Point d'information Palestine > N°190 du 15/02/2002

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Au sommaire
                   
Exclusif - Azmi Bishara était hier à Saint-Denis
- Merci, Monsieur le Député ! par Marcel Charbonnier
                           
Rendez-vous
- Rencontre - débat : Palestiniens, Israéliens - Quelle paix, quelles perspectives ? le mardi 19 février 2002 à 18h, Amphithéâtre Georges Lefebvre à la Sorbonne (Paris)
                           
Dernière parution
- Un très proche Orient (Collectif) sur une idée de Sapho aux Editions Joëlle Losfeld/Dada
                                                         
    
Réseau
Cette rubrique regroupe des contributions non publiées dans la presse, ainsi que des communiqués d'ONG.
1. En Terre Sainte : l'hécatombe - Déclaration du Congrès rabbinique de l'Etat de New York [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
2. Exclusif : un moyen pacifique de régler le conflit arabo-israélien : si vous ne pouvez pas les vaincre, rejoignez-les ! par Baha Abushaqra sur le site nilemedia.com du mercredi 20 janvier 2002 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
3. Interview d'Ilan Greilsammer, professeur en Sciences politiques à l'université de Bar Ilan par Serge Hajdenberg le lundi 11 février 2002, à 7h45, dans l'émission "L'invité de la rédaction" sur Radio J (Paris - 94.8 MHz)
4. Sérieuses questions au sujet d'Israël Shamir par Ali Abunimah & Hussein Ibish sur le site de nilemedia.com du dimanche 17 avril 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
5. L'affaire Shamir (en français dans le texte, ndt) par Ahmed Amr sur le site de nilemedia.com du dimanche 17 avril 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
6. Quelque chose est en train de bouger par Uri Avnery [traduit de l'anglais par R. Massuard et S. de Wangen]
                                                                                                       
Revue de presse
1. Manifestation de solidarité avec les Palestiniens et Yasser Arafat Dépêche de l'Agence France Presse du jeudi 14 février 2002, 19h33
2. Arafat est irremplaçable pour les réfugiés palestiniens du Liban Dépêche de l'Agence France Presse du jeudi 14 février 2002, 19h15
3. Un responsable en second du réseau Qa'ida préparerait de nouveaux attentats d'envergure par Philip Shenon & James Risen in The New York Times (quotidien américain) du mercredi 13 février 2002 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
4. L'incapacité de la communauté internationale par Abir Taleb in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 13 février 2002
5. Juifs en France par Philippe Desmarest in Le Monde du mardi 12 février 2002 (rubrique "courrier des lecteurs")
6. Un plan pour isoler le terrorisme - mais ne l'appelez pas plan de séparation par Uzi Landau, ministre israélien de l'Intérieur in Ha'Aretz (quotidien israélien) du mardi 12 février 2002 [traduit de l'anglais par Mimi Tal]
7. Marwan Barghouti : "La priorité pour parvenir à la paix : le retrait total et définitif des Israéliens des territoires palestiniens occupés depuis 1967" entretien réalisé par Valérie Féron cette interview a été partiellement publiée dans La Croix du lundi 11 février 2002
8. Retour sur un douloureux passé par Suzanne Goldenberg in The Guardian (quotidien britanique) du dimanche 10 février 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
9. "On n'a pas le choix : la paix se construit avec ses ennemis" - Interview croisée de Yasser Abed Rabbo et Yossi Beilin propos recueillis par Agnes Gorissen et Baudoin Loos in Le Soir (quotidien belge) du vendredi 8 février 2002
10. Ben Eliezer cite les Palestiniens avec lesquels Washington devrait dialoguer Dépêche de l'Agence France Presse du vendredi 8 février 2002, 18h03
11. Ce dont les Arabes ont besoin, c'est de leadership. Pas de slogans par Marwan Bishara in International Herald Tribune (quotidien international publié à Paris) le vendredi 8 février 2002 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
12. La France accorde 7,14 M EUR aux Palestiniens au titre de la coopération Dépêche de l'Agence France Presse du mercredi 6 février 2002
13. J'accuse par Baruch Kimmerling in Khol Ha'ir (hebdomadaire israélien) du vendredi 1er février 2002 [traduit d'une version anglaise par Giorgio Basile]
                                                                        
Exclusif - Azmi Bishara hier à Saint-Denis

                                        
Merci, Monsieur le Député ! par Marcel Charbonnier
Jeudi 14 février 2002, événement dans la ville des Rois de France : Azmi Bishara, député israélien arabe palestinien à la Knesset (parlement israélien) vient rencontrer, à l'initiative du comité de soutien qui s'est constitué en France après sa destitution et avant le procès qui lui est intenté en Israël, un public nombreux et pluriel. Avant d'entrer dans la salle de la Bourse du Travail dionysienne, je croise dans la foule (il y a beaucoup de monde) José Bové, Alain Krivine, Eyal Sivan, Mouloud Aounit, Madeleine Rebeyrioux... et je prends connaissance des communiqués de mouvements tels le comité de soutien à Azmi Bishara, bien entendu, mais aussi la campagne citoyenne de protection du peuple palestinien, le mouvement des Femmes en Noir, le comité de solidarité avec les soldats israéliens réfractaires, l'Union française des Juifs pour la paix, notamment.
La soirée autour de Azmi Bishara sera très chaleureusement et judicieusement rythmée par les interventions de Simone Bitton (réalisatrice télévision, à qui l'on doit notamment un documentaire remarquable sur Azmi Bishara "Citizen Bishara - Un député arabe en Israël" un film documentaire de Simone Bitton - 52' - Oct. 2001), présidente du Comité de soutien.
Après un mot d'accueil de M. Patrick Braouezec, maire de Saint-Denis, qui s'excuse de ne pouvoir rester, car il doit se rendre à l'Assemblée Nationale où la session parlementaire va bientôt se clôturer et où on met les bouchées doubles (on rattrape du temps perdu ?), différents intervenants vont se succéder à la tribune.
(Mais avant de relater très succinctement leurs diverses interventions, je veux dire un mot de celle de M. Braouezec. Il a mis l'accent sur l'honneur que représentait pour sa ville le fait d'accueillir Azmi Bishara et il a mentionné, notamment, son voyage récent en Israël et dans les Territoires occupés. Il a aussi rappelé le caractère historiquement très ouvert de sa ville à l'égard des autres peuples, ville qui est à l'initiative, avec Barcelone, d'une réflexion sur les droits de l'Homme citadin. Habitant personnellement dans une ville proche de la banlieue maghrébine - comme écrirait le CRIF !  -), je suis un peu jaloux des Dionysiens, qui n'ont pas, eux, apparemment, à voter élection après élection de façon essentiellement à interdire à M. Didier Schuller et ses disciples de s'emparer de leur ville, ce qui permettrait, par-dessus le marché, à Charles Pasqua de réaliser le "grand chelem" sur le département des Hauts de Seine...)
Simone Bitton donne ensuite successivement la parole à MM. Toubiana, de la Ligue des Droits de l'Homme, Mouloud Aounit, du MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples). Celui-ci proteste avec force contre la campagne qui se déroule actuellement en France, laquelle, prenant prétexte de "défendre les membres de la communauté juive contre des agressions antisémites", ne fait que jeter dangereusement de l'huile sur le feu et stigmatiser encore plus la communauté arabe, notamment maghrébine, en France, qui n'en a vraiment pas besoin. Je note personnellement avec satisfaction cette prise de position du MRAP, car la position de ce mouvement m'était apparue beaucoup moins claire, il y a quelques mois, alors que cette campagne commençait à se dessiner (j'avais assisté à un meeting du MRAP sur la question palestinienne. C'était, il est vrai, avant le onze septembre 2001 - je me réjouis des "effets pervers" bienvenus, ceux-là, que cette campagne éhontée produit en France. Je fais allusion au communiqué "Trop, c'est vraiment trop" et à l'article odieux de M. Cukierman, parus récemment dans Le Monde).
Simone Bitton annonce ensuite José Bové. Il est accueilli par une salve d'applaudissements nourris et sa brève intervention est remarquable. Il dit sa satisfaction d'être parmi les nombreuses personnes venues accueillir Azmi Bishara, fait allusion au fait qu'il risque de se retrouver bientôt, personnellement, derrière des barreaux. Puis il évoque les campagnes citoyennes de protection du peuple palestinien. Il consacre presque un tiers de son intervention à la situation qui règne à Nazareth, situation hautement symbolique de ce qui se passe partout en Palestine/Israël et qui l'a particulièrement choqué. Il indique notamment que la ville arabe de Nazareth est de plus en plus cernée par l'extension de la ville-colonie de Nazareth Ilith, et que les autorités de cette dernière ont tout fait - hélas, jusqu'ici avec succès - afin que divers services municipaux de la ville arabe quittent le centre-ville et aillent se réimplanter à l'extérieur de l'emprise municipale.
Après lui, c'est la responsable des missions citoyennes qui prend la parole. Elle expose en quoi consiste cette action (dont il faut rappeler la dimension de plus en plus internationale) qui prend beaucoup d'ampleur (un groupe de volontaires venait de prendre l'avion quelques heures avant le meeting pour se rendre en Palestine), d'une manière très claire, à mon sens tant pour le public que pour M. Bishara lui-même. Je précise à ce propos que l'ensemble du meeting a été d'une très haute tenue et qu'il s'est agi d'un véritable événement politique. Je pense personnellement qu'il revêtait même une dimension historique, j'y reviendrai. Un effort particulier pour envoyer des missions de protection des Palestiniens est prévu à l'occasion de la journée de la Terre (30 mars).
Ensuite, c'est Leïla Shahid, Déléguée générale de Palestine en France, qui intervient. Comme tout le public, je pense, je la trouve dans une forme éclatante (et comme tout le monde aussi, certainement, je m'en réjouis). Elle commence par saluer la forte composante féminine tant du public que des organisateurs (dont beaucoup d'organisatrices, en l'occurrence) de la réunion. Salve d'applaudissements, cris : "Vive les femmes !", quelques you-yous (zaghârîd)... Puis elle relate sa première rencontre avec Azmi Bishara, dans un Liban où les camps étaient soumis au siège (période très douloureuse, après 1982 et la levée du siège de Beyrouth par les Israéliens... je pense qu'il est inutile d'insister). Elle nous dit (et on a l'impression d'y être, d'assister à la scène) que pour elle, voir un Palestinien non seulement citoyen israélien, mais en plus député à la Knesset, c'était quelque chose de tout à fait "extrrraordinairrre". Et elle nous explique l'importance de cette découverte, par les Palestiniens de la diaspora, des Palestiniens citoyens israéliens. Ce qui évoque le fait que l'occupation israélienne consécutive à la guerre de juin 1967 a eu pour effet de recréer un certain lien entre les réfugiés en Cisjordanie et à Gaza et les Palestiniens citoyens d'Israël. Et la venue de Azmi Bishara, ainsi que le mouvement de solidarité qui est en train de grandir autour de lui, (en France, nous y assistons, mais n'oublions pas que ce mouvement est en phase ascendante partout dans le monde et, ce qui est crucial, en Israël même) constituent une étape supérieure dans la prise de conscience de lui-même opérée par le peuple palestinien.
Je pense personnellement assister, lors de ce meeting, à une retrouvaille de deux composantes du peuple palestinien (je serais tenté d'écrire des deux, mais peut-on oublier les millions de Palestiniens en exil à travers le monde ?), absolument fondamentale (et qui revêt une dimension historique) entre la représentante de l'Autorité palestinienne en France, Leïla Shahid, et Azmi Bishara, symbole des Palestiniens israéliens dont l'impossible (pour le moment) intégration authentique en qualité de citoyen d'Israël par le gouvernement de ce pays - est symbolisée par le fait même qu'il a été déchu de son immunité parlementaire et qu'il est d'ores et déjà convoqué au tribunal, où il doit comparaître dans quelques semaines.
Ensuite, Isabelle Avran, vice-présidente de l'AFPS, nous livre une analyse percutante de l'insertion du conflit israélo-palestinien (plus exactement de la répression israélienne à l'encontre de la résistance du peuple palestinien à l'occupation) dans le contexte international de l'après onze-septembre, contexte créé par les Etats-Unis, qui veulent imposer une nouvelle division du monde entre deux camps : les bons et les méchants, nous et eux. Son intervention sera saluée par des applaudissements nourris.
Simone Bitton salue à nouveau les militants du comité de soutien à Azmi Bishara, en cite quelques-uns des premiers, et demande à Eyal Sivan, réalisateur de cinéma israélien, de bien vouloir venir prendre place à la tribune, à côté de Azmi Bishara. Cet Israélien adressera ensuite quelques mots à l'assistance, principalement que tout ce qu'il demande c'est un Israël laïque et véritablement démocratique, respectant les droits du peuple palestinien. Il se dira très ému et impressionné d'avoir pu rester assis quelques minutes auprès de SON député. Ce à quoi Simone Bitton ajouta qu'elle était aussi une électrice de Azmi Bishara : tonnerre d'applaudissements !
M. Elias Sanbar, directeur de la Revue d'Etudes palestiniennes, prend ensuite la parole brièvement, pour un exposé très brillant, dont je retiens cette phrase très forte : "On parle beaucoup, y compris chez vous, mes amis et amis de la cause palestinienne, de la nécessité de 'redonner au peuple palestinien sa dignité'. Je vous en prie : ne parlez plus de notre aspiration à la dignité. Nous autres, Palestiniens, avons tout perdu, sauf, précisément, une chose : notre dignité !" Re-tonnerre d'applaudissements.
Elias Sanbar annonce qu'il assurera la traduction des propos de M. Bishara.
Simone Bitton invite Azmi Bishara à prendre la parole.
Standing ovation ! (ovation debout) : au moins deux minutes (cela aurait continué, mais tout le monde était impatient d'entendre l'orateur, d'une part, et cela aurait été presque impoli, d'autre part).
Le public est très ému. Je pense que Azmi Bishara l'est tout autant, même si son imposante carrure le laisse peu paraître.
D'une voix posée mais puissante, Azmi Bishara dit trois mots en anglais... et il est interrompu par une sorte manifestation spontanée, dans la salle, aux cris de : "Azmi, bi-l-'arabiyy ! Azmi, bi-l'arabiyy !" (~ "On veut Azmi en arabe ! On veut Azmi en arabe !") Agréablement surpris, Azmi Bishara s'exécute volontiers et reprend, en arabe cette fois.
- Résumé de l'intervention de M. Azmi Bishara, ex (?)-député arabe israélien à la Knesset :
Replaçant le problème palestinien dans le nouveau contexte mondial, Azmi Bishara tient tout d'abord à donner la définition de certains termes abondamment utilisés par la propagande (hélas en actes) des Etats-Unis et d'Israël.
Il établit un historique du terme "terroriste", rappelant les origines françaises de ce vocable (période de la Terreur entre 1992 et 1994, à la suite de la Révolution française). Une conjonction politique révolutionnaire similaire a existé lors de la guerre civile consécutive à la révolution soviétique d'octobre 1917 en Russie. (Rappelons qu'il s'agissait de faire face, pour le nouveau régime révolutionnaire, au danger que les forces anti-révolutionnaires, royalistes en France, tsaristes en Russie ne le mette à bas et ne s'empare à nouveau du pouvoir au prix d'une répression (il y eut d'ailleurs envoi de corps expéditionnaires français, notamment, contre le régime bolchevique, souvenons-nous en) dont l'écrasement de la Commune de Paris nous donne une idée éloquemment horrible. Je referme ici cette parenthèse personnelle). Dans ces périodes cruciales, il était vital pour les régimes révolutionnaires encore balbutiants, de procéder à une répression impitoyable, au nom de la souveraineté populaire, contre les ennemis du peuple. (Nouvelle parenthèse : grave débat : qui représente le peuple, les nouvelles élites style Ingénieurs des Mines, en 1794, les Enarques, en 1948, quelle nouvelle "noblesse", demain ? Est-ce là l'origine des dictatures s'installant malheureusement immanquablement après des révolutions violentes ? Sont-elles inéluctables ?)
Azmi Bishara oppose à la chappe de plomb de cette propagande (détournant, par définition, les termes qu'elle emploi) les conventions de Genève, dont la quatrième énonce qu'un peuple occupé par la force armée a le droit (le devoir ?) de recourir aux moyens violents, si nécessaire, afin de recouvrer la liberté. Pour lui, c'est ce dont il s'agit dans les territoires occupés, dans le cas des Palestiniens. C'est ce dont il s'est agi, ne l'oublions pas non plus, en "Israël" même (je dirai : à l'intérieur de la ligne verte, pour ne pas avoir l'air de polémiquer) lors de la répression sanglante des manifestations en solidarité avec les Palestiniens des territoires occupés ou autonomes, qui fit, je le rappelle, au moins treize morts).
Donc : Azmi Bishara affirme avec force que le "terrorisme" n'est en aucun cas du côté des Palestiniens, où qu'ils soient, mais qu'il est bien pratiqué, en revanche, par les forces armées d'occupation (dites "de défense", ne rions pas (jaune)) israéliennes et le gouvernement israélien dirigé, comme nous le savons, par un Ariel Sharon auquel on ne saurait contester son brevet de terrorisme. (On annonce, à ce sujet, que la plainte déposée contre lui à Bruxelles a été reçue par le tribunal).
Azmi Bishara, poursuivant son analyse philologique qui revêt un caractère essentiel dans la conjoncture historique que nous traversons, nous rappelle que le terme arabe signifiant "résistance" -  "muqâwamah" - est apparu en arabe moderne à la fin de la deuxième guerre mondiale, et qu'il a été forgé pour reprendre exactement le concept de "résistance", terme français spécifique à l'époque de l'occupation allemande de la France (1940-1944).
Il nous convainc lorsqu'il affirme que la raison pour laquelle ces termes sont actuellement détournés est que nous vivons, en réalité, une prolongation de la guerre froide, période au cours de laquelle les termes, tour à tour, de "résistance" et de "terrorisme" pouvaient être parfois employés afin de qualifier un même mouvement, selon le point de vue où l'on se plaçait, ou en fonction des fortunes du combat mené par le(s) groupes ainsi étiqueté(s). Je suis, personnellement - et je le dis - ébloui par la puissance de l'analyse politique de Azmi Bishara, et je me pose en moi-même la question suivante : "comment s'appelait l'école de Sciences Po, en Allemagne de l'Est ?" Question corollaire : "Schröeder a-t-il veillé à la privatiser bien comme il faut, grâce aux fonds de la Banque européenne de M. Attali aux locaux londoniens marmoréens ?"
Cet exposé éclairant me rassure sur l'avenir politique du peuple palestinien. Mais il me laisse un moment morose quant au nôtre. (Au fait : savez-vous qu'il y aura des élections, présidentielle et législatives, au printemps ?) Et puis je repense à quelqu'un comme M. Patrick Braouezec, et je retrouve un peu de tonus...
Après avoir démoli de la belle manière la thèse abracadabrantesque du "choc entre civilisations" chère à M. Huntington (à qui il ne fera pas l'honneur de le citer, ce en quoi il a parfaitement raison, car cela n'en vaut pas la peine), Azmi Bishara caractérise le contexte international comme celui d'une division (voulue et imposée par les Etats-Unis et leur cinquante-troisième Etat : Israël) entre les "bons et les mauvais", "ceux qui sont avec nous et ceux qui sont contre nous", comme dit George "Deubeuliou" Bush (il n'y a pas de possibilité d'être neutre, puisque pour lui, "tous ceux qui ne sont pas derrière nous sont contre nous" !). A plusieurs reprises, il nous fera rire en reprenant les termes anglais "the good guys" contre "the bad guys" (les "bons gars" contre les "sales types") emprunés à cette science politique de série B. Il fustigera Benjamin Netanyahu, l'homme ascendant de la destinée politique d'Israël, qui vient de publier deux ouvrages complètement ridicules, dans lesquels il expose sa "pensée politique", laquelle reprend à son compte la haute pensée bushienne, mais avec une petite touche originale "typically israelian" : le monde ne se divise pas entre "bons" et "méchants", non, non. Le monde, d'après Netanyahu, se divise entre "terroristes" et "antiterroristes". Puissant, non ? Le public rit de bon cœur.
Evoquant la proposition française (il ne faut pas parler à ce sujet de énième "plan de paix"), que le Quai d'Orsay qualifie de "non paper", c'est-à-dire de document non officiel destiné à susciter une réflexion et un déblocage dans le marasme actuel, Azmi Bishara nous informe que Shimon Pérès la rejette, horrifié, essentiellement par le point qui propose la tenue d'élections dans les territoires palestiniens (élections qui visent, semble-t-il, à re-légitimer l'Autorité palestinienne, de manière claire, tout en contribuant à l'envoi d'observateurs internationaux. On pourrait même y voir une manière de contraindre Israël à se retirer des territoires, au moins de ceux qui sont théoriquement totalement autonomes (sur le papier, pour l'instant), dits "zone A"). Azmi Bishara relève ce paradoxe éclatant : rien ne fait plus peur au ministre des affaires étrangères (travailliste, pour mémoire) du gouvernement de la démocratie israélienne que... des élections !
Je retiendrai de l'exposé de Azmi Bishara une notion qui me semble, personnellement, absolument fondamentale. Elle se décline en deux volets, pour les Palestiniens citoyens israéliens, d'une part, et les Palestiniens sous "autonomie", ainsi que les réfugiés, d'autre part.
a/ si les Palestiniens demeurés en Palestine en 1948 participent à la vie politique démocratique (jusqu'à un certain point, on le voit bien) d'Israël, c'est parce que c'est, pour eux, la seule façon de pouvoir demeurer dans leur pays natal.
b/ les Palestiniens (en dehors d'Israël) ne luttent pas en vue d'avoir un état. Ils luttent pour leurs droits et, pour eux, l'état est un instrument dans cette lutte pour la reconnaissance de leur droit imprescriptible à revenir dans leurs foyers et a y mener une vie normale, dans un cadre démocratique.
Encore une fois, Azmi Bishara affirme que le peuple palestinien est un et que sa lutte, quel que soit le contexte dans lequel il se trouve placé, que ce soit en Israël ou dans les territoires occupés, ou dans l'exil, est une même lutte, c'est aussi la lutte de tous les peuples contre l'oppression.
Cette lutte est aussi celle du peuple israélien, car seul le respect des droits du peuple palestinien est susceptible de lui assurer un avenir normal dans la région, à l'intérieur d'un état d'Israël respectueux de la légalité internationale, avec leurs concitoyens israéliens palestiniens, dans un premier temps, dans un état réellement démocratique, laïque et pluriethnique, dans un avenir que l'on souhaite pas trop lointain.
Une panne d'électricité se produit : elle concerne tous les quartiers sud de Saint-Denis ! Avec beaucoup d'humour, Azmi Bishara, qui est très brun de peau, nous demande si nous le voyons encore ! Il poursuit, sans micro (dont il n'a absolument pas besoin). Nous observons un silence quasi-religieux afin de ne rien manquer de la traduction de M. Sanbar.
A dix heures du soir, nous devons libérer la salle. Beaucoup de contacts se nouent à la fin de cette soirée, des idées s'échangent, des projets de conférences ici et là, en province notamment, s'échafaudent. Chacun repart vers ses pénates respectives. Je pense pouvoir dire : regonflé(e) à bloc. Merci, Monsieur le Député !
                                       
Rendez-vous

                                        
Rencontre - débat : Palestiniens, Israéliens - Quelle paix, quelles perspectives ?
le mardi 19 février 2002 à 18h, Amphithéâtre Georges Lefebvre à la Sorbonne (Paris)
Le Collectif d'information contre la logique de guerre organise une rencontre sur le thème : Palestiniens, Israéliens - Quelle paix, quelles perspectives ? Le débat sera introduit par des étudiants :
- Aïda ElGhoul et Alexandre Mamarbachi, pour la mission civile en Palestine,
- Mehdi Abu Rayan, étudiant palestinien à l'université de Bir Zeit,
- Yehuda Agus, objecteur de conscience israélien.
Par ailleurs, Bahaa' Abu Dayyah, artiste palestinien, interviendra de la salle.
Difficile de se faire une idée précise de ce qui se passe, de ce que signifie ce "conflit israélo-palestinien", de ses conséquences, de ses perspectives. Ce que l'on sait avec certitude, c'est que des centaines de personnes meurent sous les bombardements du gouvernement Sharon, que l'armée israélienne a rasé des villages entiers et accentué la guerre contre les Palestiniens, tandis que la riposte terroriste est meurtrière et inefficace. Pour nous, construire un Collectif d'information contre la logique de guerre à la Sorbonne, cela veut dire en premier lieu nous sentir concernés, nous sentir solidaires de toutes les victimes : du peuple palestinien opprimé et massacré, mais aussi de tous les Israéliens qui refusent cette logique de guerre et la combattent. Cela veut dire que nous voulons comprendre, réfléchir et discuter : aller aux origines de laguerre israélienne et de l'Intifada palestinienne, comprendre comment elles se développent et quelles perspectives on peut imaginer et construire. C'est pour cela que nous proposons une rencontre sur la Palestine: pour commencer dès maintenant à prendre la mesure de ce que vit le peuple dans ce pays, et oeuvrer pour une solidarité effective. Soutenir la liberté et l'autodétermination du peuple palestinien est pour nous un principe et un point de départ important. Discutons et raisonnons ensemble pour comprendre ce conflit et développer la solidarité avec les Palestiniens, ici, en France.
[Ce débat est organisé avec le soutien de la Coordination Inter-facs Palestine - Pour contacter notre collectif : sorbonne-contre-la-guerre@ifrance.com]
                                                   
Dernière parution

                                               
Un très proche Orient (Collectif) sur une idée de Sapho
aux Editions Joëlle Losfeld/Dada
[207 pages - 15 Euros (99,00FF) - ISBN : 2844120881] 
En octobre 2000, face à la montée de la violence au Moyen Orient, Sapho, chanteuse et poète engagée pour que cesse la guerre, a lancé cet appel. A la question "que pouvons-nous encore pour la paix au Moyen Orient ?", une centaine d'auteurs (philosophes, écrivains, journalistes, poètes, artistes...) ont réagi de manière subjective, sensible et libre. Ils ont fait don de textes inédits, délaissant le carcan des idéologies au profit d'une réflexion personnelle et nouvelle. Un très proche Orient fait entendre la voix d'écrivains reconnus comme Jacques Derrida, Albert Jacquard, Antoine Spire, Hubert Haddad, Didier Daeninkx, Elias Sanbar, Hoda Barakat, Nédim Gürsel, Sylvestre Clancier, Leïla Sebbar, Rony Somek, Mahmoud Darwich, Salah Stétié... mais aussi celle de personnalités singulières et attachantes que le lecteur aura l'occasion de découvrir. Un très proche Orient, ouvrage littéraire, a en même temps l'élan et la force d'un manifeste. On aura plaisir à le feuilleter, mais surtout, on ne pourra rester indifférent à ces paroles, à ces cris parfois, qui réclament la paix. Ce recueil est une mosaïque de points de vue et au-delà de l'actualité, il aborde un problème universel : pourquoi la guerre ?
                                     
Réseau

                                               
1. En Terre Sainte : l'hécatombe - Déclaration du Congrès rabbinique de l'Etat de New York
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Les Juifs authentiques respectueux de la Torah protestent contre les dirigeants de l'"Etat" d'Israël
Le 7 février 2002 - L'obervation des préceptes de la Torah interdit aux Juifs d'avoir un Etat, fût cet Etat religieux. C'est pourquoi tous les rabbins et tous les Juifs craignant Dieu se sont opposés au sionisme, dès son apparition, sous toutes ses formes et dans toutes ses conséquences. C'est avec peine et chagrin que nous nous rassemblerons afin de protester contre l'"Etat d'Israël" qui défie la Torah, et en particulier contre son dirigeant, Sharon le sanguinaire, qui rend actuellement visite au président Bush. C'est lui, Sharon, qui a défié la Torah en désacralisant le nom du Tout-Puissant en se rendant sur le Mont du Temple afin d'y proclamer la guerre contre le peuple palestinien. C'est lui qui, par conséquent, a initié et fait exploser un enchaînement de meurtres et de massacres dont sont victimes toutes les populations de la Terre Sainte. Il ne cesse d'alimenter cette guerre, secondé en cela par ses collègues athées au gouvernement d'Israël. Nous nous rassemblerons, aussi, afin de protester contre la politique et les agissements pernicieux du gouvernement israélien à l'encontre des Juifs religieux. Nous dénoncerons la persécution et l'incarcération de rabbins qui avaient pour seul tort de vouloir défendre des lieux de sépulture sacrés. Nous dénoncerons encore plus fortement l'assistance apportée au meurtre de sang froid de l'éminent rabbin Samet, assassiné pour avoir défendu les principes religieux dans la ville sainte de Jérusalem. Nous demandons également au gouvernement des Etats-Unis de prendre toutes les mesures nécessaires à sa disposition afin de mettre un terme à ces agissements, afin d'obtenir l'élargissement du respecté rabbin Biton et d'amener devant la justice l'assassin du rabbin Samet. Nous prions le Tout-Puissant de libérer la terre (sainte) et le peuple juif par la proche venue du Messie ! A ceux qui se demanderaient pourquoi nous sommes ici, aujourd'hui. Washington, DC, 7 février 2002.
[Questions et réponses au sujet de la manifestation de protestation de ce jour contre Sharon et la rencontre de son Cabinet ministériel avec Notre Honoré Président, George Bush.]
Q - Quelle est la raison de la protestation d'aujourd'hui ?
R - Nous avons deux objectifs. Le premier est local, le second est mondial. Premièrement, nous exigeons la libération du rabbin Daniel Biton, prisonnier de conscience, actuellement incarcéré par le gouvernement israélien. Deuxièmement, nous sommes ici aujourd'hui pour déclarer que le gouvernement israélien lui-même et l'idéologie sioniste qu'il incarne ne sont en rien des représentants légitimes du peuple juif ou de la foi biblique, qui est le seul fondement de notre existence-même.
Q - Commençons par le début : pourquoi le rabbin a-t-il été arrêté ?
R - Lors d'un procès qu'on lui avait intenté au seul motif qu'il avait participé à une manifestation religieuse de protestation - pacifique -, il a proclamé son opposition à l'existence même de l'Etat israélien. C'est à cause de cette atteinte au "politiquement correct" qu'il a été emprisonné.
Q - Pourquoi qualifier cela de problème local ?
R - Il s'agit du problème posé par la souffrance injuste d'un individu. Bien entendu, c'est un problème très grave, qui mérite l'attention immédiate des personnes, dans la communauté internationale, soucieuses des violations des droits humains élémentaires. Toutefois, malgré la profondeur de la blessure morale infligée au Rabbin, il serait sans doute le premier à admettre qu'elle est amplement dépassée par le problème de l'entreprise sioniste en tant que telle, encore plus préoccupant et urgent, et de très loin.
Q - Pourquoi s'agit-il, en l'occurrence, d'un problème urgent ?
R - Aujourd'hui, le sionisme apparaît nu devant le peuple juif et aussi devant l'ensemble de l'humanité : c'est une entreprise qui a échoué. Les fondateurs du sionisme (tous des Juifs qui avaient rejeté leur foi ancestrale) proclamaient que le sionisme  allait résoudre le problème de l'exil et de la souffrance des Juifs. Il allait offrir un abri sûr à tous les Juifs du monde. Plus d'un siècle après, il a apporté la démonstration qu'il était incapable de mener à bien ne serait-ce que la tâche considérablement moins grandiose qui consisterait à protéger les Juifs qui vivent d'ores et déjà en Terre Sainte.
Q - Mais l'Etat a survécu, non ?
R - C'est faire preuve d'humour noir que de voir dans un gouvernement qui a fait subir à ses citoyens cinq guerres et d'incessantes souffrances une "survie" désirable. Combien encore de sang devra-t-il être versé avant que les Juifs se débarrassent, enfin, des chaînes de la domination sioniste du monde et commencent à remettre en cause les prétendues racines de cette idéologie ?
Q - A quelles racines prétendues faites-vous allusion ?
R - Le noyau de la pensée sioniste est le dogme, vieux d'au moins un siècle, selon lequel l'exil des Juifs résulte d'une action humaine, en l'occurrence, (prétendument) de la supériorité militaire de l'armée romaine, qui a détruit le Temple (de Jérusalem, 70 après J.C., ndt) et que, de ce fait, on peut mettre fin à cette diaspora par l'action militaire et politique. Cette lecture erronée et réductionniste de l'histoire juive a représenté un schisme d'avec deux mille ans de croyance biblique et de tradition. Les Juifs ont toujours vu dans leur exil une punition Divine. Il pensaient que le seul moyen de leur délivrance était de se repentir et de faire de bonnes actions. En procédant à une projection du drame de l'histoire juive en ces termes matérialistes et séculiers, le sionisme s'attaquait à l'essence-même de l'odyssée spirituelle du peuple de la Torah. Cette entreprise était vouée à l'échec.
Q - Pourquoi était-elle condamnée ?
R - Parce que le Talmud et le Midrash nous mettent en garde depuis toujours contre toute tentative de mettre fin à l'exil des Juifs, car de cela ne pourraient résulter que des massacres incessants et horribles. Et aussi parce qu'il est tout simplement impossible, du point de vue métaphysique, que ce qui n'est qu'un rejet du judaïsme, conduit par des gens qui renient la Torah, puisse prétendre diriger et représenter le peuple juif avec une quelconque chance de succès.
Q - Alors, dans ce cas, comment se fait-il que le sionisme soit si populaire ?
R - Après les terribles destructions de la seconde guerre mondiale, les Juifs européens avaient perdu la plupart de leurs grands dirigeants communautaires. De plus, il y avait une confusion générale qui finit par s'emparer de l'esprit de nombre de survivants. Le monde non-juif était anxieux de s'amender de sa passivité durant l'Holocauste. De là, le succès du sionisme, en 1948. Toutefois, une lecture dépassionnée de l'histoire juive amène à la conclusion que, dès son apparition, le sionisme a été rejeté par l'immense majorité des Juifs croyants et observant les préceptes de la Torah.
Q - Cette opposition était-elle motivée par la seule philosophie du sionisme ?
R - Non. En réalité, ce qui horrifiait ces Juifs pieux, c'étaient les agissements des sionistes, tant avant qu'ils accèdent au pouvoir qu'après la création de l'Etat, car ces agissements étaient révélateurs de la véritable nature de ce mouvement. L'Etat israélien a depuis fort longtemps combattu la pratique juive. Il a violé des sépultures juives afin d'effectuer des fouilles archéologiques, désacralisé des corps en procédant à des autopsies à la chaîne, persisté à maintenir la décadence des moeurs que représentent des régiments mixtes... la liste serait interminable...
Q - Mais vous admettez sûrement, aujourd'hui, que l'Etat est un fait, et qu'il ne pourrait disparaître qu'au prix d'énormes pertes en vies de Juifs ?
R - Ce qui est sûr, c'est qu'il ne survit qu'au prix d'énormes pertes en vies de Juifs ! Nous savons ce que l'existence de l'état a coûté en matière de sang versé et de souffrances. Le prix à payer pour le démanteler est une inconnue. Toutefois, nous sommes convaincus que si le peuple juif se débarrassait sincèrement de l'idéologie sioniste, des moyens pacifiques seraient trouvés permettant d'en démanteler l'appareil de son pouvoir.
Q - Quel est l'objectif général de la manifestation de ce jour ?
R - Au-delà du but immédiat - la libération du rabbin Biton - nous nous sommes engagés à porter à la connaissance du monde entier que des non-croyants, même s'ils s'affublent du nom d'"Israël", exhibent l'étoile de David et installent force ménorahs (chandeliers à sept branches, ndt), n'ont aucun droit à parler au nom des Juifs du monde entier. Comme l'a dit Rav Saadya Gaon (882 - 942), un dirigeant babylonien du peuple juif post-talmudique, "nous ne sommes une nation qu'en vertu de la Torah". Toute formulation du judaïsme qui rejetterait la révélation au Mont Sinaï constitue une déformation de la (vraie) foi qui nous a été dictée (au Mont Sinaï), voilà plus de quatre mille ans.
Ceux qui ne professent pas les enseignements du Sinaï, bien que Juifs (probablement victimes eux-mêmes de l'époque d'hérésie généralisée dans laquelle nous vivons) ne sauraient être considérés représentatifs du Judaïsme.
Q - Avez-vous quelque espoir que votre message soit entendu ?
R - Aujourd'hui, plus que jamais auparavant, l'échec total de la folie sioniste est évident. Les plans de paix ont échoué. Le plus "grand" ténor de la droite, Ariel Sharon, a apporté lui-même la démonstration qu'il était totalement incapable de résoudre quoi que ce soit. Chaque jour, le nombre de morts augmente. Toutes les alternatives à l'intérieur des présupposés sionistes ont été essayées. Les gens sont désireux de dépasser les vieux clichés sépia et nourrissent de nouvelles solutions - qui sont, en réalité, éprouvées et traditionnelles. Le coût qu'entraîne le retard à remettre le sionisme en question s'alourdit de jour en jour.
Q - Si ce n'est plus Israël, qu'est-ce qui deviendra le centre d'intérêt des Juifs en Amérique et ailleurs dans le monde ?
R - Le foyer central de l'intérêt des Juifs à travers les siècles a toujours été le service du Tout Puissant à travers le respect de la Torah et les mitzvoth (les bonnes actions). C'était là le seul ordre du jour, pour le peuple juif, et il reste valable aujourd'hui. En s'efforçant d'observer le devoir de ne pas déroger à une droiture accompagnée de dignité sereine, avec l'aide du Créateur, nous pouvons nous rendre dignes d'inspirer et d'élever tous les hommes vers la paix dans le monde et le service de D...u.
Q - Le sionisme est-il contradictoire avec ce devoir (religieux) ?
R - Oui. Le sionisme entraîne les Juifs dans d'interminables conflits avec d'autres peuples. Il nous oblige à nous engager de manière agressive dans les guerres, les manoeuvres politiques et les pressions les plus diverses. Il ne s'agit là, en aucun cas, de valeurs juives. En exil, nous devons accepter notre statut et servir le Créateur, tout en cultivant la bonne volonté, l'honnêteté et des relations amicales envers tout notre entourage. Les rodomontades hautaines et le militarisme propres à l'Etat israélien ne sauraient en rien représenter des réponses appropriées à l'exil, ni à l'observance minimale d'un peuple tourné vers D...u, sincère et fraternel.
Q - Ainsi, votre programme... ?
R - C'est de prier pour un démantèlement pacifique de l'Etat d'Israël, afin d'encourager les Juifs, de par le monde, à couper les liens avec cet Etat et à proclamer devant l'humanité que le Judaïsme ne saurait en même temps accepter d'être représenté par des hérétiques et aspirer à de bonnes relations avec tous les hommes et toutes les nations.
[Congrès rabbinique de l'Etat de New York  - PO.Box 79 - Highland Mills N Y 10930 - USA]
                                       
2. Exclusif : un moyen pacifique de régler le conflit arabo-israélien : si vous ne pouvez pas les vaincre, rejoignez-les ! par Baha Abushaqra
sur le site nilemedia.com du mercredi 20 janvier 2002
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Avant-propos : Depuis plus de cinquante ans, les Palestiniens (et les Arabes, plus largement) ont échoué à obtenir leurs droits légitimes, leurs droits fondamentaux tels que garantis par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, les résolutions des Nations Unies et les articles de la Convention de Genève. Pire : ils sont vilipendés et personnellement blâmés pour le calvaire qu'ils endurent. Etant Palestinien, cet état de choses me scie, littéralement. Que peuvent, que doivent, donc, faire les Palestiniens ? Examinons les options. A part se rendre (ou attendre...), elles sont infimes.
Les choses étant ce qu'elles sont, les Palestiniens (et les Arabes) ne sont pas de taille à livrer une guerre conventionnelle (ou non-conventionnelle, cela serait plus exact) à Israël - et ne parlons pas de la remporter, par charité. Qu'est-ce qui leur reste, donc ? Soyons francs : la guérilla, laquelle, bien qu'un max légitime, sera toujours considérée, quoi qu'il en soit, comme du terrorisme par les "nations civilisées". Hé, mon pote, c'est pas moi qui ai écrit le règlement : c'est comme ça que marche la baraque. Si t'as pas une armée conventionnelle avec infanterie, tanks, F-16s, missiles (de préférence nucléarisés), et tout le toutim, t'es bon : t'es un terroriste ! Que ta cause soit juste ou non, que ça soit de la légitime défense ou non : tout le monde s'en contre-fout.
Vous allez me demander ce qu'on en a à cirer, des pouvoirs impériaux ? Après tout, ce sont bien eux qui ont créé ce merdier les premiers, non ? Aujourd'hui, ils sont encore les gardiens et les sauveteurs d'Israël. C'est exactement là où je veux en venir.
Le fait est que les Palestiniens ne se battent pas seulement contre une poignée de Juifs fondamentalistes qui veulent "racheter" la terre qu'ils ont laissée voilà quelques gazillions d'années. Il s'agirait plutôt d'une guerre coloniale, à mon avis. La machine de relations publiques/médias impériale nous a d'ores et déjà catalogués, nous autres Palestiniens, comme intransigeants, fondamentalistes, "activistes" et "terroristes". D'une manière absolument remarquable, pour l'Occident, nous n'avons pas un seul combattant pour la liberté à bord. En bref : de victimes, on a fait de nous des agresseurs. Cela, à son tour, donne carte blanche aux forces de défense (sic) de l'occupation israélienne : elles peuvent poursuivre leur campagne coloniale brutale. Ainsi, la guérilla a pour résultat le déséquilibre criant, que nous constatons aujourd'hui, dans le nombre des victimes, d'un côté et d'autre.
Remarquez, je ne veux pas dissuader les preux chevaliers palestiniens de résister (je rappelle que j'ai dit, précédemment, que se rendre n'était pas une option possible). Combattre, toutefois, voilà qui devrait être fait par "tous les moyens possibles", comme énoncé par les articles de la quatrième convention de Genève. Et "tous les moyens possibles", affirmerai-je, cela n'exclut nullement que l'on recourût à des mesures extraordinaires.
La fin justifie les moyens, qu'ils disent, pas, mon pote ? Nos frères israéliens ont pris cette maxime au pied de la lettre, pour sûr, durant leur prétendue guerre d'indépendance, à l'époque où, avant même qu'un seul soldat arabe ait eu le temps de poser un ranger en Palestine, cinq cents villages palestiniens avaient été rayés de la carte par les brutes sionistes, des centaines de Palestiniens massacrés, des milliers ayant fui devant les massacres, laissant le terrain libre au tout nouvel "Etat juif". Ce que je dis, moi, c'est que nous, Palestiniens, devrions en prendre de la graine. Pas nécessairement la brutalité et la vulgarité, non...Plus important - et c'est le point fondamental dans mon argumentation : la ruse.
Ci-après, quelques initiatives, que les Palestiniens pourraient et devraient, je pense, mettre en oeuvre afin d'obtenir leurs droits sans tirer une seule balle. La flexibilité est ici absolument indispensable. Nous devons penser hors-bantoustan.
C'est dans le coeur qu'est la foi (proverbe arabe)
La doctrine sioniste est sobre, carrée : "Israël est juif. Point barre".
En ce qui me concerne, tout du moins, je ne parviens pas à comprendre la raison d'être (en français dans le texte, ndt) et, par conséquent, l'idéologie sous-jacente au sionisme contemporain. Le sionisme des origines, je peux comprendre, à la rigueur. Je n'en accepte pas les modalités pratiques, mais j'en comprends le substrat : l'antisémitisme de l'Europe (chrétienne) du dix-neuvième siècle. Je n'ai encore jamais entendu parler d'un seul Juif qui ait immigré en "Terre promise" en raison des persécutions de ses concitoyens. La probabilité d'une renaissance d'un antisémitisme global aboutissant à des persécutions anti-juives est-elle susceptible d'excéder celle d'être tué par la foudre ? Je me pose la question...
En bref, je ne comprendrai sans doute jamais ce que j'appelle le néosionisme. Mais c'est pourtant le principal ennemi des Palestiniens. Résultat des courses : Israël est juif (point barre).
Partons, par conséquent, de cette donnée première.
Voilà ce que je propose.
Les Palestiniens devraient se convertir, massivement, au judaïsme.
Bien sûr, certaines difficultés logistiques ne manqueraient pas d'apparaître au cours de cette révolution religieuse, telles les pénuries de rabbins et de synagogues afin d'opérer les nécessaires cérémonies de conversion/baptême (ou quel que soit le terme dont on baptise ça, dans le judaïsme), mais le retour dans son foyer et des réparations valent bien une messe (hmm... en l'occurrence...), non ? Ne perdons pas de vue l'essentiel.
O. K. Vous allez me dire que d'autres problèmes, de nature théologique, autrement sérieux, par conséquent, ne vont pas manquer de se poser... je vous vois venir...
Les Palestiniens, musulmans et chrétiens, vont invoquer le fait qu'il est contraire à leur religion de changer de foi, et qu'ils peuvent même sans se renier obtenir leurs droits humains fondamentaux, comme ne pas être victime de discriminations religieuses, en raison de la couleur de la peau ou de l'appartenance ethnique, et patati et patata... (comme stipulé par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme). Ma réponse ? Dieu est pardonnant et très clément. Il comprendra (faites-moi confiance). De plus "c'est dans le coeur qu'est la (véritable) foi", comme on dit, nous, les Arabes.
Pour nos frères juifs, cela ne devrait pas poser de problème, non plus. Ils devraient être joyces de voir leur nombre doubler du jour au lendemain. Ils se sont échinés à importer les Juifs ici, sans relâche (le criminel de guerre suspecté Ariel Sharon a récemment déclaré priorité nationale l'importation d'un million de nouveaux Juifs avant qu'ils ne soient engloutis par les goyim). (Gardez toujours à l'esprit ce dogme sioniste simplissime : Israël est juif, point barre.) De plus, ce processus de réinstallation de Juifs coûte littéralement la peau des fesses aux contribuables américains (environ 135 milliards de dollars, à ce jour). C'est que, les coûts de construction de nouvelles colonies juives, les frais de voyage, l'éducation, la santé, la sécu : faut bien que quelqu'un mette la main à la poche, non ?
Sionisme inter-racial
Nous avons déjà vu (si, si, je vous assure...) des Sionistes-Chrétiens ; un petit gazillion d'entre eux, allant des révérends dévots aux barmen cool.
Nous avons vu, aussi, des Sionistes-Communistes (agnostiques). Il y en a environ un million, rien que sur le territoire d'Israël (ce sont les adeptes des partis communistes Hadash/Chadash). Notons, au passage, que les Israéliens pratiquant une religion ne représentent que 15 % de la population, de nos jours... Mais même ce petit noyau de Juifs "pieux" ne crachera pas sur les valeurs occidentales de pluralisme et de tolérance religieuses... Les Juifs pieux de la diaspora sont aussi les avocats les plus véhéments de la laïcité, alors...
Nous avons même rencontré des Sionistes-Musulmans... Un bon représentant en est le très patriote intellectuel palestinien Sari Nuseibéh (nouveau consul en chef d'Arafat à Jérusalem) : lui, aussi, est attaché au caractère "juif" d'Israël...
Alors pourquoi, dites-le moi, ne pourrait-on pas avoir, de la même manière, des Juifs-Chrétiens, des Juifs-communistes et des Juifs-Musulmans. Du reste, tous les adeptes des religions abrahamiques partageront bien le même paradis, dans l'au-delà. Alors, où est le problème ? (Notons que, par ailleurs, les "méchants", parmi eux, partageront, de leur côté, le même enfer : raison de plus).
Mieux : Abraham est le père génétique de tous les Musulmans, Juifs et Chrétiens, à travers les Israélites et les Ismaélites, qu'ils soient blancs (Saxons ou Anglo-Saxons), noirs (Ethiopiens ou Afro-Américains), Asiatiques (Chinois ou Indo-Pakistanais), etc...
L'appartenance ethnique, par conséquent, ne saurait être un problème pour les Israéliens. Il y a des Juifs arabes, des Juifs noirs (éthiopiens, par exemple), des Juifs anglo-saxons, des Juifs asiatiques... Hé : j'ai même vu des Juifs afghans (récemment, sur CNN) ! Donc, c'est sûr : l'appartenance ethnique ne posera aucun problème, étant donné qu'Israël est un "pays démocratique" (tonton, pourquoi tu tousses ?), tout à fait comme l'Occident : il ne pourra être que tolérant vis-à-vis d'une diversité bienvenue.
Des fatwas (décrets religieux) en vue d'une assimilation réussie
(valable pour tous les goyim palestiniens. Voilà comment ça marche)
Les hommes de religion musulmane devront publier des fatwas stipulant qu'il appartient à tout Palestinien musulman d'accomplir son devoir religieux, qui consiste à apprendre la langue la plus parlée en Israël - à savoir : le russe - afin que les Palestiniens puissent bien s'intégrer à leur nouvelle société hébreue (vous êtes perdu ? C'est pas grave, on vous repêchera).
(Nos frères Palestiniens chrétiens peuvent se convertir à l'islam, pour commencer, afin de pouvoir mettre le pied à l'étrier).
Une autre fatwa très utile, pour les Palestiniens désireux d'obtenir leurs droits, stipulera que tout(e) Palestinien(nne) pieu(x/se) devra épouser un conjoint israélien. En effet, les Arabes de nationalité israélienne ont généralement plus de droits que les Arabes non-citoyens israéliens. Les hommes (musulmans) pourront avoir quatre épouses, pour la multiplication de l'espèce (vraisemblablement la seule guerre, pour le moment, que les Palestiniens soient susceptibles de gagner). Alors quoi : il y a environ un million de Palestiniens-Israéliens : ça en fait, des bobines entre lesquelles choisir, non ? (Nos frères chrétiens n'ont pas besoin de changer de religion pour ce faire). Malheureusement, toutefois, j'ai entendu dire, récemment, que la Knesset est sur le point de débattre d'un projet de loi visant à refuser la citoyenneté (israélienne) aux "étrangers" qui épousent des citoyens israéliens. Alors, vous avez intérêt à vous manier, les mecs !
En des temps aussi extraordinaires, la polygamie est hautement recommandée, et elle devrait être encouragée par tous les muftis musulmans, si possible par une fatwa. Il faudrait même la déclarer priorité nationale.
Une troisième fatwa, enfin, stipulera que tout(e) Palestinien(nne) doit changer de nom et adopter un nom hébreu. (Ça les aidera à se fondre dans la masse). Pareillement, les Palestiniens, et en particulier les Palestiniens de la diaspora (vous suivez toujours ?) devraient, après avoir changé de nom et de religion, émigrer en Russie (en n'oubliant surtout pas de donner à leurs nouveaux-nés des prénoms juifs... hyper-important !). Ce n'est qu'alors, enfin, qu'une deuxième génération de Palestino-Russes pourront faire leur "aliyah". (Ouais, je sais, c'est long... Bon, mais mieux vaut une génération après que jamais, pas vrai ?
Là où existe la volonté, il y a aussi un moyen.
                           
3. Interview d'Ilan Greilsammer, professeur en Sciences politiques à l'université de Bar Ilan par Serge Hajdenberg
le lundi 11 février 2002, à 7h45, dans l'émission "L'invité de la rédaction" sur Radio J (Paris - 94.8 MHz)

S.H. : Alors samedi soir il y a eu une manifestation à Tel Aviv, une manifestation qui ne regroupait pas la gauche traditionnelle, parti travailliste, Meretz, Shalom Arshav (La Paix Maintenant)..D'où vient cette expression  de cette gauche un peu plus dure ?
I.G. : Eh bien écoutez, je crois que c'est la situation qui fait que les esprits disons sont assez exacerbés en Israël, tant à gauche qu'à droite..C'est à dire qu'on voit des gens qui, à gauche, pensaient qu'il fallait le processus de paix mais qui n'étaient pas très mobilisés, qui n'allaient pas aux manifestations, et qui commencent à se dire que maintenant les choses commencent à devenir extrêmement graves, et que  il faut absolument pousser ce gouvernement vers des négociations, vers parler avec les Palestiniens.Et de la même façon d'ailleurs, à droite, on assiste à une radicalisation d'extrême-droite, de partisans de la manière forte. C'est la situation ! C'est une situation qui est grave, c'est une situation dont il ne faut pas se cacher la gravité, ni sur le plan des attentats qui vont en se multipliant ,ni aussi, ne l'oublions pas, sur le plan de la très grave crise économique dans laquelle Israël est en train d'entrer et dont on subit chaque jour les effets. Alors je crois que c'est une situation qui est perçue par beaucoup de gens en Israël comme beaucoup plus grave que, disons, ce que nous connaissions l'an dernier ou au début de cette Intifadha et ça conduit les gens à prendre position, à vouloir influencer d'une façon ou d'une autre sur le cours des évènements...
S.H. : Mais cependant la popularité d'Ariel Sharon, même s'il y a parfois des baisses et des remontées, semble rester quand même extrêmement forte et mords très profondément dans l'électorat traditionnel de gauche...
I.G. : Je dirais que la popularité d'Ariel Sharon vient du fait qu'il n'y a pas de  choix actuellement. C'est à dire que lorsque l'on regarde le panorama politique des partis, des hommes politiques, on n'a pas vraiment envie de changer parce qu'on ne voit pas qui, disons, ferait mieux éventuellement, ou différemment, d'Ariel Sharon. La gauche est dans un état de déliquescence totale, dans le parti travailliste on ne voit pas qui ou quoi ferait quelque chose, et à droite, la seule alternative - qui est vraiment terrible et catastrophique quand on y pense -  c'est Benyamin Nétanhiayu et donc beaucoup de gens se reportent un peu sur Sharon aujourd'hui lorsqu'on leur dit : "eh bien finalement qui serait le meilleur Premier Ministre ?" parce que il n'y a pas de choix, il n'y a pas d'alternative. Je ne crois pas que c'est un amour particulier que les gens portent à Ariel Sharon.
S.H. : Alors pour vous ni Binyamin Ben Eliezer, ni Avraham Burg ne sont pour vous des alternatives ?
I.G. : Non, je ne crois pas.
e ne crois pas. Ce sont deux personnages qui ne sont pas du tout antipathiques, au contraire, qui sont plutôt sympathiques, mais qui font preuve disons d'un vide  et d'une absence d'idées qui frappe pratiquement toute l'opinion, à droite comme à gauche.
S.H. : Alors cette absence d'idées, certains la reprochent aussi à Ariel Sharon, en disant que finalement il conduit à vue et qu'on ne sait pas très bien où il va...
I.G. : Non, je crois que c'est différent. Je crois qu'on ne reproche pas à Ariel Sharon de ne pas avoir d'idées, on lui reproche au contaire d'avoir des idées trop ancrées.Le problème avec Sharon c'est que c'est un homme de doctrine, c'est un homme qui a son idée, son idée c'est qu'il faut éliminer Arafat, c'est que les Accords d'Oslo étaient criminels, c'est qu'il faut garder le maximum d'implantations. Au contraire, c'est un personnage qui est extêmement ancré dans ses convictions, et je pense que ce n'est pas bien parce que  finalement aujourd'hui ce dont Israël a besoin c'est de pragmatisme, c'est d'un leader qui dise bon ben voyons maintenant il y a la situation, il y a les Palestiniens, il y a ceci cela, et éventuellement changeons nos idées préconçues. Or je crois que Ariel Sharon, son problème c'est qu'il n'est pas capable de changer ce qu'a été sa ligne politique finalement depuis maintenant de très nombreuses années.
S.H. : Cependant il y a des initiatives de tous les côtés. Il y a une initiative européenne, hier des députés français, le président de la Commission des Affaires Etrangères de l'Assemblée Nationale, François Loncle, rencontrent Arafat...Qu'est-ce que vous pensez de cette initiative européenne qui quelque part obligerait un peu Israël à prendre des  positions qu'Israël ne souhaite pas prendre ?
I.G. : Ecoutez je ne pense rien de bon de l'initiative européenne parce que finalement, d'abord, elle est motivée non pas par le bien de la région mais par le souci de "placer" l'Union européenne au Moyen Orient. Les motivations des Européens c'est surtout de donner consistance à leur politique étrangère et un peu  de damer le pion aux Américains. Il n'y a absolument rien dans cette initiative. Elle est absurde : faire des élections aujourd'hui dans  des territoires qui sont à feu et à sang, parcourus de kamikazes, de bandes armées, avec aussi les tanks israéliens ici ou là, qu'est -ce que cela veut dire ? Je veux dire il n'y a aucune élection libre et démocratique qui n'est possible actuellement, même avec des observateurs étrangers, dans les Territoires. Déjà ça c'est absurde. Ensuite deuxièmement tout le monde sait que la majorité des Palestiniens soutiennent Arafat actuellement, donc ce n'est pas quelque chose qu'il faut prouver ! Le problème n'est pas là. Le problème est ailleurs . Le problème est : comment mettre fin à ce cycle de violences  et comment faire reprendre la négociation, comment faire reprendre un débat politique entre Israéliens et Palestiniens. Je ne vois personnellement pas [...] Cette initiative n'est pas pertinente aux problèmes en vigueur. Elle est peut-être pertinente aux discussions et aux tractations entre leaders européens mais elle n'a rien à voir avec la situation sur place !
S.H. : Alors est-ce que vous avez été surpris par la position de Georges Bush à la suite des demandes du Premier Ministre israélien de mettre totalement à l'écart Yasser Arafat et son apparent refus ?
I.G. : Non ! Ce qui caractérise la politique américaine, c'est que les Américains s'occupent de ce qui les intéressent. Alors ça les intéresse beaucoup le terrorisme international, Ben Laden, l'Afghanistan, et là ils mettent tout le paquet. Je crois, très sincèrement, que le conflit israélo-palestinien ne les intéresse pas beaucoup et qu'ils ont une attitude de plus en plus isolationiste à l'égard de ce problème. C'est à dire au fond ce que l'on pense dans les couloirs de la Maison Blanche et du Département d'Etat c'est que Arafat est un empêcheur de tourner en rond, que Sharon est un type vraiment très difficile et qu'il vaut mieux ne pas se mêler de cela  et donc laiser les Palestiniens  et les Israéliens face à face. Je crois surtout déceler dans la position américaine une attitude  de retrait, d'isolationisme, on le voit bien dans le fait qu'ils n'ont pas renvoyé la mission Zini. Et à mon sens c'est très embêtant, c'est grave parce que le seul facteur extérieur qui pourrait dire aux Israéliens et aux Palestiniens : bon et bien maintenant assez joué, voilà ce que vous devez faire et si vous bougez à droite ou à gauche vous recevrez un coup, ce sont les Américains, c'est le seul facteur extérieur qui peut le faire et je crois qu'on ne peut pas laisser les Israéliens et les Palestiniens face à face dans ce bras de fer actuel, il n'en sortira rien de bon.
S.H. : Mais cela veut dire aussi que les Américains attendent qu'il y ait d'autres hommes sur le terrain. Alors si encore en Israël...
I.G. : Oui mais ça on peut attendre 100 ou 200 ans..
S.H. : Non, ça c'est au-delà de la durée de vie d'un homme !  C'est au-delà de la durée de vie d'un Yasser Arafat notamment...
I.G. : Il ne faut pas se faire d'illusions. Du côté palestinien toute cette bande de Abou ceci ou Abou cela, Abou Mazen, Abou Ala, etc., sont des gens qui sont à la solde d'Arafat, ce sont des gens qui doivent toute leur carrière à Arafat, ce sont des gens dont il est vain d'attendre qu'ils  aient une position disons putschiste vis à vis d'Arafat. C'est une vieille idée israélienne, déjà il y a très logtemps on essayait de créer des "conseils de village" dans les Territoires avec des gens à la solde d'Israël, c'est absurde. A l'heure actuelle ce sont des gens qui obéissent à Yasser Arafat et quand ils rencontrent Ariel Sharon, eh bien finalement ils le rencontrent comme des envoyés de Yasser Arafat. Donc attendre un salut de ces gens-là, je crois que c'est vraiment, vraiment assez stupide. Du côté israélien malheureusement le panorama est encore plus désolant : qualité des hommes politiques médiocre tant au likoud qu'au parti travailliste, gens sans perspectives, sans idées, c'est triste que le peuple juif, le peuple israélien n'ait que cela  à proposer à notre vue.
S.H. : Oui, mais face à des gens qui malgré tout ne semblent pas vouloir accepter l'existence de l'Etat d'Israël à leurs côtés cela ne peut provoquer que des réactions de survie et de...
I.G. : Tout à fait d'accord, et comme habitant de Jérusalem je ne vous contredirais pas là-dessus : Israël doit lutter pour sa survie. Mais la peur pour notre survie ne doit pas nous empêcher de réfléchir, ne doit pas nous empêcher d'avoir des idées. Je vous donne un exemple : à l'heure actuelle la seule réaction d'Israël aux attentats qui vont en se multipliant est une réaction militaire cest à dire on nous tue quelques personnes ici, allez, encore un avant-poste de la police ou de la gendarmerie palestinienne qui est détruit par les avions F16. Bon après cela, encore des attentats, alors on détruit une autre caserne. Je veux dire c'est un manque d'idées terrifiant et je crois que ce n'est pas notre lutte pour  la survie qui doit nous empêcher d'avoir des idées. Si on veut comparer à d'autres périodes pour la survie du peuple juif dans son histoire, qu'on compare avec le ghetto de Varsovie, qu'on compare avec d'autres choses, il y avait des gens qui avaient des idées, des projets, qui avaient du courage et qui faisaient les choses. Et actuellement en Israël malheureusement l'impression est d'une sorte d'absence totale d'idées, d'imagination, et c'est ça qui est grave.
S.H. : oui mais la première réaction - et ce sera ma dernière question - la première réaction normale d'un gouvernement est quand même de défendre sa population ?
I.G. : Tout à fait ! Mais défendre, en disant le mot défendre vous n'avez pas encore défini l'intelligence de la riposte. Défendre ce n'est pas forcément et uniquement mettre en route ses tanks et ses avions. Il y a d'autres façons de défendre. Aujourd'hui je pense..
S.H. : Un exemple, un seul exemple pour terminer...
I.G. : Par exemple il faut discuter aujourd'hui de la  possibilité d'une séparation des deux populations, il faut discuter sérieusement de la possibilité de créer une frontière réelle entre Israël et les Palestiniens, une frontière infranchissable, mais pour cela il faudrait résoudre la question des implantations ! Or on veut faire une séparation des deux populations sans régler la question des implantations et donc on en revient finalement à la case départ dans cette affaire. Je pense que le 1er stade serait de définir ce que nous voulons faire des implantations et si l'on veut laisser 5000 Juifs perdus dans cette mer d'Arabes de la Bande de Gaza...
                               
4. Sérieuses questions au sujet d'Israël Shamir par Ali Abunimah & Hussein Ibish
sur le site de nilemedia.com du dimanche 17 avril 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Chers amis, au cours des derniers mois, beaucoup de personnes ont pu lire les articles d'Israël Shamir, qui se présente comme un journaliste israélien d'origine russe. Nombreux sont les lecteurs à avoir été impressionnés par ces écrits, et Shamir a été accueilli à bras ouverts aux Etats-Unis, où il a présenté une série de conférences. Mais c'est dès avant ces conférences que certains de ses propos nous avaient inquiétés car (ils nous paraissaient) outrepasser la critique d'Israël et du sionisme et empiéter sur le territoire d'un antisémitisme implicite. Nous en avons discuté avec beaucoup d'amis, en privé, mais nous nous voyons dans l'obligation aujourd'hui de formuler publiquement certaines de nos objections. Les passages, dans le discours shamirien, de nature à susciter de sérieuses craintes, abondent. Nous nous contenterons d'en citer trois :
1 - Hier, nous avons reçu un article de Shamir intitulé "Message de Pâques", dans lequel il répète la stigmatisation la plus odieuse proférée contre les Juifs, celle d'être (d'après les antisémites) les "assassins du Christ", vieille accusation calomniatrice rebattue des antisémites européens. Dans ce message, provenant de l'adresse e-mail personnelle d'Israël Shamir, il écrit :
"Jésus (vous) a enseigné d'aimer votre voisin comme vous-mêmes, même si votre voisin est un Samaritain, c'est-à-dire un ennemi héréditaire des Juifs. C'est pourquoi (Jésus) était honni des Juifs suprématistes, de son vivant. Il disait : "Vous ne pouvez pas à la fois adorer Dieu et Mammon, le dieu de la cupidité, vous devez choisir. C'est pourquoi il était haï par les économistes dévoués à l'empire et par les banquiers de son temps. Ils le condamnèrent à mort et l'Empire s'inclina et exécuta la sentence, de façon à ne pas se mettre à dos ces forces toutes-puissantes. Nos ancêtres n'osèrent pas s'élever contre leurs dirigeants. L'esprit de domination remporta une victoire, mais l'esprit de fraternité ne disparut pas pour autant.""
Shamir poursuit : "Les forces de la suprématie juive et les adorateurs de la cupidité réunirent leurs forces afin d'obtenir la crucifixion du Christ. Les Etats-Unis, cette nouvelle Rome, (leur) apportent à nouveau leur aide et acceptent de devenir le bourreau. Aujourd'hui, c'est à nous qu'il incombe de choisir (notre camp)."
Pour Shamir, les Palestiniens sont le Christ d'aujourd'hui, et l'histoire a donné aux Juifs "une seconde chance", c'est-à-dire cele de racheter leur mise à mort ("historique") de Jésus en ne crucifiant pas les Palestiniens. "Si nous continuons à la boucler", écrit Shamir, "nous méritons d'être appelés "assassins du Christ". Si nous arrêtons (la main du bourreau), nous changerons le cours de l'histoire. Les péchés rouge-sang du passé seront blanchis comme neige" (sic).
Nous ne pouvons admettre que les Juifs soient qualifiés d'"assassins du Christ", et pensons que ce genre de rhétorique ne saurait servir en quoi que ce soit le mouvement palestinien de libération et de défense des droits de l'homme. Tout ce que ce type de discours parvient à faire, d'où qu'il provienne, c'est dépeindre le mouvement palestinien comme un mouvement qui internalise, requiert ou adopte un discours stigmatisant, ou risquant de stigmatiser, les Juifs de l'accusation d'avoir "tué le Christ". Y a-t-il propos plus contre productif - dans l'effort nécessaire en vue de l'édification d'une communauté de (personnes) de conscience, dotées d'une forte position morale, édification qui est et doit être l'objectif de ceux d'entre nous qui, aux Etats-Unis, défendent les droits des Palestiniens - que l'intrusion de ce type de rhétorique dans nos débats ? Comment pourrions-nous davantage nous discréditer nous-mêmes sinon en admettant que ce genre d'idées prolifèrent soi-disant au profit d'un mouvement qui n'a absolument aucun besoin de s'abaisser à vilipender autrui pour se justifier lui-même ?
2 - Shamir a fait une conférence, récemment, à la Tufts University. On a rapporté de lui ces propos : "Les Palestiniens sont des mammifères parfaits. Leur vie est profondément enracinée dans (leur) territoire... Israël représente une forme virale de l'humanité : ils peuvent vivre absolument n'importe où." (article sous le titre :""Israël est responsable de la violence au Moyen-Orient", dit un journaliste"", in The Tufts Daily, 10.04.2001). La citation (des propos de Shamir par le journal de cette université), est exacte. Nous l'avons vérifié.
Ce sont là, à tout le moins, des propos encore moins admissibles que l'évocation des "assassins du Christ" tirée de l'antisémitisme chrétien européen traditionnel. La thèse du "Juif-en-tant-que-parasite" rappelle l'antisémitisme beaucoup plus virulent, politique et raciste - et non plus "simplement", si on ose l'écrire, folklorique et "religieux" - celui qui a émergé au cours du dix-neuvième siècle en Europe et qui a culminé dans le génocide perpétré contre les Juifs par les nazis durant la seconde guerre mondiale. La description des Juifs comme des "parasites" ou, dans le cas d'espèce, des "virus", les stigmatis(e/ait) comme étant irrémédiablement étrangers à toutes les sociétés dans lesquelles ils viv(ent/aient), et vis(e/ait) à mettre en opposition des "Juifs cosmopolites" avec les supposés "authentiques" peuples-nations, qui eux, sont (étaient) supposés avoir des liens profond au territoire de la nation et être les créateurs authentiques de valeur économique et sociale. Les Juifs, "acclimatés", sont supposés immanquablement "cosmopolites" - voire "de nature virale", aux dires de Shamir - et non-enracinés dans le territoire, à la présumée différence des non-Juifs. Ils sont présentés comme des parasites et/ou des maladies qui se nourrissent au détriment de la productivité et de la créativité des populations authentiques, sans jamais y contribuer eux-mêmes de quelque façon que ce soit.
Il est extrêmement préoccupant de voir (ainsi) présenter le peuple palestinien comme le "peuple honnête et authentique" dans ce qui est, en réalité, une rhétorique raciste tournant autour de la question fallacieuse de savoir pourquoi les Juifs représenteraient (selon elle) un groupe humain fondamentalement différent et dangereux (pour les autres). Les Palestiniens ne sont pas des "mammifères parfaits" (comme le dit Shamir), ce sont des être humains comme tous les autres. Ils ne sont ni meilleurs, ni pires. Les Juifs israéliens ne constituent pas "une variante virale d'êtres humains", ils sont une forme humaine d'êtres humains, dont le gouvernement et l'Etat sont engagés dans une oppression brutale et la dépossession d'un autre groupe d'êtres humains. Nous nous battons pour les droits de l'homme et la dignité humaine, contre le racisme, le colonialisme et l'oppression. Il devrait être clair pour tout le monde que les propos de Shamir dépassent toutes les limites de la décence, et ne sauraient être plus indiqués pour porter atteinte, dénigrer et discréditer le mouvement des Palestiniens pour les droits de l'homme.
3 - Le 30 mars, le Jérusalem Post a publié une tribune comportant notamment le passage suivant : "Il y a quinze jours, un journaliste israélien de langue russe, Israël Shamir, a déclaré devant une nombreuse assistance de Juifs : "Les Juifs n'ont pour toute raison d'exister que de faire couler le sang des enfants palestiniens sur leurs matzots (pains azymes, ndt)" ("L'étudiant juif, un vairon au milieu des requins", 30 mars 2001).
S'il s'agit bien là d'une citation exacte, il s'agit d'un nouvel exemple de la répétition des pires diffamations antisémites. Shamir a nié en privé avoir tenu de tels propos, mais il ne semble pas avoir pris une quelconque mesure afin de les démentir publiquement ni être le moins du monde affecté par le fait qu'on les lui attribue. Bien entendu, nous pouvons croire aisément que le Jérusalem Post n'est pas au-dessus de la falsification des propos de tout un chacun. Toutefois, si cette citation est diffamatoire, on est fondé à demander à Shamir pourquoi il a permis qu'une telle falsification de ses propos ne soit pas démentie. S'il oeuvre réellement dans le sens de la libération des Palestiniens, il a le devoir de ne pas laisser perdurer ce détournement de ces propos, et d'exiger que la citation fallacieuse soit corrigée. Ajoutons qu'avec ces propos sur les "déicides" et les "Juifs-virus", le Jérusalem Post semble déroger à la tenue à laquelle il a habitué ses lecteurs.
De nombreuses personnes ont accueilli les contributions d'Israël Shamir de bonne foi, mais nous pensons qu'elles n'ont sans doute pas porté une attention suffisante à ce qu'il avance. Sans doute cela est-il dû au fait que nous sommes nombreux à accueillir une critique d'Israël venant de la part d'un "insider", (d'un citoyen israélien, ndt), et aussi au fait que notre aspiration très grande à voir valider nos positions par les Israéliens juifs nous amène parfois à oublier le scepticisme dont nous ne devrions jamais nous départir et à fermer les yeux sur des excès que nous ne tolérerions pas en d'autres circonstances. Peut-être d'aucuns sont-ils prêts à laisser passer des propos de nature à susciter des sentiments antisémites du simple fait que la personne qui les profère se présente comme juive. Mais l'identité du locuteur ne saurait rendre de tels affirmations moins odieuses et malignes. Nous n'avons nul besoin de ce qu'Israël Shamir tente d'introduire dans le discours en faveur des droits des Palestiniens, si (car ?) ses propos comportent de plus en plus d'éléments repris au discours européen antisémite traditionnel. Ces sentiments ne pourront que porter atteinte à la cause (palestinienne), et certainement pas la servir. Nous appelons, en conséquence, tous les amis du mouvement en faveur des droits des Palestiniens à examiner avec le plus grand sérieux les effets (négatifs, ndt) que ce discours ne pourra qu'avoir, sur le long terme, sur notre cause, et à agir en conséquence.
                                                   
5. L'affaire Shamir (en français dans le texte, ndt) par Ahmed Amr
sur le site de nilemedia.com du dimanche 17 avril 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
(Ahmed Amr est rédacteur en chef du site de nilemedia.com.)
Dans un article tout à la fois provoquant et bien argumenté, Ali AbuNimah et Hussein Ibish ont défié Israël Shamir pour avoir usé de références associées à l'antisémitisme classique (voir l'article : Sérieuses questions au sujet d'Israël Shamir). A NileMedia, nous avons publié des articles de ces trois auteurs ; Ali, Israël et Hussein. C'est pourquoi nous nous sentons en demeure de descendre à notre tour dans l'arène. Les raisons pour lesquelles nous servons de tribune naturelle à AbuNimah et à Ibish ne sont un secret pour personne. Ils ont acquis la réputation amplement méritée d'être des défenseurs de la cause palestinienne. Ils sont aussi deux dirigeants de la communauté (arabe américaine) qui n'épargnent pas leurs efforts afin que notre gouvernement entende la voix des arabo-américains.
Israël Shamir, quant à lui, est un Israélien d'origine russe, dont le point de vue est unique. Nous publions ses articles parce que nous les trouvons puissants, directs, irrévérencieux, espiègles, provoquants et pleins de substance. Je prends toujours plaisir à relire le "Viol de Dulcinée" et à retrouver la façon dont cet article dégonfle la baudruche d'un hypocrite de l'envergure d'Elie Wiesel. Shamir a écrit éloquemment sur les états de service des criminels de guerre que sont Sharon et Begin. Il ne laisse au lecteur aucun doute sur la position qui est la sienne : il est ulcéré par le silence et la complicité des Juifs, en Israël et en Amérique ; silence et complicité qui le mettent hors de lui. Shamir veut que d'autres Juifs s'insurgent. Ayant endossé cette tâche ingrate, il n'est pas particulièrement regardant en ce qui concerne les moyens de provoquer sa communauté dans l'espoir de l'amener à sortir de son indifférence collective et à daigner s'intéresser au calvaire des Palestiniens. Cet homme n'est pas un pisse-vinaigre. Non, c'est un incendiaire russo-israélien, qui n'a jamais eu la prétention d'être "politiquement correct".
Personnellement, je ne suis jamais allé en Israël, mais j'ai rencontré beaucoup d'Israéliens. Même les Juifs américains reconnaissent volontiers qu'ils ne sont pas les gens les plus policés qui soient sur Terre. Un des péchés mignons du Sabra, c'est de jouer des coudes pour se retrouver au premier rang. Il y a un peu de cela dans le caractère national israélien. Le peuple israélien a élu, récemment, un criminel de guerre raciste au poste de Premier ministre et, d'après les sondages d'opinion les plus récents, les trois quarts des Israéliens approuvent les initiatives prises par Sharon afin d'intensifier la violence de la répression menée à l'encontre des Palestiniens par son armée d'occupation. L'Israélien moyen est raciste ; il est le produit d'une culture qui méprise profondément le peuple indigène de la Palestine. Le Juif américain moyen est sectaire, et pas seulement vis-à-vis des Arabes. Mettant de côté leurs mascarades libérales, les dirigeants de cette communauté influente applaudissent chaque acte de violence infligé aux Palestiniens par l'Etat d'Israël.
Ne perdez pas de vue que le New York Times, lieu de ralliement des intellectuels juifs américains, fait effrontément l'apologie de chaque assaut israélien contre les droits des Palestiniens. Dans un environnement politique aussi vicieusement raciste, la voix d'Israël Shamir est tout ce qu'il y a de plus normal et de sincère. Une part du style de son travail tient à ce seul fait : il ose briser le code du silence qui entour le racisme inhérent au discours israélien ordinaire. On ne voit pas pour quelle raison les arabo-américains devraient s'abstenir timidement d'interpeller les Juifs américains et leurs puissantes organisations politiques et de mettre en cause leurs campagnes ouvertes de soutien à l'agression israélienne. Un ingrédient de base de ces campagnes est la démonisation des Palestiniens et des Arabes, y compris les Américains d'origine et de culture arabes. Nous ne saurions rester assis là, à (les) regarder, et à faire comme si les intellectuels juifs américains, mettant leur plume au service de La Causa Zionista (allusion la maffia, ndt) avaient le moindre égard pour le fait que leur propagande raciste affecte chacun (et l'ensemble) de leurs concitoyens américains d'origine arabe. Ignorer une réalité aussi patente correspondrait, pour les afro-américains, à lutter contre le racisme sans pointer l'index vers les euro-américains... Une seule chose à faire, vis-à-vis des dirigeants juifs américains : publier un "J'accuse" chaque jour de la semaine. Les apologistes racistes qu'ils sont ont pleine conscience des conséquences du soutient et du réconfort qu'ils apportent à un dirigent aussi violent et mentalement dérangé qu'Ariel Sharon. Les "journalistes" du New York Times ont-ils quelque scrupule moral à se comporter en fonctionnaires zélés du Ministère de la Propagande du gouvernement Israélien ?
Les réserves d'Ali AbuNimah et Hussein Ibish à l'égard d'Israël Shamir découlent d'une profonde tradition de décence qui est typique des intellectuels arabo-américains des grands centres urbains. Ils sont certainement fondés à mettre en doute la sagesse de certains propos outranciers de Shamir. Il y a tellement d'autres façons de placer des punaises sous le derrière complaisant et complice de la puissante communauté judéo-américaine sans qu'il soit besoin de recourir à l'accusation hautement explosive et non fondée du "déicide". J'aurai la charité de ne pas relever que Pâques n'était pas le moment le mieux choisi...
J'applaudis tant Ali qu'Hussein, pour leurs sensibilité, leur honnêteté intellectuelle, leur réflexion et leur critique bien pensée d'Israël Shamir. Nous avons la chance, en tant que communauté, de compter des dirigeants d'une telle sagesse dans nos rangs. Le Grand Rabbin d'Israël, par ailleurs dirigeant du parti Shaas qui  participe à la coalition gouvernementale en Israël, ayant appelé la semaine dernière à la liquidation du peuple arabe, il est manifestement noble, de la part des dirigeants de notre communauté arabo-américaine, de rendre publiques leurs sérieuses réserves au sujet du choix de ses termes par Israël Shamir... Shamir est le Abie Hoffman de la gauche israélienne. Il veut être hors-sentiers battus. Il rive leur clou aux chefs de guerre israéliens et à leurs propagandistes américains dès que l'occasion s'en présente. Les militants contre la guerre au Vietnam, à l'époque, agissaient-ils autrement ?
Quiconque penserait sérieusement que d'une quelconque manière Israël Shamir est antisémite se fourvoierait complètement. Ses écrits traduisent une fierté profondément ancrée dans les traditions et les valeurs de son peuple, celui des Juifs d'Europe orientale. Le fait que des Juifs puissent reprendre à leur compte le rôle historique, très largement partagé, hélas, consistant à déposséder et à réprimer un autre peuple, le met dans une sainte colère. Sa famille, comme tant d'autres Juifs européens, a subi des pertes inouïes dans l'Holocauste. La différence entre lui et d'autres Israéliens, c'est qu'il choisit d'épargner aux Palestiniens sa rancune - ô combien - justifiée contre les nazis.
Personnellement, je dois à l'honnêteté intellectuelle d'attirer l'attention de nos lecteurs sur le fait que j'ai choisi de publier certains des articles d'Israël Shamir. Je trouve personnellement ses écrits émouvants et indispensables et le fait que d'aucuns puissent les juger provoquants ne m'étonne pas. Il brosse un tableau très clair de ce que les Israéliens sont en train de faire subir aux Palestiniens - tableau trop souvent, trop délibérément et trop diligemment dissimulé par d'autres Israéliens. Comme Ali AbuNimah et Hussein Ibish, j'ai exprimé des réserves sur la style très brutal auquel fait appel Israël Shamir pour adresser son message à sa (propre) communauté (, message dont il nous rend témoins). Mais Israël Shamir m'assure que, dans la conversation entre Israéliens (dans l'"entre-nous", écrit en français Ahmed Amr, ndt), la jactance et la réponse du tac au tac sont choses courantes. L'année dernière, ce même rabbin israélien qui a appelé récemment à l'extermination des Arabes avait exprimé l'opinion révoltante que les victimes de l'Holocauste méritaient ce qui leur était arrivé parce "qu'ils étaient des pécheurs réincarnés" (n'ayant pu trouver de place au Paradis, ndt). Cela ne l'empêche nullement, autant que je sache, d'être encore le grand manitou du parti Shas, le troisième d'Israël en importance...
Israël Shamir avance un autre argument ; il l'a fait encore dernièrement dans un article intitulé "La troisième colombe". Cet argument est sans appel. Si vous l'accusez d'être antisémite, il hausse les épaules, comme pour vous demander : "de quel antisémitisme parlez-vous ?"
Bon. Maintenant, j'y vais de mon son de cloche, et j'interviens dans le débat. Dans le monde d'aujourd'hui, est-ce un problème d'être Juif, quelque part, à quelque moment de la journée ? Rappelons-nous tout de même que quatre-vingt pour cent des Juifs vivent en Amérique et en Israël. Répondez-moi : en Amérique, être Juif, c'est un atout, ou un handicap ? Si un pays a jamais honoré une minorité religieuse et ethnique jusqu'à l'hypersensibilité, c'est bien l'Amérique. Si vous voulez faire la une des magazines, être juif ne gâche rien. Si vous voulez être publié en livre de poche, être éditeur ou comédien, être juif semble bien représenter un avantage non négligeable. De bien des manières, (dans ces secteurs), vous devez avoir de l'entregent, non seulement par rapport aux autres Américains, mais même par rapport aux euro-américains. Si vous êtes un avocat ou un médecin juif, les gens n'ont aucune prévention à s'adresser à vous. A Wall Street, si vous êtes Juif, vous n'êtes pas quelqu'un d'étrange ; personne ne vous regarde de travers. Enfin, au sein de l'élite gouvernementale, des Juifs occupent des postes éminents.
Sommes-nous confrontés à des problèmes d'intolérance et de racisme, en Amérique ? Oui, hélas : chaque jour que le Bon Dieu fait. Ainsi, rendons-nous à l'évidence : la propension au racisme et à l'intolérance n'a pas sombré au large de nos côtes, comme par enchantement. Elle est toujours là, sous ses formes les plus repoussantes et les plus crues. Seule exception : être Juif n'est absolument plus un problème ; les Juifs sont totalement intégrés à la famille euro-américaine dominante. Plus : cette famille désire se faire pardonner sa maltraitance d'autre fois, c'est pourquoi elle les traite en enfants gâtés.
Par contre, si vous êtes afro-américain, indigène américain, hispano-américain, américain d'origine asiatique, réfugié de Bosnie ou de Croatie, ou encore d'origine moyen-orientale, alors là : vous aurez de quoi raconter. Vous pourrez raconter la saga du vingt et unième siècle, témoigner de ce que cela signifie d'être une victime de l'intolérance et de l'exclusion.
S'il est tellement difficile d'être juif en Amérique, si l'antisémitisme y est un problème aussi brûlant, comment avons-nous fait, nous Américains, pour avoir onze sénateurs juifs et aucun sénateur afro- ou hispano-américain ? Il n'est pas plus difficile, ici, d'être juif que d'être italien. Pour l'immense majorité des Américains, le fait pour vous d'être juif signifie, tout au plus, que vous préférez sans doute les bagels aux pizzas.
Voilà qui nous amène aux vrais problèmes, tel celui d'être arabo-américain. Les gars des médias, secteur dans lequel les Juifs sont sur-représentés, ne manquent jamais une occasion de diffamer notre patrimoine culturel. Même si, en tant que chrétiens et musulmans, nous appartenons à la même tradition abrahamique (que les Juifs), nous sommes portraiturés comme les plus étrangers des extraterrestres. Vous tenez absolument à faire en personne l'expérience de la chasse au faciès de la police fédérale ? L'année dernière, j'ai eu une très désagréable rencontre personnelle avec un fonctionnaire de la police des frontières. Qu'il me suffise de dire que cela a complètement gâché une visite à Vancouver, en Colombie Britannique (Canada), qui aurait été absolument merveilleuse sans cela.
S'il y a antisémitisme, aujourd'hui, c'est de l'"antisémitisme soft". Par "soft", je veux dire qu'il s'agit de cette forme d'antisémitisme qui consiste à dire "ne critiquez pas les Juifs ou les Israéliens ; vous savez bien ce qu'ils ont enduré (- les pauvres - ) à cause de l'Holocauste". Les Juifs américains sont de force à supporter un peu de critiques, en particulier lorsque ils se rallient à un criminel de guerre patenté comme celui qu'Israël élit Premier ministre. Il s'agit là d'une attitude impardonnable, et il faudrait qu'on leur en demande des comptes.
En particulier, lorsqu'ils se montrent particulièrement enclins à critiquer des Européens comme Waldheim ou Haider. Si, en tant qu'Américains, nous pouvons ouvertement discourir au sujet du "pape d'Hitler", nous devrions certainement pouvoir discuter sans nous cacher des raisons qui font qu'un groupe ethnique influent fait preuve d'un attachement anormal vis-à-vis d'un Etat étranger gouverné par une coalition raciste avec, à sa tête, un criminel de guerre de l'étoffe d'un Ariel Sharon.
Sur la question de l'Insurrection palestinienne (Intifada), les arabo-américains ont été réduits au silence par notre propre gouvernement. Voilà où nous en sommes, nous, la communauté américaine la plus susceptible de ressentir l'angoisse des Palestiniens : notre gouvernement ne s'intéresse absolument pas à ce que nous pouvons bien raconter. Notre engagement est immanquablement marginalisé, parce que nos édiles n'ont d'oreilles pour entendre que lorsqu'il c'est le même et unique (pour eux) groupe ethnique qui s'adresse à eux, j'ai nommé le lobby juif américain.
Nous avons des tabous politique bizarres, en Amérique. On ne saurait hausser le ton pour défendre la cause des Palestiniens qui luttent pour leur (la) liberté. Si vous dénoncez Israël en tant que puissance militaire occupante violant la légalité internationale, vous prêchez dans le désert : tout le monde s'en moque bien. La lutte des Timorais de l'Est pour l'indépendance a abouti parce que les Indonésiens ont cédé à la pression américaine. Les groupes juifs américains font un lobbying intensif afin d'obtenir des subventions du gouvernement américain, subventions qui permettent en fin de compte à Israël d'écraser l'insurrection des Palestiniens.
Il va bien falloir qu'un jour ou l'autre ces problèmes intercommunautaires entre Juifs et Arabes américains soient mis sur la table. Il n'y a aujourd'hui, pratiquement pas un seul arabo-américain qui n'ait pas de ressentiment à l'égard de l'establishment juif américain. Nombreux parmi nous avions nourri l'espoir de trouver un compagnon de route dans le milieu libéral juif aux Etats-Unis. Mais j'en suis arrivé à croire profondément que les Juifs libéraux américains sont une aberration statistique, une notion que nous avons héritée des années trente et des années soixante (et qui a perdu toute réalité). Aujourd'hui, tous (les Juifs) soutiennent Sharon. Si Israël Shamir veut malgré tout leur river leur clou, c'est un problème qu'ils doivent régler "entre eux".
D'un autre côté, Shamir devrait prendre avec le plus grand sérieux ce que Ali et Hussein ont à lui dire. Certes, il faut absolument lui laisser une tribune d'où il puisse défendre ses idées. Mais si, par ailleurs, il acceptait de river leur clou avec un peu plus de douceur à un peu moins de gens, cela aiderait notablement...
                                       
6. Quelque chose est en train de bouger par Uri Avnery
[traduit de l'anglais par R. Massuard et S. de Wangen]
16 février 2002 - Une fois j'ai vu dans un western un Peau-Rouge (ou devrais-je dire un Américain autochtone ?) posant son oreille sur le sol pour entendre un train à des dizaines de kilomètres de là.
Au cours des années, j'ai essayé d'imiter cet Indien. J'essaie de percevoir - pas de prophétiser, pas de deviner, juste de percevoir - les changements dans l'opinion publique bien avant qu'ils se manifestent au grand jour.
Maintenant, je perçois l'approche d'une grande vague d'opposition à la guerre sanglante contre les Palestiniens (surnommée " Paix des colonies " d'après le nom donné à l'invasion du Liban en 1982, " Paix de Galilée "). La révolte des soldats qui refusent de servir dans les territoires palestiniens occupés est un important symptôme parmi de nombreux autres.
Nous avons vu dans le passé de tels sursauts populaires, qui commencent par des bruits sourds allant en s'amplifiant rapidement jusqu'à devenir un véritable tumulte. Un tel phénomène s'est produit pendant l'affaire Lavon dans les années 50 et a conduit à la démission de Ben Gourion. Un phénomène semblable a porté Moshe Dayan au ministère de la Défense à la veille de la Guerre des Six-Jours en 1967 (conduite par ce que l'on a appelé " Les joyeuses commères de Windsor "), et celui qui l'a balayé, lui et Golda Meir, après la guerre du Kippour. Une autre vague a chassé les FID de Beyrouth et plus tard du Sud Liban (conduite par le mouvement des " Quatre Mères ").
Le mécanisme peut être comparé à une transmission par engrenage. Une petite roue avec un mouvement fort et indépendant entraîne une roue plus grande, qui à son tour met en mouvement une roue encore plus grande, et ainsi de suite, jusqu'à ce que tout le système change de trajectoire. C'est ce qui se passe en Israël, c'est ce qui se passe dans toutes les démocraties (voir : Vietnam).
Cela commence toujours avec un petit groupe de personnes engagées. Elles font entendre leur faible voix. Les médias les ignorent, les hommes politiques se moquent d'elles (" un groupe minuscule, marginal et vociférant "), les partis respectables et les vieilles organisations établies font la grimace et prennent leurs distances par rapport à leurs " slogans radicaux ".
Mais, lentement, ces personnes commencent à avoir un impact. Les gens quittent les organisations respectables (c'est-à-dire liées à l'establishment) et rejoignent les autres groupes qui luttent. Ceci oblige les dirigeants des organisations à radicaliser leurs slogans et à se joindre au mouvement. Le message se répand dans les partis. Les hommes politiques qui veulent être réélus adoptent les nouveaux slogans. Les journalistes " importants ", qui servent de baromètres, sentent le changement et s'adaptent à temps au vent nouveau.
La célèbre anthropologue Margaret Mead a dit à ce propos : " Il ne fait aucun doute qu'un petit groupe de citoyens réfléchis et engagés peut changer le monde. C'est même la seule façon de le changer. " Et le philosophe allemand Arthur Schopenhauer a dit : " Toute vérité passe par trois étapes. D'abord, elle est ridiculisée. Deuxièmement, elle est violemment contestée. Troisièmement, elle est acceptée comme une évidence en soi. "
C'est ce qui se produit de nouveau aujourd'hui. Il est difficile de déterminer le moment exact où cela a commencé. Peut-être après la démolition de quelque 50 maisons dans la camp de réfugiés de Rafah. Ou au rassemblement de masse appelé par Gush Shalom à Tel-Aviv, au cours duquel le colonel Yig'al Shochat, qui avait perdu une jambe à la Guerre du Kippour, a appelé ses camarades, les pilotes de l'Armée de l'Air, à refuser d'exécuter des ordres qui sont manifestement illégaux, tels que le bombardement de villes palestiniennes, et le philosophe Adi Ophir a proposé que les officiers des FID qui commettent des crimes de guerre soient jugés. Soudain l'opinion publique a pris conscience du fait qu'il était possible que des crimes de guerre soient commis en son nom. Soudain le blocage psychologique a disparu, un débat public sur les crimes de guerre, et donc sur l'occupation elle-même, a commencé.
L'annonce faite par 50 officiers et soldats de réserve qu'ils refusent de servir dans les territoires occupés a brisé une digue. Le nombre de refuzniks a vite augmenté, le phénomène a secoué l'univers militaro-politique. Pour la première fois, ses dirigeants voient dans leurs cauchemars la possibilité d'un grand soulèvement de soldats qui disent : C'est ici que nous nous arrêtons, nous n'irons pas plus loin. Quand des sondages d'opinion ont montré que presque un tiers de la population juive soutient les refuzniks, la panique a grandi. En même temps, des centaines d'Israéliens ont rendu visite à Yasser Arafat assiégé à Ramallah.
Puis il y a eu la grande manifestation unitaire des mouvements pacifistes militants (" L'occupation nous tue tous ! ") sur la place du Musée à Tel-Aviv. Les organisations qui, depuis 16 mois, avaient l'habitude de manifestations regroupant 100 à 200 personnes, ont vu devant elles 10.000 manifestants enthousiastes, qui avaient cessé de désespérer et demandaient de l'action. Cette manifestation a eu bien sûr un impact sur la " gauche traditionnelle ", qui est maintenant contrainte de faire face au nouvel état d'esprit de son propre camp.
Ceci est le commencement d'un processus. Personne ne peut dire aujourd'hui quelle sera sa puissance et jusqu'où il ira. Mais une chose est certaine : quelque chose est en train de bouger.
                                                   
Revue de presse

                                                 
1. Manifestation de solidarité avec les Palestiniens et Yasser Arafat
Dépêche de l'Agence France Presse du jeudi 14 février 2002, 19h33
TUNIS - Un meeting populaire de solidarité avec le peuple palestinien a eu lieu samedi [9 février] au stade El Menzah de Tunis auquel a participé le chef du département politique de l'OLP (Affaires étrangères), Farouk Kaddoumi, devant quelque dix mille personnes, a constaté un journaliste de l'AFP.
Hamed Karoui, vice-président du Rassemblement constitutionnel democratique (RCD, parti au pouvoir en Tunisie), qui présidait ce meeting, a réaffirmé "le soutien de la Tunisie au peuple palestinien et son appui au symbole de sa lutte, son leader, le président Yasser Arafat".
M. Karoui était entouré des membres du bureau politique du RCD et des représentants des partis de l'opposition tunisienne légale.
A Djerba (sud-est), l'Union générale tunisienne du travail (UGTT, centrale syndicale unique) a pour sa part décidé samedi de lancer une grève générale d'une heure le 26 février en Tunisie en soutien au peuple palestinien.
Cette décision, rare en Tunisie, a été adoptée au dernier jour du congrès extraordinaire de l'UGTT à Djerba dont les débats ont été ponctués par des appels à la solidarité avec les Palestiniens et le président Yasser Arafat, bloqué depuis le 3 décembre à Ramallah par l'armée israélienne.
A Tunis, M. Farouk Kaddoumi, après avoir rappelé que la Tunisie avait été "de longues années durant, une terre d'accueil et d'hospitalité pour la direction de la révolution palestinienne, a affirmé que "le président Yasser Arafat, qui vit dans sa patrie entouré de son peuple, ne capitulera jamais et poursuivra sa résistance pour la défense de la juste cause de son peuple et de ses droits inaliénables".
Parmi les milliers de personnes assistant à ce meeting, beaucoup agitaient des drapeaux tunisiens et palestiniens et des banderolles en faveur de l'Autorité palestinienne, tandis que des enfants des écoles brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait voir la photo du président Yasser Arafat.
L'initiative du meeting à Tunis avait été prise par le Président tunisien Zine El Abidine Ben Ali et les quotidiens tunisiens lui consacraient une large place samedi. Le quotidien La Presse (gouvernemental) rappelle que la Tunisie "s'est toujours rangée du côté du droit international, appelant à une solution juste et durable du conflit palestino-israélien".
"Ce conflit, devenu une véritable plaie béante (...) hypothèque l'avenir des pays limitrophes et les divers projets de codéveloppement durable dans tout le pourtour euro-méditerranéen", poursuit le journal.
Il "suscite un sentiment de frustration et de désespoir à tel point que la violence et l'extrémisme sont devenus le lot quasi quotidien dans cette région du monde", conclut le journal.
                           
2. Arafat est irremplaçable pour les réfugiés palestiniens du Liban
Dépêche de l'Agence France Presse du jeudi 14 février 2002, 19h15
RACHIDIYE - Le président Yasser Arafat, que le Premier ministre israélien Ariel Sharon veut marginaliser, est irremplaçable, soutiennent les réfugiés palestiniens du Liban, toutes tendances politiques confondues.
"Il n'y a pas d'alternative à Arafat et nul ne pourra le remplacer de son vivant. C'est notre président. Il sortira renforcé de la réclusion que lui impose Sharon", affirme Salha Hussein, ménagère du camp de Rachidiyé, à 15 km de la frontière libano-israélienne.
Comme l'écrasante majorité des 376.000 réfugiés du Liban, Salha Hussein, s'indigne de l'assignation à résidence de M. Arafat, bloqué par l'armée israélienne depuis le 3 décembre à Ramallah, en Cisjordanie.
"Arafat est incontournable. Qui d'autre aurait pu imposer aux Palestiniens les accords d'Oslo (1993) avec Israël qui comportent des concessions douloureuses dont la renonciation aux deux tiers de la Palestine", déclare Sultan Aboul Aynaïn, chef au Liban du Fatah de M. Arafat.
Etabli à Rachidiyé, dont l'entrée est ornée d'un portrait géant du président palestinien, Aboul Aynaïn ajoute que "la disparition d'Arafat privera le monde d'un interlocuteur capable de promouvoir la paix au Proche-Orient".
"Arafat n'a jamais menti, il est à la fois un chef de guerre et un homme de paix", poursuit-il, rappelant son discours en 1974 devant l'ONU dans lequel il avait déclaré "brandir un fusil d'une main et de l'autre un rameau d'olivier".
Selon Firas, un cadre du Fatah du camp voisin de Bourj Chamali, "Arafat a été desservi par la mort du Premier ministre Yitzhak Rabin tué par un extrémiste juif et aujourd'hui par Sharon qui torpille le processus de paix".
"Il faut renouer rapidement le dialogue politique entre Israël et Arafat pour qu'il ne soit plus débordé par les islamistes et les radicaux", ajoute Firas qui se dit hostile aux attentats des kamikazes contre des civils israéliens.
Un ouvrier agricole du camp proche de Bass, Mohamad Ibrahim, s'élève, à l'instar des personnes interrogées par l'AFP, contre l'objectif de Sharon de mettre Arafat "hors jeu".
"Comment le chef d'un gouvernement ennemi s'arroge-t-il le droit de vouloir éliminer Arafat qui bénéficie d'une légitimité historique, qui mène depuis 1965 le combat pour édifier un Etat palestinien à côté d'Israël et qui a été élu à une forte majorité", affirme-t-il.
Sawsan, jeune militante du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), dont le chef Ahmad Saadat est emprisonné par le président palestinien sous la pression d'Israël estime que "Arafat reste malgré tout le chef historique" des Palestiniens.
Dans le camp d'Aïn Héloué, le plus grand du Liban, la légitimité d'Arafat ne fait pas l'ombre d'un doute même chez les partisans des mouvements islamistes du Hamas et du Jihad islamique.
Nadia Ismaïl, employée de pharmacie portant le foulard islamique, dit "être totalement avec Arafat", alors que Mohammad, un marchand de meubles, proche du Hamas, lance qu'"il n'y a pas mieux que Arafat pour défendre les droits du peuple palestinien".
"Arafat n'abandonnera pas notre droit au retour. C'est un pragmatique qui tente d'obtenir le maximum, mais morceau par morceau", affirme Issam Haddad, instituteur.
Une des rares fausses notes vient de Mounir Maqdah, cadre du Fatah opposé aux accords d'Oslo, "car ils annulent le principe de la destruction d'Israël".
"Je suis avec lui (Arafat) tant qu'il combat Israël par les armes", dit ce barbu qui avoue avoir tissé des liens avec les radicaux et les islamistes pro-syriens et pro-iraniens.
                                       
3. Un responsable en second du réseau Qa'ida préparerait de nouveaux attentats d'envergure par Philip Shenon & James Risen
in The New York Times (quotidien américain) du mercredi 13 février 2002
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Un Palestinien de trente ans, insaisissable, voyageant dans le monde entier au moyen de faux passeports et de fausses identités multiples semble être le nouveau chef opérationnel du réseau (terroriste) Al-Qa'ida, et suspecté d'en coordonner les restes afin de mener à bien d'autre attaques contre les Etats-Unis, ont déclaré des responsables officiels américains.
Ce Palestinien, Abu Zubaydah, a été en liaison directe avec la préparation des attaques du onze septembre contre les Etats-Unis. Il est lié, également, à des plans d'une vague d'attentats en Europe, qui auraient dû se produire l'année dernière, dirigés notamment contre l'ambassade américaine à Sarajevo, capitale de Bosnie. Cet attentat aurait dû se produire peu après le onze septembre.
Tandis que les attentats planifiés en Europe ont été évités grâce à l'arrestation de plusieurs conspirateurs, les enquêteurs américains se sont déclarés convaincus que M. Zubaydah tenterait actuellement d'activer des cellules dormantes du réseau Al-Qa'ida afin de mener de nouvelles attaques contre les Etats-Unis et leurs alliés.
Des enquêteurs ont indiqué que M. Zubaydah est très dangereux et qu'ils sont particulièrement désireux de l'arrêter parce qu'il est l'un des rares dirigeants d'Al-Qa'ida dont on pense qu'il connaisse les identités des milliers de recrues de l'organisation terroriste qui ont pu passer par les camps d'entraînement de cette dernière, en Afghanistan. Ces terroristes sont aujourd'hui de retour dans leurs pays d'origine, ou se trouvent ailleurs, mais ont quitté l'Afghanistan, attendant toujours des instructions, prêts à passer à l'action.
"Cet homme est aussi dangereux que ceux que nous recherchons, Ben Laden compris", a indiqué un haut responsable du ministère de la justice. "Mais nous savons bien peu de choses sur lui, et c'est très préoccupant."
Le ministère américain de la justice et les responsables des services de surveillance se disent convaincus que M. Zubaydah a reçu le commandement en chef des opérations militaires d'Al-Qa'ida des mains de Muhammad Atef, présumé avoir été tué lors d'un bombardement américain en Afghanistan en novembre dernier. M. Atef, un Egyptien, était le plus haut responsable d'Al-Qa'ida à avoir été tué (dit-on) dans les opérations militaires américaines.
M. Zubaydah est l'un des officiers supérieurs d'Oussama Ben Laden depuis la fin des années quatre-vingt dix, et les services secrets américains pensent qu'il se trouvait en Afghanistan, aux côtés de M. Ben Laden durant les premières semaines qui ont suivi les attentats du onze septembre. On ignore où il peut bien se trouver actuellement, même si les responsables de l'administration Bush indiquent disposer d'informations fragmentaires qui les amènent à penser qu'il se serait réfugié au Pakistan.
Les responsables américains disent que M. Zubaydah a sans doute pu échapper à l'arrestation après le onze septembre beaucoup plus facilement que d'autres responsables du réseau Al-Qa'ida, car il avait soigneusement veillé, depuis des années, à éviter les caméras et à dissimuler certains détails sur son identité. Bien que les services d'espionnage américains aient indiqué disposer de photographies récentes de M. Zubaydah, ces photos n'ont pas été rendues publiques.
Décrit par ces responsables américains comme grand et mince, avec un teint très clair, M. Zubaydah a, pense-t-on, changé de look assez souvent au cours des années récentes. Connaissant moyennement l'anglais, il a eu recours à toute une série de fausses identités et de faux documents de travail, afin d'emprunter des vols internationaux et de passer sans encombre les contrôles douaniers, ainsi que ceux des diverses polices de l'immigration, dans un certain nombre de pays.
Il a échappé à l'arrestation, bien qu'il ait été l'un des rares officiels d'Al-Qa'ida à voyager très souvent à l'extérieur de l'Afghanistan et du Pakistan, afin de coordonner les cellules du réseau à travers le monde entier.
Ses activités se sont avérées si difficile à repérer au fil des années que le ministère américain de la Justice n'a jamais cité M. Zubaydah dans l'une quelconque des mises en accusation ou des mandats d'arrêts lancés contre les dirigeants d'Al-Qa'ida.
En l'absence d'accusation publique à son encontre, M. Zubaydah avait été l'unique dirigeant d'Al-Qaida enlevé de la liste des "Terroristes les plus demandés" ("Most Wanted Terrorist") publiée par le FBI en octobre dernier.
Le Pakistan n'est pas terra incognita pour M. Zubaydah, dont le nom complet est (pense-t-on) Zayn al-Abidin Muhammad Husaïn Abu Zubaydah.
Dans les années quatre-vingt-dix, il a vécu et travaillé dans la ville de Peshawar, au nord du Pakistan, à partir d'un Q.G. d'Al-Qa'ida connu sous l'appellation de Maison des Martyrs. Son travail consistait à auditionner des dizaines de jeunes recrues, volontaires pour aller suivre un entraînement dans les camps d'Al-Qa'ida dans l'Afghanistan voisin. Il avait aussi la responsabilité d'au moins un de ces caps, connu sous l'appellation de Camp Khaled, indiquent les responsables américains.
Mais il avait un rôle encore plus important, consistant à de-briefer les futurs terroristes à leur retour au Pakistan, après leur entraînement en Afghanistan.
C'était ce M. Zubaydah, disent les responsables américains, qui leur donnait une affectation dans les différentes cellules d'Al-Qa'ida réparties dans le monde entier. En sa qualité de coordonnateur des réseaux extérieurs de l'organisation, il connaît vraisemblablement l'identité et les missions de pratiquement tous les agents d'Al-Qa'ida en dehors de l'Afghanistan.
"Il a joué un rôle significatif dans le recrutement, la formation et les déplacements des nouveaux agents opérationnels d'Al-Qa'ida, pendant plusieurs années", a précisé un responsable américain. Mais, en dépit de ses responsabilités dans Al-Qa'ida et sa proximité de M. Ben Laden, on connaît relativement peu de choses sur la personnalité et l'éducation de M. Zubaydah.
On pense qu'il est né à Riyadh, capitale de l'Arabie saoudite, dans une famille palestinienne moyennement aisée. Les Palestiniens sont relativement peu nombreux en Arabie saoudite. La plupart d'entre eux travaillent dans le secteur tertiaire et l'enseignement. M. Zubaydah et sa famille pourraient avoir vécu un certain temps dans la bande de Gaza.
Les services secrets et le ministère de la justice déclarent ne disposer d'aucune preuve de l'engagement de M. Zubaydah dans un groupe terroriste palestinien, dans sa jeunesse.
"Cet homme est intéressant à plusieurs égards, et notamment parce qu'il échappe au parcours-type qui amène d'autres Palestiniens à rejoindre des formations terroristes, pour des raisons essentiellement nationalistes", a déclaré un responsable de l'administration Bush. Son objectif central n'a jamais été un Etat palestinien. Son objectif a toujours été l'extrémisme islamiste."
Il précise que M. Zubaydah n'avait qu'une vingtaine d'années lorsqu'il a été pressenti par M. Ben Laden, mais qu'il a été rapidement promu à des fonctions élevées.
Il avait attiré l'attention des experts antiterroristes américains en tant que principal agent d'Al-Qa'ida après qu'ils eurent reçu des rapports selon lesquels il avait organisé les "complots du bimillénaire" contre l'aéroport international de Los Angeles et des sites touristiques en Jordanie, en fin décembre 1999. Ces attentats avaient été déjoués, et M. Zubaydah était depuis lors sous le coup d'une condamnation à mort par contumace en Jordanie.
Bien qu'ayant réussi à déjouer les attentats planifiés pour le bimillénaire, les responsables américains réalisèrent rapidement que M. Zubaydah avait été promu et intégré à un triumvirat d'aides de camp qui entouraient M. Ben Laden, détenant entre leur mains les missions les plus délicates du réseau Al-Qa'ida.
Avant le 11 septembre, seuls M. Atef et Ayman AlZawahiri, un médecin égyptien, adjoint de M. Ben Laden et grand inspirateur du terrorisme, semblaient être hiérarchiquement au-dessus de M. Zubaydah.
Les responsables du ministère américain de la justice se disent certains que M. Zubaydah s'est vu confier la mission d'organiser de nouvelles attaques terroristes. Ils ajoutent que, depuis le onze septembre, ils ont découvert des indices l'associant à des plans de deux attentats terroristes en Europe, l'année dernière. L'un des objectifs était l'ambassade des Etats-Unis à Paris, l'autre étant l'ambassade des Etats-Unis en Bosnie.
Son numéro de portable en Afghanistan a été retrouvé dans la mémoire d'un téléphone cellulaire utilisé par un homme décrit comme l'instigateur de l'attentat prévu en Bosnie. Le nom de M. Zubaydah a été associé avec la préparation d'un attentat à Paris dans les dépositions d'un terroriste arrêté dans la capitale française.
L'une des rares occurrence où le rôle joué par M. Zubaydah dans l'organisation Al-Qa'ida ait été cité publiquement fut sa mise en cause, en juillet, au cours de son témoignage, par un terroriste algérien, Ahmed Ressam, qui avait été accusé, au début de l'année, d'avoir préparé un attentat à l'aéroport de Los Angeles la veille du jour de l'an 2000.
Témoignant lors du procès à Manhattan d'un autre homme accusé de la préparation du même attentat, M. Ressam a déclaré avoir rencontré M. Zubaydah pour la première fois en 1998, alors qu'il traversait le Pakistan afin de se rendre dans un camp d'entraînement d'Al-Qa'ida en Afghanistan. M. Ressam s'était rendu au Pakistan, en avion, depuis le Canada, où il avait demandé l'asile politique au milieu des années quatre-vingt dix.
"C'est lui qui était responsable des camps (d'entraînement)" a-t-il déclaré en faisant allusion à M. Zubaydah. "Il accueillait des volontaires, des hommes jeunes, de tous les pays. Soit il vous admettait, soit il vous recalait. Et il s'occupait de l'intendance des camps. Il vous procurait aussi vos billets d'avion, tant pour votre venue que pour votre départ."
                                         
4. L'incapacité de la communauté internationale par Abir Taleb
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 13 février 2002

La violence n'en finit pas de prendre de l'ampleur dans les territoires occupés. Dès son retour de Washington, le premier ministre israélien, Ariel Sharon, a lancé une vaste offensive anti-palestinienne.
A la suite de la mort de deux militaires israéliennes dans une attaque palestinienne dimanche à Beersheba, dans le sud d'Israël, et du lancement de deux roquettes palestiniennes artisanales Qassam tirées à partir de la bande de Gaza, et qui ont pour la première fois atteint Israël, l'armée israélienne a lancé une vague de représailles, par air et par terre, faisant environ 80 blessés.
Lundi, deux hélicoptères Apache et trois avions de combat F-16 israéliens ont attaqué des bâtiments abritant notamment la prison centrale de Gaza et les installations de plusieurs services de sécurité palestiniens, dont celles des services de renseignements militaires et de la garde présidentielle, la Force-17, blessant des membres de ces services de sécurité, mais aussi des civils.
La veille également, des avions de combat F-16 ont bombardé des positions des forces de sécurité dans le quartier de la présidence à Gaza, détruisant le quartier général de la police maritime et endommageant gravement le centre de commandement de la Force-17. Des hélicoptères ont également attaqué à la roquette des ateliers de métallurgie à Beit Lahia, une localité palestinienne dans le nord de la bande de Gaza et à Jabaliya, dans le même secteur. Encore une fois, le prétexte avancé par l'armée israélienne est que ces ateliers servaient à la fabrication de mortiers et de roquettes.
Aux bombardements s'est ajoutée une profonde incursion de l'armée israélienne en territoire autonome, dans la nuit de dimanche à lundi. L'opération a au lieu à Naplouse et a fait deux blessés palestiniens lors de violents échanges de tirs entre militaires israéliens et palestiniens armés, avant que l'armée ne se retire lundi matin.
Et comme toujours, accusations et contre-accusations se multiplient.
Face à cette nouvelle agression, l'Autorité palestinienne, qui a imputé la responsabilité « totale de cette escalade au gouvernement israélien », n'a pu que demander aux « Etats-Unis d'agir rapidement pour faire cesser l'agression israélienne avant que nous ne perdions toute chance de retour au calme dans la région », selon les termes du conseiller du président palestinien, Nabil Abou-Roudeina. L'Autorité palestinienne, qui a dénoncé les raids, a aussi accusé le gouvernement israélien de saboter les efforts de paix internationaux.
Dans le même temps, Israël a accusé M. Arafat de porter par ses déclarations la responsabilité de l'effusion de sang. « La recrudescence des actes de terrorisme de ces derniers jours, dont Yasser Arafat a la responsabilité directe, nous obligera à prendre des décisions », a menacé le premier ministre israélien à son retour des Etats-Unis, sans toutefois donner d'autres précisions.
Les raids israéliens à Gaza ont par ailleurs blessé deux employés de l'Onu, ce qui a provoqué la colère du coordonnateur spécial de l'Onu pour le processus de paix au Proche-Orient, Terje Roed-Larsen, qui s'est déclaré « scandalisé qu'Israël utilise des bombes de gros calibre à proximité de zones d'habitation et des bureaux des Nations-Unies ».
Washington refuse de boycotter Arafat
La violence avait déjà repris au moment où Ariel Sharon était en visite à Washington. Vendredi, une Israélienne et trois Palestiniens ont trouvé la mort au moment où le premier ministre israélien tentait d'obtenir, en vain, que les Etats-Unis boycottent Yasser Arafat. Le président américain George W. Bush s'est certes engagé à maintenir la pression sur le président palestinien, mais pas à le boycotter, comme le lui demandait M. Sharon. Ce dernier avait soutenu lors de sa rencontre avec Bush que le président palestinien « n'est pas un partenaire et ne le sera pas » et a préconisé l'émergence d'une « direction palestinienne alternative ». Mais Bush a refusé de rompre avec Arafat, ajoutant que son pays allait « continuer à exercer des pressions sur (lui) pour le convaincre de prendre » des mesures concrètes contre « les terroristes ».
A New York, le ministre israélien de la Défense, Binyamin Ben Eliezer, est revenu vendredi à la charge, estimant que les Etats-Unis devraient discuter avec des interlocuteurs, à ses yeux recommandables, plutôt qu'avec M. Arafat. Il a même avancé quatre noms susceptibles selon lui de tenir lieu de remplaçant à Arafat : ceux du président du Conseil législatif palestinien Ahmad Qoreï, du numéro deux palestinien Mahmoud Abbass, du chef de la Sécurité préventive dans la bande de Gaza Mohamed Dahlan et de son homologue en Cisjordanie, Jibril Rajoub.
Toutefois, le fait que le président américain n'ait pas répondu favorablement à la demande israélienne a quelque peu soulagé les Palestiniens. Pour sa première réaction à la prise de position du président George W. Bush, la direction palestinienne a parlé vendredi soir, dans un communiqué, d'« attitude positive des Etats-Unis à l'égard de l'Autorité et du peuple palestiniens ainsi qu'à l'égard du processus de paix ». Auparavant, des responsables palestiniens n'avaient pas dissimulé leur soulagement. Parlant d'un « échec de Sharon devant son principal allié, les Etats-Unis », le négociateur Saëb Eraqat avait ainsi demandé à Washington de choisir la méthode qui mène à la paix, soit, selon lui, d'« exercer des pressions sur le gouvernement israélien et non sur l'Autorité palestinienne ».
Divergences américano-européennes
Sur le plan diplomatique, les Etats-Unis et l'Union Européenne (UE) ont affiché leurs divergences sur une sortie de la crise du Proche-Orient. Les ministres des Affaires étrangères de l'UE, de plus en plus critiques envers la diplomatie américaine, ont estimé qu'il fallait ramener des perspectives politiques au centre de la recherche de la paix au Proche-Orient, et ne pas s'en tenir seulement aux aspects sécuritaires.
Mais Washington a écarté les idées européennes, estimant qu'il fallait s'en tenir aux plans déjà existants, prévoyant un cessez-le-feu, en vue d'un retour par étapes aux négociations de paix.
A l'issue d'une réunion informelle qui s'est tenue vendredi et samedi à Caceres (Espagne), le ministre espagnol des Affaires étrangères, Josep Piqué, a affirmé que les plans Mitchell et Tenet « sont depuis longtemps sur la table. Cependant, nous sommes toujours dans l'impasse ». L'UE « pense donc qu'elle peut avancer des idées qui permettent de sortir de l'impasse », a-t-il poursuivi.
Les Quinze poursuivront leurs discussions sur le Proche-Orient lors de leur prochaine réunion à Bruxelles, le 18 février. Un document de travail devrait alors être présenté par la présidence espagnole de l'UE.
L'Italie a suggéré la réunion d'une conférence internationale et le lancement d'un plan Marshall dans la région, l'Allemagne un référendum et la France a proposé la « reconnaissance » d'un Etat palestinien « comme point de départ » d'un règlement du conflit, ainsi que la tenue de nouvelles élections dans les territoires palestiniens sur le thème de la paix. A ce sujet, le ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, a déclaré : « Ce ne sont pas des idées qui s'opposent, ce sont des idées européennes pour relancer et nourrir le volet politique », ajoutant que les « problèmes du Proche-Orient ne se ramènent pas à la question de la sécurité préalable ». Car pour le ministre français, « il s'agit fondamentalement de relancer le volet politique ». Interrogé sur l'accueil peu enthousiaste des Etats-Unis aux idées françaises, M. Védrine a répondu que « cela n'empêchera pas » les Européens de « continuer, de parler aux responsables américains et leur dire : nous pensons que vous faites une erreur ».
En effet, les propositions européennes n'ont trouvé aucun écho favorable chez les Américains. Le porte-parole du département d'Etat, Richard Boucher, a rejeté des idées françaises pour sortir de la crise. « Sans vouloir dire quoi que ce soit de particulier sur ces idées, nous avons toujours pensé qu'introduire de nouveaux éléments qui détournent l'attention (des propositions précédentes) ne fait pas vraiment avancer les choses », a-t-il déclaré.
                                         
5. Juifs en France par Philippe Desmarest
in Le Monde du mardi 12 février 2002 (rubrique "courrier des lecteurs")
(Paris) - La campagne médiatique menée contre la France, accusée d'être un pays antisémite, serait ridicule si elle n'illustrait les menées de réseaux pro-israéliens, dont on commence à discerner les objectifs. D'après ces organisations, les juifs de France subiraient un véritable calvaire. Entourés d'une population hostile camouflant son antisémitisme viscéral sous une critique du sionisme et de l'Etat d'Israël, les juifs vivraient en marge dans notre pays. Ces affirmations caricaturales ont essentiellement deux buts : empêcher les condamnations de la politique israélienne au moyen de ce qu'il faut bien appeler un terrorisme intellectuel forcené ; susciter un courant d'émigration vers l'Etat d'Israël, la France constituant, avec l'Argentine et l'Afrique du Sud, une des principales sources potentielles d'alya vers Israël et donc de colonisation en Palestine. N'en déplaise aux dirigeants des associations juives, mieux vaut être un juif en France que non juif dans l'Etat d'Israël.
                               
6. Un plan pour isoler le terrorisme - mais ne l'appelez pas plan de séparation par Uzi Landau, ministre israélien de l'Intérieur
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du mardi 12 février 2002
[traduit de l'anglais par Mimi Tal]
Il y a six mois, après le début de la dernière vague de terrorisme, j'ai été nommé au poste de Ministre de l'Intérieur. Peu après ma nomination, j'ai donné à la police israélienne des directives pour la préparation d'un plan qui proposerait des solutions pour isoler des frontières d'Israël la population palestinienne vivant en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, et qui serait ainsi une tentative faite pour réduire la possibilité que le terrorisme frappe les citoyens israéliens.
Le but du plan prévoyant la création d'une zone tampon isolant du terrorisme, est d'aider dans la guerre contre les terroristes, et contre les criminels qui entrent de Cisjordanie en Israël, d'éviter que des dizaines de milliers de Palestiniens s'infiltrent pour s'installer en Israël, y établissent des bases pour mener des actions terroristes et des actions subversives, et prennent le travail de dizaines de milliers de chômeurs israéliens.
Immédiatement après que le cabinet ministériel eut adopté l'une de nos propositions, la Police a établi un quartier général séparé pour superviser cette mission, a reçu un renfort de personnel conséquent et affecté à leurs postes des compagnies de police frontalière spéciales. Nous procédons actuellement à la mise en application de ce plan, la responsabilité de celui-ci étant divisée entre les forces de police frontalières (en charge de la partie Ouest de la zone tampon) et l'armée israélienne (en charge de la partie Est).
Cet arrangement ne saurait être vu comme une partition de la Terre Sainte. Le plan est conçu pour rendre encore plus difficile pour les Palestiniens le déplacement libre de Cisjordanie et la bande de Gaza vers Israël, et vice versa - ceci sans troubler la vie quotidienne des citoyens israéliens, y compris ceux vivant en Cisjordanie.
Les éléments de ce plan - positionnement d'obstacles anti-véhicules, construction de clôtures dans des zones spécifiques et déploiement de différents obstacles variés, tenant compte des problèmes locaux et de la topographie locale - sont renforcés par divers moyens technologiques. Tous ces éléments sont sous la direction des forces de sécurité israéliennes qui contrôlent les deux côtés de la zone tampon, qui ne suivra pas spécifiquement la Ligne Verte (frontière d'avant la guerre de 1967, N.D.T.) mais qui prendra également en compte les contours du terrain qui servent au mieux les intérêts sécuritaires des citoyens israéliens. De plus, les contours de la zone tampon ne sont pas prévus pour encourager de quelconques aspirations à ce que cette zone puisse devenir une frontière entre Israël et une quelconque future entité.
Les opérations de ces forces spéciales dans la zone tampon seront variées. Les mouvements de personnes, véhicules et biens seront dirigés vers plusieurs points de transit, que les citoyens israéliens vivant dans les colonies ou d'autres communautés continueront de passer librement. Seuls les Palestiniens qui ont reçu des permis seront autorisés à traverser ceux-ci.
Notre contrôle securitaire de la Cisjordanie - région dont le placement sous contrôle administratif israélien, en même temps que les colonies s'y trouvant, est primordial pour assurer la sécurité de la plaine côtière - est la condition nécessaire pour combattre de façon efficace le terrorisme.
Jérusalem, à cause de sa complexité, s'est vue attribuée dans ce plan d'ensemble un paragraphe séparé: «le plan d'enveloppement» de Jérusalem, basé sur les mêmes principes que le plan d'ensemble, et qui constitue une tentative de l'isoler du terrorisme des Arabes de Cisjordanie, de Ramallah au nord et Bethléem au sud.
Un élément qui a déjà été appliqué est le suivant: le renvoi graduel de dizaines de milliers de Palestiniens entrés et installés illégalement en Israël, ceci couplé avec des efforts concertés ayant pour but de punir les Israéliens qui les emploient et qui leur procurent logement et transport.
Contrastant avec le concept de séparation unilatérale entre Israël et les Palestiniens - un concept qui dit en fait - «ils sont là-bas et nous sommes ici» - le plan unilatéral d'isolement du terrorisme dit «ils sont là-bas, mais nous sommes à la fois ici et là-bas».
Les défauts de l'approche proposant une séparation unilatérale trouvent leur origine dans un concept d'ensemble qui veut qu'une séparation unilatérale se fasse sans compensation. Dans le cadre d'une telle séparation, nous subirions une importante humiliation en temps que partie qui s'est enfuie - comme au Liban - et nous serions perçu comme un État s'agenouillant par faiblesse, ayant perdu les derniers lambeaux de sa capacité de dissuasion.
En quoi une clôture peut-elle prévenir l'entrée d'obus de mortier, de roquettes Katyusha ou d'autres moyens de guerre en provenance des profondeurs des territoires sous contrôle de l'autorité palestinienne?
Un tel plan qui donnerait aux Palestiniens le contrôle militaire au-delà de la clôture, n'est rien d'autre qu'une illusion catastrophique en plus, proposée par les architectes des accords d'Oslo, qui ont autorisé l'ennemi à mettre sur pied une armée, acquérir des armes et contrôler la zone dont le contrôle a été enlevé à l'armée israélienne par ces mêmes architectes, et qui ont semé les prémices de l'actuel conflit, que nous expérimentons aujourd'hui pour partie, mais dont la majeure part est encore à venir.
Le plan d'isolement du terrorisme palestinien et du crime peut être inclus dans une solution à long terme dont les bases - autonomie généreuse pour les Palestiniens résidents de Cisjordanie et de la bande de Gaza, et contrôle total militaire israélien - offre une lueur d'espoir de paix, ou tout du moins la possibilité d'un développement d'une coexistence future.
La zone tampon est un élément de nature défensive. L'autre élément, de nature offensive, est le lancement d'une guerre constante contre la terreur jusqu'à la défaite finale des infrastructures terroristes palestiniennes. Seulement après l'adoption, suivie de la mise en pratique, de l'élément offensif, pouvons nous parvenir à la victoire.
                                   
7. Marwan Barghouti : "La priorité pour parvenir à la paix : le retrait total et définitif des Israéliens des territoires palestiniens occupés depuis 1967" entretien réalisé par Valérie Féron
cette interview a été partiellement publiée dans La Croix du lundi 11 février 2002

Marwan Barghouti est le responsable en Cisjordanie du Fatah, le parti du président Arafat et principale composante de l’OLP. Interview réalisée à Ramallah le samedi 9 février 2002.
- L’armée israélienne a déjà essayé de vous assassiner. Avez-vous pris des précautions pour votre sécurité et celle de votre famille ?
- J’ai changé un peu mon quotidien et pris quelques précautions, mais nous sommes habitués au danger comme l’ensemble du peuple palestinien. Et cette politique israélienne d’assassinats n’est pas une nouveauté. Depuis le début de notre mouvement de résistance, l’armée israélienne a tué un grand nombre de nos intellectuels et artistes aussi bien que de responsables militaires pour éliminer le mouvement national palestinien. Actuellement, il s’agit d’effrayer la direction, pour affaiblir le soulèvement et faire pression sur le peuple. En ce qui me concerne, la presse israélienne avait révélé un projet de m’assassiner dès octobre 2 000. Mais je n’ai rien d’un terroriste et rien d’un pacifiste non plus, même si j’ai toujours été très actif dans le dialogue avec les Israéliens.  Je suis juste un homme normal, un Palestinien qui lutte pour l’indépendance de son peuple. Cependant en m’assassinant, le gouvernement israélien serait responsable de nouvelles morts d’innocents en Israël. Car la réaction serait sûrement très forte côté palestinien.
- Le président Arafat est lui aussi dans une position dangereuse…
- Yasser Arafat est assiégé. Je pense que c’était une volonté de l’humilier et de nous humilier. Vouée à l’échec comme l’ensemble de la politique d’ Ariel Sharon qui avait été élu il y a un an en promettant aux Israéliens la fin de l’Intifada, et la sécurité aussi bien à Tel Aviv que dans les colonies. Un an après, les Israéliens se retrouvent avec de moins en moins de sécurité, et de plus en plus de problèmes économiques. Yasser Arafat est un excellent partenaire pour faire la paix, et les Israéliens auraient beaucoup à perdre s’il lui arrivait quelque chose, pas seulement les Palestiniens.
- La volonté du Premier ministre israélien de mettre le président palestinien "hors jeu " politiquement est-elle également voué à l’échec ?
- Yasser Arafat n’est pas un président comme les autres. Pour nous, il est avant tout le fondateur de la révolution palestinienne, le symbole de notre résistance pour l’ indépendance. Il est donc à la fois le chef historique du mouvement national et de plus un président élu démocratiquement, une première dans le monde arabe. Ce qui n’a jamais empêché les Palestiniens de le critiquer ouvertement et fortement ainsi que l’Autorité par exemple sur les questions de corruption ou des violations des droits de l’homme dans notre administration. Mais c’est une clé de voûte pour la paix. Je pense que les Israéliens devraient saisir cette chance historique de parler avec lui. Car ils ne trouveront sûrement pas par la suite de leader qui accepteront de faire autant de compromis que lui. Quant à sa succession, qu’il soit bien clair que c’est une question intérieure palestinienne, qui se fera sur la base d’élections générales et démocratiques. Les Palestiniens n’accepteront jamais de dirigeant amené ici par les chars israéliens… et ils continueront leur lutte pour l’indépendance jusqu’au bout. Tout spécialement après l’essai raté d’Oslo.
- Côté israélien, on parle pourtant de nouveau plan intérimaire…
- Les Palestiniens ont essayé ce genre d’accord pendant près de dix ans suite à la Conférence de Madrid. Qu’est-il arrivé ? ils se sont retrouvés avec plus de confiscation de terre, plus de colonies israéliennes, et encore plus coupés de Jérusalem. Alors je pense qu’il ne serait pas raisonnable pour les deux parties d’essayer à nouveau. L’intifada a changé les règles du jeu. Il n’est pas question de retourner à la case départ.
- Une Intifada plus armée que la précédente avec les accusations d’implication de l’Autorité dans l’affaire des 50 tonnes d’armes trouvées sur le Karine A.
- C’est au président Arafat de s’exprimer sur cette question et il l’a déjà fait. Mais pour parler plus généralement de l’achat d’armes, personnellement et très franchement, je ne vois pas pourquoi nous n’aurions pas le droit d’en avoir alors que nous sommes le peuple occupé et que les Israéliens nous bombardent à coup de missiles. Quant aux actions armées, le Fatah estime qu’elles ne doivent avoir lieu qu’à l’intérieur des territoires palestiniens occupés. Les brigades des martyrs d’Al Aqsa, proches de nous, ont mené dernièrement des attaques anti-israéliennes uniquement en réponse à l’assassinat de Raed Karmi et au siège subi par notre président. Mais ce n’est pas une stratégie.
- Contrairement au Hamas ?
- A chaque nouvel assassinat, missile, démolition de maison, Ariel Sharon donne son feu vert à des réactions. L’occupation israélienne reste le premier déclencheur des attentats suicides.
- Quels sont vos relations actuellement avec ce mouvement ?
- Nous avons un véritable dialogue avec le Hamas qui partage avec l’ensemble des mouvements un objectif politique : la fin de l’occupation israélienne, y compris à Jérusalem-est. Et le Hamas est entrain d’évoluer sur un autre objectif essentiel : la coexistence entre deux états, israélien et palestinien, côte à côte. Mais ces débats ont lieu alors que les chars israéliens sont devant nos portes ! Il ne fait aucun doute que toute discussion de ce genre deviendrait beaucoup plus sereine après un retrait effectif et complet de l’armée israélienne. Cela ouvrirait de nouvelles perspectives politiques pour tous.
- Sur le plan diplomatique, que pensez-vous des propositions françaises reprises au niveau européen d’une proclamation de l’Etat palestinien et d’organisation d’élections ?
- Nous avons accueilli positivement les propositions de la France, un pays en lequel nous avons confiance, et apprécié les dernières déclarations du gouvernement, notamment ses critiques envers la politique américaine. Concernant des élections, c’est bien sûr une bonne idée, mais dans le cadre d’un plan global pour une vraie paix. De même qu’il n’y aura pas de paix sans justice, pas question d’élections en restant sous occupation. Quant à la proclamation de l’Etat palestinien, ce sera le résultat de la première priorité : le retrait israélien jusqu’aux frontières de 1967.
- Et la position américaine ?
- Qui comprend la position américaine ? ! il y a plus d’élus israéliens à la Knesset prêts à faire la paix qu’au sein du Congrès américain ! Les Américains continuent de faire de grosses erreurs d’appréciation, même après les attentats du 11 septembre, et ont une vraie responsabilité dans tout le sang versé ici en appuyant comme ils le font la politique d’agression israélienne. C’est pourquoi je ne crois pas aux rencontres diplomatiques du moment, rien ne semble possible tant que Sharon sera au pouvoir en Israël. Parler juste d’un cessez le feu ne peut pas être une fin en soi. Les Palestiniens ne peuvent se contenter du retrait de quelques chars sur quelques mètres. Les vraies discussions concernant les questions clés comme celle du droit du retour pour les réfugiés ne pourront pas se faire dans de bonnes conditions tant que nous resterons sous occupation. Il faut d’abord que les Israéliens prennent une décision courageuse : se retirer totalement et définitivement des territoires palestiniens. Ce qui arrivera un jour ou l’autre, comme ce fut le cas pour le sud du Liban. Le plus tôt éviterait de nouveaux bains de sang pour les deux peuples. Mais pour l’instant les dirigeants israéliens sont encore dans cet aveuglement typique des colonisateurs.
                               
8. Retour sur un douloureux passé par Suzanne Goldenberg
in The Guardian (quotidien britanique) du dimanche 10 février 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
[Une thèse universitaire fait l'objet d'un très vif débat autour de l'approche par Israël de sa propre histoire. Cette thèse affirme que des miliciens juifs auraient massacrés des combattants arabes désarmés durant la guerre d'Indépendance (sic) d'Israël.]
L'homme a peu de chances d'acquérir la célébrité académique (ou la notoriété, selon l'angle sous lequel vous envisagez la chose). Mais le débat suscité par la thèse universitaire de Teddy Katz, un kibboutznik âgé d'une cinquantaine d'années, ne cesse de passionner le monde universitaire israélien, depuis presque deux ans.
La saga de M. Katz commence, en janvier 2000, lorsqu'un quotidien israélien publie des extraits d'une thèse soutenue à l'Université de Haifa (la sienne), sur le sort du village palestinien de Tantura, détruit au cours de la guerre d'indépendance (sic) d'Israël, en 1948.
Au cours de son travail de recherche, M. Katz a recueilli les témoignages de Palestiniens qui ont soutenu que des milices juives (combattant pour la création d'un Etat d'Israël) ont massacré 200 combattants arabes, après que ceux-ci aient déposé leurs armes, après la reddition du village, en mai 1948. Des chercheurs ont exhumé d'autres massacres (commis) durant la guerre sanglante d'indépendance (sic) d'Israël, en 1948, dont le plus (tristement) célèbre a été perpétré à Deir Yassin, tout près de Jérusalem, village où quelque 120 villageois (civils) sans armes ont été massacrés, événement qui allait symboliser la Nakba (littéralement : la Catastrophe) qu'a représenté la fuite et la dépossession des Palestiniens, lors de la création de l'Etat juif.
Il y avait déjà eu des récits de l'épisode (dramatique) survenu à Tantura, publiés en arabe. Ce village côtier a été rasé au sol en juin 1948, afin de "libérer le terrain" pour un kibboutz et une piscine olympique (bon bain ! Ndt).
Mais la thèse de M. Katz n'en a pas moins fait l'effet d'une bombe. Les vétérans juifs de la brigade Alexandroni, le bataillon dont M. Katz a affirmé qu'il a "mené à bien" ce massacre, l'ont attaqué en justice pour diffamation. Le procès a déclenché une réaction en chaîne, dans les arènes tant judiciaire qu'universitaire (en Israël).
Au cours des premiers développements de cette véritable bataille judiciaire, M. Katz a retiré sa thèse - mais il s'est ravisé douze heures plus tard, en disant que sa condamnation était entachée d'irrégularités. Le procès fut renvoyé devant la Cour suprême d'Israël.
Sur ces entrefaites, un comité universitaire de l'Université de Haifa, a révisé la thèse de M. Katz, dont il a ordonné la suspension, le mois dernier, en accordant à M. Katz un délai de six mois pour en soutenir une version corrigée.
Pour M. Katz, dont la thèse avait été très bien notée, cette controverse a eu des effets dévastateurs, sur le plan personnel.
Pour les spécialistes israéliens ès sciences humaines, qui se livrent à une sorte de pugilat depuis des mois sur les sites internet des universités, la fureur soulevée par les révélations de M. Katz touche au coeur d'une polémique autour du tableau avantageux que l'on voudrait tracer de la création de l'Etat hébreu.
Les premiers récits sur l'histoire moderne d'Israël ont été manifestement inspirés par l'idéologie sioniste, et les mémoires des généraux qui ont en personne dirigé les batailles pour la création de l'Etat y occupent une place prépondérante.
Il s'agit de l'épopée des héros guerriers d'Israël, et il n'y est nullement question des civils palestiniens délibérément chassés de leurs maisons par un véritable nettoyage ethnique, ou qui ont fui leurs villages après avoir entendu les nouvelles horrifiantes sur les massacres déjà commis (pensant que leur tour allait incessamment arriver).
Quelques historiens (on les compte sur les doigts de la main) ont émergé durant la dernière décennie, qui disent les choses carrément et, parmi eux, des gens tels M. Katz ou Benny Morris, qui est le mieux connu de ceux qu'on appelle les "nouveaux historiens", mais qui n'appartient pas au monde universitaire.
Mais, plus de dix ans après l'apparition en librairie des premiers ouvrages de ces nouveaux historiens, la grande majorité de leurs collègues (historiens) continuent à s'accrocher au vieux catéchisme désuet (les "shibboleths", écrit en anglais S. Goldenberg, reprenant un mot d'origine hébreue).
Bien qu'enterrées et étouffées cinquante années durant, les histoires de Tantura et des plus de quatre cents villages palestiniens détruits lors de la création de l'Etat juif sont très menaçantes pour la société israélienne contemporaine.
Le sort de ces villages est une question centrale dans l'exigence par les Palestiniens d'un droit au retour pour quelque 3,8 millions de réfugiés enregistrés, (répartis dans une nouvelle diaspora) dans ce qui est aujourd'hui l'Etat d'Israël - perspective horrifique pour la plupart des Israéliens, ce retour (des Palestiniens) représentant pour eux le commencement de la fin de leur Etat.
Les injonctions de rentrer dans le rang deviennent de plus en plus fortes depuis qu'Israël a effectué un grand virage collectif vers la droite, après l'éruption de la sanglante révolte palestinienne, il y a environ quatorze mois (septembre 2000, ndt).
Actuellement, l'ambiance qui règne dans le pays rend beaucoup plus difficile aux universitaires israéliens la remise en question des mythes fondateurs de l'Etat juif.
Le travail universitaire de M. Katz n'était pas sans poser d'autres problèmes, par ailleurs. Il a basé sa thèse sur des témoignages oraux de survivants du village de Tantura, voisin de la ville de Haifa, où il habite.
La crédibilité de ces témoignages a été remise en cause par certains universitaires israéliens, en substance : parce qu'il (M. Katz) s'est fié à des sources palestiniennes !
C'est parfaitement odieux, a écrit Ilan Pappe, spécialiste en sciences politiques à l'Université de Haifa, qui s'est fait le défenseur de M. Katz, et qui a été à l'avant-garde de la réévaluation de l'histoire d'Israël.
"Les témoignages oraux de Palestiniens sur la Nakba - à l'instar des témoignages des Juifs sur l'holocauste - devront bien finir par être considérés comme des sources recevables, tant au tribunal que dans les débats universitaires".
La commission universitaire qui a examiné la thèse de M. Katz a relevé sept divergences entre les enregistrements magnétophoniques des interviews (des survivants du massacre de Tantura) et les conclusions que M. Katz en tire, dans sa thèse.
D'autres universitaires ont récusé M. Katz pour sa méthodologie de dilettante. De son côté, M. Katz regrette d'avoir dans un premier temps désavoué sa thèse, chose qu'il n'a faite qu'afin d'échapper à des frais de justice exorbitants qui lui auraient été vraisemblablement imposés à la suite du procès en diffamation intenté contre lui.
Mais il demeure qu'en dépit de failles inévitables, plusieurs universitaires maintiennent que la teneur des constatations de M. Katz n'est absolument pas contestable.
"La question de savoir si les hommes de la Brigade Alexandroni ont effectivement assassiné les habitants du village de Tantura, et celle de la place prise par cet épisode dans les relations entre Israël et les Palestiniens, ces questions demeurent pendantes", a écrit l'historien Tom Segev dans le quotidien israélien Ha'Aretz.
"Les Israéliens et les Arabes ont commis des crimes de guerre, avant et après 1948. La question ne se limite pas à Tantura. La question est que la plupart des Israéliens doivent encore prendre conscience de leur part de responsabilité dans la création de la tragédie palestinienne et qu'il n'y a aucune chance de parvenir à la paix tant que cela n'aura pas été fait."
                                                   
9. "On n'a pas le choix : la paix se construit avec ses ennemis" - Interview croisée de Yasser Abed Rabbo et Yossi Beilin propos recueillis par Agnes Gorissen et Baudoin Loos
in Le Soir (quotidien belge) du vendredi 8 février 2002
L'Israélien Yossi Beilin et le Palestinien Yasser Abed Rabbo sont deux des principaux acteurs d'une nouvelle "Coalition pour la paix" israélo-palestinienne lancée en décembre. Pour l'ex-ministre de la Justice d'Ehoud Barak et pour l'actuel ministre de la Culture et de l'Iformation de l'Autorité palestinienne, il est possible de surmonter la haine violente qui triomphe. Invités par la Fondation Heinrich Böll et le Cercle du libre-examen, Beilin et Rabbo étaient à Bruxelles ces derniers jours, pendant lesquels ils ont rencontré les autorités belges et européennes avant de débattre à l'Université libre de Bruxelles.
- Vous êtes tous deux intimement associés au « processus d'Oslo ». Seize mois après le début de la seconde intifada palestinienne, pouvez-vous nous donner les principales raisons de l'échec du processus de paix ?
- Yossi Beilin. Les gens ont des tas d'explications. Mais ça ne veut pas dire que les choses sont très claires, même pour nous. Oslo est le seul processus existant. Il va aboutir, c'est une question de temps, jusqu'à ce que ses principes soient mis en œuvre. Le gros problème est qu'Oslo n'a jamais été appliqué dans sa totalité. Dès lors, l'échec n'est pas celui de l'accord, mais celui des dirigeants. Il y a eu certaines difficultés du côté palestinien. Et quand Netanyahou était Premier ministre, il a exploité ça pour ne pas mettre Oslo en œuvre. Alors, les cinq années du processus ont pris fin sans même un début de discussion sur un règlement permanent.
Maintenant, chaque côté blâme l'autre et ils ont tous deux raison. Quand nous avons essayé de poursuivre le processus, alors que nous étions très proches d'un accord, la violence qui a éclaté (l'intifada entamée en septembre 2000, NDLR) a été dévastatrice pour la confiance naissante. Le fait qu'à ce moment, le président Arafat n'ait pas fait tout ce qui était possible pour mettre fin à l'intifada dès le début fut une grosse erreur. Nous sommes immédiatement entrés dans un cercle vicieux violences-représailles. Le plus important n'est pas de se demander qui avait raison et qui avait tort. Il faut rompre ce cercle vicieux, voir comment en sortir.
- Yasser Abed Rabbo. De notre expérience, nous pouvons dire que l'une des principales carences du processus fut l'absence de supervision, de contrôle par une tierce partie neutre. D'autant qu'Oslo était une sorte de cadre, pas un accord détaillé. Les deux côtés étaient d'accord sur l'utilité d'un arbitrage, mais il n'a jamais été mis en place. Cela serait d'ailleurs toujours nécessaire dans l'avenir pour empêcher que la partie la plus puissante n'interprète l'accord éventuel à sa guise. Car un gouvernement israélien d'extrême droite fera tout pour paralyser le processus.
J'ajoute qu'il y avait d'importants « trous » dans Oslo. Principalement, l'arrêt de la colonisation juive des territoires palestiniens n'a pas été intégré dans le processus.. A l'époque (1993), Yitzhak Rabin avait gelé cette colonisation bien que cela n'était pas prévu formellement, puis Netanyahou (1996-1999) a estimé que rien n'obligeait Israël à ce gel et il a repris les constructions. Cela nous a mis dans une situation difficile de devoir négocier pendant que des confiscations de terres avaient lieu quotidiennement. Cela a miné la confiance des Palestiniens.
Maintenant, il faut mettre fin aux violences, en prenant notamment des mesures comme le gel de la colonisation d'ailleurs prévu dans le rapport Mitchell (émanant d'une commission internationale mise en place en octobre 2000). Mais, depuis son arrivée en 2001, Ariel Sharon utilise tous les prétextes pour ne pas appliquer ce rapport Je suis désolé de devoir ajouter que, de notre côté, certaines forces extrémistes lui donnent le prétexte qu'il cherche.
- M. Beilin, que répondez-vous à l'argument palestinien à propos des colonies ? Même sous Ehoud Barak, un gouvernement dont vous faisiez partie (1999-2001), la colonisation a continué à bon rythme...
- Yossi Beilin. Mon sentiment est que les gouvernements Rabin et surtout Barak étaient si près de la fin du conflit que les colonies n'étaient pas vues comme une chose à ce point dévastatrice pour les Palestiniens dans la mesure où il était question que la plupart de ces implantations soient évacuées puis données aux Palestiniens.
Un gouvernement peut dire « stop », on ne peut plus construire dans les colonies. Mais dans les faits, ça ne s'est produit qu'une fois, sous Rabin, et n'a pas continué. Une des principales raisons est que le gouvernement Rabin avait une majorité d'une unité à la Knesset. Dans le gouvernement Barak, nous n'avions pas de majorité du tout pour le camp de la paix. Nous avions besoin de partis de la droite et une de leurs exigences était de ne pas cesser la construction dans les colonies. Et donc, durant les vingt mois du gouvernement Barak, les unités d'habitation dans les territoires ont augmenté de 12 %. Mais les gens comme moi se disaient que, dans le même temps, nous avions toujours une coalition avec laquelle on pouvait atteindre une solution permanente avec les Palestiniens. Mais nous n'avons pas réalisé la paix et les implantatations sont là.
- M. Rabbo, que dites-vous aux nombreux Israéliens qui disent que Yasser Arafat est derrière chaque attentat anti-israélien ?
- Yasser Abed Rabbo. Nous connaissons cette campagne destinée à mettre tous les torts sur l'Autorité palestinienne (AP) et son président, et aussi, dans un dessein plus large, de miner l'AP en tant que partenaire du processus de paix. Cette campagne est orchestrée par ceux qui ne veulent pas du processus de paix. Nous avons pris des mesures , en vue d'un cessez-le-feu, notamment le discours du président du 16 décembre. Mais après le rapport Mitchell puis le plan Tenet (mise en œuvre d'un cessez-le-feu), Sharon a multiplié les conditions comme ces sept jours de calme total.
Il y a aussi un autre facteur : la position des Etats-Unis. L'erreur de cette administration (de George Bush, NDLR) est de tomber dans le piège tendu par Sharon avec ses sept jours de calme et d'accepter que Sharon en soit le juge. J'espère que l'administration américaine, en pleine consultation avec les deux parties, révisera à la hausse son intervention dans le dossier et cessera son feu vert à Sharon.
- Mais le Premier ministre israélien paraît réussir à convaincre les Etats-Unis de la nécessité de mettre Arafat « hors jeu »...
- Yasser Abed Rabbo. Voilà qui me rappelle Yitzhak Shamir, à l'époque des négociations de Madrid (1991), un Premier ministre qui refusait d'entendre parler d'Arafat mais qui négociait avec des délégués choisis et envoyés par le même Arafat ! Sharon, lui, parle avec trois hauts dirigeants palestiniens de la même façon mandatés par Arafat... Ce petit jeu jette la suspicion sur le sérieux israélien, empoisonne l'atmosphère, tout comme l'escalade stupide et humiliante qui consiste à empêcher Arafat de bouger. Cela ne mènera pas à un changement de dirigeant, mais pourrait détruire les minces contacts encore maintenus.
- Yossi Beilin. Pour moi, c'est une mauvaise blague. Aucun gouvernement ne prend de telles résolutions. Un gouvernement sérieux prendrait la décision de négocier avec Arafat. Le décréter hors-jeu et vouloir mettre un terme à l'existence de l'Autorité palestinienne est puéril et tragique. On a ici deux dirigeants septuagénaires, approchant de la fin de leur carrière politique. Tous deux se sont trouvés à un tournant de leur vie, en train de changer leur conception de l'autre camp, tout près de la paix.
D'un côté, Arafat a modifié sa position à propos de la reconnaissance d'Israël, avec deux Etats pour deux peuples, respectant les frontières de 1967, mettant fin à la violence, et il a accepté les accords d'Oslo. En reconnaissant Israël, il nous a permis d'obtenir la paix avec la Jordanie, des relations diplomatiques avec de nombreux pays dans le monde arabe, de vivre dans un contexte de paix et de connaître un boom économique. De l'autre côté, Sharon, même s'il n'était pas ravi de la paix avec l'Egypte, s'est chargé du démantèlement des colonies (dans le Sinaï, NDLR) et a participé avec Netanyahou au sommet de Wye Plantation un général de droite qui comprend que les guerres ne sont pas dans l'intérêt d'Israël.
Ce qui est arrivé à ces deux hommes, c'est ce cercle vicieux où, à cause de la misère et des morts, chacun pense avoir raison à 100 %. Et chacun a donc fait marche arrière par rapport à sa propre histoire. Arafat sait comment être un général, comme il se présente, ou un terroriste, comme d'autres le définissent; il sait quoi faire sous la violence, il donne des ordres. Sharon est le spécialiste des représailles. Arafat a compris le danger mais donne des ordres assez vagues pour que certains des siens aient l'impression qu'il n'est pas totalement contre la violence. Sharon dit qu'il refuse de négocier avec des terroristes et donne à ses forces l'autorisation d'utiliser des avions de combat, Il justifie ça en disant «Qu'est-ce que je peux faire d'autre, ces gens tuent des bébés, des femmes et des personnes âgées, je dois répliquer, c'est ce que je connais». Et Arafat dit: «Cette grande armée utilise des avions contre mon peuple honnête et innocent». Et il utilise la violence.
Entre les deux hommes, c'est le baiser de la mort. Ils dansent avec la mort. Il faut une troisième partie, peut-être de l'intérieur, qui les secouerait et leur dirait: «Cessez de nous pousser dans ce cercle vicieux qui n'a pas de fin». Et je pense qu'on assiste au début de ce phénomène des deux côtés.
- L'affaire du navire plein d'armes saisi par Israël en mer Rouge début janvier a convaincu beaucoup d'Israéliens qu'Arafat n'a pas renoncé à la violence...
- Yasser Abed Rabbo. Tout d'abord, il faut savoir que la situation s'est tellement dégradée qu'il n'existe plus aucune confiance entre les parties. D'où l'urgence et la nécessité d'initiatives comme la nôtre, la Coalition pour la paix, destinées à arrêter cette descente aux enfers et à construire un pont entre les deux camps. Cela passe par la fin de la violence puis de l'occupation. Jusqu'aux négociations de Taba (janvier 2001), beaucoup a été fait, on peut dire que nous avions franchi de nombreux obstacles. Cette chance existe encore.
S'agissant du bateau et des armes, beaucoup de choses ont été racontées. Nous avons démenti et créé une commission d'enquête. Ce que je veux déjà dire d'emblée avant les conclusions de l'enquête, c'est qu'il n'y a rien de vrai dans cette soi-disant coalition palestino-iranienne (les armes saisies proviendraient d'Iran, NDLR). Nous avons trop de réelles différences politiques avec les Iraniens, qui nous critiquent d'ailleurs tous les jours. La thèse israélienne sur cette « coalition » a été exportée à Washington où elle a été prise pour argent comptant.
- Yossi Beilin. Je pense que ce bateau est une offre qu'Arafat, de son point de vue, ne pouvait pas refuser. Ce qui est triste, c'est que cette affaire n'est pas une invention. Mais la question pour moi est: «Qu'est-ce que ça signifie?» Si je pense que je n'ai pas besoin de la paix et qu'il est préférable de continuer comme ça ad vitam aeternam, sans Etat palestinien, en occupant l'autre camp et en combattant pour toujours, je dirai que je suis heureux d'avoir découvert cette affaire parce que c'est la preuve que l'autre n'est pas un partenaire. Moi, je ne veux pas prouver qu'Arafat est un terroriste, qu'il est disqualifié. Parce que je n'ai pas le choix. On construit la paix avec ses ennemis. Notre rôle est de trouver la bonne part chez l'autre et de la souligner. C'est tellement facile de trouver la mauvaise part de l'autre, de dire qu'il a tort depuis le début et que j'ai raison depuis le début. J'ai vraiment l'impression d'être dans un jardin d'enfants. Le problème, c'est que nous n'avons pas d'instituteur, les deux directions sont dans l'erreur. Il faut les secouer. Je suis sûr que dans l'esprit d'Arafat, il n'est pas question d'une alliance avec l'Iran, qui représente l'antithèse de la direction laïque et pragmatique du peuple palestinien.
- Yasser Arafat a publié dimanche une tribune libre dans le « New York Times ». Il y parle du droit au retour des réfugiés palestiniens en plaidant pour que les inquiétudes démographiques israéliennes soient prises en compte. Les Israéliens demandent s'il tiendra ce discours en arabe aussi...
- Yasser Abed Rabbo. (Fâché) Je ne veux pas répondre à cela ! Cela sous-entend que les Palestiniens sont des demeurés ignorant ce qui se dit sur la place publique. Nous sommes informés par les télévisions satellitaires, internet, Le point que vous mentionnez constitue la politique adoptée au plus haut niveau. Qu'est-ce qu'on croit ? L'article du « New York Times » a été traduit et publié par tous les journaux palestiniens, en première page. Et puis (sourire moqueur), comme nous sommes une « dictature », dit-on, eh bien ! pas un mot de l'article du président ne manquait...
- Mais Arafat réussira-t-il à convaincre son peuple sur ce point crucial ? Les réactions ne sont guère encourageantes...
- Yasser Abed Rabbo. Lorsqu'il y aura un accord général sur tous les problèmes, nous en demanderons ratification populaire par référendum. Actuellement, des sondages montreraient sûrement que les Palestiniens n'ont plus confiance dans le processus de paix, mais qu'ils restent désireux d'arriver à une solution pacifique, avec un Etat palestinien établi à côté d'Israël sur base des frontières de 1967. Une position identique caractérise l'opinion publique israélienne : elle ne nous fait plus confiance, elle appuie Sharon, mais politiquement, elle est loin de la vision de Sharon. Ce n'est pas contradictoire : les Israéliens sont inquiets pour leur sécurité, mais ils savent aussi qu'à long terme leur sécurité dépend d'une solution politique.
                                   
10. Ben Eliezer cite les Palestiniens avec lesquels Washington devrait dialoguer
Dépêche de l'Agence France Presse du vendredi 8 février 2002, 18h03
NEW YORK - Le ministre israélien de la Défense Binyamin Ben Eliezer a cité vendredi à New York les noms des responsables palestiniens avec lesquels selon lui les Etats-Unis devraient dialoguer, plutôt que d'avoir pour unique interlocuteur le président Yasser Arafat.
Parmi les interlocuteurs recommandables, le ministre israélien a cité le président du Conseil législatif palestinien Ahmed Qoreï (Abou Ala), le numéro deux de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) Mahmoud Abbas (Abou Mazen), le chef de la Sécurité préventive palestinienne dans la bande de Gaza Mohamed Dahlan et son homologue pour la Cisjordanie, Jibril Rajoub.
Il a rappelé qu'il avait demandé aux Etats-Unis d'entamer un dialogue avec plusieurs "leaders nationalistes merveilleux et honorables" entourant M. Arafat.
"J'ai recommandé chaudement aux Américains de concentrer tous leurs efforts pour engager un dialogue avec un groupe de Palestiniens qui se trouvent dans l'entourage de Yasser Arafat", avait-il déjà déclaré jeudi.
"M. Arafat peut y arriver, mais il ne veut pas", a déclaré vendredi le ministre à des journalistes. "Arafat (...) est plongé dans le passé". "Il ne peut y avoir d'avenir avec lui", a-t-il ajouté.
M. Ben Eliezer a toutefois précisé qu'il était "prêt à parler à quiconque", même "avec M. Arafat, si je sais que ce monsieur est sérieux".
Se référant à l'interception mercredi en Cisjordanie d'un camion chargé d'une importante quantité d'armes, dont des roquettes de type Qassam 1, il a estimé que cette découverte avait créé "une situation nouvelle".
"C'est une situation nouvelle, car, de mon point de vue, ils cherchent à se déployer autour ce que nous appelons la Ligne verte (ligne de cessez-le-feu qui a précédé la guerre israélo-arabe de juin 1967) et de là, à frapper les grandes villes".
C'était la première fois que des roquettes de type Qassam 1, d'une portée d'environ 1,5 km, fabriquées artisanalement par les Palestiniens, sont découvertes en Cisjordanie.
Ce type d'armes avait été utilisé jusqu'ici uniquement dans la bande de Gaza contre des objectifs israéliens.
"Personne ne peut m'empêcher de prendre des mesures minimum, de prendre toute mesure nécessaire pour garantir la sécurité de mon peuple, de mon pays, de nos enfants", a-t-il ajouté.
                                       
11. Ce dont les Arabes ont besoin, c'est de leadership. Pas de slogans par Marwan Bishara
in International Herald Tribune (quotidien international publié à Paris) le vendredi 8 février 2002
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
(Marwan Bishara, enseigne les relations internationales à l'Université américaine de Paris. Il est l'auteur de l'ouvrage "Palestine/Israël : la paix ou l'apartheid".)
Les pays arabes se préparent pour leur sommet décisif qui doit se réunir en mars prochain, dans un environnement régional marqué par une escalade de la violence et des relations tendues avec Washington. Encore en état de sidération depuis les attentats du 11 septembre, ils sont muets, ou incohérents, dans le meilleur des cas. Les dirigeants arabes attendus à Beyrouth devront y apporter plus que leur langage fleuri et leurs slogans creux habituels.
Le bilan du monde arabe fait apparaître un présent précaire et un futur encore plus terne. Les économies arabes stagnent et les peuples arabes sont amers, irrités et appauvris. Au carrefour d'une ère nouvelle, les dirigeants arabes doivent à leur peuple et au monde beaucoup d'explications et un minimum d'indication d'une direction. Les relations publiques devraient venir après, et non pas avant, la satisfaction de cette attente.
Le sommet arabe devra apporter des réponses sur trois fronts : le front arabo-arabe ; le front arabo-israélien et, enfin, le front arabo-occidental.
Durant des décennies, les dirigeants arabes se sont comportés en pompiers pyromanes. A peine venaient-ils de résoudre un conflit religieux, ethnique ou une guerre civile chez eux qu'ils n'avaient rien de plus pressé que d'en entreprendre un  nouveau avec tel ou tel état voisin. Les violations des droits de l'homme et du citoyen persistent, en dépit de moult promesses de réforme. Les timides espoirs placés en des dirigeants nouveaux et jeunes au Maroc, en Jordanie et en Syrie n'ont jusqu'ici donné aucun fruit.
Les Arabes assistent, impuissants et désespérés, à la poursuite de l'escalade des violences entre Israël et les Palestiniens. Après avoir soutenu le processus de paix pendant une décennie, ils sont choqués par le spectacle de leurs frères arabes bombardés dans les territoires occupés et l'impuissance de leurs dirigeants les consterne. La seule déclaration à être sortie de la bouche d'un officiel arabe au sujet de cette escalade, il y a quelques jours, se résumait au fait qu'il "sollicitait" de Washington qu'il veuille avoir l'extrême obligeance d'intervenir...
La haine de l'Amérique et d'Israël est diffuse parmi le peuple arabe. Au cours d'un déplacement en Egypte, le mois dernier, j'ai pu constater à quel point le peuple de ce pays, à la vivacité d'esprit et à la bonhomie légendaires, est en passe de perdre son sens de l'humour, que remplace une haine incontrôlable envers l'Amérique. C'est là un signe très préoccupant pour quiconque a côtoyé ce peuple accueillant. On dit - peut-être est-ce exagéré - qu'en Arabie saoudite, premier allié des Etats-Unis dans le monde arabe, la moitié de la population est favorable à Oussama Ben Laden, tandis que l'autre moitié est hostile à l'Amérique...
Les Arabes sont frustrés devant ce qu'ils perçoivent comme une hostilité américaine à leur encontre, injuste et scandaleusement sélective. Une bonne part de cette frustration trouve sa traduction dans le repli culturel et des sympathies pour le fondamentalisme religieux. Un penseur égyptien respecté, Mohammed Sayyed Said, a suggéré l'idée que le "clash entre civilisations" de Samuel Huntington risque de rentrer dans le domaine du possible si les Etats-Unis s'enferrent durablement dans leur politique du "bien contre le mal".
Les dirigeants arabes, qui endossent une responsabilité écrasante dans ce tableau d'ensemble peu réjouissant, doivent apporter un minimum de réponses aux problèmes complexes qui se posent à leurs sociétés.
Il est grand temps pour eux de travailler à l'élaboration d'une charte des droits de l'homme et du citoyen. Le sommet de Beyrouth pourrait demander à un collège d'experts de commencer à réfléchir à la rédaction de ce document, avec la participation de représentants de la société civile.
Les régimes arabes devraient s'engager à respecter une politique de non-intervention dans leurs affaires intérieures respectives et à promouvoir une coopération économique et sécuritaire qui inclue l'Irak. Le sommet doit s'engager sur des plans de développement à long terme comportant des changements structurels en matière de politique économique. La stabilité et la démocratie sont absolument nécessaires au développement or, jusqu'ici, dans le monde arabe, l'une comme l'autre sont inexistantes. Voilà la raison pour laquelle des plans globaux de mise en place d'un marché commun arabe servent de ramasse-poussière dans les bureaux de la Ligue Arabe depuis 1981.
La stabilité régionale est fondamentale pour un règlement du conflit arabo-israélien. Le processus de paix dans la région, qui a déraillé depuis longtemps, doit être remis sur les rails avant qu'une nouvelle guerre n'éclate. Une initiative à la fois internationale et régionale, dans la lignée de la conférence de Madrid de 1991, est plus que jamais urgente.
Etant donné qu'Israël n'accordera pas à trois millions de Palestiniens la citoyenneté dans ce qui deviendrait de facto un état binational, il doit retirer ses forces armées des territoires arabes occupés et permettre aux Palestiniens d'exercer leur droit fondamental à l'autodétermination dans leur propre Etat. Il n'y a plus de place pour un nouveau processus par étapes du style d'Oslo.
Ceci nous amène au troisième point. Améliorer les canaux de communication avec Washington et l'Europe est de toute première urgence. Le sommet arabe devrait entamer un dialogue à haut niveau et permanent avec Washington sur les relations bilatérales, la "guerre contre le terrorisme", l'Irak et d'autres sujets importants relatifs à la sécurité régionale et aux relations à venir avec Israël.
Un tel ordre du jour peut sembler relever du rêve, du pipeau, lorsqu'on se remémore l'inaction qui a suivi les précédents sommets. Mais on ne saurait accepter aucun programme moins ambitieux. Tandis que le monde évolue, va de l'avant, les dirigeants arabes doivent produire une vision de la manière d'intégrer leurs peuples au processus inéluctable de globalisation, sans qu'ils y perdent leur identité culturelle.
La ferveur religieuse et les répressions sécuritaires sont les symptômes de la crise arabe actuelle et ces symptômes ne sauraient être confondus avec des mesures efficaces qui permettraient de la traiter. Si les Arabes sont incapables de s'unir afin de former une seule communauté humaine, qu'au moins ils aient le courage de s'unir autour d'un programme régional et du défi que représente l'ouverture d'un dialogue avec des Etats-Unis plus suspicieux que jamais.
                                   
12. La France accorde 7,14 M EUR aux Palestiniens au titre de la coopération
Dépêche de l'Agence France Presse du mercredi 6 février 2002
PARIS - La France a annoncé mercredi une aide de 7,14 millions d'euros aux Territoires palestiniens en 2002, dont plus d'un quart au secteur de l'éducation dans le cadre de sa coopération.
"Notre coopération, tous secteurs confondus, s'élevera à 7,14 millions d'euros, en augmentation par rapport à l'année dernière. En fonction de l'avancement des projets, ce financement pourra être réévalué", a indiqué le porte-parole du quai d'Orsay François Rivasseau.
Selon le porte-parole, "aux programmes de coopération classique (formation de cadres, bourses universitaires), se sont ajoutés cette année d'importants volets liés à l'éducation".
En effet, 2 M EUR iront à la "modernisation du secteur éducatif, du pré-élémentaire à l'université", a-t-il précisé.
Compte-tenu de la situation sur le terrain, la France a décidé de "renforcer cette coopération en l'axant aux secteurs-clés et bénéficiant le plus directement et le plus rapidement possible aux populations", notamment dans les secteurs du développement social et de la santé, a-t-il ajouté.
Quelque 2,25 millions d'euros devraient également être consacrés à la coopération institutionnelle et en "appui à la contruction de l'Etat" palestinien, selon le porte-parole.
"La France s'est également engagée à maintenir son aide à la construction d'un port palestinien", s'est pour sa part félicité le ministre palestinien de la Coopération internationale Nabil Chaath, en visite à Paris.
Début février, l'Union européenne a signifié au gouvernement israélien son "ferme rejet" des destructions de bâtiments et d'infrastructures palestiniennes financées par les Européens, parmi lesquelles l'aéroport et le port de Gaza. Les destructions des installations portuaires --auxquelles contribuent la France, les Pays-Bas et la Banque européenne d'investissement --ont été évaluées à 335.000 EUR.
                                   
13. J'accuse par Baruch Kimmerling
in Khol Ha'ir (hebdomadaire israélien) du vendredi 1er février 2002
[traduit d'une version anglaise par Giorgio Basile]
(Baruch Kimmerling, l'un des plus grands sociologues israéliens, il enseigne au département de sociologie et d'anthropologie de l'Université Hébraïque de Jérusalem.)
J'accuse Ariel Sharon de créer un processus par lequel non seulement il va intensifier le bain de sang réciproque, mais qui est susceptible d'entraîner une guerre régionale et une épuration ethnique partielle ou totale des Arabes dans la «Terre d'Israël».
J'accuse chaque ministre du Parti Travailliste de ce gouvernement de collaborer à la mise en œuvre de la «vision pour Israël» extrémiste, fasciste, de la droite.
J'accuse les dirigeants palestiniens, et en premier lieu Yasser Arafat, d'un manque de perspicacité si extrême qu'ils en sont devenus les collaborateurs des plans de Sharon. S'il devait y avoir une seconde Nakba (l'holocauste palestinien), ces dirigeants se trouveraient, eux aussi, parmi les causes de celle-ci.
J'accuse les chefs militaires, stimulés par les dirigeants nationaux, de dresser l'opinion publique contre les Palestiniens, sous le couvert d'un professionnalisme militaire supposé. Jamais auparavant en Israël autant de généraux en uniforme, d'anciens généraux, d'anciens membres des services de sécurité, parfois déguisés en «universitaires», n'ont pris part au lavage de cerveau de l'opinion publique. Lorsqu'une commission d'enquête judiciaire sera mise sur pied pour enquêter sur la catastrophe de 2002, eux aussi devront être mis en examen, aux côtés des criminels civils.
J'accuse les administrateurs des médias électroniques israéliens de donner aux divers porte-parole militaires les accès dont ils ont besoin pour une prise de contrôle agressive, belliqueuse et quasi complète du discours public. Les militaires ne contrôlent pas seulement Jénine et Ramallah, mais aussi la radio et la télévision israéliennes.
J'accuse ces gens, de toutes conditions, qui ordonnent de hisser le drapeau noir, et ceux qui suivent leurs ordres illégaux. Le regretté philosophe Yeshayahou Leibovitz avait raison - l'occupation a ruiné toute la part bonne et détruit l'infrastructure morale sur laquelle la société israélienne existe. Arrêtons cette marche vers la folie et reconstruisons à neuf une société débarrassée du militarisme, de l'oppression, de l'exploitation des autres, quand ce n'est pas pire.
J'accuse quiconque voit et sait toutes ces choses, de ne rien faire pour empêcher la catastrophe imminente. Les événements de Sabra et Chatila n'étaient rien comparés à ce qui s'est produit et ce qui est en train de nous arriver. Nous devons sortir et nous diriger non pas seulement vers les places de nos villes, mais aussi vers les check-points. Nous devons parler aux soldats dans leurs chars et leurs véhicules blindés - comme le firent les Russes à leurs soldats lorsqu'ils reçurent l'ordre de reprendre la Place Rouge - avant que l'invasion des villes palestiniennes ne se transforme en une guerre civile meurtrière.
Et je m'accuse moi-même qui, bien que sachant tout cela, hurle trop peu, et garde trop souvent le silence.