Jacques Huntzinger, ambassadeur de France en Israël ne comprend absolument pas comment un ami d'Israël comme lui, qui a accusé en son temps Nasser et Hussein d'être des envahisseurs, et qui dans sa jeunesse a été volontaire pendant 6 mois au kibboutz Hagoshrim, est devenu tout d'un coup l'objet d'une violente campagne de presse en Israël. A lire dans ce PiP son interview/portrait dans Yédioth Aharonoth... Edifiant !
                          
   
Point d'information Palestine > N°172 du 15/10/2001

Newsletter réalisée par l'AMFP - BP 33 - 13191 Marseille FRANCE
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Association loi 1901 - Membre de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
Pierre-Alexandre Orsoni (Président) - Daniel Garnier (Secrétaire) - Daniel Amphoux (Trésorier)
Sélections, traductions et adaptations de la presse étrangère par Marcel Charbonnier
                       
Si vous ne souhaitez plus recevoir (temporairement ou définitivement) nos Points d'information Palestine, ou nous indiquer de nouveaux destinataires, merci de nous adresser un e-mail à l'adresse suivante : amfpmarseille@wanadoo.fr. Ce point d'information est envoyé directement à 3282 destinataires.
Consultez régulièrement le site de Giorgio Basile : http://www.solidarite-palestine.org
                           
- ERRATUM. Dans notre dernière livraisons (PiP N°171 du 11/10/2001) l'information intitulée : "Des femmes prisonnières politiques craignent pour leur vie" (Réseau § 4) a été traduite de l'anglais par Christian Chantegrel.
                       
- Depuis près d'un mois, nous réalisons une étude (profils, impact...) sur les deux premières années des Points d'information Palestine (PiP). Nous avons contacté un certain nombre d'entre vous et nous vous remercions d'avoir tous (!) répondu à nos questions. Concernant les "forwards" de PiP, nous vous conseillons de nous communiquer directement les adresses électroniques des personnes auxquelles vous faites parvenir les PiP. En effet, la gestion des "abonnements" devient compliquée lorsque des destinataires inconnus (de nous) nous demandent, par exemple, une suspension d'envoi ou nous indiquent un changement d'adresse. Merci de votre compréhension.
                              
Au sommaire
                                               
Témoignage
Cette rubrique regroupe des textes envoyés par des citoyens de Palestine ou des observateurs. Ils sont libres de droits.
Chronique d'une torture par Mohammed Fawzi Sa'dy Rajabi, 15 ans, citoyen d'Hébron en Palestine
                       
Rendez-vous Palestine
Retrouvez l'Agenda des conférences, manifestations, spectacles, expositions... sur http://www.solidarite-palestine.org/evnt.html
1. Exposition photographique : Les réfugiés palestiniens à L'ONU (Genève - Suisse) Journée porte ouverte au Palais des Nations les samedi 27 et dimanche 28 octobre 2001
2. Exposition et rencontres : Ghassan Kanafani, l'écrivain engagé du 15 au 22 octobre 2001 à Lyon
3. IMPORTANT - Rencontres "Solidarité Palestine"
les 10 et 11 novembre 2001 à Saint Nazaire (44)
                       
Dernière parution
Djihad Versus McWorld - Mondialisation et intégrisme contre la démocratie de Benjamin Barber aux éditions Hachette Littératures
                                        
Revue de presse
            
1. Ben Laden récupère la cause palestinienne, selon les analystes par Michel Sailhan Dépêche de l'Agence France Presse du lundi 15 octobre 2001, 15h12
2. La fronde du chef d'état-major déclenche une polémique en Israël Dépêche de l'Agence France Presse du lundi 15 octobre 2001, 14h14
3. Etat palestinien: Bush persiste, Israël refuse par Laurent Conreur in La Dépêche du Midi du samedi 13 octobre 2001
4. Des juifs d'extrême droite déversent leur haine antiarabe sur Internet par Christiane Chombeau in Le Monde du vendredi 12 octobre 2001
5. Berlusconi, Mégret, Thatcher - A propos de "supériorité occidentale" in L'Hebdo Magazine (hebdomadaire libannais) du vendredi 12 octobre 2001
6. Le commerce du miel est soupçonné de servir à assurer une couverture à bin Laden, tout en lui procurant des fonds par Judith Miller et Jeff Gerth in The New York Times (quotidien américain) du jeudi 11 octobre 2001 [traduit de l"anglais par Marcel Charbonnier]
7. Coupables, certes, mais qui sont-ils ? Simon Heywood (Sheffield) in le courrier des lecteurs The Independent (quotidien britannique) du jeudi 11 octobre 2001 [traduit de l'anglais par Annie Coussemant]
8. Surtout, vissons bien le couvercle sur le Génie du Transfert ! par Amira Hass in Ha'Aretz (quotidien israélien) du mercredi 10 octobre 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
9. J'ai écrit, j'ai dit, j'ai expliqué, que voulez-vous encore que je fasse ? Interview de Jacques Huntzinger, ambassadeur de France en Israël propos recueillis par Meiron Rappoport in Yédioth Aharonoth (quotidien israélien) du vendredi 28 septembre 2001 [traduit de l'hébreu par le service de presse de l'ambassade de France à Tel Aviv]
                          
Témoignage

              
Chronique d'une torture par Mohammed Fawzi Sa'dy Rajabi, 15 ans, citoyen d'Hébron en Palestine
Hebron, région de Kissara. " Le mercredi 11 juillet 2001, à 14 heures, je quittais la maison pour aller au champ de mon père qui est situé près de la colonie de Kiryat Arba'. Pendant que je cueillais les pêches, une jeep militaire m'arrêta. Un homme portant des vêtements civils et portant un pistolet sortit de la jeep. Il pointa son pistolet sur ma tête et m'ordonna de marcher devant lui vers la jeep. Il me demanda de lever les mains et de les mettres sur un mur. Il commença à me fouiller. Il me frappa au cou avec ses mains. Il commença à me donner des coups de pied, hurlant et me disant des choses comme " tu es un fils de pute "
Après quelques minutes, un groupe de soldats arriva. C'était le police des frontières. Trois d'entre eux me jettèrent à terre et me frappèrent avec leurs fusils. Ils me frappèrent à l'abdomen et aux mains. Puis, l'un des soldats me demanda de me lever, ce que je fis. A ce moment, ma mère et mon frère arrivèrent. Ils ont commencé à parler aux soldats, et à ce moment, un des soldats me mit dans la jeep. Quatre des soldats allèrent avec moi dans la jeep. La jeep commença à démarrer et les soldats se mirent à me frapper sur la tête avec leurs mains et leurs pieds. L'un des soldats me frappa à plusieurs reprises avec son poing et c'était très douloureux. En chemin, les coups alternaient avec les menaces de mort, et ils m'injuriaient disant : " tu es le fils d'une pute, tu es un enfant illégitime ".
Après cinq minutes, la jeep atteignit Ja'abara, une base militaire pour la police et les soldats. Ils me sortirent de la jeep, m'obligèrent à mettre les mains derrière la tête et de m'asseoir sous un toit métallique peu élevé. Ensuite, l'un des soldats me poussa et essaya de m'obliger à mettre les mains derrière le dos. Il me demanda de me lever et de le saluer. Il me demanda de rester dans cette position (le saluant) durant 30 minutes. Après, il me demanda de m'asseoir puis de me lever, vingt fois. Lorsque je lui dis que je me sentais fatigué, il me donna un coup de pied sur le bas de la jambe. Puis il me laissa m'asseoir. Après, je lui demandais s'il pouvait me donner quelque chose à boire. Dix minutes après, il m'emmena aux toilettes et me dit : " tu peux boire de l'évier " Je refusai, car je pensais que l'eau était sale. Ensuite, vers 15h30, l'un des soldats me prit et me mit dans une pièce avec un bureau et des placards. L'enquêteur, un grand chauve, était assis derrière le bureau. Un autre lui remit des papiers. Il me demanda de m'asseoir sur une chaise, ce que je fis. Il commença à me demander : " As-tu lancé des pierres ? As-tu brûlé Kiryat Arba'a avec un autre garçon, n'est-ce pas ? " Il me dit aussi que mon frère 'Alaa avait reconnu ceci. 'Alaa est mon frère âgé de 18 ans.
Ensuite, l'enquêteur demanda à un de ses employés de me sortir de la pièce. Je lui dis que je n'avais rien brûlé. Il me demanda de rester dehors, dans un couloir, en tenant mon pied gauche levé et de rester sur mon pied droit dix minutes durant. Ensuite il me prit dehors, dans la cour, où il commença à me battre, sur le visage. Deux autres hommes l'ont aidé à me battre. L'un des soldats a suspendu une grenade en plastique autour de mon cou et a mis quelque chose en métal devant son pistolet, le dirigeant sur ma poitrine. Entretemps, une jeep militaire arriva. Les soldats qui étaient avec moi y sont entrés et les quatre hommes qui étaient dans la jeep en sont sortis et se sont mis à côté de moi. Ils ont commencé à me battre. Ils ont fait un cercle autour de moi, m'ont frappé avec leurs mains en riant, et cela a duré 15 minutes. Puis ils m'ont emmené dans la jeep et m'ont demandé de me mettre sur le sol de la jeep. L'un d'eux m'a frappé avec ses mains. Trente minutes après, ils m'ont sorti de la jeep et m'ont mis dans la cour du centre Al-Majnouna. Ils m'ont mis dans une pièce et après cinq minutes, ils m'ont emmené à un médecin pour me faire examiner. Il m'a traité de manière raisonnable. Mais une autre personne qui se trouvait là, avec des vêtements civils, me donna un coup sur le cou et un autre dans le dos. Ensuite, ils m'ont poussé dans une jeep et m'ont ramené à la base militaire de Ja'abara. Lorsque nous sommes arrivés à Ja'abara, l'un des soldats m'a demandé de lever ma tête vers le ciel et de compter les étoiles. Il faisait nuit. Cinq minutes après il m'a autorisé à baisser ma tête.
Tout à coup, une voiture s'est arrêté devant moi et un colon en est sorti. Il a commencé à me battre et à me donner des coups de pied sur les jambes. Puis l'un des soldats m'a pris et m'a mis dans une pièce où il m'a pris mes affaires. Il a pris ma ceinture, ma montre et les lacets des chaussures. Il m'a bien traité. Puis il m'a mis dans une pièce et j'ai dormi jusqu'au matin. La chambre avait 6 lits. Il y avait deux couvertures et des toilettes. Peu après, Samer et Jadalla Dana sont venus. Ils ont dormi dans la même chambre que moi. Le matin, ils nous ont amené un petit-déjeuner fait de riz, d'haricots et d'œufs pour nous trois. Nous avons mangé. Le 12 juillet, le jeudi, ils nous ont apporté, à moi et Jadalla, des vêtements. Selon la police, les vêtements venaient de la famille. Une demi-heure plus tard, trois soldats sont venus. Ils nous ont emmené dans une pièce où étaient gardées nos affaires personnelles. Je me souviens qu'avant le petit-déjeuner, ils nous avaient emmené dans une pièce et nous ont demandé de signer un papier avec nos noms écrits dessus. Nous avons apposé nos empreintes digitales. Ils nous ont photographié et nous ont ramené dans la pièce.
Après le petit-déjeuner, ils nous ont attaché avec du plastique, nos mains attachées derrière nos dos. Ils nous ont recouvert les yeux et nous ont mis dans une jeep militaire. Longtemps après, ils m'ont sorti, moi et mes amis, de la jeep et nous ont emmenés à un endroit où il était marqué DCO, que j'ai remarqué lorsqu'ils ont enlevé nos bandes des yeux. Ils nous ont fait asseoir dans une pièce et nous ont bandé de nouveau les yeux. Nous avons passé un long moment à cet endroit. Ensuite, ils nous ont emmenés à un autre endroit et nous ont ramenés à la jeep. Les soldats sont entrés dans la jeep et nous ont conduit pendant 15 minutes. La jeep s'est arrêtée et ils nous ont emmenés dans une colonie. Puis ils nous ont enlevé nos bandeaux des yeux. Peu après, des gens habillés en civils sont venus et nous ont battus avec leurs poings.
Puis ils nous ont enlevé nos liens et nous ont attachés ensemble avec des liens en métal et des menottes. Ils nous ont mis dans un grand camion, et quelques soldats sont montés avec nous. Ils ont fumé et soufflaient la fumée sur nous. La camion a roulé pendant longtemps et puis s'est arrêté. Ils nous ont alors attachés, individuellement, avec des cordes. Ils m'ont pris par la ceinture et m'ont jeté dans une caravane à côté des deux autres garçons. Ils nous ont battus avec leurs crosses de fusils, des cordes électriques et des bâtons sur tout le corps. L'un des hommes poussa très fort son fusil contre mon arrière sans me demander d'ôter mes habits. Il a fait cela plus d'une fois. Il m'a enlevé les bandeaux des yeux et je l'ai vu. Il portait un masque sur le visage. Son masque était effrayant, avec des faux cheveux. Il portait un marteau. Il a continué à me battre toute la nuit, jusqu'au matin. Plusieurs soldats sont venus et ont commencé à nous injurier.
Le vendredi matin, le 13 juillet, ils ne nous ont pas apporté le petit-déjeuner. Ils nous ont forcé à boire un jus dans une boîte dont le goût était salé et épicé. A 9 heures du matin, ils nous ont pris et emmenés dans une voiture de police. Nous avions les mains liés et les yeux bandés. Avant de nous sortir de la pièce, l'eux d'eux me versa de l'eau froide sur la tête e le corps. J'avais très froid.
Après avoir fait une longue distance dans la voiture,  ils nous ont mis dans une chambre ouverte, et un soldat dit que c'est Beit El. Ils m'ont pris, avec mes amis, dans une chambre. Puis ils nous ont pris nos affaires personnelles. Ils ont enlevé les bandeaux des yeux. J'ai signé un papier. Ils nous ont emmené dans la chambre ouverte, ils nous ont fait asseoir sur des chaises, nous ont donné à manger, du riz et du schnitzel. Nous n'avions pas mangé parce que nous étions très fatigués. Ils nous ont emmenés tous les trois dans une pièce qui a un lit et deux couvertures. Il n'y avait pas de toilette. Les toilettes étaient à l'extérieur de la chambre, et nous avions l'autorisation d'y aller trois fois par jour, le matin, à midi et le soir. Puis nous avions demandé à aller aux toilettes, mais nous étions obligés d'attendre le moment fixé. J'y suis allé trois fois par jour, ce qui n'est pas assez.
La situation a duré ainsi jusqu'à vendredi, le 20 juillet. Ce jour, trente minutes après avoir mangé, la police est venue et m'ont demandé, à moi et à Jadallah, de venir, nous ont emmenés dans une petite cellule d'isolement, qui mesure 1m sur 1m50. Les murs étaient très rugueux. Il n'y avait pas de toilette, mais un lit et trois couvertures, sans oreillers. Il n'y avait pas de fenêtres, juste une petite ouverture dans la porte qui était fermée. Il y avait une lampe, mais qui s'éteignait de l'extérieur. Deux heures après, Ils ont emmené Jadallah et je suis resté seul dans cette pièce. J'ai eu très peur, surtout lorsqu'il n'y avait pas de lumière. Je me rappelle que durant ces jours, ils me réveillaient intentionnellement de mon sommeil pendant la nuit, ils tapaient à la porte et mettaient une musique très forte. C'était une musique que je ne comprenais pas. J'ai aussi entendu la voix d'une femme qui hurlait et d'autres qui hurlaient de douleur.
J'ai été quatre fois devant la cour, mais je ne me souviens pas quand. J'ai été dans une cellule d'isolement deux jours. Le lundi 23 juillet, à 13 heures, un policier est venu. Il m'a dit de me préparer pour aller chez moi. Quelques minutes après, il m'a demandé de m'asseoir. Puis il est venu de nouveau et m'a demandé de me préparer pour retourner chez moi. Il m'a emmené dans la pièce où se trouvaient mes affaires personnelles et me les a remises. J'ai vu que l'avocat Samer Suda Al Sarafi était là. Il m'a dit qu'ils ont payé 7000 NIS pour me sortir. Ils m'ont menotté avec Jadallah, ensemble. Ils m'ont emmené vers une porte et un soldat a maintenu le poinçon des menottes pour nous faire trébucher.
                   
Ce témoignage a été délivré sous serment auprès du "Defence for Children International" Palestine Section. Cette organisation non gouvernementale, indépendante, travaille depuis 1992 à assurer la protection des droits des enfants Palestiniens.
DCI/PS - P.O. Box 55201 - Jerusalem - Tél : +972 2 240 7530 - Fax : +972 2 240 7018 - Email : dcipal@palnet.com - Website : www.dci-pal.org
                    
Pétition pour la libération des enfants prisonniers politiques palestiniens
En préparation à la journée d’action internationale du 20 novembre, date de la signature de la convention de l’ONU sur les droits des enfants, DCI/PS a préparé une pétition appelant à la libération de tous les enfants prisonniers politiques palestiniens.
Pour les deux mois prochains, la campagne cherche à atteindre les 200.000 signature, chaque signature correspondant à un des 200.000 palestiniens enfants arrêtés depuis 1967, date de l’occupation israélienne.
Faites circuler cette pétition le plus largement possible. Elle est disponible au site :
http://www.PetitionOnline.com/dcips/petition.html
                          
Rendez-vous Palestine

                           
1. Exposition photographique : Les réfugiés palestiniens à L'ONU (Genève - Suisse)
Journée porte ouverte au Palais des Nations les samedi 27 et dimanche 28 octobre 2001

L'association Aide Sanitaire Suisse aux Palestiniens (ASSP) présente, l'exposition photographique réalisée par l'UNRWA pour le 50ème anniversaire de ses activités au service des réfugiés palestiniens, au Palais des Nations à Genève - Entrée route de Prégny - Bât. E - Porte 40 - Village humanitaire.
- Participants  : Commission Internationale des Droits de l'Homme - Programme Alimentaire Mondial - Haut Commissariat pour les Réfugiés - UNICEF - CICR - Fédération Internationale de la Croix Rouge et du Croissant Rouge - UNRWA.
- Café humanitaire avec possibilités de rencontrer et de s'entretenir avec des ambassadeurs et diverses personnalités de haut niveau.
Ouverture au public le samedi 27 de 11h30 à 18h00 et le dimanche 28 octobre 2001 de 10h00 à 17h00
(IMPORTANT : Se munir d'une pièce d'identité.)
[Aide Sanitaire Suisse aux Palestiniens (ASSP) - Tél. +41 (0) 223 298 213 - Fax. +41 (0) 223 298 243 - E-mail. jvittori@cortex.ch]
                   
2. Exposition et rencontres : Ghassan Kanafani, l'écrivain engagé
du 15 au 22 octobre 2001 à Lyon

Une semaine organisée à l'occasion du 30ème anniversaire de l'assassinat de l'écrivain palestinien, Ghassan Kanafani.
1. Du 15 au 28 octobre 2001, Exposition sur Ghassan Kanafani à la Librairie Alysar - 86, rue de Marseille - 69007 Lyon
2. Le jeudi 18 octobre 2001, à 20h00, Soirée conférence et lectures avec Hassan Hamzé à l'Epicerie Culturelle - 3, rue des Pierres Plantées - Lyon (Métro Croix-Rousse - Bus 18)
3. Le lundi 22 octobre 2001, à 20h30, Lectures au Kotopo - 14, rue Leynaud - 69001 Lyon (adhésion 10 FF)
                 
3. IMPORTANT - Rencontres "Solidarité Palestine"
les 10 et 11 novembre 2001 à Saint Nazaire (44)
COMMENT POTENTIALISER NOS ACTIONS DE SOUTIEN AU PEUPLE PALESTINIEN ?
S'investir localement dans la défense du peuple palestinien amène à s'interroger sur ce qui se fait ailleurs. De l'information circule, notamment par le biais des militants d'associations plus spécifiquement mobilisées sur la Palestine ; pourtant, dans la pratique des questions reviennent souvent : est-ce que d'autres groupes locaux mènent des actions similaires aux nôtres ? Comment le savoir ? Comment s'inspirer d'initiatives qui paraissent intéressantes ? On se surprend même quelquefois à ne pas être bien au courant d'actions nationales !
Prendre le temps de connaître ce qui se fait ailleurs, en discuter, en tirer des enseignements et même s'en inspirer, tels sont les objectifs de ces rencontres, le week end du 11 novembre à Saint Nazaire.
Mais essayer d'avoir une réflexion enrichissante sur nos expériences de terrain va de pair avec les informations sur les actions menées par les organisations nationales ( Plate-forme nationale des O.N.G pour la Palestine, Association des Villes jumelées avec des camps de réfugiés…). L'implication des acteurs locaux est indispensable à la mobilisation nationale, mais sans initiatives nationales, l'impact de la mobilisation locale resterait limité. Ces rencontres s'inscrivent donc bien dans une démarche complémentaire. Elles s'adressent (le samedi après-midi et le dimanche matin) aux groupes, associations, organisations… et individus qui militent pour la défense du peuple palestinien.
Le travail de sensibilisation de l'opinion restant plus que jamais une nécessité.
Samedi 10 novembre 2001 en soirée, débat public avec Leila SHAHID, Marcel Francis KHAN.
(Comité Solidarité Palestine de Saint Nazaire : MRAP ; Mouvement de la Paix ; Femmes solidaires ; Association des Marocains en France ; Association France Palestine Solidarité, groupe de Nantes ; CCFD ; Verts de St Nazaire et de la Presqu'île ; LCR ; PCF ; UL CGT ; section locale FSU ; Théâtre anti-sèche ; EMGANN ; adhésions individuelles.)
[Pour plus de détails sur ces rencontres "Solidarité Palestine" de St Nazaire, ou pour recevoir un bulletin d'inscription, contactez dès aujourd'hui :
Daniel COUTANT Tél/Fax : 02.40.53.62.89 - Mobile : 06.62.82.11.04 - E-mail : dcoutant@club-internet.fr]
                     
Dernière parution

                
Djihad Versus McWorld - Mondialisation et intégrisme contre la démocratie de Benjamin Barber
aux éditions Hachette Littératures
[Coll. N°25, Edit° N°2, Septembre 2001 - ISBN : 2.01.279027.5 - 302 pages, 11x18 cm, 50 FF - traduit de l'américain par Michel Valois]
Benjamin Barber est directeur du Whitman Center à Rutgers University, New Jersey. Il a été conseiller de Hillary Clinton.
L'opposition apparente de la mondialisation économique, qui tend à faire du monde un immense marché sans frontière, où tous seraient soumis aux mêmes règles de consommation standardisées (McWorld), et de la défense parfois violente des particularismes culturels, fondée sur un recours à des traditions réinventées et, le plus souvent, porteuse d'intolérance (Dhihad), masque en réalité leur profonde connivence. En effet, c'est la thèse centrale du livre de Benjamin Barber, l'une se nourrit de l'autre, et toutes deux menacent la démocratie. Aussi ce livre se veut-il un plaidoyer pour une mondialisation maîtrisée, respectueuse des différences mais aussi ouverte sur l'autre.
                
- Extraits - (pp. 28 & sq)
Djihad, je le confesse, est un terme un peu fort. Dans son acception minimale, il dénote un combat religieux au nom de la foi, une sorte de zèle islamique. Dans son acception politique la plus forte, il désigne une sanglante guerre sainte menée au nom d'une identité militante qui est définie méthaphysiquement et donc défendue fanatiquement. De ce fait, si, pour de nombreux musulmans, ce mot signifie seulement l'ardeur d'adeptes d'une religion pouvant être considérée comme universaliste (sans être oeucuménique), je le prends dans le sens que lui donnent les militants qui font du massacre de l'"autre" leur plus haut devoir [10]. Je l'utilise pour désigner un particularisme dogmatique et violent que l'on retrouve aussi bien chez certains chrétiens ou hindous que chez certains musulmans. Les phénomènes auxquels j'applique l'expression ont des débuts assez anodins. Politique d'identité et diversité multiculturelle peuvent être des stratégies d'une société libre face au problème posé par sa diversité, mais ce qui se termine en Djihad peut commencer par une simple recherche d'identité locale, d'un ensemble d'attributs personnels communs pour s'opposer à l'uniformité paralysante et neutralisante de la modernisation industrielle et de la colonisation culturelle de McWorld.
L'Amérique est souvent citée en exemple pour cette sorte de multiculturalisme mineur, mais elle a ses censeurs, comme Arthur Schlesinger Jr. pour qui le multuculturalisme n'est jamais bénin, car il signale la mise en place d'une logique désintégrative à long terme [11]. Je reviendrai en détail sur la "Djihad américaine" menée par l'extrême droite. Notons ici des faits peu connus : moins de 10% des Etats modernes (une vingtaine) sont réellement homogènes et de ce fait ne peuvent, comme le Danemark ou les Pays-Bas, devenir plus petits à moins de se fragmenter en clans [12]. Dans seulement la moitié des Etats d'aujourd'hui, un groupe ethnique représente plus de 75% de la population [13]. Le multiculturalisme est donc, en fait, la règle et l'homogénéité l'exception. Des pays comme le Japon ou l'Espagne qui, vus du dehors, paraissent très intégrés, sont en fait multiculturels. Si l'on faisait de la langue l'attribut essentiel d'une nation, la condition de l'autodétermination, le compte des langues parlées dans le monde montre que la communauté des nations pourrait atteindre plus de six mille membres.
L'Etat-nation moderne a agi comme un intégrateur culturel et a su utiliser, comme ciment, l'idéologie civique et la confiance dans une institution, auxquelles ses nombreux clans et tribus ont adhéré. La création d'une sorte de religion civile n'a pas été difficile pour les Américains, les Français ou les Suisses, du fait que ces "peuples" se sont constitués à partir de multiples éléments subnationaux et de tribus ethniques à la recherche d'une base commune. Mais que dire à propos des Kurdes, des Ossètes, des Abkhazes, des Tamouls, des Zoulous, des habitants du Timor oriental, peuples sans pays propre, vivant dans une nation qui n'est pas la leur ? Ces peuples tentent-ils de se protéger non tant des autres que de la modernité ? Ces tribus craintives ne semblent pas aller vers une foi civique mais s'en éloigner, à la recherche de quelque chose de plus palpable et de plus excitant. Comment des peuples qui se définissent par le massacre des tribus voisines pourront-ils être persuadés de souscrire à quelque foi évanescente et artificielle créée autour d'idéaux civiques abstraits et d'échanges marchands ? La publicité peut-elle détourner les guerriers sanguinaires des génocides entrepris au nom de leurs anciens griefs ?
Comme McWorld, Djihad peut, bien sûr, être décrite sous un jour favorable. Tout comme les marchés parfois rapaces de McWorld ont été promus au nom du droit démocratique à la liberté de choisir, les intérêts agressifs de Djihad peuvent être défendus au nom du droit à l'autodétermination. En fait, l'idéologie de l'autodétermination est peut-être la source de bien des pathologies de Djihad. Robert L. Lansing, secrétaire d'Etat de Woodrow Wilson, ne partageait pas, sur ce point, l'enthousiasme de son président. Il se demandait si l'autodétermination n'allait pas engendrer mécontentements, désordres et révoltes : "L'expression est explosive. Elle va faire lever des espoirs qui ne pourront jamais se réaliser. Elle aura pour prix, je le crains, des milliers de morts. Quel désastre qu'on ait seulement prononcé ce mot! Quelles misères il va causer [14]!"
L'inquiétude de Lansing semble, hélas, justifiée par les faits. Dès l'époque de Wilson, la politique d'autodétermination a balkanisé l'Europe, allumé des incendies nationalistes et créé des instabilités qui ont contribué à la montée du fascisme. Aujourd'hui, il n'y a nulle tribu, nulle faction ou groupe séparatiste qui n'aspire à l'autodétermination. "Ne m'em... pas! Je veux un peu de respect!" chante un groupe gangsta. Le futile plan Vance-Owen de partage de la Bosnie, multipliant les frontières pour suivre les contours des communautés ethniques, a semblé donner enfin de la respectabilité à une logique de bandes armées en tentant de traduire juridiquement l'absurdité consistant à traiter presque chaque pâté de maisons comme une nation. En d'autres temps, cet arrangement politique de faillite, reconnu par un Conseil de Sécurité au désespoir, aurait porté le nom d'anarchie [15]. Mais on ne peut reprocher aux cartographes et aux conciliateurs l'absurdité de Djihad. Ils n'ont pas modifié les théâtres des opérations, ils se sont contentés d'en prendre un cliché.
Parfois, le multiculturalisme a conjuré l'anarchie et, dans certains cas, l'autodétermination a constitué une meilleure solution que l'extermination mutuelle. Les colonisateurs ont fait pire en leur temps en tirant des lignes arbitraires sur les cartes, ne pouvant prévoir les conséquences durables qu'elles auraient, surtout en Afrique et au Proche-Orient [16]. Djihad est une réponse enragée au colonialisme, à l'impérialisme, au capitalisme et à la modernité économique : c'est la diversité prise de folie furieuse, le multiculturalisme devenu un cancer, dont les cellules continuent à se diviser longtemps après que ce processus a cessé d'être utile au corps [17].
Même les nations traditionnellement intégrées et homogènes ont des raisons de s'inquiéter du Djihad. La montée de l'interdépendance économique et le développement des communications, en un mot la mondialisation, signifient que ces pays, unifiés à l'intérieur, sont désormais immergés dans un environnement mondial de plus en plus multiculturel. Or, paradoxalement, un monde qui s'unifie sous l'effet de la pop culture et des échanges marchands est un monde dont les éléments subnationaux ethniques, raciaux et religieux, jusqu'ici discrets, deviennent de plus en plus manifestes, en grande partie en réaction à McWorld. Contraints à d'incessants contacts, les nations postmodernes ne peuvent plus masquer leurs idiosyncrasies. L'Europe d'après Maastricht, même revenue de ses ambitions antérieures, est assez intégrée pour créer une conscience multiculturelle à l'échelle d'un continent, dont les conséquences sont loin d'être toutes favorables, encore moins unificatrices. Plus l'"Europe" est en vue, plus ses composantes nationales sont conscientes d'elles-mêmes et réticentes. Ce que Günter Grass a dit de l'Allemagne - "réunifiés, les Allemands sont plus désunis que jamais" - s'applique à l'Europe et, par-delà, au monde : intégrés, ils sont plus désintégrés que jamais [18].
Répondant à McWorld, l'esprit de chapelle dénie, repousse et rejette la modernité partout où il la trouve. Il l'absorbe et l'assimile néanmoins, utilisant l'éternelle stratégie des indigènes face aux colonisateurs qui les envahissent. Quand Hilton a implanté un hôtel à Budapest, un architecte local a greffé la nouvelle structure sur un monastère du XIIIème siècle. Quand McDonald's a voulu s'implanter sur les Champs-Elysées, les Français ont accepté, mais ont banni son logo. Quand la musique américaine a envahi les Caraïbes, les Antillais ont produit beaucoup de musiques locales, dont le reggae n'est que l'exemple le plus connu [19]. Pourtant, penser que l'indigénisation et la mondialisation sont des forces égales, que Djihad et McWorld sont sur pied d'égalité, c'est sérieusement sous-estimer la puissance des nouveaux marchés planétaires. Le "monastère" du Hilton de Budapest abrite un casino, le McDonald parisien, même privé de son arche, sert des Big-Macs et le reggae n'obtient qu'un maigre succès d'estime sur MTV, même dans les pays latino-américains.
Un modèle de relations féodales persiste. Et nous sommes ainsi ramenés à la métaphore du féodalisme, ce monde de fragments épars, reliés par l'abstraction de la chrétienté. L'abstraction d'aujourd'hui est la société de consommation, non moins universelle dans son prégnant matérialisme profane. Suivant l'arche d'or de McDonald's, les marchés font, de pays en pays, une farandole de publicités, de dollars, de yens, d'actions, d'obligations et de transactions monétaires qui font le tour du monde. L'observation de Günter Grass marche en fait aussi dans le sens inverse : désuni, mis en pièces par Djihad, le monde est plus uni et interdépendant que jamais.
- Notes :
[10] Les musulmans, en utilisant ce mot, obscurcissent parfois à dessein la différence entre ces deux sens. Ainsi, s'adressant à des Palestiniens, en 1994, juste après la prise d'effet de l'accord sur Jéricho et Gaza, Yasser Arafat a-t-il parlé de djihad pour reconquérir Jérusalem, "s'expliquant" ultérieurement pour calmer les Israéliens et les Occidentaux en disant qu'il n'appelait quà une lutte pacifique.
[11] Voir Arthur Schlesinger Jr., Disuniting America (NY, Norton, 1993).
[12] La liste minimale inclurait les Pays-Bas, le Danemark, l'Islande, le Luxembourg, la Norvège et le Portugal, représentant moins de 1% de la population du monde. Le Japon est parfois inclus aussi, ce qui ne nous amène qu'à moins de 5%.
[13] Washington Post, National Weekly Edition, 21-27.12.92, p. 28
[14] Cité par David Binder, "Trouble Spots". Daniel Patrick Moynihan est persuadé que Wilson en vint à voir les dangers de l'autodétermination. Vers la fin de sa vie il admit qu'il s'était lancé dans ce genre de discours "sans savoir que les nationalités existaient" et donc sans prévoir les forces destructives qu'il déchaînait. Moynihan, Pandaemonium, p. 85. Même Ainitai Etzioni, ardent défenseur américain du communautarisme, s'inquiète à ce sujet. Voir son livre "The Evils of Self-Determination", Foreign Policy, n°89, hiver 1992-1993, pp. 21-35.
[15] La carte sur laquelle les parties en guerre se sont, peu de temps, entendues en 1994 témoignait d'une reddition plus flagrante aux agresseurs serbes. En la dressant, tant l'OTAN que l'ONU ont semblé capituler devant la logique du rapport de force.
[16] Le diplomate et historien britannique Harold Nicholson donne des détails croustillants sur les négociations de 1919, au cours desquelles les Balkans furent découpés. Sur la carte, la couleur verte désignait les vallées, le marron les montagnes. Or le Premier ministre David Lloyd George crut que ces couleurs distinguaient les zones occupées par les Grecs et les Turcs... Les négociations se poursuivirent jusqu'à leurs tristes conclusions "immorales et inapplicables" qui condamnaient l'Europe à une nouvelle guerre. Harold George Nicholson, Peace-Making : 1919 (New York, Harcourt and Brace & Co., 1939).
[17] Dans son livre récent, Blood and Belonging : Journeys into the New Nationalism (New York, Farrar, Strauss & Giroux, 1994), qui fit l'objet d'une série d'émissions télévisées, Michael Ignatieff examine non seulement les combats fratricides d'Europe de l'Est, mais également la situation de l'Irlande, du Québec et de l'Allemagne, conscient que les situations les plus préoccupantes ne sont peut-être que des cas aigus d'une maladie qui atteint également les pays apparemment sains.
[18] G. Grass cité par Maria Stone, "Nationalism and Identity in (Former) East Germany", Tikkun, vol.7, n° 6, nov/déc 1992, pp. 41-46.
[19] Cf. Orlando Patterson, "Global Culture and the American Cosmos", Pap. n°2 dans Visual Arts Paper Series de la Fondation Andy Warhol.
                 
Revue de presse

                            
1. Ben Laden récupère la cause palestinienne, selon les analystes par Michel Sailhan
Dépêche de l'Agence France Presse du lundi 15 octobre 2001, 15h12

LE CAIRE - Le soutien appuyé du terroriste présumé Oussama ben Laden à la cause palestinienne n'est qu'une manoeuvre de circonstance pour mobiliser les masses arabes et menacer les régimes de la région, estiment lundi responsables et analystes.
Dans les messages diffusés sur la chaîne de télévision arabe Al-Jazira par l'organisation de ben Laden depuis le début des frappes en Afghanistan le 7 octobre, la revendication en faveur de la cause palestinienne arrive en premier, suivie de l'Irak, autre thème propre à attirer les sympathies arabes, soulignent les analystes.
Le départ des troupes américaines de la péninsule arabique n'arrive désormais qu'en troisième position, alors qu'il constituait le leitmotiv du combat de l'islamiste déchu de sa nationalité saoudienne.
"Ben Laden se fiche totalement de la cause palestinienne et même de la cause irakienne, mais il cherche à mobiliser les masses arabes avec lesquelles il n'a jamais eu de contacts", affirme à l'AFP le chercheur Alexandre Del Valle, qui dirige en France la revue "Géostratégiques".
"Il veut à long terme faire voler en éclats les régimes arabes, pour instaurer le califat, le pouvoir islamique mondial", ajoute-t-il.
"Nous devons nous demander quels liens a ben laden avec la cause palestinienne. Il n'a pas fait de don aux enfants de Palestine et n'a pas apporté d'aide aux héros de la résistance", écrit lundi le quotidien gouvernemental égyptien Al-Akhbar.
"Nous voyons bien que ben Laden essaye de profiter de l'héroïsme palestinien, quand il jure au nom d'Allah qu'Israël ne connaîtra pas la sécurité tant que les Palestiniens ne pourront pas vivre en sécurité. De tels propos sont très dangereux. Ils font de la résistance palestinienne à l'occupation un mouvement terroriste", souligne le quotidien.
Le président palestinien, qui avait d'emblée perçu le danger, a tiré parti lundi de sa visite à Londres pour affirmer avec force qu'il ne pouvait y avoir "aucun point commun entre notre cause juste et des objectifs et des méthodes injustes" comme les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, dont M. ben Laden est considéré comme l'instigateur.
Pour le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, le Palestinien Saïd Kamal, il ne fait aucun doute qu'Oussama ben Laden "utilise la cause palestinienne, parce qu'il sait qu'elle a beaucoup de force parmi les Arabes".
"Et pourquoi s'attaquer à l'Amérique et non en priorité à Israël, si on défend la cause palestinienne?", se demande le responsable arabe, interrogé par l'AFP.
Selon M. Del Valle, M. ben Laden "cherche à islamiser le dossier palestinien, où plutôt à récupérer ce mouvement d'islamisation, qui lui est antérieur", pour atteindre ses propres objectifs.
"Yasser Arafat a joué un jeu dangereux à la fin des anées 1990: il a islamisé son discours, s'est rapproché de pays tels que l'Arabie saoudite et d'organisations telles que le Jihad et le Hamas, et il a mis en avant le thème de Jérusalem", estime-t-il.
"Ben Laden ne fait aujourd'hui que récupérer ce mouvement général d'islamisation de la cause palestinienne", ajoute le chercheur.
"Les régimes arabes sont dans une situation très difficile, et ben Laden en profite, et accumule les arguments: Palestine, Irak, présence étrangère en Arabie Saoudite", estime pour sa part l'éditorialiste du quotidien égyptien Al-Ahram, Salama Ahmed Salama.
"A y réfléchir, il n'est pas très convaincant, mais les dirigeants arabes redoutent pourtant les effets de son discours" sur l'opinion arabe, a-t-il indiqué à l'AFP.
                   
2. La fronde du chef d'état-major déclenche une polémique en Israël
Dépêche de l'Agence France Presse du lundi 15 octobre 2001, 14h14

JERUSALEM - L'opposition sans précédent du chef d'état-major israélien, le général Shaoul Mofaz, à l'évacuation de deux quartiers de la ville palestinienne d'Hébron, si elle a fait scandale, illustre surtout le rôle omniprésent de l'armée au sein de la démocratie israélienne.
Institution admirée pour ses hauts faits depuis la création de l'Etat hébreu en 1948, l'armée est le vivier d'où sont sortis de nombreux dirigeants politiques.
Sur la quinzaine de chefs d'état-major d'Israël, huit ont accédé à des postes de ministre ou à celui de Premier ministre.
Alors que le gouvernement était réuni dimanche pour entériner la décision de retirer l'armée de deux quartiers réoccupés le 5 octobre en secteur autonome palestinien à Hébron (Cisjordanie) à la suite de tirs contre l'enclave des colons juifs au centre de la ville, un communiqué hostile à cette décision diffusé par le général Mofaz a fait l'effet d'une bombe.
Le ministre de la Défense Binyamin Ben Eliezer a vu rouge et se serait écrié, selon la radio publique: "Il (Mofaz) est viré!". Il s'est toutefois contenté de lui administrer un blâme public.
Le Premier ministre Ariel Sharon aurait également qualifié l'affaire de "très grave".
"Le pistolet est posé sur la table", écrivait lundi le quotidien à grand tirage Yédiot Aharonot, dans un éditorial invitant le général Mofaz à démissionner.
"Dans un pays où les institutions fonctionnent normalement, une telle affaire ne se serait jamais terminée par un blâme", écrivait de son côté le quotidien Maariv, pour lequel le général Mofaz aurait du être immédiatement limogé.
L'intéressé a, pour sa part, assuré qu'il n'avait aucunement l'intention de démissionner.
"Mofaz n'en était pas à son premier coup de gueule. Il a certes outrepassé ses prérogatives. Mais de là à dire qu'Israël pourrait craindre un putsch comme certains l'ont affirmé, il y a un fossé", a déclaré à l'AFP Mark Heller, expert du Centre Jaffee pour les Etudes stratégiques de l'Université de Tel-Aviv.
"Mofaz a déjà fait machine arrière. Il ne démissionnera pas, mais terminera son mandat avec une muselière", dit-il.
Nommé chef d'état-major en mai 1998 pour trois ans, l'officier devrait quitter l'uniforme en mai 2002, son mandat ayant été prorogé pour un an par l'actuel gouvernement en raison de l'Intifada.
Dans leur grande majorité, les dirigeants du pays ont vu dans la conduite du général Mofaz, qui s'est récemment heurté à plusieurs reprises à la hiérarchie politique, une ingérence grossière des militaires.
Le ministre des Affaires étrangères Shimon Peres une colombe travailliste, a ainsi mis en cause son "activisme militaire" et ses déclarations "irresponsables" visant, selon lui, à faire échec à ses efforts pour renouer le dialogue avec l'Autorité palestinienne.
Le général Mofaz avait notamment qualifié l'Autorité "d'entité terroriste", un jugement d'ailleurs partagé par M. Sharon et la droite nationaliste.
L'affaire Mofaz aura mis en lumière la faiblesse du gouvernement d'union nationale, apparemment paralysé face aux choix stratégiques sur l'issue du conflit israélo-palestinien après plus d'un an d'Intifada.
"L'Intifada a créé une dangereuse situation. En l'absence d'une stratégie politique concernant un règlement final du conflit israélo-palestinien, dans ses aspects territoriaux et politiques, l'armée occupe le vide laissé par les dirigeants politiques" a déclaré à l'AFP Didi Remez, responsable du mouvement anticolonisation La Paix Maintenant.
"L'armée, qui doit assurer la sécurité de l'Etat d'Israël, se trouve aujourd'hui dans une situation où la seule raison de sa présence en Cisjordanie et à Gaza n'est pas la défense d'Israël, mais celle des colons", dit-il.
"Mofaz s'est opposé au retrait des quartiers palestiniens de Hébron, car ce retrait menace la sécurité des colons. Il y a une totale identité de vues entre l'armée et les colons. Voilà le véritable danger pour la démocratie israélienne", conclut-il.
                       
3. Etat palestinien: Bush persiste, Israël refuse par Laurent Conreur
in La Dépêche du Midi du samedi 13 octobre 2001

George W. Bush persiste et signe. Le président américain a réaffirmé son souhait de voir naître un Etat palestinien, à condition que cet Etat coexiste pacifiquement avec son voisin israélien.
On ne saura sans doute jamais si les Etats-Unis auraient montré autant d'activités et de détermination sur la question majeure de la paix au Proche-Orient, sans les attentats du mardi noir du 11 septembre.
Le fait reste que se multiplient, depuis, les signes dessinant un projet et une perspective politique. Bush évoque maintenant une rencontre très probable avec Yasser Arafat.
Un sacré pied de nez à Ben Laden. L'ennemi juré des Américains, qui dans son credo fanatique, sortait de son mutisme le soir de l'opération " Liberté immuable ", pour clamer que l'Amérique ne connaîtra plus jamais la sécurité avant que la Palestine ne la connaisse et avant que toutes les armées occidentales athées ne quittent les terres saintes.
Cette seconde prise de position de Bush, après celle du 2 octobre, accompagnée de louanges adressées à la Syrie pour avoir offert ses services aux Etats-Unis dans leur lutte intensive contre le terrorisme, s'inscrit manifestement dans le cadre des efforts américains pour rassurer le monde arabe.
Bush affirme un peu plus son désir de ne pas négliger le règlement pacifiste du conflit israélo-palestinien au profit de la guerre au terrorisme. Il compte pour cela sur la nécessaire application du rapport Mitchell. Dans un premier temps, mettre une fin définitive aux violences entre les deux belligérants, assurer une période test d'accalmie, restaurer la confiance et renouer les négociations en vue de la signature d'un accord de paix.
Si les Palestiniens se sont réjouis de ce regain d'activisme de l'administration Bush, ils demandent maintenant des faits. Pour le principal médiateur palestinien, l'Amérique doit traduire sa vision par une démarche politique, contraignant Israël à appliquer les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité et à respecter l'échange de terre contre la paix.
Israël s'est levé sur ses ergots. Pour Sharon, la création de l'Etat palestinien avec Jérusalem-est comme capitale, l'essence du plan du compromis de Bill Clinton, est inconcevable. Les Etats-Unis n'imposeront jamais quoi que ce soit à Israël, ni sur la question de Jérusalem, ni sur toute autre question. Un Sharon tout aussi choqué par le discours allégorique sur la Syrie, qu'il considère comme l'un des parrains du terrorisme. Déjà la semaine dernière, Sharon avait provoqué un clash diplomatique avec Washington. Il l'accusait de copiner avec les Etats arabes pour mener sa riposte, plutôt que de protéger l'ami israélien, allant même jusqu'à faire un parallèle avec la politique d'apaisement pratiquée par les démocraties européennes à l'égard de l'Allemagne nazie avant la seconde guerre mondiale.
Le fossé entre Israël et les Etats-Unis se creuse de plus en plus... au nom de la paix.
                    
4. Des juifs d'extrême droite déversent leur haine antiarabe sur Internet par Christiane Chombeau
in Le Monde du vendredi 12 octobre 2001

Sur la page d'ouverture du site Internet figure une publicité d'aliments pour chien portant la mention "Hozho Hamas, l'alimentation pour chien à base de carcasses fraîches". Au-dessus est écrit : "Les déchets bien recyclés." Un clic sur cette phrase amène à une page où est reproduite la photo du corps d'un Palestinien porté à bras d'hommes. "Ça y est ! Emballées dans des chiffons verts, les premières carcasses sont livrées à l'usine", commente la légende. Deux textes présentés comme des "recettes" accompagnent le tout. On y lit, entre autres : "La campagne pour la marque Hozho Hamas va débuter bientôt (...), l'alimentation de nos chers toutous et de nos gentils minets sera à base de carcasses fraîches de terroristes. (...) Il faudra trier les ordures pour récupérer les carcasses de fatah, jihad et autres pourritures qui seront judicieusement recyclées." Le ton est donné...
Un retour à la page de garde permet d'entrer dans le site en cliquant sur son nom : Cpiaj (Comité pour une information authentiquement juive). S'ouvre alors un univers de haine avec un vocabulaire codé. Le mot "déchet" y est ainsi abondamment utilisé sans qu'une définition en soit jamais donnée, mais la lecture des textes permet de voir qu'il désigne les Palestiniens, les islamistes et, par extension, les musulmans. Tous ceux qui critiquent la politique israélienne sont qualifiés d'"antijuifs", voire de "nazis". Le Cpiaj déclare "sa haine féroce contre ces pourritures d'antijuifs qui sévissent dans les médias, ailleurs et surtout au Quai d'Orsay. Avec tout de même une mention spéciale pour les étrons de chiens de l'AFP-PO (Agence France-Presse au Proche-Orient). C'est eux les véritables continuateurs des nazis. Ceux que les neuneux de l'UEJF (Union des étudiants juifs de France) et leurs amis seraient bien inspirés d'attaquer, s'ils en avaient le courage et la lucidité". Le président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, y est appelé "le macaque à keffieh", Louis Michel, le premier ministre belge, est qualifié de "roquet pédophile", etc. Sur ce site, on parle de "l'évidente nécessité de détruire radicalement non seulement les fabriques de déchets, mais surtout leurs sous-produits partout où ils polluent la planète", et on peut lire : "Détruisons massivement les déchets nuisibles et dangereux."
Pour Marc Knobel, vice-président de la Licra et président de J'accuse, une association qui lutte contre les sites racistes présents sur Internet, il ne fait pas de doute que les responsables du Cpiaj appartiennent à la Ligue de défense juive, des adeptes du défunt Rabin Kahane qui "cultivent la haine de l'Arabe". "Une minorité de juifs radicaux, racistes" contre lesquels J'accuse devrait porter plainte. M. Knobel s'intéresse également au site SOS Racaille, dont les responsables appartiennent à l'extrême droite française et auxquels le Cpiaj fait référence. Une curieuse alliance, que le Cpiaj justifie par les besoins de la "lutte contre la propagande islamo-fanatique".
                   
5. Berlusconi, Mégret, Thatcher - A propos de "supériorité occidentale"
in L'Hebdo Magazine (hebdomadaire libannais) du vendredi 12 octobre 2001

Les déclarations provocantes du président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, ont réveillé en Europe de vieux fantômes: belle occasion pour l'Union de réaffirmer sa différence.
Le ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine a voulu réconforter son opinion en assurant que les opérations militaires étaient des «actions ciblées, précises contre un réseau» et non pas «contre l'Afghanistan ou contre les musulmans». Mais à l'examiner de près, cette déclaration inquiète plus qu'elle ne rassure, car elle reconnaît, en voulant les nier, l'existence de dérives. Comme celles venues la semaine précédente du côté italien, dans un camp qui aurait pourtant voulu faire entendre un discours différent.
Berlusconi et les autres...
«Nous devrions être conscients de la supériorité de notre civilisation.» Peut-on croire à une petite phrase isolée qui aurait échappé au président du Conseil italien, le milliardaire Silvio Berlusconi? Mais cette affirmation brute de décoffrage fait partie d'un discours parfaitement préparé, prononcé à Berlin le 27 septembre, qui la confirme et la développe. Elle exprime fidèlement la doctrine du leader italien, lequel a d'ailleurs récidivé le lendemain au Sommet de Bruxelles, devant des dirigeants européens consternés.
Car il est à craindre que ces déclarations, même si elles ont provoqué un concert de désapprobations, trouvent un écho dans plusieurs pays d'Europe. On passera sur les reproches plus provocateurs qu'idéologiques de Margaret Thatcher aux «responsables musulmans» accusés par l'ex-Premier ministre «de ne pas avoir assez condamné» les attentats.
Plus inquiétant est le front extrémiste formé par le ministre de la Justice du Cabinet Berlusconi, Roberto Caselli, membre de la Ligue du Nord d'Umberto Bossi, avec son homologue autrichien Dieter Böhmdorfer, qui représente l'aile dure du gouvernement nationaliste de Jörg Haider.
Et en France même, le leader du Mouvement national Bruno Mégret n'a pas laissé passer l'occasion de désigner «la menace numéro un: l'Islam». Dans un discours le 30 septembre sur les lieux de la défaite arabe de Poitiers, il rappelle les temps héroïques de la Reconquête et agite l'épouvantail de la «poussée islamique» contre «les nations occidentales». «J'appelle les Français à réaliser qu'ils subissent une occupation étrangère qui, si elle se sentait suffisamment puissante, chercherait à leur imposer par la force les lois de sa propre civilisation», conclut-il dans de faux accents gaulliens.
«Alliée mais non alignée»
Certes, il ne faut pas surestimer la portée de tels propos émanant souvent de partis très minoritaires. On sera ainsi étonné d'apprendre que l'opinion française est de plus en plus favorable à l'intégration de l'Islam dans la république. Un sondage cité par le journal Le Monde révèle que la proportion des sondés qui lui associent le mot «fanatisme» est en régression depuis 1994. La même étude montre que 82% des sondés musulmans ont approuvé la phrase: «On doit pouvoir vivre en France en respectant toutes les prescriptions de l'islam.»
C'est pourquoi les dérapages doivent être l'occasion pour les Européens de réaffirmer leur attachement à des valeurs différentes, y compris par rapport aux Etats-Unis. Une volonté que résume bien le souhait de Cohn-Bendit d'une Europe «alliée mais non alignée» et qui s'est exprimé dans le ferme refus du Parlement européen, réuni à Bruxelles le 19 septembre, d'une nouvelle «croisade» contre l'Islam.
[Les dérapages contrôlés de Berlusconi - «Nous devrions être conscients de la supériorité de notre civilisation (...), un système de valeurs qui a apporté à tous les pays qui l'ont adopté une large prospérité et qui garantit le respect des droits de l'homme et des libertés religieuses.» Inutile de préciser que ce discours néocolonialiste a beaucoup embarrassé les Allemands, chez qui Silvio Berlusconi est allé le prononcer mercredi 26 septembre, lors d'une conférence de presse à Berlin. D'autant que le milliardaire ne s'en est pas tenu là, ajoutant que «ce respect n'existe certainement pas dans les pays islamiques». Le président du Conseil italien est allé jusqu'à dire qu'«en raison de la supériorité des valeurs occidentales, celles-ci allaient conquérir de nouveaux peuples», et a précisé que «cela s'était déjà produit avec le monde communiste et une partie du monde islamique, mais que, malheureusement, une partie de ce dernier est restée mille quatre cents ans en arrière». Et de conclure: «En conséquence, nous devons être conscients de la puissance et de la force de notre civilisation.» Devant le tollé provoqué par ses propos dans son pays et dans toute l'Europe, Berlusconi s'est dit le lendemain «désolé que ses propos aient été mal interprétés». Malgré le repentir, il reste l'impression amère que la «gaffe» avait été soigneusement préparée.]
                   
6. Le commerce du miel est soupçonné de servir à assurer une couverture à bin Laden, tout en lui procurant des fonds par Judith Miller et Jeff Gerth
in The New York Times (quotidien américain) du jeudi 11 octobre 2001
[traduit de l"anglais par Marcel Charbonnier]

Des responsables de l'administration américaine ont déclaré détenir des preuves qu'Osama bin Laden utilise un réseau de boutiques qui vendent notamment du miel - produit de consommation courante au Moyen-Orient depuis les temps bibliques - afin d'en retirer des revenus et de faire transiter des armes à l'abri des regards indiscrets, ainsi que de la drogue et des agents, sur toute l'étendue d'al-Qa'ida, son réseau terroriste.
M. bin Laden, ainsi que d'autres membres de son organisation possèdent un certain nombre de ces boutiques vendant au détail du miel, indique l'administration.
Ces hauts fonctionnaires ont indiqué que les entrepreneurs incluent certains des bras droits (!) de M. bin Laden, tel Abu Zubeïdah (le Père du Petit-Beurre : pas étonnant ! Ndt), un Palestinien, directeur des relations extérieures d'Al-Qa'ida, qui contrôle les mouvements des nouvelles recrues entrant dans- et sortant des- camps d'entraînement de M. bin Laden. Les activités apicoles incluent aussi d'autres membres, moins éminents, d'Al-Qa'ida. L'un d'entre ceux-ci est Khalil al-Dik (le Coq...), un Palestino-américain qui avait été emprisonné, en Jordanie, à la suite de son implication dans la préparation d'attentats à la bombe aux Etats-Unis et en Jordanie, au passage à l'an 2000, mais avait été élargi, au début de cette année, en raison du manque de preuves "confondantes".
L'administration envisage de coucher les noms de certaines des boutiques soumises actuellement à enquête sur la liste de personnes et de personnes morales dont les Etats-Unis veulent faire geler les avoirs par les Alliés, dans le monde entier. Cette liste, qui est la seconde établie par l'administration américaine, sera rendue publique à la fin de cette semaine, ont indiqué les fonctionnaires concernés.
Le miel est un produit profondément enraciné dans la culture moyen-orientale, dans la religion et dans le commerce de cette région du monde. Le Coran fait référence aux propriétés médicinales et cicatrisantes du miel. En Arabie Saoudite, pays qui produit relativement peu de miel, les familles consomment en moyenne plus d'un kilo de miel par mois, selon les données du Ministère américain de l'agriculture, pour 1988.
Les boutiques vendant du miel contrôlées, d'après les autorités américaines, par l'organisation Al-Qa'ida, se trouvent un peu partout au Moyen-Orient, ainsi qu'au Pakistan. Un des pays-clés, disent ces autorités  est le Yémen, qui produit l'un des miels les plus purs et les plus recherchés (donc les plus chers) dans la région, et qui est aussi un pays qui abrite de nombreux partisans de M. bin Laden. Son papa (rappelons-le) est né au Yémen.
Les responsables de l'administration admettent que ces boutiques procurent un revenu tout ce qu'il y a de plus honnête au réseau terroriste de M. bin Laden...
Un haut fonctionnaire a déclaré que la vente du miel au détail représente l'une des activités les plus stratégiques d'al-Qa'ida, moins pour les revenus qu'elle lui assure que pour l'"assistance opérationnelle" qu'elle lui apporte.
Refusant de fournir une quelconque estimation des revenus apporté par la vente de miel à Al-Qa'ida, il a indiqué que les échoppes permettent à l'organisation de faire passer en contrebande de l'argent, des armes et des stupéfiants.
"L'odeur et la consistance du miel permettent de cacher aisément des armes et des ballots de drogue dans les cargaisons. Les douaniers refusent d'inspecter ce produit, c'est trop "dégueulasse", a indiqué un responsable de l'administration.
D'autres ont indiqué que des membres des services de renseignement américains venaient de boucler une étude sur le rôle joué par les boutiques de miel dans l'économie d'al-Qa'ida, il y a seulement quelques mois, mais qu'ils avaient conscience de l'importance de ces échoppes et qu'ils s'efforçaient d'en assurer la surveillance depuis environ deux ans.
L'utilisation de boutiques vendant du miel démontre l'habileté financière d'Al-Qa'ida, ainsi que sa créativité en matière de logistique terroriste. Elle donne aussi une idée des difficultés présentées par les efforts déployés afin de mettre la main sur l'ensemble du réseau financier qui irrigue l'action violente de M. bin Laden.
Le miel est en vente libre dans l'ensemble de la région. Le Pakistan, par exemple, est l'un des plus gros exportateurs en direction de l'Arabie saoudite. Le miel provenant du Yémen est toujours le plus apprécié et le plus cher, comme l'avaient indiqué les données statistiques de 1998 que nous avons citées.
Les producteurs de miel américains ont exporté 1 800 tonnes de miel l'année dernière au Moyen-Orient. D'après le Bureau National du Miel (américain), la plus grande partie de ces exportations a été livrée à des distributeurs, des importateurs et des intermédiaires. Un rapport du ministère américain de l'agriculture pour 1998 faisait état de plus de deux douzaines de ces intermédiaires commerciaux pour la seule Arabie saoudite. Ces intermédiaires, ensuite, vendent le miel généralement à de petits détaillants.
On pense que M. bin Laden pourrait avoir été initié à ce commerce au Soudan, où il a vécu et d'où il a opéré de 1991 à son expulsion de ce pays, en 1996. Une compagnie-clé d'ibn Laden, l'International Al-Ikhlas (la Fidélité) Company, conditionnait du miel à Kamin, au Soudan, d'après le témoignage d'un ancien associé de bin Laden, en février dernier, au procès d'hommes accusés de l'attentat contre les ambassades américaines en Afrique de l'Est, en 1998 (procès se déroulant à New York).
Au Soudan, M. bin Laden avait plusieurs autres affaires, légitimes, mais les officiels disent qu'après avoir été expulsé du pays, ses possibilités de miser sur ces entreprises étaient très limitées.
M. bin Laden a réinstallé ses bases d'opération en Afghanistan, autre pays réputé pour son miel. (À quand M. bin Laden à Pithiviers ? Ndt)
Un autre groupe terroriste connu pour avoir utilisé le commerce du miel pour camoufler ses opérations est le Jihad islamique égyptien, disent les responsables. Ce groupe, qui était dirigé par Ayman al-Zawahiri, l'un des principaux bras droits de M. bin Laden, a fusionné avec Al-Qa'ida. (Ils ont célébré leur union autour d'un thé, avec des gâteaux au miel ? Ndt)
La CIA réunit des informations sur les liens entre Al-Qa'ida et le commerce du miel depuis plusieurs années, mais ce n'est qu'en mai dernier qu'un rapport ultra-secret sur les commerces de détail du miel a été remis à tous les correspondant de la (célèbre) Agence, ont indiqué les administratifs.
Des analystes ont identifié plusieurs sociétés faisant commerce de miel pouvant entretenir des liens avec M. bin Laden. Ces sociétés incluent al-Shifa Honey Press (Usine d'extraction du miel La Guérison), ainsi qu'Al-Nur Honey (Miel La Lumière), situées toutes deux au Yémen. Les responsables du renseignement ne pensent pas que les boutiques de vente de miel au détail soient des filiales des grandes entreprises travaillant dans les secteurs de l'extraction ou de la commercialisation du miel.
De plus, alors que certaines des boutiques peuvent travailler sous la marque d'une entreprise en particulier, toutes ne semblent pas présenter des connexions avec le réseau de M. bin Laden.
Si les responsables étaient au courant des activités de M. bin Laden dans les domaines caritatif, bancaire et dans les réseaux financiers informels, lui permettant de transférer des fonds et des agents d'un pays à un autre, les informations sur son commerce du miel étaient pratiquement inexistantes jusqu'à récemment.
Mais des responsables de l'administration américaine ont indiqué que des douaniers, au Moyen-Orient, avaient parfois confisqué des armes qui avaient été cachées au milieu de chargements en gros de miel, au cours des deux années écoulées.
Des responsables gouvernementaux américains ont refusé d'indiquer quelles étaient les entreprises soumises à enquête. Mais Steven Emerson, un analyste indépendant qui tient à jour une vaste banque de données sur les terroristes islamistes supposés et leurs activités connexes a dit que certains individus associés aux deux sociétés apicoles yéménites ont des liens notoires avec Al-Qa'ida.
Ainsi, M. Emerson a indiqué, par exemple, que des informations recueillies par ses informateurs montrent que l'un des propriétaires de Al-Nur Honey, basée à San'â', est Muhammad Hamdi Sadiq al-Ahdal, connu aussi sous les noms de Muhammad al-Hamati et d'Abu Asim al-Makki. M. Emerson a indiqué qu'un article publié dan un quotidien arabe, en 1992, présentait M. Ahdal comme l'un des premiers Arabes à avoir combattu en Afghanistan. M. Emerson a indiqué qu'après avoir combattu en Bosnie, M. Ahdal a été emprisonné en Arabie Saoudite, en 1998, soupçonné de préparer des attentats contre le Royaume. Après sa libération, en été 1999, il a été expulsé du pays. Aucun numéro de téléphone au nom de M. Ahdal n'a été trouvé. Des demandes de renseignements, par téléphone, auprès de l'ambassade d'Arabie Saoudite (à Washington), sont restées infructueuses.
                      
7. Coupables, certes, mais qui sont-ils ? Simon Heywood (Sheffield)
in le courrier des lecteurs The Independent (quotidien britannique) du jeudi 11 octobre 2001
[traduit de l'anglais par Annie Coussemant]

Messieurs - Je vous écris pour réagir face aux multiples appels publiés dans vos pages comme dans d'autres journaux devant ce que je ne peux qualifier que de tolérance face au terrorisme international. Comme les récents événements le révèlent chaque jour davantage, les principaux fauteurs de terreur ne méritent ni soutien ni effort abusif de " compréhension ".
Il s'agit d'une coterie intelligente et prospère, bénéficiant d'excellentes relations, qui considère la vie humaine, y compris celle de ses propres partisans, comme un bien consommable. Elle a tué des milliers de civils innocents dans le monde, pris fait et cause pour des tyrans, tant dans le monde arabe qu'en dehors, et n'a pas su protéger ses propres ressortissants, victimes tragiques de représailles à son encontre. Il d'avère que, depuis longtemps, elle manipule le système financier mondial de manière à tirer profit de la misère comme de la terreur. De surcroît, elle est protégée par un régime affectant une bigoterie grossière à l'endroit de la religion, qui a pris le pouvoir en faisant fi des méthodes démocratiques, a généralisé le recours à des pratiques judiciaires criminelles et s'est affranchie des lois, des droits et des normes internationalement reconnus, à sa guise.
Cela suffit comme ça, nous n'en voulons plus. Levons-nous contre les États-Unis !
                       
8. Surtout, vissons bien le couvercle sur le Génie du Transfert ! par Amira Hass
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du mercredi 10 octobre 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

La guerre ramène à la surface les pensées les plus noires et les peurs les plus profondes. Il est impossible, aujourd'hui, de se faire une idée des développements possibles de la guerre en Afghanistan et de la manière dont notre région et notre pays en seront affectés. Reste qu'en raison même de la guerre, le temps est venu de poser clairement la question suivante : la société israélienne est-elle exempte d'une idée (aussi folle que celle du) transfert de la population palestinienne en guise de "solution" à l'interminable conflit (israélo-palestinien) ?
Y a-t-il assez de garde-fous, dans la société israélienne, pour empêcher une idée tordue de cet acabit (qui, ne l'oublions pas, a au moins un partisan au sein du cabinet ministériel israélien) d'enfler jusqu'à devenir un "plan d'urgence" qui pourrait profiter de l'occasion d'une conjoncture propice, en cas de guerre illimitée ? Les guerres, c'est dans leur nature, ont le don de libérer les génies prisonniers dans leur bouteille.
Le scepticisme accueillant l'idée qu'Israël pourrait tenter d'expulser les Arabes du pays, alors que nous sommes au début du vingt et unième siècle, a quelque chose de normal et d'encourageant. Cela montre que la majorité des Juifs israéliens considèrent comme une réalité incontestable le fait que les Palestiniens sont les natifs de cette terre. La question est de savoir de quelle force la majorité des Juifs israéliens dispose  face à ces Juifs qui veulent remettre en cause cette donnée de faits. L'expérience des dernières années, d'une manière générale, et du mois écoulé, en particulier, suggère que des crevasses profondes sont apparues dans le rejet viscéral, qui est celui de la plupart des Juifs israéliens, de toute tentation de céder à la séduction des solutions "militaires".
Après une année d'affrontements, les secteurs les plus vocaux de l'opinion publique israélienne juive voient dans les Palestiniens une composante intégrale de la carte du terrorisme islamiste.
Au cours des années Oslo, d'une manière générale, et plus particulièrement durant l'année écoulée, la majorité de l'opinion publique israélienne juive a détourné les yeux du fait qu'Israël est une puissance occupante dans la totalité de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Elle interprète les affrontements sanglants comme une guerre entre deux entités égales en termes de statut politique et international et, à l'instar de ses gouvernants, elle ignore que c'est à l'Etat d'Israël qu'incombe la responsabilité du bien être et de la sécurité des populations occupées.
L'idée du transfert a pourtant fait des petits : le parcage des Palestiniens et des Arabes citoyens d'Israël sous différentes "nuances de statut", dont les lignes de démarcations ne cessent de se resserrer en vertu de décrets d'expropriation pris "dans l'intérêt du public" (du public juif, précisons-le tout de suite). Des lois de la propriété discriminatoires et plus de cinquante ans de déni de tous droits ont poussé les Palestiniens citoyens d'Israël dans des enclaves surpeuplées, misérables, nids de chômage et d'indigence. De l'autre côté de la Ligne Verte (de 1967), la zone C (soumise au contrôle administratif et sécuritaire d'Israël), occupe 60% de la Cisjordanie. Elle est qualifiée par les Israéliens qui la contrôlent (colons, Administration Civile, soldats) de "territoire israélien" qui doit être protégée contre une "prise de contrôle" éventuelle par les Palestiniens. Voilà où nous a menés l'incapacité totale des autorités à faire face à l'expansion tant "spontanée" qu'officielle des colonies dans cette zone C, et ce que ne cessent de répéter les soldats postés aux barrages routiers imposés entre les localités palestiniennes (et non entre la Cisjordanie et Israël) : ces soldats ne se lassent pas de nous expliquer qu'ils sont en train de "protéger notre territoire, le territoire d'Israël"...
La pression bureaucratique (exercée) sur une population administrée, combinée avec un processus consistant à la séparer de la nation (numériquement et militairement) dominante, est le reflet de certains courants sous-jacents qui en désirent la disparition pure et simple. En temps de guerre, cette pression, de bureaucratique, peut devenir militaire.
La réponse américaine à une agression massive contre une nation entière, sur le territoire souverain de laquelle Osama bin Laden a jadis installé ses campements, est immédiatement comparée à ce qui est perçu comme l'"insuffisance" de la réaction israélienne au terrorisme palestinien. Il s'agit là d'une constante : la pression exercée sur le gouvernement de droite d'Israël par son électorat naturel. Et, en effet, sous la pression d'une réaction attendue de l'Amérique - prévue impitoyable - l'armée israélienne a, immédiatement après les attentats du 11 septembre (à New York et à Washington), fait monter d'un degré son activité militaire à Jenin et à Rafah, provoquant un grand nombre de morts parmi les civils palestiniens, sans que l'on ait eu l'honneur de relever une quelconque protestation audible, en Israël.
Il y a de bonnes raisons de penser que la contre-attaque américaine est, hélas, bien susceptible de créer une atmosphère favorable à l'augmentation de la pression militaire sur les Palestiniens. Si la guerre (pour le moment, en Afghanistan) continue et s'étend, et si les Palestiniens poursuivent leurs attentats terroristes contre des civils israéliens, les "solutions" inhérentes à la pression militaire, pouvant aller jusqu'à la "solution" de l'expulsion, pourraient se gagner encore plus de partisans tant au niveau civil qu'au niveau militaire.
L'information que reçoit l'opinion publique juive sur les événements dans les territoires occupés est maigre, limitée, et ce n'est que très lentement qu'elle finit par infiltrer sa conscience (je ne parle ici, bien entendu, que de l'information n'ayant rien à voir, ni de près ni de loin, à des attaques contre des Juifs). Mais même ce qui finit par faire l'objet de reportages est, en dépit de son extrême gravité (par exemple, les dizaines de civils palestiniens qui ont été tués par l'armée israélienne durant les premières semaines de l'intifada, même s'ils ne mettaient nullement la sécurité des soldats israéliens en danger), incapable de générer une mobilisation suffisante et assez rapide de citoyens israéliens afin d'imposer une certaine retenue aux responsables politiques et militaires (du pays). Ce qui a pu restreindre les opérations (militaires) israéliennes relève très généralement de pressions extérieures, et non de pressions domestiques. Mais même cette pression extérieure est en train de se relâcher et, dans un monde préoccupé par la perspective d'une guerre généralisée, la crainte augmente que cette pression extérieure disparaisse tout-à-fait.
Durant les années Oslo, le camp de la paix, dans son écrasante majorité, a abandonné la notion du caractère primordial de la résistance non-violente à l'occupation. Ce camp de la paix a perdu le contact avec l'opinion publique palestinienne (au profit de l'établissement de liens avec les dirigeants palestiniens); Durant l'année d'intifada, il a coupé les ponts y compris avec la direction palestinienne, contre laquelle il est fâché. Les signaux d'alarme du camp de la paix israélien réagiront-ils à temps, lorsque les (mauvais) génies d'Israël seront libérés de la lampe d'Aladdin ?
                
9. J'ai écrit, j'ai dit, j'ai expliqué, que voulez-vous encore que je fasse ? Interview de Jacques Huntzinger, ambassadeur de France en Israël propos recueillis par Meiron Rappoport
in Yédioth Aharonoth (quotidien israélien) du vendredi 28 septembre 2001
[traduit de l'hébreu par le service de presse de l'ambassade de France à Tel Aviv]
[Extrait du site : http://www.ambafrance-il.org] Maintenant qu'il s'est un peu remis de l'attaque du "Djihad juif" menée contre lui, l'ambassadeur de France en Israël, Jacques Huntzinger, demande à expliquer exactement ce qu'il a voulu dire, quand il a déclaré qu'on ne peut pas comparer le terrorisme ici et aux Etats-Unis. Il ne comprend absolument pas comment un ami d'Israël comme lui, qui a accusé en son temps Nasser et Hussein d'être des envahisseurs, et qui dans sa jeunesse a été volontaire pendant 6 mois au kibboutz Hagoshrim, est devenu tout d'un coup l'Ennemi du peuple. Malgré tout, si on le lui permet, il pense qu'un peu plus de tolérance ne nous ferait pas de mal; et qui d'autre que la France peut nous aider à marier le coeur (nous, au Moyen-Orient) et la raison (eux, en Europe).
Le décor était le moins dramatique que l'on puisse imaginer : une réception chez le Président de l'Etat pour le Corps diplomatique, en l'honneur du Nouvel An juif. Un événement de routine, sans imprévu, généralement plutôt ennuyeux. Un des journalistes présents aborde l'ambassadeur de France en Israël, Jacques Huntzinger, et lui pose une question simple : "Peut-on faire une comparaison entre Ben Laden et Yasser Arafat ?" C'est une comparaison qu'aime beaucoup le Premier ministre Ariel Sharon. Il l'a faite avant même qu'ait eu lieu l'attaque contre les tours jumelles de New York. Dans le reste du monde, elle n'est pas tellement admise. Surtout pas chez les Américains, en particulier pas chez les Français. "Le terrorisme doit être blâmé dans tous les cas", a répondu Huntzinger, "mais il serait totalement irresponsable de comparer aujourd'hui entre la situation ici et celle des Etats-Unis. Ici, le terrorisme est lié au conflit entre Israël et le peuple palestinien".
L'ambassadeur de France avait parlé anglais. Dans la traduction en hébreu, il se produisit un petit changement. "Ce serait irresponsable de comparer entre le terrorisme ici et le terrorisme aux Etats-Unis", disait la traduction. Cela a suffi pour que les gens friands de titres tapageurs déclenchent un vacarme assourdissant. "Huntzinger a donné le feu vert au terrorisme", a déclaré le Président Moshé Katsav. "Il faut le renvoyer à Paris", a clamé le député Shaoul Yahalom (Parti national religieux, ancien ministre). De manière officieuse, on a dit au ministère des Affaires étrangères, à Jérusalem, que si les avions détournés avaient touché la Tour Eiffel, Huntzinger aurait parlé autrement. Sa place n'est pas ici -- ont dit certaines sources du ministère aux médias. Officiellement, le ministère a présenté une plainte contre l'ambassadeur. Il fut convoqué par le Directeur général, Avi Gil, pour donner des éclaircissements; et à Paris, l'ambassadeur d'Israël en France, Elie Barnavi, a présenté une plainte contre lui au Quai d'Orsay. En langage diplomatique, on appelle cela un incident; dans la langue commune, ça s'appelle "ballaghan" [terme hébraïsé, d'origine turque, qui signifie "pagaille" / NdT].
Dans une brève interview télévisée qu'il avait accordée, Huntzinger présenta des excuses comme quelqu'un à qui on a braqué un revolver sur la tempe. Une semaine après, dans son bureau où la vue donne sur la plage Frischman, à Tel-Aviv, il donne encore l'impression de marcher sur des oeufs. Il n'est pas un diplomate de carrière, à l'origine il était professeur de Sciences politiques; mais il connaît parfaitement les règles de la diplomatie. Il préfère ne pas réagir aux termes très vifs du Président Katsav, ni aux appels de députés de Droite visant à le faire rappeler à Paris. A l'ambassade, des centaines de lettres et de messages électroniques sont parvenus, et il souligne qu'il les a tous lus lui-même. Il ne donne pas de précisions sur leur teneur exacte, mais l'orientation est claire. "J'ai été surpris par le caractère excessif des réactions", dit-il, dans un euphémisme quasiment britannique. Il ajoute tout de suite, en s'efforçant de ne blesser personne : "Les gens en Israël sont sous le coup du traumatisme après un an d'Intifada. Après que les négociations de paix à Camp David se soient achevées par l'Intifada et la violence. Je comprends ce traumatisme, et je comprends qu'il se traduit par des réactions émotives; le climat est aujourd'hui dur pour tout le monde".
Le climat dur, pour lui personnellement, est déjà derrière lui. A Avi Gil, il a expliqué qu'on ne l'avait pas traduit correctement, et que toute façon, il avait condamné le terrorisme où qu'il soit. Ses explications, dit-il, ont été bien accueillies. Ses amis israéliens, de gauche comme de droite, "y compris les gens proches de Sharon", se sont montrés compréhensifs. Personne ne s'est mis en colère, tous ont réagi de manière amicale. En dépit de tout, Huntzinger a appris combien il est facile en Israël de passer du statut d'ami à celui d'ennemi. Car Huntzinger -- c'est ainsi qu'on se plaint de lui au ministère français des Affaires étrangères, c'est ce qu'on dit de lui aux A.E. à Jérusalem, et c'est ainsi qu'il se présente -- est "philo-israélien". Quelqu'un qui aime Israël, et même un "mordu" selon l'une des définitions qui a cours à Paris. Cela fait de nombreuses années que la France n'a pas eu un ambassadeur qui sympathise autant avec Israël. Peut-être depuis l'époque où les rapports avec la France fleurissaient dans les années 60. Et malgré cela, c'est à lui que c'est arrivé.
- Qu'avez-vous dit exactement lors de la réception chez le Président de l'Etat d'Israël ?
- "On m'a demandé pourquoi nous ne faisons pas de comparaison entre Ben-Laden et Arafat. J'ai commencé par dire que le terrorisme mérite toujours d'être condamné, passage que l'on a escamoté. Après cela, j'ai ajouté que les situations ne sont pas identiques, et qu'ici, il y a une situation d'affrontement qui doit être réglé, ce qui n'est pas le cas entre Ben-Laden et les Etats-Unis".
- Quelle est donc la différence ?
- "Le fait est qu'il y a ici un Etat, Israël, et à ses côtés un voisin, les Palestiniens, qui aspire à devenir un Etat. Voilà la différence entre les situations politiques. Pour les Français c'est clair, c'est logique; mais j'ai compris plus tard que pour les Israéliens, cette affirmation est loin d'être simple".
- Est-ce que cela veut dire que les Palestiniens ont le droit d'user de la force pour obtenir un Etat à eux ?
- "J'ai écrit, j'ai dit, j'ai expliqué, que voulez-vous encore que je fasse ? J'ai condamné le terrorisme palestinien. Après l'attentat du Dolphinarium, je suis arrivé immédiatement sur les lieux avec une couronne de fleurs. Le terrorisme n'est justifié dans aucune situation, parce qu'il frappe des victimes innocentes, voilà la position de la France, parce que la France a été elle-même la cible du terrorisme dans les années 80 et 90, la victime du terrorisme algérien et libanais. 80 soldats français ont été tués à Beyrouth par le Hezbollah, et la France s'est retrouvée alors en tête de la campagne contre le terrorisme. C'est pourquoi le terrorisme n'est pas une arme justifiée aux mains des Palestiniens, et les actions terroristes des Palestiniens doivent cesser. Elles ne portent aucun fruit, elles sont absurdes, le terrorisme ne produit que la haine. Mais le conflit israélo-palestinien doit trouver une solution politique."
 
Jacques Huntzinger est né il y a 58 ans à Paris. Son père, Charles Huntzinger, a eu droit à une petite remarque en marge de l'Histoire. Huntzinger Père était un général de l'Armée française pendant la Seconde Guerre mondiale. Hitler, grisé par la victoire-éclair sur les Français en juin 40, ne se contentait pas de la défaite, il voulait aussi une humiliation. A Compiègne, non loin de Paris, se trouvait un wagon de chemin de fer qui était en fait un objet de musée. C'était le wagon où les Français avaient dicté aux Allemands les conditions de l'Armistice du 11 novembre 1918, à la fin de la Première Guerre mondiale. Hitler exigea que ce wagon soit replacé à l'endroit même où il se trouvait en 1918; il s'assit à la place où se trouvait en son temps le généralissime Foch, 22 ans plus tôt. Il força les représentants de l'Armée française à signer une capitulation sans conditions. C'est comme ça qu'il voulait effacer la terrible humiliation de la Première Guerre. A la tête de la délégation française se trouvait le général Huntzinger. Huntzinger, qui était né en Alsace, la province disputée pendant des décennies entre la France et l'Allemagne, parlait un allemand parfait et comprenait chaque parole dite par le Führer.
Il n'est pas clair si cet événement traumatique a eu une influence sur le fils, mais Jacques Huntzinger est devenu très jeune philo-israélien, presque un Sioniste pourrait-on dire. "Je me souviens avoir été un admirateur de la création de l'Etat d'Israël dès mon jeune âge", dit-il. "Je connaissais l'histoire de David, de Salomon, l'expulsion par les Romains. Le retour du peuple juif dans son pays, sur sa terre, après 2.000 ans, me paraissait quelque chose de fondamental pour l'Humanité. Car le peuple juif a apporté la contribution spirituelle et religieuse la plus grande à l'Humanité -- le monothéisme. Voilà mon roman avec Israël, il n'a pas changé jusqu'à ce jour".
Adolescent, il avait suivi avec émotion l'Opération du Sinaï (octobre 1956). Jeune homme, il suivit "heure par heure" ce qui se passait ici avant et pendant la Guerre de Six Jours. "Il y avait à l'époque le sentiment qu'Israël était en danger", rappelle-t-il. Vers sa vingtième année, il était même venu ici en volontaire, et il a passé 6 mois très beaux au kibboutz Hagoshrim, près du Lac de Tibériade. Jusqu'à la Guerre de Six Jours, Israël était plutôt populaire en Europe, y compris au sein de la jeunesse de gauche. Après la guerre et l'occupation des territoires, l'approche changea chez un grand nombre, mais pas chez Huntzinger. Le Président français d'alors, le général Charles de Gaulle, avait accusé Israël d'agression, décrété l'embargo sur les livraisons d'armes (la France était à l'époque le fournisseur d'armes N° 1 d'Israël), et déclenché la colère des Israéliens. A Tel-Aviv se déroula alors une manifestation de masse contre le général. Huntzinger souscrit justement à la version israélienne des faits. Les fauteurs de la guerre étaient les Arabes. "N'oublions pas que ce n'est pas Israël qui a déclenché les hostilités. Rappelons-nous que les dirigeants israéliens avaient mis Hussein de Jordanie en garde contre la tentation d'intervenir, et qu'en dépit des conseils d'Israël, il se joignit à la guerre aux côtés de l'Egypte et de la Syrie. Il advint alors ce qu'il advint. La conquête des territoires était le résultat tragique des erreurs de Hussein et de Nasser", dit-il. Abba Even n'aurait pas mieux dit les choses.
Huntzinger a fait la connaissance de Shimon Pérès dans les années 80. Après avoir accédé au grade de Professeur de Sciences politiques, Jacques Huntzinger a exercé les fonctions de Secrétaire aux Relations extérieures du Parti Socialiste, le parti de François Mitterrand, et, à ce titre, s'est rendu à maintes reprises en Israël où il était invité par le Parti travailliste. Pour ceux qui l'auraient oublié, nous rappellerons qu'à cette époque, Shimon Pérès était déjà le tête de liste du parti. L'Ambassadeur se rappelle parfaitement bien de Sharon aussi, qu'il a connu à cette même époque, mais dans d'autres circonstances. "Vous rappelez-vous de l'armée israélienne encerclant Beyrouth ?", demande J. Huntzinger en souriant. "Je me trouvais alors en visite chez Arafat. Sharon n'était pas loin, je me souviens parfaitement de lui". C'est à cette époque également qu'il a connu Arafat. Les fonctions qu'il exerce actuellement ne donnent pas à Jacques Huntzinger l'occasion de rencontrer Yasser Arafat (les contacts avec ce dernier incombent au Consulat général de France à Jérusalem-Est), et pour des raisons diplomatiques, il préfère ne pas émettre d'appréciation. Il est clair que Jacques Huntzinger n'est pas un grand admirateur d'Arafat. Et pourtant, il ne regrette aucunement le rôle qu'il a pu jouer dans le processus de légitimation de cet homme, à une époque à laquelle il était encore considéré comme un terroriste.
"Je pense que c'était ce qu’il fallait faire. Je me souviens de François Mitterrand le recevant à l'Elysée après la Conférence de Madrid ; c'était une initiative importante. Nous avons alors connu une période de crise avec Israël, mais en fin de compte, cela a permis d'asseoir le statut d'Arafat".
 
La majorité des Israéliens, y compris les responsables de la sécurité, pensent aujourd'hui que cela avait été une terrible erreur.
"Actuellement, Arafat est toujours le Président de l'Autorité palestinienne ; il a été le signataire des accords d'Oslo, puis des accord de Wye aux côtés de Nétanyahou et Sharon ; il a aussi signé avec Ehoud Barak l’accord de Charm El-Cheikh. Arafat est l'homme qui, aujourd'hui, rencontre des personnalités israéliennes, de Shimon Pérès jusqu’à Omri Sharon. Il demeure un interlocuteur politique."
 
Jacques Huntzinger est entré dans la carrière diplomatique au début des années 90. En 1996, après avoir exercé diverses fonctions, il a été nommé Ambassadeur en Macédoine, ancienne république fédérée yougoslave. Cette période passée dans cette lointaine République l'a propulsé dans le feu de l'action. Peu de temps après, les événements que l'ont connaît au Kosovo ont éclaté, et Jacques Huntzinger, qui entretient des rapports privilégiés avec le Premier ministre Lionel Jospin, a été nommé émissaire spécial dans cette région où régnait la violence. Il s'est rendu à maintes reprises à Pristina, capitale du Kosovo, pour y rencontrer les dirigeants de la minorité albanaise. Il s'est rendu à Belgrade pour s'entretenir avec Milosevic. Mais tous les efforts déployés pour éviter qu'une guerre n'éclate, se sont soldés par un échec. Milosevic a nettoyé le Kosovo de la présence albanaise, l'OTAN a expulsé Milosevic du Kosovo; et au bout du compte, les rebelles albanais contrôlent cette région, Milosevic est incarcéré en Hollande et attend d'être jugé pour ses agissements au Kosovo.
Peut-on en tirer un enseignement, en ce qui concerne le problème israélo-palestinien? Sharon, qui était alors responsable de la diplomatie au sein du gouvernement de Nétanyahou, estimait à l'époque que oui : "Le Kosovo risque de devenir une base du terrorisme musulman fondamentaliste", disait-il. "Si l'on laisse l'OTAN s'immiscer dans des conflits internes, Israël risquera de se retrouver sur la sellette, si les Arabes de Galilée réclament l'autonomie". Jacques Huntzinger estime qu'on ne peut faire de comparaison. Il ne connaissait pas cette déclaration de Sharon, qui, en soi, est à l'opposé de tout ce qu'il a entrepris à l'époque au Kosovo, mais il peut la comprendre. "L'analyse de Sharon est concevable. La situation dans cette région n'est pas ou tout noir ou tout blanc. En effet, l'Europe s'est toujours opposée à la création d'un état indépendant au Kosovo". Il reconnaît cependant que pour le Kosovo, avoir opté pour la violence s'est avéré être la bonne solution. Les Albanais ne partageaient pas tous cette opinion. Ibrahim Rogova, dirigeant modéré, avait opté pour l’engagement de négociations non-violentes avec Milosevic. Les hommes de l'Armée de Libération du Kosovo estimaient que seule une révolte violente pourrait mettre un terme à la répression serbe.
 
- Donc, les gens de l'UCK (Armée de Libération du Kosovo) avaient raison ?
- "Oui. A un certain moment, la répression serbe était si forte que l'UCK avait un rôle à jouer."
- Et la violence a-t-elle servi à quelque chose ?
- "Hegel nous a enseigné que la violence est la mère de l'Histoire. La révolution française a introduit de grandes idées comme la démocratie et l’égalité, mais nous a aussi fait connaître la violence, et la terreur. Parfois, la violence s’avère particulièrement destructive, et parfois elle fait bouger les choses. Ainsi, l’accord d’Oslo, par exemple, est le fruit de la première Intifada. Mais je ne pense pas que l’actuelle Intifada, quelles que soient les raisons de son déclenchement, puisse avoir des résultats positifs."
 
Jacques Huntzinger est arrivé en Israël peu de temps avant que n’éclate la nouvelle Intifada, en janvier 2000. Ce fut la réalisation d’un vieux rêve. Au quai d’Orsay, où siège le ministère des Affaires étrangères, on le considère comme pro-israélien, ce qui n’est pas chose aisée au sein d’un lieu réputé pour être le fief du soutien à la cause arabe. Boaz Bismuth, correspondant du « Yediot Aharonoth » à Paris, raconte qu’en France, certains traitent Jacques Huntzinger de « vendu » à la cause d’Israël. L’Ambassadeur est conscient de sa réputation et reconnaît que cette image a quelque chose de positif : « Le Quai d’Orsay accepte pleinement que je porte cette étiquette de pro-israélien. Je suis venu ici car je le souhaitais, car j’aime ce pays. Le rôle que j’y joue aide ceux qui se trouvent à Paris à mieux comprendre la réalité israélienne ».
La première période a été relativement simple, remplie d'espoirs. Ehoud Barak partait à Camp David, et en France, comme dans beaucoup d'autres pays, on croyait que le conflit israélo-palestinien était en passe de se régler. M. Huntzinger a suivi le processus de très près, particulièrement lorsque Clinton a publié son plan et que les Français ont joint leurs efforts pour convaincre les Palestiniens de l'accepter. Puis l'Intifada s'est déclenchée. Les Français ont alors tenté de promouvoir un cessez-le-feu entre les deux parties (rappelons l'échec de la rencontre à Paris avec Albright et Chirac). La même année, en février, Sharon accède au pouvoir, et le rôle de M. Huntzinger revêt de nouveau une importance notoire. Il est important de souligner que Sharon était considéré jusque-là par Paris comme persona non grata. Lors de sa visite en France en tant que chef de la diplomatie israélienne sous Nétanyahou, personne alors ne souhaitait le rencontrer.
M. Huntzinger a travaillé sans relâche et a réussi à tisser des liens avec le cabinet du Premier ministre, où il est aujourd'hui très apprécié. "Je considérais que mon rôle élémentaire en tant qu'ambassadeur, était d'avoir les meilleurs rapports possibles avec le nouveau Premier ministre Ariel Sharon, afin que ce dernier puisse en faire autant avec les Autorités françaises", indique Huntzinger. "C'est d'ailleurs ce qui s'est produit. M. Sharon a été invité en France et y a été très bien reçu, et je sais qu'il était très satisfait de son voyage. MM. Chirac et Sharon s'entretiennent par téléphone régulièrement, et personnellement, j'ai d'excellents rapports avec le cabinet du Premier ministre. Ouri Shani, Gideon Saar et Omri Sharon sont des amis.
 
Mais Sharon n'arrête pas de dire et de manifester le peu de cas qu'il fait de l'Europe.
"Sharon déclare en public qu'il ne compte pas sur l'Europe mais uniquement sur les Etats-Unis. Il n'empêche qu'il ne nous blâme pas pour les rapports que nous entretenons avec l'Autorité palestinienne. Au contraire, il les considère comme très efficaces, lorsqu'il s'agit de transmettre des messages à Arafat ou aux Palestiniens."
 
Parfois, on a l'impression que M. Huntzinger ne se considère pas seulement comme l'ambassadeur de France en Israël, mais également comme l'ambassadeur d'Israël en France. Selon lui, son côté pro-israélien l'aide. "Le rôle de l'ambassadeur de France en Israël est d'expliquer aux Autorités françaises la situation du pays, les sensibilités des Israéliens, les raisons pour lesquelles Israël décide d'encercler Djénine, car Djénine est un vivier de terroristes. Tel est le rôle auquel je me prête chaque jour."
Pourtant, la France donne toujours l'impression d'être la première a critiquer Israël. Lorsque je tape les mots-clé "France", "critique", et "Israël", mon moteur de recherche me renvoie plus de 93 résultats : critique des "bouclages", critique de l'incursion à Djénine, critique de l'occupation de Beit Jala, etc. Le patron de M. Huntzinger, M. Hubert Védrine, a déclaré à plusieurs reprises que Sharon était à l'origine de l'Intifada, car il s'était rendu sur l'Esplanade des Mosquées, et à une autre occasion il a qualifié le bouclage israélien dans les territoires de "monstrueux".
Huntzinger avoue critiquer Israël assez fréquemment, mais certainement pas plus que les autres ambassadeurs européens, ou bien même que les Américains. Les chiffres ne consolident peut-être pas cette affirmation, mais à l'ambassade de France, on murmure même que la France passe à Israël des actes qu'elle n'aurait jamais tolérés par le passé. Les "liquidations" israéliennes par exemple, n'ont pas toutes fait l'objet de condamnations françaises immédiates. Barak et Clinton, dit-on là-bas, les ont rapproché de la position israélienne.
L'ambassadeur Huntzinger croit comprendre les origines de la "fausse idée" que se font les Israéliens de la France. Les rapports entre les deux Etats sont très sensibles. La France soutenait autrefois Israël (la centrale nucléaire de Dimona, souligne-t-il, a été construite par la France), et du jour au lendemain, sous de Gaulle, un fossé s'est creusé. La présence massive en Israël d'originaires d'Afrique du Nord a également un poids dans les relations entre les deux pays. "Les gens en provenance du Maroc, de la Tunisie ou de l'Algérie ont connu un traumatisme. Ils y jouissaient de pleins droits lorsque l'indépendance de ces Etats les a contraints à fuir, quelquefois de manière très brutale. Ils ont perdu une partie de leurs biens, et ont été déracinés. Ce traumatisme est au coeur de leur rapport à la France. Ils l'accusent de les avoir abandonnés en Afrique du Nord, et c'est pour cela que les différends qui ont opposé Israël et la France ont pris des proportions démesurées, comme si ces gens-là avaient été "trahis" une seconde fois : la première fois en Afrique du Nord; et la seconde, lorsque la France a changé de politique après la guerre de 1967."
 
Lorsqu'on parle de Judaïsme, la plupart des Juifs laïcs l'associent au Rabbin Ovadia Yossef ou au Rabbin Kadouri. En France, les intellectuels chrétiens pensent plutôt aux penseurs libéraux comme Emmanuel Lévinas, ou Spinoza. Cela a été une raison supplémentaire de la surprise de Huntzinger, quand il a reçu la douche froide des attaques consécutives à ses déclarations chez le Président de l'Etat. "Je suis un très grand passionné de la religion juive. Contrairement à la religion chrétienne, le Judaïsme est une religion de liberté, d'interrogation et de controverse. Mais visiblement, lorsqu'elle est mise en pratique au quotidien dans la vie politique, sa tolérance semble s'estomper. Il existe un fossé énorme entre la religion juive et la manière dont est géré ici le débat politique."
 
- Le saviez-vous avant, ou l'avez-vous appris maintenant ?
- "Je le savais depuis toujours, mais après cette petite affaire, cela a refait surface. Quand on remet en question, quand on adopte une position qui n'est pas forcément acceptée de tous, on devient tout de suite le méchant. Moi je dis que ce n'est pas la tradition juive. La tradition juive est à l'opposé. Mais j'ai une explication à ce phénomène. Les Juifs, malgré leur ouverture d'esprit, ont toujours eu des craintes pour leur existence : les ghettos, les pogroms, la Shoah. Par conséquent, chaque Israélien ressent une crainte. J'ai toujours été surpris par ce décalage entre l'âme juive et cette crainte, qui est tellement réelle même aujourd'hui, 50 ans après la création de l'Etat d'Israël, dans le pays le mieux armé et le plus fort du Proche-Orient."
- Pour les intellectuels français, l'image du Judaïsme est celle de la spiritualité. Avez-vous trouvé ici un autre Judaïsme ?
- "Le judaïsme ici se traduit par un lien inévitable entre le religieux et le politique. Ben Gourion ne voulait pas un Israël totalement laïque. Il a fait un compromis avec les religieux. Le judaïsme ici fait partie du système étatique, du système éducatif, et par conséquent, l'aspect purement spirituel du judaïsme a été relégué au second plan."
- D'une manière générale, il y a quelque chose de paradoxal dans les rapports entre les Israéliens et l'Europe. Ils sont venus de là-bas, ils parlent ses langues, ils connaissent sa culture, mais ils se sentent chez eux en Amérique, dans la culture américaine. Comment expliquez-vous cela ?
- "Une troisième génération a grandi ici depuis la création de l'Etat. Une génération qui n'est pas liée à l'Europe, et qui s'est éloignée du vieux continent. En outre, la forte implication américaine et le fait que les Etats-Unis soient perçus comme les alliés d'Israël, comme le pays auquel on doit une certaine reconnaissance, ont contribué à cet éloignement. Les sommes fournies par les Juifs américains sont également considérables. Enfin, sur le plan économique, Israël a développé le secteur des hautes technologies, et cet aspect contribue au rapprochement entre les deux pays. Chaque israélien qui termine ses études universitaires rêve de monter une start-up, qui sera rachetée par les Etats-Unis. Dans ce domaine, l'image de l'Europe est beaucoup plus floue, déformée, et pas vraiment positive. Ce qui n'empêche pas les Israéliens d'écouter de la musique venue d'Europe, ou de voyager en Europe. Paris reste l'une des destinations favorites. Tout le processus de création de l'Etat (d'Israël) était lié à l'Europe. Tout ce qui a suivi la Guerre des 6 jours est lié aux Etats-Unis. Je pense que cette situation peut changer s'il y a la paix."
- C'est intéressant. Le Pr Shlomo Ben-Ami, avant de devenir ministre des Affaires étrangères, avait dit dans une de ses conférences que tous les progrès significatifs dans le processus de paix étaient venus de l'Europe, et non des Etats-Unis : la paix israélo-égyptienne, les accords d'Oslo. Peut-être que l'Europe a plus intérêt que les Etats-Unis à instaurer la paix ?
Seuls les Palestiniens et les Israéliens peuvent faire la paix, et non pas l'Europe ou les Etats-Unis.
- Vous croyez réellement que les Israéliens et les Palestiniens peuvent parvenir à la paix avec leurs propres forces ?
- C'est une véritable question. A Oslo, Israéliens et Palestiniens ont obtenu un accord par eux-mêmes, avec l'aide de la Norvège, mais par eux-mêmes. Barak a essayé de faire la paix sous la houlette des Etats-Unis, mais ça n'a pas marché : les Etats-Unis souffrent d'une image trop pro-israélienne dans la région et l'Europe est perçue comme pro-palestinienne. Par conséquent, un effort commun américano-européen peut être utile. Cet effort commun existe déjà, depuis peu, mais il existe. Nous avons coopéré très étroitement avec Clinton, et maintenant, depuis la tragédie du World Trade Center, on peut dire que nous nous sommes de nouveau rapprochés des Etats-Unis. Depuis cette catastrophe, la politique américaine a changé, et ce changement est positif. Les Etats-Unis sont désormais parfaitement conscients du fait qu'il faut résoudre le problème du terrorisme, mais également le conflit à l'origine de ce terrorisme. La création de la coalition va forcer l'Amérique à faire davantage en vue d'une solution au conflit dans notre région.
- Alors, le rôle que doit jouer ici la France est-il diplomatique, ou culturel ?
Il est tout d'abord culturel. Je crois sincèrement que la France est un pays qui pourra aider le peuple israélien à se tourner vers son avenir. Allier le coeur à la raison, introduire un peu plus de logique dans une approche qui voit tout en noir et blanc, s'éloigner de cette approche. Retrouver ce que nous appelons la culture, au sens classique du terme. C'est très important.