2. L'ouverture de la procédure est le fruit de
plusieurs années d'enquête par Mouna Naïm
in Le Monde su samedi 28
juillet 2001
L'instruction est en cours. La plainte et un dossier de
cinq cents pages sont désormais entre les mains du juge d'instruction belge
Patrick Collignon. Les avocats qui ont porté plainte en Belgique, au nom de
vingt-trois personnes, dont vingt-deux rescapés du massacre perpétré en
septembre 1982 dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila, sont
confiants.
Les preuves existent pour accuser les responsables de ce massacre
de crimes contre l'humanité, crimes de guerre et génocide, assurent deux des
trois avocats, le Libanais Chebli Mallat et le Belge Michaël Verhæghe. Le nombre
des victimes de ce massacre varie selon les sources: sept cents selon la
commission d'enquête israélienne, plus de trois mille selon d'autres sources, de
nombreux corps ayant été ensevelis sous les décombres d'habitations dynamitées
ou bombardées, d'autres ayant été enterrés sans avoir été répertoriés.
Les
plaignants, Palestiniens et Libanais, se sont constitués partie civile contre
"Ariel Sharon, ministre de la défense d'Israël au moment des faits, actuellement
premier ministre, Amos Yaron, commandant de division et général de brigade au
moment des faits, actuellement secrétaire général du ministre de la défense et
contre toute autre personne, qu'elle soit israélienne ou libanaise, dont la
responsabilité sera établie dans les événements". C'est néanmoins au juge
d'identifier les personnes qui peuvent être inculpées, ont précisé Mes Mallat et
Verhæghe, lors d'un récent passage à Paris à l'invitation du Club de la presse
arabe.
Ce sera au juge de dire, entre autres, si la responsabilité du
Libanais Elie Hobeika, alors haut responsable des Forces libanaises (FL-milices
chrétiennes) alliées d'Israël, peut être retenue. M. Hobeika, qui n'a jamais été
inquiété au Liban, où il a même été ministre de 1991 à 1998, a récemment affirmé
qu'il était disposé à se présenter devant la justice belge pour "prouver son
innocence" et celle de l'ensemble des FL mises en cause par la commission
Kahane.
Fruit d'un travail d'enquête intermittent qui s'est étalé sur
plusieurs années et qui s'est accéléré au cours du premier semestre 2001, la
plainte a été déposée le 18 juin à Bruxelles sur la base d'une loi belge de
1993, modifiée en 1999.
Cette législation accorde une compétence universelle
aux tribunaux belges pour les crimes de guerre, crimes de génocide et crimes
contre l'humanité, quels que soient le lieu où ils ont été commis et les
nationalités et lieux de résidence des victimes et des accusés. Très vite, le
parquet a jugé la plainte recevable.
Il est difficile de prévoir quels délais
exigera l'instruction. Dans l'affaire du génocide rwandais par exemple, elle a
duré quatre ans, a rappelé Me Verhæghe. Autrement dit, la machine judiciaire a
son propre temps que ne doivent pas faire perdre de vue les "phénomènes
advantices", pour reprendre une expression de Me Mallat, qui se sont greffés
sans coordination aucune autour de cette affaire : telles, entre autres, une
émission de la télévision britannique BBC (Le Monde du 20 juin) diffusée la
veille du dépôt de la plainte, la formation, dans de nombreux pays, de comités
réclamant justice pour Sabra et Chatila, et même l'accélération de l'affaire
Milosevic.
Même à ce premier stade de la procédure, la plainte a déjà eu au
moins un double effet pour ce qui concerne le Proche-Orient: d'une part,
M.Sharon a dû renoncer à se rendre en Belgique dans le cadre d'une tournée qui
l'a conduit début juillet dans quatre autres pays européens. D'autre part, comme
enhardis par la plainte palestinienne, des Kurdes irakiens en ont présenté une
autre, en Belgique, contre le président Saddam Hussein.
L'embarras du
gouvernement belge et le projet d'amender la loi qui est en cours de discussion
n'entament pas la détermination des avocats des plaignants, qui n'ont pas
l'intention de jeter l'éponge. Les grands principes de l'ONU après Nuremberg et
le droit coutumier international n'exonèrent pas de leurs responsabilités les
chefs d'Etat en exercice, plaide Me Verhæghe. Plutôt que de "se fermer comme une
huître", la Belgique, certes isolée politiquement et diplomatiquement, devrait
tenter de convaincre d'autres pays au sein du Conseil de l'Europe de suivre la
même démarche qu'elle, estime-t-il.
Après le dépôt de la plainte,
l'organisation américaine de défense des droits de l'homme Human Rights Watch
(HRW) a saisi l'occasion d'une visite aux Etats-Unis de M. Sharon pour demander
à l'administration Bush de l'inviter à coopérer à une enquête sur les crimes de
Sabra et Chatila. Elle s'est vu opposer publiquement une fin de non-recevoir.
HRW a relancé la même invitation à Paris à l'occasion du séjour en France, les 5
et 6 juillet, du premier ministre israélien. D'après ce que l'on en sait, les
autorités françaises n'ont fait aucune allusion à cette affaire dans leurs
entretiens avec M. Sharon.
La Fédération internationale des Ligues des droits
de l'homme (FIDH), pour sa part, suit "avec attention et intérêt la plainte
déposée en Belgique", d'après son président d'honneur Patrick Baudouin. Pour
elle, "sauf à discréditer la justice internationale, il ne peut y avoir de
pratique discriminatoire" et tous ceux, quels qu'ils soient, quel que soit leur
niveau de responsabilité, quel que soit le pays auquel ils appartiennent, "qui
ont pu se rendre coupables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité
doivent être susceptibles d'avoir des comptes à rendre à la justice". Et, sur la
base du contenu de la plainte, la FIDH considère que, dans l'affaire Sabra et
Chatila, des "éléments extrêmement sérieux existent pour dire qu'il y a eu des
crimes de guerre et des crimes contre l'humanité". Elle est plus rétive sur la
qualification de génocide.
La FIDH formule néanmoins le souci, d'ordre plus
général celui-là, quant à la nécessité de veiller à "ne pas dévoyer une justice
internationale encore balbutiante" et de cibler en conséquence "des actions
judiciaires aussi solides que possible". Le risque existe aussi, selon Michel
Tubiana, président de la Ligue des droits de l'homme, d'assister à "une dérive
vers le tout-judiciaire, qui conduirait dans l'état des rapports de force
mondiaux aujourd'hui à ce que les dirigeants du Nord –à l'exception de Sharon–
passent leur temps à juger les dirigeants du Sud".
3. Ariel Sharon face à la justice belge par
Catherine Dupeyron
in Le Monde du samedi 28 juillet 2001
Le premier
ministre israélien est désigné nommément dans les plaintes de rescapés
palestiniens et libanais des massacres de Sabra et Chatila en 1982. Il récuse la
compétence du tribunal bruxellois, l'Etat juif ayant décidé précédemment de ne
pas ouvrir d'instruction. JÉRUSALEM, correspondance
Ceux qui, il y a dix-neuf
ans, membres de la commission Kahane, ont contribué à établir la responsabilité
morale d'Ariel Sharon dans le massacre de Sabra et Chatila (en 1982), sont
aujourd'hui à ses côtés face à la plainte déposée contre lui, en Belgique, par
des survivants de cette tuerie. Aaron Barak, qui était alors juge à la Cour
suprême et Edna Arbel, qui était deuxième adjointe au procureur de l'Etat, ont
accédé aux plus hautes fonctions juridiques. Devenus respectivement président de
la Cour suprême et procureur général de l'Etat, ils ont donné leur aval pour
qu'un avocat belge assure la défense du premier ministre israélien.
"L'avocat
représente l'Etat d'Israël et non Ariel Sharon", précise une source israélienne
autorisée. Et elle ajoute : "La loi belge est utilisée ici à des fins
politiques. Sinon, comment expliquer que ces plaintes n'aient pas été déposées
avant juin 2001, alors que la loi existe depuis 1993 ? Et pourquoi, comme par
hasard, ont-elles été présentées au lendemain de la diffusion d'une émission de
la BBC sur Sabra et Chatila qui stigmatisait 'l'accusé' Sharon ? Il s'agit d'un
procès politique, d'une manœuvre destinée, dans le cadre de l'Intifada, à
déstabiliser et à délégitimer l'Etat d'Israël par le biais d'attaques contre son
premier ministre."
L'avocat a été choisi avec soin.
Travaillant dans l'un
des plus grands cabinets pénalistes bruxellois, Me Michèle Hirsch est célèbre
pour avoir défendu, sur la base de la même loi, les victimes des crimes
perpétrés au Rwanda en 1994. Il ne s'agit, en aucun cas, de faire un procès aux
victimes palestiniennes. L'objectif est de faire constater, par le juge, qu'il
n'est pas compétent pour instruire cette affaire et par là de stopper le
processus judiciaire. "Il y a une atteinte à la souveraineté judiciaire d'Israël
qui a déjà jugé ces faits", explique Me Hirsch. C'est un concept nouveau, mais
la compétence universelle de la justice belge, définie dans la loi de 1993, ne
l'est pas moins.
RESPONSABILITÉ INDIRECTE
En février 1983, après avoir
entendu 163 témoins, la commission d'enquête Kahane, conduite par le président
de la Cour suprême (fonction comparable à celle de premier président de la Cour
de cassation) a rendu son verdict. Selon elle, M. Sharon et d'autres avaient une
responsabilité indirecte, celle de ne pas "avoir su prévoir le drame", précise
notre interlocuteur israélien. Il y aurait autorité de la chose jugée. "Même le
Statut de Rome de 1998 qui prévoit la création d'une Cour pénale internationale,
précise que des poursuites seraient irrecevables si les Etats concernés avaient
préalablement décidé de ne pas poursuivre", souligne Me Hirsch.
"Si l'on veut
que cette loi belge puisse être utilisée, il faut la discipliner, poursuit-elle.
Dans l'affaire rwandaise, victimes et accusés habitaient en Belgique. Sans
entrer dans des considérations politiques, la multiplication des plaintes va
vite devenir ingérable pour la justice belge." Il y aurait déjà des centaines de
plaintes. Ainsi, en 2000, un juge belge lançait un mandat d'arrêt international
contre Abdoulaye Yerodia, ministre des affaires étrangères de la République
démocratique du Congo. L'Etat d'Israël exclut que son premier ministre puisse
faire l'objet d'un tel mandat.
4. Embrasement généralisé au
Proche-Orient
in L'Hebdo Magazine (hebdomadaire libanais) du vendredi 27
juillet 2001
Scénario du pire
Qu'adviendra-t-il de la région si
Sharon met en application ses menaces? Malgré la stabilité apparente
actuellement, un tel scénario précipitera tout le Proche-Orient dans la guerre.
Depuis son accession au pouvoir, nombre d'observateurs croient deviner que
le Premier ministre israélien Ariel Sharon a changé. Les plus optimistes
supposent qu'il s'est assagi avec l'âge. Les plus opportunistes, comme son
concurrent Benjamin Netanyahou, considèrent qu'il s'est «ramolli». Les uns et
les autres se trompent. De toute manière, il va rapidement le leur prouver
lorsqu'il procédera suivant le plan qu'il a élaboré avec son état-major. Une
nouvelle surprise les attend après celle de 1982 lorsqu'il mena l'armée
israélienne jusqu'à Beyrouth alors qu'il fit croire à son gouvernement que
l'opération «paix en Galilée» s'arrêterait à 40 km de la frontière.
Les services secrets égyptiens
Cependant, l'effet
surprise sera quasi nul du côté arabe et palestinien. Depuis des mois, les mises
en garde contre les intentions belliqueuses du Premier ministre israélien se
multiplient. La plus récente est un rapport des services de renseignements
égyptiens, cité par Yediot Aharonot, qui aurait été adressé au président Hosni
Moubarak et qui affirme que pour la première fois depuis 20 ans, la
confrontation israélo-palestinienne pourrait mener à un conflit régional. Le
président Moubarak fera écho de ce rapport, sans le citer directement, dans son
discours traditionnel en commémoration de la révolution du 23 juillet: «Tout le
monde doit savoir que ce qui s'est passé en juin 1967 ne se répétera pas et
qu'en cas de guerre, les pertes seront terribles pour tous. De notre côté, nous
continuerons à moderniser nos forces armées pour qu'elles préservent leurs
capacités de dissuasion contre tout agresseur potentiel.» Il n'a pas prononcé
une seule fois le mot Israël, mais tout le monde sait que c'est à lui qu'il
s'adressait. C'est la cinquième ou la sixième fois que le président Moubarak
tient ce type de propos en l'espace de quelques mois.
Les officiels syriens,
le président Bachar el-Assad en tête, tiendront des propos similaires, rappelant
les capacités dissuasives de la Syrie. Quant aux Palestiniens, en plus des
déclarations menaçantes d'une «guerre totale» en cas d'invasion israélienne, ils
seraient en pleine préparation pour faire face à une telle éventualité.
Selon
la revue Foreign Report, les Palestiniens auraient fabriqué des centaines de
ceintures explosives pour des centaines de kamikazes, préparé des milliers de
grenades et de cocktails molotov, stocké des médicaments et du matériel médical
en attente de l'assaut final, ou la «grande bataille» comme ils l'appellent.
Pourtant, ces déclarations et informations ne suffiront pas pour dissuader Ariel
Sharon. Le Premier ministre israélien estime qu'avec le soutien des Etats-Unis,
il pourra mettre à exécution ses plans contre les Palestiniens. C'est ce qui
explique peut-être l'activisme de la diplomatie israélienne en direction des
Etats-Unis: au-delà du renforcement des liens avec la nouvelle Administration
Bush, il s'agit d'obtenir son accord pour une opération de large envergure
contre les Palestiniens. Sans donner clairement son feu vert, cette dernière
semble, par sa passivité et la tiédeur de ses réactions, vouloir accorder «sa
chance à Sharon». Il s'agit de le laisser tenter d'imposer «sa solution» aux
Palestiniens. S'il réussit rapidement, tant mieux pour lui. S'il échoue, une
«médiation politique» sera urgente.
Le scénario d'une attaque
Après un bombardement massif
commencé à 0h30 du matin, les chars israéliens avancent vers Bethléem. Le plan
de Sharon est simple: réoccuper une partie des territoires palestiniens
«autonomes» et déplacer la population vers le nord ou le sud de la Cisjordanie
et vers Gaza. Les objectifs à atteindre seront de parquer les Palestiniens dans
trois zones distinctes, de détruire l'Autorité comme instance de centralisation
politique, d'imposer, à terme, un retour au «calme». Le rapport très «optimiste»
du chef d'état-major, le général Shaoul Mofaz, prétendant qu'Israël pourra en
quelques semaines, en mobilisant 30000 soldats et ses F16, ses chars et ses
blindés, venir à bout de la résistance des 40000 hommes en armes de l'Autorité
palestinienne, a certainement encouragé Sharon à passer à l'action. Toutefois,
lui et son état-major ont oublié un élément décisif: en faisant planer le
spectre d'une nouvelle expulsion des Palestiniens, ils ont déterminé ces
derniers à se battre jusqu'à la mort.
Bombe à Al-Aqsa
Pour les Palestiniens de l'intérieur,
revivre une nouvelle fois la tragédie de 1948 et devenir réfugiés est purement
et simplement impossible. Malgré un rapport de force cruellement inégal, cette
fois-ci des armes sont disponibles et une résistance acharnée peut tenir en
échec les desseins israéliens. La bataille de Bethléem censée se terminer en
quelques heures dure plusieurs jours et tourne au carnage. Les combats se
déroulent de maison en maison, plusieurs dizaines d'actions kamikazes ont lieu
avec la participation de femmes et d'enfants, des bombes israéliennes atteignent
deux abris de la ville. Le bilan est lourd: des dizaines de morts et de blessés.
Le lendemain du début des opérations, Yasser Arafat adresse un vibrant appel aux
peuples et aux Etats arabes à venir au secours de leurs frères palestiniens face
à la «guerre d'extermination» israélienne. Les images de la bataille ont, par
ailleurs, fait le tour du monde entier. A Amman, à l'appel des partis
d'opposition nationalistes, de gauche et islamistes, une manifestation de
solidarité avec le peuple palestinien tourne à l'émeute: des centaines de
milliers de manifestants en colère attaquent le quartier des ambassades en
prenant directement pour cible les ambassades américaine et israélienne. Malgré
l'important dispositif policier, des milliers de manifestants réussissent à
pénétrer dans les locaux et à y mettre le feu. Entre-temps, l'irrémédiable est
commis: en essayant de déloger les manifestants, des policiers tirent. Bilan:
plusieurs morts et des dizaines de blessés. La nouvelle se répand dans la ville
et le pays à la vitesse de la lumière. Des manifestations spontanées éclatent
aux quatre coins du royaume hachémite. Les partis d'opposition réclament la
démission du gouvernement, la constitution d'un gouvernement d'unité nationale
et l'ouverture des frontières devant les combattants désirant soutenir les
Palestiniens. Le lendemain, deux Jordaniens et un Palestinien attaquent une
patrouille israélienne à la frontière. Bilan: 6 morts, dont les trois
combattants. Israël somme la Jordanie de contrôler ses frontières. Les
funérailles des 3 combattants tournent à l'émeute lorsque la police jordanienne
essaie d'empêcher le cortège funéraire de passer par le centre-ville. Nouvelles
émeutes qui s'étendent au reste du pays. Devant la «gravité» de la situation, le
roi Abdallah décrète l'Etat d'urgence qui se traduira par un déploiement massif
de la police et de l'armée et par un quasi-siège des camps palestiniens.
A
Jérusalem, un groupe d'extrémistes juifs déguisés en Palestiniens réussit à
pénétrer dans la mosquée Al-Aqsa et à y poser une bombe: son explosion
endommagera une partie de la salle de prière. Le gouvernement israélien condamne
immédiatement l'attentat ainsi que les Etats-Unis et le reste du monde.
L'attentat a un effet de tremblement de terre sur les opinions publiques arabes:
des manifestants investissent les rues des capitales arabes et scandent un seul
mot d'ordre: «Al-Djihad», la guerre sainte. Le Hezbollah est le premier à
redonner l'exemple: un groupe de la Résistance réussit à capturer les membres
d'une patrouille israélienne. Le parti islamiste réclame par ailleurs l'arrêt de
la guerre israélienne contre le peuple palestinien à défaut de quoi son action
dépassera le seul cadre des fermes de Chebaa. De son côté, Ariel Sharon donne au
Liban et à la Syrie 24 heures pour la libération des soldats capturés. Les
premiers raids aériens auront lieu 32 heures plus tard. En riposte, un commando
libano-palestinien attaque un poste-frontière israélien tuant et blessant
plusieurs soldats. La réaction israélienne prendra pour cible des objectifs
directement situés sur le territoire syrien. Moins d'une heure plus tard, des
missiles sol-sol syriens s'abattront sur le nord d'Israël. Les Etats-Unis
appellent toutes les parties à un cessez-le-feu immédiat. L'Egypte, l'Arabie
Saoudite et les monarchies du Golfe les invitent à faire pression sur Israël
pour arrêter ses agressions. Les combats font rage dans les territoires
palestiniens et Israël découvre que les Palestiniens sont en possession à Gaza
de roquettes katioucha. Suite à un bombardement du territoire israélien avec
celles-ci, Tsahal pénètre dans le nord de la bande de Gaza. L'Egypte la somme de
se retirer. Israël déclare la mobilisation générale...
La suite peut être
imaginée facilement. En élisant Ariel Sharon, les Israéliens ont fait un choix
qu'ils regretteront tôt ou tard.
5. Affrontements internes ?
in L'Hebdo Magazine (hebdomadaire libanais) du vendredi 27
juillet 2001
Dans un communiqué commun, les brigades Ezzeldin
al-Kassam et les Comités de défense populaire ont accusé la police palestinienne
d'avoir tiré sur l'un de leurs commandos communs alors qu'il revenait d'une
opération contre la colonie d'Achdront. Trois membres du commando ont été
blessés, dont un gravement à la colonne vertébrale. Cette évolution, première du
genre depuis le début de l'intifada, est un très mauvais présage pour l'avenir
de l'insurrection populaire s'il s'avère qu'elle n'est pas une simple erreur
comme le prétendent les services palestiniens. Nombre d'observateurs avaient
depuis longtemps signalé les liens d'intérêts de certains dirigeants des
services de sécurité palestiniens avec Israël. Depuis les accords d'Oslo, une
caste de responsables militaires avait tissé des réseaux de relations avec des
hommes d'affaires israéliens et palestiniens. Cette caste a été relativement
marginalisée par l'éclatement de l'intifada qui a ramené au premier rang les
dirigeants politiques du Fatah, comme Marwan Barghouti. Au sein même des
services de sécurité, une ligne de fracture séparait les responsables impliqués
dans l'intifada de ceux qui ont préféré se mettre à l'ombre pour le moment. Ces
derniers peuvent avoir un rôle extrêmement dangereux dans le cas où Israël
mettrait en application son plan visant à détruire l'Autorité palestinienne. Ces
petits chefs de guerre deviendront les interlocuteurs privilégiés des Israéliens
dans les minizones palestiniennes assiégées. D'une manière plus générale, cette
caste de responsables corrompus fait partie des forces dont les intérêts ont été
lésés par l'intifada et ayant le souhait qu'elle s'arrête le plus rapidement
possible.
6. Sharon, un allié de Bush
in L'Hebdo Magazine (hebdomadaire libanais) du vendredi 27
juillet 2001
Contrairement à une analyse encore en vogue dans une
certaine presse, les extrémistes israéliens ont toujours été considérés comme
une carte gagnante par les Etats-Unis. Washington estime que ces extrémistes
sont une carte de pression qui pousse le monde arabe vers une plus grande
modération, c'est-à-dire à un plus grand alignement sur la politique américaine.
Dans le nouveau contexte géopolitique mondial, marqué par la volonté de
Washington de pérenniser son hégémonie militaire politique et économique face à
des puissances ascendantes comme l'Europe ou la Chine, Israël choisit de
s'inscrire dans la stratégie globale des Etats-Unis en échange d'un soutien
américain à ses ambitions régionales. Avec l'arrivée aux affaires d'une
Administration républicaine, dominée par des militaires et donnant la priorité à
des projets comme le programme de défense antimissile, Sharon peut facilement
plaider sa cause et convaincre. N'est-il pas un intime de nombre de Faucons de
l'actuelle Administration ou de ses proches conseillers (comme Donald Rumsfeld
ou Alexandre Haig)? De plus, la faiblesse des réactions officielles arabes aux
pratiques israéliennes depuis le début de l'intifada a convaincu les Etats-Unis
que leur soutien inconditionnel à Israël n'aura pas de répercussions importantes
sur leurs intérêts dans le monde arabe.
7. Le dilemme d'Arafat
in L'Hebdo Magazine (hebdomadaire libanais) du vendredi 27
juillet 2001
Les heurts entre manifestants et policiers palestiniens
ont mis en exergue le dilemme auquel fait face le président Yasser Arafat,
déchiré entre le soutien à l'intifada et les appels à la paix. D'une part, M.
Arafat doit faire face aux exigences de son peuple qui souhaite recouvrer ses
droits par tous les moyens, même l'intifada qui dure depuis septembre et qui a
fait près de 700 morts en majorité des Palestiniens. D'autre part, il est pressé
par la communauté internationale de mettre fin à la violence afin d'entamer
l'application du rapport Mitchell, qui prévoit dans son étape finale une reprise
des négociations en vue du règlement du conflit israélo-palestinien. Les
affrontements, les premiers du genre depuis le début de l'intifada, ont commencé
à la suite d'une manifestation avant l'aube à Gaza contre l'Autorité
palestinienne, ont indiqué des témoins. Les manifestants, pour la plupart
sympathisants du Comité de résistance populaire composé en partie du mouvement
Fatah d'Arafat et des islamistes du Hamas, ont lancé des pierres vers les gardes
postés devant la résidence du chef des renseignements militaires à Gaza, Moussa
Arafat, un membre de la famille du président palestinien. Des coups de feu ont
été tirés en l'air, sans faire de blessés. A la suite des heurts, un haut
responsable palestinien a accusé le Hamas de «provocation politique» estimant
que le mouvement intégriste avait cherché à «tester l'autorité et la force» des
dirigeants palestiniens. «Ce qui s'est passé à Gaza est une provocation
politique du Hamas», a-t-il indiqué sous couvert d'anonymat. Les dirigeants
palestiniens ne permettront pas l'existence d'«un gouvernement dans le
gouvernement et n'accepteront pas la poursuite du désordre à l'intérieur des
territoires palestiniens», selon lui. Huit Palestiniens ont été arrêtés après
ces manifestations organisées pour dénoncer une tentative d'arrestation de
militants par la police dimanche à Gaza, qui a dégénéré en un échange de tirs
faisant trois blessés, des membres du Hamas et du Front populaire de libération
de la Palestine (FPLP). «Les accusations contre le Hamas sont inacceptables car
il s'agit de manifestations spontanées de refus des arrestations ou des tirs
contre des membres de la Résistance populaire», a indiqué à la presse un
responsable du Hamas, Ismaïl Hania. «Nous refusons toute confrontation parallèle
à celle que nous menons contre l'ennemi sioniste», a-t-il ajouté, insistant sur
le refus de son mouvement «d'un retour aux confrontations internes» et appelant
à la poursuite de l'intifada «dans l'unité palestinienne». L'analyste politique
palestinien Ghassan Khatib a minimisé l'importance de ces heurts, affirmant que
ni M. Arafat, ni les groupes radicaux n'avaient changé de position. «L'incident
a été maîtrisé et le calme est revenu à Gaza. Il n'y a pas de tension», a
déclaré M. Khatib à la presse. L'opinion publique palestinienne ne semble
cependant pas du même avis. Les derniers sondages ont montré que le soutien à la
politique de M. Arafat était en recul, alors que l'appui aux groupes islamistes
augmentait. Selon une étude israélo-palestinienne publiée dimanche, 92% des
Palestiniens se disent favorables à des attaques armées.
8. Hilmi Moussa, expert en questions israéliennes :
"La Syrie ne permettra pas le retour d'Arafat au Liban"
in L'Hebdo Magazine (hebdomadaire libanais) du vendredi 27
juillet 2001
Il n'y aura pas d'offensive israélienne généralisée
contre les territoires palestiniens, déclare Hilmi Moussa, journaliste et expert
dans les affaires israélo-palestiniennes. Quant à un éventuel retour des
combattants palestiniens au Liban, Beyrouth et Damas ne le permettraient pas.
Interview.
- Comment évaluez-vous la situation dans les
territoires autonomes ?
- Malgré les apparences, aucune partie
n'a intérêt à provoquer une confrontation de grande envergure. Nous sommes dans
une période de «gestion des conflits», non dans celle de la résolution de
problèmes. Par contre, nous avons deux fronts délicats: le front libano-syrien
avec Israël et celui de la Palestine. Dans l'équilibre de forces régionales, il
est évident qu'Israël possède la suprématie militaire. Mais la Syrie a une
profondeur stratégique qui fait défaut à l'Etat hébreu et les Israéliens
réfléchiront à mille fois avant de déclencher une guerre contre la Syrie. Dans
les territoires autonomes, militairement, le Palestinien est plus faible que
l'Israélien mais il a son poids dans la balance stratégique. Cela est dû à la
présence de plus de quatre millions de personnes qui vivent dans les territoires
occupés ou qui possèdent la nationalité israélienne. La seule rumeur d'une
opération menée par un Palestinien sème la terreur et la panique chez les
Israéliens, et cela les affaiblit énormément sur le plan moral. D'autre part, il
y a eu chez l'Israélien, jusque dans les années soixante-dix, le sentiment qu'il
était victime et exposé à un grand danger. Mais depuis que Sharon, le Premier
ministre israélien, a envahi le Liban en 82, les données ont changé. Sharon a
démontré qu'il n'a pas provoqué la guerre pour assurer sa défense mais pour
changer les équations régionales. Or, cette époque est révolue et l'opinion
publique internationale ne l'accepte plus.
- Certains n'écartent pourtant pas l'éventualité d'une guerre.
Qu'en pensez-vous ?
- Je pense qu'actuellement seule une
minorité en Israël désire mener une guerre de grande envergure contre les
territoires parce qu'une question primordiale se posera alors. D'accord pour une
guerre avec tout ce que cela coûte, mais qu'adviendra-t-il après? Où cela
va-t-il aboutir? Militairement parlant, Israël peut envahir les territoires en
quelques heures. Mais peut-il garantir son influence et son autorité sur ces
régions? D'autre part, le Palestinien n'a jamais autant tenu à son identité, n'a
jamais reçu un appui international aussi important: le principe d'une nation
palestinienne est approuvé à l'unanimité au moins jusqu'aux frontières de 1967.
- D'aucuns affirment qu'Israël ne veut plus de l'Autorité
palestinienne ayant à sa tête Yasser Arafat parce que ce dernier ne veut plus ou
ne parvient plus à contrôler les territoires.
- Deux thèses
s'affrontent en Israël. Certains disent qu'il n'y a pas pire qu'Arafat et que
n'importe qui le remplacera sera plus efficace. D'autres pensent qu'Arafat est
modéré et qu'il accepte, au moins, de garder les canaux ouverts avec eux. C'est
cette dernière logique qui prévaut actuellement.
- Au cas où une guerre serait déclenchée et les Palestiniens
évacués, l'éventualité d'un retour au Liban est-elle envisagée
?
Le déplacement des Palestiniens n'est pas à l'ordre du jour,
ni vers le Liban ni vers la Jordanie. La Jordanie a été créée pour servir d'Etat
tampon entre Israël et les pays arabes; donc la stabilité dans ce pays est
primordiale pour Israël. Preuve en est lorsque, dans les années soixante-dix, on
a parlé d'invasion syrienne de la Jordanie, l'aviation israélienne s'est
mobilisée pour protéger le système en place. Quant au Liban, lorsque Sharon l'a
envahi, c'était dans le but d'en chasser les Palestiniens et de mettre le
maximum de distance entre eux et la frontière israélienne. Pourquoi voulez-vous
qu'il change actuellement de politique ?
- Mais si Arafat décidait de faire de nouveau du Liban une base
d'attaque contre les Israéliens ?
- Ni les autorités libanaises
ni syriennes ne le permettraient. La Syrie n'a aucun intérêt à un éventuel
retour d'Arafat. Le Liban a, aujourd'hui, sa propre résistance; il n'a plus
besoin de prouver son appartenance au monde arabe par le biais des Palestiniens.
Quant aux Palestiniens présents dans les camps au Liban, ils pourraient
représenter un certain danger parce que leurs conditions de vie très difficiles
en font des îlots explosifs, mais cela est une autre paire de manches.
9. La Belgique est incompétente pour juger
Sharon
in Le Soir (quotidien belge) du vendredi 27 juillet
2001
La Belgique est incompétente !. Me Hirsch choisie par l'Etat
d'Israël pour défendre Ariel Sharon déclare que l'instruction pour crime de
droit international porte atteinte à la souveraineté judiciaire de l'Etat
hébreu.
Me Michèle Hirsch, mandatée par l'Etat d'Israël dans le cadre de la
plainte déposée à Bruxelles contre le Premier ministre israélien, Ariel Sharon,
a estimé vendredi que la Belgique n'était pas compétente pour le juger. Pour
l'avocate, cette instruction pour crime de droit international ouverte auprès du
juge d'instruction Patrick Collignon, porte atteinte à la souveraineté
judiciaire de l'Etat d'Israël qui a déjà jugé les faits.
Une commission
israélienne chargée d'examiner la responsabilité de M. Sharon et d'autres
responsables dans les massacres de Sabra et Chatila (Liban), qui ont fait
plusieurs centaines de morts en septembre 1982, n'a pas estimé qu'il y avait des
charges suffisantes pour les renvoyer devant un tribunal, a indiqué Me Hirsch à
BELGA. Pour Me Hirsch, le juge d'instruction belge est dès lors incompétent.
Elle va écrire dans ce sens au juge d'instruction qu'elle espère rencontrer la
semaine prochaine.
Début juillet, le juge d'instruction s'est en effet
déclaré compétent pour instruire la plainte, pour crimes de guerre, crimes
contre l'humanité, déposée le 18 juin par 23 victimes et 5 témoins des massacres
de Sabra et Chatila. Le juge a déjà entendu une des plaignantes qui s'est
constituée partie civile, selon son avocat, Me Michaël Verhaeghe. Pour Me
Hirsch, il s'agit de confronter la loi de 1993 par rapport à cette plainte, un
loi complexe qui en est à ses balbutiements dans son application. Une seule
affaire a abouti devant une Cour d'assises en vertu de cette loi retenant la
compétence universelle de la justice belge pour les crimes de droit
international. Elle s'est soldée début juin par la condamnation de quatre
Rwandais. Me Hirsch y représentait les intérêts de plusieurs parties civiles,
des proches de personnes assassinées pendant le génocide rwandais. Elle estime
dès lors qu'il faut discuter du champ d'application de cette loi.
L'Etat
d'Israël a directement après les faits mis en place une commission d'enquête, la
commission Kahane, présidée par le président de la Cour suprême d'Israël dans
lequel il y avait d'ailleurs un deuxième juge, actuel président de la Cour
suprême. La commission a procédé à une enquête avec tous les pouvoirs d'une
commission d'enquête (commission rogatoire, audition de témoins) qui sont
similaires à ceux d'un juge d'instruction. Au terme de cette instruction, la
commission a déterminé qu'il n'y avait pas d'indices de culpabilité susceptibles
de justifier le renvoi de différentes personnes, dont M. Sharon, vers les
instances judiciaires ad hoc. Elle avait néanmoins la capacité de déférer ces
personnes devant l'attorney. Mais elle n'avait pas d'indices dans ce sens et
elle ne les a dès lors pas déférés", a expliqué Me Hirsch.
Cette
commission Kahane avait conclu à une responsabilité indirecte de M. Sharon dans
les massacres de Sabra et Chatila perpétrés par la milice chrétienne des Forces
libanaises, alliée d'Israël dont M. Sharon était alors ministre de la Défense.
Pour Me Hirsch, il faut tenir compte de cette commission. Au niveau
international, il y a déjà un tribunal pénal international pour la Yougoslavie
et le Rwanda. Il y a en gestation une Cour pénale internationale, qui a été
ratifiée par la Belgique. Or, poursuit Me Hirsch, un article prévoit que les
poursuites sont irrecevables si l'Etat concerné a décidé de ne pas poursuivre.
Les poursuites sont donc irrecevables.
L'avocate en déduit que le juge
d'instruction n'est pas compétént pour poursuivre M. Sharon. Cette plainte et
l'instruction qui pourrait être menée est une atteinte à la souveraineté
judiciaire de l'Etat d'Israël, conclut Me Hirsch. Pour l'avocate, il y a donc
autorité de la chose jugée, conjuguée à la souveraineté judiciaire d'un Etat en
sa capacité pour ses propres institutions de juger. Me Hirsch, qui préfère
néanmoins réserver son argumentation pour le juge d'instruction, va lui adresser
un courrier. Elle espère pouvoir le rencontrer la semaine
prochaine.
10. Israël : hystérie anti-belge par Serge
Dumont et Agnès Gorissen
in Le Soir (quotidien belge) du vendredi 27 juillet
2001
L'accusation d'antisionisme, voire d'antisémitisme, est
proche
C'était le gros titre de tous les journaux télévisés jeudi soir. Le
sujet de flashes spéciaux d'information en radio dans la journée. Le thème de
commentaires dans la presse écrite depuis plusieurs jours. Lentement mais
sûrement, Israël sombre dans une sorte d'hystérie anti-belge.
En cause, bien
sûr : la plainte déposée à Bruxelles, pour crimes de guerre, contre le Premier
ministre israélien, Ariel Sharon, en vertu de la loi belge de compétence
universelle. Patrick Collignon, le juge d'instruction en charge du dossier, a
précisément commencé jeudi à entendre un des plaignants, Souad Srour, une
Palestinienne rescapée des massacres de Sabra et Chatila, au Liban, en
1982.
Preuve que l'Etat hébreu prend l'affaire au sérieux, un comité spécial
- comprenant notamment des représentants du cabinet du Premier ministre - a été
créé pour préparer la défense de Sharon. Une fonctionnaire de haut niveau a été
envoyée à Bruxelles pour y étudier les subtilités du droit pénal belge et y
prendre des avis juridiques. Et pour y choisir un avocat, comme l'a affirmé la
radio militaire israélienne ? Il semble qu'on n'en soit pas là. Mais des
contacts ont été pris avec un cabinet d'avocats, chargé de tenir le dossier à
l'œil.
Devant la presse toutefois, Ariel Sharon continue à prendre les choses
de haut, parlant, jeudi encore, de campagne politique le visant personnellement,
mais destinée à nuire à Israël et au peuple juif.
« Un Etat en cours
d'effondrement » où le Vlaams Blok régnerait en maître
La Belgique est ainsi
accusée d'être plus dure vis-à-vis d'Israël que des Palestiniens. Les Affaires
étrangères viennent de sortir une « liste noire » de pays où les personnalités
liées à la colonisation des territoires palestiniens ainsi que les officiers
ayant servi en Cisjordanie et dans la bande de Gaza sont invités à ne pas se
rendre, car ils risqueraient d'y être arrêtés. La Belgique figure en bonne place
sur cette liste.
Dans la foulée des responsables politiques, télévisions,
radios et presse écrite jettent l'anathème sur la Belgique - un Etat en cours
d'effondrement où le Vlaams Blok régnerait en maître, selon une « information »
délivrée jeudi par la radio officielle. Des propos déformés, voire carrément
inventés, sont prêtés à l'ambassadeur de Belgique sur place pour « montrer »
toute la malveillance de Bruxelles à l'égard d'Israël. Une démarche qui a déjà
abouti à des jets de pierres contre un bâtiment diplomatique belge. Et qui mène
tout droit à l'accusation - gratuite - d'antisionisme, voire
d'antisémitisme.
Mais dans cette fureur anti-belge, plus personne en Israël
ne semble prendre la peine de rappeler que la justice belge ne fait que son
travail - et qu'elle le fait en toute indépendance par rapport au pouvoir
politique ou à l'opinion. Pas grand monde, non plus, pour se pencher sur le fond
du problème, à savoir les massacres de Sabra et Chatila, au cours desquels 800 à
2.000 civils palestiniens ont perdu la
vie.
11. Campagne anti-belge en Israël par Serge
Dumont
in Le Soir (quotidien belge) du vendredi 27 juillet
2001
Tout est bon pour noircir la Belgique. Même la pire
désinformation. En cause, bien sûr : la plainte déposée à Bruxelles contre le
Premier ministre, Ariel Sharon. Qui se prépare activement sur le plan juridique,
au cas où...
TEL-AVIV - Interpellé hier par une meute de journalistes à la
sortie d'une réunion des instances de son parti qui se déroulait dans la colonie
juive d'Ariel, en Cisjordanie, le Premier ministre, Ariel Sharon, a refusé de
commenter les informations selon lesquelles il aurait demandé à un cabinet
d'avocats belges d'assurer sa défense au cas où il serait inculpé de crimes de
guerre par le juge d'instruction Patrick Collignon. Traitant cette affaire avec
un certain détachement, il s'est contenté d'affirmer qu'à ses yeux, la procédure
en cours à Bruxelles a été déclenchée contre lui personnellement. C'est une
campagne politique, a-t-il poursuivi. Elle est menée pour nuire à Israël et au
peuple juif.
L'entourage du Premier ministre suit en tout cas de très près ce
qui se passe au parquet de Bruxelles. En fait, quelques jours après le dépôt de
la plainte, un comité ad hoc a été créé afin de préparer la défense de Sharon.
Ce comité, qui se réunit dans la plus grande discrétion à Jérusalem (l'une de
ces réunions s'est tenue hier soir), comprend des représentants du cabinet du
Premier ministre, du ministère des Affaires étrangères, du ministère de la
Justice, ainsi que du bureau du procureur général Eliakim Rubinstein (qui est
également le conseiller juridique du gouvernement).
A l'origine, ces
fonctionnaires se rencontraient pour évaluer la situation. C'est-à-dire pour
tenter de déterminer si les différentes plaintes déposées contre Sharon sont
sérieuses et, surtout, si elles ont des chances de déboucher un jour sur un
procès. Dans ce cadre, Shimon Peres a rapidement autorisé l'envoi à Bruxelles
d'une fonctionnaire de haut niveau de son ministère afin d'y étudier les
subtilités du droit pénal belge et d'y prendre des avis juridiques. C'est alors
qu'un avocat belge, dont l'identité est tenue secrète, a été consulté et qu'il a
été chargé de tenir le dossier à l'œil sans devenir pour autant le « conseil
d'Ariel Sharon à Bruxelles ».
Depuis lors, aucun élément nouveau n'a été
recueilli par le comité, mais le ministère israélien des Affaires étrangères a
décidé il y a quelques jours de conseiller aux personnalités officielles de
l'Etat hébreu liées à la colonisation des territoires palestiniens ainsi qu'aux
officiers ayant servi en Cisjordanie et dans la bande de Gaza d'éviter de
séjourner à Bruxelles. Ou d'y faire escale, afin de ne pas prendre le risque
d'être arrêtés et déférés devant le Tribunal pénal international de La Haye qui
pourrait éventuellement les juger pour crimes de guerre.
La radio officielle
a présenté la Belgique comme un pays où le Vlaams Blok régnerait en maître
La
Belgique n'est cependant pas le seul pays à figurer sur la « liste noire » des
Affaires étrangères israéliennes, puisque l'on y retrouve également l'Espagne
(où un juge avait entamé l'année dernière une procédure contre Augusto
Pinochet), ainsi que le Danemark (où le nouvel ambassadeur d'Israël est l'objet
de violentes critiques avant d'être entré en fonction en raison de son passé
dans les services de sécurité de l'Etat hébreu).
Le sentiment anti-belge qui
se développe en Israël est nourri par les médias locaux qui publient des
informations approximatives sur ce pays hostile à Sharon. Hier matin, un
chroniqueur de « Kol Israël », la radio officielle de l'Etat hébreu, a, par
exemple, présenté la Belgique comme un Etat en cours d'effondrement où le Vlaams
Blok régnerait en maître.
Un peu plus tard, un éminent chroniqueur politique,
au cours d'un flash d'information spécial, a affirmé que l'ambassadeur de
Belgique, Wilfried Geens, venait d'être convoqué par le secrétaire général du
ministère des Affaires étrangères israélien et qu'il aurait, durant cet
entretien, confirmé que le procès de Sharon aurait lieu. Renseignements pris,
l'ambassadeur Geens n'a plus rencontré le fonctionnaire israélien depuis au
moins deux semaines. En outre, il n'a pas tenu les propos qui lui sont prêtés.
Ce que les officiels israéliens se refusent de confirmer
publiquement.
12. Caroline et Fayçal Zerguine, étudiants,
actuellement en mission de solidarité en Palestine
L'Humanité à ouvert ses colonnes, du 23 au
27 juillet 2001, à deux étudiants français en mission de solidarité en
Palestine. "Invités de la semaine", ils ont livré leurs impressions dans la
rubrique "Tribune Libre" du quotidien.
- Lundi 23 juillet 2001 -
Comme nous le savons, le conflit israélo-palestinien perdure depuis
plusieurs générations et depuis la deuxième Intifada, qui débuté en septembre
2000, la vie du peuple palestinien est devenue plus difficile.
C'est de la ville de Beit Jala que nous observons cette situation.
Etudiants en psychologie clinique et en histoire, nous souhaitons ouvrir une
porte entre la France et la Palestine à la fois par une recherche en psychologie
menée sur les effets de l'Intifada sur les adolescents, ainsi que la
communication de ce qu'est devenue la vie quotidienne des Palestiniens.
Cette ville est située en Cisjordanie, à cinq kilomètres de Jérusalem. La
population de Beit Jala est composée à la fois de chrétiens et de musulmans qui
vivent ensemble, en parfaite harmonie. Aujourd'hui, on compte environ 12 000
habitants. Depuis le début du conflit, 80 % des personnes vivant à Beit Jala ont
émigré, pour la plupart d'entre eux vers le Chili, ainsi que vers le Canada, les
Etats-Unis, le Pérou. Son économie se fonde essentiellement sur l'olive. En
effet, les oliviers sont présents partout sur les collines qui entourent Beit
Jala. Cette économie a été mise à mal depuis le début des bombardements en
octobre-novembre 2000, 60 % de la population est au chômage actuellement. De
nombreuses plantations ont été détruites, empêchant toute récolte. En outre, la
population n'avait pas la possibilité de se rendre sur le lieu de travail, les
tirs pouvant commencer à n'importe quel moment. 450 maisons furent détruites
dans cette ville.
Après le morcellement de leur terre s'opère le morcellement de leur vie, où
s'engage une lutte continue pour survivre. Ce combat passe par leur volonté à
reconstruire sans cesse leur maison, à maintenir en vie une culture riche de
diversité et de tolérance, culture qui leur permet, aujourd'hui, de se définir
en tant qu'hommes dans une guerre où la volonté est d'annihiler l'autre.
La culture est le moyen que tout peuple peut utiliser pour se faire
reconnaître comme entité. L'échange de cultures permet de créer un lien, de
communiquer la vie. C'est dans ce cadre d'échange culturel et d'entraide que
nous avons souhaité partir pour la Palestine. Une association tient ce rôle. De
nombreuses activités culturelles ont été créées, telles qu'une compagnie de
danse qui a parcouru diverses villes de France, où les danses traditionnelles,
les habits de différents pays ont été proposés. Un théâtre existait aussi : il a
été détruit par les tirs. Mais son responsable disait que même s'ils doivent
être dehors pour créer des pièces ou travailler, ils le feraient et que personne
ne les empêcherait d'exprimer ce qu'ils ressentent à travers l'art et la
culture. Cette association propose aux jeunes de la ville de se réunir autour du
football, sport très prisé à Beit Jala. Tout est entrepris pour redonner un
semblant de vie, de sourire à chaque habitant, afin de leur montrer autre chose
que la mort, le feu, les larmes. Après les cris, les bruits sourds des
bombardements, c'est au tour des rires d'exister.
Dans nos prochaines correspondances, nous raconterons la vie de Beit Jala,
de la Palestine, à travers les messages, les témoignages des gens que nous avons
rencontrés et qui nous ont ouvert leurs portes avec chaleur et générosité. Tous
ces articles seront dédiés aux habitants de la ville et à l'ensemble des
Palestiniens.
- Mardi 24 juillet 2001 -
En Palestine avoir vingt ans ne permet aucune échappée. L'ami chez qui nous
logeons, nous parle de ce qu'il vit chaque jour. Depuis sept ans seulement,
l'armée israélienne a quitté sa ville. · vingt-trois ans, il ne sait pas ce que
va être sa vie. Après avoir connu la vie sous l'occupation depuis sa naissance,
les jours où l'école était immergée par les gaz lacrymogènes, les jets de
pierres, les décès, il dit clairement qu'aucune paix n'est possible ici. La paix
ne peut se construire sur des morts, et des armes. Au même instant, des
bombardements reprennent à Bethléem. Toute notre attention est alors attirée sur
les bruits. Une amie nous rejoint, elle quitte sa maison située en face de la
colonie où des Palestiniens ont tiré au mortier. Elle craint pour sa famille.
Ces bombardements reprennent pour répondre à l'attentat de Benyamina qui a causé
la mort de deux militaires israéliens. Il y a environ une heure, des
hélicoptères israéliens ont tiré à la roquette sur une maison, près de Bethléem.
Quatre hommes sont morts, il y a une dizaine de mutilés. La télévision locale
montre des images très dures : du sang, de la fumée, des décombres. De
nombreuses personnes sont venues en aide aux blessés. Des cris, des pleurs se
font entendre près de Beit Jala. Maintenant les images sont à l'intérieur de
l'hôpital de Bethléem où ont été transportés les blessés. Nous assistons en
direct aux efforts des médecins pour sauver des vies. Face à de telles images,
que dire ? Voilà plus de vingt ans que notre ami assiste à de telles scènes.
Comment pouvoir se construire intérieurement alors que la réalité vous renvoie à
une incessante morbidité ? Les Israéliens et les Palestiniens paient le sang par
le sang, ce qui n'a jamais résolu les choses. Maintenant les chaînes de
télévision palestiniennes montrent des images anciennes de l'Intifada, comme
pour pousser le peuple à reprendre le soulèvement. Les différentes organisations
telles que le Fatah, le Djihad islamique ou bien le Hamas veulent que l'Intifada
reprenne. Palestiniens et Israéliens, tous utilisent les mêmes stratégies
d'attaque ou de contre-attaque, aussi inhumaines les unes que les autres. Les
militaires dirigent ce conflit et nous ressentons l'absence de prise en compte
du peuple et de ses revendications. Nous pouvons entendre des tirs de mortiers
près de notre logement. Ce sont les Palestiniens qui envoient ces bombes sur
Gilo, la colonie qui est frontalière avec Beit Jala, cela ressemble franchement
à une partie de dames, seulement là ce n'est pas un jeu ! Vingt chars se
déplacent sur la route 60 en direction des endroits où les affrontements
éclatent. Du sang va encore couler. Trop de morts, trop de destructions, trop
d'injustices seront encore une fois le quotidien des Palestiniens. La vie
cependant continue. Notre ami palestinien vient de recevoir un appel d'une de
ses connaissances israéliennes, non pas pour parler de la montée de la violence,
mais pour discuter de leur hobby : le football et plus particulièrement pour
jouer ensemble au loto sportif. Voilà une amitié qui peut être le symbole d'un
nouvel avenir pour ces deux peuples. Puis, des tirs recommencent. · vingt ans,
en Palestine, tout s'oublie vite, la vie continue.
- Mercredi 25 juillet 2001 -
L'histoire des Palestiniens est marquée par l'émigration forcée par l'armée
israélienne durant les différentes guerres israélo-arabes. Une femme issue de ce
mouvement d'émigration nous a raconté son histoire. Avec la première guerre en
1948, Mme V. Z. est obligée de quitter la ville de Lod située près de Tel-Aviv.
Elle avait alors deux ans. Elle partit avec sa mère âgée de vingt ans et son
petit frère, encore bébé. Ils ont marché pendant une semaine jusque Beit Jala en
passant par Ramallah. Les enfants et les femmes se déplaçaient ensemble sans les
hommes qui devaient emprunter un chemin différent afin d'éviter les militaires
israéliens. Les gens qui habitaient aux alentours de Tel-Aviv se dirigeaient
vers la Jordanie ou la Cisjordanie, ceux qui vivaient au nord sont partis vers
le Liban. Ils laissèrent tout derrière eux : leur maison, leurs biens, leur
emploi. Ceux qui résistaient étaient jetés dehors ou tués. Les maisons ont été
détruites par les avions. Le père de Mme V. Z. était employé aux chemins de fer.
Ainsi il avait pu acquérir une belle et grande ferme. Arrivés à Beit Jala, ils
retrouvèrent la sour de sa mère. Son père retrouva un emploi à Bethléem.
L'absence d'argent était telle qu'il devait rejoindre son lieu de travail à
pied. Elle se souvient d'une anecdote. Son père avait réussi à ramener de la
viande. Heureux et pressé de rentrer, il courut jusque chez lui. En rentrant, il
s'aperçut qu'il avait perdu son morceau de viande dans la neige. Il fit le
chemin en sens inverse, mais en vain.
Madame V. Z. est l'aînée d'une famille de cinq enfants. Elle était une très
bonne élève à l'école et son père lui disait toujours qu'il préférait ne pas
manger pour pouvoir lui payer des livres et la voir réussir. En 1967, elle était
employée en Jordanie où son oncle et sa tante résidaient. Lorsque la deuxième
guerre débuta, elle fut bloquée dans ce pays. En 1970, elle construisit sa
propre famille. Elle a quatre filles et un garçon qui, à leur tour connaissent
les horreurs des bombardements, l'enfermement et l'étouffement. Sa mère est
morte en novembre 2000 lors du commencement de la deuxième Intifada. Elle
répétait toujours : " qu'est-ce qui se passe ? " Ayant traversé cinq guerres,
elle n'a pas supporté d'entendre les bruits sourds des avions, les bombes, les
cris et les pleurs. Nous avons demandé à toute la famille quel message ils
désiraient envoyer en France et dans le monde. Ce message est simple : "
Aidez-nous ! Nous ne sommes pas des animaux, nous voulons vivre simplement et
nous avons des droits. Les jeunes ont compris ce droit légitime et ils le
montrent par les jets de pierres. Nous voulons pouvoir vivre en liberté sans
être arrêtés à tous les cent mètres, sans que l'on nous demande à toute occasion
nos papiers d'identité. " L'émigration forcée a provoqué une désarticulation
entre l'individu et son histoire. Avec une volonté de déculturation d'un peuple.
C'est ce fléau qu'il faut aujourd'hui aussi combattre pour que chaque
Palestinien construise son identité.
- Jeudi 26 juillet 2001 -
Quinze mille personnes ont été durement handicapées physiquement depuis le
début du conflit. C'est pour faire face au grand nombre de victimes que la
société arabe de rééducation et de réadaptation fonctionnelle (Bethlehem Arab
Society for Rehabilitation, BASR) a été créée en 1960. C'est une organisation de
charité apportant aux enfants et aux adultes des soins spéciaux sans distinction
de sexe, de religion ou de classe sociale. En 1986, le BASR a adopté la
décentralisation dans la mise en place des soins : deux services se sont
développés, les soins de rééducation et de réadaptation fonctionnelle et le
centre de soins journaliers. Le principal centre se situe à Beit Jala.
La population est constituée d'enfants et d'adultes ayant subi des
blessures à la tête, des fractures, des traumatismes cérébro-vasculaires,
souffrant de paraplégie, de malformation congénitale, de rhumatismes et de
blessures au niveau de la colonne vertébrale. On compte environ 10 000 patients
par an. La capacité d'accueil est de soixante-cinq lits, dont vingt ont été
réservés pour les blessés au cours de l'intifada. Le ministère de la santé
devrait apporter son aide pour donner vingt lits supplémentaires pour les
blessures importantes à la tête.
Dans l'hôpital sont dispensés les soins médicaux et infirmiers, les
traitements ostéopathiques, de la kinésithérapie, de l'orthophonie, de
l'ergothérapie, des soins d'ORL, des supports psychologiques (psychothérapies),
des services sociaux. Ce centre hospitalier cherche à garder une vie sociale :
des formations professionnelles sont proposées aux personnes handicapées
comprenant des ateliers de broderie, de tricot, de fabrication d'objets en bois
d'olivier, des ateliers de réparation de montres, des formations
informatiques.
Divers programmes sont proposés à l'extérieur de l'hôpital. Environ mille
personnes par an bénéficient de ces soins dans le sud de la Palestine (dans la
région de Bethléem et d'Hébron, qui est peuplée de 190 000 habitants). Des
visites à domicile sont effectuées. Sept centres de soins journaliers se
trouvent dans différents villages et camps de réfugiés dans la région de
Bethléem, qui s'occupent d'environ mille enfants par an. Ils travaillent avec
des écoles maternelles et primaires. Un programme d'intervention d'urgence vient
d'être créé pour assister les victimes de traumatismes afin qu'elles puissent
faire face autant à l'aspect physique du traumatisme qu'à l'aspect
psychologique. Ce programme est mis en place avec les familles vivant dans la
région de Bethléem, qui ont été particulièrement traumatisées par les attaques
israéliennes. De plus, l'hôpital a créé une cellule d'entraide matérielle
(vêtements et nourritures) pour les personnes touchées économiquement par le
conflit, ainsi qu'une aide financière pour les familles dont les maisons ont été
détruites lors des bombardements.
Beaucoup de domaines doivent être encore développés. C'est pour cela que
les aides internationales jouent un rôle primordial, et sans celles-ci le centre
n'existerait pas.
- Vendredi 27 juillet 2001 -
Les dernières images que nous garderons de la Palestine sont celles de ces
hommes et de ces femmes construisant un avenir sans de fortes espérances pour la
paix et la tranquillité. Leur force se forge sur la solidarité, pilier de
l'humanité. Cette solidarité s'observe dans le rassemblement de chaque famille
lors des bombardements, dans le rassemblement pour quelques événements tels que
le football, le chant, la danse... Un match de football signifie une accalmie.
Hier soir encore une jeune fille de vingt ans nous disait que s'ils ne pouvaient
plus se regrouper et rire tous ensemble, que deviendraient-ils ? Nous ressentons
la nécessité pour ce peuple de se rassembler les uns les autres pour pouvoir
survivre, être comme une montagne indestructible. Cette force permet aux jeunes
de continuer leurs études. Le taux de réussite au baccalauréat est de l'ordre de
85 % dans la région de Bethléem (ce qui correspond à peu près à la moyenne
nationale). Certes, l'école n'est pas obligatoire, mais beaucoup d'entre eux ont
compris la nécessité du savoir dans un pays en guerre. L'avenir, c'est eux. Ce
sont des résultats d'autant plus louables que ces jeunes enfants rencontrent
d'immenses difficultés pour suivre l'école régulièrement. En effet, de nombreux
jours sont chômés pour le deuil des victimes d'explosions ou de combats. Une
image nous vient à l'esprit : celle de ces jeunes garçons présents lors des
enterrements, quand des hommes masqués tirent en l'air pour signifier leur
révolte. L'exaltation de ces petits hommes face aux cartouches qui tombent sur
le sol et qu'ils ramassent en se battant pour être celui qui en aura le plus,
nous paraît effrayante. Ils ne s'éloignent pas pour se protéger. C'est leur
quotidien : l'entrée dans la vie par la violence et les armes.
Une image de bonheur, celle de ces hommes, membres d'une même famille,
s'agrippant à leur travail comme à leur vie. De génération en génération une
famille transforme le bois d'olivier en magnifiques sculptures. Un artisanat qui
se transmet de père en fils. Ce travail se fait essentiellement à la main : les
machines utilisées pour la découpe, le polissage, la finition ne sont que le
prolongement de la main de l'homme. La fierté et le plaisir de créer se lisent
sur leur visage.
La population de Beit Jala s'est rassemblée derrière une chanson. Ces
quelques phrases devinrent le symbole de la ville, symbole de la lutte
palestinienne et des souffrances endurées encore et encore.
Pour notre dernier article, nous avons souhaité vous offrir une partie (que
nous avons pu traduire) de ce poème écrit par un homme d'une trentaine d'années
résidant à Beit Jala.
"Je ne jure que par ces oliviers, ces collines, ces vignes.
Je ne jure que par les cloches des églises et les mosquées.
Je ne jure que par le sang des martyrs.
Je ne jure que par Beit Jala.
Chaque personne aux alentours connaît Beit Jala et ses lieux saints.
Face aux maisons et vallées détruites par les incessants bombardements,
c'est la souffrance d'un peuple qui s'élève.
C'est aux soldats ennemis de tourner les talons car le peuple de Beit Jala
restera vivre sur sa terre, faisant toujours face à l'ennemi et protégeant sa
ville."
Un poème pour faire vivre leur ville et la Palestine, c'est un souffle
d'espoir et de vie.
13. Les Arabes israéliens victimes d'apartheid
par Thomas Abgrall
in L'Humanité du jeudi 26 juillet 2001
Israël.
La Fédération internationale des droits de l'homme dénonce une " discrimination
légalisée " contre les citoyens arabes.
La Fédération internationale des
droits de l'homme (FIDH), suite à deux missions récentes, vient de publier un
rapport sur le statut de la minorité palestinienne d'Israël - que l'on a coutume
d'appeler les " Arabes israéliens " - qui révèle clairement la présence de
discriminations " tant légalisées qu'empiriques et sans fondement de quelque
nature que ce soit " à l'encontre des citoyens arabes israéliens.
Le rapport
fait le constat accablant de discriminations multiples, directes ou indirectes,
en totale contradiction avec les engagements internationaux pris par l'Etat
d'Israël en matière de droits de l'homme.
Discriminations directes qui "
résultent de l'utilisation de l'appartenance nationale ou religieuse comme
critère de différenciation " : le rapport donne l'exemple révélateur de l'accès
à l'université. Aucune université arabe n'existe en Israël, et dans les
universités israéliennes, aucun cours n'est dispensé en arabe. De plus, les
bourses d'étude sont subordonnées à l'accomplissement du service militaire, qui
ne concerne pratiquement pas les étudiants arabes.
Les discriminations
indirectes, elles, encore plus diffuses, sont définies par la FIDH comme " tous
les désavantages qui résultent pour les Palestiniens des structures générales de
la société israélienne ". Discriminations qui sont au cour même du conflit
israélo-palestinien, touchant au premier chef les municipalités arabes, " sans
moyens pour offrir des services de base à leurs résidents, ce qui se répercute
particulièrement dans les domaines de l'enseignement et des soins de santé de
base ". Le budget consacré au développement est en moyenne trois fois plus
important pour les municipalités juives que pour les municipalités arabes.
La
discrimination se poursuit à tous les stades, elle s'accentue à partir du
service militaire. Les jeunes Palestiniens, exemptés quasi automatiquement, ne
bénéficient pas des avantages sociaux inhérents au service militaire : accès au
crédit en matière de logement, dispense partielle de droits d'inscription aux
formations professionnelles organisées par L'Etat...
La ségrégation se
retrouve plus tard au niveau de l'accès à l'emploi, que ce soit dans la fonction
publique ou dans le privé. Les Arabes sont exclus d'office d'un nombre important
d'entreprises et sont " sur-représentés dans le marché du travail secondaire aux
niveaux les plus bas de la hiérarchie professionnelle ".
Reste enfin la
délicate question de la terre, persistante depuis 1948. Le rapport se dit "
témoin d'une politique délibérée et coordonnée au niveau étatique de
colonisation des terres à l'intérieur du territoire étatique, au détriment de la
population arabe qui y réside ". La stratégie israélienne " consiste à
monopoliser les périmètres les plus vastes, même avec une population juive
relativement réduite, afin de limiter autant que possible l'extension des
localités arabes ". Toutes ces discriminations sur fond de résurgence de la
doctrine sioniste de " l'homogénéité juive " et de rassemblement des partis
politiques autour de la " menace arabe extérieure " font des Palestiniens
d'Israël de véritables " ennemis de l'intérieur ", conclut ce rapport
dénonciateur.