1. Commentaires sur l’article
"Y a-t-il une vie après Oslo ?", d’Emmanuel Navon, publié dans "Outre-Terre",
revue française de géopolitique (N°1 janvier/mars 2001) par Marcel
Charbonnier
[Marcel Charbonnier vous
propose une lecture critique de cet article d'Emmanuel Navon, docteur en
sciences politiques... En italique, le texte d'Emmanuel Navon, en bleu, les
commentaires de Marcel Charbonnier.]
"Guerre civile en Israël ? Le ‘mur d’airain",
projet géopolitique du sionisme. Israël veut depuis toujours se séparer, autant
que faire se peut, des Palestiniens. Réalistes et rêveurs : le tournant d’une
partie des travaillistes. Oslo en sous-main. Les Arabes ne veulent pas la paix.
La solution : une action unilatérale. L’Intifada d’al-Aqsa a pris Israël par
surprise en septembre 2000 et fait peser de sérieux doutes sur la possibilité de
mettre une fin pacifique, par le processus d’Oslo, au conflit qui oppose le
monde arabe au sionisme depuis un siècle. En ouvrant le feu contre l’Etat hébreu
alors que le Premier ministre Barak acceptait de transférer 90% des territoires
et Jérusalem-est à la Palestine en gestation tout en renonçant à une
souveraineté israélienne sur le Mont du Temple, Arafat portait un coup mortel au
présupposé de la paix : Israël et les Palestiniens, par l’abandon respectif de
revendications nationales, allaient pouvoir coexister, précisément,
pacifiquement."
>>> D’après l’auteur,
l’intifada est première, elle n’est pas provoquée par la violation par Israël de
la légalité internationale et des accords déjà signés dans le cadre du processus
(dit ‘de paix’) d’Oslo, et encore moins par l’incursion de Sharon sur le "Mont
du Temple" (j’utilise à dessein les définitions géographiques de l’auteur, il
faut bien qu’il s’y retrouve). Remarquons le caractère sournois d’une
insurrection par définition non-spontanée (a-t-on déjà beaucoup vu, dans
l’histoire, des "insurrections sur commande" ?), mais suffisamment discrète pour
prendre un Etat qui n’est pourtant pas tombé de la dernière pluie en matière de
renseignement, Israël, "par surprise"... Mais tout bon raciste anti-arabe sait
bien que la sournoiserie, chez les Arabes, n’est pas le dernier défaut de ces
cousins sémites des Juifs.
Heureusement, cette "intifada fait peser de
sérieux doutes sur la possibilité de mettre une fin pacifique au conflit"...
L’objet de l’article d’Emmanuel Navon étant de démontrer, comme nous le verrons
plus tard, que toute solution pacifique au conflit est impossible, Navon
Emmanuel est-il tout à fait étranger au déclenchement de l’Intifada al-Aqsa ?
Grave question.
Veuillez noter que c’est Arafat qui a ouvert le feu contre
l’Etat hébreu, et cela au moment même où Barak lui faisait ses propositions
d’une extraordinaire "générosité". Jusqu’à présent, on reprochait à Arafat son
ingratitude et son jusqu’au-boutisme face à la générosité israélienne, mais là,
c’est pire : Barak tend ses "cadeaux" à Arafat sur un plateau d’argent et que
fait Arafat ? ... Il le flingue !
Notons aussi que ce qui était au principe
même du processus d’Oslo, c’était l’"abandon respectif de revendications
nationales", permettant la coexistence pacifique. Admirons le souffle de Navon :
il en paraîtra encore plus admirable lorsque nous aurons rappelé que les
Palestiniens ont réduit leurs "revendications nationales" à 22% de la superficie
de la Palestine historique ! On est bien dans la disposition d’esprit classique
des sionistes : "tout ce qui est à moi est à moi, tout ce qui est à vous se
discute..."
"La gauche israélienne, cependant, renâcle à admettre
l’échec d’Oslo. Bien que l’OLP ait libéré des terroristes du Hamas (mouvement
dit de la résistance islamique, né en 1988, qui combat pour la destruction de
l’Etat d’Israël et la création d’un Etat palestinien islamique) et du Jihad
islamique, qu’elle coordonne avec ces organisations des attaques contre des
citoyens et soldats israéliens. Les militaires entrés par erreur à Ramallah
n’ont-ils pas été lynchés alors qu’Oslo prévoyait une liberté de circulation
pour les Israéliens dans les villes palestiniennes ? L’antique synagogue de
Jéricho et la tombe de Joseph n’ont-elles pas été profanées et détruites par les
Palestiniens alors qu’Oslo était censé protéger nos droits à prier dans les
cités des Palestiniens ?
Il reste assez surprenant que les Israéliens de
gauche se veuillent, dans pareil contexte, les garants du réalisme politique
dans le pays."
>>> Après avoir constaté que
M. Navon n’est sans doute pas de gauche (il doit être de droite, alors ?),
tremblons à l’idée que les Israéliens de gauche ne sont pas les garants du
réalisme politique dans leur pays. Il doit bien falloir qu’il y ait des garants
du réalisme politique en Israël. S’ils ne sont pas trouvables à gauche,
rendons-nous à l’évidence, ils sont de droite, et leur modèle est M. Shavon,
non, Naron, non... Navon (excusez-moi). Bigre !
Monsieur Sharon, qu’on ne
saurait soupçonner d’être de gauche, a donc certainement admis, avec son
réalisme politique légendaire, que le processus d’Oslo a échoué. Que Monsieur
Navon soit un peu moins dur avec la gauche israélienne : la simple présence de
M. Pérès aux côtés de Sharon, dans son gouvernement qui plus est, montre qu’il y
a au moins un homme de gauche en Israël qui s’y porte garant du réalisme
politique. Et il n’est pas l’unique exception qui confirmerait la règle, puisque
dans ce gouvernement d’"union nationale", on trouve aussi un autre gauchiste
impénitent : Benyamin Eliezer, ministre de la défense...
Incontestablement,
les deux soldats israéliens appartenant aux "musta’ribin", en mission, et
démasqués par la foule, ont bien été lynchés. Mais si vous apparteniez aux
musta’ribin de l’armée israélienne, iriez-vous faire du tourisme à Ramallah, en
pleine intifada, alors même que les rues sont encore pleines de la foule des
manifestants ayant accompagné vers leur dernière demeure plusieurs de vos
victimes, que vous venez d’envoyer dans l’autre monde de la manière la plus
abjecte : en vous déguisant afin de déjouer leur vigilance ?
Décidément, ces
Israéliens sont vraiment très très pieux. Le principal point des accords d’Oslo,
c’est qu’ils devaient "protéger leurs droits à prier dans les cités des
Palestiniens"... Amis de la Garenne-Bezons : êtes-vous bien surs que l’HLM où
vous habitez n’a pas été construite sur les vestiges d’une synagogue antique ?
"Les sources de la nation - Vladimir Jabotinsky, le leader du
sionisme "révisionniste" historique, pensait que jamais les Arabes
n’accepteraient volontairement la transformation de la Palestine du Mandat en un
Etat juif ; il s’opposait aux idéalistes selon lesquels un fort développement
économique les convaincrait de se rendre aux arguments du sionisme. Dans ces
conditions, les Juifs n’avaient d’autre choix que de leur imposer le projet par
la force et de protéger le territoire de l’Etat hébreu à venir par un mur
d’airain. La gauche juive avait beau dénoncer le caractère "immoral" de ces
conceptions, Jabotinsky ne décrivait pas les Arabes comme il souhaitait qu’ils
fussent, il reconnaissait leurs sentiments pour ce qu’ils étaient. D’où encore
le régime d’autonomie qu’il était prêt à accorder à la minorité arabe vivant
dans le pays d’Israël à venir. D’où enfin son aptitude à reconnaître les limites
de l’entreprise sioniste : l’importance par exemple du soutien britannique
(adresse à des membres du parlement en juillet 1937, qui présentait l’Etat juif
en gestation comme un atout pour Londres) ; certains documents prouvant qu’il
était prêt à accepter le projet de partition de la même année dans un cadre
territorial un peu modifié."
>>> Ici
apparaissent les deux grandes "tendances" du sionisme : les "révisionnistes",
guidés par leur grand chef spirituel Vladimir Jabotinsky, prônent
l’établissement d’une forteresse juive (d’où on aurait chassé au préalable les
Arabes, bien entendu), entourée d’un "mur d’airain"... On retrouve encore une
fois toute la quincaillerie folklorico-moyenâgeuse et grandiloquente de
l’"épopée" sioniste, avec force noms mythologiques, tels Tsahal, alya, sabra...
(à croire, que comme un autre mouvement nationaliste célèbre, que je ne citerai
pas, il se reconnaîtra, le sionisme trouve son inspiration dans les grandes
fresques teutones à la Wagner, compositeur qui, bien loin d’être banni en
Israël, devrait en être la mascotte) et, c’est nouveau, ça vient de sortir, le
"mur d’airain"... On peut se demander si ce "mur d’airain" est bien à même, sur
le long terme, de protéger le "colosse aux pieds d’argile" (pour poursuivre
encore un peu dans l’ambiance "Armaggedon") ?
Contrairement à la gôche
sioniste (oximoron, sortez des rangs!) juive qui, en dénonçant le caractère
"immoral" de la conception jabotinskienne, voulait sans doute et avant toute
chose s’auto-décerner un label "moral" (?), Jabotinsky est, lui, réaliste : il
voit les Arabes tels qu’ils sont, et non tels que les rêveurs de gôche eussent
souhaité qu’ils fussent... Pour tout projet à venir de colonisation inspirée du
sionisme, et compte tenu des leçons des guerres coloniales, en général, on ne
saurait trop conseiller aux candidats colonisateurs de procéder au préalable à
un radio-trottoir parmi les indigènes dont ils convoitent le territoire, afin de
sonder leurs états d’âme. Ca peut aider...
"Certes, Menahem Begin
s’était ouvertement opposé au pragmatisme et au réalisme de Jabotinsky lors du
troisième congrès mondial du Betar (mouvement de jeunesse de l’aile droite du
sionisme révisionniste) en 1938. Cela ne l’empêche pas de s’y rallier
partiellement quand il devient Premier ministre en 1977. Pour lui, le traité de
paix avec l’Egypte qui reconnaît désormais l’existence d’Israël après avoir
compris que l’Etat hébreu ne saurait être détruit, constitue justement
l’illustration parfaite de la théorie du mur d’airain. Mustafa Khalil,
secrétaire général du parti socialiste au pouvoir, n’exprime-t-il pas
brutalement les raisons qui poussent Sadate à faire la paix : "nous savons ne
pas avoir la moindre chance de gagner une guerre contre vous et devons
rechercher une autre solution ; et puis, vous avez la bombe atomique"; Begin
suit encore Jabotinsky avec son plan d’autonomie pour les Arabes de
Judée-Samarie (Cisjordanie) : abolition du gouvernement militaire d’occupation,
élection par les résidents d’un conseil pour administrer leur vie quotidienne :
sécurité et ordre public sous la responsabilité d’Israël ; droit aux habitants
de la Judée-Samarie et Gaza d’opter librement pour la nationalité israélienne ou
jordanienne. En somme, ce n’est pas de gaieté de coeur que Begin restituait le
Sinaï aux Egyptiens et qu’il acceptait de restreindre la souveraineté d’Israël
sur la Judée-Samarie ; il avait tout simplement pris acte des limites imposées
au contrôle militaire sur les Territoires et l’impossibilité, sur le long terme,
de le maintenir. C’est pourquoi Moshe Arens, ministre des Affaires étrangères de
1988 à 1990, essaie d’établir un dialogue avec les Palestiniens modérés de
Judée-Samarie et d’organiser des élections locales ; en émergeraient des leaders
avec lesquels négocier un statut intérimaire dans le cadre des accords de Camp
David."
>>> Menahem Begin avait osé
s’opposer au "réalisme" de Jabotinsky en... 1938. Mais il a fini par corriger
cette "erreur de jeunesse" en 1977, en y adhérant, une fois devenu premier
ministre... Mais son véritable baptême jabotinskien ne sera effectif qu’après
qu’il eût été trempé dans les eaux lustrales du "traité de paix" de Camp David,
conclu avec l’Egypte sadatienne.
On voit au passage à quel point cette paix
(largement bricolée par les Américains) était prometteuse, puisque la séparation
jabotinskienne commençait à se mettre en place et que commençait à s’édifier le
mur d’airain salvateur (autour d’Israël). Car, comme chacun sait, Israël aspire
à une "normalisation" et à être intégré au Moyen-Orient, c’est-à-dire à être
reconnu et admis par les pays arabes voisins. Et il est bien évident que lorsque
vous voulez vivre en bonne intelligence et dialoguer et coopérer avec vos
voisins, la première chose à faire est de vous empresser de vous claquemurer
dans une enceinte hermétique. Et pas bâtie avec n’importe quoi, s’il vous plaît
: le mieux étant l’airain... Cet alliage de cuivre, d’étain et d’argent est très
coûteux, mais sa résistance est légendaire... (murs d’airain en kit chez tous
les concessionnaires BHV)
Une fois Israël "chez lui" et l’Egypte "chez elle",
Menahem Begin put apporter tous ses soins aux Palestiniens des territoires
occupés (et même dans la diaspora...) Il est vrai que son faible pour ce peuple
ne datait pas d’hier, puisque sa compassion l’amenait à achever de sa propre
main, au poignard, les survivants provisoires du massacre de Deïr Yassin...
On ne connaîtra jamais quel succès auraient eu les démarches de Moshé Arens
visant à établir un dialogue avec les Palestiniens modérés de Judée-Samarie
(traduction : les collaborateurs de Cisjordanie), puisque la Guerre du Golfe
salvatrice est venue bouleverser cette bluette attendrissante, permettant aux
Américains, dans le cadre du "nouvel ordre mondial", de faire régner leur nouvel
impérialisme, sur un scenario écrit dans les studios de la CNN, certes, mais non
pas à Washington, non : à Tel-Aviv et Jérusalem. En effet, les Américains ont
toujours eu le respect des "populations locales" (pour en être convaincu, il
suffit de constater qu’ils n’ont pas massacré tous les Indiens d’Amérique : ils
en ont conservé quelques milliers pour leurs musées ethnographiques en plein
air, les "réserves"). Or pour les Américains, qui ont de la géographie la
connaissance que l’on sait (George Bush junior est le "fort en thème" de
l’Amérique, en la matière), les "autochtones" du Moyen-Orient, ce sont les...
Israéliens. (C’est normal pour les habitants d’un pays où l’on trouve, dans le
tiroir du haut de la commode de toute chambre d’hôtel, à côté des instructions
sur la conduite à tenir en cas d’incendie... la Bible !)
"L’OLP
fait alors tout son possible pour prévenir, à partir de Tunis, ces efforts et
Yasser Arafat menace de cribler de balles quiconque parlera de mettre un terme à
la violence. De fait, le maire de Naplouse, Zafer al-Masri, qui avait plaidé
pour des négociations directes entre ses représentants locaux et Israël sera
exécuté par elle. Itzhak Shamir, ancien membre du Lehi (Combattants pour la
Liberté d’Israël), appartient à la branche radicale de la droite israélienne et
récuse au contraire de Begin et d’Arens le plan d’autonomie, prenant ainsi le
risque de devoir négocier avec une délégation non élue qui posera la question de
l’OLP et de Jérusalem-est. Pire, il s’accommode du fait que le statu quo menace,
sur la longue durée, de miner les fondements juifs et démocratiques de l’Etat
d’Israël. Chez lui prime la volonté de puissance qui s’oppose au réalisme prôné
historiquement par Jabotinsky et à Camp David par Begin."
>>> Evoquer l’assassinat du maire de Naplouse, Zafer
al-Masri, que l’auteur attribue à l’OLP, lui évite d’évoquer la destitution de
la plupart des maires élus en Cisjordanie et à Gaza (la population palestinienne
ayant saisi l’opportunité des élections municipales à la mode israélienne pour
élire des représentants nationalistes), ainsi que l’attentat qui blessa
grièvement un autre maire de Naplouse, dont les Israéliens avaient piégé la
voiture (il perdit les deux jambes dans l’attentat).
Ce pauvre Itzhak Shamir
se doutait-il qu’en "récusant le plan d’autonomie" (des territoires occupés), il
"prenait le risque de devoir négocier avec une délégation non élue qui
posera(it) la question de l’OLP et de Jérusalem-est" ? Sans doute pas, sinon il
aurait au contraire accéléré la mise en application d’un "plan d’autonomie" dont
les Palestiniens des territoires occupés, à part les "maires collabos désignés"
ne voulaient pas entendre parler. Mais était-ce un problème ? Est-ce qu’on leur
demandait leur avis, à ceux-là ? Non ! Bon, alors ?
Et, ce qui est encore
bien pire, "Shamir s’accommode du fait que le statu quo menace, sur la longue
durée, de miner les fondements juifs et démocratiques de l’Etat d’Israël"... Il
faudrait consacrer plusieurs volumes à l’exposé des mille feux qu’envoie cette
phrase-gemme, ce Koh-i-Nur de l’idéologie sioniste. Notons tout d’abord que l’on
prête à Shamir une noirceur d’âme supplémentaire, que nous ne lui connaissions
pas : celle qui lui a fait prendre des risques insensés pour "les fondements
juifs et démocratiques" (oxymoron) de l’Etat d’Israël, alors que ces "risques"
ne se sont concrétisés qu’au fil de nombreuses années et que les Israéliens de
toutes tendances ont mis fort longtemps à admettre qu’ils existassent, fût-ce
potentiellement : il est un peu facile à l’historien de faire retomber sur un
dirigeant, aussi exécrable soit-il, les conséquences de ses décisions à long
terme. L’historien sait, lui, ce qui s’est passé, alors que Shamir, qui avait
beaucoup de défauts, en avait un, que nous ne lui connaissions pas encore, mais
néanmoins impardonnable : celui de pas être Madame Irma et de ne pas disposer
d’une boule de cristal... L’auteur n’aime pas Shamir, qu’il accuse d’être
responsable, rétroactivement, de l’intifada al-Aqsa (septembre 2000), qu’il
attribue à sa "volonté de puissance". La critique est extrêmement cruelle, car
la "volonté de puissance" est en général, chez le dirigeant israélien, la
qualité des qualités...
"De la droite à la gauche - Comme la
droite israélienne, la gauche est elle aussi divisée entre les réalistes et les
rêveurs. Mais alors qu’à droite on rêve de pouvoir ignorer les réalités, à
gauche il y a ceux qui pensent que prêcher le moralisme et le pacifisme suffit à
changer le Moyen-Orient. L’intelligentsia d’Eretz Israel, avant l’instauration
de l’Etat hébreu, abhorrait l’idée qu’un peuple qui retournait à une terre
habitée par d’autres devrait le faire par la force. On s’était convaincu qu’un
Etat binational constituerait une alternative acceptable pour le monde arabe et
que la coopération économique suffirait à établir des relations pacifiques entre
les deux communautés. Au centre des représentations de cette gauche
universitaire, l’idée que le fédéralisme et la supranationalité permettraient,
au lendemain de la seconde guerre mondiale, de dépasser le nationalisme et la
souveraineté. Le mouvement Ihud, lui-même héritier d’associations pacifistes
comme Brith Shalom, Kedma Mizraha et la ligue pour le rapprochement et la
coopération judéo-arabe, tracera le cadre auquel se réfère aujourd’hui le "camp
de la paix" : malgré la révolte arabe de 1936 et l’opposition farouche des
Arabes au sionisme, l’immigration juive dans le pays en Palestine devait pouvoir
se poursuivre sous les auspices - Deus ex machina - de la coexistence
pacifique."
>>> Si les "sionistes de
gauche" optaient pour une solution de coexistence évoquant la Palestine
binationale, démocratique et laïque de l’OLP d’avant 1974, qui aurait -
théoriquement - évité bien des drames, leur volonté de créer un Etat d’Israël,
fondement même de leur engagement nationaliste, rentrait en contradiction avec
ce rêve idyllique. Mais pour l’auteur, l’obstacle principal fut... la révolte
arabe de 1936 : voilà qui lui permet, faisant d’une pierre deux coups, de
ridiculiser la position des sionistes de gauche et de faire retomber la
responsabilité de l’écroulement de la coexistence un instant rêvée sur les seuls
Arabes, comme si le projet d’établissement d’un Etat d’Israël, nécessairement
sur les terres d’un peuple légitime de par son antériorité, les Arabes
(Palestiniens), n’était pas ontologiquement la cause première d’une situation de
conflit créée de toute pièce et absolument inévitable...
"Judah
Magnes, le leader d’Ihud, récusait toute partition de la Palestine, il
s’opposait à l’établissement d’un Etat juif qui altérerait la pureté du judaïsme
et irait à contresens de la communauté fédérale des nations, du sens de
l’Histoire ; au contraire, il avait soutenu la mise en place de la Ligue arabe
qui lui semblait correspondre au nouveau monde à venir."
>>> Retenons le nom du leader du mouvement Ihud, qui
avait eu la clairvoyance d’analyser le caractère anachronique de toute nouvelle
aventure colonialiste : en l’occurrence, celle de la création de l’Etat
d’Israël. On constate que sa clairvoyance allait jusqu’à envisager favorablement
une certaine forme d’unité du monde arabe, puisque la création de la Ligue arabe
correspondait, en partie, à cet objectif, n’eussent été son instrumentalisation
par le colonialisme britannique et son dévoiement par les régimes arabes
bourgeois.
"Au contraire, David Ben Gourion et le Mapai socialiste
reconnaissaient et acceptaient le fait que le sionisme, après les révoltes
arabes de 1929 et de 1936 et dès lors que Londres prenait graduellement ses
distances quant aux engagements envers le foyer national juif, devrait imposer
son projet par la force. "De la puissance, il nous faut de la puissance!"
clamait Ben Gourion en février 1937. Et plus loin : "malheureux peuple que nous
sommes, nous pataugeons en Pologne et baignons ici dans notre sang : en quoi le
sort des Arabes me concerne-t-il ?"
>>> La
deuxième citation de Ben Gourion devrait ouvrir les yeux des gens de bonne
volonté qui ont pu être séduits par l’"épopée" de la création de l’Etat
d’Israël. Les malheurs d’un peuple quel qu’il soit, fût-il juif, ne sauraient
justifier de quelconques exactions à l’encontre d’un peuple tiers, a fortiori si
cet autre peuple, bien loin d’être seulement totalement étranger aux
persécutions subies (de la part du même oppresseur : l’Occident impérialiste et
antisémite), est même victime du même bourreau... Mais sans doute les Arabes
étaient-ils pour l’Occident un peuple plus "paria" - et de loin - que les Juifs,
fort introduits auprès du gouvernement britannique,
notamment.
"C’est par réalisme qu’il concédait une partition
temporaire de la Palestine : "dès que nous serons devenus puissants, une fois
notre Etat établi, nous l’annulerons et nous nous étendrons sur tout le
territoire d’Israël". Mais quant aux Arabes, la situation était claire : "eux et
nous voulons la même chose, la Palestine : voilà le point fondamental de
conflit!" Ben Gourion et Jabotinsky en étaient arrivés à une conclusion
identique : seule l’élévation d’Israël à la puissance militaire plongerait les
Arabes dans le désespoir et les contraindrait à accepter un Etat juif en
Palestine, à se rendre à une évidence abhorrée, à négocier avec l’ennemi par
excellence. Une différence, cependant, entre les deux hommes : Ben Gourion ne
refusait pas le compromis territorial provisoire alors que Jabotinsky lui était
opposé ; mais quand le cabinet israélien repoussa d’une voix, le 26 septembre
1948, le projet de s’emparer de la Cisjordanie, le premier n’en vit pas moins
dans cette décision une cause d’affliction pour les générations à
venir."
>>> L’"avenir a prouvé", à partir
de 1967, combien Ben Gourion avait raison. Il est évident, n’est-ce pas, que ce
qui manquait à la joie du peuple israélien, c’était la Cisjordanie ?!? Il est
sans doute utile de rappeler la citation de Ben Gourion ("eux et nous veulent la
même chose, la Palestine : voilà le point fondamental de conflit!") à tous les
rêveurs qui pensent encore qu’une solution au Moyen-Orient est possible avec le
maintien d’un Etat d’Israël sous ses formes actuelles. Remarquons au passage que
le terme géographique utilisé par Ben Gourion pour désigner le territoire
faisant l’objet de ses convoitises et de la lutte des Palestiniens afin de le
conserver est bel et bien celui de "Palestine", notion que les détracteurs
sionistes de la légitimité de la lutte du peuple palestinien ne cessent pourtant
de déclarer "vide de sens", ainsi que tous ses dérivés, au premier rang
desquels, celui de "Palestiniens" désignant le peuple "indigène" vivant
légitimement sur ce territoire avant d’en être déraciné, et qui doit le
réintégrer au plus vite, après avoir été dûment indemnisé par les commanditaires
des Sionistes : les puissances occidentales colonialistes et l’URSS de Joseph
Staline.
"Ben Gourion avait parmi ses protégés et héritiers
spirituels deux hommes qui allaient faire carrière : Yitzhak Rabin et Shimon
Peres. Le premier, qui va devenir Premier ministre en juin 1974, se préoccupe
essentiellement de la sécurité de l’Etat ; il nomme ministre des Affaires
étrangères son ancien aide de camp à la Haganah (force de défense juive) Yigal
Allon. En tant qu’ex-officier du Palmah (troupes d’élite), ce dernier veut
conquérir tout le territoire de la Palestine occidentale du Mandat dont l’ONU
avait recommandé la partition et juge l’entreprise aussi désirable que
réalisable. Il pense qu’Israël, en 1949, a gagné la guerre mais perdu la paix,
que la carte de l’époque sera source de maintes guerres. Après la guerre des
Six-Jours, Allon soumet au gouvernement le plan qui portera son nom : annexion
du désert de Judée, du "bloc d’Etzion", et de l’environnement nord de Jérusalem
; le statut d’autonomie au reste de la Cisjordanie où sont concentrées les
populations arabes sera négocié avec celles-ci. Tout comme Allon, Rabin voit
dans le Jourdain une ligne vitale de frontière mais juge insupportable
l’intégration d’un million d’Arabes supplémentaires à l’intérieur de l’Etat
juif. Du moment où les frontières de l’armistice de 1949, indéfendables,
invitent à l’agression, il conviendra de faire passer environ un tiers de la
Cisjordanie et de la bande de Gaza, dans le cadre d’un traité de paix, sous
souveraineté israélienne. Partenaire souhaité par Rabin quant aux négociations
sur les territoires dont se retirera Israël, leur ancien propriétaire, la
Jordanie. L’OLP, organisation terroriste créée par la Ligue arabe trois ans
avant la guerre des Six-Jours avec pour objectif la destruction d’Israël - les
assassins de Kiryat Shmonah et de Ma’alot - n’entre pas en ligne de compte. Dès
lors que le roi Hussein annonce qu’il rompt les liens avec la Cisjordanie,
l’option jordanienne, en 1988, ne peut qu’être écartée. Rabin, ministre de la
Défense de 1984 à 1990 dans les deux cabinets d’union nationale, plaide
maintenant, soutenu par Arens, pour des négociations avec des leaders
palestiniens de Cisjordanie élus. Ce sera sa politique jusqu’à Oslo, la sécurité
primant dans son esprit sur la paix."
>>>
Ce passage est très important, car il montre que le désengagement de la Jordanie
en matière de Cisjordanie met un terme aux velléités israéliennes de "solution
jordanienne". On voit comment l’option de Rabin-Arens, basée sur des
négociations avec des leaders palestiniens de Cisjordanie "élus", est une option
en faveur de la sécurité (d’Israël) qui tourne le dos à la paix. Ceci n’est pas
sans intérêt pour la situation présente, où on ne cesse d’associer la paix à
l’impérieuse nécessité de la sécurité pour l’Etat d’Israël. Ce serait donc ça,
la révolution copernicienne d’Oslo ?
"Ce qui vaut également pour
Peres, fervent supporter du mur d’airain version Ben Gourion jusqu’au tournant à
la fin des années 80. N’écrit-il pas dans son livre La Nouvelle Etape de 1965
que la colonisation juive tempère l’ardeur guerrière des Arabes, que ceux-ci ne
perçoivent pas comme preuve de droiture les déclarations israéliennes de paix
mais y voient un signe de faiblesse, que le réalisme consiste à s’appuyer sur sa
propre force ? Ministre de la Défense de 1974 à 1977, Peres est considéré comme
le faucon du cabinet. Il s’oppose totalement à des négociations avec l’OLP, une
organisation qui touche des millions de dollars à partir des pays arabes pour
assassiner indistinctement des hommes, femmes et enfants juifs, civils et
militaires. Quand Sadate annonce spectaculairement en novembre 1977 son
intention de venir à la Knesset pour y discuter de paix avec Israël, Peres y
voit pure tactique à ne pas prendre au sérieux. Premier ministre en 1984, il
confirme sa volonté de négocier avec la Jordanie et non avec l’OLP et les
terroristes. Sa conviction : l’OLP ne peut ni ne veut négocier un compromis sur
les bases de la résolution 242 du Conseil de Sécurité de l’ONU parce que ses
dirigeants ne sont pas nés dans les Territoires et ne les représentent pas ; la
plupart d’entre eux viennent de territoires faisant aujourd’hui partie d’Israël
; l’OLP constitue l’obstacle majeur à une solution du problème palestinien ; le
roi Hussein, lui-même, n’a-t-il pas taxé Arafat, revenu sur une promesse
d’accepter la résolution 242, de menteur dans son discours à la nation de
février 1986 ?"
>>> Pérès va-t-en guerre
jusqu’au-boutiste et Husseïn de Jordanie : même combat ! On connaît les
critiques contre les "Palestiniens de Tunis". Elles ont en Peres un précurseur,
puisqu’il reproche aux fondateurs et membres de l’OLP de "ne pas être nés dans
les Territoires (occupés par Israël) et de ne pas les représenter " parce que
"venant, pour la plupart, de territoire faisant aujourd’hui partie d’Israël" !
C’est curieux, n’est-ce pas, qu’il y ait des Palestiniens assez ingrats pour
rentrer dans la résistance à Israël bien qu’ils aient eu l’immense "avantage"
d’être originaires de territoires placés sous la gestion "démocratique"
d’Israël. Arrive-t-il parfois à Shimon Peres de s’écouter parler
?
"Quatorze mois après ces accusations jordaniennes, Peres et
Hussein paraphent l’accord secret de Londres : négociations sur la Cisjordanie
mais sans l’OLP, que Shamir rejettera - Peres a agi de son propre chef pour ne
pas parler d’aval - et qui sera par la suite désavoué par Hussein en mai 1987.
Deux mois après, Shamir et Hussein se rencontrent à nouveau secrètement à
Londres; en septembre, le secrétaire d’Etat américain George Shultz suggère aux
deux parties de négocier le statut de la Cisjordanie consécutivement à une
rencontre symbolique avec des délégués syriens, égyptiens et libanais sous les
auspices des USA et de l’URSS. Cette fois, c’est Shamir qui accepte et Hussein
qui refuse parce qu’il n’a aucune confiance dans le partenaire. Trois mois plus
tard éclate l’Intifada et Hussein renonce officiellement en juillet 1988 à
toutes revendications sur la Cisjordanie, reconnaissant l’OLP comme unique
représentation des Palestiniens. Les travaillistes, privés de l’option
jordanienne, avaient le choix entre deux solutions : adopter les thèses de la
droite Likud sur l’autonomie ou négocier avec l’OLP. Rabin adopta la première
position, Peres la seconde. Dès lors que l’administration Reagan décide en
novembre 1988 d’entamer un dialogue nourri avec des représentants de l’OLP,
Rabin comprend qu’il doit agir rapidement. Lui et Moshe Arens, le ministre Likud
des Affaires étrangères, formulent ce qui allait devenir l’Initiative
israélienne de Paix, approuvée par le cabinet le 14 mai 1989 et qui appelait à
des élections en Judée-Samarie et à Gaza ainsi qu’à la mise en oeuvre des
accords de Camp David. Les deux hommes font alors une tournée des capitales
européennes et tentent de convaincre leurs interlocuteurs dirigeants, parmi les
Palestiniens, de résister aux menaces de l’OLP et d’accepter l’autonomie. Or, la
gauche travailliste a déjà initié un dialogue avec l’OLP et milite pour un
départ du gouvernement d’union nationale. Arens se plaint alors amèrement auprès
de Rabin quant aux méthodes subversives - discussions avec les Egyptiens,
contacts avec l’OLP, exfiltration de documents réservés aux médias - de Peres et
de ses jeunes disciples ; sans que le second discute."
>>> Ce passage met en évidence un paradoxe, mais si l’on
suit la chronologie, ce paradoxe n’apparaît pas encore clairement. En effet, les
Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, avec lesquels Rabin veut "négocier" et
auxquels il désire voir accorder une "autonomie" qui lui permettrait de dégager
les troupes d’occupation israéliennes de ce qui est déjà en train de s’annoncer
comme un bourbier (et à défaut de pouvoir les "refiler" à Hussein de Jordanie),
sont présentés ici comme les Palestiniens "conciliants" et prêts à dialoguer
avec Israël, par opposition aux "terroristes" de l’OLP manipulés par des
dirigeants "planqués" à Tunis... Or il suffit de reprendre l’état des lieux en
Palestine dans les premiers mois qui ont suivi la conférence de Madrid... Il
convient de se souvenir du fait que les délégués palestiniens étaient alors des
négociateurs habitant les territoires occupés (Hanan Ashrawi, Haydar Abdel Shafi
et, sauf erreur de ma part, Fayçal Husseïni) et que ceux-ci avaient été assez
cavalièrement (pour ne pas dire brutalement) écartés de la délégation
palestinienne par des caciques de l’appareil tuniso-arafatien (qui ne tardèrent
pas à faire leur "come back" à Jéricho dans les valises de Yasser Arafat) bien
que ceux-ci eussent été, horresco referens, considérés comme "personae non
gratae" par les Américains (et on pourrait le supposer, par Israël aussi) pour
avoir pris le parti du Satan de l’Amérique, du Hitler de Mésopotamie, du Boucher
de Bagdad, alias... Saddam Husseïn... Jusqu’ici, rien de paradoxal. Il faut
attendre le bain révélateur du déclenchement de la première intifada pour voir
le paradoxe apparaître, c’est bien l’intifada, en effet, qui le révèle. Ce
paradoxe consiste en ceci que les Palestiniens des Territoires, que l’on
supposait, de par leurs "contacts" avec les réalités israéliennes, beaucoup plus
conciliants et beaucoup plus favorablement disposés à l’égard d’Israël, se sont
révélés être beaucoup plus radicaux que les "Tunisiens" de l’OLP... Il est vrai
que quiconque connaît un peu Israël (et notamment le comportement des colons et
de l’armée de ce pays) sait bien que plus on s’en éloigne, plus on l’apprécie...
Donc, lorsqu’on est Palestinien, on peut envisager de venir négocier avec le
gouvernement israélien quand on a oublié ses bombardements sur Beyrouth (ce qui
est déjà un tour de force, mais si on est un aventurier militaire ou un
dirigeant peu rétif à la corruption, cela aide) et que l’on a été mis à l’abri à
Tunis par la marine militaire française, mais lorsqu’on vit quotidiennement les
vexations des forces d’occupation israéliennes en Palestine d’avant 1948 ou en
Palestine d’après 1967, on est d’autant moins enclin à négocier pour négocier,
et on a d’autant plus d’exigences concrètes en matière de respect des droits du
peuple sous occupation et de légalité internationale. Ajoutons que l’on est plus
formé à la dialectique politique, que l’on a plus songé à développer des
structures démocratiques (qui deviendront vitales pour la population durant
l’intifada), bref, que l’on a plus le sens de l’Etat, dans le deuxième cas. Et,
ajouterai-je à titre personnel, que l’on a sans doute plus un avenir national
devant soi... Idéalement, et bien que je n’aie aucun conseil à donner à qui que
ce soit, je verrais bien les leaders qui ont su agir sur le terrain et qui
connaissent leur peuple (à l’instar de Haydar Abdel-Shafi ou de Hanan Ashrawi,
et du regretté, à de multiples titres, Fayçal Husseïni) finir par prendre un
rôle démocratiquement dirigeant dans les instances étatiques palestiniennes. Et
mon conseil, c’est qu’ils devraient ne pas insister sur le retour de tous les
réfugiés palestiniens en Palestine, car l’intégration dans cette société en voie
de redressement de personnages peu recommandables ayant vécu, certes, en
combattants, mais essentiellement en exil, exigerait sans doute une réinsertion
dont le succès serait difficilement vérifiable. Au moins, que les personnes qui
ont ce profil soient tenues à l’écart des responsabilités jusqu’à ce qu’ils
aient fait leurs preuves sur le terrain...
"Les "jeunes
disciples" sont des gens comme Yossi Beilin et Uri Savir qu’on a pu qualifier de
"génies autoproclamés" ayant décidé unilatéralement une "transsubstanciation"
des Palestiniens"
>>> Je ne souligne pas ce
passage pour l’expliciter, je ne ferai pas l’insulte au lecteur de supposer
qu’il n’aurait pas compris ce dont il s’agit ici, mais je le cite comme très
représentatif d’un racisme qui se veut "subtil" des sionistes. Des intellectuels
qui, jusqu’à plus ample informé, me semblent avoir, pour ce qu’on en dit ici, en
France, donné des gages de leur honnêteté intellectuelle, sont anathémisés et
qualifiés de "génies autoproclamés", puisqu’ils ont l’idée baroque de
"transsubstancier" les Palestiniens. Il faut comprendre que cette opération a
ceci de commun avec la recherche de la pierre philosophale qui aurait permis la
transmutation du plomb en or (cette substance a été recherchée (vainement, bien
sûr) par les alchimistes du Moyen-Age, jusqu’au XVIème siècle) qu’elle est
strictement impossible. Pourquoi ? Mais parce que les Palestiniens sont
"intrinsèquement, ontologiquement et irréversiblement mauvais", bien sûr... ! La
suite montre que Beilin est un renégat : il a tourné le dos à la théorie du mur
d’airain : c’est dire ! Or vous connaissez la punition du parjure. Dans les
religions dites du "Livre", ça ne pardonne généralement pas. (Sauf dans
certaines religions authentiquement chrétiennes, bien que le problème ne soit
apparemment pas posé. Notons toutefois que, si la conversion d’un catholique au
protestantisme ne semble pas poser problème, il semble bien difficile, par
contre, à un néo-protestant de se parjurer et de se reconvertir au catholicisme,
car cela reviendrait à abandonner la "vraie foi". Connaissant les avantages
divers qui lui sont attachés (par le biais d’une certaine appartenance sociale à
une minorité influente), il faut être un peu maso sur les bords pour ce faire
ou/et réellement désintéressé et authentiquement en recherche "spirituelle". En
effet, autour de l’ecclesia protestante, il faut qu’il y ait aussi un sérieux
"mur d’airain". (Je lance ici une piste pour un chercheur en histoire de la
sociologie des religions sur le sujet suivant : "Le mur d’airain dans l’Ancien
Testament et ses avatars historiques"... Que l’éventuel lecteur protestant ne se
braque pas, je l’invite, si ce n’est déjà fait, à s’interroger sur la prégnance
du sionisme aux Etats-Unis, et dans une certaine société protestante ailleurs,
comme ici, en France. Résumé de ma question : la lecture de l’"Ancien Testament"
est-elle réellement sans danger, surtout pour des enfants
?
"Beilin a tourné le dos à la théorie du mur d’airain et s’est
converti après la guerre de Yom Kippur en 1973, comme il l’explique lui-même,
découvrant à quel point les espaces colonisés étaient dérisoires et se
convainquant de rejoindre le parti travailliste pour y renforcer le camp de la
paix. Tournant décisif donc : pour le Yossi Beilin nouveau, les Palestiniens,
une fois récupérés les territoires conquis par Israël en 1967 au sein d’un Etat
à eux, accepteraient de vivre en paix avec le voisin. Une représentation
tout-à-fait opposée à celle du mur d’airain selon laquelle les Arabes ne se
résoudraient que contraints par la force à l’existence
d’Israël."
>>> Traduction
concrète de la loi de fer du "mur d’airain" : ne cessez pas de taper sur les
Arabes, car c’est la seule manière de leur faire admettre l’existence d’Israël.
Je renvoie ici à ce que propose Sharon (en petit comité) : aboutir à une
souveraineté des Palestinienne sur le mouchoir de poche qui leur est dévolu, et
les bombarder dès- (et autant de fois -) que nécessaire s’ils s’avisent de se
constituer une force armée quelle qu’elle soit (en dehors d’une police
pléthorique nécessaire pour mater le peuple aussi souvent que nécessaire, sur
les directives venues directement du cabinet de Sharon, bien évidemment).
Corollaire de cette vision sioniste des Arabes : la latitude totale
d’effectivement leur taper dessus, en expliquant à l’opinion publique mondiale
que "de toutes manières, ils ne comprennent que la force". Mais il y a un hic :
il faut quand même s’attendre, même quand on s’appelle Israël, à une réponse,
sous une forme ou une autre...Tapez, tapez sur les Palestiniens : vous finirez
bien par avoir un attentat à Tel-Aviv... De plus, vous ferez d’une pierre deux
coups, car vous finirez par susciter "objectivement" l’apitoiement, ô combien
justifié, de l’opinion publique mondiale sur les victimes innocentes de cet
attentat et vous diaboliserez les Arabes. Mais pour un temps, seulement pour un
temps... Ayez garde que l’opinion mondiale n’établisse un parallèle entre le
jeune kamikaze palestinien, qui meurt en faisant sauter sa bombe ("pour rien",
écrit le Monde, quand l’attentat "échoue" : quelle horreur !) et un Sharon
balançant ses tonnes de bombes au phosphore et à implosion sur Beyrouth, sans
prendre aucun risque, ou un Barak, ce "yuppie" émoulu des universités
américaines, ce "fort en thème", qui se déguise en femme pour aller liquider à
la mitraillette des intellectuels palestiniens au Liban...La comparaison ne
ferait pas nécessairement pencher la balance du côté des édiles du Peuple Elu
claquemuré derrière son mur d’airain...Je rappelle, mais est-ce bien utile, que,
pour ce qui le concerne, l’auteur de l’article ne jure que par la Religion du
"Mur d’Airain", la Seule, la Vraie.
"Beilin initie des contacts
avec l’OLP dès le début des années 80 ; il est assisté par Yair Hirschfeld,
professeur à l’université de Haïfa, ami de Bruno Kreisky, le chancelier
autrichien qui a reçu Yasser Arafat comme un chef d’Etat à Vienne en juillet
1979. Beilin s’oppose farouchement à ce que passe la loi "la plus réactionnaire
et la plus honteuse de l’histoire d’Israël", en 1986, qui interdit aux citoyens
israéliens des contacts avec des représentants de l’OLP. Il est l’un des rares
hommes politiques du pays à se louer du tournant de l’administration Reagan sur
le dialogue avec l’OLP et fait tout ce qu’il peut pour saboter les efforts de
Rabin et Arens quand ceux-ci veulent organiser des élections en Judée-Samarie et
à Gaza. Alors que Peres lui-même a rejeté la suggestion du ministre néerlandais
des Affaires étrangères, Max van der Stuhl, d’établir un canal secret de
négociations avec l’OLP aux Pays-Bas, en mars 1989, Beilin part trois mois plus
tard pour La Haye négocier une déclaration de principes avec Afif Safieh, le
représentant de l’organisation en Hollande ; il se met en août 1990 d’accord
avec des leaders de l’OLP à Jérusalem sur un cadre de négociations à venir ; il
maintiendra cette position, malgré l’intervention avortée de terroristes sur une
plage israélienne le 30 mai 1990 et l’appui enthousiaste apporté par Arafat à
Saddam Hussein durant la guerre du Golfe."
>>> C’est là où il faut s’accrocher aux branches, les
gars : la tempête (intellectuelle) forcit. L’OLP devient l’horreur de
l’abomination, parce qu’elle a fricoté avec Saddam. (Ici, il faut tenir le plus
grand compte de la chronologie, car il a bien fallu la Guerre du Golfe pour que
l’irrémédiable et impardonnable faute d’Arafat ait été commise). Si je comprends
bien, sans ce têtu (ce pelé, ce galeux, ce "transsubstanciateur de
Palestiniens") de Beilin, il n’y aurait pas eu de négociations du tout, alors ?
Déjà que, sans la guerre du Golfe, non plus... Il faudra songer à édifier une
statue à ce Beilin quand tout aura été aplani...
"Quatre jours
avant les élections législatives de juin 1992 en Israël, Beilin définit
secrètement avec le Palestinien Fayçal Husseini un ordre du jour de
négociations. Après les élections, Rabin se résout bon gré mal gré à la
nomination du "caniche de Peres" en qualité de numéro deux des Affaires
étrangères. Et premier engagement de celui-ci sitôt entré en fonctions : il
milite pour que soit abrogée la loi de 1986, ce qui se produit de fait en
janvier 1993 sans que Rabin, hostile, ait cependant pris part au vote.
>>> Alors, ré-énumérons les qualités de Beilin
: têtu, pelé, galeux, "transsubstanciateur de Palestiniens" et maintenant : ...
caniche de Peres. Comme quoi le chien peut être plus intelligent que le maître
!
Faisons le point : si la religion dont on ne saurait déroger est bien la
loi du "mur d’airain", son antithèse proprement diabolique est la suppression de
la loi (israélienne) de 1986 qui interdit tout contact d’un Israélien avec l’OLP
! C’est cohérent, ça tourne : eût la loi du mur d’airain été strictement
observée, il n’y aurait jamais eu d’infraction à la loi de 1986, donc aucun
contact d’aucun Israélien avec aucun responsable national(iste) palestinien, et
donc... aucun accord d’aucune sorte que ce fût. L’idéal aurait été que les
Palestiniens se livrassent à la pitrerie des élections dans les territoires
occupés (pardon, "libérés", je parle depuis le point de vue israélien,
j’oubliais...) et à la mascarade de l’"autonomie" royalement concédée par MM.
Rabin et Peres (mais avec les timbres-poste israéliens, tout de même : il faut
savoir ne pas aller trop loin...)
"Beilin n’informe d’ailleurs
pas Peres et Rabin des négociations qui ont commencé à Oslo en décembre 1992
entre Yair Hirschfeld, Ron Pundak et Abu Ala, car il sait bien que Rabin aurait
interrompu le processus avant même qu’il ne débute. En février 1993, les trois
négociateurs se mettent d’accord sur des principes de base et Beilin en informe
Peres, abasourdi, qui traite Hirschfeld et Pundak de fous et transmet
l’information à Rabin. Ce dernier estime d’abord que ces conversations peuvent
faire avancer les négociations de Washington entre Israéliens et
Jordano-Palestiniens, mais ne prend pas Oslo au sérieux. Quand on lui demandera
plus tard pourquoi il n’avait partagé le secret avec personne de son entourage
proche, il répondra franchement qu’il avait des doutes sur un quelconque
résultat. Mais Oslo place Rabin devant un dilemme : d’une part, il est hostile à
des négociations avec l’OLP ; d’autre part, il sait que son engagement électoral
à trouver un accord avec les Palestiniens d’ici mars 1993 n’était pas réaliste.
Au même moment, Hirschfeld et Pundak n’attendent que son aval pour trouver un
agrément avec Abu Ala. En mai, Rabin se décide à envoyer le directeur général
des Affaires étrangères, Uri Savir, à Oslo. Mais il expédie tout de suite après
une lettre exaspérée à Peres, lui reprochant le fait que les négociations
secrètes aient été initiées sans qu’il en soit informé, sans consulter l’armée
et accusant l’OLP de manipuler Israël à Oslo de façon à saboter les négociations
de Washington. Il y avait là un revirement de Rabin que Beilin ne parvenait pas
à s’expliquer. Or, le premier était déchiré : Oslo signifiait une révolte contre
la théorie du mur d’airain à laquelle il avait adhéré toute sa vie ; mais Oslo
offrait un moyen de composer avec les Palestiniens. Il y aura néanmoins dans
cette affaire une ruse de l’Histoire : Israël allait ressusciter une OLP défaite
et ruinée dès lors que les Etats-Unis avaient interrompu le dialogue avec cette
organisation et finalement accepté la position israélienne selon laquelle
l’organisation de Tunis ne représentait pas les Palestiniens de Judée-Samarie et
de Gaza. Le secrétaire d’Etat James Baker n’admettait-il pas à propos de
l’Intifada que l’autorité de l’OLP, au cas où les Palestiniens de l’intérieur
décideraient d’agir par eux-mêmes, s’en trouverait diminuée ? Et l’ambassadeur
US Martin Indyk n’avait-il pas publié en 1991 un article intitulé Peace without
the PLO, soutenant qu’une combinaison du recul de l’OLP et de l’impact de
l’Intifada pouvait avoir pour effet un déplacement du pouvoir de Tunis aux
leaders locaux, plus sensibles aux problèmes des populations."
>>> Rabin n’a pas pu empêcher les négociations d’Oslo
d’avoir lieu, en secret. Le fait de se dérouler en secret est le propre des
négociations secrètes... On a vu plus haut que les négociateurs israéliens ne
pouvaient pas négocier au grand jour sans s’exposer aux graves sanctions de la
loi israélienne de 1986, qui prévoit de donner un grand coup de règle sur les
doigts du chenapan qui oserait passer la tête au-delà du mur d’airain (qui n’a
pas d’ouvertures, ou bien : en a-t-il ?). Rabin finit par être déstabilisé : il
a du mal à renoncer à la loi de fer du mur d’airain, à laquelle il a adhéré
toute sa vie, mais "Oslo lui offrait un moyen de composer avec les
Palestiniens". Discuter avec les Palestiniens, ou ne pas discuter avec les
Palestiniens, That is The Question ! Il faut bien comprendre que sans
l’intifada, cette question ne se pose pas réellement. De même : Discuter avec
les Arabes, ou pas discuter avec les Arabes, That is The Question ! est une
grave question qui s’est posée, surtout, avec l’enlisement de "Tsahal" dans le
bourbier libanais... Comme quoi, tout se résume à un rapport de force. C’est là,
aussi, une "Big Question" : quelque épais que soit votre mur d’airain, vous
n’êtes pas invincibles. Les Américains, au Vietnam, s’étaient enfermés, eux,
dans une bulle d’airain : encore mieux ! On sait ce qu’il en est advenu. (Et
puis, à titre de plaisanterie, que m’inspire l’un des dessins du remarquable
caricaturiste palestinien Bukhari, je dirai ceci aux Israéliens : prenez bien
garde qu’une brave mère de famille palestinienne ne vienne marteler votre mur
d’airain avec son pilon en airain, lui aussi, (qui lui sert ordinairement à
piler l’ail) : vous pourriez bien, comme le petit personnage Abu al-Abed, son
mari, finir par devenir dingues...)
"Rabin finit par souscrire à
Oslo, mais on peut douter que ce Premier ministre qui a immédiatement campé le
tableau après son élection en juin 1992 - élections dans les Territoires,
négociations sur l’autonomie palestinienne conformément aux accords de Camp
David, statut final reposant sur les principes du plan Allon, ait pleinement
apprécié le caractère subversif d’Oslo. Le processus contredit Camp David sur
quatre points : abandon du pilier de la politique israélienne depuis 1967, soit
la distinction entre l’OLP de Tunis et les Palestiniens de Judée-Samarie et de
Gaza ; Jérusalem incluse dans les négociations ; référence à un problème général
des réfugiés, donc incluant ceux de 1948 et non simplement les personnes
déplacées de 1967 ; reconnaissance du droit des Palestiniens à une autonomie
territoriale et non plus simplement fonctionnelle. Il y a là une contradiction
avec tous les principes de Rabin, exposés en juillet 1992 : Jérusalem non
négociable, pas de contacts avec l’OLP en tant qu’organisation. Ses déclarations
confuses sur le conflit israélo-arabe entre Oslo et sa mort tragique ne
parviennent pas à nous éclairer."
>>> Le
sort de Rabin était scellé dès lors qu’on abandonnait Camp David (I, bien sûr)
pour résoudre le problème du Moyen-Orient y compris dans sa dimension
palestinienne (oh, excusez-moi, j’avais oublié que la dimension palestinienne
n’existe pas, pour le Rabin de l’époque : je corrige : dans sa dimension
judéo-samaritaine...) pour adopter Oslo. En effet, avec Oslo, le ver était dans
le fruit : regardez donc tous les sujets qui fâchent que contenait ce projet :
Jérusalem, le "problème général des réfugiés, y compris ceux de 1948" (ah bon,
Monsieur Navon, parce qu’en 1948, il y a eu des réfugiés ? Je le note...). Donc
l’adoption d’Oslo était l’erreur fatale à ne pas commettre. Et en effet, les
événements ont montré que, même si les Israéliens ont été très très forts pour
faire traîner les choses en matière de mise en application d’Oslo, tout en
faisant exactement le contraire de ce que cet accord préconisait pour des
territoires (occupés) qui devaient être rendus par Israël à leur propriétaire
légitime (les colonies...), eh bien, malgré tout ça, on a l’impression qu’il
faudra qu’à un moment ou à un autre, tôt ou tard, les Israéliens s’exécutent...
Il faudra combien d’intifadas, pour çà ?
Bien sûr, on ne peut pas revenir en
arrière et réécrire l’histoire. Mais est-ce si sûr que çà ? Et si le régime
jordanien, menacé et destabilisé comme on le sait, finissait par opter, à son
tour, pour un "retour" à l’option rabinienne antéosloïque, celle de la dimension
"palestinienne" (je conserve ce qualificatif pour l’aisance de la démonstration,
pardon, Yitzhaq) de Camp David I ? Est-il sûr que cela ne s’inscrirait pas dans
les faits ?
Cela serait, CQFD, un retour au respect de la loi du "mur
d’airain", et les Palestiniens seraient le plus heureux des peuples, puisqu’ils
sauraient d’avance que toute tentative de bâtir les symboles et les moyens d’une
véritable souveraineté serait immédiatement anéantie par les bombardements
ciblés des drones co-produits par les technologies aéronautiques israélienne
et... française (voir, ces jours-ci, le salon du Bourget... Ca discute ferme...)
Cela leur permettrait de réaliser de sérieuses économies budgétaires. D’autant
que, par esprit pratique, ils n’imprimeraient pas non plus leurs manuels
scolaires, qui leur seraient fournis par le Ministère israélien de
l’éducation...
Mais c’est ce vers quoi on s’achemine, forcément, puisque
c’est le retour dans le droit chemin de la loi du mur d’airain de Monsieur
Navon, qui n’est ni un caniche ni un génie autoproclamé, puisqu’il n’a jamais
pris les Palestiniens pour autre chose que ce qu’ils sont : des salauds à
surveiller constamment depuis la voie des airs, et à bombarder avant qu’ils
n’aient eu le temps de lever le petit doigt.
"Peres, au contraire,
fournira un exposé détaillé. Il n’a pas initié Oslo, mais l’a pleinement assumé.
Le processus, idéaliste, s’oppose au principe du mur d’airain qui avait guidé
toute sa carrière. Il avance cependant audacieusement, admet avoir changé et
décide d’expliquer ce revirement dans son Nouveau Moyen-Orient, le livre qu’il
publie après la signature des accords d’Oslo. Il aurait réalisé qu’il vivait
dans un monde nouveau et serait du même coup devenu un homme nouveau : ce n’est
pas lui qui a d’abord changé mais le monde. Et dans le monde nouveau de Peres,
au-delà des idéologies, les rivalités économiques ont pris la place de la
confrontation militaire ; le sionisme était l’affaire d’un autre âge, de
l’ancien monde et Israël doit apprendre à s’adapter aux conditions historiques :
déclin progressif des nationalismes, effacement graduel des frontières, de la
puissance militaire, de la souveraineté nationale. Cercle vertueux de Peres au
Moyen-Orient : la prospérité entraînera la démocratie qui à son tour conduira à
la paix. En somme : il nous demande de signer des accords avec des dictatures
tout en admettant que la paix ne peut s’établir qu’entre Etats démocratiques. En
conclusion : la gauche israélienne, de tourner le dos au mur d’airain, a perdu
le droit de parler au nom d’un quelconque réalisme."
>>> Ouf ! Cher lecteur, je pense que vous êtes rassuré.
On aurait pu croire, dans un instant de faiblesse, que Peres aurait choisi
d’abandonner son credo de jeunesse en la loi du mur d’airain pour les bonnes
raisons. Mais non : il n’a fait qu’écouter son économisme néolibéral
globalisé... Mais ; quelle frayeur, non ? Quel farceur, ce Peres...
Mais
justement, la géostratégie est affaire sérieuse : la gauche israélienne est
disqualifiée : "en tournant le dos au mur d’airain, elle a perdu le droit de
parler au nom d’un quelconque réalisme" (fût-il pérèsien...). Donc : revenons
aux choses sérieuses. A la droite. Et au mur d’airain...
Il n’y aura donc pas
d’ouverture vers un avenir possible avant que Monsieur Navon n’ait accédé aux
plus hautes destinées de l’Empire israélien du Moyen-Orient...
Suspense...
"Il faut revenir au Mur d’Airain - Sept ans après
la signature de la Déclaration de Principes entre Israël et l’OLP, avec les
architectes d’Oslo dans des fonctions éminentes au gouvernement travailliste, le
pays se trouve embourbé dans une guérilla avec l’OLP à l’intérieur de ses
propres frontières ; il n’y a plus d’ambassadeur égyptien ou jordanien à
Tel-Aviv ; les relations économiques avec le Maroc, la Tunisie, Oman et le Qatar
ont été interrompues ; Israël se trouve aussi isolé dans le monde qu’avant la
Conférence de Madrid en octobre 1991 ; et le Moyen-Orient est à l’aube d’une
nouvelle guerre régionale. Un fiasco, la substitution au mur d’airain du Nouveau
Moyen-Orient."
>>> Quelle objectivité !
C’est le processus d’Oslo en lui-même (et Dieu sait s’il présentait des failles,
mais opposées à celles qu’invoque M. Navon) qui est responsable du marasme dans
lequel se trouve Israël actuellement (qui lui fait dire que tout ce processus
est un fiasco et qu’il faut revenir à quoi ? ... mais : au mur d’airain, bien
sûr!) et non pas sa non-application systématique par la partie israélienne. Il
est exigeant, ce Navon. Rabin, Netanyahu et Barak lui sabotent le processus
d’Oslo dans lequel ils se sont engagés de la manière insincère que l’on sait,
mais ils ne le sabotent pas assez. D’ailleurs, ils auraient dû le refuser
purement et simplement dès le départ. Or si processus il y a, n’est-ce pas parce
que les Américains considéraient - à juste titre (pour une fois) - qu’il
s’agissait de la seule "solution" au Moyen-Orient leur permettant de sauvegarder
leur porte-avion arrimé en Méditerrannée : Israël ?
"D’ailleurs,
si les conquêtes de 1967 avaient été la raison du conflit israélo-arabe,
pourquoi le monde arabe réclamait-il la destruction d’Israël avant la guerre des
Six-Jours ? Pour la gauche, la Syrie ne veut que le Golan, l’OLP ne veut que la
Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-est, le Hizbollah ne voulait que le Sud-Liban ;
dès lors qu’ils auront récupéré tous ces territoires, Israël pourra vivre en
paix. Mais s’il en est ainsi, pourquoi Assad a-t-il repoussé l’offre de Barak
qui lui proposait 99% du Golan ? Pourquoi Arafat a-t-il refusé 90% de la
Cisjordanie et Jérusalem-est ? Pourquoi le Hizbollah continue-t-il de nous
combattre alors que nous nous sommes retirés de notre zone de sécurité au
sud-Liban ?"
>>> Rappelons qu’en juin 1967,
c’est Israël qui a déclenché sa "guerre préventive"... ("pour sa survie",
pleurnichaient en choeur les radios, à l’époque). Personne n’a jamais prétendu
que les conquêtes d’Israël étaient le seul motif de la Guerre des Six Jours,
puisqu’elles sont bien, logiquement, la conséquence (inespérée) d’un conflit
lancé par un frêle petit pays démocratique assiégé au Peuple Elu duquel la main
de Dieu a donné le coup de pouce que l’on sait... Mais M. Navon n’est jamais
gêné lorsqu’il s’agit d’attribuer des propos délirants à ses "adversaires" dans
la polémique, puisque cela lui permet d’"étayer" ses propres contre-vérités tout
en discréditant ses interlocuteurs.
Enfin, j’aimerais pouvoir rencontrer M.
Navon pour lui apporter une réponse simple à ses interrogations inquiètes sur
les différents ennemis d’Israël qui, nous dit-il, refusent de recevoir, pour les
plus chanceux, 99% seulement de leur territoire conquis par Israël : "ils en
veulent 100%, banane !"
"Les architectes d’Oslo se trompent à deux
égards. Ils croient qu’Israël fera pleinement partie du Moyen-Orient quand nous
aurons abandonné chaque pouce de territoire conquis en 1967 ; ils pensent que
l’OLP a changé. Prenons l’exemple de la paix avec l’Egypte. Comme s’en souvient
Moshe Arens, il était difficile de comprendre, en Israël, pourquoi Le Caire,
après avoir récupéré le Sinaï, faisait une histoire formidable pour Taba, ce
kilomètre carré autrefois désertique et désormais partie de la station
touristique d’Eilath et restitué sur arbitrage international en 1988 ; on y
criait de fait "à Taba aujourd’hui, demain en Palestine!" Durant les deux
décennies de paix avec l’Egypte, Le Caire a rappelé deux fois son ambassadeur à
Tel-Aviv : pendant la guerre du Liban et l’Intifada d’al-Aqsa : le gouvernement
égyptien n’a jamais tenté de modérer les médias du pays dans leur propagande
anti-israélienne ; la coopération économique entre Israël et l’Egypte ne s’est
jamais concrétisée ; Le Caire n’a jamais renoncé - 12 milliards par an pour la
défense - à sa doctrine d’achats massifs d’armes, alors que le pays n’est en
rien menacé. Tout ce qu’Israël peut attendre de l’Egypte, c’est un statut
précaire de non-belligérance."
>>> Ah bon,
l’Egypte aurait réussi à récupérer son Sinaï avant de se claquemurer elle aussi
- c’était bien son tour - dans sa muraille d’airain ? Qu’à Taba, les Egyptiens
aient "crié" : "aujourd’hui Taba, demain la Palestine", cela n’a pas laissé des
souvenirs impérissables. Mais de toute manière, il ne suffit pas de se contenter
de crier...
"Sadate avait signé la paix pour récupérer le Sinaï,
mais l’Egypte ne souhaite pas ouvrir son économie à la mondialisation qui
finirait par miner son gouvernement autoritaire. De même pour la Syrie qui n’a
pas l’intention de céder aux sirènes de la démocratisation. Le président Bashar
al-Asad n’a-t-il pas accusé Israël, lors de la conférence islamique du Qatar, en
novembre 2000, de nazisme! Même le journal Ha’Aretz, à tendance de gauche, admet
que ce discours d’Assad nous ramenait à l’Ancien Moyen-Orient. Assad n’a aucun
intérêt à la pacification de la région, il a besoin de chimères comme l’unité du
monde arabe et la menace sioniste pour faire tenir son régime."
>>> Nous voilà prévenus : un triomphe du libéralisme sous
sa forme mondialisée serait aussi le triomphe d’Israël. On comprend mieux les
raisons profondes de la pensée unique dont on nous bassine. (Ce n’est pas un
hasard, non plus, si, ce jour, José Bové se fait arrêter par la police
israélienne alors qu’il manifestait devant une colonie pour dénoncer la
politique de colonisation du gouvernement israélien, cet obstacle majeur à la
paix au Moyen-Orient). M. Navon, ou alors est-ce son traducteur, utilise un
terme, pour désigner l’établissement de la paix au Moyen-Orient - la
"pacification" - qui a des connotations, dans la France d’Aussaresses, qui en
rendent le maniement assez délicat...
"Et puis l’OLP aurait
changé. Cette organisation créée en 1964 par la ligue arabe non pas pour
exécuter le plan de partition de l’ONU sur les bases des frontières de
l’armistice de 1949 mais dans le but de détruire Israël, comme l’affirmait
d’ailleurs clairement sa charte. "Des cessez-le-feu peut-être, mais jamais la
paix", comme le clamait un des dirigeants de l’OLP, Amar Mubari Jamal, en 1986.
Ou bien une paix de Saladin, dans les termes d’Arafat en 1989, soit un agrément
temporaire destiné à faciliter à terme l’expulsion des sionistes de
Palestine."
>>> On peut penser qu’Arafat
faisait allusion à la tolérance (religieuse) de Saladin, entrée dans la légende
après la reconquête de Jérusalem par les Musulmans et non d’un Saladin retors
qui ne se serait montré clément envers les Croisés que pour avoir le plaisir de
les mettre à la porte de la Palestine bien des années plus tard... Mais il est
vrai que ce Yasser Arafat est un filou. Il serait pas un peu Kurde sur les
bords, comme Saladin ?
"Objectif stratégique du leader de l’OLP,
une guerre régionale au Moyen-Orient qui permettrait aux forces arabes unies de
combattre et battre Israël. Voilà qui doit encore guérir le monde arabe de ses
maux internes. Arafat a tenté de prendre toute sa part à l’entreprise par la
formation d’un Etat (palestinien) dans l’Etat de Jordanie jusqu’à son
élimination par Hussein en septembre 1971 puis au Liban d’où l’armée israélienne
le chassa en 1982. Le dirigeant du Fatah Abu Ayad ne faisait pas mystère en 1985
des intentions de l’OLP : récupérer toute la Palestine occupée. Et Faruk Kadumi
la même année : le droit des Palestiniens à libérer les territoires perdus en
1967 et en 1948. Dès lors que Hussein avait renoncé en juillet 1988 à ses droits
sur la Cisjordanie et Gaza, Arafat lança une offensive diplomatique destinée à
lui redonner une légitimité, mais il savait qu’il lui fallait pour cela
reconnaître Israël et accepter les résolutions 242 et 338 du Conseil de Sécurité
; il déclara donc devant le parlement européen le 13 septembre 2000 que l’OLP
était prête à accepter ces résolutions mais dans le cadre d’autres résolutions
adoptées par les Nations Unies, soit entre autres celle du 10 novembre 1975 qui
plaçait sionisme et nazisme sur un même plan ou celle du 24 novembre 1976
fondant la solution au problème palestinien sur la charte de l’OLP, sans compter
les innombrables résolutions appelant au retour des réfugiés en Israël et
déniant à l’Etat hébreu toute souveraineté sur Jérusalem. Dans sa déclaration
officielle à Genève du 13 décembre 1988, Arafat condamnait le terrorisme mais
précisait aussitôt qu’il entendait par terrorisme l’exécution de Palestiniens
par Israël et saluait la mémoire des "martyrs" comme Abu Jyad, responsable
d’attaques terroristes contre Israël en 1974, 1978 et 1985. Appelé à clarifier
sa pensée, le leader palestinien renonçait le lendemain au terrorisme et
reconnaissait le droit à toutes les parties, l’Etat de Palestine, Israël - et
non l’Etat d’Israël - et les Etats voisins à vivre dans la paix et la sécurité.
Shimon Peres lui-même, ne réagira-t-il pas à ces déclarations en notant que
cette "clarification" continuait à plaider, dans l’ambiguïté et le double
langage, pour la violence ? Les preuves, au demeurant, se multiplient. Salim
Zanun, porte-parole du Conseil national palestinien, le 23 décembre 1988 : le
combat contre l’ennemi sioniste et ses alliés se poursuit. Abu Ayad, lieutenant
d’Arafat le 13 janvier 1990 : l’OLP ne s’est jamais engagée à cesser le combat
armé. Nayif Hawatmé, leader du Front Populaire pour la Libération de la
Palestine, le 19 avril 1989 : la révolution palestinienne s’est engagée à
libérer le pays de la mer au Jourdain, du sud au nord. Rien d’étonnant à ce que
l’OLP ait revendiqué l’attaque terroriste avortée contre des citoyens israéliens
le 30 mai 1990. De même pour la "reconnaissance" d’Israël. Abu Ayad, le 1
février 1989 : nous n’avons pas reconnu Israël ; ni à Alger, ni par le discours
d’Arafat à Genève. Et Arafat confirme en janvier 1990 : l’Etat d’Israël est une
conséquence de la seconde guerre mondiale et il est appelé à disparaître tout
comme le mur de Berlin. D’où la stratégie des étapes approuvée par le Conseil
national palestinien en 1974, telle que la définit Abu Ayad en janvier 1988 :
établir un Etat palestinien d’abord en Cisjordanie et à Gaza et mobiliser
ensuite cet Etat en avant-poste contre Israël. Arafat corrobore cette approche
après la signature de la Déclaration de Principes en 1993 : nous continuerons la
marche jusqu’à ce que le drapeau de la Palestine flotte sur
Jérusalem."
>>> Tout ça montre bien que, si
discussion et négociations il doit y avoir, une chose ne se discute pas : la
légitimité d’Israël à exercer sa souveraineté sur la totalité de Jérusalem
(entre autres). M. Navon, qui considère que le processus d’Oslo était une
erreur, qui s’est soldée par un fiasco (moi aussi, pour les raisons inverses),
pense-t-il que l’Intifada d’al-Aqsa a bien eu lieu, qu’il s’agit d’un événement
non sans importance, ou bien considère-t-il qu’Ariel Sharon s’en est d’ores et
déjà rendu maître et qu’elle ne fait même plus partie du passé, totalement
éradiquée qu’elle est (grâce à la reprise en main des médias pilotée depuis...
Israël) ?
"D’où les constantes violations des accords d’Oslo par
l’OLP. Même le gouvernement Barak l’admet dans le Livre Blanc publié en novembre
2000. Usage de la violence, coopération avec le Hamas, utilisation d’armes
illégales, incitation à la haine, établissement d’une police bien plus
importante que les accords avec Israël ne le prévoyaient, activité des
Palestiniens au-delà des territoires soumis à leur juridiction, importation
d’armes par l’aéroport de Gaza, relations diplomatiques avec d’autres pays,
refus d’expulser des touristes présents sur le territoire palestinien sans visa
israélien, ignorance des accords économiques signés à Paris en avril 1994, vol
de voitures privées et non paiement des impôts sur les véhicules, non protection
des lieux saints du judaïsme tels la tombe de Joseph et l’antique synagogue de
Jéricho. Et le point d’orgue : le lancement de l’Intifada d’al-Aqsa en septembre
2000. Non seulement l’OLP a utilisé les armes que lui a fournies Israël pour
tirer sur des citoyens israéliens mais elle a libéré dans leur majorité les
terroristes du Hamas qu’elle détenait. Comme par exemple Mohammad Deff,
dirigeant militaire du Hamas, responsable d’une série d’attentats-suicide à la
bombe à Jérusalem et Tel-Aviv en février-mars 1996 ainsi que du kidnapping et de
l’assassinat d’un certain nombre de soldats israéliens, qui a pu s’échapper le 7
décembre 2000. L’Autorité palestinienne, censée coopérer avec Israël à
l’arrestation des activistes du Hamas, condamne à mort des Palestiniens qui
fournissent des informations sur cette organisation aux services de sécurité
israéliens. Et Arafat fait tout pour empêcher que se développe un contexte de
voisinage pacifique entre Israéliens et Palestiniens : il a interrompu les
matchs de football Arab-Efrat, empêché que se mette en place une clinique à
corps médical palestinien subventionnée par des donateurs américains et laminé
une école palestinienne destinée à enseigner la coexistence pacifique aux
élèves. Arafat continue à cultiver son image de combattant de la liberté, ne
quitte jamais son uniforme et a circulé le 5 décembre 2000, lors de son retour à
Gaza, une mitraillette à la main. Il est surprenant, compte tenu des
déclarations constantes du leader palestinien, qu’Israël n’ait pas demandé la
démilitarisation des territoires retournés à l’OLP comme dans le cas du Sinaï
mais fourni au contraire des armes à cette organisation."
>>> Si le Livre Blanc du gouvernement Barak dénonce les
"constantes violations des accords d’Oslo par l’OLP", alors, on ne peut que
s’incliner... Et admettre que l’échec du processus - honni par M. Navon - d’Oslo
est dû à ces violations constantes de l’OLP... M. Navon va-t-il rejoindre
bientôt un camp d’entraînement dans la Bekaa libanaise pour rejoindre une
formation militaire de l’OLP qui, à la différence des gouvernements israéliens
successifs, a réussi - elle, au moins - à faire capoter Oslo ?
"Il
n’est que de consulter les manuels publiés en septembre 2000 par l’Autorité
palestinienne à l’intention des six premières classes pour comprendre ses
orientations. Bilan d’un sondage conduit par l’université de Bir Zeit en
Cisjordanie et dans la bande de Gaza : 74,3% des personnes interrogées ne sont
pas prêtes à accepter une souveraineté israélienne sur Jérusalem-ouest même si
la partie orientale devenait la capitale d’un Etat palestinien à venir ; 91,5%
considèrent que la paix ne sera pas possible si Israël ne reconnaît pas aux
Palestiniens le droit au retour ; 6,2% ne croient pas à une chance de
coexistence pacifique entre Israéliens et Palestiniens ; 64,8% ne
considéreraient pas sous un angle positif une relation amicale des deux parties
même en cas d’établissement d’un Etat palestinien.
Donc, un Etat juif en
Palestine restera objet d’anathème non pas seulement aux yeux des militants du
Hamas, mais pour tous les Palestiniens. Azmi Bishara, membre de la Knesset,
estime que toute la Palestine est occupée et voilà une illustration parfaite de
l’erreur commise par la gauche sioniste : elle parle des événements de 1967
comme si ceux de 1948 n’avaient pas eu lieu. Quel que soit le compromis adopté,
il ne mettra pas fin au conflit qui oppose Israéliens et Palestiniens et le
combat antisioniste des Arabes se poursuivra. D’où le raisonnement de Bishara
selon lequel l’affaire ne pourra se conclure qu’avec une désionisation d’Israël,
ce qui veut dire que l’Etat juif lui-même n’est pas légitime pour cet Arabe
israélien ; les Juifs devraient en finir avec cette bizarre histoire de
sionisme! Qu’ils renoncent à la Loi du retour (pour tout Juif de la diaspora), à
l’Agence juive et au Fonds national juif, qu’ils reconnaissent par contre le
droit aux réfugiés palestiniens de rentrer au pays dans ses frontières d’avant
1967, qu’ils abandonnent enfin l’idée même d’un Etat juif et la paix sera
possible. En somme, Bishara perçoit Israël comme une forme moderne d’Etat
croisé, mais se refuse à attendre un siècle la venue d’un autre Saladin. Ce
n’est pas un terroriste du Hamas dont il s’agit ici, mais d’un titulaire de Ph.
D. Et d’un membre de la Knesset ; la différence entre lui, d’une part, l’OLP et
le Hamas, d’autre part, c’est que les seconds souhaitent détruire Israël par la
guerre, alors que lui en envisage la fin par la désionisation. Il n’est que de
lire les déclarations de l’actuel membre Likud de la Knesset et ancien militant
de la Paix maintenant Yuval Steinitz pour comprendre son amère désillusion :
avoir défilé des années durant en revendiquant un Etat à chaque peuple et
s’entendre dénier ce droit à l’Etat juif par certains de ses ex-camarades
!"
>>> Eh oui, le Saladin des temps
modernes, ce n’est pas Arafat : c’est Azmi Bishara. Il faudra bien que Monsieur
Navon s’y fasse : n’est pas Saladin qui veut, et il n’y en eut qu’un : se méfier
des contre-façons..
"Le retour au réalisme - Il y a une
alternative à Oslo : le retour au réalisme du mur d’airain. Etre réaliste, cela
veut dire affronter deux faits concomitants et difficiles à admettre : d’une
part, les Arabes aspireront toujours à la destruction de l’Etat d’Israël,
quelles qu’en soient les frontières ; d’autre part, l’intégration des deux
millions d’Arabes qui peuplent la Judée et la Samarie équivaudrait à un suicide
démographique. Il convient donc d’appliquer unilatéralement et par la force une
version révisée du plan Allon. Par la force, du moment où Israël ne saurait se
dégager par des négociations du bourbier palestinien : le roi Hussein avait en
son temps refusé de négocier le plan Allon parce qu’il craignait pour sa vie.
L’autonomie projetée par Begin fut rejetée par le monde arabe parce qu’elle
annulait tout retour de leurs troupes en Cisjordanie. Arafat, quant à lui, a
repoussé l’offre de Barak parce qu’accepter moins de 100% du territoire
équivalait à abandonner la stratégie des étapes. Il y a donc nécessité pour
Israël de concrétiser à lui seul le principe du plan Allon : un maximum de
territoire avec un minimum de populations arabes à l’intérieur de ses
frontières. La carte d’Oslo II indique d’ailleurs clairement que c’est le plan
Allon que les négociateurs israéliens avaient alors en tête : vallée du
Jourdain, partie orientale du désert de Judée et bloc d’Etzion sont encore entre
nos mains ; en annexant ces espaces plus d’autres fractions de zone C (sous
contrôle israélien) et B (sous juridiction civile palestinienne), Israël
imposera sa souveraineté sur un territoire qui n’est pas densément peuplé
d’Arabes, qui présente une valeur stratégique et fait partie de notre héritage
historique. Cette solution aura le mérite de maintenir sous notre autorité la
majorité des colonies juives et des sites historiques de la région ainsi qu’une
continuité territoriale entre les zones restant sous le contrôle des
Palestiniens, même si elle implique malheureusement le démontage de colonies
mineures situées en plein coeur des territoires arabes."
>>> Voilà qui éclaire bien des choses. Les "propositions
extrêmement généreuses" de Barak à Camp David II ne sont pas autre chose que les
attendus du plan Allon. Au cas où nous n’aurions pas été convaincus de
l’extrémisme de M. Navon, sa phrase sur le "malheur" que représente "le
démantèlement de colonies mineures situées en plein coeur des territoires
arabes" serait là pour nous en apporter la preuve.
"Les
Palestiniens conserveront quelque 50% de la Cisjordanie et leur territoire se
divisera en deux blocs : le nord en Samarie, relié par un corridor au Jourdain ;
le sud en Judée. Deux blocs qui seront reliés l’un à l’autre par une route. Une
fois accompli ce projet, Israël bombardera régulièrement les infrastructures
militaires que l’OLP aménagera dans les territoires restés sous sa souveraineté.
Nous nous serons en quelque sorte libérés des Palestiniens tout en gardant à peu
près la moitié de la Judée-Samarie et en restant conformes à la résolution 242
des Nations unies (qui stipule selon Israël - version anglaise - un retrait de
et non des territoires occupés)."
>>> M.
Navon emploie ici le futur, car il ne fait qu’énoncer ce que sera la région dans
quelques années, lorsque son plan aura été mis en application. Or, c’est le plan
israélien. Ce chapitre a donc la valeur d’une prophétie. Israël aura la paix,
derrière son mur d’airain, il n’aura concédé que la moitié de la Judée-Samarie
(lire : des territoires occupés), tout en respectant parfaitement la légalité
internationale... dans sa version anglaise ! (qui stipule un retrait "de"
territoires occupés, et non "des" territoires occupés : la nuance est
effectivement de taille). Le seul inconvénient que les Palestiniens présenteront
désormais pour les Israéliens : la nécessité pour ces derniers de les bombarder
périodiquement, dès qu’ils risqueraient d’être en passe d’établir le début d’une
défense nationale...
"Pour résumer : il demeure improbable que les
Arabes se rendent jamais à la légitimité de l’Etat d’Israël. Seule notre
supériorité militaire peut les dissuader de déclencher d’autres guerres contre
nous. Comme le disait l’ancien ministre des Affaires étrangères Abba Eban, au
terme d’une longue carrière : les guerres et rivalités internationales ne
trouveront probablement pas de fin, mais on peut raisonnablement espérer en
restreindre l’importance ; il y a déjà dans la prévention de la guerre une forme
de paix, peut-être la seule que les nations connaîtront jamais. Le postsionisme
du Nouveau Moyen-Orient prétendu a démontré qu’il était aussi désespéré et
désastreux que l’assimilation dans l’Europe de l’après 1789. Il nous reste à
conserver foi en la mission historique d’Israël et dans les droits du peuple
juif sur sa terre tout en faisant des compromis avec les réalités. C’est en ce
sens qu’il y aura une vie après Oslo."
>>>
Voilà. Tout est dit. Il n’y a rien à ajouter. Ah !... si... : "Merci, Monsieur
Navon !"
2. Appel urgent de l'Université de Birzeit (8
septembre 2001)
[traduit de
l'anglais par Marcel Charbonnier]
Levez le siège
empêchant l'université de Birzeit de mener son action éducatrice et ouvrez la
route vers la Paix, à travers des actions concrètes pour la protection de la
population et de la vie civiles en Palestine.
Le 15 septembre prochain, plus de 5000 étudiants et plus de 350 membres du
corps universitaire et du personnel entameront une nouvelle année à l'Université
de Birzeit, en devant faire face à un trajet difficile, humiliant et trop
souvent dangereux, à pied, à franchir deux barrages militaires israéliens pour
venir rejoindre leur campus, leurs salles de cours, leurs bureaux et leurs
laboratoires.
Depuis mars dernier, étudiants et enseignants ont dû supporter
les difficultés causées par la fermeture de la route reliant Birzeit à Ramallah,
qui est en temps normal le principal et, en la circonstance, l'unique accès
vital à l'Université. Durant l'été, la situation a encore empiré et le
harcèlement et les difficultés ont été "institutionnalisés" tant pour
l'Université de Birzeit que pour les habitants de trente-cinq villages qui
utilisent cette route, vitale pour eux, car elle leur permet de se rendre à
Ramallah où se trouvent les principaux services, les approvisionnements
essentiels et souvent, aussi, les emplois.
Mais ce ne sont pas les
difficultés supportées par les étudiants et les enseignants, en tant
qu'individus, ni même le dommage causé à l'une des institutions éducatives de
pointe en Palestine, qui amènent l'Université de Birzeit à (vous) lancer cet
appel urgent. Il s'agit certes, de difficultés très lourdes ; nous sommes
témoins quotidiennement d'étudiants et d'enseignants contraints à escalader des
tranchées, à devoir se mettre à l'abri pour échapper aux tirs, aux bombes
paralysantes ou aux gaz lacrymogènes utilisés par l'armée israélienne, ou
délibérément humiliés et, parfois même, arrêtés. Le dommage causé à la vie
académique, aux programmes de formation à la gestion des services publics, à la
recherche et au développement même de l'Université n'est que trop réel.
Toutefois, c'est le fait que ces événements regrettables fassent partie d'une
nouvelle "normalité" instaurée, faite de bouclages et de mise en état de siège
de la population civile palestinienne par Israël, en violation totale du droit
international, qui nous préoccupe par-dessus tout, et réclame une intervention
réelle et effective de la communauté internationale. Aucune paix ne saurait être
construite sur la destruction et la ruine d'un autre peuple, de sa vie civile,
de son développement, de sa société et de ses moyens de vivre.
La communauté
de Birzeit a agi, pacifiquement, dans l'unité et la dignité, contre le bouclage
et pour le droit à l'éducation, à la liberté de se déplacer et au respect des
personnes. Durant les derniers mois écoulés, des manifestations pacifiques,
organisées par l'Université et ses amis, ont permis de reboucher les tranchées
que les bulldozers de l'armée israélienne avaient creusées dans la route, au
début du mois de mars. Toutefois, des protestations pacifiques menées depuis
lors contre le bouclage qui continue à travers le maintien du barrage israélien
- protestations comportant notamment l'information des soldats de garde de
la nature illégale aux yeux de la légalité internationale de leur mission et de
leurs actes - n'ont pas eu de résultats durables.
Le bouclage de la route de
Birzeit contredit les prétextes sécuritaires utilisés par Israël dans la plupart
de ses agissements illégaux dans les territoires palestiniens occupés. La route
Ramallah-Birzeit ne passe auprès d'aucune agglomération ou colonie israélienne.
En revanche, les barrages militaires représentent les instruments d'une
politique systématique et officielle d'intimidation, visant à institutionnaliser
les souffrances des civils palestiniens, dans l'optique de briser leur volonté
et de semer la désolation dans leur société et leur nation.
C'est pourquoi
nous appelons la communauté internationale à défendre les droits de l'Homme en
agissant immédiatement contre ce bouclage, qui viole de manière patente la
Quatrième Convention de Genève, dont Israël est un pays signataire, ainsi que la
Déclaration universelle des droits de l'Homme et les autres textes sauvegardant
les droits de l'Homme. Il est urgent et impératif que les Hautes parties
contractantes à la Convention se mobilisent et exercent leurs prérogatives
conformément à la légalité internationale. Mais, parallèlement à ces initiatives
globales, nous exhortons la communauté internationale à agir dès lors que les
conditions de la paix et de la sécurité sont violées et à prendre des mesures
concrètes afin de garantir ces conditions. Nous affirmons que la réouverture de
l'accès à l'Université de Birzeit est un geste indispensable pour avancer en
direction d'une paix juste et équitable.
- Vous êtes prié
de contacter l'Ambassade d'Israël de votre pays et d'envoyer vos protestations
au Gouvernement israélien :
Benjamin Beneliazer, ministre israélien de la
défense, à l'adresse : sar@mod.gov.il
Voici également les coordonnées de responsables
internationaux à contacter utilement :
H.E. Mr. Kofi Annan
Secretary General United Nations - Fax : +212 963-2155 - Email :
ecu@un.org
Mr. Terje Rod Larsen Personal
Representative of the Secretary General to the United Nations in
Palestine
Mr. Koichiro Matsuura Director General
UNESCO - 7, place de Fontenoy - 75352 Paris 07 SP - Fax : +33 1 45 67 16
90
3. Un échec ? Quel échec ? (ou le succès du forum des
ONG de Durban) par Marwan Bishara
publié dans le Point d'information
n° 82, du The Center for Policy Analysis on Palestine, 7 septembre
2001
[traduit de l'anglais par Annie
Coussemant]
Résumé : Les délégués de
quelque 3 000 ONG venues du monde entier ont qualifié leur conférence de Durban
(Afrique du Sud) de succès exemplaire. La plupart des médias occidentaux n'en
ont pas moins parlé " d'occasion manquée ", voire " d'échec complet ". L'absence
de concordance entre ces deux évaluations ne tient pas tant aux délibérations de
la conférence qu'à la manière dont elle a été couverte par les médias en
question.
A l'issue de plus d'un an de préparatifs et de sept jours de débats, les
délégués des ONG de 44 groupes d'intérêt régionaux ou axés sur une cause précise
ont adopté la " Déclaration du forum des ONG ". Ils se sont concentrés sur des
thèmes comme le traitement des réfugiés et des immigrés, l'antisémitisme, le
régime de castes en Inde, le maintien du système esclavagiste en Afrique et les
effets du racisme sur les individus atteints du VIH/SIDA, ainsi que sur d'autres
problèmes liés aux soins de santé. Sur les centaines de paragraphes que contient
la déclaration finale, très peu portent sur le thème " Israël / Palestine
".
Pour autant, les journalistes étrangers présents à Durban n'ont pas cessé
de vouloir couvrir les bisbilles israélo-palestiniennes, qui se déroulaient en
marge des salles de conférence. Une journaliste britannique a avoué son
sentiment de frustration devant l'insistance de son journal à exiger, une fois
encore et pour la troisième journée consécutive, un point sur les " engueulades
" israélo-palestiniennes. Animée d'un esprit d'œcuménisme, une déléguée a perdu
son sang-froid face à un journaliste américain qui, faisant l'impasse sur toutes
les questions débattues, s'était contenté d'interroger sa délégation (composée
de 50 membres) au sujet d'Israël.
Succès palestinien - Échec d'une conférence
Mieux
organisés que les ONG pro-israéliennes, les délégués des ONG palestiniennes ont
coordonné leur campagne - hors du cadre de la conférence - avec le Forum social
de Durban, et le Mouvement des déshérités d'Afrique du Sud pour organiser une
manifestation qui a regroupé de 30 à 40 milliers de personnes (et non 12
000 comme cela a été rapporté) scandant le " Manifeste du Peuple " devant
les locaux où se déroulait la conférence officielle.
Entre-temps, sous les tentes dressées sur le stade de football de Durban,
le Forum des ONG a mené ses délibérations avec le plus grand sérieux : les
délégués ont débattu de centaines des questions liées au racisme jusqu'à l'aube.
Bien entendu, les pays du Nord en ont entendu de toute sorte, non seulement de
la part des délégués des pays en développement mais aussi des organisations
occidentales de défense des droits humains et d'autres ONG. Il convient ici de
souligner que l'hostilité exprimée à l'égard de l'Inde, de la Chine et du
Nigeria n'a pas été moins virulente [que celle qui s'exprimait à l'égard
d'Israël - NdT]. Comme dans le cas du Congrès national africain au cours de ces
dernières décennies, la solidarité avec la Palestine est un sujet qui a rallié
tous les suffrages et sur lequel un consensus s'est dégagé. L'occupation
israélienne et, d'une manière générale, le comportement colonial d'Israël
vis-à-vis des Palestiniens, ont été qualifiés de " racistes " et décrits comme "
une nouvelle forme d'Apartheid ".
Isolement d'Israël lors de la Conférence
La presse
israélienne a admis que l'État hébreu n'avait pas su prendre au sérieux les
forums de cette nature, dépourvus qu'ils étaient de caractère officiel. Seules
12 organisations juives pro-israéliennes ont participé à la conférence. Israël
était parti du principe qu'il pouvait compter sur l'appui des États-Unis et de
certains pays européens pour lui garantir l'impunité dans le cadre des forums
internationaux. Ce fut effectivement le cas lors que la Conférence mondiale
contre le racisme (WCAR) au cours de laquelle Israël a quitté la salle en
compagnie de la délégation des États-Unis. Mais, lors du Forum des ONG, les
délégués pro-israéliens qui exigeaient que fussent qualifiées " d'excessives "
les accusations d'antisémitisme proférées à l'endroit de leur pays ont dû
quitter la salle de conférence tout seuls tandis que l'ensemble des groupes de
défense se prononçaient contre le cynisme de l'emploi du terme " antisémitisme "
s'agissant de la protection des émules du gouvernement Sharon.
Programme des affaires intérieures de Washington. Volant au secours
d'Israël, l'Administration Bush avait décidé, bien avant la conférence,
d'envoyer à Durban une délégation de niveau modeste. Elle avait formé le vœu de
ne tolérer quiconque qui oserait " faire des reproches à son jeune allié ",
mettant en garde contre l'assimilation du sionisme au racisme. Or, lors de la
conférence, le sionisme n'était déjà plus assimilé à une forme de racisme. Le
terme même ne figurait plus dans le projet de résolution élaboré au cours d'une
série de conférences à Genève, préalables à Durban. D'autres paragraphes
critiquant Israël avaient déjà été mis entre crochets à Genève, avant la
conférence, ce qui souligne l'absence d'accord entre les délégations. Qui plus
est, le dirigeant palestinien, Yasser Arafat, avait accédé aux desiderata du
Révérend Jesse Jackson, homme politique militant en faveur des droits de
l'Homme, en promettant que la questions du sionisme ne serait pas abordée au
cours de la conférence de l'ONU.
L'Administration Bush avait dans l'idée d'aborder d'autres thèmes que celui
d'Israël. La Maison Blanche a mis à profit l'excuse israélienne pour soustraire
l'Amérique aux autres obligations formulées lors de la conférence, considérant
que la demande expresse de pardon pour l'esclavage, l'annulation de la dette,
l'augmentation de l'aide et les réparations n'auraient pas dû figurer à l'ordre
du jour. L'Administration Bush n'était pas et ne sera jamais disposée à débattre
sérieusement de ces questions, surtout pas dans le cadre d'une conférence
internationale organisée sous l'égide des Nations unies. Elle a fait dévier la
Conférence de manière à se soustraire aux accusations racistes portées à son
endroit. La droite conservatrice du parti républicain se serait désintégrée si
l'Administration avait dû demander pardon pour le passé esclavagiste des
États-Unis et s'engager à rapatrier les victimes, le tout dans le cadre d'un
forum international parrainé par les Nations unies, ni plus ni moins. Tout
compromis, même minimaliste, aurait pu être considéré comme une victoire du
Mouvement des droits civiques et une avancée du Parti démocrate.
Toute éventualité de cet ordre est nulle et non avenue pour la Maison
Blanche de l'ère Bush. Alors même qu'on lui rappelle constamment qu'il a perdu
les dernières élections présidentielles et qu'il ne doit sa victoire qu'à un
artifice technique, Bush a besoin de tout le soutien local qu'il peut obtenir.
Plaire aux amis d'Israël présents sur le territoire américain ne peut que lui
permettre d'engranger davantage de soutien au Congrès en faveur de son
Administration. Il en va de même s'agissant de la perspective des prochaines
élections. Du point de vue technique, la manœuvre a réussi dans la mesure où
elle a permis d'atteindre trois objectifs à la fois alors que les États-Unis ne
se retiraient que d'un seul front.
Créer des intérêts irréconciliables : avant et pendant la conférence, des
amis influents des pays africains sensibles aux arguments du lobby pro-israélien
avaient poussé ces derniers à laisser de côté la question palestinienne lors de
la Conférence officielle comme lors du Forum des ONG, en leur proposant de les
aider à soulever la question du rapatriement, ce qui créerait un conflit
d'intérêt entre les tenants des deux problématiques. Certains États africains,
dont le gouvernement d'Afrique du Sud, ont été séduits par cette proposition,
considérant notamment l'autre terme de l'alternative, à savoir torpiller la
conférence d'une manière générale. D'ailleurs, l'artifice a pris dans certains
milieux, quoique de manière limitée, et les médias s'en sont fait l'écho. La
cause palestinienne, et tout le battage fait à son propos, a été considérée à
tort comme une " perte sèche " pour les Africains, considérant les autres thèmes
importants à débattre. Mais, dans le cadre du forum des ONG, il était hors
de question de sérier les problèmes de cette manière. Les médias n'en ont pas
moins évoqué un " conflit d'intérêts ", et les États-Unis ont porté
l'exaspération à son comble en se retirant le troisième jour au motif que " des
propos agressifs " avaient été tenus à l'endroit d'Israël. On se demande bien
pourquoi le pays en question ne se retire pas des Nations Unies alors même que
des propos similaires décrivant avec précision les pratiques colonialistes
d'Israël y sont couramment tenus.
La Palestine et la Société civile internationale : dès le 6 septembre, Mary
Robinson, Haut commissionnaire des Nations unies pour les droits humains
refusait de recevoir et d'avaliser la Déclaration et le programme d'action
du Forum des ONG avant de les transmettre à la Conférence officielle.
Elle-même avait critiqué certains termes utilisés pour caractériser Israël.
Cependant, même si certains délégués optaient pour des termes autres que celui
de " génocide " et employaient un langage plus nuancé dans le document final,
ils n'entendaient pas prendre de distance par rapport à la Déclaration
historique englobant toute la problématique. Pour quelles raisons Mary Robinson
rejetterait-elle les résultats d'un processus aussi démocratique que transparent
que celui du Forum des ONG ?
Le succès du Forum des ONG de Durban est, avant tout, une victoire de la
société civile internationale. L'union qui s'est fait jour en Afrique du Sud
n'est que le premier pas dans le sens d'un nouveau programme international mis
au point par les organisations de la société civile et autres mouvements
populaires dans un monde interdépendant où la dimension mondiale prend chaque
jour un peu plus le pas sur la dimension locale. Durban a permis de recentrer
l'attention sur cette réalité nouvelle et de faire le lien entre les causes à
défendre à l'échelon local, s'agissant de la discrimination et du racisme, dans
le cadre d'un mouvement émergent de lutte en faveur d'un monde meilleur.
Si les Palestiniens veulent voir leur cause se redynamiser et obtenir un
soutien international, il leur faut poursuivre sur la voie amorcée à Durban,
sortir des coulisses de la Maison Blanche pour s'inscrire au cœur du mouvement
pour les droits humains et la solidarité américaine et internationale. Déjà, des
préparatifs sont en train pour élaborer une stratégie de concert avec les Dalits
, les mouvements de lutte contre l'Apartheid, en faveur des droits civiques et
des droits de la personne. Seule la pression de l'opinion publique
internationale pourra contraindre les États-Unis à mettre fin à l'impunité dont
jouit Israël et permettre d'aboutir à une solution équitable au conflit
israélo-palestinien. Dans ce domaine, les Palestiniens n'ont pas besoin de
réinventer la roue.
[The Center for Policy Analysis on Palestine,
2425-35 Virginia Ave., NW, Washington, DC 20037 - Tél : 202.338.1290, Fax :
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