Point
d'information Palestine > N°176 du 16/11/2001
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Islam
: ce que vous devez savoir - numéro hors série d'Actualité
des religions
Réseau
Cette
rubrique regroupe des contributions non publiées dans la presse,
ainsi que des communiqués d'ONG.
1.
IMPORTANT -
Communiqué du bureau national du Parti Socialiste français
2.
Une femme palestinienne accouche à un point de passage mais son
enfant ne survivra pas un message du Palestine Monitor[traduit
de l'anglais par Annie Coussemant]
3.
Comité international pour la défense d'Azmi Bishara (Appel
à la formation d'une section française)
4. Communiqué
de l'Association "Pour Jérusalem"
Revue
de presse
1.
Frivolité des faux concepts... par Rudolf El-Kareh in Arabies
du mois de novembre 2001
2.
Le projet de déclaration finale de la Conférence sur les
Territoires occupés suscite la réaction d'Israël
par Valérie de Graffenried in Le Temps (quotidien suisse) du jeudi
15 novembre 2001
3. L'Affaire
Dreyfus des Arabes israéliens par Wadia Awawdy in Ha'aretz (quotidien
israélien) du jeudi 15 novembre 2001 [traduit
de l'anglais par Mimi Tal]
4. Chosmky
critique la position des Etats-Unis en matière de terrorisme Dépêche
de l'Islamic Republic News Agency (agence de presse iranienne) du mardi
13 novembre 2001 [traduit de l'anglais
par Marcel Charbonnier]
5. Empêcher
la fin du "Monde arabe" par Jean-Pierre Tuquoi in Le Monde du mardi
13 novembre 2001
6. Paver la mer...
par Rashad Abu Shawur in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié
à Londres) du lundi 12 novembre 2001 [traduit
de l'arabe par Marcel Charbonnier]
7. Le temps
n'est-il pas venu de faire enfin la lumière sur la légende
de Halabja ? par Butrus Andari in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe
publié à Londres) du lundi 12 novembre 2001 [traduit
de l'arabe par Marcel Charbonnier]
8. Les Etats-Unis
font montre d'une résolution toute neuve à mettre en oeuvre
une médiation au Moyen-Orient par Serge Schmemann in The New
York Times (quotidien américain) du lundi 12 novembre 2001 [traduit
de l'anglais par Marcel Charbonnier]
9. L'arithmétique
des juristes, après les morts du 11 septembre, fait apparaître
que la valeur de la vie humaine est (à tout le moins) variable...
Par William Glaberson in The New York Times (quotidien américain)
du lundi 12 novembre 2001 [traduit de l'anglais
par Marcel Charbonnier]
10. Israël
continue de torturer malgré l'interdiction de la Cour suprême,
selon des mouvements des droits de l'homme Dépêche de
l'agence Associated Press du dimanche 11 novembre 2001, 16h24
11. Afghanistan
et question palestinienne au sommet de la femme arabe Dépêche
de l'Agence France Presse du dimanche 11 novembre 2001, 16h16
12. Israël
: Les limites de la démocratie... sur le site de Courrier International
le samedi 10 novembre 200113.
Les États-Unis prêts à boycotter la conférence
de Genève sur les Territoires par Aluf Benn in Ha'aretz (quotidien
israélien) du samedi 10 novembre 2001 [traduit
de l'anglais par Annie Coussemant]14.
Chomsky critique le "deux poids, deux mesures" américain en matière
de terrorisme in Tehran Times (quotidien iranien) du mardi 6 novembre
2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
15. "Je trouve
que la presse israélienne est devenue unilatérale" Interview
de Aviv Lavie réalisée par Serge Dumont in Le Soir du
lundi 5 novembre 2001
16. Trois
questions à Saleh Abdel Jawad propos recueillis par Gilles Paris
in Le Monde du samedi 3 novembre 2001
17. Refus
européen de financement des livres scolaires palestiniens par
Herb Keinon in The Jerusalem Post (quotidien israélien) du vendredi
2 novembre 2001 [traduit de l'anglais par
Mimi Tal]
18. Deux
villages palestiniens accusent l'armée israélienne (IDF)
d'empêcher leur approvisionnement en eau et en nourriture par
Amira Hass in Ha'aretz (quotidien israélien) du vendredi 2 novembre
2001 [traduit de l'anglais par Mimi Tal]
19. Libérer
et responsabiliser les sociétés arabes par Pascal Fenaux
in La Revue Nouvelle (revue mensuelle belge) N°10 - Tome 114 - du mois
d'octobre 2001
Islam
: ce que vous devez savoir - numéro hors série d'Actualité
des religions
[HS n°
6 - 12 novembre 2001 - 39 FF - 5,94 Euros - ISSN 1265-6240 - 66 pages]AU
SOMMAIRE :- Editorial :
11 septembre, par Jean-Paul Guetny, Directeur de la Rédaction-
Cette religion si méprisée, par Mohamed Talbi, historien,
islamologue, co-fondateur de l'Université de Tunis-
L'Islam dans le monde : carteI
/ Il était une foi-
Il était une foi... L'itinéraire de Mahomet, par Anne-Marie
Delcambre, docteur d'Etat en droit, docteur en civilisation islamique,
professeur d'arabe, islamologue, (Mahomet, la parole d'Allah, Découvertes
Gallimard, 1987)- Il était
une foi... et le Coran jaillit du coeur du prophète
- Il était une foi... les cinq
piliers de la foi
- Il était une foi... L'Islam
et ses courants, par Abd-al-Haqq Guiderdoni, astrophysicien, chercheur
au CNRS, écrivain-
Il était une foi... Rites et rituels, par Malek Chebel, psychanalyste,
anthropologue, spécialiste du monde arabe et de l'islam-
Il était une foi... Soufisme, le versant mystique, par cheikh
Khaled Bentounès, guide spirituel de la confrérie Alaouia
(dizaines de milliers d'affiliés dans le monde musulman, mais aussi
en France)II/ L'Islam
en questions- Un islam
à la sauce américaine, par Colette Oberlin-
Musulmans d'Europe : combien de divisions ? par Charles Grémion
- France : vers l'intégration,
par Rachid Benzine, enseignant d'économie originaire du Maroc, vivant
en banlieue parisienne (co-auteur, avec Christian Delorme de l'ouvrage
'Nous avons tant de choses à nous dire...', consacré au dialogue
islamo-chrétien, publié par Albin Michel)-
Les femmes, parias de l'Islam ? interview de Leïla Babès-
Une religion soluble dans la laïcité ? par Djénane Kareh
Tager- L'exception turque,
par Semih Vaner, chercheur au CERI, FNSP.-
Vous avez dit "intolérant" ? par Mohamed Talbi-
Un monde mal dégrossi, par Malek Chebel
- Lettre à mollah Omar, par
Jean-Paul GuetnyIII /
Vers un clash de civilisations ?-
Les religions, nerfs de la guerre, par Jean-Paul Guetny-
Un terme piégé : le 'djihad', par Jean Mouttapa-
Croisades, un souvenir tenace, par Emmanuelle Giudicelli et Jean-Sylvestre
Coquin- Aujourd'hui, l'islamisme,
par Djénane Kareh Tager-
Gare aux caricatures, par Tariq Ramadan, professeur de philosophie et d'islamologie
à l'université de Fribourg (Suisse) ; auteur, avec Alain
Gresh, de l'"Islam en Questions" (Sindbad, 2001) et de "Peut-on vivre avec
l'Islam en France et en Europe ?", avec Jacques Neyrinc (Favre, 1999).-
Filles d'Abraham, par Abd-al-Haqq Guiderdoni-
Conclusion : Musulmans, mes frères, par Jean-Paul Guetny-
Abécédaire de l'Islam-
Bibliographie (et une très belle iconographie...)
11 septembre 2001 - Editorial
par Jean-Paul Guetny, Directeur d'Actualité des ReligionsCette
date nous restera longtemps en mémoire, tant elle a ébranlé
le monde. Entre autres conséquences, elle a fragilisé les
relations entre la civilisation occidentale et le monde arabo-musulman.
Car si on a vu, ça et là, des gestes de fraternité
et de rapprochement, le fossé a semblé s'élargir.
La stigmatisation réciproque s'est accentuée.
L'islam, religion 'exotique' assez
souvent suspectée sous nos climats, s'est carrément retrouvé
sur la sellette. De vieux clichés se sont durcis fondamentalisme,
fanatisme, manque de respect à l'égard des femmes, mélange
du spirituel et du temporel. Juste avant les événements,
l'écrivain français Michel Houellebecq parlait déjà
de "la religion la plus con". Pour beaucoup, elle est devenue aussi la
plus violente.
Notre magazine, qui prône la
paix entre les hommes par une meilleure connaissance des autres civilisations
et religions, s'intéresse de longue date à l'islam. Il a
dans ses collections de nombreux articles qui traitent des différents
points de sa doctrine, de sa pratique, de son rapport aux sociétés.
Nous avons pensé judicieux d'en réunir quelques-uns dans
le présent hors-série. Ecrits dans un style clair par des
spécialistes reconnus, ils constituent la base de ce que tout citoyen
éclairé doit savoir. A partir de là, il pourra, s'il
le souhaite, approfondir ses connaissances sur tel ou tel point particulier.
Grâce à ce travail, nous
espérons apporter notre contribution à la lutte contre les
simplifications meurtrières. En effet, c'est en réduisant
le vis-à-vis à des stéréotypes, en refusant
de le considérer dans toute la complexité de son expérience
croyante et de sa culture, que naissent l'intolérance et le conflit.
On a parfaitement le droit de ne pas être d'accord sur tel ou tel
point avec l'islam. Mais on ne peut le réduire à l'image
dévoyée qu'en donnent quelques poignées de terroristes.
Il représente une tradition riche, pluraliste, dotée d'un
passé chatoyant et capable, s'il le souhaite et si on lui en facilite
la tâche, de s'adapter aux réalités de notre temps.
1.
IMPORTANT -
Communiqué du bureau national du Parti Socialiste français
Proche-Orient - Les socialistes
français sont profondément bouleversés par la situation
au Proche-Orient, qui connaît depuis des mois une aggravation constante
de la violence, engendrant l'angoisse l'angoisse et l'insécurité
dans toutes les populations vivant dans la région. A cela s'ajoute
la détérioration des conditions de vie, voire de survie,
des Palestiniens. La communauté internationale semble cependant
rester indifférente face à cette escalade menée par
ceux qui entendent délibérément faire la de la guerre
le seul moyen de résoudre le conflit, remettant en cause tous les
acquis du processus de paix et les engagements conclus entre les parties.
Cette situation conduit immanquablement à de pires violences et
prépare des générations à n'avoir d'autre perspective
que la confrontation sans merci et sans fin.Le
PS rappelle que les règles du droit international et les résolutions
des Nations-Unies s'imposent sans restriction à toutes les parties
au conflit. Le PS ne peut donc que condamner sans réserve non seulement
les attentats, mais aussi les attaques répétée de
l'armée israélienne contre des villes palestiniennes, les
assassinats délibérées, la fermeture de la Maison
d'Orient de Jérusalem et les destructions massives de maisons et
de bâtiments publics palestiniens.Le
PS, en accord avec le PSE [parti socialiste européen]
, demande à l'Union européenne de peser de tout son
poids, sans exclure le gel des accords d'association, pour obtenir l'amorce
de la désescalade, la reprise du dialogue politique égalitaire
entre les deux parties et la mise en œuvre inconditionnelle du rapport
Mitchell. La gravité de la situation actuelle justifie pleinement
à ses yeux la nécessité d'envoyer des observateurs
internationaux sur le terrain. (Paris, le 28 août 2001)
2. Une
femme palestinienne accouche à un point de passage mais son enfant
ne survivra pas un message du Palestine Monitor
[traduit de l'anglais
par Annie Coussemant]
25 octobre
2001 - Lundi dernier, Fatima Nasser Abed Rabbo a accouché à
un point de passage militaire israélien du village de Al Walaja
, près de Bethléem. Fatima et son époux, Nasser Abed
Rabbo, essayaient de se rendre à l'hôpital à Bethléem
lundi matin. A deux reprises, les soldats leur ont refusé le passage,
arguant du fait que l'état de Fatima n'était pas critique.
Après avoir essayé pendant une heure de franchir le point
de passage, Fatima a donné naissance à un fils, Walid, dans
la voiture. Fatima était enceinte de 7 mois, le bébé
était donc prématuré. Le petit Walid avait besoin
de soins hospitaliers de toute urgence. La famille est parvenue à
l'hôpital (français) de la Sainte-Famille à Bethléem
une heure et demie après la naissance du bébé. A son
arrivée, Walid pesait 1417 grammes et sa température corporelle
était extrêmement basse. Il est mort l'après-midi même.
Or, il aurait probablement survécu s'il avait reçu immédiatement
des soins.
Fatima est la septième Palestinienne
contrainte d'accoucher à un poste de contrôle militaire de
Cisjordanie. Le refus de l'accès à un centre de soins constitue
une violation flagrante du droit international, (IVe Convention de Genève,
article 17) qui protège expressément les droits des femmes
enceintes, des malades et des blessés.[Pour
plus d'informations, consultez le site www.palestinemonitor.org]
3. Comité
international pour la défense d'Azmi Bishara (Appel à la
formation d'une section française)
Dans un acte antidémocratique
d'une extrême gravité, le parlement israélien a voté,
le 7/11/2001, la levée de l'immunité parlementaire
du député arabe Azmi Bishara. Le conseiller juridique du
gouvernement d'Ariel Sharon, qui exerce également la fonction de
procureur général, a désormais les mains libres pour
engager des poursuites contre Bishara, et le traduire en justice comme
il l'en menace depuis plusieurs mois.
Réservée jusque là
à des députés suspectés de corruption ou d'autres
délits d'ordre criminel, la levée de l'immunité parlementaire
s'applique ici pour des motifs politiques, à l'égard d'un
élu arabe auquel on reproche un délit d'opinion. En effet,
Bishara est sanctionné pour avoir prononcé à Damas
(où il se trouvait en toute légalité) un discours
où il appelait les pays arabes à adopter une position unifiée
de soutien à la résistance des Palestiniens contre l'occupation
israélienne.
Par ailleurs, Bishara est accusé
d'avoir organisé des voyages pour des familles arabes israéliennes
qui souhaitaient revoir leurs proches et parents réfugiés
en Syrie. Ces voyages, qui ont donné lieu à des scènes
de retrouvailles poignantes, répondaient à un strict souci
humanitaire.
Azmi Bishara est député
à la Knesset depuis 1996, où il est l'unique représentant
du parti qu'il a fondé et qu'il dirige : l'Assemblée Nationale
Démocratique, dont le mot d'ordre est la transformation d'Israël
en état de tous ses citoyens. Ce philosophe de formation est
un porte-parole talentueux et courageux des citoyens arabes d'Israël,
souffrent de discriminations constantes, plusieurs fois reconnues et dénoncées
par la cour suprême d'Israël. Rappelons que ces citoyens
arabes sont des Palestiniens autochtones, restés dans le territoire
israélien lors de la guerre de 48, alors que leurs frères
prenaient la route de l'exode et des camps de réfugiés.
Ils étaient 150 000 lors de la création de l'état
d'Israël, et sont aujourd'hui un million, soit environ un citoyen
israélien sur cinq.
Au delà de son poids électoral,
il ne fait aucun doute que Bishara mène un combat démocratique
de première importance: au printemps 1999, il fut le premier
candidat arabe à l'élection du poste de premier ministre
d'Israël.
En février 2001, il fut l'artisan
principal du boycott des élections, suivi par 85% des électeurs
arabes .. Ce boycott était la suite logique des événements
tragiques d'octobre 2000, lorsque treize jeunes citoyens arabes furent
tués par la police et par des commandos juifs extrémistes,
sous l'oeil indifférent du gouvernement d'Ehoud Barak.
Au delà des accusations fantaisistes
aujourd'hui retenues à son égard, c'est donc bien la capacité
de Bishara d'exprimer (toujours de manière démocratique
et non-violente) les aspirations des citoyens arabes d'Israël et leur
solidarité avec leurs frères palestiniens, qui est
sanctionnée par la Knesset. En levant son immunité parlementaire,
Israël, qui se présente comme une démocratie,
conforte le sentiment que la liberté d'expression y est réservée
aux seuls citoyens juifs. A travers la personne de Bishara, c'est toute
la population arabe d'Israël qui est visée et menacée
de perdre son droit à l'expression politique.
C'est ainsi que lors de la même
séance de la Knesset, une proposition de loi visant à interdire
à toute liste "soutenant la lutte armée contre Israël"
de se présenter aux élections législatives à
été votée en première lecture à une
écrasante majorité. Au delà des électeurs arabes,
solidaires de leurs frères palestiniens de Cisjordanie et de Gaza,
ce sont tous les opposants politiques, juifs et arabes, qui soutiennent
le droit des Palestiniens à la résistance contre l'occupation,
que l'on veut intimider et réduire au silence par cette vague formulation
donnant prise à toute interprétation.
Nous appelons tous les démocrates
à se mobiliser contre cette menace, et à rejoindre le comité
de soutien international pour la défense d'Azmi Bishara. Ce comité
aura pour tâche d'organiser une campagne internationale de soutien,
de recueillir des fonds et de contribuer à l'organisation de la
défense juridique d'Azmi Bishara lors de son procès ( collectif
d'avocats et de juristes, convocation de témoins, etc..).
Le procès, dont la date n'est
pas fixée, sera sans aucun doute une tribune politique et médiatique
de première importance pour, selon les mots d'Azmi Bishara "expliquer
la différence entre résistance et terrorisme".
Des témoignages internationaux
de résistants, de défenseurs des droits de l'homme et des
minorités nationales seront sollicités. Si vous acceptez
de signer cet appel et de figurer dans la liste des membres de la section
française de notre comité, prière de nous transmettre
votre accord, avec vos noms, profession et coordonnées de contact
(fax ou adresse électronique). Nous ferons appel à vous très
prochainement. Nous vous serions également reconnaissants de faire
circuler cet appel autour de vous.
[Comité
international pour la défense d'Azmi Bishara (Section française)
Tél/Fax : 01 44 83 00 05 - E-mail : simoneb@club-internet.fr]
4. Communiqué
de l'Association "Pour Jérusalem"
Paris, le 7 novembre 2001 -
20 sénateurs de tous horizons politiques, adhérents de l'association
" Pour Jérusalem ", présidée par la Sénatrice
Danielle Bidard-Reydet, réunis le 24 octobre 2001 expriment leur
vive préoccupation devant la situation dans les territoires palestiniens.
Depuis le 11 septembre 2001, les représailles
de l'armée israélienne et celles de groupes de colons extrémistes
incontrôlés se sont multipliées.
L'assassinat, revendiqué par
le FPLP, du ministre israélien du tourisme suscite indignation et
colère. Il sert en effet de prétexte à des actions
punitives qui affaiblissent l'Autorité Palestinienne et avive le
sentiment d'injustice d'une population qui voit arracher ses oliviers,
raser ses maisons, encercler ses villes et villages, réduire à
néant ses activités économiques et aggraver le chômage.
Tout cela ne peut qu'exacerber la révolte. Les incursions de l'armée
israélienne, dans les zones que l'accord d'Oslo a placées
sous autorité palestinienne, sont de plus en plus fréquentes,
pilonnant des villes de Cisjordanie reconnues autonomes, détruisant
une partie importante du centre de Bethléem restauré par
la communauté internationale, accroissant chaque jour le nombre
de morts et de blessés. L'emploi systématique de la force
militaire contre une population civile qui subit l'occupation depuis 34
ans ne peut que retarder le moment où le peuple palestinien et aussi
le peuple israélien connaîtront enfin la paix et la sécurité.
L'Association " Pour Jérusalem
" condamne ces opérations militaires et appelle le gouvernement
français et la présidence belge de l'Union Européenne
à intervenir, fermement et sans condition, auprès du gouvernement
israélien pour que cesse ces exactions et pour que son armée
se retire de la totalité des territoires réoccupés.
La situation internationale nous montre
qu'il y a urgence à reprendre les négociations de paix sur
la base des accords de Taba et des recommandations de la Commission Mitchell
afin d'enclencher le processus visant à reconstruire la confiance,
l'espoir et la paix. Cette commission se prononce, pour l'arrêt complet
des violences, du gel total de toute activité de colonisation, de
l'application des accords en suspens et de la reprise des négociations.
Comme le préconisent la France depuis 1982, l'Union Européenne
depuis 1999 et les Etats-Unis dorénavant, seule la création
d'un Etat palestinien viable permettra de sortir de ce drame et de commencer
à bâtir un nouveau Proche-Orient. De part et d'autre d'une
frontière internationalement reconnue, les deux Etats également
viables et sûrs doivent coexister, avec Jérusalem-Ouest, capitale
de l'Etat israélien, et Jérusalem-Est capitale de l'Etat
palestinien.
L'intervention de l'ONU et la présence
d'observateurs internationaux dans la région s'avèrent de
jour en jour indispensables pour faire cesser le bain de sang et pour amorcer
la reprise du processus de paix.
[Association
"Pour Jérusalem" - Siège social : Mairie de PANTIN - 45 avenue
du Général Leclerc - 93500 PANTIN - Tél: 01.49.15.41.82
- Fax : 01.48.44.03.46
Présidente
: Danielle Bibard, Sénateur - Vice-Présidents : André
Dulait, Sénateur, Claude Estier, Sénateur, Renaud Fabre,
Président d'Université et Daniel Goulet, Sénateur.]
1. Frivolité
des faux concepts... par Rudolf El-Karehin
Arabies du mois de novembre 2001Les
propos du premier ministre italien, Silvio Berlusconi ne sont pas un coup
de tonnerre dans un ciel serein. En affirmant la "nécessité
d'occidentaliser le monde", et en soutenant "que l'Occident continuera
à occidentaliser et à s'imposer aux peuples", le chef de
l'alliance qui associe héritiers du fascisme, et xénophobes
régionalistes sectaires, n'a pas fait preuve d'une cécité
politique subite.Son propos
s'inscrit dans le droit fil d'une posture intellectuelle bien plus courante,
qui traverse bien des courants de pensée, qui se réclament
autant de l'universalisme que du différentialisme. Elle vient se
ressourcer dans les théories culturalistes qui ont souvent dominé
au sein des écoles anthropologiques aux Etats-Unis. Et qui sont,
d'une certaine façon, une extrapolation intellectualisée
des méthodes avec lesquelles les conquérants du Nouveau-Monde
ont appréhendé les sociétés indiennes d'Amérique.
Que disent les culturalistes
relayés par la vulgate médiatique ? Que les sociétés
sont des entités pures, inaltérées et inaltérables,
cloisonnées et imperméables qui traversent une Histoire linéaire
et répétitive.Leur
relative marginalité se trouve compensée par leur influence
sur une bonne partie de l'establishment militaro-politique américain.
C'est le cas de Samuel Huntington, Son "Choc des civilisations" (dont oublie
la deuxième et significative partie "and the remaking of World Order"
- et "la réfection de l'ordre du monde") est devenu après
la catastrophe du 11 septembre le bréviaire de Georges W.Bush et
des radicaux de l'équipe républicaine.Huntington
reconstruit le monde sur le principe que les peuples se regroupent en fonction
de leurs affinités culturelles et que "les frontières politiques
comptent moins que les barrières religieuses, ethniques et intellectuelles".
Ce n'est pas un hasard, si l'un des pères spirituels de la politique
américaine globalisée, Zbigniew Brzezinski, y a vu, "un véritable
tour de force intellectuel, une œuvre fondatrice qui va révolutionner
notre vision des affaires internationales".
Ces "théories" sont dangereuses
en ce qu'elles sont d'abord une falsification de l'histoire réelle
des sociétés du monde. Elles font fi des mouvements qui balayent
en profondeur depuis les grands empires, sous les effets des innombrables
phénomènes d'acculturation, l'ensemble des sociétés
ouvertes à des degrés divers les unes sur les autres depuis
des siècles, et qui n'ont pas attendu l'arrivée du néo-libéralisme
américain de la fin du XXème siècle pour établir
des échanges, et pas seulement des échanges marchands.Certaines
d'entre elles reconstruisent le monde en fonction d'un prisme manichéen
sous le générique d'"Occident". Il faut désormais
remettre radicalement en cause la pertinence et la validité épistémologique
de ce terme. La notion "d'Occident" est aussi porteuse de confusions intellectuelles
que celle qui consiste à identifier les personnes par leur seule
appartenance religieuse, ou a assimiler la "rationalité" à
l'appartenance à une aire géographique/religieuse fantasmée
dans la symbolique politique et "philosophique".La
lecture frivole du monde, par un jeu de miroirs" entre "Occident" et
"Orient" n'est en réalité que l'expression d'une formidable
paresse intellectuelle. Celle-là même contenue dans la question
d'un journaliste au boxeur américain Muhammad Ali venu se recueillir
sur les ruines du WTC : "Comment vous sentez-vous à l'idée
que vous partagez la foi islamique avec les suspects" ? - Réponse
de Cassius Clay ; "Et vous, comment vous sentez-vous à l'idée
que Hitler partageait la vôtre" ? 2.
Le projet de déclaration finale de la Conférence sur les
Territoires occupés suscite la réaction d'Israël
par Valérie de Graffenried
in Le Temps (quotidien suisse) du
jeudi 15 novembre 2001
Après s'être procuré
un exemplaire du projet de déclaration finale de la conférence
internationale sur l'application de la quatrième Convention de Genève
dans les Territoires occupés, le Jerusalem Post a publié
mercredi un article soulignant que la conférence pourrait bien se
résumer à rien d'autre qu'un «raout anti-israélien
cherchant à rivaliser de ce point de vue avec la conférence
de Durban sur le racisme qui eut lieu il y a deux mois». Un scénario
que tant la Suisse, chargée depuis l'automne 2000 par l'ONU et sur
demande de la Ligue arabe de sonder les 189 Etats signataires des Conventions
de Genève sur l'organisation d'une telle conférence, que
les pays de l'Union européenne (UE), conscients de marcher sur des
œufs, cherchent précisément à éviter. La conférence
qui se tiendra le 5 décembre à Genève vise à
faire appliquer la quatrième Convention – elle règle les
conditions d'une occupation militaire et cherche à protéger
la population civile tant qu'un accord de paix n'a pas mis fin au conflit
– dans les Territoires occupés.Crainte
d'un dérapage
Elle est conçue comme une reprise
des travaux de celle, devenue symbolique, qui eut lieu le 15 juillet 1999:
boycottée par 85 pays signataires protestant contre l'abus politique
d'un important instrument de droit humanitaire, elle n'avait duré
que dix-sept minutes.
Le document «confidentiel»
articulé en trois volets et en partie publié mercredi dans
le Jerusalem Post est actuellement soumis aux Etats signataires. Israël
a toujours précisé qu'il boycotterait la conférence,
estimant que la quatrième Convention ne s'applique pas aux Territoires
palestiniens occupés, et cherche activement à convaincre
d'autres Etats de la boycotter ou du moins de ne pas signer la déclaration
finale, lui enlevant ainsi toute légitimité. En dehors des
Etats-Unis, clairement opposés à la tenue de la conférence,
figuraient parmi les «sceptiques» quelques pays de l'UE. Ces
derniers craignent que la conférence donne lieu à un dérapage
politique et souhaitent qu'elle se concentre exclusivement sur la question
humanitaire. S'ils approuvent le projet de déclaration finale, rappelons
que l'UE a, au cours des négociations, demandé avec succès
de supprimer des passages faisant état d'un système de sanctions
contre Israël et insisté pour que la conférence se déroule
sur une demi-journée, et non sur trois jours comme l'exigeait la
Ligue arabe. Mordechai Yedid, haut responsable des Affaires étrangères
israélien, insiste quant à lui sur le fait que la déclaration
finale telle que proposée n'est pas équilibrée puisquielle
ne fait pas allusion à la position de Yasser Arafat et son «implication
contre le terrorisme». Il conçoit par ailleurs la volonté
d'orienter la conférence uniquement sur la question humanitaire
comme «tirée par les cheveux». Le Département
des affaires étrangères confirme, lui, que les Etats signataires
ont officiellement jusqu'à la fin novembre pour annoncer leur participation
à la conférence. Les Palestiniens ont été les
premiers à répondre: ils l'ont fait le jour même de
l'invitation officielle. 3.
L'Affaire Dreyfus des Arabes israéliens par Wadia Awawdy
in Ha'aretz (quotidien israélien)
du jeudi 15 novembre 2001
[traduit
de l'anglais par Mimi Tal]
(Wadia Awawdy est un journaliste
à Kul Al Arab.)
Aux yeux des citoyens arabes israéliens,
la levée de l'immunité parlementaire d'Azmi Bishara constitue
une attaque contre leur identité arabopalestinienne qui selon eux,
ne s'oppose pas à leur demande d'égalité des droits
civiques en Israël. C'est pourquoi Shawki Hatib, président
du haut comité arabe de suivi de la population arabe en Israël,
a dit lors d'un rallye de solidarité avec le député
(Azmi Bishara) qui sera bientôt jugé : " l'attaque contre
Bishara est une attaque contre nous". C'est aussi pourquoi les arabes d'Israël
ont du mal à comprendre les commentaires du premier ministre Ariel
Sharon, qui dit que la démarche à l'encontre de Bishara est
une démarche nécessaire prise par " une démocratie
pour se défendre".
Se défendre contre quoi ? Après
tout Azmi Bishara, dont l'immunité parlementaire a été
levée parce qu'il est suspecté d'identification avec un ennemi
extérieur, n'a jamais appelé les arabes d'Israël - ni
explicitement ni implicitement - à participer a un combat armé
contre l'état. Bishara comme l'ont exprimé naturellement
ses collègues arabes du parlement a dit qu'il croyait en la légitimité
morale et la légalité de l'opposition à l'occupation.
Les décisions prises a l'encontre de Bishara sont une tentative
de l'appareil politique israélien de "domestiquer" les arabes israéliens
en réponse à l'intense atmosphère anti arabe de droite
qui prévaut dans la rue juive. Cet appareil est entrain d'essayer
de faire machine arrière et revenir à l'époque des
" bons " arabes soumis des années 1950 et 1960, et nous tenir, en
tant qu'israéliens, coupés de notre identité naturelle,
culturelle et politique. Les gouvernements israéliens se sont trompés
dans le choix comme objectif de l'israélisation complète
de ses citoyens arabes et dans les moyens utilisés pour l'atteindre.
Pendant des générations, ils nous ont fermé la porte
de l'intégration dans la société israélienne
au nez et nous ont empêché d'obtenir l'égalité
des droits. Ce faisant, ils ont indirectement contribué à
la cristallisation de notre identité arabopalestinienne et pour
cela ils méritent qu'on les en remercie. Nos parents qui nous emmenaient
enfants célébrer le jour de l'indépendance d'Israël
et votaient pour les partis sionistes n'en reçurent pas des droits
égaux. En plus ils eurent a souffrir de traitements humiliants de
la part du monde arabe qui les considéraient comme des traîtres
à la cause sioniste. Cette attitude de suspicion dans le mode arabe
continue à ce jour.
Nous ne voulons pas être sionistes,
et nous ne le pouvons pas. Nous ne pouvons satisfaire au test de Moshe
Arens (ancien Général, ex-ministre "faucon" NdT) qui dit
que l'égalité des arabes ne sera réalisée que
quand ils pourront dire sans réserve " nos avions sont rentrés
sains et saufs sur leurs bases". Nous ne pouvons pas applaudir des avions
qui rentrent après avoir bombardé nos frères palestiniens
au Liban, ou des tanks revenant après avoir commis des assassinats
ou après avoir encerclé étroitement nos proches à
Bethlehem ou Gaza. Notre opposition à l'occupation est morale et
émotionnelle. Cela n'a absolument rien a voir avec un "danger sécuritaire"
que nous incarnerions. Pour nous la fin de l'occupation sera tout aussi
bénéfique pour les juifs que pour les arabes.
Nos points de vue politiques ne s'écartent
nullement de notre droit moral et légal d'être traités
sur le même pied d'égalité mais aussi de façon
différente en tant que citoyens; égaux en droits mais différents
eut égard à notre appartenance nationale et notre identité.
Nous appartenons à notre état, notre pays et notre peuple,
mais pas à la majorité qui gouverne ce pays. Il y a partout
dans le monde des minorités ethniques comme nous.
Azmi Bishara est un "fauteur de trouble"
pour l'état d'Israël parce qu'il met en lumière le conflit
inerant à celui ci d'être à la fois juif et démocratique.
Mais le défi qu'il pose à l'état n'est pas sécuritaire.
Les tentatives pour le punir ne feront que détériorer les
relations entre juifs et arabes qui sont déjà mal en point,
et par conséquent endommagerons les intérêts de base
des citoyens de l'état, à la fois juifs et arabes.
L'insistance de la classe politique
israélienne de s'en prendre à Bishara va lui valoir de se
heurter à la plupart des arabes en Israël. Le procès
contre lui sera vu comme "l'affaire Dreyfus " arabe. De leurs points de
vue, le procès de Bishara portera sur leur identité politique
et culturelle. Pour cette identité les arabes sont prêts a
en payer le prix y compris de perdre leur représentation au parlement,
ce qui ne fera qu'accroître leur séparatisme et conduira à
la confrontation et la violence.
les deux nationalités qui vivent
en Israël ont un intérêt certain à ne pas se laisser
entraîner dans cette confrontation. Malheureusement les dirigeants
de ce pays sont en train de brutalement pousser dans cette direction.
4. Chosmky
critique la position des Etats-Unis en matière de terrorisme
Dépêche de l'Islamic
Republic News Agency (agence de presse iranienne) du mardi 13 novembre
2001
[traduit
de l'anglais par Marcel Charbonnier]
New Delhi (Inde) - Le professeur du
Massachusetts Institute of Technology, Noam Chomsky, a critiqué
la pétition de principes américaine selon laquelle tous les
auteurs d'actes terroristes incarneraient le mal, à la notable exception
des agents des Etats-Unis dont c'est l'activité de prédilection.
Repris par plusieurs médias,
Chomsky a dit qu'en raison de l'extraordinaire puissance des systèmes
doctrinaux occidentaux, leur terreur intrinsèque n'était
même plus perçue. Il a qualifié de grave erreur d'analyse
le fait de considérer que le terrorisme serait l''arme du pauvre',
alors qu''il s'agit de l'exact contraire : le terrorisme est l'arme du
riche par excellence', a-t-il affirmé.
Chomsky, qui inaugurait l'ouverture
de l'année universitaire à l'EMS Akademi de Thiruvananthapuram,
dans l'Etat du Kerala, au Sud de la Confédération indienne,
hier, a notamment déclaré : 'personne ne saurait trouver
à redire à la globalisation ( = aussi : mondialisation, Ndt)
dans son acception première. Mais la forme particulière de
la mondialisation que l'on voudrait actuellement imposer est inacceptable.
Les grandes puissances qui ont forgé les politiques (qui la déterminent)
sont en train de demander à tous les autres pays de rentrer dans
le cadre qu'ils ont eux-mêmes défini.'
Il a fait part de sa préoccupation
devant l'escalade dans la production d'armes de destruction massive. Toute
guerre évoquant obligatoirement l'arme nucléaire, depuis
que celle-ci a été utilisée, cette situation est d'autant
plus alarmante.
"La concentration extrême du
pouvoir devrait désormais être pudiquement qualifiée
de 'communauté internationale'... 'Tout pour notre pomme et queue
de chique pour les autres', telle est la devise des Etats riches et puissants",
a-t-il dit, en un résumé saisissant.
Poursuivant, Chomsky a dit, notamment,
qu'à suivre la définition officielle du terrorisme (qui serait
le recours délibéré à la violence afin d'intimider
ou de contraindre) alors l'Inde est aussi un Etat terroriste.
Et ce n'est pas tout. L'Etat septentrional
de l'Uttar Pradesh, a dit Chomsky, serait digne de figurer en mauvaise
place, juste après l'Afghanistan en matière de déni
des droits des femmes, cet Etat se caractérisant par un ratio de
discrimination antiféminine parmi les pires qui soient au monde,
avec des niveaux d'espérance de vie et un taux d'alphabétisation,
pour les femmes, atteignant un niveau extrêmement bas.
5. Empêcher
la fin du "Monde arabe" par Jean-Pierre Tuquoi
in Le Monde du mardi 13 novembre 2001
{A court d'argent, la Documentation française,
qui dépend de Matignon, envisage de mettre un terme à la
publication d'une prestigieuse revue, "Monde arabe Maghreb Machrek". Campagne
de signatures et concert de protestations...}L'université
française est en émoi. Tout ce que l'enseignement supérieur
compte de spécialistes du monde arabe est parti en campagne contre
un projet funeste : l'arrêt, avec le numéro de la fin de l'année,
de la revue 'Monde arabe Maghreb Machrek', éditée par la
Documentation française. Ce n'est pas la seule revue condamnée
à mort - les jours de 'L'Afrique contemporaine' et de 'Problèmes
d'Amérique latine' sont également comptés - mais 'Maghreb
Machrek', comme on la surnomme, est le journal qui mobilise le plus pour
défendre son existence.
Lancée par des membres du comité
de rédaction de la revue fin octobre, une pétition circule
sur Internet qui supplie le premier ministre, Lionel Jospin - La Documentation
française est sous la tutelle du secrétariat général
du gouvernement - de préserver cet "organe d'expression le plus
prestigieux de l'expertise française et francophone sur cette région
si sensible". Début novembre, près d'un millier de signatures
auraient été recueillies, la plupart émanant de chercheurs
et de journalistes français, mais également d'universitaires
étrangers, dont certains anglo-saxons.
"Garantie de sérieux"
Fière de ses quarante années
d'existence mais fragilisée par des ventes médiocres (moins
d'un millier d'exemplaires par numéro), Maghreb Machrek est victime
de la rigueur des temps ; victime aussi des états d'âme de
La Documentation française. "Des considérations de gestion
ont pesé dans notre décision, prise avec l'aval dela tutelle
publique", confirme la directrice de La Documentation française,
Sophie Moati. Le produit est loin de couvrir ses dépenses", lance-t-elle
sans davantage de précisions. C'est également le cas des
deux autres revues la majorité des abonnements de 'L'Afrique contemporaine'
(un millier d'exemplaires vendus) sont souscrits par le ministère
français des affaires étrangères, tandis que la diffusion
payée de 'Problèmes d'Amérique latine' ne dépasse
pas 650 exemplaires.
Les revues n'ont plus leur place à
La Documentation française. "Notre vocation, explique sa directrice,
est de rassembler de la documentation et de la mettre à la disposition
d'un large public, comme nous faisons avec 'Problèmes économiques',
qui est une compilation d'articles publiés ailleurs. Nous ne sommes
pas un organisme scientifique ou universitaire pour éditer des revues
savantes et érudites."
L'argument de la diffusion laisse
de marbre les défenseurs de 'Maghreb Machrek'. La revue, ont-ils
écrit à Mme Moati, est "beaucoup plus suivie que ne laisse
croire son tirage" et sa disparition "sera interprétée comme
la marque d'un désintérêt des pouvoirs publics français
pour les problèmes de la région, pire encore, comme la preuve
que la science sociale, l'histoire et l'"orientalisme" français
ne sont plus capables de rien dire d'intéressant (...)".
Les défenseurs de la revue
ne contestent pas que d'autres revues existent mais, plaident-ils, elles
sont "très spécialisées" ou "très journalistiques".
Aucune, poursuivent-ils, ne peut se prévaloir d'une "garantie de
sérieux que nous ne rougissons pas d'appeler académique".
Les défenseurs de 'Maghreb Machrek' sont particulièrement
fiers de la chronologie scrupuleuse des événements survenus
dans les pays arabes qu'elle publie trimestre après trimestre depuis
des décennies. "Même celle du Middle East Journal [la revue
concurrente la plus prestigieuse], même celle du Monde ne la valent
pas", écrivent-ils à Mme Moati.
La Documentation française
se dit prête à "céder le titre" à un organisme
qui présenterait un projet valable. Mais où trouver l'argent
? Les entreprises ne se bousculent pas. Le Quai d'Orsay est désargenté.
Hubert Védrine se souvient-il que, dans ses jeunes années,
il se faisait de l'argent de poche en rédigeant la fameuse chronique
de 'Maghreb Machrek' ? 6.
Paver la mer... par Rashad Abu Shawur
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe
publié à Londres) du lundi 12 novembre 2001
[traduit
de l'arabe par Marcel Charbonnier]
"(Notre) Barada, qui s'écoule
tel un gerbe de lys de cristal...
Le Barada ne rit plus, comme autrefois..."
Muhammad al-Maghut (poète syrien contemporain)Dans
un autre de ses poèmes, Muhammad al-Maghut, qui est à la
fois poète, dramaturge et l'un des plus grands écrivains
syriens, s'adressait, sur le ton du reproche, à la rivière
de Damas, le Barada (cette rivière mythique, à laquelle ont
été dédiés des odes innombrables) :
"Il me souvient t'avoir confié
des poèmes anciens...
Rends-les moi ! Tout de suite !"Hélas,
le Barada ne roule plus son flot cristallin, bondissant, babillant, folâtrant
à travers les faubourgs et les ruelles de Damas la Parfumée...
Sa belle santé juvénile s'est fanée, son fluide vital
s'est tari... De son brillant passé ne demeurent que les poèmes
de ses admirateurs et les souvenirs des amants du temps jadis, de cette
époque heureuse où ses flots bouillonnants bondissaient joyeusement
au beau milieu de l'émeraude de la Ville-Jardin par excellence :
Damas... Ses flots alimentaient deux oasis, les deux 'Ghuta', l'une avant
la ville, à l'ouest, l'autre, après sa division entre sept
'bras' en éventail, au sud et à l'est, faisant de Damas une
oasis judicieusement peuplée et impeccablement cultivée depuis
des temps immémoriaux.
C'est bien là la dernière
chose à laquelle je me serais attendu : voir le Barada... Ou plutôt,
devrais-je dire : ne plus le voir ! Ne plus VOIR le Barada !... Alors que
le Barada, ce sont ces eaux que j'ai contemplées, que mes regards
ont accompagnées tout au long des années de mon enfance,
puis de mon adolescence, puis de ma jeunesse, depuis ma naissance, en 1957,
jusqu'à mon premier départ de Damas, en 1965, puis, de nouveau,
durant les années quatre-vingt...
Nous ne pouvions en aucun cas nous
contenter des petites vaguelettes néocitadines du Barada, c'est
pourquoi nous allions à sa source jaillissante, à quelques
dizaines de kilomètres de la grande ville, et nous passions des
moments merveilleux au bord du lac alimenté par sa source, un lac
dont le saphir profond était pour nous une fête : sur la berge,
nous sirotions un café ou un thé, nous grignotions du bout
des doigts un frugal pique nique, nous nous endormions, bercés par
le murmure des cascades et les accords d'un luth chantant sous le plectre
de quelque musicien amoureux de la nature et de la vie...
Dans mon enfance, j'ai souvent entendu
une expression de défi imagée, échangée, le
plus souvent au cours de quelque prise de bec : "Fiche-moi le camp ! Va
voir là-bas si j'y suis ! Va-t'en paver la mer !" Je ne parvenais
pas à comprendre comment la personne interpellée ainsi pourrait
bien s'y prendre... pour paver la mer ! Par la suite, avec l'âge,
j'ai compris que cette expression était une façon de défier
et de rabaisser quelque peu l'adversaire...
Mais la mer SERA pavée, et
les rivières aussi, au pays des Arabes... Ainsi, la Mer Morte (que
Dieu l'ait en Sa miséricorde) ne va pas tarder à mourir pour
la deuxième fois, comme si sa mort perpétuelle ne lui suffisait
plus, comme s'il ne lui suffisait plus d'être morte cliniquement,
comme la conscience des régimes arabes en place vis-à-vis
de la Palestine et de son peuple...
Dans les cinquante années à
venir, la Mer Morte sera à sec - cela veut dire : avant l'année
2050 - et le sel se précipitera au fond, si Israël est encore
là jusqu'à cette date (ce qu'à Dieu ne plaise), et
s'il laisse un gramme de sel non exploité se déposer sur
le fond... Si les prévisions scientifiques s'inscrivent dans la
réalité, c'est-à-dire si les eaux du Jourdain continuent
à ne plus parvenir à la Mer Morte, si la sécheresse
se pérennise au Moyen-Orient et si le ciel du pays des Arabes refuse
obstinément d'y aller de sa larme - la Mer Morte ressemblera à
carcasse décharnée, ou bien encore à une bouche grande
ouverte, une bouche édentée, une bouche tordue jetant un
cri de terreur silencieux, face à l'horrible réalité.
Alors, notre vaillante nation arabe
se mettra à paver la mer, et la Mer Morte sera morte de sa deuxième
mort, belle et bien morte, en nourrissant un seul rêve : qu'un petit
poisson veuille encore la distraire de ses pitreries dans son giron, ou
de voir une dernière fois les petits cabanons des hivernants (et
non des estivants, car en été la température atteint
sur ses rives les cinquante degrés à l'ombre inexistante,
en ce point le plus bas qui soit au monde. En hiver, par contre, nombreux
sont les rhumatisants et autres malades à venir s'y refaire un santé...)
J' ai passé mon enfance, pour
partie au bord de la Mer Morte, pour partie en compagnie des clapotis du
Barada, cet enfant espiègle dont je ne pouvais imaginer qu'il vieillirait,
pire, qu'il mourrait de soif, comme ces malheureux enfants irakiens, privé
de la moindre goutte d'eau. J'ai vécu une période de ma vie,
et puis voilà que j'assiste à la mort du Barada et à
son pavage... et que j'apprends par le journal la mort annoncée
de la Mer Morte, la mort de la voisine de Jéricho l'Eternelle...
J'observais les ouvriers, perdu dans
le tourbillon de mes pensées, tandis qu'ils ajustaient les dalles
et faisaient disparaître le fond de la rivière. La poussière
de ciment s'élevait, suffocante, dans les airs, remplaçant
(mal, très mal) les embruns ravigotants que nous apportait la brise
soufflant depuis Doummar et Al-Haméh, adoucissant les journées
radieuses et les soirées mystérieuses de Damas Al-Cham, taquinant
le visage des amoureux, mais sans oublier celui des étrangers un
peu perdus dans l'immense métropole, un peu à la façon
de petits doigts de lutins enjoués habiles à consoler des
âmes lasses ou simplement mélancoliques...
Je suis de retour à Damas,
après treize années d'absence, pour y prendre part à
un colloque sur le thème 'sionisme et racisme'. Je me dépêche
de me défiler, à la pause, pour me rendre à la place
Merjéh, au centre de la ville, puis au marché couvert de
Souq al-Hamidiyyéh, sûr d'y rencontrer de vieilles connaissances,
pressant le pas jusqu'à la Mosquées des Ommeyyades afin d'aller
rechercher la bénédiction divine auprès du tombeau
de Salah Eddin al-Ayyubiyy (le grand Saladin). Je touche avec dévotion
le catafalque marmoréen, en compagnie de mon ami Khalil al-Sawahiriyy.
Nous y laissons notre main longuement appuyée, dans un silence profond,
un peu comme si nous l'invoquions, comme si nous le suppliions de se redresser
de son tombeau pour reprendre en main les rênes de notre nation,
pour refaire Hittin, pour chasser à nouveau les Francs de Jérusalem,
la tête basse, défaits, sous la haie des cimeterres des vainqueurs.
Mais tandis que je suis abîmé
dans ces hautes pensées, le spectacle hideux du pavage du lit du
vénérable Barada ne cesse de me hanter. Cette rivière,
c'est l'amie fidèle de toute mon enfance, c'est sur son épaule
(vous vous rendez compte... : c'est ainsi que les Damascènes appellent
la rive du Barada : l''épaule'... peut-être une question de
forme, dans les temps anciens ?...) oui... c'est juché sur l'épaule
du Barada, que j'ai accueilli, parmi des centaines de milliers d'autres
personnes, le maître Gamal Abdel Nasser (mu'allim = 'maître'
au sens d'instituteur, Ndt) et que je me suis égosillé pour
lancer les slogans de la "Wahda", l'Unité, c'est là, aussi,
sur l'épaule du Barada, que j'ai couru pour échapper aux
matraques s'abattant sur les manifestants conspuant l'Infiçal (la
sécession de la République Arabe Unie, Ndt). C'est là,
également, que j'ai flâné un nombre incalculable de
fois, pour finir par me rendre dans les jardins du Parc de la Foire internationale,
que j'ai pris un thé chez Abou Ahmad ou Abou Yassine, sous les immenses
faux-poivriers qui abritent de leur ombre balsamique l'avenue de Beyrouth...
"Baradâ... Salâmun min
çabâ Baradâ 'araqqu..." ('Barada... (je vous envoie)
un salut plus délicat que la brise du Barada...', chante Fayruz).
Bien du temps nous sépare de
cette époque révolue. Damas, peuplée de nos jours
d'environ cinq millions d'âmes, n'en comptait alors qu'un demi-million.
Aujourd'hui, ce qu'on voit à Damas, c'est plutôt un fleuve
incessant d'automobiles rejetant dans l'air les fumées méphitiques
et les particules noirâtres de leurs pots d'échappement...
Les jardins de Damas, sa fameuse Ghouta, se réduisent comme peau
de chagrin, car les immeubles grignotent inexorablement les vergers et
les oliveraies. Damas, aujourd'hui, est devenue une métropole arabe
parmi d'autres, elle a perdu beaucoup de son cachet romantique et le bruit
y est devenu obsédant. Il est absolument vital, de temps en temps,
de s'échapper de son vacarme et de sa pollution étouffante
pour se remémorer ce que le poète Al-Maghut avait dédié
au Barada. Mais, si comme moi, pour ton malheur présent, tu as vécu
ta propre enfance durant les années bénies de son innocence
et de son enfance, la voix du Barada te poursuivra sans relâche,
gâchant tes nuits : "Pourquoi m'avez-vous laissé mourir, vous
que j'abreuve. Pourquoi m'avez-vous laissé mourir, moi qui irrigue
vos vergers, moi qui fais verdir les frondaisons qui vous abritent de la
morsure du soleil au zénith ?"
Treize année d'absence, loin
de Barada, treize années, seulement... : et ces treize années
ont suffi pour que meure le fleuve éternel aux flots d'or (le Chrysorrhoès)
?
Et les cinquante années à
venir : seront-elles suffisantes pour permettre que meure la Mer Morte,
une deuxième fois ?
Et nous ? Sommes nous morts, ou vivants,
nous, qui habitons le pays des Arabes ? N'y a-t-il pas un moyen pour sauver
nos vies, pour sauver la vie de nos fleuves, de nos mers, de nos terres,
d'une mort annoncée ?
Ah, Barada, Barada mon amour, ces
larmes salées, mes yeux te les apportent de la Mer Morte, avant
qu'elle ne meure à son tour et qu'on ne la pave elle aussi : je
suis venu les verser sur tes dalles, ô mon Prince regretté. 7.
Le temps n'est-il pas venu de faire enfin la lumière sur la légende
de Halabja ? par Butrus Andari
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe
publié à Londres) du lundi 12 novembre 2001
[traduit
de l'arabe par Marcel Charbonnier]
(Butrus Andari est un journaliste
arabe résidant en Australie.)
La recherche historique ne rendrait
certes pas la vie aux victimes, mais elle couperait court au rabâchage
de la vulgate propagandiste dominante
Au cours des dix années écoulées,
j'ai discuté avec des dizaines de politiciens, de journalistes et
d'universitaires occidentaux de l'embargo imposé à l'Irak,
cet embargo qui représente tout à la fois une catastrophe
humanitaire d'une ampleur mondiale encore jamais vue, une marque de honte
portée au front des Arabes et une tache noire au coeur de la civilisation
occidentale, en particulier américaine. J'ai retiré de mes
conversation avec tous ces interlocuteurs qu'ils ont en général
peur du programme nucléaire irakien, ainsi que des armes de destruction
massive dont dispose(rait) ce pays... J'ai régulièrement
demandé à chacun d'entre eux où ce trouvaient ces
fameuses 'armes de destruction massive' et quelles étaient les preuves
dont ils disposaient leur permettant d'en affirmer l'existence ? Je me
posais, avec eux, également, la question suivante : l'Irak aurait-il
hésité un seul instant à utiliser de telles armes
contre les puissances qui l'ont détruit, en 1991, s'il en avait
disposé ?
En fin de compte, tous mes interlocuteurs
finissaient par s'avérer incapables d'apporter une quelconque preuve
irréfutable du danger que représentait, soi disant, l'Irak
en raison des armes dont il aurait disposé ou (variante) de l'expérience
et des capacités matérielles qu'il aurait pu conserver...
La majorité des analystes politiques et des gens des médias
me disaient que l'Irak avait utilisé des armes chimiques tant contre
son propre peuple que contre l'armée iranienne au cours de la première
guerre du Golfe, et la majorité d'entre eux avaient gardé
en mémoire le nom de la localité de Halabja... Aucun d'entre
eux n'hésita une seule minute à me citer des nombres de victimes
(de Halabja) au petit bonheur la chance, ou correspondant à ce qu'il
avait pu entendre coloporter ou lire dans les quotidiens et les revues,
à l'époque. Leurs 'informations' sur les victimes de Halabja
étaient des plus variables, le nombre des victimes évoluant
dans une fourchette allant d'un millier à vingt mille.
L'insistance mise sur l'affirmation
du recours (irakien) à l'arme chimique à Halabja n'est pas
sans évoquer les campagnes de désinformation à l'encontre
de Gamal Abdel Nasser, dans les années soixante, au cours de la
guerre du Yémen. Les forces hostiles à ce dirigeant arabe
avaient distribué, à cette époque, des milliers de
photos et de communiqués destinés à frapper l'opinion,
contenant des 'informations' des plus fantaisistes et contradictoires entre
elles sur le nombre de victimes 'présumées' d'armes chimiques
'utilisées par l'armée égyptienne' au Yémen.
Mais cette campagne n'eut pas le succès escompté, après
que diverses parties arabes et les Américains se soient rendu compte
du fait que Gamal Abdel Nasser ne représentait plus la même
"menace", après la défaite de 1967...
La plupart des personnes concernées
ou des responsables politiques dans des pays relativement marginaux par
rapport au Moyen-Orient ne savent faire qu'une chose : répéter
ce que disent les Américains au sujet des dangers que l'Irak représenterait
pour ses voisins, en raison des armes de destruction massive qu'il aurait
en sa possession. Il n'est pas douteux que les multiples apparitions, à
la télévision, du chef de la mission d'inspection des Nations
Unies, Richard Butler, ont fini par impressionner l'opinion publique en
Australie comme ailleurs, car il s'est à plusieurs reprises exprimé
avec une hargne (dont la raison évidente était son dépit
d'avoir été expulsé hors du pays par les autorités
irakiennes en raison de sa partialité) dénoncée même
par son collègue Scott Ritter (qui a révélé
les relations constantes entre la dite mission et Israël, ses membres
se rendant eux-mêmes régulièrement dans ce pays aux
fins d'y rendre compte et d'y recevoir leurs consignes...)
J'ai repris les informations diffusées
par les médias arabes au cours des dix années écoulées,
afin de recenser les accusations portées contre l'Irak, concernant
sa 'possession d'armes de destruction massive'. 'Halabja' revenait toujours
en première ligne, en dépit du fait que les événements
qui s'y sont produits datent de trois ans avant la guerre du Golfe (qui
a débuté en janvier 1991)...
L'information arabe, avant comme après
la deuxième guerre du Golfe, accable d'une même voix l'Irak,
se laissant aller à une propagande délirante, si bien qu'elle
semble tirer ses informations d'une source unique, à de rares exceptions
près. Autant cette information arabe s'est divisée sur la
question de la reconnaissance - ou non - d'Israël et de la paix avec
ce pays, autant elle est restée 'unie' dans son agressivité
à l'encontre de l'Irak... Je dis bien : l'Irak, et non : 'le régime
irakien', car ce qui s'est passé et continue de se passer affecte
le peuple irakien et non son gouvernement.
L'information arabe, semblant obéir
aux ordres d'un unique 'big boss', est allée jusqu'à attaquer
délibérément l'Irak, se transformant en organe d'expression
des rêves secrets et des ambitions des différents gouvernements
(arabes).
Après avoir réuni une
collection suffisante d'articles accusateurs (plusieurs centaines) sur
'Halabja' et l'utilisation de l'arme chimique (par les Irakiens), ainsi
que sur les victimes dont le nombre variait du simple au centuple suivant
les auteurs, j'ai pensé utile d'adjoindre à cet échantillon
un ensemble d'informations dont j'avais été amené
à disposer peu après les événements deHalabja,
survenus il y a plus de treize ans.
En septembre 1988, j'ai rencontré,
à Bagdad, chez un ami palestinien, un officier supérieur
de l'armée irakienne. Au cours de la soirée, il nous a dit
revenir de Halabja, où il s'était rendu à l'occasion
du retour des habitants dans cette localité, six mois après
en avoir été évacués.
Cet officier supérieur était
peu loquace, comme tout responsable militaire, mais j'ai retenu de notre
conversation certaines informations importantes, en particulier à
travers le dialogue qui s'était instauré entre le militaire
et un responsable politique qui figurait au nombre de notre petit groupe
d'amis.
Sans doute, le plus important de ce
que j'ai pu entendre, est le fait qu'une bataille acharnée s'est
déroulée entre les forces irakiennes et les forces iraniennes
qui avaient occupé Halabja, localité irakienne, le 16 mars
1988. Les deux armées avaient eu recours à l'arme chimique,
ce qui avait entraîné la mort de victimes civiles, civils
dont certains collaboraient ouvertement avec les forces iraniennes, mais
dont la plupart n'avaient pu s'enfuir des zones bombardées...
A la suite de quoi, j'ai continué
à rassembler, au fil des années, des informations relatives
à 'Halabja', informations à la diffusion mondiale desquelles
l'Iran a consacré des sommes énormes, afin de porter atteinte
à l'image de l'Irak, pays contre lequel avaient été
propagées des 'informations' selon lesquelles il aurait eu recours
aux gaz de combat contre l'armée iranienne. L'Iran avait envoyé
dans divers hôpitaux européens un petit nombre de ses soldats
atteints de blessures, mais surtout de brûlures, en prétendant
que ces dernières résultaient du recours, par l'armée
irakienne, aux gaz de combats (arme 'prohibée'). Le but de cette
gesticulation était plus la propagande que la recherche de soins
plus appropriés pour ces malheureux soldats.
Sans doute la version donnée
par le général Muhammad Fawzy, ex-ministre de la défense
égyptien, au cours d'une conférence de presse, est-elle la
plus satisfaisante pour la raison, parmi toutes celles en circulation...
Il avait notamment déclaré : "l'Irak était déterminé,
dès 1988, à mettre un terme à la guerre irako-iranienne,
de manière décisive (sur le plan militaire), en recourant
aux missiles, qui ont effectivement atteint Téhéran et détruit
les objectifs visés avec une précision remarquée.
Les experts militaires notèrent alors que la guerre était
vraisemblablement entrée dans sa phase ultime, après huit
années d'enlisement dans les tranchées... C'est alors que
l'état-major irakien a été stupéfait de voir
l'Iran tenter d'étendre le champ de bataille vers le nord, en s'emparant
de la ville de Halabja, située dans une région montagneuse
et quasi désertique. Les forces iraniennes, comme nulle autre armée
d'ailleurs, n'auraient jamais pu investir Halabja sans la collaboration
des directions des mouvements kurdes, qui s'étaient rangées
aux côtés de l'Iran, contre leur propre pays (l'Irak) et,
cela, dès le début du conflit...
Le général Fawzy, toujours
: "L'Irak devait réagir vigoureusement et immédiatement.
Les Iraniens ont défendu avec acharnement l'avant-poste de Halabja,
mais les routes d'approvisionnement iraniennes furent coupées, par
un mouvement d'encerclement irakien, et l'Iran perdit cette bataille décisive."
Le général Fawzy n'a pas fait allusion, dans ses déclarations,
à l'utilisation d'armes chimiques, limitant son analyse au déroulement
des opérations militaires et à l'équilibre des forces,
dans le conflit irako-iranien, tant au plan stratégique que politique.
On peut regretter qu'aucune analyse
n'ait jamais été publiée, en arabe, sur les combats
de Halabja, et qu'aucune instance universitaire, ni même militaire,
n'ait publiée d'étude sérieuse sur l'utilisation des
armes chimiques dans la région.
De ce fait, les seules sources disponibles
sont des sources occidentales. Plusieurs études portant sur l'utilisation
des armes chimiques au Moyen-Orient ont été publiées,
au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.
Bien que les études et les
rapports américains soient clairement orientés dans le sens
du service des intérêts des Etats-Unis et de leurs objectifs
stratégiques, ils représentent pratiquement la seule source
exploitable en la matière.
Le premier rapport concernant l'utilisation
de l'arme chimique durant la guerre irako-iranienne et, plus particulièrement,
à Halabja, a été publié par le ministère
de la défense américain en juin 1990. On y lit que les deux
armées, l'iranienne comme l'irakienne, ont utilisé les armes
chimiques et, cela, durant toute la durée du conflit.
Mais l'ouvrage le plus documenté
sur ce conflit est sans doute celui, co-écrit par MM. les Professeurs
Majid Khaddoury et Edmond Ghorayyeb et intitulé : "La guerre du
Golfe - 1990-1991", publié par les presses de l'Université
d'Oxford, à Londres et à New York, en 1997. On y trouve les
analyses les plus approfondies et les plus documentées sur ce conflit.
Le chapitre douze de cette somme (qui n'a jamais été traduite
en arabe, ce qui n'étonnera personne) est consacré aux Kurdistan
et à Halabja, ainsi qu'à l'utilisation de l'arme chimique.
Les deux auteurs, Américains
d'origine arabe, sont considérés comme faisant partie des
plus éminents spécialistes de l'histoire politique moderne
du Moyen-Orient, en particulier en ce qui concerne l'Irak. Leurs écrits
sont des ouvrages de référence mondialement reconnus en matière
de politique moyen-orientale, et plus particulièrement irakienne.
Ils apportent bien des éclaircissements à des événements
jusque-là entourés d'ombres et de questionnements... c'est
notamment le cas en ce qui concerne ce qui nous intéresse : les
événements survenus en 1988 dans la localité (irakienne)
de Halabja.
Dans leur chapitre douze, à
la page 200, donc, ces deux spécialistes nous expliquent que les
deux dirigeants (nationalistes) kurdes, Mas'ud Barzani et Jalal Talabani,
s'étaient rangés aux côtés de l'Iran dès
l'éclatement de la guerre entre ce pays et son voisin irakien, en
1980, dans l'espoir, sans doute, qu'une victoire iranienne leur permettrait
d'exercer des pressions accrues sur Bagdad, afin de lui arracher des concessions
supplémentaires... A la page suivante, les auteurs nous rappellent
que Jalal Talabani, responsable des relations internationales du Front
kurde s'était rendu à Washington, après l'entrée
de l'armée irakienne au Koweït, en 1990, afin de proposer aux
dirigeants américains de leur fournir du renseignement militaire,
précieux pour leurs opérations contre l'Irak, en échange
d'un soutien politique apporté aux Kurdes. Les Américains
avaient refusé de reconnaître une entité kurde, mais
en précisant qu'ils apporteraient une aide financière et
en armement aux Kurdes, afin de les aider dans leur lutte contre Bagdad.
Ces réalités montrent
bien que les diverses directions kurdes ont, pratiquement en permanence,
toujours tout fait afin de créer une tension extrême avec
Bagdad, ainsi par conséquent qu'avec la majorité du peuple
irakien, en prenant constamment parti, de manière ouverte, pour
les ennemis de l'Irak, aux moments les plus délicats et les plus
décisifs... Ceci confirme que l'armée iranienne n'aurait
sans doute jamais osé, et jamais pu, s'emparer de Halabja, située
dans une région montagneuse, semi-désertique et isolée
de tout, si elle n'avait pas disposé du soutien des mouvements kurdes
que nous avons mentionnés, qui n'ont cessé au cours de l'histoire
(et ils continuent à le faire) d'entraîner leur peuple dans
des impasses successives et des situations de crise extrêmement graves.
Revenons aux informations sur Halabja,
dans le même ouvrage. Nous donnons ci-après une traduction
littérale de la fin de la page 200 : 'Il n'y a aucun doute sur le
fait que Halabja ait été la cible de bombardements à
l'arme chimique. L'Irak a été considéré comme
le pays responsable du recours à ce type d'armement. Mais il n'a
pas été clairement établi, jusqu'à ce jour,
quel était le pays responsable, de l'Iran ou de l'Irak. Une étude
du ministère américain de la défense, publiée
par le Washington Post, indique que tant l'Irak que l'Iran ont eu recours
aux gaz durant le conflit, mais que des 'informations militaires irréfutables'
montrent que l'Iran a été le premier à utiliser des
projectiles contenant du gaz cyanhydrique au cours des combats de Halabja.
Les équipes médicales qui ont porté secours aux personnes
atteintes et ont examiné les morts, ont conclu que les victimes
avaient été atteintes par ce gaz. Pour les responsables militaires
américains, l'Irak n'a pas utilisé de tels projectiles. En
revanche, ils affirment détenir les preuves de l'utilisation de
ce gaz par l'Iran.
Une autre étude, réalisée
par l'Institut militaire des Etudes stratégiques (dépendant
de l'armée américaine), avance, quant à elle, qu'il
est probable que les deux armées, iranienne et irakienne, aient
utilisé des projectiles chimiques à Halabja. "L'Irak a été
accusé de l'attaque à l'arme chimique menée à
Halabja, mais on sait que l'Iran a eu recours, à plusieurs reprises,
à l'arme chimique dans ses offensives. Il n'est absolument pas exclu
que le bombardement chimique qui a causé un nombre très élevé
de victimes, kurdes pour la plupart, à Halabja soit le fait de l'armée
iranienne."' (Fin de la traduction).
Ce dernier passage s'appuie sur des
informations données par une étude sur 'les capacités
militaires irakiennes et la sécurité nationale américaine
au Moyen-Orient', étude réalisée par les experts en
stratégie reconnus : Stefen Belletary, Douglas Johnson et Liv Rozenberger.
Elle a été publiée en 1991 par les éditions
Carlyle Baraks.
L'apport d'éclaircissements
sur les événements de Halabja n'innocente pas plus l'Irak
que l'Iran ni les directions nationalistes kurdes qu'il ne saurait ramener
à la vie les malheureuses victimes innocentes ni alléger
les souffrances des Kurdes d'Irak.
Mais le temps est venu, pour les universitaires
et les intellectuels arabes de sortir du cercle du rabâchage stupide
et de l'anesthésie qui nous éloignent de la recherche historique
documentée et ouvrent une brèche devant la falsification
et l'élimination de preuves, comme jamais par le passé.
Halabja par ci... Halabja par là...
La vérité est occultée à un point tel que certains
auteurs sont allés jusqu'à écrire que ces événements
se seraient produits en... 1991 (!), 'l'Irak se vengeant (d'après
nos 'historiens') contre cette localité (kurde) de la destruction
(américano-'alliée') quasi-totale dont il était victime'
(...) La plupart des auteurs arabes (bénéficiant quant
à eux d'un certain niveau minimal de crédibilité)
évitent 'scrupuleusement' d'évoquer les combats acharnés
autour (et à l'intérieur) de Halabja, entre les armées
iranienne et irakienne, car cela leur permet de faire passer la 'thèse'
selon laquelle ce qui s'est passé à Halabja serait le résultat
d'une volonté du gouvernement irakien de se venger sur les Kurdes...
Après une décennie de
falsification, il est temps de faire la lumière sur ces événements
et de procéder à une analyse historique étayée,
en suivant l'exemple des deux spécialistes éminents Khaddoury
et Ghorayyeb, qui, pour ce qui les concerne, n'ont innocenté personne,
mais se sont efforcés d'apporter des éclaircissements sur
tous les aspects de l'événement. On pourrait sans doute expliciter
des aspects demeurés jusqu'à ce jour inconnus en posant des
questions telles : pourquoi l'Irak aurait-il attaqué la localité
de Halabja, entre mille localités kurdes irakiennes ? On pourrait
s'attacher également à l'étude du rôle joué
par les dirigeants nationalistes kurdes irakiens, dans leur collaboration
et leurs collusion affichées avec l'Iran, contre l'Irak, au cours
de la guerre entre ces deux pays (1980-1988). Ce sont ces mêmes dirigeants
qui ont ensuite collaboré avec les Etats-Unis, Israël et les
autres pays hostiles à l'Irak (les 'alliés', Ndt) durant
la guerre du Golfe et après la guerre du Golfe, exposant le peuple
kurde irakien à un supplément de malheurs, comme ceux qu'il
est en train de subir du fait des incursions incessantes de l'armée
turque, notamment.
La persistance (qui frise l'entêtement)
des auteurs et des responsables politiques arabes à traiter du sujet
de Halabja sans aucunement essayer de découvrir la vérité
est éminemment déplorable. Elle ne peut qu'aboutir à
introduire du légendaire dans l'historiographie arabe.
Nous ne tentons nullement de défendre
qui que ce soit, ni de justifier le massacre de civils, comme à
Halabja et ailleurs, mais nous nous efforçons simplement de présenter
avec un minimum de sérieux les faits et les documents relatifs à
un problème, dont la dimension fantasmatique qu'il a acquise est
telle qu'elle a pu "endormir" plus d'un intellect et parvenir dans le monde
occidental sous des oripeaux démagogiques dont le caractère
insidieux colle bien avec une vague internationale (et arabe, il convient
de le rappeler) d'hostilité anti-irakienne, dont la longévité
(onze années est une durée qui tient du record) ne s'explique
pas sans cela.
J'ai suggéré à
un universitaire arabe en poste aux Etats-Unis, spécialisé
dans les questions irakiennes et iraniennes, de réaliser une étude
sur les événements de Halabja, si possible basée sur
les documents et les preuves historiques disponibles, afin de faire apparaître
la vérité.
Mal m'en a pris : cet universitaire
m'a répondu qu'aborder un tel sujet de manière objective
mettrait sa carrière en danger... Il m'a même précisé
que lancer des accusations contre le régime irakien est sa mission
première, 'car il ne faut pas quitter des yeux le but ultime : le
changement, et la chute de ce régime...' (!)
Il est vraiment affligeant et humiliant
de voir l'esprit académique s'enfoncer dans de telles abysses. J'ai
appris, l'année dernière, que le professeur Edmond Ghorayyeb
avait été en bute à certaines tracasseries à
cause de son ouvrage "La guerre du Golfe - 1990-1991", co-écrit
avec le professeur Majid Khaddoury, bien que rien dans cette somme ne puisse
sembler favorable à l'Irak. Simplement, son très grand tort
est d'avoir osé livrer au public des documents qu'il urge de mettre
au pilon, à l'ère de l'hégémonie et de l'américanisation.
8. Les Etats-Unis font montre d'une
résolution toute neuve à mettre en oeuvre une médiation
au Moyen-Orient par Serge Schmemann
in The New York Times (quotidien américain)
du lundi 12 novembre 2001
[traduit
de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Tandis que les Etats-Unis manifestaient
leur volonté de reprendre un rôle actif dans la médiation
visant à mettre un terme aux violences israélo-palestiniennes,
Yasser Arafat exprimait sa "très profonde estime" pour la reconnaissance
de l'Etat palestinien publiquement manifestée par le président
Bush, tout en choisissant de ne pas faire mention du fait que le président
américain avait décliné le désir qu'il avait
manifesté de le rencontrer.
Le secrétaire d'Etat, Colin
L. Powell a rencontré, lui, en revanche, le dirigeant palestinien,
aujourd'hui - ainsi que, par ailleurs, le ministre des affaires étrangères
israélien, Shimon Pérès - et des responsables officiels
ont indiqué que le Secrétariat d'Etat donnerait une suite
à la brève référence faite par M. Bush au conflit
israélo-palestinien, sous la forme d'un discours important qui soulignera
les principes qui, du point de vue des Etats-Unis, devraient ouvrir de
nouveau la voie vers une solution au Moyen-Orient.
Depuis que les attentats terroristes
du 11 septembre contre les Etats-Unis ont focalisé l'attention sur
le mécontentement arabe vis-à-vis de l'Amérique, l'absence
de toute initiative américaine susceptible de mettre un terme à
quatorze mois de violences continues entre Israël et les Palestiniens
s'est attiré des critiques de toutes parts, y compris des alliés
de l'Amérique. Et voilà qu'une étourdissante série
de déclarations et de réunions ramène le conflit israélo-palestinien
au premier plan, aux Nations Unies.
Ce que les Etats-Unis pourraient proposer,
toutefois, demeure nébuleux. Les Israéliens ont été
rassurés sur le fait que le Secrétaire d'Etat Powell ne formulera
aucune initiative nouvelle d'importance - chose à laquelle le premier
ministre 'faucon' israélien, Ariel Sharon, est radicalement opposé
- et que le discours du ministre des affaires étrangères
américain s'en tiendra aux grandes lignes existantes. Colin Powell
a fait allusion, en ce qui concerne son intervention, à une
"déclaration de politique étrangère exhaustive".
Bien que M. Bush ait d'ores et déjà
exprimé son soutien à un Etat palestinien, il a causé
un certain émoi, samedi dernier, car c'était la première
fois qu'un président américain utilisait le toponyme "Palestine"
pour désigner cet Etat. Dans le contexte d'un conflit dans lequel
les moindres progrès se mesurent le plus généralement
à de subtils glissements sémantiques, ceci a été
perçu comme une révérence perceptible adressée
aux Palestiniens et, plus généralement, aux Arabes.
"Nous travaillons pour le jour où
deux Etats - Israël et la Palestine - vivront ensemble en paix, à
l'intérieur des frontières sûres et reconnues appelées
de leurs voeux par les résolutions du Conseil de Sécurité",
a notamment déclaré M. Bush.
L'allusion de M. Bush aux résolutions
du Conseil de Sécurité était une claire affirmation
de l'option "les territoires contre la paix", et elle venait après
les exhortations à se retirer des territoires palestiniens occupés,
adressées à Israël par le Secrétaire d'Etat Powell
avec une belle constance.
Mais le refus de M. Bush de rencontrer
M. Arafat, auquel s'ajoutaient les critiques inhabituellement cinglantes
à son égard de la part de Mme Condoleezza Rice, la conseillère
pour la sécurité nationale, avait pour but d'envoyer un signal
fort : qu'en substance, dans le nouveau climat de 'tolérance zéro'
pour le terrorisme, l'administration Bush ne pensait pas que M. Arafat
ait suffisamment contribué à mettre à raison les organisations
('terroristes') sur son territoire, en ce qui concerne, tout particulièrement,
le Hezbollah et le Hamas.
Originellement, l'administration avait
exclu ces groupes de la ses listes de cibles potentielles, de manière,
à l'évidence, à éviter de s'aliéner
M. Arafat ou ses soutiens arabes.
La désignation claire et nette
des deux organisations par Mme Rice, mercredi dernier, ainsi que le refus
d'accorder (à M. Arafat) une audience présidentielle, ont
été reçus ici comme l'indice que l'administration
américaine ne pensait pas avoir reçu (de la part du dirigeant
palestinien) (toutp) le soutien attendu.
Ces gestes étaient particulièrement
irritants pour l'Arabie Saoudite, qui s'emploie depuis quelque temps à
encourager Washington à améliorer son image auprès
des Arabes, qui voient dans les Etats-Unis un allié (inconditionnel)
d'Israël dont il exclu, par tant, qu'il puisse jouer un quelconque
rôle de 'médiateur impartial'. Le ministre des affaires étrangères
saoudien, Saud al-Fayçal, a laissé libre cours à une
explosion de colère qui n'avait rien de franchement diplomatique,
au cours d'une interview au New York Times, disant que l'apparente incapacité
de M. Bush à s'engager personnellement en vue d'un accord de paix
définitif "aurait de quoi faire péter les plombs à
toute personne parrticulièrement équilibrée".
Même le premier ministre britannique,
Tony Blair, l'un des plus proches alliés de M. Bush dans la guerre
en Afghanistan, a mis en garde, au cours de sa visite à Washington,
la semaine dernière, contre le fait que la campagne militaire ne
saurait, à elle seule, suffire à mettre à raison le
terrorisme, plaidant pour la nécessité qu'il y a à
'semer l'espoir' en oeuvrant à l'instauration de la paix au Moyen-Orient.
M. Bush a également rejeté
le préalable exposé par tous les orateurs arabes à
l'Assemblée Générale, selon lequel une distinction
devait être clairement établie entre le terrorisme tel qu'il
a été perpétré par ceux qui ont attaqué
le World Trade Center et le Pentagone, et les luttes de libération
nationale, auxquelles ressortissent les actions menées par les Palestiniens,
à leurs yeux.
A la satisfaction patente des Israéliens,
qui ressentaient péniblement l'existence d'un 'deux poids-deux mesures'
dans les définitions américaines, jusqu'alors, le président
américain a déclaré qu''il n'existait rien que l'on
puisse qualifier de 'bon terrorisme''.
Avant les attentats du 11 septembre,
le Secrétaire d'Etat Powell aurait dû, selon les attentes,
annoncer, aux Nations Unies, une nouvelle initiative d'importance majeure
sur le Moyen-Orient. Mais les attentats ont changé brutalement tant
le centre d'attention de l'administration américaine que les attitudes
israéliennes et palestiniennes.
La nécessité de se ménager
un soutien auprès des Arabes modérés a rendue impérative
une initiative de l'administration américaine, dans l'espoir de
trouver une solution au conflit.
Mais plusieurs experts du Moyen-Orient
ont indiqué que Washington s'est gardée de modifier par trop
radicalement sa politique, ce qui aurait pu donner motif à Oussama
Bin Laden de se targuer du fait que ses attentats terroristes seraient
bien le motif qui aurait poussé Washington à prêter
une oreille (soudain débouchée et) attentive aux récriminations
palestiniennes... C'est pourquoi l'administration a veillé avec
le plus grand soin à équilibrer son approche et s'est gardée
comme de la peste d'une initiative à trop grand rayon d'action.
Des responsables israéliens
ont dit s'attendre à ce que le discours de Collin Powell soit suivi
de l'envoi d'un nouveau médiateur dans la région.
M. Arafat, lors de son allocution
de ce jour devant l'Assemblée Générale de l'ONU, a
choisi de se focaliser sur la carotte américaine, et non sur le
gros bâton. Dans des annotations écrites à la main,
ajoutées à son discours préparé, dont des copies
avaient été distribuées, il a notamment déclaré
: "Je voudrais exprimer ici ma plus haute estime pour ce que le président
George Bush a déclaré, hier, dans son allocution, au sujet
de la nécessité d'aboutir à une paix juste basée
sur l'application des Résolutions 242 et 338, sur la base du principe
de deux Etats - Israël et Palestine - et de reprendre le processus
de paix sans attendre plus avant."
"Nous déployons actuellement
tous nos efforts afin de réunir les meilleures conditions pour ce
faire, et nous allons continuer à les déployer", a-t-il ajouté.
Mais M. Arafat n'a pas pris en compte
de manière spécifiée une éventuelle médiation
américaine. Depuis l'échec de la dernière série
de négociations sous supervision américaine, sous le mandat
du président Bill Clinton, M. Arafat se préoccupe de trouver
un mécénat international pour le processus de paix et il
a lancé un nouvel appel en ce sens aujourd'hui.
"Je vais vous dire les choses tout
simplement : ressusciter le processus de paix n'est pas possible, après
tout ce qui s'est passé, au moyen de solutions intérimaires",
a-t-il dit, rejetant précisément ce que M. Sharon propose
depuis quelque temps. "Mener à bien un nouvel accord intérimaire
est hors de question, c'est évident".
"Ce dont le processus de paix a besoin,
aujourd'hui, si l'on veut aboutir véritablement à une paix
juste et durable, c'est d'un effort sincère, sous les auspices des
Etats-Unis, de la Russie, de l'Union européenne et des pays arabes
et musulmans, ainsi que des autres pays amis du mouvement non-aligné,
en vue de mettre en place immédiatement le cadre général
d'une solution définitive."
Il était couru d'avance que
les Etats-Unis et Israël s'opposeraient à une telle internationalisation
du conflit.
M. Peres a déclaré,
ce jour, avoir rencontré des responsables européens, et qu'ils
n'avaient pas pour l'instant d'initiative formalisée.
Il a ajouté qu'Israël
retirerait 'prochainement' ses forces de toutes les zones palestiniennes
où elles avaient pénétré après l'assassinat
d'un ministre d'Etat israélien, le 17 octobre dernier.
M. Peres devrait s'adresser à
l'Assemblée Générale de l'ONU mercredi prochain. M.
Sharon a décliné l'invitation, peut-être à cause
de ses appréhensions au sujet des initiatives que pourraient prendre
les Etats-Unis, du moins la rumeur en a-t-elle couru. Les efforts initiaux
de Washington en vue de la constitution d'une large coalition anti-terroriste
avaient eu le don d'irriter M. Sharon, qui avait accusé les Etats-Unis
de chercher à se concilier des ennemis arabes d'Israël - telle
la Syrie - afin de s'assurer de leur soutien. M. Sharon est également
soucieux du risque de se voir soumis à des pressions pour le contraindre
à s'engager dans des négociations qui pourraient conduire
certains de ses ministres de droite à quitter sa coalition, ce qui
aurait pour effet de faire chuter son gouvernement.
Au cours d'un débat faisant
suite à un discours devant le Conseil des Fédérations
Juives, réuni à Washington cet après-midi, M. Pérès
s'est vu poser une question sur l'avenir d'un Etat indépendant contrôlé
par les Palestiniens. "Nous sommes prêts à faire des compromis,
parce que tant la logique de la démocratie que la logique de la
géographie plaident en faveur de deux Etats", a-t-il répondu.
"La majorité des Israéliens', a-t-il ajouté, 'sont
prêts à accorder aux Palestiniens un Etat qui leur soit propre". 9.
L'arithmétique des juristes, après les morts du 11 septembre,
fait apparaître que la valeur de la vie humaine est (à tout
le moins) variable... Par William Glaberson
in The New York Times (quotidien américain)
du lundi 12 novembre 2001
[traduit
de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Agent commercial, il était
"à la bourre", ce matin là. Il avait téléphoné
à sa femme pour lui dire qu'il allait sans doute être en retard
à sa réunion au restaurant "Fenêtres sur le Monde"
('Windows on the World', situé dans la tour-nord du World Trade
Center). Mais, au dernier moment, à 8 H 47, il avait appelé
son bureau afin d'informer ses collègues qu'il était sur
place et qu'il avait "rattrapé" les congressistes juste avant l'heure
prévue, dans ce restaurant.
Une minute plus tard, le vol n°
11 d'American Airlines s'écrasait sur le bâtiment : la tour-nord
du World Trade Center (litt. : Centre du Commerce Mondial). Cela se passait
100 minutes avant l'écroulement total du gratte-ciel. La victime
avait vingt neuf ans.
Avant-hier, l'avocat de la veuve (à
vingt sept ans...) du commercial se calait dans son fauteuil, dans son
bureau d'un cabinet d'avocats sis sur Park Avenue et, clignant un oeil,
soupesait combien la souffrance terminale de la victime, là-haut,
au-dessus de Manhattan, pourrait bien valoir au jour du procès.
Dans un cas similaire, il y a quelques années, dit-il, un jury avait
accordé 365 000 dollars aux ayants-droit d'un passager qui avait
dû subir cinq minutes de terreur alors que l'avion où il avait
pris place commençait son infernal plongeon vers le plancher des
vaches.
"Combien de minutes, dites-vous ?",
s'assura l'avocat, James P. Kreindler, d'un air dégagé...
"Cent ?... Mazette... La compensation pourrait être fort importante...
" Peut-être 1 million de dollars, estima-t-il, pour l'angoisse ultime
de notre agent commercial.
Des centaines d'avocats effectuent,
en ce moment, ce genre de calculs, chargés qu'ils sont d'estimer
les compensations potentielles qui devront être accordées
aux personnes qui ont perdu des êtres chers au World Trade Center,
au Pentagone et dans les quatre avions détournés.
Ces avocats sont bien obligés
de poser des questions embarrassantes. Combien la victime gagnait-elle
? A-t-elle subi une mort lente ou instantanée ? Les passagers ont-ils
été terrorisés au spectacle des hôtesses de
l'air et stewards poignardés ? L'incendie : quelle température
?
Depuis des siècles, les procès
ont tenté d'apporter des réponses à ce type de questions,
en des termes froidement économiques. L'objectif principal d'un
procès intenté à la suite d'une mort 'non naturelle',
c'est d'apporter une compensation financière aux personnes dépendantes
d'une victime dont la mort résulte soit d'un acte intentionnel,
soit d'une négligence.
Les juristes disent souvent que les
dollars sont bien inadéquats, lorsqu'il s'agit de mesurer la valeur
d'une vie humaine, mais ils sont bien obligés de se rendre à
la réalité que les dollars représentent la seule aune
à leur disposition. En dehors des dommages causés par des
pertes économiques, les éléments immatériels
tels la souffrance avant une mort inévitable se voient accorder
une estimation tarifaire. Ces mêmes juristes nous disent aujourd'hui
qu'ils s'efforcent d'analyser de quelle manière de tels éléments
impondérables devraient être pris en compte dans (les indemnisations)
faisant suite aux attentats du 11 septembre.
Dans le cas de notre agent commercial,
M. Kreindler a accepté de nous donner quelques indications sur la
manière dont ce calcul a été fait, à condition
que la victime, un homme marié depuis peu et dont l'épouse
attend son premier enfant, ne puisse être identifiée.
Certaines des (familles des) victimes
vont vraisemblablement porter plainte contre les compagnies (aériennes
et autres) en cause. La plupart vont déposer des dossiers de demandes
de compensation auprès du fonds ad hoc mis sur pied par le Congrès
des Etats-Unis.
Mais quelle que soit la procédure,
les juristes disent que leurs calculs seront basés sur des cas similaires
advenus par le passé, ces précédents ayant une influence
déterminante. M. Kreindler et un de ses associés, Justin
T. Green, indiquent qu'ils pourraient être contraints à recourir
aux services d'ingénieurs et autres experts afin de (tenter de)
reconstituer ce que les minutes (d'agonie) vécues à 'Windows
on the World' ont pu être.
Ils pourraient, notamment, estimer
la rapidité avec laquelle l'incendie aurait pu gagner les étages.
Ils pourraient éventuellement faire appel à des enquêteurs,
qu'ils chargeraient de retrouver des témoins ayant vu des personnes
se jeter dans le vide, leur suicide donnant une idée éloquente
du désespoir des personnes prises au piège.
"Nous voulons savoir le plus exactement
possible ce qui s'est passé dans le restaurant", nous dit M. Green.
Apporter la preuve d'une souffrance,
tant physique que morale, est toujours une tâche extrêmement
délicate, nous dit M. Kreindler. Des juges ou d'autres décideurs
doivent être au maximum informés, mais pas jusqu'au point
où ils pourraient s'estimer manipulés. "En fait, vous devez
laisser une part à leur imagination personnelle", résume
M. Kreindler.
D'autres juristes indiquent que les
demandes de réparations pour la douleur et les souffrances ayant
résulté du 11 septembre lancent des défis sans précédent,
en particulier celles qui sont adressées au fond d'indemnisation
mis en place par le gouvernement américain. De nombreuses questions
quant au fonctionnement de ce fonds restent en suspens, et notamment, celle
de savoir quelles preuves pourraient être reconnues recevables.
Certains avocats et juristes pensent
que le chaos et le vaste éventail des formes de terreur subies par
un nombre extrêmement élevé de victimes, au World Trade
Center, rendent très difficile la tâche consistant à
sérier les caractéristiques des dernières minutes
vécues par toutes ces victimes. Jeffrey A. Litchmann, un avocat
chargé de certains des procès en réparation, pense
que certaines personnes, à certains étages, ainsi que celles
qui se trouvaient à bord des avions-projectiles, sont présumées
mortes instantanément, ce qui signifierait que la loi ne reconnaîtrait,
dans leur cas, aucune douleur à compenser...
Mais d'autres personnes, qui se trouvaient
à d'autres étages, sont mortes dans des conditions et dans
des délais très variés. Plutôt que contraindre
les réclamants à apporter les preuves de la douleur morale
et physique endurée par chacune des victimes, M. Litchmann a indiqué
: "j'avancerai l'argument selon lequel il devrait y avoir une présomption,
basée sur l'endroit où se trouvait la victime".
Mais certains dossiers, indiquent
les juristes, comporteront des récits détaillés. Michel
F. Baumeister, un avocat représentant des clients ayant perdu des
membres de leur famille au World Trade Center et dans plusieurs des quatre
avions impliqués dans les attentats, a indiqué que les appels
depuis les téléphones portables seront pris en compte dans
l'estimation des souffrances psychologiques subies par celles des victimes
qui savaient que leur fin arrivait.
Dans l'un des cas, a indiqué
M. Baumeister, un homme va témoigner avoir vu son collègue
prisonnier du building en flammes, alors que d'autres tentaient de s'enfuir.
L'homme avait téléphoné à son épouse,
lui disant qu'il se savait condamné.
La question de savoir s'il y aura
des avocats d'une partie adverse dans les procès instruits en compensation
auprès du fonds du Congrès n'est pas encore tranchée
à ce jour. Mais certains juristes pensent que des avocats commis
aux audiences (pour ce fonds) pourraient être (au moins) aussi sceptiques
que les avocats défendant les ayant-droit en matière de (compensation)
des souffrances morales et physiques.
Au cours d'un procès faisant
suite à une catastrophe aérienne, il y a quelques années,
un avocat représentant les intérêts de la compagnie
aérienne avait fait opposition à une demande de compensation
pour les souffrances de deux passagers. Les familles des deux victimes
arguaient du fait que leurs chers disparus avaient dû souffrir dans
les instants qui avaient suivi l'explosion ayant détruit l'aéronef.
Mais une transcription des plaidoiries montre que l'avocat de la compagnie,
Howard Barwick, avait argumenté du fait que l'explosion ayant tué
les deux victimes instantanément, il n'y avait pas de souffrance
à compenser. Sa tactique avait marché, nous a indiqué
M. Kreindler. La compensation pour souffrance morale et physique avait
été, dans ce cas marquant, de zéro dollar, zéro
cent...
Dans le cas de notre agent commercial,
nous indique M. Kreindler, même une somme d'un million de dollars
en compensation de douleurs physiques et morales ne représenterait
sans doute qu'une toute petite partie de l'indemnisation finale, car les
procès en compensation pour des personnes décédées
ont essentiellement pour objet d'indemniser les survivants pour la perte
d'un soutien financier, d'un montant correspondant aux revenus que la victime
leur apporterait eût-elle été encore en vie.
Notre agent commercial était
une 'flèche', dans son boulot. Nommé - à vingt-huit
ans - directeur des ventes de sa compagnie, pour l'ensemble des Etats-Unis,
il venait d'être recruté par une autre. Au début de
l'année, cette nouvelle compagnie lui avait accordé des "stock
options" et le titre de vice-président directeur général,
tout en lui décernant un salaire (annuel) d'environ 500 000 dollars
(~ 25 'patates'/mois).
Au tribunal, la perte de revenus sur
une vie est estimée, en général, en se basant sur
le témoignage d'économistes. En prenant en compte l'âge
de la victime, son salaire et ses autres sources de revenus, ceux-ci font
une projection de la somme que la personne décédée
aurait dû normalement gagner durant le reste de son existence.
De cette somme sont déduites
celles que la victime aurait pu dépenser en tickets de métro
ou en tickets de loto, notamment...
Un économiste doit convaincre
le jury, avance M. Kreindler, du fait qu'un forcené du boulot tel
notre agent commercial aurait éventuellement pu continuer à
exercer sa profession bien après soixante-dix ans. Il serait dès
lors plausible, dit M. Kreindler, d'avancer que l'agent commercial aurait
eu quarante années d'activité devant lui et qu'il aurait
gagné plus de 500 000 dollars (son salaire "net") au cours de chacune
de ces quarante années. Au final, conclurent les avocats, la perte
économique pourrait être de l'ordre de 25 millions de dollars
(soit : ~ 15 000 'patates' = 15 'sacs de patates').
Certains Etats américains accordent
aux ayant-droit des compensations pour leurs propres dommages non-économiques,
tel la perte d'un proche. Dans ses lois adoptées en septembre, le
Congrès a déclaré que le fonds ad hoc devrait compenser
des dommages de cette nature, également.
Le cas de notre agent commercial "est
un cas bien sympathique pour l'obtention de compensations d'un dommage
non-économique, car la victime n'a pas connu son enfant", nous a
indiqué M. Green, l'associé de M. Kreindler. Pour des dommages
non-économiques, les compensations accordées par un tribunal
peuvent atteindre 5 millions de dollars, disent nos deux avocats (~ 3 000
'patates'). Le total de 30 millions de dollars (~ 18 000 'patates') qu'ils
espèrent obtenir représenterait la plus grosse somme jamais
obtenue en compensation d'une mort d'origine criminelle. Il est impossible
de dire si l'intégralité d'une somme aussi considérable
pourra jamais être récupérée.
Quelques jours après ces savants
calculs permettant d'aboutir aux compensations pour la mort de l'agent
commercial, un autre avocat, Alan L. Fuchsberg, procédait à
l'estimation similaire dans le cas d'un autre homme, mort, lui aussi, dans
les attentats du 11 septembre.
Il avait quarante-deux ans et son
travail d'employé d'une firme financière sise au World Trade
Center lui valait un salaire de 54 000 dollars (par an) (~ 2,7 'patates').
Maître Fuchsberg pense que le
cas de cet employé pourrait se solder par une compensation substantielle
pour douleurs physiques et morales. Le bureau où il travaillait
était situé au quatre-vingt-dixième étage de
la seconde tour frappée (la tour sud), or des annonces avaient été
prodiguées incitant les gens à regagner leurs bureaux (pour
bosser ? NdT) tandis que la première tour était en flammes...
L'employé, nous dit Maître
Fuchsberg, aurait eu largement le temps de comprendre la situation dans
laquelle il se trouvait. "De toute évidence", nous dit l'homme de
loi, "la fumée a envahi de plus en plus le bureau où se trouvait
la victime, la température devenant insupportable, (jusqu'à
ce que mort s'ensuive)".
Mais M. Fuchsberg nous a dit avoir
prévenu le père de l'employé de s'attendre à
ne recevoir qu'une compensation relativement modeste en matière
de dommages économiques, en particulier s'il devait s'avérer
difficile d'apporter la preuve que l'employé, célibataire,
apportait une aide financière substantielle à ses parents
âgés. M. Fuchsberg nous a indiqué que certaines réclamations,
pour des personnes seules sans descendants, pourraient aboutir à
des compensations aussi modiques que 100 000 dollars (~ 60 patates).
Le père de l'employé
décédé, qui a demandé à conserver l'anonymat,
nous a dit qu'il était stupéfait de voir l'importance prise
par les revenus d'une victime dans les comptes d'apothicaire des juristes.
"La valeur d'une vie humaine ne peut certainement pas être évaluée
en fonction de revenus", nous dit-il, la voix brisée. "C'est de
MON FILS, dont on est en train de parler". 10.
Israël continue de torturer malgré l'interdiction de la
Cour suprême, selon des mouvements des droits de l'homme
Dépêche de l'agence Associated
Press du dimanche 11 novembre 2001, 16h24
JERUSALEM - Israël a recommencé
à torturer de manière systématique des détenus
palestiniens bien que la Cour suprême de l'Etat hébreu ait
interdit cette pratique il y a deux ans, ont annoncé dimanche trois
mouvements des droits de l'homme dans un communiqué commun.
Le document cite des déclarations
écrites sous serment de détenus, dont celle d'un jeune homme
de 16 ans affirmant qu'il a été jeté dans de l'eau
glaciale, contraint de porter une poutre en bois alors qu'il avait des
menottes aux poignets, puis battu.
L'Etat hébreu affirme qu'il
est toujours interdit de torturer et que les abus qui auraient été
commis font l'objet d'une enquête. Israël a reconnu que parfois,
les forces de sécurité ont besoin d'obtenir rapidement des
informations de suspects susceptibles d'être au courant d'attentats
imminents.
Le communiqué commun dénonçant
la pratique de la torture a été signé par le Comité
public contre la torture en Israël, le mouvement palestinien LAW et
l'Organisation mondiale contre la torture, basée en Suisse. Ces
mouvements affirment que la décision de la Cour suprême, adoptée
en septembre 1999, a été régulièrement violée,
et particulièrement depuis la reprise des combats entre Israéliens
et Palestiniens il y a un peu plus d'un an.
11. Afghanistan et question palestinienne
au sommet de la femme arabe
Dépêche de l'Agence France
Presse du dimanche 11 novembre 2001, 16h16
LE CAIRE - L'Afghanistan et la question
palestinienne ont dominé dimanche l'ouverture du sommet extraordinaire
de la femme arabe, plusieurs premières dames dénonçant
l'occupation israélienne des territoires palestiniens et soulignant
le droit des Afghans à la paix.
"C'est la femme qui paie le prix de
la violence et du terrorisme", a affirmé Mme Suzanne Moubarak, épouse
du président égyptien Hosni Moubarak, lors d'une allocution
d'ouverture du sommet, qui rassemble des représentantes des 22 membres
de la Ligue arabe.
"Le monde est aujourd'hui menacé
par des tentatives de divisions et de classifications, phénomènes
qui soulèvent l'inquiétude et conduisent à des conflits
artificiels", a-t-elle poursuivi.
Dans une allusion aux accusations
portées contre l'islam à la suite des attentats du 11 septembre,
elle a souligné que "la relation entre les civilisations est fondée
sur le rapprochement, la cordialité et la coopération et
non sur les conflits et l'échange de soupçons".
Mme Moubarak a été chaudement
applaudie lorsqu'elle a réclamé que les femmes arabes fassent
entendre leur voix pour "un Etat palestinien indépendant et la fin
de la violence dans les territoires occupés".
La reine Rania de Jordanie a estimé
que "les Arabes et les musulmans faisaient face à une campagne de
dénigrement de l'islam et de la civilisation arabe, à travers
ceux qui prétendent représenter l'islam et en présentent
une image répugnante", faisant référence au terroriste
présumé Oussama Ben Laden.
La reine Rania, qui est d'origine
palestinienne, a appelé les femmes arabes à "adresser un
message au monde affirmant le droit des enfants de Palestine à obtenir
une identité et une patrie où ils ne seront pas soumis à
la violence et à la menace". Elle a aussi souligné "le droit
des enfants d'Afghanistan à une patrie stable qui n'est pas déchirée
par les conflits".
Fatima al-Béchir, épouse
du président soudanais Omar al-Béchir, Leila Ben Ali, épouse
du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, Souha Arafat, épouse
du président palestinien Yasser Arafat, Sabika, épouse de
l'émir de Bahrein, cheikh Hamad ben Issa al-Khalifa et cheikha Latifa,
épouse du prince héritier koweitien Saad al-Abdallah al-Sabah,
assistent également à ces travaux. 12.
Israël : Les limites de la démocratie...sur
le site de Courrier International le samedi 10 novembre 2001Le
Parlement israélien, la Knesset, a levé l'immunité
du député arabe Azmi Bichara, rendant ainsi possible sa traduction
en justice. Son crime ? Avoir tenu des déclarations politiques.
Une sanction sans précédent en Israël...
Azmi Bichara, 45 ans, universitaire
chrétien originaire de Galilée, siège à la
Knesset depuis son élection, en 1996, sur la liste communiste puis
sur celle du parti arabe nationaliste Balad (Pays) dont il est l'unique
député. Le vote sanction adopté par la Knesset à
son encontre ouvre la voie à deux inculpations, et donc à
deux procès, l'un à Jérusalem et l'autre à
Nazareth.
Soixante et une voix contre 30 pour
son inculpation pour "incitation à la violence contre Israël
et soutien à une organisation terroriste", rapportent les deux quotidiens
israéliens "The Jerusalem Post" et "Ha'Aretz". Cette accusation
est fondée sur les propos tenus par Bichara en Syrie le 10 juin
dernier lors d'une cérémonie marquant le premier anniversaire
de la mort du président syrien Hafez el-Assad. Azmi Bichara avait
estimé que le Premier ministre Ariel Sharon essayait de plonger
la région dans la guerre et que les Arabes devraient choisir "le
chemin de la résistance pour que les Palestiniens puissent continuer
leur lutte". A Damas, Bichara a tenu ces propos en présence de dirigeants
arabes et du Cheikh Hassan Nasrallah, chef spirituel du Hezbollah libanais.
Pour cette accusation, il risque une sentence allant jusqu'à trois
ans de prison.
Un précédent dangereux
Dans un vote séparé,
le Parlement a également levé l'immunité du député
arabe, par 65 voix contre 24, pour l'organisation "illégale de voyages
de quelque 800 Arabes israéliens en Syrie. Ces voyages étaient
essentiellement destinés à des rencontres familiales", précise
le "Post". La sentence pour ce deuxième chef d'inculpation peut
lui valoir jusqu'à un an de prison.
Au cours de la session de la Knesset,
quelques voix israéliennes se sont levées pour dénoncer
cette décision, rapportent les deux quotidiens israéliens.
Ainsi le député travailliste Yossi Katz a-t-il assimilé
ce vote à "un précédent dangereux qui risque en fin
de compte de porter atteinte à la liberté d'expression. Le
résultat, c'est qu'il y a 119 députés perdants sur
120, et un seul gagnant, Azmi Bichara, qui fera figure de héros
ou de martyr." De même, Yossi Sarid, leader du Meretz (opposition
de gauche), tout en qualifiant les propos de Bichara de "méprisables
et difficilement tolérables", a estimé qu'il était
"disproportionné de le transformer en héros pour tous les
ennemis d'Israël. Les propos de Bichara sont voués à
l'oubli, mais son procès fera date."
Une question troublante
Pour Bichara, qui a rejeté
catégoriquement les accusations le soupçonnant d'incitation
à la violence, "le fait d'être traîné devant
les tribunaux, devant deux cours différentes, sera une excellente
occasion d'expliquer aux Israéliens la différence entre résistance
et terrorisme". Il considère la levée de son immunité
parlementaire comme "le début d'une campagne pour limiter les droits
des Arabes d'Israël". En relevant que le rabbin Ovadia Yossef, chef
spirituel du parti d'extrême droite Shas, était l'instigateur
du vote de la Knesset, Bichara a ironisé : "Ce sont ceux-là
les grands démocrates qui voudraient me mettre hors la loi ? Il
n'y a pas de démocratie ici. Inutile de vous faire des illusions."
"C'est la première fois que
l'immunité d'un député est levée à la
suite de propos qu'il a tenus", constate "Ha'Aretz". Naturellement, la
question est de "savoir si cette pratique sera reconduite à l'encontre
d'un autre député. C'est une question troublante", reconnaît
le journal. Mais il serait difficile de se plaindre du vote majoritaire
de la Knesset. "Les discours de Bichara, et notamment les lieux qu'il a
choisis pour les formuler, soulèvent des doutes sur le serment qu'il
a prêté en tant que député et qui engage sa
loyauté à l'égard de l'Etat d'Israël."
Le "Post" s'arrête aussi sur
la même "question troublante et problématique". En réponse,
il estime que "la Knesset a pris la bonne décision". C'est grâce
à la démocratie israélienne que "Bichara peut siéger
au Parlement d'un Etat tout en rejetant ses principes fondateurs et en
soutenant ses ennemis". Le vote du Parlement a démontré que
"les démocraties ont besoin de se protéger. Il est clair
que Bichara a dépassé les limites de la liberté d'expression." 13.
Les États-Unis prêts à boycotter la conférence
de Genève sur les Territoires par Aluf Bennin
Ha'aretz (quotidien israélien) du samedi 10 novembre 2001[traduit
de l'anglais par Annie Coussemant]Selon
des diplomates qui se sont exprimés jeudi dernier, Israël et
les États-Unis semblent avoir l'intention de boycotter une conférence
des signataires de la IVe Convention de Genève qui doit se tenir
le mois prochain sur le thème de l'affirmation des droits des civils
palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza.Dans
une déclaration, la mission diplomatique israélienne de Genève
a rejeté l'idée de cette réunion, la qualifiant de
prétexte pour abuser du droit humanitaire et " d'outil émoussé
pour mener des attaques politiques " à l'encontre d'Israël.Selon
Israël, la conférence que la Suisse projetait d'organiser le
5 décembre à Genève aurait également pour effet
" d'hypothéquer les efforts de paix au Proche Orient ".Cédant
à la pression internationale dirigée par les pays arabes,
la Suisse entend réunir les signataires de la IVe Convention de
Genève qui régit le comportement des puissances occupantes
à l'égard des civils des pays occupés, et a déjà
préparé un projet de résolution critiquant la conduite
d'Israël dans les Territoires.Depuis
la Guerre des Six jours de 1967, Israël prétend que les Conventions
de Genève ne s'appliquent pas aux Territoires.L'initiative
d'organiser cette conférence, prévue pour le 5 décembre,
avait été évoquée pour la première fois
sous l'administration Netanyahou. Une première conférence
s'était réunie il y a deux ans mais, sous la pression des
États-Unis, elle avait été ajournée au bout
de 20 minutes.En raison
de l'Intifadha et de la violence du conflit avec les Palestiniens, cette
initiative a refait surface. La Suisse a préparé, en coordination
avec l'Union européenne, un projet d'invitation. Il est considéré
que les États-Unis désapprouvent cette initiative et qu'ils
ont déclaré ne pas y prendre part. En dépit des nombreuses
résolutions des Nations unies appelant Israël à se conformer
à la IVe Convention en sa qualité de puissance occupante,
Israël refuse de reconnaître que ladite Convention s'applique
à la Cisjordanie et à Gaza.Le
projet de résolution marque une préoccupation face à
" l'aggravation de la situation humanitaire dans les Territoires, dont
Jérusalem Est ", mentionne " le caractère illégal
des colonies ", appelle à la cessation immédiate des graves
violations de la Convention dont " les assassinats, la torture, la déportation
et la démolition des maisons " et appelle les deux Parties à
placer des observateurs internationaux dans les Territoires. Mais, étant
donné que la résolution concernant les observateurs doit
être agréée par les deux Parties, Israël dispose
en fait d'un droit de veto.Le
Directeur général adjoint au ministère des Affaires
étrangères chargé des relations avec les organisations
internationales, Mordechaï Yedid, a donné aux légations
israéliennes à l'étranger des directives en vertu
desquelles celles-ci doivent exercer des pressions contre l'application
de la Convention ainsi que contre le projet de résolution préparé
par les Suisses. Selon les directives de ce ministère,, la conférence
a pour objet de traduire Israël devant un " tribunal international
" sur la base de rapports unilatéraux, faisant totalement abstraction
de la responsabilité du Président de l'Autorité palestinienne,
Yasser Arafat, dans la vague de terreur incessante menaçant Israël. 14.
Chomsky critique le "deux poids, deux mesures" américain en matière
de terrorisme
in Tehran Times (quotidien iranien)
du mardi 6 novembre 2001
[traduit
de l'anglais par Marcel Charbonnier]
(Créé
en 1979, Tehran Times est un quotidien publié à Téhéran.
http://www.tehrantimes.com)
Noam Chomsky, professeur au célèbre
MIT (Massachusetts Institute of Technology) a lancé une attaque
remarquée contre le 'deux poids, deux mesures' américain
en matière de terrorisme.
D'après The Statesman, quotidien
en anglais publié à New Delhi, Chomsky, de son ton critique
figurant parmi les plus éloquents dans le paysage intellectuel américain,
a qualifié les attaques américaines en Afghanistan de 'génocide
silencieux' affectant des millions de civils innocents. 'Ces gens-là
ne sont pas des Taliban', a-t-il dit, devant une salle bondée de
monde, au cours de la Cinquième Conférence commémorative
en l'honneur de D.T. Lakdawala, intitulée 'Et si nous jetions un
coup d'oeil dans les abysses du futur ?', qui a attiré plusieurs
ministres du gouvernement indien, des diplomates et des membres de l'université.
Cette conférence d'une durée de soixante-dix minutes a été
donnée par Noam Chomsky à l'auditorium Ficci, à New
Delhi.
'N'est qualifié de terrorisme
que celui qui est dirigé contre les Etats-Unis, leurs amis et alliés',
a déclaré Chomsky, avant d'exposer une série de statistiques
mettant en évidence la misère du peuple afghan et les politiques
néo-impérialistes des Etats-Unis au fil des décennies.
'Pour la première fois dans
l'histoire moderne, l'Europe et ses rejetons (américains) sont des
cibles, et non plus les auteurs de crimes horrifiants. Les Européens
ont passé des siècles entiers à s'étriper mutuellement,
mais ils n'avaient jamais été attaqués par leurs propres
victimes', a résumé le célèbre linguiste.
Sept millions d'Afghans sont menacés
de famine. L'année prochaine, les ressources vivrières ne
pourront nourrir qu'un cinquième de la population, environ, les
bombardements américains ayant interrompu les semailles. 'Mais les
Américains conscients du calvaire du peuple afghan représentent
à peine un pour cent de la population américaine', a-t-il
dit, ses propos ayant été repris par l'agence indienne de
presse (IRNA).
Chomsky, qui donnait ainsi, à
New Delhi, le coup d'envoi d'une tournée de conférences d'une
quinzaine de jours dans le sous-continent indien, tournée qui l'amènera
aussi au Pakistan, a mis en évidence le recours par les Etats-Unis
à la force militaire brutale et à leur super-puissance économique
à l'encontre des peuples indigènes dans diverses parties
du monde, en particulier, en Amérique centrale.
'Seulement durant le règne
de Ronald Reagan, les terroristes sponsorisés par les Etats-Unis
ont laissé derrière eux, en Amérique centrale, des
centaines de milliers de corps torturés et mutilés, des millions
d'invalides et d'orphelins, et quatre pays réduits à l'état
de ruines', a-t-il rappelé.
Par ailleurs, deux grands muftis de
Russie ont critiqué la campagne militaire américaine en Afghanistan,
l'un d'entre eux qualifiant le soutien de la Russie à cette action
de 'menace contre l'intégrité du pays'.
Nafigulla Ashirov, qui préside
à la communauté musulmane des régions asiatiques de
la Fédération de Russie, a fustigé le soutien de Moscou
à Washington, tandis que Talgat Tadzhuddin, chef spirituel de la
communauté musulmane de la Russie d'Europe a mis en garde contre
le fait qu'une poursuite des bombardements américains en Afghanistan
durant le mois de ramadan constituerait un sacrilège.
'La Russie a fait un pas qui scellera
son sort', a dit Ashirov à des journalistes, faisant allusion à
l'éclatement de l'URSS et de la Yougoslavie.
Tadzhuddin, pour sa part, a appelé
à une pause des bombardements américains en Afghanistan durant
le mois de Ramadan : 'Les civils ne doivent pas être victimes d'une
campagne anti-terroriste', a déclaré le mufti Tadzhuddin
à l'agence (russe) Interfax, déplorant le nombre élevé
de victimes civiles causées par les bombardements, lancés
il y a environ un mois (et ininterrompus depuis lors).
Notons par ailleurs que l'UNICEF (Fonds
des Nations Unies pour l'enfance) a alerté sur le fait que les vies
de centaines de milliers d'enfants afghans étaient en danger si
une aide humanitaire ne leur était pas apportée d'urgence.
Le régime taliban d'Afghanistan
a indiqué hier, lundi 5 novembre, que 95 soldats américains
avaient été tués depuis le début de la campagne
militaire sous direction américaine, il y a un mois.
'Le nombre des soldats américains
tués a atteint à cette date environ 95', a indiqué
l'ambassade talibane au Pakistan.
Ce communiqué des Taliban exprimait
le regret que les corps des soldats américains tués n'aient
pas pu être remis à leurs familles, en rejetant la responsabilité
sur les Etats-Unis qui nient les incidents durant lesquels ces soldats
auraient été tués.
En particulier, ce communiqué
citait un incident au cours duquel les Taliban ont affirmé avoir
abattu deux hélicoptères militaires américains, le
vendredi 2 novembre, entraînant la mort d'un certain nombre d'hommes
de l'armée américaine. 15.
"Je trouve que la presse israélienne est devenue unilatérale"
Interview de Aviv Lavie réalisée par Serge Dumont
in Le Soir du lundi 5 novembre 2001
[Aviv Lavie est un journaliste
israélien du quotidien Ha'aretz, spécialiste des médias.]
- En tant que spécialiste
des médias israéliens au quotidien de centre-gauche Ha'aretz,
vous dénoncez régulièrement la manière dont
vos collègues relatent l'évolution de l'Intifada palestinienne
ainsi que les opérations menées par Tsahal (l'armée).
Contrairement à ce qui se passe dans l'Autorité palestinienne,
la presse écrite et audiovisuelle de l'Etat hébreu jouit
d'une grande liberté de ton et elle ne se prive jamais de critiquer
les gouvernements en place ainsi que l'establishment militaire. Que lui
reprochez-vous donc exactement ?-
Si l'on compare notre presse à celle des pays voisins, il est tout
à fait exact que nous bénéficions ici de la plus grande
liberté de parole et d'écriture, mais ce n'est pas le problème.
En fait, ces dernières semaines, plusieurs de mes articles ont déclenché
la polémique parce que j'accuse les journalistes israéliens
de ne pas travailler avec objectivité. Ou du moins, de ne pas tenter
d'être les plus objectifs possibles. Certes, nous sommes un pays
en guerre et les journalistes sont avant tout des être humains, comme
nous pouvons le voir aux Etats-Unis où la presse s'est clairement
mobilisée en faveur de la guerre en Afghanistan.
Cependant; en Israël, je trouve
que la presse est devenue unilatérale alors qu'elle a les moyens
de ne pas l'être en raison, précisément, de la grande
liberté dont elle bénéficie. Chez nous, quoi qu'il
arrive, on " oublie " toujours de donner le point de vue " d'en face ".
C'est-à-dire des Palestiniens. Cela ne signifie pas pour autant
que nous devons leur donner raison ou nous transformer en tribune de propagande
palestinienne mais il me paraît normal qu'une presse démocratique
publie les avis des deux camps, ce n'est malheureusement pas le cas actuellement.-
Dans un article publié le 29 octobre et qui a suscité des
polémiques en Israël ainsi qu'à l'étranger, vous
avez notamment dénoncé le "traitement unilatéral"
par vos collègues du bouclage du village de Beit Rima au cours duquel
plusieurs personnes soupçonnées d'être impliquées
dans l'assassinat du ministre du Tourisme Rehavam Zeevi ont été
tuées ou arrêtées. Pourquoi une prise de position aussi
radicale alors que vous savez comme tous les journalistes israéliens
qu'il existe ici un censeur militaire ?-
Ce que je vais vous dire paraîtra sans doute paradoxal à ceux
des lecteurs belges qui n'ont jamais connu la guerre mais la censure militaire
n'est pas un problème pour les journalistes israéliens Car
ceux-ci comprennent tous - et moi aussi - que des secrets militaires ne
peuvent évidemment pas être révélés durant
un conflit. Ce qui ne va pas en revanche c'est cette manière de
présenter les choses selon laquelle tous les Palestiniens tués
sont des " terroristes " et tous ceux qui ont été liquidés
étaient " en route pour commettre un attentat ".
Bien sûr, à Bruxelles,
vos lecteurs ne peuvent pas suivre ce qui s'écrit et se dit en hébreu
à Tel-Aviv mais, en substance, on y présente toujours l'Autorité
palestinienne comme coupable de ce qui s'est passé, se passe, et
se passera. Grosso modo, le message relayé par mes collègues
est le suivant : les Palestiniens veulent la guerre et nous la paix, les
Israéliens sont les victimes et les Palestiniens sont les agresseurs.
Nous sommes les bons et eux sont les mauvais. Soit, mais ce qui me semble
grave, c'est que personne dans les milieux dits " informés " ne
se pose la moindre question en entendant tout cela.-
En cette période d'Intifada, les chroniqueurs militaires font la
pluie et le beau temps à la radio, à la télévision
et dans les principaux quotidiens. Sont-ils fiables ?-
Ces personnes répercutent en Israël à l'étranger
les informations qu'ils reçoivent en droite ligne de l'état-major
de Tsahal ainsi que du Shabak (la Sûreté générale),
voire d'autres services spéciaux s'ils y ont des introductions.
Ils font cela très bien et avec compétence même s'ils
émettent peu de doutes - et encore moins de critiques - sur le contenu
de ce qui leur est raconté. En somme, les chroniqueurs militaires,
qui bénéficient d'une influence importante en Israël,
répercutent les analyses faites par l'establishment sécuritaire.
C'est légitime, c'est important, et c'est nécessaire. Seulement,
à côté de cela, il faudrait qu'un " spécialiste
des affaires palestiniennes " puisse donner aux lecteurs et aux auditeurs
la version des faits vue d'en face.-
Pendant longtemps, vous sembliez plutôt isolé dans le monde
médiatique israélien mais Daniel Dor, l'un de vos collègues,
vient de publier une étude intitulée " Une presse sous influence
" (éditions Babel, Tel-Aviv) dans laquelle il démontre que
le contenu des journaux de l'Etat hébreu est finalement identique
et unilatéral en ce qui concerne leur manière de voir l'Intifada...-
C'est un livre très important et qui n'existe malheureusement pas
en français mais si certains de vos lecteurs lisent l'hébreu,
ils y trouveront - preuves à l'appui (des reproduction d'articles
publiés dans les trois grands quotidiens israéliens, NDLR)
- des faits édifiants sur le fonctionnement de la presse israélienne.
Cela ne veut pas dire qu'elle n'est pas démocratique : ses sources
d'informations et ses capacités critiques sont souvent limitées,
ce qui ne me semble pas normal. 16.
Trois questions à Saleh Abdel Jawad propos recueillis par
Gilles Paris
in Le Monde du samedi 3 novembre 2001
- Vous enseignez les sciences politiques
à l'université palestinienne de bir zeit et vous allez publier
au jerusalem media and communication center une étude consacrée
aux assassinats extrajudiciaires perpétrés par les israéliens
depuis le début de la deuxième intifada, est-ce un phénomène
nouveau ?- Non, il faut
rappeler que le recours à l'assassinat est une pratique très
ancienne dans le mouvement sioniste, puis dans l'histoire d'Israël.
Si on se réfère aux
années 1970, par exemple, la tactique israélienne a toujours
été de s'en prendre aux responsables les plus élevés
de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et de lier
ces assassinats à un attentat marquant, notamment la prise d'otages
de Munich, même si un article publié dans le quotidien israélien
Yedioth Aharonoth, le 27 juillet, montrait que sur treize grands responsables
palestiniens assassinés, officiellement en relation avec Munich,
un seul y avait été effectivement mêlé. Pour
toute la période de la première Intifada -de 1987 à
1993-, on peut estimer qu'il y a eu au moins cent vingt assassinats. Pour
la deuxième Intifada, j'ai arrêté mon étude
le 15 août, et j'en avais déjà recensé soixante-deux.-
Qu'est-ce qui caractérise ces dernières exécutions
?- Il y a d'une part
le nombre élevé de victimes collatérales. Sur les
soixante-deux personnes tuées, trente-cinq étaient véritablement
visées, les autres ont été tuées parce qu'elles
se trouvaient là. A Bethléem, le 9 novembre 2000, date du
premier assassinat, deux femmes sont tuées parce qu'elles se trouvent
non loin de la voiture de Hussein Abayat. A Naplouse, en mai, des gardiens
de la prison meurent alors que la cible, un détenu, parvient à
s'échapper. D'autre part, ce qui frappe, c'est les moyens extrêmement
perfectionnés utilisés par l'armée israélienne,
les missiles, les hélicoptères, les drones, pour tuer à
distance, avec en plus un réseau très important d'informateurs.
Ces assassinats sont plus pratiqués en Cisjordanie qu'à Gaza
parce que la configuration des lieux, les poches que sont les zones d'autonomie,
s'y prête beaucoup plus.-
Quels sont selon vous les objectifs des Israéliens ?-
Les mêmes objectifs qu'autrefois : la revanche, l'élimination
d'opposants, mais s'y ajoute aujourd'hui un sens de la provocation. C'est
ainsi que l'armée israélienne a frappé à plusieurs
reprises des responsables militaires puis politiques du Hamas, en juillet,
comme pour le pousser à la faute et justifier une escalade ultérieure.
Enfin, les assassinats extrajudiciaires sont devenus un élément
de la politique intérieure israélienne, comme a pu le faire
récemment le premier ministre, Ariel Sharon, pour contrer les critiques
de son rival, Benyamin Nétanyahou. 17.
Refus européen de financement des livres scolaires palestiniens
par Herb Keinon
in The Jerusalem Post (quotidien israélien)
du vendredi 2 novembre 2001
[traduit
de l'anglais par Mimi Tal]
Un groupe de parlementaires européens
pro israéliens ont cette semaine ajouté une clause additionnelle
à la ligne budgétaire de l'Union Européenne disant
que l'argent européen ne doit pas financer les livres scolaires
palestiniens s'ils contiennent des éléments d'antisémitisme
ou d'incitation a la haine.
Emmanuel Nahshon porte parole du ministère
des affaires étrangères a affirmé que c'est l'une
des plus importantes victoires dans la bataille contre le financement des
livres scolaires palestiniens contenant des incitations à l'encontre
d'Israël.
La ligne budgétaire, B7-42,
accorde quelques 45 millions d'euros pour des programmes pour la promotion
de la paix au Proche-Orient, argent qui par le passé a été
utilisé pour financer des livres scolaires palestiniens ainsi que
d'autres activités éducationnelles de l'Autorité palestinienne.
L'amendement à cette ligne
budgétaire indique que cet argent ne doit pas être utilisé
"pour des activités, projets, programmes promouvant des principes
ou opinions qui ne sont pas en accord avec les valeurs de base de l'Union
Européenne. A l'opposé cet argent doit seulement servir a
des projets aidant à la promotion de la paix, la compréhension,
la réconciliation et la diminution de la haine".
Dans une note explicative accompagnant
cette clause additionnelle, il est écrit qu'il est interdit a l'Union
Européenne de financer des livres scolaires contenant des écrits
racistes et antisémites, et que la Commission Européenne
doit veiller à ce que cet argent ne soit pas utiliser a la publication
de livres scolaires qui contredisent les valeurs de base de l'Europe.
Le Parlement Européen est le
corps politique qui approuve l'important budget de l'Union Européenne
ce qui lui confère un véritable pouvoir.
Nahshon a affirmé que le passage
de cet amendement est "un petit pas mais une victoire morale" et espère
que ceci servira de précèdent pour les autres pays européens
qui financent l'appareil éducatif de l'autorité palestinienne
via des relations bilatérales.
Nahshon a affirme que le passage de
cet amendement est le résultat d'une intense activité diplomatique
de la mission israélienne présente à Bruxelles auprès
de l'Union Européenne et le travail d'un certains nombres de parlementaires
européens décides a combattre l'incitation et l'antisémitisme
des livres scolaires palestiniens. 18.
Deux villages palestiniens accusent l'armée israélienne
(IDF) d'empêcher leur approvisionnement en eau et en nourriture
par Amira Hass
in Ha'aretz (quotidien israélien)
du vendredi 2 novembre 2001
[traduit
de l'anglais par Mimi Tal]
Des soldats de l'armée israélienne
(IDF) ont empêché des camions citerne d'eau de pénétrer
dans deux villages palestiniens près de Naplouse pendant 8 des 14
derniers jours a confié le maire d'un de ces villages a Ha'aretz.
Des soldats de l'armée israélienne (IDF) ont empêché
le ravitaillement en nourriture de ces villages, à cause des mesures
de blocage plus sévères autour de Naplouse ces deux dernières
semaines, a ajouté Ataf Hanani, maire de Beit Furik. Résultat,
les deux villages, qui totalisent 11500 habitants (8000 à Beit Furik,
et 3500 à Beit Dajan), souffrent maintenant d'une pénurie
d'eau et de nourriture dit il.
Mercredi, l'Association pour les droits
civils en Israël a envoyé un courrier urgent au Major Général
Ytzhak Eitan du commandement central (GOC) ainsi qu'à son conseiller
juridique, le Colonel Shlomo Politis, pour protester contre ces mesures
qui empêchent l'approvisionnement en eau et en nourriture de ces
villages. Aucun de ces deux villages n'est raccordé au réseau
régional d'eau, c'est pourquoi des citernes d'eau doivent y être
amenées, leurs habitants élèvent des animaux et cultivent
leurs terre ( pendant l'hiver cette dépendance est quelque peu réduite
car les puits locaux se remplissent d'eau de pluie).
La route qui relie les villages à
Naplouse est également utilisée par les colons juifs, et
depuis le début de la 2ème Intifada voilà plus d'un
an, les soldats de l'armée israélienne (IDF) ont régulièrement
appliqué de strictes restrictions à son utilisation par les
voyageurs palestiniens. Les points de contrôle de l'armée
israélienne (IDF) s'alignent sur la route, et l'entrée des
villages est limitée aux résidents locaux. Seuls des marchands
connus des soldats ont été autorisés a amener dans
les villages leurs marchandises y compris de l'eau.
12 chauffeurs de camion apportent
des réservoirs d'eau à Beit Furik, et 3 à Beit Dajan.
L'un des chauffeurs de Beit Furik nous a dit qu'en temps ordinaire ils
faisaient 4 a 6 livraisons par semaine. Le maire de Beit Furik a dit que
pendant les 4 jours qui ont suivi l'assassinat du ministre du tourisme
Rehavam Zeevi, une interdiction totale a frappé les convoyeurs d'eau.
Les 3 jours suivants chaque convoyeur a été autorisé
à effectuer une livraison d'eau. Les jours suivants se fut le même
scénario habituel, de restreindre la circulation des camions puis
d'alléger les restrictions.
Le porte parole de l'armée
israélienne (IDF) n'a pas répondu aux questions posées
à ce sujet.
19. Libérer
et responsabiliser les sociétés arabes par Pascal Fenaux
in La Revue Nouvelle (revue mensuelle
belge) N°10 - Tome 114 - du mois d'octobre 2001
[Présentation
de la revue : http://www.arsc.be/FrameSet.asp?FrameSet=RevueShow.asp?RevueID=41]
Bien plus encore que ses périphéries
du Maghreb et d’Asie, l’Orient arabe est en crise. Cette crise profonde
et sourde mobilise depuis des décennies des acteurs que, en Occident,
on s’est toujours refusé à considérer comme tels,
au mieux en les folklorisant, au pire en les criminalisant. La négation
du champ politique arabe opérée par la plupart des régimes
en place, et à laquelle Etats-Unis et Européens ont largement
contribué, a préparé le terrain au drame du 11 septembre.
Aujourd’hui, il s’agit de responsabiliser les sociétés arabes
en reconnaissant leur historicité et en leur permettant de s’autonomiser
et d’entamer un travail de contradiction et de débat.
Le carnage du 11 septembre a suscité
des réactions très contrastées. Aux côtés
du traumatisme et de l’empathie manifestés par une majorité
des opinions occidentales envers les quelque 6.000 victimes des attaques,
on a également relevé le développement d’un discours
tendant à expliquer que, en l’état actuel des relations internationales,
de la diplomatie américaine, de la logique capitaliste et du passé
colonial non assumé de l’Europe occidentale, il était possible
de, au minimum, comprendre ce qui avait bien pu pousser les jeunes kamikazes
pirates de l’air à se jeter, avec leurs centaines d’otages, dans
les feux de l’enfer.
Rapidement, les traditionnelles manifestations
pacifistes se sont remises en branle, encouragées, il est vrai,
par l’absence d’indices probants sur les commanditaires réels des
attaques contre New York et Washington, ainsi que par un type de riposte
américaine malheureusement trop prévisible à l’instant
où ces lignes sont écrites. De même, les discours relatifs
aux damnés de la Terre et au nécessaire redéploiement
des politiques du développement dans les pays " du Sud " ont refait
surface.
L’ennui, c’est que ces discours cachent
parfois mal une certaine " satisfaction " ou " rassurance " quant au fait
que l’hyper puissance américaine s’est révélée
un colosse aux pieds d’argile, voire même expriment un antiaméricanisme
que l’on ne pourrait en aucun cas qualifier de " primaire " tant ce serait
faire insulte à l’extrême sophistication parfois déployée
pour articuler ce langage. De même, ces discours pèchent par
l’existence de trop de points aveugles, mais peut-être nécessaires
pour refuser de considérer, fondamentalement, l’Autre comme un réel
alter ego non seulement en humanité, mais aussi en cruauté.Des
sociétés logiquement contradictoiresDans
de nombreuses sphères de pensée et de militantisme, règne
une incapacité, voire une répugnance, à accepter le
crime de masse du 11 septembre dans son intentionnalité et dans
l’altérité radicale et totalitaire que ses auteurs ont sans
doute voulu exprimer. Cette incapacité peut être considérée
comme un refus de considérer " le Sud ", " les Sud ", " le monde
arabo-musulman ", " les sociétés arabes ", " les sociétés
musulmanes ", parce que " dominées " et " exclues ", comme étant
capables de développer en leur sein des réactions aussi radicales
et effrayantes que ce que le Nord s’est montré à même
de secréter durant tout le vingtième siècle. Tout
se passe comme s’il n’était pas permis d’imaginer et de reconnaître
que ces sociétés, travaillées par autant de contradictions
que les nôtres, puissent développer des mouvements politiques
fondant leur action sur des ressources culturelles porteuses, comme chez
nous, d’une vision du monde ethnocentrée, religieusement centrée,
fondée, peu ou prou, sur un sentiment de supériorité
ou de défi et de déni envers un Occident qui, bien que laïcisé,
n’en est pas moins forgé par deux mille ans de christianisme et
n’en est pas moins perçu comme tel par la majorité des "
arabo-musulmans ", que cette perception soit de l’ordre de la reconnaissance
ou de l’hostilité.
Sur un antiaméricanisme parfois
pénible par sa prévisibilité, est venu se greffer
un type d’explication fondé sur une vision strictement socio-économique
des rapports sociaux et internationaux. Or, le moins que l’on puisse dire,
c’est que ce type d’explication, articulé sur l’éternel complot
capitaliste et/ou américain et sur le sous-développement,
a du mal à tenir la route. Pourquoi ? Parce que, au stade actuel
des enquêtes du FBI et pour autant que l’on puisse s’y fier, les
exécutants du massacre du 11 septembre ne correspondent pas vraiment
au profil classique de " damnés de la terre ". Certes, rappelleront
certains, les révoltes sociales et, a fortiori, les mouvements sociaux
sont en général menés par des " classes montantes
" frustrées dans leur ascension sociale et fondant leur légitimité
sur l’exclusion et la domination vécues par les classes " populaires
".
L’ennui, c’est que cette façon
de lire l’horreur semble parfois légitimer son déroulement.
Surtout, elle ne permet en aucun cas de répondre à une question
lancinante. Comment se fait-il que, Sentier lumineux mis à part,
les sociétés latino-américaines (sans parler de certains
Etats asiatiques et de la majeure partie des pays d’Afrique subsaharienne)
n’ont jamais secrété de réactions aussi radicales
dans leur manifestation d’altérité alors que, de l’économique
au social en passant par le politique, elles sont en droit de nourrir à
l’adresse des Etats-Unis et des institutions financières internationales
une hostilité (c’est un euphémisme) bien plus violente que
celle manifestée par de larges secteurs des opinions " arabo-musulmanes
". Les réponses à cette question extrêmement complexe
sont multiples. Mais il faut reconnaître qu’elles renvoient bien
souvent à des contradictions essentiellement propres aux sociétés
arabo-musulmanes, aux conditions dans lesquelles ces dernières se
sont constituées, aux conditions dans lesquelles elles organisent
les dites contradictions (ou en sont empêchées) et aux modes
d’accession et de maintien au pouvoir de leurs élites. Toutes choses
dans lesquelles, bien souvent (mais pas toujours, cf. l’expérience
avortée de Mossadegh en Iran), " l’Occident " n’a que des responsabilités
partielles à assumer ou, pour être exact, a d’autres responsabilités
à assumer que celles qu’on lui impute généralement.
Un intellectuel islamiste de la trempe
de Tariq Ramadan ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Ce théoricien
d’un islam politique, culturaliste, non violent et démocratique
a rapidement appelé toutes les personnes se réclamant de
la foi musulmane et tous les théologiens musulmans à ouvrir
le débat sur les responsabilités et les causes du carnage
du 11 septembre, sans se donner le luxe de pratiquer la politique de l’autruche.
En effet, des déclarations du style " ces actes n’ont rien à
voir avec l’islam " ou " les auteurs des attentats ne sont pas de vrais
musulmans ", si elles expriment souvent la volonté légitime
de se dédouaner de l’horreur et de lutter contres les amalgames
entre islam, islamismes, lutte armée et terrorisme, n’en ont pas
moins pour conséquence d’exclure les auteurs de l’attaque hors de
la communauté et, partant, de s’éviter tout débat.
Or, s’il est un fait qui pose question, c’est que les pirates kamikazes
du 11 septembre ont inscrit leur acte dans la logique d’un exercice très
particulier de la foi musulmane.L’alibi
du deus ex machinaDe
même, la tentation d’exclure les auteurs et les commanditaires des
attaques du 11 septembre de la communauté des croyants fait écho
à une autre tentation, partagée par nombre d’intellectuels
européens et nombre d’Arabes : dénier toute capacité
(voir intentionnalité) de la part d’Arabes à exécuter
pareil carnage. Ainsi, très rapidement, la rumeur s’est emparée
des opinions arabes, pour qui, seul le Mossad israélien était
capable d’orchestrer pareille opération. Opinion relayée
allègrement par certains groupes de gauche pour qui, évidemment,
c’est forcément la CIA qui a orchestré ou laissé faire
le carnage. L’Amérique, maître omnipotent et omniscient, se
serait ainsi fourni l’alibi massif d’une réorganisation géopolitique
martiale du Moyen-Orient et de l’Asie centrale. Il ne devrait pas être
nécessaire de démonter les contradictions internes de tels
discours paranoïaques ou irresponsables où se côtoient
une dénonciation des Etats-Unis coupables d’avoir " créé
les Taliban " et " fait l’Arabie saoudite ", et le " constat " d’une opposition
islamiste parlant au nom des damnés de la terre.
Ce qui est dramatique dans cette façon
de lire l’horreur, c’est qu’elle revient, consciemment ou pas, à
déresponsabiliser les acteurs et à s’en remettre, in fine,
à un deus ex machina, en l’occurrence, les Etats-Unis. L’idée
ici n’est absolument pas de nier les responsabilités des grandes
puissances et de l’hyper puissance américaine dans le développement
ou la perpétuation de situations proprement scandaleuses dans diverses
régions du globe, dont le Moyen-Orient. Ici, il s’agit plutôt
de considérer les sociétés arabes et musulmanes comme
des sociétés comme les autres, avec leurs contradictions,
leurs conflits internes, leurs visions du monde, soit des sociétés
capables d’historicité. Or, à suivre la logique d’une interprétation
faisant des Etats-Unis l’alpha et l’oméga de nos heurs et malheurs,
on en arrive à nier notre historicité et celle de nos partenaires
et adversaires. Cette tendance a par ailleurs fini par prédominer
au Moyen-Orient, où toutes les rumeurs et toutes les récriminations
se portent la plupart du temps contre les Etats-Unis ou Israël, des
acteurs politiques parfois très étrangers à des problèmes
proprement internes.
Cette tendance, souvent très
tiers-mondiste, à déresponsabiliser des sociétés
entières pour n’y voir que des objets ou des sujets de l’impérialisme
américain, s’était déjà illustrée lorsqu’il
s’était agi d’interpréter l’apparition et le développement
de mouvements politiques se réclamant de l’Islam, au Maghreb particulièrement.
A droite, on ne voyait dans les mouvements islamistes que des résurgences
pathologiques d’un passé appelé à s’évanouir
ou des menaces strictement orientées contre les Etats occidentaux
et leurs intérêts dans la région. A gauche, les mouvements
islamistes ne pouvaient être que des jouets aux mains de l’Arabie
saoudite, soldat discipliné des Etats-Unis. Il suffisait que l’on
découvre que le FIS algérien ait, un temps, bénéficié
des largesses saoudiennes pour que ce mouvement ne soit plus considéré
que comme une baudruche qu’un simple coup de canif suffirait à dégonfler.
Nombre de démocrates algériens autoproclamés et compagnons
de route de la junte militaire ne nous expliquaient-ils pas que les malheurs
de l’Algérie avaient commencé avec l’accueil fait par Boumediene
à des professeurs égyptiens d’obédience islamiste
chassés par Nasser et Sadate ? Le malheur, c’est toujours à
cause des autres.Mise
à distanceL’ennui,
c’est que cette façon commode de voir les choses a eu pour effet
que les mouvements islamistes, quels qu’ils fussent et quels que fussent
leurs programmes et méthodes, n’ont jamais été considérés
comme des acteurs politiques mais comme des jouets ou des rassemblements
de criminels, toutes choses " n’ayant rien à voir avec l’Islam ".
Ce qui gênait nombre de " belles âmes ", c’était, comme
s’ingénie encore à le rappeler (non sans provocations et
généralisations) l’islamologue François Burgat, que
ces mouvements exprimaient dans de nombreux cas le désir de classes
moyennes éduquées d’accéder au pouvoir en mobilisant
leurs ressources culturelles, des ressources rejetées ou simplement
instrumentalisées ou folklorisées par les pouvoirs en place,
quelles que fussent les identités politiques proclamées de
ces derniers. Surtout, ces mouvements islamistes, qu’ils soient violents
ou non, démocratiques ou non, ultra conservateurs ou non, exprimaient
également une volonté explicite de mettre " l’Occident "
à distance. Longtemps fascinés par l’expérience du
Japon de la fin du dix-neuvième siècle, les principaux idéologues
islamistes rêvaient d’un monde arabe et/ou musulman en phase avec
la modernité technologique et politique de l’Occident, mais sans
trahison aucune sur les fondements de ce qu’ils estimaient être leur
identité collective.
Certes, nombre d’islamistes menaient
leur action politique en se fondant sur les valeurs de solidarité
contenues dans le corpus islamique et en dénonçant la tyrannie
de régimes corrompus et inféodés. Mais, le discours
majeur des islamismes, c’était qu’il était possible de se
développer sans recourir à quoi que ce soit de notre ingénierie
laïque, républicaine, développementaliste et bien pensante.
Ce refus proclamé et fier d’être " des nôtres " ne pouvait
évidemment susciter que l’aversion immédiate d’intellectuels
européens pourtant moins regardants à l’égard d’autres
" indigénismes ". C’est pourquoi des mouvements islamistes, certes
souvent conservateurs mais pas systématiquement violents et meurtriers,
ont pu, dans une indifférence totale, être réprimés
et, au nom de nos peurs (peut-être héritées des Croisades),
servir de prétextes à la liquidation de toutes les autres
oppositions internes par des régimes dictatoriaux heureux de se
trouver une nouvelle raison sociale aux yeux des Occidentaux, surtout depuis
la fin de la guerre froide. La Tunisie a pu rester une terre de vacances
tout en laminant son champ politique. La Syrie, longtemps infréquentable
pour cause de " soutien au terrorisme " et d’hostilité radicale
à Israël, a ainsi pu massacrer quelque 30.000 de ses citoyens
dans l’indifférence générale, au printemps 1982, quelques
mois avant l’invasion israélienne du Liban…
Hier, notre raison laïque et
notre conviction démocratique nous interdisaient de reconnaître
les mouvements islamistes comme des acteurs politiques issus de sociétés
pleinement historiques. Notre sentiment de supériorité nous
interdisait d’admettre que ces mouvements aient le culot de vouloir nous
mettre à distance : ces Arabes devaient comprendre qu’ils n’accéderaient
à " notre " universel qu’en réprimant " leur " particulier.
C’est au nom de ce refus ou de cette cécité que nous avons
permis à des régimes indéfendables (mais tellement
" laïques ") de " vitrifier " leurs oppositions structurées
et de transformer leurs segments les plus radicaux en meutes incontrôlables,
parce que privées de toute médiation. Aujourd’hui, dans le
même registre, nombre de " belles âmes " refusent d’admettre
que le carnage du 11 septembre ait pu être spontanément et
en toute indépendance planifié par des acteurs arabes et
que ces acteurs aient pu se jouer de la CIA pour tenter d’entraîner
les Etats-Unis et l’Union européenne dans une guerre totale au Moyen-Orient,
préalable à la déstabilisation des régimes
en place.Une crise profondeLe
monde arabe, et particulièrement l’Orient arabe, est en crise depuis
plusieurs siècles. Cette crise a des répercussions sur l’ensemble
du monde musulman dont il constitue, pour des raisons historiques et religieuses,
l’épicentre, bien que démographiquement minoritaire. Héritier
d’une culture fondée sur la conviction profonde (logique et légitime)
d’être dépositaire du dernier monothéisme prosélyte
et de la dernière Révélation, l’Orient arabe est entré
dans une profonde crise quand, simultanément à la fin de
la Reconquista, la majeure partie de son territoire a été
assujetti à l’Empire ottoman, un empire dont les dirigeants étaient
majoritairement turcs et les élites persanes. Le déclin politique
de l’Orient arabe s’est renforcé avec la décomposition de
l’Empire ottoman au tournant des dix-neuvième et vingtième
siècles, une décomposition achevée par la partition
de la péninsule arabique en une série d’Etats satellites
de la France et de la Grande-Bretagne, des Etats aux légitimités
initiales parfois plus que douteuses. Le soutien apporté par les
puissances européennes, puis par les Etats-Unis, à la création
de l’Etat d’Israël en Palestine (et dans des conditions tragiques)
a achevé de convaincre de larges secteurs au sein des opinions arabes
de l’existence d’un complot des deux monothéismes contre le troisième
sur le plan religieux, de l’Occident contre le monde arabe sur le plan
politique.
La conscience d’être les dépositaires
d’une culture de valeur égale voire supérieure à la
culture chrétienne occidentale habite nombre d’Arabes musulmans
(conscience logique et dont, pour notre part, nous ne sommes pas en reste).
Cette conscience s’est longtemps doublée d’une profonde fascination
pour les développements technologiques et politiques des Etats occidentaux.
Ce double mouvement d’adhésion et de mise à distance a d’abord
été porté par les intellectuels de la Nahda (Renaissance),
des intellectuels revendiquant l’indépendance de l’Orient arabe
sous la forme d’un seul Etat-nation sur l’ensemble de la péninsule
arabique et du Croissant fertile. Déjà, ce projet de modernisation
" à l’occidentale " fut parfois critiqué du fait que ses
principaux promoteurs étaient issus des minorités confessionnelles
arabes non musulmanes (chrétiens, juifs, druzes, etc.). Mise à
mal par l’accession de régimes ultra nationalistes ou socialistes
emportés dans la guerre froide et tentés d’imposer la " modernisation
" par le haut au mépris des réalités sociales et culturelles,
cette tentative de renouveau politique et culturel a également fait
les frais d’un conflit israélo-palestinien qui a fini par fonctionner
comme un alibi permanent à des coups d’Etat incessants ou au maintien
d’états d’urgence par des dictatures qui n’en demandaient pas tant.
L’échec du panarabisme (et
de son avatar, le " socialisme arabe ", d’inspiration largement européenne)
et l’incapacité à reconquérir le terrain de l’affrontement
symbolique précipitera le développement d’autres mouvements
politiques, désormais structurés autour de l’identité
musulmane d’une communauté transcendant les frontières et
les régimes. Portés le plus souvent par des classes moyennes
et des intellectuels exclus du champ politique, ces mouvements manifesteront
la volonté de maîtriser les développements nationaux
en s’arc-boutant sur les fondements les plus identitaires de leur culture
: l’islam. Parfois instrumentalisés, ces mouvements seront le plus
souvent sévèrement réprimés parce que, violents
ou pas, ils menacent les oligarchies en place.Des
champs politiques criminalisésCes
oligarchies, en interprétant parfaitement nos angoisses, sont en
fait la cause principale du drame du 11 septembre. Par leurs politiques
répressives extrêmement sanglantes, elles ont sorti de l’espace
du politique leurs oppositions les plus décidées, quand elles
n’ont tout simplement pas liquidé tout cet espace politique. Ce
faisant, elles ont fait basculer toute une série de mouvements dans
la clandestinité, puis le terrorisme, puis le millénarisme
le plus violent. Soucieuses de conserver un minimum de légitimité,
ces oligarchies ont dans le même temps flatté les sentiments
les plus populistes de leurs opinions, en adoptant, sur le plan international,
des postures emphatiques et jusqu’au-boutistes concernant le seul point
d’unanimité arabe et musulmane (encore que la Turquie fasse exception)
: une tragédie palestinienne ainsi devenue une question perçue
en des termes de plus en plus sacrés et de moins en moins politiques.
En effet, elle seule autorise des citoyens à descendre dans la rue
et à manifester sans trop craindre la réaction des forces
de l’ordre. Erigée en cache-sexe des régimes en place, la
question palestinienne est devenue le catalyseur de frustrations sociales
et politiques qui ne trouvent nul autre espace où s’exprimer. Pour
nombre de courants d’expression arabes, la question palestinienne (et,
partant, " les Juifs " et, derrière eux, les Américains)
est devenue l’alpha et l’oméga de leur existence publique, la garantie
de l’absence de toute dynamique politique et un garant paranoïaque
de nature quasi religieuse.
En ce sens, espérer qu’une
résolution juste et durable de la question palestinienne pourra
permettre de " pacifier " le Moyen-Orient, c’est peut-être aller
vite en besogne. Parce que, en privant les régimes et leurs oppositions
de leur unique sésame consensuel, cette résolution ramènera
peut-être sur le devant de la scène d’autres objets de confrontations
internes et, partant, d’autant plus d’instabilité.. Si le prix de
la globalisation de la lutte antiterroriste devait être un resserrement
accru de l’étau militaire et policier sur les sociétés
arabes et sur tous leurs courants d’expression, il est à craindre
que le Moyen-Orient ne s’engage davantage dans un processus de sortie du
politique. Outre les Etats-Unis, il incombe à l’Union européenne
de prendre conscience des responsabilités qui lui incombent dans
la libération, l’autonomisation et la responsabilisation de sociétés
arabes appelées à devenir nos partenaires en lieu et place
de régimes qui, toutes tendances affichées confondues, n’ont
réussi qu’à les museler et à les infantiliser, jusqu’à
présent pour le pire.