Point d'information Palestine > N°162 du 09/08/2001

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Sélections, traductions et adaptations de la presse étrangère par Marcel Charbonnier
                       
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Au sommaire
             
Réseau
1. L'armée israélienne harcelle l'Université de Birzeit Communiqué de l'Université palestinienne de Birzeit (Cisjordanie) du mercredi 8 août 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
2. Semaine de violence contre la presse dans les Territoires occupés Communiqué de presse de Reporters sans frontières
3. L'assassinat comme politique par Isabelle Avran
4. Bon flic, mauvais flic par Uri Avnery [traduit de l'anglais par R. Massuard et S. de Wangen]
                         
Revue de presse
1. La vie de la famille al-Aïdi a basculé dans l'absurde par Agnès Rotivel in La Croix du mardi 7 août 2001
2. L'expert israélien Joseph Alpher sur la stratégie des deux camps : "Sharon ne veut pas la guerre" par Jean-Pierre Perrin in Le Monde du lundi 6 août 2001
3. Les missiles israéliens ratent le chef de l'insurrection palestinienne  par Clyde Haberman in The New York Times (quotidien américain) du dimanche 5 août 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
4. La Conférence mondiale contre le racisme est mal partie par Jean-Claude Buhrer in Le Monde du du samedi 4 août 2001
5. Trois équipes spéciales pour éviter les assises à Sharon par Serge Dumont in Le Soir (quotidien belge) du samedi 4 août 2001
6. Les journalistes de la BBC sont sommés de ne plus qualifier les liquidations extra-judiciaires israéliennes d'"assassinats" par Robert Fisk in The Independent (quotidien britannique) du du samedi 4 août 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
7. La délégitimation du pouvoir palestinien par Georges Malbrunot L'Est Républicain (quotidien régional) du samedi 4 août 2001
8. Palestine-Israël : Le danger plane sur Al-Aqsa in L'Hebdo Magazine (hebdomadaire libanais) du vendredi 3 août 2001
9. 56% de Danois s'opposent à la nomination du nouvel ambassadeur israélien par Boris Lévy in Le Monde du vendredi 3 août 2001
10. Ariel Sharon est soutenu par la majorité de sa population par Catherine Dupeyron in Le Monde du vendredi 3 août 2001
11. Un plan secret pour l'envoi d'observateurs en Israël par Ewen MacAskill in The Guardian (quotidien britanique) du vendredi 3 août 2001
12. Peres, le seul à encore s'embarrasser de sémantique par Serge Dumont in Le Soir (quotidien belge) du vendredi 3 août 2001 
13. Israël se prépare à faire face à l'offensive -  attendue - de la Conférence mondiale contre le racisme par Erik Schechter in The Jerusalem Report (bimensuel israélien) du jeudi 2 août 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
14. Armée Le petit avion a déjà repéré un pollueur en mer par Eddy Surmont in Le Soir (quotidien belge) du jeudi 2 août 2001 
15. Scénarios de guerre israéliens par Barhum Jarayisi in al-Watan al-Arabiyy (hebdomadaire arabe publié à Paris) du vendredi 20 juillet 2001 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
                       
Réseau
                       
1. L'armée israélienne harcelle l'Université de Birzeit
Communiqué de l'Université palestinienne de Birzeit (Cisjordanie) du mercredi 8 août 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Les forces armées d'occupation israéliennes ont fait irruption, ces jours derniers, jusque dans le campus de l'Université de Birzeit, harcelant et se livrant à diverses formes d' intimidation à l'encontre d'étudiants et du personnel. La présence de l'armée dans l'enceinte de l'Université - véritable provocation - porte gravement atteinte à la sérénité de la communauté universitaire. L'armée est allée jusqu'à forcer les gardiens à ouvrir les portails du campus devant les soldats israéliens, qui ont empêché les vigiles de prévenir les responsables administratifs de l'Université de leur incursion sur le campus.
Actuellement, ce sont 2 536 étudiants, suivant des sessions d'été à Birzeit, qui risquent de voir leurs études compromises dût l'armée persister dans ces pratiques inadmissibles. Depuis le début de l'intifada, les étudiants à Birzeit ont déployé des efforts supplémentaires et indus afin de tenter de venir à l'Université régulièrement pour y poursuivre leurs diverses formations, en franchissant les innombrables barrages de contrôle. Jusqu'ici, ils avaient réchappé à la confrontation directe avec l'armée (israélienne).
Il convient de préciser qu'il y a toujours un barrage intermittent sur la route reliant Ramallah à Birzeit, qui retient les automobiles et cause de nombreux retards à leurs passagers. La présence des Forces israéliennes de défense, sur le campus même de l'Université, n'est qu'une mesure inutile de plus destinée à forcer les étudiants à résipiscence. Elle doit cesser au plus tôt.
                                         
2. Semaine de violence contre la presse dans les Territoires occupés
Communiqué de presse de Reporters sans frontières
Depuis la diffusion, le 26 juillet à Jérusalem, de son rapport "40 cas de journalistes blessés par balles dans les Territoires occupés", Reporters sans frontières (RSF) a enquêté sur plusieurs incidents graves survenus dans la région. [Télécharger le rapport "40 cas de journalistes blessés par balles dans les Territoires occupés" (108 ko) au format .pdf (Acrobat)] Deux journalistes palestiniens ont été tués lors de l'attaque menée par l'armée israélienne contre des militants présumés du Hamas, à Naplouse, le 31 juillet. Une quinzaine de journalistes palestiniens et étrangers ont été victimes de violences et de harcèlement de la part des forces armées israéliennes.
RSF a vigoureusement condamné l'assassinat des deux journalistes palestiniens, le 31 juillet, à Naplouse. "Ces exécutions sont totalement contraires au droit international et aux engagements souscrits par l'Etat d'Israël. Elles relèvent d'une politique " d'assassinat d'Etat " ouvertement pratiquée - et revendiquée - par Israël dans les Territoires occupés depuis plusieurs mois", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de RSF.
Par ailleurs, Reporters sans frontières presse les autorités israéliennes de mettre en pratique les engagements qu'elles ont pris récemment de veiller au respect de la liberté de mouvement des journalistes locaux et étrangers dans les Territoires occupés. Dans un contexte d'extrême tension militaire, la multiplication des incidents impliquant des journalistes suscite la préoccupation croissante de l'organisation.
Selon les informations recueillies par RSF, le 31 juillet, deux journalistes palestiniens ont trouvé la mort dans les bureaux du Centre de recherche du mouvement islamiste au moment où ceux-ci ont été atteints par deux missiles israéliens. Mohammad Bishawi, 27 ans, Palestinien originaire du camp de réfugiés de Balaka (Naplouse), avait achevé l'année dernière ses études de journalisme à l'université Al Najah. Il travaillait comme photographe pour le journal local Al Hayat Al Jadida, pour l'hebdomadaire arabe israélien Saut Haq, et pour le site Internet Islamonline. Othman Ibrahim Qatanani, 24 ans, Palestinien originaire du camp de réfugiés d'Askar (Naplouse), était titulaire d'un diplôme d'informatique de l'université Al Najah. Il travaillait pour le bureau de Naplouse du quotidien Al Quds, pour l'agence de presse Koweit News Agency (KONA) et pour le site Internet Islamonline.
A Jérusalem, une dizaine de journalistes palestiniens travaillant pour des médias locaux ou étrangers ont été malmenés ou battus le dimanche 29 juillet sur l'esplanade de la mosquée Al-Aqsa.  Après que des heurts eurent éclaté entre des manifestants palestiniens et des policiers israéliens, le groupe de journalistes a été pris à partie par des membres de forces de l'ordre voulant les empêcher de couvrir les affrontements. Parmi les journalistes malmenés ou battus figuraient Nasser Atta (ABC News), Amar Awad (Reuters), Fatem Awalan (Nile TV), Atta Awassat (Yedihot Aharonot), Gevara Bouderi (Al Jezzira), Nasser Abdel Jawad (cameraman), Muna Qawasmi (Al Ayyam), Rachid Safadi (Al Jezzira), Mahfouz Abu Turk (Reuters). Atta Awassat, journaliste palestinien travaillant pour le quotidien israélien Yedihot Aharonot et déjà victime de plusieurs agressions de la part des forces israéliennes, a été notamment frappé à coups de crosse de fusil. Au cours du même incident, la police a saisi la cassette des événements filmés par un cameraman de CBS, Ahmed Husseini Siam. Malgré les protestations de la chaîne, le cameraman n'a pu récupérer sa cassette que deux jours plus tard, le 31 juillet.
A Naplouse, le 1er août, au lendemain de l'attaque israélienne contre le Centre de recherche du Hamas, une équipe de l'Arab News Network (ANN) a été retenue durant deux heures à un poste de contrôle israélien à l'entrée de Naplouse. Selon le Palestinian Media Center, Mohamed Al-Sayed, journaliste, Ahmed Al-Asi, cameraman, et leur chauffeur auraient été malmenés et insultés. Les soldats israéliens auraient tenté de contraindre Mohamed Al-Sayed, citoyen arabe israélien, à leur servir d'interprète pour interroger des Palestiniens entrant ou sortant de Naplouse, ce que le journaliste aurait refusé de faire.
A Naplouse, le 2 août, une journaliste palestinienne travaillant pour l'Agence France-Presse a été longuement mise en joue, puis malmenée par un militaire israélien à la sortie de la ville. Plusieurs heures après les faits, la journaliste était toujours en état de choc.
[Reporters sans frontières - 5, rue Geoffroy-Marie - 75009 Paris - FRANCE - Virginie Locussol (moyen-orient@rsf.org) - Tél. (33) 1 44 83 84 84 - Fax. (33) 1 45 23 11 51]
             
3. L'assassinat comme politique par Isabelle Avran
[Isabelle Avran est une journaliste spécialiste du conflit israélo-palestinien. Elle est l'auteur de "Israël Palestine : Les inventeurs de paix" aux Editions de l'Atelier - Mars 2001 - ISBN : 2708235486 - 176 pages - 95 FF]
Ce samedi 4 août, les forces militaires du gouvernement israélien d'Union nationale ont tenté d'assassiner l'un des plus proches collaborateurs de Marwan Barghouti, le responsable du Fatah en Cisjordanie. Cet acte terroriste s'inscrit dans une longue liste de violations par Israël de la IV° Convention de Genève en Palestine occupée. Il marque un pas supplémentaire et d'une extrême gravité dans la campagne israélienne d'assassinats des dirigeants de la résistance palestinienne, de l'OLP, et principalement du Fatah, et de tentative de destruction des infrastructures de l'OLP et de l'Autorité Nationale Palestinienne.
Ariel Sharon l'a clairement signifié : alors qu'il a été l'un des principaux opposants au processus de négociations avec l'OLP depuis son commencement, et aux accords d'Oslo en particulier, il entend, maintenant qu'il est aux commandes, renverser la logique d'Oslo, en réduire à néant tous ses acquis. Il veut supprimer tout partenaire de paix palestinien possible parce qu'il ne veut pas d'une paix négociée, mais d'une capitulation palestinienne. Aujourd'hui, il espère donc, par les moyens militaires considérables qu'il mobilise contre le peuple palestinien dans le territoire occupé, non seulement étouffer le soulèvement mais aussi mener à terme ce qu'il n'a pas réussi à Beyrouth : l'anéantissement de l'OLP.
Contrairement à ses vœux, sa stratégie de la terreur, loin de réduire la résistance palestinienne, ne fait au contraire que nourrir la colère et l'unité. Mais il n'en demeure pas moins que la population palestinienne est en grand danger au quotidien et que les assassinats des dirigeants de l'OLP sont non seulement des crimes, mais la mise à mort de toute perspective de paix.
LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE, L'EUROPE, LA FRANCE, DOIVENT RÉAGIR DE TOUTE URGENCE. L'ENVOI D'UNE FORCE INTERNATIONALE DE PROTECTION DU PEUPLE PALESTINIEN, dont la nécessité a été reconnue par les ministres des affaires étrangères du G8, ne saurait dépendre de la bonne volonté d'Israël. Cette force doit se mettre en place le plus vite possible, pour faire respecter les Conventions de Genève et le Droit international. (Paris, le 4 août 2001.)
                         
4. Bon flic, mauvais flic par Uri Avnery
[traduit de l'anglais par R. Massuard et S. de Wangen]
4 août 2001 - Quiconque a vu des films policiers les connaît : le bon flic et le mauvais flic. Le mauvais flic (disons Gene Hackman) commence à interroger le suspect. Il crie sur lui, , l'insulte, le menace, le frappe. Au moment voulu, le bon flic (disons Clint Eastwood) entre. " Comment oses-tu te conduire de cette façon ? " lance-t-il au mauvais flic, " sors d'ici !" Il offre une cigarette et un café au suspect effrayé et lui dit : " Quelle brute ce mec ! Il peut vous faire des choses terribles. Pas plus tard qu'hier, un homme est presque mort au cours de son interrogatoire. Mais je peux l'écarter de cette interrogatoire. Seulement, juste pour convaincre le patron, il faut que vous me donniez quelques petits renseignements. Ainsi qui était votre complice dans l'attaque de la banque ? " Ariel Sharon et Shimon Pérès jouent aujourd'hui ces rôles pour un public mondiale dans un film qui un jour pourrait gagner un Oscar " Excellent jeu d'acteurs" dira le jury, " une prestation exceptionnellement convaincante. "
Le mauvais flic, Sharon, s'écrit : " Retiens-moi ! Je suis fou ! Je deviens enragé ! " Il est facile pour lui de convaincre le public car celui-ci se souvient des films précédents (" Sang et larmes à Kibia " ou " Gaza brûle-t-il ? " pour ne pas citer le grand succès " Nuit à Sabra et Chatila. ")
Son partenaire est également célèbre. Shimon Pérès, un acteur qui a gagné de nombreux prix, a joué le méchant dans ses films précédents (" La route de Suez " et " le mystère Dimona " viennent à l'esprit), mais pendant de nombreuses années, il a été engagé comme pacificateur. Qui ne se souvient de " Colombe à Oslo " ?
Le partage des rôles est naturel. Central Casting ne pourrait pas faire mieux. Sharon menace le monde. Si on le laisse faire, il envahira les territoires palestiniens, tuera Arafat, expulsera des masses de Palestiniens de l'autre coté du Jourdain, envahira peut-être sur sa lancée le Liban et la Syrie. Un tremblement de terre secouera tout le Moyen-Orient, les régimes d'Egypte et de Jordanie pourraient s'effondrer, même l'Arabie Saoudite et les Emirats du Golfe chancelleront, le pétrole prendra feu, l'économie globale s'écroulera.
Mais tout ceci ne se produira pas. Pourquoi ? Parce que Pérès, le bon flic, retient Sharon, l'empêchant de devenir fou furieux. Il va d'une capitale à l'autre, implorant Président et Premiers ministres : S'il vous plait, aidez-moi à retenir cette terrible personne ! Je ne peux pas le faire si vous ne le laissez pas étendre les colonies et rompre les accords existants, et si vous essayez de le contraindre à reprendre les négociations. Ce n'est pas bon mais cela empêchera une catastrophe !
Le monde se sent rassuré. Les dirigeants ont peur de Sharon mais, tant que Pérès est à ses côtés, tout va bien. Rien de vraiment terrible ne peut arriver.
Tout cela est du cinéma, évidemment. Pérès est tout-à-fait incapable d'empêcher Sharon de faire tout ce qu'il veut. Désormais, Pérès est un poids léger politique, alors que Sharon est un champion poids lourd. Il pourrait se débarrasser de Pérès à tout moment, mettant fin à sa carrière pour toujours.
Alors, pourquoi ne devient-il pas fou furieux ? Parce que l'épée américaine de Damoclès est suspendue au-dessus de sa tête. Aucun dirigeant israélien ne peut s'opposer à la volonté des Etats-Unis quand il s'agit des intérêts américains. Tous les Israéliens le savent. Après tout, ils sont le seul peuple, en dehors des Etats-Unis, à faire flotter les drapeaux américains le jour de Independance Day.
Actuellement, Washington est dans les mains des compagnies pétrolières. Les Etats Unis se contentent de " condamner " Sharon aussi longtemps qu'il ne fait qu'assassiner les dirigeants palestiniens et qu'il étend les colonies. Mais Sharon sait très bien qu'il y a une ligne rouge à ne pas franchir et où elle se trouve. Il attend patiemment le jour où il réussira à convaincre les Américains de lui laisser les mains libres pour la grande aventure, comme ils l'ont fait en 1982.
En attendant, il utilise Pérès à dire à ses propres extrêmistes qu'il doit " se retenir " contre sa volonté afin de préserver " l'unité nationale ". Pendant ce temps, le bon Pérès traverse les océans comme un voyageur de commerce, vendant la politique de " liquidations " de Sharon et tous les autres instruments de l'occupation et répandant le mensonge à propos des " offres généreuses " qui ont été refusées par Arafat.
Pérès a déjà reçu le tiers d'un Prix Nobel. Il peut maintenant attendre avec impatience de recevoir la moitié d'un Oscar.
                 
Revue de presse

                         
1. La vie de la famille al-Aïdi a basculé dans l'absurde par Agnès Rotivel
in La Croix du mardi 7 août 2001

BANDE DE GAZA De notre envoyée spéciale
La vie d'Hussein al-Aïdi est un enfer. Il se demande encore comment il a pu se retrouver dans cette situation kafkaïenne. Il y a cinq ans, ce Palestinien, père d'une famille de neuf enfants, a bâti sa maison noyée dans les orangeraies et les oliviers le long de la route qui mène du carrefour de Netzarim à la zone industrielle de Karni (à la frontière avec Israël), dans la bande de Gaza. Son salaire de gardien des bâtiments de l'agence des Nations unies pour les réfugiés (Unrwa) lui a permis de construire une vaste maison de deux étages avec, sur le toit, une terrasse pour se reposer à la fraîcheur du soir. Le terrain se situe, en vertu des accords d'Oslo, en zone palestinienne (zone A, sous contrôle de l'Autorité palestinienne présidée par Yasser Arafat). " Plus tard, se disait-il, quand mes fils se marieront, ils pourront s'ils le souhaitent s'installer dans la maison. " La décoration intérieure est soignée, carreaux bleus sur les murs, petites colonnades dans la salle à manger, une grande cuisine et de nombreuses pièces pour ses enfants âgés de 14 à 2 ans.
Une famille terrée dans sa maison occupée par l'armée
En septembre 2000, lorsque l'Intifada éclate, la vie paisible de la famille al-Aïdi bascule dans l'enfer. " Nous sommes restés vingt jours terrés dans la maison au milieu des tirs - cette zone a été l'objet de très violents affrontements entre Israéliens et palestiniens car les colons passaient alors par cette route comme les Palestiniens. Désormais, elle est réservée aux seuls colons et à l'armée." Hussein et sa famille se retrouvent pris en otages dans une zone occupée par l'armée israélienne. " On passait la journée couchés à terre de crainte de se faire tirer dessus. Puis les chars israéliens se sont positionnés tout autour, les bulldozers ont détruit tous les vergers. " De fait, sur des kilomètres aux alentours, la terre est retournée, il n'y a plus un arbre debout. Les soldats sont entrés chez lui. " Ils m'ont dit qu'ils allaient s'installer sur le toit. J'ai refusé. Ils sont entrés quand même. C'est un kidnapping ! " s'emporte ce quinquagénaire à la moustache grise qui n'arrive pas à calmer sa colère. L'armée israélienne prend alors possession de la maison d'Hussein qui, avec ses deux étages et sa terrasse, est une véritable "tour de guet". "C'est une position stratégique ", confirme Amir, l'officier israélien, en guise d'explication.
Les soldats, installés sur son toit, vivent à ses frais
Au grand désespoir d'Hussein, en onze mois de conflit, sa maison est devenue un fortin. Sur le toit recouvert de filets de camouflage, protégé de sacs de sable, les soldats-entre l0 et 15 - ont installé des mortiers, des caméras à infrarouge et, selon lui, " un lanceur de missiles". Plus aucun membre de la famille n'est autorisé à y monter. En défonçant le terrain avec les chars et les bulldozers, les Israéliens ont détruit le puits qui alimentait en eau la maison, les fils électriques ont été arrachés. Alors Hussein a acheté 1 300 m de câbles pour se relier au réseau électrique le plus proche et 1000 m de tuyaux pour tirer de l'eau qu'il stocke ensuite dans des réservoirs à l'intérieur, chez lui. Profitant de l'aubaine, les soldats ont installé un frigo, une télévision, des toilettes sur le toit, " et c'est moi qui dois payer les factures ", s'exclame, exaspéré, Hussein, à qui la compagnie d'électricité palestinienne, peu disposée à faire crédit, réclame 6 000 dollars (7 059 €, 46300F). Debout à la fenêtre, il désigne du doigt, autour de là maison, les chars israéliens à moitié camouflés et le paysage dévasté. A la grande fureur d'Hussein, l'étoile de David flotte désormais sur son propre toit. Une provocation et une humiliation en pleine guerre. Hussein n'est même plus maître chez lui. Les soldats ont imposé un règlement très strict : aucun membre de la famille ne peut entrer ou sortir sans leur autorisation. Les cartables des enfants, les paquets des parents sont fouillés avant d'être introduits à l'intérieur. Les visites de la famille ou d'amis sont interdites. Les journalistes doivent obtenir l'autorisation de l'armée israélienne pour se rendre chez Hussein et être escortés par une Jeep militaire. Aucune photo ne peut être prise à l'extérieur, considéré désormais comme une zone militaire. Si l'un des parents s'absente, cinq personnes au moins doivent rester à l'intérieur pour éviter que la maison soit prise comme cible par les Palestiniens. Hussein ne peut plus utiliser ni sa voiture m une charrette pour transporter des courses.
Les enfants, angoissés, se portent de plus en plus mal
La famille est condamnée à effectuer tous les trajets à pied sur plus de deux kilomètres en zone découverte, exposée aux tirs avant de rejoindre la route autorisée aux Palestiniens. Dès le début du conflit, la Croix-Rouge internationale (CICR) a tenté de leur apporter de la nourriture mais elle a été prise sous le feu de tirs croisés à plusieurs reprises.
L'ONG française Médecins sans frontières a fini par obtenir, après plusieurs essais infructueux, que l'armée laisse un psychologue et un médecin se rendre auprès de la famille en état de choc. En effet, dès les premiers jours, les enfants ont présenté des signes de stress et d'angoisse : cauchemars et pleurs la nuit. Pendant dix jours, Baha, le petit garçon de 4 ans, ne tient plus sur ses jambes. Son père l'emmène à la clinique. On lui fait tous les .examens qui se révèlent négatifs. "Baha a peur et refuse donc de marcher ", dit le médecin, habitué à ce genre de symptôme, fréquents chez les jeunes enfants de Gaza depuis le début des événements. Diaha, 5 ans, ne se nourrit plus .Au grand dam de sa mère, elle perd du poids et pèse moins que le petit dernier âgé de 2 ans et demi. Les plus grands se mettent en colère sans raison, cassent leurs jeux, fabriquent des chars et des fusils. " Is font la guerre ! s'exclame Hussein, révolté. Mais que faire ? "
Rester en enfer ou voir détruire sa maison
Les Israéliens le placent devant ce dilemme : " Soit vous restez dans la maison à nos conditions, soit vous partez et on la démolit. " Aux problèmes quotidiens s'ajoute celui de son travail. Depuis plusieurs mois, il n'a pu se rendre à son bureau et l'Unrwa lui demande de revenir. "Avec ce qui se passe chez moi, je ne peux pas quitter la maison" dit Hussein.
Le jour où les Israéliens ont installé un mirador en béton, juste à côté de sa maison, Hussein a entrevu l'espoir d'être enfin libéré de ses occupants encombrants, d'autant qu'ils ont placé à l'intérieur du mirador des caméras qui surveillent en permanence les alentours jusqu'au croisement de Netzarim. Espoir vite déçu. " Nous restons ", lui répond l'officier.
Hussein n'est pas homme à se laisser abattre. Fort de son droit à vivre normalement chez lui comme tout propriétaire, en décembre il décide de se rendre à la réunion de sécurité entre Israéliens, Palestiniens et CIA où le comité de liaison devait évoquer son cas. Hussein insiste pour assister personnellement à la réunion. " J'ai expliqué aux Américains que nous étions pris en otages, les Israéliens ont promis d'étudier mon cas. Mais, depuis, plus rien. "
Hussein, victime depuis plusieurs mois d'une guerre qui ne dit pas son nom, se bat comme un beau diable. Il est résolu à faire prévaloir son droit. " Tous les jours je répète aux soldats israéliens qu'ils n'arriveront pas à me faire taire. Je continuerai à alerter tout le monde pour que cesse cette situation. Je me vengerai de ce qu'il font subir à ma famille."
                        
2. L'expert israélien Joseph Alpher sur la stratégie des deux camps : "Sharon ne veut pas la guerre" par Jean-Pierre Perrin
in Le Monde du lundi 6 août 2001
Jérusalem envoyé spécial
Ancien responsable au Mossad (les services secrets israéliens), puis directeur du Centre Jaffee d'études stratégiques, Joseph Alpher a été aussi un proche conseiller de l'ex-Premier ministre Ehud Barak lors du sommet de Camp David. Aujourd'hui, directeur d'un centre de recherches sur les rapports sécurité-politique et responsable d'un site Internet de dialogue entre intellectuels israéliens et arabes, il explique à Libération la stratégie de Sharon et celle d'Arafat.
- Comment jugez-vous l'opération d'élimination des deux chefs du Hamas à Naplouse ?
- C'est clairement une escalade. Mais n'oublions pas que ces deux hommes avaient du sang frais sur les mains. Israël avait demandé à Arafat leur arrestation mais celui-ci n'a jamais pris cette requête au sérieux. Reste que ce type d'opération s'inscrit dans une tactique minimaliste dont le but est d'éviter à Israël d'être entraîné dans la guerre.
- Au-delà de cette tactique, quelle est la stratégie de Sharon ?
- Il aimerait éliminer Arafat. De la même façon qu'il n'a pas cru aux accords d'Oslo, il ne pense pas arriver jamais à un accord final avec lui. Mais Sharon n'est pas pour autant un extrémiste ni un fanatique religieux. C'est un pragmatique. Pour des raisons sécuritaires, il veut qu'Israël garde le contrôle militaire de la Cisjordanie grâce aux colonies et aux points stratégiques de la vallée du Jourdain qui doivent fragmenter le futur Etat palestinien. Mais il est très sérieux quand il dit ne pas vouloir se laisser entraîner dans la guerre.
- Quelles sont les raisons qui l'empêchent de lancer l'armée à l'assaut de Gaza et de la Cisjordanie ?
- Elles sont au nombre de quatre. D'abord, il ne veut pas que le gouvernement d'union nationale éclate, ce qui arriverait dans une telle hypothèse. Ensuite, il ne veut pas perdre le soutien américain; il est favorable à des relations étroites avec Washington. En troisième lieu, il ne veut pas être celui qui provoquera la rupture avec la Jordanie et l'Egypte. Enfin, il sait que cette question n'a pas de réponse claire : que faire après la réoccupation de Gaza et de la Cisjordanie ?
- La formule de remplacement est donc cette tactique d'"assassinats ciblés" ?
- C'est une formule qui permet de survivre à une longue guérilla. Aussi Sharon demande-t-il aux Israéliens d'être patients. Finalement, dans sa politique sécuritaire, il ne va qu'un peu plus loin que Barak. Et c'est une tactique qui réussit. Lorsqu'on frappe les chefs du mouvement, leurs subordonnés sont incapables d'agir. A voir ces bombes qui explosent prématurément en tuant ceux qui les manipulent ou qui, une fois posées, n'explosent pas, on découvre qu'il y a de moins en moins de professionnels chez les terroristes; la sophistication de leurs armes décline. Ce qui n'empêchera pas de jeunes Palestiniens de devenir des kamikazes. La motivation des Palestiniens reste très élevée. Les obsèques des chefs du Hamas ont réuni 100 000 personnes à Naplouse. L'autre stratégie possible serait de détruire l'Autorité palestinienne, mais ce serait fermer un conflit pour en ouvrir un autre.
- La réoccupation des territoires palestiniens est-elle étudiée par l'armée ?
- Shaul Mofaz (le chef d'état-major de Tsahal, ndlr) pense que l'Autorité palestinienne est une entité terroriste et qu'elle doit donc être détruite. A l'inverse, Shimon Pérès fait valoir qu'après la destruction de l'Autorité palestinienne, nous n'aurons plus d'autre option et que nous ignorons ce que provoquera l'onde de choc, en particulier en Jordanie.
- Sharon serait donc un homme prudent ?
- Il sait qu'en cas d'offensive massive, il court le risque d'atrocités, par exemple que 20 enfants palestiniens soient tués, et non pas 2 comme à Naplouse. Cela, il ne le veut pas. D'autant moins qu'il n'ignore pas que la communauté internationale l'a pris pour cible.
- Existe-t-il un risque d'extension du conflit ?
- Le pire scénario peut arriver demain. Il suffit par exemple de deux attaques suicides particulièrement atroces, comme celle du Delphinarium (qui avait tué 21 jeunes Israéliens, le 16 juillet), suivies de représailles massives. Ce qui pourrait arriver de pire, c'est l'ouverture d'un second front, si le Hezbollah tire une pluie de katiouchas sur la Galilée, obligeant Israël à riposter en Syrie. On ne sait pas comment dégénérerait l'escalade. Selon des responsables jordaniens, le régime du roi Abdallah pourrait perdre le contrôle de la situation. Et ce scénario pourrait arriver en dépit de la prudence de Sharon. Même si Yossi Sarid (le chef de l'opposition, ndlr) était Premier ministre, il réagirait de la même façon en cas d'atrocités.
- Quelle est la stratégie d'Arafat ?
- Elle n'est pas facile à comprendre. Nous connaissons les questions, pas les réponses. A quel point contrôle-t-il l'Intifada? L'a-t-il initiée? Est-il vraiment intéressé à la reprise des négociations? Même au sein des services de sécurité israéliens, il y a controverse. Certains services comme le Shin Beth disent qu'il contrôle mal l'Intifada. Les renseignements militaires disent le contraire. Veut-il faire cesser les violences et en est-il capable? On a vu après l'attentat du Delphinarium qu'il pouvait faire respecter la trêve. On voit aussi que son principal souci, c'est d'internationaliser le conflit, d'où ses incessantes demandes d'observateurs internationaux.
- Y a-t-il une solution pour sortir du conflit ?
- Si c'est une sortie constructive, elle devra inclure un élément politique. Il faudra dire à Arafat: «Nous sommes prêts à discuter des mêmes questions posées par l'accord final que celles discutées à Taba.» Ensuite, pour restaurer la confiance, annoncer le gel de toutes nouvelles implantations. Enfin, il faut une implication beaucoup plus énergique des Etats-Unis. Washington doit demander ce gel et dire à Arafat d'arrêter la violence. Même si nous en arrivons là, une avancée vers un règlement politique n'est pas pour demain en raison des graves dommages causés à la confiance entre Israéliens et Palestiniens.
               
3. Les missiles israéliens ratent le chef de l'insurrection palestinienne  par Clyde Haberman
in The New York Times (quotidien américain) du dimanche 5 août 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Ramallah, Cisjordanie, 4 août. L'armée israélienne a tiré des missiles, ce jour, contre un convoi accompagnant le chef de l'insurrection palestinienne en Cisjordanie, au cours d'une opération qualifiée par ce dernier de tentative d'assassinat.
Les officiels israéliens ont démenti que ce leader, Marwan Barghouthi, fût visé, laissant entendre qu'ils visaient en réalité un autre homme qui a été blessé au cours de l'attaque et qui figurait sur la liste de Palestiniens recherchés pour leur rôle dans la violence anti-israélienne.
Même s'il en est bien ainsi en réalité, tirer un missile sur une personnalité aussi éminente que M. Barghouthi, responsable pour toute la Cisjordanie du Fath, parti de Yasser Arafat, ne peut être considéré par les Palestinien que comme la manifestation par Israël de sa détermination à porter à un niveau supérieur sa politique d'assassinats programmés.
M. Barghouthi, 41 ans, n'a laissé aucune ambiguïté à ce sujet.
"Il y a une tentative de tuer tout le monde et n'importe qui, mais il y aura escalade, aussi, dans la résistance, de notre côté", a-t-il dit à l'hôpital de Ramallah, où il s'était rendu au chevet de son second, Mohand Abu Halawa, blessé dans le raid et soigné pour des brûlures. "Les Israéliens paieront le prix de leur tentative d'assassinat : très cher".
Les assassinats planifiés d'Israël ont été condamnés par les Etats-Unis et d'autres pays, cette semaine, après qu'au cours d'un raid, les missiles de l'armée israélienne aient tué huit Palestiniens, dans la ville cisjordanienne de Naplouse.
Les Israéliens ont dit que leur cible, à Naplouse, était le leader du groupe Hamas, qu'ils ont décrit comme l'éminence grise des opérations terroristes anti-israéliennes. Il pourrait y avoir d'autres raids de ce type, a averti le premier ministre israélien Ariel Sharon, si les Israéliens le jugent nécessaire afin de sauver des vies (d'Israéliens).
Son gouvernement a déclaré qu'étant donné que ces attaques avaient pour objectif de prévenir le terrorisme, il était absurde de les qualifier d'opérations criminelles.
Cette dernière attaque en date intervient dans un contexte de tension exacerbée entre les deux camps d'un conflit qui est désormais entré dans son onzième mois. Toutefois, il y a eu aussi des signes , au cours de ces derniers jours, donnant des indications sur ce vers quoi se dirigent les deux parties.
Depuis l'attaque de Naplouse, les Israéliens ont resserré les rangs, dans l'attente d'une réplique du Hamas. Leur intuition d'un désastre éminent a été confirmée dans une grande mesure par deux alertes "rouges".
Vendredi dernier, une femme palestinienne a déposé un sac contenant ce qu'elle a déclaré être rien de moins que douze livres d'explosif et de clous à la gare centrale des autobus de Tel Aviv. Cette femme a été arrêtée après qu'elle se soit rebellée contre un agent de sécurité qui exigeait d'inspecter le contenu de ce sac.
La veille, un adolescent palestinien porteur d'une bombe de forte puissance a tenté de monter à bord d'un bus, près de la ville israélienne de Beit Shean (au nord du pays), mais le conducteur du bus, voyant qu'il y avait quelque chose de louche, a "balancé" in extremis aussi bien le jeune que son sac hors du véhicule...
Il n'y a pas eu de blessé, dans ces deux incidents, mais ils n'ont fait que renforcer le sentiment croissant qu'ont les Israéliens d'échapper que d'extrême justesse à des catastrophes en série.
De leur côté, les Palestiniens se sentent en état de siège.
Dans cette ambiance, des avertissements qu'il y aurait une intensification de la violence ont été donnés ; ainsi de M. Barghouthi, comme nous l'avons indiqué plus avant. Mais cela n'a pas empêché, au même moment, l'agence d'information palestinienne officielle Wafa (émanation de l'Autorité palestinienne) de lancer un appel à faire reculer la violence, remarqué en raison de son caractère pressant.
"Nous devons admettre que, quel que grand soit le nombre des blessés et des morts que nous pouvons causer chez les Israéliens, nous ne gagnerons pas la guerre contre eux", a déclaré un communiqué de l'agence d'information (palestinienne) Wafa. "Ce n'est que par les moyens politiques que nous pourrons atteindre nos objectifs, en utilisant les pierres contre les Israéliens, aux barrages sur les routes et dans les colonies, et non en utilisant des armes à feu, à l'intérieur d'Israël."
Des officiels israéliens se sont déclarés "non impressionnés" par l'éditorial de Wafa. "Il faut (aux Palestiniens) réussir les tests portant sur les actes, les simples déclarations ne suffisent pas", a déclaré Raanan Gissin, porte-parole de M. Sharon.
Dans le même temps, le gouvernement israélien semblait prêt à lancer quelques signes d'apaisement de son propre côté.
Ainsi, le ministre (israélien) de la justice, Meir Shitrit, a déclaré ce jour qu'"une guerre totale contre l'Autorité palestinienne serait une erreur irréparable", ajoutant : "nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir afin de mettre un terme au terrorisme sans déclencher ce qui serait une catastrophe : une véritable guerre, de grande envergure."
                     
4. La Conférence mondiale contre le racisme est mal partie par Jean-Claude Buhrer
in Le Monde du du samedi 4 août 2001
Les négociations préparatoires, à Genève, butent sur les exigences de certains pays arabes de voir condamner le sionisme et celles du groupe africain pour que des réparations soient versées rétroactivement aux peuples jadis soumis à l'esclavage.
GENÈVE de notre correspondant
La Conférence mondiale contre le racisme, prévue du 31 août au 7 septembre à Durban, en Afrique du Sud, est-elle compromise, voire vouée à l'échec? En tout cas, l'ambiance est plutôt lourde à Genève, où se déroulent, jusqu'au 10 août, les préparatifs de la dernière chance, les délégués n'ayant réussi à s'entendre ni sur l'ordre du jour ni sur le projet de déclaration finale, et encore moins sur le programme d'action, dans les temps impartis. Pis encore, les contradictions semblent s'exacerber à mesure que se rapprochent les échéances.
Ainsi, Washington vient de donner à nouveau de la voix, laissant planer une menace de boycottage si certains pays arabes s'obstinent à vouloir un texte de la conférence assimilant racisme et sionisme, ou si le groupe africain persiste à exiger des réparations pour les dommages engendrés à l'époque de l'esclavage.
RAPPROCHER LES POINTS DE VUE
Le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a multiplié les appels à la raison et les exhortations à la communauté internationale pour "trouver un terrain d'entente assurant le succès de cette conférence". S'adressant à la National Urban League, organisation de défense des intérêts des afro-américains, il a émis l'espoir que Durban serve à "guérir de vieilles blessures, sans les rouvrir. Il faut reconnaître les tragédies du passé, mais ne pas en devenir prisonniers". En fait, la tâche s'avère très délicate et les écueils à surmonter d'autant plus difficiles qu'aucun des camps en présence n'entend faire la moindre concession. Chacun s'arc-boute sur ses positions les plus tranchées, refusant de s'engager sur la voie, sinon de la réconciliation, du moins d'une ébauche de consensus.
Après s'être séparés sur un constat de désaccord, le 1er juin, lors de ce qui devait être leur dernière réunion préparatoire, les membres de l'ONU avaient chargé un groupe de 21 Etats de poursuivre les discussions en vue de rapprocher les points de vue. De l'avis d'un participant, le résultat de l'exercice est peu convaincant. Sur le fond, de sérieuses divergences subsistent, car les délégations auraient tendance à revenir à la charge plutôt qu'à supprimer des propositions contestées.
A la reprise des négociations, le 1er août, le projet de déclaration comptait encore 130 paragraphes, et 170 avec le préambule. Quant au programme d'action à mettre en œuvre après Durban, il comporte 300 paragraphes – dont un tiers entre crochets – sujets à contestation, ce qui laisse mal augurer de son éventuelle adoption en sept jours de travaux à Durban.
S'ils se déclarent prêts à exprimer des "regrets" pour la période de l'esclavage et à reconnaître les "effets dévastateurs du colonialisme", les Européens n'envisagent pas d'aller jusqu'à présenter des excuses et refusent de parler de dédommagements. Ils font valoir que ce n'est pas l'Europe qui a inventé l'esclavage, pas plus que le racisme, et que d'autres, en particulier les négriers arabes, l'ont pratiqué avant qu'ils ne débarquent en Afrique. D'ailleurs, les Africains eux-mêmes ne sont pas dupes, et d'aucuns ne se privent pas de rappeler en privé les razzias, encore nombreuses de nos jours, dans des pays comme la Mauritanie et le Soudan. Tout en assumant le passé, un arrangement pourrait être trouvé sur ce dossier épineux avec le concours de l'Afrique du Sud, par le biais d'une aide accrue au développement des pays ayant le plus souffert de l'esclavage.
UNE PRÉSENCE CONTESTÉE
Avec son lot de violences quotidiennes, la situation sur le terrain au Proche-Orient ajoute aux tensions, tandis que des régions entières sont simplement ignorées malgré leurs lancinants problèmes –que ce soit l'Indonésie avec les autochtones d'Irian-Jaya, ou les Moluques, sans parler d'Atjeh (Indonésie), des discriminations persistantes en Chine, ou encore des montagnards du Vietnam et des femmes en Afghanistan. La polarisation de l'attention sur le sionisme ou l'esclavage semble faire oublier toutes les autres facettes de l'intolérance ou de l'exclusion, qu'elles soient liées à des aspects économiques ou religieux, quand ce n'est pas simplement de sexe.
Les délégués ont cependant trouvé le temps de refuser l'accréditation d'une organisation non gouvernementale, l'Association internationale des homosexuels et lesbiennes. Alors que l'Union européenne et d'autres pays ont défendu le principe de sa participation au nom de la non-discrimination, sa présence a été vivement contestée par la Malaisie et les pays membres de la Conférence islamique. La décision a finalement été prise de justesse, par 43 voix pour, 43 contre et 27 abstentions. En vertu des règles de procédure, l'égalité équivaut à un vote négatif, mais, si la Suède ne s'était pas absentée momentanément, l'issue aurait été différente. Cet incident n'a pas manqué de creuser un peu plus le fossé entre les représentants officiels et les émissaires de la société civile.
D'ailleurs, il semblerait que la défense des droits de l'homme ne fasse plus vraiment recette, même aux Nations unies. Ainsi, pour tenter de sortir de l'impasse, les responsables de la division des droits de l'homme avaient imaginé de convier un comité des sages à venir donner et son opinion et un coup de pouce au démarrage de la conférence, dans l'espoir que quelques grands noms suffiraient à tirer les préparatifs de l'ornière.
Une vingtaine de personnalités, triées sur le volet, devaient se retrouver les 2 et 3 août à Genève pour ces discussions informelles. Mais la moitié d'entre elles – dont Nelson Mandela (malade), les ex-présidents Jimmy Carter et Mikhaïl Gorbatchev, Elie Wiesel ou encore Rigoberta Menchu – se sont excusées, et les conversations se limitaient à une table ronde d'une demi-journée, vendredi 3 août…
[Mary Robinson dans la polémique sur le sionisme - Cherchant à calmer le jeu, le haut-commissaire des Nations unies pour les droits de l'homme, Mary Robinson, a elle-même mis en garde contre la tentative de rouvrir à Durban un débat clos il y a dix ans, lorsque l'Assemblée générale de l'ONU avait abrogé une résolution de 1975 assimilant le sionisme au racisme. La résolution de 1975 avait motivé l'absence des Etats-Unis aux deux précédentes conférences de l'ONU sur le racisme, en 1978 et 1983. Mme Robinson s'est attiré les foudres de certains milieux arabes, comme l'Organisation égyptienne des droits de l'homme, qui l'a invitée à "réviser ses propos".]
              
5. Trois équipes spéciales pour éviter les assises à Sharon par Serge Dumont
in Le Soir (quotidien belge) du samedi 4 août 2001
TEL-AVIV - Interviewée par la deuxième chaîne de télévision israélienne, Irit Kahane (la spécialiste en droit international du parquet général d'Israël chargée de suivre l'évolution de l'instruction du « dossier Sharon » à Bruxelles) a notamment affirmé que ses services avaient transmis au juge d'instruction Patrick Collignon une série de documents confidentiels relatifs aux massacres de Sabra et de Chatila, ainsi qu'aux travaux de la commission d'enquête créée à Jérusalem après la découverte de la tuerie.
Pressée de questions au sujet de Me Michèle Hirsch (l'avocate belge représentant les intérêts de l'Etat hébreu dans ce dossier), Irit Kahane a également affirmé qu'il n'a pas été difficile de la convaincre d'accepter cette affaire parce qu'elle a tout de suite compris que ceux qui ont déposé plainte contre Ariel Sharon cherchent à utiliser la loi belge à des fins purement politiques.
"Une presse belge plus hostile que jamais"
En outre, la représentante du parquet général israélien a déclaré qu'en dehors de l'avocate belge, l'Etat hébreu utilise des voies discrètes pour faire comprendre à la justice belge qu'elle n'est pas compétente.
Enfin, Irit Kahane a confirmé qu'Israël prend très au sérieux la possibilité de voir des officiers ou des ex-officiers de Tsahal (armée israélienne) arrêtés en Belgique ou dans d'autres pays de l'Union européenne en raison de leur participation à la guerre du Liban et/ou de la répression de l'intifada palestinienne. Nous nous préparons à une telle éventualité, a-t-elle en effet répondu. Nous avons mis en place une équipe spéciale de juristes susceptibles d'intervenir en urgence.
La presse israélienne continue en tout cas de suivre de très près l'évolution de l'instruction des plaintes déposées contre Sharon. Dans son supplément de fin de semaine, le « Maariv » a publié vendredi sur cinq pages l'interview de Robert Hatam (alias « le Cobra »), l'ex-garde du corps personnel d'Elie Hobeika, le chef des milices chrétiennes libanaises qui ont procédé aux massacres de Sabra et Chatila. Selon ce témoin, Hobeika a donné les ordres et Sharon ne savait rien.
De son côté, le « Yediot Aharonot » (le principal quotidien israélien, qui vient d'envoyer un de ses reporters en Belgique) affirme que la Délégation générale de l'Autorité palestinienne à Bruxelles est assaillie de volontaires qui veulent l'aider dans la procédure contre Sharon et qu'une agence de voyage belge organise des voyages à prix réduits pour les réfugiés palestiniens qui voudraient venir témoigner contre lui.
Reçu à bras ouverts par les diplomates de l'Etat hébreu en poste à Bruxelles, le journaliste écrit en outre que ces derniers se plaignent de devoir affronter une presse belge plus hostile que jamais et un public ennemi.
Dans un autre dossier intitulé « De la boue belge pour Sharon », le même journal révèle que le gouvernement israélien a demandé au Mossad de se procurer le texte de la plainte contre le Premier ministre lorsque celle-ci a été déposée et qu'il a, il y a environ trois semaines, envisagé d'expulser du pays Me Luc Walleyn (l'un des avocats belges des plaignants contre Sharon), qui rendait visite à des organisations israélo-palestiniennes de défense des droits de l'homme.
Quoi qu'il en soit, pour l'heure, trois équipes spéciales travaillent quasiment en continu au sein du cabinet de Sharon et des ministères des Affaires étrangères et de la Justice pour éviter au Premier ministre de l'Etat hébreu l'humiliation d'un renvoi devant une cour d'assises belge. A ce dispositif devrait bientôt s'ajouter un cabinet de relations publiques européen chargé de pallier les déficiences de l'ambassade d'Israël à Bruxelles en la matière.
De plus, Abraham Hirchson, un député du Likoud (le parti de Sharon) du nord de Tel-Aviv, a confirmé hier qu'il déposerait prochaine plainte contre Yasser Arafat à Bruxelles. Pour crimes contre l'humanité, a-t-il ajouté, en précisant que son équipe termine de rassembler les preuves. La plupart des observateurs doutent cependant de la crédibilité de ce député qui estime que la procédure contre Sharon fait partie d'une campagne antisémite et qui profite des interviewes qu'il accorde pour accuser le roi d'avoir fait déporter 8.000 juifs belges vers les chambres à gaz durant la Deuxième Guerre mondiale.·
Ariel Sharon en cause, et non l'Etat d'Israël ?
Les trois avocats des 23 personnes qui ont déposé plainte à Bruxelles contre Ariel Sharon ont introduit une requête afin d'avoir accès au dossier. Ils sont intéressés par la lettre communiquée au juge d'instruction Collignon par l'avocate de l'Etat d'Israël, Me Hirsch, qui contesterait la compétence du juge belge. Les trois avocats mettent d'ailleurs en cause la légitimité de l'intervention de l'Etat d'Israel. Selon eux, l'Etat n'est pas à la cause; c'est Sharon qui est visé.
                 
6. Les journalistes de la BBC sont sommés de ne plus qualifier les liquidations extra-judiciaires israéliennes d'"assassinats" par Robert Fisk
in The Independent (quotidien britannique) du du samedi 4 août 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Etablissant un précédent majeur en cédant aux pressions diplomatiques d'Israël, les responsables londoniens de la BBC ont interdit à leurs équipes, tant en Angleterre qu'au Moyen-Orient, d'utiliser le mot "assassinat" lorsqu'ils se réfèrent à la politique consistant pour Israël à liquider ses adversaires dans l'insurrection en cours. Des reporters de la BBC se sont entendu dire qu'ils devraient, dorénavant, utiliser l'euphémisme même utilisé par Israël pour désigner ces meurtres : "éliminations ciblées"...
Des journalistes de la BBC ont fait part de leur étonnement au constat que l'éditorialiste en chef des reportages assignés, Malcolm Downing, ait jugé bon d'envoyer le memorandum en ce sens aux journalistes, en ajoutant que le mot "assassinat" devait être "utilisé seulement dans les cas où il s'agit du meurtre d'un haut responsable politique". Aux dire de M. Downing, "ce ne sont pas les mots désignant la mort qui ne manquent".
Ce sont une soixantaine de militants palestiniens - et de nombreux civils, dont deux enfants, la semaine dernière - qui ont été "descendus" par des commandos de la mort israéliens ou par des pilotes d'hélicoptères munis de missiles. La Maison Blanche a gentiment gourmandé Israël au sujet de ces attaques mais, dès le début de la semaine, la BBC a commencé à utiliser la périphrase d'"attaques ciblées" pour désigner la politique (israélienne) des liquidations planifiées. Les cas où des Israéliens sont tués par des Palestiniens sont toujours désignés, en revanche - à juste titre - de "meurtre" ou d'"assassinat".
Le mémoire de M. Downing suggère que le meurtre d'un Israélien de haut rang - à l'instar du premier ministre Yitzhak Rabin, tué par un extrémiste israélien - justifie l'utilisation du terme "assassinat" et qu'il n'en va pas de même pour le fait de tuer un Palestinien (lambda).
Apparemment, cette note signifie que le terme "assassinat" ne peut être utilisé qu'"avec parcimonie" et "discernement". Le bannissement du terme "assassinat" résulte d'une discussion entre M. Downing et Vin Ray, vice-président du service de l'information à BBC World TV. Des diplomates israéliens s'étaient plaints, au cours d'un déjeuner avec des responsables de la BBC, de la couverture "anti-israélienne et pro-palestinienne" de la chaîne.
En réalité, la campagne de meurtres israélienne est très loin d'être "ciblée". Au cours de la première opération de cette longue série de "tueries" (en anglais : killings, ndt), deux femmes palestiniennes dans la force de l'âge avaient été tuées. Après un premier reportage les ayant mentionnées, la BBC avait pris soin d'occulter toute référence à ces deux victimes ("collatérales") lors de la reprise de l'information au sujet de cet "incident".
                
7. La délégitimation du pouvoir palestinien par Georges Malbrunot
L'Est Républicain (quotidien régional) du samedi 4 août 2001
Certains proches de Yasser Arafat prennent des précautions dans l'hypothèse d'une aggravation de la situation.
L'interview d'un haut responsable de la sécurité dans la bande de Gaza se conclut par une étrange requête : « J'ai un visa Schengen valable pour un mois, pourriez-vous faire quelque chose auprès de votre ambassade pour que sa validité soit prolongée d'un an ? ». Menacés d'anéantissement par Ariel Sharon, certains dirigeants liés à l'Autorité palestinienne prennent les devants. Ainsi, le ministre de la Justice Freih Abou Mdein a-t-il disparu de Gaza depuis bientôt deux mois. Selon une source indépendante, il est en Espagne où il possède une propriété. En conflit ouvert avec Yasser Arafat -ce dernier l'a mis en concurrence avec le procureur général du territoire autonome-, Freih Abou Mdein a remis sa démission en mai au chef de l'Autorité palestinienne qui l'a refusée.
La plupart des ministres proches de Yasser Arafat ont des solutions de repli en Europe, en Egypte ou au Canada, au cas où la situation tournerait au vinaigre, estime-t-on généralement dans les milieux diplomatiques à Jérusalem. Mohamed Rashid, conseiller financier de Yasser Arafat et un de ses émissaire pour ses contacts avec Ariel Sharon, dispose par exemple d'un passeport canadien, et nul doute qu'immédiatement après une éventuelle disparition du «Vieux», Mohamed Rashid prendrait la poudre d'escampette. Aujourd'hui, cependant, bien peu prendraient le risque de quitter le navire. La mort, en février dernier à Gaza, d'Hisham Mikki, responsable de la télévision, imputée selon les services de renseignements occidentaux à une officine de la sécurité palestinienne, serait due au fait que ce proche du chef de l'Autorité palestinienne, unanimement détesté, avait menacé de partir pour l'Egypte où il avait établi des affaires. Hors du territoire, les langues peuvent évidemment se délier plus facilement. Mais fuir est une option dangereuse.
Renforcer le front palestinien
C'est au plus haut niveau que la déligitimation israélienne a le plus d'impact. Elle affecte principalement les «  Tunisiens » rentrés d'exil avec Yasser Arafat, qui ont trusté l'essentiel des postes à responsabilité dans l'Autorité. Ceux qui craignent pour leur avenir ont été en général étroitement associés aux négociations avec Israël, négociations qui ont échoué, et dont un nombre croissant de Palestiniens leur font porter la responsabilité de cet échec. La déligitimation renforce du même coup les critiques de la population envers leurs dirigeants. Cela étant, le souhait israélien d'attendre un nouveau leadership « plus réaliste » que Yasser Arafat rencontre encore peu d'écho. La rue critique ouvertement ses responsables mais elle épargne généralement le chef de l'Autorité palestinienne de ses foudres. Les Palestiniens ont conscience que sa disparition déboucherait sur un chaos, dont saurait profiter l'Etat hébreu.
Inévitablement, ces attaques renforcent les adversaires islamistes de l'Autorité, qui ont fait de la lutte anti-corruption et de l'incapacité de Yasser Arafat à concrétiser les accords d'Oslo deux de leurs principaux chevaux de bataille. En réaction à ces coups de boutoir israéliens, le chef de l'OLP paraît surtout soucieux de renforcer le front palestinien et de ne pas perdre le contrôle de la situation. Ainsi vient-il de nommer deux nouveaux gouverneurs dans les régions de Rafah et Khan Younès dans le sud de la bande de Gaza. Deux gouvernorats, où les activistes livrent les affrontements à la fois les plus réguliers et les plus violents face aux soldats israéliens, et où une reprise en main s'avérerait délicate.
                           
8. Palestine-Israël : Le danger plane sur Al-Aqsa
in L'Hebdo Magazine (hebdomadaire libanais) du vendredi 3 août 2001

La multiplication des assassinats de militants palestiniens et les agissements de la secte extrémiste des Fidèles du mont du Temple sur l'esplanade des Mosquées ne sont pas fortuits. Ils correspondent à une véritable stratégie de provocation israélienne.
«Beaucoup d'Israéliens ne croient pas en Dieu. Néanmoins, ils considèrent tous que le diable existe et qu'il partage son temps entre Gaza et Ramallah.» Ces propos de Gershom Gornberg dans Maariv illustrent bien l'attitude des Israéliens, de gauche et de droite, vis-à-vis de Yasser Arafat: jamais leur haine n'a été aussi grande contre le président palestinien. Celle-ci trouve son origine dans la conviction, largement partagée, qu'Arafat est l'homme qui a réussi à flouer Israël. Au lieu de se contenter des miettes consenties par la générosité israélienne selon les accords d'Oslo et de respecter ses engagements, surtout sécuritaires, il aurait instrumentalisé ces fameux accords pour se constituer une base d'appui, sur son propre territoire, et se retourner contre Israël. C'est ce qui explique la colère d'un Ehud Barak qui affirme dans un article publié par le New York Times: «Israël devra attendre l'émergence d'un nouveau leadership palestinien pour conclure un véritable accord de paix.» De plus, Arafat est le parapluie politique de l'intifida. Sa stature régionale et internationale et la reconnaissance dont jouit l'Autorité palestinienne ont limité l'ampleur des attaques israéliennes pour le moment. Toutefois, il semble qu'une nouvelle stratégie est suivie pour modifier la donne sur le terrain...
Le rôle des opinions publiques
L'une des caractéristiques de la confrontation actuelle en Palestine est le rôle central joué par les opinions publiques. Du côté palestinien, c'est d'abord la rue et les organisations populaires qui ont lancé l'intifida, entraînant avec elles l'Autorité palestinienne. Du côté israélien, c'est l'opinion publique qui a voté Ariel Sharon et qui le soutient dans sa politique de répression et d'intransigeance. Cette radicalisation à droite de l'opinion est liée à la conjoncture, mais elle correspond aussi à des transformations structurelle, démographique et idéologique dans la société israélienne. Celle-ci connaît aujourd'hui une évolution similaire à celle qu'ont connue d'autres sociétés coloniales dans les situations de confrontations extrêmes. L'émergence de milices coloniales parallèles aux armées d'occupation, dotées d'une autonomie croissante vis-à-vis de ces dernières, telles que les milices de l'extrême droite blanche en Afrique du Sud ou l'OAS en Algérie, est l'une des caractéristiques de ces sociétés. Dans le cas israélien, ces milices et organisations extrémistes, créées, armées et protégées par l'armée, ont toujours eu une fonction dans la stratégie israélienne officielle. Il ne faudrait pas exclure que dans le contexte actuel, celles-ci soient tentées de voler de leurs propres ailes. Elles ont déjà commencé, aux côtés des ultras du Likoud, à fustiger la mollesse de l'action d'Ariel Sharon.
Glissement vers l'extrême droite
Toute la galaxie nationaliste ou religieuse glisse de plus en plus à l'extrême droite. Le cas du parti Shass est emblématique. Ce parti ne s'était pas opposé aux accords d'Oslo ni au principe d'accorder quelques concessions aux Palestiniens. Aujourd'hui, ses députés se livrent à une surenchère verbale qui rivalise dans le ton avec les propos de son guide spirituel, le rabbin Ovadia Yossef, comparant les habitants arabes de Jérusalem-Est à des fourmis et leur souhaitant d'aller en enfer. Plus généralement, et selon un sondage publié récemment par le quotidien Maariv, 80% des Israéliens justifieraient les actions terroristes des colons contre les civils palestiniens. Cette ambiance est idéale pour les courants nationalistes ou religieux extrémistes. Ils vont désormais tenter d'exacerber autant que possible le conflit avec les Palestiniens. La provocation à laquelle s'est livrée la secte des Fidèles du mont du Temple sur l'esplanade des Mosquées à Jérusalem participe de cette stratégie de la tension. Ce groupuscule, qui compte quelques centaines de membres, caresse depuis plus de vingt ans le projet de bâtir le Temple de Salomon en lieu et place de la mosquée Al-Aqsa. Qui empêchera l'un des membres de cette secte ou d'une autre secte extrémiste de dynamiter la mosquée? L'un de ces groupes n'a pas hésité à assassiner un Premier ministre israélien, une première dans l'histoire du sionisme. Qu'est-ce qui les dissuadera aujourd'hui de commettre un acte qui, par sa portée symbolique et politique, sera un casus belle et rendra tout retour en arrière, c'est-à-dire aux négociations, impossible, ce qu'ils appellent de leurs vœux? De plus, l'autonomisation croissante de ces groupuscules extrémistes juifs permet au gouvernement israélien une meilleure instrumentalisation de leurs violences dans le cadre de sa stratégie de terreur contre le peuple palestinien sans que la responsabilité de leurs actes ne lui incombe directement. Une division du travail pourrait ainsi s'instaurer entre l'armée d'occupation et ces groupuscules, comparable à celle qui existait durant la guerre de 1948 entre la Hagannah d'une part, le groupe Stern et l'Irgoun d'autre part. Les massacres les plus sanglants seront l'œuvre de ces deux groupes dans le cadre de la même stratégie israélienne visant à expulser les Palestiniens. Les liens intimes de Sharon avec les colons extrémistes facilitent la mise en place d'une telle complémentarité stratégique. En cas de guerre totale contre les Palestiniens, ces derniers pourront se livrer aux exactions regrettables visant à déplacer les populations de certaines zones palestiniennes.
Le rôle des milices parallèles
Dans tous les conflits contemporains ayant conduit à des purifications ethniques, celles-ci seront menées en grande partie par des milices parallèles. En plus de l'instrumentalisation des colons, le gouvernement israélien se livre à une réelle politique de provocation illustrée par l'intensification des assassinats de cadres et de militants palestiniens. En l'espace de trois jours, treize militants palestiniens ont été assassinés (six du Fatah, six du Hamas, un du Djihad islamique) et un militant du Hamas a été kidnappé. L'objectif de ce carnage est clair: inciter à une réaction palestinienne immédiate, et de préférence aveugle et sanglante, qui justifierait une attaque israélienne d'envergure. Le débat autour d'une telle attaque est devenu public en Israël et ses échos sont reflétés dans la presse. Shaoul Mofaz, le chef d'état-major, serait favorable à une guerre totale contre l'Autorité palestinienne alors que le ministre de la Défense Ben Eliezer serait partisan d'une stratégie de confinement sans assaut final. Akiva el-Dar signale dans Haaretz qu'il n'y a pas de consensus dans la haute hiérarchie militaire sur la stratégie à suivre: «Certains considèrent que la disparition d'Arafat sera suivie par le déluge. Une coalition d'extrémistes nationalistes et islamistes va contrôler la situation sur le terrain et continuer la guerre de guérilla contre Israël. D'autres, plus optimistes, estiment qu'après Arafat, nous assisterons à l'émergence d'un Rajoubistan en Cisjordanie et d'un Dahlanistan à Gaza avec un président-pantin désigné par les services comme Abou el-Ala'. La nouvelle génération de dirigeants est née après la Nakba, a des convictions laïques et n'est pas attachée au droit au retour des réfugiés. Après une période d'affrontements internes, elle saura se montrer autrement plus pragmatique que la précédente génération de dirigeants dans les négociations avec Israël.» Sans discuter du bien-fondé de ces analyses, à savoir la possibilité de la création de tels bantoustans au vu des nouveaux rapports de forces interpalestiniens après l'intifida ainsi qu'au vu des possibles réactions officielles arabes, surtout égyptiennes, et leurs influences sur la situation palestinienne, leur poids sur les politiques israéliennes se fait clairement sentir. Seule la continuation de l'intifida et de la résistance armée ciblée contre l'armée et les colons pourra à long terme démentir ces analyses et tenir les plans de Sharon en échec.
[L'impact économique de l'intifada - Depuis le début de l'intifida, Israël connaît une véritable crise économique dont les effets se font surtout sentir d'abord sur l'emploi par la multiplication du nombre de chômeurs. Récemment, la plus grande usine d'acier située au nord d'Israël a fermé ses portes avec un déficit de 100 millions de dollars. Le même phénomène est constaté dans le domaine des industries textiles où plusieurs usines ont dû fermer leurs portes. De plus, l'union des industriels de l'Israël-Nord a annoncé que ses usines allaient licencier 300 salariés. Il faudrait rappeler que 31% de ces usines ont déjà licencié une centaine de salariés ces derniers mois. Par ailleurs, une baisse de 44% du taux d'investissements étrangers dans le secteur des technologies de pointe a été constatée.]
                         
9. 56% de Danois s'opposent à la nomination du nouvel ambassadeur israélien par Boris Lévy
in Le Monde du vendredi 3 août 2001
STOCKHOLM, correspondance
S'il revenait aux citoyens de juger recevable ou non la nomination des diplomates étrangers sur leur territoire, Carmi Gillon, ancien chef du service de sécurité intérieure israélien (Shin Beth), ne serait probablement pas installé dans ses fonctions de nouvel ambassadeur d'Israël à Copenhague, en septembre. En effet, selon un sondage Gallup, près de 56% des Danois sont opposés à son accréditation.
Il faut dire que M.Gillon a fait montre d'une étonnante légèreté en justifiant, dans un entretien à une chaîne de télévision danoise, les "pressions physiques" auxquelles Israël avait recours lors des interrogatoires de Palestiniens soupçonnés d'actes de terrorisme, avant l'arrêt de la Cour suprême de 1999 interdisant la torture. "Cette méthode était utilisée uniquement contre les fondamentalistes du Hamas et du Djihad islamique, qui refusaient de parler, notamment à propos des attaques suicides. Cela faisait partie de mon travail", a déclaré M.Gillon.
Puis il a expliqué en substance que face au regain de violence des derniers mois au Proche-Orient, l'Etat juif devait suspendre cet arrêt d'interdiction de la torture : "Nous pensions que les Palestiniens feraient tout pour neutraliser le terrorisme. Aujourd'hui, je crois que nous devons avoir de nouveau recours à ces méthodes."
Ce proche du ministre des affaires étrangères, Shimon Pérès, a ainsi réussi le tour de force de se mettre à dos la classe politique et les associations de défense des droits de l'homme du Danemark, régulièrement montré du doigt pour ses partis pris "pro-palestiniens".
"LEÇON DE MORALE"
Le premier ministre israélien, Ariel Sharon, et M. Pérès ont vigoureusement défendu leur candidat. "Personne n'a le droit de nous donner des leçons de morale à propos du combat que nous menons contre la terreur", a indiqué le cabinet de M.Sharon dans un communiqué rageur. La campagne menée contre M.Gillon est "une remise en cause du droit de l'Etat hébreu à se défendre". "Nous avons choisi comme ambassadeur un homme qui est familier des terribles dilemmes que posent les problèmes de sécurité, un homme qui n'a pas perdu la foi dans la paix", a, pour sa part, affirmé Shimon Pérès.
M. Gillon pourrait finalement représenter Israël ailleurs qu'au Danemark. Car même si le ministre danois des affaires étrangères, Mogens Lykketoft, a affirmé qu'il jouirait de l'immunité diplomatique, la plainte actuellement instruite en Belgique contre Ariel Sharon pour les massacres de Sabra et Chatila, au Liban en 1982, fait craindre aux dirigeants israéliens une multiplication de ce genre de procédures. Le ministère israélien des affaires étrangères a ainsi fait parvenir aux fonctionnaires une note en forme de mise en garde contre les risques encourus dans certains pays, où des plaintes pour crimes contre l'humanité ou crimes de guerre ont été, ou pourraient être déposées.
                         
10. Ariel Sharon est soutenu par la majorité de sa population par Catherine Dupeyron
in Le Monde du vendredi 3 août 2001
JÉRUSALEM, correspondance
La réunion du cabinet de sécurité restreint a duré cinq longues heures, à l'issue desquelles le gouvernement israélien a décidé de maintenir sa politique actuelle, de "droit à l'autodéfense", en poursuivant ses attaques ciblées contre "les terroristes et leurs commanditaires" – qui ont déjà tué une cinquantaine de Palestiniens. Au lendemain du raid sélectif sur Naplouse, qui a tué six membres du Hamas et deux enfants, le gouvernement d'Ariel Sharon est donc résolu à ne pas tenir compte des vives critiques de la communauté internationale, notamment américaines à ce sujet.
Les cinq participants à la réunion seraient néanmoins tombés d'accord sur le fait qu'il ne fallait pas s'en prendre à Yasser Arafat, alors même que les services de sécurité, consultés par le cabinet, ont expliqué que le président de l'Autorité palestinienne contrôle les activités du Hamas. Selon eux, l'Autorité, non seulement ne lutterait pas contre les "terroristes", mais les protégerait et les rares arrestations effectuées par la police palestinienne auraient surtout pour but de mettre à l'abri ceux qui pourraient être "éliminés" par l'armée israélienne.
"OPÉRATION PRÉVENTIVE"
Le ministre des affaires étrangères, Shimon Pérès, ne croit pas, ou ne veut pas croire, à la thèse selon laquelle Yasser Arafat contrôlerait le Hamas.
Il s'est toutefois abstenu de critiquer l'attaque ciblée de la veille. Il s'agissait, a-t-il déclaré à la télévision, d'une "opération préventive", visant ceux qui "étaient vraiment impliqués dans l'organisation des attentats. Le problème, c'est le Hamas. Ils ne respectent aucune loi. Et ils organisent des attentats suicides, ce qui est contraire aux croyances des trois principales religions".
L'attaque de mardi n'a pratiquement pas été contestée. Seuls deux anciens ministres de gauche, Yossi Beilin et Yossi Sarid, ont exprimé leur désaccord. Dans la presse, quelques éditorialistes se sont seulement interrogés sur le moment choisi pour la mener, d'autant que, depuis l'attentat du Dolphinarium de Tel-Aviv, perpétré par le Hamas le 1erjuin et qui avait fait vingt et un morts, l'organisation islamiste n'avait commis aucun attentat en Israël même. Le journaliste Akiva Eldar, du Haaretz, croit savoir que le Hamas avait même prévu de "différer le départ de ses émissaires au Paradis", c'est-à-dire les attentats suicides.
Roni Shaked, du Yediot Aharonot, estime que l'attaque de mardi était un "assassinat stratégique" et non "tactique", destiné à éliminer "une des têtes politiques" du Hamas. Cette analyse est partagée par de nombreux éditorialistes. Ephraïm Sneh, ancien général aujourd'hui ministre des transports, s'est dit "très content que nous ayons réussi à couper la tête du serpent et non sa queue".
La population israélienne, quant à elle, est inquiète. Un récent sondage publié par le Yediot Aharonot indique que la moitié des Israéliens fréquentent moins les centres commerciaux, par crainte d'un attentat. La police de Jérusalem est débordée d'appels téléphoniques signalant un paquet, une voiture ou un individu suspects. Une enquête d'opinion Gallup, publiée par le Maariv le 27 juillet, indiquait que la moitié de la population israélienne juive serait favorable à une action militaire d'envergure contre l'Autorité palestinienne; 30 % se satisfont de la politique actuelle et 20 % sont incapables de répondre, ce qui est le signe d'un grand désarroi.
                        
11. Un plan secret pour l'envoi d'observateurs en Israël par Ewen MacAskill
in The Guardian (quotidien britanique) du vendredi 3 août 2001
Les Etats-Unis sont en train de mettre au point des plans détaillés pour le déploiement d'une force internationale d'observation destinée à surveiller les points d'affrontement, dans le cadre du conflit israélo-palestinien, remettant à l'ordre du jour une idée qui semblait pourtant bien avoir été remisée au placard du fait des objections israéliennes, il y a environ deux semaines.
D'après certaines sources diplomatiques occidentales, les Etats-Unis sont en train de promouvoir activement l'envoi d'une force d'observateurs et ils ont, à cet effet, d'ores et déjà exploré une série d'options, accompagnées de données précises en matière d'effectifs, de prérogatives et compétences, et de localisations possibles, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
La Grande-Bretagne et d'autres pays européens ont été associés à ce projet.
Il s'agit là du premier signe positif donné par l'activité diplomatique au Moyen-Orient, depuis des semaines d'une confrontation qui a atteint des niveaux de violence sans précédent, avec notamment un raid (israélien), mardi dernier, qui a entraîné la mort de huit Palestiniens, parmi lesquels deux responsables du mouvement Hamas.
Yasser Arafat, le leader palestinien, qui a averti hier que la région était à la veille d'une catastrophe majeure, plaide depuis longtemps pour l'envoi d'une force internationale d'interposition, à laquelle Israël s'est constamment et catégoriquement opposé.
Le premier ministre israélien, Ariel Sharon, ainsi que le ministre des affaires étrangères, Shimon Pérès, continueront à déclarer publiquement, jusqu'à nouvel ordre, qu'ils ne voient pas l'intérêt d'une force de cette nature. Mais Israël ne peut se permettre d'ignorer les Etats-Unis, son principal allié et protecteur.
Deux sources gouvernementales israéliennes, qui auraient dû classiquement se contenter de décliner (la litanie de) leurs objections à la simple suggestion (de l'envoi) d'une telle force, ont confirmé, séparément, hier, que le gouvernement israélien "évoluait vers la prise en considération" de cette dernière. Ceci a valu ce commentaire, quelque peu dépité, d'un officiel israélien : "C'est peut-être tout simplement parce que, pour une fois, Israël doit bien dire "oui" à quelque chose..."
Une source diplomatique occidentale a indiqué qu'"il y avait un début de frémissement laissant entendre qu'Israël pourrait éventuellement condescendre à un début d'un peu plus de bonne volonté"...
Une force d'interposition de ce type pourrait représenter un premier pas en direction de la remise sur pied du défunt processus de paix. Sa composition est l'un des points qui restent encore à débattre.
Bien que les derniers détails n'aient pas encore été arrêtés, les Etats-Unis pencheront vraisemblablement en l'état actuel des choses vers une force internationale qui inclura, avec une quasi-certitude, la Grande Bretagne (l'hypothèse d'une force exclusivement américaine et relevant de la CIA étant, semble-t-il, définitivement abandonnée).
La même source diplomatique (occidentale) avance que "les Etats-Unis travaillent dans le détail sur les différentes options qui se présentent devant la mise sur pied d'une force d'observateurs, tant en ce qui concerne son recrutement que la nature de sa mission et ses prérogatives exactes"
Les réflexions américaines à ce sujet ont fait le tour des milieux spécialisés dans différentes capitales occidentales. Une source a indiqué que les Américains avaient l'intention d'annoncer prochainement le projet de manière officielle.
L'une des raisons avancées par Israël pour s'opposer à cette force est "que les Palestiniens ne doivent pas voir leur violence récompensée"...
Par ailleurs, Israël met en question la manière dont une force de cette nature pourrait agir, sur le terrain, arguant du fait que ses membres ne verraient pas autre chose que ce que les journalistes occidentaux voient déjà. Le gouvernement israélien pense que des observateurs verraient les Israéliens bombarder et lancer des missiles, alors que les activités des terroristes palestiniens continueraient à passer inaperçues.
Il s'agit là d'un revirement américain sans précédent, puisque ce pays avait opposé son veto à l'envoi d'une telle force lorsqu'il avait été mis aux voix par l'ONU,  au début de l'année.
Un premier signe du changement américain avait été donné par le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, en juin, au cours d'une visite effectuée à Ramallah, en Cisjordanie occupée par Israël, lorsqu'il avait indiqué qu'il soutenait l'appel lancé par M. Arafat en faveur de l'envoi d'une force internationale. Mais M. Powell s'était rétracté, quelques heures après seulement, à Jérusalem, à l'issue d'une rencontre avec M. Sharon : il avait prétendu que "ses propos avaient été mal interprétés".
Au cours du sommet du G8, à Gênes (Italie), il y a quinze jours, les Etats-Unis se sont laissés convaincre d'apporter leur soutien à une déclaration indiquant qu'ils "étaient favorables à (une force d') observation d'une tierce-partie". Mais Israël avait rejeté la déclaration du G8.
Israël va (maintenant) s'efforcer de tout faire afin de limiter les dégats en réduisant  coûte que coûte l'efficacité de cette force. M. Pérès a donné son agrément, au cours de conversations avec son partenaire égyptien, à une force (de cette nature), à partir du moment où elle serait formée exclusivement d'Américains, principalement de la C.I.A.. Mais M. Sharon avait foulé cette idée aux pieds dès le retour à Jérusalem de M. Pérès.
La C.I.A. est déjà présente (sur le terrain), en la personne de son directeur, George Tenet, qui s'efforce de faire se réunir les forces de sécurité israéliennes et palestiniennes.
Les Palestiniens ont fait campagne en faveur de l'envoi d'une force internationale en partie parce qu'ils pensent que celle-ci contribuera à assurer leur protection contre les excès de la répression israélienne et aussi parce qu'ils veulent internationaliser le conflit israélo-palestinien.
Les Israéliens disent que le but des Palestiniens est d'obtenir une solution adoptée au plan international et imposée aux deux parties, mais que cela ne saurait fonctionner. A la fin des fins, disent les Israéliens, un accord ne pourra être obtenu qu'à travers des négociations. 
                  
12. Peres, le seul à encore s'embarrasser de sémantique par Serge Dumont
in Le Soir (quotidien belge) du vendredi 3 août 2001 
« Nous ne sommes pas un Etat mafieux et la politique des liquidations n'existe pas. » Le ministre israélien des Affaires étrangères, Shimon Peres, est reparti en croisade. Non pas, cette fois, pour défendre ce qui reste du processus de paix. Mais pour nier que l'élimination de militants palestiniens accusés de préparer des attentats en Israël soit le résultat d'une politique concertée.
« Israël n'est pas un Etat de bandits », fulminait-il mercredi soir à la télévision en interrompant sans cesse la présentatrice qui arrivait difficilement à placer un mot.
« Si nous agissons comme nous l'avons fait à Naplouse Òen bombardant le quartier général du HamasÓ, c'est uniquement parce que nous devons nous défendre et que le droit à l'autodéfense est une réalité internationalement reconnue », poursuivait-il le lendemain, toujours aussi excédé, au micro de la deuxième chaîne de la radio d'Etat.
Autodéfense ? Pour la quarantaine d'activistes présumés (et seulement présumés) du Hamas, du Jihad islamique et du Fatah abattus par des tireurs d'élite, poignardés dans une ruelle, pulvérisés dans l'explosion de roquettes sur leur voiture ou réduits en bouillie lors de l'explosion du local où ils se trouvaient ?
Si les circonvolutions sémantiques de M. Peres atterrent les défenseurs des droits de l'homme, pour qui Israël est la seule démocratie de type occidental à pratiquer la peine de mort sans jugement préalable, elles font sourire l'opinion publique de l'Etat hébreu, qui soutient fermement ses liquidations en les appelant par leur nom.
Car les Israéliens sont de plus en plus nombreux à réclamer davantage de liquidations. En cela, ils ne sont pas bien différents des Palestiniens qui applaudissent à tout rompre lorsque des « collaborateurs d'Israël », réels ou supposés, sont arrêtés le matin par leurs services de sécurité, « jugés » l'après-midi sans avoir eu l'occasion de se défendre, et fusillés dans la soirée devant l'objectif des caméras.
                        
13. Israël se prépare à faire face à l'offensive -  attendue - de la Conférence mondiale contre le racisme par Erik Schechter
in The Jerusalem Report (bimensuel israélien) du jeudi 2 août 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Israël se prépare à guerroyer durement contre un projet de résolution de l'ONU l'accusant de "purification ethnique" et redéfinissant l'antisémitisme comme "(un ensemble de) pratiques sionistes contre des sémites" (entendre : les Arabes). Ces résolutions outrancières font partie d'une résolution proposée par les Etats arabes et musulmans pour la Troisième Conférence Mondiale contre le Racisme, prévue pour la fin du mois d'août, à Durban, en Afrique du Sud.
Les diplomates israéliens mettent sur un même plan ce projet de résolution avec la résolution infamante de l'Assemblée Générale de l'ONU, portant le numéro 3379, qui avait assimilé le sionisme au racisme. "Nous sommes confrontés à un défi majeur des pays arabes qui cherchent à totalement déligitimiser Israël et le peuple juif", dit le vice-ministre (israélien) des affaires étrangères, Michael Melchior, qui présidera la délégation israélienne à Durban.
Adopter ce texte, avertit Melchior, reviendrait à enfoncer le dernier clou dans le cercueil du processus de paix. "A partir du moment où l'on fait de l'un des partenaires le mal absolu", fait-il observer, "il n'y a plus personne avec qui faire la paix. (De plus), cela légitimise le terrorisme".
Le ministère (israélien) des affaires étrangères, toutefois, pense que la résolution n'obtiendra pas nécessairement l'adhésion de beaucoup de pays du Tiers-Monde, lesquels, au cours des années soixante-dix et quatre-vingt, auraient soutenu de manière quasi-automatique une quelconque initiative anti-israélienne des Arabes. "Les pays africains veulent pousser dans le sens de réparations qui leur seraient accordées pour le commerce des esclaves ; ils ne veulent (sans doute) pas que cette conférence soit détournée de son objet par les Juifs et/ou les Arabes..." a rapporté une source proche de ce ministère. En fait, dit Melchior, la démonisation du sionisme ne pourrait que saboter les propres efforts de l'ONU contre le racisme. "Si tout est du racisme", dit-il, "alors rien n'est du racisme".
En plus des pays en voie de développement, Israël concentre ses efforts, depuis quelque temps, à gagner à son point de vue les démocraties. "Et les Américains (y) travaillent tout autant d'arrache-pied que nous-mêmes", affirme Melchior.
Un autre article du texte proposé minimise l'Holocauste (avec un grand "H") en faisant allusion à des "holocaustes", au pluriel et sans majuscule. Melchior, à qui l'on demandait si l'Allemagne soutenait Israël dans son opposition à ces projets de résolution, a répondu : "l'Allemagne est avec nous. La seule chose que l'on ignore (encore), c'est avec quelle énergie elle se battra (à nos côtés)"...
                          
14. Armée Le petit avion a déjà repéré un pollueur en mer par Eddy Surmont
in Le Soir (quotidien belge) du jeudi 2 août 2001 
Les B-Hunter, espions sans pilote
L'armée a dévoilé hier son nouvel avion sans pilote. D'un poids de 730 kilos, et muni de deux moteurs, le B-Hunter, de conception belgo-israélienne, a une autonomie de vol de plus de dix heures et remplacera dans un proche avenir l'Epervier désormais démodé.
Fin 1998, le Conseil des ministres avait décidé l'achat de trois systèmes « Unmanned Areal Vehicle » (avions sans pilote) B-Hunter. Chaque système se compose de deux stations de contrôle au sol et de six avions sans pilote équipés de caméras de vision de jour et de nuit. Elles permettent de transmettre en temps réel les images vers la station de contrôle au sol. Cet achat a impliqué un budget de 2,5 milliards de francs.
Il vole à 5.000 mètres
Ces avions sont en principe destinés à un usage militaire : reconnaissance et surveillance de zones opérationelles, de mouvements de troupes, de refugiés, etc. Ils se révèlent aussi très utiles pour le civil.
Volant à cinq mille mètres d'altitude à une vitesse de croisière de 110 à 160 km/h, le B-Hunter ne peut être détecté à l'œil nu. Ses caméras rotatives sont des armes redoutables : lutte antistupéfiants, poursuite de criminels en fuite, suivi des nuages toxiques résultant de sinistres industriels, lutte contre les trafiquants d'hommes, contrôle de la pêche en mer et des pollueurs de l'océan.
Lors d'un vol d'essai la semaine dernière au-dessus de la mer du Nord, un B-Hunter a ainsi pris en flagrant délit un gazier qui nettoyait ses soutes devant la côte belge
Le ministre de la Défense André Flahaut a confirmé mercredi qu'il était ouvert au dialogue avec ses collègues d'autres départements intéressés par les services des B-Hunter (Environnement, Justice, Finances) et prêt à mettre à leur disposition (contre payement) les services de l'avion espion. L'aide d'un B-Hunter nous aurait ainsi été très utile dans l'opération d'observation discrète du navire « Elpa », supposé transporter mille clandestins. Nous avions alors dû travailler à l'aveuglette avant l'arrivée de notre frégate à proximité de ce bateau suspect, a commenté André Flahaut
                     
15. Scénarios de guerre israéliens par Barhum Jarayisi
in al-Watan al-Arabiyy (hebdomadaire arabe publié à Paris) du vendredi 20 juillet 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
Le plan destiné à porter un coup fatal à l'Autorité palestinienne est prêt. Sur le front syrien, en revanche, Israël "attend" un signal du Hizbollah ! Laquelle des deux guerres éclatera-t-elle en premier ? Le "besoin" d'une guerre ne se fait pas pressant sur la seule sphère militaire (en Israël).
La semaine dernière (12-19/07/2001), nous avions observé les développements de deux événements à la fois indépendants et liés entre eux. Tous deux avaient trait aux roulements de tambour guerriers qui se font entendre avec de plus en plus d'insistance en Israël, en cette occurrence sur deux fronts simultanément : le front palestinien et le front syro-libanais, même si l'un des deux semblait l'emporter sur l'autre en urgence, si l'on prenait en considération l'"activité" constatée.
Le premier élément à prendre en compte est ce que la revue britannique Foreign Report, spécialisée dans les questions militaires, a publié la semaine dernière, lorsqu'elle a révélé qu'un plan était prêt, en Israël, visant à la reconquête des territoires de l'Autorité palestinienne. Ce plan mentionne (l'engagement dans l'opération planifiée d')une force militaire de trente mille hommes, la destruction totale de l'Autorité palestinienne, l'exil de la direction palestinienne ainsi que l'élimination de certains de ses responsables...
Les responsables israéliens, contrairement à leur habitude, ont multiplié les communiqués afin de démentir les informations données par Foreign Report. Les observateurs s'accordent à considérer cette frénésie comme le symptôme, avant tout, de l'urgence qu'il y a, pour les Israéliens, à tenter (vainement) de cacher ce qui ne doit pas être vu.
Deuxième élément : la rencontre de Umri Sharon, le fils du premier ministre israélien Ariel Sharon, avec le président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, afin de lui transmettre un message de son p'pa. Mais cette visite, qui n'est pas unique en son genre et qui, de plus, était effectuée au plus mauvais moment, est porteuse de significations très particulières : elle est intervenue deux mois après la publication d'un décret de la Cour suprême israélienne interdisant formellement au premier ministre d'envoyer son fils en mission (politique) auprès de l'Autorité palestinienne sans en avoir averti au préalable le conseiller juridique du gouvernement, et seulement dans les cas d'extrême urgence, c'est-à-dire dans les cas où une mission à caractère hautement exceptionnel (de Sharon junior) viserait à épargner des vies humaines...
La Cour suprême avait pris ce décret après que le rôle joué politique joué par le rejeton de Sharon ait suscité beaucoup de remous. En effet, les missions dont il était chargé par son père contreviennent à la loi, qui prohibe l'engagement par un élu du peuple (a fortiori le Premier ministre) de collatéraux (a fortiori, son propre enfant) pour (travailler sur) des questions politiques relevant des prérogatives (exclusives) de cet élu du peuple lui-même.
Si nous considérons qu'Ariel Sharon a bien reçu le message - c'est du moins ce qu'il a déclaré après que ces rencontres entre son fils et Arafat aient été révélées - l'envoi de Omri S. auprès d'Arafat, à nouveau, indique qu'il était porteur d'une missive extrêmement importante qu'il devait remettre à la direction palestinienne. Il est fort vraisemblable qu'il s'agissait d'une mise en garde, après un grand nombre d'opérations palestiniennes qui avaient entraîné la mort de nombreux israéliens (rappelons que, du point de vue d'Israël, le nombre de victimes palestiniennes et l'énormité des dégâts infligés par son armée comptent pour du beurre). Sachons toutefois que Sharon n'a pas employé le terme d'"avertissement", se contentant d'indiquer qu'il avait tenu à mettre Arafat "au courant" de la gravité de la dégradation de la situation et de la recrudescence de ce qu'il a qualifié de "terrorisme".
Quiconque suit le débat en cours entre les épigones du gouvernement israélien, ainsi que celui qui oppose certains responsables du gouvernement au commandement de l'armée, ne sera pas surpris par les révélations de la revue Foreign Report. Il y a, en effet, deux courants au sein du gouvernement israélien. Le courant majoritaire est celui qui préconise une solution militaire décisive et rapide contre l'Autorité palestinienne. Ce courant est conduit par les ministres de la droite et des partis religieux et il a, bien entendu, les faveurs de l'armée. Quant au courant minoritaire, il appelle - très timidement - au retour aux négociations. Ce courant, plus faible, est dirigé par le ministre des affaires étrangères, Shimon Pérès.
Mais cela ne signifie nullement que Pérès jouerait actuellement le rôle d'on ne sait quelle colombe de la paix, alors qu'il participe à l'un des gouvernements israéliens les plus extrémistes que l'on ait jamais vu. En effet, il est traditionnel, dans les gouvernements israéliens, que le ministre des affaires étrangères "joue" (au sens théâtral du terme, ndt) le rôle du modérateur. C'était même le cas avec Sharon, lorsqu'il était ministre des affaires étrangères du gouvernement Netanyahu, qui avait réussi (jusqu'à un certain point) à se donner l'image d'un modéré : c'est dire... Il avait joué un rôle fondamental dans la signature de l'accord de Wye Plantation, avec les Palestiniens, en 1998. De même, (il convient de rappeler qu'en dépit de sa "modération" affichée), Pérès adhère au principe israélien baptisé "droit d'Israël à l'autodéfense", au nom duquel sont pratiqués les exécutions extra-judiciaires (de militants palestiniens), les bombardements, etc...
Trois tendances (presque quatre), à la direction d'Israël
Depuis longtemps, mais plus particulièrement depuis la conférence de Madrid et 'engagement du processus d'Oslo, trois tendances se dessinent dans l'élite décisionnelle israélienne, en ce qui concerne les buts de guerre. C'est-à-dire de savoir avec qui signer - en premier - un accord de paix : avec les Palestiniens, ou bien avec les Syriens ? Les dissensions entre ces trois courants, que nous passerons en revue ci-après, portent essentiellement sur la dimension stratégique et la priorité (des priorités) accordée à la sécurité d'Israël.
La première tendance pense que la sécurité d'Israël ne peut se réaliser qu'en mettant un terme au conflit palestino-israélien et en mettant un terme, par la même occasion, à la cause palestinienne. Cette priorité rend secondaire la question syrienne et le problème du plateau du Golan. Cela donne à Israël un délai supplémentaire avant de traiter avec les Syriens sur la question des Hauts-plateaux (du Golan, ndt). Il est possible alors que la Syrie vienne négocier en étant prête à faire quelque concession sur ses exigences, ce qui permettrait (sait-on jamais, ndt) à Israël de conserver certains sommets d'importance stratégique sur le plateau, et aussi de conserver toute la zone côtière qui encercle le lac de Tibériade. Rappelons que la Syrie détenait un peu moins du quart de la longueur totale de la rive de ce lac (avant 1967).
La deuxième tendance est celle de ceux qui pensent qu'il est difficile de régler la question palestinienne à la satisfaction des Palestiniens, tout particulièrement en ce qui concerne le problème du retour des réfugiés ou la restitution (aux Palestiniens) de Jérusalem-Est. La profondeur du Golan (syrien) n'ayant, d'autre part, plus aucune valeur stratégique en raison du développement des technologies militaires, il est donc, pour les partisans de ce courant, possible de négocier avec la Syrie et de mettre un terme au conflit qui met Israël aux prises avec ce pays, en se retirant du plateau du Golan (et en le rendant à la Syrie).
A ce propos, il est utile de revenir sur les déclarations que Benyamin Eliezer a faites, en Turquie, au cours d'une rencontre avec de hauts responsables du gouvernement turc, au début de la semaine dernière : après avoir rejeté sur la direction palestinienne, et au premier chef sur Yasser Arafat, la responsabilité totale de la dégradation de la situation de la sécurité dans la région, il avait exhorté les responsables turcs à convaincre le président syrien, Bashshar al-Assad, d'entreprendre des négociations avec Israël en vue de la signature d'un traité de paix. En réponse, Ben Eliezer avait reçu du président turc l'assurance qu'il ne manquerait pas d'agir en ce sens...
A la fin de la semaine dernière, des sources très proches de Ben Eliezer ont indiqué qu'il consacrait une partie de son temps à l'étude du dossier syrien, notamment, les leçons qu'il était possible d'en tirer, à la suite de l'échec des conversations de Shepherdstown, entre l'ancien premier ministre israélien Ehud Barak et le ministre syrien des affaires étrangères, Faruq al-Shar'. Il semble bien que Ben Eliezer soit un "fan" du processus syrien, ce qui n'est pas contradictoire avec le fait qu'il se répande, disant que "le rôle historique d'Arafat est terminé" et qu'il attend "une nouvelle génération, dans la direction palestinienne, avec laquelle il soit possible de signer un (quelconque) accord de paix !"
Le troisième courant à parcourir la direction israélienne, quant à lui, renvoie dos à dos les deux autres. Il pense que l'intérêt d'Israël consiste à consacrer "la souveraineté israélienne" tant sur l'ensemble de la Cisjordanie et de la bande de Gaza que sur... le Golan occupé.
Il est tout naturel de classer Sharon parmi les tenants de ce troisième courant. Toutefois, Sharon observe un certain silence prudent à ce sujet, et nombreux sont les observateurs à faire observer qu'il déploie un maximum d'efforts afin de rechercher un appui tant interne qu'au plan international, en vue d'une opérations militaire à venir, de grande envergure, dont l'objectif numéro un serait l'éradication de l'Autorité palestinienne.
Mentionnons pour mémoire une quatrième tendance, faible et peu représentée au niveau de l'élite dirigeante israélienne et dont nous savons avec certitude qu'elle n'est absolument pas présente au sein du gouvernement Sharon : celle qui préconise le retrait de tous les territoires occupés et la signature d'un accord simultanément avec la Syrie et avec les Palestiniens. Ce courant existe également, même s'il est encore relativement faible, au sein des partis sionistes de gauche.
Le front palestinien
Il est clair que le front palestinien est celui qui mobilise l'attention des deux directions israéliennes : la direction politique et la direction militaire. Cela, à l'exception des quelques jours qui suivent une éventuelle opération du Hizbollah au Sud Liban, durant lesquels l'attention revient sur le front syro-libanais. Cela ne dure pas ; quelques jours, tout au plus. Puis la question syro-libanaise s'efface derrière la priorité du front palestinien.
Il y a une quinzaine de jours, le chef d'état-major israélien, Shaul Mofaz, a effectué une visite aux Etats-Unis, qualifiée de "très importante". Mais, soudain, Mofaz avait décidé de l'interrompre de façon théâtrale et de rentrer précipitamment en Israël. Ce comportement n'avait pas manqué de provoquer l'étonnement de plus d'un ministre. Il intervenait en même temps que la deuxième attaque de l'aviation israélienne contre une station de radars syriens d'observation, au Liban. Mofaz avait déclaré que ce n'était pas une guerre imminente avec la Syrie qui le contraignait à interrompre sa visite aux Etats-Unis, mais bien l'aggravation des affrontements avec les Palestiniens. Cela, en dépit du fait que les affrontements israélo-palestiniens s'étaient calmés de manière relative, ce qui n'avait pas manqué d'être noté par les commentateurs, ainsi que la diminution du nombre d'opérations à l'initiative des Palestiniens (attentats, notamment).
Des observateurs israéliens ont affirmé que Mofaz était rentré en Israël afin d'exercer, une fois de plus, une pression sur la direction politique israélienne afin de l'inciter à suivre l'option militaire pour sceller le sort du conflit avec les Palestiniens. Depuis de nombreux mois (soit, environ, depuis la fin d'octobre 2000, soit un mois après le déclenchement de l'intifada), Mofaz s'efforce d'obtenir le feu vert de la direction politique pour déclencher une opération militaire globale contre l'Autorité palestinienne. Il pense en effet que la continuation de ce qu'Israël appelle "la violence palestinienne" donnera à une réponse de ce type sa légitimité, en obligeant même la direction politique à y avoir recours, soumise qu'elle serait à la pression de l'opinion publique israélienne à la suite d'"attentats palestiniens (particulièrement) horribles".
Un observateur éminent de la politique israélienne, le journaliste Ouzi Benziman, dit que l"armée israélienne mettra le petit doigt sur la couture du pantalon, bien entendu, et obéira aux décisions prises au niveau politique. Mais Mofaz fera tout ce dont il est capable afin de pousser le premier ministre Sharon et les ministres de son gouvernement restreint (pour les considérations relatives à la sécurité : Sharon-Pérès-Ben Eliezer, ndt) dans le sens de la mise en application du (lire : 'de son') Plan Militaire Global".
Mais il n'y a pas que Mofaz dans le coup : au sein du gouvernement israélien, et même au sein du conseil restreint, des voix s'élèvent avec de plus en plus d'insistance, appelant à porter le coup de grâce à l'Autorité palestinienne. A la différence des quelques mois qui ont suivi la constitution du gouvernement d'union nationale, les dissensions se sont élevées, de manière de plus en plus ouverte, entre les deux pôles du gouvernement israélien, en arrivant au point où des accusations mutuelles ont été échangées et où (c'était la semaine dernière) deux ministres prééminents du Likoud (parti conservateur, de Sharon, ndt), Salvan Shalom et Tsahi Hanegbi, s'en sont pris au ministre des affaires étrangères, Shimon Pérès, prétendant qu'il représentait un obstacle sur la voie du règlement du conflit avec les Palestiniens par les moyens militaires... Ils ne faisaient, en cela, que marcher sur les brisées du ministre de l'intérieur, Ouzi Landau, ainsi que de ses deux collègues d'extrême droite Rahba'am Z'evi et Avigdor Lieberman...
D'aucuns avancent que la question de la frappe militaire n'est qu'une simple question de temps. C'est pourquoi Sharon, échaudé par le Liban, s'efforce de constituer une base (assurant son soutien) interne et, tout aussi bien, international, à laquelle montrer qu'il est contraint à déclencher une opération militaire d'envergure par ce qu'il appelle "la flambée du terrorisme palestinien" et "l'augmentation du nombre de victimes israéliennes".
Sharon ne veut pas choisir l'option militaire (entendre : une action militaire d'une toute autre envergure que celle des opérations menées actuellement par Israël) d'une manière qui serait de nature à surprendre (et à choquer) les milieux internationaux - et pas seulement eux, mais aussi l'opinion publique israélienne - car il souffre, comme le dit Benziman, d'un traumatisme psychologique récurrent, à la suite de la mise au ban international que lui avait valu l'agression israélienne contre le Liban, en 1982.
C'est pourquoi nous voyons le Sharon d'aujourd'hui être, jusqu'à un certain point, d'accord avec son ministre des affaires étrangères, Pérès, tout en consacrant toutes ses rencontres avec les dirigeants européens, et même américains, à les "convaincre" qu'Arafat est le seul responsable de la crise (actuelle), que c'est lui qui incite à la violence, et que son but stratégique (c'est toujours d'Arafat qu'il s'agit) n'est pas de parvenir à la paix, mais rien moins que de "détruire l'Etat d'Israël"...
Ce n'est donc pas un hasard si Sharon insiste tellement sur l'exigence d'un arrêt complet de ce qu'il appelle "le terrorisme palestinien", à laquelle il a ajouté, récemment, celle de l'"arrêt de toute incitation des Palestiniens à la haine anti-israélienne" : tout ceci n'a pour seul but que de rendre le choix du processus de négociation presque impossible, dans les circonstances actuelles, qui ne permettent pas de satisfaire à ses exigences.
Quoi qu'il en soit, le principe d'asséner un coup fatal à l'Autorité palestinienne n'est plus une simple idée en l'air et il n'est pas douteux que le plan rigoureux en soit déjà dans quelque tiroir, prêt à l'usage. Peut-être le plan de bataille est-il même déjà sur le bureau du général Mofaz, prêt à être étalé sur la table des opérations, au Q.G. de l'armée israélienne.
Le front syrien
En ce qui concerne le front syrien, les analyses militaires se divisent en deux tendances, en Israël. La première tendance écarte l'éventualité d'une guerre déclenchée par la Syrie, minimisant les capacités de l'armée syrienne, dont les tenants de cette tendance savent pertinemment qu'elle ne peut tenir face à Israël, surtout après les deux coups durs qui lui ont été assénés durant ces deux derniers mois, avec la destruction de deux radars sans que la Syrie n'esquisse la moindre réplique, exceptés des communiqués d'avertissement.
La deuxième tendance, en ce qui concerne le front syrien, pense exactement le contraire, à savoir ; que la Syrie est capable de surprendre Israël militairement, mais à partir du territoire libanais, et avec le soutien du Hizbollah.
Dans la dernière période, Israël a multiplié la diffusion d'informations dont le but est de préparer l'opinion publique israélienne, voire l'opinion publique mondiale, à l'éventualité d'une dégradation (volontaire, par Israël) de la situation sur le "front nord". Israël prétend que la Syrie aurait donné le feu vert, il y a trois semaines de cela, à l'envoi de grandes quantités d'armes iraniennes au Hizbollah et que les changements d'armes, arrivés en Syrie, dans un premier temps, avaient été transportés et livrés au Hizbollah.
Par ailleurs, il y a un autre type d'informations qu'Israël s'emploie à diffuser, informations grâce auxquelles il donne à entendre qu'il est capable de savoir tout ce qui se passe, dans les plus petits détails, en Syrie. L'analyste et expert ès questions militaires, Ze'ev Shiff, a révélé, la semaine dernière, dans le journal israélien Ha'Aretz, que la Syrie avait procédé, moins de quinze jours auparavant, au lancement expérimental d'un missile Scud de modèle ancien (Scud B), d'une portée maximale de 300 kilomètres.
Se fondant sur des informations des services de sécurité militaire, Shiff écrit que le missile lancé par la Syrie comportait des explosifs chimiques, mais ce qui est important, dans cette nouvelle, c'est le fait qu'Israël a pu observer ce lancement expérimental grâce à son radar sophistiqué "Aaron Yoruk" ("Cèdre Vert"), qui s'insère dans le projet de fusée anti-missiles Haïtz. Les informations rapportent que le radar israélien a suivi le missile syrien depuis son lancement (dans les environs d'Alep, ndt) jusqu'à sa retombée !..
Une majorité de responsables, en Israël, pensent et disent que la décision d'ouvrir les combats sur le front syro-libanais est entre les mains du Hizbollah et qu'une escalade de ce parti dans ses attaques (contre Israël), en particulier contre les fermes de Shab'a, pousserait Israël à répliquer énergiquement en attaquant tant le Hizbollah que la Syrie.
Mais la décision fondamentale est entre les mains d'Israël même : Israël décidera-t-il de déclencher une guerre sur les deux fronts en même temps ? Si Israël choisit de se consacrer au front palestinien, pour commencer, le Hizbollah restera-t'il les bras croisés, au sud Liban ?
Sport politique
La manière bien particulière qu'a Israël de débattre entre soi et de négocier en interne, sans se préoccuper le moins du monde des préoccupation de ses partenaires (internationaux) est profondément ancrée : c'est même désormais une sorte de seconde nature.
Nous avons dit, plus haut, que la question de la guerre (s'il n'y a pas de nouvelle surprise dans un autre domaine) n'est plus qu'une question de temps, mais qu'il faudra encore quelques semaines, car vont commencer en Israël les compétitions sportives des "macchabiades". Il s'agit de compétitions sportives organisées entre les fédérations de l'organisation sportive juive mondiale, Macchabée.
Ces compétitions ont fait l'objet de vives discussions, certains étant partisans de les repousser à plus tard à cause des problèmes de sécurité, en particulier après l'attentat contre la discothèque Dolphinarium, sur la riviera de Tel Aviv. Israël a exercé des pressions insistantes sur les différentes fédérations de l'organisation sportive juive dans le monde entier afin de les inciter à participer aux compétitions (prévues en Israël), après que de nombreuses d'entre ces fédérations nationales aient annoncé qu'elles avaient résilié leur participation. Mais certaines d'entre ces dernières, surtout après la signature de la résolution Tenet, sont revenues sur leur décision de non-participation. Mais la participation à ces jeux sera moins importante que prévu à l'origine.
Si tout se déroule comme prévu, Israël va apporter le plus grand soin à ne pas franchir de nouveau degré dans l'escalade tant que les "macchabiades" battront leur (semi) plein et cela, afin de persuader les Juifs du monde entier qu'ils peuvent venir en Israël et y faire leurs excursions "touristiques". Sait-on jamais : peut-être cette accalmie circonstancielle et les "macchabiades" elles-mêmes pourront-elles compenser (en partie) le coup - terrible - porté au tourisme israélien par l'intifada palestinienne ?...