Point d'information Palestine > N°176 du 16/11/2001

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Au sommaire
 
Dernière parution
Islam : ce que vous devez savoir - numéro hors série d'Actualité des religions
 
Réseau
Cette rubrique regroupe des contributions non publiées dans la presse, ainsi que des communiqués d'ONG.
1. IMPORTANT - Communiqué du bureau national du Parti Socialiste français
2. Une femme palestinienne accouche à un point de passage mais son enfant ne survivra pas un message du Palestine Monitor[traduit de l'anglais par Annie Coussemant]
3. Comité international pour la défense d'Azmi Bishara (Appel à la formation d'une section française)
4. Communiqué de l'Association "Pour Jérusalem"
 
Revue de presse
1. Frivolité des faux concepts... par Rudolf El-Kareh in Arabies du mois de novembre 2001
2. Le projet de déclaration finale de la Conférence sur les Territoires occupés suscite la réaction d'Israël par Valérie de Graffenried in Le Temps (quotidien suisse) du jeudi 15 novembre 2001
3. L'Affaire Dreyfus des Arabes israéliens par Wadia Awawdy in Ha'aretz (quotidien israélien) du jeudi 15 novembre 2001 [traduit de l'anglais par Mimi Tal]
4. Chosmky critique la position des Etats-Unis en matière de terrorisme Dépêche de l'Islamic Republic News Agency (agence de presse iranienne) du mardi 13 novembre 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
5. Empêcher la fin du "Monde arabe" par Jean-Pierre Tuquoi in Le Monde du mardi 13 novembre 2001
6. Paver la mer... par Rashad Abu Shawur in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du lundi 12 novembre 2001 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
7. Le temps n'est-il pas venu de faire enfin la lumière sur la légende de Halabja ? par Butrus Andari in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du lundi 12 novembre 2001 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
8. Les Etats-Unis font montre d'une résolution toute neuve à mettre en oeuvre une médiation au Moyen-Orient par Serge Schmemann in The New York Times (quotidien américain) du lundi 12 novembre 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
9. L'arithmétique des juristes, après les morts du 11 septembre, fait apparaître que la valeur de la vie humaine est (à tout le moins) variable... Par William Glaberson in The New York Times (quotidien américain) du lundi 12 novembre 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
10. Israël continue de torturer malgré l'interdiction de la Cour suprême, selon des mouvements des droits de l'homme Dépêche de l'agence Associated Press du dimanche 11 novembre 2001, 16h24
11. Afghanistan et question palestinienne au sommet de la femme arabe Dépêche de l'Agence France Presse du dimanche 11 novembre 2001, 16h16
12. Israël : Les limites de la démocratie... sur le site de Courrier International le samedi 10 novembre 200113. Les États-Unis prêts à boycotter la conférence de Genève sur les Territoires par Aluf Benn in Ha'aretz (quotidien israélien) du samedi 10 novembre 2001 [traduit de l'anglais par Annie Coussemant]14. Chomsky critique le "deux poids, deux mesures" américain en matière de terrorisme in Tehran Times (quotidien iranien) du mardi 6 novembre 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
15. "Je trouve que la presse israélienne est devenue unilatérale" Interview de Aviv Lavie réalisée par Serge Dumont in Le Soir du lundi 5 novembre 2001
16. Trois questions à Saleh Abdel Jawad propos recueillis par Gilles Paris in Le Monde du samedi 3 novembre 2001
17. Refus européen de financement des livres scolaires palestiniens par Herb Keinon in The Jerusalem Post (quotidien israélien) du vendredi 2 novembre 2001 [traduit de l'anglais par Mimi Tal]
18. Deux villages palestiniens accusent l'armée israélienne (IDF) d'empêcher leur approvisionnement en eau et en nourriture par Amira Hass in Ha'aretz (quotidien israélien) du vendredi 2 novembre 2001 [traduit de l'anglais par Mimi Tal]
19. Libérer et responsabiliser les sociétés arabes par Pascal Fenaux in La Revue Nouvelle (revue mensuelle belge) N°10 - Tome 114 - du mois d'octobre 2001
 
Dernière parution

 Islam : ce que vous devez savoir - numéro hors série d'Actualité des religions
[HS n° 6 - 12 novembre 2001 - 39 FF - 5,94 Euros - ISSN 1265-6240 - 66 pages]AU SOMMAIRE :- Editorial : 11 septembre, par Jean-Paul Guetny, Directeur de la Rédaction- Cette religion si méprisée, par Mohamed Talbi, historien, islamologue, co-fondateur de l'Université de Tunis- L'Islam dans le monde : carteI / Il était une foi- Il était une foi... L'itinéraire de Mahomet, par Anne-Marie Delcambre, docteur d'Etat en droit, docteur en civilisation islamique, professeur d'arabe, islamologue, (Mahomet, la parole d'Allah, Découvertes Gallimard, 1987)- Il était une foi... et le Coran jaillit du coeur du prophète
- Il était une foi... les cinq piliers de la foi
- Il était une foi... L'Islam et ses courants, par Abd-al-Haqq Guiderdoni, astrophysicien, chercheur au CNRS, écrivain- Il était une foi... Rites et rituels, par Malek Chebel, psychanalyste, anthropologue, spécialiste du monde arabe et de l'islam- Il était une foi...  Soufisme, le versant mystique, par cheikh Khaled Bentounès, guide spirituel de la confrérie Alaouia (dizaines de milliers d'affiliés dans le monde musulman, mais aussi en France)II/ L'Islam en questions- Un islam à la sauce américaine, par Colette Oberlin- Musulmans d'Europe : combien de divisions ? par Charles Grémion
- France : vers l'intégration, par Rachid Benzine, enseignant d'économie originaire du Maroc, vivant en banlieue parisienne (co-auteur, avec Christian Delorme de l'ouvrage 'Nous avons tant de choses à nous dire...', consacré au dialogue islamo-chrétien, publié par Albin Michel)- Les femmes, parias de l'Islam ? interview de Leïla Babès- Une religion soluble dans la laïcité ? par Djénane Kareh Tager- L'exception turque, par Semih Vaner, chercheur au CERI, FNSP.- Vous avez dit "intolérant" ? par Mohamed Talbi- Un monde mal dégrossi, par Malek Chebel
- Lettre à mollah Omar, par Jean-Paul GuetnyIII / Vers un clash de civilisations ?- Les religions, nerfs de la guerre, par Jean-Paul Guetny- Un terme piégé : le 'djihad', par Jean Mouttapa- Croisades, un souvenir tenace, par Emmanuelle Giudicelli et Jean-Sylvestre Coquin- Aujourd'hui, l'islamisme, par Djénane Kareh Tager- Gare aux caricatures, par Tariq Ramadan, professeur de philosophie et d'islamologie à l'université de Fribourg (Suisse) ; auteur, avec Alain Gresh, de l'"Islam en Questions" (Sindbad, 2001) et de "Peut-on vivre avec l'Islam en France et en Europe ?", avec Jacques Neyrinc (Favre, 1999).- Filles d'Abraham, par Abd-al-Haqq Guiderdoni- Conclusion : Musulmans, mes frères, par Jean-Paul Guetny- Abécédaire de l'Islam- Bibliographie (et une très belle iconographie...) 
11 septembre 2001 - Editorial par Jean-Paul Guetny, Directeur d'Actualité des ReligionsCette date nous restera longtemps en mémoire, tant elle a ébranlé le monde. Entre autres conséquences, elle a fragilisé les relations entre la civilisation occidentale et le monde arabo-musulman. Car si on a vu, ça et là, des gestes de fraternité et de rapprochement, le fossé a semblé s'élargir. La stigmatisation réciproque s'est accentuée.
L'islam, religion 'exotique' assez souvent suspectée sous nos climats, s'est carrément retrouvé sur la sellette. De vieux clichés se sont durcis  fondamentalisme, fanatisme, manque de respect à l'égard des femmes, mélange du spirituel et du temporel. Juste avant les événements, l'écrivain français Michel Houellebecq parlait déjà de "la religion la plus con". Pour beaucoup, elle est devenue aussi la plus violente.
Notre magazine, qui prône la paix entre les hommes par une meilleure connaissance des autres civilisations et religions, s'intéresse de longue date à l'islam. Il a dans ses collections de nombreux articles qui traitent des différents points de sa doctrine, de sa pratique, de son rapport aux sociétés. Nous avons pensé judicieux d'en réunir quelques-uns dans le présent hors-série. Ecrits dans un style clair par des spécialistes reconnus, ils constituent la base de ce que tout citoyen éclairé doit savoir. A partir de là, il pourra, s'il le souhaite, approfondir ses connaissances sur tel ou tel point particulier.
Grâce à ce travail, nous espérons apporter notre contribution à la lutte contre les simplifications meurtrières. En effet, c'est en réduisant le vis-à-vis à des stéréotypes, en refusant de le considérer dans toute la complexité de son expérience croyante et de sa culture, que naissent l'intolérance et le conflit. On a parfaitement le droit de ne pas être d'accord sur tel ou tel point avec l'islam. Mais on ne peut le réduire à l'image dévoyée qu'en donnent quelques poignées de terroristes. Il représente une tradition riche, pluraliste, dotée d'un passé chatoyant et capable, s'il le souhaite et si on lui en facilite la tâche, de s'adapter aux réalités de notre temps.
 
Réseau

 
1. IMPORTANT - Communiqué du bureau national du Parti Socialiste français
Proche-Orient - Les socialistes français sont profondément bouleversés par la situation au Proche-Orient, qui connaît depuis des mois une aggravation constante de la violence, engendrant l'angoisse l'angoisse et l'insécurité dans toutes les populations vivant dans la région. A cela s'ajoute la détérioration des conditions de vie, voire de survie, des Palestiniens. La communauté internationale semble cependant rester indifférente face à cette escalade menée par ceux qui entendent délibérément faire la de la guerre le seul moyen de résoudre le conflit, remettant en cause tous les acquis du processus de paix et les engagements conclus entre les parties. Cette situation conduit immanquablement à de pires violences et prépare des générations à n'avoir d'autre perspective que la confrontation sans merci et sans fin.Le PS rappelle que les règles du droit international et les résolutions des Nations-Unies s'imposent sans restriction à toutes les parties au conflit. Le PS ne peut donc que condamner sans réserve non seulement les attentats, mais aussi les attaques répétée de l'armée israélienne contre des villes palestiniennes, les assassinats délibérées, la fermeture de la Maison d'Orient de Jérusalem et les destructions massives de maisons et de bâtiments publics palestiniens.Le PS, en accord avec le PSE [parti socialiste européen] , demande à l'Union européenne de peser de tout son poids, sans exclure le gel des accords d'association, pour obtenir l'amorce de la désescalade, la reprise du dialogue politique égalitaire entre les deux parties et la mise en œuvre inconditionnelle du rapport Mitchell. La gravité de la situation actuelle justifie pleinement à ses yeux la nécessité d'envoyer des observateurs internationaux sur le terrain. (Paris, le 28 août 2001) 
2. Une femme palestinienne accouche à un point de passage mais son enfant ne survivra pas un message du Palestine Monitor
[traduit de l'anglais par Annie Coussemant]
25 octobre 2001 - Lundi dernier, Fatima Nasser Abed Rabbo a accouché à un point de passage militaire israélien du village de Al Walaja , près de Bethléem. Fatima et son époux, Nasser Abed Rabbo, essayaient de se rendre à l'hôpital à Bethléem lundi matin. A deux reprises, les soldats leur ont refusé le passage, arguant du fait que l'état de Fatima n'était pas critique. Après avoir essayé pendant une heure de franchir le point de passage, Fatima a donné naissance à un fils, Walid, dans la voiture. Fatima était enceinte de 7 mois, le bébé était donc prématuré. Le petit Walid avait besoin de soins hospitaliers de toute urgence. La famille est parvenue à l'hôpital (français) de la Sainte-Famille à Bethléem une heure et demie après la naissance du bébé. A son arrivée, Walid pesait 1417 grammes et sa température corporelle était extrêmement basse. Il est mort l'après-midi même. Or, il aurait probablement survécu s'il avait reçu immédiatement des soins.
Fatima est la septième Palestinienne contrainte d'accoucher à un poste de contrôle militaire de Cisjordanie. Le refus de l'accès à un centre de soins constitue une violation flagrante du droit international, (IVe Convention de Genève, article 17) qui protège expressément les droits des femmes enceintes, des malades et des blessés.[Pour plus d'informations, consultez le site www.palestinemonitor.org] 
3. Comité international pour la défense d'Azmi Bishara (Appel à la formation d'une section française)
Dans un acte antidémocratique d'une extrême gravité, le parlement israélien a voté, le 7/11/2001,  la levée de l'immunité parlementaire du député arabe Azmi Bishara. Le conseiller juridique du gouvernement d'Ariel Sharon, qui exerce également la fonction de procureur général, a désormais les mains libres pour engager des poursuites contre Bishara, et le traduire en justice comme il l'en menace depuis plusieurs mois.
Réservée jusque là à des députés suspectés de corruption ou d'autres délits d'ordre criminel, la levée de l'immunité parlementaire s'applique ici pour des motifs politiques, à l'égard d'un élu arabe auquel on reproche un délit d'opinion. En effet, Bishara est sanctionné pour avoir prononcé à Damas (où il se trouvait en toute légalité) un discours où il appelait les pays arabes à adopter une position unifiée de soutien à la résistance des Palestiniens contre l'occupation israélienne.
Par ailleurs, Bishara est accusé d'avoir organisé des voyages pour des familles arabes israéliennes qui souhaitaient revoir leurs proches et parents réfugiés en Syrie. Ces voyages, qui ont donné lieu à des scènes de retrouvailles poignantes, répondaient à un strict souci humanitaire.
Azmi Bishara est député à la Knesset depuis 1996, où il est l'unique représentant du parti qu'il a fondé et qu'il dirige : l'Assemblée Nationale Démocratique, dont le mot d'ordre est la transformation d'Israël en état de tous ses citoyens.  Ce philosophe de formation est un porte-parole talentueux et courageux des citoyens arabes d'Israël, souffrent de discriminations constantes, plusieurs fois reconnues et dénoncées par la cour suprême d'Israël.  Rappelons que ces citoyens arabes sont des Palestiniens autochtones, restés dans le territoire israélien lors de la guerre de 48, alors que leurs frères prenaient la route de l'exode et des camps de réfugiés.  Ils étaient 150 000 lors de la création de l'état d'Israël, et sont aujourd'hui un million, soit environ un citoyen israélien sur cinq.
Au delà de son poids électoral, il ne fait aucun doute que Bishara mène un combat démocratique de première importance:  au printemps 1999, il fut le premier candidat arabe à l'élection du poste de premier ministre d'Israël.
En février 2001, il fut l'artisan principal du boycott des élections, suivi par 85% des électeurs arabes .. Ce boycott était la suite logique des événements tragiques d'octobre 2000, lorsque treize jeunes citoyens arabes furent tués par la police et par des commandos juifs extrémistes, sous l'oeil indifférent du gouvernement d'Ehoud Barak.
Au delà des accusations fantaisistes aujourd'hui retenues à son égard, c'est donc bien la capacité de Bishara d'exprimer  (toujours de manière démocratique et non-violente) les aspirations des citoyens arabes d'Israël et leur solidarité avec leurs frères palestiniens,  qui est sanctionnée par la Knesset. En levant son immunité parlementaire, Israël, qui se présente comme une démocratie,  conforte le sentiment que la liberté d'expression y est réservée aux seuls citoyens juifs. A travers la personne de Bishara, c'est toute la population arabe d'Israël  qui est visée et menacée de perdre son droit à l'expression politique.
C'est ainsi que lors de la même séance de la Knesset, une proposition de loi visant à interdire à toute liste "soutenant la lutte armée contre Israël" de se présenter aux élections législatives à été votée en première lecture à une écrasante majorité. Au delà des électeurs arabes, solidaires de leurs frères palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, ce sont tous les opposants politiques, juifs et arabes, qui soutiennent le droit des Palestiniens à la résistance contre l'occupation, que l'on veut intimider et réduire au silence par cette vague formulation donnant prise à toute interprétation.
Nous appelons tous les démocrates à se mobiliser contre cette menace, et à rejoindre le comité de soutien international pour la défense d'Azmi Bishara. Ce comité aura pour tâche d'organiser une campagne internationale de soutien, de recueillir des fonds et de contribuer à l'organisation de la défense juridique d'Azmi Bishara lors de son procès ( collectif d'avocats et de juristes, convocation de témoins, etc..).
Le procès, dont la date n'est pas fixée, sera sans aucun doute une tribune politique et médiatique de première importance pour, selon les mots d'Azmi Bishara "expliquer la différence entre résistance et terrorisme".
Des témoignages internationaux de résistants, de défenseurs des droits de l'homme et des minorités nationales seront sollicités. Si vous acceptez de signer cet appel et de figurer dans la liste des membres de la section française de notre comité, prière de nous transmettre votre accord, avec vos noms, profession et coordonnées de contact (fax ou adresse électronique). Nous ferons appel à vous très prochainement. Nous vous serions également reconnaissants de faire circuler cet appel autour de vous.
[Comité international pour la défense d'Azmi Bishara (Section française) Tél/Fax : 01 44 83 00 05 - E-mail : simoneb@club-internet.fr]
 
4. Communiqué de l'Association "Pour Jérusalem"
Paris, le 7 novembre 2001 - 20 sénateurs de tous horizons politiques, adhérents de l'association " Pour Jérusalem ", présidée par la Sénatrice Danielle Bidard-Reydet, réunis le 24 octobre 2001 expriment leur vive préoccupation devant la situation dans les territoires palestiniens.
Depuis le 11 septembre 2001, les représailles de l'armée israélienne et celles de groupes de colons extrémistes incontrôlés se sont multipliées.
L'assassinat, revendiqué par le FPLP, du ministre israélien du tourisme suscite indignation et colère. Il sert en effet de prétexte à des actions punitives qui affaiblissent l'Autorité Palestinienne et avive le sentiment d'injustice d'une population qui voit arracher ses oliviers, raser ses maisons, encercler ses villes et villages, réduire à néant ses activités économiques et aggraver le chômage. Tout cela ne peut qu'exacerber la révolte. Les incursions de l'armée israélienne, dans les zones que l'accord d'Oslo a placées sous autorité palestinienne, sont de plus en plus fréquentes, pilonnant des villes de Cisjordanie reconnues autonomes, détruisant une partie importante du centre de Bethléem restauré par la communauté internationale, accroissant chaque jour le nombre de morts et de blessés. L'emploi systématique de la force militaire contre une population civile qui subit l'occupation depuis 34 ans ne peut que retarder le moment où le peuple palestinien et aussi le peuple israélien connaîtront enfin la paix et la sécurité.
L'Association " Pour Jérusalem " condamne ces opérations militaires et appelle le gouvernement français et la présidence belge de l'Union Européenne à intervenir, fermement et sans condition, auprès du gouvernement israélien pour que cesse ces exactions et pour que son armée se retire de la totalité des territoires réoccupés.
La situation internationale nous montre qu'il y a urgence à reprendre les négociations de paix sur la base des accords de Taba et des recommandations de la Commission Mitchell afin d'enclencher le processus visant à reconstruire la confiance, l'espoir et la paix. Cette commission se prononce, pour l'arrêt complet des violences, du gel total de toute activité de colonisation, de l'application des accords en suspens et de la reprise des négociations. Comme le préconisent la France depuis 1982, l'Union Européenne depuis 1999 et les Etats-Unis dorénavant, seule la création d'un Etat palestinien viable permettra de sortir de ce drame et de commencer à bâtir un nouveau Proche-Orient. De part et d'autre d'une frontière internationalement reconnue, les deux Etats également viables et sûrs doivent coexister, avec Jérusalem-Ouest, capitale de l'Etat israélien, et Jérusalem-Est capitale de l'Etat palestinien.
L'intervention de l'ONU et la présence d'observateurs internationaux dans la région s'avèrent de jour en jour indispensables pour faire cesser le bain de sang et pour amorcer la reprise du processus de paix.
[Association "Pour Jérusalem" - Siège social : Mairie de PANTIN - 45 avenue du Général Leclerc - 93500 PANTIN - Tél: 01.49.15.41.82 - Fax : 01.48.44.03.46
Présidente : Danielle Bibard, Sénateur - Vice-Présidents : André Dulait, Sénateur, Claude Estier, Sénateur, Renaud Fabre, Président d'Université et Daniel Goulet, Sénateur.]
 
Revue de presse

                         
1. Frivolité des faux concepts... par Rudolf El-Karehin Arabies du mois de novembre 2001Les propos du premier ministre italien, Silvio Berlusconi ne sont pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. En affirmant la "nécessité d'occidentaliser le monde", et en soutenant "que l'Occident continuera à occidentaliser et à s'imposer aux peuples", le chef de l'alliance qui associe héritiers du fascisme, et xénophobes régionalistes sectaires, n'a pas fait preuve d'une cécité politique subite.Son propos s'inscrit dans le droit fil d'une posture intellectuelle bien plus courante, qui traverse bien des courants de pensée, qui se réclament autant de l'universalisme que du différentialisme. Elle vient se ressourcer dans les théories culturalistes qui ont souvent dominé au sein des écoles anthropologiques aux Etats-Unis. Et qui sont, d'une certaine façon, une extrapolation intellectualisée des méthodes avec lesquelles les conquérants du Nouveau-Monde ont appréhendé les sociétés indiennes d'Amérique.
Que  disent les culturalistes relayés par la vulgate médiatique ? Que les sociétés sont des entités pures, inaltérées et inaltérables, cloisonnées et imperméables qui traversent une Histoire linéaire et répétitive.Leur relative marginalité se trouve compensée par leur influence sur une bonne partie de l'establishment militaro-politique américain. C'est le cas de Samuel Huntington, Son "Choc des civilisations" (dont oublie la deuxième et significative partie "and the remaking of World Order" -  et "la réfection de l'ordre du monde") est devenu après la catastrophe du 11 septembre le bréviaire de Georges W.Bush et des radicaux de l'équipe républicaine.Huntington reconstruit le monde sur le principe que les peuples se regroupent en fonction de leurs affinités culturelles et que "les frontières politiques comptent moins que les barrières religieuses, ethniques et intellectuelles". Ce n'est pas un hasard, si l'un des pères spirituels de la politique américaine globalisée, Zbigniew Brzezinski, y a vu, "un véritable tour de force intellectuel, une œuvre fondatrice qui va révolutionner notre vision des affaires internationales".
Ces "théories" sont dangereuses en ce qu'elles sont d'abord une falsification de l'histoire réelle des sociétés du monde. Elles font fi des mouvements qui balayent en profondeur depuis les grands empires, sous les effets des innombrables phénomènes d'acculturation, l'ensemble des sociétés ouvertes à des degrés divers les unes sur les autres depuis des siècles, et qui n'ont pas attendu l'arrivée du néo-libéralisme américain de la fin du XXème siècle pour établir des échanges, et pas seulement des échanges marchands.Certaines d'entre elles reconstruisent le monde en fonction d'un prisme manichéen sous le  générique d'"Occident". Il faut désormais remettre radicalement en cause la pertinence et la validité épistémologique de ce terme. La notion "d'Occident" est aussi porteuse de confusions intellectuelles que celle qui consiste à identifier les personnes par leur seule appartenance religieuse, ou a assimiler la "rationalité" à l'appartenance à une aire géographique/religieuse fantasmée dans la symbolique politique et "philosophique".La lecture frivole du monde, par un jeu de miroirs" entre "Occident" et  "Orient" n'est en réalité que l'expression d'une formidable paresse intellectuelle. Celle-là même contenue dans la question d'un journaliste au boxeur américain Muhammad Ali venu se recueillir sur les ruines du WTC : "Comment vous sentez-vous à l'idée que vous partagez la foi islamique avec les suspects" ? - Réponse de Cassius Clay ; "Et vous, comment vous sentez-vous à l'idée que Hitler partageait la vôtre" ? 2. Le projet de déclaration finale de la Conférence sur les Territoires occupés suscite la réaction d'Israël par Valérie de Graffenried
in Le Temps (quotidien suisse) du jeudi 15 novembre 2001
Après s'être procuré un exemplaire du projet de déclaration finale de la conférence internationale sur l'application de la quatrième Convention de Genève dans les Territoires occupés, le Jerusalem Post a publié mercredi un article soulignant que la conférence pourrait bien se résumer à rien d'autre qu'un «raout anti-israélien cherchant à rivaliser de ce point de vue avec la conférence de Durban sur le racisme qui eut lieu il y a deux mois». Un scénario que tant la Suisse, chargée depuis l'automne 2000 par l'ONU et sur demande de la Ligue arabe de sonder les 189 Etats signataires des Conventions de Genève sur l'organisation d'une telle conférence, que les pays de l'Union européenne (UE), conscients de marcher sur des œufs, cherchent précisément à éviter. La conférence qui se tiendra le 5 décembre à Genève vise à faire appliquer la quatrième Convention – elle règle les conditions d'une occupation militaire et cherche à protéger la population civile tant qu'un accord de paix n'a pas mis fin au conflit – dans les Territoires occupés.Crainte d'un dérapage
Elle est conçue comme une reprise des travaux de celle, devenue symbolique, qui eut lieu le 15 juillet 1999: boycottée par 85 pays signataires protestant contre l'abus politique d'un important instrument de droit humanitaire, elle n'avait duré que dix-sept minutes.
Le document «confidentiel» articulé en trois volets et en partie publié mercredi dans le Jerusalem Post est actuellement soumis aux Etats signataires. Israël a toujours précisé qu'il boycotterait la conférence, estimant que la quatrième Convention ne s'applique pas aux Territoires palestiniens occupés, et cherche activement à convaincre d'autres Etats de la boycotter ou du moins de ne pas signer la déclaration finale, lui enlevant ainsi toute légitimité. En dehors des Etats-Unis, clairement opposés à la tenue de la conférence, figuraient parmi les «sceptiques» quelques pays de l'UE. Ces derniers craignent que la conférence donne lieu à un dérapage politique et souhaitent qu'elle se concentre exclusivement sur la question humanitaire. S'ils approuvent le projet de déclaration finale, rappelons que l'UE a, au cours des négociations, demandé avec succès de supprimer des passages faisant état d'un système de sanctions contre Israël et insisté pour que la conférence se déroule sur une demi-journée, et non sur trois jours comme l'exigeait la Ligue arabe. Mordechai Yedid, haut responsable des Affaires étrangères israélien, insiste quant à lui sur le fait que la déclaration finale telle que proposée n'est pas équilibrée puisquielle ne fait pas allusion à la position de Yasser Arafat et son «implication contre le terrorisme». Il conçoit par ailleurs la volonté d'orienter la conférence uniquement sur la question humanitaire comme «tirée par les cheveux». Le Département des affaires étrangères confirme, lui, que les Etats signataires ont officiellement jusqu'à la fin novembre pour annoncer leur participation à la conférence. Les Palestiniens ont été les premiers à répondre: ils l'ont fait le jour même de l'invitation officielle. 3. L'Affaire Dreyfus des Arabes israéliens par Wadia Awawdy
in Ha'aretz (quotidien israélien) du jeudi 15 novembre 2001
[traduit de l'anglais par Mimi Tal]
(Wadia Awawdy est un journaliste à Kul Al Arab.)
Aux yeux des citoyens arabes israéliens, la levée de l'immunité parlementaire d'Azmi Bishara constitue une attaque contre leur identité arabopalestinienne qui selon eux, ne s'oppose pas à leur demande d'égalité des droits civiques en Israël. C'est pourquoi Shawki Hatib, président du haut comité arabe de suivi de la population arabe en Israël, a dit lors d'un rallye de solidarité avec le député (Azmi Bishara) qui sera bientôt jugé : " l'attaque contre Bishara est une attaque contre nous". C'est aussi pourquoi les arabes d'Israël ont du mal à comprendre les commentaires du premier ministre Ariel Sharon, qui dit que la démarche à l'encontre de Bishara est une démarche nécessaire prise par " une démocratie pour se défendre".
Se défendre contre quoi ? Après tout Azmi Bishara, dont l'immunité parlementaire a été levée parce qu'il est suspecté d'identification avec un ennemi extérieur, n'a jamais appelé les arabes d'Israël - ni explicitement ni implicitement - à participer a un combat armé contre l'état. Bishara comme l'ont exprimé naturellement ses collègues arabes du parlement a dit qu'il croyait en la légitimité morale et la légalité de l'opposition à l'occupation. Les décisions prises a l'encontre de Bishara sont une tentative de l'appareil politique israélien de "domestiquer" les arabes israéliens en réponse à l'intense atmosphère anti arabe de droite qui prévaut dans la rue juive. Cet appareil est entrain d'essayer de faire machine arrière et revenir à l'époque des " bons " arabes soumis des années 1950 et 1960, et nous tenir, en tant qu'israéliens, coupés de notre identité naturelle, culturelle et politique. Les gouvernements israéliens se sont trompés dans le choix comme objectif de l'israélisation complète de ses citoyens arabes et dans les moyens utilisés pour l'atteindre. Pendant des générations, ils nous ont fermé la porte de l'intégration dans la société israélienne au nez et nous ont empêché d'obtenir l'égalité des droits. Ce faisant, ils ont indirectement contribué à la cristallisation de notre identité arabopalestinienne et pour cela ils méritent qu'on les en remercie. Nos parents qui nous emmenaient enfants célébrer le jour de l'indépendance d'Israël et votaient pour les partis sionistes n'en reçurent pas des droits égaux. En plus ils eurent a souffrir de traitements humiliants de la part du monde arabe qui les considéraient comme des traîtres à la cause sioniste. Cette attitude de suspicion dans le mode arabe continue à ce jour.
Nous ne voulons pas être sionistes, et nous ne le pouvons pas. Nous ne pouvons satisfaire au test de Moshe Arens (ancien Général, ex-ministre "faucon" NdT) qui dit que l'égalité des arabes ne sera réalisée que quand ils pourront dire sans réserve " nos avions sont rentrés sains et saufs sur leurs bases". Nous ne pouvons pas applaudir des avions qui rentrent après avoir bombardé nos frères palestiniens au Liban, ou des tanks revenant après avoir commis des assassinats ou après avoir encerclé étroitement nos proches à Bethlehem ou Gaza. Notre opposition à l'occupation est morale et émotionnelle. Cela n'a absolument rien a voir avec un "danger sécuritaire" que nous incarnerions. Pour nous la fin de l'occupation sera tout aussi bénéfique pour les juifs que pour les arabes.
Nos points de vue politiques ne s'écartent nullement de notre droit moral et légal d'être traités sur le même pied d'égalité mais aussi de façon différente en tant que citoyens; égaux en droits mais différents eut égard à notre appartenance nationale et notre identité. Nous appartenons à notre état, notre pays et notre peuple, mais pas à la majorité qui gouverne ce pays. Il y a partout dans le monde des minorités ethniques comme nous.
Azmi Bishara est un "fauteur de trouble" pour l'état d'Israël parce qu'il met en lumière le conflit inerant à celui ci d'être à la fois juif et démocratique. Mais le défi qu'il pose à l'état n'est pas sécuritaire. Les tentatives pour le punir ne feront que détériorer les relations entre juifs et arabes qui sont déjà mal en point, et par conséquent endommagerons les intérêts de base des citoyens de l'état, à la fois juifs et arabes.
L'insistance de la classe politique israélienne de s'en prendre à Bishara va lui valoir de se heurter à la plupart des arabes en Israël. Le procès contre lui sera vu comme "l'affaire Dreyfus " arabe. De leurs points de vue, le procès de Bishara portera sur leur identité politique et culturelle. Pour cette identité les arabes sont prêts a en payer le prix y compris de perdre leur représentation au parlement, ce qui ne fera qu'accroître leur séparatisme et conduira à la confrontation et la violence.
les deux nationalités qui vivent en Israël ont un intérêt certain à ne pas se laisser entraîner dans cette confrontation. Malheureusement les dirigeants de ce pays sont en train de brutalement pousser dans cette direction. 
4. Chosmky critique la position des Etats-Unis en matière de terrorisme
Dépêche de l'Islamic Republic News Agency (agence de presse iranienne) du mardi 13 novembre 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
New Delhi (Inde) - Le professeur du Massachusetts Institute of Technology, Noam Chomsky, a critiqué la pétition de principes américaine selon laquelle tous les auteurs d'actes terroristes incarneraient le mal, à la notable exception des agents des Etats-Unis dont c'est l'activité de prédilection.
Repris par plusieurs médias, Chomsky a dit qu'en raison de l'extraordinaire puissance des systèmes doctrinaux occidentaux, leur terreur intrinsèque n'était même plus perçue. Il a qualifié de grave erreur d'analyse le fait de considérer que le terrorisme serait l''arme du pauvre', alors qu''il s'agit de l'exact contraire : le terrorisme est l'arme du riche par excellence', a-t-il affirmé.
Chomsky, qui inaugurait l'ouverture de l'année universitaire à l'EMS Akademi de Thiruvananthapuram, dans l'Etat du Kerala, au Sud de la Confédération indienne, hier, a notamment déclaré : 'personne ne saurait trouver à redire à la globalisation ( = aussi : mondialisation, Ndt) dans son acception première. Mais la forme particulière de la mondialisation que l'on voudrait actuellement imposer est inacceptable. Les grandes puissances qui ont forgé les politiques (qui la déterminent) sont en train de demander à tous les autres pays de rentrer dans le cadre qu'ils ont eux-mêmes défini.'
Il a fait part de sa préoccupation devant l'escalade dans la production d'armes de destruction massive. Toute guerre évoquant obligatoirement l'arme nucléaire, depuis que celle-ci a été utilisée, cette situation est d'autant plus alarmante.
"La concentration extrême du pouvoir devrait désormais être pudiquement qualifiée de 'communauté internationale'... 'Tout pour notre pomme et queue de chique pour les autres', telle est la devise des Etats riches et puissants", a-t-il dit, en un résumé saisissant.
Poursuivant, Chomsky a dit, notamment, qu'à suivre la définition officielle du terrorisme (qui serait le recours délibéré à la violence afin d'intimider ou de contraindre) alors l'Inde est aussi un Etat terroriste.
Et ce n'est pas tout. L'Etat septentrional de l'Uttar Pradesh, a dit Chomsky, serait digne de figurer en mauvaise place, juste après l'Afghanistan en matière de déni des droits des femmes, cet Etat se caractérisant par un ratio de discrimination antiféminine parmi les pires qui soient au monde, avec des niveaux d'espérance de vie et un taux d'alphabétisation, pour les femmes, atteignant un niveau extrêmement bas.
 
5. Empêcher la fin du "Monde arabe" par Jean-Pierre Tuquoi
in Le Monde du mardi 13 novembre 2001
{A court d'argent, la Documentation française, qui dépend de Matignon, envisage de mettre un terme à la publication d'une prestigieuse revue, "Monde arabe Maghreb Machrek". Campagne de signatures et concert de protestations...}L'université française est en émoi. Tout ce que l'enseignement supérieur compte de spécialistes du monde arabe est parti en campagne contre un projet funeste : l'arrêt, avec le numéro de la fin de l'année, de la revue 'Monde arabe Maghreb Machrek', éditée par la Documentation française. Ce n'est pas la seule revue condamnée à mort - les jours de 'L'Afrique contemporaine' et de 'Problèmes d'Amérique latine' sont également comptés - mais 'Maghreb Machrek', comme on la surnomme, est le journal qui mobilise le plus pour défendre son existence.
Lancée par des membres du comité de rédaction de la revue fin octobre, une pétition circule sur Internet qui supplie le premier ministre, Lionel Jospin - La Documentation française est sous la tutelle du secrétariat général du gouvernement - de préserver cet "organe d'expression le plus prestigieux de l'expertise française et francophone sur cette région si sensible". Début novembre, près d'un millier de signatures auraient été recueillies, la plupart émanant de chercheurs et de journalistes français, mais également d'universitaires étrangers, dont certains anglo-saxons.
"Garantie de sérieux"
Fière de ses quarante années d'existence mais fragilisée par des ventes médiocres (moins d'un millier d'exemplaires par numéro), Maghreb Machrek est victime de la rigueur des temps ; victime aussi des états d'âme de La Documentation française. "Des considérations de gestion ont pesé dans notre décision, prise avec l'aval dela tutelle publique", confirme la directrice de La Documentation française, Sophie Moati. Le produit est loin de couvrir ses dépenses", lance-t-elle sans davantage de précisions. C'est également le cas des deux autres revues la majorité des abonnements de 'L'Afrique contemporaine' (un millier d'exemplaires vendus) sont souscrits par le ministère français des affaires étrangères, tandis que la diffusion payée de 'Problèmes d'Amérique latine' ne dépasse pas 650 exemplaires.
Les revues n'ont plus leur place à La Documentation française. "Notre vocation, explique sa directrice, est de rassembler de la documentation et de la mettre à la disposition d'un large public, comme nous faisons avec 'Problèmes économiques', qui est une compilation d'articles publiés ailleurs. Nous ne sommes pas un organisme scientifique ou universitaire pour éditer des revues savantes et érudites."
L'argument de la diffusion laisse de marbre les défenseurs de 'Maghreb Machrek'. La revue, ont-ils écrit à Mme Moati, est "beaucoup plus suivie que ne laisse croire son tirage" et sa disparition "sera interprétée comme la marque d'un désintérêt des pouvoirs publics français pour les problèmes de la région, pire encore, comme la preuve que la science sociale, l'histoire et l'"orientalisme" français ne sont plus capables de rien dire d'intéressant (...)".
Les défenseurs de la revue ne contestent pas que d'autres revues existent mais, plaident-ils, elles sont "très spécialisées" ou "très journalistiques". Aucune, poursuivent-ils, ne peut se prévaloir d'une "garantie de sérieux que nous ne rougissons pas d'appeler académique". Les défenseurs de 'Maghreb Machrek' sont particulièrement fiers de la chronologie scrupuleuse des événements survenus dans les pays arabes qu'elle publie trimestre après trimestre depuis des décennies. "Même celle du Middle East Journal [la revue concurrente la plus prestigieuse], même celle du Monde ne la valent pas", écrivent-ils à Mme Moati.
La Documentation française se dit prête à "céder le titre" à un organisme qui présenterait un projet valable. Mais où trouver l'argent ? Les entreprises ne se bousculent pas. Le Quai d'Orsay est désargenté. Hubert Védrine se souvient-il que, dans ses jeunes années, il se faisait de l'argent de poche en rédigeant la fameuse chronique de 'Maghreb Machrek' ? 6. Paver la mer... par Rashad Abu Shawur
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du lundi 12 novembre 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
"(Notre) Barada, qui s'écoule tel un gerbe de lys de cristal...
Le Barada ne rit plus, comme autrefois..." Muhammad al-Maghut (poète syrien contemporain)Dans un autre de ses poèmes, Muhammad al-Maghut, qui est à la fois poète, dramaturge et l'un des plus grands écrivains syriens, s'adressait, sur le ton du reproche, à la rivière de Damas, le Barada (cette rivière mythique, à laquelle ont été dédiés des odes innombrables) :
"Il me souvient t'avoir confié des poèmes anciens...
Rends-les moi ! Tout de suite !"Hélas, le Barada ne roule plus son flot cristallin, bondissant, babillant, folâtrant à travers les faubourgs et les ruelles de Damas la Parfumée... Sa belle santé juvénile s'est fanée, son fluide vital s'est tari... De son brillant passé ne demeurent que les poèmes de ses admirateurs et les souvenirs des amants du temps jadis, de cette époque heureuse où ses flots bouillonnants bondissaient joyeusement au beau milieu de l'émeraude de la Ville-Jardin par excellence : Damas... Ses flots alimentaient deux oasis, les deux 'Ghuta', l'une avant la ville, à l'ouest, l'autre, après sa division entre sept 'bras' en éventail, au sud et à l'est, faisant de Damas une oasis judicieusement peuplée et impeccablement cultivée depuis des temps immémoriaux.
C'est bien là la dernière chose à laquelle je me serais attendu : voir le Barada... Ou plutôt, devrais-je dire : ne plus le voir ! Ne plus VOIR le Barada !... Alors que le Barada, ce sont ces eaux que j'ai contemplées, que mes regards ont accompagnées tout au long des années de mon enfance, puis de mon adolescence, puis de ma jeunesse, depuis ma naissance, en 1957, jusqu'à mon premier départ de Damas, en 1965, puis, de nouveau, durant les années quatre-vingt...
Nous ne pouvions en aucun cas nous contenter des petites vaguelettes néocitadines du Barada, c'est pourquoi nous allions à sa source jaillissante, à quelques dizaines de kilomètres de la grande ville, et nous passions des moments merveilleux au bord du lac alimenté par sa source, un lac dont le saphir profond était pour nous une fête : sur la berge, nous sirotions un café ou un thé, nous grignotions du bout des doigts un frugal pique nique, nous nous endormions, bercés par le murmure des cascades et les accords d'un luth chantant sous le plectre de quelque musicien amoureux de la nature et de la vie...
Dans mon enfance, j'ai souvent entendu une expression de défi imagée, échangée, le plus souvent au cours de quelque prise de bec : "Fiche-moi le camp ! Va voir là-bas si j'y suis ! Va-t'en paver la mer !" Je ne parvenais pas à comprendre comment la personne interpellée ainsi pourrait bien s'y prendre... pour paver la mer ! Par la suite, avec l'âge, j'ai compris que cette expression était une façon de défier et de rabaisser quelque peu l'adversaire...
Mais la mer SERA pavée, et les rivières aussi, au pays des Arabes... Ainsi, la Mer Morte (que Dieu l'ait en Sa miséricorde) ne va pas tarder à mourir pour la deuxième fois, comme si sa mort perpétuelle ne lui suffisait plus, comme s'il ne lui suffisait plus d'être morte cliniquement, comme la conscience des régimes arabes en place vis-à-vis de la Palestine et de son peuple...
Dans les cinquante années à venir, la Mer Morte sera à sec - cela veut dire : avant l'année 2050 - et le sel se précipitera au fond, si Israël est encore là jusqu'à cette date (ce qu'à Dieu ne plaise), et s'il laisse un gramme de sel non exploité se déposer sur le fond... Si les prévisions scientifiques s'inscrivent dans la réalité, c'est-à-dire si les eaux du Jourdain continuent à ne plus parvenir à la Mer Morte, si la sécheresse se pérennise au Moyen-Orient et si le ciel du pays des Arabes refuse obstinément d'y aller de sa larme - la Mer Morte ressemblera à carcasse décharnée, ou bien encore à une bouche grande ouverte, une bouche édentée, une bouche tordue jetant un cri de terreur silencieux, face à l'horrible réalité.
Alors, notre vaillante nation arabe se mettra à paver la mer, et la Mer Morte sera morte de sa deuxième mort, belle et bien morte, en nourrissant un seul rêve : qu'un petit poisson veuille encore la distraire de ses pitreries dans son giron, ou de voir une dernière fois les petits cabanons des hivernants (et non des estivants, car en été la température atteint sur ses rives les cinquante degrés à l'ombre inexistante, en ce point le plus bas qui soit au monde. En hiver, par contre, nombreux sont les rhumatisants et autres malades à venir s'y refaire un santé...)
J' ai passé mon enfance, pour partie au bord de la Mer Morte, pour partie en compagnie des clapotis du Barada, cet enfant espiègle dont je ne pouvais imaginer qu'il vieillirait, pire, qu'il mourrait de soif, comme ces malheureux enfants irakiens, privé de la moindre goutte d'eau. J'ai vécu une période de ma vie, et puis voilà que j'assiste à la mort du Barada et à son pavage... et que j'apprends par le journal la mort annoncée de la Mer Morte, la mort de la voisine de Jéricho l'Eternelle...
J'observais les ouvriers, perdu dans le tourbillon de mes pensées, tandis qu'ils ajustaient les dalles et faisaient disparaître le fond de la rivière. La poussière de ciment s'élevait, suffocante, dans les airs, remplaçant (mal, très mal) les embruns ravigotants que nous apportait la brise soufflant depuis Doummar et Al-Haméh, adoucissant les journées radieuses et les soirées mystérieuses de Damas Al-Cham, taquinant le visage des amoureux, mais sans oublier celui des étrangers un peu perdus dans l'immense métropole, un peu à la façon de petits doigts de lutins enjoués habiles à consoler des âmes lasses ou simplement mélancoliques...
Je suis de retour à Damas, après treize années d'absence, pour y prendre part à un colloque sur le thème 'sionisme et racisme'. Je me dépêche de me défiler, à la pause, pour me rendre à la place Merjéh, au centre de la ville, puis au marché couvert de Souq al-Hamidiyyéh, sûr d'y rencontrer de vieilles connaissances, pressant le pas jusqu'à la Mosquées des Ommeyyades afin d'aller rechercher la bénédiction divine auprès du tombeau de Salah Eddin al-Ayyubiyy (le grand Saladin). Je touche avec dévotion le catafalque marmoréen, en compagnie de mon ami Khalil al-Sawahiriyy. Nous y laissons notre main longuement appuyée, dans un silence profond, un peu comme si nous l'invoquions, comme si nous le suppliions de se redresser de son tombeau pour reprendre en main les rênes de notre nation, pour refaire Hittin, pour chasser à nouveau les Francs de Jérusalem, la tête basse, défaits, sous la haie des cimeterres des vainqueurs.
Mais tandis que je suis abîmé dans ces hautes pensées, le spectacle hideux du pavage du lit du vénérable Barada ne cesse de me hanter. Cette rivière, c'est l'amie fidèle de toute mon enfance, c'est sur son épaule (vous vous rendez compte... : c'est ainsi que les Damascènes appellent la rive du Barada : l''épaule'... peut-être une question de forme, dans les temps anciens ?...) oui... c'est juché sur l'épaule du Barada, que j'ai accueilli, parmi des centaines de milliers d'autres personnes, le maître Gamal Abdel Nasser (mu'allim = 'maître' au sens d'instituteur, Ndt) et que je me suis égosillé pour lancer les slogans de la "Wahda", l'Unité, c'est là, aussi, sur l'épaule du Barada, que j'ai couru pour échapper aux matraques s'abattant sur les manifestants conspuant l'Infiçal (la sécession de la République Arabe Unie, Ndt). C'est là, également, que j'ai flâné un nombre incalculable de fois, pour finir par me rendre dans les jardins du Parc de la Foire internationale, que j'ai pris un thé chez Abou Ahmad ou Abou Yassine, sous les immenses faux-poivriers qui abritent de leur ombre balsamique l'avenue de Beyrouth...
"Baradâ... Salâmun min çabâ Baradâ 'araqqu..." ('Barada... (je vous envoie) un salut plus délicat que la brise du Barada...', chante Fayruz).
Bien du temps nous sépare de cette époque révolue. Damas, peuplée de nos jours d'environ cinq millions d'âmes, n'en comptait alors qu'un demi-million. Aujourd'hui, ce qu'on voit à Damas, c'est plutôt un fleuve incessant d'automobiles rejetant dans l'air les fumées méphitiques et les particules noirâtres de leurs pots d'échappement... Les jardins de Damas, sa fameuse Ghouta, se réduisent comme peau de chagrin, car les immeubles grignotent inexorablement les vergers et les oliveraies. Damas, aujourd'hui, est devenue une métropole arabe parmi d'autres, elle a perdu beaucoup de son cachet romantique et le bruit y est devenu obsédant. Il est absolument vital, de temps en temps, de s'échapper de son vacarme et de sa pollution étouffante pour se remémorer ce que le poète Al-Maghut avait dédié au Barada. Mais, si comme moi, pour ton malheur présent, tu as vécu ta propre enfance durant les années bénies de son innocence et de son enfance, la voix du Barada te poursuivra sans relâche, gâchant tes nuits : "Pourquoi m'avez-vous laissé mourir, vous que j'abreuve. Pourquoi m'avez-vous laissé mourir, moi qui irrigue vos vergers, moi qui fais verdir les frondaisons qui vous abritent de la morsure du soleil au zénith ?"
Treize année d'absence, loin de Barada, treize années, seulement... : et ces treize années ont suffi pour que meure le fleuve éternel aux flots d'or (le Chrysorrhoès) ?
Et les cinquante années à venir : seront-elles suffisantes pour permettre que meure la Mer Morte, une deuxième fois ?
Et nous ? Sommes nous morts, ou vivants, nous, qui habitons le pays des Arabes ? N'y a-t-il pas un moyen pour sauver nos vies, pour sauver la vie de nos fleuves, de nos mers, de nos terres, d'une mort annoncée ?
Ah, Barada, Barada mon amour, ces larmes salées, mes yeux te les apportent de la Mer Morte, avant qu'elle ne meure à son tour et qu'on ne la pave elle aussi : je suis venu les verser sur tes dalles, ô mon Prince regretté. 7. Le temps n'est-il pas venu de faire enfin la lumière sur la légende de Halabja ? par Butrus Andari
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du lundi 12 novembre 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
(Butrus Andari est un journaliste arabe résidant en Australie.)
La recherche historique ne rendrait certes pas la vie aux victimes, mais elle couperait court au rabâchage de la vulgate propagandiste dominante
Au cours des dix années écoulées, j'ai discuté avec des dizaines de politiciens, de journalistes et d'universitaires occidentaux de l'embargo imposé à l'Irak, cet embargo qui représente tout à la fois une catastrophe humanitaire d'une ampleur mondiale encore jamais vue, une marque de honte portée au front des Arabes et une tache noire au coeur de la civilisation occidentale, en particulier américaine. J'ai retiré de mes conversation avec tous ces interlocuteurs qu'ils ont en général peur du programme nucléaire irakien, ainsi que des armes de destruction massive dont dispose(rait) ce pays... J'ai régulièrement demandé à chacun d'entre eux où ce trouvaient ces fameuses 'armes de destruction massive' et quelles étaient les preuves dont ils disposaient leur permettant d'en affirmer l'existence ? Je me posais, avec eux, également, la question suivante : l'Irak aurait-il hésité un seul instant à utiliser de telles armes contre les puissances qui l'ont détruit, en 1991, s'il en avait disposé ?
En fin de compte, tous mes interlocuteurs finissaient par s'avérer incapables d'apporter une quelconque preuve irréfutable du danger que représentait, soi disant, l'Irak en raison des armes dont il aurait disposé ou (variante) de l'expérience et des capacités matérielles qu'il aurait pu conserver... La majorité des analystes politiques et des gens des médias me disaient que l'Irak avait utilisé des armes chimiques tant contre son propre peuple que contre l'armée iranienne au cours de la première guerre du Golfe, et la majorité d'entre eux avaient gardé en mémoire le nom de la localité de Halabja... Aucun d'entre eux n'hésita une seule minute à me citer des nombres de victimes (de Halabja) au petit bonheur la chance, ou correspondant à ce qu'il avait pu entendre coloporter ou lire dans les quotidiens et les revues, à l'époque. Leurs 'informations' sur les victimes de Halabja étaient des plus variables, le nombre des victimes évoluant dans une fourchette allant d'un millier à vingt mille.
L'insistance mise sur l'affirmation du recours (irakien) à l'arme chimique à Halabja n'est pas sans évoquer les campagnes de désinformation à l'encontre de Gamal Abdel Nasser, dans les années soixante, au cours de la guerre du Yémen. Les forces hostiles à ce dirigeant arabe avaient distribué, à cette époque, des milliers de photos et de communiqués destinés à frapper l'opinion, contenant des 'informations' des plus fantaisistes et contradictoires entre elles sur le nombre de victimes 'présumées' d'armes chimiques 'utilisées par l'armée égyptienne' au Yémen. Mais cette campagne n'eut pas le succès escompté, après que diverses parties arabes et les Américains se soient rendu compte du fait que Gamal Abdel Nasser ne représentait plus la même "menace", après la défaite de 1967...
La plupart des personnes concernées ou des responsables politiques dans des pays relativement marginaux par rapport au Moyen-Orient ne savent faire qu'une chose : répéter ce que disent les Américains au sujet des dangers que l'Irak représenterait pour ses voisins, en raison des armes de destruction massive qu'il aurait en sa possession. Il n'est pas douteux que les multiples apparitions, à la télévision, du chef de la mission d'inspection des Nations Unies, Richard Butler, ont fini par impressionner l'opinion publique en Australie comme ailleurs, car il s'est à plusieurs reprises exprimé avec une hargne (dont la raison évidente était son dépit d'avoir été expulsé hors du pays par les autorités irakiennes en raison de sa partialité) dénoncée même par son collègue Scott Ritter (qui a révélé les relations constantes entre la dite mission et Israël, ses membres se rendant eux-mêmes régulièrement dans ce pays aux fins d'y rendre compte et d'y recevoir leurs consignes...)
J'ai repris les informations diffusées par les médias arabes au cours des dix années écoulées, afin de recenser les accusations portées contre l'Irak, concernant sa 'possession d'armes de destruction massive'. 'Halabja' revenait toujours en première ligne, en dépit du fait que les événements qui s'y sont produits datent de trois ans avant la guerre du Golfe (qui a débuté en janvier 1991)...
L'information arabe, avant comme après la deuxième guerre du Golfe, accable d'une même voix l'Irak, se laissant aller à une propagande délirante, si bien qu'elle semble tirer ses informations d'une source unique, à de rares exceptions près. Autant cette information arabe s'est divisée sur la question de la reconnaissance - ou non - d'Israël et de la paix avec ce pays, autant elle est restée 'unie' dans son agressivité à l'encontre de l'Irak... Je dis bien : l'Irak, et non : 'le régime irakien', car ce qui s'est passé et continue de se passer affecte le peuple irakien et non son gouvernement.
L'information arabe, semblant obéir aux ordres d'un unique 'big boss', est allée jusqu'à attaquer délibérément l'Irak, se transformant en organe d'expression des rêves secrets et des ambitions des différents gouvernements (arabes).
Après avoir réuni une collection suffisante d'articles accusateurs (plusieurs centaines) sur 'Halabja' et l'utilisation de l'arme chimique (par les Irakiens), ainsi que sur les victimes dont le nombre variait du simple au centuple suivant les auteurs, j'ai pensé utile d'adjoindre à cet échantillon un ensemble d'informations dont j'avais été amené à disposer peu après les événements deHalabja, survenus il y a plus de treize ans.
En septembre 1988, j'ai rencontré, à Bagdad, chez un ami palestinien, un officier supérieur de l'armée irakienne. Au cours de la soirée, il nous a dit revenir de Halabja, où il s'était rendu à l'occasion du retour des habitants dans cette localité, six mois après en avoir été évacués.
Cet officier supérieur était peu loquace, comme tout responsable militaire, mais j'ai retenu de notre conversation certaines informations importantes, en particulier à travers le dialogue qui s'était instauré entre le militaire et un responsable politique qui figurait au nombre de notre petit groupe d'amis.
Sans doute, le plus important de ce que j'ai pu entendre, est le fait qu'une bataille acharnée s'est déroulée entre les forces irakiennes et les forces iraniennes qui avaient occupé Halabja, localité irakienne, le 16 mars 1988. Les deux armées avaient eu recours à l'arme chimique, ce qui avait entraîné la mort de victimes civiles, civils dont certains collaboraient ouvertement avec les forces iraniennes, mais dont la plupart n'avaient pu s'enfuir des zones bombardées...
A la suite de quoi, j'ai continué à rassembler, au fil des années, des informations relatives à 'Halabja', informations à la diffusion mondiale desquelles l'Iran a consacré des sommes énormes, afin de porter atteinte à l'image de l'Irak, pays contre lequel avaient été propagées des 'informations' selon lesquelles il aurait eu recours aux gaz de combat contre l'armée iranienne. L'Iran avait envoyé dans divers hôpitaux européens un petit nombre de ses soldats atteints de blessures, mais surtout de brûlures, en prétendant que ces dernières résultaient du recours, par l'armée irakienne, aux gaz de combats (arme 'prohibée'). Le but de cette gesticulation était plus la propagande que la recherche de soins plus appropriés pour ces malheureux soldats.
Sans doute la version donnée par le général Muhammad Fawzy, ex-ministre de la défense égyptien, au cours d'une conférence de presse, est-elle la plus satisfaisante pour la raison, parmi toutes celles en circulation... Il avait notamment déclaré : "l'Irak était déterminé, dès 1988, à mettre un terme à la guerre irako-iranienne, de manière décisive (sur le plan militaire), en recourant aux missiles, qui ont effectivement atteint Téhéran et détruit les objectifs visés avec une précision remarquée. Les experts militaires notèrent alors que la guerre était vraisemblablement entrée dans sa phase ultime, après huit années d'enlisement dans les tranchées... C'est alors que l'état-major irakien a été stupéfait de voir l'Iran tenter d'étendre le champ de bataille vers le nord, en s'emparant de la ville de Halabja, située dans une région montagneuse et quasi désertique. Les forces iraniennes, comme nulle autre armée d'ailleurs, n'auraient jamais pu investir Halabja sans la collaboration des directions des mouvements kurdes, qui s'étaient rangées aux côtés de l'Iran, contre leur propre pays (l'Irak) et, cela, dès le début du conflit...
Le général Fawzy, toujours : "L'Irak devait réagir vigoureusement et immédiatement. Les Iraniens ont défendu avec acharnement l'avant-poste de Halabja, mais les routes d'approvisionnement iraniennes furent coupées, par un mouvement d'encerclement irakien, et l'Iran perdit cette bataille décisive." Le général Fawzy n'a pas fait allusion, dans ses déclarations, à l'utilisation d'armes chimiques, limitant son analyse au déroulement des opérations militaires et à l'équilibre des forces, dans le conflit irako-iranien, tant au plan stratégique que politique.
On peut regretter qu'aucune analyse n'ait jamais été publiée, en arabe, sur les combats de Halabja, et qu'aucune instance universitaire, ni même militaire, n'ait publiée d'étude sérieuse sur l'utilisation des armes chimiques dans la région.
De ce fait, les seules sources disponibles sont des sources occidentales. Plusieurs études portant sur l'utilisation des armes chimiques au Moyen-Orient ont été publiées, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.
Bien que les études et les rapports américains soient clairement orientés dans le sens du service des intérêts des Etats-Unis et de leurs objectifs stratégiques, ils représentent pratiquement la seule source exploitable en la matière.
Le premier rapport concernant l'utilisation de l'arme chimique durant la guerre irako-iranienne et, plus particulièrement, à Halabja, a été publié par le ministère de la défense américain en juin 1990. On y lit que les deux armées, l'iranienne comme l'irakienne, ont utilisé les armes chimiques et, cela, durant toute la durée du conflit.
Mais l'ouvrage le plus documenté sur ce conflit est sans doute celui, co-écrit par MM. les Professeurs Majid Khaddoury et Edmond Ghorayyeb et intitulé : "La guerre du Golfe - 1990-1991", publié par les presses de l'Université d'Oxford, à Londres et à New York, en 1997. On y trouve les analyses les plus approfondies et les plus documentées sur ce conflit. Le chapitre douze de cette somme (qui n'a jamais été traduite en arabe, ce qui n'étonnera personne) est consacré aux Kurdistan et à Halabja, ainsi qu'à l'utilisation de l'arme chimique.
Les deux auteurs, Américains d'origine arabe, sont considérés comme faisant partie des plus éminents spécialistes de l'histoire politique moderne du Moyen-Orient, en particulier en ce qui concerne l'Irak. Leurs écrits sont des ouvrages de référence mondialement reconnus en matière de politique moyen-orientale, et plus particulièrement irakienne. Ils apportent bien des éclaircissements à des événements jusque-là entourés d'ombres et de questionnements... c'est notamment le cas en ce qui concerne ce qui nous intéresse : les événements survenus en 1988 dans la localité (irakienne) de Halabja.
Dans leur chapitre douze, à la page 200, donc, ces deux spécialistes nous expliquent que les deux dirigeants (nationalistes) kurdes, Mas'ud Barzani et Jalal Talabani, s'étaient rangés aux côtés de l'Iran dès l'éclatement de la guerre entre ce pays et son voisin irakien, en 1980, dans l'espoir, sans doute, qu'une victoire iranienne leur permettrait d'exercer des pressions accrues sur Bagdad, afin de lui arracher des concessions supplémentaires... A la page suivante, les auteurs nous rappellent que Jalal Talabani, responsable des relations internationales du Front kurde s'était rendu à Washington, après l'entrée de l'armée irakienne au Koweït, en 1990, afin de proposer aux dirigeants américains de leur fournir du renseignement militaire, précieux pour leurs opérations contre l'Irak, en échange d'un soutien politique apporté aux Kurdes. Les Américains avaient refusé de reconnaître une entité kurde, mais en précisant qu'ils apporteraient une aide financière et en armement aux Kurdes, afin de les aider dans leur lutte contre Bagdad.
Ces réalités montrent bien que les diverses directions kurdes ont, pratiquement en permanence, toujours tout fait afin de créer une tension extrême avec Bagdad, ainsi par conséquent qu'avec la majorité du peuple irakien, en prenant constamment parti, de manière ouverte, pour les ennemis de l'Irak, aux moments les plus délicats et les plus décisifs... Ceci confirme que l'armée iranienne n'aurait sans doute jamais osé, et jamais pu, s'emparer de Halabja, située dans une région montagneuse, semi-désertique et isolée de tout, si elle n'avait pas disposé du soutien des mouvements kurdes que nous avons mentionnés, qui n'ont cessé au cours de l'histoire (et ils continuent à le faire) d'entraîner leur peuple dans des impasses successives et des situations de crise extrêmement graves.
Revenons aux informations sur Halabja, dans le même ouvrage. Nous donnons ci-après une traduction littérale de la fin de la page 200 : 'Il n'y a aucun doute sur le fait que Halabja ait été la cible de bombardements à l'arme chimique. L'Irak a été considéré comme le pays responsable du recours à ce type d'armement. Mais il n'a pas été clairement établi, jusqu'à ce jour, quel était le pays responsable, de l'Iran ou de l'Irak. Une étude du ministère américain de la défense, publiée par le Washington Post, indique que tant l'Irak que l'Iran ont eu recours aux gaz durant le conflit, mais que des 'informations militaires irréfutables' montrent que l'Iran a été le premier à utiliser des projectiles contenant du gaz cyanhydrique au cours des combats de Halabja. Les équipes médicales qui ont porté secours aux personnes atteintes et ont examiné les morts, ont conclu que les victimes avaient été atteintes par ce gaz. Pour les responsables militaires américains, l'Irak n'a pas utilisé de tels projectiles. En revanche, ils affirment détenir les preuves de l'utilisation de ce gaz par l'Iran.
Une autre étude, réalisée par l'Institut militaire des Etudes stratégiques (dépendant de l'armée américaine), avance, quant à elle, qu'il est probable que les deux armées, iranienne et irakienne, aient utilisé des projectiles chimiques à Halabja. "L'Irak a été accusé de l'attaque à l'arme chimique menée à Halabja, mais on sait que l'Iran a eu recours, à plusieurs reprises, à l'arme chimique dans ses offensives. Il n'est absolument pas exclu que le bombardement chimique qui a causé un nombre très élevé de victimes, kurdes pour la plupart, à Halabja soit le fait de l'armée iranienne."' (Fin de la traduction).
Ce dernier passage s'appuie sur des informations données par une étude sur 'les capacités militaires irakiennes et la sécurité nationale américaine au Moyen-Orient', étude réalisée par les experts en stratégie reconnus : Stefen Belletary, Douglas Johnson et Liv Rozenberger. Elle a été publiée en 1991 par les éditions Carlyle Baraks.
L'apport d'éclaircissements sur les événements de Halabja n'innocente pas plus l'Irak que l'Iran ni les directions nationalistes kurdes qu'il ne saurait ramener à la vie les malheureuses victimes innocentes ni alléger les souffrances des Kurdes d'Irak.
Mais le temps est venu, pour les universitaires et les intellectuels arabes de sortir du cercle du rabâchage stupide et de l'anesthésie qui nous éloignent de la recherche historique documentée et ouvrent une brèche devant la falsification et l'élimination de preuves, comme jamais par le passé.
Halabja par ci... Halabja par là... La vérité est occultée à un point tel que certains auteurs sont allés jusqu'à écrire que ces événements se seraient produits en... 1991 (!), 'l'Irak se vengeant (d'après nos 'historiens') contre cette localité (kurde) de la destruction (américano-'alliée') quasi-totale dont il était victime' (...)  La plupart des auteurs arabes (bénéficiant quant à eux d'un certain niveau minimal de crédibilité) évitent 'scrupuleusement' d'évoquer les combats acharnés autour (et à l'intérieur) de Halabja, entre les armées iranienne et irakienne, car cela leur permet de faire passer la 'thèse' selon laquelle ce qui s'est passé à Halabja serait le résultat d'une volonté du gouvernement irakien de se venger sur les Kurdes...
Après une décennie de falsification, il est temps de faire la lumière sur ces événements et de procéder à une analyse historique étayée, en suivant l'exemple des deux spécialistes éminents Khaddoury et Ghorayyeb, qui, pour ce qui les concerne, n'ont innocenté personne, mais se sont efforcés d'apporter des éclaircissements sur tous les aspects de l'événement. On pourrait sans doute expliciter des aspects demeurés jusqu'à ce jour inconnus en posant des questions telles : pourquoi l'Irak aurait-il attaqué la localité de Halabja, entre mille localités kurdes irakiennes ? On pourrait s'attacher également à l'étude du rôle joué par les dirigeants nationalistes kurdes irakiens, dans leur collaboration et leurs collusion affichées avec l'Iran, contre l'Irak, au cours de la guerre entre ces deux pays (1980-1988). Ce sont ces mêmes dirigeants qui ont ensuite collaboré avec les Etats-Unis, Israël et les autres pays hostiles à l'Irak (les 'alliés', Ndt) durant la guerre du Golfe et après la guerre du Golfe, exposant le peuple kurde irakien à un supplément de malheurs, comme ceux qu'il est en train de subir du fait des incursions incessantes de l'armée turque, notamment.
La persistance (qui frise l'entêtement) des auteurs et des responsables politiques arabes à traiter du sujet de Halabja sans aucunement essayer de découvrir la vérité est éminemment déplorable. Elle ne peut qu'aboutir à introduire du légendaire dans l'historiographie arabe.
Nous ne tentons nullement de défendre qui que ce soit, ni de justifier le massacre de civils, comme à Halabja et ailleurs, mais nous nous efforçons simplement de présenter avec un minimum de sérieux les faits et les documents relatifs à un problème, dont la dimension fantasmatique qu'il a acquise est telle qu'elle a pu "endormir" plus d'un intellect et parvenir dans le monde occidental sous des oripeaux démagogiques dont le caractère insidieux colle bien avec une vague internationale (et arabe, il convient de le rappeler) d'hostilité anti-irakienne, dont la longévité (onze années est une durée qui tient du record) ne s'explique pas sans cela.
J'ai suggéré à un universitaire arabe en poste aux Etats-Unis, spécialisé dans les questions irakiennes et iraniennes, de réaliser une étude sur les événements de Halabja, si possible basée sur les documents et les preuves historiques disponibles, afin de faire apparaître la vérité.
Mal m'en a pris : cet universitaire m'a répondu qu'aborder un tel sujet de manière objective mettrait sa carrière en danger... Il m'a même précisé que lancer des accusations contre le régime irakien est sa mission première, 'car il ne faut pas quitter des yeux le but ultime : le changement, et la chute de ce régime...' (!)
Il est vraiment affligeant et humiliant de voir l'esprit académique s'enfoncer dans de telles abysses. J'ai appris, l'année dernière, que le professeur Edmond Ghorayyeb avait été en bute à certaines tracasseries à cause de son ouvrage "La guerre du Golfe - 1990-1991", co-écrit avec le professeur Majid Khaddoury, bien que rien dans cette somme ne puisse sembler favorable à l'Irak. Simplement, son très grand tort est d'avoir osé livrer au public des documents qu'il urge de mettre au pilon, à l'ère de l'hégémonie et de l'américanisation. 
8. Les Etats-Unis font montre d'une résolution toute neuve à mettre en oeuvre une médiation au Moyen-Orient par Serge Schmemann
in The New York Times (quotidien américain) du lundi 12 novembre 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Tandis que les Etats-Unis manifestaient leur volonté de reprendre un rôle actif dans la médiation visant à mettre un terme aux violences israélo-palestiniennes, Yasser Arafat exprimait sa "très profonde estime" pour la reconnaissance de l'Etat palestinien publiquement manifestée par le président Bush, tout en choisissant de ne pas faire mention du fait que le président américain avait décliné le désir qu'il avait manifesté de le rencontrer.
Le secrétaire d'Etat, Colin L. Powell a rencontré, lui, en revanche, le dirigeant palestinien, aujourd'hui - ainsi que, par ailleurs, le ministre des affaires étrangères israélien, Shimon Pérès - et des responsables officiels ont indiqué que le Secrétariat d'Etat donnerait une suite à la brève référence faite par M. Bush au conflit israélo-palestinien, sous la forme d'un discours important qui soulignera les principes qui, du point de vue des Etats-Unis, devraient ouvrir de nouveau la voie vers une solution au Moyen-Orient.
Depuis que les attentats terroristes du 11 septembre contre les Etats-Unis ont focalisé l'attention sur le mécontentement arabe vis-à-vis de l'Amérique, l'absence de toute initiative américaine susceptible de mettre un terme à quatorze mois de violences continues entre Israël et les Palestiniens s'est attiré des critiques de toutes parts, y compris des alliés de l'Amérique. Et voilà qu'une étourdissante série de déclarations et de réunions ramène le conflit israélo-palestinien au premier plan, aux Nations Unies.
Ce que les Etats-Unis pourraient proposer, toutefois, demeure nébuleux. Les Israéliens ont été rassurés sur le fait que le Secrétaire d'Etat Powell ne formulera aucune initiative nouvelle d'importance - chose à laquelle le premier ministre 'faucon' israélien, Ariel Sharon, est radicalement opposé - et que le discours du ministre des affaires étrangères américain s'en tiendra aux grandes lignes existantes. Colin Powell a fait allusion, en ce qui concerne son intervention,  à une "déclaration de politique étrangère exhaustive".
Bien que M. Bush ait d'ores et déjà exprimé son soutien à un Etat palestinien, il a causé un certain émoi, samedi dernier, car c'était la première fois qu'un président américain utilisait le toponyme "Palestine" pour désigner cet Etat. Dans le contexte d'un conflit dans lequel les moindres progrès se mesurent le plus généralement à de subtils glissements sémantiques, ceci a été perçu comme une révérence perceptible adressée aux Palestiniens et, plus généralement, aux Arabes.
"Nous travaillons pour le jour où deux Etats - Israël et la Palestine - vivront ensemble en paix, à l'intérieur des frontières sûres et reconnues appelées de leurs voeux par les résolutions du Conseil de Sécurité", a notamment déclaré M. Bush.
L'allusion de M. Bush aux résolutions du Conseil de Sécurité était une claire affirmation de l'option "les territoires contre la paix", et elle venait après les exhortations à se retirer des territoires palestiniens occupés, adressées à Israël par le Secrétaire d'Etat Powell avec une belle constance.
Mais le refus de M. Bush de rencontrer M. Arafat, auquel s'ajoutaient les critiques inhabituellement cinglantes à son égard de la part de Mme Condoleezza Rice, la conseillère pour la sécurité nationale, avait pour but d'envoyer un signal fort : qu'en substance, dans le nouveau climat de 'tolérance zéro' pour le terrorisme, l'administration Bush ne pensait pas que M. Arafat ait suffisamment contribué à mettre à raison les organisations ('terroristes') sur son territoire, en ce qui concerne, tout particulièrement, le Hezbollah et le Hamas.
Originellement, l'administration avait exclu ces groupes de la ses listes de cibles potentielles, de manière, à l'évidence, à éviter de s'aliéner M. Arafat ou ses soutiens arabes.
La désignation claire et nette des deux organisations par Mme Rice, mercredi dernier, ainsi que le refus d'accorder (à M. Arafat) une audience présidentielle, ont été reçus ici comme l'indice que l'administration américaine ne pensait pas avoir reçu (de la part du dirigeant palestinien) (toutp) le soutien attendu.
Ces gestes étaient particulièrement irritants pour l'Arabie Saoudite, qui s'emploie depuis quelque temps à encourager Washington à améliorer son image auprès des Arabes, qui voient dans les Etats-Unis un allié (inconditionnel) d'Israël dont il exclu, par tant, qu'il puisse jouer un quelconque rôle de 'médiateur impartial'. Le ministre des affaires étrangères saoudien, Saud al-Fayçal, a laissé libre cours à une explosion de colère qui n'avait rien de franchement diplomatique, au cours d'une interview au New York Times, disant que l'apparente incapacité de M. Bush à s'engager personnellement en vue d'un accord de paix définitif "aurait de quoi faire péter les plombs à toute personne parrticulièrement équilibrée".
Même le premier ministre britannique, Tony Blair, l'un des plus proches alliés de M. Bush dans la guerre en Afghanistan, a mis en garde, au cours de sa visite à Washington, la semaine dernière, contre le fait que la campagne militaire ne saurait, à elle seule, suffire à mettre à raison le terrorisme, plaidant pour la nécessité qu'il y a à 'semer l'espoir' en oeuvrant à l'instauration de la paix au Moyen-Orient.
M. Bush a également rejeté le préalable exposé par tous les orateurs arabes à l'Assemblée Générale, selon lequel une distinction devait être clairement établie entre le terrorisme tel qu'il a été perpétré par ceux qui ont attaqué le World Trade Center et le Pentagone, et les luttes de libération nationale, auxquelles ressortissent les actions menées par les Palestiniens, à leurs yeux.
A la satisfaction patente des Israéliens, qui ressentaient péniblement l'existence d'un 'deux poids-deux mesures' dans les définitions américaines, jusqu'alors, le président américain a déclaré qu''il n'existait rien que l'on puisse qualifier de 'bon terrorisme''.
Avant les attentats du 11 septembre, le Secrétaire d'Etat Powell aurait dû, selon les attentes, annoncer, aux Nations Unies, une nouvelle initiative d'importance majeure sur le Moyen-Orient. Mais les attentats ont changé brutalement tant le centre d'attention de l'administration américaine que les attitudes israéliennes et palestiniennes.
La nécessité de se ménager un soutien auprès des Arabes modérés a rendue impérative une initiative de l'administration américaine, dans l'espoir de trouver une solution au conflit.
Mais plusieurs experts du Moyen-Orient ont indiqué que Washington s'est gardée de modifier par trop radicalement sa politique, ce qui aurait pu donner motif à Oussama Bin Laden de se targuer du fait que ses attentats terroristes seraient bien le motif qui aurait poussé Washington à prêter une oreille (soudain débouchée et) attentive aux récriminations palestiniennes... C'est pourquoi l'administration a veillé avec le plus grand soin à équilibrer son approche et s'est gardée comme de la peste d'une initiative à trop grand rayon d'action.
Des responsables israéliens ont dit s'attendre à ce que le discours de Collin Powell soit suivi de l'envoi d'un nouveau médiateur dans la région.
M. Arafat, lors de son allocution de ce jour devant l'Assemblée Générale de l'ONU, a choisi de se focaliser sur la carotte américaine, et non sur le gros bâton. Dans des annotations écrites à la main, ajoutées à son discours préparé, dont des copies avaient été distribuées, il a notamment déclaré : "Je voudrais exprimer ici ma plus haute estime pour ce que le président George Bush a déclaré, hier, dans son allocution, au sujet de la nécessité d'aboutir à une paix juste basée sur l'application des Résolutions 242 et 338, sur la base du principe de deux Etats - Israël et Palestine - et de reprendre le processus de paix sans attendre plus avant."
"Nous déployons actuellement tous nos efforts afin de réunir les meilleures conditions pour ce faire, et nous allons continuer à les déployer", a-t-il ajouté.
Mais M. Arafat n'a pas pris en compte de manière spécifiée une éventuelle médiation américaine. Depuis l'échec de la dernière série de négociations sous supervision américaine, sous le mandat du président Bill Clinton, M. Arafat se préoccupe de trouver un mécénat international pour le processus de paix et il a lancé un nouvel appel en ce sens aujourd'hui.
"Je vais vous dire les choses tout simplement : ressusciter le processus de paix n'est pas possible, après tout ce qui s'est passé, au moyen de solutions intérimaires", a-t-il dit, rejetant précisément ce que M. Sharon propose depuis quelque temps. "Mener à bien un nouvel accord intérimaire est hors de question, c'est évident".
"Ce dont le processus de paix a besoin, aujourd'hui, si l'on veut aboutir véritablement à une paix juste et durable, c'est d'un effort sincère, sous les auspices des Etats-Unis, de la Russie, de l'Union européenne et des pays arabes et musulmans, ainsi que des autres pays amis du mouvement non-aligné, en vue de mettre en place immédiatement le cadre général d'une solution définitive."
Il était couru d'avance que les Etats-Unis et Israël s'opposeraient à une telle internationalisation du conflit.
M. Peres a déclaré, ce jour, avoir rencontré des responsables européens, et qu'ils n'avaient pas pour l'instant d'initiative formalisée.
Il a ajouté qu'Israël retirerait 'prochainement' ses forces de toutes les zones palestiniennes où elles avaient pénétré après l'assassinat d'un ministre d'Etat israélien, le 17 octobre dernier.
M. Peres devrait s'adresser à l'Assemblée Générale de l'ONU mercredi prochain. M. Sharon a décliné l'invitation, peut-être à cause de ses appréhensions au sujet des initiatives que pourraient prendre les Etats-Unis, du moins la rumeur en a-t-elle couru. Les efforts initiaux de Washington en vue de la constitution d'une large coalition anti-terroriste avaient eu le don d'irriter M. Sharon, qui avait accusé les Etats-Unis de chercher à se concilier des ennemis arabes d'Israël - telle la Syrie - afin de s'assurer de leur soutien. M. Sharon est également soucieux du risque de se voir soumis à des pressions pour le contraindre à s'engager dans des négociations qui pourraient conduire certains de ses ministres de droite à quitter sa coalition, ce qui aurait pour effet de faire chuter son gouvernement.
Au cours d'un débat faisant suite à un discours devant le Conseil des Fédérations Juives, réuni à Washington cet après-midi, M. Pérès s'est vu poser une question sur l'avenir d'un Etat indépendant contrôlé par les Palestiniens. "Nous sommes prêts à faire des compromis, parce que tant la logique de la démocratie que la logique de la géographie plaident en faveur de deux Etats", a-t-il répondu. "La majorité des Israéliens', a-t-il ajouté, 'sont prêts à accorder aux Palestiniens un Etat qui leur soit propre". 9. L'arithmétique des juristes, après les morts du 11 septembre, fait apparaître que la valeur de la vie humaine est (à tout le moins) variable... Par William Glaberson
in The New York Times (quotidien américain) du lundi 12 novembre 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Agent commercial, il était "à la bourre", ce matin là. Il avait téléphoné à sa femme pour lui dire qu'il allait sans doute être en retard à sa réunion au restaurant "Fenêtres sur le Monde" ('Windows on the World', situé dans la tour-nord du World Trade Center). Mais, au dernier moment, à 8 H 47, il avait appelé son bureau afin d'informer ses collègues qu'il était sur place et qu'il avait "rattrapé" les congressistes juste avant l'heure prévue, dans ce restaurant.
Une minute plus tard, le vol n° 11 d'American Airlines s'écrasait sur le bâtiment : la tour-nord du World Trade Center (litt. : Centre du Commerce Mondial). Cela se passait 100 minutes avant l'écroulement total du gratte-ciel. La victime avait vingt neuf ans.
Avant-hier, l'avocat de la veuve (à vingt sept ans...) du commercial se calait dans son fauteuil, dans son bureau d'un cabinet d'avocats sis sur Park Avenue et, clignant un oeil, soupesait combien la souffrance terminale de la victime, là-haut, au-dessus de Manhattan, pourrait bien valoir au jour du procès. Dans un cas similaire, il y a quelques années, dit-il, un jury avait accordé 365 000 dollars aux ayants-droit d'un passager qui avait dû subir cinq minutes de terreur alors que l'avion où il avait pris place commençait son infernal plongeon vers le plancher des vaches.
"Combien de minutes, dites-vous ?", s'assura l'avocat, James P. Kreindler, d'un air dégagé... "Cent ?... Mazette... La compensation pourrait être fort importante... " Peut-être 1 million de dollars, estima-t-il, pour l'angoisse ultime de notre agent commercial.
Des centaines d'avocats effectuent, en ce moment, ce genre de calculs, chargés qu'ils sont d'estimer les compensations potentielles qui devront être accordées aux personnes qui ont perdu des êtres chers au World Trade Center, au Pentagone et dans les quatre avions détournés.
Ces avocats sont bien obligés de poser des questions embarrassantes. Combien la victime gagnait-elle ? A-t-elle subi une mort lente ou instantanée ? Les passagers ont-ils été terrorisés au spectacle des hôtesses de l'air et stewards poignardés ? L'incendie : quelle température ?
Depuis des siècles, les procès ont tenté d'apporter des réponses à ce type de questions, en des termes froidement économiques. L'objectif principal d'un procès intenté à la suite d'une mort 'non naturelle', c'est d'apporter une compensation financière aux personnes dépendantes d'une victime dont la mort résulte soit d'un acte intentionnel, soit d'une négligence.
Les juristes disent souvent que les dollars sont bien inadéquats, lorsqu'il s'agit de mesurer la valeur d'une vie humaine, mais ils sont bien obligés de se rendre à la réalité que les dollars représentent la seule aune à leur disposition. En dehors des dommages causés par des pertes économiques, les éléments immatériels tels la souffrance avant une mort inévitable se voient accorder une estimation tarifaire. Ces mêmes juristes nous disent aujourd'hui qu'ils s'efforcent d'analyser de quelle manière de tels éléments impondérables devraient être pris en compte dans (les indemnisations) faisant suite aux attentats du 11 septembre.
Dans le cas de notre agent commercial, M. Kreindler a accepté de nous donner quelques indications sur la manière dont ce calcul a été fait, à condition que la victime, un homme marié depuis peu et dont l'épouse attend son premier enfant, ne puisse être identifiée.
Certaines des (familles des) victimes vont vraisemblablement porter plainte contre les compagnies (aériennes et autres) en cause. La plupart vont déposer des dossiers de demandes de compensation auprès du fonds ad hoc mis sur pied par le Congrès des Etats-Unis.
Mais quelle que soit la procédure, les juristes disent que leurs calculs seront basés sur des cas similaires advenus par le passé, ces précédents ayant une influence déterminante. M. Kreindler et un de ses associés, Justin T. Green, indiquent qu'ils pourraient être contraints à recourir aux services d'ingénieurs et autres experts afin de (tenter de) reconstituer ce que les minutes (d'agonie) vécues à 'Windows on the World' ont pu être.
Ils pourraient, notamment, estimer la rapidité avec laquelle l'incendie aurait pu gagner les étages. Ils pourraient éventuellement faire appel à des enquêteurs, qu'ils chargeraient de retrouver des témoins ayant vu des personnes se jeter dans le vide, leur suicide donnant une idée éloquente du désespoir des personnes prises au piège.
"Nous voulons savoir le plus exactement possible ce qui s'est passé dans le restaurant", nous dit M. Green.
Apporter la preuve d'une souffrance, tant physique que morale, est toujours une tâche extrêmement délicate, nous dit M. Kreindler. Des juges ou d'autres décideurs doivent être au maximum informés, mais pas jusqu'au point où ils pourraient s'estimer manipulés. "En fait, vous devez laisser une part à leur imagination personnelle", résume M. Kreindler.
D'autres juristes indiquent que les demandes de réparations pour la douleur et les souffrances ayant résulté du 11 septembre lancent des défis sans précédent, en particulier celles qui sont adressées au fond d'indemnisation mis en place par le gouvernement américain. De nombreuses questions quant au fonctionnement de ce fonds restent en suspens, et notamment, celle de savoir quelles preuves pourraient être reconnues recevables.
Certains avocats et juristes pensent que le chaos et le vaste éventail des formes de terreur subies par un nombre extrêmement élevé de victimes, au World Trade Center, rendent très difficile la tâche consistant à sérier les caractéristiques des dernières minutes vécues par toutes ces victimes. Jeffrey A. Litchmann, un avocat chargé de certains des procès en réparation, pense que certaines personnes, à certains étages, ainsi que celles qui se trouvaient à bord des avions-projectiles, sont présumées mortes instantanément, ce qui signifierait que la loi ne reconnaîtrait, dans leur cas, aucune douleur à compenser...
Mais d'autres personnes, qui se trouvaient à d'autres étages, sont mortes dans des conditions et dans des délais très variés. Plutôt que contraindre les réclamants à apporter les preuves de la douleur morale et physique endurée par chacune des victimes, M. Litchmann a indiqué : "j'avancerai l'argument selon lequel il devrait y avoir une présomption, basée sur l'endroit où se trouvait la victime".
Mais certains dossiers, indiquent les juristes, comporteront des récits détaillés. Michel F. Baumeister, un avocat représentant des clients ayant perdu des membres de leur famille au World Trade Center et dans plusieurs des quatre avions impliqués dans les attentats, a indiqué que les appels depuis les téléphones portables seront pris en compte dans l'estimation des souffrances psychologiques subies par celles des victimes qui savaient que leur fin arrivait.
Dans l'un des cas, a indiqué M. Baumeister, un homme va témoigner avoir vu son collègue prisonnier du building en flammes, alors que d'autres tentaient de s'enfuir. L'homme avait téléphoné à son épouse, lui disant qu'il se savait condamné.
La question de savoir s'il y aura des avocats d'une partie adverse dans les procès instruits en compensation auprès du fonds du Congrès n'est pas encore tranchée à ce jour. Mais certains juristes pensent que des avocats commis aux audiences (pour ce fonds) pourraient être (au moins) aussi sceptiques que les avocats défendant les ayant-droit en matière de (compensation) des souffrances morales et physiques.
Au cours d'un procès faisant suite à une catastrophe aérienne, il y a quelques années, un avocat représentant les intérêts de la compagnie aérienne avait fait opposition à une demande de compensation pour les souffrances de deux passagers. Les familles des deux victimes arguaient du fait que leurs chers disparus avaient dû souffrir dans les instants qui avaient suivi l'explosion ayant détruit l'aéronef. Mais une transcription des plaidoiries montre que l'avocat de la compagnie, Howard Barwick, avait argumenté du fait que l'explosion ayant tué les deux victimes instantanément, il n'y avait pas de souffrance à compenser. Sa tactique avait marché, nous a indiqué M. Kreindler. La compensation pour souffrance morale et physique avait été, dans ce cas marquant, de zéro dollar, zéro cent...
Dans le cas de notre agent commercial, nous indique M. Kreindler, même une somme d'un million de dollars en compensation de douleurs physiques et morales ne représenterait sans doute qu'une toute petite partie de l'indemnisation finale, car les procès en compensation pour des personnes décédées ont essentiellement pour objet d'indemniser les survivants pour la perte d'un soutien financier, d'un montant correspondant aux revenus que la victime leur apporterait eût-elle été encore en vie.
Notre agent commercial était une 'flèche', dans son boulot. Nommé - à vingt-huit ans - directeur des ventes de sa compagnie, pour l'ensemble des Etats-Unis, il venait d'être recruté par une autre. Au début de l'année, cette nouvelle compagnie lui avait accordé des "stock options" et le titre de vice-président directeur général, tout en lui décernant un salaire (annuel) d'environ 500 000 dollars (~ 25 'patates'/mois).
Au tribunal, la perte de revenus sur une vie est estimée, en général, en se basant sur le témoignage d'économistes. En prenant en compte l'âge de la victime, son salaire et ses autres sources de revenus, ceux-ci font une projection de la somme que la personne décédée aurait dû normalement gagner durant le reste de son existence.
De cette somme sont déduites celles que la victime aurait pu dépenser en tickets de métro ou en tickets de loto, notamment...
Un économiste doit convaincre le jury, avance M. Kreindler, du fait qu'un forcené du boulot tel notre agent commercial aurait éventuellement pu continuer à exercer sa profession bien après soixante-dix ans. Il serait dès lors plausible, dit M. Kreindler, d'avancer que l'agent commercial aurait eu quarante années d'activité devant lui et qu'il aurait gagné plus de 500 000 dollars (son salaire "net") au cours de chacune de ces quarante années. Au final, conclurent les avocats, la perte économique pourrait être de l'ordre de 25 millions de dollars (soit : ~ 15 000 'patates' = 15 'sacs de patates').
Certains Etats américains accordent aux ayant-droit des compensations pour leurs propres dommages non-économiques, tel la perte d'un proche. Dans ses lois adoptées en septembre, le Congrès a déclaré que le fonds ad hoc devrait compenser des dommages de cette nature, également.
Le cas de notre agent commercial "est un cas bien sympathique pour l'obtention de compensations d'un dommage non-économique, car la victime n'a pas connu son enfant", nous a indiqué M. Green, l'associé de M. Kreindler. Pour des dommages non-économiques, les compensations accordées par un tribunal peuvent atteindre 5 millions de dollars, disent nos deux avocats (~ 3 000 'patates'). Le total de 30 millions de dollars (~ 18 000 'patates') qu'ils espèrent obtenir représenterait la plus grosse somme jamais obtenue en compensation d'une mort d'origine criminelle. Il est impossible de dire si l'intégralité d'une somme aussi considérable pourra jamais être récupérée.
Quelques jours après ces savants calculs permettant d'aboutir aux compensations pour la mort de l'agent commercial, un autre avocat, Alan L. Fuchsberg, procédait à l'estimation similaire dans le cas d'un autre homme, mort, lui aussi, dans les attentats du 11 septembre.
Il avait quarante-deux ans et son travail d'employé d'une firme financière sise au World Trade Center lui valait un salaire de 54 000 dollars (par an) (~ 2,7 'patates').
Maître Fuchsberg pense que le cas de cet employé pourrait se solder par une compensation substantielle pour douleurs physiques et morales. Le bureau où il travaillait était situé au quatre-vingt-dixième étage de la seconde tour frappée (la tour sud), or des annonces avaient été prodiguées incitant les gens à regagner leurs bureaux (pour bosser ? NdT) tandis que la première tour était en flammes...
L'employé, nous dit Maître Fuchsberg, aurait eu largement le temps de comprendre la situation dans laquelle il se trouvait. "De toute évidence", nous dit l'homme de loi, "la fumée a envahi de plus en plus le bureau où se trouvait la victime, la température devenant insupportable, (jusqu'à ce que mort s'ensuive)".
Mais M. Fuchsberg nous a dit avoir prévenu le père de l'employé de s'attendre à ne recevoir qu'une compensation relativement modeste en matière de dommages économiques, en particulier s'il devait s'avérer difficile d'apporter la preuve que l'employé, célibataire, apportait une aide financière substantielle à ses parents âgés. M. Fuchsberg nous a indiqué que certaines réclamations, pour des personnes seules sans descendants, pourraient aboutir à des compensations aussi modiques que 100 000 dollars (~ 60 patates).
Le père de l'employé décédé, qui a demandé à conserver l'anonymat, nous a dit qu'il était stupéfait de voir l'importance prise par les revenus d'une victime dans les comptes d'apothicaire des juristes. "La valeur d'une vie humaine ne peut certainement pas être évaluée en fonction de revenus", nous dit-il, la voix brisée. "C'est de MON FILS, dont on est en train de parler". 10. Israël continue de torturer malgré l'interdiction de la Cour suprême, selon des mouvements des droits de l'homme
Dépêche de l'agence Associated Press du dimanche 11 novembre 2001, 16h24
JERUSALEM - Israël a recommencé à torturer de manière systématique des détenus palestiniens bien que la Cour suprême de l'Etat hébreu ait interdit cette pratique il y a deux ans, ont annoncé dimanche trois mouvements des droits de l'homme dans un communiqué commun.
Le document cite des déclarations écrites sous serment de détenus, dont celle d'un jeune homme de 16 ans affirmant qu'il a été jeté dans de l'eau glaciale, contraint de porter une poutre en bois alors qu'il avait des menottes aux poignets, puis battu.
L'Etat hébreu affirme qu'il est toujours interdit de torturer et que les abus qui auraient été commis font l'objet d'une enquête. Israël a reconnu que parfois, les forces de sécurité ont besoin d'obtenir rapidement des informations de suspects susceptibles d'être au courant d'attentats imminents.
Le communiqué commun dénonçant la pratique de la torture a été signé par le Comité public contre la torture en Israël, le mouvement palestinien LAW et l'Organisation mondiale contre la torture, basée en Suisse. Ces mouvements affirment que la décision de la Cour suprême, adoptée en septembre 1999, a été régulièrement violée, et particulièrement depuis la reprise des combats entre Israéliens et Palestiniens il y a un peu plus d'un an.

11. Afghanistan et question palestinienne au sommet de la femme arabe
Dépêche de l'Agence France Presse du dimanche 11 novembre 2001, 16h16
LE CAIRE - L'Afghanistan et la question palestinienne ont dominé dimanche l'ouverture du sommet extraordinaire de la femme arabe, plusieurs premières dames dénonçant l'occupation israélienne des territoires palestiniens et soulignant le droit des Afghans à la paix.
"C'est la femme qui paie le prix de la violence et du terrorisme", a affirmé Mme Suzanne Moubarak, épouse du président égyptien Hosni Moubarak, lors d'une allocution d'ouverture du sommet, qui rassemble des représentantes des 22 membres de la Ligue arabe.
"Le monde est aujourd'hui menacé par des tentatives de divisions et de classifications, phénomènes qui soulèvent l'inquiétude et conduisent à des conflits artificiels", a-t-elle poursuivi.
Dans une allusion aux accusations portées contre l'islam à la suite des attentats du 11 septembre, elle a souligné que "la relation entre les civilisations est fondée sur le rapprochement, la cordialité et la coopération et non sur les conflits et l'échange de soupçons".
Mme Moubarak a été chaudement applaudie lorsqu'elle a réclamé que les femmes arabes fassent entendre leur voix pour "un Etat palestinien indépendant et la fin de la violence dans les territoires occupés".
La reine Rania de Jordanie a estimé que "les Arabes et les musulmans faisaient face à une campagne de dénigrement de l'islam et de la civilisation arabe, à travers ceux qui prétendent représenter l'islam et en présentent une image répugnante", faisant référence au terroriste présumé Oussama Ben Laden.
La reine Rania, qui est d'origine palestinienne, a appelé les femmes arabes à "adresser un message au monde affirmant le droit des enfants de Palestine à obtenir une identité et une patrie où ils ne seront pas soumis à la violence et à la menace". Elle a aussi souligné "le droit des enfants d'Afghanistan à une patrie stable qui n'est pas déchirée par les conflits".
Fatima al-Béchir, épouse du président soudanais Omar al-Béchir, Leila Ben Ali, épouse du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, Souha Arafat, épouse du président palestinien Yasser Arafat, Sabika, épouse de l'émir de Bahrein, cheikh Hamad ben Issa al-Khalifa et cheikha Latifa, épouse du prince héritier koweitien Saad al-Abdallah al-Sabah, assistent également à ces travaux. 12. Israël : Les limites de la démocratie...sur le site de Courrier International le samedi 10 novembre 2001Le Parlement israélien, la Knesset, a levé l'immunité du député arabe Azmi Bichara, rendant ainsi possible sa traduction en justice. Son crime ? Avoir tenu des déclarations politiques. Une sanction sans précédent en Israël...
Azmi Bichara, 45 ans, universitaire chrétien originaire de Galilée, siège à la Knesset depuis son élection, en 1996, sur la liste communiste puis sur celle du parti arabe nationaliste Balad (Pays) dont il est l'unique député. Le vote sanction adopté par la Knesset à son encontre ouvre la voie à deux inculpations, et donc à deux procès, l'un à Jérusalem et l'autre à Nazareth.
Soixante et une voix contre 30 pour son inculpation pour "incitation à la violence contre Israël et soutien à une organisation terroriste", rapportent les deux quotidiens israéliens "The Jerusalem Post" et "Ha'Aretz". Cette accusation est fondée sur les propos tenus par Bichara en Syrie le 10 juin dernier lors d'une cérémonie marquant le premier anniversaire de la mort du président syrien Hafez el-Assad. Azmi Bichara avait estimé que le Premier ministre Ariel Sharon essayait de plonger la région dans la guerre et que les Arabes devraient choisir "le chemin de la résistance pour que les Palestiniens puissent continuer leur lutte". A Damas, Bichara a tenu ces propos en présence de dirigeants arabes et du Cheikh Hassan Nasrallah, chef spirituel du Hezbollah libanais. Pour cette accusation, il risque une sentence allant jusqu'à trois ans de prison.
Un précédent dangereux
Dans un vote séparé, le Parlement a également levé l'immunité du député arabe, par 65 voix contre 24, pour l'organisation "illégale de voyages de quelque 800 Arabes israéliens en Syrie. Ces voyages étaient essentiellement destinés à des rencontres familiales", précise le "Post". La sentence pour ce deuxième chef d'inculpation peut lui valoir jusqu'à un an de prison.
Au cours de la session de la Knesset, quelques voix israéliennes se sont levées pour dénoncer cette décision, rapportent les deux quotidiens israéliens. Ainsi le député travailliste Yossi Katz a-t-il assimilé ce vote à "un précédent dangereux qui risque en fin de compte de porter atteinte à la liberté d'expression. Le résultat, c'est qu'il y a 119 députés perdants sur 120, et un seul gagnant, Azmi Bichara, qui fera figure de héros ou de martyr." De même, Yossi Sarid, leader du Meretz (opposition de gauche), tout en qualifiant les propos de Bichara de "méprisables et difficilement tolérables", a estimé qu'il était "disproportionné de le transformer en héros pour tous les ennemis d'Israël. Les propos de Bichara sont voués à l'oubli, mais son procès fera date."
Une question troublante
Pour Bichara, qui a rejeté catégoriquement les accusations le soupçonnant d'incitation à la violence, "le fait d'être traîné devant les tribunaux, devant deux cours différentes, sera une excellente occasion d'expliquer aux Israéliens la différence entre résistance et terrorisme". Il considère la levée de son immunité parlementaire comme "le début d'une campagne pour limiter les droits des Arabes d'Israël". En relevant que le rabbin Ovadia Yossef, chef spirituel du parti d'extrême droite Shas, était l'instigateur du vote de la Knesset, Bichara a ironisé : "Ce sont ceux-là les grands démocrates qui voudraient me mettre hors la loi ? Il n'y a pas de démocratie ici. Inutile de vous faire des illusions."
"C'est la première fois que l'immunité d'un député est levée à la suite de propos qu'il a tenus", constate "Ha'Aretz". Naturellement, la question est de "savoir si cette pratique sera reconduite à l'encontre d'un autre député. C'est une question troublante", reconnaît le journal. Mais il serait difficile de se plaindre du vote majoritaire de la Knesset. "Les discours de Bichara, et notamment les lieux qu'il a choisis pour les formuler, soulèvent des doutes sur le serment qu'il a prêté en tant que député et qui engage sa loyauté à l'égard de l'Etat d'Israël."
Le "Post" s'arrête aussi sur la même "question troublante et problématique". En réponse, il estime que "la Knesset a pris la bonne décision". C'est grâce à la démocratie israélienne que "Bichara peut siéger au Parlement d'un Etat tout en rejetant ses principes fondateurs et en soutenant ses ennemis". Le vote du Parlement a démontré que "les démocraties ont besoin de se protéger. Il est clair que Bichara a dépassé les limites de la liberté d'expression." 13. Les États-Unis prêts à boycotter la conférence de Genève sur les Territoires par Aluf Bennin Ha'aretz (quotidien israélien) du samedi 10 novembre 2001[traduit de l'anglais par Annie Coussemant]Selon des diplomates qui se sont exprimés jeudi dernier, Israël et les États-Unis semblent avoir l'intention de boycotter une conférence des signataires de la IVe Convention de Genève qui doit se tenir le mois prochain sur le thème de l'affirmation des droits des civils palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza.Dans une déclaration, la mission diplomatique israélienne de Genève a rejeté l'idée de cette réunion, la qualifiant de prétexte pour abuser du droit humanitaire et " d'outil émoussé pour mener des attaques politiques " à l'encontre d'Israël.Selon Israël, la conférence que la Suisse projetait d'organiser le 5 décembre à Genève aurait également pour effet " d'hypothéquer les efforts de paix au Proche Orient ".Cédant à la pression internationale dirigée par les pays arabes, la Suisse entend réunir les signataires de la IVe Convention de Genève qui régit le comportement des puissances occupantes à l'égard des civils des pays occupés, et a déjà préparé un projet de résolution critiquant la conduite d'Israël dans les Territoires.Depuis la Guerre des Six jours de 1967, Israël prétend que les Conventions de Genève ne s'appliquent pas aux Territoires.L'initiative d'organiser cette conférence, prévue pour le 5 décembre, avait été évoquée pour la première fois sous l'administration Netanyahou. Une première conférence s'était réunie il y a deux ans mais, sous la pression des États-Unis, elle avait été ajournée au bout de 20 minutes.En raison de l'Intifadha et de la violence du conflit avec les Palestiniens, cette initiative a refait surface. La Suisse a préparé, en coordination avec l'Union européenne, un projet d'invitation. Il est considéré que les États-Unis désapprouvent cette initiative et qu'ils ont déclaré ne pas y prendre part. En dépit des nombreuses résolutions des Nations unies appelant Israël à se conformer à la IVe Convention en sa qualité de puissance occupante, Israël refuse de reconnaître que ladite Convention s'applique à la Cisjordanie et à Gaza.Le projet de résolution marque une préoccupation face à " l'aggravation de la situation humanitaire dans les Territoires, dont Jérusalem Est ", mentionne " le caractère illégal des colonies ", appelle à la cessation immédiate des graves violations de la Convention dont " les assassinats, la torture, la déportation et la démolition des maisons " et appelle les deux Parties à placer des observateurs internationaux dans les Territoires. Mais, étant donné que la résolution concernant les observateurs doit être agréée par les deux Parties, Israël dispose en fait d'un droit de veto.Le Directeur général adjoint au ministère des Affaires étrangères chargé des relations avec les organisations internationales, Mordechaï Yedid, a donné aux légations israéliennes à l'étranger des directives en vertu desquelles celles-ci doivent exercer des pressions contre l'application de la Convention ainsi que contre le projet de résolution préparé par les Suisses. Selon les directives de ce ministère,, la conférence a pour objet de traduire Israël devant un " tribunal international " sur la base de rapports unilatéraux, faisant totalement abstraction de la responsabilité du Président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, dans la vague de terreur incessante menaçant Israël. 14. Chomsky critique le "deux poids, deux mesures" américain en matière de terrorisme
in Tehran Times (quotidien iranien) du mardi 6 novembre 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
(Créé en 1979, Tehran Times est un quotidien publié à Téhéran. http://www.tehrantimes.com)
Noam Chomsky, professeur au célèbre MIT (Massachusetts Institute of Technology) a lancé une attaque remarquée contre le 'deux poids, deux mesures' américain en matière de terrorisme.
D'après The Statesman, quotidien en anglais publié à New Delhi, Chomsky, de son ton critique figurant parmi les plus éloquents dans le paysage intellectuel américain, a qualifié les attaques américaines en Afghanistan de 'génocide silencieux' affectant des millions de civils innocents. 'Ces gens-là ne sont pas des Taliban', a-t-il dit, devant une salle bondée de monde, au cours de la Cinquième Conférence commémorative en l'honneur de D.T. Lakdawala, intitulée 'Et si nous jetions un coup d'oeil dans les abysses du futur ?', qui a attiré plusieurs ministres du gouvernement indien, des diplomates et des membres de l'université. Cette conférence d'une durée de soixante-dix minutes a été donnée par Noam Chomsky à l'auditorium Ficci, à New Delhi.
'N'est qualifié de terrorisme que celui qui est dirigé contre les Etats-Unis, leurs amis et alliés', a déclaré Chomsky, avant d'exposer une série de statistiques mettant en évidence la misère du peuple afghan et les politiques néo-impérialistes des Etats-Unis au fil des décennies.
'Pour la première fois dans l'histoire moderne, l'Europe et ses rejetons (américains) sont des cibles, et non plus les auteurs de crimes horrifiants. Les Européens ont passé des siècles entiers à s'étriper mutuellement, mais ils n'avaient jamais été attaqués par leurs propres victimes', a résumé le célèbre linguiste.
Sept millions d'Afghans sont menacés de famine. L'année prochaine, les ressources vivrières ne pourront nourrir qu'un cinquième de la population, environ, les bombardements américains ayant interrompu les semailles. 'Mais les Américains conscients du calvaire du peuple afghan représentent à peine un pour cent de la population américaine', a-t-il dit, ses propos ayant été repris par l'agence indienne de presse (IRNA).
Chomsky, qui donnait ainsi, à New Delhi, le coup d'envoi d'une tournée de conférences d'une quinzaine de jours dans le sous-continent indien, tournée qui l'amènera aussi au Pakistan, a mis en évidence le recours par les Etats-Unis à la force militaire brutale et à leur super-puissance économique à l'encontre des peuples indigènes dans diverses parties du monde, en particulier, en Amérique centrale.
'Seulement durant le règne de Ronald Reagan, les terroristes sponsorisés par les Etats-Unis ont laissé derrière eux, en Amérique centrale, des centaines de milliers de corps torturés et mutilés, des millions d'invalides et d'orphelins, et quatre pays réduits à l'état de ruines', a-t-il rappelé.
Par ailleurs, deux grands muftis de Russie ont critiqué la campagne militaire américaine en Afghanistan, l'un d'entre eux qualifiant le soutien de la Russie à cette action de 'menace contre l'intégrité du pays'.
Nafigulla Ashirov, qui préside à la communauté musulmane des régions asiatiques de la Fédération de Russie, a fustigé le soutien de Moscou à Washington, tandis que Talgat Tadzhuddin, chef spirituel de la communauté musulmane de la Russie d'Europe a mis en garde contre le fait qu'une poursuite des bombardements américains en Afghanistan durant le mois de ramadan constituerait un sacrilège.
'La Russie a fait un pas qui scellera son sort', a dit Ashirov à des journalistes, faisant allusion à l'éclatement de l'URSS et de la Yougoslavie.
Tadzhuddin, pour sa part, a appelé à une pause des bombardements américains en Afghanistan durant le mois de Ramadan : 'Les civils ne doivent pas être victimes d'une campagne anti-terroriste', a déclaré le mufti Tadzhuddin à l'agence (russe) Interfax, déplorant le nombre élevé de victimes civiles causées par les bombardements, lancés il y a environ un mois (et ininterrompus depuis lors).
Notons par ailleurs que l'UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l'enfance) a alerté sur le fait que les vies de centaines de milliers d'enfants afghans étaient en danger si une aide humanitaire ne leur était pas apportée d'urgence.
Le régime taliban d'Afghanistan a indiqué hier, lundi 5 novembre, que 95 soldats américains avaient été tués depuis le début de la campagne militaire sous direction américaine, il y a un mois.
'Le nombre des soldats américains tués a atteint à cette date environ 95', a indiqué l'ambassade talibane au Pakistan.
Ce communiqué des Taliban exprimait le regret que les corps des soldats américains tués n'aient pas pu être remis à leurs familles, en rejetant la responsabilité sur les Etats-Unis qui nient les incidents durant lesquels ces soldats auraient été tués.
En particulier, ce communiqué citait un incident au cours duquel les Taliban ont affirmé avoir abattu deux hélicoptères militaires américains, le vendredi 2 novembre, entraînant la mort d'un certain nombre d'hommes de l'armée américaine. 15. "Je trouve que la presse israélienne est devenue unilatérale" Interview de Aviv Lavie réalisée par Serge Dumont
in Le Soir du lundi 5 novembre 2001
[Aviv Lavie est un journaliste israélien du quotidien Ha'aretz, spécialiste des médias.]
- En tant que spécialiste des médias israéliens au quotidien de centre-gauche Ha'aretz, vous dénoncez régulièrement la manière dont vos collègues relatent l'évolution de l'Intifada palestinienne ainsi que les opérations menées par Tsahal (l'armée). Contrairement à ce qui se passe dans l'Autorité palestinienne, la presse écrite et audiovisuelle de l'Etat hébreu jouit d'une grande liberté de ton et elle ne se prive jamais de critiquer les gouvernements en place ainsi que l'establishment militaire. Que lui reprochez-vous donc exactement ?- Si l'on compare notre presse à celle des pays voisins, il est tout à fait exact que nous bénéficions ici de la plus grande liberté de parole et d'écriture, mais ce n'est pas le problème. En fait, ces dernières semaines, plusieurs de mes articles ont déclenché la polémique parce que j'accuse les journalistes israéliens de ne pas travailler avec objectivité. Ou du moins, de ne pas tenter d'être les plus objectifs possibles. Certes, nous sommes un pays en guerre et les journalistes sont avant tout des être humains, comme nous pouvons le voir aux Etats-Unis où la presse s'est clairement mobilisée en faveur de la guerre en Afghanistan.
Cependant; en Israël, je trouve que la presse est devenue unilatérale alors qu'elle a les moyens de ne pas l'être en raison, précisément, de la grande liberté dont elle bénéficie. Chez nous, quoi qu'il arrive, on " oublie " toujours de donner le point de vue " d'en face ". C'est-à-dire des Palestiniens. Cela ne signifie pas pour autant que nous devons leur donner raison ou nous transformer en tribune de propagande palestinienne mais il me paraît normal qu'une presse démocratique publie les avis des deux camps, ce n'est malheureusement pas le cas actuellement.- Dans un article publié le 29 octobre et qui a suscité des polémiques en Israël ainsi qu'à l'étranger, vous avez notamment dénoncé le "traitement unilatéral" par vos collègues du bouclage du village de Beit Rima au cours duquel plusieurs personnes soupçonnées d'être impliquées dans l'assassinat du ministre du Tourisme Rehavam Zeevi ont été tuées ou arrêtées. Pourquoi une prise de position aussi radicale alors que vous savez comme tous les journalistes israéliens qu'il existe ici un censeur militaire ?- Ce que je vais vous dire paraîtra sans doute paradoxal à ceux des lecteurs belges qui n'ont jamais connu la guerre mais la censure militaire n'est pas un problème pour les journalistes israéliens Car ceux-ci comprennent tous - et moi aussi - que des secrets militaires ne peuvent évidemment pas être révélés durant un conflit. Ce qui ne va pas en revanche c'est cette manière de présenter les choses selon laquelle tous les Palestiniens tués sont des " terroristes " et tous ceux qui ont été liquidés étaient " en route pour commettre un attentat ".
Bien sûr, à Bruxelles, vos lecteurs ne peuvent pas suivre ce qui s'écrit et se dit en hébreu à Tel-Aviv mais, en substance, on y présente toujours l'Autorité palestinienne comme coupable de ce qui s'est passé, se passe, et se passera. Grosso modo, le message relayé par mes collègues est le suivant : les Palestiniens veulent la guerre et nous la paix, les Israéliens sont les victimes et les Palestiniens sont les agresseurs. Nous sommes les bons et eux sont les mauvais. Soit, mais ce qui me semble grave, c'est que personne dans les milieux dits " informés " ne se pose la moindre question en entendant tout cela.- En cette période d'Intifada, les chroniqueurs militaires font la pluie et le beau temps à la radio, à la télévision et dans les principaux quotidiens. Sont-ils fiables ?- Ces personnes répercutent en Israël à l'étranger les informations qu'ils reçoivent en droite ligne de l'état-major de Tsahal ainsi que du Shabak (la Sûreté générale), voire d'autres services spéciaux s'ils y ont des introductions. Ils font cela très bien et avec compétence même s'ils émettent peu de doutes - et encore moins de critiques - sur le contenu de ce qui leur est raconté. En somme, les chroniqueurs militaires, qui bénéficient d'une influence importante en Israël, répercutent les analyses faites par l'establishment sécuritaire. C'est légitime, c'est important, et c'est nécessaire. Seulement, à côté de cela, il faudrait qu'un " spécialiste des affaires palestiniennes " puisse donner aux lecteurs et aux auditeurs la version des faits vue d'en face.- Pendant longtemps, vous sembliez plutôt isolé dans le monde médiatique israélien mais Daniel Dor, l'un de vos collègues, vient de publier une étude intitulée " Une presse sous influence " (éditions Babel, Tel-Aviv) dans laquelle il démontre que le contenu des journaux de l'Etat hébreu est finalement identique et unilatéral en ce qui concerne leur manière de voir l'Intifada...- C'est un livre très important et qui n'existe malheureusement pas en français mais si certains de vos lecteurs lisent l'hébreu, ils y trouveront - preuves à l'appui (des reproduction d'articles publiés dans les trois grands quotidiens israéliens, NDLR) - des faits édifiants sur le fonctionnement de la presse israélienne. Cela ne veut pas dire qu'elle n'est pas démocratique : ses sources d'informations et ses capacités critiques sont souvent limitées, ce qui ne me semble pas normal. 16. Trois questions à Saleh Abdel Jawad propos recueillis par Gilles Paris
in Le Monde du samedi 3 novembre 2001
- Vous enseignez les sciences politiques à l'université palestinienne de bir zeit et vous allez publier au jerusalem media and communication center une étude consacrée aux assassinats extrajudiciaires perpétrés par les israéliens depuis le début de la deuxième intifada, est-ce un phénomène nouveau ?- Non, il faut rappeler que le recours à l'assassinat est une pratique très ancienne dans le mouvement sioniste, puis dans l'histoire d'Israël.
Si on se réfère aux années 1970, par exemple, la tactique israélienne a toujours été de s'en prendre aux responsables les plus élevés de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et de lier ces assassinats à un attentat marquant, notamment la prise d'otages de Munich, même si un article publié dans le quotidien israélien Yedioth Aharonoth, le 27 juillet, montrait que sur treize grands responsables palestiniens assassinés, officiellement en relation avec Munich, un seul y avait été effectivement mêlé. Pour toute la période de la première Intifada -de 1987 à 1993-, on peut estimer qu'il y a eu au moins cent vingt assassinats. Pour la deuxième Intifada, j'ai arrêté mon étude le 15 août, et j'en avais déjà recensé soixante-deux.- Qu'est-ce qui caractérise ces dernières exécutions ?- Il y a d'une part le nombre élevé de victimes collatérales. Sur les soixante-deux personnes tuées, trente-cinq étaient véritablement visées, les autres ont été tuées parce qu'elles se trouvaient là. A Bethléem, le 9 novembre 2000, date du premier assassinat, deux femmes sont tuées parce qu'elles se trouvent non loin de la voiture de Hussein Abayat. A Naplouse, en mai, des gardiens de la prison meurent alors que la cible, un détenu, parvient à s'échapper. D'autre part, ce qui frappe, c'est les moyens extrêmement perfectionnés utilisés par l'armée israélienne, les missiles, les hélicoptères, les drones, pour tuer à distance, avec en plus un réseau très important d'informateurs. Ces assassinats sont plus pratiqués en Cisjordanie qu'à Gaza parce que la configuration des lieux, les poches que sont les zones d'autonomie, s'y prête beaucoup plus.- Quels sont selon vous les objectifs des Israéliens ?- Les mêmes objectifs qu'autrefois : la revanche, l'élimination d'opposants, mais s'y ajoute aujourd'hui un sens de la provocation. C'est ainsi que l'armée israélienne a frappé à plusieurs reprises des responsables militaires puis politiques du Hamas, en juillet, comme pour le pousser à la faute et justifier une escalade ultérieure. Enfin, les assassinats extrajudiciaires sont devenus un élément de la politique intérieure israélienne, comme a pu le faire récemment le premier ministre, Ariel Sharon, pour contrer les critiques de son rival, Benyamin Nétanyahou. 17. Refus européen de financement des livres scolaires palestiniens par Herb Keinon
in The Jerusalem Post (quotidien israélien) du vendredi 2 novembre 2001
[traduit de l'anglais par Mimi Tal]
Un groupe de parlementaires européens pro israéliens ont cette semaine ajouté une clause additionnelle à la ligne budgétaire de l'Union Européenne disant que l'argent européen ne doit pas financer les livres scolaires palestiniens s'ils contiennent des éléments d'antisémitisme ou d'incitation a la haine.
Emmanuel Nahshon porte parole du ministère des affaires étrangères a affirmé que c'est l'une des plus importantes victoires dans la bataille contre le financement des livres scolaires palestiniens contenant des incitations à l'encontre d'Israël.
La ligne budgétaire, B7-42, accorde quelques 45 millions d'euros pour des programmes pour la promotion de la paix au Proche-Orient, argent qui par le passé a été utilisé pour financer des livres scolaires palestiniens ainsi que d'autres activités éducationnelles de l'Autorité palestinienne.
L'amendement à cette ligne budgétaire indique que cet argent ne doit pas être utilisé "pour des activités, projets, programmes promouvant des principes ou opinions qui ne sont pas en accord avec les valeurs de base de l'Union Européenne. A l'opposé cet argent doit seulement servir a des projets aidant à la promotion de la paix, la compréhension, la réconciliation et la diminution de la haine".
Dans une note explicative accompagnant cette clause additionnelle, il est écrit qu'il est interdit a l'Union Européenne de financer des livres scolaires contenant des écrits racistes et antisémites, et que la Commission Européenne doit veiller à ce que cet argent ne soit pas utiliser a la publication de livres scolaires qui contredisent les valeurs de base de l'Europe.
Le Parlement Européen est le corps politique qui approuve l'important budget de l'Union Européenne ce qui lui confère un véritable pouvoir.
Nahshon a affirmé que le passage de cet amendement est "un petit pas mais une victoire morale" et espère que ceci servira de précèdent pour les autres pays européens qui financent l'appareil éducatif de l'autorité palestinienne via des relations bilatérales.
Nahshon a affirme que le passage de cet amendement est le résultat d'une intense activité diplomatique de la mission israélienne présente à Bruxelles auprès de l'Union Européenne et le travail d'un certains nombres de parlementaires européens décides a combattre l'incitation et l'antisémitisme des livres scolaires palestiniens. 18. Deux villages palestiniens accusent l'armée israélienne (IDF) d'empêcher leur approvisionnement en eau et en nourriture par Amira Hass
in Ha'aretz (quotidien israélien) du vendredi 2 novembre 2001
[traduit de l'anglais par Mimi Tal]
Des soldats de l'armée israélienne (IDF) ont empêché des camions citerne d'eau de pénétrer dans deux villages palestiniens près de Naplouse pendant 8 des 14 derniers jours a confié le maire d'un de ces villages a Ha'aretz. Des soldats de l'armée israélienne (IDF) ont empêché le ravitaillement en nourriture de ces villages, à cause des mesures de blocage plus sévères autour de Naplouse ces deux dernières semaines, a ajouté Ataf Hanani, maire de Beit Furik. Résultat, les deux villages, qui totalisent 11500 habitants (8000 à Beit Furik, et 3500 à Beit Dajan), souffrent maintenant d'une pénurie d'eau et de nourriture dit il.
Mercredi, l'Association pour les droits civils en Israël a envoyé un courrier urgent au Major Général Ytzhak Eitan du commandement central (GOC) ainsi qu'à son conseiller juridique, le Colonel Shlomo Politis, pour protester contre ces mesures qui empêchent l'approvisionnement en eau et en nourriture de ces villages. Aucun de ces deux villages n'est raccordé au réseau régional d'eau, c'est pourquoi des citernes d'eau doivent y être amenées, leurs habitants élèvent des animaux et cultivent leurs terre ( pendant l'hiver cette dépendance est quelque peu réduite car les puits locaux se remplissent d'eau de pluie).
La route qui relie les villages à Naplouse est également utilisée par les colons juifs, et depuis le début de la 2ème Intifada voilà plus d'un an, les soldats de l'armée israélienne (IDF) ont régulièrement appliqué de strictes restrictions à son utilisation par les voyageurs palestiniens. Les points de contrôle de l'armée israélienne (IDF) s'alignent sur la route, et l'entrée des villages est limitée aux résidents locaux. Seuls des marchands connus des soldats ont été autorisés a amener dans les villages leurs marchandises y compris de l'eau.
12 chauffeurs de camion apportent des réservoirs d'eau à Beit Furik, et 3 à Beit Dajan. L'un des chauffeurs de Beit Furik nous a dit qu'en temps ordinaire ils faisaient 4 a 6 livraisons par semaine. Le maire de Beit Furik a dit que pendant les 4 jours qui ont suivi l'assassinat du ministre du tourisme Rehavam Zeevi, une interdiction totale a frappé les convoyeurs d'eau. Les 3 jours suivants chaque convoyeur a été autorisé à effectuer une livraison d'eau. Les jours suivants se fut le même scénario habituel, de restreindre la circulation des camions puis d'alléger les restrictions.
Le porte parole de l'armée israélienne (IDF) n'a pas répondu aux questions posées à ce sujet. 

19. Libérer et responsabiliser les sociétés arabes par Pascal Fenaux
in La Revue Nouvelle (revue mensuelle belge) N°10 - Tome 114 - du mois d'octobre 2001
[Présentation de la revue : http://www.arsc.be/FrameSet.asp?FrameSet=RevueShow.asp?RevueID=41]
Bien plus encore que ses périphéries du Maghreb et d’Asie, l’Orient arabe est en crise. Cette crise profonde et sourde mobilise depuis des décennies des acteurs que, en Occident, on s’est toujours refusé à considérer comme tels, au mieux en les folklorisant, au pire en les criminalisant. La négation du champ politique arabe opérée par la plupart des régimes en place, et à laquelle Etats-Unis et Européens ont largement contribué, a préparé le terrain au drame du 11 septembre. Aujourd’hui, il s’agit de responsabiliser les sociétés arabes en reconnaissant leur historicité et en leur permettant de s’autonomiser et d’entamer un travail de contradiction et de débat.
Le carnage du 11 septembre a suscité des réactions très contrastées. Aux côtés du traumatisme et de l’empathie manifestés par une majorité des opinions occidentales envers les quelque 6.000 victimes des attaques, on a également relevé le développement d’un discours tendant à expliquer que, en l’état actuel des relations internationales, de la diplomatie américaine, de la logique capitaliste et du passé colonial non assumé de l’Europe occidentale, il était possible de, au minimum, comprendre ce qui avait bien pu pousser les jeunes kamikazes pirates de l’air à se jeter, avec leurs centaines d’otages, dans les feux de l’enfer.
Rapidement, les traditionnelles manifestations pacifistes se sont remises en branle, encouragées, il est vrai, par l’absence d’indices probants sur les commanditaires réels des attaques contre New York et Washington, ainsi que par un type de riposte américaine malheureusement trop prévisible à l’instant où ces lignes sont écrites. De même, les discours relatifs aux damnés de la Terre et au nécessaire redéploiement des politiques du développement dans les pays " du Sud " ont refait surface.
L’ennui, c’est que ces discours cachent parfois mal une certaine " satisfaction " ou " rassurance " quant au fait que l’hyper puissance américaine s’est révélée un colosse aux pieds d’argile, voire même expriment un antiaméricanisme que l’on ne pourrait en aucun cas qualifier de " primaire " tant ce serait faire insulte à l’extrême sophistication parfois déployée pour articuler ce langage. De même, ces discours pèchent par l’existence de trop de points aveugles, mais peut-être nécessaires pour refuser de considérer, fondamentalement, l’Autre comme un réel alter ego non seulement en humanité, mais aussi en cruauté.Des sociétés logiquement contradictoiresDans de nombreuses sphères de pensée et de militantisme, règne une incapacité, voire une répugnance, à accepter le crime de masse du 11 septembre dans son intentionnalité et dans l’altérité radicale et totalitaire que ses auteurs ont sans doute voulu exprimer. Cette incapacité peut être considérée comme un refus de considérer " le Sud ", " les Sud ", " le monde arabo-musulman ", " les sociétés arabes ", " les sociétés musulmanes ", parce que " dominées " et " exclues ", comme étant capables de développer en leur sein des réactions aussi radicales et effrayantes que ce que le Nord s’est montré à même de secréter durant tout le vingtième siècle. Tout se passe comme s’il n’était pas permis d’imaginer et de reconnaître que ces sociétés, travaillées par autant de contradictions que les nôtres, puissent développer des mouvements politiques fondant leur action sur des ressources culturelles porteuses, comme chez nous, d’une vision du monde ethnocentrée, religieusement centrée, fondée, peu ou prou, sur un sentiment de supériorité ou de défi et de déni envers un Occident qui, bien que laïcisé, n’en est pas moins forgé par deux mille ans de christianisme et n’en est pas moins perçu comme tel par la majorité des " arabo-musulmans ", que cette perception soit de l’ordre de la reconnaissance ou de l’hostilité.
Sur un antiaméricanisme parfois pénible par sa prévisibilité, est venu se greffer un type d’explication fondé sur une vision strictement socio-économique des rapports sociaux et internationaux. Or, le moins que l’on puisse dire, c’est que ce type d’explication, articulé sur l’éternel complot capitaliste et/ou américain et sur le sous-développement, a du mal à tenir la route. Pourquoi ? Parce que, au stade actuel des enquêtes du FBI et pour autant que l’on puisse s’y fier, les exécutants du massacre du 11 septembre ne correspondent pas vraiment au profil classique de " damnés de la terre ". Certes, rappelleront certains, les révoltes sociales et, a fortiori, les mouvements sociaux sont en général menés par des " classes montantes " frustrées dans leur ascension sociale et fondant leur légitimité sur l’exclusion et la domination vécues par les classes " populaires ".
L’ennui, c’est que cette façon de lire l’horreur semble parfois légitimer son déroulement. Surtout, elle ne permet en aucun cas de répondre à une question lancinante. Comment se fait-il que, Sentier lumineux mis à part, les sociétés latino-américaines (sans parler de certains Etats asiatiques et de la majeure partie des pays d’Afrique subsaharienne) n’ont jamais secrété de réactions aussi radicales dans leur manifestation d’altérité alors que, de l’économique au social en passant par le politique, elles sont en droit de nourrir à l’adresse des Etats-Unis et des institutions financières internationales une hostilité (c’est un euphémisme) bien plus violente que celle manifestée par de larges secteurs des opinions " arabo-musulmanes ". Les réponses à cette question extrêmement complexe sont multiples. Mais il faut reconnaître qu’elles renvoient bien souvent à des contradictions essentiellement propres aux sociétés arabo-musulmanes, aux conditions dans lesquelles ces dernières se sont constituées, aux conditions dans lesquelles elles organisent les dites contradictions (ou en sont empêchées) et aux modes d’accession et de maintien au pouvoir de leurs élites. Toutes choses dans lesquelles, bien souvent (mais pas toujours, cf. l’expérience avortée de Mossadegh en Iran), " l’Occident " n’a que des responsabilités partielles à assumer ou, pour être exact, a d’autres responsabilités à assumer que celles qu’on lui impute généralement.
Un intellectuel islamiste de la trempe de Tariq Ramadan ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Ce théoricien d’un islam politique, culturaliste, non violent et démocratique a rapidement appelé toutes les personnes se réclamant de la foi musulmane et tous les théologiens musulmans à ouvrir le débat sur les responsabilités et les causes du carnage du 11 septembre, sans se donner le luxe de pratiquer la politique de l’autruche. En effet, des déclarations du style " ces actes n’ont rien à voir avec l’islam " ou " les auteurs des attentats ne sont pas de vrais musulmans ", si elles expriment souvent la volonté légitime de se dédouaner de l’horreur et de lutter contres les amalgames entre islam, islamismes, lutte armée et terrorisme, n’en ont pas moins pour conséquence d’exclure les auteurs de l’attaque hors de la communauté et, partant, de s’éviter tout débat. Or, s’il est un fait qui pose question, c’est que les pirates kamikazes du 11 septembre ont inscrit leur acte dans la logique d’un exercice très particulier de la foi musulmane.L’alibi du deus ex machinaDe même, la tentation d’exclure les auteurs et les commanditaires des attaques du 11 septembre de la communauté des croyants fait écho à une autre tentation, partagée par nombre d’intellectuels européens et nombre d’Arabes : dénier toute capacité (voir intentionnalité) de la part d’Arabes à exécuter pareil carnage. Ainsi, très rapidement, la rumeur s’est emparée des opinions arabes, pour qui, seul le Mossad israélien était capable d’orchestrer pareille opération. Opinion relayée allègrement par certains groupes de gauche pour qui, évidemment, c’est forcément la CIA qui a orchestré ou laissé faire le carnage. L’Amérique, maître omnipotent et omniscient, se serait ainsi fourni l’alibi massif d’une réorganisation géopolitique martiale du Moyen-Orient et de l’Asie centrale. Il ne devrait pas être nécessaire de démonter les contradictions internes de tels discours paranoïaques ou irresponsables où se côtoient une dénonciation des Etats-Unis coupables d’avoir " créé les Taliban " et " fait l’Arabie saoudite ", et le " constat " d’une opposition islamiste parlant au nom des damnés de la terre.
Ce qui est dramatique dans cette façon de lire l’horreur, c’est qu’elle revient, consciemment ou pas, à déresponsabiliser les acteurs et à s’en remettre, in fine, à un deus ex machina, en l’occurrence, les Etats-Unis. L’idée ici n’est absolument pas de nier les responsabilités des grandes puissances et de l’hyper puissance américaine dans le développement ou la perpétuation de situations proprement scandaleuses dans diverses régions du globe, dont le Moyen-Orient. Ici, il s’agit plutôt de considérer les sociétés arabes et musulmanes comme des sociétés comme les autres, avec leurs contradictions, leurs conflits internes, leurs visions du monde, soit des sociétés capables d’historicité. Or, à suivre la logique d’une interprétation faisant des Etats-Unis l’alpha et l’oméga de nos heurs et malheurs, on en arrive à nier notre historicité et celle de nos partenaires et adversaires. Cette tendance a par ailleurs fini par prédominer au Moyen-Orient, où toutes les rumeurs et toutes les récriminations se portent la plupart du temps contre les Etats-Unis ou Israël, des acteurs politiques parfois très étrangers à des problèmes proprement internes.
Cette tendance, souvent très tiers-mondiste, à déresponsabiliser des sociétés entières pour n’y voir que des objets ou des sujets de l’impérialisme américain, s’était déjà illustrée lorsqu’il s’était agi d’interpréter l’apparition et le développement de mouvements politiques se réclamant de l’Islam, au Maghreb particulièrement. A droite, on ne voyait dans les mouvements islamistes que des résurgences pathologiques d’un passé appelé à s’évanouir ou des menaces strictement orientées contre les Etats occidentaux et leurs intérêts dans la région. A gauche, les mouvements islamistes ne pouvaient être que des jouets aux mains de l’Arabie saoudite, soldat discipliné des Etats-Unis. Il suffisait que l’on découvre que le FIS algérien ait, un temps, bénéficié des largesses saoudiennes pour que ce mouvement ne soit plus considéré que comme une baudruche qu’un simple coup de canif suffirait à dégonfler. Nombre de démocrates algériens autoproclamés et compagnons de route de la junte militaire ne nous expliquaient-ils pas que les malheurs de l’Algérie avaient commencé avec l’accueil fait par Boumediene à des professeurs égyptiens d’obédience islamiste chassés par Nasser et Sadate ? Le malheur, c’est toujours à cause des autres.Mise à distanceL’ennui, c’est que cette façon commode de voir les choses a eu pour effet que les mouvements islamistes, quels qu’ils fussent et quels que fussent leurs programmes et méthodes, n’ont jamais été considérés comme des acteurs politiques mais comme des jouets ou des rassemblements de criminels, toutes choses " n’ayant rien à voir avec l’Islam ". Ce qui gênait nombre de " belles âmes ", c’était, comme s’ingénie encore à le rappeler (non sans provocations et généralisations) l’islamologue François Burgat, que ces mouvements exprimaient dans de nombreux cas le désir de classes moyennes éduquées d’accéder au pouvoir en mobilisant leurs ressources culturelles, des ressources rejetées ou simplement instrumentalisées ou folklorisées par les pouvoirs en place, quelles que fussent les identités politiques proclamées de ces derniers. Surtout, ces mouvements islamistes, qu’ils soient violents ou non, démocratiques ou non, ultra conservateurs ou non, exprimaient également une volonté explicite de mettre " l’Occident " à distance. Longtemps fascinés par l’expérience du Japon de la fin du dix-neuvième siècle, les principaux idéologues islamistes rêvaient d’un monde arabe et/ou musulman en phase avec la modernité technologique et politique de l’Occident, mais sans trahison aucune sur les fondements de ce qu’ils estimaient être leur identité collective.
Certes, nombre d’islamistes menaient leur action politique en se fondant sur les valeurs de solidarité contenues dans le corpus islamique et en dénonçant la tyrannie de régimes corrompus et inféodés. Mais, le discours majeur des islamismes, c’était qu’il était possible de se développer sans recourir à quoi que ce soit de notre ingénierie laïque, républicaine, développementaliste et bien pensante. Ce refus proclamé et fier d’être " des nôtres " ne pouvait évidemment susciter que l’aversion immédiate d’intellectuels européens pourtant moins regardants à l’égard d’autres " indigénismes ". C’est pourquoi des mouvements islamistes, certes souvent conservateurs mais pas systématiquement violents et meurtriers, ont pu, dans une indifférence totale, être réprimés et, au nom de nos peurs (peut-être héritées des Croisades), servir de prétextes à la liquidation de toutes les autres oppositions internes par des régimes dictatoriaux heureux de se trouver une nouvelle raison sociale aux yeux des Occidentaux, surtout depuis la fin de la guerre froide. La Tunisie a pu rester une terre de vacances tout en laminant son champ politique. La Syrie, longtemps infréquentable pour cause de " soutien au terrorisme " et d’hostilité radicale à Israël, a ainsi pu massacrer quelque 30.000 de ses citoyens dans l’indifférence générale, au printemps 1982, quelques mois avant l’invasion israélienne du Liban…
Hier, notre raison laïque et notre conviction démocratique nous interdisaient de reconnaître les mouvements islamistes comme des acteurs politiques issus de sociétés pleinement historiques. Notre sentiment de supériorité nous interdisait d’admettre que ces mouvements aient le culot de vouloir nous mettre à distance : ces Arabes devaient comprendre qu’ils n’accéderaient à " notre " universel qu’en réprimant " leur " particulier. C’est au nom de ce refus ou de cette cécité que nous avons permis à des régimes indéfendables (mais tellement " laïques ") de " vitrifier " leurs oppositions structurées et de transformer leurs segments les plus radicaux en meutes incontrôlables, parce que privées de toute médiation. Aujourd’hui, dans le même registre, nombre de " belles âmes " refusent d’admettre que le carnage du 11 septembre ait pu être spontanément et en toute indépendance planifié par des acteurs arabes et que ces acteurs aient pu se jouer de la CIA pour tenter d’entraîner les Etats-Unis et l’Union européenne dans une guerre totale au Moyen-Orient, préalable à la déstabilisation des régimes en place.Une crise profondeLe monde arabe, et particulièrement l’Orient arabe, est en crise depuis plusieurs siècles. Cette crise a des répercussions sur l’ensemble du monde musulman dont il constitue, pour des raisons historiques et religieuses, l’épicentre, bien que démographiquement minoritaire. Héritier d’une culture fondée sur la conviction profonde (logique et légitime) d’être dépositaire du dernier monothéisme prosélyte et de la dernière Révélation, l’Orient arabe est entré dans une profonde crise quand, simultanément à la fin de la Reconquista, la majeure partie de son territoire a été assujetti à l’Empire ottoman, un empire dont les dirigeants étaient majoritairement turcs et les élites persanes. Le déclin politique de l’Orient arabe s’est renforcé avec la décomposition de l’Empire ottoman au tournant des dix-neuvième et vingtième siècles, une décomposition achevée par la partition de la péninsule arabique en une série d’Etats satellites de la France et de la Grande-Bretagne, des Etats aux légitimités initiales parfois plus que douteuses. Le soutien apporté par les puissances européennes, puis par les Etats-Unis, à la création de l’Etat d’Israël en Palestine (et dans des conditions tragiques) a achevé de convaincre de larges secteurs au sein des opinions arabes de l’existence d’un complot des deux monothéismes contre le troisième sur le plan religieux, de l’Occident contre le monde arabe sur le plan politique.
La conscience d’être les dépositaires d’une culture de valeur égale voire supérieure à la culture chrétienne occidentale habite nombre d’Arabes musulmans (conscience logique et dont, pour notre part, nous ne sommes pas en reste). Cette conscience s’est longtemps doublée d’une profonde fascination pour les développements technologiques et politiques des Etats occidentaux. Ce double mouvement d’adhésion et de mise à distance a d’abord été porté par les intellectuels de la Nahda (Renaissance), des intellectuels revendiquant l’indépendance de l’Orient arabe sous la forme d’un seul Etat-nation sur l’ensemble de la péninsule arabique et du Croissant fertile. Déjà, ce projet de modernisation " à l’occidentale " fut parfois critiqué du fait que ses principaux promoteurs étaient issus des minorités confessionnelles arabes non musulmanes (chrétiens, juifs, druzes, etc.). Mise à mal par l’accession de régimes ultra nationalistes ou socialistes emportés dans la guerre froide et tentés d’imposer la " modernisation " par le haut au mépris des réalités sociales et culturelles, cette tentative de renouveau politique et culturel a également fait les frais d’un conflit israélo-palestinien qui a fini par fonctionner comme un alibi permanent à des coups d’Etat incessants ou au maintien d’états d’urgence par des dictatures qui n’en demandaient pas tant.
L’échec du panarabisme (et de son avatar, le " socialisme arabe ", d’inspiration largement européenne) et l’incapacité à reconquérir le terrain de l’affrontement symbolique précipitera le développement d’autres mouvements politiques, désormais structurés autour de l’identité musulmane d’une communauté transcendant les frontières et les régimes. Portés le plus souvent par des classes moyennes et des intellectuels exclus du champ politique, ces mouvements manifesteront la volonté de maîtriser les développements nationaux en s’arc-boutant sur les fondements les plus identitaires de leur culture : l’islam. Parfois instrumentalisés, ces mouvements seront le plus souvent sévèrement réprimés parce que, violents ou pas, ils menacent les oligarchies en place.Des champs politiques criminalisésCes oligarchies, en interprétant parfaitement nos angoisses, sont en fait la cause principale du drame du 11 septembre. Par leurs politiques répressives extrêmement sanglantes, elles ont sorti de l’espace du politique leurs oppositions les plus décidées, quand elles n’ont tout simplement pas liquidé tout cet espace politique. Ce faisant, elles ont fait basculer toute une série de mouvements dans la clandestinité, puis le terrorisme, puis le millénarisme le plus violent. Soucieuses de conserver un minimum de légitimité, ces oligarchies ont dans le même temps flatté les sentiments les plus populistes de leurs opinions, en adoptant, sur le plan international, des postures emphatiques et jusqu’au-boutistes concernant le seul point d’unanimité arabe et musulmane (encore que la Turquie fasse exception) : une tragédie palestinienne ainsi devenue une question perçue en des termes de plus en plus sacrés et de moins en moins politiques. En effet, elle seule autorise des citoyens à descendre dans la rue et à manifester sans trop craindre la réaction des forces de l’ordre. Erigée en cache-sexe des régimes en place, la question palestinienne est devenue le catalyseur de frustrations sociales et politiques qui ne trouvent nul autre espace où s’exprimer. Pour nombre de courants d’expression arabes, la question palestinienne (et, partant, " les Juifs " et, derrière eux, les Américains) est devenue l’alpha et l’oméga de leur existence publique, la garantie de l’absence de toute dynamique politique et un garant paranoïaque de nature quasi religieuse.
En ce sens, espérer qu’une résolution juste et durable de la question palestinienne pourra permettre de " pacifier " le Moyen-Orient, c’est peut-être aller vite en besogne. Parce que, en privant les régimes et leurs oppositions de leur unique sésame consensuel, cette résolution ramènera peut-être sur le devant de la scène d’autres objets de confrontations internes et, partant, d’autant plus d’instabilité.. Si le prix de la globalisation de la lutte antiterroriste devait être un resserrement accru de l’étau militaire et policier sur les sociétés arabes et sur tous leurs courants d’expression, il est à craindre que le Moyen-Orient ne s’engage davantage dans un processus de sortie du politique. Outre les Etats-Unis, il incombe à l’Union européenne de prendre conscience des responsabilités qui lui incombent dans la libération, l’autonomisation et la responsabilisation de sociétés arabes appelées à devenir nos partenaires en lieu et place de régimes qui, toutes tendances affichées confondues, n’ont réussi qu’à les museler et à les infantiliser, jusqu’à présent pour le pire.