3. Chaher Sae'd : "Justice pour la Palestine" le cri
d'alarme d'un syndicaliste palestinien propos recueillis par Jean
Wolf
in La Revue du Liban (hebdomadaire libanais) du samedi 2 février
2002
La Confédération européenne des syndicats, groupant
soixante-quatorze fédérations syndicales nationales de trente pays et
représentant la voix de 60 millions de travailleuses et travailleurs, a invité à
Bruxelles et Strasbourg, Chaher Sae’d, secrétaire général de la fédération
palestinienne des syndicats, venu lancer un cri d’alarme et exprimer
l’épuisement mais, aussi, la colère de tout un peuple écrasé. Voici son
témoignage.
“Le blocus féroce, auquel nous sommes soumis depuis
l’instauration du gouvernement actuel a, pour nous, la signification d’une mort
lente. Pour répondre à l’invitation de la Confédération et venir vous parler,
j’ai dû véritablement m’évader, traverser à pied une chaîne de montagne, marcher
sur 50 km, parfois au risque de ma vie en des zones interdites où circulent jour
et nuit des nuées de policiers surarmés, pour arriver finalement à un point de
contact où m’attendait un taxi israélien, mais, heureusement, conduit par un
Arabe”, explique Chaher Sae’d à son auditoire d’une cinquantaine de
journalistes.
“Mais ma petite expérience personnelle ne représente rien en
comparaison de tout le reste”, poursuit le jeune dirigeant syndicaliste
palestinien. “Cette immobilisation implacable de tous ceux qui vivent sur le
territoire palestinien provoque des conséquences catastrophiques, voulues par
l’occupant et spécialement par Ariel Sharon qui semble vouloir à tout prix notre
perte. Car aucun déplacement n’est plus possible: les services publics sont
réduits à leur plus bas niveau, les routes ont été défoncées, les autobus ne
circulent plus, les hôpitaux, auxquels ne parviennent plus les médicaments
indispensables, ne sont plus accessibles à la plupart des malades, même atteints
des maux les plus graves et des dizaines d’entre eux ont ainsi décédé en cours
de route, dans les ambulances stoppées par des patrouilles obéissant à des
consignes idiotes (qui révoltent de plus en plus de nombreux conscrits de
l’armée israélienne), sous prétexte de “sécurité”. Aucun secours pour les femmes
enceintes qui ont dû accoucher au bord de la route, même sous les intempéries,
dont les enfants étaient mort-nés dans les bras de leurs mères
épuisées.
“Vous savez déjà que plus de 850 Palestiniens ont été assassinés
depuis le début de l’actuelle Intifada. Parmi eux, 35% de travailleurs. On
dénombre 37.000 blessés, 1.650 citoyens emprisonnés et très souvent torturés. Le
blocage systématique, dont nous sommes victimes, a provoqué le licenciement de
45.000 ouvriers, car la plupart des usines ont dû fermer leurs portes. Tous les
autres secteurs ont été ainsi pénalisés, à commencer par celui du bâtiment, avec
85% d’immobilisation. Toutes les matières premières sont interdites d’entrée aux
frontières, paralysant ainsi l’ensemble de notre industrie. 200.000 arbres
fruitiers ont été déracinés. 7.000 maisons ont été éventrées par les
bombardements ou, sauvagement, démolies pierre par pierre. Notre seul aéroport,
celui de Ramallah, dont la construction avait été financée par l’Union
européenne (ainsi que le port de Gaza, aujourd’hui fermé et d’autres bâtiments
d’utilité nationale), a été détruit, en même temps que la piste d’atterrissage
et les deux hélicoptères du chef de l’Autorité palestinienne, lui-même étant
interdit de tout déplacement depuis le 3 décembre. Faute d’approvisionnement,
les petits commerces ferment les uns après les autres. Deux millions de
Palestiniens s’efforcent de survivre, au seuil de la pauvreté, sous une
étouffante oppression armée. Le coût de l’existence a augmenté de 200 à 300%
depuis quatorze mois. Au total, sur 500.000 travailleurs, 400.000 subissent un
chômage illimité. Dans son ensemble, notre économie a perdu plus de 6 milliards
de dollars en une année, ce qui, pour nous, représente un véritable désastre.
Aucun contact n’est permis entre la Cisjordanie et la bande de Gaza. Il existe
dix-mille points de contrôle entre villes et villages palestiniens ou sur les
routes vers Israël, dont les accès sont surveillés et même interdits la plupart
du temps. Rien qu’à Gaza, sur un territoire de 364 km2, il y a douze bandes de
séparation, empêchant toutes communications d’un point à l‘autre. Il nous est
impossible de nous rendre en Egypte ou en Cisjordanie. La colonisation de nos
terres ne cesse de se poursuivre systématiquement avec l‘“évacuation” obligée de
ses propriétaires légitimes. Le parlement israélien, pour l’année 2002, vient de
voter un budget de 500.000.000 de sheckels (55 millions de dollars) rien que
pour la protection des colons qui ont volé nos territoires avec la protection du
gouvernement. La situation est claire: on veut arrêter le rythme de toute vie
matérielle et intellectuelle.
“Malgré ce traitement, pire que ne le fut
l’Apartheid sud-africain et qui représente, sans doute, la dernière colonisation
existant dans un monde civilisé, au XXIème siècle, notre peuple espère une paix
juste et globale, nous rendant Jérusalem-Est et nos territoires d’avant le 4
juin 1967, suivant les décisions du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Nous
voulons avant tout qu’on nous restitue notre dignité, en même temps que notre
liberté. Nous demandons à l’Union européenne de jouer un rôle plus important
pour qu’on mette fin à l’impensable occupation de nos territoires, qu’on mette
enfin un terme à une occupation inhumaine, que l’on déracine une violence
abjecte. Nous demandons la solidarité totale de tous les travailleurs européens,
afin qu’ils augmentent leurs efforts déjà méritoires, en vue d’un soutien
efficace dans notre combat désespéré pour notre droit d’exister, pour une
justice élémentaire et pour la protection de l’avenir de nos enfants”.
4. Ça suffit, maintenant, Shimon : dis-nous la vérité
! par Gideon Levy
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du vendredi 1er
février 2002
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Depuis vingt-quatre ans qu'on se connaît,
dont quatre années durant lesquelles j'ai été ton assistant, c'est la troisième
fois que je t'écris une lettre ouverte. En 1989 - tu étais alors ministre des
finances du gouvernement Shamir, et la première Intifada faisait rage - j'avais
choisi ces mêmes colonnes pour t'écrire ma "Lettre à un ancien patron". Je te
disais alors que "pour la première fois dans ta vie, tu n'as plus rien à perdre
- à part la perspective de disparaître dans le néant." C'était après que tu
soies resté obstinément silencieux face au comportement de l'armée israélienne
dans la répression de l'intifada, à la poursuite de l'occupation et au refus
obstiné d'Israël de reconnaître l'OLP en tant que représentant légitime des
Palestiniens. A l'époque, je croyais que tu ne raisonnais pas comme Yitzhak
Shamir et Yitzhak Rabin (connu alors comme le "briseur d'os"), mais que tu
n'étais pas assez courageux pour oser protester.
Onze ans plus tard, en 2000,
je t'ai écrit une deuxième lettre ouverte. C'était après la signature d'Oslo et
l'assassinat de Rabin, après aussi que tu aies perdu une élection - cette fois,
la présidentielle. Alors, je te disais : "Nombreux sont les Israéliens à te voir
sous un jour différent désormais. Pour eux, tu représentes l'espoir de quelque
chose de nouveau, d'autre." Et voilà qu'aujourd'hui je t'écris à nouveau. Et ce
que je veux te dire, c'est que tu ne représentes plus aucun espoir dans quelque
domaine que ce soit.
Le gouvernement dont tu es l'un des plus hauts
responsables - ministre des affaires étrangères, rien que ça... - n'est plus
simplement un gouvernement de la dernière chance parmi les gouvernements de la
dernière heure qui abondent dans notre histoire ; ce gouvernement est un
gouvernement criminel. Participer à ce crime est un problème en soi. Il n'est
plus possible de t'absoudre, de te laisser l'initiative pour Oslo, de comprendre
que tu souffres de ce qui se passe, et de penser que tu es sans doute même sur
le point d'éclater de rage devant les événements et que tu te retiens pour ne
pas hurler ta colère, t'exprimer, et par-dessus tout ne pas agir, simplement à
cause de considérations tactiques, que toi seul comprendrais mieux que
personne.
Non : ton silence et ton inaction ne peuvent être justifiés plus
longtemps : Shimon, tu es complice d'un crime. Le fait que tu sois capable d'en
être conscient à l'intérieur de toi-même et, de temps en temps, te fendre de
quelques faibles paroles de condamnation, le fait que tu ne sois pas premier
ministre et que l'Amérique vous donne carte blanche en ce moment, le fait que la
plupart des gens pensent différemment et que quitter le gouvernement et
"poursuivre un journaliste d'Ha'Aretz", comme tu le dis, serait inutile : toutes
ces excuses ne font rien à l'affaire. Tu continues à servir dans un gouvernement
qui a du sang sur les mains, encore occupé à tuer, à emprisonner et à humilier,
et tu es un partenaire de tous ses agissements, y compris les pires. Tu
appartiens au régime de Sharon comme le ministre taliban des affaires étrangères
appartient à leur régime. Ta responsabilité n'est pas moins grande que celle du
chef du gouvernement, dont tu critiques les actes en privé. Toujours en privé.
Seulement en privé.
Tu déclares avoir entendu annoncer à la radio
l'assassinat de Ra'ed Karmi, après trois semaines de calme du côté palestinien.
De ton point de vue, cela suffit à t'exonérer de la responsabilité de ce crime,
et même d'avoir à le critiquer ouvertement. Quand l'armée israélienne était en
train de réoccuper Tulkarem, tu étais en compagnie de Bill Clinton. A une
question à ce sujet, tu as marmonné des propos incohérents. Après les
démolitions de maisons à Rafah, tu t'es mordu la lèvre et tu as gardé le
silence. On peut aisément présumer que la destruction de la radio palestinienne
n'était pas réellement ta tasse de thé, non plus. Mais tu endosses la terrible
responsabilité de tous ces agissements, de tous ces crimes qui ne peuvent être
qualifiés autrement que de crimes de guerre.
Demande à ton beau frère, le
professeur Rafi Walden, chirurgien-chef au centre médical de Sheba, qui se rend
parfois dans les territoires comme volontaire pour Médecins en faveur des Droits
de l'homme : il te dira ce à quoi tu participes. Il te parlera des femmes
enceintes en travail - non pas une ou deux, cela n'a rien d'exceptionnel - et
qui ne peuvent être transportées à l'hôpital à cause de la cruauté de l'armée
israélienne, cette armée dont tu étais jadis si fier, et les bébés de ces femmes
meurent à la naissance. Il te racontera les patients souffrant d'un cancer que
l'on empêche d'aller suivre leur traitement en Jordanie. Non : ils ne peuvent
même pas aller se faire soigner en Jordanie - "pour des raisons de sécurité"
!
Il te parlera des hôpitaux de Bethlehem bombardés par l'armée. Il te
racontera les médecins et les infirmières obligés d'y dormir parce qu'ils ne
peuvent rentrer chez eux. Il te parlera de ces dialysés obligés d'être
trimballés durant des heures sur des routes chaotiques trois fois par semaine
afin d'essayer désespérément d'atteindre les appareils de dialyses dont dépend
leur survie. Il te fera part de ces patients auxquels on doit refuser un
traitement médical crucial à cause des bouclages et aussi des ambulances
auxquelles on refuse le franchissement des checkpoints, même lorsqu'elles
transportent des malades dans un état critique. Il t'informera des gens qui sont
morts aux barrages et de ceux qui sont morts chez eux parce qu'ils n'ont pas eu
le courage de s'approcher de ces barrages, constitués désormais de tanks
menaçants, en travers de la route, ou de monceaux de terre et de blocs de ciment
inamovibles - même pour laisser passer un malade à l'article de la mort.
Tu
as emprisonné un peuple entier pendant plus d'un an, faisant preuve d'un degré
de cruauté sans précédent dans toute l'histoire de l'occupation israélienne. Ton
gouvernement écrase trois millions de personnes, les privant de tout semblant de
vie normale. Impossible pour eux d'aller au marché, au travail, à l'école, de
rendre visite à un oncle malade. Rien. Tout est interdit. Interdit d'aller où
que ce soit, de revenir d'où que ce soit. De jour comme de nuit. Le danger est
tapi partout, partout il y a encore un autre barrage, qui suffoque toute forme
de vie.
Une nation entière nous a tendu les mains pour faire la paix, tout
autant que nous l'avons fait nous-mêmes - cela, tu le sais très bien. Elle a son
compte de souffrance, depuis la Nakba de 1948, en passant par l'occupation de
1967, pour finir par l'état de siège de 2002. Elle veut exactement la même chose
que ce que les Israéliens désirent pour eux-mêmes : un minimum de calme, de
sécurité et une goutte de légitime fierté nationale. A cause d'un homme, ce
peuple entier se lève désormais chaque matin pour retrouver un abîme béant de
désespoir, de chômage et de privations - avec, aujourd'hui, les tanks stationnés
au bout de la rue, par dessus le marché.
On t'a toujours pardonné, malgré
tout ça. Mais c'est terminé. Quelqu'un qui est le partenaire d'un gouvernement
qui sabote systématiquement tous les efforts des Palestiniens pour ramener le
calme, qui humilie délibérément leurs dirigeants, pour lequel la vengeance est
le seul mobile, qui exploite cyniquement l'aveuglement et la stupidité de
l'après onze septembre afin d'agir à sa guise, ne saurait être pardonné. C'est
vrai, tu n'es pas d'accord avec tout ce que fait ce gouvernement, mais qu'est-ce
que cela peut bien faire ? Tu y es, tu es dans ce gouvernement, tu en es
complice, comme dans n'importe quelle autre espèce de crime. Parfois, je te vois
répondre aux questions de tel ou tel journaliste au sujet du dernier exploit
lamentable de ton gouvernement. Ton visage (et Dieu sait si j'en connais les
expressions par coeur, après toutes ces années) trahit ton embarras, voire ton
dégoût. Alors tu délivres une de tes réponses évasives, lourdes de sous-entendus
et peu franches, pour tout dire. Tu marmonnes quelque chose pour tenter de te
tirer d'affaire par quelque jeu de mot tiré par les cheveux. C'est ce qui s'est
produit, pas plus tard que la semaine dernière, lorsque tu étais assis à côté de
Clinton et qu'on t'a interrogé sur la réoccupation de Tulkarem. Tu n'as rien
répondu - rien - tu t'es contenté de laisser passer la question, et d'attendre
qu'on te fiche la paix afin de te remettre à discourir tranquillement de paix et
de visions d'avenir grandioses.
Interrogé au sujet des assassinats
programmés, des démolitions, de l'humiliation d'Arafat et de son assignation à
résidence scandaleuse, de la destruction de l'aéroport de Dahaniya ou de la
foire-exposition aux munitions du bateau, à Eilat, tu fronces les sourcils et tu
t'esquives. Mais cela ne marche plus.
Maintenant, il faut que tu donnes une
réponse directe, honnête et véridique - sinon : rien. Le temps est venu pour toi
de dire que l'occupation de Tulkarem était une décision folle, que l'assassinat
de Ra'ed Karmi avait pour objectif de relancer la violence et que la destruction
des maisons de Rafah est un crime de guerre - sinon, tu es un Ariel Sharon bis.
Ce n'est pas le moment d'aligner des subtilités, des sous-entendus : un désastre
terrifiant est en train d'être commis, un grand vent mauvais souffle recouvrant
de cendres tout, absolument tout.
Veux-tu un exemple ? Il y a quelques jours,
on a rapporté des propos que tu aurais tenus (toujours en privé), selon lesquels
il était difficile pour toi de critiquer la politique du gouvernement alors que
les Etats-Unis ne le font pas... Mais qu'est-ce que c'est que cette excuse
pathétique ? Qu'est-ce que le fait qu'il y ait une administration prédatrice aux
Etats-Unis qui n'est contrebalancée par aucun autre pouvoir dans le monde, qui
agit selon son bon plaisir et qui laisse faire Israël ce qu'il veut, a à voir
avec tes positions de principe ? Qu'est-ce que tout cela a à voir avec le bien
d'Israël ? Qu'est-ce que cela a à voir avec les principes fondamentaux de la
justice et de la morale ?
Peut-être devrais-tu prendre ne serait-ce qu'un
jour de congé, chose que tu fais si rarement, pour aller visiter les territoires
occupés. As-tu seulement, une fois dans ta vie, vu le checkpoint de Qalandiyah ?
As-tu vu ce qui s'y passe ? Penses-tu être capable de faire convenablement ton
boulot sans avoir vu le barrage routier de Qalandiyah ? Ne comprends-tu pas que
tu es responsable de ce qui se passe là-bas ? Ne comprends-tu pas que tout
ministre des affaires étrangères d'un état qui érige ce genre de contrôles
routiers est responsable de leur existence ?
Ensuite, tu pourrais aller au
village de Yamoun et y rencontrer Kheira Abu Hassan et Amiya Zakin, qui ont
perdu leur bébé, il y a trois semaines, quand les soldats israéliens ont refusé
de laisser leur ambulance franchir le barrage, alors qu'elles avaient des
contractions et qu'elles perdaient beaucoup de sang. Ecoute leur récit : il est
insoutenable. Et que vas-tu leur répondre ? Que tu es désolé ? Que ça n'aurait
pas dû arriver ? Que c'est la dure rançon de la guerre contre le terrorisme ?
Que c'est choquant ? Que c'est peut-être la faute de Shaul Mofaz, mais
certainement pas la tienne ? Le porte-parole de l'armée n'a même pas daigné
exprimer des regrets pour ces deux cas terrifiants, et ne parlons pas d'enquête
criminelle. Il s'est contenté de confirmer que l'un des deux cas s'est bien
produit, et qu'il "n'avait pas de détails suffisants" sur le deuxième !
Tout
aussi important : que vas-tu dire sur nos soldats qui se sont conduits ainsi ?
Que c'est à cause de la sécurité d'Israël ? Que les fautifs, ce sont les
Palestiniens ? Ou Arafat ? La vérité, Shimon, c'est que tu es responsable de la
mort de ces deux bébés. Parce que tu es resté silencieux. Parce que tu es resté
au gouvernement.
Nous vivons des temps terribles. Mais le pire est devant
nous. Le cycle de violence et de haines est bien loin d'avoir atteint son
apogée. Toutes les injustices, tout le mal faits aux Palestiniens finiront par
nous sauter à la figure. Un peuple maltraité de la sorte pendant des années ne
pourra qu'exploser un jour, dans une furie dévastatrice, bien pire que ce que
nous voyons aujourd'hui. En attendant, nos soldats pénètrent dans les locaux de
la radio palestinienne, y installent des charges explosives et font tout sauter
car tels sont les ordres, sans s'arrêter une minute en chemin pour demander :
pourquoi ?
Ces soldats sont porteurs d'un avenir funeste, non seulement pour
leurs victimes, mais aussi pour ceux qui les envoient. Des soldats qui
détruisent des dizaines de pauvres maisons appartenant à des réfugiés, avec tous
leurs maigres biens à l'intérieur, sans une seconde d'hésitation, et bien
entendu sans opposer le moindre refus de mettre à exécution des ordres aussi
scandaleusement illégaux, ne sont pas des bons soldats, même pour leur propre
pays. Des pilotes qui bombardent des cibles situées au coeur de villes
surpeuplées, des opérateurs de tanks qui pointent leur canon sur des femmes qui
tentent de rejoindre une maternité pour y accoucher en pleine nuit et des
officiers de la police des frontières qui brutalisent des femmes et des jeunes
n'augurent rien de bon pour l'avenir. Ils sont tous des témoins vivants d'un
délitement de la retenue qui découle d'une total désarroi.
Oui, cette année,
nous avons perdu notre chemin. Tu as apporté tes voix à un premier ministre qui
est le vétéran des fauteurs de guerre en Israël, et personne ne peut dire avec
quelque certitude quelles sont tes intentions. Avec un peuple qui a subi un
lavage de cerveau et qui s'exprime avec une unanimité effrayante, tu as partie
gagnée. Dès lors qu'un autre membre de ton parti, Ehud Barak, a tout fait, de
manière délibérée, afin de faire éclater le camp de la paix, tu as eu les
coudées franches pour faire ce qui te plaisait. L'armée n'enquête plus désormais
sur un quelconque crime de guerre et le système judiciaire avalise n'importe
quelle injustice dès lors qu'elle est enveloppée dans le manteau de la
sacro-sainte sécurité. Le monde entier est fort occupé à lutter contre le
terrorisme, la presse se voile la face et l'opinion publique se bouche les
oreilles, ferme les yeux, et ne veut rien savoir. Elle ne veut qu'une chose : se
venger. Sous couvert de cette obscurité et avec le soutien d'un personnage de
ton envergure, l'occupation est devenue l'instrument du crime et du mal.
Bien
sûr, je sais. Tu vas me demander : "Que puis-je faire ? Je n'ai pas été élu
premier ministre. Je n'ai pas été élu secrétaire du parti travailliste. Je ne
suis même pas ministre de la défense..." C'est vrai : dans ce gouvernement, tu
ne peux absolument rien faire, et d'ailleurs tu ne fais rien. C'est d'ailleurs
la raison pour laquelle tu n'aurais jamais dû accepter d'en faire partie. Tu vas
me dire que tu y exerces une certaine influence, que tu retiens un peu les
choses, que tu es une force modératrice, que tu fais ce que tu peux... Tout ça
c'est du vent. Ça ne peut pas être pire que maintenant, alors, dis-moi un peu
où, au juste, tu as exercé ton influence et qu'est-ce que tu as bien pu éviter ?
Aurais-tu envisagé faire quelque moment partie d'un gouvernement qui
réoccuperait des parties de la zone A sans que personne ne fasse rien pour l'en
empêcher ?
Pense une minute à ce qui se serait passé si tu t'étais levé et si
tu avais démissionné à grand bruit de ce gouvernement, en disant au monde entier
ce que tu as (peut-être) sur le coeur ? Cela aurait été la parole du lauréat du
Prix Nobel contre les crimes du gouvernement Sharon. Imagine si tu étais allé à
Ramallah, rencontrer Yasser Arafat qui y est assiégé, et si vous étiez sortis
tous deux dans la rue, affrontant les tanks israéliens et exigeant leur retrait
et un cessez-le-feu. Bien sûr, le ciel ne serait pas tombé sur nos têtes,
l'occupation n'aurait pas pris fin comme par enchantement et le bouclage de
Jénin n'aurait pas été levé. Mais de réelles fissures auraient été ouvertes dans
le piédestal moral, politique et international de ce gouvernement apparemment
intouchable. Imagine, si tu avais dit : "Oui, les démolitions de maisons sont un
crime de guerre. Oui, un Etat qui a des listes d'hommes à abattre n'est pas un
Etat de droit. Oui, installer un barrage routier qui cause des morts de civils
est un acte terroriste. Non, les Palestiniens ne sont pas les seuls responsables
de cette orgie de sang versé. Oui, nous avons un chef de gouvernement qui
représente un grave danger pour la démocratie. Oui, nous avons un ministre de la
défense (qui est aussi le chef du parti travailliste) qui ne veut entendre
parler que d'occupation, de représailles, d'assassinats, d'expulsions, de
démolitions, d'arrachages de cultures, et qui n'a absolument aucune autre espèce
d'idée en tête.
C'est bien ce que tu penses, n'est-ce pas ? Alors, dans ce
cas : dis-le, pour l'amour du Ciel ! Et si ce n'est pas le cas, alors tu es bien
là où tu es, dans ce gouvernement, et nous qui avions confiance en toi nous
sommes terriblement trompés. Je t'en prie, ne nous raconte pas que l'on fait de
toi, encore une fois, un punching ball... Ce n'est pas vrai. Depuis Oslo, tu as
toujours incarné nos espérances. Et ces espoirs ont été déçus.
Il n'y a plus
beaucoup de temps, Shimon. Pas seulement pour toi, mais aussi pour nous. Nous
sommes au bord du précipice. Si tu attends que Benjamin Ben-Eliezer, Ephraim
Sneh, Ra'anan Cohen, Dalia Itzik et consorts viennent présenter un énième marché
de démission-du-gouvernement-afin-d'organiser-de-nouvelles-élections, tu finiras
par être poussé dans les oubliettes par les mêmes. Tu sais très bien qu'il leur
démange de se débarrasser de ta personne, depuis un certain temps désormais.
Même si tu te prononçais aujourd'hui, il est peut-être déjà trop tard. Tout le
monde a peut-être déjà trop perdu confiance en toi et il est peut-être d'ores et
déjà impossible de redresser les ruines causées par Sharon.
Mais la seule
façon pour toi d'ajouter un autre acquis significatif à ta déjà riche
biographie, c'est de ne pas te contenter de te lever là, maintenant, et de
démissionner de ce gouvernement, chose que tu seras sans doute amené à faire un
jour ou l'autre, de toute manière, mais de le faire en parlant haut et clair,
afin de dire aux Israéliens tout ce que tu penses sur tout ce qui est en train
de se passer, en particulier au sujet du mal que nous sommes en train de
perpétrer de nos propres mains. Une fois de plus, dans ta vie, essaie de
construire quelque chose de nouveau - non pas une centrale nucléaire ou une
usine aéronautique, car nous en avons à revendre. Non, dès maintenant, contre
vents et marée, essaie de construire un camp de la paix radical, de tirer
quelque chose du néant. Est-il trop tiré par les cheveux de penser que tu vois
encore les choses différemment du reste de tes collègues au gouvernement ?
Dis-nous la vérité, Shimon.
5. "Israël-Palestine", Canal+ donne la parole aux
enfants
Dépêche de l'Agence France Presse du vendredi 1er février
2002, 08h48
PARIS - Au moment où la situation au Proche-Orient ne
cesse de se dégrader, Canal+ diffuse le 12 février à 20H45 "Israël-Palestine,
paroles d'enfants", un documentaire de B.Z. Goldberg, Justine Shapiro et Carlos
Bolado qui donne la parole à des enfants israéliens et palestiniens.
Tourné
entre 1997 et 2000 pendant une période de relative accalmie, le film analyse la
complexité de la situation à travers la parole de sept enfants de 9 à 13 ans,
avant la reprise de la "deuxième Intifada" qui a entraîné un nouveau cycle de
violences.
La caméra prend le temps de faire connaissance avec chacun de ces
enfants qui vivent à vingt minutes les uns des autres mais grandissent dans des
mondes cloisonnés.
Moishe, qui habite dans une colonie juive proche de
Jérusalem, rêve de faire "déguerpir les Arabes" et de reconstruire le Temple.
Schlomo est juif ultra-orthodoxe et futur rabbin, Mahmoud est palestinien et
partisan du Hamas et du Hezbollah, Faraj vit dans un camp de réfugiés
palestiniens, les jumeaux israéliens laïcs Yarko et Daniel habitent dans le
quartier juif de Jérusalem Ouest et la petite Sanabel, fille d'un journaliste
emprisonné par les Israéliens, vit dans une famille arabe non pratiquante. Deux
fois par mois, ils peuvent visiter le prisonnier une demi-heure.
Sur trois
ans, on voit les enfants s'interroger, réfléchir, évoluer et pour certains
d'entre eux réussir à prendre contact par téléphone, communiquer et même se
rencontrer. D'un côté comme de l'autre, ils vivent avec la violence, la peur de
l'attentat, le poids des préjugés de leurs parents.
L'un des jumeaux résume
la situation: "C'est leur terre. Mais c'est mon pays, je suis né et j'ai grandi
ici (...) Des deux côtés on meurt. Des deux côtés on perd".
Daniel et Yarko,
après avoir franchi les barrages, se rendent au camp où vit Faraj et sont reçus
chez lui. Les graffitis du Hamas les mettent mal à l'aise, mais "ils
comprennent".
Ce film, produit par l'organisation américaine à but non
lucratif "The promises Film Project" qui a pour but d'informer sur le processus
de paix au Proche-Orient, a été maintes fois primé par le public et la critique
lors de nombreux festivals (notamment prix du public au festival international
du film de Rotterdam). Il figure parmi les 10 finalistes pour l'Oscar du
documentaire 2002.
6. On serre encore un peu plus la vis par
Edward Said
in Al-Ahram Weekly (hebdomadaire égyptien) du jeudi 31 janvier
2002
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Il incombe à la victime de montrer de
nouvelles voies de résistance.
L'histoire est sans pitié. En elle, aucune loi
ne bannit la souffrance et la crauté, aucune balance interne ne redonne à un
peuple auquel on a beaucoup porté atteinte la place à laquelle il a droit, dans
le monde. Les conceptions cycliques de l'histoire m'ont toujours semblé
déficientes pour cette même raison : on dirait qu'elles considèrent que le
serrage de vis maintenant signifie que le mal enduré actuellement pourrait se
transmuer en bien ultérieurement. Absurde. Serrer la vis aux gens qui
souffrent signifie simplement qu'ils continueront à souffrir, ce qui ne
représente en aucun cas une promesse de salut. Toutefois, la chose la plus
frustrante qui soit, en matière de science historique, c'est que beaucoup de
choses, dans cette discipline échappe à la fois au langage, à l'attention et à
la mémoire. Les historiens ont eu recours aux métaphores et aux figures
poétiques afin de remplir les vides, c'est pourquoi le premier grand historien,
Hérodote, était connu également sous le nom de Père des Mensonges. Il y a
tellement de ses écrits qui embellissent - et aussi, dans une large mesure,
dissimulent - la vérité que son art d'immense écrivain doit plus à son
imagination qu'à la profusion des faits qu'il a exposés.
Vivre aux
Etats-Unis, actuellement, est une terrible expérience. Tandis que les principaux
médias et le gouvernement se font écho entre eux au sujet du Moyen-Orient, on ne
peut trouver des opinions alternatives que grâce à Internet, au téléphone, aux
canaux satellites et à la presse locale arabe et juive. Néanmoins, toute
information immédiatement accessible à l'Américain moyen étant noyé dans un
maelström d'images et de reportages médiatiques pratiquement entièrement
expurgés de toute information de politique étrangère qui ne reflèterait pas la
ligne patriotique fixée par le gouvernement, le pays produit de lui-même une
image stupéfiante. L'Amérique pourchasse les démons terroristes. L'Amérique est
généreuse ; quiconque n'est pas d'accord avec sa politique est mauvais et
anti-américain. La résistance contre l'Amérique, sa politique, ses armes et ses
idées ? Rien moins que du terrorisme ! Ce que je trouve tout aussi stupéfiant
est de voir les analystes de la politique étrangère américaine les plus
influents et, à leur manière, les plus sophistiqués, persister à affirmer qu'ils
ne comprennent pas pour quelle raison le monde entier (et en particulier les
Arabes et les musulmans) s'entêtent à ne pas faire leur le message de
l'Amérique, et pourquoi le reste du monde, y compris l'Europe, l'Asie, l'Afrique
et l'Amérique latine, persiste à critiquer la politique américaine en
Afghanistan, ainsi que la dénonciation unilatérale, par les Etats-Unis, de six
traités internationaux, leur soutien total, inconditionnel à Israël, leur
traitement extraordinairement rétrograde des prisonniers de guerre. La
différence entre les réalités telles que les perçoivent les Américains, d'une
part, et le reste du monde, d'autre part, est si énorme et si irrémédiable
qu'elle défie la description.
Les mots, à eux seuls, sont incapables
d'expliquer pourquoi un Secrétaire d'Etat, que l'on supposerait disposer de
toutes les informations possibles sur un claquement de doigts, est capable
d'accuser, sans rire, le dirigeant palestinien Yasser Arafat de ne pas sévir
assez énergiquement contre le terrorisme et d'avoir acheté cinquante tonnes
d'armes afin de défendre son peuple... Ce, alors qu'au même moment, on fournit à
Israël tout ce qu'il y a plus de mortellement sophistiqué dans l'arsenal
américain sans qu'il ait à dépenser le moindre dollar. (Il faut dire, au
passage, que la gestion de l'incident du Karine A par l'OLP a démontré une
incompétence et une lourdeur qui ont dépassé, et de loin, son déjà pitoyable
palmarès). Et pendant ce temps-là, Israël s'emploie à ce qu'Arafat soit enfermé
dans son Q. G. de Ramallah ; son peuple, totalement captif ; ses dirigeants,
assassinés ; des innocents, affamés ; les malades, mourants ; la vie, totalement
paralysée. Et malgré tout ça, ce sont les Palestiniens que l'on continue à
accuser de terrorisme ! L'idée - et surtout la réalité - de trente cinq années
d'occupation militaire a tout simplement échappé tant aux médias qu'au
gouvernement américain. Ne soyez donc pas surpris si, demain, Arafat et son
peuple sont accusés d'assiéger Israël, tandis que celui-ci continuera à assiéger
leurs citoyens et leurs localités. Non : ce que vous voyez là, ce ne sont pas
des avions israéliens en train de bombarder Tulkarem et Jénine. Non : ce sont
des terroristes palestiniens... il a dû leur pousser des ailes... Et ces villes,
que l'on bombarde ? Mais oui, c'est bien ce que je redoutais : ce sont des
villes israéliennes...
Quant à Israël, dans les médias américains, ses
porte-parole sont tellement entraînés à mentir, à créer des fausses nouvelles à
la manière dont le charcutier fabrique ses chapelets de saucisses, que rien,
absolument rien, ne leur fait peur. Hier, j'ai entendu un officiel du ministère
israélien de la Défense (rien que cet intitulé me reste en travers de la gorge),
qui répondait aux questions d'un journaliste américain au sujet de destructions
de maisons à Rafah : ces maisons étaient vides, expliquait-il sans se démonter ;
des terroristes en avaient fait des repères pour aller assassiner des citoyens
israéliens ; nous devons défendre les citoyens israéliens contre le terrorisme
palestinien. Le journaliste ne fit pas la moindre allusion à l'occupation, ni au
fait que les "citoyens" en question étaient des colons. Quant aux centaines de
malheureux Palestiniens sans toit dont les images apparurent fugitivement dans
les médias américains après que les bulldozers (made in USA) aient accompli leur
oeuvre, ils étaient déjà loin : complètement sortis de la mémoire et de la
conscience.
Quant à la non-réponse arabe, elle dépasse en ignominie et en
disgrâce les records abyssaux déjà battus par nos gouvernements au cours des
cinquante dernières années. Un tel silence obstiné, une telle servilité et une
telle balourdise de leur part, devant les Etats-Unis et Israël, sont aussi
stupéfiantes et inacceptables, à leur manière, que ce dont Sharon et Bush sont
capables. Les dirigeants arabes ont-ils une telle peur d'offenser les Etats-Unis
qu'ils en viennent à accepter non seulement l'humiliation des Palestiniens mais
aussi la leur propre ? Et pour quel objectif, en fin de compte ? Tout simplement
pour qu'on les laisse poursuivre leur corruption, leur médiocrité, leur
oppression. Quel vil marché ils ont conclu entre la continuation de leurs
intérêts étriqués et la bienveillance américaine ! Il n'est pas étonnant, dès
lors, qu'il n'y ait pratiquement pas un seul Arabe vivant aujourd'hui pour qui
le mot "régime" signifie autre chose qu'irritation incrédule, amertume à l'état
pur et (mis à part le petit cercle des conseillers et des adulateurs) aliénation
haineuse. Au moins, avec la récente conférence de presse de hauts dirigeants
saoudiens critiquant la politique américaine vis-à-vis d'Israël, nous avons
assisté à une rupture bienvenue du silence. Hélas, le désarroi et la confusion
autour du prochain sommet arabe continuent à alimenter notre placard déjà
pourtant bien rempli d'incidents mal gérés qui étalent aux yeux de tous une
désunion et un sens du vaudeville dont on pourrait avantageusement se
passer.
Je pense que l'adjectif "retors" est celui qui s'applique le mieux au
traitement que l'on inflige à la vérité des souffrances imposées par Sharon aux
populations de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Le fait que cela ne puisse
être décrit ou raconté de façon satisfaisante, le fait que les Arabes ne disent
et ne fassent rien afin de soutenir la lutte, le fait que les Etats Unis soient
si terriblement hostiles, que les Européens soient tellement inutiles (mise à
part leur récente déclaration, qui ne comportait aucun protocole pour sa mise en
application) : tout cela a conduit beaucoup d'entre nous au désespoir, je le
sais, et à une sorte de frustration résignée qui est l'un des résultats
escomptés par les officiels israéliens et leurs homologues américains. Réduire
les gens à un renoncement tel qu'il se mue en indifférence, rendre la vie
misérable au point qu'il semble n'y avoir d'autre réponse que renoncer à la vie
elle-même : tout cela constitue l'état de désespérance que Sharon recherche
manifestement. C'est ce pourquoi il a été élu et c'est ce qui, si sa politique
échoue, va lui faire perdre le pouvoir. Après quoi Netanyahu sera appelé à le
remplacer afin de parachever la même tâche horrifiante et inhumaine (mais
néanmoins, en fin de compte, suicidaire).
Face à une situation de cette
nature, la passivité et la haine désespérée - et même une sorte de fatalisme
amer - sont, je le pense sincèrement, des réponses intellectuelles et politiques
inadaptées. Les contre-exemples en sont encore nombreux. Les Palestiniens n'ont
ni été intimidés ni réduits à résipiscence et ils ont fait, en cela, la
démonstration d'une indéfectible volonté et d'une grande lucidité. De ce point
de vue, toutes les mesures de punition collective d'Israël et l'humiliation
permanente qu'il veut infliger aux Palestiniens ont fait la démonstration de
leur inefficacité ; comme l'a dit un de ses généraux, vouloir arrêter la
résistance en assiégeant les Palestiniens revient à vouloir boire la mer avec
une petite-cuillère. C'est tout simplement impossible. Mais ayant noté cela, je
pense néanmoins fermement que nous devons dépasser la résistance obstinée pour
passer à une résistance créative, dépasser les vieilles méthodes éculées qui
permettent de défier les Israéliens, certes, mais pas de faire avancer
suffisamment les intérêts palestiniens lorsqu'on le fait. Prenez par exemple le
processus de prise de décision. C'est parfait, pour Arafat, de jouer les captifs
à Ramallah et de répéter inlassablement qu'il veut négocier : cela ne constitue
pas un programme politique, pas plus que le caractère personnel de ce programme
ne saurait suffire à mobiliser son peuple et ses alliés. Il est certes
satisfaisant de relever la déclaration de soutien à l'Autorité palestinienne de
l'Union européenne, mais il est autrement plus important de parler des
réservistes israéliens qui refusent de servir en Cisjordanie et à Gaza. Tant que
nous ne chercherons pas à repérer la résistance israélienne à l'oppression
israélienne et à établir une collaboration avec elle, nous resterons bloqués à
la case "départ".
Il est une certitude : chaque tour de vis aggravant la
cruauté des châtiments collectifs crée dialectiquement un nouvel espace pour de
nouvelles formes de résistance, dont les attentats-suicides ne font en aucun cas
pas plus partie que n'est nouveau le style personnel d'Arafat en matière de défi
(qui nous remémore par trop ce qu'il disait, il y a vingt ou trente ans, à
Amman, à Beyrouth et à Tunis). Ce n'est pas nouveau, et ce n'est pas à la
hauteur de ce que font actuellement les opposants à l'occupation militaire
israélienne tant en Palestine qu'en Israël. Pourquoi ne pas consacrer un effort
tout particulier à l'identification des groupes et associations israéliens qui
se sont opposés à la destruction de maisons, à la discrimination, aux
assassinats ciblés ou à toutes les formes sans foi ni loi de démonstration de la
brutalité israélienne ? L'occupation ne sera en aucun cas vaincue tant que les
efforts des Palestiniens et des Israéliens ne convergeront pas afin de mettre un
terme à cette occupation, en recourant à des moyens spécifiques et concrets.
Ceci signifie, par tant, que les groupes palestiniens (avec la supervision de
l'Autorité palestinienne ou sans elle) doivent prendre des initiatives qui
sollicitent et impliquent la résistance israélienne, et également la résistance
européenne, arabe et américaine. En d'autres termes, avec l'écroulement du
processus d'Oslo, la société civile palestinienne a été libérée de cet ersatz
frelaté de processus de paix, et cette nouvelle reprise en main d'une forme de
pouvoir signifie qu'il est possible d'aller chercher des interlocuteurs au-delà
des interlocuteurs aussi traditionnels que le désormais totalement discrédité
parti travailliste israélien et ses obligés, en s'adressant à des tendances plus
courageuses, innovantes et sincèrement hostiles à l'occupation. Si l'Autorité
palestinienne veut s'entêter à exhorter Israël à revenir à la table des
négociations, libre à elle, bien entendu, pour peu qu'il y ait des Israéliens
prêts à aller s'asseoir à cette fameuse table en face d'elle. Mais cela ne
saurait vouloir dire que les ONG palestiniennes doivent répéter le même refrain,
ou qu'elles doivent continuer à se préoccuper de normalisation, puisqu'il ne
s'agissait en fait que de se normaliser vis-à-vis de l'Etat israélien, et non
pas vis-à-vis des courants et les groupes progressistes de la société civile
israélienne qui soutiennent une réelle autodétermination palestinienne et la fin
de l'occupation, des colonies et des punitions collectives.
Certes, la vis
tourne, mais cela ne signifie pas uniquement : répression accrue. Cela révèle
aussi de nouvelle opportunités pour l'ingéniosité et la créativité des
Palestiniens. Il y a d'ores et déjà des signes considérables de progrès
accomplis dans la société civile palestinienne : y apporter plus d'importance
s'impose, tout particulièrement au moment où les fissures de la société
israélienne laissent entrevoir une populace apeurée, recluse et horriblement
inquiète, qui a le plus grand besoin de se réveiller. Il incombe toujours à la
victime, et non pas à qui l'opprime, d'indiquer les nouvelles voies de la
résistance, et tout indique que la société civile palestinienne commence à
prendre l'initiative. Voilà qui est d'excellent augure en cette période de
découragement et de régression instinctive.
7. Face à la force, le droit
international par Monique Chemillier-Gendreau
in Le Monde
Diplomatique du mois de janvier 2002
(Monique Chemillier-Gendreau
est professeur à l'université Paris-VII-Denis-Diderot.)
Par son soutien à l'offensive israélienne contre l'Autorité palestinienne,
M. George W. Bush s'associe à une violation du droit international, dont il
tente de bloquer l'application en faisant usage de son droit de veto au Conseil
de sécurité.
Dominée par des économies militarisées, la société
internationale est engagée dans une phase régressive du point de vue des
fondements juridiques et politiques de ce qui aurait pu être une communauté
internationale. Son attitude dans le conflit israélo-palestinien est
emblématique de cette situation.
Dès 1945 ont été posés des principes relatifs aux droits de la personne,
d'autres assurant le maintien de la paix et garantissant les droits des peuples
et, plus récemment, une amorce de droit pénal international pour éviter
l'impunité. Ces éléments sont ignorés par les gouvernements israéliens
successifs, avec le renfort de l'administration américaine.
La Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 (sans valeur
obligatoire, mais fortement symbolique), les pactes internationaux de 1966 sur
les droits civils et politiques et sur les droits économiques et sociaux et bien
d'autres textes, parmi lesquels les conventions de Genève sur le droit
humanitaire en cas de conflit armé, la convention contre la torture ou la
convention sur les droits de l'enfant (ensemble à caractère contraignant),
représentent les valeurs communes de la société mondiale, en situation de paix
comme de guerre.
Depuis ses origines, l'Etat d'Israël bafoue ces conventions. En son sein
même, les Arabes sont victimes de multiples discriminations qui sont autant de
violations du principe d'égalité. Dans les territoires occupés, la torture est
couramment pratiquée. Il ne s'agit pas de cas exceptionnels. Avalisée
officiellement pendant une période, cette pratique n'a pas cessé. Elle s'exerce
y compris sur des enfants qui sont nombreux à être détenus (1).
Le refus du droit de libre circulation et de tous les droits reconnus dans
les pactes est dénoncé par tous les organismes, y compris israéliens, préoccupés
des droits de la personne (2).
Ces violations sont autant de dénis des droits généraux, et plus
particulièrement des garanties inscrites dans les conventions de Genève. Les
déplacements forcés de population, les implantations de colonies de peuplement
de l'occupant, les destructions de maisons, arrachages de plantations,
arrestations arbitraires, assassinats programmés, mesures de nature à affamer la
population, à détruire son économie, à entraver la possibilité de relations avec
l'extérieur, sont systématiques. Des pratiques qui déshonorent leurs auteurs se
multiplient, comme celles des colons d'Hébron qui répandent leurs déchets sur
les maisons palestiniennes placées en contrebas, au point qu'il a fallu tendre
des filets de protection au-dessus de la ville arabe.
Les fondements du maintien de la paix ont été piétinés. L'nterdiction du
recours à la force et des acquisitions territoriales qui en résultent, respect
de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique des autres peuples,
sont ignorés.
L'autre moitié de la Palestine
Ainsi le droit des peuples est-il dénié au peuple palestinien, non
seulement dans son exercice, mais dans son principe. Ce droit affirmé et garanti
par le pacte de la Société des nations (SDN), renforcé par la charte des Nations
unies, qui le définit comme un de ses buts, avait été accordé au peuple
palestinien en même temps qu'il était réduit à une moitié du territoire. Israël
et ses alliés, au lieu d'amener par la négociation et la persuasion le peuple
auquel on demandait cette mutilation à l'accepter, ont voulu passer en force et
au-delà. Oubliant le sacrifice demandé aux Palestiniens, l'Etat d'Israël s'est
lancé par étapes dans la conquête de l'autre moitié de la Palestine, celle
pourtant réservée à un Etat palestinien.
Extensions lors de la guerre de 1948-1950, puis lors de celle de 1967,
annexion de Jérusalem-Est, emprise militaire sur ce qui restait de territoires
palestiniens, contrôles incessants sur la partie que l'on disait pourtant
autonome (suite aux accords d'Oslo de 1993), l'avancée d'Israël sur la Palestine
n'a jamais cessé. Que le projet soit celui de la droite n'a pas empêché la
gauche d'y participer activement. Les colonies de peuplement ont été étendues
sous les gouvernements travaillistes, sensibles à la terreur que font régner des
colons illuminés. La négociation pour la paix n'a jamais été placée sous
l'exigence de reconnaissance intégrale des droits de la personne et des peuples.
Et les nuances mises au soutien américain, selon qu'il s'agissait de
gouvernements républicains ou démocrates, n'ont pas conduit à des limites
clairement imposées à Israël.
Aujourd'hui, l'objectif politique de M. Ariel Sharon apparaît bien comme
l'écrasement du peuple palestinien, le déni de son droit à l'autodétermination.
On discute entre Jérusalem et Washington du point de savoir s'il faut garder M.
Yasser Arafat ou l'éliminer comme on discutait à l'époque coloniale du
remplacement d'un gouverneur. Les attentats du Hamas sont une réponse
monstrueuse, mais, en refusant aux Palestiniens tous les moyens pacifiques de
résistance, les Israéliens mettent en péril leur propre sécurité.
Enfin, la responsabilité pénale des dirigeants israéliens est écartée.
Blanchiment de M. Sharon par une commission nationale pour les massacres de
Sabra et Chatila, refus de la Cour pénale internationale, reconnaissance
publique des assassinats dits « ciblés » de responsables palestiniens, sans
qu'il puisse être question de poursuivre ceux qui ont programmé et commis ces
crimes,voilà ce qu'il faudra que la conscience nationale israélienne assume
devant l'histoire. La parenthèse des négociations pour la paix, en se
fracassant, est apparue pour ce qu'elle a été : une démarche dans laquelle les
principes de justice n'ont pas réussi à triompher des arrière-pensées. Et les
témoignages directs (y compris américains) sur les négociations au sommet de
Camp David entre M. William Clinton, M. Ehoud Barak et M. Yasser Arafat en
juillet 2000 démentent l'idée que l'accord était proche. A Taba, en revanche, en
janvier 2001, des compromis s'esquissèrent entre Israéliens et Palestiniens,
mais il était déjà trop tard, les élections israéliennes trop proches (3).
La question palestinienne ne peut pas être dissociée de la politique
internationale dans son ensemble. Les mêmes procédés unissent désormais Israël,
les Etats-Unis mais aussi la Russie, chacun en charge de la répression sur les
peuples qui sont dans leur ligne de mire : les Tchétchènes, les Palestiniens,
les Irakiens et une liste complémentaire encore imprécise dans le projet
américain. Qualifiés de «terroristes» ou d' « Etats-voyous », selon les cas, ces
peuples subissent un terrorisme d'Etat d'autant plus puissant qu'il est le fait
de gouvernements disposant d'une écrasante supériorité militaire. Tous sont
sommés de respecter des règles dont les maîtres du monde s'exonèrent en
permanence.
Ceux qui se barricadent dans le protectionnisme rappellent sans cesse aux
autres les obligations du libre-échange. Les Etats-Unis rejettent le protocole
de Kyoto, après avoir tenté d'imposer aux pays non développés les limitations
d'émissions de gaz à effet de serre. Les sanctions sont maintenues contre
l'Irak, soupçonné de détenir des armes biologiques, mais les Etats-Unis refusent
le protocole prévoyant un contrôle de ces armes (4). Et un projet de loi
américain prévoit d'appliquer des contre-mesures aux Etats qui s'engageraient
sur la voie de la justice pénale internationale.
Israël somme l'Autorité palestinienne d'arrêter les auteurs d'attentats et
de les lui livrer, alors que les attaques israéliennes visent précisément les
locaux et les personnels de la police palestinienne, rendant toute action
massive impossible. Et si d'aventure (mais qui oserait le faire ?) M. Yasser
Arafat ou d'autres dirigeants demandaient à M. Sharon de poursuivre et
d'extrader vers les tribunaux palestiniens les auteurs, parfaitement connus, des
meurtres ciblés de dirigeants palestiniens, l'indignation serait à son
comble.
Les gouvernements successifs d'Israël (que l'on ne saurait assimiler à tout
le peuple israélien) bénéficient dans le monde d'appuis importants. Ces
pro-Israéliens font preuve d'un activisme considérable dans le soutien à la
politique d'Israël et n'hésitent pas à manier les intimidations et les menaces
contre tous ceux qui demandent qu'Israël se plie aux obligations du droit
international. Ils n'hésitent pas à accuser d'antisémitisme ceux qui
s'aventurent à critiquer la politique anti-palestinienne des gouvernements
israéliens.
Comment sortir de l'ornière ? Les risques ne concernent pas seulement le
peuple palestinien ou les autres peuples victimes d'une répression comparable,
russe ou américaine. Ils sont beaucoup plus larges. Les pays du Sud dans leur
ensemble, et notamment ceux du monde arabo-musulman, ignorent pour la plupart la
démocratie et ne connaissent pas la liberté ni son prix. Que les Etats les plus
puissants affichent à ce point leur mépris des règles du droit international et
du principe d'égalité souveraine des Etats, qui est la pierre angulaire d'une
démocratie internationale tout entière encore à construire, voilà qui ne peut
qu'encourager les gouvernements des sociétés en développement à renforcer leur
autoritarisme. Il ne reste aux populations que le désespoir, aliment de tous les
fanatismes.
Passer outre le veto américain
Lourde est la responsabilité des pays d'Europe, qui ont été le berceau des
valeurs actuellement bafouées dans un grand mouvement régressif. Leur prudence
devant le spectacle des souffrances endurées par les peuples en cause, et plus
particulièrement par le peuple palestinien, confine à la lâcheté.
Trois mesures seraient pourtant de nature à modifier la situation. La
première est l'envoi d'une force d'interposition. Elle peut être onusienne. Le
veto américain ne serait un obstacle que pour ceux qui ne veulent rien faire. En
effet, lorsque le Conseil de sécurité est bloqué par un veto, l'Assemblée
générale peut se substituer à lui. Elle l'a fait dans le passé, sur l'initiative
des Etats-Unis.
Cette réhabilitation du rôle de l'Assemblée générale serait très féconde
pour l'avenir de l'ONU, menacée de naufrage par son impuissance. A défaut, une
force européenne serait une belle occasion de doter les Quinze de cette
politique extérieure et de défense commune dont elle a tant besoin. Dans un cas
comme dans l'autre, il faudrait assumer l'opposition des Etats-Unis et
naturellement d'Israël. Mais il s'agit bien d'entrer en résistance devant un
péril qui nous concerne tous, et la résistance est toujours onéreuse.
La seconde mesure est d'ordre économique. Il s'agit de refuser l'entrée
dans l'Union européenne aux produits israéliens provenant des colonies de
peuplement, pour marquer ainsi le caractère illégal de ces implantations. Mais
il faut aller plus loin et refuser à Israël toute aide financière européenne
aussi longtemps que sa politique ne s'alignera pas sur les prescriptions
complètes du droit international.
Enfin la dernière mesure concerne la reconnaissance de l'Etat de Palestine.
Tous les gouvernements se sont permis la facilité de dire qu'ils étaient en
faveur de la création de cet Etat. Qu'à cela ne tienne. La reconnaissance est à
portée de leur main. La Palestine s'était déjà proclamée comme Etat en 1988.
Bien des Etats l'ont reconnue. L'Union européenne et ses membres peuvent
s'ajouter à la liste. A supposer que l'on estime nécessaire une nouvelle
proclamation, il est facile d'encourager M. Arafat à y procéder alors que l'on
n'a cessé de l'en dissuader. Ne pas prendre ces mesures, ce serait être complice
de ce qui s'accomplit.
- Notes
:
(1) « Enfants palestiniens détenus par
Israël : exigez le respect de leurs droits », plate-forme des ONG françaises
pour la Palestine, novembre 2001
(2) Lire les rapports d'Amnesty
International, de Human rights Watch et de l'association israélienne de défense
des droits humains B'Tselem
(3) Lire notamment Robert Malley, «
Quelques légendes sur l'échec de Camp David », Le Monde, 17 juillet 2001, et
Alain Gresh, « Proche-Orient, la paix manquée », Le Monde diplomatique,
septembre 2001
(4) Lire Susan Wright, « Double langage
et guerre bactériologique »,
Le Monde diplomatique, novembre
2001.
8. Promotion Palestine par Pierre
Marcelle
in Libération du jeudi 31 janvier 2002
Depuis que Sharon
et Bush sont convenus que Yasser Arafat ferait pour Jérusalem le symétrique
épouvantable de Ben Laden pour Washington, les chefs respectifs de l'OLP et
d'Al-Qaeda ne font plus qu'un. Reclus, le premier a rejoint le second (mort? en
fuite?), dans la confusion de tous les buts de guerre, comme l'attestait lundi
Dick Cheney, le vice de W., refusant de livrer les «preuves» de l'implication du
Vieux dans l'affaire des armes du Karine A (maudit navire promu Twin Towers de
l'OLP pour les besoins de la cause). La comparaison se file dans le tissu du
monde en guerre, et en un vertigineux flash back: vingt ans après Beyrouth, où
Sharon «rata» Arafat, ce qui restait d'Oslo est broyé. Il y a du fascinant dans
cette inéluctabilité, que l'Union européenne, tel un lapin pris dans le faisceau
des phares de l'automobile qui va l'écraser, contemple avec un effroi passif.
Tétanisée, elle ne sait comment se reprendre. Afin de se convaincre qu'elle
existe, elle a poussé la semaine dernière un petit couinement plaintif, en
publiant la liste des destructions, par Israël, des infrastructures
palestiniennes qu'elle, l'UE, avait financées. Elle y compte ses sous perdus
comme elle n'a pas compté les morts, depuis le début de la seconde Intifada:
routes, port, aéroport, radio, laboratoire, école, systèmes de tout-à-l'égoût et
d'irrigation, hôtel, etc. Puis, en mordillant son crayon, elle constate: «Ça
nous fait donc... 17,29 millions d'euros». Il convient d'entendre, dans son
épicière addition, l'expression de sa protestation.
A sa manière, l'ENA aussi
a protesté, baptisant sa dernière promotion du nom de René Cassin, père de la
Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Mieux! Selon l'AFP, il
fallut dix tours de scrutin pour que Cassin l'emportât sur le score étriqué de
70 voix contre 67. Ainsi apprit-on que la promo 2001-2003 de la «prestigieuse
Ecole» avait failli s'appeler Palestine. Ce qui eût constitué, paraît-il, une
marque de panache. Et de beaucoup d'impuissance.
9. "Ceux qui veulent détruire l'Autorité palestinienne
et Arafat commettent une erreur grossière" Déclaration de Jean Brétéché, Chef de
délégation de la Commission européenne pour la Cisjordanie et la Bande de Gaza
propos recueillis par Sanad Sahiliyéh
in Al-Quds (quotidien
palestinien) du lundi 28 janvier 2002
[traduit
par Marcel Charbonnier de la version anglaise réalisée par
FBIS]
Jean Brétéché, représentant de la Commission
européenne en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, a condamné le siège imposé
par Israël au président Yasser Arafat. Au cours d'une interview exclusive à
Al-Quds, il a déclaré que les gens qui voudraient détruire l'Autorité
palestinienne commettraient une erreur funeste, le choix de ses dirigeants par
le peuple palestinien devant être respecté, quel qu'il soit. Il a ajouté que
l'Union européenne insiste sur la levée de ce blocus, déclarant : "Quelle
situation aurions-nous si l'Autorité, son président et sa direction politique,
qui oeuvrent pour la paix, étaient éliminés ?"
M. Brétéché a posé la question
suivante : "Comment les Israéliens peuvent-ils exiger du président
(palestinien), qui a été élu par le peuple palestinien, et qui est cerné par
leurs tanks, de faire ceci ou cela, de prendre telle ou telle mesure, de prendre
telle ou telle décision, de contrôler les services de sécurité, alors que
personne ne peut gouverner en étant en état de siège ?" ; ajoutant : "Comment
l'efficacité des services de sécurité (palestiniens) pourrait-elle être
renforcée alors qu'au même moment on détruit leurs bâtiments et leurs moyens
?"
M. Brétéché a indiqué que l'Union européenne veille à tenir des réunions
régulières et à maintenir le contact avec le président Arafat. Il a rejeté
l'idée que le siège actuel serait parvenu à couper le président Arafat du reste
du monde.
Il a réfuté également l'idée qu'il y aurait eu un quelconque recul
dans les positions de principe de l'Union européenne, qui affirment les droits
des Palestiniens, déclarant notamment : "Notre position a été clairement
définie, elle le reste. Rien n'a changé dans notre position demandant la fin de
l'occupation et le retour d'Israël à l'intérieur des frontières de 1967, le
respect des résolutions 242 et 338 de l'ONU, dénonçant l'illégalité de la
construction d'implantations dans les territoires palestiniens, et ne
reconnaissant pas l'annexion de Jérusalem Est."
Il a rappelé les nombreuses
initiatives européennes, au niveau tant de l'envoyé spécial de l'Union
européenne chargé du processus de paix au Moyen-Orient, M. Moratinos, que du
coordinateur de la politique étrangère européenne, M. Solana et des ministres
européens, ajoutant : "ces initiatives ne sont pas toutes rendues publiques ;
elles n'en existent pas moins" ; ce qui était une allusion à des discussions en
cours avec les Etats-Unis, la Russie et l'ONU.
Il a rejeté l'idée que les
attentats du 11 septembre aux Etats-Unis auraient entraîné une modification de
la position de l'Union européenne vis-à-vis de la question palestinienne ; en
mentionnant que la coordination actuelle entre l'Union européenne et les USA se
place dans le cadre d'une volonté de créer un climat plus favorable à la
réalisation de la paix non pas seulement entre les Palestiniens et Israël, mais
aussi dans l'ensemble du Moyen-Orient, le conflit israélo-palestinien affectant
d'autres régions et d'autres pays.
Il a déclaré : "nous aspirons à avoir,
dans le bassin méditerranéen, voisin de l'Europe, une région où règnent la paix
et la prospérité. D'aucuns souhaitent que nous adoptions une position plus
claire, mais je vous assure que c'est ce que nous nous efforçons de faire jour
après jour. Nous n'abandonnerons pas. Nous continuerons à apporter notre
assistance politique et économique à cette région, et nous continuerons à
soutenir l'Autorité palestinienne, légitime car élue par le peuple
palestinien.
Il a précisé que bien qu'il y ait une certaine tension,
actuellement, due au fait que cette aide n'est pas aussi régulière que par le
passé, il souhaite personnellement continuer à aider les représentants du peuple
palestinien et le président Yasser Arafat. Il a lancé un appel en vue de
l'action pour l'instauration d'un climat plus favorable permettant d'avancer sur
la voie de la paix. Pour lui, les Palestiniens ont le droit d'établir leur
propre Etat, de décider ce qu'ils jugent bon, et de déterminer le futur de leurs
enfants, comme n'importe quel autre peuple dans le monde, ajoutant que, par
ailleurs "le peuple palestinien est le seul à avoir le droit de choisir ses
représentants."
M. Brétéché a indiqué que l'Union européenne est impatiente
de voir un Etat palestinien instauré à côté de l'Etat d'Israël, ajoutant que ces
deux Etats devraient se voir accorder des chances égales en matière de paix, de
prospérité et de sécurité.
Il a affirmé que la partie palestinienne déploie
des efforts sincères et importants afin de mettre en application les accords
conclus avec le partenaire israélien, ajoutant qu'il aimerait voir les deux
parties respecter aussi scrupuleusement leurs engagements, de manière à
améliorer la situation. Depuis les accords d'Oslo, les Palestiniens et les
Israéliens ont conclu un accord intérimaire. La partie palestinienne était (et
reste) désireuse de mettre cet accord en application, qui requiert le respect et
l'engagement des deux parties.
M. Brétéché a indiqué que l'Union européenne
poursuit son aide financière en direction de l'Autorité palestinienne et du
peuple palestinien. De fait, cette aide financière est en augmentation. Il y a
deux ans de cela, cette aide était de l'ordre de 50 millions d'Euros/an. Ce
chiffre doit être comparé à celui de l'année dernière, qui a atteint 250
millions d'Euros : l'augmentation est donc d'un ordre de cinq fois supérieure.
Il a précisé que cette aide inclut le soutien au budget de l'Autorité
palestinienne (salaires des fonctionnaires), aux hôpitaux, aux infrastructures
des agences de secours et d'assistance de l'ONU, et à d'autres secteurs,
nombreux.
Il a indiqué que l'Union européenne seconde les projets
d'investissement afin de créer de nouveaux emplois, tout particulièrement dans
les conditions économiques difficiles que connaît actuellement le peuple
palestinien. En Palestine, le chômage atteint environ 50%, et plus de la moitié
de la population palestinienne vit au-dessous du seuil de pauvreté. Nous œuvrons
à trouver pour eux, et nous les aidons à trouver, de meilleures opportunités
dans la vie.
Il a déclaré que l'Union européenne entreprendra sans tarder des
actions afin de soutenir, autant que faire se peut, le secteur privé
palestinien, et non pas seulement le budget de l'Autorité. La raison pour cela
étant que le secteur privé est susceptible de créer des opportunités d'emploi et
faire décoller l'économie, comme cela avait pu être constaté avant le
déclenchement de l'Intifada actuelle : il y avait alors beaucoup d'attentes dans
la société et l'économie palestinienne. Nous nous efforcerons donc de soutenir
ce secteur.
Enfin, M. Brétéché a rappelé : "en novembre dernier, nous avons
pris la décision de boycotter les produits provenant des colonies. Nous avons
informé tous les importateurs européens, concernés par l'importation de biens
produits dans les implantations à l'intérieur des territoires palestiniens, que
nous ne considérerions plus ces produits comme provenant d'Israël. Nous avons
adressé une mise en garde aux importateurs, par laquelle nous les avons informés
qu'ils ne bénéficieraient désormais plus de l'exemption des droits de douanes
sur ces produits. Il en découle qu'ils devront déposer des fonds dans une banque
à titre de garantie, et éventuellement payer des taxes, s'il est prouvé que ces
produits proviennent de colonies. M. Brétéché a conclu ainsi : "bien entendu, il
s'agit là d'un avertissement sérieux, qui a valeur de message politique ferme
adressé à Israël."
10. Demi-vérités et double langage par Sara
Leibovich Dar
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du vendredi 25 janvier
2002
[traduit de l'anglais par Mimi
Tal]
Suite à la démolition des maisons à Rafah, la
crédibilité du porte-parole de l'armée israélienne a atteint son point le plus
bas. Cette fois, l'incrédulité s'est étendue bien au-delà du cercle des
habituels sceptiques formés par des Palestiniens, journalistes étrangers,
organisations de défense des droits de l'Homme et des gauchistes invétérés. «J'y
étais», dit Hanne Foighel, reporter pour le journal danois Politiken. «J'ai
parlé à un jeune homme qui essayait de récupérer les médicaments de sa
grand-mère de l'une des maisons. Et maintenant je suis supposé croire le
porte-parole de l'armée israélienne lorsqu'il dit que ces maisons étaient
vides?» Shulamit Aloni soutient cette réflexion: «Dernièrement j'ai eu d'énormes
difficultés à croire le porte-parole de l'armée israélienne. Il n'est pas
crédible. Quand il dit que toutes les maisons de Rafah étaient vides et que je
vois à la télévision des femmes cherchant leurs vêtements dans les décombres,
comment puis-je le croire, et croire les reporters militaires comme Roni Daniel?
Je crois les images et les reporters étrangers.»
Le 10 janvier au soir,
l'armée israélienne a détruit des maisons à Rafah, et le communiqué du
porte-parole de celle-ci avait pour but de dissimuler plus que de révéler les
faits. «Ce soir, des éléments de l'armée israélienne ont mené une opération
'd'engineering' sur la frontière entre Israël et l'Égypte à Rafah, pendant
laquelle un certain nombre de bâtiments qui servaient d'abris à des personnes
tirant sur les forces armées israéliennes opérant dans cette zone ont été
découverts. Des soupçons pesaient sur ces bâtiments, qui auraient servi à
dissimuler des tunnels utilisés pour faire entrer clandestinement des armes
d'Égypte à l'Autorité Palestinienne.»
Le samedi, le général de division Doron
Almog, chef du commandement Sud, a commencé la valse des informations en
continu, quand au cours d'une interview donnée dans le cadre du programme
télévisé «Rencontre avec la presse», il a dit que les maisons qui avaient été
détruites avaient été abandonnées ces trois derniers mois. Le lendemain, le
premier ministre nuançait ces propos en disant que «la plupart des maisons
étaient abandonnées». Ce même dimanche, des officiers de l'armée israélienne
dirent au correspondant militaire de Ha'aretz Amos Harel que certaines de ces
maisons étaient habitées, mais le brigadier général Yisrael Ziv, commandant de
l'armée dans la bande de Gaza, continuait d'affirmer qu'elles étaient toutes
abandonnées. Des soldats qui ont pris part aux démolitions ont confié au journal
Maariv: «il n'y avait personne là-bas». Le mercredi matin, des responsables
militaires dirent que certains bâtiments étaient habités. Selon le rapport de la
brigade Sud de l'armée israélienne, publié l'après-midi du même jour, les
maisons étaient vides. Tout au long de la semaine, des témoignages de
Palestiniens qui vivaient dans ces maisons ont été publiés en Israël et à
l'étranger.
Des informations contradictoires ont également été rapportées
concernant le nombre de maisons détruites. Le communiqué du porte-parole de
l'armée israélienne mentionnait «un certain nombre de maisons». Le vendredi, des
responsables militaires parlaient de 14 maisons détruites. Le général de
division Almog parlait lui de 21 maisons. Un communiqué de l'UNRWA (agence
onusienne d'aide et de secours) faisait état de 58 maisons détruites, et dit que
la plupart d'entre elles étaient habitées. L'organisation palestinienne des
droits de l'homme parlait, elle, de 59 maisons détruites. L'organisation
B'Tselem trouva, elle, 60 maisons détruites et 112 familles sans abri.
«En
règle générale, nous ne croyons pas le porte-parole de l'armée» dit le
journaliste danois Foighel. «Il nous donne le point de vue qu'il veut nous faire
accepter.» Au mois de septembre, il y eut un incident à Gaza. Le commissaire de
l'UNRWA Peter Hanson a été arrêté à un barrage de contrôle de l'armée. Un tank a
pointé son canon sur lui et des soldats ont menacé de lui tirer dessus. Dans son
communiqué, le porte-parole de l'armée n'a pas mentionné le tank. Il a dit qu'un
convoi de l'UNRWA s'était approché du barrage sans faire les identifications
nécessaires. «Ils ne font pas leur boulot correctement, et ensuite ils nous
traitent de menteurs».
«J'étais à Rafah», dit le journaliste suisse Pierre
Heumann, du journal Die Weltwoche. «J'ai parlé avec des gens qui habitaient dans
ces maisons. Ou bien ce sont de très bons comédiens, ou bien ils disaient la
vérité, mais pourquoi trouver une boite de fromage et un jouet d'enfant dans les
décombres si personne n'habitait là? Même si je n'avais pas été là-bas, j'aurais
constaté que le côté israélien voulait cacher quelque chose, à cause du nombre
de versions données à cette histoire.»
Beaucoup de journalistes eurent le
même sentiment le 22 novembre 2001, quand cinq enfants furent tués à Khan Younis
par l'explosion d'une bombe placée là par des militaires israéliens. La première
réponse donnée par le porte-parole de l'armée fut de dire «qu'une enquête menée
par celle-ci suite aux revendications palestiniennes concernant les victimes de
tirs à Khan Younis a conclu qu'aucune arme de quelque nature que ce soit n'avait
ouvert le feu au moment de l'accident». Interrogé par des reporters militaires
pour savoir si les enfants avaient été tués par une bombe ou une mine placée là
par les militaires israéliens, le porte-parole de l'armée a répondu: «l'armée
n'aborde pas le sujet».
Le 25 novembre, l'armée exprimait ses condoléances
pour la mort des enfants dans un communiqué qui semblait faire porter une part
de responsabilité à ceux-ci: «Il est possible que les enfants aient été tués en
manipulant une charge explosive que des soldats israéliens ont placée au poste
utilisé pour des activités terroristes contre l'armée israélienne.»
C'est
seulement le 19 décembre, pratiquement un mois après l'explosion, alors que
l'intérêt porté par l'opinion publique à la mort des cinq enfants avait disparu,
que le porte-parole admit qu'il y avait eu un incident causé par un mélange
d'erreurs professionnelles, erreurs de jugements, et d'inattention L'engin
explosif n'était pas bien dissimulé, ce qui a permis aux enfants de le
découvrir; les officiers impliqués n'ont pu anticiper le risque, alors que les
enfants arrivaient sur la butte.
«Je viens juste de lire le dernier rapport
sur l'incident de Khan Younis aujourd'hui», dit le député Ran Cohen du parti
Meretz, un membre de la commission des affaires étrangères et de la défense du
parlement, et il apparaît qu'à partir du moment où l'explosion s'est produite,
l'armée israélienne savait que cela provenait d'un engin explosif déposé là par
l'armée. Néanmoins, celle-ci a transmis une information incorrecte. C'est ce qui
fait que la crédibilité du porte-parole de l'armée israélienne a été réduite à
zéro. Voici un exemple plus récent. Les images prises sur les lieux de l'attaque
où quatre soldats ont été tués près de Kerem Shalom, montrent un pathétique
petit monticule de terre et quelques tentes de toile, appelé avant-poste, et des
armes enlisées dans des flaques d'eau et de boue. Quiconque voit ceci comprend
qu'il y a eu irresponsabilité et négligence de la part de l'armée. Mais le
porte-parole de l'armée ne souffle mot là-dessus.
Normes Moyen-Orientales
Le 20 mai 2001, des tanks de l'armée israélienne ont tiré trois obus sur la
maison de Jibril Rajoub, le chef de la sécurité préventive palestinienne à
Al-Bireh en Cisjordanie. Cinq gardiens ont été blessés, le poste de garde a été
détruit et la maison endommagée. L'armée a affirmé que les tirs provenaient
seulement de tirs d'armes légères. C'est seulement quand les photos prouvèrent
le contraire que les anciens responsables militaires confirmèrent que des tanks
avaient bombardé la maison. Le porte-parole de l'armée israélienne dit que
l'armée n'avait aucune intention de blesser Rajoub. Selon des sources
militaires, les forces armées qui ont tiré sur la maison ne savaient pas qu'elle
appartenait à Rajoub. Le ministre de la défense Benjamin Ben Eliezer fut
catégorique: «Je ne peux imaginer que n'importe quel commandant de l'armée
envisage de tirer sur Jibril Rajoub et sa maison.» Dans une interview le
lendemain sur la radio militaire, le lieutenant colonel Erez Weiner, commandant
les forces armées qui ont bombardé, révélait qu'il connaissait précisément ce
qu'il bombardait: «Nos forces ont essuyé des tirs en provenance de différents
endroits dont la maison de Jibril Rajoub», dit-il. «Bien sûr que nous savions (à
qui était cette maison), nous n'étions pas nouvellement stationnés là.» Le
lendemain, des sources militaires confiaient à Ha'aretz que le communiqué du
colonel Weiner était «une erreur».
Ce n'était pas la première fois que Ron
Kitrey, le porte-parole de l'armée, fournissait des communiqués faux, couvrait
les bourdes de l'armée, donnait des versions contradictoires sur des événements,
ou déniait que des faits violents se soient produits. Suite à plusieurs
incidents, dont le kidnapping des trois soldats israéliens, la mort des cinq
enfants de Khan Younis, et la mort du garçon palestinien Mohammed al-Dura au
début de l'Intifada, l'armée a eu plusieurs versions différentes des faits, qui
ont été relayées de différentes façons - dans les communiqués du porte-parole de
l'armée, par des sources militaires anonymes, et par des officiers envoyés
auprès des médias par le porte-parole de l'armée.
Plusieurs organisations,
telles Reporters Sans Frontières, Médecins pour les Droits de l'Homme, et
B'Tselem, ont documenté des dizaines d'incidents où des personnes ont été
blessées, et que l'armée a niés. Il y a six mois, un officier de l'armée
comparaissait devant la commission des affaires étrangères et de la défense, et
trompait ses membres en donnant de fausses informations.
«Le porte-parole de
l'armée israélienne a une crédibilité égale à zéro. Sa crédibilité est au plus
bas de ce qu'elle a pu être, et elle n'était déjà pas très haute avant», selon
Uzi Mahnaimi, du journal anglais le Sunday Times. «Je ne peux jamais dire si ce
qu'il dit est vrai ou faux», ajoute-t-il. «Autrefois, la tradition de l'armée
israélienne était de donner de vrais comptes-rendus», dit Charles Anderlin de
France 2, la chaîne télé qui a filmé la mort de Mohammed al-Dura. «Le sentiment
est différent aujourd'hui.»
Même le journal du Parti National Religieux,
Hatzofeh, ne croit plus le porte-parole de l'armée. Le 16 août 2001, le journal
publiait une clarification disant que le porte-parole de l'armée avait adopté
les normes du Moyen-Orient lorsqu'il s'agit de mentir. «Il est bon de noter que
les déclarations des organisations palestiniennes sont parfois plus précises»,
était-il notifié.
«À plusieurs reprises, j'ai reçu de fausses informations du
porte-parole de l'armée», certifie Carmela Menashe, reporter militaire de Radio
Israël. «Seulement quand j'insistais pour que cela soit de nouveau vérifié,
revenaient-ils avec une réponse plus crédible. Cela arrive tout le temps et cela
dure depuis des années. Il y a quelques années, des rapports du département
scientifique du comportement montraient qu'il y avait une baisse de motivation
parmi les candidats du Shin Bet. J'avais écrit le papier, tout était vérifié,
mais le porte-parole de l'armée a néanmoins essayé de le nier....ils mentent
vraiment sans sourciller.»
La médiation lacunaire
L'analyste militaire de Radio Israël et de la chaîne Télé 1, Ron Ben Yishai
dit: «La crédibilité du porte-parole de l'armée est limitée. Non pas parce que
celui-ci est un menteur, mais parce que ses communiqués sont basés sur des
rapports provenant du terrain d'action qui ne sont pas crédibles. J'appelle cela
la médiation lacunaire ou, pour être plus précis, médiation enjolivante. Je l'ai
vu moi-même, une fois, quand le porte-parole avait annoncé que des forces de
l'armée avaient tendu un piège et tué deux terroristes. J'étais sur le terrain
et je savais que les terroristes avaient essayé de frapper un véhicule militaire
et qu'ils étaient morts dans un 'accident de travail'.»
Nous sommes aussi à
blâmer, selon un reporter militaire. «Nous pressons le porte-parole de nous
donner une réponse rapide. Si nous pouvions attendre un peu plus longtemps, les
réponses du porte-parole seraient plus crédibles. Plus d'une fois j'ai entendu
le porte-parole de l'armée dire que les Palestiniens tués étaient armés et, le
lendemain, l'armée admettait qu'ils n'étaient pas armés. Le soldat dans le tank
qui leur a tiré dessus a vu des gens s'approcher et a pensé 'ils ont l'air
suspects'. En fait, il s'est avéré qu'ils avaient seulement un couteau. Le
porte-parole de l'armée n'avait pas menti car c'était la seule information dont
il disposait sur le moment. Si nous avions été disposés à attendre quelques
heures, il aurait parlé du couteau.»
Nahman Shai, qui a été porte-parole de
l'armée de 1989 à 1991, dit: «Le porte-parole de l'armée est seulement un
médiateur. La vraie question c'est: comment être sûr qu'il n'est pas manipulé
par les officiers qui sont sur le terrain.»
Comment cela peut-il se faire ?
«J'ai gaspillé beaucoup d'énergie là-dessus. Nous ne sommes pas naïfs. La
personne qui fait un rapport de terrain est un soldat. Le porte-parole doit
jeter un regard journalistique critique sur l'information qui lui est donnée. Ce
n'est pas facile. Il y a des dizaines d'incidents chaque jour, et l'armée ne
peut pas contrôler l'information. L'épisode de Rafah en est un bon exemple.
C'était différent il y a quelques années. Si le commandant sur le terrain disait
qu'il n'y avait personne, tout le monde l'acceptait. L'armée était la seule
source d'information. Maintenant il y a beaucoup plus de sources d'information.
Il n'y a pas de secrets. Tout est exposé à la vue de tous.»
Le correspondant
militaire de Télé 2, Roni Daniel, continue de faire confiance au porte-parole de
l'armée. «Il ne va pas me mentir intentionnellement, parce qu'il sait que la
vérité se saura. Quand les communiqués sont faux, c'est parce qu'il ne connaît
pas lui-même la vérité - comme ce qui s'est passé à Rafah quand l'armée ne
savait pas exactement ce qui s'était passé là-bas.» Leurs communiqués sont en
majeure partie plausibles, dit Yaakov Erez, l'analyste militaire de Maariv. «Je
peux leur faire confiance. Je ne me rappelle pas de cas où ils n'étaient pas
crédibles.»
Des correspondants étrangers ont des souvenirs différents. Ils
sont aussi beaucoup moins tolérants en ce qui concerne les annonces mensongères.
Mais ils ne blâment pas les officiers et les soldats qui sont sur le terrain.
Ils sont convaincus que le problème est dû à la politique gouvernementale. «J'ai
couvert beaucoup de guerres. J'étais en Tchétchénie, au Kosovo, à Bagdad pendant
la guerre du Golfe, et au Guatemala», dit Lee Hockstader du Washington Post.
«Dans une guerre, les deux camps mentent. Il y a un cliché qui dit que la
première victime de la guerre, c'est la vérité. J'ai adopté une attitude
sceptique vis-à-vis des deux côtés et c'est évident pour moi que je dois mener
ma propre investigation et ne pas faire confiance à l'un ou l'autre
camp.»
«Ils ne fournissent pas toujours d'information précise» selon Conny
Mus, de la télévision belge et hollandaise. «Il y a quelques semaines, nous
étions à Ramallah quand des roquettes ont été tirées sur la ville. Le
porte-parole de l'armée dit qu'il ne s'était rien passé. J'ai tenu le téléphone
pour qu'ils puissent entendre et j'ai dit 'écoutez, ils tirent là-bas'. Ce n'est
que six heures plus tard qu'on nous a donné une réponse crédible. Je ne crois
pas les informations des Palestiniens et je ne crois pas à 100% aux communiqués
du porte-parole de l'armée israélienne. Je vérifie chaque incident auprès des
Nations unies, des diplomates qui sont sur le terrain, et de ce que nous voyons
nous-mêmes. En tenant compte de tout ceci nous tirons une information
correcte.»
Ulrich Sahm, de la télé Neue, la chaîne d'informations allemande,
dit qu'il attend toujours du porte-parole de l'armée israélienne qu'il annonce
le début de la guerre du Liban. «En général, les contacts que nous avons avec
eux ne mènent nul part; quand ils ne répondent pas aux questions, sont évasifs,
cela prouve qu'ils sont en train d'essayer de cacher quelque chose. C'est ce qui
m'est arrivé avec l'affaire du Karine A. J'ai demandé au porte-parole sous quel
pavillon le bateau naviguait. Ils m'ont promis cinq fois qu'ils vérifieraient et
finalement ils dirent qu'ils l'avaient mentionné au cours d'une conférence de
presse. Comme cela n'avait pas été fait, j'ai reposé ma question et ils m'ont
répondu que c'était classé secret militaire. Le lendemain, il fut rapporté que
le bateau naviguait sous le pavillon de Tonga. Ce n'était pas du tout un secret,
il n'y a pas de secret dans ce pays. Quand on découvre que le porte-parole de
l'armée a menti, il s'inflige à lui-même et au pays de bien plus grands
dommages.»
Ran Cohen: «Ce genre de chose fait du tort à l'armée. La force de
l'armée vient de sa crédibilité et de son adhésion à la vérité. J'ai grandi avec
une armée pour qui la vérité était partie intégrante de ses caractéristiques. Le
pouvoir de la vérité, c'est ce qui motive des jeunes gens pour être prêts à
donner leurs vies. Quand les citoyens commencent à sentir que l'armée est en
train de camoufler la vérité, l'armée perd son pouvoir. L'armée n'opère pas dans
le vide. Quand elle perd sa crédibilité, toutes les autres valeurs positives
sont touchées. Cela demande beaucoup de courage de reconnaître ses erreurs.
C'est plus facile de s'en détourner, d'essayer d'éluder, mais pour l'armée c'est
un désastre.»
Communiqués contradictoires
Cela s'est passé en juin 2001 au cours d'une audition du comité des
affaires étrangères et de la défense du parlement sur la mort de trois femmes à
Khan Younis, tuées par un obus tiré par un tank. Un officier paraissant devant
le comité dit que l'obus était d'un certain type, alors qu'en fait il était d'un
autre, plus meurtrier. Le porte-parole de l'armée israélienne vint immédiatement
à son secours, disant que l'armée et ses officiers ne mentent pas et que le
rapport provenant du terrain était incomplet et n'avait pas été suffisamment
révisé.
«Je voudrais bien volontiers croire le porte-parole de l'armée
israélienne», dit Yossi Sarid, un membre du comité des affaires étrangères et de
la défense, qui s'est disputé avec le porte-parole au sujet de la
désinformation. «Mais malheureusement sa crédibilité a été réduite à zéro cette
dernière année, et maintenant, quand je l'entends lire un communiqué, je me
demande s'il est juste ou pas. Quand il y a une autre information ou que le
communiqué ne semble pas avoir de sens, je ne le crois pas. Nous avions coutume
de nous moquer des communiqués officiels égyptiens. Actuellement nos communiqués
sont du même type, et c'est une grande erreur. La vérité est très rapidement
dévoilée, alors qu'avons-nous obtenu? La vérité fait surface et les dommages
causés aussi.»
C'est ce qui est arrivé lors du kidnapping des trois soldats à
la frontière libanaise le 7 octobre 2000. Le premier communiqué du porte-parole
de l'armée israélienne était bref: «Cet après-midi, trois soldats israéliens ont
été kidnappés par le Hezbollah alors qu'ils étaient engagés dans des activités
opérationnelles sur la clôture frontalière dans la zone de Har Dov sur la
frontière Nord.»
Trois jours plus tard, le premier rapport en provenance du
chef du commandement nord, Gabi Ashkenasi, était publié. Il soulevait la
question de savoir pourquoi les soldats se trouvaient aussi près de la clôture
alors que les ordres l'interdisaient.
Le lendemain, le Brigadier général Zvi
Gendelman, commandant de la division Ga'ash, qui comprend le bataillon
d'engineering dont faisaient partie les trois kidnappés, tenait une conférence
de presse. Il adhérait à la version officielle de l'armée, qui blâmait les
soldats. «Nous n'avons aucune réponse à la question de savoir pourquoi ils sont
descendus jusqu'à la clôture, en contradiction avec des ordres explicites»,
dit-il. Le même jour, le chef d'état major, Shaul Mofaz, vint renforcer ce point
de vue quand il dit que les trois soldats étaient supposés s'arrêter à un poste
d'observation à un kilomètre à peu près de l'endroit où ils ont été kidnappés,
et étaient supposés attendre là d'être rejoints par une autre force. Si ces
instructions avaient été suivies, le résultat aurait été différent.
Ces trois
déclarations engendrèrent toute une série de rumeurs insinuant que les soldats
étaient allés jusqu'à la clôture pour mener une affaire de drogue. Jusqu'au 16
octobre, Ron Kitrey n'a pas démenti ces rumeurs. Haim Avraham, le père de l'un
des trois soldats kidnappés, dit amèrement: «Il y a eu une tentative de la part
de plusieurs officiers de se blanchir et le porte-parole de l'armée n'a pas
répondu en temps réel. Qui d'autre si ce n'est le porte-parole pouvait défendre
l'honneur de nos fils? Mais il a préféré se cacher la tête dans le
sable.»
Une semaine avant le kidnapping, Mohammed al-Dura, 12 ans, était tué
à la jonction de Netzarim, quand son père et lui ont été piégés dans des tirs
croisés entre soldats israéliens et des Palestiniens. L'enfant et son père
essayèrent de se mettre à l'abri, mais ils furent touchés. Le garçon fut tué et
le père blessé. Une équipe de télévision de France 2, avec le journaliste Talal
Abu Rahma, filmèrent l'événement et conclurent que l'enfant avait été tué par le
feu ouvert par les Israéliens. Charles Anderlin, le chef du bureau de la chaîne
en Israël, requit une réaction. La réponse du porte-parole fut sommaire et
évasive: «Depuis le matin des troubles ont débuté qui se sont transformés en
tirs. Certains de ces événements ont commencé lorsque des civils palestiniens et
des policiers palestiniens habillés en civil ont tiré sur des soldats
israéliens. Parmi les événements de la journée, entre autres, il y a eu des tirs
à la jonction de Netzarim. L'armée israélienne n'avait aucun intérêt à voir le
conflit s'étendre. Notre objectif est d'éviter une escalade des incidents, de
faire cesser le feu et de prévenir un bain de sang et la violence.»
«Je fais
entièrement confiance à Talal, qui travaille avec nous depuis de nombreuses
années», dit Anderlin. «Je n'ai aucun doute sur le fait que les tirs provenaient
du poste israélien. Le porte-parole de l'armée a émis un communiqué général sans
faire de vérification. J'aurai pu comprendre s'ils avaient dit qu'ils allaient
enquêter sur l'affaire, mais ils n'ont même pas fait cela. Chaque camp essaie de
se protéger, et je suis là à la recherche de la vérité, qui, finalement sert le
camp qui y adhère. La vérité est la base de toute démocratie.»
Les images
filmées par l'équipe de France 2 ont provoqué un tollé lorsqu'elles ont été
diffusées dans le monde entier. Le 1er octobre, le porte-parole de l'armée
divulguait un autre communiqué flou: «Les Palestiniens font un usage cynique des
femmes et des enfants en les emmenant dans les zones de violence dans les
Territoires. L'incident a commencé avec des tirs à balles réelles en direction
des forces de l'armée israélienne, le lancement de bombes incendiaires et
explosives par des Palestiniens sur les forces de l'armée israélienne et avec
des centaines de manifestants chargeant en direction des postes de l'armée. De
violents échanges de tirs ont suivi et la photo se concentre seulement sur
l'enfant et son père piégés par les échanges de tir.» À la fin du communiqué, le
porte-parole assurait que «l'origine du tir ne pouvait être identifiée».
Le 3
octobre, le général Moshe Ya'alon, l'adjoint au chef d'état major, dit qu'il
apparaissait que le garçon avait été tué par le feu israélien, «bien que ce fut
par erreur». La version de Ya'alon fut accréditée par le commandant général
Giora Eiland, à la tête du directorat Plans et Règles. Selon lui «au mieux de
notre compréhension des faits, le garçon a été touché par le feu israélien.» Le
porte-parole de l'armée israélienne affirmait que ce qu'avait dit Eiland était
la version donnée par l'armée de l'incident, mais le 10 novembre, il confia au
magazine de l'armée Bamahaneh que c'était impossible de déterminer qui avait
tiré sur le garçon. «De même qu'il y en a qui prétendent qu'il a été tué par nos
forces, il y en a d'autres qui sont prêts à jurer qu'il a été tué par une balle
perdue provenant de tirs croisés palestiniens.»
Démentis bizarres
L'organisation des Médecins pour les Droits de l'Homme a elle aussi
remarqué l'enchaînement de cas où le porte-parole de l'armée démentait des faits
qui eurent lieu.
«Nous avons communiqué des cas bien documentés et ils disent
habituellement que ces revendications sont inconnues, que les soldats ont dit
que rien ne s'était passé», se plaint Tomer Feffer, le directeur de
l'organisation. «Apparemment c'est ce que les soldats diraient, mais c'est
difficile de comprendre pourquoi le porte-parole les croit et ne lance pas
d'investigation.»
Feffer cite plusieurs exemples. «Il y a trois mois, la nuit
du 7 novembre 2001, un nourrisson fut amené par sa mère au barrage de Ramot,
pour aller à l'hôpital Makassed. Le bébé, souffrant d'une maladie chronique,
était sous surveillance médicale d'un médecin israélien. Les soldats au barrage
refusèrent de laisser passer la mère et son fils. Elle essaya de nouveau le
matin et quand finalement elle put atteindre l'hôpital, le bébé était dans un
état critique.» Le porte-parole de l'armée dit que ces revendications sont
inconnues, alors même qu'elles étaient facile à vérifier, selon Feffer.
Un
autre incident s'est passé la nuit du 23 octobre, quand des ambulances du
Croissant rouge essayèrent de pénétrer dans le village de Beit Rima après
l'action de l'armée israélienne là-bas. «Le porte-parole de l'armée israélienne
dit que les ambulances étaient en train de rentrer dans le village, alors qu'il
savait que le village était fermé et que les ambulances n'étaient pas autorisées
à y entrer» selon Feffer.
«Le 22 octobre, l'armée israélienne pénétrait dans
Bethléem. Nous avons reçu un rapport de deux hôpitaux - Holy Family et al
Hussein à Beit Jala - disant que l'armée était en train de leur tirer dessus. Le
garde à Al Hussein fut tué. De mes propres yeux, j'ai vu les taches de sang, les
endroits où l'immeuble a été touché, et les trous faits par les balles dans
l'ambulance. À l'hôpital Holy Family, le secteur néonatal a dû déménager à cause
des tirs. Le porte-parole de l'armée israélienne assura que rien de tel ne
s'était passé et que l'armée israélienne est une armée humanitaire qui essaie de
ne pas blesser les civils.»
L'organisation B'Tselem a rassemblé des documents
identiques. Le 7 juillet 2002, un garçon de Rafah appelé Khadil Mughrabi a été
tué par un obus tiré par un tank alors qu'il jouait au football. Le porte-parole
de l'armée dit qu'une manifestation sauvage avait lieu et que les soldats
répondaient en lançant des bombes lacrymogènes et en tirant des balles en
caoutchouc. Le brigadier général Baruch Mani, le procureur du district sud, a
établi que le communiqué de presse de l'armée affirmant qu'aucun tir d'arme
lourde n'avait été utilisé, était incorrect.
Le 12 septembre, deux
terroristes recherchés ont été abattus dans le village de Arabeh. Un autre homme
et une fillette de 14 ans ont également été tués dans l'opération. Le
porte-parole de l'armée israélienne dit que les forces armées israéliennes
avaient essuyé des tirs de plusieurs terroristes qui avaient été tués dans des
échanges de feu qui ont suivi. B'Tselem dit que ceci est un faux rapport: «Nous
étions là-bas. Nous avons rassemblé des preuves et les avons vérifiées. Une
fillette de 14 ans n'est pas une terroriste», dit le porte-parole de B'Tselem,
Olior Yavneh.
Quand il prit en charge le poste de porte-parole de l'armée
israélienne, Ron Kitrey annonça le début d'une ère d'ouverture et de
transparence, et déclara qu'il allait distribuer des caméras aux soldats. Mais
en septembre 2000, le porte-parole de l'armée sortit un fascicule intitulé
«Règles pour paraître dans les médias»; une copie de ce fascicule est parvenue
jusqu'au reporter de Kol Ha'ir, Uri Blau.
Sous l'intitulé «Interview, faire,
ne pas faire», le porte-parole de l'armée donne comme instruction au soldat à
qui on demande une interview: «Vous n'êtes pas obligé de dire tout ce que vous
savez.»