Samedi 3 novembre 2001 à Marseille : "Paix comme Palestine"
une journée d'information et de solidarité avec le peuple palestinien au Théâtre Toursky
en présence de Leïla Shahid, Déléguée générale de Palestine en France
[Le programme détaillé sur : http://www.solidarite-palestine.org/evnt.html#m03]
                          
   
Point d'information Palestine > N°174 du 31/10/2001

Newsletter réalisée par l'AMFP - BP 33 - 13191 Marseille FRANCE
Phone + Fax : +33 491 089 017 - E-mail : amfpmarseille@wanadoo.fr
L'AMFP Marseille est une section de l'Association France-Palesine Solidarité
Association loi 1901 - Membre de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
Pierre-Alexandre Orsoni (Président) - Daniel Garnier (Secrétaire) - Daniel Amphoux (Trésorier)
Sélections, traductions et adaptations de la presse étrangère par Marcel Charbonnier
                       
Si vous ne souhaitez plus recevoir (temporairement ou définitivement) nos Points d'information Palestine, ou nous indiquer de nouveaux destinataires, merci de nous adresser un e-mail à l'adresse suivante : amfpmarseille@wanadoo.fr. Ce point d'information est envoyé directement à 3304 destinataires.
Consultez régulièrement le site de Giorgio Basile : http://www.solidarite-palestine.org
                           
              
Au sommaire
          
Témoignage
Cette rubrique regroupe des textes envoyés par des citoyens de Palestine ou des observateurs. Ils sont libres de droits.
Acte de barbarie à Jérusalem-est par Fouad Ismaël, chef de mission de Médecins Sans Frontières en Palestine
         
Dernières parutions
1. Boire la mer à Gaza de Amira Hass aux éditions La Fabrique
2. Revue d’études palestiniennes n° 81 (automne 2001)
               
Télévision
Le dessous des cartes : Oh ! Jérusalem sur Arte le samedi 3 novembre 2001 à 20h00
          
Rendez-vous Palestine
Retrouvez l'Agenda des conférences, manifestations, spectacles, expositions... sur http://www.solidarite-palestine.org/evnt.html
1. Rencontres en Palestine... avec les chants polyphoniques corses organisées par Les Centres culturels français du Consulat général de France à Jérusalem
2. Palestine, l'urgence de la Paix et du Droit à Reillanne (Alpes de Haute-Provence) le jeudi 1er novembre 2001
3. Soirée d'information autour des réfugiés palestiniens du Liban organisée par Ajial - France le samedi 10 novembre 2001 à 19h à une soirée d'information au Centre social Belsunce (Marseille 1er)
       
Réseau
Cette rubrique regroupe des contributions non publiées dans la presse, ainsi que des communiqués d'ONG.
1. Bibiographie d'Irsaël Shamir [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
2. Convoi pour Bethlehem par Israël Shamir [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
3. Banquiers et voleurs par Israël Shamir [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
4. Interview de Marianne Blume, coopérante belge, professeur de français à l'Université par Jean-Pierre Jacqmin sur la RTBF (radio belge) le lundi 29 octobre 2001, 7h45
5. Le socialisme français aux couleurs du sionisme par Bernard Granotier
                                        
Revue de presse
1. Euro-Méditerranée : Un partenariat, pas une chimère… par Rudolf El-Kareh in Arabies (mensuel français) du mois d'octobre 2001
2. "La vengeance est mienne" dit l'armée israélienne par Gideon Levy in Ha'Aretz (quotidien israélien) du dimanche 28 octobre 2001 [traduit de l'anglais par Mimi Tal]
3. L'indépendance palestinienne ne peut être un cadeau par Miguel Angel Bastenier in Le Monde du samedi 27 octobre 2001
4. Etat de siège en Palestine par Hanna Nasir in The International Herald Tribune (quotidien international publié à Paris) du vendredi 26 octobre 2001 [traduit de l'anglais par Christian Chantegrel]
5. Nous sommes tout seuls par Thomas L. Friedman in The New York Times (quotidien américain) du vendredi 26 octobre 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
6. Amnon Kapeliouk : les relations américano-israéliennes se tendent propos recueillis par Françoise Germain-Robin in L'Humanité du vendredi 26 octobre 2001
7. Néo-colonialisme par Mumia Abu-Jamal in Workers World (Etats-Unis) le jeudi 25 octobre 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
8. Enseigner l'islam à l'école par Henri Tincq in Le Monde du mercredi 24 octobre 2001
9. Jusqu'ici, les interpellations n'ont pas abouti à grand-chose par Von Van Natta in The New York Times (quotidien américain) du dimanche 21 octobre 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
10. La politique étrangère des Etats-Unis à la croisée des chemins par Ghassan Khatib in Palestine Report (Palestine) le vendredi 19 septembre 2001 (vol. 8 - N° 15) [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
                          
Témoignage

               
    
Acte de barbarie à Jérusalem-est par Fouad Ismaël, chef de mission de Médecins Sans Frontières en Palestine
Jérusalem, le mardi 30 octobre 2001 - Ce matin, vers 6h30, nous avons été réveillés par le bruit sournois et continue de deux bulldozers. Ces derniers étaient en train de démolire deux maisons à moitiés finis, situées juste en face de chez nous, sous le prétexte qu’elles avaient été construites sans permission.
Du haut de notre appartement, la vision qui s'offrait à nous était impressionnante et vraiment triste. Une flopée de gendarmes, de policiers et de militaire, en vert, en bleue, et des agents de la municipalité de Jérusalem. Des voitures de police, des pompiers et des ambulances étaient stationnés, parsemés dans le champ a proximité des deux maisons cibles.
Des familles palestiniennes ahuries par ce paysage matinal un tantinet effrayant, pleuraient, criaient. Personne ne les écoutait. Quant à ceux qui allaient devenir les victimes, les ambulanciers étaient aux aguets pour éventuellement leur administrer des calmants pour qu’ils ne tombent pas dans l’hystérie.
Quelques minutes plus tard, les deux maisons ont été aplanies sous nos yeux. Parmi les Palestiniens, désarroi, désespoir et colère étaient visibles, sans que cela n’ébranle à aucun moment l’œuvre des destructeurs, ni la vigilance des gardiens super armées. Le sale boulot accompli, tout ce beau monde s’est retiré sans vergogne et dans la bonne humeur, avec l’accompagnement des hurlements des ambulances et des voitures de police.
Cela génère donc une dizaine de personnes sans abri, en cette période de début d’hiver. Une vraie guerre psychologique qui ne dit pas son nom. Mais pourquoi donc autant de haine et d’acharnement? N’aurait-il pas était suffisant d’imposer une certaine amande, si l’idée au fond et de faire respecter l’ordre public?
Je m’imagine mal un pareil acte de barbarie, et surtout en ce début d’hiver, dans un quelconque quartier de Paris ou de Barcelone!
Une heure plus tard, nous avons appris que pareille acte a eu lieu dans le quartier Shufat a 300 mètres de chez nous. Cette campagne se poursuit donc et l’hiver arrive à grand pas, alors même que dans les colonies, l’administration municipale a commencé le réglage des chauffages centraux.
                
Dernières parutions

            
1. Boire la mer à Gaza de Amira Hass
aux éditions La Fabrique
[585 pages - 150 FF / 22,87 Euros - ISBN : 2913372163 - Octobre 2001]

Amira Hass est journaliste, correspondante dans les Territoires palestiniens du quotidien israélien Ha'aretz. amira Hass est une des voix les plus tranchantes en Israël. Elle est de ceux qui refusent de voir dans les accords d'Oslo le nec plus ultra du pacifisme et de la volonté de dialogue, identifiant au contraire dans les présupposés et les omissions qui sont au centre de ces accords un réseau de difficultés programmant par avance l'échec de leur application.
Le livre dont il est question ici, Boire la mer à Gaza, est un recueil d'articles écrits et publiés dans le journal Haaretz, entre 1993 et1996 (publication du livre en Israël). Le titre est tiré d'une expression arabe, signifiant familièrement “va au diable!”. Dans la région, chez les Palestiniens comme chez les Israéliens, on convient généralement, comme l'écrit Sylvain Cypel dans Le Monde du 22 décembre, que “Gaza, c'est l'enfer”. Ancien port à l'histoire millénaire, c'est aujourd'hui une ville située dans une zone enclave, la “bande de Gaza” où vivent, outre les citadins, des réfugiés et des colons. Les accords d'Oslo devaient entre autres choses régler la question du “transfert d'autorité” de l'armée israélienne à l'Autorité palestinienne. Amira Hass apporte ici des témoignages, des entretiens, des choses vues et des mises en regard d'analyses provenant de différentes instances et portant sur plusieurs périodes. À travers des entretiens réalisés avec d'anciens militants devenus aujourd'hui des responsables en vue, elle revient par exemple sur la première Intifada et sur la manière dont ils ont pris la tête du mouvement et imposé des faits accomplis à la direction de l'OLP, que l'exil avait fini par couper du terrain.Ce sont ces jeunes dirigeants locaux, plus militants qu'hommes d'appareil, que Yasser Arafat, faute de pouvoir les contrôler, avait appelés ses “généraux”. Ailleurs, elle documente les petits faits quotidiens qui témoignaient de l'arrogance et du mépris des soldats d'occupation, lesquels à leur tour ne font que renvoyer à la mauvaise foi stupéfiante des autorités politiques et militaire israéliennes. Elle note aussi les transformations parfois minuscules qui eurent lieu au cours des étapes du transfert d'autorité qui fit suite aux accords d'Oslo et qui indiquent la rapidité avec laquelle on s'acclimate au sentiment de la liberté. Elle marque enfin le grippage originel lié aux points laissés en suspens à Oslo et la pusillanimité d'accords qui laissaient à la mauvaise volonté des Israéliens toutes opportunités de se manifester efficacement (blocage des points de passage, interdiction aux ouvriers travaillant en Israël de passer la frontière, fermeture de l'aéroport, non respect de l'obligation d'établir un corridor avec la Cisjordanie). Pour autant, elle n'épargne pas l'incompétence, pour dire le moins, des dirigeants de l'Autorité palestinienne. Le résultat est que la situation des Gaziotes, en fin de compte, n'a cessé de s'aggraver depuis 1994. Si nous avons en France la chance d'avoir accès à des publications importantes sur le sujet, telles la Revue d'études palestiniennes, il subsiste une certaine ignorance de l'existence en Israël même d'une authentique dissidence critique relativement à la doxa locale très fortement majoritaire. Il me semble utile de faire entendre ici ces voix qui résistent au système de manipulation qui tend à rendre inaltérable le système de la paranoïa et de l'oppression, sous influence d'institutions politiques et éducatives redoutablement efficaces. Ces voix, longtemps occultées ici par celles, plus emblématiquement paralytiques et tièdement consensuelles, d'un Amos Oz ou d'un David Grossman, commencent heureusement à être connues ici (voir Le Monde du 22 novembre 2000 ; voir aussi Le Monde diplomatique, novembre 2000). Je crois nécessaire d'en proposer un accès de première main et non plus seulement d'ouï-dire. Boire la mer à Gaza apporte le témoignage de l'une des nombreuses modalités de la résistance, thème qui reste sensible en France : résistance à la doxa politique et mise en oeuvre d'une machine critique à partir d'un déplacement spatial infime du locuteur - de Tel Aviv à Gaza. Il convient ici de rappeler ce qui est devenu déjà légendaire à propos du personnage de l'auteur. Sa mère, sarajévienne et rescapée de Bergen Belsen, lui a raconté, alors qu'elle était enfant, une scène qui s'est gravée dans sa mémoire et gouverne aujourd'hui tout son travail et son engagement politique : descendant du train qui l'amenait au camp, la jeune fille avait aperçu un groupe de femmes qui regardaient le convoi, mi-curieuses, mi-indifférentes. Très tôt, Amira Hass a su qu'elle ne serait jamais de ceux qui restent sur le côté pour regarder. Ce qui signifiait qu'elle serait à l'intérieur, pour partager et témoigner. Amira Hass fait un travail qui, à sa manière journalistique, va dans le même sens que celui des Nouveaux historiens israéliens : c'est un travail de démythification et de réancrage des outils de la pensée dans un monde où l'autre, l'interlocuteur avec qui l'espace est en partage, est bien en vue et non l'objet d'une dénégation répulsive/compulsive. La pertinence de cet effort me paraît devoir toucher non seulement ceux qui s'intéressent au conflit israélo-palestinien, mais de manière plus générale, ceux pour qui les questions que pose la résistance ne sont pas épuisées et ceux pour qui la destinée tragique du peuple palestinien, celle pathétique du peuple juif n'ont rien d'énigmatique ni de divin, mais restent un défi devant lequel il importe de ne pas laisser céder la pensée.
              
2. Revue d’études palestiniennes n° 81 (automne 2001)
[160 pages - 90 FF / 13,72 Euros - ISBN : 2707317705 - Octobre 2001]
- Extrait du sommaire :
11 septembre 2001 : l’onde de choc par Camille Mansour
- Crimes contre l’humanité - La plainte contre Ariel Sharon responsable des massacres de Sabra et Chatila : Fin de l’impunité des criminels ?
- Aux origines des organisations de feddayins, 1948-1967 par Saqr Abou Fakhr
- Rita et la poétique du couple chez Mahmoud Darwich par Elias Khoury
- Lendemains de guerre : le mufti de Jérusalem et la IVe République par Henry Laurens
et l'hommage à Faysal Husseini, Ibrahim Abou Lughod et Jean-Marie Lambert, trois amis disparus.
[Abonnement annuel à la Revue d’études palestiniennes (4 livraisons) : 295 FF - étudiants (sur justificatif) : 250 FF - abonnement de soutien : 450 FF - par chèque bancaire ou virement postal (CCP Paris 180-43 T) à l’ordre des Editions de Minuit - 7, rue Bernard-Palissy - 75006 Paris]
              
Télévision

            
Le dessous des cartes : Oh ! Jérusalem sur Arte
le samedi 3 novembre 2001 à 20h00
Descriptif en trois volets d'une situation complexe, cartes et images à l'appui par Sylvain Cypel in Le Monde du 28 octobre 2001 - Repérer "les lignes, les frontières, à la fois fluides et contrôlées, qui séparent Israéliens et Palestiniens", puis "reporter sur la carte ces murs, réels ou dans les têtes" : telle est l'ambition de Jean-Christophe Victor, grand ordonnateur du "Dessous des cartes", dans une série d'émissions qu'il présente cinq samedis de suite, du 3 novembre au 1er décembre. Expliquer, cartes à l'appui, les données de base et la complexité du conflit israélo-palestinien en cinq courts épisodes de dix minutes, était une gageure. Le résultat est plus qu'honorable, dans un style toujours didactique et informé, même si on peut le trouver désiquilibré.
Jean-Christophe Victor a en effet décidé, sans doute par souci de concision, de consacrer les trois premiers épisodes à la question de Jérusalem. De sorte que celle-ci risque de prendre, aux yeux du béotien, une importance démesurée par rapport à d'autres, aussi fondamentales, trop rapidement abordées, comme les ambitions territoriales du mouvement sioniste en Palestine, les "plans de partage" successifs, la dispersion des réfugiés palestiniens après 1948, les cartes débattues aux négociations de Camp David (juillet 2000) et de Taba (janvier 2001). Le dernier épisode, enfin, consacré au retrait israélien du Sud-Liban en 2000, est passionnant pour qui s'intéresse au rôle des cartographes dans la fixation des frontières, mais peu en rapport avec le coeur du sujet. Reste que l'on apprend énormément. Qui sait que, si Hadrien expulsa les Juifs de Jérusalem, c'est le calife Omar, en 638, qui les autorisa à revenir y vivre ? Qui se souvient que le mandat donné en 1922 par la Société des Nations à la Grande-Bretagne, puissance mandataire en Palestine, y stipulait la création d'un "foyer national" juif, mais aussi "la sauvegarde des droits civils et religieux de tous les habitants" ? Et qu'Israël, trois jours seulement après sa victoire de 1967, rasait le vieux quartier Moghrabi (des Maghrébins) à Jérusalem-Est ? Les cartes présentées dans le troisième épisode, en particulier, montrent la stratégie de "judaïsation" de la ville arabe, son "encerclement progressif", dit Jean-Christophe Victor, par des barrières de colonies qui "font tampon entre la ville et la Cisjordanie" et "rendent quasi impossible une capitale palestinienne à Jérusalem". De même est décrite, dans le quatrième épisode, la "géographie immobilière, routière, la stratégie territoriale précise, potentiellement militaire", par laquelle Israël a transformé les territoires palestiniens occupés en trente-quatre ans en une "peau de léopard qui ne peut en aucune façon devenir un Etat viable", tant que les colonies y perdurent.
                   
Rendez-vous

            
1. Rencontres en Palestine... avec les chants polyphoniques corses organisées par Les Centres culturels français du Consulat général de France à Jérusalem
Les Centres culturels français du Consulat général de France à Jérusalem organisent deux concerts de chants polyphoniques corses, interprétés par le groupe "Cinqui so" (Cinquième sens).
Mardi 30 octobre 2001 à 19h à Jérusalem en coopération avec Yabous Productions à l'Ecole biblique et archéologique française (Rue de Naplouse, en face du Jérusalem Hôtel),
Jeudi 1er novembre 2001 à 19h à Ramallah au Centre culturel Khalil Sakakini,
Un atelier de chant avec les artistes corses sera organisé avec le Conservatoire national de Musique et le Centre culturel Khalil Sakakini le mercredi 31 octobre 2001 de 17h30 à 20h30 à l'Eglise luthérienne de Ramallah.
(Les concerts et l'atelier sont offerts par le Consulat général de France à Jérusalem.)
            
2. Palestine, l'urgence de la Paix et du Droit à Reillanne (Alpes de Haute-Provence)
le jeudi 1er novembre 2001

15 heures : Poésie - Témoignages autour de l'Arbre Hommage aux Martyrs Palestiniens, réalisé par Selva Tachdjian
17 heures : Palestine, ô ma douleur - Diaporama photos, montage et mixage sonore : Kristian Delacroix et Monique Etienne (Reportage effectué en Palestine en octobre 2000 au début de la seconde Intifada)
à Salle des Fêtes
17h30 : La Paix est-elle encore possible ? avec Leïla Shahid, Déléguée générale de Palestine en France et Michel Warschawski, fondateur du Centre d'Information Alternative de Jérusalem, auteur de "Israël-Palestine, le défi binational" aux éditions Textuel
à Salle des Fêtes
20 heures : Buffet méditerranéen
à Salle des Fêtes
21 heures : Récital de Camilia, chanteuse palestinienne "De Beyrouth à Jérusalem, Al Nakba"
à Église [entrée 50 FF]
Expositions : Images extraites du travail en cours de la photographe Joss Dray : "Apartheid Israël" et du travail en cours de la photographe Tessa Polak : "Hébron 2000-2001"
à Salle des Fêtes
[Organisé par Femmes Solidaires et l'Association France Palestine Solidarité - Contacts : Selva Tachdjian Tél. 04 92 73 25 28 et Monique Etienne Tél. 04 92 34 74 84]
                      
3. Soirée d'information autour des réfugiés palestiniens du Liban organisée par Ajial - France
le samedi 10 novembre 2001 à 19h à une soirée d'information au Centre social Belsunce (Marseille 1er)
L'association Ajial France qui apporte son soutien aux palestiniens réfugiés au Liban organise, le samedi 10 novembre 2001 à 19 heures à une soirée d'information au Centre social Belsunce - 16, rue Bernard Dubois - Marseille 1er
- Projection du film documentaire "Femmes palestiniennes... Oubliées de la Paix" réalisé par Francis Bouchet et Gilles Signard en 1998,
- Débat sur la situation des réfugiés Palestiniens du Liban face au contexte actuel en Palestine,
- Présentation de deux expositions de photographies :
"Camp d'été d'Ajial au Liban / Camp de réfugiés de la plaine de la Békaa au Liban" de Bariza Chelalli
"Palestine été 2001" de Anne Marie Camps
- Stand de la Librairie Païdos
(Un buffet vous sera proposé sur place.)
[Ajial France - 10, rue Briffaut - 13005 Marseille - Tél : 04 91 48 53 94 - E-mail : jodon.ajial@wanadoo.fr]
            
Réseau

                          
1. Bibiographie d'Irsaël Shamir
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Israël Shamir est un éminent intellectuel russo-israélien, écrivain, traducteur et journaliste. Il est né à Novossibirsk, en Sibérie. Il est le petit-fils d'un professeur de mathématiques et le descendant d'un rabbin de Tibériade, en Palestine.
Après des études à la prestigieuse Ecole de l'Académie des Sciences, il a enseigné les mathématiques et le droit à l'Université de Novossibirsk. En 1969, il s'est établi en Israël. Parachutiste durant son service militaire, il a combattu durant la guerre d'octobre 1973.
Après l'armée, il a repris des études de droit à l'Université Hébraïque de Jérusalem, mais il a laissé la carrière juridique pour se consacrer au journalisme et à la littérature.
Il a eu une première expérience du journalisme à la Radio israélienne. Reporter freelance, ses diverses missions l'ont amené au Vietnam, au Laos et au Cambodge, pays où il a assuré la couverture des derniers développement de la guerre dans le Sud-Est asiatique. En 1975, I. Shamir est entré à la BBC et il s'est installé à Londres. En 1977-79, il a écrit pour Maariv ainsi que d'autres journaux depuis le Japon, où il était envoyé spécial. A Tokyo, il a écrit son premier roman :  "Voyages avec mon fils". Cela ne l'a nullement empêché de trouver le temps de traduire un certain nombre de classiques japonais.
Revenu en Israël en 1980, I. Shamir a écrit pour deux quotidiens israéliens : Haaretz et Al Hamishmar. Il était également porte-parole du Parti socialiste israélien (Mapam) à la Knesset. Il a traduit en russe l'oeuvre de S Y Agnon, le seul écrivain en hébreu moderne lauréat du Prix Nobel de littérature. Cette traduction a été publiée à plusieurs reprises tant en Israël qu'en Russie. Il a également traduit des sélections de l'Ulysse de James Joyce, traduction qui a été accueillie très favorablement tant à Moscou qu'à Tel Aviv, New York et Austin (Texas). Une autre de ses traductions, celle de l'ouvrage du Président israélien Haïm Hertzog "Les guerres israélo-arabes", a été publiée à Londres.
Son oeuvre la plus populaire, Le Pin et l'Olivier, qui retrace l'histoire de la Palestine/Israël, a été publiée en 1988. En couverture, une illustration du peintre palestinien Nabil Anani.
Au début de la première Intifada, Israël Shamir repartit en Russie, où il assura la couverture de l'actualité au cours des années 1989-1993, riches d'événements décisifs. De Moscou, il envoyait des reportages au quotidien israélien Haaretz, mais il fut licencié pour avoir écrit un article qui appelait au retour des réfugiés palestiniens et à la reconstruction de leurs villages détruits. Il a écrit pour divers journaux et périodiques russes, notamment la Pravda et l'hebdomadaire Zavtra.
En 1993, il retourna en Israël, choisissant de s'installer à Jaffa. Depuis, il a écrit pour divers journaux publiés en russe tant en Russie qu'en Israël, et contribué à diverses revues littéraires. Durant la dernière période, il a travaillé également à une nouvelle traduction de l'Odyssée, qui a été publiée en 2000 à Saint Petersbourg. Son grand projet est de traduire un manuscrit talmudique médiéval de l'hébreu vers le russe.
Face à la deuxième insurrection palestinienne survenue en l'espace de treize ans, I. Shamir a abandonné temporairement ses travaux littéraires afin de renouer avec le journalisme. Dans un contexte de débats interminables au sujet d'une "solution à deux Etats", Israël Shamir, conjointement à Edward Saïd, s'est fait l'un des principaux hérauts de la solution "un homme, une voix, un Etat", dans la globalité de la Palestine/Israël. Ses tout derniers essais ont été largement diffusés sur Internet et sont consultables désormais sur de nombreux sites d'information reconnus. Chaque fois que paraît un nouvel article de lui, I. Shamir affirme sa posture de journaliste dont le travail va à la rencontre des aspirations tant des Israéliens que des Palestiniens. Ses essais les plus récents sont notamment L'épreuve à la pierre de touche, Le viol de Dulcinée, Fleurs de Galilée, Joseph revisité...
Israël Shamir, qui a cinquante ans, est le père de deux garçons et vit à Jaffa.
                    
2. Convoi pour Bethlehem par Israël Shamir
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Dans le roman humoristique de P. G. Woodhouse, Une Demoiselle en Péril, on peut lire cette répartie, qui irait comme un gant au Président Bush : "Votre raisonnement semble ne présenter aucune faille. Mais à quoi cela nous avance-t-il ? Applaudissons l'Homme de Logique... mais qu'en est-il de l'Homme d'Action ? Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire de vos belles cogitations ?"
24 octobre 2001 - C'est la carcasse d'une Audi, flambante neuve mais "pliée" comme un paquet de cigarettes vide balancé dans un cendrier par un fumeur à la chaîne nerveux, qui nous a accueillis à l'entrée de Bethlehem. Et encore, d'autres voitures, réduites à une fin feuilleté de verre et d'acier... Les équipages servant les tanks israéliens adorent écraser des bagnoles et des poubelles comme n'importe quel punk délinquant. Des petits gamins, accroupis dans un coin, étaient absorbés dans leur jeu avec des cartouches vides, mettant à profit au maximum une relâche inopinée dans les combats. Bethlehem était tranquille, pour la première fois depuis le samedi 20 octobre, jour où les tanks Merkava envahirent la Ville du Christ, réalisant le projet chéri de Sharon : réoccuper la Palestine.
Le calme régnait, lorsqu'une autre force prit possession des lieux : des Chrétiens de Jérusalem, venus soutenir leurs voisins assiégés. Ce fut spectacle merveilleux, évoquant le temps des Croisades, de voir le Convoi de la Solidarité emmené par des évêques et des prélats de toutes obédiences, catholiques, orthodoxes et musulmans, portant croix et bannières et brisant l'encerclement du bouclage israélien pour emprunter ensuite les ruelles outrageusement défoncées qui conduisent à l'Eglise de la Nativité. Par opposition à la Croisade de Bush en Afghanistan, cette Croisade-ci a été accueillie avec joie tant par les Chrétiens que par les Musulmans, aucune brisbille n'opposant ces deux communautés étroitement mêlées. Nous passâmes devant la carcasse brûlée de l'Hôtel Paradis (qui a été atteint de plein fouet), devant des pylônes électriques cassés en deux, la partie supérieure pendouillant dans le vide, devant les photos de jeunes garçons et filles tués par les francs-tireurs israéliens, apposées sur les murs, tandis que les gens du coin sortaient de leurs abris pour venir rejoindre le cortège.
Des tanks israéliens quittèrent les rues principales et allèrent rejoindre leurs antres en se traînant lourdement, comme des dragons dérangés dans l'observation de leur proie. En chemin, j'ai rencontré des tas de vieux amis, des boutiquiers du coin, des guides. Ils étaient plutôt résignés  "Vu l'état des choses, avec cette guerre qui continue, disaient-ils, il n'y a pas de touristes, pas de revenus, pas d'espoir. Jérusalem et Bethlehem : soit elles se tiennent debout ensemble, soit elles tombent ensemble". Bethlehem est en fait une banlieue de Jérusalem : combien de fois ne suis-je venu, avec mes touristes et mes pèlerins dans cette ville bourgeoise aux villas spacieuses, aux magasins de souvenirs géants, aux familles gréco-palestiniennes, aux religieuses impeccables, aux meutes de touristes et aux nombreux expatriés, prospérant grâce à l'Eglise de la Nativité, grandiose édifice de l'ère justinienne et plus ancien bâtiment de toute la Palestine.
L'esplanade devant l'église, la Place de la Crèche (ou de la Grotte), était pleine d'habitants de la ville qui profitaient de la chance qui leur était offerte de profiter un peu du soleil après plusieurs journées passées derrière les volets clos. Dimanche dernier, sur le porche de l'église, un franc-tireur israélien a tué un garçon du coin, âgé de seize ans, Johnny Thaljieh, et son doux visage nous observe, depuis un poster imprimé à la hâte. Cette place a été rebâtie par l'Autorité palestinienne dans un style italianisant, il y a tout juste deux ans, avant les festivités du Millénaire. Au temps de l'administration israélienne directe, c'était un parking sordide réservé aux jeeps de la Police des frontières et aux autobus de tourisme.
Dans l'église, parmi les prêtres et les laïcs, j'ai remarqué un Américain, grand, élancé, avec une moue fière, de longs cheveux bouclés et un couvre-chef exotique. C'était le Rabbin Jeremy Milgrom, du mouvement "Rabbins pour les Droits de l'Homme". "Je croyais être le seul Juif, ici", me dit-il. "Je suis certain que des milliers d'Israéliens viendraient s'ils connaissaient la situation". C'est vrai. La télévision israélienne, docile comme un média de Staline, a minimisé l'invasion et diffusé des vues bénignes de tanks amicaux surveillant des rues tranquilles. N'empêche que, la nuit d'avant, Jérusalem avait été le théâtre d'un gros meeting de Juifs réclamant l'expulsion des non-Juifs de la Terre Sainte. La télévision israélienne a indiqué, le vendredi soir, juste avant l'incursion, que les deux tiers des Israéliens juifs étaient favorables à cette "solution" mortifère. Toutefois, chacun d'entre nous a la liberté de choisir, et le Rabbin Milgrom a choisi un judaïsme vivable. J'étais puissamment heureux de le voir : Dieu sait, peut-être cette Sodome a-t-elle seulement besoin de quelques justes ?
Dans l'église, il y avait des trous dans les pierres, laissés par les impacts de balles : les équipages des tanks israéliens s'entraînent à l'utilisation des mitrailleuses lourdes qui hérissent leurs tourelles en tirant sur le berceau du Christ. Cela me rappela un ouvrage de William Dalrymple, qualifié de "splendide, efficace et impressionnant" par la critique du Financial Times, "Depuis la Montagne Sainte" [1] : il y indique que, "au cours d'une flambée d'attaques contre les propriétés de l'Eglise, en Israël, une église de Jérusalem, une chapelle baptiste et une librairie chrétienne avaient été entièrement brûlées. Il y avait eu des tentatives d'incendier les églises anglicanes de Jérusalem Ouest et de Ramleh, ainsi que deux églises à Saint-Jean d'Acre. Le cimetière protestant du Mont Sion avait été profané, pas moins de huit fois."
Il aurait pu ajouter l'histoire de Daniel Koren, ce soldat israélien qui a pulvérisé sous ses balles les icones du Christ et de la Vierge Marie dans l'église Saint-Antoine de Jaffa. Dalrymple mentionne les agissements du maire conservateur de Jérusalem, Ehud Olmert, qui a ordonné la destruction des fondations de monastères chrétiens et d'églises, récemment découvertes à Jérusalem, au cours de fouilles archéologiques, afin d'occulter jusqu'à la mémoire d'une présence chrétienne en Terre Sainte. C'est le même Ehud Olmert qui a détruit (dans sa ville) encore trois maisons palestiniennes de plus, ce matin, tandis que nous parcourions les rues de Bethlehem.
Dans la Grotte de la Nativité, quelques cierges étaient allumés et une famille palestinienne priait en silence devant l'Etoile, comme le faisaient leurs ancêtres, depuis le cruel prédécesseur de Sharon, le Roi Hérode le Grand. Je me suis mis à penser à l'étrangeté de la coïncidence : pourquoi cette incursion a-t-elle commencé juste au moment où les bombardiers de l'US Air Force écrabouillent les villes afghanes ? Apparemment, le gouvernement de Sharon a décidé d'utiliser l'expédition américaine en Afghanistan aux fins de reconquérir la Palestine. Dans un désastre, un voleur ne voit qu'une opportunité de voler. Tandis que nos yeux sont fixés sur les déserts, au-delà de la rivière Oxus, tandis que les Américains sont rendus fous d'angoisse par un peu de poudre blanche dans une enveloppe, tandis que les organisations humanitaires maugréent devant les masses d'Afghans affamés, tandis que la flotte anglo-américaine fait obstacle à une aide possible venue d'Irak ou de Syrie, les Israéliens mettent la main sur ce qui reste de la Palestine et éradiquent la mémoire du Christ de Sa terre natale.
Les supporters de Sharon, dans les médias américains, lui ont apporté leur soutien en faisant monter d'un ton leur vague de ratonnades anti-arabes et de leur chant de guerre raciste. "Les traits fuyants, retors, pas nets - bref, sémitiques - d'un Bin Laden caricaturé transparaissent dans chaque bulletin d'information : appel à peine dissimulé au racisme du téléspectateur américain. Le Dr. Joseph Goebbels n'aurait pas fait mieux", a rapporté sur la situation américaine l'historien britannique David Irving. Il sait de quoi il parle : il est le biographe mondialement reconnu de Goebbels...
Le président Bush a demandé qu'Israël se retire immédiatement. Il l'a fait "sotto voce", tout en disant par ailleurs qu'"il n'y aurait pas de discussion avec les Afghans.". Nous verrons bien qui l'emportera, si les remontrances du Président atteignent Israël, si cet aboiement sera suivi ou non d'un coup de canine.
Dans le roman humoristique de P. G. Woodhouse, Une Demoiselle en Péril, on peut lire cette répartie, qui irait comme un gant au Président Bush :
"Votre raisonnement semble ne présenter aucune faille. Mais à quoi cela nous avance-t-il ? Applaudissons l'Homme de Logique... mais qu'en est-il de l'Homme d'Action ? Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire de vos belles cogitations ?"
Après la grande église, notre procession se rendit à Beit Jala, une cité jumelle de Bethlehem. Les deux hôpitaux de Beit Jala ont été bombardés, dix personnes ont été tuées dans cette localité par des tirs israéliens aléatoires, au petit bonheur la chance. Les familles éprouvées étaient réunies dans la cour de l'église, portant des portraits de leurs proches disparus et recevant les condoléances.
Particulièrement touchante, la beauté frappante de Rania Elias, une jeune fille de vingt ans, tuée par une roquette israélienne dans son lit même. Sur son portrait, elle portait une robe de mariée immaculée : ce fut son linceul.
Beit Jala est sombre, mais debout. Dans ses rues, des jeunes hommes munis de mitraillettes AK. "C'est le Tanzim", expliqua en français un prêtre à un de ses frères en religion. Les gars du Tanzim qui avançaient au pas de charge me rappelaient, avec leur béret sur la tête, les jeunes "barbudos" de Fidel Castro, un peu comme si la révolution palestinienne était en train de connaître une deuxième jeunesse. Leur défilé parti, les tanks avancèrent et le chant des armes légères se répondant en écho au-dessus des villes jumelles se fit entendre.
Un chauffeur de taxi juif, colosse au teint basané, me prit en charge devant le barrage de contrôle. L'énorme volant de sa Mercédès tournait comme un joujou dans ses énormes paluches. Il ressemblait comme deux gouttes d'eau à un guérillero imposant du Tanzim, que j'avais vu quinze minutes et un kilomètre auparavant, dans le camp de réfugiés de Aida. "J'ai vécu toute ma vie avec des Arabes", me dit le chauffeur de taxi. "Ma femme me dit que je suis un Arabe de coeur. Nous devrions vivre ensemble. Les choses étant ce qu'elles sont actuellement, avec cette guerre qui continue, il n'y a pas de touristes, pas d'argent, pas d'espoir. Jérusalem et Bethlehem ? Soit elles sont debout ensemble, soit elles s'écroulent ensemble"...
Eh oui, n'en déplaise au lavage de cerveau officiel, il y a une compréhension, des deux côtés de la grande "Séparation". La Terre Sainte est indivisible. Elle doit être entretenue conjointement par nous tous, dans l'égalité. Il y a assez d'espace pour prier, pour jouer, pour cultiver des oliviers, pour écrire des programmes informatiques et pour piloter des touristes. Les tanks doivent partir et, avec eux, la frontière artificiellement tracée entre Israël et la Palestine.
- Note :
[1] Editeur : Harper Collins Publishers, 1997. ISBN 0 00 6547745 - http://www.fireandwater.com
                
3. Banquiers et voleurs par Israël Shamir
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
"L'Holocauste suisse : un mythe", titrait le Times samedi dernier (13 octobre ), abaissant le rideau sur ce qui restera dans les annales comme un cas d'extorsion de fonds et de pure escroquerie les plus tordus et détestables. Tout avait commencé en 1995, lorsque deux personnages publics importants, Edgar Bronfman, président du Congrès juif mondial, et Abraham Burg, étoile montante du monde politique israélien, avaient demandé à rencontrer les dirigeants des banques suisses, chargés qu'ils étaient d'une mission humanitaire. "Vous avez, dans vos coffres, des millions de dollars déposés par des Juifs avant la Seconde guerre mondiale, leur avaient-ils dit. Nous voulons que ces dépôts soient immédiatement restitués -il vous reste peu de temps - aux survivants de l'holocauste. Faites en sorte qu'au moins ils puissent terminer leur existence en jouissant d'un certain confort."
Bronfman et Burg ne sont pas Monsieur Tout-le-monde. Ils appartiennent à la catégorie des hommes influents auxquels banques et compagnies d'assurance, s'extirpant de leur trompeuse mort clinique, accordent généralement une oreille attentive...
Edgar Bronfman est l'heureux héritier des milliards de son père, Sam, un parrain de la Mafia. Sam a fait fortune grâce au trafic illégal d'alcool aux Etats-Unis : il fabriquait ses spiritueux au Canada et les passait en contrebande à travers les Grands Lacs, par l'intermédiaire de son réseau de gangsters. Cela se passait à l'époque de la célèbre Prohibition. Mais Sam Bronfman retirait encore bien plus de profits de son activité de requin de la finance.
Peu avant sa mort, un journaliste lui avait demandé quelle était la plus grande invention de l'Homme. Il avait répondu : "les prêts à intérêt" (authentique).
Des capitaux extorqués au moyen du crime et en pressurant des débiteurs peuvent aider, en politique. Il en va ainsi dans la politique juive, tant il est vrai que vous n'avez nul besoin d'avoir été élu pour devenir quelqu'un d'important. Vous pouvez toujours louer deux bureaux dans un building et apposer sur les portes la plaque de l'Association des Juifs du Monde, du Forum des Survivants ou du Front de Libération Juive, et voilà : vous êtes dans le coup. De telles raison sociales ne sont protégées par aucun droit d'exclusivité. Le Congrès Juif Mondial du dénommé Bronfman n'était, au départ, pas autre chose qu'une de ces associations prête-nom à l'intitulé ronflant. Avant Bronfman, ce Congrès était présidé par tel ou tel personnage patriarcal, tel un Nahum Goldmann, mais cela ne cassait pas trois pattes à un canard. Mais, avec Bronfman, changement de décor : le Congrès Juif Mondial devient une structure de pouvoir.
Abraham Burg (Avrum pour les intimes), président de la Knesset (parlement israélien) et candidat à la présidence du parti travailliste, est le fils d'un homme politique israélien éminent, leader du Parti National Religieux, le Dr Burg, qui a servi tous les gouvernements d'Israël en qualité de ministre, quarante années durant, jusqu'à sa belle mort. Avrum a suscité un joli brouhaha, sur l'émission Nightline de la chaîne de télévision ABC, le 2 août dernier, lorsqu'il a dit des Palestiniens qu'ils étaient un "peuple de gens auxquels vous n'accorderiez pas votre fille en mariage". Avrum avait besoin d'un chaperon pour s'élever dans la carrière politique. Ça tombait bien : Bronfman avait, lui, besoin d'un partenaire israélien fiable, pour mener à bien son plan...
Aucune banque ni aucune compagnie d'assurances ne sauraient se permettre de refuser de recevoir des gentlemen aussi importants. Après une résistance de courte durée, les nains de jardin helvétiques cédèrent, et les grosses-têtes juifs repartirent avec leurs gros pacsons. "Ah, là... ces Juifs veulent voler nos banques et nos compagnies d'assurance sous prétexte de leur holocauste", ont probablement fulminé les Suisses. Bien à tort.
Alors que cette histoire avait commencé à la manière des Protocoles des Sages de Sion revisités, la suite se déroule plutôt selon le script de Sting. Six années sont passées, mais pratiquement pas un dollar n'est ressorti des griffes des commissions internationales créées par Bronfman et Burg. Les survivants juifs de l'Holocauste n'ont pratiquement rien perçu. Les picaillons avaient été subtilisés par ceux-là même qui exigeaient réparation pour les victimes...
Récemment, un journal faisant autorité, le Los Angeles Times [1] écrivait : "Une commission internationale créée afin de résoudre les contentieux d'assurances concernant la période de l'Holocauste aurait versé plus de 30 millions de dollars en salaires, frais d'hôtel et encarts publicitaires dans la presse, ne distribuant que 3 millions de dollars aux ayant-droits". Les membres de la commission en ont fait une agence de voyage de luxe et un club de loisirs, poursuivait le Los Angeles Times : "Les documents montrent que, depuis 1998, la commission a tenu plus de 18 congrès, avec jusqu'à une centaine de participants, dans des grands hôtels de Londres, Jérusalem, Rome, Washington et New York. En ce qui concerne, cette fois, la question du travail forcé, le journal The Independent [2] indique que, "tandis que les victimes de l'Holocauste recevront (peut-être) entre 2 500 et 7 500 dollars, les juristes qui ont négocié l'arrangement (sur l'indemnisation du travail forcé) recevront chacun des honoraires dépassant le million de dollars".
Et voilà que le Times révèle maintenant que les banques suisses ont vérifié les comptes dormants et qu'elles ont constaté qu'ils n'appartenaient même pas à des victimes juives de l'Holocauste... Ils appartenaient, pour la plupart d'entre eux, à "des personnes très aisées, non juives, qui avaient oublié leurs bas de laine". Si les Suisses ont effectivement payé un million et demi de dollars à Bronfman et Burg, ce n'est certainement pas parce que les récriminations de ces deux personnages les auraient convaincus. Ils ont déboursé cette somme parce qu'ils n'avaient pas le choix : Bronfman (avec son acolyte Mark Rich) était un important supporter du Président Bill Clinton, et Clinton aurait en cas de nécessité posé la même requête avec des moyens beaucoup plus "appuyés", vraisemblablement juste en-deçà d'une campagne de bombardements sur la Suisse.
Certains éléments de cette histoire commencent à faire surface. C'est le cas, notamment, dans l'ouvrage du professeur à l'Université de New York Normam Finkelstein, un best-seller : L'industrie de l'Holocauste, objet de moult controverses. Finkelstein s'est insurgé contre les méthodes d'extorsion de fonds pratiquées par les organisations juives. Ces dernières l'ont accusé de mensonge et d'antisémitisme. Aujourd'hui, un an après la parution de son livre, de nouveaux détails, inattendus et croustillants, sur des manœuvres sordides, commencent à "fuir". Si les données sont confirmées, nous avons affaire à la plus grande escroquerie du vingtième siècle.
Apparemment, le professeur Finkelstein a commis quelques erreurs : au grand dam des pourfendeurs de Juifs, les victimes de l'escroquerie n'ont pas été les seules banques et compagnies d'assurances, mais des gens ordinaires, d'origine juive, eux. Et, n'en déplaise aux "philo sémites", les truands étaient bien les dirigeants juifs autoproclamés, qui prétendaient représenter le peuple juif.
II - L'homme qui est à l'origine de cette découverte est bien différent du professeur new-yorkais Finkelstein. Martin Stern est un homme d'affaires britannique prospère et très engagé dans l'immobilier, ainsi que dans les causes juive et sioniste. Il travaille à Londres et passe ses week-ends dans son vaste appartement, situé dans le quartier orthodoxe de Jérusalem. Il ne manque pas une prière dans sa synagogue de quartier, pratique la bienfaisance et aime sincèrement Israël. Une rencontre fortuite, avec un banquier suisse, à Villar, prestigieuse station des Alpes suisses, a été l'origine du "démontage" des revendications relatives à l'Holocauste. Le banquier raconta à Stern une anecdote intéressante. Sa banque, l'Union Suisse (USB), en procédant à un inventaire informatique de ses comptes pour 1987, a découvert qu'elle détenait de nombreux comptes, dormants depuis 1939. Les dirigeants de la banque en vinrent à conclure que quelque 45 millions de francs suisses (équivalant à environ 30 millions de dollars) de dépôts appartenaient vraisemblablement à des Juifs qui avaient disparu durant la dernière guerre, et depuis lors.
"Nous ne voulions pas conserver la garde de l'argent d'autres (que nos clients), - lui avait expliqué l'honnête banquier suisse, - "c'est pourquoi nous avons contacté le Congrès Juif Mondial afin de lui demander de nous aider à trouver les héritiers de ces fonds. Le Congrès a alors répondu : "Ceci n'est pas à notre ordre du jour". Les Suisses, vexés de cette rebuffade, ont transféré les 30 millions de dollars à la Croix Rouge.
Martin Stern a été frappé par cette histoire, et il en a fait état au micro de la Radio israélienne. Deux semaines après l'émission, "incidemment", Bronfman et Burg frappaient à la porte de la Corporation des Banques Suisses, exigeant le grisbi. Comme nous l'avons déjà indiqué, ils l'ont obtenu. Mais, petit détail : ils l'ont gardé pour leurs petites dépenses personnelles. Martin Stern se sentait en partie responsable, et il s'est efforcé de suivre les développements de l'affaire.
La manière dont l'"argent de l'Holocauste" était manipulé lui causa des alarmes allant crescendo. Après imputation de leurs propres salaires, la conférence des "Réclamations" dépensa 43 millions de dollars en envoi de colis alimentaires aux Juifs de Russie. Bronfman et Burg n'ont pas levé la langue là-dessus lorsqu'ils sont allés demander aux banques suisses d'accélérer le paiement aux survivants, aux ayants droits légitimes. Leurs priorités auraient-elles changé ?
Des circonstances familiales ont amené Stern à connaître d'une histoire liée au scandale des Assurances Generali. Avant la Seconde guerre mondiale, les Generali étaient une grande compagnie d'assurances italienne, dont les propriétaires étaient des Juifs italiens. "Avant la guerre, de nombreuses compagnies d'assurance étaient entre les mains de Juifs, et il faut savoir qu'à cette époque-là, l'assurance était la banque des gens modestes", explique Stern. La Generali possédait des avoirs énormes en Palestine, ainsi que dans les Balkans et, bien sûr, en Italie. En dépit de la guerre, du fascisme italien et de l'Holocauste, la Generali a conservé ses relations avec les Juifs. Ils ne voulaient pas suivre l'exemple des Suisses et des Allemands, et ils ont nié avoir conservé une quelconque trace des polices d'assurances conclues avant-guerre. Stern a mené l'enquête, à ses frais, et il a réussi à localiser les entrepôts ultra-secrets où les patrons de Generali conservaient les polices d'avant-guerre. Il a découvert que la Generali doit des sommes colossales aux héritiers de ses assurés. Sa découverte a contraint la Generali à changer de manières de faire et à accepter de payer, en manifestant le désir de s'amender individuellement de ses dettes auprès de chacun de ses assurés, en personne.
III - Ainsi, dans le cas où la personne décédée n'aurait pas été juive, ses héritiers auraient reçu la valeur de rachat de son assurance directement de la compagnie d'assurance concernée, ou d'une banque. Mais, comme vous l'avez certainement subodoré depuis le début, nous, les Juifs, nous ne sommes pas comme les autres. Nous sommes différents des autres, parce que nous sommes plus naïfs qu'à notre tour. C'est pourquoi nous avons accepté d'avoir affaire à un intermédiaire - les responsables juifs - lorsque nous traitons avec le vaste (et largement gentil) monde.
Depuis 1950, les responsables juifs ont fait fortune en s'érigeant en intermédiaires, les compensations (financières) n'allant pas directement aux héritiers ayant-droits et aux survivants (de l'Holocauste), mais atterrissant dans les mains colleuses des responsables (communautaires). Les Juifs israéliens auraient dû recevoir, en théorie, dédommagements et pensions via des canaux financiers israéliens, tandis que les Juifs européens reçurent leur argent directement des Goyiim (les non-Juifs, Ndt). Et, oh, surprise : les survivants payés par l'intermédiaire de mains juives ont toujours perçu moins d'argent, et parfois, beaucoup moins. L'Etat juif, les banques juives et les organisations juives se sucraient sur chaque transaction, et ils n'y a pas une seule ficelle financière à laquelle ils n'aient eu recours. Lorsqu'en Israël l'inflation flambait, les pensions versées aux survivants de l'Holocauste étaient immanquablement indexées à un taux inférieur à celle-ci. Les banques avaient toujours du retard dans leurs versements...
Lorsque les Juifs russes arrivèrent massivement en Israël, les dirigeants juifs signèrent un accord avec l'Allemagne afin qu'elle abonde les survivants. Une part léonine des fonds donnés par l'Allemagne restèrent entre les mains des organisations juives, des intermédiaires et autres "dealers".
Quiconque faisait confiance à nos frères juifs l'avait dans le baba, aussi vrai qu'escroquer ses coreligionnaires est le passe-temps favori des escrocs juifs, qu'ils soient banquiers ou dirigeants communautaires. Un cynique pourrait dire que la notion même de peuple juif est une invention géniale de ces escrocs. Du temps de nos grands-parents, cela ne marchait pas du tout aussi bien, car les Juifs savaient très bien qu'un escroc juif était capable d''avoir' un Juif aussi facilement qu'un 'Goy', et même, vraisemblablement plus facilement... Mais, de nos jours, nous avons oublié cette importante notion.
IV - Après que Martin Stern ait retrouvé les polices d'assurance, la société Generali se fit plus coopérative, et elle accepta de payer. Mais les politiciens israéliens et juifs voulurent rester en piste. Ils négocièrent une convention d'agrément avec la Generali, au nom des porteurs de polices d'origine juive. C'était une idée incroyable : que les Juifs soient un groupe religieux ou un groupe ethnique, peu importe : s'ils ont souscrit des assurances-vie, c'est certainement à titre personnel. De plus, ils n'ont jamais mandaté un quelconque politique israélien pour les représenter. Mais les politiciens négocièrent l'agrément, néanmoins, reçurent cent millions de dollars, qu'ils baptisèrent "Fonds Generali", et se mirent sans perdre de temps à y puiser largement comme s'il se fût agi de leurs propres économies... oubliant l'intérêt des souscripteurs juifs clients de la Generali, à moins que - ce qui est fort probable - ils n'aient jamais considéré cet intérêt que comme une clause de style.
En juin 2001, le Fond Generali ne liquida que 72 dossiers, sur 1 250... On balada les  autres souscripteurs, on les débouta sans motif, ou bien ils ne reçurent jamais de réponse. En désespoir de cause, certains s'adressèrent aux Italiens, qui payèrent sans barguigner. Encore une preuve, si besoin était, que les Juifs ont besoin d'intermédiaires juifs au moins autant qu'un poisson a besoin d'une tenue de plongée. Pendant ce temps-là, les gardiens du "Fonds" procédaient à 270 "paiements gracieux, à titre humanitaire"...
Ils envoyèrent des colis alimentaires aux Juifs russes, afin de les attirer en Israël. Je suis sûr que les assurances Generali auraient été très heureuses de nourrir les Juifs russes afin d'augmenter leur zèle sioniste, mais pourquoi nos hommes politiques israéliens ne l'ont-ils pas carrément manifesté, lorsqu'ils ont négocié leur fameuse convention avec cette compagnie ?
Martin Stern a découvert que les "gérants" du Fonds Generali prenaient de plus en plus fréquemment l'avion pour l'Italie aux frais du Fonds, et quand cela ne leur sembla plus suffire, ils exigèrent de Generali des émoluments substantiels. L'affaire traversa l'Atlantique, et les plaignants américains découvrirent que leurs réclamations étaient "réglées" par nos fameux politiciens. Les organisations juives américaines soutinrent leurs potes israéliens. Un acteur clé dans le système était un certain Lawrence Eagleburger, ex-Secrétaire d'Etat américain (= ministre des Affaires étrangères, Ndt). Ce grand homme préside à la commission des dirigeants juifs engagés dans les affaires de compensation pour les avoirs des victimes juives de l'Holocauste, cela lui vaut un salaire annuel de 350 000 dollars (~ 18 patates/mois, Ndt). Stern est d'avis que l'argent bloqué pour la convention avec Generali suffirait amplement à défrayer les ayant-droits. C'est pourquoi il est horrifié par la facilité avec laquelle MM. Bronfman et Burg dilapident les fonds à des fins qu'ils jugent autrement plus importantes.
V - Alors que les organisations juives donnaient de la tablature aux banques suisses et allemandes, elles étaient beaucoup plus timides lorsqu'elles avaient affaire à une banque juive. La Banque Leumi, d'Israël, a probablement (dans ses coffres) plus d'argent de Juifs disparus (dans l'Holocauste) que n'importe quelle banque suisse ou allemande. Vous allez rire, mais les banquiers israéliens ne sont pas particulièrement pressés de rendre cet argent. En l'occurrence, l'argent leur colle après comme s'ils étaient de la glu. Avant la seconde guerre mondiale, de nombreux Juifs d'Europe déposèrent leurs économies à la Banque Anglo-Palestinienne, la principale banque juive de la Palestine sous mandat britannique. Il faut savoir que "Anglo-Palestine Bank" est le nom que portait la banque Leumi, avant 1948. Certains de ces Juifs ouvrirent des comptes, sur lesquels ils déposèrent de l'argent, tandis que d'autres louèrent des coffres. Les Juifs n'étaient d'ailleurs pas les seuls clients de cette banque : ses sous-sols renfermaient les grandes fortunes de Palestiniens chrétiens et musulmans, aussi.
Nombreux sont les Palestiniens à avoir perdu leurs avoirs lors de la grande insurrection de 1948. Les banques israéliennes eurent recours à absolument tous les moyens possibles et imaginables pour bloquer leurs fonds et les laisser fondre sous l'effet d'une inflation exponentielle. Mais les Juifs n'étaient pas placés à meilleure enseigne. Apparemment, le pire endroit où un Juif aurait bien pu déposer ses économies était la Banque Leumi, la Banque nationale d'Israël. Les survivants de l'Holocauste et les ayants-droits de ses victimes se sont vu opposer le refus catégorique de la Banque Leumi d'ouvrir ses archives aux fins de contrôle.
En voie de privatisation, la Banque Leumi est possédée en partie par la compagnie d'assurances Generali. La compagnie d'assurances Migdal, la Generali et la Banque Leumi constituent une "usine à gaz" financière mêlant des entreprises et des hommes d'affaires à la réputation discutable. Ce sont les mêmes bonshommes qui siègent à de multiples conseils d'administration de ces compagnies, se partageant les primes et se refilant entre eux les paquets d'actions...
Martin Stern a découvert que, dans les années cinquante, le personnel de la Banque Leumi avait ouvert, sans aucun contrôle ni aucune supervision, et même en se dispensant de tout procès-verbal écrit, tous les coffres "dormants". Leurs contenus furent fourrés dans des enveloppes de papier brun et dissimulés à la curiosité (malsaine) du public. Détail pittoresque : on a indiqué à Stern l'existence d'un coffre-fort, qui est resté pendant des années dans un bureau de la banque Leumi, au grand dam des sténo-dactylos qui y accrochaient régulièrement leurs bas... Quand ce coffre fut enfin ouvert, on y découvrit un véritable trésor, déposé là, apparemment par une paroisse de l'église copte. Jusqu'à ce jour, ce dépôt conséquent n'a pas encore été restitué à cette institution.
Martin Stern ne pouvait pas en croire ses oreilles. Jamais il n'aurait imaginé que des violations aussi grossières de la déontologie bancaire fussent possibles. Dans le cadre de son combat pour la défense des intérêts des survivants des victimes de l'Holocauste ou de leurs ayant-droits, il demanda à la banque Leumi de publier les noms des propriétaires des coffres d'où elle avait "extrait" les dépôts qui s'y trouvaient. Dans un premier temps, la directrice générale de la banque, Galia Maor, nia que la banque ait ouvert les coffres. Les preuves en ayant été produites, elle répondit, avec un aplomb formidable : "nous n'avons trouvé que des lettres sentimentales". Je me demande si une réponse de cette eau, donnée par les Suisses, aurait été jugée acceptable par les organisations juives ?
Le sort des dépôts monétaires ne fut pas différent de celui des coffres, ce qui permit à la banque Leumi de gagner sur les deux tableaux.
Une certaine Madame Klausner avait déposé 170 Livres sterling à la banque Leumi, avant guerre, ce qui correspond à 25 000 dollars actuels. Venue réclamer le remboursement de son dépôt, la banque Leumi lui offrit 12 nouveaux shekels, soit 4 dollars ! Afin d'éviter tout embarras dans le futur, les dirigeants de la banque ont entrepris de détruire toutes les archives gênantes.
Les manoeuvres de la banque Leumi ont attiré l'attention de la presse israélienne et de la Knesset. Une commission parlementaire d'enquête a été souhaitée. Il a fallu pas moins de six mois de discussions intenses pour la constituer, mais dans son ordre de mission, il y a une petite erreur qui tombe à pic. Les survivants demandaient que les personnes responsables de la dissimulation de leurs économies durant plus d'un demi-siècle soient poursuivies. Cette exigence n'a pas été retenue dans l'ordre de mission de la commission ad hoc...
Pire, cette commission comporte parmi ses membres des personnes responsables de l'état de choses actuel. Zvi Barak faisait partie de la direction de la banque Leumi, il est encore membre du conseil d'administration du Fonds Generali, il a été envoyé dans les banques suisses pour y enquêter, et voilà que maintenant, il est chargé (par le Parlement) de débusquer les coupables dans sa propre banque...
Michael Kleiner est un député de la tendance droitière du parti Herout. Il a écrit à la commission d'enquête parlementaire : "la Banque (Leumi) est en train de détruire des archives dans deux de ses départements. Aujourd'hui, il y a de fortes présomptions en ce qui concerne les dépôts de victimes de l'Holocauste, en particulier les enveloppes de papier kraft dans lesquelles on a mis le contenu des coffres-forts vidés."
Récemment, la banque Leumi a tenu la vedette de l'actualité pour son blanchiment d'argent sale à grande échelle, lorsque les fortunes volées par Vladimir Montesinos et son patron Alberto Fujimori, ex-président du Pérou, ont été retrouvées dans les coffres d'une de ses succursales suisses... Personne ne peut comprendre que l'on parle de "blanchiment" à propos d'une telle banque. Ne lui confiez pas un mouchoir usagé : elle vous le rendrait sale.
VI - Le plus éclatant succès des dirigeants juifs a été enregistré en Allemagne, en 1991, lorsque l'Allemagne de l'Est fusionna avec la République Fédérale. Après 1945, la république socialiste d'Allemagne de l'Est (RDA) ne dédommagea aucun détenteur de capitaux d'avant la guerre, pas plus les gentils que les juifs. Leur logique était la bonne. Les Allemands de l'Est ne reconnaissaient pas la notion de 'peuple juif'. Ils traitaient sur un pied d'égalité tous les ressortissants allemands, juifs ou non. Ils pensaient que l'idée nazie de statut séparé pour les Juifs avait disparu depuis 1945. Ils avaient tout faux. L'Allemagne de l'Ouest admit le concept féodal de Juiverie en 1950, lorsqu'elle décida de payer des compensations pour les avoirs juifs - non pas aux survivants ou aux ayant-droits, mais à l'Etat d'Israël et aux dirigeants juifs ailleurs qu'en Israël. Les Allemands de l'Ouest refirent le coup en 1991.
Prenons un exemple. Peter et Moses, deux Allemands, sont morts du fait de la guerre, laissant quelques biens en Allemagne de l'Est.
Les biens de Peter le Gentil restèrent aux mains du gouvernement allemand, jusqu'à ce qu'on trouve ses héritiers. Au cas où il n'en aurait aucun, ses biens resteraient propriété du peuple allemand. Mais les biens de Moses le Juif seraient remis à MM. Bronfman & Burg, en leur qualité de dirigeants et représentants du Peuple Juif, membres de la Conférence sur les Réclamations. Les Allemands transférèrent le biens appartenant à leurs concitoyens juifs sur le territoire de l'(ex) Allemagne de l'Est à la Conférence.
La Conférence ? Il ne s'agissait pas, en l'occurrence, d'autre chose que d'un groupe de 44 personnes ne représentant absolument personne. Certains étaient délégués par une "Association Anglo-Juive", à l'intitulé pompeux, qui ne comporte qu'une cinquantaine de membres. Deux personnes - deux! - se targuent de représenter plusieurs millions de Juifs israéliens. Ladite conférence était censée retrouver les héritiers légitimes du Moses de notre exemple, ainsi que d'autres Allemands d'origine juive.
Toutefois, les dirigeants juifs avaient une meilleure idée. Ils savaient que de nombreux propriétaires ne viendraient jamais réclamer leurs maisons, quoi qu'il en soit, et que ces propriétés leur échoiraient. Mais ce n'était pas encore assez, pour ces saloperies avides. Ils fixèrent une date buttoir après laquelle ils ne prendraient plus en considération les réclamations d'éventuels héritiers. C'était là un coup à la hauteur du génie juif : ainsi, quelque trente millions de dollars tombaient dans leur escarcelle, le plus "légalement" du monde. Depuis lors, ils purent en user à leur guise avec les réclamations des héritiers légitimes. Et les millions de dollars de rente pouvaient s'accumuler sur leurs comptes. Les organisations américaines de survivants juifs de l'Holocauste entreprirent leur combat contre les dirigeants juifs. Elles exigent que la Conférence (pour les Réclamations) rende publics les listings complets de leurs avoirs, trouve les héritiers légitimes et débloque les fonds. Ils envisagent de poursuivre l'Allemagne, l'Italie et d'autres pays et organisations qui, pour quelque raison mystérieuse, ont avalisé la notion moyenâgeuse de "propriété juive". Elles disent qu'une propriété peut être éventuellement celle d'une personne juive, mais jamais on ne sait quelle "propriété juive". Comme le montre cette affaire, des idées de cette nature sont tout bénéfice pour les soi-disant dirigeants juifs auxquels elles permettent de mener le grand train auquel ils sont accoutumés. Mais pour les gens ordinaires, d'origine juive, il est grand temps d'abandonner les illusions coûteuses d'une illusoire solidarité juive.
- Notes :
[1] http://www.infobeat.com/cgi-bin/WebObjects/IBFrontEnd.woa/wa/fullStory
[2] Independent, 18.06.2001, par Mary Dejevsky, depuis Washington.
[D'autres articles d'Israël Shamir peuvent être consultés sur le site : http://www.israelshamir.com]
                  
4. Interview de Marianne Blume, coopérante belge, professeur de français à l'Université par Jean-Pierre Jacqmin
sur la RTBF (radio belge) le lundi 29 octobre 2001, 7h45
RETRANSCRIPTION
- Vous avez choisi Renaud. Souvent, quand on interviewe des gens qui sont au Proche-Orient, on choisit Noah. Parce qu'on veut être militant pour la paix. Vous n'y croyez plus?
- Ca n'a rien à avoir avec ça. Disons que mon militantisme pour la paix, il part quand même de la Belgique et de l'Europe, et je trouve que cette chanson de Renaud : "Triviale Poursuite" fait état de toutes les injustices dans le monde, surtout à l'heure actuelle, est une chanson qui, pour moi, parle. Parce qu'elle ne parle pas d'une seule injustice, elle parle des Palestiniens, mais elle parle de la manière dont le monde entier tourne pas rond. Et le Proche-Orient n'est jamais qu'un des avatars de ce dysfonctionnement général du monde.
- La dernière nouvelle de la nuit, c'est ce retrait israélien de la ville de Bethléem. Est-ce que ça peut avoir un impact sur les Palestiniens que vous côtoyez tous les jours dans la bande de Gaza ?
- Non, personne ne va croire que ce retrait qui finalement... Les Palestiniens ont l'impression, tout le temps, que les Israéliens poussent le bouchon le plus loin possible. Et puis ils se retirent dans ce qui était déjà une injustice et tout le monde les applaudit. Et ici, ça va être la même chose. Entrer dans Bethléem, ce n'était pas leur droit. Ils s'en retirent, et on les applaudit. Non! Ce n'est qu'une chose normale. Et par ailleurs, ils se retirent de Bethléem et de Beït Jala, on imagine tous, suite à des pressions américaines et peut-être aussi du Vatican, au fait que Noël va arriver. Je veux dire : on ne se fait d'illusion. Ils se retirent, c'est un geste. Tout d'un coup, après avoir réclamé des périodes d'accalmies d'une semaine et puis de 48 heures, puis 24 heures, alors qu'il y a eu un attentat à Raberah, ils se retirent de Bethléem et de Beït Jala en disant qu'il fait calme à Bethléem et de Beït Jala, tout cela est tellement dans l'habitude des Israéliens de trouver des tactiques au fur et à mesure, de s'adapter, de les changer... Les Palestiniens ne vont pas croire à ça plus qu'à autre chose. Ce n'est jamais que normal.
- Dans la bande de Gaza, il y a moins d'incursions qu'en Cisjordanie ? Pourquoi ?
- Les incursions dans la bande Gaza ne sont pas de la même nature. En Cisjordanie, il est très facile, vu que la Cisjordanie est vraiment une peau de léopard, il est facile d'investir une ville, de l'assiéger, d'y entrer. Dans la bande de Gaza, il y a beaucoup d'incursions, dont on parle beaucoup moins. Il y en a à Rafah, il y en a à Ranionis, il y en a au nord, à Bethlariah. Il y a une semaine, il y avait des tanks entre Netsarim et Karni. Les Israéliens sont très présents, ils contrôlent les routes, mais ça n'a pas l'aspect spectaculaire de la Cisjordanie parce qu'ils ne sont pas dans les rues où passent les gens. Ils sont sur les routes principales. Ils peuvent fermer la bande de Gaza. Ce n'est qu'à Rafah et à Ranionis, qu'ils entrent. Parfois, la fois dernière à Rafah, quatre kilomètres quand même, ils démolissent des maisons et ressortent. Donc ce sont des incursions mais d'un autre type. Mais par contre au nord, il est clair qu'à Bet Naria, ils ont rogné sur la frontière, et ils ont pris carrément des terres sous prétexte de protéger les colonies du nord, qui sont des colonies industrielles.
- Dire qu'on vit très mal dans les territoires palestiniens et en particulier dans la bande de Gaza, c'est pas vraiment un scoop. Comment les gens vivent les incursions ? Ca les éloigne de plus en plus de ce qu'on pourrait appeler le camp de la paix ?
- Le sentiment général des gens... Au le début en fait, si les gens ont voulu croire aux Accords d'Oslo, très vite, on s'est aperçu que ces accords de paix, ou en tout cas que ça ne concernait qu'une paix qui pourrait servir Israël. Que, surtout, ils étaient basés sur la sécurité d'Israël. Pour l'instant, les gens sont très fatigués. Tout le monde en fait, au contraire espère que ça se termine, espère qu'il y ait un retour et qu'on puisse dialoguer. Mais il n'y a aucun espoir, en fait. Il n'y a pas beaucoup de lumière dans tout ceci. Les gens sont réellement fatigués. Mais si vous parlez avec les gens, ce n'est une volonté de faire la guerre totale par exemple, pas du tout. Il serait temps qu'on s'asseye et qu'on commence à dialoguer. Mais, d'un autre côté, on ne peut pas non plus tout le temps être celui qui baisse sa culotte. D'où le fait qu'on continue à avoir dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, des groupes qui tirent sur des soldats israéliens ou qui font des attentats. Parce que l'un n'est pas incompatible avec l'autre. On ne peut vouloir la paix et être simplement le plus faible, celui qui ne fait rien. Je veux dire: les gens ont aussi ce sentiment qu'ils ont droit à la résistance.
- Les gens, à la fois, veulent la fin de la guerre, mais soutiennent ceux qui continuent à se battre dans cette deuxième Intifada plus armée ?
- Ca, c'est clair parce que c'est aussi, comme pour tous les peuples du monde qui sont opprimés, occupés et humiliés, il y a quand même une question de dignité. On ne peut pas se laisser tuer, on ne peut pas simplement attendre que quelque chose se passe. Et c'est vrai qu'on est en train, avec cette deuxième Intifada, dans un autre type de résistance qui est parfois armée. Parce que les gens ne voient pas d'autres solutions. Parce qu'aussi jeter des pierres, ça a fait son temps, je veux dire, c'était une stratégie qui a marché, qui maintenant ne marche absolument plus.
- Quand vous dites une stratégie : est-ce qu'on sait qui est derrière cette stratégie au départ de cette seconde Intifada qui a plus d'un an maintenant? Et qui serait encore derrière maintenant ?
- Mais, je pense qu'en fait on ne peut pas dire qu'il y ait une personne qui soit derrière. Il y a un phénomène, c'est que tous les jeunes qui ont fait la première Intifada, et ceci dans la bande de Gaza comme en Cisjordanie, ont maintenant 27, 28, 29 ans. Forcément ces gens-là ne pensent plus en terme de jeter des pierres contre un tank, comme on a vu un gamin dans la bande de Gaza le faire. Ces gens-là maintenant ne sont plus prêts à faire ce type d'actions et ils se regroupent, selon les affinités de la première Intifada, pour résister d'une autre manière.
- Est-ce qu'on retrouve ces gens-là, parfois, dans la police palestinienne ?
- Certainement. Mais la police palestinienne, on en fait un grand plat, mais je veux dire, dans la plupart des pays du tiers monde, on doit trouver un moyen de nourrir la population. Et en Palestine, c'est clair que pour donner du travail à quelqu'un, on le met dans la police. La police, c'est "Monsieur tout le monde" en fait.
- Et les extrémistes du Hezbollah et du Hamas, est-ce qu'ils ont le vent en poupe ?
- Forcément, ils existent, c'est clair. En tout cas dans la bande de Gaza. Pour la Cisjordanie, je suis moins au fait parce que je ne vis pas dans la population. Mais ces gens-là ont toujours existé, et ils existent encore aujourd'hui. Mais quand on entend ce qui se passe en général, en fait, on ne peut pas dire qu'ils ont en mains la résistance. Au contraire, les gens du Fatah y sont aussi. Vous savez le Fatah, c'est plus un mouvement qu'un parti. Dans le Fatah, Il y a des gens comme Marouan Barbouti, et puis il y a des gens qui font partie de l'establishment. Dans le Fatah, depuis le début, il y a toujours eu des divergences. Il y a toujours eu des groupes beaucoup plus durs que ce qu'on entend au niveau de l'autorité. Ces gens-là, naturellement, à partir du moment où l'occupation se reprécise, entrent en résistance. Et c'est aussi bien le Hamas que le Djihad islamique. On ne voit pas, en tout cas dans les rues de Gazah ou dans les rues de Cisjordanie, plus de manifestations islamistes qu'auparavant.
- Et l'image de Yasser Arafat, le patron du Fatah, mais surtout le patron de l'Autorité palestinienne, où en est-elle maintenant ?
- En fait, Arafat, les gens, de manière... très réalistes finalement, disent que c'est un symbole, c'est quelqu'un qui a effectivement lutté pour le peuple palestinien, et malheureusement, il n'y en a pas un autre pour le remplacer maintenant. Mais il y a des moments où, de nouveau, il devient populaire. Quand il refuse de simplement plier aux diktats israéliens, il redevient populaire un petit moment. Pour l'instant, ce qui est le plus difficile pour les gens, c'est qu'il n'y a pas de stratégie, ou que les gens, en tout cas, ne voient pas quelle est la stratégie de l'Autorité palestinienne. Donc, de nouveau, l'Autorité palestinienne est critiquée en bloc. Mais tout ça peut très bien changer. Et par ailleurs, les gens, s'ils critiquent Arafat, il y a beaucoup de blagues qui circulent sur lui, etc. néanmoins, ont un certain respect pour lui et le considèrent comme un symbole. Jusqu'à présent, c'est un des rares qui soit capable de maintenir une sorte de cohésion à travers tous les mouvements palestiniens.
- On l'a déjà dit, Marianne Blume, vous êtes professeur de français dans une université dans la bande Gaza: comment ça se passe ? Est-ce qu'on parvient encore à mener des études dans des conditions pareilles ?
- C'est très étonnant. J'ai été enseignante à l'Université libre de Bruxelles, mais aussi à Molenbeek ou à Evere, donc dans des écoles difficiles, dans des quartiers difficiles. J'imaginais que ce serait difficile aussi avec l'Intifada de donner cours. Finalement, les étudiants sont relativement assez mûrs. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas qui profitent des 'circonstances', comme ils disent, pour ne pas être là, s'absenter ou pour ne pas faire certains travaux. Mais en général, on arrive facilement à les convaincre que de faire des études: c'est une partie de la lutte aussi. Le collègue qui donne cours à Birseit, les étudiants doivent faire encore plus d'efforts que nos étudiants pour arriver à l'université, puisqu'il y a un "check point" sur la route, il faut aller à pied, etc... Et ils le font quand même. Il y a une sorte de conscience qu'effectivement, faire des études, c'est une manière de lutter, c'est aussi une manière de dire aux Israéliens qu'ils ne réussissent pas à bloquer la vie civile et la vie académique. Que tout est toujours fait, et les étudiants participent de ce mouvement pour essayer de continuer le plus normalement possible.
- On peut étudier, mais c'est très difficile de travailler ?
- C'est difficile de travailler. Evidemment, nos étudiants ont aussi la tête ailleurs. C'est assez dérisoire de demander à un étudiant de demander d'utiliser correctement le passé composé, et l'imparfait, si sa maison à Rafah vient d'être démolie, ou s'il vient de perdre un cousin. Mais, néanmoins, ces étudiants, je dois dire, continuent à venir et participent à la vie universitaire.
- On dit souvent qu'Israël est parfois sous l'influence des Etats-Unis, plus ou moins. Que l'Europe peut y faire quelque chose. Est-ce que l'Europe et les Etats-Unis ont une influence sur les Palestiniens ?
- Les Palestiniens ne rêvent que d'une chose, c'est que l'Europe prenne sa place et qu'elle puisse être comme la voie médiane. Ca, c'est absolument clair. Les Palestiniens croient en l'Europe, plus que nous y croyons nous-même. C'est vrai qu'ils sont très sceptiques. Les Américains apparaissent toujours comme étant les alliés des Israéliens. Et ce n'est pas les quelques remontrances de Bush qui vont changer la vie des Palestiniens. Et ici, une partie de l'engouement pour le français, est aussi de cet ordre-là, il est de l'ordre politique où les gens disent: 'Oui, on parlera français, on pourra parler à l'Europe en français'. Et ils espèrent effectivement beaucoup de l'Europe, ils espèrent que ce soit une alternative. Dans les difficultés où ils sont, que ce soit une alternative à l'Amérique.
- L'Europe pour le moment, via la voie de la Belgique, qui préside, veut mener une politique dite d'équidistance ? Est-ce que c'est la voie médiane dont vous parliez, il y a quelques instants ?
- A mon avis, ce serait la voie qui serait une des solutions. Je pense souvent quand je vois la politique actuellement, que pendant la guerre froide, beaucoup de pays d'Afrique ou d'Asie qui se sont retrouvés communistes tout simplement parce qu'il n'y avait que les Soviétiques pour les aider. Ils n'étaient pas plus communistes que vous et moi. Mais, j'ai l'impression qu'on recommence, que l'Europe recommence la même bêtise, c'est qu'on va se retrouver avec un monde arabe qui va devoir se définir entre être pro-américain ou la voie extrémiste qui sera la voie islamiste. Il faut qu'on trouve, et je pense que l'Europe pourrait trouver en parlant, comme avait dit le ministre Michel, le langage de la justice, pourrait trouver sa place et proposer une voie médiane. Et les Palestiniens, eux, sont vraiment demandeurs. Parfois, on se dit: ils rêvent, qu'est ce qu'ils pensent que l'Europe va pouvoir faire. Mais pour eux, c'est quelque chose d'important.
              
5. Le socialisme français aux couleurs du sionisme par Bernard Granotier
Le texte suivant est extrait de l'ouvrage [épuisé] "Israël, cause de la Troisième Guerre Mondiale ?" publié par Bernard Granotier aux éditions de L'Harmattan en 1982 (262 pages, ISBN : 2-85802-240-2).
"La cinquième guerre du Moyen-Orient, déclenchée en juin 1982 par Israël, a provoqué une émotion considérable dans le monde entier. Aux massacres de populations civiles libanaises s'est ajoutée une stratégie délibérée d'élimination de l'OLP, seule organisation reconnue par l'ONU et la communauté des nations comme représentative du peuple palestinien. L'engrenage des conflits entre Israéliens et Arabes met de plus en plus en jeu la paix et la sécurité internationales. Les répercussions en sont le terrorisme aveugle qui frappe jusqu'en plein coeur de Paris. Ce livre, "Israël, cause de la Troisième Guerre Mondiale ?" présente une théorie explicative d'ensemble de la situation au Moyen-Orient, depuis les débuts du sionisme, il y a un siècle. Il suggère des solutions que la France et la Communauté européenne pourraient mettre en oeuvre."
[Bernard Granotier est Docteur en sociologie. Il fut codirecteur de l'Ecole Spéciale d'Architecture de 1972 à 1975 ; Consultant de l'UNESCO de 1975 à 1978 ; membre du Conseil d'Administration d'Habitat International Council, organe d'experts internationaux de l'ONU, entre 1978 et 1980 ; professeur à l'Institut d'Urbanisme de Rabat (Maroc) en 1981 ; Président-fondateur de l'Association internationale I.O.A.N.E. (1982) pour la coopération euro-arabe. Auteur de divers ouvrages, spécialiste de l'immigration, il est aussi collaborateur des journaux On Target (Angleterre) et Le Monde (France).]
- EXTRAIT -
S'il fallait résumer l'histoire des relations franco-israéliennes à sa plus simple expression, elle tiendrait en deux dates : 2 juin 1967 lorsque de Gaulle décréta l'embargo sur les ventes d'armes à Jérusalem et 10 mai 1981, l'élection de François Mitterrand connu pour ses sympathies envers l'Etat juif.
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, la révélation des horreurs de l'Holocauste avait créé un climat favorable au peuple juif terriblement éprouvé. Dès la fin de 1946 fut créée à Paris la Ligue française pour la Palestine Libre, sur le modèle d'un organisme américain : "The Hebrew Committee of National Liberation" qui soutenait l'Irgun. A partir de mars 1947 la Ligue publia un bimensuel : La Riposte, qui dénonçait l'"occupation anglaise" de la Palestine. Een fait le Royaume-Uni n'était que puissance mandataire, mais ainsi le terrorisme sioniste devenait la "Résistance juive palestinienne" et il n'était jamais fait mention des Palestiniens eux-mêmes. En outre l'idée de l'Etat juif faisait son chemin dans les milieux, notamment gaullistes, où toute réduction de l'influence britannique quelque part dans le monde n'était pas pour déplaire. En 1956 la nationalisation du Canal de Suez et le soutien déclaré de l'Egypte à la lutte d'indépendance en Algérie rendirent Nasser doublement antipathique au gouvernement français, qui s'engagea dans l'aventure de la seconde guerre israélo-arabe. La décennie 1956-1966 marque l'âge d'or des rapports de la France et de l'Etat juif, les ventes d'armes de Paris à Tel-Aviv atteignant des niveaux records après 1959. [1]
Le changement d'orientation débute en 1962 quand de Gaulle ayant réglé le problème algérien cherche à renouer avec les pays arabes notamment pour contrecarrer l'influence américaine au Moyen-Orient. Puis, peu avant que n'éclate la Guerre des Six Jours, il décide l'embargo sur les livraisons d'armes en Israël, qui alors dépendait quasi totalement de la France pour son équipement militaire. La déclaration du 2 juin 1967 indique : "Le premier Etat qui ouvrirait les hostilités au Moyen-Orient ne saurait avoir ni l'approbation ni le soutien de la France [2]. Lors de la troisième guerre israélo-arabe, des armes françaises qui avaient été vendues à l'Algérie et au Liban furent utilisées contre l'Etat juif. Avec l'occupation du Sinaï, du Golan, de Gaza et de la Cisjordanie, le raidissement s'accentue. De Gaulle déclare au Conseil des ministres du 21 juin 1967 : "La France ne tient pour acquis aucun des changements réalisés sur le terrain par l'action militaire [3]." Paris conclue en septembre 1967 un contrat de vente d'armes avec l'Irak, ennemi déclaré d'Israël. Le ton est encore plus sévère lors de la Conférence de presse du 27 novembre 1967 où le Général s'élève contre "les ambitions expansionnistes d'Israël" jusqu'à généraliser hâtivement en caractérisant "les Juifs, restés ce qu'ils avaient été de tout temps, un peuple d'élite, sûr de lui et dominateur". On parla alors d'exprit "maurassien" chez le fondateur de la Vème République et les partisans du sionisme ne manquèrent pas de s'indigner de l'"antisémitisme" de De Gaulle. Les mesures d'embargo furent encore renforcées ensuite, notamment le 3 janvier 1969 pour sanctionner l'attaque du 28 décembre 1968 de l'aéroport de Beyrouth par l'aviation israélienne. On mesure ici le virage opéré par Mitterrand qui, treize ans plus tard, reçoit le ministre des Affaires étrangères de Begin alors que Tsahal met le Liban à feu et à sang. Dans ces conditions le vote juif eut une part certaine dans l'échec de De Gaulle au référendum du 27 avril 1969. Il apparaîtrait que certains Juifs de haute fortune consentirent un considérable appui financier à la campagne antigaulliste. [4]
George Pompidou et Giscard d'Estaing devaient maintenir le principe d'une attitude critique vis-à-vis d'Israël. Certes il y eut des concessions. L'embargo fut allégé le 15 juin 1969, puis contourné en autorisant la livraison de "Mirages" en pièces détachées [5], et enfin supprimé en 1974. D'autre part, en janvier 1975, Paris prit l'initiative d'intervenir auprès de ses partenaires du Marché Commun pour la signature d'un accord de libre-échange entre la Communauté Européenne et Israël. En réalité, la fermeté restait de rigueur. Alors que Khadafi était arrivé au pouvoir en septembre 1969 un accord de coopération franco-lybien fut signé trois mois plus tard portant sur la vente de 110 "Mirages". On attribue à George Pompidou, pourtant peu suspect d'"antisémitisme" pour avoir fait une bonne partie de sa carrière comme directeur de banque chez Rothschild, la définition d'Israël comme "Etat racial et religieux [6]". Son voyage aux Etats-Unis en février 1970, sur l'invitation de Richard Nixon, tourna à l'émeute. Alors qu'il sortait de l'hôtel "Palmer House" à Chicago, il dut pour regagner sa voiture traverser une horde de Juifs américains vociférants, menaçants, qui l'insultaient, insultaient sa femme, les bousculaient, sans qu'aucun détachement de police ne cherchât à les protéger [7]. En 1972, la France vota à l'ONU pour une résolution qui accusait Israël d'avoir violé la Convention de Genève dans les territoires occupés et d'y avoir commis des crimes de guerre. Pendant la Guerre du Kippour, la France se rangea indirectement du côté des Arabes. Chez les gaullistes, le courant antisioniste, quoique minoritaire, s'était renforcé sous l'impulsion de Louis Terrenoire, président de l'Association de Solidarité Franco-Arabe. Le 8 octobre 1973, Michel Jobert, alors ministre des Affaires étrangères, fit une mise au point très nette par rapport à la version israélienne de la quatrième guerre avec les Arabes : "Est-ce que tenter de remettre les pieds chez soi constitue forcément une agression imprévue [8] ?" Aujourd'hui (1982) devenu ministre du Commerce extérieur dans le gouvernement socialiste, Michel Jobert n'a sans doute pas la même vision des faits ou alors il évite de parler de l'invasion du Liban, notamment avec son collègue Badinter à la Justice et Attali, conseiller principal de François Mitterrand, tous deux comptant parmi les principaux dirigeants du sionisme en France. Valéry Giscard d'Estaing causa des remous, d'abord en faisant libérer Abou Daoud, accusé d'avoir organisé l'attentat de Münich en 1972 et que la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) avait arrêté le 7 janvier 1977. Ensuite, au cours d'un voyage dans le Golfe et en Jordanie, il réaffirma "le droit à l'autodétermination du peuple palestinien" et préconisa d'associer l'OLP aux négociations de paix, alors que le processus de Camp David visait à l'en exclure. Le vote juif ne fut de toute évidence pas du côté de l'auteur de Démocratie française et, peu avant l'élection présidentielle, le 3 avril 1981, le CRIF dénonça publiquement la politique étrangère française avec les pays arabes au Moyen-Orient [9].
François Mitterrand à la Knesset : 4 mars 1982
A mi-chemin entre l'annexion du Golan (décembre 1981) et l'invasion du Liban (juin 1982), la visite officielle de François Mitterrand en Israël, du 2 au 5 mars 1982, ne peut pas ne pas apparaître comme une caution de première grandeur à la politique de Menahem Begin. C'était une double première : premier chef d'Etat français et premier chef d'Etat européen à se rendre en Israël. Certes, entre 1949 et 1980, Mitterrand s'était rendu plusieurs fois à Jérusalem et, encore en décembre 1980, comme Premier secrétaire du Parti Socialiste. Toute la différence tient dans cette précision : il n'était pas président de la République à cette époque. Quelles puissantes raisons l'ont donc engagé à faire ce pas décisif ? D'abord remplir un engagement électoral, sans nul doute. Le vote juif lui avait été largement acquis le 10 mai 1981 et il convenait de s'acquitter d'une dette. François Mitterrand a une admiration tout à fait légitime et bien évidemment sincère pour le peuple juif. Il a parlé souvent des "nombreux Juifs qui furent - et sont - mes compagnons de vie", non comme ces antisémites qui doivent absolument mentionner qu'ils ont des relations avec des "israélites" (le mot "juif" leur fait en général peur) mais parce que, de George Dayan qui fut son ami de toute une existence à l'acteur Roger Hanin, son parent par alliance, il est vrai qu'il en est ainsi. Dans son discours à la Knesset, le Président Mitterrand voulut arrondir les angles de la trop célèbre définition gaullienne et il parla des Juifs, "peuple noble et fier dans sa plénitude et sa diversité".
Malgré tout, le voyage en Israël est ambigu. Dans une interview précédent sa visite, Mitterrand parlait des Juifs qui "ont conquis Canaan non pour leur compte mais pour celui de Dieu [10]. Voilà bien l'idéologie pseudo-biblique dont on a vu l'utilisation constante par le sionisme. Tout impérialisme, toute dictature éprouve le besoin de faire bénir ses canons et de se ranger derrière le mot "Dieu" : de l'Inquisition espagnole à l'Imam Khomeiny. Il y a plus grave. La visite présidentielle intervenait au moment où la répression dans les territoires occupés battait son plein, culminant dans l'interdiction du Comité d'Orientation Nationale proche de l'OLP, le 11 mars 1982. Comment prétendre que l'on va sur le terrain pour que les Palestiniens soient reconnus comme interlocuteur valable par Israël alors qu'on donne un chèque en blanc pour l'extermination des fedayin et des cadres de l'OLP en juin 1982 ? Ceux-ci ne s'y trompèrent pas, le numéro 2 du Fatah, Abou Ayad, déclarant dès le 18 mars 1982 qu'il ne voyait dans ce déplacement intempestif qu'"un alignement total sur la politique d'Israël". Jugement peu contestable, le discours à la Knesset survenant trois mois après l'annexion du Golan (qualifiée par Jacques Chirac d'"acte de piraterie"), moins d'un an après le bombardement du réacteur nucléaire irakien de Tamuz, et alors que l'invasion du Liban était imminente. Mais tant pour l'affaire du Tamuz que pour celle du Golan la visite présidentielle n'avait été que déplacée alors qu'il y avait ample raison de l'annuler. Le bref détour par Jérusalem légitime lui aussi à sa façon le coup de force israélien d'août 1980 sur la "capitale éternelle" de l'Etat juif. Quant à l'alibi d'une pression de l'équipe Sharon-Begin, on sait ce qu'il vaut maintenant que la boucherie a eu lieu au Liban en juin 1982. Comme le dit plus crûment l'Arche, revue du judaïsme français : "Mitterrand a fermé avec autorité et panache une parenthèse de quinze années [11]". En bref il s'agit d'un virage prononcé : la crédibilité de l'OLP est entamée, le processus de Camp David est reconnu sans un soupçon dedistance critique, le respect du boycott arabe vis-à-vis d'Israël est définitivement interdit aux entreprises françaises, un axe Jérusalem-Paris est mis en place.
Diversion cheyssonienne
L'attachement sincère de Claude Cheysson pour la cause palestinienne ne date pas de son accession au poste de ministre des Relations extérieures, il s'était exprimé sans ambages quand le Commissaire européen des années 70 prenait publiquement position pour l'OLP et contre toute inconditionnalité pro-israélienne. Mais quel rôle a joué Claude Cheysson au printemps 1982 ? Chaque camouflet à la cause palestinienne venant du plus haut personnage de l'Etat était accompagné ou suivi d'une mission de bons offices auprès des Arabes de la part du fac-totum du Quai d'Orsay. Le 3 mars 1982 Cheysson reçoit les maires de Gaza et Cisjordanie qui lui remettent un mémoire où ils dénoncent l'occupation israélienne des territoires confisqués en 1967 et en voie d'annexion. 10 mars 1982 : "entretien cordial mais franc", dit le communiqué officiel, avec M. Kaddoumi, le ministre des Affaires étrangères de l'OLP. Du 29 au 31 mai 1982 Claude Cheysson est en Arabie saoudite, en Tunisie et en Lybie, pour calmer les dirigeants arabes de ces pays. 8 juin 1982 : il reçoit une délégation des ambassadeurs des pays arabes en France, à laquelle s'était joint le représentant de l'OLP à Paris, Ibrahim Souss, et celui de la Ligue arabe, Mohammed Yazid. Or le 14 juin le ministre israélien des Affaires étrangères Yitzhak Shamir entamait un voyage officiel en France en plein martyr des populations civiles du Liban, "pays ami de la France". Est-ce simplement de l'"indifférence", pour reprendre les critiques de Maurice Couve de Murville à l'Assemblée nationale, pendant cette période ? "Demandons-nous, écrivait alors Claude Bourdet, si l'URSS avait envahi la Pologne cet hiver, écrasé de bombes Varsovie, Cracovie, et maints villages, tuant systématiquement n'importe quelle population civile, simplement pour "faire peur", est-ce que la France aurait invité, avant même que les milliers de cadavres ne soient froids, le ministre des Affaires étrangères soviétique Andréï Gromyko ? Et s'il y avait eu une ancienne invitation aurait-elle été ou non annulée ? Et l'Elysée se bornerait-il à demander en Pologne "l'arrêt des bombardements et des combats" ? Allons, M. Shamir a de la chance d'être israélien."
Mais, au-delà de l'indignation, d'ailleurs pleinement justifiée, la manoeuvre qui consiste à se rapprocher de Jérusalem en faisant avaler aux pays arabes une pilule particulièrement amère par ministre des Relations extérieures interposé, recouvre un calcul politique à plus long terme. La France, moins européenne que jamais, est fidèle à une stratégie strictement nationale qui remonte au moins à 1920 et sans doute historiquement aux premières pénétrations au Levant. Quelle fut l'attitude française dans les années 20 sous couvert du mandat de la SDN (Société des Nations, ancêtre de l'ONU) ? Réduire l'influence syrienne et créer un bastion francophile grâce à un Liban dominé par les chrétiens maronites. N'y a-t-il pas une convergence éclatante avec le but d'Israël d'installer à Beyrouth les phalangistes qui lui sont favorables ? Au prix de quelques bévues - Mitterrand assimilant les Palestiniens, qui sont au Liban selon l'accord arabo-libanais de 1969, et les Syriens, comme "armées étrangères" [12] - et surtout de la complicité indirecte avec le massacre de l'OLP, un choix a été fait. Un Liban pro-israélien servant de tête de pont à l'influence française au Moyen-Orient est préférable pour Paris à un Liban syrien comme Hafez-al-Asad, lui aussi héritier d'une longue tradition à Damas, tente de le réaliser. Dans cette orientation du gouvernement socialiste il y a certainement une logique, mais elle est écrasante pour les Palestiniens et elle ignore superbement le potentiel que pourrait représenter une présence active de l'Europe dans l'imbroglio du Moyen-Orient.
Sionisme et judéïté en France
Pour mieux apprécier l'alliance tactique du socialisme français, se parant un temps des couleurs du sionisme, il faut situer ce dernier au sein de la formation sociale française. Conçu au départ par des Juifs pour les Juifs, et même - ce en quoi il a une tendance totalitaire - pour tous les Juifs du monde, le sionisme a pour base et presque comme "matière première" la communauté juive en France.
Celle-ci, estimée à 700 000 personnes environ, est la première d'Europe de l'Ouest et la quatrième du monde. La présence des Juifs en France est attestée dès l'époque des Carolingiens. Au XVIème siècle de nombreux Marranes venus d'Espagne et du Portugal s'installèrent en France. Mais au moment de leur émancipation en 1791 les Juifs n'étaient guère nombreux : environ 40 000 puis 46 000 sous Napoléon. Celui-ci, le 17 juillet 1808, créa par décret le Consistoire Central des Israélites de France, lui-même décentralisé en Consistoires Régionaux, qui jusqu'à aujourd'hui doit, selon l'article 1er de ses statuts : "pourvoir aux intérêts généraux du culte israélite". Une vague d'immigrants juifs venus d'Allemagne et d'Europe Orientale (donc achkénazes et non sépharades comme les descendants des Marranes), entre 1830 et 1880, fut peut-être l'occasion de la bouffée d'antisémitisme qui saisit la France au moment de l'affaire Dreyfus. Occasion ou plutôt prétexte car à la fin du XIXème siècle il y avait 80 000 Juifs en France contre 5 millions en Russie, 2 millions en Autriche-Hongrie, 600 000 en Allemagne et 180 000 en Angleterre. Les 30 000 Juifs d'Alsace-Lorraine furent bien entendu Allemands de 1870 à la réintégration de cette province dans la France. Les 40 000 Juifs d'Algérie relevaient de Paris depuis 1862, le Consistoire autonome d'Alger étant alors supprimé tandis que le chef spirituel du judaïsme français prenait alors le titre de Grand Rabbin de France et d'Algérie. Le 24 octobre 1870 le ministre de la Justice Adolphe Crémieux, lui-même Juif, fit adopter un décret accordant la nationalité française aux Algériens autochtones de confession israélite. Le décret Crémieux, suspendu sous Vichy, redevint en vigueur à la Libération et fut massivement appliqué en 1962 quand 170 000 Juifs d'Algérie, peu sensibles aux sirènes sionistes du "retour" en Palestine, réintégrèrent l'hexagone. La population juive de France passa de 300 000 en 1939 à moins de 200 000 en 1945 (au moins 75 000 victimes des camps nazis). Puis la vague d'Afrique du Nord et d'Egypte entre 1956 et 1962 fit monter cette communauté au chiffre de 535 000 en 1968 et 700 000 en 1982.
La situation française est très différente de celle des Etats-Unis car les sépharades dominent : près des deux tiers des Juifs de France viennent du Maghreb. La moitié des Juifs vivent en région parisienne. Cela dit, les différences de classes, de cultures, d'idéologies, sont telles que le seul dénominateur commun est une certaine identification aux destinées de l'Etat d'Israël. Pas au point d'aller y vivre. L'"aliya" de France vers l'Etat juif a été de 30 000 départs de 1945 à 1971 et ce chiffre diminue encore : 1 000 à peine en 1978.
La communauté juive de France est très structurée. Au sommet le Conseil Représentatif des Institutions juives de France (CRIF), qui fut fondé en 1944 et comptait 27 organisations-membres en 1971. Le CRIF est présidé par Alain de Rothschild (1982) et travaille avec des Commissions : politique, communautés juives en péril, etc. C'est un des principaux groupes de pression en France, courtisé par la majorité et par l'opposition. Au CRIF le soutien à Israël est inconditionnel. L'invasion du Liban fut présentée comme "cette guerre imposée à Israël" [13] ! Le Fonds Social Juif Unifié, FSJU, né en 1949, s'est transformé au fil des années d'un centre de collecte d'argent pour Israël en un forum permanent pour toutes sortes d'échanges. Le FSJU fut longtemps présidé par Guy de Rothschild et aujourd'hui (1982) par son fils David de Rothschild. D'après le Guide juif de France il y avait en 1971 neuf grandes organisations nationales, six organisations religieuses, 27 mouvements de services sociaux, vingt organisations sionistes françaises, six partis sionistes internationaux ayant une antenne en France, dix Amicales et Groupements d'originaires (par exemple pour les Juifs du Maroc), 24 écoles juives, 13 mouvements de jeunesse, 11 foyers et centres estudiantins. Les sections françaises d'organisations juives mondiales jouent un rôle important : Agence juive, Herouth, Women International, Zionist Organisation, Congrès Juif Mondial, etc. La collecte de fonds pour Israël est coordonnée par l'Appel Juif de France dont le Directeur Général est Raphaël Bensimon (1982). La presse juive comprenait 41 titres de journaux et de revues en 1971. Les principaux sont l'Arche, Revue du judaïsme français et Tribune Juive. Parmi les mouvements les plus militants il faudrait citer le Parti sioniste socialiste de Roger Pinto, le Parti sioniste indépendant présidé par Michel Topiol, l'Union des Etudiants Juifs de France, l'Union Sioniste de France de Benny Cohen et deux groupes dits d'auto-défense, où la pratique des arts martiaux est plus recommandée que la méditation des oeuvres de Herzl : le Betar (antenne française d'un mouvement basé aux Etats-Unis) et, depuis 1981, la Fédération des Juifs de France.
L'influence du lobby juif en France est liée encore à des personnalités du monde des affaires (Bleustein-Blanchet, avec Publicis, Marcel Dassault, Gilbert Trigano, patron du Club Méditerranée) [tous décédés depuis, mais les sociétés existent encore], des moyens de communication (Raymond Aron, Annie Kriegel, Jean Daniel, etc.) ou de la politique et du judaïsme (le Grand Rabbin René-Samuel Sirat qui a succédé à Jacob Kaplan en janvier 1980). Or sur le plan politique, un grand nombre de Juifs ont choisi le parti socialiste.
Le Parti socialiste et le sionisme
Il ne s'agit pas ici de reprendre les grossiers clichés de la propagande, cette fois non plus de Jérusalem mais de Damas, décrivant un François Mitterrand ligoté par un lobby juif tout puissant et un gouvernement français "noyauté d'agents sionistes". Mais la rencontre sionisme-P.S. n'est pas de pure conjoncture, elle découle d'une tradition. Faut-il rappeler que déjà Léon Blum avait les meilleures relations avec Weizmann et qu'il fut un des cofondateurs de l'Agence juive élargie en 1929 ? Pierre Mendès-France, quoiqu'issu d'une famille Marrane portugaise très anciennement établie en France, gardait fortement son identité juive. Son meilleur biographe écrit : "Beaucoup de ses amis étaient ou sont d'origine juive, à commencer par le plus influent, George Boris. Il a épousé deux femmes juives [14]. Pendant la période où Mendès-France fut Président du Conseil (juin 1954-février 1955), François Mitterrand fut son protégé et presque son disciple en tant que jeune ministre de l'Intérieur. Mendès-France fut toujours très attaché à l'Etat juif et on a même pu lui reprocher en juin 1982 de n'avoir pas élevé la voix de son autorité morale pour dénoncer les exactions de Tsahal au Liban. Autre personnalité marquante : Daniel Mayer qui en 1966 était au Comité directeur du P.S.. Dans les années 70 le rapprochement du P.S. et des Juifs de France sur le thème du soutien à Israël se précisa. En 1973 le journal sioniste La Terre Retrouvée prenait position pour le P.S.. Le 29 octobre 1975, Mitterrand déclarait à Tel Aviv : "Les socialistes français ont des relations particulières avec Israël." Dans son numéro de juin 1978 l'Arche publiait en pleine page de couverture une photo de Mitterrand et Alain de Rothschild avec pour légende  "Une poignée de mains pour resserrer les liens." D'ailleurs aux élections législatives de 1978, d'après le très sérieux American Jewish Yearbook : "il y a tout lieu de penser que la majorité des Juifs français ont voté à gauche [15]." Lors de la campagne pour les présidentielles de 1981, la couleur fut annoncée à l'avance. Maître Henri Hajdenberg, Secrétaire général du Renouveau Juif, appela à un vote-sanction contre Giscard à cause des livraisons d'armes françaises à l'Irak [16]. Un sondage du Point révélait pour les intentions de vote de l'électorat juif : 53% pour Mitterrand et 23% pour Giscard d'Estaing [17]. Dans Tribune sioniste Roger Ascot appelait à voter Mitterrandet une Association des Juifs de Gauche (P.S.-Parti Socialiste Unifié) fut créée spécialement pour les présidentielles. Emile Touati, membre dirigeant du CRIF et éditorialiste d'Informations juives, rappelait que le critère de vote d'un électeur juif, selon lui, devait être "la souveraineté et la sécurité d'Israël" [18]. Or le Consistoire n'était pas loin de penser que ce critère, dont on peut regretter qu'il soit pour le moins éloigné de l'intérêt prioritaire, celui de la France, était avant tout respecté par le Premier Secrétaire du P.S.. Sa victoire fut célébrée avec enthousiasme en Israël et Mitterrand annonça, aussitôt son installation faite à l'Elysée, qu'il se rendrait en visite officielle sur l'invitation de Menahem Begin. Le journal Maariv se réjouissait pour sa part que le candidat Giscard ait échoué car il était "le chef de file des initiatives anti-israéliennes adoptées par la Communauté européenne".
Dès le 17 juin 1981 Alain de Rothschild, président du CRIF, écrivit au nouveau Premier ministre Pierre Mauroy pour rappeler les promesses du candidat Mitterrand d'annuler les dérogations de Raymond Barre (décidées les 24 juillet 1974 et 9 mai 1980) à la loi anti-boycottage du 7 juin 1977. Ici, l'intérêt des entreprises françaises (exportations vers les pays arabes facilitées en cas d'application partielle du boycott contre Israël) vient donc après l'intérêt d'un pays étranger. C'est aussi choquant (si l'on admet que servir le pays est la tâche prioritaire d'un gouvernement) que, dans un autre domaine, l'allégeance inconsidérée des partis communistes envers la ligne décidée en Union Soviétique. Les liens du sionisme avec le P.S. peuvent se faire par le biais de personnalités non politiques. Ainsi Gilbert Trigano, favorable à François Mitterrand, exerce une influence importante sur les media grâce à l'énorme budget de publicité de son groupe. Une partie de la presse est vulnérable face à la menace de suspendre les publicités qui sont son principal revenu. Marcel Bleustein-Blanchet est le beau-père de Robert Badinter, dirigeant sioniste et ministre. Jean-Claude Aaron, numéro un de la promotion immobilière en France, qui a une importante participation dans le Parisien libéré, dès 1974 soutenait Mitterrand, déjà candidat pour une seconde tentative, en logeant le comité électoral du leader socialiste.
Ensuite des membres du gouvernement sont acquis au sionisme. Le cas extrême est celui de Robert Badinter, certes Ministre de la Justice, mais qui en même temps est au Comité directeur de trois organisations inconditionnelles d'Israël : le CRIF et le FSJU déjà mentionnés ainsi qu'"Ahavat-Israël". Jacques Attali, qui prépara le voyage présidentiel en Israël, est un militant sioniste convaincu, et lui aussi un des dirigeants de l'"Ahavat Israël" et du FSJU. En tant que conseiller spécial de François Mitterrand on peut imaginer qu'il ne prône pas la transformation rapide du Bureau d'information de l'OLP à Paris en poste diplomatique.
Le sénateur socialiste de Belfort, Michel Dreyfus-Schmidt, préside depuis février 1982 la section française du Congrès Juif Mondial. Serge Weinberg, militant sioniste, est chef de Cabinet de Laurent Fabius, le ministre du Budget. D'autre part Jean Poperen, considéré comme le numéro deux du P.S., est président du groupe parlementaire d'amitié France-Israël. Ces quelques exemples, au niveau des personnes, confirment l'analyse esquissée à propos de la politique étrangère envers le Moyen-Orient. Il y a désengagement par rapport à la cause palestinienne, malgré des discours qui ne sont que de convenance, mais par contre le soutien à Israël devient la clé de voûte dans l'approche des problèmes de cette région. Alors que son prédécesseur critiquait certains aspects de Camp David, notamment la négation du droit à l'autodétermination des Palestiniens, François Mitterrand déclare le 22 avril 1981 à Europe 1 : "Le traité de Camp David est un bon traité et le P.S. est le seul des grands partis à l'avoir approuvé." Le 8 décembre 1981 le gouvernement français mécontente les pays arabes en décidant d'abandonner l'initiative européenne de Giscard sur le Proche-Orient. Edgar Bronfman, Président du Congrès juif mondial, déclare, après avoir été reçu par le président de la République, qu'il était "très rassuré" par les propos qui lui avaient été tenus [19]. En mai 1982 d'ailleurs la Commission économique mixte franco-israélienne qui avait été en sommeil pendant douze ans a repris ses travaux.
Conséquences négatives pour la France
Malgré la diversion cheyssonienne, les dirigeants de l'OLP ont immédiatement compris que l'Elysée effectuait un virage à leur détriment. Le 21 avril 1982, dans une déclaration au magazine libanais Morning News, le conseiller d'Arafat, Halil le-Hassan, était très net à ce sujet : "La nouvelle position française au Proche-Orient crée de graves menaces pour la paix dans la région. En devenant le premier chef d'Etat à visiter Israël, Mitterrand a mis fin à l'isolement de ce pays et le sang qui est répandu depuis lors en est le résultat. Ce voyage, en effet, a donné à Begin les rênes plus libres dans les territoires occupés. Nous considérons la position de Mitterrand comme virtuellement hostile à l'OLP." Bien entendu, à court terme l'OLP est si diminuée par les massacres de Tsahal au Liban en juin 1982 que, cyniquement, sa voix pourrait être ignorée. Mais le peuple palestinien est une réalité, et derrière lui se trouve le monde arabo-islamique, immense, multiple, important pour la France et l'Europe. Or les réactions arabes ont aussi été vives. Les Etats du Golfe ont critiqué l'équilibrisme de Paris qui sous couvert de ménager les uns et les autres profite à Israël. Le Cheykh Zayed, président de l'Etat des Emirats Arabes Unis, indiquait : "Dans son discours à la Knesset, Mitterrand a manqué de fermeté par rapport au problème palestinien et n'a même pas dénoncé l'annexion du Golan [20].
Il n'est pas possible d'imputer directement la recrudescence du terrorisme international contre des biens et personnes français au revirement pro-israélien du gouvernement socialiste. Personne ne sait très bien qui manoeuvre derrière ces attentats : services secrets, éléments incontrôlés, provocateurs, coups de mains téléguidés par Damas ? En tous cas il y a une corrélation évidente entre les premiers actes de Mitterrand et ces bombes ou attentats. 4 septembre 1981, l'ambassadeur de Beyrouth, Louis Delamare, est assassiné. 15 mars 1982 plasticage du Centre culturel français à Beyrouth. Toujours dans la capitale libanaise, le 15 avril 1982 un employé de l'ambassade de France et son épouse, Guy et Caroline Cavallo, sont abattus. Le 29 mars 1982 l'attentat du Capitole [c'est un train reliant Paris à Toulouse] fait 5 tués et 27 blessés. L'action se déplace alors à Vienne : dans la nuit du 18 au 19 avril des bombes endommagent l'ambassade et Air France. Le 22 avril l'explosion de la rue Marboeuf fait 60 blessés et tue une jeune passante. Le surlendemain ce sont des bombes devant l'Agence France Presse à Beyrouth, puis le 24 mai 1982 la voiture piégée devant l'ambassade de France au Liban massacre onze blessés et en blesse vingt-sept autres.
L'avenir dira si tous ces méfaits sotn attribuables à la piste syrienne. Il est clair en tous cas que le capital de confiance que De Gaulle et ses successeurs avaient accumulé dans les pays arabes a été dilapidé en un an de revirement pro-israélien du gouvernement socialiste. Dès juin 1982 on observait d'importants retraits de capitaux arabes déposés dans des banques françaises et plusieurs capitales du Golfe annonçaient leur intention de réduire le volume des échanges bilatéraux [21]. La présence française est déjà réduite à la portion congrue notamment parce que la Compagnie Française d'Assurances pour le Commerce Extérieur (COFACE) ne travaille pas assez avec les firmes moyennes ou petites. Un raidissement des relations franco-arabes ne présage rien de bon. Il n'est pas inutile de garder présent à l'esprit qu'en 1982 la France dépend à 69,8% du Moyen-Orient pour ses approvisionnements pétroliers [22].
La diplomatie française ne s'est-elle pas engagée dans une impasse ? Le Liban chrétien avant toute chose, cette recette des années 20, est-ce la voie la meilleure à la fin du vingtième siècle quand le problème palestinien devra être résolu, quand la Nation Arabe n'accepte plus le double langage et les humiliations du passé, quand surtout l'Europe a un rôle à jouer au Moyen-Orient ?
- Notes :
[1] :Claude Clément, Israël et la Cinquième République, ed. Orban, 1978, p. 78
[2] : id., p. 103
[3] : id., p. 130
[4] : id., p. 139
[5] : Samy Cohen, De Gaulle, les gaullistes et Israël, éditions Moreau, 1974, p. 159
[6] : Claude Clément, p. 171
[7] : id., p. 156
[8] : Elie Barnavi, Israël au XXème siècle, PUF, 1982, p. 293
[9] : Eurabia, avril 1981
[10] : Tribune Juive, mars 1982, interview de F. Mitterrand
[11] : L'Arche, avril 1982
[12] : Le Monde, 11 juin 1982
[13] : id.
[14] : Jean Lacouture, Pierre Mendès-France, Seuil, 1981, p. 43
[15] : American Jewish Yearbook, p. 206
[16] : Le Monde, 4 février 1981
[17] : Le Monde, 2 avril 1981
[18] : id.
[19] : Le Monde, 24 février 1982
[20] : Le Monde, 12 mars 1982
[21] : Le Monde, 23 juin 1982
[22] : Le Monde diplomatique, mars 1982.
                 
Revue de presse

                            
1. Euro-Méditerranée : Un partenariat, pas une chimère… par Rudolf El-Kareh
in Arabies (mensuel français) du mois d'octobre 2001

[Rudolf El-Kareh, universitaire et écrivain, ancien secrétaire général de MEDEAS (Association pour la Coopération et le Dialogue Scientifique Euro-Arabe et méditerranéen) est, entre autre, l'auteur d'un ouvrage à paraître en 2002 "L'Américanisation du Monde" aux éditions Solin / Actes Sud, 2002]
Les discours élégiaques dédiés, à l'orée des années quatre vingt-dix à la déesse Méditerranée n'auraient-ils été, en définitive que des boniments ? Cinq années après la Conférence de Barcelone, le  "partenariat euro-méditerranéen" ne serait-il qu'un serpent de mer, et les mythes fabuleux ressuscités, des affabulations mystificatrices et sordides ? L'interrogation peut paraître brutale. Elle est légitime. Les ministres des Affaires Etrangères de l'Union Européenne et leurs homologues des pays du Sud et de l'Est méditerranéen qui se réuniront en novembre à Bruxelles ne pourront plus esquiver la question. Le malaise entourant le processus de Barcelone avait été déjà manifeste lors de la réunion de novembre 2000, à Marseille. Les effets de la guerre d'usure lancée par le gouvernement israélien contre les Palestiniens n'en étaient pas la seule cause. La pusillanimité de la "politique étrangère" des Européens, divisés, confondant l'objectivité avec une équidistance formelle factice à l'égard des protagonistes proche-orientaux, non plus.
Le processus de Barcelone souffre de maux plus profonds.
Sous l'effet d'une double dynamique, la "philosophie" de la Conférence de Barcelone, le "développement solidaire" des pays des deux rives de la Méditerranée, n'est plus en réalité qu'un souvenir. Initié dans le sillage de la guerre du Golfe et de l'effondrement du bloc soviétique, puis de la Conférence de Madrid, le "partenariat euro-méditerranéen" devait être un projet fondamentalement politique permettant une réorganisation plus équitable des échanges au sein de l'ensemble constitutif de la "Cité" euro-méditerranéenne. Les échanges commerciaux n'en étaient pas l'exclusivité.
Cet "esprit initial"  s'est vu progressivement substituer un nouveau contenu, sous l'effet des nouveaux rapports de force issus d'une "globalisation" de plus en plus soumise aux mécanismes débridés de la financiarisation des économies, et à l'emprise des Etats-Unis tentés encore une fois par les rêves hégémoniques, à mesure que les principes et les méthodes instituées par les pères fondateurs de l'Europe se transformaient en documents d'archives.
Ces mutations mettaient en évidence le non-dit du "partenariat" : celui d'un mécanisme permettant de contrebalancer les effets déstabilisants de l'émergence de l'ALENA, le traité de libre-échange associant autour des Etats-Unis, le Canada et le Mexique, mais que Washington n'a de cesse, depuis une décennie, de vouloir étendre à l'ensemble de l'Amérique Latine. Y compris, au prix humainement exorbitant, de la dislocation structurelle des sociétés du sous-continent façonnées par l'Histoire, ( dont la disparition des classes moyennes n'est pas la moindre des conséquences ), et de la destruction des outils pertinents de coopération de proximité, tels que le Mercosur. Réalité géopolitique, ce "non-dit" pouvait être transcendé par l'invention conjointe d'un réel partenariat. Cela n'a pas été, hélas, le cas.
Le commissaire européen au commerce a vendu la mèche. Ainsi le "partenariat euro-méditerranéen" serait la réponse au "défi" du "récent sommet des Amériques à Québec [qui] a confirmé l'objectif des 34 pays des Amériques d'établir une zone de libre-échange pour 2005". La "Méditerranée", dénomination d'ailleurs fourre-tout, permettant d'occulter la cohérence solidaire de plusieurs de ses riverains historiques réels ( arabes  en dépit des éparpillements actuels, mais aussi balkaniques, au delà de la dislocation conjoncturelle ) serait alors "un espace" dont l'exploitation des "atouts économiques (…), abondance de main d'œuvre qualifiée et à coûts compétitifs (…)disponibilité des ressources naturelles"…, permettrait "l'intégration Europe-Méditerranée". Comment ? Par un "alignement" et une "convergence" des "cadres législatifs, des normes industrielles, des règles de concurrences" sur "le cadre européen, évidemment le plus commode" (sic). On cherche en vain un quelconque intérêt pour les sociétés et les pays concernés. Et le propos  rappelle étrangement les discours tenus ici et là sur l'élargissement des droits de l'Homme qui se révèlent être des élargissements des parts de marché au détriment des droits humains. Cet n'est pas là l'esprit de Barcelone. Les pays méditerranéens et notamment les pays arabes devraient s'en souvenir et s'organiser, cesser d'imaginer le partenariat comme un grappillage conjoncturel d'aides financières éphémères et penser en commun leur propre conception de l'échange. L'Union Européenne devrait se souvenir, elle, qu'à trop courir derrière une Méditerranée chimérique, c'est l'Europe elle-même qui se risque à devenir une chimère.
         
2. "La vengeance est mienne" dit l'armée israélienne par Gideon Levy
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du dimanche 28 octobre 2001
[traduit de l'anglais par Mimi Tal]

Pas besoin d'attendre Dieu pour venger le sang du ministre assassiné Rehavam Zeevi ..
L'armée israélienne (IDF) l'a déjà fait en son nom. La demande d'un fils sur la tombe de son père n'a probablement jamais auparavant été satisfaite de façon aussi expéditive et efficace que celle de Yiftah Palmach Zeevi, demande qu'il a faite au premier ministre à l'enterrement de son père : "Arik" (diminutif de Ariel, prénom de Sharon) venges toi de la façon dont "Gandhi" (surnom donné à Zeevi) l'aurai fait" et "Arik" a effectivement fait ce que "Gandhi" aurait fait, et la doctrine des représailles de Zeevi a été appliquée.
Même l'effroyable souhait du journaliste Ronel Fisher diffusé sur le programme culturel de radio 8, appelant Israël a tuer 50 palestiniens pour chaque juif tué, a été réalisé. Plus de 40 palestiniens, à peu près la moitié d'entre eux des civils - parmi eux 4 femmes et  4 enfants - ont déjà été tués au cours de la campagne lancée par l'armée israélienne (IDF) à la suite de l'assassinat. Des douzaines ont été blessés, des maisons ont été démolies,. Des voitures ont été aplaties et des milliers de personnes  ont été emprisonnes dans la terreur, sous une occupation cruelle.
C'est le prix que l'on fait payer aux palestiniens pour l'assassinat du ministre - un meurtre qui a été perpétré par un petit groupe. Les 186 victimes juives de l'actuelle Intifada , précédant  l'assassinat de Zeevi, incluant  les victimes - parmi elles des enfants - des attaques majeures dans les centres des villes, n'avaient pas  amené le gouvernement  a s'embarquer dans des campagnes punitives de l'ampleur de celle conduite après le meurtre de l'un de ses membres. Ceci, aussi doit être signalé.
L'invasion israélienne de 6 villes de Cisjordanie, peut être décrite primitivement comme une mission de vengeance, parce qu'il est clair qu'il n'y a pas de lien entre la capture à Beit Rima et Azariya, de ceux qui ont commis cet assassinat et la réoccupation des faubourgs  de Bethlehem et Jenin. Nul n'a  besoin d'être un grand expert en matière de terrorisme pour comprendre que, d'une part l'on ne chasse pas les terroristes avec des tanks et que d'autre part le terrorisme ne peut être éradiqué avec des blindes (APC). Dans l'esprit d'une autre campagne de vengeance - pas moins cruelle - que les Etats Unis conduisent en Afghanistan, et qui a aussi peu de chose a voir avec l'élimination du terrorisme, l'armée israélienne a pénétré profondément en zones résidentielles, dont les habitants n'ont rien a voir avec le terrorisme, et impose un régime de tanks et blindés (APC).
L'horreur qui saisit les habitants de Beit Jala et leurs enfants quand un char israélien ou un blinde (APC) roule dans un grondement à travers leurs rues doit être vue pour en saisir le choc. Et quelle faute faire payer aux habitants de Ramallah, qui sont maintenant prisonniers dans leurs propres maisons, beaucoup d'entre eux manquant de nourriture et de médicaments ? Ils n'ont rien a voir avec l'assassinat de Rehavam Zeevi, et il y en a certainement parmi eux qui sont contre ce type d'actions.
Mais les campagnes de vengeance ont leur propre dynamique : "l'entourage de l'homme mauvais" est aussi  puni, comme Zeevi lui même le disait au cours de l'une de ces dernières interviews, en réponse a une question posée sur l'assassinat d'un bébé fille tuée par une bombe tirée par l'armée israélienne sur sa maison à Gaza. Raniya Haroufi,24ans , une mère de deux enfants, a été tuée la semaine dernière alors qu'elle fuyait une zone de combat. Ayasha Abu Oudeh une mère de huit enfants, a été tuée alors qu'elle allait rendre visite a sa famille.
Elles et bien d'autres, étaient d'innocentes victimes, et aux yeux des palestiniens elles étaient des victimes du terrorisme.
La campagne de vengeance du gouvernement ne s'est pas limitée à la profondeur des incursions israéliennes en territoires palestiniens. Elle s'est accompagnée cette fois par des actes particulièrement brutaux, par exemple, l'armée israélienne (IDF) a tiré sur l'hôpital Al Hussein de Beit Jala - le seul hopital dans la région de Bethleem. L'hôpital a dû publier une annonce informant que quiconque blessé dans les affrontements de cette journee devait rester à l'écart de l'institution a cause des tirs. Un jeune homme a été tue et un autre blesse juste devant les urgences de l'hôpital.
La présidente des médecins pour les droits humains, le docteur Ruhama Martoun, qui visitait l'hôpital, a rapporté qu'elle a clairement vu les dommages causes par les tirs et bombardements sur les murs de l'institution et les ambulances garées à proximité. L'armée israélienne (IDF) a également bombardé une maternité a Bethlehem. Apres que l'hôpital ait endure deux jours de blocage, le service  des prématurés a été évacué. Même  pendant les  jours les plus sombres de l'Intifada précédente, l'armée israélienne (IDF) n'avait pas ouvert le feu sur les hôpitaux.
Il y a eu également des actes de vengeance prives de plus petite envergure, par exemple, les voitures garées dans les rues de Beit Jala ont été aplaties par les tanks qui se déplaçaient dans le village. Qu'est ce que cela a à voir avec la guerre contre le terrorisme ? La même question peut être posée concernant les poteaux de téléphone qui ont été détruits par les tanks, coupant des quartiers entiers du monde extérieur, au beau milieu d'une période de peur et d'anxiété. Les poteaux  ne gênaient pas les tanks - les rues sont suffisamment larges - de même que les voitures garées n'avaient pas a être écrasées par les chenilles des tanks. Leur destruction intentionnelle était uniquement un acte de vengeance punitif , et peut être même était-ce pour réaliser le désir de "récompense"   des soldats. Cependant, pendant ce temps, ces actions sèment plus de haine dans les cœurs des habitants.
Regardez les photos exaspérantes dans l'édition de vendredi du journal à grand tirage Yedioth Ahronoth - le soldat souriant étalé sur un lit dans un hôtel de Bethlehem, les soldats assis gloussant de satisfaction dans les fauteuils d'un salon d'une maison palestinienne près de Tulkarem.
"Le pire c'est que ce n'est même pas complètement clair pourquoi tout ceci a été fait" a confie jeudi un officier supérieur au correspondant militaire de Ha'Aretz Amos Harel " chacun sait qu'à la fin, nous partirons la queue entre les jambes… alors qu'avons nous gagné, et qu'est ce que nous espérons obtenir par la suite ?"
Les réponses aux questions de l'officier supérieur sont en fait très claires : la semaine dernière l'armée israélienne (IDF) a lancé une campagne de vengeance sur ordre du gouvernement israélien, et ceci  dans l'esprit des infamants  raids de représailles de l'Unité 101 (sous le commandement d'Ariel Sharon) des  années 50. Cette fois, aussi, la mission a été exécutée avec sucez et le but entièrement atteint. Les forces de défense israéliennes sont devenues, tout du moins la semaine dernière, les forces de vengeance israéliennes.
             
3. L'indépendance palestinienne ne peut être un cadeau par Miguel Angel Bastenier
in Le Monde du samedi 27 octobre 2001

Même s'il s'agit d'une manifestation d'opportunisme, il faut espérer que Bush le Jeune a fait un choix d'avenir en sortant d'un tiroir de son bureau, comme s'il se souvenait d'un coup qu'il l'avait gardé là, un plan pour l'indépendance de la Palestine. Il avait déjà averti le premier ministre israélien Ariel Sharon qu'il ne le laisserait pas confondre dans une même condamnation le leader palestinien Yasser Arafat et le terroriste saoudien Oussama Ben Laden ; il avait aussi, de fait, reconnu que la victoire à long terme sur le terrorisme international passait par la solution du contentieux du Proche-Orient. Dans un paysage politique qui, sur le fond, demeure le même, s'est donc entrebâillée une "window of opportunity", une fenêtre donnant sur la paix, mais si fragilement entrouverte que, déjà, l'assassinat du ministre israélien du tourisme risque d'en provoquer la fermeture.
Certes, le contentieux israélo-palestinien ne saurait justifier l'existence de Ben Laden, mais il faut bien constater que, sans une Palestine ensanglantée, le chef d'Al-Qaida n'aurait pas la même capacité à promouvoir l'emploi du terrorisme au sein du monde islamique. Lorsque les deux avions ont détruit, le 11 septembre, les tours jumelles de Manhattan, des réfugiés palestiniens ont d'ailleurs fêté l'atroce événement avec une joie obscène.
Faut-il croire pour autant que ces damnés de leur propre terre portent la semence du mal dans leur sein ? Que la haine est sécrétée dans la matrice des mères palestiniennes ? Il semble bien plus qu'une grande partie de ce peuple de réfugiés n'a connu d'autre monde que celui qui les voue à un désir de vengeance sinistre mais cohérent avec le sort dans lequel Israël, l'Occident et certains Etats arabes l'ont condamné à vivre. Peut-on exiger foi, espoir et charité de ceux qui n'ont connu qu'expatriation, violation de leurs droits et un permanent jeu de deux poids et deux mesures ? Les colons sionistes se sont-ils toujours abstenus de se réjouir des crimes commis par des civils ou des militaires israéliens ? La haine est une plante qui croît sans peine au Proche-Orient.
Il y a peu, l'ancien ministre des affaires étrangères d'Israël, Shlomo Ben Ami, affirmait dans les pages du Monde que Yasser Arafat ne voulait pas faire la paix avec Israël, comme le prouvait son refus, en juillet 2000, à Camp David, de l'offre du premier ministre de l'époque, le travailliste Ehoud Barak. 
Le péché du leader palestinien était, semble-t-il, de repousser la meilleure proposition de retrait partiel des territoires occupés jamais faite par un chef de gouvernement israélien. Autant dire que, puisqu'il ne pouvait rien obtenir de mieux, il était du devoir d'Arafat d'accepter ce qui, à ses yeux et à ceux de son peuple, restait largement insuffisant.
DIVIDENDES DE LA GUERRE
Qui pourrait croire que si le gouvernement britannique offrait au gouvernement espagnol de recouvrer les trois quarts de Gibraltar - territoire qu'il détient depuis 1704 - en échange d'un renoncement formel à récupérer le dernier quart, Madrid consentirait ? C'est une situation de cet ordre dans laquelle est pris le leader palestinien : il ne peut rien accepter qui n'implique la restitution de la totalité des territoires occupés - Jérusalem-Est inclus -, sur lesquels Ehoud Barak n'offrait, selon Richard Malley, fonctionnaire du département d'Etat présent à Camp David, pas même un partage de la souveraineté sur les Lieux saints.
La grande majorité de l'opinion publique palestinienne rejette l'offre faite par Barak pour une série de raisons :
1) plusieurs résolutions de l'ONU (242 et 338) énoncent l'obligation du repli d'Israël de tous les territoires - Cisjordanie, Gaza, Jérusalem-Est, et le Golan syrien, conquis en 1967 -, et Arafat aurait bien du mal à expliquer à son peuple pourquoi il doit s'arranger d'une moindre part ;
2) Anouar el Sadate, le président égyptien, avait obtenu la restitution de l'intégralité du Sinaï (1979-1982), en échange d'un traité de paix en bonne et due forme avec Israël ;
3) Israël s'est replié du Liban sud sans aucun accord ni compensation politique ;
4) enfin, la vie d'Arafat n'aurait servi à rien - y compris à ses propres yeux - s'il avalisait un accord qui pourrait s'expliquer seulement comme une récompense d'Israël pour ses prouesses sur les champs de bataille. Les dividendes de la guerre, en quelque sorte.
Il faut cesser de parler de pourcentages : ni 90 % ni 95 % ; ni même 98 % de repli d'Israël des territoires occupés ne sont des concessions. C'est seulement après un retrait total d'Israël que la discussion peut et doit se centrer sur l'organisation de la paix, avec des garanties militaires accordées aux deux peuples. Soit le sionisme se résigne à une paix sans annexions ; soit les annexions empêcheront la paix.
Il y a peu, dans Le Monde également, Illan Greilsammer, remarquable historien israélien, s'étonnait de voir comment Arafat, ayant, selon lui, déclenché l'Intifada des Mosquées, faisait le jeu de l'extrémiste Sharon contre Barak. Il était évident, écrivait l'historien, que la victoire prévisible du leader du Likoud dans les élections de février dernier serait nuisible pour les Palestiniens, et néanmoins Arafat persistait dans son erreur.
Ce qui étonne dans ce propos, c'est que des Israéliens cultivés, vivant aux côtés des Palestiniens, ne remarquent pas qu'il n'y a pour ces derniers aucune différence entre une personne qui donne 90 % de ce qu'on demande et celle qui offre 40 %, dès lors que 100 % constitue le minimum acceptable. Au-dessous du minimum, presque tout et presque rien ne sont pas différents. Il est vrai que même si les deux parties parvenaient à surmonter leurs différends sur la restitution des terres prises aux Palestiniens, il resterait le problème du retour, demandé par Arafat, toujours à Camp David, de près de quatre millions de réfugiés à l'intérieur du territoire d'Israël d'avant 1967.
Il faudrait être naïf pour ignorer qu'Israël ne manque pas de raisons pour refuser cette paix des braves. La première est l'accumulation de la haine en Palestine. Est-elle déjà trop forte pour que l'Etat sioniste soit un jour accepté par ses voisins ? Si c'est le cas, tout accord, même fondé sur le droit et non sur un cadeau, ne pourra que rester lettre morte, au nom de ce que répètent un nombre croissant de juifs israéliens : "Les Palestiniens attendront jusqu'à ce qu'ils aient l'occasion de nous détruire."
           
4. Etat de siège en Palestine par Hanna Nasir
in The International Herald Tribune (quotidien international publié à Paris) du vendredi 26 octobre 2001
[traduit de l'anglais par Christian Chantegrel]
(Hanna Nasir est le président de l'université palestinienne de Birzeit.)
Par sa récente politique de blocus et d'incursions étendues dans les territoires sous contrôle de l'Autorité Palestinienne, le gouvernement israélien dirigé par le premier ministre Ariel Sharon a placé toute la société civile palestinienne en état de siège.
Plus de 450 organisations non gouvernementales, huit universités, et nombre d'autres institutions éducatives, civiques, sociales, de développement et de santé, ont non seulement été empêchées de travailler et de rendre les services indispensables à la population, mais ont aussi fait face aux intimidations, blessures et destructions de leurs biens durant l'exercice de leurs fonctions.
De nombreux civils, y compris des enfants, ont été tués. Plus de soixante-dix mille étudiants et membres du personnel ont été empêchés de rejoindre leurs universités ; il n'a pas été possible aux personnels médicaux de remplir leur devoir ; les mosquées, les églises et les hôpitaux ont été pris pour cibles.
Les actions du gouvernement israélien ne sont pas seulement abjectes et inacceptables moralement comme internationalement, elles incarnent aussi une menace, dans le présent et dans l'avenir, à l'ouverture démocratique de la société civile palestinienne. Ces actes sont des menaces radicales contre la paix globale, la tolérance et la sécurité. S'il existe une leçon à tirer de l'attaque tragique sur les tours jumelles à New York, c'est bien que la vie des civils et des personnes innocentes doit être respectée et préservée.
La situation en Palestine est devenue très grave. L'assassinat d'un ministre israélien (un acte condamné par l'Autorité Palestinienne) ne doit pas servir de prétexte pour justifier les actions israéliennes actuelles contre la population civile.
Même si les violations israéliennes des droits humains ne datent pas de l'assassinat du ministre - par exemple, l'assassinat ciblé des dirigeants palestiniens a été une politique israélienne officielle et déclarée depuis le début de l'Intifada actuelle - les violations de ces jours-ci représentent une dramatique escalade.
Pour que la paix et la sécurité règnent sur la région, il faut mettre fin à la politique israélienne de blocus et d'incursions militaires ; ceci devant être considéré comme une première étape vers la fin de l'occupation elle-même. En attendant, il faut mettre en place un dispositif immédiat qui protège effectivement le peuple palestinien sous occupation.
Cette responsabilité devrait être assumée par la communauté internationale, en particulier par les pays occidentaux qui se disent les meilleurs défenseurs de la liberté et de la justice.
                  
5. Nous sommes tout seuls par Thomas L. Friedman
in The New York Times (quotidien américain) du vendredi 26 octobre 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Bien. Laissez-moi voir si j'ai bien tout compris, à ce stade : le Pakistan va nous autoriser à utiliser ses bases les lundis, les mercredis et les vendredis - à la condition expresse que nous ne bombardions que les Talibans prénommés Omar et n'ayant pas de petit-cousin dans les services secrets du Pakistan. L'Inde est avec nous, les mardis et les vendredis, à condition qu'elle puisse bombarder les positions pakistanaises au Cashemire tout le reste de la semaine. L'Egypte est avec nous les dimanches, à condition qu'on ne le dise à personne et que nous ne mentionnions en aucun cas que nous lui donnons 2 milliards de dollars d'aide chaque année. Yasser Arafat est avec nous, les jours de la semaine, mais seulement après 22 heures, une fois que les Palestiniens, fatigués d'avoir dansé de joie, dans les rues, au spectacle de l'écroulement du World Trade Center, sont allés faire dodo. L'Alliance du Nord est avec nous, à condition que nous achetions à tous ses hommes des sandales neuves et que nous décernions des passeports américains aux mille premiers à être entrés à Kaboul.
Israël est avec nous, tant que nous ne posons pas de questions sur la folie de 7 000 colons israéliens vivant au milieu d'un million de Palestiniens, dans la bande de Gaza. Le Kuwaït aimerait bien être avec nous - s'il le pouvait, il le ferait, c'est sûr, étant donné que nous avons sauvé ce pays de l'occupation irakienne - mais, voilà : deux députés islamistes, au parlement koweïtien, se sont prononcés contre la guerre, si bien que l'Emir se tient à carreau. Vous comprenez, n'est-ce pas ? Les Saoudiens, bien entendu, veulent être avec nous, mais la guerre, les combats, tout ça, c'est pas leur truc... C'est pourquoi ils ne contribueront qu'à l'intendance. Ne vous en faites pas. Le Prince Al-Walid a promis de mettre à notre disposition des soldats bengalis par l'intermédiaire d'une entreprise de travail temporaire saoudienne, à un tarif très concurrentiel.
La famille régnante saoudienne serait ravie de coopérer en nous refilant les fiches de police des quinze Saoudiens impliqués dans les détournements d'avions-suicides, mais cela représenterait une violation de sa souveraineté et, voilà... vous savez, bien sûr, à quel point les Saoudiens respectent la souveraineté : comme, par exemple, lorsque l'ambassade saoudienne à Washington a aidé tous les proches d'Osama bin Laden à se tirer discrètement des Etats-Unis après les attentats du 11 septembre à bord d'un jet saoudien privé, avant que le FBI n'ait eu le temps de les importuner avec ses questions par trop indiscrètes.
Et puis, il y a ça, encore : c'est ce que je préfère : tous nos alliés arabo-musulmans aimeraient bien que nous capturions Bin Laden au plus vite, mais le mois musulman sacré du Ramadan approche à grands pas et la "rue" musulmane ne tolérera pas que l'on combattît durant le Ramadan. Dites-moi, vous vous souvenez de la guerre de 1973, au Moyen-Orient, déclenchée par la Syrie et l'Egypte contre Israël ? Vous savez comment on appelle cette guerre, dans le monde arabe ? "La guerre du Ramadan" [C'est faux, le monde arabe appelle cette guerre la "guerre d'octobre" ou, à la rigueur, "guerre du Kippour", mais jamais "guerre du Ramadan". Reste à vérifier à quelle époque de l'année "tombait" le Ramadan en 1973... Ndt]- parce que c'est, comme par hasard, à ce moment-là qu'elle a commencé. O.K. J'en déduis que le monde arabe doit pouvoir déclencher sans problème une guerre pendant le Ramadan, mais pas y être exposé...
Mes chers compatriotes américains, cela me fait mal de vous le dire mais, les vieux Brits mis à part, nous sommes tout seuls. Et, à la fin des fins, ce sont les troupes U.S. et British qui devront y aller, sur le terrain, et (tâcher d') éliminer Bin Laden.
Ah, me demanderez-vous, pourquoi donc avions-nous tellement d'alliés dans la guerre contre l'Irak ? C'est parce que les Saoudiens et les Koweïtiens avaient acheté leur ralliement. Ils ont acheté l'armée syrienne à coups de millions de dollars envoyés à Damas. Ils nous ont achetés, ainsi que les Européens, à coups de promesses d'énormes contrats de reconstruction et de couverture totale de tous nos frais. Et en effet, avec ce que le Japon a versé, nous avons fait du profit, avec la guerre du Golfe : Coalitions "R"Us. (Les coalitions, c'est notre job... ; allusion à une marque de jouets : Toys "R"Us ~ "Les jouets, c'est notre rayon")
Cette fois-ci, nous devrons payer notre ticket, et aussi payer pour les autres. Malheureusement, tuer 5 000 Américains innocents à New York ne mobilise pas tant que ça le reste du monde. Nous en sommes, en partie, responsables. Le message unilatéral envoyé par l'équipe Bush dès son premier jour après sa prise de fonctions : mettez le traité sur le climat de Tokyo à la corbeille à papiers, oubliez le traité sur la diversité biologique, ne me parlez plus du contrôle des armements et si le monde entier n'aime pas çà, c'est très vilain - voilà que ce message est revenu nous hanter.
Et qui pourrait critiquer d'autres pays de vouloir pressurer les contribuables américains quand Dick Armey et sa bande avide de conseillers républicains font la même chose - en défendant un projet de loi fiscale avec encore plus d'exonérations pour les riches, les lobbyistes et les syndicats, n'accordant que des clopinettes aux travailleurs américains qui vont mener cette guerre ?
Un conseil : essayez de ne pas vous focaliser sur aucune des choses que je viens de vous dire. Concentrez-vous, plutôt, sur les pompiers qui se sont précipités à l'intérieur des gratte-ciel du World Trade Center sans poser la question : "et la paye ?". Pensez aux milliers de réservistes américains qui ont laissé leur travail et leur famille pour aller combattre en Afghanistan sans demander : "qu'est-ce que cela me rapportera ?" Contrairement aux out-siders, dans notre coalition, ces jeunes Américains savent que le 11 septembre est pour nous un jour sacré - le premier jour d'une guerre juste pour préserver notre société libre, notre pluralité religieuse et notre démocratie. Et peu m'importe que cette guerre coïncide avec le Ramadan, Noël, Hanukkah ou la naissance du Bouddha - la chose la plus respectueuse et la plus spirituelle que nous pouvons faire, maintenant, c'est de la mener jusqu'à ce que justice soit faite.
           
6. Amnon Kapeliouk : les relations américano-israéliennes se tendent propos recueillis par Françoise Germain-Robin
in L'Humanité du vendredi 26 octobre 2001

Journaliste célèbre en Israël, éditorialiste du Yediot Aharonot, auteur de nombreux ouvrages dont un sur le massacre de Sabra et Chatila au Liban, Amnon Kapeliouk estime que " la lutte contre le terrorisme ne sera pas complète si on ne s'attaque pas à ses causes profondes ", parmi lesquelles figure en premier lieu la persistance du conflit israélo-palestinien. Il voit beaucoup de similitudes entre l'attitude des Etats-Unis en Afghanistan et celle d'Israël.
" Il ne faut pas oublier que ce sont les Etats-Unis qui ont créé ce golem qu'est devenu Ben Laden. Ils n'ont pas été les seuls à utiliser ce genre de politique. L'autre exemple, c'est Israël qui a créé le Hamas à la fin des années soixante-dix dans les territoires occupés et surtout à Gaza avec l'espoir que ce mouvement islamiste lutterait contre l'OLP. Cela a marché au début, mais le Hamas a vite compris qu'il avait un plus grand ennemi que l'OLP : Israël. "
Selon lui, la comparaison faite par Ariel Sharon entre Ben Laden et Arafat est totalement irrecevable : " Ben Laden lutte contre " les mécréants, les croisés et les juifs " alors que Yasser Arafat n'a jamais utilisé la religion dans la lutte de libération menée par l'OLP, qui se veut une organisation laïque. La façon dont Ben Laden s'est mis à utiliser la cause palestinienne dans sa rhétorique constitue une imposture dangereuse pour l'avenir. Il n'avait jamais parlé de la Palestine avant les attentats du 11 septembre, mais le danger serait qu'il fasse des émules. Ce qui rend d'autant plus urgent de résoudre un conflit qui est pour beaucoup dans la vision négative qu'on a des Etats-Unis bien au-delà du monde arabe. Rien que dans la dernière période, les Etats-Unis ont opposé leur veto à l'envoi d'observateurs internationaux demandé par la Ligue arabe et ils ont quitté la conférence de Durban pour protester contre l'emploi du terme " apartheid " pour caractériser la situation des Palestiniens dans les territoires occupés. La définition de l'apartheid, c'est une situation où, sur un même territoire, un peuple a tous les droits et un autre aucun. C'est exactement ce qui se passe. "
En ce qui concerne l'évolution de la position américaine, Amnon Kapeliouk voit des " signes encourageants " dans les pressions exercées ces derniers jours sur le gouvernement d'Ariel Sharon pour qu'il retire l'armée des villes réoccupées. Mais il estime que ce changement d'attitude de l'administration Bush est encore " timide " : " Au lendemain des attentats du 11 septembre, Sharon a cru que c'était pour lui l'occasion de donner un coup mortel à l'Autorité palestinienne. Le 12, ses chars entraient dans Jénine, où ils ont bombardé pendant neuf jours. Ils ont recommencé il y a une semaine, cette fois dans six villes : ils entrent, occupent les maisons, jettent les gens dehors, cassent tout, tuent, arrêtent, exécutent. Sharon croit qu'il peut tout se permettre en raison de sa victoire éclatante aux élections. Mais les dernières interventions de Bush montrent qu'il n'est pas prêt à tout accepter et que les relations se tendent. " Je n'aimerais pas que vous soyez le premier à refuser de m'aider ", lui a dit Bush. Il y a là une menace que Sharon ne peut se permettre d'ignorer. Je pense que les Américains vont entrer plus profondément dans la recherche d'une solution politique. Ce peut être soit une solution totalement imposée, soit une solution négociée entre les deux parties avec l'aide de la communauté internationale."
            
7. Néo-colonialisme par Mumia Abu-Jamal
in Workers World (Etats-Unis) le jeudi 25 octobre 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
[http://www.workers.org/ww/2001/mumia1025.php]
"Ce n'est pas parce qu'on les a déclarées indépendantes que les colonies cessent d'être des colonies..." Benjamin Disraeli, homme politique britannique.
Les informations selon lesquelles des responsables politiques américains sont en négociations intenses avec le roi déchu d'Afghanistan donnent une claire indication que les Etats-Unis sont en train de tenter d'imposer un souverain à un autre peuple.
Il y a quelque chose, là-dedans, qui ne tourne pas rond, vous ne trouvez pas ?
Comment expliquer qu'une nation qui se fait le champion de la démocratie impose, avec ses canons et toute la puissance de son armada, une maison royale à un autre peuple ?
Muhammad Zahir Shah, octogénaire renversé du trône d'Afghanistan en 1973, vit à Rome depuis lors. On le pomponne, actuellement, pour sa ré-intronisation à Kaboul, par le gouvernement américain. Alors que cet homme a quitté son pays il y a presque trente ans (28, exactement), pourquoi les Américains veulent-ils donc le faire asseoir sur le trône, alors que le peuple afghan n'a jamais manifesté un quelconque intérêt notable pour son retour et, cela, plus de trente ans durant ?
Il est difficile de ne pas céder à la tentation de voir dans ces manoeuvres la volonté des Etats-Unis de mettre en scène un pantin qu'ils pourront manipuler, contrôler et au moyen duquel ils pourront, en réalité, gouverner. Ce qui semble clair, c'est que les Etats-Unis sont en train de faire, cette fois par les moyens militaires, ce qu'ils ont déjà fait auparavant, dans cette région, au moyen de leurs espions. Dans les années 50, la CIA a manigancé la mise à l'écart du pouvoir du premier ministre iranien Muhammad Mossadegh, afin de remettre le Shah sur le trône, ce qui a placé, à son tour, le pays sur une voie qui a transformé l'Iran en dictature répressive, afin de conserver le contrôle de l'Occident sur le pétrole. Les Afghans sont-ils, quelque part, trop primitifs (aux yeux des Américains) pour apprécier le fait que cette tentative d'installer un potentat n'est autre chose que la traduction d'une réalité : celle que les Américains se soucient de la démocratie comme d'une guigne ?
Presque tous les Etats de la région que les Etats-Unis appellent "alliés" sont aussi éloignés de la démocratie que la Terre peut l'être de la Lune. Si les Etats-Unis se souciaient réellement de la démocratie, pourquoi la politique extérieure américaine a-t-elle consisté, durant toute la seconde moitié du siècle dernier, à protéger, soutenir et armer des dictateurs ennemis jurés de la démocratie ? Depuis Marcos, aux Philippines, Suharto en Indonésie, les Duvalier en Haïti, jusqu'à Mobutu, au Zaïre, etc. etc.. Mais en fait, nous n'avons pas besoin d'aller chercher si loin.
Les dernières élections, en Floride, qui ont fait apparaître des différenciations ethniques entre électeurs noirs, haïtiens et juifs, et par conséquent leur déniant l'opportunité de contribuer de manière significative à la démocratie américaine grâce à leur vote, prouvent que les Américains n'ont nul besoin d'aller à l'étranger pour protéger ou promouvoir la démocratie. Il y a quelque invraisemblance à voir une nation qui a vu le jour en déclarant son indépendance d'un roi oeuvrer à installer de force un souverain à un peuple étranger. La démocratie, comme la charité bien ordonnée, commence par soi-même.
               
8. Enseigner l'islam à l'école par Henri Tincq
in Le Monde du mercredi 24 octobre 2001

Comment s'étonner que l'islam soit si mal connu, alors qu'il est si peu enseigné ? L'Occident aurait-il oublié que l'islam est aussi une source de sa modernité ? "Sait-on en France que nous, musulmans, avons des philosophes aussi importants que Montaigne et Aristote ?", s'interroge un intellectuel inquiet. Il aurait pu ajouter ceci : le jeune Français qui entend à la télévision des appels à la "guerre sainte", voit des corans dressés comme des armes et des poings, assiste au bûcher de drapeaux américains ou israéliens, sait-il que des savants comme Avicenne, Averroès ou Ghazali ont inspiré des monuments de la pensée chrétienne ou juive, comme Thomas d'Aquin ou Maimonide ? Que notre algèbre, notre géométrie, notre médecine en partie, viennent des pays arabes ? Que, si une centaine de versets du Coran sont à forte teneur juridique et dogmatique, sept cents autres sont des appels à la prière, à la réflexion, à la méditation, à la connaissance ?
Parler pour démystifier, apprendre pour comprendre, enseigner pour faire reculer stéréotypes et clichés : l'actuelle crise internationale donne raison à des personnalités universitaires comme Jean Baubérot, Mohammed Arkoun, Bruno Etienne, qui, depuis le milieu des années 1980, appellent de leurs vœux un enseignement historique des religions, de l'islam en particulier, dans l'espace laïque français.
Sans doute l'idée a-t-elle progressé dans l'opinion, des équipes d'enseignants se mobilisent-elles déjà avec passion, des adjonctions ont-elles été faites aux programmes et manuels scolaires, mais l'enseignement des matières religieuses n'a guère dépassé le stade de "l'informel", estime Jean Baubérot, président de la section des sciences religieuses à l'Ecole pratique des hautes études. Un jugement confirmé par la décision des autorités éducatives, en 1996, de ne pas créer de discipline spécifique, mais corrigé par l'invitation alors adressée aux professeurs d'histoire, de philosophie, de beaux-arts, de lettres, de prendre davantage en compte la dimension religieuse, et par la demande forte de formation continue, en ce domaine, du corps enseignant.
"CULTUREL" OU "CONVICTIONNEL"
C'est face aux situations d'urgence qu'apparaît, une fois de plus, la pertinence d'un enseignement culturel et historique des faits religieux. 
On objectera qu'il n'est pas possible de parler de religion de façon historique et neutre. Confrontés à la curiosité de leurs élèves, conscients du déficit de leur formation en ce domaine, les professeurs se montrent hésitants à cette frontière du "culturel" et du "convictionnel" et on les comprend. Comment parler du siècle de l'hégire sans parler de... l'hégire, c'est-à-dire de la vie de Mahomet, de la Révélation divine, des hadiths du prophète qui, pour les trois écoles sunnites, se limitent à quelques centaines et qui, pour la tradition wahhabite puritaine, seraient au nombre de 28 000 !
Face à ces querelles exégétiques, les professeurs feraient-ils preuve de courage ou d'inconscience qu'ils seraient rappelés à l'ordre par les autorités doctrinales : on ne peut pas réduire les religions à de simples phénomènes historiques ni faire l'impasse sur une révélation divine. Le Vatican a déjà fait savoir son hostilité à un enseignement culturel de la religion catholique et exprimé sa préférence pour des professeurs compétents, c'est-à-dire sortis des rangs de l'Eglise. Et il n'est pas rare que des imams exercent localement des pressions sur les enseignants. Nos voisins européens n'ignorent pas ces hésitations. La place de l'enseignement des religions y dépend de la reconnaissance du fait religieux. Elle existe en Allemagne où, malgré l'absence, comme en France, d'un collège musulman représentatif, une part est faite, par exemple en Rhénanie-Westphalie, à l'enseignement de l'islam. Elle existe aussi en Belgique, où le culte musulman est organisé et l'islam enseigné, aux Pays-Bas, en Espagne, où une convention a été signée, en 1996, entre les autorités éducatives et des représentants musulmans qui ont le droit d'envoyer des professeurs de religion dans des établissements publics. A chaque fois, l'exigence est la même - l'enseignement dans la langue locale, non en arabe - et des compromis, parfois difficiles, liés à la tradition de chaque pays et à l'état des demandes, sont trouvés.
En France aussi, le compromis devra prévaloir, dans l'esprit, par exemple, de ce nouveau pacte laïque signé en 1989 par la Fédération protestante de France et la Ligue de l'enseignement, ouverte à l'apprentissage de la matière religieuse dans le strict respect de la laïcité. Aujourd'hui, en effet, la laïcité de combat a fait place à une laïcité-neutralité, gardienne des libertés de conscience. La République finance depuis longtemps l'enseignement des faits religieux au niveau universitaire. Elle entretient à ce titre des équipes entières du CNRS. "Avec les médiations pédagogiques et les systèmes d'encadrement qui existent aujourd'hui, pourquoi ne pas être plus audacieux au niveau des collèges et des lycées ?", interroge Jean-Paul Willaime, directeur du Groupe de sociologie des religions.
MÉCONNAISSANCE
Le risque d'une exclusion du fait religieux de l'enseignement public est de le reléguer vers des officines privées de moins en moins contrôlables. Déjà, les cours d'arabe et les écoles coraniques poussent comme des champignons, ainsi que des cycles de conférences et des cursus universitaires spécialisés.
La très grande majorité d'entre eux font un excellent travail de formation mais, observe un intellectuel musulman comme Tariq Ramadan, "les écoles islamiques risquent de devenir la panacée, des écoles-ghettos pensées avec l'idée de l'éloignement, du rejet, de l'enfermement".
C'est la méconnaissance qui produit l'intolérance et la diabolisation. En France aujourd'hui, il y a plus d'arabisants et d'islamologues qui partent chaque année à la retraite que de jeunes spécialistes recrutés, estime Malek Chebel, qui, comme d'autres universitaires musulmans, souhaite la réintroduction de chaires de civilisation islamique, de chaires d'arabe, de cours de langues dans les grands lycées ou l'ouverture de bibliothèques spécialisées. A quelque niveau que ce soit, pour le très large public de jeunes sans religion comme pour ceux de confession chrétienne, juive ou musulmane, une meilleure intelligence des faits religieux fera reculer les sectarismes.
                 
9. Jusqu'ici, les interpellations n'ont pas abouti à grand-chose par Von Van Natta
in The New York Times (quotidien américain) du dimanche 21 octobre 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

(Cet article est la synthèse, réalisée par M. Van Natta, de reportages effectués par Christopher Drew, Jo Thomas et Don Van Natta.)
Vingt jours après le début d'une enquête criminelle la plus agressive jamais enregistrée dans l'histoire américaine, la police judiciaire a arrêté 830 personnes, mais elle n'a pas pu établir de preuves qu'une seule des personnes actuellement retenues en garde à vue ait été l'un des conspirateurs des attentats terroristes du 11 septembre dernier.
Bien que plus de 365 000 "tuyaux" donnés (anonymement) par le public aient fait l'objet d'investigations, les plus hauts responsables de l'enquête, aux Etats-Unis, ont reconnu que la plupart de leurs pistes prometteuses, dont on espérait qu'elles conduiraient à la découverte de complices, n'ont conduit à rien. Il en va de même, ce qui est plus grave, pour les suspicions entretenues au sujet de certains des suspects présumés.
Par ailleurs, aucune des quelque cent personnes activement recherchées par le FBI (Bureau Fédéral des Investigations) n'est tenue pour suspect majeur, ont indiqué les responsables de la police judiciaire. "Dans cette petite compagnie, il n'y a personne dont j'admettrais, sans faire la gueule, qu'on me réveille à trois heures du matin pour m'en parler", a indiqué un responsable gouvernemental.
Pour les enquêteurs, le dernier espoir d'effectuer une percée a été déçu, ces jours derniers, à Chicago. Le 11 octobre, les arrestations de neuf Egyptiens résidant à Evansville (Indiana) avaient mis en émoi les milieux de la P.J. Deux officiers supérieurs ont fait état de spéculations selon lesquelles ces hommes auraient appartenu à une cellule de l'organisation Al-Qa'ida, et qu'ils auraient été en train de préparer un nouvel attentat.
Les autorités fédérales ont appris que l'un de ces Egyptiens avait pris, récemment, des cours de pilotage aérien et qu'il vivait avec ses concitoyens dans l'Indiana, d'où il envoyait de l'argent chez lui, en Egypte, a indiqué un officier de la P.J. Ces hommes ont été déférés à Chicago pour interrogatoire mais, jeudi soir, les suspicions des enquêteurs s'étant évanouies, sept parmi les neuf ont été relâchés. Un autre était encore en garde à vue et le neuvième, dont les papiers n'étaient pas en règle, se voyait accusé de contravention aux règlements de l'immigration.
L'un de ces Egyptiens relâchés, Tarek Al-Basti, 29 ans, copropriétaire du restaurant Tomates'Folies (The Crazy Tomato) à Evansville, avait été arrêté tandis qu'il préparait un plat de spaghetti pour le "coup de feu" du soir. Il s'est avéré que ses cours de vol qui en avaient fait un suspect n'étaient autre chose qu'un cadeau de son beau-père, un avocat et ex-diplomate américain, amateur de pilotage d'avions.
Les arrestations à grande échelle avaient commencé le jour même des attentats, et le nombre des suspects interrogés ne faisait que croître tandis que les agents de la P.J. suivaient les pistes de suspects potentiels en analysant les numéros mémorisés dans les téléphones portables des auteurs des attentats, grâce à des enquêtes de voisinage et à des "tuyaux" reçus par téléphone ou sur le site web du FBI. Mais aucune des personnes arrêtées n'a été accusée d'avoir joué un rôle dans la logistique des détournements-attentats. La plupart sont retenus pour le chef de violations des lois sur l'immigration, pour contravention au code de la route ou falsification de documents (pièces d'identité), ces charges ayant fait l'objet de dépôts de plaintes de la part d'avocats des associations de protection des droits civils et des immigrés.
Mais ces arrestations visent plus loin que les enquêtes sur les attentats du 11 septembre : il s'agit d'en prévenir d'autres, qui peuvent toujours survenir. Sur ce plan, les officiels disent que ces arrestations préventives n'ont pas été vaines.
Des hauts fonctionnaires du gouvernement ont déclaré qu'au moins une dizaine de membres d'Al-Qa'ida, le réseau d'Osama bin Laden, ont été arrêtés, qui sont susceptibles d'avoir été mêlés à la préparation de nouveaux attentats par d'autres cellules du dit réseau. Alors qu'il n'y a pas de preuve effective que des attentats précis aient été déjoués, un officiel de la police judiciaire a indiqué : "une chose est sûre : nous avons réussi à faire changer l'atmosphère".
Des officiels disent, également qu'ils pensent que des arrestations effectuées dans d'autres pays, depuis le 11 septembre, ont permis de déjouer des attentats déjà planifiés.
Les enquêteurs indiquent qu'ils détiennent les preuves du soutien financier apporté aux terroristes (tués dans les attentats) par un petit groupe de lieutenants d'Al-Qa'ida opérant à l'extérieur des Etats-Unis et que, de ce fait, l'enquête s'est de plus en plus orientée vers des investigations à l'étranger, de l'autre côté de l'Atlantique. Mais un haut responsable gouvernemental a déclaré : "nous n'avons aucun indice de l'existence d'un grand réseau structuré, qui les ait véritablement secondés".
La recherche de conspirateurs potentiels, ici, aux USA, s'est focalisée sur une vingtaine de témoins à charge que l'on suppose détenir des informations capitales et qui ont été transférés à la prison de Manhattan. Mais, au cours des dernières semaines, neuf d'entre eux au moins ont été élargis, ont indiqué les officiels, et ceux qui restent en garde à vue ne sont pas du tout coopératifs.
"Nous nous acheminons vers le temps des "feux croisés de questions", a indiqué un haut responsable de la police judiciaire. "Nous allons les amener devant des grands juries et les confronter à des enregistrements de mouvements financiers et des facturations téléphoniques, et là, on verra : finie, la rigolade : certains auront sans doute beaucoup plus de difficulté à nous répondre "ptêt ben qu'oui, ptêt ben qu'non"".
Durant les dix jours écoulés, deux hommes ont été accusés de mentir au jury enquêtant sur les attentats. L'un d'entre eux avait été mis en examen à Phoenix pour fausses déclarations aux enquêteurs fédéraux au sujet de sa fréquentation de Hani Hanjour, le terroriste dont on pense qu'il pilotait l'avion de ligne qui a fini sa carrière en se fracassant sur les bâtiments du Pentagone. Un Jordanien, étudiant dans une grande école de Californie, a été accusé de fausses déclarations lors de son interrogatoire sur ses rapports avec deux autres terroristes ayant détourné des avions le 11.09, Nawaf al-Hazmi et Khalid Al-Mihdhar.
Ces présomptions autorisent les autorités à maintenir les suspects en captivité tout le temps nécessaire à l'enquête. Mais des officiels de la police judiciaire indiquent qu'aucun de ces prévenus n'a pu être accusé de préméditation, car aucun ne détenait (à l'avance) d'information sur les attentats qui allaient survenir le 11 septembre. Les enquêteurs ont pu établir des liens entre les terroristes-kamikazes et environ deux douzaines de prévenus, bien que ces liens soient en réalité ténus et fortuits.
Peu après les détournements d'avions, le FBI pensait avoir débusqué une cellule de jeunes Arabes, à San Diego, qui pourraient avoir aidé deux des terroristes. Le FBI en est arrivé à s'intéresser à au moins cinq hommes - étudiants, pour la plupart - grâce à un fil d'Ariane ténu : le prénom et le numéro de téléphone de l'un d'entre eux, Osama Awadallah, avaient été retrouvés sur un morceau de papier se trouvant dans la Toyota Corolla modèle 1988 que M. Al-Hazmi avait laissée sur un parking de l'aéroport international Dulles, en Virginie, le 11 septembre, avant de s'embarquer sur le vol American Airlines 77, qui finit son cours en s'écrasant sur le Pentagone.
Les agents fédéraux ont découvert que certains de ces hommes avaient partagé l'appartement d'un activiste islamiste de San Diego, conjointement à M. Al-Hazmi et son collègue terroriste, M. Al-Mihdhar. Certains d'entre eux, dont M. Awadallah, avaient travaillé dans une station-service où M. Al-Hazmi avait travaillé durant une courte période, lui aussi, l'année dernière. Et M. Al-Hazmi, pour lui complaire, avait inscrit l'un des étudiants (arrêtés), M. Yazeed al-Salmi, sur sa police d'assurance automobile, durant deux mois, à la fin 2000, afin de lui permettre de s'assurer pour moins cher.
Après avoir arrêté les cinq hommes, le FBI les a rapidement transférés à New York où ils sont considérés comme des témoins matériels, ce qui a motivé le dépôt d'une plainte par Randall B. Hamud, l'avocat de l'un des trois, qui a indiqué que leur réputation avait été salie par l'accusation d'association de malfaiteurs qui a été formulée à leur encontre.
Après plus de quinze jours de préventive, M. Al-Salmi (23 ans), un Saoudien étudiant à Grossmont College, à San Diego, a été élargi le 11 octobre, après témoignage devant un jury. Mais, le vendredi suivant, M. Awadallah a été accusé de fausses déclarations devant le grand jury : il avait déclaré ne connaître qu'un seul des terroristes, alors que les deux avaient été en contact avec ces étudiants.
M. Hamud a déclaré que "le gouvernement fédéral était en train d'arrêter des Arabes partout dans le pays afin de faire croire aux gens qu'ils sont susceptibles de faire des trucs".
Les accusations les plus sûres que le gouvernement fédéral ait pu formuler concernent des personnages secondaires. Ainsi, Luis Martinez-Flores a été accusé d'avoir reçu 50 dollars de chacun des deux kamikazes, M. Hanjour et M. Al-Mihdhar, afin de les aider à se procurer des photos d'identité à Arlington (Virginie).
Mais, comme dans bien d'autres cas, les enquêteurs ont pensé, au début, que M. Martinez-Flores était un témoin-clé. Il avait déclaré aux enquêteurs que les deux kamikazes étaient particulièrement intéressés par "un immeuble très élevé, à Richmond (Virginie) et à Atlanta (Géorgie)", d'après un rapport confidentiel du FBI. Se faisant plus précis, M. Martinez-Flores aurait affirmé que les deux hommes "s'intéressaient visiblement de très près à l'immeuble de la Banque Fédérale de Richmond (Virginie)".
Il a aussi dit qu'il avait fait un tour dans leur camionnette : il y avait dans cette dernière des containers ressemblant à des valises, lesquels containers, avait-il déclaré "étaient très lourds et laissaient échapper une odeur âcre".
"Martinez ayant essayé de déplacer l'un des containers, Al-Mihdhar et Hanjour étaient devenus soudain nerveux, lui avaient pris le container des mains et l'avaient reposé précautionneusement ailleurs dans la camionnette", a indiqué un agent du FBI. "Martinez fut averti que ces containers devaient être manipulés avec beaucoup de précautions". Mais, deux semaines après les dépositions, les procureurs accusèrent M. Martinez-Flores de fausse déclaration aux enquêteurs, au sujet de ses relations avec les deux kamikazes présumés.
Un officiel du gouvernement s'en est plaint ouvertement : "Il y a eu un tas de cas de ce genre : ils éveillent l'intérêt... alors, nous regardons de plus près..., et il n'y a pas grand-chose, en fin de compte".
A plusieurs reprises, les enquêteurs ont indiqué avoir un doute sur le fait qu'un certain Zacarias Moussaoui, un Français d'origine marocaine, qui avait été arrêté pour situation irrégulière, le 17 août, dans le Minnesota, aurait pu être un vingtième kamikaze potentiel. Le jour des attentats, il était "en cabane". Les enquêteurs n'ont pas établi qu'il était supposé faire partie de la conspiration du 11 septembre, mais ils pensent qu'il pourrait avoir un lien avec l'organisation Al-Qa'ida.
A part ce M. Moussaoui, les enquêteurs se sont intéressés de près à trois autres personnes susceptibles d'être liées à Al-Qa'ida : Nabil al-Marabh, ancien chauffeur de taxi de Boston, qu'un informateur a lié à M. bin Laden, ainsi qu'Ayyub Ali Khan et Mohammed Azmath, deux hommes qui transportaient des cutters et au moins 5 000 dollars en coupures au moment de leur interpellation, dans un train, au Texas, le 11 septembre.
M. Khan et M. Azmath avaient pris un avion depuis Newark et avaient atterri à St Louis. Les enquêteurs disent qu'ils s'intéressent toujours à ces deux hommes, mais qu'ils n'ont aucune certitude qu'ils aient quelque chose à voir avec les attentats du 11.09. La semaine dernière, des enquêteurs ont décidé de fouiller l'appartement de Jersey City où ces deux hommes vivaient, afin d'y rechercher des indices sur d'éventuels conspirateurs dans l'affaire de la diffusion de la bactérie de la maladie du charbon ("anthrax", pour les Américains - pour nous l'anthrax est une sorte de furonculose à staphylocoques, Ndt).
Une autre cellule potentielle qui intriguait les enquêteurs semblait concerner Chicago et Detroit. En prenant d'assaut un appartement de Detroit, situé au 2653 Norman Street, le 17 septembre, les policiers voulaient pincer Nabil al-Marabh pour le questionner. Son nom était sur la boîte aux lettres, mais lui, il n'était pas là.
A la question "qui êtes-vous ?", posée à travers la porte, on leur répondit : "Karim Koubriti". Avec cet homme âgé de 23 ans, étaient présents Ahmed Hannan (33 ans) et Farouk Ali-Hamoud (21 ans). D'après les informations données par Robert Pertuso, l'agent du FBI de Detroit chargé de diligenter l'enquête, ces hommes lui ont dit qu'ils n'habitaient dans l'appartement que depuis deux semaines et qu'il était bien possible que l'occupant précédent ait été un certain M. Marabh.
A l'intérieur, les agents ont trouvé des badges d'identification permettant d'accéder à l'aéroport Skychefs Metropolitan de Détroit, aux noms de M. Hannan et M. Koubriti, qui y avaient travaillé tous deux (ils faisaient la plonge dans un restaurant), ainsi qu'un agenda annoté en arabe. M. Pertuso a indiqué que certaines de ces annotations étaient relatives à une base américaine en Turquie, une autre faisait référence à quelqu'un désigné du titre de "ministre des affaires étrangères des Etats-Unis", et à l'aéroport Reine Alia d'Amman (Jordanie).
Des agents du FBI ont indiqué que M. Koubriti leur a déclaré que ces documents, qui comportaient également des photos d'identité et des faux papiers d'identité, appartenaient à un autre homme, Youssef Hamimsa, qui avait vécu, lui aussi, dans l'appartement. M. Hamimsa a été arrêté dans l'Etat de l'Iowa. Avec M. Koubriti et M. Hannan, tous trois ont été accusés de fraude et de détournement d'identité.
Les responsables de la P.J. ont indiqué qu'ils continuaient à mener des investigations actives sur ce groupe, tant à Detroit qu'à Chicago.
Les arrestations de ces neuf hommes, dans l'Indiana, ont suscité la colère de leurs familles.
Le 11 octobre, des agents sont venus au restaurant Tomates'Folies et ont arrêté M. Al-Basti, son oncle ainsi que d'autres hommes qui y travaillent. Ils ont été emmenés à Kentucky, puis à Chicago, où ils ont été incarcérés au Centre de Correction métropolitain, a indiqué vendredi dernier Mary France Baugh, la belle-mère de M. Al-Basti.
"L'Amérique vit décidément des jours sombres", a-t-elle déclaré. "Je ne pense pas que nous devions encore noircir le tableau en permettant que la loi soit étirée de cette manière par le procureur général". Le traitement des prévenus a été "légal", a conclu Mme Baugh, "mais tout juste..."
Son mari et elle-même avaient inscrit leur gendre à des cours de pilotage à Tri-State Aviation, en cadeau. "Quand il a eu sa licence de pilote, il a continué afin d'obtenir son évaluation aux instruments", a indiqué Mme Baugh. "Mon mari et moi étions tellement fiers de lui."
Le FBI est allé enquêter chez M. Al-Basti le 15 septembre, a indiqué Mme Baugh, et lui a posé des questions sur ses croyances religieuses. "Il leur a dit qu'il y a une grosse différence entre le Coran et sa paix et la démence d'aller faire sauter le World Trade Center", a-t-elle rapporté.
"Je comprends quelle pression terrible est actuellement sur les gens du FBI, parce qu'ils ont reçu l'ordre de faire qu'une telle horreur ne puisse jamais se reproduire, jamais", a commenté Madame Baugh. "Mais, n'empêche... Si l'Amérique n'est pas à l'abri de ses agences d'investigation légale, si vous pouvez vous faire "cueillir" alors que vous êtes en train de vérifier si vos spaghetti sont "al dente" et vous faire mettre au violon sans un mot d'explication et sans pouvoir recevoir la visite de quiconque, qui, parmi nous, peut encore se sentir en sécurité ?"
                 
10. La politique étrangère des Etats-Unis à la croisée des chemins par Ghassan Khatib
in Palestine Report (Palestine) le vendredi 19 septembre 2001 (vol. 8 - N° 15)
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

[http://www.jmcc.org/media/reportonline]
La terrible tragédie infligée aux villes de New York et Washington, mardi dernier (11.09), résulte d'une combinaison mortelle entre globalisation, haute technologie et facilité d'accès à l'information, d'une part, pauvreté croissante et injustice de l'autre. Aucun doute à avoir : dans le monde entier, tous les hommes, sans exception, ont été à un niveau ou à un autre choqués par la démonstration de haine que ces attentats ont représenté.
Ces attentats ont, en même temps - et au même degré - révélé la profondeur de l'hostilité entourant la politique étrangère du gouvernement des Etats-Unis ailleurs dans le monde. La majorité de l'opinion publique non-américaine s'est identifiée avec les victimes américaines innocentes, mais en ressentant un sentiment de malaise, cette emathie ne pouvant occulter ce qu'il faut bien appeler une certaine satisfaction de voir les politiques et les pratiques des Etats-Unis trouver une certaine "réponse".
Les Palestiniens sont, de tous les peuples, celui qui a sans doute ressenti le plus intimement la douleur des victimes américaines, étant lui-même victime des tentatives violentes d'Israël de maintenir son occupation militaire et agressive - illégale - de leur territoire. Cette vérité, même la propagande israélienne de bas étage (qui a tenté de présenter les Palestiniens comme sautant de joie à l'annonce des attentats) n'est pas parvenue à la faire oublier.
Personne ne saurait blâmer le gouvernement américain de prendre les mesures de sécurité qui s'imposent afin de punir les auteurs de ces attentats. Mais ceux qui, parmi les Américains, ont su faire retour sur eux-mêmes et constatent qu'ils ont matière à faire leur autocritique et à reprocher à leur gouvernement de ne pas aller plus loin et de s'interroger sur l'environnement et les causes qui ont permis que soient atteints de tels niveaux de violence et de haine, ceux-là doivent rester attentifs.
A ce stade, la politique étrangère américaine est la seule qui ne soit pas soumise au contrôle démocratique et qui ne doive rendre aucun compte au peuple américain, pour la simple raison que celui-ci s'intéresse peu aux affaires du monde, y compris au mode d'action de leur propre gouvernement. Il en découle une politique étrangère désastreuse, y compris - en particulier -au Moyen-Orient.
La Conférence Contre le Racisme de Durban, qui s'est déroulée récemment dans cette ville d'Afrique du Sud, a montré à quel point le soutien inconditionnel du gouvernement américain à Israël - excusez du peu - peut être isolé de par le monde, où il rencontre incompréhension et réprobation. La délégation des Etats-Unis s'est retirée en même temps que la délégation israélienne, pitoyablement, incapable de faire face au consensus d'une écrasante majorité des autres délégations dénonçant les pratiques racistes des forces d'occupation israéliennes dans les territoires palestiniens.
Un autre exemple frappant de la problématique de la politique extérieure américaine au Moyen-Orient est la contradiction entre le soutien américain - affiché - au droit international, et le soutien des Etats-Unis à l'occupation israélienne, qui constitue (y compris, aux yeux de la politique américaine officielle) une violation de ce même droit international.
On pourrait, de même, mettre le doigt sur la contradiction existant entre le soutien déclaré des Etats-Unis à la démocratie et aux droits de l'Homme, d'une part, et l'amitié et le soutien manifesté par le gouvernement de ce pays à l'égard des régimes les moins démocratiques du Moyen-Orient, d'autre part. 
Les pressions exercées récemment sur Israël afin de lui demander de mettre un terme à ses agressions en cours contre les civils palestiniens et de reprendre les discussions politiques ont été saluées par la partie palestinienne qui y a répondu en déclarant unilatéralement un cessez-le-feu. Les Palestiniens ont vu dans ces pressions (indédites) un indice positif, mais le caractère durable de leur adhésion dépendra de la manière dont les Américains vont s'efforcer de consolider leurs relations avec les pays arabes en adoptant une position conforme au droit international et (par conséquent) critique à l'égard de l'occupation israélienne.
Ces nouveaux efforts résulteront-ils dans l'adoption d'une politique américaine responsable et la fin de l'occupation israélienne ? Pour l'instant, l'avenir des relations des Américains avec le monde arabe dépend de deux choses : tout d'abord, une définition claire du terrorisme, qui soit conforme au droit international, à la constitution des Etats-Unis et aux résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité de l'ONU et, ensuite, l'engagement des Etats-Unis dans un (réel) processus de paix amenant à la cessation de l'occupation israélienne, dans le cadre d'un accord de paix global.
La politique moyen-orientale des Etats-Unis est aujourd'hui à la croisée des chemins. Ce temps est, par excellence, celui où les Etats-Unis doivent montrer si une politique étrangère américaine mûrement réfléchie (et réellement souveraine) va finir par s'imposer ou bien si les accusations d'hostilité envers les Arabes et les Musulmans, portées à l'encontre de ce pays par les auteurs des attentats, vont finir par s'avérer fondées.