Point d'information Palestine > N°159 du 24/07/2001

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Au sommaire
            
Dernière parution
Présentation de "Israël - Palestine, désaccords de paix" de Alain Michel, Denis-Fabien Corlin et Franck Bonneveau aux éditions Hommes de Parole (2001) suivi de l'Avant-propos de Alain Michel et de la Préface de Alain Frachon, Rédacteur en chef au journal Le Monde
                     
Réseau
Israël / Territoires occupés : la communauté internationale doit agir afin qu'un terme soit mis aux bouclages et aux démolitions de maisons Communiqué de presse d'Amnesty International [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
                     
Revue de presse
1. Le prix de la "retenue" par Gideon Levy in Ha'Aretz (quotidien israélien) du dimanche 22 juillet 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
2. Hébron encore sous le choc du meurtre de trois Palestiniens par Catherine Dupeyron et Bruno Philip in Le Monde du dimanche 22 juillet 2001
3. Hébron sous la menace des colons par Jean-Pierre Perrin in Libération du samedi 21 et dimanche 22 juillet 2001
4. Liban-Belgique : La plainte contre Sharon est un véritable casse-tête - Des spécialistes étudient un amendement de la loi sur la compétence universelle par Scarlett Haddad in L'Orient-Le Jour du samedi 21 juillet 2001
5. Les "Huit" (pays les plus riches du monde) prônent l'envoi urgent d'observateurs d'une tierce-partie au Moyen-Orient par Jane Perlez in The New York Times (quotidien américain) du vendredi 20 juillet 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
6. La Suisse n'accepte pas l'annexion de Jérusalem-Est par Muriel Berset Kohen in Le Temps (quotidien suisse) du vendredi 20 juillet 2001
7. Assaad Abdel Rahmane, ministre palestinien des Réfugiés : "Le cessez-le-feu ? Un scénario sharoniste" in L'Hebdo Magazine (hebdomadaire libannais) du vendredi 20 juillet 2001
8. Encore une poignée de mains, et pourtant... bientôt l'assaut final in L'Hebdo Magazine (hebdomadaire libannais) du vendredi 20 juillet 2001
9. L'étrange impunité des extrémistes israéliens Dépêche de l'Agence France Presse du vendredi 20 juillet 2001, 14h20
10. Comment Barak a fini par exaspérer Clinton... par Alan Sipress in International Herald Tribune (quotidien anglophone publié à Paris) du jeudi 19 juillet 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
11. Des enfants en grève de la faim par Joseph Algazy in Ha’Aretz (quotidien israélien) traduit dans Courrier International du jeudi 19 juillet 2001
12. Le ministre palestinien de la Coopération internationale, Nabil Chaath, explique que seule l'intervention active de l'Onu et de l'UE aidera à instaurer la paix propos recueillis par Abir Taleb et Randa Achmawi in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire egyptien) du mercredi 18 juillet 2001
13. La voix de son peuple - En qualité de chargée de l'information de la Ligue Arabe, Hanan Ashrawi s'attachera à donner une image nouvelle du monde arabe à l'Occident par Danny Rubinstein in Ha'Aretz (quotidien israélien) du mardi 17 juillet 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
14. Aiguiser la hache par Edward Said in Al-Ahram Weekly (hebdomadaire égyptien) du jeudi 5 juillet 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
                
Dernière parution

               
Israël - Palestine, désaccords de paix de Alain Michel, Denis-Fabien Corlin et Franck Bonneveau
aux éditions Hommes de Parole (2001)
[149 FF - Broché - 495 pages - ISBN 2951701101]
Dans le cadre de la Fondation Hommes de Parole les entretiens du livre désaccords de paix ont été réalisés aux cours des années 2000-2001. Cette période s'est avérée charnière du processus de paix initié à Oslo en 1993. L'échec des négociations de Camp David, le désaveu des travaillistes, le déclenchement d'une nouvelle Intifada, le plébiscite d'Ariel Sharon... autant d'événements qui n'ont cessé de mettre Israël et la Palestine à la une. Au fil des pages, le lecteur rentrera dans les témoignages individuels qui semblent établir un dialogue informel entre les différentes parties en présence. Le choix délibéré de la candeur face aux interlocuteurs permettra au lecteur une approche moins universitaire, plus proche de sa réalité. En entrant dans ce livre comme dans un roman, nous renouons avec le concret d'un conflit qui semble durer de toute éternité et que nous aurions bien souvent la tentation de renoncer à comprendre, si ce n'est à préférer oublier. Une lecture passionnante.
                
Avant-propos de Alain Michel
Il m'a souvent été raconté l'histoire de ce journaliste qui, après quarante-huit heures de présence en Israël, considérait  avoir suffisamment appris pour écrire un livre qui dévoilerait enfin les raisons du conflit, mais quinze jours plus tard il réduisait ses prétentions à un article puis, au bout d'un mois, avouait une totale incapacité à écrire une seule ligne. Incapable de donner la moindre opinion sur ce qui se vivait dans la région.
Cette expérience, je l'ai vécue, et je la vis encore à chaque séjour au Moyen-Orient. j'ai mille fois changé d'avis, mille fois pris parti pour l'un ou pour l'autre tant la conviction de chacun était sincère et légitime. Les souffrances sont réelles, injustes et inacceptables des deux côtés. La Terre sainte, terre de révélation, terre d'exception, est vraiment terre de passions et de souffrances.
Depuis plus d'un siècle Israéliens et Palestiniens se déchirent sur ce sol historique. De guerres en accords de paix, l'Histoire se construit sans que tout un chacun, au sein de l'opinion publique internationale, ne connaisse véritablement les tenants et les aboutissants toujours plus complexes que les grandes lignes qui parviennent jusqu'à nous. Cette passion est-elle celle de l'histoire du peuple d'Israël, vécue depuis deux mille ans à travers les épreuves que l'on sait, ou bien celle née de l'affrontement des nationalismes du vingtième siècle ? Le retour d'Israël en sa terre promise ou l'affrontement du sionisme au nationalisme palestinien, enfant d'un socialisme arabe en quête d'indépendance ? Au-delà de l'incompréhension que peut susciter une telle situation se trouve le long et dur chemin de la paix.
Il ne s'agit pas de dresser avec ce livre un bilan du processus de paix, des négociations à un moment donné, ni d'ailleurs de faire une compilation des différents avis sur la question, avis qui ont été largement exprimés partout ailleurs, mais bien de laisser s'exprimer un état de la société, toutes les spécificités et diversités, les problèmes qui empêchent la Paix, les solutions que chacun peut entrevoir…Les récents événements, la difficulté des négociations à aboutir nous montrent chaque jour à quel point les tensions entre les sociétés israéliennes et palestiniennes, ainsi qu'en leur sein même, entravent le cheminement de la paix dans une région qui pour beaucoup en est le symbole pour le monde entier.
Il s'agit donc de comprendre à travers le prisme de différentes personnalités politiques, religieuses, sociales ou intellectuelles, directement ou indirectement impliquées, ainsi que d'autres personnes, plus "anonymes" mais tout autant légitimes, ce qui, au-delà des différends identitaires ou territoriaux, empêche de s'acheminer vers la paix. Ce livre n'a évidemment pas la prétention de proposer une quelconque solution, son objectif sans donner aucun conseil, aucune leçon, est d'apporter à tous des clefs de compréhension, répondre à certaines questions essentielles : la Palestine, c'est quoi ? Pourquoi ? Comment ? Israël, c'est quoi ? Pourquoi ? Comment ? Quels sont les problèmes entre Israéliens et Palestiniens ? … Il ne prend parti ni pour l'un ni pour l'autre, car cela reviendrait à ériger un nouveau mur. Ce livre a pour seule ambition d'apporter des éléments qui  permettront de connaître et de comprendre l'un et l'autre. Comprendre l'un et l'autre sans juger, est certainement le plus efficace chemin qui autorise et permette de participer efficacement à la recherche de solutions.
Ce qui m'a le plus marqué durant toute cette enquête, c'est la découverte de la peur chez les uns et les autres. Une peur traumatisante, une peur qui aveugle, une peur qui condamne et qui englobe. Une peur dont l'origine pour chacun remonte à des sources incontestables. Cette peur  si profondément ancrée ne résiste que par  l'incroyable méconnaissance des uns et des autres et de leurs réalités. Mon souhait le plus ardent est que tout soit fait pour que s'ouvre un dialogue non pas seulement entre les dirigeants des deux pays mais entre les populations palestiniennes et israéliennes elles-mêmes. Seules la connaissance et la reconnaissance des uns et des autres, par un dialogue intensif, vaincra les peurs qui aujourd'hui entretiennent, cautionnent et laissent libre cours aux extrémismes coupables de la haine qui se développe.
                 
Préface de Alain Frachon, Rédacteur en chef au journal Le Monde
Affliction, effarement, tristesse, lassitude etc.. La gamme des réactions de l'observateur extérieur au conflit israélo-palestinien révèle l'ampleur du drame. On s'habitue à ce bruit de fond de guerre à répétition: attaque-représaille, représaille-attaque. Aux images aussi, figures quasi obligées du journal télévisé. La violence israélo-palestinienne est banalisée depuis longtemps. Au printemps 2001, le plus neutre des jugements que le moins passionné des observateurs peut émettre est cru et brutal : l'affrontement entre les deux nationalismes qui se disputent la même terre - pas n'importe laquelle - est dans une phase militaire aigüe. Faut-il se rassurer en avançant que chaque progrès vers le dialogue a été précédé d'un face-à-face sanglant ? C'est assez vrai pour les vingt dernières années. Rien ne garantit qu'il en sera ainsi à l'avenir.
La spirale de violence au moment où cet ouvrage parait semblait de jour en jour moins contrôlée. Sans grande perspective de retour à une négociation sérieuse. On se bat pour battre l'autre, l'épuiser militairement (objectif israélien), le faire céder politiquement (objectif palestinien). Le Premier ministre de l'heure, Ariel Sharon, a promis à ses électeurs qu'il ne laisserait aucune attaque palestinienne sans réponse. Il tient ses promesses. Les Palestiniens, toutes tendances confondues, affirment qu'ils ne peuvent arrêter leur combat sans avoir, au préalable, obtenu quelque chose. Ils jurent de venger chaque raid de représailles israélien. Ils tiennent leurs promesses.
Fin mai, Américains et Européens s'efforçaient d'amener les uns et les autres à une reprise de la négociation. Même s'ils devaient y arriver, ces sept à huit mois d'affrontements armés ont, de part et d'autre, radicalisé les positions. Ce n'est pas seulement que les Palestiniens soient passés de la fronde et du cocktail molotov à la mitraillette et au mortier, et les Israéliens du fusil M-16 aux chars, aux hélicoptères et aux chasseurs F-16. C'est aussi affaire de stratégie. Depuis quelques années, les uns et les autres semblaient reconnaître qu'ils ne trouveraient de solution à leur conflit - national et territorial - que par la négociation. La voie des armes était abandonnée. L'arrangement pratique, le compromis foncier devaient être privilégiés. Cette évolution était en soi un immense progrès. Il n'y a pas si longtemps, les Israéliens niaient l'existence même d'un peuple palestinien et les Palestiniens s'imaginaient pouvoir un jour, avec l'aide des Etats arabes, effacer Israël de la carte.
A l'escalade militaire correspond aujourd'hui un formidable retour en arrière dans l'affichage des stratégies. L'histoire apprend que, dans cette région, le verbe compte; elle impose de prendre au sérieux les déclarations des deux parties en conflit. Cela veut dire qu'on prend au mot l'entourage d'Ariel Sharon et certains membres de l'état-major israélien quand ils affirment pouvoir venir à bout, militairement, de l'essentiel de la violence palestinienne. On prend au mot le parti de M. Sharon, le Likoud, qui annonce vouloir poursuivre, et même accélérer, la colonisation dans les territoires de Gaza et de Cisjordanie. On le croit sur parole quand il assure n'envisager d'autre solution pour Jérusalem que l'imperium continu d'une souveraineté israélienne sans partage sur l'ensemble de la ville. On n'a pas de raison de douter de la sincérité de ces intentions ni du fait qu'elles devraient, largement, façonner la politique conduite sur le terrain: poursuite des raids de représailles - et nouvelle escalade dans leur ampleur -; découpage, entre les blocs des colonies, d'entités palestiniennes semi-indépendantes sous le contrôle permanent de l'armée israélienne.
De même prend-on au mot, littéralement, et donc très au sérieux, les Palestiniens. Ils  sont de plus en plus nombreux à déclarer qu'ils vont calquer leur stratégie sur ce qui fut celle du Hezbollah au sud Liban: vingt ans de harcèlement continu de l'armée israélienne conduisirent à son retrait unilatéral, sans condition, de l'autre côté de la frontière. Transposée en Cisjordanie et à Gaza, cela veut dire mener, à coups de mortiers artisanaux et d'armes légères, une guérilla permanente contre les colonies et les soldats qui les gardent. Jusqu'à ce que le nombre de morts fasse céder Israël et l'amène à quitter, unilatéralement, les territoires. Ce raisonnement est tenu dans les rangs du Hamas mais aussi dans l'entourage de l'Autorité palestinienne, chez certains dirigeants des organisations fidèles à Yasser Arafat.
Peu importe la pertinence pratique du discours-programme qui est tenu; ce qui compte, chez les uns et les autres, c'est qu'il inspire l'action menée sur le terrain. La stratégie proclamée de l'un - maintenir et même accélérer la colonisation - nourrit celle de l'autre - harceler les colonies. La violence de la colonisation appelle la lutte armée contre la colonisation. A nouveau, on fait confiance aux armes. Pour développer et protéger les colonies, d'un côté; pour les attaquer, de l'autre. Chacun doit rendre des comptes à sa circonscription. M. Sharon ne peut pas ordonner un gel des implantations dans les territoires sans perdre sa majorité. M. Arafat ne peut imposer un gel des attaques contre les implantations sans être désavoué. On est loin des compromis pratiques qui paraissaient se dessiner entre le printemps 2000 - les conversations israélo-palestiniennes de Camp David - et la fin de l'été de la même année - les discussions de Taba.
Alors, un premier ministre travailliste, Ehoud Barak, proposait qu'un Etat palestinien soit constitué sur 95 pour cent de la Cisjordanie, l'ensemble de la bande de Gaza et une bonne partie de la Jérusalem arabe. Il suggérait le démantèlement de nombre de colonies et un mécanisme de compensations financières pour les réfugiés palestiniens de ''l'extérieur'' (plus de trois millions et demi de personnes, pour l'essentiel regroupées dans les pays arabes voisins). La droite israélienne, tout comme certains travaillistes, ne suivait pas: il n'est pas sûr que M. Barak aurait trouvé une majorité au parlement, la Knesset, pour entériner son programme. Mais le chef de l'Autorité palestinienne lui épargna cette épreuve de politique intérieure: Yasser Arafat répondit par un "non", nuancé, aux propositions Barak. Comme s'il n'était pas sûr, lui non plus, qu'une majorité de Palestiniens l'eût approuvé s'il avait pris le risque de faire un bout de chemin avec Ehoud Barak. Il réclame qu'Israël reconnaisse le droit au retour des réfugiés palestiniens de 1948, ce qui est inacceptable pour tous les Israéliens. L'histoire dira la part de responsabilité des uns et des autres dans ce ratage.
Le document de Camp David-Taba était l'aboutissement d'un long  rapprochement israélo-palestinien. 1988: l'OLP accepte le principe de constituer un Etat dans les seuls territoires occupés par Israël en 1967 (Jérusalem-est comprise). 1991: au lendemain de la guerre du Golfe et de la première Intifada, la conférence de Madrid marque le début des conversations israélo-palestiniennes. 1993: les deux parties s'engagent dans le processus dit d'Oslo. Il prévoyait cinq ans d'autonomie dans les territoires avant la création d'un Etat palestinien et le règlement, simultané, de la question de Jérusalem, de celle des colonies et des réfugiés.
L'échec de Camp David-Taba est celui des accords d'Oslo. Tout s'est passé omme si personne n'avait vraiment voulu ou pu tenir ses promesses. Ni la violence ni la colonisation n'ont cessé durant ces années de négociations laborieuses. Dans chacun des camps en présence, les extrémistes n'ont pas renoncé à poursuivre leurs objectifs : ils veulent torpiller l'aménagement territorial, le compromis foncier, prévu par l'accord d'Oslo. De 1993 à Camp David-Taba, les colonies de peuplement ont doublé de population; la vie pratique des Palestiniens de Gaza, Cisjordanie et Jérusalem est restée un cauchemar. Les Palestiniens ont le sentiment d'avoir été trompés - et par Israël et par leurs dirigeants - et de n'avoir rien gagné avec le processus de paix. "Quel Israël faut-il croire? demande Jeff Halper dans ce livre. Faut-il croire le Barak qui offre de larges concessions aux Palestiniens ou faut-il croire le Barak qui augmente chaque jour les colonies de peuplement?"? Les Palestiniens jugent qu'ils ont fait une énorme concession à Israël - un cadeau historique - en acceptant de ne constituer leur Etat que dans les territoires occupés en 1967. Ils estiment ne pas avoir été payés en retour. Palestinien, écrivain, historien, directeur de la Revue d'études palestiniennes, Elias Sanbar dit, dans ces pages, le "ras le bol profond" de la jeunesse palestinienne: "ils ne comprennent pas qu'après toutes les ouvertures qui ont été faites, toutes les propositions de paix, de normalisation, de vie normalisée, de fin de la guerre, les Israéliens continuent à chipoter, en faisant les malins sur une ruelle par-ci et 1.000 m. par-là; ils ne comprennent pas ce qui leur apparaît, par delà la politique, comme une démarche mesquine comparée à l'ampleur de l'offre de la paix". Démunis de tout ou presque, ils ne peuvent pas comprendre qu'un Israël, perçu comme tout puissant, leur demande encore et encore des garanties de sécurité…
De l'autre côté, le mur de l'incompréhension n'est pas moins épais. Les sondages indiquent, année après année, que quelque 70 pour cent des Israéliens sont prêts à échanger la Cisjordanie et Gaza contre une paix en bonne et due forme avec les Palestiniens. Les Israéliens, notamment ceux de la gauche, les militants de la paix, n'ont pas compris l'attitude de Yasser Arafat. Ils sont stupéfaits qu'il n'ait pas donné une réponse positive, immédiate et enthousiaste à la proposition que lui faisait Ehoud Barak. Ils ont le sentiment d'avoir été trahis. Quel Arafat faut-il croire, demandent-ils à leur tour? Celui d'Oslo, le partenaire de ces longues années de négociations, celui qui a le statut, donc, en principe, l'autorité, d'un chef d'Etat ? Ou celui de l'Intifada al-Aqsa qui prétend ne pouvoir arrêter la violence et laisse les medias qu'il contrôle appeler à la lutte contre Israël? L'électorat israélien fait le bilan des années Oslo. Il a subi des vagues d'attentats répétées sur le territoire même d'Israël et il tire ses conclusions: ces années de négociations avec les Palestiniens n'ont pas renforcé la sécurité. Dans l'entretien qu'il donne ici, Jeff Halper constate: "Le public israélien dans son ensemble, du parti travailliste à la droite, ne fait plus confiance aux Arabes. Ce sont les conséquences de l'intifada. Les gens du parti travailliste, et ceux de +La Paix maintenant+ qui étaient en faveur de négociations ont tous changé d'avis. Dès lors que la récente Intifada s'est déclenchée, ils ont déclaré: +Nous n'avons plus d'interlocuteur. Nous ne pouvons plus faire confiance aux Palestiniens+"
Israélien, homme de gauche, écrivain et journaliste, Tom Segev cultive dans ces pages un réalisme désespéré et désespérant: "on peut déduire de cet échec [celui de Camp David-Taba], observe-t-il, que les deux groupes protagonistes ont des positions encore trop éloignées pour parvenir à un compromis", et, donc, "qu'on ne peut pas mettre un terme au conflit mais seulement le gérer". D'autres, sur la trentaine d'intervenants interrogés ici, sont plus confiants ou plus volontaristes : de l'historien Elie Barnavi, aujourd'hui ambassadeur d'Israël en France, optimiste par morale, à Elias Sanbar qui dit, élégamment, "avoir l'espérance de travailler à un avenir de paix. Ensemble, d'un bord à l'autre du spectre des opinions concernées, ils dressent l'état des lieux du conflit israélo-palestinien. C'est un ensemble de clés pour comprendre - et pour espérer."
                     
Réseau
                
Israël / Territoires occupés : la communauté internationale doit agir afin qu'un terme soit mis aux bouclages et aux démolitions de maisons Communiqué de presse d'Amnesty International
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

18 juillet 2001 - AI Index MDE 15/066/2001 - News Service Nr. 124
Amnesty International a appelé ce jour la communauté internationale à intervenir sans délai afin qu'un terme soit mis à la politique israélienne des bouclages de territoires en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
Le confinement de plus de trois millions de personnes, dix mois durant, dans leurs propres villages ou domiciles au moyen de couvre-feu et de bouclages de zones des territoires occupés représente une forme de rétorsion inadmissible à la violence de quelques-uns, a déclaré l'organisation.
Amnesty International a salué l'appel de l'Union européenne, lancé le 16 juillet, en faveur de l'envoi d'observateurs internationaux dans les territoires occupés. Toutefois, la communauté internationale ne saurait attendre plus longtemps pour agir afin de débloquer une situation devenue intolérable, a-t-elle fait observer.
Les délégués d'Amnesty International Philippe Hesmans (Directeur d'Amnesty International Belgique, section francophone) et Elizabeth Hodgkin, chercheuse, sont rentrés hier d'une mission exploratoire en Israël et dans les territoires occupés, après avoir largement circulé dans ces deux régions.
(Voici leur témoignage) :
"Presque toutes les routes conduisant aux villages par lesquels nous sommes passés, au sud de Jérusalem, sont bloquées par des monceaux de terre ou des blocs de béton. La route principale nord-sud, entre Naplouse, la plus grande ville de la région, et Jenin, est pratiquement vide, et seuls des véhicules de l'armée (israélienne) y circulent, cela sur des tronçons de plusieurs kilomètres de long. Les barrages armés font s'en retourner systématiquement les voitures des Palestiniens. Il est arrivé plusieurs fois que des Palestiniens dont l'état de santé nécessitait des soins médicaux urgents meurent, faute de pouvoir y accéder", a rapporté Philippe Hensmans.
Une telle situation ne saurait être tolérée plus longtemps par la communauté internationale, a déclaré Amnesty. Les bouclages sont une forme de punition collective infligée à un peuple entier.
Quel qu'en soit le motif, les bouclages représentent un déni du droit à se déplacer librement et ils étouffent la vie économique (des territoires). Ils ne sont d'aucune efficacité en matière de prévention des attentats et attaques violentes dirigées contre les Israéliens, comme l'ont montré les derniers attentats-suicides, a ajouté Amnesty International.
Il a été donné à ses délégués de visiter également des parties de la Cisjordanie où des dizaines de maisons appartenant à des branches de la tribu bédouine des Nawaje' ont été détruites au moyen de bulldozers, en représaille de l'assassinat d'un colon.
Dans la grande majorité des campements (de ces bédouins), personne n'a été accusé de ce crime ni arrêté. Mais cela n'a pas empêché les Forces israéliennes de défense d'abattre quand même les tentes et les maisons en dur avec des bulldozers ni de détruire à l'explosif les grottes où de nombreuses personnes trouvaient un refuge habituel ni, pour faire bonne mesure, d'aller jusqu'à combler les puits.
A Rafah et à Khan Yunis, plus de soixante-dix maisons ont été démolies depuis le mois de mars dernier, la plupart de ces maisons étant des édifices comportant un seul niveau, habités par des réfugiés qui avaient déjà subi la perte de leur maison en 1948.
Israël est une partie contractante éminente des Conventions de Genève. Toutefois, il s'avère que ses agissement à l'encontre des Palestiniens, qui sont éligibles à la protection garantie par ces Conventions, constituent une violation de la Quatrième Convention de Genève relative à la protection des civils en temps de guerre. L'article 33 en énonce clairement ce qui suit :
"Aucune personne protégée (par la Convention) ne saurait être punie pour une offense qu'il (ou elle) n'a pas commise personnellement. Les punitions collectives, ainsi que toutes mesures visant à intimider (et, a fortiori, à terroriser - ) la population sont interdites"...
"Les représailles à l'encontre des personnes protégées (par la Convention) ou/et leurs biens sont interdites".
Dans une lettre conjointe adressée à des responsables du monde politique et de l'ONU, Amnesty International et l'Observatoire des Droits de l'Homme (Human Rights Watch) ont réitéré leurs appels à l'envoi d'observateurs internationaux chargés de surveiller le respect des droits de l'homme et du droit humanitaire international en tant que moyens permettant de renforcer la protection des civils.
[Le contexte : Depuis le début de l'intifada, à la fin septembre 2000, 480 Palestiniens (au moins) ont été tués, illégalement dans la majorité des cas, par les Forces israéliennes de défense, alors même que les vies de ses personnels ni celles d'une quelconque tierce-partie n'étaient en danger. Plus de 130 civils israéliens ont été tués, la plupart d'entre eux étaient des civils délibérément désignés pour être les victimes d'attaques-suicides ou de tirs depuis des voitures prenant la fuite, le meurtre accompli, attentats dont se sont rendus responsables des groupes et des individus palestiniens armés. Les violations des droits de l'homme par des organisations oppositionnelles ne sauraient en aucun cas justifier la non-prise en compte de ceux-ci par un gouvernement quel qu'il soit.]
[Pour plus d'informations, veuillez vous adresser au bureau de presse d'Amnesty International à Londres, au numéro de téléphone suivant : +44 20 7413 5566 - Amnesty International, 1 Easton St., London WC1X 0DW - Site internet : http://www.amnesty.org]
                     
Revue de presse

                        
1. Le prix de la "retenue" par Gideon Levy
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du dimanche 22 juillet 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Mercredi après-midi, trois membres de la famille Tmeizi, tombés dans une embuscade, ont été assassinés. Parmi eux, Diya, un bébé de dix semaines et un jeune marié, Mohammed. On suppose que les assassins - des Israéliens, c'est presque certain ; colons, apparemment - seront prochainement arrêtés, puisqu'aussi bien le Shin Bet (les services de sécurité israéliens) et la police se sont engagés à déployer des efforts redoublés pour ce faire, pour cette fois. Le meurtre, particulièrement choquant, a été dénoncé par les dirigeants du pays. Mais même s'il en est ainsi, ces trois morts sont la conséquence directe de la (politique de) "retenue" observée par les autorités juridiques et les forces de l'ordre. Après tout, même si les meurtriers devaient être arrêtés, jugés et condamnés - rare occurrence dans les cas de violences commises par des colons - ils écoperont de sentences minimes, si l'on s'en réfère à l'expérience.
La "retenue" trouve ses origines dans la première Intifada. Déjà, alors, Israël avait choisi de fermer les yeux sur les violences commises par des civils (israéliens) dans les territoires occupés. Sur quarante huit instructions concernant des Palestiniens tués par des citoyens israéliens, 27 ont été closes sans suite. Cette statistique n'a fait qu'empirer avec le temps : un rapport publié il y a environ quatre mois par B'Tselem, Centre Israélien sur les Droits de l'Homme dans les Territoires occupés, relève 199 (instructions d') assassinats de Palestiniens par des citoyens israéliens ; seules, six de ces instructions ont abouti à la condamnation des auteurs. Dans six cas de mort d'homme, la police n'a procédé à aucune enquête, et 39 autres dossiers ont été classés "sans suite"...
Les peines (infligées) furent aussi minimes : les peines de quatre des Juifs convaincus d'homicide ont été réduites, cinq de ceux qui avaient été convaincus d'assassinat ont été condamnés à moins de quatre ans de prison, et cinq (sur les sept) israéliens convaincus de non-assistance à personne en danger ont effectué un service civil en substitution à la peine de prison.
Par contre,  il y a eu enquête dans la totalité des 114 cas de meurtre et de massacre collectif d'Israéliens perpétrés par des Palestiniens, dans les territoires, (jusqu'au mois de mars de cette année. Trente Palestiniens ont été accusés de meurtre, 17 ont été tués par les forces de sécurité, 12 maisons de coupables ont été détruites. Aucune peine n'a été allégée et, bien entendu, dans leur cas, nul besoin d'évoquer une quelconque amnistie.
Le tableau devient difficile à supporter et révoltant lorsqu'on passe à des crimes moins lourds que l'assassinat et le meurtre collectif. Dans la plupart des cas de violence ou d'atteinte à la propriété (d'autrui), aucune enquête n'est jamais initialisée. Le message est très clair : ce n'est pas répréhensible, de tuer des Arabes, de leur faire du mal ou de s'en prendre à leurs biens, cela est presque normal. La revanche est admise voire même, dans certains cas, encouragée, pour peu qu'il s'agisse de celle d'un Juif.
La situation a atteint de nouveaux abysses au cours des dernières semaines. En des temps de terrorisme palestinien croissant, pas un jour ne passe sans qu'il y ait des pogromes perpétrés par des colons, tandis que la police, les Forces israéliennes de défense et les autres services de sécurité restent là, fermant parfois les yeux, parfois se contentant de les cligner. Amir Ahmad, 13 ans, a été grièvement blessé, tiré comme un lapin par des colons. Abdallah Ka'ik, un Arabe israélien, qui fut pris - à tort - pour un Palestinien des territoires, fut battu comme plâtre. Des colons ont exercer leurs ravages à Kifal Harith, près de la ville (israélienne, en fait, une colonie, ndt) d'Ariel, en Cisjordanie, blessant quinze personnes. A Sinjil, au nord de Ramallah, des colons ont tiré, brûlé et détruit des biens. Près de l'implantation de Kfar Yam, dans la bande de Gaza, des colons ont détruit des biens et ont tout saccagé. A Hébron, des colons ont détruit des échoppes et blessé des officiers de police et des soldats. A Silat al-Dahr, des colons ont tiré sur les passagers d'une voiture. Mustafa Alian, du camp de réfugié d'Askar, a été lapidé jusqu'à ce que mort s'ensuive. Deux cueilleurs d'olives ont été salement amochés près de la colonie d'Yitzhar. Tahrir Rizq a été tué d'une balle en pleine tête, près de Hizmeh...
Dans la plupart de ces cas, et bien d'autres, personne n'a été arrêté. Yaron Degani et Gad Tena, d'Itamar, arrêtés et suspectés du meurtre du cueilleur d'olives Farid Nasasrah, ont été relâchés après cinq jours de préventive par "manque de preuves", tandis que l'Autorité palestinienne était accusée "de ne pas coopérer dans l'enquête criminelle".
Après quatre incidents avec des tirs, similaires à celui d'Idna, mercredi, personne n'a été arrêté, bien que le chef du Shin Bet parlât ouvertement (de l'existence) d'une "cellule terroriste juive" et bien qu'il soit relativement aisé de l'appréhender en raison de la population réduite en nombre d'où elle semble provenir.
La retenue face à des actes posés par l'extrême droite est le fait de l'ensemble des autorités du gouvernement (israélien) : la police, les Forces israéliennes de défense, le Shin Bet, les tribunaux et les autorités qui décident des remises de peines. Il s'agit là d'une "retenue" dangereuse, dont les fruits pourris ont été le meurtre perpétré tout récemment à Idna : les personnes qui s'en sont faites l'instrument pensaient que les risques encourus (d'être pris et arrêtés) étaient infinitésimaux.
La responsabilité de ce meurtre, comme des meurtres précédents, doit dès lors porter aussi sur les autorités juridictionnelles israéliennes. Les injonctions se sont tracées sur le mur depuis belle lurette (allusion biblique, ndt) : qu'il suffise d'examiner le Rapport Karp (de 1982) et le Rapport Shamgar (de 1994) sur l'usage de la violence par les colons à l'encontre des Palestiniens..Même l'Avocat Général Elyakim Rubinstein, que l'on ne saurait accuser de haïr les colons, a parlé, en 1998, "d'une situation continue et préoccupante de sous-application de la loi à l'égard des Israéliens vivant en Judée, en Samarie (= la Cisjordanie, ndt) et dans la bande de Gaza".
Au-delà du problème légal et moral que pose un Etat qui établit une discrimination entre populations, qui permet des actes de violence et des meurtres en fermant les yeux et qui traite les crimes de ses citoyens avec compréhension, la "retenue" a un prix extrêmement élevé. Elle a conduit, d'ores et déjà, à encore plus de sang versé, des deux côtés, et elle conduira, on le verra, à des actes que même l'extrême droite pourrait être amenée à regretter... Des colons d'Yitzhar ont d'ores et déjà menacé un officier des Forces israéliennes de défense de leurs fusils pointés sur lui ; à Hébron, des soldats ont été passés à tabac, et ce n'est pas arrivé qu'une fois...
Quiconque, bien loin de punir ses coupables, fait preuve de complaisance envers ceux qui brûlent des récoltes, pardonnent à ceux qui cassent la g... à des Arabes, aura un jour à faire face à des assassins de soldats israéliens.
D'ici là, la "retenue" sape aussi les arguments avancés par Israël quant à l'incapacité de l'Autorité palestinienne à combattre le terrorisme : il est un peu spécieux de pleurnicher sur la "porte tournante" (qui serait celle des territoires autonomes, aux dires des responsables israéliens, ndt), du nombre insuffisant d'arrestations et de l'incapacité à prévenir le terrorisme (du côté palestinien) alors même qu'Israël, pays souverain doté de tout ce qu'il y a de "dernier cri" en matière de services de sécurité, fait absolument la même chose lorsqu'il s'agit de son propre terrorisme, "fait maison".                         
             
2. Hébron encore sous le choc du meurtre de trois Palestiniens par Catherine Dupeyron et Bruno Philip
in Le Monde du dimanche 22 juillet 2001

REPORTAGE La majorité de la communauté juive condamne sans réserve la fusillade d'Idna
HÉBRON, KYRIAT ARBA de nos envoyés spéciaux
"Nous revenions d'un mariage. On était parti vers 9 h 15. J'étais montée dans la voiture en compagnie de mon mari, mon oncle et ma tante, leurs deux petites filles, une cousine et son époux. A un carrefour, une voiture nous a bloqué la route. Soudain, ça s'est mis à tirer de partout..." May Al Timezi, seize ans, grimace de douleur sur son lit d'hôpital d'Hébron. Elle a été blessée à la main gauche, à la jambe et à la joue. A sa gauche, allongée sur un autre lit, Amira, sa petite cousine de trois ans, dort, enveloppée de bandages. "Nous avons tous été blessés", explique May. Mais la réalité est plus terrible qu'elle ne le croit, en ce vendredi 20 juillet, au lendemain de l'attaque : son mari Mohammad, vingt ans, qu'elle avait épousé il y a moins d'un mois, est mort. Elle ne le sait pas encore. Son cousin, vingt-deux ans, un autre Mohammad, a lui aussi péri ainsi que, comble de l'horreur, la fille de ce dernier, un nourisson de trois mois.
Les circonstances de cette agression aveugle restent mal définies. L'attaque a été revendiquée plus tard par un mystérieux "Comité pour la sécurité sur les routes", une organisation d'extrémistes juifs dont un précédent avatar, durant la première Intifada de la fin des années 80, était proche du parti ultranationaliste du rabbin Kach. Il y a quelques jours, un activiste du même parti, Noam Fiderman, avait été appréhendé par des officiers du Shin Beth, les services de renseignement intérieur israéliens, après que des explosifs eurent été trouvés dans sa voiture, garée dans la colonie juive de Kyriat Arba, située non loin du lieu de l'attaque de jeudi soir.
Le frère de l'une des victimes, Nasser Al Timezi, raconte qu'une autre voiture aurait pu subir le même sort, juste avant. Le chauffeur de ce véhicule a en effet confié à Nasser avoir vu deux hommes lui bloquer le chemin, se pencher vers lui avant de le laisser passer. Les assaillants auraient attendu la seconde voiture, celle de la famille Al Timezi, pour ouvrir le feu.
"Sans doute, avance Nasser, ont-ils décidé de ne pas tuer les occupants de la première voiture, car il n'y avait que deux personnes à bord. En voyant arriver celle de mon frère, une Peugeot 305 avec huit personnes à bord, ils ont dû se dire que c'était une bonne cible : ils pouvaient tuer beaucoup de monde à la fois."
COMMENTAIRE D'EXTRÉMISTES
On ignore encore le calibre utilisé. Les témoins ne se rappellent pas si les attaquants ont tiré en rafales ou au coup par coup. Personne ne peut vraiment les décrire : "on a rien vu, il faisait nuit", dit May Al Timezi. Des témoins parlent d'une voiture de couleur blanche. D'autres ont identifié le véhicule comme étant une Peugeot 205 bleu marine. "Le gouvernement israélien soutient les colons et l'atmosphère générale les encourage à perpétrer de telles attaques", estime le maire d'Hébron, Moustapha Natché. La semaine dernière, des dizaines de colons avaient attaqué des maisons et voitures palestiniennes après la mort de deux Israéliens de Kyriat Arba tués par des Palestiniens. "Je crains que les colons aient de plus en plus tendance à se faire justice eux-mêmes", dit M. Natché.
Dans la colonie voisine de Kyriat Arba, Esther et Haïm ont décidé de ne pas prendre la route. Ils devaient se rendre à Jérusalem pour Shabbat avec leurs six enfants, mais le voyage aurait pu être fatal. Les meurtres de la veille leur font craindre une multiplication des attaques palestiniennes sur les routes. Comme la majorité de la communauté, Esther et Haïm condamnent sans réserve l'embuscade qui a coûté la vie aux trois Palestiniens. "C'est terrible, le record est repassé de l'autre côté ", remarque Esther faisant référence aux enfants tombés depuis le début de l'Intifada.
D'abord, il y a eu le petit Mohammad, douze ans, mort dans les bras de son père ; puis la petite Shalevet, du quartier juif d'Hébron, tuée alors qu'elle n'avait que dix mois. Et maintenant, un bébé Palestinien de trois mois. "C'est un acte immoral, sauvage et lâche (...) . La défense d'Israël doit être assurée uniquement par l'armée", confie Yossi Charvit. Mais, comme beaucoup d'autres juifs de Kyriat Arba et d'Hébron, il déplore "l'intérêt que les médias portent à cet assassinat, alors qu'ils ne s'alarment guère lorsque des juifs sont tués dans des conditions comparables".
Un petit groupe de jeunes commente les événements de la nuit précédente. Plus prompts que leurs aînés à en comprendre les raisons, plusieurs sont néanmoins conscients que cela ne réglera rien, au contraire. "Les Palestiniens vont encore plus nous tirer dessus ", remarque Kfir, quinze ans. Daniel, lui, n'a aucune réticence. "C'est très bien ce qui s'est passé. Ils nous tirent dessus, on leur tire dessus. Et ce n'est que le début. Si Sharon continue à ne rien faire, il y aura d'autres actions de ce genre (...) On leur a donné Hébron parce qu'on croyait à la paix. S'il n'y a pas de paix, alors il faut reprendre les territoires." Dans quatre jours, Daniel part faire son service militaire. "Je pourrai tirer sur les Arabes, avec la loi pour moi", dit-il, esquissant un sourire.
Inquiets des conséquences possibles de cet assassinat, s'il s'avérait que ses auteurs sont des colons, nombreux sont ceux qui préfèrent croire qu'il s'agit d'une "provocation" des services de sécurité intérieure. "On a aucune preuve de qui a commis cet acte. Certains parlent de groupe militaire organisé dans les colonies (...). C'est de la pure diffamation", explique Yossi Charvit. Noam Arnon, porte-parole de la communauté juive d'Hébron, qui condamne "ce meurtre horrible", ne serait "pas étonné que ce soit des Arabes qui aient tiré par erreur croyant que c'était des Juifs, ou délibérément, par provocation. Si ce sont des Juifs qui ont fait cela, ils devront être jugés sévèrement, mais leur acte est le résultat de la politique du gouvernement qui nous conduit au chaos", dit-il.
                
3. Hébron sous la menace des colons par Jean-Pierre Perrin
in Libération du samedi 21 et dimanche 22 juillet 2001

Un attentat extrémiste juif risque de relancer la violence.
Hébron envoyé spécial
Inspectée à la lumière des phares, la première voiture palestinienne n'a pas retenu l'attention des tueurs qui l'ont laissée poursuivre sa route. Il n'y avait que deux personnes à bord. La seconde, une Peugeot 305 bleue, arrivée un peu plus tard - jeudi vers 21 heures - est une bien meilleure cible. Cette fois, c'est toute une famille qui s'est entassée à l'intérieur du véhicule. A cause de la célébration d'un mariage, la famille Etmizi a pris le risque de rouler la nuit pour regagner son village d'Idna, près de Hébron, en Cisjordanie. La suite de l'embuscade est racontée, depuis son lit d'hôpital, par May, une jeune fille de 16 ans. «Au carrefour, nous avons été obligés de ralentir. C'est alors qu'une voiture nous a bloqués la route et nous a contraints à nous arrêter. Puis, des hommes, deux je crois, ont ouvert le feu sur nous.» «Ils tiraient partout, dans toutes les directions. Après, je ne me souviens plus de rien», ajoute avec peine la rescapée, blessée à la fois aux jambes et aux bras. A cause de la gravité de ses blessures, on lui a caché la mort de son mari, Mohammed Salama Etmizi, 23 ans, qu'elle avait épousé il y a tout juste trois semaines. Le frère de ce dernier, Mohammed Hilmy Salama, 21 ans, a été tué également, de même qu'un bébé de 3 mois. Trois autres personnes ont été sérieusement atteintes, dont une fillette de 3 ans. Deux autres membres de la même famille n'ont été que légèrement blessés.
Patrouilles sauvages. Après l'embuscade, les tueurs se sont enfuis en direction d'Israël. Peu après, alors que l'attentat n'était pas encore connu des médias, il était revendiqué par «le Comité pour la protection des routes». L'organisation n'est pas inconnue des enquêteurs. Elle s'était fait connaître pendant la première Intifada par des patrouilles sauvages dans les villages arabes au cours desquelles des Palestiniens étaient battus, des boutiques saccagées. Liée au mouvement raciste Kach (interdit par les autorités israéliennes), elle avait été mise hors la loi, tardivement, en 1995, après l'assassinat de Yitzhak Rabin. Sans doute ne s'agit-il pas du même groupe mais plutôt de personnes ayant repris son nom pour profiter de sa notoriété. Avant ce triple assassinat, le comité avait déjà revendiqué ces derniers mois plusieurs actions antipalestiniennes, dont le passage à tabac d'au moins quatre Arabes et l'explosion d'une boutique à Hébron. Une autre organisation israélienne d'extrême droite, le groupe «Shalhevet-Zar», opère également en Cisjordanie. Selon le Shin Beth, les services secrets intérieurs israéliens, il aurait déjà assassiné en juin un chauffeur routier près de Ramallah et blessé sept autres Palestiniens dans d'autres régions.
Moustapha Natche, le maire de Hébron, ne se déclare pas surpris du triple assassinat, qui, pour lui, est la «conséquence» du développement de la violence dans la région. «Il faut savoir que les colons autour de nous célèbrent Baruch Goldstein (auteur du massacre au tombeau des Patriarches qui fit 30 morts le 25/2/1994, ndlr) comme un héros. Et j'ai peur que ce soit désormais la loi des colons qui s'impose. Ils font tout pour que la situation s'envenime. Ils brûlent les voitures des Palestiniens, crèvent leurs pneus... La police israélienne se montre toujours indulgente à leur égard, de même que la justice, qui ne les condamne qu'à des peines légères.» Partisan d'Arafat, le maire craint aussi que le comité soit un avatar d'un réseau de colons qui, au début des années 80, avait choisi l'arme du terrorisme antipalestinien. «On retrouve la même atmosphère qu'à cette époque», insiste-t-il.
Ce groupe avait notamment attaqué le collège islamiste de Hébron, tuant trois lycéens. Il avait aussi piégé les voitures des maires palestiniens de Naplouse, de Ramallah et d'El-Bireh. Lorsque le Shin Beth avait mis fin au réseau, en 1984, après plusieurs années d'enquête, celui-ci projetait de faire sauter la mosquée Al-Aqsa - troisième lieu saint de l'Islam -, à Jérusalem, et des bus palestiniens. Depuis, les 27 membres du réseau terroriste, arrêtés puis relâchés, ont fait amende honorable, reconnaissant pour la plupart que leurs actes avaient desservi la cause des colons.
Dynamite. Le triple assassinat a été condamné par l'ensemble de la classe politique israélienne, y compris par les organisations de colons. Ainsi, le Conseil des implantations juives a jugé que l'action était «moralement et légalement stupide, et pouvait endommager gravement la cause des implantations». Dans une interview accordée peu avant les meurtres au quotidien Yedioth Ahronoth, le chef de la police israélienne, Ephraïm Arditi, déclarait que la ville était devenue «un bâton de dynamite» et que «les activités condamnables des juifs et des Arabes à Hébron pouvaient mettre le feu à la région tout entière». «La force de la haine dans la région peut pousser les faibles à des actions que les gens forts et les gens sages ne seront pas capables de contenir», ajoutait-il; soulignant que plus de la moitié des colons de Hébron avaient déjà des dossiers criminels. Dans le même journal, l'éditorialiste Roni Shaked soulignait que les auteurs du triple assassinat s'étaient «tirés eux-mêmes une balle dans la tête», puisque leur action, loin de mettre fin à la violence, allait au contraire augmenter le désir de revanche et débuter un nouveau cycle de meurtres et d'actions violentes.
                        
4. Liban-Belgique : La plainte contre Sharon est un véritable casse-tête - Des spécialistes étudient un amendement de la loi sur la compétence universelle par Scarlett Haddad
in L'Orient-Le Jour du samedi 21 juillet 2001

La Belgique peut-elle réellement devenir le justicier du monde ? Depuis le procès des génocidaires rwandais en mai dernier devant un tribunal de Bruxelles, près de 150 plaintes ont été déposées auprès du parquet belge et les magistrats sont débordés. Mais les plus dérangés sont sans doute les diplomates de ce pays, qui n’en finissent pas d’expliquer à leurs interlocuteurs qu’en Belgique, la séparation des pouvoirs est totale. Dans ces conditions, quelles sont les chances d’aboutir de la plainte déposée contre Sharon ? Les avocats pensent qu’il faut malgré tout aller jusqu’au bout.
Les médias belges sont en émoi et la presse libanaise ne se fait pas l’écho de ce bouleversement. Pourtant la mise en cause du Premier ministre israélien Ariel Sharon pour sa responsabilité dans les massacres de Sabra et Chatila la concerne en premier. Le Liban tout entier a subi le contrecoup de cette triste affaire et il ne s’en est toujours pas remis. C’est pourquoi l’idée de Me Chebli Mallat de déposer une plainte contre Sharon au nom de 23 survivants libanais et palestiniens des massacres a surpris, certes, mais surtout soulagé les Libanais et soulevé un immense espoir chez tous ceux qui ont souffert de ce genre d’exactions.
En vérité, c’est l’aboutissement du procès des quatre génocidaires rwandais devant un tribunal belge qui a incité Mallat à se lancer dans l’aventure. Que le Parlement belge ait adopté, en 1999, une loi accordant une compétence universelle aux tribunaux belges en matière de crimes de guerre pour régler un vieux sentiment de culpabilité du pays en raison de son passé colonial en Afrique importe peu. Ce qui compte, c’est que cette loi, qui n’a de pareille qu’une législation identique en Nouvelle-Zélande, a ému le monde entier, puisque c’est la première concrétisation de l’idée d’une justice internationale.
Depuis le mois de mai, 150 plaintes ont été ainsi déposées devant le parquet belge contre l’actuel président de Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo, l’ancien président iranien Rafsandjani, l’ex-dictateur chilien Augusto Pinochet, l’ancien chef khmer rouge Khieu Samphan, l’ancien président du Tchad Hissène Habré, l’ancien ministre de l’Intérieur marocain Driss Basri... Bref toutes ces personnalités «peu fréquentables» sont accusées de crimes de guerre. Et la liste peut être encore longue. Le seul problème, c’est que les magistrats belges sont débordés. Toutes ces plaintes nécessitent d’immenses moyens pour mener les enquêtes. Et des voix commencent à s’élever en Belgique contre la lenteur des procès locaux, puisque la magistrature est mobilisée pour les affaires internationales.
Mais le problème le plus grave est provoqué par la plainte contre Sharon qui a poussé ce dernier à annuler une visite à Bruxelles sans fixer une nouvelle date. Pour la Belgique qui préside actuellement l’Union européenne, l’affaire est plus que gênante, car si les Israéliens ont certes compris que ce n’est pas le pouvoir politique belge qui a jugé la plainte recevable, la tension est grande entre les deux parties, à un moment où l’Union européenne aspire à s’impliquer davantage dans le conflit au Moyen-Orient.
Pour l’instant, le juge Collignon, qui a déclaré recevable la plainte présentée par Mallat et ses collègues belges et qui est connu pour son intégrité et son indépendance, se contente d’affirmer que son enquête prendra du temps. De leur côté, les plaignants, qui multiplient les conférences de presse en Belgique et un peu partout dans le monde, voient déjà le moment où, en visite officielle dans un pays européen, Ariel Sharon sera arrêté sur un tapis rouge…pour cause de mandat d’arrêt délivré par le juge belge. Un vrai cauchemar pour la diplomatie belge, mais la situation n’en est pas encore là. Elle en est même loin.
L’avocat libanais et ses deux collègues belges qui se partagent la défense des intérêts des 23 survivants de Sabra et Chatila ont beau cherché à mobiliser l’opinion publique, en Belgique, on cherche de plus en plus à mettre de l’ordre dans le branle-bas provoqué par l’adoption de la loi de compétence universelle des tribunaux belges consacrée en 1999.
Des filtres… pour dégager le parquet
Sous couvert de décharger les tribunaux belges, une équipe de parlementaires, de diplomates et de magistrats de ce pays étudient l’établissement de «filtres» pour, officiellement, réduire le travail du parquet belge. Toute plainte présentée pourrait ainsi être soumise au Parlement qui jugerait de sa recevabilité. Et tant pis pour le principe de séparation des pouvoirs si cher aux démocraties bien ancrées. Autre alternative, une commission de magistrats étudierait la recevabilité des plaintes au lieu de laisser ce pouvoir entre les mains du seul juge du parquet. Troisième possibilité : amender la loi de manière à ce qu’elle ne touche plus les responsables en exercice. Ce serait bien sûr la solution la plus facile, surtout si l’amendement a un effet rétroactif, mais sans doute la moins intéressante pour les droits de l’homme, dont la Belgique est fière de se faire la championne. Car; si ce genre d’amendement fait tout à fait le jeu de la diplomatie, il est loin de répondre aux aspirations des Belges à une justice internationale qui permettrait de poursuivre les criminels de guerre quelles que soient les fonctions qu’ils occupent.
Selon des sources belges, l’amendement devrait être prêt d’ici à la fin de l’année. Ce qui donne quelques mois à peine pour les avocats des plaignants contre Sharon pour mobiliser l’opinion publique afin que cette affaire ne soit pas refermée «pour raison d’État».
                    
5. Les "Huit" (pays les plus riches du monde) prônent l'envoi urgent d'observateurs d'une tierce-partie au Moyen-Orient par Jane Perlez
in The New York Times (quotidien américain) du vendredi 20 juillet 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

EXTRAIT - En réponse à la flambée de violence qui ne fait qu'empirer, au Moyen-Orient, les ministres des affaires étrangères des principaux pays industrialisés ont dit aujourd'hui aux Israéliens et aux Palestiniens qu'ils sont favorables à l'envoi sur place d'observateurs neutres, appartenant à une "tierce-partie", ce qui est, à leurs yeux, la solution la plus sûre permettant de stopper la détérioration de la situation.
Au cours d'une nouvelle explosion de violence, ce jour, au Moyen-Orient, des Israéliens armés de fusils ont tué, près d'Hébron, trois membres d'une même famille palestinienne, parmi lesquels un bébé, et blessé plusieurs autres personnes.
Les objections renouvelées d'Israël contre tout projet d'envoi d'observateurs étrangers étant connues, la décision des ministres (des "Huit"), parmi lesquels le Secrétaire d'Etat américain Colin L. Powell, a pu être considérée tout autant comme le reflet de (leur) déception face à un cessez-le-feu volant en éclats, que comme une initiative visant à prendre une part plus active à la promotion de la paix.
La politique de l'administration Bush en matière de paix au Moyen-Orient a évolué de manière significative durant les six premiers mois du mandat présidentiel, passant d'une approche d'observation prudente préparatoire à un engagement des plus timides, à l'obtention du cessez-le-feu actuel, il y a cinq semaines environ. Il y a tout juste deux semaines, le Secrétaire d'Etat Powell, de passage à Jérusalem, avait incité à passer à l'étape suivante, disant que des observateurs seraient nécessaires afin de contrôler le cessez-le-feu entre Israéliens et Palestiniens, si les deux parties en convenaient, et fixant un échéancier pour la transition vers des négociations politiques (et non plus de simples pourparlers sécuritaires).
La formulation utilisée par la déclaration des ministres des affaires étrangères sur les observateurs, jointe à leur communiqué officiel, avait été contrôlée, avant publication, par la délégation américaine accompagnant les experts chevronnés versés dans les problématiques moyen-orientales placés auprès du Secrétariat d'Etat, afin de s'assurer qu'elle n'outre-passait pas la politique du premier ministre israélien, Ariel Sharon.
Après une conférence de presse au cours de laquelle le communiqué fut livré à la discussion, un haut responsable de l'administration (américaine) a déclaré que les Etats-Unis étaient satisfaits de cette déclaration, car la référence à une "tierce partie" n'implique nullement que l'ONU ou l'Union européenne seraient nécessairement les instances qui fourniraient les observateurs.
Israël a constamment objecté à l'envoi d'observateurs "internationaux", mais il a aussi exprimé plus d'inclinaison à traiter avec des observateurs d'une "tierce-partie", a indiqué le haut fonctionnaire. Les observateurs d'une tierce-partie avec lesquels Israël se sentirait le plus à l'aise seraient ceux provenant des Etats-Unis, a-t-il ajouté.
Mais les responsables israéliens ont rejeté cette suggestion, invoquant le fait que la création d'une équipe d'observateurs serait sans objet, voire même risquée, en l'absence d'un cessez-le-feu effectif...
"Nous sommes convaincus que ce dont nous avons besoin, ce n'est pas d'observateurs, mais d'observance, en l'occurrence, d'observance par les Palestiniens du cessez-le-feu", a déclaré Avi Pazner, un porte-parole du gouvernement israélien.
Dore Gold, conseiller de M. Sharon, a déclaré que le président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, considérerait l'envoi d'observateurs comme une victoire. "Il y a un (réel) danger qu'Arafat ait la perception que sa politique de violence se voit récompensée, il serait alors encore plus difficile de le dissuader de recourir à la violence, à l'avenir", a-t-il poursuivi.
Les Israéliens sont satisfaits de voir les ministres du G8 déclarer qu'Israéliens et Palestiniens devaient donner leurs agrément, les uns comme les autres, en la matière. Israël n'est pas systématiquement opposé à ce que des observateurs soient envoyés sur le terrain, a indiqué M. Pazner, qui a fait remarquer qu'il y a des observateurs de différents pays, dans le Sinaï, dont la mission est de sauvegarder la paix entre l'Egypte et Israël, ainsi qu'une force des Nations Unies, sur les hauteurs du Golan, qui surveille le maintien d'un cessez-le-feu proclamé il y a désormais vingt-huit ans, entre Israël et la Syrie.
Mais dans une situation aussi volatile que la situation présente, "c'est dangereux, et nous pensons que cela ne pourrait que compliquer encore les choses", a-t-il conclu.
"Il est évident", a dit M. Pazner, reprenant la parole, "que, dans la situation présente - j'insiste : la situation actuelle - il ne saurait y avoir d'agrément de la part d'Israël à la venue d'observateurs".
Nabil Shaath, ministre de la planification et de la coopération internationale de l'Autorité palestinienne, a salué l'initiative des ministres (des affaires étrangères) du G8 en ces termes : "la seule présence d'une tierce-partie sur le terrain représente une avancée positive".
"Ce qui est attendu, maintenant, de ces pays, c'est qu'ils oeuvrent afin d'amener Israël à accepter la présence d'une tierce-partie", a dit M. Shaath. "Il s'agit-là d'une requête palestinienne, qui ne date pas d'hier. Et voilà qu'aujourd'hui, elle reçoit enfin un appui international".
Des diplomates ont révélé que les échanges les plus animés, entre les ministres des affaires étrangères des pays du G8, qui ont passé en revue des sujets mondiaux du moment allant de la globalisation au contrôle des armements, furent ceux échangés autour de la situation au Moyen-Orient. Au coeur de la discussion se trouvait la question de savoir jusqu'où il convenait d'aller dans l'incitation des deux parties à accepter des observateurs comme moyen garantissant la mise en application des recommandations Mitchell, qui tracent une voie vers des négociations entre les Israéliens et les Palestiniens.
Bien que l'appel à l'envoi d'observateurs ait été des plus appuyés, il n'était pas encore assez incitatif, au goût de certains pays. "Le truc, c'est de persuader les Israéliens que des observateurs servent à quelque chose", a confié un diplomate européen.
Tous les ministres des A.E., y compris le russe Igor S. Ivanov, sont convenus que le rapport rédigé par l'ancien sénateur américain George Mitchell doit constituer le fondement d'une tentative d'amener les Israéliens et les Palestiniens à faire un pas en avant afin de sortir de la violence, suivi par une période au cours de laquelle les deux parties prendraient des mesures afin de restaurer la confiance entre elles. La phase finale devrait être celle d'une reprise des négociations de paix.
La conférence des ministres des A.E., aujourd'hui, a abordé une bonne partie des thèmes dont leurs chefs de gouvernement débattront lorsqu'ils tiendront leur rencontre au sommet à Gênes, vendredi. Au cours de ce qui constituait en quelque sorte une avant-première de ce sommet mondial, au cours duquel le président Bush fera son entrée dans le grand monde du G8, les ministres ont débattu de contrôle des armements, mais en évitant soigneusement le sujet spécifique du Traité sur les missiles antibalistiques (ABM). Ils ont préféré mettre l'accent, dans leur communiqué, sur "la grande importance des régimes existants en matière de traités multilatéraux".
Le traité ABM, dont l'administration Bush a laissé entendre qu'elle pourrait se retirer, est un agrément bilatéral entre la Russie et les Etats-Unis. En se référant aux "régimes existants", les ministres n'ont pas entériné le Traité sur le bannissement général des tests (nucléaires), un traité multilatéral qui n'a pas encore d'existence légale parce que les Etats-Unis, entre autres, ne l'ont pas encore ratifié.
Au cours de la session de ce jour consacrée au contrôle des armements, les diplomates ont indiqué que le Canada a été la seule nation à s'élever contre les projets de l'administration Bush en matière de défense balistique. Ce à quoi le Secrétaire d'Etat américain, Powell, a apporté une réponse qualifiée de "rassurante" par plusieurs diplomates, lorsqu'il a réaffirmé, au cours de cette conférence tenue à huis-clos, que Washington continuerait à pratiquer la concertation avec ses alliés et avec la Russie sur ses intentions en matière de traité ABM. [...]
                  
6. La Suisse n'accepte pas l'annexion de Jérusalem-Est par Muriel Berset Kohen
in Le Temps (quotidien suisse) du vendredi 20 juillet 2001

["Le Temps, qui tire à 100 000 exemplaires est né de la fusion, en 1998, du “Nouveau Quotidien” et du “Journal de Genève et Gazette de Lausanne”. "le Temps" se veut premier quotidien de Suisse romande, organe d'information d'envergure internationale et plate-forme de débat pour l'avenir du "modèle suisse".]
Muriel Berset Kohen, porte-parole du DFAE, en réponse notamment à une lettre du professeur Albert de Pury publiée hier dans «Le Temps» accusant la Suisse d'avoir «baissé pavillon» en installant une représentation à Ramallah, affirme qu'au contraire, Berne est désormais mieux représenté auprès des Palestiniens.
Que s'est-il vraiment passé entre Jéricho, Ramallah et Jérusalem-Est ? Où la Suisse est-elle maintenant présente auprès des Palestiniens ? Après diverses informations à ce sujet dans les médias depuis que le Département fédéral des affaires étrangères a annoncé, le 9 juillet dernier, l'ouverture d'une Représentation officielle auprès de l'Autorité palestinienne à Ramallah, il apparaît nécessaire de revenir sur les faits afin d'éviter qu'un malentendu ne s'installe.
La Suisse dispose maintenant d'un Bureau de la coopération au développement et de l'aide humanitaire à Jérusalem-Est et d'une Représentation de la Suisse auprès de l'Autorité palestinienne à Ramallah.
La Suisse s'était installée en 1994 à Jéricho, mais il s'est avéré par la suite que la structure de Jéricho était inopérante car l'Autorité palestinienne ne s'était pas installée à Jéricho, comme tout le monde s'y attendait. Pour des raisons pratiques, la Suisse avait alors loué des locaux à Jérusalem-Est, depuis lesquels Mme Tonti et ses collaborateurs géraient les programmes d'aide au développement et d'aide humanitaire. Ces mêmes activités sont et seront poursuivies depuis ces mêmes locaux par le successeur de Mme Annick Tonti, Mme Rosmarie Schelling, qui prend ses fonctions le 1er août prochain.
Entre-temps, plusieurs institutions officielles palestiniennes ont choisi Ramallah ; la ville s'est développée comme un des centres principaux de la Cisjordanie. C'est donc là que de nombreux pays ont décidé d'ouvrir une Représentation auprès de l'Autorité palestinienne. Il était temps pour la Suisse de disposer elle aussi d'une structure pouvant travailler efficacement avec les institutions palestiniennes et en collaboration avec les autres représentations étrangères. D'accord avec le Ministère palestinien du plan et de la coopération internationale, la Suisse a ainsi décidé d'ouvrir une Représentation à Ramallah.
On peut donc dire que la Suisse est maintenant mieux représentée qu'elle ne l'était auparavant.
Encore un point : cette nouvelle situation sur place ne change en rien la position de la Suisse sur Jérusalem-Est qui est partagée par la grande majorité de la communauté internationale : le Conseil fédéral a affirmé à maintes reprises le principe de l'illégalité de l'acquisition de territoires par la force, principe consacré par le droit international. L'extension de la souveraineté israélienne à la partie est de Jérusalem (1980) est donc un acte unilatéral inacceptable.
                  
7. Assaad Abdel Rahmane, ministre palestinien des Réfugiés : "Le cessez-le-feu ? Un scénario sharoniste"
in L'Hebdo Magazine (hebdomadaire libannais) du vendredi 20 juillet 2001

Le verbe éloquent, le ministre palestinien des Réfugiés Assaad Abdel Rahmane s'étend sur les réalisations de l'intifada. Il insiste sur la réunification, sérieuse cette fois, des rangs palestiniens. Mais il n'écarte pas, tout à fait, les problèmes que risque d'affronter leur Autorité. Interview.
— Quelles ont été les répercussions du dernier cessez-le-feu sur l'action de l'intifada ?
— Quand Israël a annoncé le cessez-le-feu, nous avons voulu que cette décision soit sérieuse et réellement appliquée. Malheureusement, ceci n'a pas été le cas. Ce n'était qu'un scénario de Sharon, des Etats-Unis, de certains pays européens et même arabes. Chacun savait que Sharon n'arrêterait pratiquement pas les attaques, surtout après l'opération à Tel-Aviv. Les agressions israéliennes ont continué donc, ce qui nous a poussés à riposter, pour nous défendre.
— Mais qu'a réalisé l'intifada pour le peuple palestinien depuis la reprise des affrontements ?
— L'action de l'intifada est un mouvement de longue haleine. Sa raison d'être est la défense du peuple palestinien contre les agressions israéliennes et le projet d'implantation... Son but reste la sauvegarde de l'entité et des droits de ce peuple. Nous nous défendons et notre riposte a été bénéfique, car les Israéliens souffrent aujourd'hui autant que nous tant sur le plan humain que politique et économique. Nous n'acceptons plus de croiser les bras face aux attaques. Ceci a quand même fait bouger les choses du côté international et a retenu l'attention de l'opinion publique...
— Le quotidien israélien Maarev avait relevé qu'Ariel Sharon était de plus en plus déterminé à appliquer le plan d'élimination politique de Yasser Arafat et de l'actuelle Autorité palestinienne. Qu'en est-il vraiment ?
— Ce plan est nouveau et ancien. Au fait, si Sharon et la droite s'y accrochent tellement aujourd'hui, c'est parce qu'ils sont convaincus que les accords d'Oslo ont été une catastrophe pour l'Etat d'Israël. Certaines parties de gauche appuient également ce plan, parce qu'elles considèrent que l'Autorité palestinienne n'a pas été assez «coulante» vis-à-vis des conditions israéliennes.
— Pourtant, beaucoup l'ont accusée de l'avoir été un peu trop !
— Justement, une des réalisations de l'intifada est d'avoir écarté le doute sur la flexibilité de l'Autorité. Il y a même eu accusation de trahison. Reste que l'Autorité palestinienne, à l'instar de tous les pays arabes, respecte toujours les décisions internationales. De toute façon, chaque fois qu'Israël pousse l'arrogance jusqu'à décider du leadership palestinien, le peuple s'accroche de plus en plus à ses représentants actuels. Israël croit qu'en remuant ce plan, il peut exercer des pressions sur l'actuelle Autorité. C'est une sorte de chantage. Toujours est-il que ce ne sont pas les leaders ou les personnes qui comptent aux yeux du peuple, mais l'Autorité, qui saura sauvegarder et protéger leur projet national. Même si l'élimination a lieu, les Palestiniens n'accepteront pas des représentants agents d'Israël. D'ailleurs, l'histoire montre que les essais du genre n'ont jamais réussi à Israël.
— On ne parle plus du dossier des réfugiés ces derniers temps. Pourquoi ?
— Ce sujet, comme d'autres d'ailleurs, est gelé. Le principal étant la lutte existentielle que nous menons depuis des mois.
— Est-ce que le comité multitendance pour les affaires des réfugiés palestiniens a repris ses activités dernièrement ?
— Aucun comité n'agit en ce moment, que ce soit à un niveau bilatéral ou international.
— Y aurait-il de nouvelles coordinations avec l'Etat libanais ?
— De nombreux contacts ont été effectués. Ceci a réduit les tensions et les appréhensions existant a priori. L'intifada a permis un certain rapprochement des points de vue, notamment entre Libanais et Palestiniens d'une part, Palestiniens et Syriens de l'autre.
— Sur quoi toutes ces parties se sont-elles mises d'accord ?
— En deux mots: l'appui de l'intifada et le refus de l'implantation.
— Des voix libanaises et surtout palestiniennes se sont élevées contre la loi sur la propriété empêchant tout Palestinien d'acquérir une propriété immobilière...
— C'est une affaire libanaise. Nous espérons que cette erreur soit rectifiée. D'ailleurs, une campagne dans ce sens a commencé au Parlement.
— Cette loi serait une façon de se défendre, entre autres, contre tout projet d'implantation...
— Croyez-moi, nous promettons de ne pas rester une minute de plus si nous réussissons à regagner notre patrie...
                
8. Encore une poignée de mains, et pourtant... bientôt l'assaut final
in L'Hebdo Magazine (hebdomadaire libannais) du vendredi 20 juillet 2001

Malgré l'activisme des diplomaties égyptienne, américaine et européenne, l'engrenage «action-réaction» s'emballe dans les territoires. Tous les ingrédients semblent réunis pour la grande confrontation finale...
Il suffit du moindre signe, de l'expression du visage décontractée de tel ou tel responsable, d'une déclaration considérée comme apaisante, d'une tape amicale sur l'épaule, et surtout d'une poignée de mains pour que l'espoir renaisse et que pointe à l'horizon l'avenir radieux. Sept années de discours sur la paix et ses promesses ont profondément influencé la conscience et l'imaginaire de nombre d'observateurs de la réalité moyen-orientale. Ce n'est pas un hasard si le messager de l'espoir a, encore une fois, été le visionnaire Shimon Peres, l'un des concepteurs du processus d'Oslo et le prophète du nouveau Moyen-Orient. Toutefois, neuf mois d'intifada ponctués de trêves, de cessez-le-feu, de reprises de contacts, qui débouchent tous sur une reprise des affrontements, ont refroidi quelque peu même les plus naïfs des optimistes. A peine une reprise de contact au Caire censée avoir arrêté, pour le moment, l'assaut final contre les Palestiniens qu'un attentat kamikaze fait voler en éclats toutes ces analyses. Malgré les efforts diplomatiques, l'engrenage semble bien emballé vers la grande confrontation tant prévue. Selon les révélations du quotidien Maarev, un rapport des services de renseignements israéliens préconisait déjà depuis la mi-octobre 2000, c'est-à-dire sous le gouvernement Barak, une offensive d'envergure pour détruire l'Autorité palestinienne. La multiplication des fuites, des déclarations incendiaires ou apaisantes de différents officiels israéliens révèle en réalité l'existence d'un débat au sein du gouvernement, de l'armée et des services de renseignements sur la stratégie à suivre face aux Palestiniens. A l'origine de ce débat, il y aurait des diagnostics divergents de la situation palestinienne. Le chroniqueur Zeev Shiff rappelle que les services de renseignements militaires prétendent qu'Arafat contrôle dans une large mesure la rue palestinienne alors que le Shabak estime que le contrôle d'Arafat sur la situation est limité par des contraintes objectives. Le Shabak considère qu'Arafat est dépassé, non seulement par la rue et l'intelligentsia palestinienne, mais d'abord par sa propre organisation, le Fatah, ainsi que par ses services de sécurité et par le Hamas et le Djihad islamique. La situation objective, c'est-à-dire l'absence de continuité géographique entre les zones autonomes palestiniennes, la structure même de l'Autorité palestinienne et ses divergences internes rendent les choses encore plus difficiles. Plus le temps passe, plus l'Autorité d'Arafat s'érode, et il en est conscient. Cet exposé du point de vue du Shabak par Zeev Shiff qui en épouse les grandes lignes en opposition à celui exprimé par les renseignements militaires se termine cependant par la même conclusion: Arafat est le responsable de la situation actuelle. Un autre commentateur israélien, Dani Rubinstein, souligne que «les francs-tireurs palestiniens à Gaza et en Cisjordanie continuent, en dépit des ordres d'Arafat, à tirer sur des cibles israéliennes. Arafat est aujourd'hui un leader très angoissé et sa marge de manœuvre s'est considérablement rétrécie. Il voit son autorité se décomposer et craint son effondrement total». Qu'il soit considéré comme le chef d'orchestre de l'intifada ou comme le président d'une Autorité palestinienne impuissante, sa simple présence assure à l'intifada une couverture politique arabe et internationale, qui, bien qu'insuffisante, entrave le plein emploi de la puissance militaire israélienne. Depuis le cessez-le-feu déclaré début juin, 330 attaques palestiniennes ont été recensées, provoquant la mort de dix Israéliens; durant la même période, vingt et un Palestiniens ont été tués, ce qui signifie que pour chaque mort israélien, il y a deux morts palestiniens. La haute hiérarchie militaire, convaincue de la nécessité d'une opération d'envergure, trouve dans ce contexte le prétexte idéal pour intensifier ses pressions afin de rallier à cette option les ministres réticents et l'opinion. Bien que l'intifada ait dès le début représenté un défi stratégique pour Israël en tant qu'insurrection populaire et armée au sein de son espace sécuritaire, l'intensification des actions de résistance et la multiplication des opérations kamikazes créent une situation nouvelle aux conséquences imprévisibles lourdes de menaces. Celles-ci commencent à se faire sentir sur l'économie israélienne, par exemple. Martine Gozlan indique que «le taux de croissance s'est effondré de 50%, les exportations stagnent, le déficit commercial s'envole. Les investissements dégringolent: de 5 milliards de dollars en 1999, ils ne se chiffrent plus qu'à 1,5 milliard. Le bâtiment et l'agriculture marquent le pas: la main-d'œuvre palestinienne, majoritaire, est aujourd'hui bouclée dans les territoires. Même les travailleurs immigrés de Roumanie, de Thaïlande, venus tenter leur chance dans l'eldorado de l'après-Oslo, se retrouvent de plus en plus fréquemment sur le pavé. Avec un taux de chômage de 9% pour l'ensemble des Israéliens, la situation est pire qu'en 1996, année de turbulence sociale». Horrifiés, les économistes avouent qu'il faut remonter au milieu des années 1960 pour retrouver une conjoncture aussi néfaste. Les rentrées en devises étrangères dues au tourisme s'élevaient à 5 milliards de dollars en 2000. Aucun effort sur les infrastructures n'inversera leur effondrement en 2001 si une alternative politique ne rend pas crédible un cessez-le-feu conclu en juin mais toujours inopérant. Construits il y a quelques années au temps de la ruée des visiteurs, 25 hôtels viennent de fermer et des douzaines d'autres sont au bord de la faillite. Aux joyeuses images de la côte méditerranéenne, sensuelle et fêtarde, ont succédé celles des voitures piégées et des corps déchiquetés.
Ce contexte renforce les pressions exercées par une opinion publique radicalisée et par l'armée et les services de renseignements sur le gouvernement pour une opération d'envergure contre les Palestiniens. Les opposants à une telle opération au sein du gouvernement, à la tête desquels se trouve Shimon Peres, avancent plusieurs arguments: d'abord, la politique de restreinte a eu de bons résultats diplomatiques et médiatiques aux Etats-Unis et en Europe, incitant ces derniers à enjoindre Arafat à calmer ses troupes. Ensuite, cette même politique a permis de préserver l'unité de la coalition gouvernementale israélienne elle-même. De plus, un troisième argument a été explicité par Peres lui-même durant sa visite au Caire. Démentant les informations de la revue Jane's Foreign Report sur l'imminence d'une vaste opération militaire israélienne, ce dernier expliquera qu'«Israël n'a aucune intention de mener une offensive terrestre, d'attaquer Arafat ou de l'expulser. Arafat est à nos yeux le leader élu des Palestiniens, et il les représente». Selon les tenants de cette ligne, Arafat est le moins pire des interlocuteurs qu'Israël pourrait avoir. Martin Indyk joindra sa voix à ces derniers lorsqu'il affirmera qu'«Israël ne doit pas faire confiance à Arafat mais elle n'a d'autres partenaires que lui». Ces réticences au sein du gouvernement israélien, s'ajoutant aux efforts diplomatiques américains, égyptiens et européens, ont réussi apparemment à arrêter, pour le moment, l'attaque... En attendant, le gouvernement israélien poursuit ce que François Thual appelle une stratégie de confinement territoriale, politique et économique de l'Autorité palestinienne. Sur le plan territorial, celle-ci consiste à pérenniser la ghettoïsation des Palestiniens dans les enclaves territoriales, baptisées zones autonomes, par le bouclage d'une part et par la continuation de la confiscation des terres, la destruction de maisons et la construction de colonies d'autre part. Israël réduit ainsi, au fil des jours, l'espace physique d'existence des Palestiniens. Sur le plan politique et diplomatique, Israël cherche à décrédibiliser l'Autorité palestinienne à la fois sur les plans interne et extérieur. En exigeant d'elle un retour au calme total sans contrepartie politique, il tente de la couper de sa base populaire et de remettre en cause l'unité des rangs palestiniens qui a prévalu jusqu'à l'heure actuelle. En parallèle, il mène une offensive politique et médiatique au niveau international pour prouver son implication dans les actions de résistance, et donc son absence de respect du cessez-le-feu déclaré début juin. Il continue par ailleurs ses attaques contre ses institutions, ses services et ses infrastructures, visant à l'affaiblir davantage. Sur le plan économique, Israël poursuit son entreprise de destruction de l'économie palestinienne et de pillage des ressources pour alimenter en eau les colonies de Cisjordanie et de Gaza, mais aussi une partie importante des villes israéliennes. Cette stratégie du confinement continue en attendant le moment propice pour l'assaut final. Du côté palestinien, les options semblent bien limitées: la continuation de l'intifada ou la reddition pure et simple. Malgré les mesures de bonne volonté entreprises par l'Autorité palestinienne, c'est-à-dire l'arrestation d'une quarantaine de militants palestiniens armés depuis le début du plan Tenet, celle-ci ne peut s'engager à faire respecter un cessez-le-feu total sans concessions israéliennes. Elle risque de se trouver en prise avec sa base dans le cas contraire. Dans une interview qu'il a accordée au quotidien Le Monde du 12 juillet, Marwan Barghouti, le responsable du Fatah en Cisjordanie, soutient que «c'est le peuple palestinien qui a déclenché l'intifada. Le soulèvement n'est pas le résultat d'ordres donnés et ne prendra pas fin par la décision de quelqu'un». Il soulignera par ailleurs qu'il soutient le principe d'un cessez-le-feu à partir des zones sous contrôle total de l'Autorité palestinienne, c'est-à-dire ce que les accords d'Oslo avaient désigné sous l'appellation Zone A. En revanche, il réaffirme le principe de la résistance dans les zones occupées par l'armée israélienne et le long des colonies de peuplement juives. Le propos du responsable du Fatah, la propre organisation de Yasser Arafat, rend compte de l'état d'esprit dominant dans les territoires palestiniens. De leurs côtés, le Hamas, le Djihad islamique ou le FPLP (qui a effectué son grand retour sur la scène de la lutte armée) ont signalé par leurs actions leur détermination à continuer dans la voie de la confrontation. Désormais, l'ensemble des acteurs palestiniens converge sur les grandes lignes de la stratégie à suivre face à un ennemi qui, selon Toufic Tiraoui, chef des services de renseignements extérieurs, «est dominé par une mentalité coloniale. Il ne connaît que le langage de la force, du mépris et de l'arrogance! Impossible de parler de paix avec des gens pareils». Une division du travail semble avoir été établie entre l'Autorité palestinienne et les organisations de résistance dans le cadre de laquelle celle-ci prend en charge la gestion politique du conflit, alors que les seconds continuent et intensifient les opérations de résistance. L'objectif reste le même depuis le début de l'intifada: l'internationalisation de la crise. La politique de bord du gouffre actuelle vise à accélérer une telle internationalisation.
3 000 arrestations
Une étude publiée par l'Association des détenus palestiniens signale la présence de 2500 détenus dans les prisons israéliennes, dont 130 mineurs de moins de 18 ans des deux sexes. Les cellules des centres de détention sont surpeuplées et le recours à la torture, malgré la décision de la Haute Cour de justice israélienne de l'interdire, est courant... La méthode favorite pour obtenir des aveux, surtout avec les mineurs, est la menace du viol. Plusieurs viols ont par ailleurs été signalés.
La destruction de maisons continue
Une dizaine de maisons ont été occupées par l'armée israélienne depuis le début de l'intifada en septembre 2000 et certaines ont été transformées en postes militaires. Par ailleurs, l'armée israélienne occupe souvent les toits de certaines habitations alors que leurs propriétaires y habitent encore. Depuis le début de la confrontation, plus d'une centaine de maisons palestiniennes ont été détruites et des centaines d'autres sérieusement endommagées.
                    
9. L'étrange impunité des extrémistes israéliens
Dépêche de l'Agence France Presse du vendredi 20 juillet 2001, 14h20

JERUSALEM - Condamné par les autorités israéliennes et les représentants des colons, le meurtre de trois Palestiniens dont un nourrisson dans une embuscade jeudi près de Hébron pose des questions sur l'impunité des extrémistes juifs.
Cet attentat, sur fond d'attaques meurtrières palestiniennes, n'est pas un acte isolé. Il intervient après au moins trois attaques armées contre des Palestiniens ces dernières semaines, dont l'une a causé la mort d'un chauffeur de camion, ainsi que des dizaines d'agressions.
Dans de rares cas, des suspects israéliens ont été arrêtés. Aucun n'a été maintenu en détention. Pratiquement tous les Israéliens condamnés dans le passé pour des actes de violences ont bénéficié de remises de peine.
"Toutes ces années les autorités, police, juges ou gouvernants, ont fait preuve d'un laxisme extraordinaire vis-à-vis du terrorisme juif", déclare à l'AFP la députée Zahava Gal On, du parti de gauche Meretz.
Elle en voit une illustration dans la grâce présidentielle dont a bénéficié cette semaine une femme colon Margalit Har-Shefi, impliquée indirectement dans l'assassinat de l'ex-Premier ministre Yitzhak Rabin en 1995. Elle va sortir de prison après avoir purgé six des neuf mois auxquels elle a été condamnée.
Selon la députée, le service de sécurité intérieure israélien Shin Beth s'efforce d'empêcher des attentats d'extrémistes juifs et d'arrêter leurs auteurs.
"Mais on ne peut lutter contre le terrorisme juif sans s'en prendre à ceux qui incitent au meurtre", ajoute-t-elle.
Le chef du Shin Beth, Avi Dichter, a fait état cette semaine de l'existence "d'une cellule terroriste juive" mais a estimé qu'il n'y avait pas de véritable réseau clandestin.
Il y a vingt ans, un procureur de haut rang, Me Judith Karpp, s'était alarmée du laxisme des autorités à l'égard des colons, dans un rapport qui avait fait grand bruit, mais qui n'avait pas été suivi d'effet.
Au début des années 1980, c'est un véritable "réseau terroriste juif" qui est démantelé, après avoir tué trois Palestiniens et préparé un attentat contre l'Esplanade des mosquées (le Mont du Temple pour les juifs) à Jérusalem. Les chefs du réseau, lourdement condamnés, bénéficièrent tous de remises de peine.
Lorsqu'en février 1994 Baruch Goldstein, un colon extrémiste massacre 29 Palestiniens qui priaient à Hébron, son crime fut dénoncé. Mais sa tombe devint un lieu de pèlerinage.
Plus récemment, des colons se sont livrés à des actes de vandalisme anti-palestiniens à Hébron, incendiant des échoppes et s'en prenant à des soldats après la mort en mars d'un bébé de colons tué par un tireur palestinien.
Le ministre de la Défense Binyamin Ben Eliezer promit "d'en finir avec l'anarchie des colons". Mais tous les colons interpellés ont été libérés.
"Enquêter sur ce genre d'incidents est très compliqué", soutient un porte-parole de la police.
La police a indiqué vendredi qu'elle soupçonnait en premier lieu des extrémistes juifs d'avoir commis l'attentat de jeudi soir près de Hébron.
Selon elle, les assaillants ont pris en chasse la voiture palestinienne et l'ont mitraillée à bout portant avant de fuir en direction d'Israël. Ils ont franchi ensuite un barrage militaire israélien situé à environ 500 mètres, sans être inquiétés, selon des témoins.
L'attentat a été revendiqué par "le comité pour la sécurité sur les routes", un groupe formé de colons extrémistes, lié au Kach, officiellement hors la loi mais toléré par les autorités.
En décembre 1993, trois Palestiniens avaient été tués dans le même secteur lors d'une attaque similaire. Les coupables courent toujours.
                 
10. Comment Barak a fini par exaspérer Clinton... par Alan Sipress
in International Herald Tribune (quotidien anglophone publié à Paris) du jeudi 19 juillet 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Des observateurs relatent les tensions lors des négociations de Camp David, l'année dernière.
Bien que le président Clinton eût fait rejaillir publiquement sur les Palestiniens la responsabilité de l'échec du sommet pour la paix de Camp David en juillet dernier, il se montrait exaspéré, en privé, par les tactiques de négociations de l'ancien premier ministre israélien, Ehud Barak, à en croire les confidences d'un conseiller-clé de la Maison Blanche.
Dans un article - à paraître - dans la New York Review of Books, Robert Malley, alors assistant spécial de M. Clinton pour les affaires israélo-arabes, remet en question l'opinion très répandue, selon laquelle le leader palestinien Yasser Arafat serait le seul coupable de l'échec du sommet de Camp David, qui fut, on le sait, suivi de peu par une flambée de violence au Moyen-Orient.
M. Malley et le co-auteur de l'article, Hussein Agha, qui est un universitaire aux conseils duquel la direction palestinienne fait souvent appel, écrivent que les erreurs de M. Barak ont (largement) contribué à la rupture (des négociations). Ils ajoutent que l'équipe américaine des bons offices avait fini, en dernier ressort, par les tenir pour négligeables, car ils étaient convaincus que M. Barak désirait rejoindre un accord définitif de portée historique.
Les deux auteurs écrivent que le premier ministre israélien a contribué à rassembler les éléments de l'échec en refusant de mener à bien certains arrangements préliminaires avec les Palestiniens, notamment un engagement à restituer la Cisjordanie, en étendant les colonies de peuplement juif dans les territoires occupés et enfin, en poussant M. Arafat à donner son agrément à un marché de la paix "à prendre ou à laisser". Ceci a nourri les suspicions de M. Arafat quant aux motifs réels d'Israël, renforcé sa réticence à signer un accord définitif. Ainsi, il passa les journées de négociations plus à tenter d'éviter de tomber dans un piège qu'à rechercher la paix, c'est du moins l'appréciation donnée par l'article, qui sera publié par la New York Review of Books, le 9 août prochain.
M. Clinton fut amené à partager l'irritation ressentie par M. Arafat, face à ce qu'ils considéraient tous deux comme l'incapacité d'Israël à respecter ses engagements, écrivent les deux auteurs de l'article. Lorsque M. Barak renia sa promesse de transférer trois villages de la région de Jérusalem à la souveraineté de l'autorité palestinienne - promesse transmise à M. Arafat par M. Clinton en personne - ce dernier devint "furieux".
L'article le cite pour avoir dit qu'il n'avait encore jamais dû, jusqu'alors, jouer le rôle du "faux prophète" vis-à-vis d'un dirigeant étranger...
M. Malley relate aussi un "moment extraordinaire", à Camp David, lorsque M. Clinton donna libre cours à une frustration longtemps refoulée, après que M. Barak eût renié certaines positions avancées au cours des négociations.
L'article cite M. Clinton pour voir dit à M. Barak : "Je ne peux (tout de même) pas aller voir Arafat avec un rabais !"
"Ce n'est pas vrai... " aurait ajouté M. Clinton, d'après l'article. "Ce n'est pas sérieux... ". M. Clinton reprocha alors au dirigeant israélien d'avoir été incapable de se montrer plus conciliant au cours de précédentes négociations, avec les Syriens.
M. Clinton dit qu'afin de rencontrer l'ancien président syrien, Hafez Al-Assad, "il était allé à Genève, s'y était senti comme une marionnette marchandant à la place de Barak" et qu'il "ne permettrait pas que cela se renouvelle, ici".
M. Clinton conseilla aussi à M. Barak de faire preuve de quelque flexibilité et de prendre les sentiments des Palestiniens en compte. "Vous êtes plus intelligent et plus expérimenté que moi en matière militaire", dit M. Clinton. "Mais je suis plus ancien que vous dans la politique et j'ai su tirer parti de mes erreurs".
Au même moment, M. Malley rapporte que M. Clinton était irrité de voir que les Palestiniens
 faisaient preuve de mauvaise volonté en refusant de répondre à certaines des propositions très conciliantes que M. Barak et lui-même avaient mises sur la table.
M. Clinton et son équipe de conseillers attendaient de M. Arafat qu'il fasse des contre-propositions afin que le désir proclamé par Israël de parvenir à un accord puisse être pris au mot. Mais M. Arafat et ses conseillers étaient paralysés par la peur de "se faire avoir" ainsi que par les dissensions et les intrigues au sein de leur équipe de négociateurs, avance l'article.
Les auteurs relatent comment M. Clinton s'en prit vivement à Abu Alaa, l'un des négociateurs palestiniens en chef, qui avait refusé un marchandage basé sur une carte proposée comme solution partielle : "Ne vous contentez pas de me dire que la carte des Israéliens n'est pas bonne ! Donnez m'en plutôt une meilleure !"
Les Palestiniens ayant refusé, M. Clinton éclata : "Je ne peux tolérer que les Etats-Unis soient amenés à couvrir des négociations menées de mauvaise foi. Coupons là !"
Peu avant la fin du sommet, .M Clinton rabroua M. Arafat : "Si les Israéliens ne peuvent pas faire de compromis, et vous non plus, je pense que je ferais mieux de rentrer chez moi. Il y a quatorze jours que vous êtes ici, et vous avez dit "non" à tout propos. Ceci aura des conséquences. Le processus de paix se terminera par un échec".
"Laissez ce bon D... de sommet s'effondrer, et vous devrez en supporter les conséquences toute votre vie", aurait déclaré M. Clinton.
Lors de la clôture de Camp David, M Clinton, déçu, reprocha à M. Arafat d'avoir manqué une chance historique de pouvoir conclure un accord, brisant une promesse (précédente) qu'il avait faite de ne pas tenir M. Arafat pour responsable d'un échec éventuel.
Dans les semaines qui ont précédé le sommet, M. Arafat attendait des Israéliens qu'ils fassent leurs propositions pour un accord intérimaire, avant d'en passer à l'examen d'un accord définitif. Mais il avait mis plusieurs conditions à son accord pour venir à Camp David. L'une de ces conditions était qu'il ne soit pas tenu responsable d'un échec possible de ce qu'il considérait comme une réunion prématurée.
Cela n'a pas empêché M. Clinton, toutefois, lorsque les discussions commencèrent à battre de l'aile, d'aider en priorité M. Barak, dont les concessions considérables avaient gravement entamé la popularité chez lui, en Israël.
             
11. Des enfants en grève de la faim par Joseph Algazy
in Ha’Aretz (quotidien israélien) traduit dans Courrier International du jeudi 19 juillet 2001

Début juillet, de jeunes Palestiniens détenus à la prison de Tel-Mond ont entamé une grève de la faim. Selon leurs avocats, ils protestent contre le fait que, depuis l’attentat du Dolphinarium, leurs familles ne sont plus autorisées à leur rendre visite. Les représentants de la Croix-Rouge internationale confirment les déclarations des avocats palestiniens, lesquels précisent en outre que les autorités pénitentiaires ont maté un début de mutinerie en faisant usage de gaz lacrymogènes et de matraques. Environ 80 jeunes Palestiniens seraient détenus à Tel-Mond.
Depuis 1992, l’ONG Defense for Children International (DCI) dispose d’une branche palestinienne, DCI-Palestine, chargée de défendre les enfants devant les justices israélienne et palestinienne. En collaboration avec des ONG européennes, des organismes religieux et l’UNICEF, DCI-Palestine vient de publier un rapport intitulé “Génération perdue : les violations israéliennes des droits des enfants palestiniens, 2000”. Outre la situation des enfants illégalement détenus en Israël, le rapport décrit les conditions de vie dramatiques des mineurs palestiniens sous l’occupation. En l’an 2000, 105 mineurs auraient été tués, le plus souvent visés au niveau de la tête ou de la poitrine. DCI-Palestine rappelle que les enfants de moins de 14 ans représentent 40 % de la population palestinienne, un taux qui grimpe à 49 % et plus à Hébron, Khan Younes et Gaza.
                    
12. Le ministre palestinien de la Coopération internationale, Nabil Chaath, explique que seule l'intervention active de l'Onu et de l'UE aidera à instaurer la paix propos recueillis par Abir Taleb et Randa Achmawi
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire egyptien) du mercredi 18 juillet 2001

Le gouvernement israélien a anéanti toutes les initiatives de paix
— Al-Ahram Hebdo : Ces derniers jours ont connu une escalade de la violence dans les territoires occupés avec des démolitions d'habitations palestiniennes et plusieurs incursions dans la ville de Hébron. Quelle est votre réaction à ces développements ?
— Nabil Chaath : Israël est en train de commettre une nouvelle agression jamais commise au cours de l'histoire moderne dans un pays membre des Nations-Unies et qui se dit respecter la légitimité internationale. Si dans le passé les Etats-Unis procédaient, sans l'avouer, à des liquidations de personnalités politiques via leurs services secrets. Or, en Israël on continue à revendiquer haut et fort des attentats commis sur les ordres de leur Conseil des ministres.
Il n'y a jamais eu de tel dans aucun pays du monde.
Israël revendique également la démolition de maisons palestiniennes dans le cadre de sa politique dite de « terre brûlée ». Tout cela a lieu sous prétexte que ce sont les Palestiniens qui n'ont pas respecté ce cessez-le-feu proclamé. Or, il est impossible d'empêcher les Palestiniens de réagir, surtout lorsqu'il s'agit pour eux de défendre leurs maisons ou leur vie, au moment où Israël tue et détruit. Je crois que ce qui se passe actuellement est très grave. C'est du terrorisme d'Etat déclaré.
— Le cessez-le-feu proclamé il y a plus d'un mois n'est en fait jamais entré en vigueur. Le plan Tenet a-t-il pour autant échoué ?
— Ce sont plutôt les Etats-Unis qui ont échoué. Tout est échec en ce moment. La tournée du secrétaire d'Etat, Colin Powell, a échoué parce qu'on a laissé à Sharon la responsabilité absolue de décider le moment de commencer le cessez-le-feu. L'application du plan Tenet est suspendue. Il en est de même pour les recommandations du rapport Mitchell.
En ce moment, nous n'avons aucun programme concret à même d'être mis en œuvre. Car le gouvernement israélien a anéanti toutes les initiatives de paix. Pendant ce temps, les Etats-Unis font office de spectateurs.
— Vous avez déclaré que les Israéliens avaient un plan pour liquider le président Arafat. Qu'en est-il vraiment ?
— La vie du président Yasser Arafat a toujours été en danger. Il a été toujours menacé par les Israéliens. Et ces menaces ne lui ont jamais fait peur. Cela dit, il s'agit bien entendu d'une attitude criminelle de la part d'Israël.
Les Israéliens parlent souvent de l'incitation à la haine contre l'Etat hébreu, alors que c'est là le meilleur exemple d'incitation au meurtre. Sharon n'est pas seulement le responsable des massacres de Sabra et Chatila, mais de plusieurs autres crimes.
— Ceci signifie-t-il la fin du processus de paix ?
— Tant que les Etats-Unis laissent la décision à Israël, il n'y aura pas d'espoir. Celui-ci peut renaître seulement au moment où les Etats-Unis et l'Union Européenne (UE) décideront de faire pression sur Israël.
—  Y croyez-vous vraiment ?
— L'Onu et l'UE sont tout à fait conscients des raisons véritables de l'échec actuel. Ils savent aussi à qui revient la responsabilité de l'escalade qui a lieu en ce moment. J'ai effectué la semaine dernière une tournée en Europe où j'ai rencontré les ministres français, britannique, hollandais et allemand des Affaires étrangères ainsi que le haut représentant de l'UE pour la politique extérieure, Javier Solana, et le commissaire européen chargé des relations extérieures, Chris Patten.
Ils estiment tous qu'il est absolument nécessaire de reprendre le processus de paix selon un calendrier précis contrôlé par des observateurs internationaux. Car il n'est pas possible de laisser Sharon prendre les décisions tout seul. Nous croyons d'ailleurs qu'il existe à l'heure actuelle une initiative européenne qui vise à amener les Etats Unis à changer de position vis-à-vis du dossier proche-oriental.
— Mais comment obliger Israël à accepter l'envoi d'observateurs internationaux dans les territoires occupés alors qu'il l'a toujours refusé ?
— Si les Israéliens refusent la venue d'observateurs, c'est parce qu'ils veulent poursuivre la répression du peuple palestinien. En fait, les Israéliens ne changeront de position que si les Etats-Unis les y obligent.
Face à une résolution onusienne, Israël sera obligé d'accepter la présence d'observateurs, comme cela a été le cas à Hébron, à Jérusalem, à Bethléem, ou au Sud-Liban.
— Et qu'attendez-vous donc des pays arabes ?
— Les ministres arabes des Affaires étrangères se réunissent ce mercredi dans le cadre du Comité de suivi de la Ligue arabe. J'espère que cette réunion, convoquée suite à un appel urgent du Conseil de coopération du Golfe, prendra des décisions applicables et susceptibles de faire pression sur l'agresseur israélien.
— En attendant, la résistance va-t-elle continuer ?
— Après l'attentat de Tel-Aviv, les Israéliens avaient réussi pour un moment à passer pour les victimes. Ce qui n'a évidemment rien à voir avec la réalité. Mais heureusement, le monde reprend conscience de la réalité, selon laquelle Israël est bel et bien le pays occupant ...
Bien sûr la résistance palestinienne continuera tant que les agressions israéliennes se poursuivront. Cela constituera un élément de pression non négligeable.
               
13. La voix de son peuple - En qualité de chargée de l'information de la Ligue Arabe, Hanan Ashrawi s'attachera à donner une image nouvelle du monde arabe à l'Occident par Danny Rubinstein
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du mardi 17 juillet 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

La nomination d'Hanan Ashrawi, membre du Conseil législatif palestinien, à une responsabilité élevée à la Ligue arabe est un événement qui pourrait bien s'avérer porteur de répercussions indéniables sur le plan politique, tant pour Israël que pour l'ensemble de la région. Titulaire de la chaire de littérature anglaise de l'Université de Birzeit, Hanan Ashrawi a acquis sa célébrité lors de la Conférence de Paix de Madrid, en 1991, où elle a assumé la mission de porte-parole de la délégation palestinienne avec un talent remarqué. Il est clair, d'ores et déjà, que Madame Ashrawi n'entend nullement négliger le terrain palestinien. Elle a la volonté d'intégrer la question palestinienne dans le programme d'action du nouveau secrétaire général de la Ligue, Amr Moussa, visant à "relooker" l'unité arabe.
Au cours d'une série d'interviews accordés aux médias, ces jours derniers, Mme Ashrawi a mis l'accent sur le fait qu'elle ne sera pas la porte-parole de la Ligue arabe, mais qu'elle occupera en réalité une fonction beaucoup plus large (et plus importante), celle d'"attachée à la communication de la Ligue". Elle-même, ainsi que M. Moussa, qui l'a nommée à ce poste, entendent élaborer une nouvelle action médiatique, destinée à contrebalancer ce qu'elle a qualifié de "slogans paternalistes et racistes propres à l'univers culturel occidental et à l'industrie israélienne de la désinformation".
Bien qu'elle ait pris possession de son bureau au siège cairote de la Ligue arabe, la semaine dernière, Mme Ashrawi a pris soin de répéter, lors de chacune de ses premières apparitions en public, qu'elle n'emménagerait pas dans la capitale égyptienne, mais qu'elle continuerait à résider à Jérusalem, et que c'est de là qu'elle déploierait son activité. Elle a déclaré que sa nomination comportait deux messages : "Le premier, c'est que Jérusalem est le coeur de la Palestine et que la Palestine est le coeur du monde arabe ; le deuxième, c'est qu'une femme peut accéder à une haute responsabilité dans l'appareil exécutif du monde arabe".
Hanan Mikhaïl Ashrawi est née à Ramallah, en 1949, dans une famille de confession anglicane dont la présence dans cette ville se perd dans la nuit des temps. Son père, le Dr. Daoud Mikhaïl, était un médecin de renom, qui était aussi actif dans le domaine public et passionné de littérature. Elle a fait ses études à l'Université américaine de Beyrouth, puis elle a complété son doctorat à l'Université de Virginie, aux Etats-Unis. Elle est rentrée à Ramallah en 1973, année où débute son enseignement à l'Université de Birzeit. Dès les débuts de sa carrière universitaire, ses travaux sur la littérature palestinienne et son engagement public lui valurent une grande estime dans les cercles intellectuels des territoires occupés. On la considérait proche de la gauche palestinienne. Hanan Mikhaïl a épousé Emile Ashrawi, un enseignant de Jérusalem. Le couple Ashrawi a toujours habité à Ramallah, avec leurs deux filles.
L'engagement politique de Mme Ashrawi a commencé avec son rôle de consultante près le conseil estudiantin de l'Université de Birzeit. En décembre 1973, elle a été arrêtée, pour la première fois, par le gouvernement militaire israélien et elle a eu à répondre à un interrogatoire : elle était suspectée de "menées hostiles". C'était la première d'une série d'arrestations. Une bonne partie de son temps, à Birzeit, était consacré à assurer une aide juridique à des étudiants de cette université, incarcérés et en instance de jugement devant les tribunaux militaires israéliens, à organiser des conférences sur différents aspects de la culture nationale palestinienne, à mettre sur pied des comités populaires et à promouvoir les droits des femmes.
Durant la première intifada, Mme Ashrawi était considérée comme proche de Fayçal Husseïni, qui décida de l'inclure à la délégation palestinienne à la Conférence de Madrid. Après cette Conférence de paix, son nom était évoqué pour un poste éminent dans le gouvernement palestinien qui devait être formé dans les territoires.
Depuis qu'elle a rejoint la direction palestinienne, Mme Ashrawi a eu une série d'anicroches avec le Président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat. Cette mésentente (notoire) était due, pour partie, à sa personne même, Arafat et ses associés n'appréciant guère son ascension fulgurante de coqueluche des médias mondiaux. Mais des facteurs idéologiques et politiques étaient aussi en cause, car la plus grande partie de l'action politique de Mme Ashrawi avait trait à des questions relevant des droits de la personne, questions qui n'ont pas fait l'objet de toute l'attention - doux euphémisme - de l'Autorité palestinienne. En 1996, Mme Ashrawi s'est portée candidate au Conseil législatif palestinien, à Jérusalem, où elle a été plébiscitée par les suffrages. Arafat l'a nommée ministre de l'enseignement supérieur, dans son gouvernement, mais elle a présenté sa démission après qu'Arafat eût annoncé un remaniement ministériel, en août 1998.
Au cours des trois années écoulées, Hanan Ashrawi s'est faite le héraut de certains problèmes sociétaux brûlants, à travers l'organisation Miftah ("Clé") (Action palestinienne pour la promotion du dialogue général et de la démocratie), qu'elle a fondée, à Jérusalem Est. Même après l'explosion des violences, en septembre de l'année dernière, elle a continué à rencontrer des amis et des militants de divers mouvements politiques israéliens.
Les médias arabes ont cogité, ces dernières semaines, sur les raisons qui ont bien pu amener Amr Moussa à nommer Hanan Ashrawi à ce poste. Durant les années où il a assumé la responsabilité de ministre des affaires étrangères de l'Egypte, M. Moussa a été amené à rencontrer Mme Ashrawi, et il a été impressionné par ses compétences, et en particulier, par la clarté de ses exposés. La Ligue arabe, fondée tandis que la Deuxième guerre mondiale touchait à sa fin par les sept pays arabes indépendants existant alors, a traversé de nombreuses crises au cours des années récentes. A la différence de la prospère Union européenne et de l'activité soutenue d'autres regroupements régionaux de par le monde, le monde arabe est parcouru de failles, dues à de sérieuses différences d'opinion. Les idéaux du nationalisme et de l'unité arabes ont perdu de leur lustre, et avec eux, la Ligue arabe (dont ces idéaux représentaient la raison même d'exister, à l'origine). Des pays arabes se sont même fait la guerre entre eux, le cas le plus récent étant la guerre du Golfe. Comme on sait, les plaies profondes laissées par ce conflit sont loin d'être cicatrisées.
M. Moussa entend s'attacher à revitaliser l'organisation par une action politique volontariste, et il a besoin de communicateurs supérieurement compétents. Il a dit à Hanan Ashrawi que le monde arabe avait échoué, incapable qu'il était de donner une représentation correcte de son essence nationale et culturelle aux pays occidentaux, qui ont continué à parler de lui en des termes paternalistes, humiliants et, pour tout dire, racistes. "La situation étant ce qu'elle est", a ajouté M. Moussa, "les Arabes ont échoué, tout autant, dans la défense effective de la cause palestinienne".
Nombreux sont les porte-parole des diverses instances arabes à être persuadés que la nomination de Mme Ashrawi est un excellent choix. "Elle est une femme de l'Orient arabe, qui est constamment accusé de ne pas reconnaître les qualités des femmes... Son visage est familier sur les écrans de télévision, quelle que soit la chaîne regardée, arabe ou étrangère, elle est très au fait des arcanes de la culture occidentale et elle saura parler éloquemment aux Occidentaux", a écrit Hairi Mansour, dans un article repris ce week-end par plusieurs quotidiens arabes et écrit afin que sa publication coïncide avec la nomination de Mme Ashrawi. D'autres commentateurs ont écrit que Mme Ashrawi est une représentante authentique et crédible de cette question palestinienne, la seule qui n'ait jamais cessé d'être au coeur de l'action de la Ligue arabe, depuis sa création.
D'aucuns, dans la direction palestinienne, nourrissent de grands espoirs autour de la nomination de Mme Ashrawi. L'opinion publique palestinienne a conscience du fait que le monde arabe n'a aucune option militaire face à l'Etat d'Israël. "La guerre, aujourd'hui, se mène à quatre-vingt, voire à quatre-vingt dix pour cent, sur le champ de bataille médiatique", ont déclaré plusieurs porte-parole palestiniens, citant le premier ministre israélien Ariel Sharon. Ashrawi est on ne peut plus d'accord avec cette affirmation. Le week-end dernier, au Caire, elle a cité comme exemple (à ne pas suivre) la comparaison que d'aucuns n'ont pas hésité à établir entre les Israéliens et les Nazis. "C'est une erreur qui nous fait un tort énorme", a-t-elle dit.
Mais il y a aussi des observateurs qui nourrissent des doutes sérieux sur les chances de succès de Mme Ashrawi. "Jusqu'à quel point quelqu'un, aussi doué soit-il, peut-il dépasser les différents entre les pays arabes, dissensions dont l'exacerbation atteint un niveau suicidaire ?" demandait un participant à un débat diffusé par Al-Jazirah, chaîne de télévision très populaire émettant depuis le Qatar.
Quoi qu'il arrive, une chose est sûre. Qu'Hanan Ashrawi décide d'ouvrir une représentation de la Ligue arabe à Jérusalem-Est, ou qu'elle se contente d'y venir en visite, de temps à autre, ses nouvelles responsabilités n'ont pas fini de causer au gouvernement israélien - qui s'en passerait bien - quelques maux de tête supplémentaires...
[Hanane Ashraoui est l'auteur de "La paix vue de l'intérieur", traduit de l'anglais ennfrançais par Jean-Pierre Richard et Thérèse Réveillé, aux Editions Des femmes / Antoinette Fouque - 1996 - 292 pages - 130 Francs - ISBN 2721004638]
                     
14. Aiguiser la hache par Edward Said
in Al-Ahram Weekly (hebdomadaire égyptien) du jeudi 5 juillet 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Une atmosphère menaçante est en train de recouvrir le Moyen-Orient, maintenant qu'Ariel Sharon est allé aux Etats-Unis et en est revenu. Sans doute toute personne douée d'une mémoire remontant assez loin pour se souvenir de ce qui était arrivé alors, verra une ressemblance frappante avec la période qui avait précédé l'invasion du Liban par Israël, en 1982. Le même criminel de guerre, Ariel Sharon (qui devrait normalement être amené à partager sans tarder le même sort que celui de Milosevic, à La Haye) était venu voir le Secrétaire d'Etat américain d'alors, Alexander Haig, puis était retourné en Israël muni de ce dont il avait informé qui voulait bien l'entendre qu'il s'agissait de rien moins que du "feu vert" américain. Ce sur quoi, ses armées envahirent le Liban. On peut dire sans crainte de se tromper qu'il en a usé de même, cette fois-ci, avec l'inexpérimenté Colin Powell et l'intellectuellement désavantagé George Bush. Ces deux hommes ont, en moins d'un mois, fait leur le mensonge israélien selon lequel le problème principal serait celui de "la violence", ce par quoi l'on entend, bien sûr, ce que les Palestiniens pratiquent, tandis que l'attitude d'Israël serait celle de la "retenue"... Ainsi, tout ce qu'il reste à faire à Sharon, désormais, c'est d'envahir les zones placées sous le contrôle de l'Autorité palestinienne puis prétendre que ceci est fait avec retenue et avec l'approbation américaine, afin de préserver la sécurité d'Israël. Peut-être la visite en Palestine de Colin Powell et sa suggestion d'envoyer des observateurs internationaux afin de superviser la trêve seront-elles de nature à compliquer les choses marginalement, mais l'état d'esprit de Sharon ne saurait faire à moins d'envahir (les territoires) et de détruire tout ce qui ressemblerait à un Palestinien de près ou de loin. Il est devenu clair, désormais, que les officiels israéliens peuvent dire tout ce qu'ils veulent, y compris des contre-vérités effrontées, tant les publics occidentaux sont mal informés. La semaine dernière, un débat télévisé très important, aux Etats-Unis, entre Nabil Shaath, ministre de l'Autorité palestinienne et Avraham Burg, porte-parole de la Knesset, est venu confirmer cette triste réalité et a démontré, une fois de plus, que, quelle qu'en soit la raison, l'Autorité palestinienne et ses porte-parole semblent incapables de comprendre ce qui est en train de se passer. Burg était assis, là, et pondait effrontément bobard après bobard : qu'en tant que démocrate et partisan de la paix, il était préoccupé de l'inexistence d'un réel camp palestinien de la paix ; qu'Israël s'efforce toujours plus et avec de plus en plus de difficulté, de rester calme, alors que les terroristes palestiniens ("encouragés par l'Autorité") sont allés jusqu'à menacer sa fille, rien de moins, de l'assassiner de manière horrible ; qu'Israël veut la paix depuis toujours ; qu'Arafat contrôle absolument tout ; que Shaath et lui-même (Burg) sont exactement pareils, à ce détail près que lui, Burg, peut exercer une influence sur Sharon, dans le sens de la retenue, alors que Shaath ne peut exercer une quelconque influence sur Arafat ; bla, bla, bla... Tout ça, pour bien enfoncer le clou, dans un style de propagande bien connu (à force de répéter un mensonge assez souvent, on finit par y croire soi-même) : Israël est la victime des Palestiniens, Israël veut la paix, et Israël attend des Palestiniens qu'ils rattrapent leur retard pour le rejoindre dans le peloton de tête de la magnanimité et de la retenue...
Shaath semblait n'avoir rien à répondre à ce fatras de contre-vérités, sauf peut-être pour dire sur un ton geignard que les Palestiniens veulent la paix, eux aussi ; qu'ils veulent (que soit appliqué) le plan Mitchell (comme si ce summum de non-sens de bas étage mis sur pied par l'AIPAC était déjà devenu parole d'Evangile : des leaders palestiniens de la pointure d'un Abed Rabbo, Shaath, Erekat et d'autres, ont-ils oublié qu'en tant que sénateurs, Mitchell et Warren Rudman, qui représentent à eux seuls presque la moitié des participants à la commission qui a produit le stupide rapport, étaient parmi les agents du lobby israélien les plus influents et les mieux payés ? De toute évidence, hélas : oui) ; qu'ils s'efforcent de faire preuve de retenue ; qu'ils aspirent à la reprise du processus d'Oslo ; etc, etc... J'aurai rarement vu une telle concentration de fausseté israélienne accueillie par une servilité aussi obséquieuse de certains Palestiniens, et tout ça, au moment où des millions de Palestiniens sont en train de souffrir des conséquences de la pire punition collective qui puisse être.
Lorsque des gens comme Shaath ont la précieuse opportunité de dialoguer avec un criminel tel que Burg, ils ne devraient pas le laisser oublier un seul instant qu'Israël se vautre dans la commission de crimes de guerre horrifiants : des gens sont interdits par millions de voyager, de manger, de recevoir des soins médicaux, 500 personnes ont été tuées, 2 000 maisons ont été détruites, 50 000 arbres ont été déracinés, des milliers d'hectares de terres agricoles ont été confisqués, les colonies s'étendent -- et que tout ceci est intervenu alors qu'il y a un "processus de paix". Même un porte-parole ordinairement excellent et crédible, comme Ghassan Khatib, a été infecté par ce virus dont le symptôme est la mention obligatoire de la "violence" et du rapport Mitchell et l'occultation de l'occupation, l'occupation, l'occupation !... Ces porte-parole redoutables que sont les nôtres ne peuvent-ils donc pas se concentrer sur la réalité quotidienne et les souffrance de notre peuple, ne peuvent-ils, pour une fois, s'exprimer en tant qu'êtres humains, et non en imitations de troisième ordre de Kissinger et de Rabin, qui semblent bien être devenus leurs modèles de théâtre ? Qu'avons-nous donc, que nous ne puissions parler concrètement du fait central de notre existence, qui est que sur tous les plans, depuis cinquante-trois ans, nous avons été opprimé par Israël et que nous continuons à l'être, à travers les bouclages du territoire, les sièges des localités, les bombardements aériens, les attaques par missiles et par hélicoptères, alors que nos réfugiés n'ont jamais reçu un centime de dédommagement ni même l'espoir d'être rapatriés par l'Etat qui, les ayant dépossédés, n'a jamais cessé de les punir un seul jour depuis lors ?
Ce qui me cisaille, c'est que, même après huit ans de tromperie et de trahison, l'âme palestinienne se trouve incapable de dire à quel point Oslo a été un désastre, voulant même, au contraire, y retourner. C'est comme si vous demandiez au bourreau : "ne voudriez-vous pas, s'il vous plaît, aiguiser un peu votre hache ?" avant de le laisser faire une autre tentative pour vous couper la tête... Bien entendu, il faut rester dans le jeu politique en cours, quel qu'il soit et, bien sûr, il faut bien qu'il y ait quelqu'un qui puisse répondre directement à des questions sur les accords, les trêves, etc... Mais, par-dessus tout, ce que je trouve tellement consternant, c'est que nos porte-parole montrent tous les signes d'être à tellement d'années-lumière des horreurs quotidiennes vécues par les Palestiniens moyens qu'ils n'en parlent même pas.
A ceux-là, je veux dire que, quelle que soit l'occasion, quelle que soit la question, quel que soit le journaliste (de la presse écrite, de la télévision ou de la radio), à toute question il doit d'abord être répondu par quelques données essentielles sur l'occupation militaire en place depuis 34 ans, depuis 1967. C'est la source de la violence, c'est l'origine de la plupart des problèmes, c'est la raison pour laquelle Israël ne pourra jamais avoir une paix réelle. Notre position politique doit être entièrement basée sur la fin de l'occupation, qui doit prendre la priorité sur toute autre considération. Lorsqu'Erekat, Shaath, Ashrawi ou Khatib se voient poser une question, par exemple sur le rapport Mitchell ou sur la visite de Powell, la réponse devrait toujours commencer ainsi : "tant qu'il y aura occupation de la Palestine par Israël, il ne pourra jamais y avoir de paix. L'occupation au moyen de tanks, de soldats, de barrages militaires et de colonies est une violence, beaucoup plus grave que tout ce que les Palestiniens ont pu faire en y opposant une résistance". Quelque chose dans ce genre...
Ces estimables personnes doivent se souvenir que 99 pour cent des gens qui lisent les journaux ou qui regardent les informations télévisées, dans le monde entier, (les Arabes y compris) ont tout simplement oublié - s'il l'ont jamais su - qu'Israël est une puissance occupante illégale et qu'il a été tel depuis 34 ans. Aussi devons-nous rappeler ces faits au monde, encore et encore. Répéter, répéter, répéter, répéter... Ce n'est pas difficile, mais c'est, j'en suis convaincu, absolument crucial. Rappeler à tout le monde l'occupation israélienne est une répétition nécessaire, bien plus que celle des gloses stupidement inconséquentes et sentimentales, dans le style américain et israélien, sur la paix et la violence. Allons-nous (enfin) appendre, ou bien sommes-nous condamnés à répéter  à jamais nos sempiternelles erreurs ?