[traduit du russe par Marcel
Charbonnier]
L'image sans doute la plus effrayante que nous ayons vu sur nos écrans au
début de la guerre contre l'Irak n'était pas celle des victimes. Non, ce n'était
pas les bombardements... C'était la foule en liesse des traders américains, à la
bourse de New York. Chaque goutte de sang arabe se transformait, pour eux, en
dollars. Nous était donnée à voir l'exaltation de vampires assoiffés de sang
frais. Le 'Dow Jones', tonus vital fluctuant des gens amorphes, s'envolait. Les
actions et les dollars atteignaient des sommets, et avec eux les dettes du
tiers-monde et de l'Union soviétique. Les prix des armes américaines, qui
avaient fait la démonstration de leur puissance contre les civils de Bagdad,
s'envolaient. Les prix des armements soviétiques, de leur côté, chutaient
vertigineusement : après la défaite de l'Irak, seul un Landsbergis
pourrait être preneur, et encore...
La guerre d'Irak est une véritable
tragédie. Une tragédie, au premier chef, pour les Irakiens, qui, visiblement,
ont été décimés, chose pour laquelle une place est déjà réservée à George Bush
(père) en enfer, à côté d'autres scélérats patentés. C'est une tragédie pour le
Moyen-Orient et l'ensemble du tiers-monde, réduits pour encore dix ou vingt ans
à l'état de colonies américano-israéliennes. C'est une tragédie pour les
Américains honnêtes, qui n'ont pu qu'assister, impuissants, à la transformation
de leur peuple en une nation de vampires. Mais, pour l'Union soviétique, c'est
une triple tragédie : la guerre contre l'Irak a mis un terme à l'existence de
l'URSS en tant que grande puissance, elle lui a interdit toute possibilité de se
ressaisir, elle l'a placée dans le sillage de la politique américaine et, comme
l'ont montré les événements de Lituanie, elle l'a isolée comme jamais par le
passé, la laissant seule, sans amis véritables et sans associés. Ses nouveaux
"amis" ne sont à ses côtés qu'à la condition expresse qu'elle se range aux
consignes reçues de Washington.
La bataille du Koweït est un substitut de
troisième guerre mondiale. Actuellement, sur Bagdad pleuvent les bombes qui
avaient été préparées pour pleuvoir sur Moscou. Regan avait rêvé de ce jour,
lorsque, essayant les micros avant une interview dans un studio de radio à
Washington, il avait déclaré : "dans une demi-heure, nous commençons à bombarder
Moscou !" Ce n'est pas une demi-heure qui s'est écoulée, ce sont sept années...
et à la place de Moscou, il a été donné à son successeur Bush de déverser ses
bombes sur Bagdad. Tout s'est déroulé devant nos yeux, comme dans une pièce de
Tchekhov : à l'acte I, les fusils sont accrochés au râtelier. Au dernier acte :
ils tirent.
Tom Clancy, équivalent américain de Youlian Semenov et acteur
préféré de Reagan, a décrit dans un roman la troisième guerre mondiale.
L'intrigue est étrangement semblable à ce qui s'est passé dans le cas de l'Irak
: technique dernier cri, résolution affichée, avions "furtifs", tapis de bombes
de B-52, désunion dans le camp adverse... résultat des courses :
l'assujettissement de l'ennemi en jouant de ses dissensions internes.
Le
malheur, c'est que désormais personne n'arrêtera les Américains. Après ceux,
attendus, à l'encontre de Vilnius ou de Riga, voici en langage courant
l'ultimatum lancé à l'Union soviétique : "fous le camp, sinon..." L'armement
soviétique a perdu son potentiel dissuasif à la lumière de la guerre du Golfe et
l'Union soviétique, inévitablement, ne sera plus qu'un obstacle aisément écarté,
tôt ou tard, du chemin de l'Amérique vers la suprématie mondiale.
Rappelons
qu'Hitler avait lui aussi des raisons sérieuses d'attaquer la Russie : lui, il
avait libéré, non pas le Koweït, mais les Pays baltes et l'Ukraine des "mauvais
traitements des bolcheviques"... Lui, il avait défendu "l'Europe et le marché
libre". Autre similitude : l'URSS avait déjà été exclue de la Ligue des Nations
après son agression contre la Finlande... Si le führer n'avait pas attaqué la
France et l'Angleterre, s'en tenant à son agression contre la Russie, il aurait
sans doute reçu, lui aussi (comme aujourd'hui les Américains, ndt) mandat de
l'ONU de l'époque, la Ligue des Nations. Mais reste qu'en nous remémorant
Stalingrad, nous savons de quel côté penche notre coeur...
Inutile d'accuser
quiconque d'autre : l'Union soviétique est la seule responsable de la perte de
ses alliés, de ses revenus et de sa réputation. Aujourd'hui il est parfaitement
clair que, n'eût le représentant soviétique levé lamain, à l'ONU, le 29
novembre, pour voter la funeste résolution en faveur de la guerre, rien de tout
cela ne serait advenu : l'Amérique n'aurait jamais osé prendre le risque de
partir en guerre, le monde arabe verrait toujours en la Russie comme par le
passé son défenseur et son sauveur, et des centaines de milliers d'Irakiens
seraient encore en vie.
Le 29 novembre est un jour noir pour le Moyen-Orient.
C'est à deux reprise un 19 novembre que l'Amérique et Moscou ont conclu un pacte
contre les intérêts vitaux de notre région. (Ainsi, on dirait que la magie des
chiffres et la conjonction des planètes suggère l'existence d'un lien les
conflits palestinien et koweïtien, lien qui est aujourd'hui rejeté d'un revers
de la main par les pouvoirs suprêmes.)
La première fois, c'était le 29
novembre 1947, lorsque l'inventeur du Goulag et l'assassin d'Hiroshima
adoptèrent à l'ONU la résolution de partage de la Palestine. Il ne se passa pas
une année avant que trois quarts de million de paysans palestiniens perdent
leurs maisons, leur pays, leur lopin de terre, au nom de la mise en application
de cette résolution. Quatre cents villages furent rayés de la carte et des
communautés humaines entières furent réduites à la survie dans des camps de
réfugiés. Les conséquences furent tragiques pour les Juifs aussi : les
communautés ancestrales d'Irak disparurent avec toute leur culture, ainsi que
celles du Yémen, celles du Maghreb, et leurs membres furent considérés, selon
les mots-mêmes de Ben Gourion comme "poussière humaine", qui allait devenir...
matériau de construction bon marché pour le chantier sioniste !
Et le 29
novembre 1990, l'Amérique et Moscou se mirent à nouveau d'accord, toujours à
l'ONU, et déclarèrent légal l'assassinat de masse de centaines de milliers
d'êtres humains. Il ne s'agit de rien de moins que cela : les bombardements des
tous premiers jours de la guerre ont équivalu à deux 'Hiroshimas'. On avait
réservé à l'auguste Bagdad, ancestrale capitale du califat des Abbassides, le
sort de Minsk et de Dresde...
L'URSS a abandonné l'ensemble de sa politique, édifiée pierre à pierre au
cours de plusieurs décennies. Elle s'est dessaisie des fruits des efforts
infinis consentis par ses citoyens, rayant d'un trait de plume toutes ses
avancées au Moyen-Orient. Et tout cela : pourquoi ? Pour une aide (extérieure),
pour des colis humanitaires ? N'allez pas imaginer cela. Au nom de la solidarité
avec l'Occident ? Mais l'Occident, ce n'est pas seulement George Walker Bush,
Olivier Nort et Margaret Thatcher... L'Occident, c'est aussi la
social-démocratie européenne, les mouvements radicaux américains, les mouvements
de libération du Tiers-monde. Le fait que les progressistes occidentaux, tels
l'anglais Tony Benn, Daniel Ortega du Nicaragua, Gandhi, Willy Brandt, Niéréré,
Mandela, ou l'Américain Jesse Jackson, se soient unis dans la lutte pour la
défense de la paix dans la région du Golfe et pour exiger le retrait des troupes
américaines, ce fait ne doit rien au hasard.
Mais, en URSS, la quasi-totalité
des journaux se livrent à une âpre concurrence entre eux, à qui servira le mieux
les intérêts américains. Ils parlent d'agression odieuse, noircissent des
colonnes interminables pour comparer Saddam Husseïn à Hitler, traitent à
longueur de pages d'un Koweït démocratique et prospère, écrasé sous les
chenilles des tanks - soviétiques ! - de l'agresseur
irakien...
Précisons sans plus tarder que le Koweït n'était pas plus
démocratique que l'Irak. Un quart, seulement, de ses ressortissants, y
jouissaient de la pleine citoyenneté et bénéficiaient du partage des richesses.
Les droits élémentaires étaient déniés aux trois quarts restants, qui vivaient
dans une situation similaire à celle des couches paupérisées de Moscou. Pire :
le sous-prolétariat koweïtien était privé des choses les plus fondamentales et
élémentaires. Les autorités n'autorisaient pas leurs épouses à venir les y
rejoindre. (L'écrivain indien, prix Nobel de littérature) Naipaul, évoque cette
société insensée, dans laquelle des Pakistanais et des Yéménites ne peuvent
rêver, tout au plus, que d'une poupée gonflable...
Et voilà, à nouveau, le
lien avec la Palestine : la majorité des classes pauvres du Koweït est
constituée de réfugiés palestiniens. Eux non plus, bien que vivant au Koweït
depuis 1948, ainsi que leurs enfants et petits-enfants, n'étaient pas pleinement
citoyens du "Koweït démocratique". On voit donc qu'il s'agissait d'une
"démocratie" correspondant en tout point à la représentation que l'on se fait,
peut-être, de la démocratie en Estonie ou en Lituanie, mais, je le crains, nulle
part ailleurs... Quarante ans sans passeport et sans perspectives. Bien entendu,
être prolétaire au Koweït vaut mille fois mieux qu'être prolétaire dans les
territoires occupés, mais le clan des Al-Sabah au pouvoir ne méritait en rien la
loyauté des Palestiniens. Il faut bien dire que, sous Saddam, ces habitants
autrefois de seconde zone se sont vu accorder des droits égaux à ceux des autres
Koweïtiens. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les termes de la résolution
de l'ONU, évoquant le "gouvernement légitime du Koweït" sonnent tellement faux :
le Koweït n'avait pas de gouvernement légitime et il n'y avait pas dans ce pays
d'état de droit. La majorité de sa population n'y jouissait d'aucune forme de
droit que ce soit.
Le Koweït s'était constitué grâce au soutien britannique,
puis américain, en guise de puits de pétrole de secours (pour eux). Seuls des
journaux soviétiques 'éminemment soupçonnables' de sympathies avec Israël
pouvaient admirer ce pays, afin d'"équilibrer" quelque peu leur position : (pour
paraître crédible), il ne faut pas taper en permanence sur les seuls Arabes,
n'est-ce pas ? Ainsi, le jour même de l'invasion irakienne du Koweït,
l'hebdomadaire (satirique) Ogonëk avait consacré un long reportage aux charmes
et délices du Koweït, écrivant en conclusion: "Bien entendu, les Koweïtis ont
aussi leurs problèmes, mais, comme on dit :' ah, si seulement nous (les Russes)
pouvions avoir leurs soucis...'" ('petite phrase' que je considère, je dois le
reconnaître, comme la meilleure de l'année). Eh bien, le même hebdomadaire
publie dans son dernier numéro, publié (juste) avant le déclenchement de la
guerre (du Golfe), une "lettre d'enfants koweïtiens", particulièrement baveuse,
bien dans la tradition de l'époque stalinienne, lettre dans laquelle (on veut
nous faire croire que) les dits "enfants" se lament(erai)ent parce qu'on leur a
enlevé le portrait de leur leader bien-aimé, "Papy Chaykh Sabah", que l'on a
remplacé par un autre : celui de l'ogre Saddam...
Le soutien américain (au
Koweït) contre Saddam a joué le rôle d'un papier-tournesol qui a révélé la
division du monde - et l'éclatement de la société soviétique. Ce n'est pas par
hasard que même des soldats estoniens, "occupés" jusqu'alors à planter des
bornes-frontières dans la région de Pskof, se sont d'ores et déjà déclaré prêts
à se mobiliser sans délai afin d'aller aider l'Amérique à écraser l'insurrection
des immigrés du Koweït... Plus un journal ou une formation politique est à
droite (je ne peux me résoudre à employer cette terminologie orwellienne, selon
laquelle des anticommunistes, chauds partisans du 'capitalisme pur' et
adorateurs du dieu dollar devraient être qualifiés "de gauche", honneur que je
ne veux en aucun cas leur faire) plus elle s'empresse d'emboîter le pas aux
Américains. On ne pouvait s'attendre à moins de la part de la Literaturnaïa
Gazeta, qui avait publié en son temps une véritable philippique contre le
Nicaragua, ou de l'ultra-sioniste Novoe Vremia (Temps Nouveaux), qui avait
publié quant à lui une (célèbre) photographie montrant le mufti de Palestine en
compagnie d'un dirigeant nazi (en compagnie duquel, précisons-le, avaient été
également photographiés les premiers ministres anglais et français...) (Mais ces
clichés sont beaucoup moins répandus, ndt). Il est par contre extrêmement
regrettable que même la "Pravda" ait commis des écrits du même acabit, publiant
notamment les articles larmoyants d'une Ioula Drunina, dans lesquels elle ose
comparer les fugitifs du Koweït - titulaires de dépôts bancaires en millions de
dollars dans les banques occidentales - avec les réfugiés palestiniens,
indigents et hyper-exploités...
On eût souhaité que la "Pravda" (la "Vérité"
: importance des guillemets ! Ndt) - ainsi que, d'une manière générale, le parti
communiste soviétique - se fussent souvenu des paroles de l'Evangile : "Vous
êtes le sel de la terre. Si (même) le sel devient fade, il ne servira plus à
rien à personne et on le jettera sous les pieds des passants." (Mathieu, 5,13).
Si la Pravda ne prend pas, en toute logique, des positions de gauche, alors à
quoi - et à qui - peut-elle encore bien servir ?
De plus, même si nous
faisions abstraction, pour un bref instant, de l'idéologie et de la conscience,
l'Union Soviétique n'avait aucune raison de s'en faire pour les intérêts
américains dans le Golfe persique. L'Amérique est partie en guerre dans le Golfe
en raison de considérations intéressées qui lui sont propres, et il ne
s'agissait pas seulement du pétrole. Avec la disparition de l'"ennemi
soviétique", le complexe militaro-industriel américain se trouvait dans une
situation difficile : on aurait pu décréter qu'on n'avait plus besoin de lui...
On pouvait (légitimement) s'attendre à une réduction des dépenses pour la
défense et en être réduit, aux Etats-Unis, comme c'était le cas en URSS, à
transformer les tanks en tracteurs agricoles... C'est la raison pour laquelle
les militaires américains ont déclenché une campagne hystérique afin de se créer
un nouvel ennemi sur commande, dans le Golfe persique. Ils y ont, ma foi, assez
bien réussi : ils ont obtenu l'assistance financière du Japon et de l'Allemagne,
des contrats de ventes d'armes à l'Arabie Saoudite et aux Emirats arabes unis...
Mais, pour autant, tout le monde n'aspirait pas à la guerre, aux Etats-Unis,
loin s'en faut : les forces de gauche s'opposaient à ce que le sang soit versé
pour du pétrole, et pas seulement les forces de gauche, d'ailleurs. Et là
encore, on trouve un lien avec la Palestine. En effet, jusqu'à l'invasion du
Koweït (par l'Irak), le Ministère américain des affaires étrangères (Secrétariat
d'Etat) n'avait pas une position très précise en ce qui concerne la défense du
Koweït, mais bien plutôt le contraire : la plupart des déclarations du
Secrétaire d'Etat et des dirigeants ministériels donnaient à entendre que les
Etats-Unis n'interviendraient pas... Quelque chose a donc changé. Quoi ? Tout
simplement : Israël, puissant facteur de la politique intérieure américaine (et
soviétique), a décidé que le moment idéal était venu d'en finir avec l'Irak, par
procuration...
Le commentateur notoirement de droite Patrick Buchanan (qui écrivait
autrefois les discours du président Reagan) ne nous révèle aucunement un secret,
lorsqu'il écrit dans sa tribune publiée dans "Pamyat" que seul le lobby
israélien et les sionistes américains veulent la guerre au Moyen-Orient. Pour
ceux-ci, l'invasion du Koweït n'est qu'un prétexte pour se débarrasser - par
procuration, les Américains s'en chargeant - d'un adversaire dangereux. Et en
effet, des sionistes connus, comme Rosenthal, ancien rédacteur en chef du New
York Times et Foxman, directeur de la Ligue anti-diffamation (l'organisation
maçonnique et sioniste Bnei Brit), se prononcent en faveur de la guerre, tout en
taxant Buchanan d' "antisémitisme" (Newsweek, 01.10.1990, p. 39). Pour Israël,
l'anéantissement de l'Irak est un objectif primordial, étant donné que ce
dernier représente le seul pays puissant et riche au Moyen-Orient à ne pas
s'être placé dans le sillage de la politique américano-israélienne. C'est
pourquoi, les jours suivants, se sont multipliés les propos (y compris dans la
presse soviétique) selon lesquels chasser les armées irakiennes du Koweït ne
suffisait pas : il fallait encore totalement désarmer l'Irak. En Amérique, il
existe des gens qui s'élèvent contre la soumission de la politique américaine
aux diktats israéliens, notamment Gore Vidal. Mais en URSS, de telles voix sont
pratiquement inaudibles...
C'est pourquoi Israël et son lobby aux Etats-Unis
font, en permanence, tout leur possible afin de faire capoter toutes les
tentatives de négociation. A peine le communiqué conjoint soviéto-américain
consécutif à la visite du nouveau ministre des Affaires étrangères soviétique,
M. Besmertnikh, à Washington, eût-il fait une simple allusion à la possibilité
de trouver un règlement à la question palestinienne, que les hauts-cris
s'élevèrent, à Jérusalem. Et le président Bush fit très rapidement bande à part,
"précisant la position des Etats-Unis" : a) aucun règlement du problème du
Moyen-Orient - b) le diktat américano-israélien - c) rien que le diktat
américano-israélien...
Dès les premiers bombardements américains, l'objectif
de la guerre était évident (l'objectif premier, s'entend) : l'anéantissement de
l'Irak. Mais l'objectif supérieur que les Etats-Unis convoitaient, c'était
l'hégémonie mondiale.
Les Américains nourrissaient cette ambition déjà avant
la guerre du Golfe. Mais il y avait encore un trou dans l'Oekoumène
(internationale) : la sphère d'influence de l'Union soviétique et du camp
socialiste. Désormais, ce trou est en train de se réduire, et la bannière
étoilée flotte sur la planète entière...
Inutile de nous opposer le caractère
inadmissible de l'agression irakienne : la non moins brutale agression
américaine contre Panama, quelques mois seulement auparavant, n'avait entraîné
la prise d'aucune sorte de sanctions contre Washington, ni l'imposition d'un
blocus contre l'Amérique, ni même le déversement d'un torrent d'articles
courroucés dans les journaux soviétiques... Autre exemple, encore plus
significatif : l'agression de l'Indonésie contre le minuscule Timor. Timor avait
obtenu l'indépendance après la révolution ("des oeillets") au Portugal. Des
forces de gauche y avaient pris le pouvoir. A la suite de quoi, ce pays fut
occupé par l'Indonésie, pro-américaine et anticommuniste, sous prétexte d'un
contentieux remontant non pas à soixante ans - comme dans le cas de l'Irak et du
Koweït - mais à quatre siècles en arrière. Les Indonésiens exterminèrent la
moitié de la population de Timor, puis ils entassèrent les rescapés du massacre
dans des camps de concentration, installant à leur place, dans leurs villages,
des Javanais...
La question de Timor a été soulevée régulièrement à l'ONU,
depuis quinze ans, mais personne ne parle d'imposer un quelconque embargo à
l'Indonésie...
Peut-on parler (à propos de l'Irak au Koweït) d'occupation
inadmissible, alors que la Palestine, le Sud Liban et le Golan sont occupés
depuis tant d'années grâce à l'armement américain ? Pourtant, l'Amérique a
rejeté la proposition irakienne liant le retrait de ses forces armées du Koweït
à la libération de la Palestine, et on peut le déplorer. Je me souviens combien
nous nous étions - doublement - réjouis à l'annonce de l'échange de Vladimir
Bukovski contre Luis Corvalan. De tels échanges de victimes-otages sont
tout-à-fait remarquables. Dans le cas qui nous occupe, le lien était évident :
l'Union soviétique aurait dû, en toute logique, soutenir l'idée de ce lien
(entre le retrait de l'Irak du Koweït et le retrait de l'armée israélienne des
territoires occupés, ndt).
Venons-en aux otages. A en juger à la lecture de
la presse soviétique, la majorité des citoyens soviétiques résidant en Irak ne
voulaient absolument pas quitter ce pays. Quant au fait de placer des citoyens
américains et britanniques dans des lieux stratégiques irakiens, on peut dire
qu'il s'agissait d'une mesure de bon sens : les Américains et les Anglais ont
une fâcheuse propension raciste à bombarder les "moins que rien" : on a pu le
constater à de multiples reprises, à commencer par Hiroshima, pour finir à
Tripoli de Libye, en passant par Hanoï. Sans ces otages, les Américains auraient
envoyé des milliers d'Irakiens rejoindre les houris au Paradis. "Un homme a
autant de valeur que le monde entier", nous ont enseigné nos sages anciens
: chaque homme, tous les hommes - et non pas chaque Américain : même les
"bougnoules"...
Et c'est pourquoi je suis heureux que les corps blancs
('normaux' Ndt...) d'Américains aient protégé (ne fût-ce que jusqu'à Noël) les
Irakiens de bombardements dévastateurs et sanguinaires. J'aurais été encore plus
satisfait, si les corps à la peau blanche de délinquants de guerre américains -
pour ne pas les qualifier de criminels de guerre - qui ont exterminé des
populations pacifiques depuis une altitude de trente mille pieds - avaient
protégé ne serait-ce que quelques Irakiens supplémentaires, une fois cette
guerre sans issue déclenchée.
A l'évidence, Saddam Husseïn n'est pas
quelqu'un de recommandable. Mais Allende ou Bhutto étaient des gens tout-à-fait
comme il faut, ce qui ne les a nullement mis à l'abri des tueurs de la CIA.
Rappelons-nous les propos de Kennedy au sujet des services américains : "Ce sont
des fils de pute, mais ce sont NOS fils de pute". Mais il semble que la Russie
ait une fâcheuse tendance à oublier cette maxime.
Alors, allez-vous me
demander, pourquoi donc est-ce que je "soutiens" l'Irak ? En 1968, j'ai écrit
"Bas les pattes de Tchécoslovaquie" sur les murs de ma ville natale, en Union
soviétique. En 1973, j'ai été pris sous le feu d'une batterie irakienne, à
trente kilomètres de Damas. Je n'ai donc aucune raison personnelle d'être pour
l'agression militaire en général ou de soutenir l'Irak, en particulier. Mais
l'Irak est la première puissance indépendante au Moyen-Orient, depuis l'époque
de Saladin. Notre région a été trop longtemps et trop mal administrée de
l'extérieur : d'abord, les Turcs ; puis les Anglais et les Français ; et,
maintenant : la toile d'araignée du néocolonialisme tissée par l'Amérique et ses
vassaux... Bien sûr, Saddam Husseïn, c'est fort possible, n'est pas un homme
bon. Mais, d'évidence, Ivan Kalita et Staline n'étaient pas des anges, non plus,
à l'époque de la Seconde guerre mondiale. Le Moyen-Orient a besoin d'un
"fédérateur", susceptible, avec le temps, de résister au néocolonialisme. Mais
le partage des territoires, que nous connaissons, au Moyen-Orient, qui a abouti
à ce que le pétrole et les richesses demeurent entre les mains d'une bande de
chaïkhs corrompus, ne profite qu'au seul néocolonialisme.
Il y a une
deuxième raison : la fin de la structure alternative, socialiste, du monde. Nous
entrons dans l'ère de l'hégémonie américaine unilatérale et monolithique. Pour
sûr, après l'Irak viendra le tour de Cuba, et, j'en ai peur, dans deux ou trois
ans, même Moscou risque de ne pas échapper au sort de Bagdad.
Il y a, enfin,
une troisième raison, israélo-israélienne. L'Irak est indispensable au
Moyen-Orient, ne serait-ce qu'en raison de la banqueroute des "colombes"
israéliens et de l'effondrement de toutes les initiatives de paix en Palestine.
Actuellement, des commentateurs pro-israéliens (tel Avneri, dans la revue
ouvertement sioniste "Novoe Vremia") répètent souvent que les efforts de
règlement ont échoué par la faute de Saddam. J'ai le regret de leur dire que
c'est un gros mensonge.
Il n'y a eu aucun effort de règlement, et il ne
pouvait y en avoir : Israël est en position de force, et il est bien résolu à ne
rien lâcher du tout. Le gouvernement d'Yitzhak Shamir a littéralement torpillé
toutes les initiatives de paix. Les discours à leur sujet ont pu fonctionner,
durant un certain temps, un peu à la manière d'une poignée de foin que l'on
aurait attachée aux brancards de la charrette, hors de portée des dents de l'âne
qui la tire. Mais l'âne assez stupide pour tirer la charrette à la seule vue du
foin, perpétuellement, n'est pas encore né...
- Le prix de la retenue
A peine la fumée opaque des puits de pétrole en flammes s'était-elle
dissipée au-dessus de l'Irak que se dessinaient les contours de l'un des
principaux vainqueurs de la guerre : Israël. On peut discuter des mérites et des
défauts d'Israël, mais il n'en reste pas moins certain que ce pays est
insurpassable dans l'art de se faire de l'auto-publicité (et même de la vendre),
auto-promotion que l'on nomme "relations publiques" en Occident. Chaque jour qui
passe, ce sont des milliers de tonnes de bombes qui se déversent sur l'Irak et
le bilan des victimes arabes dépasse vraisemblablement la centaine de milliers :
tout cela, pour les beaux yeux d'Israël. Et pendant ce temps-là, avec une belle
unanimité, l'Occident lui tresse des couronnes de fleurs ... pour sa
"retenue".
Il est de fait qu'Israël n'a pas lancé ses avions de chasse, ni
ses bombardiers, contre l'Irak... Mais pour une raison bien simple : ses amis
font ce travail pour lui. Si vous envoyez un tueur à gage occire votre ennemi,
et que vous réprimez votre simple envie de coller un marron à celui-ci, vous en
remettant les yeux fermés au surin et au professionnalisme de votre "employé",
il est peu probable que le tribunal du coin vous décernera une médaille pour
votre "retenue" et la "grande maîtrise" que vous avez de vous-même...
C'est
pourtant exactement cette "logique" qui préside à la presse pro-américaine, tant
occidentale que soviétique.
"Malekhet tsadikim naaset be-yadeï 'akherim",
énonce le verset talmudique, c'est à dire : "l'action des Justes est accomplie
par d'autres mains". Suivant cet adage, Israël est un "Juste" à cent pour cent,
puisqu'aussi bien sa "tâche", consistant à anéantir son ennemi le plus menaçant,
est menée à bien par la docile Amérique et ses vassaux...
Le gouvernement
israélien le comprend parfaitement bien - dès que pointe à l'horizon le moindre
danger d'un accord, au Moyen-Orient, il s'emploie à le torpiller, avec
l'assistance de ses agents en Amérique - et désormais, aussi, en Union
soviétique. C'est ce qui s'est produit après les conversations entre Besmertnikh
et Baker, conversations au cours desquelles se fit entendre une voix (certes
hésitante) plaidant en faveur de l'indispensable règlement du problème
palestinien : le premier ministre israélien, Yitzhak Shamir, désapprouva
immédiatement cette déclaration et le président Bush s'empressa de désavouer les
deux ministres des Affaires étrangères, déclarant que rien n'avait changé dans
la politique des Etats-Unis au Moyen-Orient... Le nouveau ministre soviétique,
Besmertnikh, ne réagit même pas à ce véritable camouflet.
C'est pour la même
raison que le plan de paix soviétique avait été rejeté : l'Amérique ne pouvait
l'adopter sans avoir reçu le "nihil obstat" de Tel-Aviv, mais on sait qu'Israël
ne fait jamais de concessions, tant qu'il se trouve en position de force. Quant
à l'unique puissance arabe qui aurait pu lui faire contre-poids, elle venait
d'être anéantie par les bombes américaines avec la connivence d'Edouard
Chévardnadzé. La ligne de Chévardnadzé, consistant en une politique de
soumission totale aux desiderata de Washington et de Tel-Aviv, est toujours en
vigueur aujourd'hui : d'après les informations d'une radio occidentale, le
second de Gorbatchev, Grigorjev, a déclaré que l'instauration d'un monde stable
exigeait que l'Irak soit complètement désarmé...
L'Amérique de George Bush
avait des motifs supplémentaires de repousser le plan soviétique. "Ils battent
le chat, et accusent la bru", dit le proverbe. La grande ville de Basra
complètement dévastée, voilà qui était un sacré coup sur les doigts de Moscou,
et aussi de tous les autres pays, de telle sorte que, pour la première fois
depuis l'empire carolingien, il n'y a qu'un seul maître à bord, qui ne se
contente pas d'imposer ses diktats seulement à la Grenade et au Panama. Je pense
que le prochain ultimatum américain (contre Cuba ? le Yémen ? Moscou, au motif
de la Lituanie ?) verra sa victime ne pas s'en sortir à si bon compte que
Saddam, et de très loin.
Dans le monde "nouveau", construit conformément aux
plans américains, il ne peut y avoir qu'un seul patron. C'est justement la
raison pour laquelle Bush n'a pu se résoudre à accorder à Gorbatchev ne
serait-ce qu'une modeste victoire diplomatique : la place de l'Union soviétique,
dans la Pax Americana, est celle d'un paria éperdu de gratitude pour son maître
qui lui donne ses vieilles boîtes de conserves, et non pas celle d'un
participant à part entière aux conversations diplomatiques au niveau mondial.
Un commentateur écrit (le 26 février 1991) dans la Komsomolskaïa Pravda
qu'"en effectuant des attaques massives par bombardements aériens et missiles
sur le territoire de l'Irak, Washington a porté des coups également aux forces
démocratiques de notre pays. En effet, la voie suivie par Chéverdnadzé, en
étroite collaboration avec les Américains, s'était gagné la faveur des
"démocrates" (russes). Mais aujourd'hui, les "conservateurs" disposent d'un
nouveau motif, s'il en était besoin, de critiquer la politique de Chéverdnadzé
et, d'une manière générale, les "forces démocratiques"".
Cette conclusion est
plausible, mais elle n'est insuffisamment réfléchie : les bombes et les missiles
ont simplement démontré ce qui était déjà évident pour les "conservateurs", mais
que les honnêtes "démocrates" se refusaient à admettre : la position de la
Sovietskaïa Rossija s'avéra, pour ainsi dire, plus adéquate et réaliste que
celle de la "Komsomolskaïa Pravda".
Pendant ce temps-là, en Israël se
produisaient des changements véritablement lugubres : un général à la retraite
fut nommé au gouvernement : un certain Ze'evi, en comparaison duquel Ostachvili
semble un libéral-démocrate mou. C'est Ezer Weïssman qui lui a facilité la
tâche, lui qui était, il n'y a pas si longtemps à Moscou, en qualité de membre
honoraire de l'Académie des Sciences, lui qui résidait à l'hôtel du Comité
central du PC de l'Union soviétique, l'"Oktiabraskaïa", lui, enfin, que la
presse pro-occidentale faisait passer pour un grand libéral et un grand
démocrate...
Ze'evi s'est présenté aux élections, et il a été élu, avec un
slogan tout simple : "Expulsons tous les Palestiniens !" Chez nous, en Israël,
les chemins de fer sont peu développés. C'est pourquoi Ze'evi et ses amis ne
rêvent pas à des convois de wagons, mais à des camions, pour transporter les
habitants originels des territoires occupés de Palestine vers l'exil, au-delà du
Jourdain. Des Palestiniens sont assassinés tous les jours, et déjà, les geôles
et les camps de concentrations étant bondés, c'est toute la Palestine qui est
transformée en une grande zone d'occupation : il n'est permis de sortir de chez
soi que deux heures, une fois tous les deux jours. Un pas de côté est considéré
comme une tentative d'évasion et les patrouilles ouvrent le feu sans
sommations.
Il est intéressant de relever qu'aucun piaillement de
protestation ne s'est élevé des cercles luttant contre Ostachvili et le parti
"Pamyat", bien que de nombreux partisans d'"Aprijel" (Avril) se rendent
régulièrement en Israël et s'en fassent les propagandistes. Malheureusement, car
la voix de la communauté juive et de l'intelligentsia libérale aurait pu jouer
un rôle positif dans le débat interne à Israël. Mais ils sont trop occupés par
leur lutte contre des hooligans à moitié fous pour apporter une quelconque
attention aux véritables auteurs de pogroms qui opèrent en Israël.
Des
commentaires intéressants de A. Vassiliev ont paru dans la "Komsomolskaïa" : ils
décrivent de quelle manière a été prise la décision cruciale de soutenir
l'Amérique dans le conflit du Koweït : cela s'est passé au cours d'une réunion à
huis clos de hauts fonctionnaires du Ministère soviétique des Affaires
étrangères, réunion à laquelle n'assistèrent que des membres du cabinet de
Chéverdnadzé. Combien la Russie a encore peu évolué, depuis cette année 1979 de
triste mémoire, où fut prise la résolution d'envoyer des forces armées
soviétiques en Afghanistan... : à cette époque-là, seul un cercle étroit de
personnalités décidaient. Mais le changement s'est fait dans le sens du pire :
cette fois, les décisions ne furent même pas prises au plus haut niveau de la
hiérarchie de l'Etat ! En cas de règlement de comptes avec la Géorgie, la Russie
pourra exiger des compensations pour les pertes que lui a causées non seulement
Yossif Djugachvili (Joseph Staline), mais aussi Edouard Chéverdnadzé ! Au
demeurant, en attendant (ce jour là), le ministre des Affaires étrangères depuis
longtemps à la retraite aura certainement fondé son propre ministère parallèle,
l'Association de politique intérieure, soutenue par les banques, Aéroflot,
Intourist, et à laquelle un palais consulaire aura été offert avec
empressement.
Il est bien difficile de prédire l'avenir du Proche-Orient.
Mais certaines conséquences possibles de la victoire israélienne sont déjà
patentes. Les expulsions de Palestiniens vont se multiplier : il faut absolument
les chasser, pour faire de la place aux immigrants venus d'Union soviétique.
L'influence de l'Union soviétique dans notre région sera réduite à sa plus
simple expression. L'Irak sera affaibli et partagé entre sphères d'influence :
la Turquie s'arrogeant Mossoul, les Américains occupant Basra. D'ici deux ou
trois ans, Israël bombardera la Syrie, si celle-ci persiste à soutenir les
Palestiniens. (En participant à la "coalition" derrière les Etats-Unis, ndt) le
rusé Hafez elAsad, à l'évidence, s'est joué un bon tour à lui-même... En Egypte,
le gouvernement pro-américain de Moubarak sera renversé et les religieux
fondamentalistes s'empareront du pouvoir. Les forces américaines stationneront
dans la région du Golfe et prendront une part active à la répression des
révolutions éclatant dans les monarchies pétrolières. Au Yémen, la guerre civile
se rallumera, alimentée par les fonds saoudiens. Avant dix ans éclatera une
nouvelle guerre israélo-arabe.
On peut imaginer les conséquences, aussi, pour
d'autres régions : d'ici deux ans, les Américains peuvent s'emparer de Cuba et
les forces de l'OTAN entrer en Pologne, en Tchécoslovaquie et peut-être même
dans les pays baltes. Dans l'arène soviétique, les agents américains peuvent
parvenir à créer rapidement une division entre les populations musulmanes et
européennes de l'Union. Ainsi les idéologues sionistes verraient encore un de
leurs rêves se concrétiser : entraîner la Russie dans une guerre contre l'islam,
dans le plus grand intérêt de l'Etat hébreu. Mikhaïl Agourski, bien connu des
lecteurs soviétiques, a écrit un article sur ce thème dans le quotidien
israélien Jerusalem Post.
Aux forfaitures les plus manifestes et les plus
sanglantes du sionisme, ces dernières années, vient s'en ajouter une nouvelle :
une campagne anti-musulmane enragée, d'un racisme incroyable, au tout premier
chef en Amérique, mais aussi dans le reste du monde. Le sentiment anti-musulman,
profondément enfoui dans le monde occidental depuis la bataille de Lépante, a
été réanimé par les idéologues sionistes. C'est ainsi que Léon Uris, auteur du
roman de propagande Exodus, dans lequel les Arabes sont représentés sous les
traits de lâches assoiffés de sang et rêvant de violer des femmes juives
européennes, a écrit, "pour les besoins de la cause", un autre roman, "Hajj",
encore plus ignoble, et qu'on ne peut comparer qu'avec les écrits du journal
hitlérien "Chturmer" (sauf que dans le cas d'espèce, la charge est dirigée
contre les Arabes, et non contre les Juifs, bien évidemment). Il n'est
pratiquement pas un livre, ni un film, produits de nos jours avec la
participation des sionistes, qui ne contienne un message raciste, antimusulman
et antiarabe. Actuellement, cette propagande est sur le point de pénétrer
jusqu'en Union soviétique.
Cela atteint le plus haut comique : dans l'un des
derniers films de James Bond sortis à Moscou, "Ne parle jamais", on peut voir
une bande d'Arabes sauvages, cupides, d'une laideur monstrueuse et...
trafiquants d'héroïne. Si un producteur arabe avait représenté des Juifs de la
sorte, son film aurait été certainement boycotté, et il n'aurait même pas pu
être projeté. Mais le producteur sioniste n'a pas reculé devant cette caricature
d'Arabe et la presse, docile, "n'a pas été spécialement frappée" par le racisme
véhiculé par ce film, qui a été projeté partout dans le monde "blanc", y
renforçant les pires stéréotypes racistes.
Pour qui connaît les relations
étroites et multiséculaires entres les Juifs et le monde musulman, il y a là
chose bien pire qu'une déformation funeste de la réalité : de
l'ingratitude.
Aujourd'hui, les décennies de propagande sioniste anti-arabe
portent leurs fruits : grâce à elles, il est plus facile pour Bush de tuer des
centaines de milliers d'Irakiens.
En ce qui concerne l'URSS, l'objectif de
cette propagande est de semer la haine entre les musulmans et les orthodoxes,
afin de mieux miner la puissance du pays. Il faut se souvenir, à ce sujet, des
propos remarquables rapportés par L. N. Gumiljev dans la revue Drujba Narodof
(Amitiés internationales), avant 1990. Il les avait entendus au cours de quelque
"table ronde" fastidieuse. Ces propos, au milieu des idées rebattues et des
raisonnements laborieux des auteurs habituellement cités dans cette publication,
rayonnaient d'invraisemblance et d'autosuggestion. D'après ce Gumiljev, donc,
des nomades asiates seraient arrivés à Paris et à Berlin avec l'armée russe et
leur sang aurait donné aux Russes de la bravoure et de l'intrépidité. Il en
découlait qu'une union avec ces Asiates, basée sur le respect et l'amitié
réciproque, et non sur l'assimilation et l'absorption était tout aussi
nécessaire à l'avenir...
Mais il n'en reste pas moins que les Juifs russes
s'entendent très bien avec les orthodoxes et les musulmans : les communautés
juives de Moscou et de Boukhara en sont la confirmation. Cette amitié est
tout-à-fait dans l'intérêt des Juifs. Seulement voilà : elle contredit
carrément, à l'évidence, les plans des sionistes, tels que Mikhaïl Agurskij les
expose franchement.
Mais ce n'est pas là le seul argument : les intérêts
véritables des Juifs (y compris des Juifs israéliens) et ceux des sionistes
s'opposent absolument en tous points.
- Les Juifs russes et la guerre du Golfe
L'une des premières victimes de la guerre contre l'Irak, en Israël, fut un
vieux juif soviétique du nom de Moldavanskij, sauf erreur de ma part. Il est
mort, en fait, d'un infarctus causé par la déflagration d'un missile irakien à
Tel Aviv, et non d'une atteinte directe. On peut penser qu'il n'est pas le
seul ex-citoyen soviétique à avoir perdu la vie au cours de ce conflit, qui a
certes commencé comme une guerre pour la libération du Koweït, mais qui s'est
rapidement mué en cinquième guerre israélo-arabe. Bien entendu, c'est triste,
pour Moldavanskij et les autres, tombés sous les coups des "Scuds" irakien : ces
gens étaient totalement innocents.
Mais la question n'est pas de savoir si
c'est regrettable ou non. Il s'agit de savoir qui est responsable. Les
responsables, au premier chef, c'est le gouvernement israélien, et ensuite le
mouvement sioniste et ses alliés. Le gouvernement Shamir est le gouvernement le
plus à droite, le plus réactionnaire de toute l'histoire d'Israël. Il a fait
absolument tout ce qui était en son pouvoir afin de torpiller tous les efforts
de règlement au Moyen-Orient et afin de provoquer l'effrayante guerre actuelle.
Il est clair qu'il est le seul vainqueur dans ce conflit. Israël ne pouvait pas
venir à bout de l'Irak à lui tout seul, et c'est l'Amérique, aux ordres du lobby
sioniste, qui tire pour lui les marrons du feu. Une place est d'ores et déjà
réservée à George Bush, en enfer, pour les massacres de masse commis en son nom
actuellement dans le malheureux pays qu'est l'Irak, mais ceux qui l'ont poussé à
agir ainsi, à Tel Aviv et à Washington, devront payer un strapontin à ses
côtés.
Les missiles sur Tel Aviv sont un coup porté contre le véritable
fauteur de la guerre dans le Golfe. Mais, de plus, Israël est responsable de
l'interminable massacre qu'il commet dans les territoires occupés, au Liban et
en Tunisie - partout où vivent et meurent les Palestiniens. Les guerres, au
Proche-Orient, se produisent une fois tous les dix ans, c'est-à-dire chaque fois
qu'une nouvelle promotion de soldats est formée. La guerre actuelle n'est pas la
première et elle ne sera pas la dernière. La raison commune à tous ces conflits
est le refus d'Israël de permettre aux Palestiniens de vivre en paix. Cette
raison ne disparaîtra pas comme par enchantement dans les années à venir et cela
signifie que la prochaine guerre sera, une fois encore, inévitable.
Les
citoyens soviétiques qui ont émigré en Israël savaient cela parfaitement. La
Russie aussi, si l'on veut, peut être tenue pour responsable de l'agression
contre Saddam Husseïn, car le plus grand facteur de déstabilisation du
Moyen-Orient est lié à (la politique de) l'Union soviétique : il s'agit du
transfert massif de populations soviétiques en Israël, commencé il y a un an. Ce
transfert a enfoncé le dernier clou dans le cercueil des initiatives de paix. Ni
Yitzhak Shamir, ni Shimon Pérès ne peuvent faire une quelconque concession aux
Palestiniens dans ce contexte de fuite massive des ressources humaines de la
Russie. Cette immigration a soulevé chez les Arabes un très fort sentiment
d'incertitude, de déception et d'abattement et elle a conduit, entre autres
choses, à l'occupation du Koweït.
Le gouvernement soviétique a défendu cette
émigration massive en faisant référence aux droits de l'homme. Mais un citoyen
soviétique de Kiev ou de Moscou a-t-il plus de droits sur les terres du village
de Lift, que n'en a un Palestinien originaire de ce même village ? Voyez-vous,
ces gens n'atterrissent pas dans le vide, mais dans les ruines de villages
palestiniens (détruits). Bien entendu, il n'a jamais été question d'un droit
général de sortie : le citoyen soviétique ne peut aller nulle part à l'étranger,
sauf... en Israël. Il est miraculeux, dans de telles conditions, qu'au moins dix
millions de citoyens soviétiques ne soient pas d'ores et déjà venus s'installer
chez nous...
Disons-le sans équivoque : les Juifs, parmi tous les immigrants
qui viennent chez nous, sont la minorité. Un solide gaillard de Zaporojé,
ukrainien à cent pour cent, est venu me trouver et m'a confié son projet
d'immigrer en Israël : "on ne nous autorise à aller nulle part ailleurs,
alors..." On m'a raconté les différentes filières permettant de se procurer des
documents certifiant que vous êtes juif. J'ai connu des familles russes
particulièrement étendues, pour lesquelles une belle-mère juive tenait lieu, en
quelque sorte, de locomotive !
Je citerai à titre d'exemple de cette
propagande effrénée à l'usage de l'étranger un extrait d'article de presse :
"Et, bien entendu, en Occident, vous trouverez un niveau de vie est
incomparablement plus élevé... Pouvons-nous (nous=les Russes, ndt) seulement
imaginer, par exemple, les lunchs gratuits offerts quotidiennement, où sont
présentés toute l'année durant des fraises fraîches, des salades de légumes et
de fruits du jour ?" (Literaturnaïa Gazeta, 28.11.1990) ainsi que l'absence
totale d'informations objectives, en raison de la censure qui s'exerce sur ce
qui se passe en réalité en Israël. Seul un personnage aussi peu recommandable
que Saddam Husseïn était de taille à prévenir une avalanche encore plus massive
de citoyens soviétiques ; et c'est ce qu'il a effectivement fait. Au cours des
trois premières semaines de la nouvelle année, l'émigration en Israël a chuté
jusqu'à 25 % seulement du niveau atteint avant le déclenchement de la guerre du
Golfe. Il est vrai que ceux qui quittent la Russie ne se heurtent pas à une
quelconque réprobation morale : on les "comprend". Mais nous parlons, en
l'occurrence, de la participation directe de citoyens soviétiques à l'agression,
et ceux-ci endossent la responsabilité de l'agression menée contre le peuple
palestinien. Au demeurant, la société envisage avec indifférence même
l'émigration dans les territoires occupés, bien que les immigrants potentiels
comprennent très clairement que, si on les appelle, c'est afin d'évincer une
autre population.
Quelques mois avant le déclenchement de la guerre, j'avais
écrit : "Je connais beaucoup de gens qui partent, et je les plains sincèrement.
Ce sont des gens honnêtes et en Israël ils seront appréciés de tous. Mais ils y
joueront un rôle terrifiant, et je redoute qu'ils ne soient promis à un sort
funeste. On aimerait les dissuader, mais comment ? Il n'y a pratiquement pas une
publication soviétique de quelque importance qui soit prête à écrire ne
serait-ce qu'un article objectif sur cette question." C'est effectivement ce qui
s'est produit : il s'est avéré impossible de publier ces lignes dans une
publication soviétique de grande diffusion. Elles furent considérées
"antisémites" et "odieuses"... C'est pourquoi aucun appel mettant sans ambigüité
en garde les candidats à l'émigration n'a trouvé d'écho dans la presse
soviétique.
J'ajoute qu'il n'y a rien de préoccupant à ce qu'un soviétique ou
un autre, qu'il soit russe, juif ou kazakhe, tombe amoureux des pierres de la
Terre Sainte et se rende en Israël/Palestine pour y vivre : ce n'est pas d'hier
que des gens sont venus nous y rejoindre. Mais la réinstallation de populations
entières, voilà qui est une tout autre question.
En ce qui concerne la
responsabilité du mouvement sioniste, je pense au premier chef au mythe
incroyablement amplifié autour du mouvement "Pamyat". Quelques mois seulement
après mon arrivée en URSS, j'ai écrit dans un journal étranger (il était en
effet impossible de publier de telles choses en URSS) :
"Pour moi, Pamyat
n'existe pas... Je m'explique : ses membres sont moins nombreux que ceux de
l'association des partisans de la Terre plate ou que les abonnés à la
philarmonie d'Afula, voire même de Little Rock. Ils existent d'autant moins que
la publicité dont ils bénéficient s'étend à travers le monde entier - et que
celle-ci est, bien entendu, totalement déchaînée. A peine un des
"partisans" de Pamyat se prononce-t-il contre l'antisémitisme ou les pogroms que
la presse le passe aux oubliettes et s'oriente vers un autre "militant" plus
véhément. C'est ce qui s'est produit avec Vassiliev, que j'ai interviewé l'été
dernier : bien que l'on ne puisse reprocher non plus à ce dernier une affection
débordante pour les enfants d'Israël, il est tombé dans l'oubli. Aujourd'hui,
tout le monde écrit des pages et des pages au sujet de Süychev, dirigeant d'une
autre fraction, plus active contre les Juifs.
Régulièrement des Juifs
viennent me voir, à pied ou en voiture, pour me parler du mouvement "Pamyat" et
des pogroms annoncés pour le 25 août, le cinq décembre, le trois mars, ou la
semaine des quatres jeudis. C'est étrange : si on avait promis à ces gens le
retour du communisme ou la réalisation de tous les objectifs fixés par le plan,
ils n'y croiraient pas. Par contre, aux pogroms : ils y croient... Je les
tranquillise, je leur certifie qu'il n'y aura pas de pogroms, puis le jour dit
arrive, (il ne se passe rien) et ces Juifs sont terriblement désappointés.
Il
n'y a aucune raison pour qu'il y ait des pogroms, je le dis carrément. Les Juifs
travaillent dans le commerce et dans bien des secteurs, où s'affrontent les
possédants et les gens indigents. Il en reste peu, la migration des Juifs à
partir des provinces occidentales de la Russie est terminée depuis longtemps, le
reflux des Juifs se poursuit. Toutefois, les rumeurs ont leurs fondements et qui
les propage, suivant le principe "à qui profite le crime ?" Et cela sert les
intérêts, au premier chefs, des initiateurs du départ et de ceux qui partent
eux-mêmes, qui trouvent de cette manière un magnifique alibi pour s'en aller. On
peut évoquer à ce sujet la vague de rumeurs en tout point semblables qui avait
précédé les émigrations massives du Maroc et d'Irak, il y a quarante ans de cela
: ces rumeurs avaient été propagées dans ces pays par les agents du Mossad,
chose que les documents d'époque ont confirmée.
Mais il n'est pas exclu que
ces rumeurs absurdes, fondées sur nulle réalité, ne puissent entraîner une
modification de la réalité. S'il est possible d'instiller chez les gens des
idées de pogroms, il est tout aussi possible de les en convaincre, la rumeur
devenant ainsi une "prophétie se réalisant du fait même d'exister" (self
fulfilling prophecy).
Ainsi, dans la pièce japonaise que je préfère,
"Adatchigakhara", un ermite rencontre un monstre anthropophage, qui a pris les
traits d'une vieille bonne femme. L'ermite indique à la vieillarde démoniaque le
chemin de la vérité, et elle reprend son aspect originel, oublie sa nature
première démoniaque et devient douée d'âme et honnête. Mais le serviteur de
l'ermite la voit alors, qui connaît sa nature intrinsèquement démoniaque : il
pousse un cri de terreur. Elle comprend immédiatement qu'elle est découverte et
redevient un monstre effrayant. Il est possible que les Juifs de Russie
commettent une grave erreur, en s'efforçant à faire en sorte de ne pas mettre le
doigt sur le cannibalisme du loup garou dont ils croisent le chemin."
Et
c'est ainsi que des gens qui fuyaient des pogroms imaginaires sont devenues des
victimes. Ils sont à plaindre, mais tel est le prix à payer pour l'absence de
scrupules moraux. Ils n'ont pas compris que Bakou et Fergana peuvent sembler des
paradis, à côté de ce qui les attend. Pour l'instant, l'establishment israélien
leur propose de se joindre au camp des progromtchiks (auteurs de pogroms, ndt),
alors que depuis trois ans - et à dire vrai depuis, au total, quarante ans -
Israël dirige un pogrom ininterrompu contre les Palestiniens. Mais les rôles,
dans ce jeu-là, peuvent aussi changer, et ce jour-là, les bourreaux
d'aujourd'hui auront beaucoup de mal à se faire passer pour des victimes
innocentes.
Il est important, il est nécessaire de parler de l'amoralité de
l'occupation, et à fortiori de la déportation. [...] Le poète russe Bulat
Okudjava a eu assez de courage et de générosité pour exhorter la foule de ses
auditeurs qui se pressaient dans un auditorium de Tel-Aviv, à "ne pas bâtir leur
bonheur sur le malheur des autres."
N'oublions pas que les idées les plus
délirantes du mouvement extrémiste "Pamyat" sont déjà mises en pratique en
Israël, à l'égard des Palestiniens : elles comportent entre autres des quotas de
population, les interdictions professionnelles, le blocus économique. Ainsi,
récemment, le juge de la Cour Suprême d'Israël a ordonné l'interdiction de tout
parti qui défendrait l'égalité des droits (authentique) entre Juifs et
non-Juifs, car une telle égalité est attentatoire aux fondements d'Israël en
tant qu'Etat juif.
Ce n'est certainement pas avec la satisfaction cruelle de
celui qui se rengorge en assénant : "Nous vous l'avions pourtant dit..." que
l'opposition de gauche israélienne voit ce qui se passe, mais bien le coeur
lourd. En effet, des innocents perdent la vie. Mais la faute en incombe à ceux
qui ont poussé le peuple juif dans cette impasse sanglante.
3. Le grand jeu par Uri
Avnery
[traduit de l'anglais par R. Massuard et
S. de Wangen]
9 février 2002 - Il y a quelques
semaines, il s'est passé quelque chose de curieux : Israël a découvert que
l'Iran était le Grand Satan. C'est arrivé très soudainement et n'a été précédé
ni d'informations sensationnelles ni de nouvelle découverte. Comme si, sur
l'ordre d'un sergent instructeur, l'ensemble de la droite politico-militaire
israélienne avait changé d'orientation. Tous les politiciens, tous les généraux,
tous les médias aux ordres, avec le renfort habituel des professeurs de service,
- tous ont découvert du jour au lendemain que l'Iran était le véritable danger,
immédiat et terrible.
Par une étonnante coïncidence, c'est arrivé exactement
au moment où un navire supposé transporter des armes iraniennes pour Arafat
était saisi. Et à Washington, Shimon Pérès, un homme pour toutes les saisons et
serviteur de tous les maîtres, abordait tout diplomate passant par là et lui
racontait des histoires à propos de milliers de missiles iraniens qui avaient
été fournis au Hezbollah. Oui, oui, le Hezbollah (inscrit par le Président Bush
sur la liste des " organisations terroristes ") reçoit des armes terribles de
l'Iran (inscrit par le Président Bush dans " l'Axe du Mal ") pour menacer
Israël, le chouchou du Congrès.
Cela est-il fou ? Pas du tout. Il y a une
méthode dans cette folie.
C'est facile à expliquer. L'Amérique est toujours
en rage après l'agression des Tours jumelles. Elle a remporté une victoire
stupéfiante en Afghanistan, sacrifiant seulement un soldat américain. Maintenant
elle se dresse, furieuse et ivre de sa victoire et ne sait pas où attaquer de
nouveau. Irak ? Corée du Nord ? Somalie ? Soudan ?
Le Président Bush ne peut
pas s'arrêter maintenant parce qu'une si énorme concentration de puissance ne
peut pas rester inutilisée. D'autant plus que Ben Laden n'a pas été tué. La
situation économique s'est détériorée, un scandale géant (Enron) secoue
Washington. On ne peut pas laisser le peuple américain réfléchir là-dessus.
C'est alors qu'arrivent les responsables israéliens et les cris sur tous les
toits : l'Iran est l'ennemi ! l'Iran doit être attaqué !
Qui a pris cette
décision ? Quand ? Comment ? et, plus important, où ? Sûrement pas à Jérusalem,
mais à Washington. Une partie importante de l'Administration des Etats-Unis a
donné un signe à Israël : Lancez une offensive politique massive pour faire
pression sur le Congrès, sur les médias et sur l'opinion publique américaine.
Qui sont ces gens ? Et quel est leur intérêt ? Une explication plus large
est nécessaire.
La ressource la plus convoitée sur la Terre, ce sont les
champs de pétrole géants dans la région de la Mer Caspienne, comparables en
importance aux richesses de l'Arabie Séoudite. En 2010 on espère extraire 3,2
milliards de barils de pétrole brut par jour en plus des 4.850 milliards de
pieds cubes de gaz naturel par an.
Les Etats-Unis sont déterminés : (a) à en
prendre possession, (b) à éliminer tous les concurrents potentiels, (c) à
protéger la zone politiquement et militairement et (d) ouvrir une route des
champs de pétrole vers la mer.
Cette campagne est conduite par un groupe de
gens du pétrole auquel la famille Bush appartient. Avec l'industrie de
l'armement, ce groupe a obtenu que, aussi bien Bush senior que de Bush junior,
soient élus. Le Président est une personne simple, son monde mental est peu
profond et ses déclarations primitives, proches de la caricature comme dans un
western de série B. Cela est bon pour les masses. Mais ceux qui l'influencent,
eux, sont des gens très avertis. Ce sont eux qui dirigent l'Administration.
Le drame des Tours jumelles leur a rendu la tâche beaucoup plus facile.
Ossama Ben Laden n'a pas réalisé que ses actions servent les intérêts
américains. Si je croyais en la Théorie de la Conspiration, je penserais que Ben
Laden est un agent américain. Comme ce n'est pas le cas, je ne peux que
m'étonner de la coïncidence.
La " guerre au terrorisme " de Bush constitue
un prétexte parfait pour la campagne planifiée par ses conseillers. Sous le
couvert de cette guerre, l'Amérique a pris le contrôle total de trois petites
nations musulmanes proches des réserves de pétrole : le Turkménistan,
l'Ouzbékistan et le Kirghizstan. Toute la région est désormais totalement sous
domination politico-militaire américaine. Tous les concurrents potentiels - y
compris la Russie et la Chine - ont été évincés.
Pendant longtemps les
Américains ont discuté entre eux sur la meilleure route pour transporter ce
pétrole vers la mer. Les routes pouvant être sous influence russe ont été
éliminées. Le XIXe siècle, qui a vu un combat à mort entre la Grande-Bretagne et
la Russie, appelé alors le " Grand Jeu ", se poursuit entre l'Amérique et la
Russie.
Jusqu'à récemment, la route occidentale, conduisant à la Mer Noire et
à la Turquie, semblait plus pratique, mais les Américains n'y étaient pas très
favorables, c'est le moins que l'on puisse dire. La Russie est beaucoup trop
proche.
La meilleure route conduit au sud vers l'océan Indien. L'Iran
n'était même pas pris en considération car gouvernée par des Islamistes
fanatiques. Il reste donc la route alternative : de la mer Caspienne, à travers
l'Afghanistan et la partie occidentale du Pakistan (appelée Béloutchistan) à
l'océan Indien. C'est pourquoi les Américains ont, toujours très discrètement,
poursuivi des négociations avec le régime des Talibans. Sans résultat. C'est
alors que la " guerre au terrorisme " a débuté ; les Etats-Unis ont conquis tout
l'Afghanistan et y ont installé leurs agents au gouvernement. Le dictateur
pakistanais s'est également plié à la volonté américaine.
Si on regarde la
carte des grandes bases américaines créées pour la guerre, on est frappé par le
fait qu'elles suivent exactement la route du pipeline projeté vers l'océan
Indien.
Cela aurait pu être la fin de l'histoire, mais l'appétit vient en
mangeant. Les Américains ont tiré deux leçons de l'expérience afghane : (a) que
tout pays peut être maté par des bombes sophistiquées sans mettre aucun soldat
en danger, et (b) que par la puissance militaire et l'argent, l'Amérique peut
installer des gouvernements à sa solde n'importe où.
Et ainsi une nouvelle
idée est née à Washington : pourquoi poser un long pipeline autour de l'Iran (à
travers le Turkménistan, l'Afghanistan et le Pakistan) si on peut poser un
pipeline beaucoup plus court à travers l'Iran lui-même ? Il suffit d'éliminer le
régime des Ayatollahs et d'installer un nouveau gouvernement pro-américain.
Avant, cela semblait impossible. Maintenant, après l'épisode afghan, cela semble
tout à fait faisable. Il suffit de préparer l'opinion publique américaine et
d'obtenir l'accord du Congrès pour une attaque contre l'Iran.
Pour cela, les
bons services d'Israël sont nécessaires. Il a une énorme influence sur le
Congrès et sur les médias. Le scénario est le suivant : les généraux israéliens
déclarent jour après jour que l'Iran produit des armes de destruction massive et
menace l'Etat juif d'un second Holocauste. Sharon annonce que la capture du
navire d'armes iranien prouve qu'Arafat est partie prenante de la conspiration
iranienne. Pérès raconte à tout le monde que des missiles iraniens menacent le
monde entier. Chaque jour tel ou tel journal raconte à ses lecteur que Ben Laden
est en Iran ou avec le Hezbollah au Liban.
Le Président Bush sait comment
récompenser ceux qui le servent bien. Sharon a obtenu carte blanche pour
opprimer les Palestiniens, emprisonner Arafat, assassiner des militants et
étendre les colonies. C'est un marché simple : vous m'obtenez l'appui du Congrès
et des médias, je vous livre les Palestiniens sur un plateau.
Cela ne serait
pas possible si l'Amérique avait encore besoin d'alliés en Europe et dans le
monde arabe. Mais en Afghanistan, les Américains ont appris qu'ils n'ont plus
besoin de personne. Ils peuvent cracher à la face des misérables régimes arabes
qui sont toujours en train de mendier de l'argent et ignorer purement et
simplement l'Europe. Qui a besoin des minables armées britannique et allemande
alors que l'Amérique seule est plus puissante que toutes les armées du monde
réunies ?
L'idée d'une coopération américano-israélienne contre l'Iran n'est
pas nouvelle pour Sharon. Au contraire, en 1981, alors qu'il venait d'être nommé
ministre de la Défense, il a proposé au Pentagone un plan audacieux : dans
l'éventualité de la chute de Khomeiny, l'armée israélienne occuperait
immédiatement l'Iran afin de supplanter l'Union soviétique. Les FID remettraient
le pays aux Américains, tranquillement, quand ils arriveraient. Dans ce but, le
Pentagone stockerait auparavant en Israël, sous contrôle américain, les armes
les plus sophistiquées nécessaires à cette opération.
Le Pentagone n'a pas
retenu l'idée à cette époque-là. Maintenant, le contexte étant différent, la
coopération est en train de s'établir.
Quelles conclusions devrions-nous
tirer de tout ceci ?
Tout d'abord, que nous serons sur la ligne de front de
cette prochaine guerre. Au-delà des échanges d'imprécations entre les " deux
chefs d'état-major perses " (la blague circule dans les cercles de commandement
israéliens, faisant allusion au fait que Shaul Mofaz est né en Iran), une
réaction iranienne à une attaque américaine pourrait nous atteindre gravement.
Il y a des missiles. Il y a des armes chimiques et biologiques.
Ensuite, que
ceux de nous qui désirent une paix israélo-palestinienne ne peuvent pas s'en
remettre à l'Amérique. Dorénavant, tout dépend de nous seuls, les Israéliens et
les Palestiniens.
Notre sang est plus précieux que le pétrole de la mer
Caspienne. Du moins pour nous.
4. Un Conte de Deux Journaux - Châtrez-les !
par Israël Shamir (9 janvier 2002)
[traduit de
l'anglais par Marcel Charbonnier]
"Châtrez-les !" : le
vieux cri de guerre du Ku Klux Klan a repris du service dans l'Etat exclusiviste
juif. L'un des plus importants quotidiens israéliens en langue russe, édité par
un juif orthodoxe, a lancé hier un appel aux Juifs, leur demandant de castrer
leurs prisonniers arabes. L'Etat d'Israël devrait mettre en oeuvre un programme
de stérilisation massive de sa population arabe, écrit ainsi Marian Belenky,
éditorialiste du Novosti Nedeli, dans un article intitulé "Ma proposition" et
affublé du sous-titre : "Comment nous pouvons les forcer à s'en aller". "En
gardant présente à l'esprit la mentalité arabe, les groupes de vigilance juifs
pourraient obtenir des résultats considérables, sur le plan psychologique, en
castrant les prisonniers arabes pris en flagrant délit. Cela causerait une
grande panique dans la population arabe, chose qui ne pourrait qu'encourager les
Arabes à libérer le plancher", écrit ainsi Belenky. "Nous pourrions stériliser
les prisonniers arabes, ainsi que des personnes arrêtées en raison de leurs
activités anti-israéliennes et de sabotage." Sans doute le Der Sturmer, organe
officiel des nazis, aurait été moins direct. Mais cet appel est quelque chose de
nouveau dans l'éthique juive israélienne. Feu le non-regretté "rabbin" Kahane
lançait régulièrement des appels à stériliser les Arabes. Il y a quelques mois,
des experts en vue - et beaucoup plus consensuels (universitaires, experts
militaires, ...) -, réunis à Hertzliya, n'en avaient pas moins doctement disputé
des "méthodes susceptibles de pallier à la menace démographique arabe" en des
termes très approchants. Cela confirme, s'il en était besoin, la symétrie entre
les nazis allemands et les suprématistes juifs : les uns et les autres
représentent les deux grandes forces maléfiques (et concurrentes) du vingtième
siècle. Seule différence entre elles : la seconde nommée est encore
agissante.
Lorsqu'elle aura été vaincue, ce ne sont pas seulement les
Palestiniens qui seront libérés, mais aussi les descendants des Juifs.
Il y a
une certaine différence entre Novosti Nedeli et le New York Times, en matière
tant de tirage que d'influence. Mais les deux publications servent la même cause
et représentent la même menace. Ahmed Amr, un journaliste américain (non châtré)
et éditorialiste de NileMedia, (sur Internet) a écrit un article indigné et
passionné [voir ci-après] sur la dissimulation des crimes de Sharon. Ahmed Amr y
fait référence à la sombre histoire de Qibya, un petit village palestinien dont
les habitants, hommes, femmes et enfants, ont été massacrés par le
Sonderkommando (Escadron de la mort, ndt) 101, dirigé par Sharon. Avec
l'hypocrisie qui les caractérise, les autorités d'Israël avaient condamné le
massacre et immédiatement promu ses perpétrateurs aux plus hautes fonctions. Le
brillant Ahmed Amr nous rappelle que cela n'aurait pas été possible n'eût été
l'assistance des médias suprématistes juifs aux Etats-Unis, au premier rang
desquels le New York Times de Sulzberger. D'une manière quelque part
illustrative de la démocratie américaine, Sulzberger possède, en tout et pour
tout, 21 pour cent des capitaux de ce journal. Mais il détient 82 pour cent des
droits de vote à son conseil d'administration, grâce à une structure du capital
(totalement illégale, partout ailleurs dans le monde) qui lui permet de détenir,
en réalité, les deux tiers des actions. Quand on voit à quelles fins ils
emploient leurs avatages indus...
5. C'est Sulzberger qu'il faut mettre en examen pour
les crimes de guerres perpétrés à Qibya par Ahmed Amrin
sur nilemedia.com (site internet d'information) du mardi 8
janvier 2002
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Être le complice d'un criminel de guerre
en série, aux Etats-Unis, voilà qui n'a rien de répréhensible. A moins que ce
criminel de guerre ne s'appelle Oussama Ben Laden, Hitler ou Milosevic. En
réalité, aider activement un criminel de guerre à se refaire une réputation n'y
relève même pas des mauvaises manières. Dans ce qui représente pas moins que le
scandale médiatique le plus inadmissible de l'histoire contemporaine du
journalisme américain, un consortium de géants ultra puissants des médias,
secondé par leurs équipes de journalistes et d'éditorialistes, a conspiré afin
de blanchir méthodiquement le casier judiciaire du criminel de guerre Ariel
Sharon. Les grands noms mouillés dans cette opération d'étouffement de la vérité
prendront une place de choix dans les livres d'histoire en raison de l'ampleur
inouïe de l'entreprise qu'ils ont mise sur pied, au service d'un unique
bénéficiaire : une brute épaisse accusée à juste titre d'avoir personnellement
massacré d'innocentes victimes, femmes et enfants compris.
L'un des
principaux coordonnateurs de cette campagne visant à décaper Ariel Sharon est
vraisemblablement le plus puissant magnat des médias dans le monde - un homme
dont le nom est rarement cité aux informations. La plupart des Européens et des
Américains ne reconnaîtraient pas sa bobine. Pourtant, on retrouve l'empreinte
de cet homme dans moult actions politiques américaines qui affligent des
millions d'êtres humains, du Japon à l'Argentine, et jusqu'au fin fond du plus
petit village de Cisjordanie. Si vous le rencontriez dans quelque brillant raout
de la jet-set, à Londres ou à Paris, son allure quelconque ne vous ferait aucune
impression. Cependant, en son auguste présence, même les présidents américains
se tiennent à carreau. Les "journalistes" de ce monsieur peuvent démolir à leur
guise la carrière politique de n'importe quel sénateur américain qui s'aviserait
de ne pas se garer du pas de leur criminel de guerre américain favori...
On
aurait tendance à se dire qu'après tout cet Arthur Sulzberger, puisque c'est de
lui qu'il s'agit, n'est encore qu'un de ces hommes de paille sans scrupules qui
travaillent aux relations publiques d'Israël. Mais il s'agit d'un homme de
paille particulièrement malfaisant, qui possède et dirige rien de moins que la
New York Times Publishing Company... Lorsque ce despote intellectuel moralement
handicapé donne des ordres afin qu'aucune mention de Qibya ne soit jamais faite
dans son empire médiatique, le silence qu'il exige est imposé et respecté avec
une sévérité digne de Staline. Si vous n'avez pas idée de ce que signifie le
fait d'être compromis dans l'orchestration d'une campagne d'une telle envergure,
prenez une minute de votre temps et utilisez un moteur de recherche, sur
Internet. Connectez-vous à Google, et introduisez le mot-clé "Qibya". Vous
trouverez une masse d'informations sur les crimes de guerre du vieil Arik. Il
s'agit d'un massacre d'innocents tout aussi horrifiant que Mi Lai, Lidice ou No
Gun Ri. Ensuite, faites une recherche avec les mots-clés "Thomas Friedman,
Qibya". Notez combien de fois cet expert en "politique internationale" au New
York Times a été sommé de s'intéresser au passé criminel de Sharon. L'histoire
ne se résume pas au fait que le casier judiciaire de Sharon est laissé
systématiquement au placard. Les hommes de main médiatiques de Sulzberger ont
instruction de glorifier ce fou sanguinaire et d'en diffamer les
victimes.
Certes, Sulzberger est à la tête de cette guerre du silence menée
au profit d'un criminel de guerre multi-récidiviste. Mais il est loin d'en être
le seul général en chef. Le monde médiatique américain est un panier de crabes
incestueux où des Juifs ont le dernier mot : on y joue au monopoly avec de la
fausse monnaie. Même Sulzberger n'aurait jamais pu poursuivre ce blitz
médiatique contre la vérité et la décence s'il n'avait des complices dévoués au
Washington Post, au Wall Street Journal, à Times/Warner/CNN, chez Fox, ABC, CBS
et autre NBC. La conspiration de Qibya consiste en un mur de silence élevé au
moyen de briques moulées dans un fumier qui a pour marques de fabrique William
Safire, Thomas Friedman, Charles Krauthammer, Howard Fineman, Wolf Blitzer, Jeff
Greenburg, Aaron Brown et autres Ted Koppel. La liste des participants descend
jusque très bas dans les chaînes de commandement, jusqu'à pratiquement chaque
"journaliste" dans chaque machine médiatique spécialiste ès embrouilles, qui
produisent de la désinformation destinée à une sorte de marketing des massacres
de masse "made in Israël".
Comme une meute de hyènes s'empressant autour
d'Ariel Sharon afin de l'encourager à massacrer son quota quotidien de
Palestiniens innocents, ces zélotes yiddish pratiquent dans la "Première Eglise
d'Israël", où les prières du jour commencent par "Maudis les Palestiniens et
donne-nous aujourd'hui notre morceau de leur terre quotidien". Il faut un
certain niveau d'arrogance à un journaliste, pour être admis à rejoindre les
brigades sanitaires d'Ariel Sharon. Chaque jour, ils prêtent leur voix et leur
stylo à une action délibérée et intense toute entière tendue vers l'objectif :
intimer l'ordre de la boucler quiconque oserait émettre des doutes sur
l'intégrité de nos sages yiddish auto-proclamés.
A ce sujet, il convient de
noter que pas une seule des principales organisations juives américaines n'a
décliné l'invitation à se rallier à la cause du blanchissage de l'héritage
sharonien. Cette remarquable brute israélienne a en effet un casier judiciaire
assez long pour couvrir la distance entre Sabra et Chatila et Qibya ou Gaza.
Mais oeuvrer aux relations publiques d'Israël est tâche courante dans nos usines
à information. Il n'en demeure pas moins que faire le marketing de Sharon en le
présentant comme "un homme pondéré auquel manque un partenaire de paix de bonne
volonté" demande un niveau de motivation et une allocation de ressources
tout-à-fait hors du commun. Une simple estimation du coût exorbitant de cette
campagne publicitaire audacieuse donne le tournis.
Il faut rabattre leur
caquet à ces handicapés de la vérité que sont Sulzberger et ses boys. Les
phrases balancées et aisées sont pernicieuses lorsque l'objectif ultime est de
dissimuler systématiquement des crimes de guerre facilement vérifiables. Mais
que pourrait-on attendre d'autre de ce Quotidien du Bobard qu'est le New York
Times ? Ils peuvent partir après Waldheim et orchestrer une campagne
internationale contre un xénophobe tel l'Autrichien Hayder, qui, malgré ses
innombrables défauts, n'a jamais commis un seul acte violent. Mais la simple
présence de Hayder dans un gouvernement autrichien de coalition a suffi pour que
Sulzberger exige la rupture des relations diplomatiques américaines avec
l'Autriche. En accord avec le Washington Post, ils peuvent exiger d'un président
américain qu'il cesse de mentir au peuple américain. Mais lorsqu'il s'agit d'un
criminel de guerre israélien intouchable, ils s'inclinent respectueusement,
comme des adolescents prolongés titillés par l'ambition.
Regardons les choses
en face. L'équipe de Sulzberger a disposé de cinquante ans pour dénoncer les
crimes commis par Sharon à Qibya. En près de vingt mille quotidiens publiés
depuis le jour où ces crimes ont été perpétrés, ils ont veillé à ce que soit
passé sous silence l'assassinat délibéré de soixante-six Palestiniens innocents
dont les maisons ont été systématiquement dynamitées (avec eux à l'intérieur)
par une horde de nervis israéliens aux ordres d'Ariel Sharon.
Eût
Sulzberger (ou son papa, avant lui) couvert l'histoire de Qibya, peut-être la
nouvelle de la promotion de Sharon, par Begin, au rang de ministre de la défense
aurait-elle suscité un scandale digne de "Hayder"? Peut-être les dizaines de
milliers d'innocents qui ont perdu la vie durant le siège de Beyrouth et les
massacres de Sabra et Chatila seraient-ils encore en vie, sains et saufs
?
Peut-être d'autres généraux israéliens auraient-ils pigé qu'assassiner des
Palestiniens innocents n'est pas kascher. Peut-être la paix serait-elle déjà
effective, si Sharon n'avait pas été autorisé à déclencher une énième orgie de
mort et de destructions contre une population civile sans défense qui n'aspire
qu'à se libérer de trente-quatre ans d'une répression impitoyable motivée par la
volonté d'Israël de s'accaparer ses terres. Peut-être cet obstacle boudiné à la
paix serait-il d'ores et déjà en train de croupir au fond d'une prison de La
Haye, dans le box à côté de celui de Milosevic.
Peut-être les Américains
n'auraient jamais eu à faire débarquer ses Marines à Beyrouth. Peut-être la
lubie démente de Sharon consistant à enrôler Alexander Haig dans sa tentative de
faire du Liban un état-client d'Israël n'aurait pas abouti à la mort de nombreux
Marines dans la fleur de l'âge, en 1983. La liste interminable des "peut-être"
nous amène à la Guerre du Golfe, aux atrocités du 11 septembre 2001 et à bien
d'autres morceaux de choix de l'histoire criminelle moderne qui n'auraient sans
doute pas eu lieu si des petites frappes juives à l'ethnocentrisme dément, tel
Sulzberger, avaient eu des médecins traitants plus doués, qui leur eussent
prescrit des pilules de vérité plus fortement dosées.
Hélas, cette meute
cruelle d'aboyeurs des médias qui célèbrent chaque nouvel excès d'Israël est, au
fil des jours, de plus en plus zélée, tapie qu'elle est dans l'obscurité
impénétrable qu'elle s'est ingéniée à étendre durant cinq interminables
décennies d'exactions israéliennes perpétrées contre le peuple originel de la
Terre Sainte.
Sulzberger et la New York Times Publishing Company doivent
répondre de la caution bornée qu'ils se sont employés à apporter obstinément à
Sharon. S'il n'est pas possible de les assigner devant un tribunal civil ou
criminel, qu'ils le soient devant celui de l'opinion publique. Pour être justes,
les Levine de CNN/Time Warner et les Graham du Washington Post doivent, eux
aussi, se voir réserver le même traitement - amplement mérité - que ces ordures.
Tuer des civils innocents est abominable. Tout faire pour couvrir ces crimes
n'est pas moins criminel.
Quelques bons signes commencent à émerger. Beaucoup
de ces grossistes en bobards médiatiques sont sur la défensive. CNN diffuse des
spots qui tentent d'effacer quelques-unes des taches qui commencent à
s'inscruster dans leurs versions de "Thomas le menteur" que sont un Aaron Brown
et un Wolf Blitzer. Brown, qui apprécie la compagnie d'hypocrites forcenés tel
un Daniel Pipes, s'est vu contraint de lancer des appels publics véhiculant des
choses aussi curieuses que "ce que les téléspectateurs attendent de moi, c'est
que je sois précis et honnête." Encore une chose que vous devez absolument
savoir : Sulzberger a acheté des temps d'antenne à des heures de grande écoute,
pour nous asséner que "ce que les lecteurs attendent de lui, ce sont des
informations publiables". Les Américains étant de plus en plus au courant des
hauts faits de Sharon à Qibya, ils devront apprendre à en rabattre sur leurs
attentes vis-à-vis tant du New York Times que de CNN. Et ils seront forcés de
constater que ces trusts médiatiques corrompus décevront toujours leurs attentes
minimales.
En tant qu'Américains, nous ne saurions nous contenter de geindre
au sujet des commandos de Sharon au New York Times et à CNN. Pensez seulement à
un seul enfant innocent, assassiné de sang froid par Sharon à Qibya, à Beyrouth,
à Sabra et à Chatila ou, pas plus tôt que la semaine dernière, à Gaza, ou à
Bethlehem. Puis faites ce qu'il sied de faire afin d'honorer le souvenir de
cette âme innocente. Chaque fois que vous entendrez les noms de Sulzberger, de
Friedman, de Graham ou de Murdoch, rappelez-vous qu'ils ont oeuvré tout à la
fois à en éradiquer la mémoire et à en honorer l'assassin.
On ne saurait
contenter de mépriser les scélérats que sont Sulzberger ou Thomas Friedman. Le
scandale médiatique autour de Qibya n'est pas un mensonge ou un omission comme
il y en a tant. C'est une symphonie de bobards orchestrée et dirigée par des
partisans zélés d'Ariel Sharon. Le New York Times, le Washington Post et CNN ne
se sont pas contenté de laver les mains sanglantes de Sharon. Ils ont renouvelé
à Sharon son permis de conduire sa violente et vile carrière. Aussi devons-nous
faire un petit peu plus que simplement montrer notre dédain aux potentats de nos
mass medias.
Nous devons agir sans relâche afin d'amoindrir leur emprise sur
l'arène publique. Trouver des moyens créatifs permettant de défier et de ruiner
leurs monopoles médiatiques souillés de sang. Mettez au jour les mensonges
qu'ils vous assènent et faites tout ce que vous pouvez afin de répandre la
vérité. Un grain de vérité peut détruire une moisson entière de mensonges.
Donnons à ces dégénérés une coûteuse leçon ; qu'ils voient ce qu'il en coûte, en
réalité, de soutenir un criminel en série contre l'humanité de l'acabit de
Sharon.
Voici ce que je propose, modestement : faire du complot médiatique
autour de l'affaire "Sharon/Qibya" le legs le plus durable de Sulzberger.
Lorsque nous en aurons fini avec ce dégueulis d'éditeur vermoulu, la seule chose
que ses enfants sauront de leur papa sera qu'il a couvert pendant cinquante ans
le bousillage d'enfants innocents. C'est en effet ce que continue à faire
Sulzberger sept jours sur sept. Il est tout-à-fait normal qu'un enfant sache en
quoi consiste le travail de son papa, au bureau. En particulier si celui-ci se
prend pour un cabinet de l'ombre à lui tout seul. Il n'y a pas d'autre moyen, si
l'on veut épargner à ces gamins de devenir comme papa, plus tard, en
grandissant.