Revue de
presse
1. Manifestation de solidarité avec les Palestiniens
et Yasser Arafat
Dépêche de l'Agence France Presse du jeudi 14 février 2002,
19h33
TUNIS - Un meeting populaire de solidarité avec le peuple palestinien a eu
lieu samedi [9 février] au stade El Menzah de Tunis auquel a participé le chef
du département politique de l'OLP (Affaires étrangères), Farouk Kaddoumi, devant
quelque dix mille personnes, a constaté un journaliste de l'AFP.
Hamed Karoui, vice-président du Rassemblement constitutionnel democratique
(RCD, parti au pouvoir en Tunisie), qui présidait ce meeting, a réaffirmé "le
soutien de la Tunisie au peuple palestinien et son appui au symbole de sa lutte,
son leader, le président Yasser Arafat".
M. Karoui était entouré des membres du bureau politique du RCD et des
représentants des partis de l'opposition tunisienne légale.
A Djerba (sud-est), l'Union générale tunisienne du travail (UGTT, centrale
syndicale unique) a pour sa part décidé samedi de lancer une grève générale
d'une heure le 26 février en Tunisie en soutien au peuple palestinien.
Cette décision, rare en Tunisie, a été adoptée au dernier jour du congrès
extraordinaire de l'UGTT à Djerba dont les débats ont été ponctués par des
appels à la solidarité avec les Palestiniens et le président Yasser Arafat,
bloqué depuis le 3 décembre à Ramallah par l'armée israélienne.
A Tunis, M. Farouk Kaddoumi, après avoir rappelé que la Tunisie avait été
"de longues années durant, une terre d'accueil et d'hospitalité pour la
direction de la révolution palestinienne, a affirmé que "le président Yasser
Arafat, qui vit dans sa patrie entouré de son peuple, ne capitulera jamais et
poursuivra sa résistance pour la défense de la juste cause de son peuple et de
ses droits inaliénables".
Parmi les milliers de personnes assistant à ce meeting, beaucoup agitaient
des drapeaux tunisiens et palestiniens et des banderolles en faveur de
l'Autorité palestinienne, tandis que des enfants des écoles brandissaient des
pancartes sur lesquelles on pouvait voir la photo du président Yasser
Arafat.
L'initiative du meeting à Tunis avait été prise par le Président tunisien
Zine El Abidine Ben Ali et les quotidiens tunisiens lui consacraient une large
place samedi. Le quotidien La Presse (gouvernemental) rappelle que la Tunisie
"s'est toujours rangée du côté du droit international, appelant à une solution
juste et durable du conflit palestino-israélien".
"Ce conflit, devenu une véritable plaie béante (...) hypothèque l'avenir
des pays limitrophes et les divers projets de codéveloppement durable dans tout
le pourtour euro-méditerranéen", poursuit le journal.
Il "suscite un sentiment de frustration et de désespoir à tel point que la
violence et l'extrémisme sont devenus le lot quasi quotidien dans cette région
du monde", conclut le journal.
2. Arafat est irremplaçable pour les réfugiés
palestiniens du Liban
Dépêche de l'Agence France Presse du jeudi 14 février 2002,
19h15
RACHIDIYE - Le président Yasser Arafat, que le Premier ministre israélien
Ariel Sharon veut marginaliser, est irremplaçable, soutiennent les réfugiés
palestiniens du Liban, toutes tendances politiques confondues.
"Il n'y a pas d'alternative à Arafat et nul ne pourra le remplacer de son
vivant. C'est notre président. Il sortira renforcé de la réclusion que lui
impose Sharon", affirme Salha Hussein, ménagère du camp de Rachidiyé, à 15 km de
la frontière libano-israélienne.
Comme l'écrasante majorité des 376.000 réfugiés du Liban, Salha Hussein,
s'indigne de l'assignation à résidence de M. Arafat, bloqué par l'armée
israélienne depuis le 3 décembre à Ramallah, en Cisjordanie.
"Arafat est incontournable. Qui d'autre aurait pu imposer aux Palestiniens
les accords d'Oslo (1993) avec Israël qui comportent des concessions
douloureuses dont la renonciation aux deux tiers de la Palestine", déclare
Sultan Aboul Aynaïn, chef au Liban du Fatah de M. Arafat.
Etabli à Rachidiyé, dont l'entrée est ornée d'un portrait géant du
président palestinien, Aboul Aynaïn ajoute que "la disparition d'Arafat privera
le monde d'un interlocuteur capable de promouvoir la paix au
Proche-Orient".
"Arafat n'a jamais menti, il est à la fois un chef de guerre et un homme de
paix", poursuit-il, rappelant son discours en 1974 devant l'ONU dans lequel il
avait déclaré "brandir un fusil d'une main et de l'autre un rameau
d'olivier".
Selon Firas, un cadre du Fatah du camp voisin de Bourj Chamali, "Arafat a
été desservi par la mort du Premier ministre Yitzhak Rabin tué par un extrémiste
juif et aujourd'hui par Sharon qui torpille le processus de paix".
"Il faut renouer rapidement le dialogue politique entre Israël et Arafat
pour qu'il ne soit plus débordé par les islamistes et les radicaux", ajoute
Firas qui se dit hostile aux attentats des kamikazes contre des civils
israéliens.
Un ouvrier agricole du camp proche de Bass, Mohamad Ibrahim, s'élève, à
l'instar des personnes interrogées par l'AFP, contre l'objectif de Sharon de
mettre Arafat "hors jeu".
"Comment le chef d'un gouvernement ennemi s'arroge-t-il le droit de vouloir
éliminer Arafat qui bénéficie d'une légitimité historique, qui mène depuis 1965
le combat pour édifier un Etat palestinien à côté d'Israël et qui a été élu à
une forte majorité", affirme-t-il.
Sawsan, jeune militante du Front populaire de libération de la Palestine
(FPLP), dont le chef Ahmad Saadat est emprisonné par le président palestinien
sous la pression d'Israël estime que "Arafat reste malgré tout le chef
historique" des Palestiniens.
Dans le camp d'Aïn Héloué, le plus grand du Liban, la légitimité d'Arafat
ne fait pas l'ombre d'un doute même chez les partisans des mouvements islamistes
du Hamas et du Jihad islamique.
Nadia Ismaïl, employée de pharmacie portant le foulard islamique, dit "être
totalement avec Arafat", alors que Mohammad, un marchand de meubles, proche du
Hamas, lance qu'"il n'y a pas mieux que Arafat pour défendre les droits du
peuple palestinien".
"Arafat n'abandonnera pas notre droit au retour. C'est un pragmatique qui
tente d'obtenir le maximum, mais morceau par morceau", affirme Issam Haddad,
instituteur.
Une des rares fausses notes vient de Mounir Maqdah, cadre du Fatah opposé
aux accords d'Oslo, "car ils annulent le principe de la destruction
d'Israël".
"Je suis avec lui (Arafat) tant qu'il combat Israël par les armes", dit ce
barbu qui avoue avoir tissé des liens avec les radicaux et les islamistes
pro-syriens et pro-iraniens.
3. Un responsable en second du réseau
Qa'ida préparerait de nouveaux attentats d'envergure par Philip Shenon
& James Risen
in The New York Times (quotidien américain) du mercredi 13
février 2002
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Un Palestinien de trente ans, insaisissable,
voyageant dans le monde entier au moyen de faux passeports et de fausses
identités multiples semble être le nouveau chef opérationnel du réseau
(terroriste) Al-Qa'ida, et suspecté d'en coordonner les restes afin de mener à
bien d'autre attaques contre les Etats-Unis, ont déclaré des responsables
officiels américains.
Ce Palestinien, Abu Zubaydah, a été en liaison directe
avec la préparation des attaques du onze septembre contre les Etats-Unis. Il est
lié, également, à des plans d'une vague d'attentats en Europe, qui auraient dû
se produire l'année dernière, dirigés notamment contre l'ambassade américaine à
Sarajevo, capitale de Bosnie. Cet attentat aurait dû se produire peu après le
onze septembre.
Tandis que les attentats planifiés en Europe ont été évités
grâce à l'arrestation de plusieurs conspirateurs, les enquêteurs américains se
sont déclarés convaincus que M. Zubaydah tenterait actuellement d'activer des
cellules dormantes du réseau Al-Qa'ida afin de mener de nouvelles attaques
contre les Etats-Unis et leurs alliés.
Des enquêteurs ont indiqué que M.
Zubaydah est très dangereux et qu'ils sont particulièrement désireux de
l'arrêter parce qu'il est l'un des rares dirigeants d'Al-Qa'ida dont on pense
qu'il connaisse les identités des milliers de recrues de l'organisation
terroriste qui ont pu passer par les camps d'entraînement de cette dernière, en
Afghanistan. Ces terroristes sont aujourd'hui de retour dans leurs pays
d'origine, ou se trouvent ailleurs, mais ont quitté l'Afghanistan, attendant
toujours des instructions, prêts à passer à l'action.
"Cet homme est aussi
dangereux que ceux que nous recherchons, Ben Laden compris", a indiqué un haut
responsable du ministère de la justice. "Mais nous savons bien peu de choses sur
lui, et c'est très préoccupant."
Le ministère américain de la justice et les
responsables des services de surveillance se disent convaincus que M. Zubaydah a
reçu le commandement en chef des opérations militaires d'Al-Qa'ida des mains de
Muhammad Atef, présumé avoir été tué lors d'un bombardement américain en
Afghanistan en novembre dernier. M. Atef, un Egyptien, était le plus haut
responsable d'Al-Qa'ida à avoir été tué (dit-on) dans les opérations militaires
américaines.
M. Zubaydah est l'un des officiers supérieurs d'Oussama Ben
Laden depuis la fin des années quatre-vingt dix, et les services secrets
américains pensent qu'il se trouvait en Afghanistan, aux côtés de M. Ben Laden
durant les premières semaines qui ont suivi les attentats du onze septembre. On
ignore où il peut bien se trouver actuellement, même si les responsables de
l'administration Bush indiquent disposer d'informations fragmentaires qui les
amènent à penser qu'il se serait réfugié au Pakistan.
Les responsables
américains disent que M. Zubaydah a sans doute pu échapper à l'arrestation après
le onze septembre beaucoup plus facilement que d'autres responsables du réseau
Al-Qa'ida, car il avait soigneusement veillé, depuis des années, à éviter les
caméras et à dissimuler certains détails sur son identité. Bien que les services
d'espionnage américains aient indiqué disposer de photographies récentes de M.
Zubaydah, ces photos n'ont pas été rendues publiques.
Décrit par ces
responsables américains comme grand et mince, avec un teint très clair, M.
Zubaydah a, pense-t-on, changé de look assez souvent au cours des années
récentes. Connaissant moyennement l'anglais, il a eu recours à toute une série
de fausses identités et de faux documents de travail, afin d'emprunter des vols
internationaux et de passer sans encombre les contrôles douaniers, ainsi que
ceux des diverses polices de l'immigration, dans un certain nombre de
pays.
Il a échappé à l'arrestation, bien qu'il ait été l'un des rares
officiels d'Al-Qa'ida à voyager très souvent à l'extérieur de l'Afghanistan et
du Pakistan, afin de coordonner les cellules du réseau à travers le monde
entier.
Ses activités se sont avérées si difficile à repérer au fil des
années que le ministère américain de la Justice n'a jamais cité M. Zubaydah dans
l'une quelconque des mises en accusation ou des mandats d'arrêts lancés contre
les dirigeants d'Al-Qa'ida.
En l'absence d'accusation publique à son
encontre, M. Zubaydah avait été l'unique dirigeant d'Al-Qaida enlevé de la liste
des "Terroristes les plus demandés" ("Most Wanted Terrorist") publiée par le FBI
en octobre dernier.
Le Pakistan n'est pas terra incognita pour M. Zubaydah,
dont le nom complet est (pense-t-on) Zayn al-Abidin Muhammad Husaïn Abu
Zubaydah.
Dans les années quatre-vingt-dix, il a vécu et travaillé dans la
ville de Peshawar, au nord du Pakistan, à partir d'un Q.G. d'Al-Qa'ida connu
sous l'appellation de Maison des Martyrs. Son travail consistait à auditionner
des dizaines de jeunes recrues, volontaires pour aller suivre un entraînement
dans les camps d'Al-Qa'ida dans l'Afghanistan voisin. Il avait aussi la
responsabilité d'au moins un de ces caps, connu sous l'appellation de Camp
Khaled, indiquent les responsables américains.
Mais il avait un rôle encore
plus important, consistant à de-briefer les futurs terroristes à leur retour au
Pakistan, après leur entraînement en Afghanistan.
C'était ce M. Zubaydah,
disent les responsables américains, qui leur donnait une affectation dans les
différentes cellules d'Al-Qa'ida réparties dans le monde entier. En sa qualité
de coordonnateur des réseaux extérieurs de l'organisation, il connaît
vraisemblablement l'identité et les missions de pratiquement tous les agents
d'Al-Qa'ida en dehors de l'Afghanistan.
"Il a joué un rôle significatif dans
le recrutement, la formation et les déplacements des nouveaux agents
opérationnels d'Al-Qa'ida, pendant plusieurs années", a précisé un responsable
américain. Mais, en dépit de ses responsabilités dans Al-Qa'ida et sa proximité
de M. Ben Laden, on connaît relativement peu de choses sur la personnalité et
l'éducation de M. Zubaydah.
On pense qu'il est né à Riyadh, capitale de
l'Arabie saoudite, dans une famille palestinienne moyennement aisée. Les
Palestiniens sont relativement peu nombreux en Arabie saoudite. La plupart
d'entre eux travaillent dans le secteur tertiaire et l'enseignement. M. Zubaydah
et sa famille pourraient avoir vécu un certain temps dans la bande de
Gaza.
Les services secrets et le ministère de la justice déclarent ne
disposer d'aucune preuve de l'engagement de M. Zubaydah dans un groupe
terroriste palestinien, dans sa jeunesse.
"Cet homme est intéressant à
plusieurs égards, et notamment parce qu'il échappe au parcours-type qui amène
d'autres Palestiniens à rejoindre des formations terroristes, pour des raisons
essentiellement nationalistes", a déclaré un responsable de l'administration
Bush. Son objectif central n'a jamais été un Etat palestinien. Son objectif a
toujours été l'extrémisme islamiste."
Il précise que M. Zubaydah n'avait
qu'une vingtaine d'années lorsqu'il a été pressenti par M. Ben Laden, mais qu'il
a été rapidement promu à des fonctions élevées.
Il avait attiré l'attention
des experts antiterroristes américains en tant que principal agent d'Al-Qa'ida
après qu'ils eurent reçu des rapports selon lesquels il avait organisé les
"complots du bimillénaire" contre l'aéroport international de Los Angeles et des
sites touristiques en Jordanie, en fin décembre 1999. Ces attentats avaient été
déjoués, et M. Zubaydah était depuis lors sous le coup d'une condamnation à mort
par contumace en Jordanie.
Bien qu'ayant réussi à déjouer les attentats
planifiés pour le bimillénaire, les responsables américains réalisèrent
rapidement que M. Zubaydah avait été promu et intégré à un triumvirat d'aides de
camp qui entouraient M. Ben Laden, détenant entre leur mains les missions les
plus délicates du réseau Al-Qa'ida.
Avant le 11 septembre, seuls M. Atef et
Ayman AlZawahiri, un médecin égyptien, adjoint de M. Ben Laden et grand
inspirateur du terrorisme, semblaient être hiérarchiquement au-dessus de M.
Zubaydah.
Les responsables du ministère américain de la justice se disent
certains que M. Zubaydah s'est vu confier la mission d'organiser de nouvelles
attaques terroristes. Ils ajoutent que, depuis le onze septembre, ils ont
découvert des indices l'associant à des plans de deux attentats terroristes en
Europe, l'année dernière. L'un des objectifs était l'ambassade des Etats-Unis à
Paris, l'autre étant l'ambassade des Etats-Unis en Bosnie.
Son numéro de
portable en Afghanistan a été retrouvé dans la mémoire d'un téléphone cellulaire
utilisé par un homme décrit comme l'instigateur de l'attentat prévu en Bosnie.
Le nom de M. Zubaydah a été associé avec la préparation d'un attentat à Paris
dans les dépositions d'un terroriste arrêté dans la capitale française.
L'une
des rares occurrence où le rôle joué par M. Zubaydah dans l'organisation
Al-Qa'ida ait été cité publiquement fut sa mise en cause, en juillet, au cours
de son témoignage, par un terroriste algérien, Ahmed Ressam, qui avait été
accusé, au début de l'année, d'avoir préparé un attentat à l'aéroport de Los
Angeles la veille du jour de l'an 2000.
Témoignant lors du procès à Manhattan
d'un autre homme accusé de la préparation du même attentat, M. Ressam a déclaré
avoir rencontré M. Zubaydah pour la première fois en 1998, alors qu'il
traversait le Pakistan afin de se rendre dans un camp d'entraînement d'Al-Qa'ida
en Afghanistan. M. Ressam s'était rendu au Pakistan, en avion, depuis le Canada,
où il avait demandé l'asile politique au milieu des années quatre-vingt
dix.
"C'est lui qui était responsable des camps (d'entraînement)" a-t-il
déclaré en faisant allusion à M. Zubaydah. "Il accueillait des volontaires, des
hommes jeunes, de tous les pays. Soit il vous admettait, soit il vous recalait.
Et il s'occupait de l'intendance des camps. Il vous procurait aussi vos billets
d'avion, tant pour votre venue que pour votre départ."
4. L'incapacité de la
communauté internationale par Abir Taleb
in Al-Ahram Hebdo
(hebdomadaire égyptien) du mercredi 13 février 2002
La violence n'en
finit pas de prendre de l'ampleur dans les territoires occupés. Dès son retour
de Washington, le premier ministre israélien, Ariel Sharon, a lancé une vaste
offensive anti-palestinienne.
A la suite de la mort de deux militaires
israéliennes dans une attaque palestinienne dimanche à Beersheba, dans le sud
d'Israël, et du lancement de deux roquettes palestiniennes artisanales Qassam
tirées à partir de la bande de Gaza, et qui ont pour la première fois atteint
Israël, l'armée israélienne a lancé une vague de représailles, par air et par
terre, faisant environ 80 blessés.
Lundi, deux hélicoptères Apache et trois
avions de combat F-16 israéliens ont attaqué des bâtiments abritant notamment la
prison centrale de Gaza et les installations de plusieurs services de sécurité
palestiniens, dont celles des services de renseignements militaires et de la
garde présidentielle, la Force-17, blessant des membres de ces services de
sécurité, mais aussi des civils.
La veille également, des avions de combat
F-16 ont bombardé des positions des forces de sécurité dans le quartier de la
présidence à Gaza, détruisant le quartier général de la police maritime et
endommageant gravement le centre de commandement de la Force-17. Des
hélicoptères ont également attaqué à la roquette des ateliers de métallurgie à
Beit Lahia, une localité palestinienne dans le nord de la bande de Gaza et à
Jabaliya, dans le même secteur. Encore une fois, le prétexte avancé par l'armée
israélienne est que ces ateliers servaient à la fabrication de mortiers et de
roquettes.
Aux bombardements s'est ajoutée une profonde incursion de l'armée
israélienne en territoire autonome, dans la nuit de dimanche à lundi.
L'opération a au lieu à Naplouse et a fait deux blessés palestiniens lors de
violents échanges de tirs entre militaires israéliens et palestiniens armés,
avant que l'armée ne se retire lundi matin.
Et comme toujours, accusations et
contre-accusations se multiplient.
Face à cette nouvelle agression,
l'Autorité palestinienne, qui a imputé la responsabilité « totale de cette
escalade au gouvernement israélien », n'a pu que demander aux « Etats-Unis
d'agir rapidement pour faire cesser l'agression israélienne avant que nous ne
perdions toute chance de retour au calme dans la région », selon les termes du
conseiller du président palestinien, Nabil Abou-Roudeina. L'Autorité
palestinienne, qui a dénoncé les raids, a aussi accusé le gouvernement israélien
de saboter les efforts de paix internationaux.
Dans le même temps, Israël a
accusé M. Arafat de porter par ses déclarations la responsabilité de l'effusion
de sang. « La recrudescence des actes de terrorisme de ces derniers jours, dont
Yasser Arafat a la responsabilité directe, nous obligera à prendre des décisions
», a menacé le premier ministre israélien à son retour des Etats-Unis, sans
toutefois donner d'autres précisions.
Les raids israéliens à Gaza ont par
ailleurs blessé deux employés de l'Onu, ce qui a provoqué la colère du
coordonnateur spécial de l'Onu pour le processus de paix au Proche-Orient, Terje
Roed-Larsen, qui s'est déclaré « scandalisé qu'Israël utilise des bombes de gros
calibre à proximité de zones d'habitation et des bureaux des Nations-Unies
».
Washington refuse de boycotter
Arafat
La violence avait déjà repris au moment où Ariel Sharon
était en visite à Washington. Vendredi, une Israélienne et trois Palestiniens
ont trouvé la mort au moment où le premier ministre israélien tentait d'obtenir,
en vain, que les Etats-Unis boycottent Yasser Arafat. Le président américain
George W. Bush s'est certes engagé à maintenir la pression sur le président
palestinien, mais pas à le boycotter, comme le lui demandait M. Sharon. Ce
dernier avait soutenu lors de sa rencontre avec Bush que le président
palestinien « n'est pas un partenaire et ne le sera pas » et a préconisé
l'émergence d'une « direction palestinienne alternative ». Mais Bush a refusé de
rompre avec Arafat, ajoutant que son pays allait « continuer à exercer des
pressions sur (lui) pour le convaincre de prendre » des mesures concrètes contre
« les terroristes ».
A New York, le ministre israélien de la Défense,
Binyamin Ben Eliezer, est revenu vendredi à la charge, estimant que les
Etats-Unis devraient discuter avec des interlocuteurs, à ses yeux
recommandables, plutôt qu'avec M. Arafat. Il a même avancé quatre noms
susceptibles selon lui de tenir lieu de remplaçant à Arafat : ceux du président
du Conseil législatif palestinien Ahmad Qoreï, du numéro deux palestinien
Mahmoud Abbass, du chef de la Sécurité préventive dans la bande de Gaza Mohamed
Dahlan et de son homologue en Cisjordanie, Jibril Rajoub.
Toutefois, le fait
que le président américain n'ait pas répondu favorablement à la demande
israélienne a quelque peu soulagé les Palestiniens. Pour sa première réaction à
la prise de position du président George W. Bush, la direction palestinienne a
parlé vendredi soir, dans un communiqué, d'« attitude positive des Etats-Unis à
l'égard de l'Autorité et du peuple palestiniens ainsi qu'à l'égard du processus
de paix ». Auparavant, des responsables palestiniens n'avaient pas dissimulé
leur soulagement. Parlant d'un « échec de Sharon devant son principal allié, les
Etats-Unis », le négociateur Saëb Eraqat avait ainsi demandé à Washington de
choisir la méthode qui mène à la paix, soit, selon lui, d'« exercer des
pressions sur le gouvernement israélien et non sur l'Autorité palestinienne
».
Divergences américano-européennes
Sur le plan diplomatique, les Etats-Unis et l'Union Européenne (UE)
ont affiché leurs divergences sur une sortie de la crise du Proche-Orient. Les
ministres des Affaires étrangères de l'UE, de plus en plus critiques envers la
diplomatie américaine, ont estimé qu'il fallait ramener des perspectives
politiques au centre de la recherche de la paix au Proche-Orient, et ne pas s'en
tenir seulement aux aspects sécuritaires.
Mais Washington a écarté les idées
européennes, estimant qu'il fallait s'en tenir aux plans déjà existants,
prévoyant un cessez-le-feu, en vue d'un retour par étapes aux négociations de
paix.
A l'issue d'une réunion informelle qui s'est tenue vendredi et samedi à
Caceres (Espagne), le ministre espagnol des Affaires étrangères, Josep Piqué, a
affirmé que les plans Mitchell et Tenet « sont depuis longtemps sur la table.
Cependant, nous sommes toujours dans l'impasse ». L'UE « pense donc qu'elle peut
avancer des idées qui permettent de sortir de l'impasse », a-t-il
poursuivi.
Les Quinze poursuivront leurs discussions sur le Proche-Orient
lors de leur prochaine réunion à Bruxelles, le 18 février. Un document de
travail devrait alors être présenté par la présidence espagnole de
l'UE.
L'Italie a suggéré la réunion d'une conférence internationale et le
lancement d'un plan Marshall dans la région, l'Allemagne un référendum et la
France a proposé la « reconnaissance » d'un Etat palestinien « comme point de
départ » d'un règlement du conflit, ainsi que la tenue de nouvelles élections
dans les territoires palestiniens sur le thème de la paix. A ce sujet, le
ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, a déclaré : « Ce ne
sont pas des idées qui s'opposent, ce sont des idées européennes pour relancer
et nourrir le volet politique », ajoutant que les « problèmes du Proche-Orient
ne se ramènent pas à la question de la sécurité préalable ». Car pour le
ministre français, « il s'agit fondamentalement de relancer le volet politique
». Interrogé sur l'accueil peu enthousiaste des Etats-Unis aux idées françaises,
M. Védrine a répondu que « cela n'empêchera pas » les Européens de « continuer,
de parler aux responsables américains et leur dire : nous pensons que vous
faites une erreur ».
En effet, les propositions européennes n'ont trouvé
aucun écho favorable chez les Américains. Le porte-parole du département d'Etat,
Richard Boucher, a rejeté des idées françaises pour sortir de la crise. « Sans
vouloir dire quoi que ce soit de particulier sur ces idées, nous avons toujours
pensé qu'introduire de nouveaux éléments qui détournent l'attention (des
propositions précédentes) ne fait pas vraiment avancer les choses », a-t-il
déclaré.
5. Juifs en France par Philippe
Desmarest
in Le Monde du mardi 12 février 2002 (rubrique "courrier des
lecteurs")
(Paris) - La campagne médiatique menée contre la France, accusée d'être un
pays antisémite, serait ridicule si elle n'illustrait les menées de réseaux
pro-israéliens, dont on commence à discerner les objectifs. D'après ces
organisations, les juifs de France subiraient un véritable calvaire. Entourés
d'une population hostile camouflant son antisémitisme viscéral sous une critique
du sionisme et de l'Etat d'Israël, les juifs vivraient en marge dans notre pays.
Ces affirmations caricaturales ont essentiellement deux buts : empêcher les
condamnations de la politique israélienne au moyen de ce qu'il faut bien appeler
un terrorisme intellectuel forcené ; susciter un courant d'émigration vers
l'Etat d'Israël, la France constituant, avec l'Argentine et l'Afrique du Sud,
une des principales sources potentielles d'alya vers Israël et donc de
colonisation en Palestine. N'en déplaise aux dirigeants des associations juives,
mieux vaut être un juif en France que non juif dans l'Etat
d'Israël.
6. Un plan pour isoler le terrorisme - mais ne
l'appelez pas plan de séparation par Uzi Landau, ministre israélien de
l'Intérieur
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du mardi 12 février
2002
[traduit de l'anglais par Mimi
Tal]
Il y a six mois, après le début de la dernière vague de terrorisme, j'ai
été nommé au poste de Ministre de l'Intérieur. Peu après ma nomination, j'ai
donné à la police israélienne des directives pour la préparation d'un plan qui
proposerait des solutions pour isoler des frontières d'Israël la population
palestinienne vivant en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, et qui serait
ainsi une tentative faite pour réduire la possibilité que le terrorisme frappe
les citoyens israéliens.
Le but du plan prévoyant la création d'une zone tampon isolant du
terrorisme, est d'aider dans la guerre contre les terroristes, et contre les
criminels qui entrent de Cisjordanie en Israël, d'éviter que des dizaines de
milliers de Palestiniens s'infiltrent pour s'installer en Israël, y établissent
des bases pour mener des actions terroristes et des actions subversives, et
prennent le travail de dizaines de milliers de chômeurs israéliens.
Immédiatement après que le cabinet ministériel eut adopté l'une de nos
propositions, la Police a établi un quartier général séparé pour superviser
cette mission, a reçu un renfort de personnel conséquent et affecté à leurs
postes des compagnies de police frontalière spéciales. Nous procédons
actuellement à la mise en application de ce plan, la responsabilité de celui-ci
étant divisée entre les forces de police frontalières (en charge de la partie
Ouest de la zone tampon) et l'armée israélienne (en charge de la partie
Est).
Cet arrangement ne saurait être vu comme une partition de la Terre Sainte.
Le plan est conçu pour rendre encore plus difficile pour les Palestiniens le
déplacement libre de Cisjordanie et la bande de Gaza vers Israël, et vice versa
- ceci sans troubler la vie quotidienne des citoyens israéliens, y compris ceux
vivant en Cisjordanie.
Les éléments de ce plan - positionnement d'obstacles anti-véhicules,
construction de clôtures dans des zones spécifiques et déploiement de différents
obstacles variés, tenant compte des problèmes locaux et de la topographie locale
- sont renforcés par divers moyens technologiques. Tous ces éléments sont sous
la direction des forces de sécurité israéliennes qui contrôlent les deux côtés
de la zone tampon, qui ne suivra pas spécifiquement la Ligne Verte (frontière
d'avant la guerre de 1967, N.D.T.) mais qui prendra également en compte les
contours du terrain qui servent au mieux les intérêts sécuritaires des citoyens
israéliens. De plus, les contours de la zone tampon ne sont pas prévus pour
encourager de quelconques aspirations à ce que cette zone puisse devenir une
frontière entre Israël et une quelconque future entité.
Les opérations de ces forces spéciales dans la zone tampon seront variées.
Les mouvements de personnes, véhicules et biens seront dirigés vers plusieurs
points de transit, que les citoyens israéliens vivant dans les colonies ou
d'autres communautés continueront de passer librement. Seuls les Palestiniens
qui ont reçu des permis seront autorisés à traverser ceux-ci.
Notre contrôle securitaire de la Cisjordanie - région dont le placement
sous contrôle administratif israélien, en même temps que les colonies s'y
trouvant, est primordial pour assurer la sécurité de la plaine côtière - est la
condition nécessaire pour combattre de façon efficace le terrorisme.
Jérusalem, à cause de sa complexité, s'est vue attribuée dans ce plan
d'ensemble un paragraphe séparé: «le plan d'enveloppement» de Jérusalem, basé
sur les mêmes principes que le plan d'ensemble, et qui constitue une tentative
de l'isoler du terrorisme des Arabes de Cisjordanie, de Ramallah au nord et
Bethléem au sud.
Un élément qui a déjà été appliqué est le suivant: le renvoi graduel de
dizaines de milliers de Palestiniens entrés et installés illégalement en Israël,
ceci couplé avec des efforts concertés ayant pour but de punir les Israéliens
qui les emploient et qui leur procurent logement et transport.
Contrastant avec le concept de séparation unilatérale entre Israël et les
Palestiniens - un concept qui dit en fait - «ils sont là-bas et nous sommes ici»
- le plan unilatéral d'isolement du terrorisme dit «ils sont là-bas, mais nous
sommes à la fois ici et là-bas».
Les défauts de l'approche proposant une séparation unilatérale trouvent
leur origine dans un concept d'ensemble qui veut qu'une séparation unilatérale
se fasse sans compensation. Dans le cadre d'une telle séparation, nous subirions
une importante humiliation en temps que partie qui s'est enfuie - comme au Liban
- et nous serions perçu comme un État s'agenouillant par faiblesse, ayant perdu
les derniers lambeaux de sa capacité de dissuasion.
En quoi une clôture peut-elle prévenir l'entrée d'obus de mortier, de
roquettes Katyusha ou d'autres moyens de guerre en provenance des profondeurs
des territoires sous contrôle de l'autorité palestinienne?
Un tel plan qui donnerait aux Palestiniens le contrôle militaire au-delà de
la clôture, n'est rien d'autre qu'une illusion catastrophique en plus, proposée
par les architectes des accords d'Oslo, qui ont autorisé l'ennemi à mettre sur
pied une armée, acquérir des armes et contrôler la zone dont le contrôle a été
enlevé à l'armée israélienne par ces mêmes architectes, et qui ont semé les
prémices de l'actuel conflit, que nous expérimentons aujourd'hui pour partie,
mais dont la majeure part est encore à venir.
Le plan d'isolement du terrorisme palestinien et du crime peut être inclus
dans une solution à long terme dont les bases - autonomie généreuse pour les
Palestiniens résidents de Cisjordanie et de la bande de Gaza, et contrôle total
militaire israélien - offre une lueur d'espoir de paix, ou tout du moins la
possibilité d'un développement d'une coexistence future.
La zone tampon est un élément de nature défensive. L'autre élément, de
nature offensive, est le lancement d'une guerre constante contre la terreur
jusqu'à la défaite finale des infrastructures terroristes palestiniennes.
Seulement après l'adoption, suivie de la mise en pratique, de l'élément
offensif, pouvons nous parvenir à la victoire.
7. Marwan Barghouti : "La priorité pour parvenir à la
paix : le retrait total et définitif des Israéliens des territoires palestiniens
occupés depuis 1967" entretien réalisé par Valérie Féron
cette
interview a été partiellement publiée dans La Croix du lundi 11 février
2002
Marwan Barghouti est le responsable en Cisjordanie du Fatah,
le parti du président Arafat et principale composante de l’OLP. Interview
réalisée à Ramallah le samedi 9 février 2002.
- L’armée israélienne a déjà essayé de vous assassiner. Avez-vous
pris des précautions pour votre sécurité et celle de votre famille
?
- J’ai changé un peu mon quotidien et pris quelques précautions,
mais nous sommes habitués au danger comme l’ensemble du peuple palestinien. Et
cette politique israélienne d’assassinats n’est pas une nouveauté. Depuis le
début de notre mouvement de résistance, l’armée israélienne a tué un grand
nombre de nos intellectuels et artistes aussi bien que de responsables
militaires pour éliminer le mouvement national palestinien. Actuellement, il
s’agit d’effrayer la direction, pour affaiblir le soulèvement et faire pression
sur le peuple. En ce qui me concerne, la presse israélienne avait révélé un
projet de m’assassiner dès octobre 2 000. Mais je n’ai rien d’un terroriste et
rien d’un pacifiste non plus, même si j’ai toujours été très actif dans le
dialogue avec les Israéliens. Je suis juste un homme normal, un
Palestinien qui lutte pour l’indépendance de son peuple. Cependant en
m’assassinant, le gouvernement israélien serait responsable de nouvelles morts
d’innocents en Israël. Car la réaction serait sûrement très forte côté
palestinien.
- Le président Arafat est lui aussi dans une position
dangereuse…
- Yasser Arafat est assiégé. Je pense que c’était une
volonté de l’humilier et de nous humilier. Vouée à l’échec comme l’ensemble de
la politique d’ Ariel Sharon qui avait été élu il y a un an en promettant aux
Israéliens la fin de l’Intifada, et la sécurité aussi bien à Tel Aviv que dans
les colonies. Un an après, les Israéliens se retrouvent avec de moins en moins
de sécurité, et de plus en plus de problèmes économiques. Yasser Arafat est un
excellent partenaire pour faire la paix, et les Israéliens auraient beaucoup à
perdre s’il lui arrivait quelque chose, pas seulement les Palestiniens.
- La volonté du Premier ministre israélien de mettre le président
palestinien "hors jeu " politiquement est-elle également voué à l’échec
?
- Yasser Arafat n’est pas un président comme les autres. Pour
nous, il est avant tout le fondateur de la révolution palestinienne, le symbole
de notre résistance pour l’ indépendance. Il est donc à la fois le chef
historique du mouvement national et de plus un président élu démocratiquement,
une première dans le monde arabe. Ce qui n’a jamais empêché les Palestiniens de
le critiquer ouvertement et fortement ainsi que l’Autorité par exemple sur les
questions de corruption ou des violations des droits de l’homme dans notre
administration. Mais c’est une clé de voûte pour la paix. Je pense que les
Israéliens devraient saisir cette chance historique de parler avec lui. Car ils
ne trouveront sûrement pas par la suite de leader qui accepteront de faire
autant de compromis que lui. Quant à sa succession, qu’il soit bien clair que
c’est une question intérieure palestinienne, qui se fera sur la base d’élections
générales et démocratiques. Les Palestiniens n’accepteront jamais de dirigeant
amené ici par les chars israéliens… et ils continueront leur lutte pour
l’indépendance jusqu’au bout. Tout spécialement après l’essai raté d’Oslo.
- Côté israélien, on parle pourtant de nouveau plan
intérimaire…
- Les Palestiniens ont essayé ce genre d’accord
pendant près de dix ans suite à la Conférence de Madrid. Qu’est-il arrivé ? ils
se sont retrouvés avec plus de confiscation de terre, plus de colonies
israéliennes, et encore plus coupés de Jérusalem. Alors je pense qu’il ne serait
pas raisonnable pour les deux parties d’essayer à nouveau. L’intifada a changé
les règles du jeu. Il n’est pas question de retourner à la case départ.
- Une Intifada plus armée que la précédente avec les accusations
d’implication de l’Autorité dans l’affaire des 50 tonnes d’armes trouvées sur le
Karine A.
- C’est au président Arafat de s’exprimer sur cette
question et il l’a déjà fait. Mais pour parler plus généralement de l’achat
d’armes, personnellement et très franchement, je ne vois pas pourquoi nous
n’aurions pas le droit d’en avoir alors que nous sommes le peuple occupé et que
les Israéliens nous bombardent à coup de missiles. Quant aux actions armées, le
Fatah estime qu’elles ne doivent avoir lieu qu’à l’intérieur des territoires
palestiniens occupés. Les brigades des martyrs d’Al Aqsa, proches de nous, ont
mené dernièrement des attaques anti-israéliennes uniquement en réponse à
l’assassinat de Raed Karmi et au siège subi par notre président. Mais ce n’est
pas une stratégie.
- Contrairement au Hamas ?
- A chaque
nouvel assassinat, missile, démolition de maison, Ariel Sharon donne son feu
vert à des réactions. L’occupation israélienne reste le premier déclencheur des
attentats suicides.
- Quels sont vos relations actuellement avec ce
mouvement ?
- Nous avons un véritable dialogue avec le Hamas qui
partage avec l’ensemble des mouvements un objectif politique : la fin de
l’occupation israélienne, y compris à Jérusalem-est. Et le Hamas est entrain
d’évoluer sur un autre objectif essentiel : la coexistence entre deux états,
israélien et palestinien, côte à côte. Mais ces débats ont lieu alors que les
chars israéliens sont devant nos portes ! Il ne fait aucun doute que toute
discussion de ce genre deviendrait beaucoup plus sereine après un retrait
effectif et complet de l’armée israélienne. Cela ouvrirait de nouvelles
perspectives politiques pour tous.
- Sur le plan diplomatique, que
pensez-vous des propositions françaises reprises au niveau européen d’une
proclamation de l’Etat palestinien et d’organisation d’élections ?
- Nous avons accueilli positivement les propositions de la France, un pays
en lequel nous avons confiance, et apprécié les dernières déclarations du
gouvernement, notamment ses critiques envers la politique américaine. Concernant
des élections, c’est bien sûr une bonne idée, mais dans le cadre d’un plan
global pour une vraie paix. De même qu’il n’y aura pas de paix sans justice, pas
question d’élections en restant sous occupation. Quant à la proclamation de
l’Etat palestinien, ce sera le résultat de la première priorité : le retrait
israélien jusqu’aux frontières de 1967.
- Et la position américaine
?
- Qui comprend la position américaine ? ! il y a plus d’élus
israéliens à la Knesset prêts à faire la paix qu’au sein du Congrès américain !
Les Américains continuent de faire de grosses erreurs d’appréciation, même après
les attentats du 11 septembre, et ont une vraie responsabilité dans tout le sang
versé ici en appuyant comme ils le font la politique d’agression israélienne.
C’est pourquoi je ne crois pas aux rencontres diplomatiques du moment, rien ne
semble possible tant que Sharon sera au pouvoir en Israël. Parler juste d’un
cessez le feu ne peut pas être une fin en soi. Les Palestiniens ne peuvent se
contenter du retrait de quelques chars sur quelques mètres. Les vraies
discussions concernant les questions clés comme celle du droit du retour pour
les réfugiés ne pourront pas se faire dans de bonnes conditions tant que nous
resterons sous occupation. Il faut d’abord que les Israéliens prennent une
décision courageuse : se retirer totalement et définitivement des territoires
palestiniens. Ce qui arrivera un jour ou l’autre, comme ce fut le cas pour le
sud du Liban. Le plus tôt éviterait de nouveaux bains de sang pour les deux
peuples. Mais pour l’instant les dirigeants israéliens sont encore dans cet
aveuglement typique des colonisateurs.
8. Retour sur un douloureux passé
par Suzanne Goldenberg
in The Guardian (quotidien britanique) du dimanche 10
février 2001
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
[Une thèse universitaire fait l'objet d'un
très vif débat autour de l'approche par Israël de sa propre histoire. Cette
thèse affirme que des miliciens juifs auraient massacrés des combattants arabes
désarmés durant la guerre d'Indépendance (sic) d'Israël.]
L'homme a peu de chances d'acquérir la célébrité
académique (ou la notoriété, selon l'angle sous lequel vous envisagez la chose).
Mais le débat suscité par la thèse universitaire de Teddy Katz, un kibboutznik
âgé d'une cinquantaine d'années, ne cesse de passionner le monde universitaire
israélien, depuis presque deux ans.
La saga de M. Katz commence, en janvier
2000, lorsqu'un quotidien israélien publie des extraits d'une thèse soutenue à
l'Université de Haifa (la sienne), sur le sort du village palestinien de
Tantura, détruit au cours de la guerre d'indépendance (sic) d'Israël, en
1948.
Au cours de son travail de recherche, M. Katz a recueilli les
témoignages de Palestiniens qui ont soutenu que des milices juives (combattant
pour la création d'un Etat d'Israël) ont massacré 200 combattants arabes, après
que ceux-ci aient déposé leurs armes, après la reddition du village, en mai
1948. Des chercheurs ont exhumé d'autres massacres (commis) durant la guerre
sanglante d'indépendance (sic) d'Israël, en 1948, dont le plus (tristement)
célèbre a été perpétré à Deir Yassin, tout près de Jérusalem, village où quelque
120 villageois (civils) sans armes ont été massacrés, événement qui allait
symboliser la Nakba (littéralement : la Catastrophe) qu'a représenté la fuite et
la dépossession des Palestiniens, lors de la création de l'Etat juif.
Il y
avait déjà eu des récits de l'épisode (dramatique) survenu à Tantura, publiés en
arabe. Ce village côtier a été rasé au sol en juin 1948, afin de "libérer le
terrain" pour un kibboutz et une piscine olympique (bon bain ! Ndt).
Mais la
thèse de M. Katz n'en a pas moins fait l'effet d'une bombe. Les vétérans juifs
de la brigade Alexandroni, le bataillon dont M. Katz a affirmé qu'il a "mené à
bien" ce massacre, l'ont attaqué en justice pour diffamation. Le procès a
déclenché une réaction en chaîne, dans les arènes tant judiciaire
qu'universitaire (en Israël).
Au cours des premiers développements de cette
véritable bataille judiciaire, M. Katz a retiré sa thèse - mais il s'est ravisé
douze heures plus tard, en disant que sa condamnation était entachée
d'irrégularités. Le procès fut renvoyé devant la Cour suprême d'Israël.
Sur
ces entrefaites, un comité universitaire de l'Université de Haifa, a révisé la
thèse de M. Katz, dont il a ordonné la suspension, le mois dernier, en accordant
à M. Katz un délai de six mois pour en soutenir une version corrigée.
Pour M.
Katz, dont la thèse avait été très bien notée, cette controverse a eu des effets
dévastateurs, sur le plan personnel.
Pour les spécialistes israéliens ès
sciences humaines, qui se livrent à une sorte de pugilat depuis des mois sur les
sites internet des universités, la fureur soulevée par les révélations de M.
Katz touche au coeur d'une polémique autour du tableau avantageux que l'on
voudrait tracer de la création de l'Etat hébreu.
Les premiers récits sur
l'histoire moderne d'Israël ont été manifestement inspirés par l'idéologie
sioniste, et les mémoires des généraux qui ont en personne dirigé les batailles
pour la création de l'Etat y occupent une place prépondérante.
Il s'agit de
l'épopée des héros guerriers d'Israël, et il n'y est nullement question des
civils palestiniens délibérément chassés de leurs maisons par un véritable
nettoyage ethnique, ou qui ont fui leurs villages après avoir entendu les
nouvelles horrifiantes sur les massacres déjà commis (pensant que leur tour
allait incessamment arriver).
Quelques historiens (on les compte sur les
doigts de la main) ont émergé durant la dernière décennie, qui disent les choses
carrément et, parmi eux, des gens tels M. Katz ou Benny Morris, qui est le mieux
connu de ceux qu'on appelle les "nouveaux historiens", mais qui n'appartient pas
au monde universitaire.
Mais, plus de dix ans après l'apparition en librairie
des premiers ouvrages de ces nouveaux historiens, la grande majorité de leurs
collègues (historiens) continuent à s'accrocher au vieux catéchisme désuet (les
"shibboleths", écrit en anglais S. Goldenberg, reprenant un mot d'origine
hébreue).
Bien qu'enterrées et étouffées cinquante années durant, les
histoires de Tantura et des plus de quatre cents villages palestiniens détruits
lors de la création de l'Etat juif sont très menaçantes pour la société
israélienne contemporaine.
Le sort de ces villages est une question centrale
dans l'exigence par les Palestiniens d'un droit au retour pour quelque 3,8
millions de réfugiés enregistrés, (répartis dans une nouvelle diaspora) dans ce
qui est aujourd'hui l'Etat d'Israël - perspective horrifique pour la plupart des
Israéliens, ce retour (des Palestiniens) représentant pour eux le commencement
de la fin de leur Etat.
Les injonctions de rentrer dans le rang deviennent de
plus en plus fortes depuis qu'Israël a effectué un grand virage collectif vers
la droite, après l'éruption de la sanglante révolte palestinienne, il y a
environ quatorze mois (septembre 2000, ndt).
Actuellement, l'ambiance qui
règne dans le pays rend beaucoup plus difficile aux universitaires israéliens la
remise en question des mythes fondateurs de l'Etat juif.
Le travail
universitaire de M. Katz n'était pas sans poser d'autres problèmes, par
ailleurs. Il a basé sa thèse sur des témoignages oraux de survivants du village
de Tantura, voisin de la ville de Haifa, où il habite.
La crédibilité de ces
témoignages a été remise en cause par certains universitaires israéliens, en
substance : parce qu'il (M. Katz) s'est fié à des sources palestiniennes
!
C'est parfaitement odieux, a écrit Ilan Pappe, spécialiste en sciences
politiques à l'Université de Haifa, qui s'est fait le défenseur de M. Katz, et
qui a été à l'avant-garde de la réévaluation de l'histoire d'Israël.
"Les
témoignages oraux de Palestiniens sur la Nakba - à l'instar des témoignages des
Juifs sur l'holocauste - devront bien finir par être considérés comme des
sources recevables, tant au tribunal que dans les débats universitaires".
La
commission universitaire qui a examiné la thèse de M. Katz a relevé sept
divergences entre les enregistrements magnétophoniques des interviews (des
survivants du massacre de Tantura) et les conclusions que M. Katz en tire, dans
sa thèse.
D'autres universitaires ont récusé M. Katz pour sa méthodologie de
dilettante. De son côté, M. Katz regrette d'avoir dans un premier temps désavoué
sa thèse, chose qu'il n'a faite qu'afin d'échapper à des frais de justice
exorbitants qui lui auraient été vraisemblablement imposés à la suite du procès
en diffamation intenté contre lui.
Mais il demeure qu'en dépit de failles
inévitables, plusieurs universitaires maintiennent que la teneur des
constatations de M. Katz n'est absolument pas contestable.
"La question de
savoir si les hommes de la Brigade Alexandroni ont effectivement assassiné les
habitants du village de Tantura, et celle de la place prise par cet épisode dans
les relations entre Israël et les Palestiniens, ces questions demeurent
pendantes", a écrit l'historien Tom Segev dans le quotidien israélien
Ha'Aretz.
"Les Israéliens et les Arabes ont commis des crimes de guerre,
avant et après 1948. La question ne se limite pas à Tantura. La question est que
la plupart des Israéliens doivent encore prendre conscience de leur part de
responsabilité dans la création de la tragédie palestinienne et qu'il n'y a
aucune chance de parvenir à la paix tant que cela n'aura pas été
fait."
9. "On n'a pas le choix : la paix se construit avec
ses ennemis" - Interview croisée de Yasser Abed Rabbo et Yossi
Beilin propos recueillis par Agnes Gorissen et Baudoin
Loos
in Le Soir (quotidien belge) du vendredi 8 février
2002
L'Israélien Yossi Beilin et le Palestinien Yasser Abed Rabbo sont deux
des principaux acteurs d'une nouvelle "Coalition pour la paix"
israélo-palestinienne lancée en décembre. Pour l'ex-ministre de la Justice
d'Ehoud Barak et pour l'actuel ministre de la Culture et de l'Iformation de
l'Autorité palestinienne, il est possible de surmonter la haine violente qui
triomphe. Invités par la Fondation Heinrich Böll et le Cercle du libre-examen,
Beilin et Rabbo étaient à Bruxelles ces derniers jours, pendant lesquels ils ont
rencontré les autorités belges et européennes avant de débattre à l'Université
libre de Bruxelles.
- Vous êtes tous deux intimement associés au « processus
d'Oslo ». Seize mois après le début de la seconde intifada palestinienne,
pouvez-vous nous donner les principales raisons de l'échec du processus de paix
?
- Yossi Beilin. Les gens ont
des tas d'explications. Mais ça ne veut pas dire que les choses sont très
claires, même pour nous. Oslo est le seul processus existant. Il va aboutir,
c'est une question de temps, jusqu'à ce que ses principes soient mis en œuvre.
Le gros problème est qu'Oslo n'a jamais été appliqué dans sa totalité. Dès lors,
l'échec n'est pas celui de l'accord, mais celui des dirigeants. Il y a eu
certaines difficultés du côté palestinien. Et quand Netanyahou était Premier
ministre, il a exploité ça pour ne pas mettre Oslo en œuvre. Alors, les cinq
années du processus ont pris fin sans même un début de discussion sur un
règlement permanent.
Maintenant, chaque côté blâme l'autre et ils ont tous deux raison. Quand
nous avons essayé de poursuivre le processus, alors que nous étions très proches
d'un accord, la violence qui a éclaté (l'intifada entamée en septembre 2000,
NDLR) a été dévastatrice pour la confiance naissante. Le fait qu'à ce moment, le
président Arafat n'ait pas fait tout ce qui était possible pour mettre fin à
l'intifada dès le début fut une grosse erreur. Nous sommes immédiatement entrés
dans un cercle vicieux violences-représailles. Le plus important n'est pas de se
demander qui avait raison et qui avait tort. Il faut rompre ce cercle vicieux,
voir comment en sortir.
- Yasser Abed Rabbo. De notre
expérience, nous pouvons dire que l'une des principales carences du processus
fut l'absence de supervision, de contrôle par une tierce partie neutre. D'autant
qu'Oslo était une sorte de cadre, pas un accord détaillé. Les deux côtés étaient
d'accord sur l'utilité d'un arbitrage, mais il n'a jamais été mis en place. Cela
serait d'ailleurs toujours nécessaire dans l'avenir pour empêcher que la partie
la plus puissante n'interprète l'accord éventuel à sa guise. Car un gouvernement
israélien d'extrême droite fera tout pour paralyser le processus.
J'ajoute qu'il y avait d'importants « trous » dans Oslo. Principalement,
l'arrêt de la colonisation juive des territoires palestiniens n'a pas été
intégré dans le processus.. A l'époque (1993), Yitzhak Rabin avait gelé cette
colonisation bien que cela n'était pas prévu formellement, puis Netanyahou
(1996-1999) a estimé que rien n'obligeait Israël à ce gel et il a repris les
constructions. Cela nous a mis dans une situation difficile de devoir négocier
pendant que des confiscations de terres avaient lieu quotidiennement. Cela a
miné la confiance des Palestiniens.
Maintenant, il faut mettre fin aux violences, en prenant notamment des
mesures comme le gel de la colonisation d'ailleurs prévu dans le rapport
Mitchell (émanant d'une commission internationale mise en place en octobre
2000). Mais, depuis son arrivée en 2001, Ariel Sharon utilise tous les prétextes
pour ne pas appliquer ce rapport Je suis désolé de devoir ajouter que, de notre
côté, certaines forces extrémistes lui donnent le prétexte qu'il cherche.
- M. Beilin, que répondez-vous à l'argument palestinien à propos
des colonies ? Même sous Ehoud Barak, un gouvernement dont vous faisiez partie
(1999-2001), la colonisation a continué à bon rythme...
- Yossi Beilin. Mon sentiment
est que les gouvernements Rabin et surtout Barak étaient si près de la fin du
conflit que les colonies n'étaient pas vues comme une chose à ce point
dévastatrice pour les Palestiniens dans la mesure où il était question que la
plupart de ces implantations soient évacuées puis données aux
Palestiniens.
Un gouvernement peut dire « stop », on ne peut plus construire dans les
colonies. Mais dans les faits, ça ne s'est produit qu'une fois, sous Rabin, et
n'a pas continué. Une des principales raisons est que le gouvernement Rabin
avait une majorité d'une unité à la Knesset. Dans le gouvernement Barak, nous
n'avions pas de majorité du tout pour le camp de la paix. Nous avions besoin de
partis de la droite et une de leurs exigences était de ne pas cesser la
construction dans les colonies. Et donc, durant les vingt mois du gouvernement
Barak, les unités d'habitation dans les territoires ont augmenté de 12 %. Mais
les gens comme moi se disaient que, dans le même temps, nous avions toujours une
coalition avec laquelle on pouvait atteindre une solution permanente avec les
Palestiniens. Mais nous n'avons pas réalisé la paix et les implantatations sont
là.
- M. Rabbo, que dites-vous aux nombreux Israéliens qui disent que
Yasser Arafat est derrière chaque attentat anti-israélien ?
- Yasser Abed Rabbo. Nous
connaissons cette campagne destinée à mettre tous les torts sur l'Autorité
palestinienne (AP) et son président, et aussi, dans un dessein plus large, de
miner l'AP en tant que partenaire du processus de paix. Cette campagne est
orchestrée par ceux qui ne veulent pas du processus de paix. Nous avons pris des
mesures , en vue d'un cessez-le-feu, notamment le discours du président du 16
décembre. Mais après le rapport Mitchell puis le plan Tenet (mise en œuvre d'un
cessez-le-feu), Sharon a multiplié les conditions comme ces sept jours de calme
total.
Il y a aussi un autre facteur : la position des Etats-Unis. L'erreur de
cette administration (de George Bush, NDLR) est de tomber dans le piège tendu
par Sharon avec ses sept jours de calme et d'accepter que Sharon en soit le
juge. J'espère que l'administration américaine, en pleine consultation avec les
deux parties, révisera à la hausse son intervention dans le dossier et cessera
son feu vert à Sharon.
- Mais le Premier ministre israélien paraît réussir à convaincre
les Etats-Unis de la nécessité de mettre Arafat « hors jeu »...
- Yasser Abed Rabbo. Voilà qui
me rappelle Yitzhak Shamir, à l'époque des négociations de Madrid (1991), un
Premier ministre qui refusait d'entendre parler d'Arafat mais qui négociait avec
des délégués choisis et envoyés par le même Arafat ! Sharon, lui, parle avec
trois hauts dirigeants palestiniens de la même façon mandatés par Arafat... Ce
petit jeu jette la suspicion sur le sérieux israélien, empoisonne l'atmosphère,
tout comme l'escalade stupide et humiliante qui consiste à empêcher Arafat de
bouger. Cela ne mènera pas à un changement de dirigeant, mais pourrait détruire
les minces contacts encore maintenus.
- Yossi Beilin. Pour moi, c'est
une mauvaise blague. Aucun gouvernement ne prend de telles résolutions. Un
gouvernement sérieux prendrait la décision de négocier avec Arafat. Le décréter
hors-jeu et vouloir mettre un terme à l'existence de l'Autorité palestinienne
est puéril et tragique. On a ici deux dirigeants septuagénaires, approchant de
la fin de leur carrière politique. Tous deux se sont trouvés à un tournant de
leur vie, en train de changer leur conception de l'autre camp, tout près de la
paix.
D'un côté, Arafat a modifié sa position à propos de la reconnaissance
d'Israël, avec deux Etats pour deux peuples, respectant les frontières de 1967,
mettant fin à la violence, et il a accepté les accords d'Oslo. En reconnaissant
Israël, il nous a permis d'obtenir la paix avec la Jordanie, des relations
diplomatiques avec de nombreux pays dans le monde arabe, de vivre dans un
contexte de paix et de connaître un boom économique. De l'autre côté, Sharon,
même s'il n'était pas ravi de la paix avec l'Egypte, s'est chargé du
démantèlement des colonies (dans le Sinaï, NDLR) et a participé avec Netanyahou
au sommet de Wye Plantation un général de droite qui comprend que les guerres ne
sont pas dans l'intérêt d'Israël.
Ce qui est arrivé à ces deux hommes, c'est ce cercle vicieux où, à cause de
la misère et des morts, chacun pense avoir raison à 100 %. Et chacun a donc fait
marche arrière par rapport à sa propre histoire. Arafat sait comment être un
général, comme il se présente, ou un terroriste, comme d'autres le définissent;
il sait quoi faire sous la violence, il donne des ordres. Sharon est le
spécialiste des représailles. Arafat a compris le danger mais donne des ordres
assez vagues pour que certains des siens aient l'impression qu'il n'est pas
totalement contre la violence. Sharon dit qu'il refuse de négocier avec des
terroristes et donne à ses forces l'autorisation d'utiliser des avions de
combat, Il justifie ça en disant «Qu'est-ce que je peux faire d'autre, ces gens
tuent des bébés, des femmes et des personnes âgées, je dois répliquer, c'est ce
que je connais». Et Arafat dit: «Cette grande armée utilise des avions contre
mon peuple honnête et innocent». Et il utilise la violence.
Entre les deux hommes, c'est le baiser de la mort. Ils dansent avec la
mort. Il faut une troisième partie, peut-être de l'intérieur, qui les secouerait
et leur dirait: «Cessez de nous pousser dans ce cercle vicieux qui n'a pas de
fin». Et je pense qu'on assiste au début de ce phénomène des deux côtés.
- L'affaire du navire plein d'armes saisi par Israël en mer Rouge
début janvier a convaincu beaucoup d'Israéliens qu'Arafat n'a pas renoncé à la
violence...
- Yasser Abed Rabbo. Tout
d'abord, il faut savoir que la situation s'est tellement dégradée qu'il n'existe
plus aucune confiance entre les parties. D'où l'urgence et la nécessité
d'initiatives comme la nôtre, la Coalition pour la paix, destinées à arrêter
cette descente aux enfers et à construire un pont entre les deux camps. Cela
passe par la fin de la violence puis de l'occupation. Jusqu'aux négociations de
Taba (janvier 2001), beaucoup a été fait, on peut dire que nous avions franchi
de nombreux obstacles. Cette chance existe encore.
S'agissant du bateau et des armes, beaucoup de choses ont été racontées.
Nous avons démenti et créé une commission d'enquête. Ce que je veux déjà dire
d'emblée avant les conclusions de l'enquête, c'est qu'il n'y a rien de vrai dans
cette soi-disant coalition palestino-iranienne (les armes saisies proviendraient
d'Iran, NDLR). Nous avons trop de réelles différences politiques avec les
Iraniens, qui nous critiquent d'ailleurs tous les jours. La thèse israélienne
sur cette « coalition » a été exportée à Washington où elle a été prise pour
argent comptant.
- Yossi Beilin. Je pense que ce
bateau est une offre qu'Arafat, de son point de vue, ne pouvait pas refuser. Ce
qui est triste, c'est que cette affaire n'est pas une invention. Mais la
question pour moi est: «Qu'est-ce que ça signifie?» Si je pense que je n'ai pas
besoin de la paix et qu'il est préférable de continuer comme ça ad vitam
aeternam, sans Etat palestinien, en occupant l'autre camp et en combattant pour
toujours, je dirai que je suis heureux d'avoir découvert cette affaire parce que
c'est la preuve que l'autre n'est pas un partenaire. Moi, je ne veux pas prouver
qu'Arafat est un terroriste, qu'il est disqualifié. Parce que je n'ai pas le
choix. On construit la paix avec ses ennemis. Notre rôle est de trouver la bonne
part chez l'autre et de la souligner. C'est tellement facile de trouver la
mauvaise part de l'autre, de dire qu'il a tort depuis le début et que j'ai
raison depuis le début. J'ai vraiment l'impression d'être dans un jardin
d'enfants. Le problème, c'est que nous n'avons pas d'instituteur, les deux
directions sont dans l'erreur. Il faut les secouer. Je suis sûr que dans
l'esprit d'Arafat, il n'est pas question d'une alliance avec l'Iran, qui
représente l'antithèse de la direction laïque et pragmatique du peuple
palestinien.
- Yasser Arafat a publié dimanche une tribune libre dans le « New
York Times ». Il y parle du droit au retour des réfugiés palestiniens en
plaidant pour que les inquiétudes démographiques israéliennes soient prises en
compte. Les Israéliens demandent s'il tiendra ce discours en arabe
aussi...
- Yasser Abed Rabbo. (Fâché) Je
ne veux pas répondre à cela ! Cela sous-entend que les Palestiniens sont des
demeurés ignorant ce qui se dit sur la place publique. Nous sommes informés par
les télévisions satellitaires, internet, Le point que vous mentionnez constitue
la politique adoptée au plus haut niveau. Qu'est-ce qu'on croit ? L'article du «
New York Times » a été traduit et publié par tous les journaux palestiniens, en
première page. Et puis (sourire moqueur), comme nous sommes une « dictature »,
dit-on, eh bien ! pas un mot de l'article du président ne manquait...
- Mais Arafat réussira-t-il à convaincre son peuple sur ce point
crucial ? Les réactions ne sont guère encourageantes...
- Yasser Abed Rabbo. Lorsqu'il
y aura un accord général sur tous les problèmes, nous en demanderons
ratification populaire par référendum. Actuellement, des sondages montreraient
sûrement que les Palestiniens n'ont plus confiance dans le processus de paix,
mais qu'ils restent désireux d'arriver à une solution pacifique, avec un Etat
palestinien établi à côté d'Israël sur base des frontières de 1967. Une position
identique caractérise l'opinion publique israélienne : elle ne nous fait plus
confiance, elle appuie Sharon, mais politiquement, elle est loin de la vision de
Sharon. Ce n'est pas contradictoire : les Israéliens sont inquiets pour leur
sécurité, mais ils savent aussi qu'à long terme leur sécurité dépend d'une
solution politique.
10. Ben Eliezer cite les Palestiniens avec lesquels
Washington devrait dialoguer
Dépêche de l'Agence France Presse du vendredi 8 février 2002,
18h03
NEW YORK - Le ministre israélien de la Défense Binyamin Ben Eliezer a cité
vendredi à New York les noms des responsables palestiniens avec lesquels selon
lui les Etats-Unis devraient dialoguer, plutôt que d'avoir pour unique
interlocuteur le président Yasser Arafat.
Parmi les interlocuteurs recommandables, le ministre israélien a cité le
président du Conseil législatif palestinien Ahmed Qoreï (Abou Ala), le numéro
deux de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) Mahmoud Abbas (Abou
Mazen), le chef de la Sécurité préventive palestinienne dans la bande de Gaza
Mohamed Dahlan et son homologue pour la Cisjordanie, Jibril Rajoub.
Il a rappelé qu'il avait demandé aux Etats-Unis d'entamer un dialogue avec
plusieurs "leaders nationalistes merveilleux et honorables" entourant M.
Arafat.
"J'ai recommandé chaudement aux Américains de concentrer tous leurs efforts
pour engager un dialogue avec un groupe de Palestiniens qui se trouvent dans
l'entourage de Yasser Arafat", avait-il déjà déclaré jeudi.
"M. Arafat peut y arriver, mais il ne veut pas", a déclaré vendredi le
ministre à des journalistes. "Arafat (...) est plongé dans le passé". "Il ne
peut y avoir d'avenir avec lui", a-t-il ajouté.
M. Ben Eliezer a toutefois précisé qu'il était "prêt à parler à quiconque",
même "avec M. Arafat, si je sais que ce monsieur est sérieux".
Se référant à l'interception mercredi en Cisjordanie d'un camion chargé
d'une importante quantité d'armes, dont des roquettes de type Qassam 1, il a
estimé que cette découverte avait créé "une situation nouvelle".
"C'est une situation nouvelle, car, de mon point de vue, ils cherchent à se
déployer autour ce que nous appelons la Ligne verte (ligne de cessez-le-feu qui
a précédé la guerre israélo-arabe de juin 1967) et de là, à frapper les grandes
villes".
C'était la première fois que des roquettes de type Qassam 1, d'une portée
d'environ 1,5 km, fabriquées artisanalement par les Palestiniens, sont
découvertes en Cisjordanie.
Ce type d'armes avait été utilisé jusqu'ici uniquement dans la bande de
Gaza contre des objectifs israéliens.
"Personne ne peut m'empêcher de prendre des mesures minimum, de prendre
toute mesure nécessaire pour garantir la sécurité de mon peuple, de mon pays, de
nos enfants", a-t-il ajouté.
11. Ce dont les Arabes ont besoin, c'est de
leadership. Pas de slogans par Marwan Bishara
in International
Herald Tribune (quotidien international publié à Paris) le vendredi 8 février
2002
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
(Marwan Bishara, enseigne les relations
internationales à l'Université américaine de Paris. Il est l'auteur de l'ouvrage
"Palestine/Israël : la paix ou l'apartheid".)
Les pays arabes se préparent pour leur sommet
décisif qui doit se réunir en mars prochain, dans un environnement régional
marqué par une escalade de la violence et des relations tendues avec Washington.
Encore en état de sidération depuis les attentats du 11 septembre, ils sont
muets, ou incohérents, dans le meilleur des cas. Les dirigeants arabes attendus
à Beyrouth devront y apporter plus que leur langage fleuri et leurs slogans
creux habituels.
Le bilan du monde arabe fait apparaître un présent précaire
et un futur encore plus terne. Les économies arabes stagnent et les peuples
arabes sont amers, irrités et appauvris. Au carrefour d'une ère nouvelle, les
dirigeants arabes doivent à leur peuple et au monde beaucoup d'explications et
un minimum d'indication d'une direction. Les relations publiques devraient venir
après, et non pas avant, la satisfaction de cette attente.
Le sommet arabe
devra apporter des réponses sur trois fronts : le front arabo-arabe ; le front
arabo-israélien et, enfin, le front arabo-occidental.
Durant des décennies,
les dirigeants arabes se sont comportés en pompiers pyromanes. A peine
venaient-ils de résoudre un conflit religieux, ethnique ou une guerre civile
chez eux qu'ils n'avaient rien de plus pressé que d'en entreprendre un
nouveau avec tel ou tel état voisin. Les violations des droits de l'homme et du
citoyen persistent, en dépit de moult promesses de réforme. Les timides espoirs
placés en des dirigeants nouveaux et jeunes au Maroc, en Jordanie et en Syrie
n'ont jusqu'ici donné aucun fruit.
Les Arabes assistent, impuissants et
désespérés, à la poursuite de l'escalade des violences entre Israël et les
Palestiniens. Après avoir soutenu le processus de paix pendant une décennie, ils
sont choqués par le spectacle de leurs frères arabes bombardés dans les
territoires occupés et l'impuissance de leurs dirigeants les consterne. La seule
déclaration à être sortie de la bouche d'un officiel arabe au sujet de cette
escalade, il y a quelques jours, se résumait au fait qu'il "sollicitait" de
Washington qu'il veuille avoir l'extrême obligeance d'intervenir...
La haine
de l'Amérique et d'Israël est diffuse parmi le peuple arabe. Au cours d'un
déplacement en Egypte, le mois dernier, j'ai pu constater à quel point le peuple
de ce pays, à la vivacité d'esprit et à la bonhomie légendaires, est en passe de
perdre son sens de l'humour, que remplace une haine incontrôlable envers
l'Amérique. C'est là un signe très préoccupant pour quiconque a côtoyé ce peuple
accueillant. On dit - peut-être est-ce exagéré - qu'en Arabie saoudite, premier
allié des Etats-Unis dans le monde arabe, la moitié de la population est
favorable à Oussama Ben Laden, tandis que l'autre moitié est hostile à
l'Amérique...
Les Arabes sont frustrés devant ce qu'ils perçoivent comme une
hostilité américaine à leur encontre, injuste et scandaleusement sélective. Une
bonne part de cette frustration trouve sa traduction dans le repli culturel et
des sympathies pour le fondamentalisme religieux. Un penseur égyptien respecté,
Mohammed Sayyed Said, a suggéré l'idée que le "clash entre civilisations" de
Samuel Huntington risque de rentrer dans le domaine du possible si les
Etats-Unis s'enferrent durablement dans leur politique du "bien contre le
mal".
Les dirigeants arabes, qui endossent une responsabilité écrasante dans
ce tableau d'ensemble peu réjouissant, doivent apporter un minimum de réponses
aux problèmes complexes qui se posent à leurs sociétés.
Il est grand temps
pour eux de travailler à l'élaboration d'une charte des droits de l'homme et du
citoyen. Le sommet de Beyrouth pourrait demander à un collège d'experts de
commencer à réfléchir à la rédaction de ce document, avec la participation de
représentants de la société civile.
Les régimes arabes devraient s'engager à
respecter une politique de non-intervention dans leurs affaires intérieures
respectives et à promouvoir une coopération économique et sécuritaire qui inclue
l'Irak. Le sommet doit s'engager sur des plans de développement à long terme
comportant des changements structurels en matière de politique économique. La
stabilité et la démocratie sont absolument nécessaires au développement or,
jusqu'ici, dans le monde arabe, l'une comme l'autre sont inexistantes. Voilà la
raison pour laquelle des plans globaux de mise en place d'un marché commun arabe
servent de ramasse-poussière dans les bureaux de la Ligue Arabe depuis 1981.
La stabilité régionale est fondamentale pour un règlement du conflit
arabo-israélien. Le processus de paix dans la région, qui a déraillé depuis
longtemps, doit être remis sur les rails avant qu'une nouvelle guerre n'éclate.
Une initiative à la fois internationale et régionale, dans la lignée de la
conférence de Madrid de 1991, est plus que jamais urgente.
Etant donné
qu'Israël n'accordera pas à trois millions de Palestiniens la citoyenneté dans
ce qui deviendrait de facto un état binational, il doit retirer ses forces
armées des territoires arabes occupés et permettre aux Palestiniens d'exercer
leur droit fondamental à l'autodétermination dans leur propre Etat. Il n'y a
plus de place pour un nouveau processus par étapes du style d'Oslo.
Ceci nous
amène au troisième point. Améliorer les canaux de communication avec Washington
et l'Europe est de toute première urgence. Le sommet arabe devrait entamer un
dialogue à haut niveau et permanent avec Washington sur les relations
bilatérales, la "guerre contre le terrorisme", l'Irak et d'autres sujets
importants relatifs à la sécurité régionale et aux relations à venir avec
Israël.
Un tel ordre du jour peut sembler relever du rêve, du pipeau,
lorsqu'on se remémore l'inaction qui a suivi les précédents sommets. Mais on ne
saurait accepter aucun programme moins ambitieux. Tandis que le monde évolue, va
de l'avant, les dirigeants arabes doivent produire une vision de la manière
d'intégrer leurs peuples au processus inéluctable de globalisation, sans qu'ils
y perdent leur identité culturelle.
La ferveur religieuse et les répressions
sécuritaires sont les symptômes de la crise arabe actuelle et ces symptômes ne
sauraient être confondus avec des mesures efficaces qui permettraient de la
traiter. Si les Arabes sont incapables de s'unir afin de former une seule
communauté humaine, qu'au moins ils aient le courage de s'unir autour d'un
programme régional et du défi que représente l'ouverture d'un dialogue avec des
Etats-Unis plus suspicieux que
jamais.
12. La France accorde 7,14 M EUR aux Palestiniens au
titre de la coopération
Dépêche de l'Agence France Presse du mercredi 6 février
2002
PARIS - La France a annoncé mercredi une aide de 7,14 millions d'euros aux
Territoires palestiniens en 2002, dont plus d'un quart au secteur de l'éducation
dans le cadre de sa coopération.
"Notre coopération, tous secteurs confondus, s'élevera à 7,14 millions
d'euros, en augmentation par rapport à l'année dernière. En fonction de
l'avancement des projets, ce financement pourra être réévalué", a indiqué le
porte-parole du quai d'Orsay François Rivasseau.
Selon le porte-parole, "aux programmes de coopération classique (formation
de cadres, bourses universitaires), se sont ajoutés cette année d'importants
volets liés à l'éducation".
En effet, 2 M EUR iront à la "modernisation du secteur éducatif, du
pré-élémentaire à l'université", a-t-il précisé.
Compte-tenu de la situation sur le terrain, la France a décidé de
"renforcer cette coopération en l'axant aux secteurs-clés et bénéficiant le plus
directement et le plus rapidement possible aux populations", notamment dans les
secteurs du développement social et de la santé, a-t-il ajouté.
Quelque 2,25 millions d'euros devraient également être consacrés à la
coopération institutionnelle et en "appui à la contruction de l'Etat"
palestinien, selon le porte-parole.
"La France s'est également engagée à maintenir son aide à la construction
d'un port palestinien", s'est pour sa part félicité le ministre palestinien de
la Coopération internationale Nabil Chaath, en visite à Paris.
Début février, l'Union européenne a signifié au gouvernement israélien son
"ferme rejet" des destructions de bâtiments et d'infrastructures palestiniennes
financées par les Européens, parmi lesquelles l'aéroport et le port de Gaza. Les
destructions des installations portuaires --auxquelles contribuent la France,
les Pays-Bas et la Banque européenne d'investissement --ont été évaluées à
335.000 EUR.
13. J'accuse par Baruch
Kimmerling
in Khol Ha'ir (hebdomadaire israélien) du vendredi 1er février
2002
[traduit d'une version
anglaise par Giorgio Basile]
(Baruch Kimmerling, l'un des plus grands
sociologues israéliens, il enseigne au département de sociologie et
d'anthropologie de l'Université Hébraïque de
Jérusalem.)
J'accuse Ariel Sharon de
créer un processus par lequel non seulement il va intensifier le bain de sang
réciproque, mais qui est susceptible d'entraîner une guerre régionale et une
épuration ethnique partielle ou totale des Arabes dans la «Terre
d'Israël».
J'accuse chaque ministre du Parti Travailliste de ce gouvernement de
collaborer à la mise en œuvre de la «vision pour Israël» extrémiste, fasciste,
de la droite.
J'accuse les dirigeants palestiniens, et en premier lieu Yasser Arafat,
d'un manque de perspicacité si extrême qu'ils en sont devenus les collaborateurs
des plans de Sharon. S'il devait y avoir une seconde Nakba (l'holocauste
palestinien), ces dirigeants se trouveraient, eux aussi, parmi les causes de
celle-ci.
J'accuse les chefs militaires, stimulés par les dirigeants nationaux, de
dresser l'opinion publique contre les Palestiniens, sous le couvert d'un
professionnalisme militaire supposé. Jamais auparavant en Israël autant de
généraux en uniforme, d'anciens généraux, d'anciens membres des services de
sécurité, parfois déguisés en «universitaires», n'ont pris part au lavage de
cerveau de l'opinion publique. Lorsqu'une commission d'enquête judiciaire sera
mise sur pied pour enquêter sur la catastrophe de 2002, eux aussi devront être
mis en examen, aux côtés des criminels civils.
J'accuse les administrateurs des médias électroniques israéliens de donner
aux divers porte-parole militaires les accès dont ils ont besoin pour une prise
de contrôle agressive, belliqueuse et quasi complète du discours public. Les
militaires ne contrôlent pas seulement Jénine et Ramallah, mais aussi la radio
et la télévision israéliennes.
J'accuse ces gens, de toutes conditions, qui ordonnent de hisser le drapeau
noir, et ceux qui suivent leurs ordres illégaux. Le regretté philosophe
Yeshayahou Leibovitz avait raison - l'occupation a ruiné toute la part bonne et
détruit l'infrastructure morale sur laquelle la société israélienne existe.
Arrêtons cette marche vers la folie et reconstruisons à neuf une société
débarrassée du militarisme, de l'oppression, de l'exploitation des autres, quand
ce n'est pas pire.
J'accuse quiconque voit et sait toutes ces choses, de ne rien faire pour
empêcher la catastrophe imminente. Les événements de Sabra et Chatila n'étaient
rien comparés à ce qui s'est produit et ce qui est en train de nous arriver.
Nous devons sortir et nous diriger non pas seulement vers les places de nos
villes, mais aussi vers les check-points. Nous devons parler aux soldats dans
leurs chars et leurs véhicules blindés - comme le firent les Russes à leurs
soldats lorsqu'ils reçurent l'ordre de reprendre la Place Rouge - avant que
l'invasion des villes palestiniennes ne se transforme en une guerre civile
meurtrière.
Et je m'accuse moi-même qui, bien que sachant tout cela, hurle trop peu, et
garde trop souvent le silence.