoires et l'élimination définitive d'Arafat), Benjamin Netanyahu semble disposé à le faire.
C'est tout du moins ce que jure l'ex-premier ministre israélien, lequel avait commencé, le premier, à éteindre l'espoir né de la reconnaissance réciproque - et aujourd'hui oubliée - entre Israéliens et Palestiniens, à Oslo, voici quelque neuf ans. Ce que promet Netanyahu est ce que réclame une large portion du parti Likud, parti dont lui-même et Sharon se disputent la direction. Dût le gouvernement de coalition actuel, dont le Likoud et le parti Travailliste sont les deux principales formations, sauter à cause de l'insuccès militaire de Sharon (et sa chute est plus que probable), les futures élections seraient très vraisemblablement remportées par Netanyahu.
Pour Arafat, il ne s'agit en rien d'une perspective riante. L'expérience du passé, au Moyen-Orient, enseigne que les attentats palestiniens bénéficient à la droite israélienne. Et certes, Arafat, en dépit de sa popularité reconquise, ne contrôle pas les forces qui, dans son propre camp, décident du dosage de la violence. Est-il victorieux, le chef qui ne réussit pas à commander ses propres troupes ? Ces derniers jours, la haine réciproque, qui semblait pourtant avoir déjà atteint le summum, a dépassé toute mesure. Il arrive à Tsahal, l'armée israélienne, d'empêcher des ambulances de passer. Les Palestiniens ont fait état du cas d'une femme enceinte qui a perdu son enfant, bloquée à un barrage. Des médecins français, ayant visité la bande de Gaza et la Cisjordanie, ont témoigné de malades souffrant de graves affections rénales ou hépatiques auxquels on interdisait de se rendre à l'hôpital pour y être traités par dialyse, ce qui est pour eux vital, ou encore de victimes d'infarctus décédés faute de traitement en urgence.
Durant des décennies, l'admission des blessés palestiniens dans les hôpitaux israéliens a été possible. Il m'est arrivé souvent de recevoir les confidences de Palestiniens qui ne tarissaient pas d'éloges pour les médecins israéliens et l'impartialité avec laquelle ils prodiguaient leurs soins. Leur respect de la déontologie médicale n'est pas, même aujourd'hui, en cause. Ce que l'on dénonce, par contre, c'est le comportement des militaires. Autre manifestation de cette haine ; l'attentat de samedi soir dans le quartier de Beit Israel, à côté de Mea Shearim, à Jérusalem. C'est là qu'habitent des Juifs orthodoxes qui laissent ouverte la porte de leur maison afin de laisser entrer le Messie, au cas où il viendrait en pleine nuit... Mea Shearim est la copie, désolante, d'un ghetto d'Europe centrale au début du siècle passé. Nombreux en sont les habitants à rejeter le sionisme, et par conséquent l'Etat d'Israël, car ils les jugent impies.
Dans une maison en lisière de ce quartier, j'ai rencontré, il y a quelques années de cela, un rabbin connu, qui détestait tellement l'idée d'un Etat hébreu qu'il se disait prêt à siéger dans un gouvernement présidé par Arafat. Un massacre n'est jamais juste. Mais en commettre un précisément dans cet endroit, pour soi disant réagir aux mesures répressives ordonnées par Sharon, voilà qui était encore pire que l'injustice. Avec les opérations de Tsahal dans les camps de réfugiés palestiniens, Ariel Sharon a refermé, tout au moins pour l'immédiat, ce qui pouvait être un soupirail ouvrant sur une négociation à venir, fût celle-ci des plus nébuleuses. Je fais ici allusion au projet saoudien de parvenir à une reconnaissance d'Israël, par les pays arabes, en échange du retrait de l'armée israélienne de Gaza et de Cisjordanie.
Cette idée, ainsi que tous les chapitres annexes (y compris celui relatif à Jérusalem), n'est ni neuve ni claire. Mais, en l'occurrence, le messager compte plus que le message même. Le fait que ce soit le prince héritier (et régnant) d'Arabie saoudite qui en soit le porteur n'est pas sans signification. C'est tellement vrai que le président de la république israélien, Moshe Katsav, l'a immédiatement invité à venir à Jérusalem et s'est déclaré lui-même disposé à se rendre à Riyadh. Mais le prince Abdullah Bin Abdel-Aziz a fait de la cessation des opérations militaires israéliennes dans les territoires (palestiniens) la condition sine qua non de la présentation de son projet aux pays de la Ligue arabe qui tiendront sommet à Beyrouth à la fin de ce mois.
Ariel Sharon, dont le gouvernement ne saurait survivre à l'ouverture d'un dialogue politique, a créé une situation qui lève les doutes qui pourraient subsister quant à ses intentions. Les attentats palestiniens ont fait le reste. Dans l'immédiat, on peut seulement miser sur l'épuisement qui succède généralement aux grands bains de sang. On peut compter sur la fatigue, plus que sur la raison... [...]
                                                    
13. "Va savoir pourquoi tu es encore en vie..." traduit par Victor Cygielman
in Le Nouvel Observateur du jeudi 28 février 2002

Tal Bello a été le 149e à signer la pétition des soldats israéliens qui refusent de servir dans les territoires occupés. A sa signature, il a ajouté sur internet son témoignage à propos du suicide de son ami Daniel, que nous publions ici.
« Cette nuit-là, j’étais un peu soûl. Nous avions bu en l’honneur de Daniel, qui venait d’arriver de France pour servir Israël, de l’armée et de Tali, la belle assistante sociale. Nous avions débouché un Johnny Walker, cadeau du frère de Tali, et nous écoutions la musique des Doors, tout en fumant un peu de haschisch. Tu ne peux pas être un vrai soldat de Nahal sans boire du Johnny Walker, écouter les Doors ou fumer du haschisch. […]
Il faut que je te parle des olives de Gaza. Ce sont les olives les plus amères au monde. Les habitants disent qu’elles absorbent toute l’amertume de leur vie. De la pression de notre occupation, de celles qui l’ont précédée. Et ces olives ne sont pas seulement amères, leur goût salé peut te rendre fou. Il vient des larmes des femmes. Pendant que les hommes s’empoignaient avec les misères de la vie, tentaient de se libérer, les femmes s’occupaient des gosses, préparaient les repas et travaillaient dans les oliveraies. Seules au milieux des oliviers, elles pleuraient tout leur soûl. Elles pleuraient leur jeunesse et leurs rêves, leurs fils jetés en prison ou tués. Et les olives absorbaient tout cela. Contrairement a ce qu’on peut croire, leur goût etait formidable et convenait fort bien au whisky… [...]
Tali a dit que Jim Morrison était roi et s’est mise à danser. Elle était si belle, Tali, avec ses manières directes, son ventre plat et ses seins comme deux petites collines dans une prairie. Daniel l’a rejointe et ils se sont embrassés.
La semaine précédente, pendant une manif palestinienne près de la mosquée verte, Daniel a tiré au hasard quelques coups de fusil dans la foule et une femme enceinte a été touchée. Je me suis précipité pour la secourir, mais il était déjà trop tard. Elle était en train de mourir. Elle m’a regardé tristement, les larmes aux yeux. Elle était enceinte d’environ cinq mois et saignait fort de l’abdomen.
Elle est morte à 18 heures. Roni, le médecin, et moi, nous nous sommes mis à pleurer. Manny, le chauffeur, a bougonné qu’elle n’était qu’une Arabe, mais je voyais qu’il avait aussi du mal à avaler et je lui ai dit de nous conduire au QG. Personne n’a dit un mot à Daniel. Il y a eu une enquête et il a été décidé que tout cela était dû à une erreur. Une balle tirée par hasard. Mais personne ne parlait à Daniel. J’ai dit à Roni que Daniel avait besoin d’une permission, qu’il paraissait bizarre, que nous devrions lui parler. Mais Toni était occupé, nous étions tous occupés. Il y avait d’autres manifestations, de nouveaux tués. […]
Daniel ce soir-là regarda Tali, lui donna encore un baiser et dit qu’il sortait pour quelques instants. Je lui ai demandé s’il voulait que je sorte avec lui. Il a dit: «Non, reste ici et veille pour moi sur Tali.» Je suis resté avec Tali. Une minute plus tard, nous avons entendu un coup de feu. »
                               
14. Pourquoi considère-t-on, en Israël, que la France est le pays occidental "le plus antisémite" ? par Subhi Hadidi
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du vendredi 18 janvier 2002
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
(Subhi Hadidi est un écrivain-chercheur syrien résidant en France.)
Ou lorsque s'échappent les perles du collier sioniste cassé : confessionnalisme triomphant, d'un côté ; "laïcité" sioniste en régression, de l'autre.
La France occupe une place particulière dans le coeur des sionistes. Tout du moins, elle le devrait. Après tout, n'est-ce pas en France que l'affaire entourant l'officier juif français Alfred Dreyfus a été la première étincelle qui a donné naissance à l'idée d'un "Etat juif", dans le coeur et dans l'esprit d'un journaliste autrichien, un certain Theodor Herzl, correspondant à l'époque du journal "Die Neue Presse", titre-phare de la presse libérale européenne ? S'il est vrai que Herzl, mort en 1904, n'a pu connaître la réhabilitation de Dreyfus, une chose est sure : il a vu de ses propres yeux les manifestants français (anti-dreyfusards) et tendu l'oreille aux cris échappés de leur gorge - "mort aux Juifs !" - sur fond de procès de l'officier innocent. C'est cette flambée d'antisémitisme qui avait amené Herzl à écrire sa pièce de théâtre "Le nouveau ghetto" et, surtout, son célèbre libelle "L'Etat juif".
Le paradoxe voulant que le sionisme était été une notion totalement étrangère pour Dreyfus lui-même - pourtant mort bien après, en 1935 - ne change pas grand-chose à la dynamique dialectique qui a abouti au lancement du mouvement sioniste. De manière analogue, la déclaration du vice-ministre israélien des Affaires étrangères, Michaïl Melchior, accusant la France d'être aujourd'hui le pays occidental le plus antisémite, n'enlève rien à la nature et à l'ampleur de l'influence dont jouissent les milieux sionistes dans les différentes sphères de la vie française, politique, économique et culturelle. Les médias français sont devenus des tribunes, quasi-quotidiennes, pour des polémiques enflammées portant sur la question de savoir si l'on a le droit de critiquer (ou de s'opposer à) la politique de l'Etat hébreu sans tomber sous le coup de l'accusation d'être antisémite, ou encore sur la question de savoir si un Juif - qu'il soit écrivain, historien, journaliste ou simple citoyen - a le droit de protester contre la barbarie d'Ariel Sharon sans se voir accuser, quand bien même serait-il soit juif d'arrière-arrière grand-père en arrière-arrière-petit-fils, d'être antisémite !
S'agit-il là d'un phénomène nouveau ? Pas vraiment, en réalité, même s'il prend aujourd'hui une nouvelle orientation qui le place bien près d'humilier la société française toute entière. En effet, dire de la France qu'elle est le pire des pays occidentaux en matière d'antisémitisme, voilà qui ne saurait être pris à la légère. On ne s'étonnera donc pas de voir la ministre israélienne (de l'éducation !) Limor Livnat recourir aux colonnes du "Monde", non pas pour y répondre à l'historien palestinien Elias Sanbar, mais bien pour ironiser sur les vérités soulevées par celui-ci dans un article co-écrit avec l'un des plus éminents historiens français, Pierre Vidal-Naquet, qui - effet du hasard... - est juif ! Mme Livnat ne répond pas à cet article en qualité de citoyenne israélienne, d'auteure (comme on écrit maintenant, dans le Monde : ça tombe bien ! ndt) ou d'intellectuelle (là, pas de problème, ndt), mais es-qualité, en tant que ministre du cabinet Sharon, "ce gouvernement auquel je m'honore d'appartenir", écrit-elle...
Il y a quelques années, à l'occasion du deuxième anniversaire de l'assassinat du Premier ministre israélien Itzhaq Rabin, cinq parmi les plus éminents intellectuels et journalistes juifs français avaient lancé, dans les colonnes du Monde, toujours, un véritable "S.O.S.". Non pas pour secourir le Juif, victime éternelle, non pas dans la lignée de la remémoration éternelle et sempiternelle de l'Holocauste, non pas pour dénoncer le sang juif répandu par le "terrorisme" arabe, conformément aux scénarios accoutumés... Non : il s'agissait d'un S.O.S. contre la politique du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, au premier chef, et aussi contre les positions adoptées par le CRIF, le Conseil Représentatif des Institutions juives de France.
Les signataires de ce S.O.S. étaient les suivants : deux journalistes, Jacques Derogy (l'un des maîtres incontestés du journalisme d'investigation) et Jean Lieberman, le célèbre psychanalyste Jacques Hassoun, l'écrivain Daniel Lindenberg et Pierre Vidal-Naquet, l'académicien éminent spécialiste de la mémoire en histoire. Cet appel était en réalité le second du genre, car les mêmes signataires avaient signé auparavant un article non moins actuel, paru dans le "Monde", article dans lequel ils demandaient aux Juifs de France de prendre une distance critique suffisante et vocale d'avec les pratiques politiques "suicidaires" (tel était leur terme) de Netanyahu, consistant à mettre des bâtons dans les roues en matière de négociation, à faillir à la mise en application des accords et des engagements pris, à poursuivre la construction de colonies à Jabal Abu Ghunaïm (Har-Homa)... Les cinq signataires de cet article y protestaient énergiquement contre la position du CRIF, consistant à soutenir la politique de Netanyahu, ou à défaut de soutien, à fermer les yeux, ce qui revenait à s'en rendre complice.
Mais leur deuxième article en date comportait un nouvel élément, qui était lui aussi une sorte d'appel au secours, lancé cette fois par Madame Léa Rabin, la veuve du Premier ministre assassiné, sous la forme d'une lettre ouverte adressée par celle-ci aux cinq auteurs. Il n'est pas indifférent que Madame Rabin ait commencé sa lettre ouverte par une expression au caractère dramatique : "Tenez bon. Nous avons besoin de vous !" Tenez bon ? Face à qui ? Tenez bon face à la minorité israélienne qui gouverne aujourd'hui l'Etat hébreu au moyen d'une seule logique ; la logique de la violence et de l'agression, avait précisé Madame Rabin. "Tenez bon chez vous, car vous nous aidez là-bas, chez vous et, en tenant bon, vous nous aidez aussi ici, en Israël !"
Dans un passage émouvant de sa lettre, Mme Léa Rabin écrivait : "Comme vous le savez, Israël a entendu l'avis d'une minorité violente et agressive - alors que la voix de la majorité - pour des raisons que j'ignore - garde encore aujourd'hui le silence. C'est ainsi qu'un drame s'est produit, chez nous. C'est à cause de ce silence que cette minorité agissante a réussi à exciter la vindicte des gens contre un homme et un dirigeant remarquable, parce qu'il voulait la paix pour les peuples du Moyen-Orient : mon ami, mon cher époux Itzhaq Rabin. Ils l'ont assassiné et, en l'assassinant, ils ont effacé le chemin vers l'espoir et la confiance, semant le désarroi et le trouble dans l'ensemble de la région. C'est pourquoi j'ai tenu à vous dire que la mission que vous vous êtes tracée est une mission sacrée, et que vous méritez la gratitude, la considération et les encouragements de la majorité silencieuse, auxquels je joins les miens."
Que cette portion de l'opinion publique israélienne soit "majoritaire" et "silencieuse" ou non, et ce sont les cinq intellectuels signataires de l'article qui se posent cette question et non moi personnellement, la scission à l'intérieur des rangs juifs semble non pas être seulement conjoncturelle ou superficielle, mais bien représenter un facteur d'inquiétude, qui se reproduit elle-même de jour en jour, en Europe, aux Etats-Unis et dans l'Etat hébreu, sinon pour le "chemin de la paix" israélo-arabe, tout au moins pour le chemin de la paix judéo-juive. La division, ici, loin d'être une simple crise, prend la dimension d'un véritable "drame" pour reprendre un terme utilisé par Léa Rabin. La scission, ici, n'est pas simple luxe intellectuel, mais bien impérieuse urgence rendant caduque tout respect des usages d'un protocole ancestral et bien établi : celui de la solidarité entre Juifs.
Naturellement, il est essentiel de relever qu'en l'occurrence, il s'agissait des circonstances tragiques de l'assassinat d'Itzhaq Rabin, sur fond d'interrogation quant à l'existence, ou non, d'une logique agissante dans un contexte opposant une minorité violente et agressive à une majorité silencieuse et pacifique. En d'autres termes : la logique agissante présuppose l'existence de rapports de force entre entités alternatives, politiques, électorales, culturelles, idéologiques, religieuses/confessionnelles, se livrant entre elles une lutte à mort, dans tous ces différents domaines. C'est ce qu'a tenu à indiquer Théo Klein, qui est rien moins qu'un ancien président du CRIF, lorsqu'il a déclaré : "les gens qui s'appliquent à détruire (le processus d') Oslo devront endosser la responsabilité d'avoir affaibli Israël, et aussi, au-delà, celle d'avoir détruit la démocratie israélienne elle-même".
Un jour, Benyamin Netanyahu était devant les caméras de la CNN, et donc devant des millions de téléspectateurs dans le monde entier, afin de verser ce qui pouvait lui venir aux yeux comme larmes (avec des oignons, ndt) sur l'assassinat d'Itzhaq Rabin. Il déclara : "Il s'agit d'un crime multimillénaire : il y a plus de deux mille ans qu'aucun Juif n'a jamais assassiné son frère juif." Comme à son habitude, Netanyahu mentait effrontément. Il voulait faire passer son mensonge dans l'opinion mondiale sans trop s'attarder aux réalités de l'histoire, si chères pourtant à la mémoire juive. Le journaliste américain spécialisé dans les questions israéliennes, Glenn Frankel, avait en quelque sorte démenti par anticipation - si l'on peut ainsi s'exprimer... - Netanyahu, dans son journal, le Washington Post, lorsqu'il se demandait à voix haute (alors que les commentaires panégyriques après la mort de Rabin battaient leur plein) : "Qu'un Juif assassine son frère, juif, est-ce concevable ?" Immédiatement après se l'être posée, Frankel répondait à sa propre question : "Je veux, mon neveu : c'est tout-à-fait concevable. Et non seulement dans le récit biblique, qui regorge d'assassinats et de trahisons "fraternels", mais aussi (et ceci est plus important) dans l'histoire, beaucoup plus récente, des événements qui ont conduit à la création d'Israël.
En effet. En 1924, le rabbin Yakob Israïl Dohan, dirigeant d'une communauté religieuse juive rigoriste, tomba sous les balles d'un inconnu. Il sortait de la synagogue de la rue Jaffa, à Jérusalem-Ouest. Jusqu'à ce jour, on n'a pas découvert l'identité de l'exécutant du crime. Mais il est une rumeur, constante et fort répandue, qui dit qu'il a été assassiné sur ordres directs de la direction des commandos de la Hagana, qui l'avait condamné en raison de son opposition aux menées du mouvement sioniste en Palestine. En 1943, Eliahu Geleadi, chef du mouvement des "Combattants pour la liberté d'Israël" (Lehi), plus justement connu sous le nom de commandos du "groupe Stern", a participé activement à la préparation de l'assassinat projeté de Ben Gourion, ainsi que d'un certain nombre d'autres sionistes, trop modérés à ses yeux (à ses yeux seulement ; tout est relatif, ndt). Mais, au lieu de dîner avec eux, ce sont eux qui ont déjeuné avec lui ! Dans l'année même, une volée de balles le transpercèrent de part en part, près de la plage, au sud de Tel-Aviv. Le plus cocasse, dans cette affaire, c'est que l'ordre de son assassinat avait été pris par son camarade d'armes, un certain Itzhaq Shamir, qui a reconnu, c'était bien son tour, avoir organisé cette "liquidation" dans un des chapitres de ses mémoires, parus tout récemment...
En 1948, quelques jours après la naissance officielle de l'Etat d'Israël, Ben Gourion donna à un jeune chef militaire, dynamique et prometteur, un certain Itzhaq Rabin (mais oui...), l'ordre, clair et net, d'ouvrir le feu sur le bateau "Altalena" au mouillage dans le port de Tel-Aviv. Ce bateau était chargé d'armes pour les commandos dissidents de Menahem Begin. Une bataille acharnée s'ensuivit, qui dura une dizaine d'heures, coûta la vie à quinze Juifs, des deux côtés et ne prit fin qu'avec la reddition des forces de Begin.
Au niveau de la mise en scène idéologique qui voudrait faire avaler ce genre de couleuvres, les détails apparaissent à la fois plus subtils et plus chargés de sens. Ce sont peut-être ces reconstructions mythiques qu'avaient en tête Léa Rabin et les intellectuels français juifs lorsqu'ils lancèrent leur S.O.S... Le niveau idéologique est synthétisé par cette polarisation intense qui résulte de l'hégémonisme de la religion (précisément, dans ce qu'elle peut avoir de plus extrémiste) sur la politique générale ou les politiques au jour le jour dans l'Etat hébreu, avec ce que cette polarisation produit en fait d'exacerbation mutuelle entre une forme de radicalisme religieux fondamentaliste et antisioniste (c'est à dire opposé à un sionisme considéré, en l'occurrence, comme un mouvement nationaliste "laïque", à des degrés divers), d'une part, et d'autre part les différents courants sionistes et post-sionistes, avec leurs différents programmes et tendances. Où est la minorité ? Où est la majorité ? Où les rapports de force s'exercent-ils, dans cette configuration ? Celle-ci évolue-t-elle ou se fossilise-t-elle, d'une élection à l'autre ? Comment la société (israélienne) se positionne-t-elle par rapport à ces deux fissures ?
Ce sont là les questions qui découlent - et ne cesseront pas de sitôt de découler - de la réalité de cette polarisation qui menace l'existence politique et institutionnelle de l'Etat, (de l'Etat démocratique, en l'occurrence), et qui en menace, aussi, l'existence sociale et sociétale, voire... ontologique ! Cette troisième menace ne représente-t-elle pas la pierre angulaire de l'idéologie kahanienne, qui appelle à une confrontation généralisée, sans merci, avec les "Juifs hellénisés", c'est à dire avec ceux, parmi les Juifs, qui ont apporté les lumières de la culture occidentale (antique) à la Torah, puis se sont fait les fourriers des "contaminations" libérale, socialiste et capitaliste ? Les "idées" du rabbin Meïr Kahana étaient-elles autre chose que l'avatar poussé aux dernières extrémités de cet amalgame improbable entre le pur militantisme nationaliste juif et certaines orientations rédemptrices apocalyptiques, puisque le miracle a voulu que se rencontrent le sionisme "laïc" extrémiste et le sionisme "religieux" fondamentaliste ? Où est donc la minorité ? Et où est la majorité ? N'y a-t-il pas cassure d'une entité-collier, aujourd'hui, entre un groupe victorieux, gagnant des "billes", et l'autre, déclinant, qui en perd ? Plus grave encore : que reste-t-il du collier lui-même ?
A l'instar de l'historien israélien "nouveau" Benny Morris, qui, n'hésitant pas, pour les besoins de sa cause, à prendre le contre-pied de quatre-vingt dix pour cent des conclusions auxquelles il est parvenu dans ses oeuvres publiées, dresse aujourd'hui un réquisitoire contre les Palestiniens et les Arabes en général, en considérant qu'ils ne visent qu'à une chose : rejeter Israël à la mer ; les Israéliens ne reculent pas devant l'hénaurmité consistant à se retourner contre la France, avec tout ce que ce pays représente en fait de longue et indéfectible amitié pour l'Etat hébreu et d'aides précieuses apportées au mouvement sioniste (depuis l'idée de l'Etat elle-même jusqu'à l'arme nucléaire). Il est inévitable, bien sûr, ce faisant, qu'ils s'en prennent à une poignée de Juifs français honorables, auxquels leur conscience vivante interdit de digérer les insupportables manifestations de la barbarie israélienne. Et cela, à son tour, est une conséquence logique de la cassure du même collier !
                       
15. Les Palestiniens ? Ils sont divisés... par Khalil Shikaki
in Foreign Affairs (revue américaine bimestrielle) de janvier-février 2002
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
(Khalil Shikaki est professeur associé de science politique à l'Université de Bir Zeit et directeur du Centre Palestinien de Recherche et d'Enquêtes Politiques - PCPSR - à Ramallah.)
Qui a lâché les chiens de guerre ? Yasser Arafat, président de l'Autorité palestinienne (AP) a-t-il orchestré et dirigé la seconde Intifada palestinienne de manière a accroître sa popularité et sa légitimité tout en affaiblissant Israël et en le contraignant à satisfaire aux exigences les plus extrêmes des Palestiniens ? Ou bien l'insurrection est-elle une réponse spontanée d'une "rue" palestinienne certes désorganisée mais néanmoins ulcérée en raison du comportement du chef du parti Likoud qu'était alors le Premier ministre d'Israël, Ariel Sharon, en visite, en septembre 2000, sur le site connu des Juifs pour être le Mont du Temple et des Musulmans pour être le Haram al-Sharif (Esplanade des Mosquées) et devant l'échec du processus d'Oslo supposé amener la fin de l'occupation militaire israélienne ? La plupart des Israéliens optent pour la première hypothèse, tandis que la plupart des Palestiniens choisissent la seconde.
Les uns comme les autres se trompent.
La vérité est que l'Intifada, qui a éclaté à la fin de septembre 2000, est la réponse d'une "jeune garde" à l'intérieur du mouvement national palestinien, non seulement à la visite de Sharon et au processus de paix bloqué, mais aussi à l'échec de la "vieille garde" de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) à obtenir l'indépendance de la Palestine et une administration correcte du pays. La jeune garde s'est tournée vers le recours à la violence pour obtenir le retrait d'Israël de Cisjordanie et de la bande de Gaza, unilatéralement, comme il l'a fait du Sud Liban en mai 2000 et, en même temps, afin d'affaiblir la vieille garde palestinienne, pour finalement la remplacer.
Plus d'un an après le début de l'intifada, la détermination de la jeune garde à atteindre ces deux objectifs est intacte et, à cela, il y a quelque raison. Les Israéliens ont commencé à envisager sérieusement l'option d'un retrait unilatéral, et la jeune garde assume de facto son contrôle sur la majorité des institutions civiles de l'AP, après avoir contraint Arafat à se concilier les nouvelles recrues de peur de perdre sa propre légitimité ou d'amener à une guerre civile intra-palestinienne. En réalité, on en est arrivé point où seuls la perspective d'un processus de paix viable et un engagement sérieux de l'AP à respecter une déontologie dans sa manière de gouverner les territoires sont à même d'offrir tant à Israël qu'à la vieille garde palestinienne une stratégie leur permettant de sortir de leurs fâcheuses positions actuelles respectives.
Diagnostic des tendances
L'intifada a cristallisé deux tendances importantes à l'intérieur de la politique et de la société palestiniennes. La première, c'est une fracture entre jeune génération et ancienne génération, à l'intérieur du mouvement national(iste), laquelle a dans une grande mesure obéré la capacité de la direction de l'AP à gérer la crise actuelle et à s'engager dans des négociations substantielles avec Israël sur le court terme. La seconde tendance relevée est une perte de pouvoir des nationalistes, plus rapide que celle constatée chez les Islamistes (comme les partisans du Hamas), cette perte de pouvoir relative des nationalistes (au profit des islamistes) ayant mis en difficulté leur capacité à gouverner le peuple palestinien.
Lorsque les accords d'Oslo ont été signé (en septembre 1993), les deux tiers des Palestiniens s'y sont déclarés favorables. Leurs attentes étaient grandes : Oslo était supposé déboucher sur la fin de l'occupation, l'instauration d'un système politique ouvert et démocratique et une amélioration rapide de la situation économique et des conditions de vie de la population. Mais l'âge d'or du processus de paix n'a pas duré longtemps. L'approbation populaire du processus d'Oslo atteignit un pic à 80 % au début de l'année 1996, tandis que l'approbation de la violence contre des cibles israéliennes s'effondrait jusqu'à un étiage de 20 %. Juste avant les élections générales palestiniennes de janvier 1996, le soutien au Fatah, mouvement nationaliste majoritaire dirigé par Arafat, atteignit le niveau sans précédent de 55 %, tandis que la popularité personnelle d'Arafat faisait un bond jusqu'à 65 %. Dans la même période, le soutien à tous les groupes oppositionnels mis ensemble - les nationalistes avec les islamistes - tombait à 20 %, ce qui représentait une chute spectaculaire, si l'on se souvient qu'ils s'attiraient 40 % des suffrages deux ans, seulement, auparavant...
Lorsqu'après ces élections générales le système politique palestinien encore en vigueur aujourd'hui vit le jour, il jouissait d'une réelle légitimité. 75 % des électeurs inscrits avaient participé au vote, en dépit d'appels au boycott, lancés par les groupes oppositionnels. Arafat reçut plus de 70 % des suffrages, il y eut 22 % de votes "blancs" et la rivale d'Arafat, Samiha Khalil, recueillit les voix restantes, soit seulement 8 %. Le Fatah remporta 77 % des sièges dans le tout nouveau Conseil Législatif Palestinien.
Entre 1993 et 2001, et à la seule exception de l'année 1994, le soutien des Palestiniens aux accords d'Oslo n'est jamais passé au-dessous de la barre des 60 %. Mais les espoirs des Palestiniens commencèrent à s'évanouir du fait tant de l'élection de Binyamin Netanyahu au poste de Premier ministre d'Israël, à la mi-1996, qu'en raison de la continuation de la construction de colonies juives en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Les attentes des Palestiniens, selon lesquelles le processus de paix aboutirait rapidement à l'instauration d'une nationalité palestinienne et à un règlement définitif du conflit sont passées d'une prégnance de  44 % au cours du mandat de premier ministre de Shimon Pérès (1995-1996) à 30 % dès la première année du mandat Netanyahu.
Quatre années après, Ehud Barak ayant succédé à Netanyahu et les colonies juives continuant leur inexorable expansion, l'espoir en un règlement définitif plongea jusqu'à 24 %. Ariel Sharon ayant accédé à la direction du gouvernement israélien au début de l'année 2001, il ne reste plus que 11 % des Palestiniens à s'accrocher à cet espoir.
La perte de confiance en la capacité du processus de paix d'aboutir à un accord définitif en termes acceptables a eu un impact fondamental dans la montée du soutien des Palestiniens à la violence contre les Israéliens, y compris aux attentats-suicides contre des civils. En juillet 2001, après l'échec de la tentative du président américain Bill Clinton de pousser à la conclusion d'un accord Camp David, mais avant même l'éclatement de la seconde intifada, 52 % des Palestiniens approuvaient le recours à la violence ; un an après, ce chiffre atteignait le pic sans précédent de 86 %. Parmi les autres victimes de l'effondrement d'Oslo, relevons la popularité d'Arafat et celle de son organisation, le Fatah. Le sommet de Camp David a fait chuter la popularité d'Arafat, qui déclinait régulièrement depuis 1996, à un bas de 37 % en juillet 2000, suivi d'une autre chute jusqu'à 29 %, un an plus tard.
De manière surprenante, avant l'intifada, les islamistes n'ont pas bénéficié de manière significative du déclin d'Arafat et du Fatah : les déserteurs des formations nationalistes consensuelles ont simplement choisi de rester dans les marges politiques, et les soutiens aux islamistes ont constamment fluctué autour des 15 %. Toutefois, l'intifada a modifié cette dynamique. En juillet 2001, la popularité des islamistes était montée à 27 %. Et, pour la première fois, le soutien combiné aux islamistes et aux mouvements nationalistes oppositionnels atteignait 31 %, dépassant les 30 % recueillis par le Fatah et ses alliés. [...]
"Relève" de la garde
Entre 1967 et 1994, la direction nationaliste palestinienne vivait en exil, le quartier général de l'OLP se déplaçant de Jordanie en Tunisie, via le Liban. La direction locale, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, durant cette même période, s'efforçait de s'affirmer, de temps à autre, pour être immédiatement décapitée par les Israéliens ou dissuadée par l'OLP. La défaite infligée à l'OLP par l'armée israélienne lors de l'invasion du Liban, en 1982, a porté atteinte à sa centralité dans la politique palestinienne et affaibli sa main-mise sur les Palestiniens vivant dans les territoires occupés. En effet, le centre de gravité de la politique palestinienne commença à glisser de l'extérieur vers l'intérieur. C'est la direction politique émergeant dans les territoires occupés, par exemple, qui a initialisé et soutenu la première intifada, entre 1987 et 1993.
En 1994, toutefois, la mise en application de la Déclaration de Principes négociée à Oslo a amené à faire rentrer la direction de l'OLP en Cisjordanie et à Gaza afin d'y établir l'Autorité palestinienne. Depuis lors, les rapports entre l'ancienne direction nationaliste, bien établie, et la direction plus jeune, émergente, n'ont pas été faciles. Les efforts déployés par la vieille garde afin de coopter ou de se concilier les jeunes dirigeants de la première intifada n'ont pas toujours été couronnés de succès, principalement à cause des tendances autoritaristes de la vieille garde. Néanmoins, l'euphorie accompagnant le retrait israélien partiel du territoire palestinien occupé, la tenue des premières élections nationales palestiniennes en 1996 et l'établissement du premier gouvernement palestinien de l'histoire ont contribué à créer une apparence d'harmonie.
La vieille garde se compose des fondateurs du mouvement national palestinien, des dirigeants de divers mouvements de guerrilla et de la bureaucratie de l'OLP. Ces hommes, dont peu d'entre eux ont moins de cinquante ans, ont passé la plus grande partie de leur vie politique hors des territoires palestiniens. Cette élite politique domine tant le Fatah que l'Autorité palestinienne. Les personnages-clés de ce groupe, tels Mahmud Abbas (connu aussi sous le nom d'Abu Mazin), Ahmad Qura'i (Abu Ala') et Nabil Sha'ath, sont aussi ceux qui ont contrôlé en permanence l'équipe des négociateurs palestiniens dans le processus de paix.
La jeune garde se compose de dirigeants locaux émergents ainsi que de dirigeants de la première intifada. La plupart d'entre eux ont au maximum quarante ans. Quelques-uns (peu nombreux) travaillent au sein du cabinet de l'Autorité et du Conseil Législatif Palestinien, sont les directeurs ou des membres influents des différents services de sécurité. Mais, dans l'ensemble, ce groupe manque de cohésion, de meneurs d'hommes et d'autorité formelle. En effet, certains jeunes nationalistes sont connus pour être des gangsters ou des seigneurs de la guerre parmi certains de leurs collègues palestiniens ; d'autres, comme Sami Abu Samhadanéh, à Rafah et Aatif Ebiat à Bethléem, ont été pris pour cibles par l'armée israélienne, le dernier cité ayant été assassiné en octobre dernier. Mais certains membres éminents de la jeune garde, comme Marwan Barghouthi à Ramallah et Husam Khader à Naplouse, sont des hommes plus respectables. Bien que la jeune garde ait fort peu voix au chapitre au sein des principales institutions de l'OLP, elle détient un certain pouvoir dans des instances du Fatah tel le Haut Comité et le Conseil Révolutionnaire, ainsi que dans la quasi-milice du Fatah, le Tanzim, et dans son aile armée, les Brigades d'Al-Aqsa. [...]
La vieille garde se caractérise par une direction à la hiérarchie très marquée. Arafat ne se contente pas de contrôler ce groupe ; sa survie même dépend de sa présence continue et d'un soutien à sa personne non démenti. La jeune garde reconnaît elle aussi le leadership d'Arafat, mais elle n'en tire pas sa propre légitimité ; en effet, c'est Arafat qui a besoin d'apporter la confirmation de sa crédibilité aux jeunes dirigeants, en tolérant leur alliance avec les Islamistes et leurs confrontations violentes avec l'armée israélienne. Depuis mars 2001, Israël ayant commencé à "cibler" les forces de sécurité et la police régulière de l'Autorité palestinienne, Arafat a même autorisé des unités de la Garde présidentielle et des services de renseignement palestiniens à participer à des attaques contre des soldats et des colons israéliens, en dépit des risques encourus. Apparemment, il doit penser que la méthode alternative qui lui permettrait de se gagner l'appui de la jeune garde - à savoir : ouvrir le système politique palestinien et encourager une véritable transition vers la démocratie - est encore moins "sexy". Mais la jeune garde persiste à exiger plus du camp d'Arafat. Elle veut la transparence, la responsabilité devant le peuple, une campagne "mains propres" contre la corruption et une confrontation plus directe avec Israël. Elle a appelé également à l'établissement d'un gouvernement d'unité nationale qui inclurait non seulement des représentants venus de ses propres rangs, mais aussi des membres éminents du mouvement islamiste et d'autres groupes oppositionnels. De plus, elle a soutenu énergiquement les revendications locales et internationales en matière de bonne gouvernance, incluant le respect de l'état de droit, l'indépendance de la justice, un rôle plus important pour le parlement et des institutions publiques plus puissantes et plus efficaces.
Les fins VS les moyens
La jeune garde s'oppose "mordicus" à tout accord de cessez-le-feu qui entraînerait une chasse aux militants palestiniens nationalistes ou islamistes. En effet, elle a condamné publiquement tant le rapport Mitchell (renfermant les conclusions d'une commission d'enquête menée par l'ancien sénateur américain George Mitchell, sur les récentes violences israélo-palestiniennes) que le plan Tenet (plan de cessez-le-feu et de maintien de la sécurité, proposé par le Directeur de la CIA George Tenet, en juin 2001). Plutôt que de souscrire à ces initiatives pour mettre un terme à la violence, la jeune garde demande à Arafat de "sortir du placard" en endossant publiquement les objectifs et les méthodes de l'intifada et en donnant l'ordre aux forces de sécurité de l'Autorité palestinienne de rejoindre le front.
La vieille garde, en face, doute de l'efficacité de la violence et a une position très critique même sur l'engagement mineur de certaines forces de sécurité de l'Autorité, dans les combats. Néanmoins, beaucoup de ses membres sont convaincus qu'Arafat ne saurait sérieusement tenir tête à la jeune garde en l'absence d'une chance raisonnable de conclure une paix avec Israël, et certains parmi eux acceptent l'argument selon lequel, pour atteindre ce but, la participation occasionnelle de membres des forces de sécurité aux combats s'impose. Lorsque le temps de la fin des confrontations armées sera venu, anticipent-ils, seuls ceux qui auront un palmarès raisonnable d'un minimum de participation à la lutte armée auront la légitimité domestique et la résolution leur permettant de s'opposer à - et finalement de mettre en état d'arrestation - ceux qui envisageraient de (la) poursuivre...
Certains membres de la vieille garde (n'appartenant pas à l'Autorité palestinienne) ont veillé à prendre leurs distances par rapport au gouvernement et à établir un nouveau forum pour la mobilisation politique et la réforme. Ainsi, en janvier 2001, le porte-parole du Conseil National Palestinien, qui représente les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza ainsi que ceux vivant dans la diaspora, a exigé que l'Autorité palestinienne traite à fond le problème de la corruption gouvernementale et l'absence d'état de droit, exhortant les membres du cabinet d'Arafat à démissionner, appelant à la création d'"une organisation de l'indépendance nationale". La jeune garde n'a pas adhéré à cette proposition, toutefois, et a cherché à s'affirmer non pas en condamnant ouvertement l'Autorité palestinienne, mais plutôt à travers la défaite de l'armée israélienne. Quant à ses buts politiques ultimes, en dépit de ce que d'aucuns semblent penser tant en Israël qu'en Occident, la jeune garde partage avec le vieux régime les buts d'un Etat palestinien indépendant (avec Jérusalem-Est pour capitale), coexistant aux côtés d'Israël, et une solution équitable au problème des réfugiés. Bien que la majorité des membres de la jeune garde défendent une version plus offensive de cette position de base que leurs homologues plus anciens, leur position reflète sans doute la perception d'une urgence accrue générée par le bain de sang quotidien ; notons que certains membres de ce groupe, tels Sari Nusseibeh, président de l'Université Al-Quds et représentant d'Arafat à Jérusalem-Est, défend des positions tout-à-fait modérées sur le processus de paix et s'oppose à la poursuite des buts nationaux au moyen de la violence.
La principale différence entre jeune garde et vieille garde en ce qui concerne Israël réside dans la manière dont l'une et l'autre définissent la victoire dans la bataille contre l'occupation. Le groupe d'Arafat aspire à une solution négociée qui non seulement mettrait un terme à l'occupation mais encore permettrait aux dirigeants en place de rester au pouvoir en Palestine pour les années à venir. En revanche, la jeune garde ne considère pas que des négociations fassent obligatoirement partie de l'équation ; un retrait israélien unilatéral et/ou une séparation lui conviendrai(en) tout aussi bien. Les insurgés ne pourraient pas s'opposer à une solution négociée réclamée par la majorité des Palestiniens, dût une telle solution finir par émerger. Mais ils ont conscience du fait que seule la vieille garde est à même de négocier un tel compromis, car elle seule dispose d'une direction nationale unifiée et d'une vision bien définie, ainsi que d'une expérience unique et de contacts avec les Israéliens. Ainsi, pour la jeune garde, un retrait israélien unilatéral ou une séparation (entre les deux peuples) représentent une manière plus attrayante de réaliser les objectifs nationaux palestiniens : en passant outre (ou en doublant) les négociations entre les Israéliens et l'Autorité palestinienne, la vieille garde serait envoyée dans les choux et la jeune garde la remplacerait au pouvoir. Au début, l'élite de l'Autorité palestinienne a considéré favorablement la nouvelle intifada parce qu'elle pensait qu'une pression accrue sur Israël renforcerait son pouvoir à la table des négociations. La jeune garde, toutefois, a vu dans l'insurrection un moyen de casser les négociations, bien loin d'un moyen de les poursuivre. L'échec à réaliser une percée à Camp David a renforcé la conviction de ces jeunes dirigeants quant à la capacité des Palestiniens à mettre un terme à l'occupation selon leurs propres volontés et en recourant exclusivement à la lutte armée populaire.
Afin d'accentuer la pression sur Israël et de renforcer sa position interne, durant les premières semaines de la seconde intifada, la jeune garde a conclu une alliance avec les islamistes et d'autres formations d'opposition (à l'Autorité). Même si elle n'est pas d'accord avec eux sur les objectifs ultimes, la jeune garde préfère conserver les islamistes dans la coalition qu'ils forment ensemble et sous sa direction, essentiellement parce qu'elle se souvient très bien de quelle façon les islamistes avaient sécrété, durant la première intifada, une direction parallèle, une structure institutionnelle et une aile armée qui leur étaient propres.
La fracture entre les générations n'est pas la principale de celles qui divisent le monde politique et la société en Palestine. La césure entre nationalistes et fondamentalistes est tout aussi profonde, et le débat - parfois en coulisses - entre partisans et adversaires du processus d'Oslo l'est tout autant. Certains membres de la jeune garde, en particulier ceux qui sont d'ores et déjà intégrés aux institutions de l'Autorité palestinienne et de l'OLP - auxquels s'ajoutent des gens qui, à l'instar de Nusseibéh, sont influencés par la mouvance non-violente - sont d'accord avec la majorité de ceux de la vieille garde pour dire que l'insurrection actuelle est une erreur dramatique. En raison du marasme politique actuel et du soutien d'une écrasante majorité de la population à la confrontation armée, toutefois, ce groupe se retrouve marginalisé et il reste coi.
À la croisée des chemins
De savoir si les tensions internes à la société palestinienne seront résorbées ou si elles vont continuer à s'exacerber dépend de quel scénario, parmi trois possibles, va émerger. Si l'impasse palestino-israélienne en train de mijoter se prolonge, les premiers bénéficiaires en seront les islamistes. Si Israël opte pour un retrait unilatéral conséquent ou pour la séparation, toutefois, c'est la jeune garde qui pourrait en retirer quelque avantage. Et enfin, si les dirigeants israéliens et palestiniens parviennent à tomber d'accord sur une forme quelconque de règlement négocié, que ce dernier soit provisoire ou permanent, la vieille garde y retrouverait une nouvelle jeunesse (ou un nouveau sursis ?)
La continuation du status quo entraînerait une nouvelle chute du soutien populaire palestinien au processus de paix et aux compromis qu'il suppose, ainsi que de hauts niveaux d'adhésion au recours à la violence. La légitimité de l'Autorité palestinienne continuerait à s'effriter et, avec elle, la popularité d'Arafat. Le conflit entre vieille et jeune gardes finirait de diviser le camp nationaliste, la seconde gagnant petit à petit de l'ascendant sur la première à l'occasion d'une dévolution majeure de pouvoir. Arafat resterait vraisemblablement aux manettes, mais sa marge de manoeuvre serait des plus rétrécies. S'il devait disparaître de la scène politique, sa sortie hâterait la mise à l'écart de la vieille garde et conduirait à des luttes intestines entre membres de la jeune relève pressés de prendre sa place. Ceux parmi les jeunes leaders qui sont intégrés actuellement aux cadres de l'Autorité joindraient probablement leurs forces à la jeune garde et apporteraient, dans la "corbeille de mariage" les fantassins, le soutien de l'opinion publique et, par-dessus tout, une certaine respectabilité politique. Qu'Arafat reste ou qu'il parte, toutefois, le curseur du pouvoir continuerait à se déplacer du nationalisme vers l'islamisme, ce dernier camp parvenant, finalement, à occuper la place de force dominante dans la politique et la société palestiniennes.
Une séparation ou un retrait, tous deux unilatéraux, des Israéliens, en revanche, donnerait à la jeune garde une victoire sans précédent. La séparation unilatérale semble séduisante aux Israéliens parce qu'elle n'exige pas un quelconque partenaire, en face. Comme ils tirent la conclusion que les Palestiniens ne peuvent - ou ne veulent - accepter les compromis qu'ils leurs proposent, nombreux sont les Israéliens à être de plus en plus convaincus que la séparation est la seule manière de réduire la vulnérabilité de leur pays. Aujourd'hui, une majorité d'Israéliens est favorable à l'idée d'édifier un mur (style Berlin) afin de séparer entre elles les deux populations, bien que l'étendue du soutien à ce plan dépende de la question de savoir où exactement la ligne de séparation serait tracée ?
Plus le retrait et l'évacuation proposés sont importants, plus tiédit le soutien de l'opinion publique israélienne. Néanmoins, l'idée rencontre un soutien suffisant dans l'ensemble du spectre politique israélien pour en rendre la suggestion plausible.
Tout retrait unilatéral israélien des territoires palestiniens serait rapproché du retrait d'Israël du sud-Liban, en 2000. Il est vraisemblable, dans ce cas de figure, que la vieille garde palestinienne adopterait le comportement du gouvernement libanais, alors que la jeune garde se comporterait comme le Hezbollah. En d'autres termes, l'Autorité n'assumerait pas la souveraineté sur les territoires nouvellement évacués, ni sur les colonies, laissant à une alliance de jeunes nationalistes et d'islamistes, fraîchement consacrée, déclarer ces zones "libérées" et les utiliser comme des bases d'où poursuivre le combat contre l'armée israélienne dans les zones encore occupées ( = pas encore évacuées...).
La jeune garde saborderait vraisemblablement toute tentative de la direction de l'Autorité d'utiliser l'occasion d'un retrait israélien comme un motif de reprendre les négociations. En effet, les jeunes leaders seraient probablement enclins à transformer leur "victoire" en défiance envers la vieille garde (pouvant aboutir à son éviction), car ils auraient là l'occasion de renforcer leur main-mise sur le mouvement nationaliste (bien qu'il soit vraisemblable qu'ils conservent Arafat en attendant qu'un remplaçant doté de plus qu'une simple crédibilité locale finisse par émerger). Etant donné que l'opinion publique palestinienne verrait sans doute dans un retrait israélien unilatéral une victoire sans équivoque de la jeune garde, les atouts des nationalistes, en général, atteindraient des sommets, ceux des islamistes, par un mouvement de vases communicants, tombant au plus bas.
Une solution négociée, enfin, représenterait le scénario dans lequel la vieille garde pourrait préparer son "comeback", car seuls les dirigeants établis de l'Autorité palestinienne sont à même d'y parvenir. Un accord israélo-palestinien susceptible de trouver un soutien dans la rue palestinienne (par les temps qui courent : dur... ndt) ne pourrait qu'asseoir à nouveau le leadership de l'Autorité. La jeune garde et les islamistes s'emploieraient, dans ce cas de figure, à torpiller cet accord mais, ce faisant, ils iraient à l'encontre de la volonté populaire... Plus significativement, les jeunes leaders nationalistes actuellement intégrés à l'Autorité joindraient de manière effective, et non plus superficielle, leurs forces à la vieille garde et pèseraient dans le sens du soutien à l'accord, plutôt que de faire défection et de rejoindre leurs homologues de la même génération, comme ils pourraient être tentés de le faire après un retrait israélien unilatéral. De plus, s'il devait être accompagné de réformes politiques internes authentiques, un compromis négocié avec Israël serait susceptible de créer des conditions dans lesquelles les ailes "vétérans" et "relève" du mouvement nationaliste palestinien pourraient s'unir et tirer le tapis de dessous les pieds des islamistes [...]
Réformer ou périr
Les attentats du 11 septembre ont eu un impact notable, mais temporaire, sur la communauté palestinienne. La répulsion inspirée à la communauté internationale par le terrorisme et la détermination américaine de conduire une alliance pour le combattre et l'éliminer ont alimenté de nouvelles craintes, certes, mais elles ont aussi ouvert de nouvelles possibilités. Arafat s'est montré déterminé à éviter toute association entre lui-même et le terrorisme contre des civils, et très empressé auprès des Américains afin de leur manifester sa solidarité. La plupart des Palestiniens, jeune garde comprise, ont craint qu'Israël ne mette à profit la crise internationale pour lancer une attaque dévastatrice contre les territoires contrôlés par l'Autorité palestinienne. Les islamistes palestiniens, eux, ont redouté de se voir assimilés à Oussama Ben Laden et à son réseau (Al-Qa'ida). Résultat : les islamistes ont refréné leurs attentats-suicides contre les civils israéliens ; la jeune garde a pris ses distances de ses alliés conjoncturels et, enfin, la crédibilité internationale de la vieille garde a acquis le statut, tout à la fois, d'une carte-maîtresse et d'une couverture bien pratique.
Pour Arafat, le coût des "friandises" destinées à faire se tenir tranquille la jeune garde augmenta terriblement, et il pouvait à juste titre craindre pour sa propre survie.
En même temps, toutefois, le besoin des Etats-Unis de s'assurer du soutien arabe et musulman dans sa croisade contre le terrorisme offrait quelques opportunités.
Ce n'est qu'après la guerre du Golfe, après tout, qu'une administration américaine avait pu faire ce qu'il fallait afin d'aboutir à la réunion de la conférence de paix au Moyen-Orient de Madrid, qui a abouti à son tour à des négociations de paix sans aucun précédent, entre Israël et ses voisins arabes. La vieille garde nourrit encore à ce jour l'espoir que quelque chose de similaire se produise. C'est pourquoi Arafat a utilisé la carotte et le bâton afin d'amener ses opposants internes à accepter un calme temporaire.
Ni la jeune garde, ni les islamistes n'ont cru une seule minute que Sharon jouerait le jeu, toutefois, et jusqu'ici, leur scepticisme s'avère fondé. Intimement convaincus que la main d'Arafat est cachée derrière tout incident violent, Sharon et les hauts responsables de l'armée et des services de renseignement israéliens semblent en être arrivés à la conclusion qu'Arafat n'est plus un partenaire.
Et en effet, ils pourraient bien être désormais engagés, lentement mais inexorablement, dans une opération de déligitimisation et de liquidation de son autorité. Ils ont compris que le calme relatif, du côté (officiel) palestinien, pourrait bien n'être que provisoire, et ils ont apparemment cherché à priver Arafat de la bouée de sauvetage que la diplomatie post-onze septembre aurait pu lui lancer. La politique israélienne d'assassinats programmés et d'incursions dans les territoires d'où Israël s'était déjà retiré a continué, même après qu'Arafat ait réussi à réduire le niveau des violences de 80 % en un rien de temps... Et cela pourrait bien signifier que même des efforts diplomatiques bien intentionnés de pays tiers ne parviendront pas à contraindre Arafat à s'engager à respecter totalement un cessez-le-feu ou à se contenter de compter les provocations continuelles de Sharon.
Arafat, et avec lui la vieille garde, sont donc peu susceptibles d'opter pour un cessez-le-feu complet, et ils pourraient même être dépourvus du pouvoir d'en imposer un.
Depuis l'éclatement de la seconde intifada, ils sont sur la corde raide : l'Autorité palestinienne ne jouit plus du monopole de l'utilisation des armes sur son territoire, sa légitimité est remise en question par la rue palestinienne, même les gens qui lui sont favorables soutiennent la violence et s'opposent à une mise hors d'état d'agir tant des islamistes que des radicaux de la jeune garde et, enfin, aucun processus politique n'apparaît à l'horizon. Si Arafat agit afin de supprimer ses opposants internes, il risque d'apparaître, s'il y parvient, comme un laquais d'Israël, ou même comme un nouveau Sa'ad Haddad (le commandant de l'Armée du Sud Liban, créée par Israël à la fin des années 1970 afin de "garantir la sécurité" du nord d'Israël). Et s'il n'y parvient pas, il fait courir à son peuple le risque, qu'on espère impensable, de la guerre civile.
On voit donc que ses choix sont limités. Dans un environnement politique autre, environnement dans lequel Arafat bénéficierait de la légitimité et du soutien de son opinion publique, il pourrait décider d'imposer un cessez-le-feu. Cet environnement nouveau pourrait être initialisé par un coup de fouet donné au processus de paix par les Etats-Unis, qui en conduiraient la reprise, avec le soutien de la communauté internationale. Mais les chances de cette issue heureuse sont manifestement très très minces.
Toutefois, si la situation actuelle semble exécrable, il est facile d'imaginer ce qui pourrait l'amener à empirer. Aujourd'hui, l'ascendant d'Arafat est en quelque sorte la colle qui fait tenir ensemble la vieille et la jeune gardes, en écartant une prise de contrôle immédiate et totale de la situation par la seconde. En dépit de ses piètres talents de communicateur, Arafat continue à donner à l'opinion publique palestinienne une impression de stabilité, tenant ainsi en respect une détérioration totale de l'ordre public et de la loi. Sa présence dissuade les islamistes de mettre en danger rapidement la prépondérance ébranlée des nationalistes ; en son absence, l'enfer pourrait se déchaîner. Bien sûr, Arafat et l'Autorité palestinienne ont une alternative pour échapper à ce futur sinistre : au lieu d'attendre, en vain, qu'un plan de paix américain ou international vienne à leur secours, ils pourraient se lancer, dès aujourd'hui, dans un processus de réforme politique. Ce faisant, ils permettraient au mouvement nationaliste (laïque) de regagner le soutien de la majorité des Palestiniens tout en réconciliant ses deux factions principales. Pour Arafat, la vieille garde, et la société palestinienne en général, le message semble pourtant assez clair : "réformez-vous, sinon : disparaissez".
[Les chiffres cités ici sont fondés sur plus de 75 sondages effectués par l'auteur en Cisjordanie, Jérusalem-Est comprise, et dans la bande de Gaza, sur la période 1993-2001. L'échantillon représentatif de chacun de ces sondages comportait de 1 300 à 2 000 personnes, les interviews étaient menées en face-à-face. Des détails concernant la méthodologie de ces sondages est disponible sur le site du Centre Palestinien de Recherche et d'Enquêtes Politiques : http://www.pcpsr.org]