1. Des innocents
affrontent sans fin une insondable cruauté par Edward Saïd
in
The Observer (quotidien britanique) du dimanche 12 août 2001
[traduit de l'anglais par Monique
Barillot]
Aux Etats-Unis, où Israël a sa base
politique principale et dont il a reçu plus de 92 milliards de $ d'aide
depuis 1967, le terrible coût humain du bombardement du restaurant de Jérusalem
de jeudi se retrouve rapidement commenté sur le ton d'une propagande familière :
Arafat n'en a pas fait assez pour contrôler ses terroristes, des extrémistes
Islamiques suicidaires sont partout, guidés par une profonde haine de
l'humanité, Israël doit défendre sa sécurité. Un individu qui réfléchit pourrait
ajouter : ces gens sont fatigués de se battre depuis des milliers d'années; la
violence doit cesser; il y a eu trop de souffrance des deux côtés, alors même
que la façon qu'ont les Palestiniens d'envoyer leurs enfants au combat
montre bien tout ce qu'Israël a à endurer.
En Amérique Israël a à peu près
gagné la guerre sur le terrain de la propagande et c'est en Amérique que l'on
est sur le point de mettre encore plusieurs millions de dollars dans une
campagne de relations publiques (en utilisant des " stars " comme Zubin Mehta,
Yitzhak Pearlman et Amos Oz) pour encore améliorer l'image d'Israël.
Mais voyons donc à quoi la guerre implacable d'Israël contre le peuple
palestinien isolé, essentiellement désarmé, sans Etat et démuni a déjà conduit.
La disparité des puissances est immense à pleurer.
Doté du dernier cri des
forces aériennes américaines, d'hélicoptères de combat, d'innombrables tanks et
missiles, d'une marine superbe aussi bien que d'une maîtrise parfaite des
services de renseignement, Israël est une puissance nucléaire qui soumet un
peuple sans armée ni artillerie, ni aviation - son unique pitoyable aéroport
située dans la Bande de Gaza est contrôlé par Israël - ni forces
aériennes ou navales, et dépourvu d'aucune des institutions d'un état
moderne.
Au delà de la désinformation , le vrai visage de longues décennies
d'une pression quotidienne d'Israël sur des gens dont la principale faute est de
s'être trouvé là se révèle dans tout ce qu'il a de sadisme
inhumain.
L'histoire terrible, ininterrompue d'une occupation militaire
de 34 ans par Israël (la seconde plus longue dans l'histoire moderne) de la
terre palestinienne illégalement conquise a été effacée de la mémoire publique,
comme l'a été la destruction de société palestinienne en 1948 et l'expulsion de
68 pour cent de ses habitants, dont aujourd'hui 4.5 millions sont toujours
des réfugiés.
Le cruel enfermement de 1.3 millions de personnes bloquées
dans la Bande de Gaza, plus la situation critique de presque deux millions de
résidents palestiniens de Cisjordanie n'a aucun parallèle dans les annales de
l'apartheid ou du colonialisme.
Des avions de guerreF-16 n'ont jamais
bombardé des territoires sud-africains.. Ils sont employés contre des villes et
des villages palestiniens. Toutes les entrées et sorties des territoires
sont contrôlées par Israël (la Bande de Gaza est complètement encerclée de fil
de fer barbelés), qui contrôle aussi l'alimentation en eau. Répartis sur environ
63 cantons, complètement encerclés et assiégés par des troupes israéliennes,
avec 140 colonies ayant leur propre réseau routier interdit 'aux
non-juifs', les Palestiniens sous occupation en sont réduits à connaître
maintenant un taux de chômage de 60 pour cent et un taux de pauvreté de 50 pour
cent.
Ils doivent supporter de longues files d'attente aux points de contrôle
israéliens qui retiennent et humilient les personnes âgées, les malades,
les étudiants et les religieux pendant des heures; 150 000 de leurs oliviers et
de leurs arbres fruitiers ont été arrachés par punition; 2 000 de leurs maisons
ont été démolies et des hectares de leur terre détruits ou saisis. Depuis
le dernier Intifada qui a commencé fin septembre dernier, 609 Palestiniens ont
été tués - quatre fois le nombre d'Israéliens - et 15 000 blessés, une douzaine
de fois plus que de l'autre côté.
Des assassinats réguliers commis par
l'armée israélienne ont pris pour cible des terroristes présumés à volonté,
tuant surtout des innocents comme des mouches. La semaine dernière
14 Palestiniens ont été assassinés ouvertement par des forces israéliennes, à "
titre préventif " pour les empêcher ainsi de tuer des Israéliens, et cependant
au moins deux enfants et cinq innocents ont été aussi assassinés. Sans nom et
sans visage, les victimes palestiniennes quotidiennes d'Israël méritent rarement
d'être évoquées aux informations américaines.
Et ce n'est pas tout. Le projet
d'Israël est de rendre la vie impossible aux Palestiniens pour qu'ils partent,
ou qu'ils renoncent, ou fassent quelque chose de fou comme se faire sauter.
Depuis 1967 les leaders ont été emprisonnés et expulsés par le régime
d'occupation israélien, des petits commerces et des fermes confisqués ou
simplement détruits, les étudiants empêchés d'étudier, les universités
fermées.
Après les huit années stériles des négociations d'Oslo, l'occupation
a simplement été ficelée plus efficacement et l'expression ' le processus de
paix a seulement servi de prétexte à plus d'abus, plus d'implantations de
colonies, plus d'emprisonnements, plus de souffrances palestiniennes
qu'auparavant. Israël n'a pas implanté moins de 400 000 colons sur la terre
palestinienne. Ariel Sharon a été porté au pouvoir essentiellement pour
'soumettre' les Palestiniens, leur donner une leçon, se débarrasser
d'eux.
Son record comme tueur d' arabes remonte à 30 ans avec les
massacres de Sabra et Shatila commis sous l'autorité des ses troupes en 1982 et
pour lesquels il est aujourd'hui accusé devant une juridiction
belge. Mais il n'est pas fou. A chaque acte de résistance palestinienne, ses
forces font monter la pression, durcissant le siège, prenant plus de
terre, resserrant davantage le blocus des approvisionnements, assassinant
ouvertement des leaders palestiniens, rendant la vie plus intolérable.
Ne
plaignez pas les gouvernements arabes maladroits, pathétiques qui ne
peuvent et ne veulent rien faire pour arrêter Israël : Plaignez les
gens qui souffrent dans leur chair et les corps épuisés de leurs enfants, dont
certains croient que le martyr est la seule voie.
Englué dans un projet sans
avenir, Israël en serait-il réduit à se débattre impitoyablement ? Si cela
devait combler les aspirations Juives, pourquoi fallait-il tant de nouvelles
victimes dans une population qui n'a rien à voir avec l'exil Juif et
la persécution ?
(Edward Saïd est un professeur à l'Université Columbia, à
New York.)
2. Face au
durcissement palestinien, Israël a davantage recours à la
force
Dépêche de l'Agence France Presse du jeudi 16 aout 2001,
12h44
JERUSALEM - Ces derniers jours les
images d'affrontements en Cisjordanie ou à Gaza ont montré plutôt des
Palestiniens armés de fusils automatiques que des lanceurs de pierres, une
évolution qui va pousser Israël à riposter à l'Intifada avec des moyens
militaires de plus en plus importants, estiment les analystes israéliens.
Dans la nuit de lundi à mardi, des chars Merkava escortés de bulldozzers ont
pénétré dans Jénine, dans le nord de la Cisjordanie, pour y détruire un poste de
police palestinien.
Cette incursion en zone autonome palestinienne, la plus
importante en plus de dix mois d'Intifada, fait entre le conflit dans une
nouvelle phase, avec un un nouveau durcissement de la riposte de l'armée
israélienne, selon de nombreux analystes.
Pour Mark Heller, du Centre Jaffe
d'Etudes stratégiques de l'Université de Tel Aviv, le niveau de violence n'a
jamais été aussi élevé des deux côtés et continuera de grimper.
"Nous sommes
toujours dans une phase d'escalade. Il n'y a aucun moyen de savoir quand le
sommet sera atteint, mais je ne pense pas que nous y soyons encore parvenus", a
déclaré M. Heller à l'AFP.
Du côté palestinien, il faut s'attendre à
d'autres attentats suicide, mais aussi à une augmentation des tirs de mortiers
ou des attaques contre les colonies de peuplement depuis la Cisjordanie et dans
la bande de Gaza, a-t-il ajouté.
Les Palestiniens s'approvisionnent
principalement en armes par la contrebande à partir de l'Egypte et de la
Jordanie et, dans une moindre mesure, par des bâteaux en provenance du Liban,
selon M. Heller et d'autres analystes.
Un de ces bateaux, qui transportait
un véritable arsenal comprenant notamment des lance-roquettes, avait été
arraisonné en mai par la marine israélienne.
L'un des responsables de
l'approvisionnement en armes du mouvement radical palestinien Jihad islamique a
indiqué sous couvert de l'anonymat à l'AFP que la plupart de l'équipement de
cette organisation avaient été dérobés à l'armée israélienne par des groupes
mafieux israéliens qui le lui avaient ensuite revendu.
Il aussi indiqué que
le Jihad préférait le fusil automatique américain M-16 dont est équipé l'armée
israélienne aux Kalachnikov soviétiques, moins précises à longue distance.
Pour M. Heller, il est prouvé que les Palestiniens disposent de missiles
anti-chars, mais pas suffisamment puissants pour percer le blindage des chars
lourds Merkava.
Zeev Schiff, expert des questions stratégiques du quotidien
Haaretz, estime toutefois, de son côté, que l'arsenal palestinien est très
développé et qu'il compte notamment de nombreux mortiers, ainsi que des grenades
anti-chars et des mines israéliennes posées lors de conflits précédents et qui
ont été récupérées.
Officiellement, les nombreux services de sécurité de
l'Autorité palestinienne comptent quelque 35.000 hommes. Selon les accords
d'Oslo de 1993, cette force n'a pas le droit d'être équipée d'armes lourdes et
ne peut être utilisée contre Israël.
Les mouvements radicaux islamistes
Jihad et Hamas, qui jouissent d'une grande popularité parmi les Palestiniens en
raison des attentats suicide qu'ils ont perpétrés, ne comptent guère que
quelques centaines d'hommes armés, selon les analystes.
En comparaison,
Israël, qui consacre plus de 9 milliards de dollars par an à sa défense, peut
aligner les 186.000 hommes de ses forces régulières et dispose de 445.000
réservistes, selon "The Middle Est Military Balance", le rapport annuel du
Centre Jaffe.
Tsahal, l'armée israélienne, dispose de quelque 4.000 chars,
800 avions de combats (dont plus de 230 chasseurs-bombardiers F-16) et 300
hélicoptères.
Selon M. Heller, l'arme clef des Palestiniens n'est pas
matérielle, mais réside dans la cohésion et l'unité qu'ils ont forgées depuis le
début de l'Intifada, le 28 septembre.
"Le prix qu'ils sont prêts à payer est
supérieur à ce que l'on pensait lorsqu'ils ont commencé" l'Intifada,
estime-t-il.
3. Palestine .
Secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, chargé de ce dossier, Saïd
Kamal analyse l’escalade de la violence : "Sharon ne reconnaît aucun accord de
paix" propos recueillis par Magda Barsoum
in Al-Ahram Hebdo
(hebdomadaire égyptien) du mercredi 15 août 2001
— Al-Ahram Hebdo : A quoi attribuez-vous l'escalade actuelle de la
violence dans les territoires palestiniens ?
— Saïd Kamal : Je crois que
l'escalade actuelle est une chose tout à fait normale vu la mentalité et les
plans du premier ministre israélien Ariel Sharon. Ce dernier s'oppose aux
accords d'Oslo et à tous les autres accords qui ont suivi, partant du fait qu'il
ne reconnaît pas à l'origine l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP),
quoi qu'elle fasse et quelles que ce soient les positions qu'elle adopte. Il a
formé un gouvernement d'union nationale et s'est allié au Parti travailliste
présidé par Shimon Pérès pour détruire les réalisations du processus de paix et
revenir à la situation d'avant les accords d'Oslo de septembre 1993. Son désir
est d'imposer son hégémonie sur l'OLP et sur les territoires palestiniens.
A
l'heure actuelle, ce qui est nouveau sur le terrain est que l'OLP et ses cadres
sont déterminés à résister à l'occupant par tous les moyens disponibles. Ceci
est leur droit reconnu par la charte des Nations-Unies et les résolutions
internationales.
— Que signifie l'occupation par Israël de la Maison
d'Orient à Jérusalem-Est ?
— Etant donné la position qu'occupe Jérusalem
dans les croyances des extrémistes et de la droite israéliens, les Israéliens
ont réoccupé la Maison d'Orient et d'autres institutions palestiniennes à
dimension religieuse islamique et chrétienne, ainsi que des institutions de
culture, d'éducation et de santé. Cette situation se maintiendra jusqu'à ce
qu'un jour, on retire en Israël la confiance au gouvernement actuel et que les
Etats-Unis, l'Union Européenne (UE) et la Russie assument leur responsabilité
complète et exercent des pressions sur Israël tout en le menaçant de
sanctions.
— Comment va réagir l'Autorité palestinienne à ces actes
?
— Le secrétaire général du Conseil des ministres de l'Autorité
palestinienne, Ahmad Abdel-Rahmane, a déclaré que le peuple palestinien et ses
forces nationales actives n'ont d'autre choix que de renforcer leur unité et de
s'apprêter à mener une lutte à long terme contre l'occupation israélienne des
territoires de la Cisjordanie, de la bande de Gaza ainsi que de Jérusalem. A la
Ligue arabe, nous soutenons ce choix palestinien, d'autant plus que nous nous
sommes rendus compte que le président Yasser Arafat n'a dorénavant le choix
qu'entre la victoire ou le martyre.
— Israël et les Etats-Unis accusent
le président Yasser Arafat de ne pas faire assez pour arrêter les responsables
des attentats anti-israéliens ...
— C'est une accusation infondée,
imprécise et incorrecte. Arafat, au moment où il résiste à l'occupation
israélienne, n'a pas manqué de condamner publiquement les actes de meurtre des
civils israéliens. Et ce, malgré le fait qu'un tel communiqué de la part du
président palestinien va à l'encontre des susceptibilités d'une large partie de
son peuple. Car la lutte de ce peuple n'est pas un acte vindicatif, mais c'est
une lutte pour la liberté et l'autodétermination.
— Que pensez-vous des
positions des pays européens et des Etats-Unis ?
— Honnêtement, ces pays
ont tenu, sur le plan médiatique, leur peuple à l'écart des massacres auxquels
sont exposés les Palestiniens. Ils ne les dévoilent pas et ne jettent la lumière
que sur ce qui est dans l'intérêt d'Israël. Par conséquent, toute comparaison
avec la position européenne et américaine lors de la première Intifada
(1987-1993) ne fera que confirmer à quel point l'honnêteté médiatique fait
défaut à l'heure actuelle, à l'heure de la seconde Intifada, celle d'Al-Aqsa.
Partant, les hommes politiques arabes ainsi que les responsables de
l'information doivent étudier comment on peut éliminer les barrières que les
médias sionistes ont réussi à ériger : des barrières entre l'opinion publique
des pays de l'UE ou des Etats-Unis et la réalité.
— Et en ce qui concerne
le processus de paix en général, que pensez-vous du rôle des pays de l’UE et des
Etats-Unis ?
— Il est évident que le rôle de l’Europe est en deçà de sa
position adoptée depuis le sommet de Venise et jusqu'au communiqué du sommet de
Berlin. Selon le communiqué de Berlin, l'UE soutenait le droit palestinien pour
instaurer un Etat libre ; pourtant, elle hésite d'une manière scandaleuse à
condamner l'occupation israélienne et ses pratiques agressives contre le peuple
palestinien. Quant aux Etats-Unis, ils ont oublié complètement leur rôle après
avoir reconnu les droits politiques du peuple palestinien. Rappelons les propres
termes de l’ancien président Bill Clinton dans son discours devant le Conseil
législatif palestinien, lorsqu’il a affirmé le soutien des Etats-Unis aux droits
palestiniens à l'autodétermination et à l'instauration d’un Etat indépendant.
Une telle position est incompatible avec l'indifférence qu'affiche
l'Administration du président George W. Bush vis-à-vis du peuple palestinien,
dont les territoires sont occupés. Il est clair que cette Administration a donné
la priorité à son alliance stratégique avec Israël et non pas à ses principes.
C'est la tragédie du nouveau siècle.
— Quel est, d'après vous, le plan
réel de Sharon ?
— Le plan de Sharon consiste en plusieurs points. Le
premier est de garantir la domination d'Israël sur la Cisjordanie. Et pour ce
faire, Sharon n’a l’intention de se retirer que de 20 % de la Cisjordanie. Il
cherche aussi à maintenir les blocs de colonies à forte densité démographique
pour garantir cette prédominance. Le chef du cabinet israélien refuse aussi
toute solution qui prévoit le retour des réfugiés palestiniens dans leur
territoire et dans leurs propriétés enregistrées officiellement auprès des
Nations-Unies.
Enfin, Sharon s’emploie à maintenir l'unité de Jérusalem sous
le drapeau israélien. C'est ce qu'il a fait en occupant la Maison
d’Orient.
Ceci est le plan de Sharon. Il veut revenir en arrière et se
désengager des accords d'Oslo et des autres accords qui ont suivi. Et ce, en
assurant une reconnaissance internationale aux conséquences prévues de ce
plan.
— Et quel est le plan de l'Autorité palestinienne ?
—
L'Autorité palestinienne cherche en premier lieu à dévoiler les intentions
agressives de Sharon à l'encontre du peuple palestinien. Et à donner la preuve
du désengagement d'Israël quant aux accords qu'il avait signés avant l'Intifada.
L’ancien premier ministre israélien, Ehud Barak, avait gelé la plupart des
accords sous prétexte qu'il voulait passer aux négociations sur le statut final
des territoires palestiniens. Avant lui, Benyamin Netanyahu avait également gelé
les accords sauf celui concernant la ville d’Hébron. Les Palestiniens et Arafat
veulent montrer que ce sont les Israéliens qui sont les vrais ennemis de la
paix.
Arafat et l'Autorité palestinienne, malgré le peu de perspectives sur
le plan international, ne veulent pas fermer la porte aux nouvelles générations
palestiniennes et arabes. Ces générations ont le droit de résister à l'agression
et à l'occupation afin de maintenir et de garantir les droits du peuple
palestinien sur son sol en
Palestine.
4. L'Intifada
enraye l'économie par Alexandra Schwartzbrod
in Libération du
mercredi 15 août 2001
Onze mois d'Intifada commencent à se faire
durement sentir sur les économies israélienne et surtout palestinienne. Le
Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies vient de lancer une
opération d'urgence d'un montant de 11,5 millions de dollars (12,7 millions
d'euros) pour venir en aide à 270000 Palestiniens qui ne sont plus en mesure
d'assurer leurs besoins alimentaires en raison du blocus israélien de Gaza et de
la Cisjordanie. Alors que le chômage dépasse 50 % dans les territoires, le
nombre des demandeurs d'emploi en Israël a atteint, en juillet, son plus haut
niveau depuis la création de l'Etat hébreu. Le taux de chômage, qui tourne
autour de 9 %, a bondi de 3,7 % le mois dernier, au lieu d'une hausse mensuelle
moyenne de 0,4 % depuis le début de l'année.
5. La mort à
Bethléhem, made in USA par Robert Fisk
in The Independant
(quotidien britanique) du mercredi 15 août 2001
[traduit de l'anglais par Manfred-C.
Stricker]
La société Lockheed Martin, en Floride, ainsi que les Laboratoires fédéraux
de Pennsylvanie ont fait tous deux une contribution à la vie quotidienne dans la
commune de Bethléhem. Mais, pour ce qui est de Lockheed, c'est plus précisément
la mort. Des parties de la fusée air-sol "Hellfire" [feu de l'enfer] se trouvent
toujours dans le local de la défense civile de Bethléhem, moins de deux mois
après qu'elle eût explosé dans le salon de Osama Khorabi, âgé de 18 ans, le
tuant instantanément. Le moteur de la fusée, des tuyaux d'alimentation et des
fils électriques ont été triées par les chauffeurs d'ambulance et des
infirmiers, puis mis dans des sacs en plastique, avec des éclats provenant de
douzaines d'obus de char de provenance américaine tirés par des chars israéliens
dans le village chrétien de Beit Jalla.
Les soldats israéliens envoient régulièrement sur les Palestiniens de
Bethléhem eux-mêmes des salves de grenades lacrymogènes fabriquées aux Etats
Unis. Les Palestiniens affirment que ces gaz ont causé de grandes difficultés
respiratoires chez des enfants lorsque ces grenades furent lancées contre des
jeunes lançant des pierres près de la tombe de Rachel. Sur les cartouches et les
bidons de gaz on a trouvé le marquage "Fédéral laboratories, Saltzburg,
Pennsylvania 15681", avec l'indication, sur le métal "projectiles longue portée,
150 yards " [env. 130 m, là où les pierres ne sont plus dangereuses]. Le mode
d'emploi imprimé sur les bidons parle de "gaz lacrymogène, hautement irritant
pour les yeux, le nez, la peau et le système respiratoire". En plus : "en cas de
contact, ne pas se frotter les yeux, s'adresser immédiatement à un service
médical".
Lorsque des Palestiniens de Beit Jalla tirent avec des Kalachnikov russes
sur la colonie juive voisine de Gilo - une colonie construite illégalement sur
des terres appartenant aux habitants de Beit Jalla - les chars israéliens
envoient régulièrement des obus dans Beit Jalla. Et la plupart de ces obus ont
des détonateurs américains. Tous portent le code : "Détonateur P180
M549ACO914H014-014". Quelquefois le dernier 4 est remplacé par un 5. Un de ces
obus a tué le Dr Harald Fischer, un Allemand vivant à Beit Jalla, en novembre
dernier. Mais le nom de la société fabriquant ce détonateur n'est pas indiqué
dans le code.
Lockheed avait déjà été impliqué dans l'assassinat de quatre enfants et de
deux femmes, au Liban, lorsqu'un hélicoptère Apache, fabriqué par Lockheed, a
tiré une fusée "Hellfire", fabriquée par Lockheed, sur une ambulance, dans le
sud du Liban, en 1996. Des plaques imprimées provenant de la fusée - un logo
publicitaire marqué dessus dit "tous pour un, un pour tous" - furent
transportées par The Independant aux Etats Unis le dimanche suivant et furent
identifiées, par des dirigeants de Boeing, comme faisant partie d'une
fusée "Hellfire", à cette époque co-producteurs de la fusée. Le moteur de la
fusée qui a frappé Osama Khorabi dans sa maison en février est toujours là (les
Israéliens affirmèrent que ce fut un coup préventif, mais M. Khorabi n'était pas
un militant et sa seule ambition était de faire partie de la troupe théâtrale de
Beit Jalla). Le moteur porte le code "189 76-1334987 DMW90E003-007" et le numéro
du lot est 481. Sur un mince tube en acier au sommet du moteur se trouve le code
"12903-9225158 MFR-5S443." Un petit mais lourd dome cylindrique du même
projectile porte le nom "Battery Thermal", avec le code : "P/N 10217556 E-W62,
Lot No. EPH-2-111, Date of MFG (manufacture) 08776, MFG Code 81855". Suivi par
les initiales :"U.S.". D'autres partie du missile comprennent un aileron
articulé et des pelotes de fils électrique.
Les membres de la défense civile palestinienne sont ambulanciers et
infirmiers; ils ont collectionné consciencieusement des milliers de pièces
d'éclats de balles, d'obus de chars, de projectiles au gaz et de fusées après
des bombardements israéliens, mais sans chercher à en connaître la provenance.
L'un d'entre eux m'a dit l'autre jour : "nous sommes des travailleurs
humanitaires, pas des scientifiques. De nombreux fragments portent des
caractères latins et semblent aussi de fabrication américaine. Il y a là une
pièce qui semble provenir d'une fusée codée "SPO 2- 95 RAD (là manque un chiffre
détruit lors de l'explosion de la fusée) - 89".
Les Israéliens se sont servis d'hélicoptères Apache pour tirer des fusées
sur Beit Jalla au moins six fois - y compris lors de la mort de M. Khorabi - et
les Apache sont fabriqués par Lockheed dans leur immense usine d'armements à
Orlando, en Floride, où sont fabriqués aussi les fusées Hellfire 1 et 2.
Les Palestiniens n'ont pas encore trouvé l'origine d'un bidon de gaz
maintenant utilisé régulièrement par les Israéliens, qu'ils appellent "fumée
brune". Très craints par les jeteurs de pierre, il a un effet bien plus puissant
même que le gaz produit par les Laboratoires fédéraux de Pennsylvanie. Au moins
un bidon trouvé à Hébron porte des inscriptions hébraïques et porte le code 323
1-99. Il ne semble pas provenir des Etats Unis.
Les armuriers américains affirme n'avoir aucune responsabilité lorsque
leurs produits tuent des civils innocents. Après le bain de sang dans le sud du
Liban en 1996, des représentants de Lockheed, très en colère, affirmèrent que
personne n'avait jamais poursuivi un fabriquant de munitions après un meurtre.
Et il est vrai que la dernière phrase imprimée sur les grenades au gaz de
Pennsylvanie est un avertissement qu'il ne faut pas tirer sur des individus,
avec la clause bien connue "les Laboratoires fédéraux ne sont pas
responsables d'un usage abusif de ces engins".
6. Manifestations pacifiques contre le nouvel
ambassadeur d'Israël au Danemark
Dépêche de l'Agence France Presse du mercredi 15 août 2001,
19h47
COPENHAGUE - Environ cinq cents personnes, des Danois pour la plupart,
surveillées par d'importantes forces de l'ordre, ont manifesté mercredi devant
l'ambassade d'Israël à Hellerup, près de Copenhague, pour protester contre
l'arrivée du nouvel ambassadeur israélien Carmi Gillon, a constaté un
journaliste de l'AFP.
M. Gillon, ancien chef de la Sécurité intérieure israélienne, est accusé
d'être un tortionnaire des Palestiniens.
Les alentours de la représentation diplomatique étaient quadrillés par
quelque 300 policiers en tenue de combat, avec des maîtres chiens et plus de 25
véhicules, afin de prévenir des incidents au cours des deux manifestations, qui
se sont déroulées dans le calme.
La première, vers 15h30 (13h30 GMT) a réuni des Palestiniens brandissant le
drapeau national et scandant des slogans hostiles à Israël et à Carmi Gillon. La
deuxième, qui l'a suivie, a rassemblé des Danois opposés à la torture et à la
politique répressive d'Israël.
Une autre manifestation à Aarhus (centre) contre Carmi Gillon a réuni
quelque 250 personnes, selon la police de cette ville.
Carmi Gillon, ancien chef de la Sécurité intérieure en 1995-96, a suscité
un tollé dans le pays par ses récentes déclarations à des médias danois,
affirmant qu'il approuvait le recours à "une pression physique modérée"
(torture, ndlr) contre des suspects palestiniens.
C'est la première fois qu'un ambassadeur en poste au Danemark est accueilli
par des protestations de la population et des milieux politiques.
Selon un sondage révélé mercredi par la chaîne TV2, 53% des Danois ont une
attitude négative envers Carmi Gillon, et 15% seulement se déclarent positifs à
son égard.
Carmi Gillon, arrivé le matin à l'aéroport de Copenhague, s'était contenté
de dire "qu'il était très content et fier d'être le nouvel ambassadeur
d'Israël", avant de rejoindre sa représentation diplomatique gardée par un
cordon policier impressionnant.
Portant des bannières sur lesquelles on pouvait lire "Aucun bourreau de la
torture au Danemark!", "Ne le laissez pas impuni", "Pas d'excuse à la torture",
les manifestants, venus à l'appel d'organisations danoises et palestiniennes de
gauche, ont écouté divers discours et scandé des slogans de solidarité avec le
peuple palestinien avant de se disperser dans le calme.
L'avocat Bjoern Elmquist, ancien député des partis libéral puis radical au
pouvoir, a dénoncé "l'attitude immorale" du gouvernement de centre-gauche
danois, qui a donné le feu vert à l'accréditation de Carmi Gillon.
"Les tortionnaires doivent être poursuivis", a-t-il affirmé, estimant que
"cela doit être non seulement un droit, mais un devoir pour le gouvernement
danois".
"Le Danemark a signé la Convention des Nations unies contre la torture et
doit assumer ses responsabilités" a-t-il rappelé.
M. Gillon doit prendre officiellement ses fonctions d'ambassadeur à la
mi-septembre au Danemark, après avoir présenté ses lettres de créance à
l'ambassadeur à la reine Margrethe.
7. "Les Palestiniens ont le sentiment d'être abandonnés
à la loi du plus fort" Interview de Leïla Shahid, représentante de l'Autorité
palestinienne en France réalisée par Pierre Barbancey
in L'Humanité du mardi 14 août 2001
- Hier s'est déroulée une grève générale dans les territoires
palestiniens et à Jérusalem-Est. Quelle est la signification d'une telle action
?
- Leïla Shahid. Avant tout de rappeler que l'Intifada est une forme de
résistance civile, non militaire, qui utilise tous les moyens pour exprimer le
rejet par la population palestinienne des méthodes militaires israéliennes et de
l'occupation. La grève générale est une manifestation de la société civile. Son
succès montre qu'on ne peut pas réduire l'Intifada aux attentats qui visent les
civils israéliens comme ceux de ces derniers jours.
- Où se trouve la solution, actuellement ?
- Leïla Shahid. La situation est malheureusement la conséquence de la
politique pratiquée par le gouvernement derrière Sharon qui, depuis cinq mois,
refuse le dialogue politique, prend pour cible l'Autorité palestinienne
elle-même en s'attaquant spécifiquement aux institutions civiles de l'Autorité
mais aussi toutes les structures de sécurité, dont la Force 17, la gendarmerie
ou la sécurité préventive. Il procède également à un blocus total sur le plan
économique, en affamant les Palestiniens, en fermant les territoires autonomes
et attaquant personnellement le président de l'Autorité. Réagir par des
attentats qui visent des civils est inacceptable parce que rien ne justifie
l'assassinat de civils israéliens en Israël. C'est inacceptable sur le plan
moral et contre-productif sur le plan politique parce qu'ils nous privent de nos
alliés au sein de la société israélienne, qui ont accepté le principe de
coexistence. Mais lorsqu'Ariel Sharon provoque les groupes islamistes en
assassinant leurs dirigeants, il sait très bien qu'ils vont répondre. Mais
peut-être est-ce ce qu'il souhaite. Il a ainsi un alibi pour ne pas mettre en
ouvre les clauses politiques des recommandations du rapport Mitchell. Ces
clauses politiques étant : après le cessez-le-feu, le gel des colonies pour les
Israéliens et, pour les Palestiniens, la coopération sécuritaire. Si Sharon met
en ouvre les conditions politiques, sa coalition saute. Un certain nombre de
partis ne sont pas d'accord pour le gel. Comme il prépare les élections internes
à son parti, le Likoud, et qu'il est en compétition avec Netanyahu, qui le
trouve un peu mou, je pense qu'il est dans la paralysie la plus totale et c'est
une des raisons pour lesquelles il n'arrive absolument pas à négocier, même s'il
se cache derrière un justificatif de sécurité.
- L'Autorité palestinienne et le Fatah interviennent-ils suffisamment
pour maîtriser les groupes islamistes ?
- Leïla Shahid. Dans les huit années de négociations avec les Israéliens,
les seuls moments où nous avons été capables, nous et les Israéliens, de
prévenir les attentats terroristes (c'est-à-dire contre des civils en Israël, la
résistance politique et militaire dans les territoires occupées étant un droit
pour tout peuple occupé), le Fatah n'a jamais entrepris des attentats de ce type
et a toujours dénoncé ceux causés par le Hamas et le Jihad islamique. Mais pour
pouvoir lutter contre ce genre d'attentats qui visent les civils, il faut être
dans une dynamique de paix, de partenariat avec les Israéliens, où la
coopération sur le plan politique, économique, sécuritaire nous permet - comme
c'était le cas sous Rabin et même sous Barak - de prévenir ce genre d'attentats.
· cette époque, la population palestinienne était totalement d'accord sur le
fait qu'il fallait isoler ceux qui détruisent les promesses de la paix. Mais,
après huit ans de promesses de paix, il n'y a rien qui, sur le terrain,
correspond à ce que nous avons promis à la population. Elle a perdu confiance.
Aujourd'hui, 70 % des gens demandent des frappes, allant même jusqu'à soutenir
des attentats contre des civils. C'est tragique, mais c'est ce à quoi conduisent
la frustration, la colère, le ras-le-bol d'une population qui est bombardée,
assiégée, affamée, dans des territoires où le chômage atteint 60 %, où les
villes sont fermées comme des ghettos. Tout cela produit une opinion publique
qui soutient les opérations les plus meurtrières contre des civils en
Israël.
Le combat contre ce type d'action ne pourra se faire que lorsque l'Autorité
palestinienne redeviendra le partenaire de n'importe quel gouvernement
israélien. Contrairement à Ariel Sharon, nous ne disons pas qui doit représenter
le peuple israélien. C'est pour cela que le président Arafat, connaissant
l'histoire d'Ariel Sharon, continue à dire qu'il veut négocier avec lui, parce
qu'il représente la société et la majorité israélienne. Le premier ministre
israélien n'a pas la même attitude vis-à-vis de l'Autorité. Au lieu d'en faire
son partenaire pour revenir à la table des négociations, pour limiter les
actions terroristes contre les civils, pour reprendre le cours de ce que nous
avons entrepris depuis huit ans, il fait de l'Autorité la cible de la guerre
qu'il mène depuis cinq mois.
- Shimon Peres vient de faire de nouvelles propositions. Est-ce un pas
positif ?
- Leïla Shahid. Je ne pense pas. C'est une position très dangereuse. Il est
inacceptable d'entendre dire qu'il ne faut pas négocier avec Arafat. Quant au
retrait unilatéral de Gaza permettant de proclamer un Etat, c'est encore un
subterfuge pour ne pas mettre en ouvre ce que le gouvernement israélien et la
Knesset ont ratifié dans les accords d'Oslo. Il ne s'agit pas de redéfinir ce
que sont les revendications palestiniennes aujourd'hui. Nous avons mis en ouvre
une partie des accords d'Oslo. Il est vrai qu'il ne s'agit que de 18 % de la
Cisjordanie, 60 % de la bande de Gaza et 0 % de Jérusalem. Nous exigeons la
poursuite du retrait de ces trois endroits. Il ne s'agit pas de remplacer les
revendications fondées sur les résolutions 242 et 338 qui sont les bases
juridiques des accords d'Oslo.
- Le déploiement d'observateurs internationaux est refusé par Ariel
Sharon ?
- Leïla Shahid. Cette idée de déploiement est soutenue par toute la
communauté internationale puisque le G8 a adopté un texte qui dit très
clairement qu'on ne pourra arriver à un cessez-le-feu et une application des
recommandations du rapport Mitchell que s'il y a un mécanisme tiers
d'observateurs (qui reste à définir dans sa composition) pour être l'arbitre de
la mise en ouvre des différentes clauses de ces recommandations. Il faut un
arbitre pour vérifier que chaque partie a rempli sa part d'engagements. Israël
ne peut pas être à la fois le protagoniste et l'arbitre du conflit. Nous non
plus. Malheureusement, nous assistons sur le plan de la démocratie
internationale à une démission totale de la responsabilité des Etats et en
particuliers des Américains et des Européens puisque le refus de Sharon a
conduit tout le monde à baisser les bras. Nous en payons le prix, celui des
opérations terroristes, parce que les Palestiniens ont le sentiment qu'ils sont
abandonnés à la loi du plus fort, c'est-à-dire à la loi militaire d'Ariel
Sharon.
8. La loi du talion, en Cisjordanie comme en
Belgique
in La Libre Belgique (quotidien belge) du mardi 14 août
2001
[La Libre Belgique tire à 55 000 exemplaires.
Le quotidien de qualité des Belges francophones maintient une haute tenue
rédactionnelle, sans renier ses origines catholiques conservatrices.
http://www.lalibre.be.]
Devant la façade éventrée du poste de police de Jenine des centaines de
Palestiniens contemplent dans un silence navré les dégâts de l'incursion de
chars et de bulldozers israéliens dans la nuit de lundi à mardi dans cette ville
autonome du nord de la Cisjordanie.
L'édifice d'un étage, en forme de L, n'a pas résisté aux coups de boutoir
des bulldozers qui ont opéré pendant plus de deux heures, selon des témoignages
concordants.
"Vers 23H00, deux bulldozers et une dizaine de chars ont pénétré sur une
profondeur de quelques centaine en zone sous contrôle palestinien", indique à
l'AFP Kamal Jaber un responsable du Fatah, le mouvement du président Yasser
Arafat, pour le district de jenine.
"Les chars ont aussitôt ouvert le feu à mitrailleuse lourde alors qu'un ou
deux hélicoptères survolaient l'unité israélienne", ajoute-t-il.
Près du poste de police, un camion citerne criblé de balles de gros calibre
témoigne de ces tirs.
Le responsable palestinien est convaincu que les Israéliens avaient pour
objectif de détruire le poste de police et ne cherchaient pas à capturer où
abattre des activistes Palestiniens, comme d'aucuns le croient à Jenine .
Cet objectif a été apparemment atteint: la face extérieure du rez-de
chaussée de l'une des deux ailes, longue de trente mètres a été quasi
démolie.
L'étage supérieur s'est affaissé. A travers la façade béante on aperçoit
sur le plancher en pente, des lits superposés en fer.
Le poste abritait deux cents policiers, indique un responsable de la
sécurité palestinienne qui a requis l'anonymat.
L'homme montre une pièce qui servait de bureau. Au mur défoncé sont restées
des photos jaunies du président Yasser Arafat et de Saddam Hussein le président
irakien, populaire auprès des Palestiniens.
" Les habitants ont opposé une résistance farouche pendant plus de cinq
heures, avec leurs fusils et leurs couteaux", soutient ce quinquagénaire, armé
d'un vieux pistolet.
Cette version des faits a été reprise par la radio officielle palestinienne
et dans un communiqué du ministre de l'Information palestinien, Yasser Abed
Rabbo.
Mais un médecin de l'hôpital de Jenine le Dr Abou khali indique que seuls
trois policiers ont été légèrement blessés lors de l'incursion, ce qui ne
traduit pas un combat intense.
L'armée israélienne n'a signalé quant à elle aucun tué ou blessé parmi ses
forces.
D'ailleurs autour du bâtiment nulle trace de combats violents et à juger
par les décombres, les Israéliens ont eu tout le temps qu'il faut pour détruire
le poste.
Le bâtiment avait été évacué depuis plusieurs jours par crainte de
réprésailles à l'attentat suicide jeudi de Jérusalem, suivi trois jours plus
tard d'une seconde attaque suicide moins meurtrière dans la banlieue de Haifa.
Les deux attentats avient été commis par des intégristes de la région de
Jenine.
Selon des témoins, une manifestation de liesse populaire a marqué le départ
de l'armée israélienne à l'aube par le raid.
Mais l'atmosphère n'est pas triomphaliste à Jenine. A côté du sigle gisant
par terre du poste dévasté, un aigle en fer au couleurs nationales
palestiniennes, un habitant, Ayman Kabaha contemple tristement le
spectacle.
Ariel Sharon sème le trouble et la terreur, ce n'est pas un bon moyen de
parvenir à la paix", note-t-il.
[Une organisation israélienne d'extrême droite a annoncé jeudi son
intention de porter plainte devant la justice belge contre le président
palestinien Yasser Arafat et d'autres responsables palestiniens pour "crimes
contre l'humanité".
"Nous allons envoyer dans les prochains jours
deux avocats en France pour préparer une plainte pour crime contre l'humanité
que nous déposerons prochainement contre Arafat et d'autres responsables
palestiniens", a indiqué à la radio publique Meïr Eindor, chef du groupe "Les
victimes du terrorisme".
"Nous allons demander des indemnités et nous ferons
venir des centaines de victimes en vue de témoigner", a-t-il ajouté.
Selon
lui, cette initiative "vise également à contrebalancer la plainte déposée contre
le Premier ministre Ariel Sharon en Belgique".
"La justice belge sera bien
obligée d'examiner les deux plaintes au risque sinon d'être accusée de
partialité", a estimé M. Eindor.
"Le dossier que nous allons présenter sera
beaucoup plus lourd dans la mesure où Yasser Arafat et d'autres responsables
palestiniens sont directement responsables d'attentats alors qu'Ariel Sharon est
soupçonné seulement de ne pas avoir prévu que des miliciens chrétiens allaient
massacrer des Palestiniens à Sabra et Chatila", deux camps de réfugiés de
Beyrouth, a-t-il
ajouté.]
9. Le groupe rock Red Hot Chili Peppers annule son
concert en Israël
Dépêche de l'Agence France Presse du mardi 14 août
2001, 13h53
TEL-AVIV - Le groupe rock américain Red Hot Chili Peppers
a annulé un concert qu'il devait donner fin août à Tel-Aviv, compte tenu de
l'insécurité régnante, ont annoncé mardi les organisateurs de la tournée.
Des dizaines de milliers de spectateurs étaient attendus au concert prévu
dans deux semaines dans un grand parc de la ville.
"C'est un coup d'autant plus dur qu'on espérait que le groupe nous sorte un
soir de la déprime causée par la situation ambiante", a déclaré à la radio le
chanteur israélien Rami Fortis, qui devait ouvrir le concert.
Les Etats-Unis ont invité vendredi les citoyens américains à repousser
leurs voyages en Israël, en Cisjordanie et à Gaza, du fait des "menaces
terroristes".
Cet avis du département d'Etat a été publié au lendemain d'un attentat
suicide qui a fait 16 morts, dont le kamikaze palestinien, à
Jérusalem-ouest.
Depuis, un autre kamikaze palestinien a fait sauter dimanche une ceinture
d'explosifs dans la banlieue de Haïfa (nord d'Israël), blessant quinze
Israéliens et causant sa propre mort.
10. Israël freine l'aide humanitaire par Agnes
Rotivel
in La Croix du mardi 14
août 2001
En raison de sa politique du " tout
sécuritaire ", l'armée empêche les ONG de porter assistance aux Palestiniens
dans les zones où ils sont isolés et entrave même les interventions d'une
mission de l'ONU.
JERUSALEM de notre envoyée spéciale
Le ministre des affaires étrangères israélien, Shimon Peres, n'a pas du
tout apprécié de s'entendre dire par un très haut responsable d'une agence
humanitaire des Nations Unies que " pas même les Serbes pendant la
guerre de Bosnie n'avaient à ce point fait obstruction à l'aide
humanitaire", comme le fait l'État hébreu aujourd'hui. Ce qu'un diplomate
européen confirme en ces termes : " En totale violation des conventions
internationales de Genève, l'armée israélienne empêche ..l'acheminement des
convois humanitaires de l'UNRWA (organisation des Nations unies pour les
réfugiés) auprès des populations sous prétexte de " raisons de sécurité
".
Pour Thomas Getman, directeur de l'ONG World Vision en Israël, " la
situation n'a jamais été aussi catastrophique. Dans les villages palestiniens de
Cisjordanie, du fait du siège de l'armée israélienne, près de 80 % de la
population palestinienne est au chômage. Nous sommes obligés de créer nous-mêmes
des emplois pour que les familles aient un petit revenu. En raison des routes de
contournement réservées aux colons, les habitants palestiniens ne peuvent plus
sortir de chez eux, ne peuvent plus se rendre chez le médecin. Nos projets
d'aide sont négociés avec nos ambassades en accord avec l'Etat hébreu, et
pourtant celui-ci bloque nos convois".
Il faut plusieurs jours pour faire passer des
médicaments
Gouvernement israélien et ONG internationales sont à
couteaux tirés depuis que le gouvernement israélien a décrété le blocus total
des zones palestiniennes. " On est tout juste toléré ", dit l'un d'entre eux qui
explique que chaque fois qu'un convoi de médicaments doit être acheminé dans un
village de Cisjordanie, ou lorsque des équipes de médecins et de psychologues se
rendent auprès des familles isolées dans les villages ou dans des centres comme
Hébron, encerclés par l'armée, " il faut négocier pendant des jours pour obtenir
les autorisations de passer ".
Sans parler des " humiliations subies
par le personnel palestinien de ces ONG aux barrages. " Les militaires sont
souvent très jeunes (l), ils ont eux-mêmes très peur et paniquent vite, explique
un membre d'une ONG française. Résultat, ils se défoulent en agressant
verbalement les Palestiniens, le ton monte très vite, et il faut à chaque fois
tout faire pour éviter les dérapages ".
" Pour une mission d'urgence, il faut
compter un mois entre les demandes d'autorisation auprès de l'armée et notre
arrivée dans la famille ", explique Fouad Ismaël, le représentant de Médecins
sans frontières en Israël/Palestine. Outre l'acheminent des médicaments,
l'essentiel du travail de l'ONG française porte sur les " thérapies
psychologiques " auprès des familles exposées, comme à Hébron ou à Gaza, aux
tirs continuels, à l'enfermement, ceux dont les maisons sont occupées par
l'armée israélienne. Il a fallu quatre mois à l'équipe de MSF pour obtenir de se
rendre à Gaza auprès de Hussein Al-Aïdi et de sa famille, dont la maison est
occupée par l'armée (lire La Croix du 7 août). Sans compter les tirs
d'intimidation qui ont précédé et un face-à-face de vingt minutes avec un char
israélien.
Un enfant mordu par un chien est mort faute de
soins
Ces entraves permanentes à la mobilité dès Palestiniens ont
malheureusement déjà causé la mort de civils. Un enfant du village palestinien
de Al-Mawassi, dans la bande de Gaza, littéralement assiégé par l'année
israélienne car situé aux abords d'une colonie, s'est fait mordre par le chien
d'un colon que celui-ci tenait en laisse. Les parents ont demandé à franchir le
poste de "contrôle de l'armée israélienne pour emmener l'enfant à l'hôpital de
Khan Younes. Toute la journée, ils ont attendu l'autorisation au barrage, en
vain. L'enfant est mort dans la nuit.
Un diplomate européen connu pour sa
pondération ne peut contenir sa colère : "Récemment, raconte-t-il, nous nous
sommes rendus un matin dans un quartier d'habitations palestinien où des
bulldozers israéliens avaient rasé des maisons pour la raison habituelle de
"sécurité ". La destruction avait eu lieu comme toujours en pleine nuit. Il y
avait là deux enfants, un frère et sa sœur. Ils n'avaient pas plus de 10 ans.
Ils étaient assis sur les décombres de la maison. Ils nous ont dit que leurs
parents étaient allés chercher un endroit ou loger. Je leur ai demandé pourquoi
ils restaient là. La petite fille a dit : " C'était ici ma chambre. " Elle
ne voulait plus partir. "
" Je me demande, poursuit ce diplomate, si l'Europe
a encore des principes éthiques élémentaires pour laisser perdurer une telle
situation. Comment peut-elle rester silencieuse devant les atteintes évidentes
aux droits de l'homme de la part d'un pays qui réussit le tour de force de se
faire passer pour l'agressé ? ".
(1) Les jeunes Israéliens font trois
ans de service militaire entre 18 et 21 ans. Les Israéliennes en font
deux.
11. Leïla Shahid
demande à la communauté internationale d'assumer ses
responsabilités
Dépêche de l'agence
Associated Press du lundi 13 aout 2001, 12h00
PARIS - Au lendemain
d'un nouvel attentat-suicide palestinien qui a fait un mort, le porteur de la
bombe, et une vingtaine de blessés, la déléguée générale de la Palestine en
France, Leïla Shahid, a appelé la communauté internationale a ''assumer ses
responsabilités'' et à envoyer des observateurs dans la région.
''Pourquoi
cette perte de temps qui coûte tellement de vies aux Israéliens et aux
Palestiniens. Il est temps que les représentants de la communauté
internationale, qui sont les Américains, les Européens, les Arabes et les
Nations unies assument leurs responsabilités'', a-t-elle déclaré qur
France-Inter, rappelant que le G8 avait recommandé l'envoi d'observateurs dans
la région lors du dernier sommet du G8 de Gênes.
''L'Autorité palestinienne condamne cet attentat, et tous les attentats qui
prennent des civils israéliens comme cible dans les territoires israéliens'',
a-t-elle poursuivi. ''Nous pensons que c'est sur le plan moral totalement
condamnable et sur le plan politique c'est contre-productif''.
''Mais aujourd'hui, malheusement, 70% de la population palestinienne appuie
les opérations terroristes parce qu'ils ont l'impression que face à la barbarie
de l'armée israélienne ce genre d'attentats est justifié'', a-t-elle poursuivi.
La déléguée générale de la Palestine a estimé que dans la situation actuelle,
''le seul moyen, c'est de travailler ensemble'', notamment dans le cadre d'une
''coopération sécuritaire pour éviter ce genre d'attentats''.
Interrogée sur l'autorisation donnée par le Premier ministre israélien
Ariel Sharon à Shimon Pérès de reprendre ses pourparlers de trêve avec des hauts
responsables palestiniens, Leïla Shahid a déploré que Yasser Arafat soit exclu
des discussions:. ''Qu'est ce que ça veut dire, qu'il ne veut pas discuter avec
Yasser Arafat, puisque c'est le seul interlocuteur que les Palestiniens se sont
choisis? (...) Je doute qu'on puisse vraiment sérieusement travailler avec
l'autorité palestinienne sans Yasser Arafat'', a-t-elle déploré.
Ariel Sharon a donné pour instruction à son ministre des affaires
étrangères de conduire des négociations de paix mais celui-ci aura besoin d'une
autorisation spéciale pour rencontrer le président de l'Autorité palestinienne
Yasser
Arafat.