Point d'information Palestine
> N°162 du 09/08/2001
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Sélections, traductions et adaptations
de la presse étrangère par Marcel Charbonnier
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Au sommaire
Réseau
1. L'armée israélienne harcelle
l'Université de Birzeit Communiqué de l'Université palestinienne de
Birzeit (Cisjordanie) du mercredi 8 août 2001 [traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
2.
Semaine de violence contre la presse dans les Territoires occupés
Communiqué de presse de Reporters sans frontières
3. L'assassinat comme politique
par Isabelle Avran
4. Bon flic, mauvais flic par
Uri Avnery [traduit de l'anglais par R. Massuard et
S. de Wangen]
Revue de
presse
1. La vie de la famille al-Aïdi a basculé dans l'absurde
par Agnès Rotivel in La Croix du mardi 7 août 2001
2. L'expert
israélien Joseph Alpher sur la stratégie des deux camps : "Sharon ne veut pas la
guerre" par Jean-Pierre Perrin in Le Monde du lundi 6 août 2001
3. Les missiles israéliens ratent le chef de l'insurrection
palestinienne par Clyde Haberman in The New York Times (quotidien
américain) du dimanche 5 août 2001 [traduit de
l'anglais par Marcel Charbonnier]
4. La Conférence
mondiale contre le racisme est mal partie par Jean-Claude Buhrer
in Le Monde du du samedi 4 août 2001
5. Trois équipes spéciales pour éviter les assises à
Sharon par Serge Dumont in Le Soir (quotidien belge) du samedi 4 août
2001
6. Les journalistes de la BBC
sont sommés de ne plus qualifier les liquidations extra-judiciaires israéliennes
d'"assassinats" par Robert Fisk in The Independent (quotidien
britannique) du du samedi 4 août 2001 [traduit de
l'anglais par Marcel Charbonnier]
7. La délégitimation du pouvoir palestinien par Georges
Malbrunot L'Est Républicain (quotidien régional) du samedi 4 août 2001
8. Palestine-Israël : Le danger plane sur Al-Aqsa in
L'Hebdo Magazine (hebdomadaire libanais) du vendredi 3 août 2001
9.
56% de Danois s'opposent à la nomination du nouvel ambassadeur
israélien par Boris Lévy in Le Monde du vendredi 3 août 2001
10.
Ariel Sharon est soutenu par la majorité de sa population par
Catherine Dupeyron in Le Monde du vendredi 3 août 2001
11. Un plan secret pour l'envoi d'observateurs en Israël
par Ewen MacAskill in The Guardian (quotidien britanique) du vendredi 3 août
2001
12. Peres, le seul à encore s'embarrasser de sémantique
par Serge Dumont in Le Soir (quotidien belge) du vendredi 3 août 2001
13. Israël se prépare à faire face à l'offensive - attendue -
de la Conférence mondiale contre le racisme par Erik Schechter in The
Jerusalem Report (bimensuel israélien) du jeudi 2 août 2001 [traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
14. Armée Le petit avion a déjà repéré un pollueur en mer
par Eddy Surmont in Le Soir (quotidien belge) du jeudi 2 août 2001
15.
Scénarios de guerre israéliens par Barhum Jarayisi in al-Watan
al-Arabiyy (hebdomadaire arabe publié à Paris) du vendredi 20 juillet
2001 [traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
Réseau
1. L'armée israélienne
harcelle l'Université de Birzeit
Communiqué de l'Université
palestinienne de Birzeit (Cisjordanie) du mercredi 8 août 2001
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Les forces armées d'occupation
israéliennes ont fait irruption, ces jours derniers, jusque dans le campus de
l'Université de Birzeit, harcelant et se livrant à diverses formes d'
intimidation à l'encontre d'étudiants et du personnel. La présence de l'armée
dans l'enceinte de l'Université - véritable provocation - porte gravement
atteinte à la sérénité de la communauté universitaire. L'armée est allée jusqu'à
forcer les gardiens à ouvrir les portails du campus devant les soldats
israéliens, qui ont empêché les vigiles de prévenir les responsables
administratifs de l'Université de leur incursion sur le campus.
Actuellement, ce sont 2 536 étudiants, suivant des sessions d'été à Birzeit,
qui risquent de voir leurs études compromises dût l'armée persister dans ces
pratiques inadmissibles. Depuis le début de l'intifada, les étudiants à Birzeit
ont déployé des efforts supplémentaires et indus afin de tenter de venir à
l'Université régulièrement pour y poursuivre leurs diverses formations, en
franchissant les innombrables barrages de contrôle. Jusqu'ici, ils avaient
réchappé à la confrontation directe avec l'armée (israélienne).
Il convient
de préciser qu'il y a toujours un barrage intermittent sur la route reliant
Ramallah à Birzeit, qui retient les automobiles et cause de nombreux retards à
leurs passagers. La présence des Forces israéliennes de défense, sur le campus
même de l'Université, n'est qu'une mesure inutile de plus destinée à forcer les
étudiants à résipiscence. Elle doit cesser au plus tôt.
2.
Semaine de violence contre la presse dans les Territoires
occupés
Communiqué de presse de Reporters
sans frontières
Depuis la
diffusion, le 26 juillet à Jérusalem, de son rapport "40 cas de journalistes
blessés par balles dans les Territoires occupés", Reporters sans frontières
(RSF) a enquêté sur plusieurs incidents graves survenus dans la région.
[Télécharger le
rapport "40 cas de journalistes blessés par balles dans les Territoires occupés"
(108 ko) au format .pdf (Acrobat)]
Deux journalistes palestiniens ont été tués lors de l'attaque
menée par l'armée israélienne contre des militants présumés du Hamas, à
Naplouse, le 31 juillet. Une quinzaine de journalistes palestiniens et étrangers
ont été victimes de violences et de harcèlement de la part des forces armées
israéliennes.
RSF a vigoureusement condamné l'assassinat des deux
journalistes palestiniens, le 31 juillet, à Naplouse. "Ces exécutions sont
totalement contraires au droit international et aux engagements souscrits par
l'Etat d'Israël. Elles relèvent d'une politique " d'assassinat d'Etat "
ouvertement pratiquée - et revendiquée - par Israël dans les Territoires occupés
depuis plusieurs mois", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de
RSF.
Par ailleurs, Reporters sans frontières presse les autorités
israéliennes de mettre en pratique les engagements qu'elles ont pris récemment
de veiller au respect de la liberté de mouvement des journalistes locaux et
étrangers dans les Territoires occupés. Dans un contexte d'extrême tension
militaire, la multiplication des incidents impliquant des journalistes suscite
la préoccupation croissante de l'organisation.
Selon les informations
recueillies par RSF, le 31 juillet, deux journalistes palestiniens ont trouvé la
mort dans les bureaux du Centre de recherche du mouvement islamiste au moment où
ceux-ci ont été atteints par deux missiles israéliens. Mohammad Bishawi,
27 ans, Palestinien originaire du camp de réfugiés de Balaka (Naplouse), avait
achevé l'année dernière ses études de journalisme à l'université Al Najah. Il
travaillait comme photographe pour le journal local Al Hayat Al Jadida,
pour l'hebdomadaire arabe israélien Saut Haq, et pour le site Internet
Islamonline. Othman Ibrahim Qatanani, 24 ans, Palestinien originaire du
camp de réfugiés d'Askar (Naplouse), était titulaire d'un diplôme d'informatique
de l'université Al Najah. Il travaillait pour le bureau de Naplouse du
quotidien Al Quds, pour l'agence de presse Koweit News Agency
(KONA) et pour le site Internet Islamonline.
A Jérusalem, une dizaine de
journalistes palestiniens travaillant pour des médias locaux ou étrangers ont
été malmenés ou battus le dimanche 29 juillet sur l'esplanade de la mosquée
Al-Aqsa. Après que des heurts eurent éclaté entre des manifestants
palestiniens et des policiers israéliens, le groupe de journalistes a été pris à
partie par des membres de forces de l'ordre voulant les empêcher de couvrir les
affrontements. Parmi les journalistes malmenés ou battus figuraient Nasser
Atta (ABC News), Amar Awad (Reuters), Fatem
Awalan (Nile TV), Atta Awassat (Yedihot Aharonot),
Gevara Bouderi (Al Jezzira), Nasser Abdel Jawad
(cameraman), Muna Qawasmi (Al Ayyam), Rachid Safadi (Al
Jezzira), Mahfouz Abu Turk (Reuters). Atta Awassat,
journaliste palestinien travaillant pour le quotidien israélien Yedihot
Aharonot et déjà victime de plusieurs agressions de la part des forces
israéliennes, a été notamment frappé à coups de crosse de fusil. Au cours du
même incident, la police a saisi la cassette des événements filmés par un
cameraman de CBS, Ahmed Husseini Siam. Malgré les protestations de
la chaîne, le cameraman n'a pu récupérer sa cassette que deux jours plus tard,
le 31 juillet.
A Naplouse, le 1er août, au lendemain de l'attaque israélienne
contre le Centre de recherche du Hamas, une équipe de l'Arab News Network
(ANN) a été retenue durant deux heures à un poste de contrôle israélien à
l'entrée de Naplouse. Selon le Palestinian Media Center, Mohamed
Al-Sayed, journaliste, Ahmed Al-Asi, cameraman, et leur chauffeur
auraient été malmenés et insultés. Les soldats israéliens auraient tenté de
contraindre Mohamed Al-Sayed, citoyen arabe israélien, à leur servir
d'interprète pour interroger des Palestiniens entrant ou sortant de Naplouse, ce
que le journaliste aurait refusé de faire.
A
Naplouse, le 2 août, une journaliste palestinienne travaillant pour l'Agence
France-Presse a été longuement mise en joue, puis malmenée par un militaire
israélien à la sortie de la ville. Plusieurs heures après les faits, la
journaliste était toujours en état de choc.
[Reporters sans frontières - 5, rue
Geoffroy-Marie - 75009 Paris - FRANCE - Virginie Locussol (moyen-orient@rsf.org) - Tél. (33) 1 44 83 84 84 - Fax. (33) 1 45 23 11
51]
3. L'assassinat
comme politique par Isabelle Avran
[Isabelle
Avran est une journaliste spécialiste du conflit israélo-palestinien. Elle est
l'auteur de "Israël Palestine : Les inventeurs de paix" aux Editions de
l'Atelier - Mars 2001 - ISBN : 2708235486 - 176 pages - 95
FF]
Ce samedi 4 août, les forces
militaires du gouvernement israélien d'Union nationale ont tenté d'assassiner
l'un des plus proches collaborateurs de Marwan Barghouti, le responsable du
Fatah en Cisjordanie. Cet acte terroriste s'inscrit dans une longue liste de
violations par Israël de la IV° Convention de Genève en Palestine occupée. Il
marque un pas supplémentaire et d'une extrême gravité dans la campagne
israélienne d'assassinats des dirigeants de la résistance palestinienne, de
l'OLP, et principalement du Fatah, et de tentative de destruction des
infrastructures de l'OLP et de l'Autorité Nationale Palestinienne.
Ariel
Sharon l'a clairement signifié : alors qu'il a été l'un des principaux opposants
au processus de négociations avec l'OLP depuis son commencement, et aux accords
d'Oslo en particulier, il entend, maintenant qu'il est aux commandes, renverser
la logique d'Oslo, en réduire à néant tous ses acquis. Il veut supprimer tout
partenaire de paix palestinien possible parce qu'il ne veut pas d'une paix
négociée, mais d'une capitulation palestinienne. Aujourd'hui, il espère donc,
par les moyens militaires considérables qu'il mobilise contre le peuple
palestinien dans le territoire occupé, non seulement étouffer le soulèvement
mais aussi mener à terme ce qu'il n'a pas réussi à Beyrouth : l'anéantissement
de l'OLP.
Contrairement à ses vœux, sa stratégie de la terreur, loin de
réduire la résistance palestinienne, ne fait au contraire que nourrir la colère
et l'unité. Mais il n'en demeure pas moins que la population palestinienne est
en grand danger au quotidien et que les assassinats des dirigeants de l'OLP sont
non seulement des crimes, mais la mise à mort de toute perspective de
paix.
LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE,
L'EUROPE, LA FRANCE, DOIVENT RÉAGIR DE TOUTE URGENCE. L'ENVOI D'UNE FORCE
INTERNATIONALE DE PROTECTION DU PEUPLE PALESTINIEN, dont la nécessité a été
reconnue par les ministres des affaires étrangères du G8, ne saurait dépendre de
la bonne volonté d'Israël. Cette force doit se mettre en place le plus vite
possible, pour faire respecter les Conventions de Genève et le Droit
international. (Paris, le 4 août
2001.)
4. Bon flic,
mauvais flic par Uri Avnery
[traduit de l'anglais par R. Massuard et S. de
Wangen]
4 août 2001 - Quiconque a vu des films policiers
les connaît : le bon flic et le mauvais flic. Le mauvais flic (disons Gene
Hackman) commence à interroger le suspect. Il crie sur lui, , l'insulte, le
menace, le frappe. Au moment voulu, le bon flic (disons Clint Eastwood) entre. "
Comment oses-tu te conduire de cette façon ? " lance-t-il au mauvais flic, "
sors d'ici !" Il offre une cigarette et un café au suspect effrayé et lui dit :
" Quelle brute ce mec ! Il peut vous faire des choses terribles. Pas plus tard
qu'hier, un homme est presque mort au cours de son interrogatoire. Mais je peux
l'écarter de cette interrogatoire. Seulement, juste pour convaincre le patron,
il faut que vous me donniez quelques petits renseignements. Ainsi qui était
votre complice dans l'attaque de la banque ? " Ariel Sharon et Shimon Pérès
jouent aujourd'hui ces rôles pour un public mondiale dans un film qui un jour
pourrait gagner un Oscar " Excellent jeu d'acteurs" dira le jury, " une
prestation exceptionnellement convaincante. "
Le mauvais flic, Sharon,
s'écrit : " Retiens-moi ! Je suis fou ! Je deviens enragé ! " Il est facile pour
lui de convaincre le public car celui-ci se souvient des films précédents ("
Sang et larmes à Kibia " ou " Gaza brûle-t-il ? " pour ne pas citer le grand
succès " Nuit à Sabra et Chatila. ")
Son partenaire est également célèbre.
Shimon Pérès, un acteur qui a gagné de nombreux prix, a joué le méchant dans ses
films précédents (" La route de Suez " et " le mystère Dimona " viennent à
l'esprit), mais pendant de nombreuses années, il a été engagé comme
pacificateur. Qui ne se souvient de " Colombe à Oslo " ?
Le partage des rôles
est naturel. Central Casting ne pourrait pas faire mieux. Sharon menace le
monde. Si on le laisse faire, il envahira les territoires palestiniens, tuera
Arafat, expulsera des masses de Palestiniens de l'autre coté du Jourdain,
envahira peut-être sur sa lancée le Liban et la Syrie. Un tremblement de terre
secouera tout le Moyen-Orient, les régimes d'Egypte et de Jordanie pourraient
s'effondrer, même l'Arabie Saoudite et les Emirats du Golfe chancelleront, le
pétrole prendra feu, l'économie globale s'écroulera.
Mais tout ceci ne se
produira pas. Pourquoi ? Parce que Pérès, le bon flic, retient Sharon,
l'empêchant de devenir fou furieux. Il va d'une capitale à l'autre, implorant
Président et Premiers ministres : S'il vous plait, aidez-moi à retenir cette
terrible personne ! Je ne peux pas le faire si vous ne le laissez pas étendre
les colonies et rompre les accords existants, et si vous essayez de le
contraindre à reprendre les négociations. Ce n'est pas bon mais cela empêchera
une catastrophe !
Le monde se sent rassuré. Les dirigeants ont peur de Sharon
mais, tant que Pérès est à ses côtés, tout va bien. Rien de vraiment terrible ne
peut arriver.
Tout cela est du cinéma, évidemment. Pérès est tout-à-fait
incapable d'empêcher Sharon de faire tout ce qu'il veut. Désormais, Pérès est un
poids léger politique, alors que Sharon est un champion poids lourd. Il pourrait
se débarrasser de Pérès à tout moment, mettant fin à sa carrière pour toujours.
Alors, pourquoi ne devient-il pas fou furieux ? Parce que l'épée américaine
de Damoclès est suspendue au-dessus de sa tête. Aucun dirigeant israélien ne
peut s'opposer à la volonté des Etats-Unis quand il s'agit des intérêts
américains. Tous les Israéliens le savent. Après tout, ils sont le seul peuple,
en dehors des Etats-Unis, à faire flotter les drapeaux américains le jour de
Independance Day.
Actuellement, Washington est dans les mains des compagnies
pétrolières. Les Etats Unis se contentent de " condamner " Sharon aussi
longtemps qu'il ne fait qu'assassiner les dirigeants palestiniens et qu'il étend
les colonies. Mais Sharon sait très bien qu'il y a une ligne rouge à ne pas
franchir et où elle se trouve. Il attend patiemment le jour où il réussira à
convaincre les Américains de lui laisser les mains libres pour la grande
aventure, comme ils l'ont fait en 1982.
En attendant, il utilise Pérès à dire
à ses propres extrêmistes qu'il doit " se retenir " contre sa volonté afin de
préserver " l'unité nationale ". Pendant ce temps, le bon Pérès traverse les
océans comme un voyageur de commerce, vendant la politique de " liquidations "
de Sharon et tous les autres instruments de l'occupation et répandant le
mensonge à propos des " offres généreuses " qui ont été refusées par
Arafat.
Pérès a déjà reçu le tiers d'un Prix Nobel. Il peut maintenant
attendre avec impatience de recevoir la moitié d'un Oscar.
Revue de presse
1. La vie de la famille al-Aïdi a basculé dans
l'absurde par Agnès Rotivel
in La Croix du mardi 7 août
2001
BANDE DE GAZA De notre envoyée spéciale
La vie d'Hussein al-Aïdi est un enfer. Il se demande encore comment il a pu
se retrouver dans cette situation kafkaïenne. Il y a cinq ans, ce Palestinien,
père d'une famille de neuf enfants, a bâti sa maison noyée dans les orangeraies
et les oliviers le long de la route qui mène du carrefour de Netzarim à la zone
industrielle de Karni (à la frontière avec Israël), dans la bande de Gaza. Son
salaire de gardien des bâtiments de l'agence des Nations unies pour les réfugiés
(Unrwa) lui a permis de construire une vaste maison de deux étages avec, sur le
toit, une terrasse pour se reposer à la fraîcheur du soir. Le terrain se situe,
en vertu des accords d'Oslo, en zone palestinienne (zone A, sous contrôle de
l'Autorité palestinienne présidée par Yasser Arafat). " Plus tard, se disait-il,
quand mes fils se marieront, ils pourront s'ils le souhaitent s'installer dans
la maison. " La décoration intérieure est soignée, carreaux bleus sur les murs,
petites colonnades dans la salle à manger, une grande cuisine et de nombreuses
pièces pour ses enfants âgés de 14 à 2 ans.
Une famille terrée dans sa maison occupée par
l'armée
En septembre 2000, lorsque l'Intifada éclate, la vie
paisible de la famille al-Aïdi bascule dans l'enfer. " Nous sommes restés vingt
jours terrés dans la maison au milieu des tirs - cette zone a été l'objet de
très violents affrontements entre Israéliens et palestiniens car les colons
passaient alors par cette route comme les Palestiniens. Désormais, elle est
réservée aux seuls colons et à l'armée." Hussein et sa famille se retrouvent
pris en otages dans une zone occupée par l'armée israélienne. " On passait la
journée couchés à terre de crainte de se faire tirer dessus. Puis les chars
israéliens se sont positionnés tout autour, les bulldozers ont détruit tous les
vergers. " De fait, sur des kilomètres aux alentours, la terre est retournée, il
n'y a plus un arbre debout. Les soldats sont entrés chez lui. " Ils m'ont dit
qu'ils allaient s'installer sur le toit. J'ai refusé. Ils sont entrés quand
même. C'est un kidnapping ! " s'emporte ce quinquagénaire à la moustache grise
qui n'arrive pas à calmer sa colère. L'armée israélienne prend alors possession
de la maison d'Hussein qui, avec ses deux étages et sa terrasse, est une
véritable "tour de guet". "C'est une position stratégique ", confirme Amir,
l'officier israélien, en guise d'explication.
Les soldats, installés sur son toit, vivent à ses
frais
Au grand désespoir d'Hussein, en onze mois de conflit, sa
maison est devenue un fortin. Sur le toit recouvert de filets de camouflage,
protégé de sacs de sable, les soldats-entre l0 et 15 - ont installé des
mortiers, des caméras à infrarouge et, selon lui, " un lanceur de missiles".
Plus aucun membre de la famille n'est autorisé à y monter. En défonçant le
terrain avec les chars et les bulldozers, les Israéliens ont détruit le puits
qui alimentait en eau la maison, les fils électriques ont été arrachés. Alors
Hussein a acheté 1 300 m de câbles pour se relier au réseau électrique le plus
proche et 1000 m de tuyaux pour tirer de l'eau qu'il stocke ensuite dans des
réservoirs à l'intérieur, chez lui. Profitant de l'aubaine, les soldats ont
installé un frigo, une télévision, des toilettes sur le toit, " et c'est moi qui
dois payer les factures ", s'exclame, exaspéré, Hussein, à qui la compagnie
d'électricité palestinienne, peu disposée à faire crédit, réclame 6 000 dollars
(7 059 €, 46300F). Debout à la fenêtre, il désigne du doigt, autour de là
maison, les chars israéliens à moitié camouflés et le paysage dévasté. A la
grande fureur d'Hussein, l'étoile de David flotte désormais sur son propre toit.
Une provocation et une humiliation en pleine guerre. Hussein n'est même plus
maître chez lui. Les soldats ont imposé un règlement très strict : aucun membre
de la famille ne peut entrer ou sortir sans leur autorisation. Les cartables des
enfants, les paquets des parents sont fouillés avant d'être introduits à
l'intérieur. Les visites de la famille ou d'amis sont interdites. Les
journalistes doivent obtenir l'autorisation de l'armée israélienne pour se
rendre chez Hussein et être escortés par une Jeep militaire. Aucune photo ne
peut être prise à l'extérieur, considéré désormais comme une zone militaire. Si
l'un des parents s'absente, cinq personnes au moins doivent rester à l'intérieur
pour éviter que la maison soit prise comme cible par les Palestiniens. Hussein
ne peut plus utiliser ni sa voiture m une charrette pour transporter des
courses.
Les enfants, angoissés, se portent de plus en plus
mal
La famille est condamnée à effectuer tous les trajets à pied sur
plus de deux kilomètres en zone découverte, exposée aux tirs avant de rejoindre
la route autorisée aux Palestiniens. Dès le début du conflit, la Croix-Rouge
internationale (CICR) a tenté de leur apporter de la nourriture mais elle a été
prise sous le feu de tirs croisés à plusieurs reprises.
L'ONG française
Médecins sans frontières a fini par obtenir, après plusieurs essais infructueux,
que l'armée laisse un psychologue et un médecin se rendre auprès de la famille
en état de choc. En effet, dès les premiers jours, les enfants ont présenté des
signes de stress et d'angoisse : cauchemars et pleurs la nuit. Pendant dix
jours, Baha, le petit garçon de 4 ans, ne tient plus sur ses jambes. Son père
l'emmène à la clinique. On lui fait tous les .examens qui se révèlent négatifs.
"Baha a peur et refuse donc de marcher ", dit le médecin, habitué à ce genre de
symptôme, fréquents chez les jeunes enfants de Gaza depuis le début des
événements. Diaha, 5 ans, ne se nourrit plus .Au grand dam de sa mère, elle perd
du poids et pèse moins que le petit dernier âgé de 2 ans et demi. Les plus
grands se mettent en colère sans raison, cassent leurs jeux, fabriquent des
chars et des fusils. " Is font la guerre ! s'exclame Hussein, révolté. Mais que
faire ? "
Rester en enfer ou voir détruire sa maison
Les
Israéliens le placent devant ce dilemme : " Soit vous restez dans la maison à
nos conditions, soit vous partez et on la démolit. " Aux problèmes quotidiens
s'ajoute celui de son travail. Depuis plusieurs mois, il n'a pu se rendre à son
bureau et l'Unrwa lui demande de revenir. "Avec ce qui se passe chez moi, je ne
peux pas quitter la maison" dit Hussein.
Le jour où les Israéliens ont
installé un mirador en béton, juste à côté de sa maison, Hussein a entrevu
l'espoir d'être enfin libéré de ses occupants encombrants, d'autant qu'ils ont
placé à l'intérieur du mirador des caméras qui surveillent en permanence les
alentours jusqu'au croisement de Netzarim. Espoir vite déçu. " Nous restons ",
lui répond l'officier.
Hussein n'est pas homme à se laisser abattre. Fort de
son droit à vivre normalement chez lui comme tout propriétaire, en décembre il
décide de se rendre à la réunion de sécurité entre Israéliens, Palestiniens et
CIA où le comité de liaison devait évoquer son cas. Hussein insiste pour
assister personnellement à la réunion. " J'ai expliqué aux Américains que nous
étions pris en otages, les Israéliens ont promis d'étudier mon cas. Mais,
depuis, plus rien. "
Hussein, victime depuis plusieurs mois d'une guerre qui
ne dit pas son nom, se bat comme un beau diable. Il est résolu à faire prévaloir
son droit. " Tous les jours je répète aux soldats israéliens qu'ils n'arriveront
pas à me faire taire. Je continuerai à alerter tout le monde pour que cesse
cette situation. Je me vengerai de ce qu'il font subir à ma famille."
2. L'expert israélien Joseph Alpher sur
la stratégie des deux camps : "Sharon ne veut pas la guerre" par
Jean-Pierre Perrin
in Le Monde du lundi 6
août 2001
Jérusalem envoyé spécial
Ancien responsable au Mossad (les services secrets israéliens), puis
directeur du Centre Jaffee d'études stratégiques, Joseph Alpher a été aussi un
proche conseiller de l'ex-Premier ministre Ehud Barak lors du sommet de Camp
David. Aujourd'hui, directeur d'un centre de recherches sur les rapports
sécurité-politique et responsable d'un site Internet de dialogue entre
intellectuels israéliens et arabes, il explique à Libération la stratégie de
Sharon et celle d'Arafat.
- Comment jugez-vous l'opération d'élimination des deux chefs du
Hamas à Naplouse ?
- C'est clairement une escalade. Mais n'oublions pas que ces deux hommes
avaient du sang frais sur les mains. Israël avait demandé à Arafat leur
arrestation mais celui-ci n'a jamais pris cette requête au sérieux. Reste que ce
type d'opération s'inscrit dans une tactique minimaliste dont le but est
d'éviter à Israël d'être entraîné dans la guerre.
- Au-delà de cette tactique, quelle est la stratégie de Sharon
?
- Il aimerait éliminer Arafat. De la même façon qu'il n'a pas cru aux
accords d'Oslo, il ne pense pas arriver jamais à un accord final avec lui. Mais
Sharon n'est pas pour autant un extrémiste ni un fanatique religieux. C'est un
pragmatique. Pour des raisons sécuritaires, il veut qu'Israël garde le contrôle
militaire de la Cisjordanie grâce aux colonies et aux points stratégiques de la
vallée du Jourdain qui doivent fragmenter le futur Etat palestinien. Mais il est
très sérieux quand il dit ne pas vouloir se laisser entraîner dans la guerre.
- Quelles sont les raisons qui l'empêchent de lancer l'armée à
l'assaut de Gaza et de la Cisjordanie ?
- Elles sont au nombre de quatre. D'abord, il ne veut pas que le
gouvernement d'union nationale éclate, ce qui arriverait dans une telle
hypothèse. Ensuite, il ne veut pas perdre le soutien américain; il est favorable
à des relations étroites avec Washington. En troisième lieu, il ne veut pas être
celui qui provoquera la rupture avec la Jordanie et l'Egypte. Enfin, il sait que
cette question n'a pas de réponse claire : que faire après la réoccupation de
Gaza et de la Cisjordanie ?
- La formule de remplacement est donc cette tactique d'"assassinats
ciblés" ?
- C'est une formule qui permet de survivre à une longue guérilla. Aussi
Sharon demande-t-il aux Israéliens d'être patients. Finalement, dans sa
politique sécuritaire, il ne va qu'un peu plus loin que Barak. Et c'est une
tactique qui réussit. Lorsqu'on frappe les chefs du mouvement, leurs subordonnés
sont incapables d'agir. A voir ces bombes qui explosent prématurément en tuant
ceux qui les manipulent ou qui, une fois posées, n'explosent pas, on découvre
qu'il y a de moins en moins de professionnels chez les terroristes; la
sophistication de leurs armes décline. Ce qui n'empêchera pas de jeunes
Palestiniens de devenir des kamikazes. La motivation des Palestiniens reste très
élevée. Les obsèques des chefs du Hamas ont réuni 100 000 personnes à Naplouse.
L'autre stratégie possible serait de détruire l'Autorité palestinienne, mais ce
serait fermer un conflit pour en ouvrir un autre.
- La réoccupation des territoires palestiniens est-elle étudiée par
l'armée ?
- Shaul Mofaz (le chef d'état-major de Tsahal, ndlr) pense que l'Autorité
palestinienne est une entité terroriste et qu'elle doit donc être détruite. A
l'inverse, Shimon Pérès fait valoir qu'après la destruction de l'Autorité
palestinienne, nous n'aurons plus d'autre option et que nous ignorons ce que
provoquera l'onde de choc, en particulier en Jordanie.
- Sharon serait donc un homme prudent ?
- Il sait qu'en cas d'offensive massive, il court le risque d'atrocités,
par exemple que 20 enfants palestiniens soient tués, et non pas 2 comme à
Naplouse. Cela, il ne le veut pas. D'autant moins qu'il n'ignore pas que la
communauté internationale l'a pris pour cible.
- Existe-t-il un risque d'extension du conflit ?
- Le pire scénario peut arriver demain. Il suffit par exemple de deux
attaques suicides particulièrement atroces, comme celle du Delphinarium (qui
avait tué 21 jeunes Israéliens, le 16 juillet), suivies de représailles
massives. Ce qui pourrait arriver de pire, c'est l'ouverture d'un second front,
si le Hezbollah tire une pluie de katiouchas sur la Galilée, obligeant Israël à
riposter en Syrie. On ne sait pas comment dégénérerait l'escalade. Selon des
responsables jordaniens, le régime du roi Abdallah pourrait perdre le contrôle
de la situation. Et ce scénario pourrait arriver en dépit de la prudence de
Sharon. Même si Yossi Sarid (le chef de l'opposition, ndlr) était Premier
ministre, il réagirait de la même façon en cas d'atrocités.
- Quelle est la stratégie d'Arafat ?
- Elle n'est pas facile à comprendre. Nous connaissons les questions, pas
les réponses. A quel point contrôle-t-il l'Intifada? L'a-t-il initiée? Est-il
vraiment intéressé à la reprise des négociations? Même au sein des services de
sécurité israéliens, il y a controverse. Certains services comme le Shin Beth
disent qu'il contrôle mal l'Intifada. Les renseignements militaires disent le
contraire. Veut-il faire cesser les violences et en est-il capable? On a vu
après l'attentat du Delphinarium qu'il pouvait faire respecter la trêve. On voit
aussi que son principal souci, c'est d'internationaliser le conflit, d'où ses
incessantes demandes d'observateurs internationaux.
- Y a-t-il une solution pour sortir du conflit ?
- Si c'est une sortie constructive, elle devra inclure un élément
politique. Il faudra dire à Arafat: «Nous sommes prêts à discuter des mêmes
questions posées par l'accord final que celles discutées à Taba.» Ensuite, pour
restaurer la confiance, annoncer le gel de toutes nouvelles implantations.
Enfin, il faut une implication beaucoup plus énergique des Etats-Unis.
Washington doit demander ce gel et dire à Arafat d'arrêter la violence. Même si
nous en arrivons là, une avancée vers un règlement politique n'est pas pour
demain en raison des graves dommages causés à la confiance entre Israéliens et
Palestiniens.
3. Les missiles israéliens ratent le chef de
l'insurrection palestinienne par Clyde Haberman
in The New
York Times (quotidien américain) du dimanche 5 août 2001
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Ramallah, Cisjordanie, 4 août. L'armée
israélienne a tiré des missiles, ce jour, contre un convoi accompagnant le chef
de l'insurrection palestinienne en Cisjordanie, au cours d'une opération
qualifiée par ce dernier de tentative d'assassinat.
Les officiels israéliens
ont démenti que ce leader, Marwan Barghouthi, fût visé, laissant entendre qu'ils
visaient en réalité un autre homme qui a été blessé au cours de l'attaque et qui
figurait sur la liste de Palestiniens recherchés pour leur rôle dans la violence
anti-israélienne.
Même s'il en est bien ainsi en réalité, tirer un missile
sur une personnalité aussi éminente que M. Barghouthi, responsable pour toute la
Cisjordanie du Fath, parti de Yasser Arafat, ne peut être considéré par les
Palestinien que comme la manifestation par Israël de sa détermination à porter à
un niveau supérieur sa politique d'assassinats programmés.
M. Barghouthi, 41
ans, n'a laissé aucune ambiguïté à ce sujet.
"Il y a une tentative de tuer
tout le monde et n'importe qui, mais il y aura escalade, aussi, dans la
résistance, de notre côté", a-t-il dit à l'hôpital de Ramallah, où il s'était
rendu au chevet de son second, Mohand Abu Halawa, blessé dans le raid et soigné
pour des brûlures. "Les Israéliens paieront le prix de leur tentative
d'assassinat : très cher".
Les assassinats planifiés d'Israël ont été
condamnés par les Etats-Unis et d'autres pays, cette semaine, après qu'au cours
d'un raid, les missiles de l'armée israélienne aient tué huit Palestiniens, dans
la ville cisjordanienne de Naplouse.
Les Israéliens ont dit que leur cible, à
Naplouse, était le leader du groupe Hamas, qu'ils ont décrit comme l'éminence
grise des opérations terroristes anti-israéliennes. Il pourrait y avoir d'autres
raids de ce type, a averti le premier ministre israélien Ariel Sharon, si les
Israéliens le jugent nécessaire afin de sauver des vies (d'Israéliens).
Son
gouvernement a déclaré qu'étant donné que ces attaques avaient pour objectif de
prévenir le terrorisme, il était absurde de les qualifier d'opérations
criminelles.
Cette dernière attaque en date intervient dans un contexte de
tension exacerbée entre les deux camps d'un conflit qui est désormais entré dans
son onzième mois. Toutefois, il y a eu aussi des signes , au cours de ces
derniers jours, donnant des indications sur ce vers quoi se dirigent les deux
parties.
Depuis l'attaque de Naplouse, les Israéliens ont resserré les rangs,
dans l'attente d'une réplique du Hamas. Leur intuition d'un désastre éminent a
été confirmée dans une grande mesure par deux alertes "rouges".
Vendredi
dernier, une femme palestinienne a déposé un sac contenant ce qu'elle a déclaré
être rien de moins que douze livres d'explosif et de clous à la gare centrale
des autobus de Tel Aviv. Cette femme a été arrêtée après qu'elle se soit
rebellée contre un agent de sécurité qui exigeait d'inspecter le contenu de ce
sac.
La veille, un adolescent palestinien porteur d'une bombe de forte
puissance a tenté de monter à bord d'un bus, près de la ville israélienne de
Beit Shean (au nord du pays), mais le conducteur du bus, voyant qu'il y avait
quelque chose de louche, a "balancé" in extremis aussi bien le jeune que son sac
hors du véhicule...
Il n'y a pas eu de blessé, dans ces deux incidents, mais
ils n'ont fait que renforcer le sentiment croissant qu'ont les Israéliens
d'échapper que d'extrême justesse à des catastrophes en série.
De leur côté,
les Palestiniens se sentent en état de siège.
Dans cette ambiance, des
avertissements qu'il y aurait une intensification de la violence ont été donnés
; ainsi de M. Barghouthi, comme nous l'avons indiqué plus avant. Mais cela n'a
pas empêché, au même moment, l'agence d'information palestinienne officielle
Wafa (émanation de l'Autorité palestinienne) de lancer un appel à faire reculer
la violence, remarqué en raison de son caractère pressant.
"Nous devons
admettre que, quel que grand soit le nombre des blessés et des morts que nous
pouvons causer chez les Israéliens, nous ne gagnerons pas la guerre contre eux",
a déclaré un communiqué de l'agence d'information (palestinienne) Wafa. "Ce
n'est que par les moyens politiques que nous pourrons atteindre nos objectifs,
en utilisant les pierres contre les Israéliens, aux barrages sur les routes et
dans les colonies, et non en utilisant des armes à feu, à l'intérieur
d'Israël."
Des officiels israéliens se sont déclarés "non impressionnés" par
l'éditorial de Wafa. "Il faut (aux Palestiniens) réussir les tests portant sur
les actes, les simples déclarations ne suffisent pas", a déclaré Raanan Gissin,
porte-parole de M. Sharon.
Dans le même temps, le gouvernement israélien
semblait prêt à lancer quelques signes d'apaisement de son propre
côté.
Ainsi, le ministre (israélien) de la justice, Meir Shitrit, a déclaré
ce jour qu'"une guerre totale contre l'Autorité palestinienne serait une erreur
irréparable", ajoutant : "nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir
afin de mettre un terme au terrorisme sans déclencher ce qui serait une
catastrophe : une véritable guerre, de grande envergure."
4. La Conférence
mondiale contre le racisme est mal partie par Jean-Claude
Buhrer
in Le Monde du du samedi 4 août 2001
Les négociations préparatoires, à Genève, butent sur les exigences de
certains pays arabes de voir condamner le sionisme et celles du groupe africain
pour que des réparations soient versées rétroactivement aux peuples jadis soumis
à l'esclavage.
GENÈVE de notre correspondant
La Conférence mondiale contre le racisme, prévue du 31 août au 7 septembre
à Durban, en Afrique du Sud, est-elle compromise, voire vouée à l'échec? En tout
cas, l'ambiance est plutôt lourde à Genève, où se déroulent, jusqu'au 10 août,
les préparatifs de la dernière chance, les délégués n'ayant réussi à s'entendre
ni sur l'ordre du jour ni sur le projet de déclaration finale, et encore moins
sur le programme d'action, dans les temps impartis. Pis encore, les
contradictions semblent s'exacerber à mesure que se rapprochent les
échéances.
Ainsi, Washington vient de donner à nouveau de la voix, laissant planer une
menace de boycottage si certains pays arabes s'obstinent à vouloir un texte de
la conférence assimilant racisme et sionisme, ou si le groupe africain persiste
à exiger des réparations pour les dommages engendrés à l'époque de
l'esclavage.
RAPPROCHER LES POINTS DE VUE
Le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a multiplié les appels à la
raison et les exhortations à la communauté internationale pour "trouver un
terrain d'entente assurant le succès de cette conférence". S'adressant à la
National Urban League, organisation de défense des intérêts des afro-américains,
il a émis l'espoir que Durban serve à "guérir de vieilles blessures, sans les
rouvrir. Il faut reconnaître les tragédies du passé, mais ne pas en devenir
prisonniers". En fait, la tâche s'avère très délicate et les écueils à surmonter
d'autant plus difficiles qu'aucun des camps en présence n'entend faire la
moindre concession. Chacun s'arc-boute sur ses positions les plus tranchées,
refusant de s'engager sur la voie, sinon de la réconciliation, du moins d'une
ébauche de consensus.
Après s'être séparés sur un constat de désaccord, le 1er juin, lors de ce
qui devait être leur dernière réunion préparatoire, les membres de l'ONU avaient
chargé un groupe de 21 Etats de poursuivre les discussions en vue de rapprocher
les points de vue. De l'avis d'un participant, le résultat de l'exercice est peu
convaincant. Sur le fond, de sérieuses divergences subsistent, car les
délégations auraient tendance à revenir à la charge plutôt qu'à supprimer des
propositions contestées.
A la reprise des négociations, le 1er août, le projet de déclaration
comptait encore 130 paragraphes, et 170 avec le préambule. Quant au programme
d'action à mettre en œuvre après Durban, il comporte 300 paragraphes – dont un
tiers entre crochets – sujets à contestation, ce qui laisse mal augurer de son
éventuelle adoption en sept jours de travaux à Durban.
S'ils se déclarent prêts à exprimer des "regrets" pour la période de
l'esclavage et à reconnaître les "effets dévastateurs du colonialisme", les
Européens n'envisagent pas d'aller jusqu'à présenter des excuses et refusent de
parler de dédommagements. Ils font valoir que ce n'est pas l'Europe qui a
inventé l'esclavage, pas plus que le racisme, et que d'autres, en particulier
les négriers arabes, l'ont pratiqué avant qu'ils ne débarquent en Afrique.
D'ailleurs, les Africains eux-mêmes ne sont pas dupes, et d'aucuns ne se privent
pas de rappeler en privé les razzias, encore nombreuses de nos jours, dans des
pays comme la Mauritanie et le Soudan. Tout en assumant le passé, un arrangement
pourrait être trouvé sur ce dossier épineux avec le concours de l'Afrique du
Sud, par le biais d'une aide accrue au développement des pays ayant le plus
souffert de l'esclavage.
UNE PRÉSENCE CONTESTÉE
Avec son lot de violences quotidiennes, la situation sur le terrain au
Proche-Orient ajoute aux tensions, tandis que des régions entières sont
simplement ignorées malgré leurs lancinants problèmes –que ce soit l'Indonésie
avec les autochtones d'Irian-Jaya, ou les Moluques, sans parler d'Atjeh
(Indonésie), des discriminations persistantes en Chine, ou encore des
montagnards du Vietnam et des femmes en Afghanistan. La polarisation de
l'attention sur le sionisme ou l'esclavage semble faire oublier toutes les
autres facettes de l'intolérance ou de l'exclusion, qu'elles soient liées à des
aspects économiques ou religieux, quand ce n'est pas simplement de sexe.
Les délégués ont cependant trouvé le temps de refuser l'accréditation d'une
organisation non gouvernementale, l'Association internationale des homosexuels
et lesbiennes. Alors que l'Union européenne et d'autres pays ont défendu le
principe de sa participation au nom de la non-discrimination, sa présence a été
vivement contestée par la Malaisie et les pays membres de la Conférence
islamique. La décision a finalement été prise de justesse, par 43 voix pour, 43
contre et 27 abstentions. En vertu des règles de procédure, l'égalité équivaut à
un vote négatif, mais, si la Suède ne s'était pas absentée momentanément,
l'issue aurait été différente. Cet incident n'a pas manqué de creuser un peu
plus le fossé entre les représentants officiels et les émissaires de la société
civile.
D'ailleurs, il semblerait que la défense des droits de l'homme ne fasse
plus vraiment recette, même aux Nations unies. Ainsi, pour tenter de sortir de
l'impasse, les responsables de la division des droits de l'homme avaient imaginé
de convier un comité des sages à venir donner et son opinion et un coup de pouce
au démarrage de la conférence, dans l'espoir que quelques grands noms
suffiraient à tirer les préparatifs de l'ornière.
Une vingtaine de personnalités, triées sur le volet, devaient se retrouver
les 2 et 3 août à Genève pour ces discussions informelles. Mais la moitié
d'entre elles – dont Nelson Mandela (malade), les ex-présidents Jimmy Carter et
Mikhaïl Gorbatchev, Elie Wiesel ou encore Rigoberta Menchu – se sont excusées,
et les conversations se limitaient à une table ronde d'une demi-journée,
vendredi 3 août…
[Mary Robinson dans la polémique sur le sionisme -
Cherchant à calmer le jeu, le haut-commissaire des Nations unies pour les droits
de l'homme, Mary Robinson, a elle-même mis en garde contre la tentative de
rouvrir à Durban un débat clos il y a dix ans, lorsque l'Assemblée générale de
l'ONU avait abrogé une résolution de 1975 assimilant le sionisme au racisme. La
résolution de 1975 avait motivé l'absence des Etats-Unis aux deux précédentes
conférences de l'ONU sur le racisme, en 1978 et 1983. Mme Robinson s'est attiré
les foudres de certains milieux arabes, comme l'Organisation égyptienne des
droits de l'homme, qui l'a invitée à "réviser ses propos".]
5. Trois équipes
spéciales pour éviter les assises à Sharon par Serge
Dumont
in Le Soir (quotidien belge) du samedi 4 août
2001
TEL-AVIV - Interviewée par la deuxième
chaîne de télévision israélienne, Irit Kahane (la spécialiste en droit
international du parquet général d'Israël chargée de suivre l'évolution de
l'instruction du « dossier Sharon » à Bruxelles) a notamment affirmé que ses
services avaient transmis au juge d'instruction Patrick Collignon une série de
documents confidentiels relatifs aux massacres de Sabra et de Chatila, ainsi
qu'aux travaux de la commission d'enquête créée à Jérusalem après la découverte
de la tuerie.
Pressée de questions au sujet de Me Michèle Hirsch (l'avocate belge
représentant les intérêts de l'Etat hébreu dans ce dossier), Irit Kahane a
également affirmé qu'il n'a pas été difficile de la convaincre d'accepter cette
affaire parce qu'elle a tout de suite compris que ceux qui ont déposé plainte
contre Ariel Sharon cherchent à utiliser la loi belge à des fins purement
politiques.
"Une presse belge plus hostile que jamais"
En outre, la
représentante du parquet général israélien a déclaré qu'en dehors de l'avocate
belge, l'Etat hébreu utilise des voies discrètes pour faire comprendre à la
justice belge qu'elle n'est pas compétente.
Enfin, Irit Kahane a confirmé qu'Israël prend très au sérieux la
possibilité de voir des officiers ou des ex-officiers de Tsahal (armée
israélienne) arrêtés en Belgique ou dans d'autres pays de l'Union européenne en
raison de leur participation à la guerre du Liban et/ou de la répression de
l'intifada palestinienne. Nous nous préparons à une telle éventualité, a-t-elle
en effet répondu. Nous avons mis en place une équipe spéciale de juristes
susceptibles d'intervenir en urgence.
La presse israélienne continue en tout cas de suivre de très près
l'évolution de l'instruction des plaintes déposées contre Sharon. Dans son
supplément de fin de semaine, le « Maariv » a publié vendredi sur cinq pages
l'interview de Robert Hatam (alias « le Cobra »), l'ex-garde du corps personnel
d'Elie Hobeika, le chef des milices chrétiennes libanaises qui ont procédé aux
massacres de Sabra et Chatila. Selon ce témoin, Hobeika a donné les ordres et
Sharon ne savait rien.
De son côté, le « Yediot Aharonot » (le principal quotidien israélien, qui
vient d'envoyer un de ses reporters en Belgique) affirme que la Délégation
générale de l'Autorité palestinienne à Bruxelles est assaillie de volontaires
qui veulent l'aider dans la procédure contre Sharon et qu'une agence de voyage
belge organise des voyages à prix réduits pour les réfugiés palestiniens qui
voudraient venir témoigner contre lui.
Reçu à bras ouverts par les diplomates de l'Etat hébreu en poste à
Bruxelles, le journaliste écrit en outre que ces derniers se plaignent de devoir
affronter une presse belge plus hostile que jamais et un public ennemi.
Dans un autre dossier intitulé « De la boue belge pour Sharon », le même
journal révèle que le gouvernement israélien a demandé au Mossad de se procurer
le texte de la plainte contre le Premier ministre lorsque celle-ci a été déposée
et qu'il a, il y a environ trois semaines, envisagé d'expulser du pays Me Luc
Walleyn (l'un des avocats belges des plaignants contre Sharon), qui rendait
visite à des organisations israélo-palestiniennes de défense des droits de
l'homme.
Quoi qu'il en soit, pour l'heure, trois équipes spéciales travaillent
quasiment en continu au sein du cabinet de Sharon et des ministères des Affaires
étrangères et de la Justice pour éviter au Premier ministre de l'Etat hébreu
l'humiliation d'un renvoi devant une cour d'assises belge. A ce dispositif
devrait bientôt s'ajouter un cabinet de relations publiques européen chargé de
pallier les déficiences de l'ambassade d'Israël à Bruxelles en la matière.
De plus, Abraham Hirchson, un député du Likoud (le parti de Sharon) du nord
de Tel-Aviv, a confirmé hier qu'il déposerait prochaine plainte contre Yasser
Arafat à Bruxelles. Pour crimes contre l'humanité, a-t-il ajouté, en précisant
que son équipe termine de rassembler les preuves. La plupart des observateurs
doutent cependant de la crédibilité de ce député qui estime que la procédure
contre Sharon fait partie d'une campagne antisémite et qui profite des
interviewes qu'il accorde pour accuser le roi d'avoir fait déporter 8.000 juifs
belges vers les chambres à gaz durant la Deuxième Guerre mondiale.·
Ariel Sharon en cause, et non l'Etat d'Israël ?
Les
trois avocats des 23 personnes qui ont déposé plainte à Bruxelles contre Ariel
Sharon ont introduit une requête afin d'avoir accès au dossier. Ils sont
intéressés par la lettre communiquée au juge d'instruction Collignon par
l'avocate de l'Etat d'Israël, Me Hirsch, qui contesterait la compétence du juge
belge. Les trois avocats mettent d'ailleurs en cause la légitimité de
l'intervention de l'Etat d'Israel. Selon eux, l'Etat n'est pas à la cause; c'est
Sharon qui est visé.
6. Les
journalistes de la BBC sont sommés de ne plus qualifier les liquidations
extra-judiciaires israéliennes d'"assassinats" par Robert Fisk
in
The Independent (quotidien britannique) du du samedi 4 août 2001
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Etablissant un précédent majeur en cédant aux pressions diplomatiques
d'Israël, les responsables londoniens de la BBC ont interdit à leurs équipes,
tant en Angleterre qu'au Moyen-Orient, d'utiliser le mot "assassinat" lorsqu'ils
se réfèrent à la politique consistant pour Israël à liquider ses adversaires
dans l'insurrection en cours. Des reporters de la BBC se sont entendu dire
qu'ils devraient, dorénavant, utiliser l'euphémisme même utilisé par Israël pour
désigner ces meurtres : "éliminations ciblées"...
Des journalistes de la BBC
ont fait part de leur étonnement au constat que l'éditorialiste en chef des
reportages assignés, Malcolm Downing, ait jugé bon d'envoyer le memorandum en ce
sens aux journalistes, en ajoutant que le mot "assassinat" devait être "utilisé
seulement dans les cas où il s'agit du meurtre d'un haut responsable politique".
Aux dire de M. Downing, "ce ne sont pas les mots désignant la mort qui ne
manquent".
Ce sont une soixantaine de militants palestiniens - et de nombreux
civils, dont deux enfants, la semaine dernière - qui ont été "descendus" par des
commandos de la mort israéliens ou par des pilotes d'hélicoptères munis de
missiles. La Maison Blanche a gentiment gourmandé Israël au sujet de ces
attaques mais, dès le début de la semaine, la BBC a commencé à utiliser la
périphrase d'"attaques ciblées" pour désigner la politique (israélienne) des
liquidations planifiées. Les cas où des Israéliens sont tués par des
Palestiniens sont toujours désignés, en revanche - à juste titre - de "meurtre"
ou d'"assassinat".
Le mémoire de M. Downing suggère que le meurtre d'un
Israélien de haut rang - à l'instar du premier ministre Yitzhak Rabin, tué par
un extrémiste israélien - justifie l'utilisation du terme "assassinat" et qu'il
n'en va pas de même pour le fait de tuer un Palestinien
(lambda).
Apparemment, cette note signifie que le terme "assassinat" ne peut
être utilisé qu'"avec parcimonie" et "discernement". Le bannissement du terme
"assassinat" résulte d'une discussion entre M. Downing et Vin Ray,
vice-président du service de l'information à BBC World TV. Des diplomates
israéliens s'étaient plaints, au cours d'un déjeuner avec des responsables de la
BBC, de la couverture "anti-israélienne et pro-palestinienne" de la chaîne.
En réalité, la campagne de meurtres israélienne est très loin d'être
"ciblée". Au cours de la première opération de cette longue série de "tueries"
(en anglais : killings, ndt), deux femmes palestiniennes dans la force de l'âge
avaient été tuées. Après un premier reportage les ayant mentionnées, la BBC
avait pris soin d'occulter toute référence à ces deux victimes ("collatérales")
lors de la reprise de l'information au sujet de cet
"incident".
7. La
délégitimation du pouvoir palestinien par Georges Malbrunot
L'Est
Républicain (quotidien régional) du samedi 4 août 2001
Certains proches de Yasser Arafat prennent des précautions dans l'hypothèse
d'une aggravation de la situation.
L'interview d'un haut responsable de la sécurité dans la bande de Gaza se
conclut par une étrange requête : « J'ai un visa Schengen valable pour un mois,
pourriez-vous faire quelque chose auprès de votre ambassade pour que sa validité
soit prolongée d'un an ? ». Menacés d'anéantissement par Ariel Sharon, certains
dirigeants liés à l'Autorité palestinienne prennent les devants. Ainsi, le
ministre de la Justice Freih Abou Mdein a-t-il disparu de Gaza depuis bientôt
deux mois. Selon une source indépendante, il est en Espagne où il possède une
propriété. En conflit ouvert avec Yasser Arafat -ce dernier l'a mis en
concurrence avec le procureur général du territoire autonome-, Freih Abou Mdein
a remis sa démission en mai au chef de l'Autorité palestinienne qui l'a
refusée.
La plupart des ministres proches de Yasser Arafat ont des solutions de
repli en Europe, en Egypte ou au Canada, au cas où la situation tournerait au
vinaigre, estime-t-on généralement dans les milieux diplomatiques à Jérusalem.
Mohamed Rashid, conseiller financier de Yasser Arafat et un de ses émissaire
pour ses contacts avec Ariel Sharon, dispose par exemple d'un passeport
canadien, et nul doute qu'immédiatement après une éventuelle disparition du
«Vieux», Mohamed Rashid prendrait la poudre d'escampette. Aujourd'hui,
cependant, bien peu prendraient le risque de quitter le navire. La mort, en
février dernier à Gaza, d'Hisham Mikki, responsable de la télévision, imputée
selon les services de renseignements occidentaux à une officine de la sécurité
palestinienne, serait due au fait que ce proche du chef de l'Autorité
palestinienne, unanimement détesté, avait menacé de partir pour l'Egypte où il
avait établi des affaires. Hors du territoire, les langues peuvent évidemment se
délier plus facilement. Mais fuir est une option dangereuse.
Renforcer le front palestinien
C'est au plus haut niveau que la déligitimation israélienne a le plus
d'impact. Elle affecte principalement les « Tunisiens » rentrés d'exil
avec Yasser Arafat, qui ont trusté l'essentiel des postes à responsabilité dans
l'Autorité. Ceux qui craignent pour leur avenir ont été en général étroitement
associés aux négociations avec Israël, négociations qui ont échoué, et dont un
nombre croissant de Palestiniens leur font porter la responsabilité de cet
échec. La déligitimation renforce du même coup les critiques de la population
envers leurs dirigeants. Cela étant, le souhait israélien d'attendre un nouveau
leadership « plus réaliste » que Yasser Arafat rencontre encore peu d'écho. La
rue critique ouvertement ses responsables mais elle épargne généralement le chef
de l'Autorité palestinienne de ses foudres. Les Palestiniens ont conscience que
sa disparition déboucherait sur un chaos, dont saurait profiter l'Etat
hébreu.
Inévitablement, ces attaques renforcent les adversaires islamistes de
l'Autorité, qui ont fait de la lutte anti-corruption et de l'incapacité de
Yasser Arafat à concrétiser les accords d'Oslo deux de leurs principaux chevaux
de bataille. En réaction à ces coups de boutoir israéliens, le chef de l'OLP
paraît surtout soucieux de renforcer le front palestinien et de ne pas perdre le
contrôle de la situation. Ainsi vient-il de nommer deux nouveaux gouverneurs
dans les régions de Rafah et Khan Younès dans le sud de la bande de Gaza. Deux
gouvernorats, où les activistes livrent les affrontements à la fois les plus
réguliers et les plus violents face aux soldats israéliens, et où une reprise en
main s'avérerait
délicate.
8.
Palestine-Israël : Le danger plane sur Al-Aqsa
in L'Hebdo
Magazine (hebdomadaire libanais) du vendredi 3 août 2001
La
multiplication des assassinats de militants palestiniens et les agissements de
la secte extrémiste des Fidèles du mont du Temple sur l'esplanade des Mosquées
ne sont pas fortuits. Ils correspondent à une véritable stratégie de provocation
israélienne.
«Beaucoup d'Israéliens ne croient pas en Dieu. Néanmoins, ils
considèrent tous que le diable existe et qu'il partage son temps entre Gaza et
Ramallah.» Ces propos de Gershom Gornberg dans Maariv illustrent bien l'attitude
des Israéliens, de gauche et de droite, vis-à-vis de Yasser Arafat: jamais leur
haine n'a été aussi grande contre le président palestinien. Celle-ci trouve son
origine dans la conviction, largement partagée, qu'Arafat est l'homme qui a
réussi à flouer Israël. Au lieu de se contenter des miettes consenties par la
générosité israélienne selon les accords d'Oslo et de respecter ses engagements,
surtout sécuritaires, il aurait instrumentalisé ces fameux accords pour se
constituer une base d'appui, sur son propre territoire, et se retourner contre
Israël. C'est ce qui explique la colère d'un Ehud Barak qui affirme dans un
article publié par le New York Times: «Israël devra attendre l'émergence d'un
nouveau leadership palestinien pour conclure un véritable accord de paix.» De
plus, Arafat est le parapluie politique de l'intifida. Sa stature régionale et
internationale et la reconnaissance dont jouit l'Autorité palestinienne ont
limité l'ampleur des attaques israéliennes pour le moment. Toutefois, il semble
qu'une nouvelle stratégie est suivie pour modifier la donne sur le terrain...
Le rôle des opinions publiques
L'une des
caractéristiques de la confrontation actuelle en Palestine est le rôle central
joué par les opinions publiques. Du côté palestinien, c'est d'abord la rue et
les organisations populaires qui ont lancé l'intifida, entraînant avec elles
l'Autorité palestinienne. Du côté israélien, c'est l'opinion publique qui a voté
Ariel Sharon et qui le soutient dans sa politique de répression et
d'intransigeance. Cette radicalisation à droite de l'opinion est liée à la
conjoncture, mais elle correspond aussi à des transformations structurelle,
démographique et idéologique dans la société israélienne. Celle-ci connaît
aujourd'hui une évolution similaire à celle qu'ont connue d'autres sociétés
coloniales dans les situations de confrontations extrêmes. L'émergence de
milices coloniales parallèles aux armées d'occupation, dotées d'une autonomie
croissante vis-à-vis de ces dernières, telles que les milices de l'extrême
droite blanche en Afrique du Sud ou l'OAS en Algérie, est l'une des
caractéristiques de ces sociétés. Dans le cas israélien, ces milices et
organisations extrémistes, créées, armées et protégées par l'armée, ont toujours
eu une fonction dans la stratégie israélienne officielle. Il ne faudrait pas
exclure que dans le contexte actuel, celles-ci soient tentées de voler de leurs
propres ailes. Elles ont déjà commencé, aux côtés des ultras du Likoud, à
fustiger la mollesse de l'action d'Ariel Sharon.
Glissement vers l'extrême droite
Toute la galaxie
nationaliste ou religieuse glisse de plus en plus à l'extrême droite. Le cas du
parti Shass est emblématique. Ce parti ne s'était pas opposé aux accords d'Oslo
ni au principe d'accorder quelques concessions aux Palestiniens. Aujourd'hui,
ses députés se livrent à une surenchère verbale qui rivalise dans le ton avec
les propos de son guide spirituel, le rabbin Ovadia Yossef, comparant les
habitants arabes de Jérusalem-Est à des fourmis et leur souhaitant d'aller en
enfer. Plus généralement, et selon un sondage publié récemment par le quotidien
Maariv, 80% des Israéliens justifieraient les actions terroristes des colons
contre les civils palestiniens. Cette ambiance est idéale pour les courants
nationalistes ou religieux extrémistes. Ils vont désormais tenter d'exacerber
autant que possible le conflit avec les Palestiniens. La provocation à laquelle
s'est livrée la secte des Fidèles du mont du Temple sur l'esplanade des Mosquées
à Jérusalem participe de cette stratégie de la tension. Ce groupuscule, qui
compte quelques centaines de membres, caresse depuis plus de vingt ans le projet
de bâtir le Temple de Salomon en lieu et place de la mosquée Al-Aqsa. Qui
empêchera l'un des membres de cette secte ou d'une autre secte extrémiste de
dynamiter la mosquée? L'un de ces groupes n'a pas hésité à assassiner un Premier
ministre israélien, une première dans l'histoire du sionisme. Qu'est-ce qui les
dissuadera aujourd'hui de commettre un acte qui, par sa portée symbolique et
politique, sera un casus belle et rendra tout retour en arrière, c'est-à-dire
aux négociations, impossible, ce qu'ils appellent de leurs vœux? De plus,
l'autonomisation croissante de ces groupuscules extrémistes juifs permet au
gouvernement israélien une meilleure instrumentalisation de leurs violences dans
le cadre de sa stratégie de terreur contre le peuple palestinien sans que la
responsabilité de leurs actes ne lui incombe directement. Une division du
travail pourrait ainsi s'instaurer entre l'armée d'occupation et ces
groupuscules, comparable à celle qui existait durant la guerre de 1948 entre la
Hagannah d'une part, le groupe Stern et l'Irgoun d'autre part. Les massacres les
plus sanglants seront l'œuvre de ces deux groupes dans le cadre de la même
stratégie israélienne visant à expulser les Palestiniens. Les liens intimes de
Sharon avec les colons extrémistes facilitent la mise en place d'une telle
complémentarité stratégique. En cas de guerre totale contre les Palestiniens,
ces derniers pourront se livrer aux exactions regrettables visant à déplacer les
populations de certaines zones palestiniennes.
Le rôle des milices parallèles
Dans tous les conflits
contemporains ayant conduit à des purifications ethniques, celles-ci seront
menées en grande partie par des milices parallèles. En plus de
l'instrumentalisation des colons, le gouvernement israélien se livre à une
réelle politique de provocation illustrée par l'intensification des assassinats
de cadres et de militants palestiniens. En l'espace de trois jours, treize
militants palestiniens ont été assassinés (six du Fatah, six du Hamas, un du
Djihad islamique) et un militant du Hamas a été kidnappé. L'objectif de ce
carnage est clair: inciter à une réaction palestinienne immédiate, et de
préférence aveugle et sanglante, qui justifierait une attaque israélienne
d'envergure. Le débat autour d'une telle attaque est devenu public en Israël et
ses échos sont reflétés dans la presse. Shaoul Mofaz, le chef d'état-major,
serait favorable à une guerre totale contre l'Autorité palestinienne alors que
le ministre de la Défense Ben Eliezer serait partisan d'une stratégie de
confinement sans assaut final. Akiva el-Dar signale dans Haaretz qu'il n'y a pas
de consensus dans la haute hiérarchie militaire sur la stratégie à suivre:
«Certains considèrent que la disparition d'Arafat sera suivie par le déluge. Une
coalition d'extrémistes nationalistes et islamistes va contrôler la situation
sur le terrain et continuer la guerre de guérilla contre Israël. D'autres, plus
optimistes, estiment qu'après Arafat, nous assisterons à l'émergence d'un
Rajoubistan en Cisjordanie et d'un Dahlanistan à Gaza avec un président-pantin
désigné par les services comme Abou el-Ala'. La nouvelle génération de
dirigeants est née après la Nakba, a des convictions laïques et n'est pas
attachée au droit au retour des réfugiés. Après une période d'affrontements
internes, elle saura se montrer autrement plus pragmatique que la précédente
génération de dirigeants dans les négociations avec Israël.» Sans discuter du
bien-fondé de ces analyses, à savoir la possibilité de la création de tels
bantoustans au vu des nouveaux rapports de forces interpalestiniens après
l'intifida ainsi qu'au vu des possibles réactions officielles arabes, surtout
égyptiennes, et leurs influences sur la situation palestinienne, leur poids sur
les politiques israéliennes se fait clairement sentir. Seule la continuation de
l'intifida et de la résistance armée ciblée contre l'armée et les colons pourra
à long terme démentir ces analyses et tenir les plans de Sharon en échec.
[L'impact économique de l'intifada - Depuis le début de
l'intifida, Israël connaît une véritable crise économique dont les effets se
font surtout sentir d'abord sur l'emploi par la multiplication du nombre de
chômeurs. Récemment, la plus grande usine d'acier située au nord d'Israël a
fermé ses portes avec un déficit de 100 millions de dollars. Le même phénomène
est constaté dans le domaine des industries textiles où plusieurs usines ont dû
fermer leurs portes. De plus, l'union des industriels de l'Israël-Nord a annoncé
que ses usines allaient licencier 300 salariés. Il faudrait rappeler que 31% de
ces usines ont déjà licencié une centaine de salariés ces derniers mois. Par
ailleurs, une baisse de 44% du taux d'investissements étrangers dans le secteur
des technologies de pointe a été
constatée.]
9. 56% de Danois
s'opposent à la nomination du nouvel ambassadeur israélien par Boris
Lévy
in Le Monde du vendredi 3
août 2001
STOCKHOLM, correspondance
S'il revenait aux citoyens de juger recevable ou non la nomination des
diplomates étrangers sur leur territoire, Carmi Gillon, ancien chef du service
de sécurité intérieure israélien (Shin Beth), ne serait probablement pas
installé dans ses fonctions de nouvel ambassadeur d'Israël à Copenhague, en
septembre. En effet, selon un sondage Gallup, près de 56% des Danois sont
opposés à son accréditation.
Il faut dire que M.Gillon a fait montre d'une étonnante légèreté en
justifiant, dans un entretien à une chaîne de télévision danoise, les "pressions
physiques" auxquelles Israël avait recours lors des interrogatoires de
Palestiniens soupçonnés d'actes de terrorisme, avant l'arrêt de la Cour suprême
de 1999 interdisant la torture. "Cette méthode était utilisée uniquement contre
les fondamentalistes du Hamas et du Djihad islamique, qui refusaient de parler,
notamment à propos des attaques suicides. Cela faisait partie de mon travail", a
déclaré M.Gillon.
Puis il a expliqué en substance que face au regain de
violence des derniers mois au Proche-Orient, l'Etat juif devait suspendre cet
arrêt d'interdiction de la torture : "Nous pensions que les Palestiniens
feraient tout pour neutraliser le terrorisme. Aujourd'hui, je crois que nous
devons avoir de nouveau recours à ces méthodes."
Ce proche du ministre des affaires étrangères, Shimon Pérès, a ainsi réussi
le tour de force de se mettre à dos la classe politique et les associations de
défense des droits de l'homme du Danemark, régulièrement montré du doigt pour
ses partis pris "pro-palestiniens".
"LEÇON DE MORALE"
Le premier ministre israélien, Ariel Sharon, et M. Pérès ont vigoureusement
défendu leur candidat. "Personne n'a le droit de nous donner des leçons de
morale à propos du combat que nous menons contre la terreur", a indiqué le
cabinet de M.Sharon dans un communiqué rageur. La campagne menée contre M.Gillon
est "une remise en cause du droit de l'Etat hébreu à se défendre". "Nous avons
choisi comme ambassadeur un homme qui est familier des terribles dilemmes que
posent les problèmes de sécurité, un homme qui n'a pas perdu la foi dans la
paix", a, pour sa part, affirmé Shimon Pérès.
M. Gillon pourrait finalement représenter Israël ailleurs qu'au Danemark.
Car même si le ministre danois des affaires étrangères, Mogens Lykketoft, a
affirmé qu'il jouirait de l'immunité diplomatique, la plainte actuellement
instruite en Belgique contre Ariel Sharon pour les massacres de Sabra et
Chatila, au Liban en 1982, fait craindre aux dirigeants israéliens une
multiplication de ce genre de procédures. Le ministère israélien des affaires
étrangères a ainsi fait parvenir aux fonctionnaires une note en forme de mise en
garde contre les risques encourus dans certains pays, où des plaintes pour
crimes contre l'humanité ou crimes de guerre ont été, ou pourraient être
déposées.
10. Ariel Sharon est soutenu par la majorité de sa
population par Catherine Dupeyron
in Le Monde du vendredi 3 août
2001
JÉRUSALEM, correspondance
La réunion du cabinet de sécurité restreint a duré cinq longues heures, à
l'issue desquelles le gouvernement israélien a décidé de maintenir sa politique
actuelle, de "droit à l'autodéfense", en poursuivant ses attaques ciblées contre
"les terroristes et leurs commanditaires" – qui ont déjà tué une cinquantaine de
Palestiniens. Au lendemain du raid sélectif sur Naplouse, qui a tué six membres
du Hamas et deux enfants, le gouvernement d'Ariel Sharon est donc résolu à ne
pas tenir compte des vives critiques de la communauté internationale, notamment
américaines à ce sujet.
Les cinq participants à la réunion seraient néanmoins tombés d'accord sur
le fait qu'il ne fallait pas s'en prendre à Yasser Arafat, alors même que les
services de sécurité, consultés par le cabinet, ont expliqué que le président de
l'Autorité palestinienne contrôle les activités du Hamas. Selon eux, l'Autorité,
non seulement ne lutterait pas contre les "terroristes", mais les protégerait et
les rares arrestations effectuées par la police palestinienne auraient surtout
pour but de mettre à l'abri ceux qui pourraient être "éliminés" par l'armée
israélienne.
"OPÉRATION PRÉVENTIVE"
Le ministre des affaires étrangères, Shimon Pérès, ne croit pas, ou ne veut
pas croire, à la thèse selon laquelle Yasser Arafat contrôlerait le Hamas.
Il
s'est toutefois abstenu de critiquer l'attaque ciblée de la veille. Il
s'agissait, a-t-il déclaré à la télévision, d'une "opération préventive", visant
ceux qui "étaient vraiment impliqués dans l'organisation des attentats. Le
problème, c'est le Hamas. Ils ne respectent aucune loi. Et ils organisent des
attentats suicides, ce qui est contraire aux croyances des trois principales
religions".
L'attaque de mardi n'a pratiquement pas été contestée. Seuls deux anciens
ministres de gauche, Yossi Beilin et Yossi Sarid, ont exprimé leur désaccord.
Dans la presse, quelques éditorialistes se sont seulement interrogés sur le
moment choisi pour la mener, d'autant que, depuis l'attentat du Dolphinarium de
Tel-Aviv, perpétré par le Hamas le 1erjuin et qui avait fait vingt et un morts,
l'organisation islamiste n'avait commis aucun attentat en Israël même. Le
journaliste Akiva Eldar, du Haaretz, croit savoir que le Hamas avait même prévu
de "différer le départ de ses émissaires au Paradis", c'est-à-dire les attentats
suicides.
Roni Shaked, du Yediot Aharonot, estime que l'attaque de mardi était un
"assassinat stratégique" et non "tactique", destiné à éliminer "une des têtes
politiques" du Hamas. Cette analyse est partagée par de nombreux éditorialistes.
Ephraïm Sneh, ancien général aujourd'hui ministre des transports, s'est dit
"très content que nous ayons réussi à couper la tête du serpent et non sa
queue".
La population israélienne, quant à elle, est inquiète. Un récent sondage
publié par le Yediot Aharonot indique que la moitié des Israéliens fréquentent
moins les centres commerciaux, par crainte d'un attentat. La police de Jérusalem
est débordée d'appels téléphoniques signalant un paquet, une voiture ou un
individu suspects. Une enquête d'opinion Gallup, publiée par le Maariv le 27
juillet, indiquait que la moitié de la population israélienne juive serait
favorable à une action militaire d'envergure contre l'Autorité palestinienne; 30
% se satisfont de la politique actuelle et 20 % sont incapables de répondre, ce
qui est le signe d'un grand désarroi.
11. Un plan
secret pour l'envoi d'observateurs en Israël par Ewen MacAskill
in
The Guardian (quotidien britanique) du vendredi 3 août 2001
Les Etats-Unis sont en train de mettre au point des plans détaillés pour le
déploiement d'une force internationale d'observation destinée à surveiller les
points d'affrontement, dans le cadre du conflit israélo-palestinien, remettant à
l'ordre du jour une idée qui semblait pourtant bien avoir été remisée au placard
du fait des objections israéliennes, il y a environ deux semaines.
D'après
certaines sources diplomatiques occidentales, les Etats-Unis sont en train de
promouvoir activement l'envoi d'une force d'observateurs et ils ont, à cet
effet, d'ores et déjà exploré une série d'options, accompagnées de données
précises en matière d'effectifs, de prérogatives et compétences, et de
localisations possibles, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
La
Grande-Bretagne et d'autres pays européens ont été associés à ce projet.
Il
s'agit là du premier signe positif donné par l'activité diplomatique au
Moyen-Orient, depuis des semaines d'une confrontation qui a atteint des niveaux
de violence sans précédent, avec notamment un raid (israélien), mardi dernier,
qui a entraîné la mort de huit Palestiniens, parmi lesquels deux responsables du
mouvement Hamas.
Yasser Arafat, le leader palestinien, qui a averti hier que
la région était à la veille d'une catastrophe majeure, plaide depuis longtemps
pour l'envoi d'une force internationale d'interposition, à laquelle Israël s'est
constamment et catégoriquement opposé.
Le premier ministre israélien, Ariel
Sharon, ainsi que le ministre des affaires étrangères, Shimon Pérès,
continueront à déclarer publiquement, jusqu'à nouvel ordre, qu'ils ne voient pas
l'intérêt d'une force de cette nature. Mais Israël ne peut se permettre
d'ignorer les Etats-Unis, son principal allié et protecteur.
Deux sources
gouvernementales israéliennes, qui auraient dû classiquement se contenter de
décliner (la litanie de) leurs objections à la simple suggestion (de l'envoi)
d'une telle force, ont confirmé, séparément, hier, que le gouvernement israélien
"évoluait vers la prise en considération" de cette dernière. Ceci a valu ce
commentaire, quelque peu dépité, d'un officiel israélien : "C'est peut-être tout
simplement parce que, pour une fois, Israël doit bien dire "oui" à quelque
chose..."
Une source diplomatique occidentale a indiqué qu'"il y avait un
début de frémissement laissant entendre qu'Israël pourrait éventuellement
condescendre à un début d'un peu plus de bonne volonté"...
Une force
d'interposition de ce type pourrait représenter un premier pas en direction de
la remise sur pied du défunt processus de paix. Sa composition est l'un des
points qui restent encore à débattre.
Bien que les derniers détails n'aient
pas encore été arrêtés, les Etats-Unis pencheront vraisemblablement en l'état
actuel des choses vers une force internationale qui inclura, avec une
quasi-certitude, la Grande Bretagne (l'hypothèse d'une force exclusivement
américaine et relevant de la CIA étant, semble-t-il, définitivement
abandonnée).
La même source diplomatique (occidentale) avance que "les
Etats-Unis travaillent dans le détail sur les différentes options qui se
présentent devant la mise sur pied d'une force d'observateurs, tant en ce qui
concerne son recrutement que la nature de sa mission et ses prérogatives
exactes"
Les réflexions américaines à ce sujet ont fait le tour des milieux
spécialisés dans différentes capitales occidentales. Une source a indiqué que
les Américains avaient l'intention d'annoncer prochainement le projet de manière
officielle.
L'une des raisons avancées par Israël pour s'opposer à cette
force est "que les Palestiniens ne doivent pas voir leur violence
récompensée"...
Par ailleurs, Israël met en question la manière dont une
force de cette nature pourrait agir, sur le terrain, arguant du fait que ses
membres ne verraient pas autre chose que ce que les journalistes occidentaux
voient déjà. Le gouvernement israélien pense que des observateurs verraient les
Israéliens bombarder et lancer des missiles, alors que les activités des
terroristes palestiniens continueraient à passer inaperçues.
Il s'agit là
d'un revirement américain sans précédent, puisque ce pays avait opposé son veto
à l'envoi d'une telle force lorsqu'il avait été mis aux voix par l'ONU, au
début de l'année.
Un premier signe du changement américain avait été donné
par le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, en juin, au cours d'une visite
effectuée à Ramallah, en Cisjordanie occupée par Israël, lorsqu'il avait indiqué
qu'il soutenait l'appel lancé par M. Arafat en faveur de l'envoi d'une force
internationale. Mais M. Powell s'était rétracté, quelques heures après
seulement, à Jérusalem, à l'issue d'une rencontre avec M. Sharon : il avait
prétendu que "ses propos avaient été mal interprétés".
Au cours du sommet du
G8, à Gênes (Italie), il y a quinze jours, les Etats-Unis se sont laissés
convaincre d'apporter leur soutien à une déclaration indiquant qu'ils "étaient
favorables à (une force d') observation d'une tierce-partie". Mais Israël avait
rejeté la déclaration du G8.
Israël va (maintenant) s'efforcer de tout faire
afin de limiter les dégats en réduisant coûte que coûte l'efficacité de
cette force. M. Pérès a donné son agrément, au cours de conversations avec son
partenaire égyptien, à une force (de cette nature), à partir du moment où elle
serait formée exclusivement d'Américains, principalement de la C.I.A.. Mais M.
Sharon avait foulé cette idée aux pieds dès le retour à Jérusalem de M.
Pérès.
La C.I.A. est déjà présente (sur le terrain), en la personne de son
directeur, George Tenet, qui s'efforce de faire se réunir les forces de sécurité
israéliennes et palestiniennes.
Les Palestiniens ont fait campagne en faveur
de l'envoi d'une force internationale en partie parce qu'ils pensent que
celle-ci contribuera à assurer leur protection contre les excès de la répression
israélienne et aussi parce qu'ils veulent internationaliser le conflit
israélo-palestinien.
Les Israéliens disent que le but des Palestiniens est
d'obtenir une solution adoptée au plan international et imposée aux deux
parties, mais que cela ne saurait fonctionner. A la fin des fins, disent les
Israéliens, un accord ne pourra être obtenu qu'à travers des
négociations.
12. Peres, le seul à encore s'embarrasser de
sémantique par Serge Dumont
in Le Soir (quotidien belge) du vendredi 3 août
2001
« Nous ne sommes pas un Etat mafieux et la politique des
liquidations n'existe pas. » Le ministre israélien des Affaires étrangères,
Shimon Peres, est reparti en croisade. Non pas, cette fois, pour défendre ce qui
reste du processus de paix. Mais pour nier que l'élimination de militants
palestiniens accusés de préparer des attentats en Israël soit le résultat d'une
politique concertée.
« Israël n'est pas un Etat de bandits », fulminait-il mercredi soir à la
télévision en interrompant sans cesse la présentatrice qui arrivait
difficilement à placer un mot.
« Si nous agissons comme nous l'avons fait à Naplouse Òen bombardant le
quartier général du HamasÓ, c'est uniquement parce que nous devons nous défendre
et que le droit à l'autodéfense est une réalité internationalement reconnue »,
poursuivait-il le lendemain, toujours aussi excédé, au micro de la deuxième
chaîne de la radio d'Etat.
Autodéfense ? Pour la quarantaine d'activistes présumés (et seulement
présumés) du Hamas, du Jihad islamique et du Fatah abattus par des tireurs
d'élite, poignardés dans une ruelle, pulvérisés dans l'explosion de roquettes
sur leur voiture ou réduits en bouillie lors de l'explosion du local où ils se
trouvaient ?
Si les circonvolutions sémantiques de M. Peres atterrent les défenseurs des
droits de l'homme, pour qui Israël est la seule démocratie de type occidental à
pratiquer la peine de mort sans jugement préalable, elles font sourire l'opinion
publique de l'Etat hébreu, qui soutient fermement ses liquidations en les
appelant par leur nom.
Car les Israéliens sont de plus en plus nombreux à réclamer davantage de
liquidations. En cela, ils ne sont pas bien différents des Palestiniens qui
applaudissent à tout rompre lorsque des « collaborateurs d'Israël », réels ou
supposés, sont arrêtés le matin par leurs services de sécurité, « jugés »
l'après-midi sans avoir eu l'occasion de se défendre, et fusillés dans la soirée
devant l'objectif des caméras.
13. Israël se prépare à faire face à l'offensive
- attendue - de la Conférence mondiale contre le racisme par Erik
Schechter
in The Jerusalem Report (bimensuel israélien) du jeudi 2
août 2001
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Israël se prépare à guerroyer durement contre un projet de résolution de
l'ONU l'accusant de "purification ethnique" et redéfinissant l'antisémitisme
comme "(un ensemble de) pratiques sionistes contre des sémites" (entendre : les
Arabes). Ces résolutions outrancières font partie d'une résolution proposée par
les Etats arabes et musulmans pour la Troisième Conférence Mondiale contre le
Racisme, prévue pour la fin du mois d'août, à Durban, en Afrique du Sud.
Les
diplomates israéliens mettent sur un même plan ce projet de résolution avec la
résolution infamante de l'Assemblée Générale de l'ONU, portant le numéro 3379,
qui avait assimilé le sionisme au racisme. "Nous sommes confrontés à un défi
majeur des pays arabes qui cherchent à totalement déligitimiser Israël et le
peuple juif", dit le vice-ministre (israélien) des affaires étrangères, Michael
Melchior, qui présidera la délégation israélienne à Durban.
Adopter ce texte,
avertit Melchior, reviendrait à enfoncer le dernier clou dans le cercueil du
processus de paix. "A partir du moment où l'on fait de l'un des partenaires le
mal absolu", fait-il observer, "il n'y a plus personne avec qui faire la paix.
(De plus), cela légitimise le terrorisme".
Le ministère (israélien) des
affaires étrangères, toutefois, pense que la résolution n'obtiendra pas
nécessairement l'adhésion de beaucoup de pays du Tiers-Monde, lesquels, au cours
des années soixante-dix et quatre-vingt, auraient soutenu de manière
quasi-automatique une quelconque initiative anti-israélienne des Arabes. "Les
pays africains veulent pousser dans le sens de réparations qui leur seraient
accordées pour le commerce des esclaves ; ils ne veulent (sans doute) pas que
cette conférence soit détournée de son objet par les Juifs et/ou les Arabes..."
a rapporté une source proche de ce ministère. En fait, dit Melchior, la
démonisation du sionisme ne pourrait que saboter les propres efforts de l'ONU
contre le racisme. "Si tout est du racisme", dit-il, "alors rien n'est du
racisme".
En plus des pays en voie de développement, Israël concentre ses
efforts, depuis quelque temps, à gagner à son point de vue les démocraties. "Et
les Américains (y) travaillent tout autant d'arrache-pied que nous-mêmes",
affirme Melchior.
Un autre article du texte proposé minimise l'Holocauste
(avec un grand "H") en faisant allusion à des "holocaustes", au pluriel et sans
majuscule. Melchior, à qui l'on demandait si l'Allemagne soutenait Israël dans
son opposition à ces projets de résolution, a répondu : "l'Allemagne est avec
nous. La seule chose que l'on ignore (encore), c'est avec quelle énergie elle se
battra (à nos côtés)"...
14. Armée Le petit avion a déjà repéré un pollueur en
mer par Eddy Surmont
in Le Soir (quotidien belge) du jeudi 2 août 2001
Les B-Hunter, espions sans pilote
L'armée a dévoilé hier son nouvel
avion sans pilote. D'un poids de 730 kilos, et muni de deux moteurs, le
B-Hunter, de conception belgo-israélienne, a une autonomie de vol de plus de dix
heures et remplacera dans un proche avenir l'Epervier désormais démodé.
Fin 1998, le Conseil des ministres avait décidé l'achat de trois systèmes «
Unmanned Areal Vehicle » (avions sans pilote) B-Hunter. Chaque système se
compose de deux stations de contrôle au sol et de six avions sans pilote équipés
de caméras de vision de jour et de nuit. Elles permettent de transmettre en
temps réel les images vers la station de contrôle au sol. Cet achat a impliqué
un budget de 2,5 milliards de francs.
Il vole à 5.000 mètres
Ces avions sont en principe
destinés à un usage militaire : reconnaissance et surveillance de zones
opérationelles, de mouvements de troupes, de refugiés, etc. Ils se révèlent
aussi très utiles pour le civil.
Volant à cinq mille mètres d'altitude à une vitesse de croisière de 110 à
160 km/h, le B-Hunter ne peut être détecté à l'œil nu. Ses caméras rotatives
sont des armes redoutables : lutte antistupéfiants, poursuite de criminels en
fuite, suivi des nuages toxiques résultant de sinistres industriels, lutte
contre les trafiquants d'hommes, contrôle de la pêche en mer et des pollueurs de
l'océan.
Lors d'un vol d'essai la semaine dernière au-dessus de la mer du Nord, un
B-Hunter a ainsi pris en flagrant délit un gazier qui nettoyait ses soutes
devant la côte belge
Le ministre de la Défense André Flahaut a confirmé mercredi qu'il était
ouvert au dialogue avec ses collègues d'autres départements intéressés par les
services des B-Hunter (Environnement, Justice, Finances) et prêt à mettre à leur
disposition (contre payement) les services de l'avion espion. L'aide d'un
B-Hunter nous aurait ainsi été très utile dans l'opération d'observation
discrète du navire « Elpa », supposé transporter mille clandestins. Nous avions
alors dû travailler à l'aveuglette avant l'arrivée de notre frégate à proximité
de ce bateau suspect, a commenté André
Flahaut
15. Scénarios de guerre israéliens par Barhum
Jarayisi
in al-Watan al-Arabiyy (hebdomadaire arabe publié à Paris)
du vendredi 20 juillet 2001
[traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
Le plan destiné à porter un coup fatal à l'Autorité palestinienne est prêt.
Sur le front syrien, en revanche, Israël "attend" un signal du Hizbollah !
Laquelle des deux guerres éclatera-t-elle en premier ? Le "besoin" d'une guerre
ne se fait pas pressant sur la seule sphère militaire (en Israël).
La semaine
dernière (12-19/07/2001), nous avions observé les développements de deux
événements à la fois indépendants et liés entre eux. Tous deux avaient trait aux
roulements de tambour guerriers qui se font entendre avec de plus en plus
d'insistance en Israël, en cette occurrence sur deux fronts simultanément : le
front palestinien et le front syro-libanais, même si l'un des deux semblait
l'emporter sur l'autre en urgence, si l'on prenait en considération l'"activité"
constatée.
Le premier élément à prendre en compte est ce que la revue
britannique Foreign Report, spécialisée dans les questions militaires, a publié
la semaine dernière, lorsqu'elle a révélé qu'un plan était prêt, en Israël,
visant à la reconquête des territoires de l'Autorité palestinienne. Ce plan
mentionne (l'engagement dans l'opération planifiée d')une force militaire de
trente mille hommes, la destruction totale de l'Autorité palestinienne, l'exil
de la direction palestinienne ainsi que l'élimination de certains de ses
responsables...
Les responsables israéliens, contrairement à leur habitude,
ont multiplié les communiqués afin de démentir les informations données par
Foreign Report. Les observateurs s'accordent à considérer cette frénésie comme
le symptôme, avant tout, de l'urgence qu'il y a, pour les Israéliens, à tenter
(vainement) de cacher ce qui ne doit pas être vu.
Deuxième élément : la
rencontre de Umri Sharon, le fils du premier ministre israélien Ariel Sharon,
avec le président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, afin de lui
transmettre un message de son p'pa. Mais cette visite, qui n'est pas unique en
son genre et qui, de plus, était effectuée au plus mauvais moment, est porteuse
de significations très particulières : elle est intervenue deux mois après la
publication d'un décret de la Cour suprême israélienne interdisant formellement
au premier ministre d'envoyer son fils en mission (politique) auprès de
l'Autorité palestinienne sans en avoir averti au préalable le conseiller
juridique du gouvernement, et seulement dans les cas d'extrême urgence,
c'est-à-dire dans les cas où une mission à caractère hautement exceptionnel (de
Sharon junior) viserait à épargner des vies humaines...
La Cour suprême avait
pris ce décret après que le rôle joué politique joué par le rejeton de Sharon
ait suscité beaucoup de remous. En effet, les missions dont il était chargé par
son père contreviennent à la loi, qui prohibe l'engagement par un élu du peuple
(a fortiori le Premier ministre) de collatéraux (a fortiori, son propre enfant)
pour (travailler sur) des questions politiques relevant des prérogatives
(exclusives) de cet élu du peuple lui-même.
Si nous considérons qu'Ariel
Sharon a bien reçu le message - c'est du moins ce qu'il a déclaré après que ces
rencontres entre son fils et Arafat aient été révélées - l'envoi de Omri S.
auprès d'Arafat, à nouveau, indique qu'il était porteur d'une missive
extrêmement importante qu'il devait remettre à la direction palestinienne. Il
est fort vraisemblable qu'il s'agissait d'une mise en garde, après un grand
nombre d'opérations palestiniennes qui avaient entraîné la mort de nombreux
israéliens (rappelons que, du point de vue d'Israël, le nombre de victimes
palestiniennes et l'énormité des dégâts infligés par son armée comptent pour du
beurre). Sachons toutefois que Sharon n'a pas employé le terme
d'"avertissement", se contentant d'indiquer qu'il avait tenu à mettre Arafat "au
courant" de la gravité de la dégradation de la situation et de la recrudescence
de ce qu'il a qualifié de "terrorisme".
Quiconque suit le débat en cours
entre les épigones du gouvernement israélien, ainsi que celui qui oppose
certains responsables du gouvernement au commandement de l'armée, ne sera pas
surpris par les révélations de la revue Foreign Report. Il y a, en effet, deux
courants au sein du gouvernement israélien. Le courant majoritaire est celui qui
préconise une solution militaire décisive et rapide contre l'Autorité
palestinienne. Ce courant est conduit par les ministres de la droite et des
partis religieux et il a, bien entendu, les faveurs de l'armée. Quant au courant
minoritaire, il appelle - très timidement - au retour aux négociations. Ce
courant, plus faible, est dirigé par le ministre des affaires étrangères, Shimon
Pérès.
Mais cela ne signifie nullement que Pérès jouerait actuellement le
rôle d'on ne sait quelle colombe de la paix, alors qu'il participe à l'un des
gouvernements israéliens les plus extrémistes que l'on ait jamais vu. En effet,
il est traditionnel, dans les gouvernements israéliens, que le ministre des
affaires étrangères "joue" (au sens théâtral du terme, ndt) le rôle du
modérateur. C'était même le cas avec Sharon, lorsqu'il était ministre des
affaires étrangères du gouvernement Netanyahu, qui avait réussi (jusqu'à un
certain point) à se donner l'image d'un modéré : c'est dire... Il avait joué un
rôle fondamental dans la signature de l'accord de Wye Plantation, avec les
Palestiniens, en 1998. De même, (il convient de rappeler qu'en dépit de sa
"modération" affichée), Pérès adhère au principe israélien baptisé "droit
d'Israël à l'autodéfense", au nom duquel sont pratiqués les exécutions
extra-judiciaires (de militants palestiniens), les bombardements, etc...
Trois tendances (presque quatre), à la direction
d'Israël
Depuis longtemps, mais plus particulièrement depuis la
conférence de Madrid et 'engagement du processus d'Oslo, trois tendances se
dessinent dans l'élite décisionnelle israélienne, en ce qui concerne les buts de
guerre. C'est-à-dire de savoir avec qui signer - en premier - un accord de paix
: avec les Palestiniens, ou bien avec les Syriens ? Les dissensions entre ces
trois courants, que nous passerons en revue ci-après, portent essentiellement
sur la dimension stratégique et la priorité (des priorités) accordée à la
sécurité d'Israël.
La première tendance pense que la sécurité d'Israël ne
peut se réaliser qu'en mettant un terme au conflit palestino-israélien et en
mettant un terme, par la même occasion, à la cause palestinienne. Cette priorité
rend secondaire la question syrienne et le problème du plateau du Golan. Cela
donne à Israël un délai supplémentaire avant de traiter avec les Syriens sur la
question des Hauts-plateaux (du Golan, ndt). Il est possible alors que la Syrie
vienne négocier en étant prête à faire quelque concession sur ses exigences, ce
qui permettrait (sait-on jamais, ndt) à Israël de conserver certains sommets
d'importance stratégique sur le plateau, et aussi de conserver toute la zone
côtière qui encercle le lac de Tibériade. Rappelons que la Syrie détenait un peu
moins du quart de la longueur totale de la rive de ce lac (avant 1967).
La
deuxième tendance est celle de ceux qui pensent qu'il est difficile de régler la
question palestinienne à la satisfaction des Palestiniens, tout particulièrement
en ce qui concerne le problème du retour des réfugiés ou la restitution (aux
Palestiniens) de Jérusalem-Est. La profondeur du Golan (syrien) n'ayant, d'autre
part, plus aucune valeur stratégique en raison du développement des technologies
militaires, il est donc, pour les partisans de ce courant, possible de négocier
avec la Syrie et de mettre un terme au conflit qui met Israël aux prises avec ce
pays, en se retirant du plateau du Golan (et en le rendant à la Syrie).
A ce
propos, il est utile de revenir sur les déclarations que Benyamin Eliezer a
faites, en Turquie, au cours d'une rencontre avec de hauts responsables du
gouvernement turc, au début de la semaine dernière : après avoir rejeté sur la
direction palestinienne, et au premier chef sur Yasser Arafat, la responsabilité
totale de la dégradation de la situation de la sécurité dans la région, il avait
exhorté les responsables turcs à convaincre le président syrien, Bashshar
al-Assad, d'entreprendre des négociations avec Israël en vue de la signature
d'un traité de paix. En réponse, Ben Eliezer avait reçu du président turc
l'assurance qu'il ne manquerait pas d'agir en ce sens...
A la fin de la
semaine dernière, des sources très proches de Ben Eliezer ont indiqué qu'il
consacrait une partie de son temps à l'étude du dossier syrien, notamment, les
leçons qu'il était possible d'en tirer, à la suite de l'échec des conversations
de Shepherdstown, entre l'ancien premier ministre israélien Ehud Barak et le
ministre syrien des affaires étrangères, Faruq al-Shar'. Il semble bien que Ben
Eliezer soit un "fan" du processus syrien, ce qui n'est pas contradictoire avec
le fait qu'il se répande, disant que "le rôle historique d'Arafat est terminé"
et qu'il attend "une nouvelle génération, dans la direction palestinienne, avec
laquelle il soit possible de signer un (quelconque) accord de paix !"
Le
troisième courant à parcourir la direction israélienne, quant à lui, renvoie dos
à dos les deux autres. Il pense que l'intérêt d'Israël consiste à consacrer "la
souveraineté israélienne" tant sur l'ensemble de la Cisjordanie et de la bande
de Gaza que sur... le Golan occupé.
Il est tout naturel de classer Sharon
parmi les tenants de ce troisième courant. Toutefois, Sharon observe un certain
silence prudent à ce sujet, et nombreux sont les observateurs à faire observer
qu'il déploie un maximum d'efforts afin de rechercher un appui tant interne
qu'au plan international, en vue d'une opérations militaire à venir, de grande
envergure, dont l'objectif numéro un serait l'éradication de l'Autorité
palestinienne.
Mentionnons pour mémoire une quatrième tendance, faible et peu
représentée au niveau de l'élite dirigeante israélienne et dont nous savons avec
certitude qu'elle n'est absolument pas présente au sein du gouvernement Sharon :
celle qui préconise le retrait de tous les territoires occupés et la signature
d'un accord simultanément avec la Syrie et avec les Palestiniens. Ce courant
existe également, même s'il est encore relativement faible, au sein des partis
sionistes de gauche.
Le front palestinien
Il est clair
que le front palestinien est celui qui mobilise l'attention des deux directions
israéliennes : la direction politique et la direction militaire. Cela, à
l'exception des quelques jours qui suivent une éventuelle opération du Hizbollah
au Sud Liban, durant lesquels l'attention revient sur le front syro-libanais.
Cela ne dure pas ; quelques jours, tout au plus. Puis la question syro-libanaise
s'efface derrière la priorité du front palestinien.
Il y a une quinzaine de
jours, le chef d'état-major israélien, Shaul Mofaz, a effectué une visite aux
Etats-Unis, qualifiée de "très importante". Mais, soudain, Mofaz avait décidé de
l'interrompre de façon théâtrale et de rentrer précipitamment en Israël. Ce
comportement n'avait pas manqué de provoquer l'étonnement de plus d'un ministre.
Il intervenait en même temps que la deuxième attaque de l'aviation israélienne
contre une station de radars syriens d'observation, au Liban. Mofaz avait
déclaré que ce n'était pas une guerre imminente avec la Syrie qui le
contraignait à interrompre sa visite aux Etats-Unis, mais bien l'aggravation des
affrontements avec les Palestiniens. Cela, en dépit du fait que les
affrontements israélo-palestiniens s'étaient calmés de manière relative, ce qui
n'avait pas manqué d'être noté par les commentateurs, ainsi que la diminution du
nombre d'opérations à l'initiative des Palestiniens (attentats,
notamment).
Des observateurs israéliens ont affirmé que Mofaz était rentré en
Israël afin d'exercer, une fois de plus, une pression sur la direction politique
israélienne afin de l'inciter à suivre l'option militaire pour sceller le sort
du conflit avec les Palestiniens. Depuis de nombreux mois (soit, environ, depuis
la fin d'octobre 2000, soit un mois après le déclenchement de l'intifada), Mofaz
s'efforce d'obtenir le feu vert de la direction politique pour déclencher une
opération militaire globale contre l'Autorité palestinienne. Il pense en effet
que la continuation de ce qu'Israël appelle "la violence palestinienne" donnera
à une réponse de ce type sa légitimité, en obligeant même la direction politique
à y avoir recours, soumise qu'elle serait à la pression de l'opinion publique
israélienne à la suite d'"attentats palestiniens (particulièrement)
horribles".
Un observateur éminent de la politique israélienne, le
journaliste Ouzi Benziman, dit que l"armée israélienne mettra le petit doigt sur
la couture du pantalon, bien entendu, et obéira aux décisions prises au niveau
politique. Mais Mofaz fera tout ce dont il est capable afin de pousser le
premier ministre Sharon et les ministres de son gouvernement restreint (pour les
considérations relatives à la sécurité : Sharon-Pérès-Ben Eliezer, ndt) dans le
sens de la mise en application du (lire : 'de son') Plan Militaire
Global".
Mais il n'y a pas que Mofaz dans le coup : au sein du gouvernement
israélien, et même au sein du conseil restreint, des voix s'élèvent avec de plus
en plus d'insistance, appelant à porter le coup de grâce à l'Autorité
palestinienne. A la différence des quelques mois qui ont suivi la constitution
du gouvernement d'union nationale, les dissensions se sont élevées, de manière
de plus en plus ouverte, entre les deux pôles du gouvernement israélien, en
arrivant au point où des accusations mutuelles ont été échangées et où (c'était
la semaine dernière) deux ministres prééminents du Likoud (parti conservateur,
de Sharon, ndt), Salvan Shalom et Tsahi Hanegbi, s'en sont pris au ministre des
affaires étrangères, Shimon Pérès, prétendant qu'il représentait un obstacle sur
la voie du règlement du conflit avec les Palestiniens par les moyens
militaires... Ils ne faisaient, en cela, que marcher sur les brisées du ministre
de l'intérieur, Ouzi Landau, ainsi que de ses deux collègues d'extrême droite
Rahba'am Z'evi et Avigdor Lieberman...
D'aucuns avancent que la question de
la frappe militaire n'est qu'une simple question de temps. C'est pourquoi
Sharon, échaudé par le Liban, s'efforce de constituer une base (assurant son
soutien) interne et, tout aussi bien, international, à laquelle montrer qu'il
est contraint à déclencher une opération militaire d'envergure par ce qu'il
appelle "la flambée du terrorisme palestinien" et "l'augmentation du nombre de
victimes israéliennes".
Sharon ne veut pas choisir l'option militaire
(entendre : une action militaire d'une toute autre envergure que celle des
opérations menées actuellement par Israël) d'une manière qui serait de nature à
surprendre (et à choquer) les milieux internationaux - et pas seulement eux,
mais aussi l'opinion publique israélienne - car il souffre, comme le dit
Benziman, d'un traumatisme psychologique récurrent, à la suite de la mise au ban
international que lui avait valu l'agression israélienne contre le Liban, en
1982.
C'est pourquoi nous voyons le Sharon d'aujourd'hui être, jusqu'à un
certain point, d'accord avec son ministre des affaires étrangères, Pérès, tout
en consacrant toutes ses rencontres avec les dirigeants européens, et même
américains, à les "convaincre" qu'Arafat est le seul responsable de la crise
(actuelle), que c'est lui qui incite à la violence, et que son but stratégique
(c'est toujours d'Arafat qu'il s'agit) n'est pas de parvenir à la paix, mais
rien moins que de "détruire l'Etat d'Israël"...
Ce n'est donc pas un hasard
si Sharon insiste tellement sur l'exigence d'un arrêt complet de ce qu'il
appelle "le terrorisme palestinien", à laquelle il a ajouté, récemment, celle de
l'"arrêt de toute incitation des Palestiniens à la haine anti-israélienne" :
tout ceci n'a pour seul but que de rendre le choix du processus de négociation
presque impossible, dans les circonstances actuelles, qui ne permettent pas de
satisfaire à ses exigences.
Quoi qu'il en soit, le principe d'asséner un
coup fatal à l'Autorité palestinienne n'est plus une simple idée en l'air et il
n'est pas douteux que le plan rigoureux en soit déjà dans quelque tiroir, prêt à
l'usage. Peut-être le plan de bataille est-il même déjà sur le bureau du général
Mofaz, prêt à être étalé sur la table des opérations, au Q.G. de l'armée
israélienne.
Le front syrien
En ce qui concerne le front
syrien, les analyses militaires se divisent en deux tendances, en Israël. La
première tendance écarte l'éventualité d'une guerre déclenchée par la Syrie,
minimisant les capacités de l'armée syrienne, dont les tenants de cette tendance
savent pertinemment qu'elle ne peut tenir face à Israël, surtout après les deux
coups durs qui lui ont été assénés durant ces deux derniers mois, avec la
destruction de deux radars sans que la Syrie n'esquisse la moindre réplique,
exceptés des communiqués d'avertissement.
La deuxième tendance, en ce qui
concerne le front syrien, pense exactement le contraire, à savoir ; que la Syrie
est capable de surprendre Israël militairement, mais à partir du territoire
libanais, et avec le soutien du Hizbollah.
Dans la dernière période, Israël a
multiplié la diffusion d'informations dont le but est de préparer l'opinion
publique israélienne, voire l'opinion publique mondiale, à l'éventualité d'une
dégradation (volontaire, par Israël) de la situation sur le "front nord". Israël
prétend que la Syrie aurait donné le feu vert, il y a trois semaines de cela, à
l'envoi de grandes quantités d'armes iraniennes au Hizbollah et que les
changements d'armes, arrivés en Syrie, dans un premier temps, avaient été
transportés et livrés au Hizbollah.
Par ailleurs, il y a un autre type
d'informations qu'Israël s'emploie à diffuser, informations grâce auxquelles il
donne à entendre qu'il est capable de savoir tout ce qui se passe, dans les plus
petits détails, en Syrie. L'analyste et expert ès questions militaires, Ze'ev
Shiff, a révélé, la semaine dernière, dans le journal israélien Ha'Aretz, que la
Syrie avait procédé, moins de quinze jours auparavant, au lancement expérimental
d'un missile Scud de modèle ancien (Scud B), d'une portée maximale de 300
kilomètres.
Se fondant sur des informations des services de sécurité
militaire, Shiff écrit que le missile lancé par la Syrie comportait des
explosifs chimiques, mais ce qui est important, dans cette nouvelle, c'est le
fait qu'Israël a pu observer ce lancement expérimental grâce à son radar
sophistiqué "Aaron Yoruk" ("Cèdre Vert"), qui s'insère dans le projet de fusée
anti-missiles Haïtz. Les informations rapportent que le radar israélien a suivi
le missile syrien depuis son lancement (dans les environs d'Alep, ndt) jusqu'à
sa retombée !..
Une majorité de responsables, en Israël, pensent et disent
que la décision d'ouvrir les combats sur le front syro-libanais est entre les
mains du Hizbollah et qu'une escalade de ce parti dans ses attaques (contre
Israël), en particulier contre les fermes de Shab'a, pousserait Israël à
répliquer énergiquement en attaquant tant le Hizbollah que la Syrie.
Mais la
décision fondamentale est entre les mains d'Israël même : Israël décidera-t-il
de déclencher une guerre sur les deux fronts en même temps ? Si Israël choisit
de se consacrer au front palestinien, pour commencer, le Hizbollah restera-t'il
les bras croisés, au sud Liban ?
Sport politique
La
manière bien particulière qu'a Israël de débattre entre soi et de négocier en
interne, sans se préoccuper le moins du monde des préoccupation de ses
partenaires (internationaux) est profondément ancrée : c'est même désormais une
sorte de seconde nature.
Nous avons dit, plus haut, que la question de la
guerre (s'il n'y a pas de nouvelle surprise dans un autre domaine) n'est plus
qu'une question de temps, mais qu'il faudra encore quelques semaines, car vont
commencer en Israël les compétitions sportives des "macchabiades". Il s'agit de
compétitions sportives organisées entre les fédérations de l'organisation
sportive juive mondiale, Macchabée.
Ces compétitions ont fait l'objet de
vives discussions, certains étant partisans de les repousser à plus tard à cause
des problèmes de sécurité, en particulier après l'attentat contre la discothèque
Dolphinarium, sur la riviera de Tel Aviv. Israël a exercé des pressions
insistantes sur les différentes fédérations de l'organisation sportive juive
dans le monde entier afin de les inciter à participer aux compétitions (prévues
en Israël), après que de nombreuses d'entre ces fédérations nationales aient
annoncé qu'elles avaient résilié leur participation. Mais certaines d'entre ces
dernières, surtout après la signature de la résolution Tenet, sont revenues sur
leur décision de non-participation. Mais la participation à ces jeux sera moins
importante que prévu à l'origine.
Si tout se déroule comme prévu, Israël va
apporter le plus grand soin à ne pas franchir de nouveau degré dans l'escalade
tant que les "macchabiades" battront leur (semi) plein et cela, afin de
persuader les Juifs du monde entier qu'ils peuvent venir en Israël et y faire
leurs excursions "touristiques". Sait-on jamais : peut-être cette accalmie
circonstancielle et les "macchabiades" elles-mêmes pourront-elles compenser (en
partie) le coup - terrible - porté au tourisme israélien par l'intifada
palestinienne
?...