1. La troupe palestinienne de danse El Funoun
en représentation à Paris
ce dimanche 15 juillet 2001 à 20h
au Centre Culturel Syrien - 12, avenue de Tourville - Paris
7°
et lundi 16 juillet 2001 à 18h à la Cimade -
176, rue de Grenelle - Paris 7°
La troupe palestinienne de danse "El Funoun"
(composée pour ce séjour 14 danseurs âgés de 8 à 14 ans ; 5 musiciens; 1
professeur et 1 encadreur) sera au Centre Culturel Syrien le dimanche 15 juillet
à 20H00. Le concert intialement prévu le 16 ne pouvant avoir lieu. Rendez-vous
aussi à la Cimade, le lundi 16 juillet à partir de 18h00. Au programme,
rencontre avec les associations, échanges, pot d'accueil, musique et
chants...
La troupe de danse "El Funoun" est la principale troupe de
Palestine. Elle a vu le jour en 1979 grâce aux efforts de jeunes hommes et
femmes qui souhaitaient présenter la danse et le folklore palestiniens selon une
perspective nouvelle. Depuis sa création, "El Funoun" produit huit spectacles
chorégraphiques et donne près d'un millier de représentation, en Palestine même,
mais aussi dans le monde. "El-Bara'em" (les cadets) est la troupe petite soeur
de El Funoun, créée en 1986. Agés de 8 à 14 ans, les jeunes qui la composent
sont le vivier grâce auquel El-Funoun peut s'enrichir de nouveaux éléments et
assurer sa pérennité. "El-Bara'em" a présenté de nombreux spectacles dans toute
la Palestine. Les Rencontres Internationales Folkloriques Enfantines de
Saint-Maixent-L'Ecole sont pour la troupe, la première occasion de se produire à
l'étranger.
Les objectifs de la troupe de danse El-Bara'em sont :
- Créer
un ensemble de rôles positifs pour les enfants et les jeunes Palestiniens,
-
Améliorer ce secteur de l'identité culturelle,
- Transmettre de manière
festive d'importants messages culturels et sociaux,
- Promouvoir le talent
et la créativité des enfants et des jeunes,
- Présenter à la communauté
internationale une image positive de la jeunesse
palestinienne.
[Renseignements : Latifa
Tayah - Cimade - Tél. 01 44 18 60 50 - E-mail. ssi@cimade.org]
2. Délégation en Palestine et en Israël du 13
au 22 août 2001
avec les Femmes en Noir et l'Association pour la Paix
(Italie)Pour les femmes et pour les hommes qui veulent être témoins
actifs d'une paix juste et qui veulent contribuer à l'arrêt de l'occupation
israélienne, pour deux peuples et deux Etats.
Sur place on prévoit
:
- Actions directes de protection du peuple palestinien avec les
Palestiniens et les Israéliens aux check point militaires,
- Initiatives
et manifestations communes en accords avec les organisations palestiniennes
et israéliennes,
- Rencontres, visite des lieux et des villes :
Jérusalem, Ramallah, Gaza, Bethléem, Hebron et Tel Aviv.
[Informations et inscriptions : Tél. +39 06 69950217 - Fax. +39 06
69950200 - E-mail : lmorgantini@europarl.eu.int]
Réseau
Le soleil peut-il se lever
sur le Levant ? par Pierre Blanc
in La Revue Paysans N° 267 - juin /
juillet 2001
(Pierre Blanc, ministère de l'Agriculture,
auteur de La déchirure chypriote, géopolitique d'une île divisée, 280 pages,
l'Harmattan 2000.)
A propos d'Israël et de la
Palestine
Que s'est-il donc passé pour que, le 28 septembre
2000, la visite d'Ariel Sharon sur l'Esplanade des mosquées (pour les
Israéliens, le Mont du Temple) déclenche l'Intifada Al-Aqsa ? A l'évidence,
cette violence traduit la déception des Palestiniens qui ont cru dans les
accords d'Oslo. Ainsi pour comprendre ce qui se passe, nous évoquerons l'échec
d'Oslo, après avoir rappelé les grandes étapes du problème israélo-palestinien
que l'on croyait en phase de dénouement depuis que Yitzak Rabin et Yasser Arafat
avaient affirmé, officiellement, à Washington, leur volonté d'entrer dans un
processus de paix.
BREF HISTORIQUE DE LA QUESTION
L'Empire romain, avec son réseau de routes, a contribué à la diaspora juive
sur le Vieux continent, mais aussi dans le bassin méditerranéen. Mais surtout,
les persécutions que les Juifs ont subies de la part de Rome ont accéléré leur
émigration vers l'Europe ou vers d'autres contrées. Rappelons que les révoltes
des Juifs, en 70, avec la destruction du second Temple de Jérusalem, puis en
132, ont été noyées dans le sang par l'occupant romain. Beaucoup de Juifs sont
alors partis et se sont plus ou moins mélangés aux populations locales des
territoires d'accueil. Ainsi est apparue une césure ethnique entre deux grands
groupes de Juifs : les Séfarades vivant dans l'espace méditerranéen, et
les Ashkénazes en Europe.
D'autres Hébreux sont restés et ont continué à
vivre aux côtés des autres peuples de la région. Parmi les Juifs qui sont
restés, certains se sont convertis au christianisme, d'autres sont restés
attachés à leur religion. Puis, au 7ième siècle, les Arabes de la
Péninsule arabique ont pénétré en Palestine, et imposé leur langue aux
autochtones dont certains sont des descendants du peuple hébreu. A ce sujet,
l'islamologue Maxime Rodinson fait ainsi remarquer : " Il est probable - et
l'anthropologie physique tend à le prouver - que les habitants dits arabes de
Palestine ont beaucoup plus de sang hébreu que la plupart des Juifs de la
Diaspora ". On parlera désormais des Arabes de Palestine pour évoquer ceux
qui vivent sur cette terre et dont la plupart sont islamisés, en tout cas
arabisés. En 1882, ces Arabes de Palestine sont au nombre de 600 000, dont 10 %
de chrétiens et 4 % de juifs.
Pendant ce temps en Europe, on assiste, sous
la houlette d'intellectuels juifs, à l'émergence d'un projet de retour des Juifs
sur la terre de leurs ancêtres. Pour ces penseurs juifs, ce retour a bien sûr
une motivation religieuse : il s'agit de retourner à Sion, la montagne de
Jérusalem, là où se situe ce qui reste du Temple construit par Salomon. Mais la
motivation est tout autant ethno-nationale : dans une période où s'exprime avec
force l'idée de nation, ces intellectuels redécouvrent leur appartenance à une
nation juive distincte des peuples auprès desquels ils vivent. La conscience
d'une spécificité nationale est bien sûr d'origine religieuse et linguistique :
en Europe centrale, les Juifs parlent le yiddish, et font leurs prières en
hébreu.
Mais le catalyseur essentiel de ce projet de retour réside dans
l'insécurité croissante qui affecte les Juifs européens. La communauté juive
d'Europe est, en effet, sujette à des pogromes, et se cherche un foyer
d'accueil. En France, l'affaire Dreyfus divise l'opinion. Herzl, l'initiateur du
sionisme, mais qui est aussi journaliste autrichien, a été marqué par le procès
de l'officier juif qu'il a eu à relater en 1896 pour son pays. Est-ce un hasard
si, l'année d'après, il convoque le premier congrès sioniste mondial à
Bâle, appelant à la création d'une patrie pour les Juifs en Palestine, que les
slogans sionistes n'auront de cesse de présenter comme étant une " terre
sans peuple pour un peuple sans terre " ?
Pendant ce temps, l'Empire ottoman,
qui a autorité sur la Palestine, est en pleine déliquescence. C'est " l'homme
malade de l'Occident " que les Britanniques souhaitent remplacer au
Proche-Orient, car ils ont des convoitises sur une région sise sur la route des
Indes, et qui recèle des quantités importantes de pétrole.
Pour
accélérer la fin de l'Empire ottoman, les Britanniques mènent une politique
apparemment très contradictoire. A l'occasion de la première guerre mondiale qui
voit l'engagement de l'Empire ottoman auprès des Allemands, ils appellent les
Arabes à se soulever pour prendre leur indépendance. En 1915, Londres leur
promet un grand royaume arabe, sur lequel trônera la dynastie Hachémite.
Parallèlement, en 1916, Londres et Paris se partagent secrètement le
Proche-Orient en zones d'influence. Enfin, en 1917, Lord Balfour décrète la
création d'un Foyer national juif en Palestine.
Découvrant la duplicité de
la stratégie britannique, les Arabes se sentent particulièrement trahis. En
1920, lors de la conférence de San Rémo, l'attribution de mandats à la France
(sur la Syrie et le Liban) et à l'Angleterre (Irak et Palestine) sur la région
annihile, pour un moment, leur projet d'unité arabe.
Dans les années 1920,
les manifestations anti-juives en Palestine se multiplient car l'immigration
(aliya, " montée " en hébreu) se précise, aidée qu'elle est par les achats de
terres financés par le Fonds national juif. Mais c'est avec la montée en
puissance du nazisme dans les années 1930 que l'immigration s'intensifie et que
les Kibboutzim fleurissent en divers endroits du territoire. Ces structures de
production collectives constituent l'outil privilégié du sionisme qui
entretient, au moins à ses débuts, un rapport mystique à la terre.
Après
avoir accueilli favorablement les premiers immigrants juifs, les autochtones
arabes craignent pour leur avenir, certains se lançant dans des actions
radicales pour juguler l'appropriation de leur territoire par la communauté
juive- le Yichouv- établie en Palestine.
Devant la montée des troubles, les
Anglais font machine arrière : ils préconisent, en 1939, la création d'un Etat
palestinien, avec partage de l'autorité gouvernementale. D'autre part, Londres
décide de ralentir l'immigration.
Les Juifs se sentent alors trahis à leur
tour, et certains vont se radicaliser : la Haganah, l'armée juive secrète, et
des groupes radicaux issus de cette armée - Lehi et Irgoun- lancent, surtout à
partir de 1945, des attaques terroristes contre l'Angleterre. En 1946, l'Irgoun
de Begin, qui n'aura de cesse de condamner le terrorisme palestinien lorsqu'il
sera Premier ministre, fait sauter le King David Hotel, tuant 90
personnes.
En 1947, les Britanniques, dans l'incapacité de gérer la crise,
décident de soumettre le problème palestinien aux Nations Unies. Une
commission spéciale de l'ONU se rend sur place et recense la population : elle
trouve un peu moins de 2 millions d'habitants, dont 600000 Juifs. Cette
commission suggère pourtant l'attribution de 57% du territoire palestinien aux
Juifs qui représentent moins du tiers de la population.
Les Arabes refusent
ce partage jugé inique, tandis que l'Assemblée générale n'a même pas organisé un
référendum pour leur permettre d'exprimer leur volonté, cela en violation de la
Charte des Nations Unies proclamant le droit des peuples à l'autodétermination.
Les Juifs avaient accepté le partage, mais en préparant déjà l'annexion de
nouveaux territoires : en témoigne le plan Dalet qui fut mis au point par
les dirigeants sionistes afin de conquérir de nouveaux territoires. Lors de sa
mise en œuvre, l'exode des populations palestiniennes est accéléré. L'annonce du
massacre du 9 avril 1948 à Deir-Yassine - un village palestinien près de
Jérusalem (250 morts)- contribue à décupler ce mouvement.
Un mois plus tard,
c'est-à-dire le 14 mai 1948, l'Etat d'Israël est proclamé. Dès le lendemain,
quatre armées arabes entrent en guerre contre le nouvel Etat qui impose sa
suprématie militaire. En 1949 - année des armistices- Israël détient 6700 km² de
plus, soit 80% de la Palestine de 1947. Les territoires laissés par Israël sont
légués à la Transjordanie -qui, avec l'accès à la Cisjordanie est, dès 1949,
rebaptisée Jordanie- ainsi qu'à l'Egypte qui obtient la bande de Gaza.
Les
grands perdants sont les Arabes de Palestine : non seulement, ils n'ont pas
d'Etat, mais beaucoup ont émigré (environ 700000). Les nouveaux historiens
israéliens (Avi Schlaïm, Ilan Pappé, Benny Moris, Simha Flapan…) se sont penchés
sur cette période, et, avec beaucoup d'honnêteté intellectuelle, ont établi que
Tsahal avait souvent terrorisé les Arabes, ceux-ci quittant leurs villages pour
un voyage qui devait être sans retour. Choqué par l'exode des Palestiniens - des
villages entiers sont rayés de la carte -, le médiateur de l'ONU, le Comte
Bernadotte, demande, en juillet 1948, que ceux-ci puissent revenir dans leurs
maisons. Le 17 septembre, il est assassiné par le groupe Lehi de Shamir après
avoir insisté sur cet aspect la veille de l'attentat.
La situation des
Palestiniens est loin de s'améliorer par la suite : en 1967, après le blocage de
la mer rouge par l'Egypte, Israël déclenche une guerre au terme de laquelle
l'Etat hébreu dispose notamment de la Cisjordanie et de Gaza. Les Palestiniens
de ces territoires vivent alors sous occupation israélienne. Depuis lors, la
résolution 242 exige d'Israël un retrait de ces territoires qualifiés désormais
de territoires occupés.
Assez rapidement, ces territoires sont colonisés.
Mais c'est surtout à partir de 1977 que Begin, le vainqueur des élections, va
accélérer cette politique à grands coups de subventions. Les mobiles de cette
colonisation sont évidents. En premier lieu, elle répond à une motivation
sécuritaire : près du Jourdain, par exemple, les colonies sont considérées comme
des postes de défense avancés. Sur un plan politique, elles sont destinées à
créer le fait accompli. Quand les négociations s'ouvriront, ces territoires
peuplés ne pourront plus être facilement rétrocédés.
Au-delà de ces
objectifs, la colonisation trouve à l'évidence sa justification profonde dans
une certaine représentation de l'histoire juive. Il s'agit pour beaucoup de
reconstituer le Grand Israël (Eretz Israël Hashlema).
Avec cette
colonisation, on en arrive ainsi à des situations explosives : aujourd'hui, 4000
colons israéliens prélèvent une grande partie de l'eau et possèdent 40% des
terres de la bande de Gaza où s'entassent un million de Palestiniens. A Hébron
vivent 450 personnes du Goush Emounim, le Bloc de la foi, un groupe religieux
ultra sioniste qui veut assurer une présence dans ce lieu abritant les tombeaux
des Patriarches. Au quotidien, leur comportement, qui confine au radicalisme le
plus extrême, est une véritable provocation pour la population hébronite.
Outre la colonisation, les Palestiniens subissent les couvre-feux, les
fermetures de territoires, les tracasseries administratives, les spoliations
de terres et d'eau : à partir de 1967, l'eau de Cisjordanie est totalement
administrée par l'Etat hébreu. Il s'agit d'éviter que les Palestiniens n'en
prélèvent trop. En effet, l'écoulement latéral de l'eau des aquifères de la
Cisjordanie assure à Israël le tiers de son approvisionnement hydrique. Ainsi,
les Palestiniens se voient octroyer des quotas drastiques. Les permis de
creusement de puits sont rarement donnés tandis que les colonies peuvent
prélever ce qu'elles souhaitent.
Dans ces conditions d'oppression
participant de l'apartheid, les Palestiniens se révoltent à partir de 1987 pour
dire leur ras-le-bol. Finalement, ce soulèvement (intifada) va conduire, en
1993, aux accords d'Oslo qui sont le fruit d'un concours de circonstances :
d'une part, l'OLP, basée à Tunis, se doit de relayer les militants de
l'intérieur en accélérant la recherche d'une solution d'autant plus nécessaire
que, ayant soutenu l'Irak pendant la guerre du Golfe, elle est lâchée par ses
créanciers, en particulier l'Arabie Saoudite. D'autre part, après la guerre du
Golfe, les Américains, hérauts du " nouvel ordre international ", font pression
sur Israël pour que ce pays s'engage dans un processus de paix avec les Pays
arabes dont certains se sont engagés dans la coalition anti-irakienne. Enfin,
l'Intifada a donné lieu à une contestation interne en Israël : des mouvements
pacifiques se sont constitués pour dénoncer autant l'envoi de jeunes
soldats sur un front dangereux que l'oppression militaire dont les Palestiniens
sont les victimes.
C'est finalement à Oslo que se trame la paix, qui sera
signée à Washington le 13 septembre 1993. Cet événement, annonciateur d'une ère
de paix dans la région, est salué par une grande partie des opinions publiques
palestinienne et israélienne, même si beaucoup reste à faire : d'une part, les
deux parties se doivent reconnaissance, ce que les deux entités font en premier;
d'autre part, au terme d'un processus qui doit s'achever en 5 ans, un statut
définitif doit être trouvé pour les territoires palestiniens, la question de
Jérusalem réglée, et le sort des réfugiés solutionné.
LES ÉCHECS D'OSLO
Les Juifs extrémistes en voudront à Rabin qui est assassiné le 4 novembre
1995 par Yigal Amir. A leur tour les islamistes du Hamas perpètrent des
attentats qui accélèrent le retour de la droite israélienne en mai 1996. Cette
hypothèque politique - le retour du Likoud - pèse sur l'avancée du processus,
même si les travaillistes, eux aussi, n'ont pas fait montre, entre 1993 et 1996,
d'une grande diligence dans le processus. Ce processus de paix, salué par
l'attribution du prix Nobel aux deux leaders palestinien et israélien, n'a
finalement pas accouché de tout ce qui lui avait été assigné :
- Le
transfert des territoires n'a pas été aussi rapide que prévu. Lentement, les
zones urbaines sont rétrocédées et mises sous tutelle palestinienne (zone A).
Des territoires classés en zone B sont administrés par une tutelle mixte : mais
de fait, dans ces zones les Israéliens ont le dernier mot pour des sujets
cruciaux comme la politique de l'eau ou l'attribution des permis de construire.
Enfin, en zone C, on trouve les zones exclusivement administrées par Israël, en
particulier la zone de la vallée du Jourdain.
Aujourd'hui, alors que tous
les territoires occupés auraient dû être restitués aux Palestiniens à
l'issue du processus, seulement 40 % du territoire de la Cisjordanie et de Gaza
se trouvent en territoires A et B, soit à peine 8% de la Palestine
historique.
- Non seulement la rétrocession des territoires n'avance pas,
mais, qui plus est, la colonisation se poursuit avec, notamment, l'arrivée de
colons russes prêts à s'installer dans les endroits les plus reculés en Samarie
ou en Judée. Selon le mouvement israélien " La paix maintenant ", le nombre de
logements construits dans les colonies juives a augmenté de 52,5% depuis 1993.
Même sous Rabin, puis sous Barak, que l'on dit être modérés, cette colonisation
a été maintenue. Ecoutons à ce titre ce que disait Dan Meridor, un des
responsables du Likoud, quand son parti est arrivé au pouvoir en 1996 : "
Nous devons remercier le défunt Itzhak Rabin ainsi que Shimon Pérès. Au cours
des quatre dernières années, ils ont fait augmenter de 40% le nombre de juifs en
Judée-Samarie…La politique de colonisation massive du Likoud ne sera pas
différente de celle des travaillistes…Les colonies font partie de ces choses qui
déterminent la carte du pays. "
Mais n'est-il pas contradictoire de
coloniser le territoire alors qu'on s'engage à en rétrocéder une partie ? De
fait, tout se passe comme si l'intention du leadership israélien était de
laisser seulement des secteurs bien limités aux Palestiniens, en renforçant les
colonies déjà existantes : ainsi aura-t-on un Etat palestinien " cantonisé " -
un territoire en peau de léopard- et donc très surveillé. D'autre part,
certaines colonies comme celles de la vallée du Jourdain doivent permettre la
poursuite du statu quo sécuritaire.
L'opinion en Israël est,
toutefois, loin d'être monolithique à propos de la colonisation : des
intellectuels, des hommes de gauche, des religieux sionistes qui voient dans
l'oppression une contradiction fondamentale avec le judaïsme, ou des religieux
antisionistes qui contestent Israël en tant qu'il est un Etat impie empêchant la
venue du Messie, s'opposent à cette politique.
- Pour relier les colonies au
reste du réseau routier israélien, des routes ont été construites sur une
longueur de 300 kilomètres (by-pass road), surtout à partir de 1995. Ces routes
de contournement sont sécurisées pour permettre la circulation des colons en
toute quiétude : ainsi les maisons palestiniennes les jouxtant sont détruites,
et aucune activité de type industriel ne doit être permise à proximité. D'autre
part, ces routes ont peu d'accès au réseau palestinien. Ces aménagements
routiers donnent lieu à des ordres de saisie contre lesquels les Palestiniens ne
peuvent rien : ils ont 72 heures pour saisir la Haute cour de Justice à Tel Aviv
; or, pour s'y rendre, il leur faut un permis spécial qu'il n'est pas facile
d'obtenir. Quand ils y arrivent, il leur reste peu de temps pour trouver un
avocat israélien. La saisie, dont les mobiles sont rarement définis, devient dès
lors une expropriation définitive. Au-delà du fait qu'elles obèrent
l'agriculture palestinienne en réduisant l'espace agricole, ces routes empêchent
toute continuité territoriale et parachèvent la bantoustanisation de la
Palestine à l'instar de ce qui s'est produit en Afrique du Sud.
- Durant le
processus, les réfugiés ne voient pas se dessiner de perspectives d'avenir :
agglutinés dans des camps de fortune, ils ont beaucoup espéré dans le processus
de paix. Ne voyant rien arriver, ils désespèrent à la mesure de ce qu'a été leur
espoir, en particulier pour ceux qui vivent dans les territoires, et dont
certains peuvent encore voir leurs habitations dans les villages voisins occupés
par Israël.
Au-delà de la paralysie du processus, le régime d'apartheid se
poursuit. Par exemple, les tracasseries administratives sont toujours aussi
fortes pour ceux qui veulent se rendre à Jérusalem. Au sujet de cette politique,
Ami Ayalon, ancien chef du Shin Beth (services secrets israéliens), n'hésitait
pas à critiquer, récemment, " un système d'apartheid ", précisant qu'" Israël
doit choisir rapidement l'environnement où il souhaite vivre car le modèle
actuel où se mêlent des caractéristiques d'un apartheid n'est pas compatible
avec les principes juifs ".
C'est dans ce climat d'exaspération
palestinienne qu'est intervenue la provocation de Sharon lorsqu'il s'est rendu
sur l'esplanade des mosquées : la réaction des Palestiniens a été immédiate car,
si le conflit israélo-palestinien n'est pas une guerre de religion, la question
de Jérusalem touche à l'identité.
La cité de Jérusalem est revendiquée par
les Israéliens comme capitale, car elle abrite, dans la vieille ville, les
restes du Temple de Salomon. Dès 1948, ils en ont conquis la partie occidentale
qui ne leur était pas allouée par le plan de partage de 1947. En 1967, ils ont
investi Jérusalem-Est - territoire arabe-, et ont mis en place une
ceinture de colonies visant, là encore, à créer le fait accompli. Ainsi,
désormais, la revendication palestinienne à la souveraineté sur la partie
orientale de la ville, qui abrite l'esplanade des mosquées et certains sites
chers aux Palestiniens chrétiens, est très hypothéquée, même si la résolution
242 les légitime dans leurs aspirations.
En septembre 2000, Barak a affirmé
que la ville pouvait être partagée, violant ainsi un tabou tenace. C'est cette
avancée qui a conduit Ariel Sharon, alors chef de file de la droite israélienne,
à venir affirmer sur l'esplanade des mosquées que Jérusalem - toute la
ville - appartient aux Israéliens. Son geste a été la goutte d'eau qui a fait
déborder le vase; les frustrations palestiniennes ont alors donné lieu à un
nouveau soulèvement - l'Intifada Al Aqsa, du nom de la principale mosquée de
Jérusalem- et dont on connaît les tragiques développements actuels.
Une
remarque s'impose ici : même si Jérusalem est un point important du contentieux,
il ne faut pas souscrire pour autant à l'idée qu'il s'agit d'un conflit
religieux comme on l'entend souvent, en particulier dans les médias occidentaux.
Si l'Intifada a redémarré, c'est parce que le processus de paix n'a pas amélioré
le sort des Palestiniens et que leurs frustrations se sont accumulées. Plus
largement, le conflit israélo-palestinien est avant tout un conflit né de
l'usurpation des terres d'un peuple par un autre peuple. Le facteur religieux
vient assurément renforcer le différend - en sacralisant chez certains la
différence identitaire- mais il est loin d'en être la cause première.
QUEL AVENIR ?
Sur l'avenir, on ne peut être que
pessimiste à court et moyen terme. Ariel Sharon va tenter de réduire l'Intifada
par la force, avec les conséquences dramatiques qui accompagnent une telle
logique. L'actuel Premier ministre ne montre pas une grande inclination à
négocier : dans un entretien accordé en avril 2001 au grand quotidien Haaretz,
Sharon a précisé sa ligne politique. Il est désormais d'accord pour la création
d'un Etat palestinien, mais sur à peine 42 % de la Cisjordanie et de la bande de
Gaza, c'est-à-dire qu'il souscrit à l'idée d'un Etat sans continuité
territoriale et qui représente 8 % de la Palestine historique. D'autre part, il
se refuse à évacuer la moindre colonie, au prétexte qu' " elles ont toutes une
importance sioniste ". Les colonies de Gaza ont un rôle stratégique : par
exemple, celle de Netzarim, sise entre Gaza et Khan Younis, est " vitale " ;
elle a pour vocation de contrôler si des armements lourds sont déchargés dans le
port de Gaza. Pas question non plus de se retirer de la Cisjordanie : pour des
raisons stratégiques et hydrauliques, car, comme il le souligne, un tiers de
l'eau en Israël provient de l'aquifère cisjordanien. Sur Jérusalem, il fait
montre d'une totale fermeture, affirmant : " nous n'avons pas le droit de faire
la moindre concession. "
Enfin, plus largement, Sharon fait preuve d'un très
grand cynisme lorsqu'il affirme : " D'un point de vue stratégique, il est
possible que dans dix ou quinze ans, le monde arabe n'ait pas la même capacité
de s'en prendre à Israël qu'aujourd'hui. Parce qu'Israël sera un pays avec une
économie florissante alors que le monde arabe sera sur le déclin, le prix du
pétrole baissera et les pays seront en crise alors qu'Israël se renforcera. La
conclusion est que le temps ne travaille pas contre nous et qu'il faut en
profiter. "
Mais Israël pourra-t-il ignorer indéfiniment le droit à la vie
des Palestiniens ? La logique de Sharon n'est pas tenable à long terme: la force
n'empêchera pas les frustrations palestiniennes de s'exprimer parfois
violemment. Pas plus que ses prédécesseurs, il ne réussira à sécuriser Israël en
ignorant les libertés fondamentales des Palestiniens, sauf à faire fuir de leurs
maisons plus de trois millions d'habitants.
A moyen ou long terme, il ne
fait pas de doute, du moins doit-on l'espérer, qu'un gouvernement israélien
décidera de s'engager davantage dans la voie de la paix, mais celle d'une paix
juste car, comme le dit le psaume, justice et paix s'embrassent.
Comment
cette paix pourra-t-elle se produire ? Elle impliquera des sacrifices de la part
des Israéliens, y compris celui de la décolonisation, sinon totale, au moins
partielle des territoires, et celui du partage de la souveraineté sur
Jérusalem.
Elle impliquera aussi des efforts de la part des Palestiniens :
notamment celui d'abandonner l'idée du recours à la violence qui ne fait que
légitimer les autorités israéliennes dans la politique répressive la plus
agressive, et surtout ne fait qu'accroître l'influence du discours sécuritaire
en Israël. Le psychiatre palestinien, Eyad Al-Sarraj, insistait récemment
sur cet effort que doivent faire ses compatriotes pour réprimer leurs pulsions
violentes, et, ainsi, guérir la société israélienne de ses affres parfois
obsidionales, nées du sentiment d'être assiégée.
Quand, enfin, le droit aura
été accepté, au moins en partie, par Israël, on pourra rêver alors à très long
terme d'un Etat binational démocratique et laïc, avec Jérusalem pour capitale,
tel que l'appelle de ses vœux l'intellectuel palestinien Edward Saïd. Pourquoi
ne pas rêver ? Après tout comme l'a écrit Graham Greene dans la Puissance et la
gloire, " la haine est la défaite de l'imagination".
Revue de
presse
1.
Les actions entreprises par Ariel Sharon mettent tout le Proche-Orient
en danger, selon Le Caire
Dépêche de l'agence Associated Press du
vendredi 13 juillet 2001, 10h24
LE CAIRE - L'Egypte a averti vendredi
que les actions entreprises par le Premier ministre israélien Ariel Sharon
mettait l'ensemble du Proche-Orient en danger.
''Ce que Sharon est en train
de faire ne fait qu'aviver la frustration et le désespoir et conduit toute la
région vers une spirale vicieuse de la violence'', a dit le ministre égyptien
des Affaires étrangères Ahmed Maher.
S'exprimant devant des journalistes,
Maher a notamment évoqué la destructions des maisons palestiniennes comme l'une
des actions qui ont déclenché ce qu'il a appelé ''la résistance du peuple
palestinien''.
Parlant à son retour d'un sommet africain en Zambie, le
ministre égyptien a toutefois souligné la possibilité que, lorsqu'il se rendra
en Egypte dimanche, le ministre israélien des Affaires étrangères Shimon Peres
soit porteur de ''nouvelles idées concernant l'intention d'Israël de s'abstenir
de sa folle politique''.
Peres a demandé à faire cette visite, a dit Maher.
L'Egypte et Israël ont signé un traité de paix en 1979 mais leurs relations
ont souvent été assez froides. Le Caire a rappelé son ambassadeur en Israël en
novembre dernier pour protester contre ce que l'Egypte considère comme un usage
excessif de la force par Israël contre les Palestiniens après l'éruption de
violence qui se poursuit depuis près de dix mois.
2. La pensée coloniale de Taguieff et de ses
amis par José Bové, Evelyne Sire-Marin, Jean-Claude Amara et
Marcel-Francis Kahn
in Libération du vendredi 13 juillet
2001
(José Bové est membre de la Confédération paysanne,
Evelyne Sire-Marin est membre du Syndicat de la magistrature, Jean-Claude Amara
est membre de l'association Droits Devant et Marcel-Francis Kahn est membre du
Collectif des citoyens français d'origine arabe ou juive.)
Accuser la direction palestinienne des malheurs de son peuple relève
d'un procédé nauséabond.
Quand le sage montre la lune, l'idiot voit
le doigt. Et quand José Bové et une délégation de la société civile française
rapportent de Palestine un témoignage bouleversant sur le sort des Palestiniens,
Pierre-André Taguieff et ses amis (Libération du 10 juillet: «José Bové en
territoires piégés») ne voient que «la baraka médiatique de José Bové». Double
cécité. D'abord parce que la délégation comprenait quinze membres, tous majeurs
et légitimes, quinze paires d'yeux qui ont vu avec effarement les mêmes
horreurs, quinze citoyens qui ont ressenti les mêmes indignations. Ensuite,
parce que l'idée selon laquelle tel d'entre nous serait allé dans «l'espace de
la tragédie palestinienne», pour reprendre la formule de Juan Goytisolo, dans le
but de se faire de la publicité témoigne surtout de l'univers dans lequel
pensent et vivent les signataires de ce brûlot. Un univers désespérément
égocentrique et parisien.
Nous sommes restés huit jours en Palestine. C'est
peu. Mais ce que nous avons vu à Ramallah, à Bethléem et à Gaza, nul ne peut le
contester et nul ne peut l'ôter de notre mémoire. Les barrages militaires conçus
comme autant d'humiliations pour la population palestinienne, les hommes et les
femmes extraits de leurs voitures et condamnés à attendre des heures sous un
soleil de plomb, les terres confisquées, des arbres arrachés, des maisons
détruites, des routes interdites aux Arabes et réservées aux juifs: tout cela,
nous l'avons vu. A Gaza, nous avons vu comment les colonies accaparent le front
de mer, les arbres, l'eau, tandis que les réfugiés des camps croupissent dans
une misère d'autant plus insupportable qu'elle côtoie l'opulence. Nous avons
employé un mot pour désigner cette discrimination: apartheid. Et ce mot, nous le
maintenons. Comme nous maintenons que la stratégie de construction de colonies
juives autour de Jérusalem procède d'une volonté délibérée d'enfermer la
population palestinienne dans des bantoustans.
Voilà, avant tout, ce que
nous voulions dire. Mais, puisqu'il nous faut répliquer au texte d'un physicien
(Marc Lefèvre), d'un musicologue (Philippe Gumplowicz) et d'un politologue
(Pierre-André Taguieff) qui ont l'air d'en savoir long sur la souffrance du
peuple palestinien et sur ses causes profondes - sans doute ont-ils beaucoup
séjourné dans les camps palestiniens -, relevons quand même l'indigence de leurs
arguments.
Selon eux, «les responsables principaux du marasme actuel des
paysans palestiniens ne sont pas les 30 000 colons israéliens fanatiques
religieux», mais une direction politique palestinienne corrompue. C'est bien
connu que le responsable de la colonisation de l'Algérie n'est pas le maréchal
Bugeaud mais le dey d'Alger, coupable en 1830 d'avoir souffleté notre consul.
Dans le regard colonial de nos trois auteurs, le colonisé n'a jamais que ce
qu'il mérite. Oui, il y a de la corruption en Palestine et oui, il y a des
atteintes intolérables aux droits de l'homme. Mais il faut être de bien mauvaise
foi pour voir dans les défauts d'une société palestinienne militairement et
économiquement étouffée par l'occupation israélienne la légitimation du fait
colonial.
Cette inversion des rôles qui fait du colonisé le responsable de
son propre malheur a au moins l'avantage d'être grossière. D'autres arguments
sont plus insidieux. Ainsi, nos trois auteurs s'emploient par tous les moyens à
minimiser la colonisation. Ils opèrent, par exemple, un savant distinguo entre
les «colons fanatiques», qui ne sont «que 30 000», et les autres (200 000,
disent-ils, en omettant Jérusalem-Est et les grandes colonies alentour). Mais,
pour les Palestiniens, les colons sont les colons. Quel que soit leur degré de
fanatisme et de racisme (que Taguieff et ses deux amis semblent savoir mesurer
sans coup férir), ils occupent des terres palestiniennes. A en croire les
signataires, les colons seraient ou bien des marginaux ou de simples locataires
de passage.
C'est oublier que la colonisation est d'abord l'œuvre de l'Etat
d'Israël et de ses gouvernements successifs, qui l'encouragent et l'organisent.
Dans leur rage de montrer que la colonisation n'est pas un problème, le
physicien, le politologue et le musicologue lâchent même une information de
première importance: «En majorité, les colons israéliens savent que, tôt ou
tard, ils devront évacuer leurs colonies.» Ah bon! Tôt ou tard? Quelle
désinvolture, messieurs, alors que chaque jour de colonisation supplémentaire
apporte son lot de violences et de morts, que cela dure depuis trente-quatre ans
et que rien n'indique, dans la politique d'Ariel Sharon, la moindre intention de
démanteler les colonies!
Bien au contraire. Le nombre des colons n'a-t-il
pas doublé depuis la signature des accords d'Oslo, en 1993? Le reste est à
l'avenant. On nous ressert, par exemple, que Yasser Arafat «n'a pas su ou pas
voulu saisir [en janvier dernier, à Taba] l'opportunité historique d'une
solution pacifique au conflit.» On reconnaît là une contre-vérité ressassée
depuis des mois. L'un des négociateurs israéliens a pourtant publiquement révélé
que cela ne s'est pas passé ainsi et qu'en vérité, c'est Ehud Barak qui a estimé
qu'à un mois de l'élection, il n'était plus légitime pour aller au bout de cette
négociation.
Mais l'abject est encore à venir. Dans un dernier râle,
Taguieff et ses amis laissent échapper le fond de leur pensée: ils comparent la
Palestine à la Bohême, les réfugiés palestiniens aux Allemands des Sudètes et la
direction palestinienne à l'extrême droite allemande. C'est toujours le même
procédé nauséabond: quiconque dénonce l'occupation des territoires palestiniens
se retrouve peu ou prou vêtu de l'uniforme nazi. Doit-on rappeler qu'il ne
s'agit, pour nous, que de demander l'application pure et simple des résolutions
des Nations unies qui prévoient la restitution des territoires occupés depuis
1967 et le droit au retour des réfugiés? Une évidence, en somme.
Pour notre
part, nous ne nous laisserons pas intimider. D'autres délégations de la société
civile se rendront en Palestine. Comme nous, elles agiront avec la société
civile palestinienne et les mouvements pacifistes israéliens, dénonceront,
preuves à l'appui, ce qu'il faut bien appeler un occupation coloniale, semblable
à celle du Tibet par la Chine, et œuvreront pour l'envoi d'une véritable force
de protection de la population palestinienne.
3. Etonnant : Fusils mauves pour Israël
?
in L'Alsace (quotidien régional français) du vendredi 13 juillet
2001
Israël pourrait améliorer son image de marque à l'étranger en
faisant repeindre en mauve ou en jaune les fusils de ses soldats tirant des
balles caoutchoutées, selon les conseils de sociétés américaines de relations
publiques révélés hier par le quotidien Maariv. Israël se donnerait ainsi une
image plus pacifiste ont estimé les deux sociétés américaines auxquelles le
ministère israélien des Affaires étrangère a fait appel pour essayer de marquer
des points dans la bataille des médias que mènent Israël et les Palestiniens
depuis le déclenchement de l'Intifada fin septembre. Les deux sociétés ont
procédé à des enquêtes sur le terrain et ont notamment conseillé aux dirigeants
israéliens d'éviter d'apparaître entourés de garde du corps. Elles ont aussi
préconisé le « nettoyage cosmétique » des sites de confrontations fréquentes
entre l'armée israélienne et les Palestiniens où l'on voit notamment des
carcasses de véhicules calcinés et des amas de pierres et des pneus brûlés
jonchant la
chaussée.
4. "Ils ont détruit notre maison, c'est-à-dire tout ce
que nous avions" par Catherine Dupeyron
in Le Monde du jeudi 12
juillet 2001
REPORTAGE
Au camp de réfugiés de Chouafat, Oussama
contemple, écœuré, les ruines de sa maison
JÉRUSALEM correspondance
Une
masse, grise, informe, gît sur le lopin de terre à flanc de colline. Un tas de
béton, de parpaings et de barres de fer enchevêtrés ; c'est tout ce qu'il reste
de la maison de Waël, d'Oussama, de Nahil, d'Ibtissam... une grande famille de
trente-cinq personnes, dont vingt-quatre enfants. Ils vivaient tous là, dans ce
bâtiment de cinq étages, à Chouafat. Dimanche 8 juillet dans la soirée, ils ont
reçu l'avis de démolition donné par la mairie de Jérusalem, pour "construction
illégale". Lundi matin, les bulldozers attaquaient. Quatorze maisons ont été
détruites. Onze autres doivent l'être d'ici peu.
"D'habitude, il y a un délai
de soixante-douze heures entre l'avis et l'exécution. Cette fois, ils ne nous
ont même pas laissé vingt-quatre heures pour nous retourner. On a appelé un
avocat, mais il était trop tard pour pouvoir faire des démarches auprès de la
justice", explique Nahil, le seul des sept hommes de la famille qui a un vrai
travail à temps plein. Oussama, un de ses frères, maçon, construisait la maison.
"Elle faisait trois étages, on en avait ajouté deux, mais il y avait encore
beaucoup de travail."
Il rêvait de voir ses sept enfants faire des études,
avoir une vie différente de la sienne. Mais, depuis lundi, il n'y croit plus.
"Ils ont détruit notre maison, c'est-à-dire tout ce que nous avions, parce qu'en
face le promoteur n'arrive pas à vendre.
Il paraît qu'on leur gâche la vue
!", dit-il, écœuré. En face, à moins de 500 mètres, de l'autre côté du vallon,
se dressent de jolies maisons en pierre de Jérusalem, bien alignées. C'est la
dernière tranche des lotissements de Pisgat Zeev, une banlieue au nord de
Jérusalem, construite dans une zone occupée par Israël depuis 1967. Interrogé
sur la légalité de la construction de leur maison, Waël, révolté, s'exclame :
"Légal ? Ici, c'est un camp de réfugiés, alors qu'est-ce qui est légal ?" "Et
ça, dit-il en pointant du doigt Pisgat Zeev, vous croyez que c'est légal ? Vous
croyez qu'ils -les Juifs- vivent dans ce pays légalement ? Vous croyez que c'est
leur pays ?"
Waël, Oussama, leurs frères et sœurs sont nés dans le quartier
juif historique de la Vieille Ville de Jérusalem. Durant la guerre de 1948, il
avait été occupé par les Jordaniens qui en avaient chassé les habitants juifs.
Après la guerre des Six Jours, en 1967, les Juifs s'y sont réinstallés et, cette
fois, ce sont les Arabes qui ont dû partir.
CONSTRUCTIONS ILLÉGALES
Le
camp de réfugiés de Chouafat a été créé, au nord de la ville, pour les
accueillir. Le développement de la population aidant - 25 000 habitants
aujourd'hui au lieu de 15 000 en 1967 - et les plans de développement urbain
ayant négligé la partie palestinienne de la ville, les constructions illégales
se sont multipliées. D'après certaines estimations, un tiers de Jérusalem-Est
serait bâti illégalement.
Le ministre des affaires étrangères, Shimon Pérès,
plusieurs députés et conseillers municipaux ont critiqué les démolitions.
Certains ont souligné la politique discriminatoire de la mairie, rappelant son
laxisme dans le contrôle des constructions illégales de Jérusalem-Ouest. Ils
faisaient référence à l'affaire du Salon de Versailles qui s'est écroulé en mai,
alors que s'y tenait un mariage, faisant 23 morts et plus de 400 blessés. Le
député du Meretz Mussi Raz s'est étonné qu'à Chouafat les constructions
illégales soient détruites en vingt-quatre heures alors qu'à Jérusalem-Ouest la
municipalité préfère attendre qu'elles s'effondrent.
Oussama, qui a fait six
ans de prison, de 1988 à 1994, pour avoir participé à la première Intifada, n'a
plus qu'un espoir : voir les Juifs s'en aller. "Quand je suis sorti de prison
grâce aux accords d'Oslo, j'ai cru à la paix. Mais, aujourd'hui, c'est fini.
Comment voulez-vous que j'y croie après avoir vu cela. Il n'y a pas de place
pour deux ici. Les Juifs disent toujours qu'on veut les mettre à la mer. Un jour
ça
viendra."
5. Se préparer à
la guerre de son plein gré par Baruch Kimmerling
in Ha'Aretz
(quotidien israélien) du jeudi 12 juillet 2001
[traduit de l'anglais par Giorgio Basile]
Ce
que nous craignions est devenu réalité: deux groupes ethniques nationalistes,
vivant dans les arrière-cours les uns des autres, sont en train de s’engager
dans un processus de régression vers le tribalisme superstitieux. Tout le pays
retentit du son des tambours appelant les deux tribus à se rassembler autour du
feu de camp, à se parer des couleurs de la guerre, et à s’engager dans la
bataille qui éliminera jusqu’au dernier membre de l’autre camp. Il n’y a pas de
gauche, il n’y a pas de droite, nous sommes tous Juifs. Il n’y a pas de Fatah,
de Hamas ou de Front Populaire - ils sont tous des Arabes, Palestiniens et
Musulmans, des «shahid» (martyrs) - et au diable le prix de la guerre. Dans une
guerre de ce type, plus que dans toute autre forme de guerre, la différence
entre le front et l’arrière s’estompe, tout comme les différences entre soldat
et civil, enfant et adulte, victime et attaquant. Même ceux qui disent que cette
guerre n’est pas la leur, qu’elle n’est qu’une marche vers la folie et le mal,
ne sont pas immunisés, ni des attaques terroristes ni de l’engagement militaire,
parce qu’ils font partie de la tribu, et à cause de la pression sociale et de la
manière déformée dont la «réalité» sociale et politique est élaborée et
présentée. À ce stade du scénario, la guerre apparaît comme un destin
inévitable, et qu’il suffira pour faire éclater la troisième guerre
israélo-palestinienne (après la première en 1948 et la seconde en 1982) qu'un
massacre terroriste de plus vienne finalement légitimer l’attaque totale. Et
Israël n’abandonne même pas cette perspective au hasard, puisque la «politique
d’assassinats» ou la «défense active» ou quelque autre nom qu’on lui donne dans
notre langage orwellien, ne fait qu’attiser les désirs de revanche du côté
palestinien.
Les colons et les porte-parole de la droite ont parfaitement
raison lorsqu’ils disent qu’ils n’ont pas élu Ariel Sharon pour parvenir à un
accord avec les Palestiniens, ou pour être «contraints». Sharon a été élu pour
démanteler l’Autorité Palestinienne, pour enterrer une fois pour toutes la
moindre chance de réconciliation avec les Palestiniens, et pour poursuivre la
conquête de la Judée et de la Samarie au profit des Juifs. Sharon le sait
parfaitement, et il n’y a aucune raison de croire qu’il n’entend pas satisfaire
de telles aspirations, car ce sont aussi les siennes. Mais le Sharon de 2001 est
une version nettement plus expérimentée et perfectionnée que le modèle de 1982.
Il a appris la leçon, il sait qu’on ne part pas en guerre simplement parce qu’on
en a décidé ainsi, et à l’image de ses pères spirituels des partis politiques
Mapai et Ahdut Avoda, il est en train d’élaborer, avec une magnifique tactique
et une patience admirable, un consensus intérieur et international en vue d’une
guerre dont il sait qu’elle fera de nombreux morts, une guerre dont le camp
israélien ne se tirera pas à bon compte, une guerre qui pourrait se transformer
en catastrophe internationale.
Sur le plan intérieur, il a obtenu jusqu’ici
un franc succès. Il est vrai qu’il a reçu d’Ehud Barak, de Shlomo Ben-Ami - et
de Bill Clinton - une assistance généreuse. Chacun d’eux, pour des raisons qui
leur appartiennent, ont fait porter aux Palestiniens la totalité des
responsabilités de leur propre échec, et ne se sont pas interrogés sur les
erreurs qu’ils avaient pu commettre à Camp David, affirmant qu’«Israël n’a pas
de partenaire pour la paix.» À elle seule, cette déclaration a paralysé le camp
de la paix israélien, bien qu’à mesure que le temps passe, il devienne de plus
en plus clair que si l’offre Barak-Clinton était effectivement la plus généreuse
qui ait jamais été présentée officiellement aux Palestiniens, elle était aussi
moins généreuse que cela a été affirmé, ou que des fuites l’ont laissé entendre.
En effet, cette offre comportait des termes qu’il était impossible aux
Palestiniens d’accepter pour parvenir à une «fin du conflit». Entre autres
choses, les propositions israéliennes de Camp David comportaient l’annexion de
12% des Territoires sans aucune contrepartie pour les Palestiniens. Les
Américains ont ensuite indiqué qu’Israël pourrait se contenter de 9%, plus 1%
pour, semble-t-il, les dunes de Halutza, mais Israël a refusé de prendre le
moindre engagement concret en vue de l’évacuation des colonies. De plus, Israël
exigeait l’exercice d’un rôle de supervision aux postes frontières du futur État
palestinien, et, comme il ressort de la carte qui a été présentée aux
Palestiniens, Israël voulait conserver deux blocs de colonies, ce qui avait pour
conséquence de découper la Cisjordanie en plusieurs parties. Fondamentalement,
l’offre israélienne présentée par Barak (et même d’autres offres moins
«généreuses») aurait pu constituer une bonne base de négociation, dont les
détails auraient été affinés à mesure que les populations des deux camps
auraient appris à les accepter, n’avait été le calendrier impossible auquel
Barak et Clinton étaient soumis, et qui les pressait d’obtenir des résultats
immédiats et spectaculaires. Clinton, rappelez-vous, en était au dernier mois de
son mandat, et souhaitait quitter la scène internationale en beauté. Barak,
victime de son inexpérience et des pressions exercées par sa coalition, a établi
lui-même un calendrier qu’il était impossible de respecter.
Pour dissimuler
leur échec, il était plus facile à Clinton et à Barak d’en faire porter
l’entière responsabilité à Arafat. Dès lors, il est clair désormais que la
manière dont les propositions israéliennes ont été présentées constitue une
fraude à l’encontre des opinions publiques tant israélienne qu’internationale.
Il ne s’agissait même pas d’une conspiration, mais l’échec des pourparlers, la
manière dont cet échec a été présenté, et la violente réaction palestinienne,
ont fait rapidement basculer l’opinion publique, ont paralysé le camp de la
paix, et ont suscité confusion et embarras au sein de l’élite spirituelle et
intellectuelle.
Ces facteurs ont contribué non seulement à la victoire de
Sharon, mais, pire encore, ont créé au sein de l’opposition un vide politique et
idéologique qui a conduit à une domination sans précédent de la scène politique
par les religieux radicaux et la droite laïque - à un point tel qu’il semble
aujourd’hui que rien ni personne ne pourra arrêter le glissement vers un conflit
total.
On dirait que le public ne sera dégrisé qu’à 5 heures du soir après la
guerre. Néanmoins, il semble qu’il nous reste peut-être bien encore cinq minutes
pour faire taire les tam-tams de la guerre. Faisons comprendre à Sharon que nous
savons que cette guerre ne serait pas seulement une guerre que nous aurions
choisie de notre plein gré, mais aussi une mauvaise guerre
coloniale.
6. Israël : le temps des liquidations par
Vincent Hugeux et Hesi Carmel
in L'Express du jeudi 12 juillet
2001
Au nom de la lutte contre le terrorisme palestinien, l'Etat
hébreu intensifie le recours aux assassinats «ciblés». Le procédé n'est pas
nouveau. Il reste aléatoire
Ariel Sharon n'en démord pas. De Berlin à Paris,
le Premier ministre d'Israël tente de justifier la liquidation des terroristes
palestiniens, avérés ou supposés. Vain plaidoyer: «Arik» n'a pu rallier l'aval
de ses hôtes. Le recours aux assassinats «ciblés», tantôt revendiqués, tantôt
niés mollement, lui vaut à l'inverse un désaveu universel. Secrétaire général
des Nations unies, Kofi Annan enjoint sans illusion à celui-ci d'y mettre un
terme, au nom de la loi internationale, du droit humanitaire, et du respect d'un
cessez-le-feu chimérique. Tandis que Washington, allié pourtant tenace, réprouve
ces méthodes expéditives. Peine perdue, là encore. Depuis novembre 2000, une
traque acharnée a coûté la vie à 24 combattants de l'Intifada d'el-Aqsa, membres
de l'aile militaire du Fatah de Yasser Arafat, ou des bras armés du Hamas et du
Jihad islamique. Le 4 juillet, le cabinet de sécurité, noyau dur ministériel,
décidait d'intensifier la chasse à l'homme. Quitte à grossir les rangs des
candidats au martyre. Plus question de s'en tenir à l' «interception» du poseur
de bombe ou du kamikaze en route pour son crime. Haro sur le suspect. Surtout
s'il figure sur la liste noire transmise à l'Autorité palestinienne, sommée de
coffrer ses tueurs et ses va-t-en-guerre.
Quelle guerre? Une guerre de
l'ombre assortie d'une féroce bagarre sémantique. Sharon et les siens récusent
le mot hissoul - liquidation, en hébreu - lui préférant le concept d'
«autodéfense active», voire d' «opération ponctuelle visant à déjouer un
attentat». On invoque même parfois la fatalité de l' «accident du travail»,
formule réservée d'ordinaire à l'artificier maladroit ou au convoyeur
d'explosifs mis en pièces prématurément par sa cargaison.
Un temps délaissé,
le procédé sera réactivé par Ehud Barak, bien avant sa déroute électorale de
février dernier. Entre le 11 et le 17 décembre 2000, six activistes périssent
ainsi, la plupart sous les balles d'unités d'élite de Tsahal. Il est vrai que
Barak, colombe en treillis de combat, fut un virtuose de l'expédition
punitive.
Tout l'arsenal de la mise à mort
Déguisé en
femme de pied en cap, il dirige en avril 1973 le commando chargé d'abattre en
plein Beyrouth trois meneurs de Septembre noir, impliqués quelques mois
auparavant dans le massacre de 11 athlètes et cadres de l'équipe israélienne,
dans l'enceinte du village olympique de Munich. Quinze ans plus tard, le futur
chef du gouvernement travailliste orchestre le meurtre, à Tunis, d'Abou Jihad,
chef militaire présumé du soulèvement qui embrase alors les territoires
occupés.
Téléphones, colis et lettres piégés, assaut héliporté, charge
télécommandée, tireur d'élite: l'Etat hébreu emploie tout l'arsenal de la mise à
mort. Le 1er juillet, non loin de Jenine, un hélico d'attaque Apache lâche une
volée de roquettes sur une voiture bourrée d'explosifs. A bord du véhicule
pulvérisé, un fedaï - combattant - du Fatah et deux islamistes, dont Mohammad
Bicharat, tenu pour responsable de divers attentats perpétrés en Israël, et
mentor d'une poignée de bombes humaines. Message reçu? Le raid survient peu
après une cérémonie à la mémoire des 21 Israéliens fauchés un mois plus tôt lors
d'un attentat-suicide, sur le seuil d'une boîte de nuit de Tel-Aviv. Parfois
guidée par un marquage électronique au sol, la roquette venue du ciel a fait ses
preuves. Notamment en février, aux dépens d'un officier de la Force 17 d'Arafat,
soupçonné d'animer à Gaza une cellule du Hezbollah, la milice chiite libanaise;
mais au risque de «dégâts collatéraux»: en novembre 2000, le missile fatal à un
Rambo du Fatah cisaille deux vieilles femmes de Bethléem. Qu'ils servent au sein
du Shin Bet - sécurité intérieure - du Mossad - opérations extérieures - ou de
l'Aman - renseignement militaire - les cerbères d'Israël disposent pour
localiser leurs proies d'un outillage dernier cri. Et c'est à l'abri d'une
bâtisse couleur grisaille de Ramat Aviv, dans la banlieue de Tel-Aviv, que les
experts analysent les écoutes téléphoniques ou les images fournies par les
drones, avions sans pilote équipés de caméras vidéo. Ils exploitent aussi les
informations livrées par leurs agents infiltrés ou les collaborateurs
palestiniens. Rien d'inédit là encore: dès juillet 1956, un Arabe à la solde
d'Israël remettait un livre piégé à un haut gradé égyptien en poste à Gaza. Ce
sera son ultime lecture. Le 23 novembre 2000, un islamiste de Naplouse, libéré
la veille des geôles d'Arafat, emprunte la voiture d'un cousin, «révisée» par le
Shin Bet. Il n'ira pas loin: mise à feu de l'hélicoptère qui survole la zone, la
charge placée dans l'appui-tête le décapite. Quant au parent collabo, il sera
condamné à mort au terme d'une parodie de procès.
Coups de fil
explosifs
Pour un peu, on oublierait que les services de l'Autorité
ont souvent prêté main-forte à l'occupant. Tel fut le cas lors de l'élimination,
en 1998, de l' «ingénieur n° 2» Mohieddine al-Charif, chef de file en
Cisjordanie des brigades Ezzedine al-Kassam, la branche armée du Hamas. Quant à
Yehia Ayache, l' «ingénieur n° 1», artificier en chef du Hamas et maître d'œuvre
d'attentats sanglants - plus de 70 morts et 300 blessés inscrits à son passif -
il avait péri le 5 janvier 1996, la tête arrachée par l'explosion de son
téléphone cellulaire. Grâce aux complicités tissées dans son entourage, les
limiers d'Israël activèrent au moment voulu les 50 grammes de plastic glissés
dans la batterie du portable. La recette, éprouvée, coûtera aussi la vie à un
cadre du Fatah en décembre 2000. Au royaume des «contrats», préventifs ou
punitifs, les coups de fil se révèlent souvent mortels. Ce printemps, des
cabines publiques piégées ont ainsi abrégé la carrière de deux fedayin, l'un du
Fatah, l'autre du Jihad. Vieille tradition. Un jour de décembre 1972, la
sonnerie retentit au domicile parisien de Mahmoud Hamshari, l'un des cerveaux du
carnage munichois. A l'instant où l'homme décroche, son interlocuteur actionne à
distance le détonateur de la bombe placée sous une lame de parquet, près du
téléphone. Il ne survivra pas. Pas plus que les dix compagnons dont Golda Meir,
alors Premier ministre, exige aussi la tête. En dix-huit mois, neuf d'entre eux
tombent, victimes de l'opération «Vengeance divine», traque patiente et
méthodique. Abattu à Beyrouth, le dernier, Hassan Salameh, défie la sentence
jusqu'en 1979. Six ans auparavant, les exécuteurs avaient cru le coincer à
Lillehammer (Norvège). Atroce méprise: ils abattent un serveur
marocain.
En finir avec Arafat : l'illusion
perdure
D'autres échecs ternissent le palmarès des vengeurs. A
commencer par le fiasco d'Amman. Voilà trois ans, un commando du Mossad injecte
à Khaled Mechaal, figure de proue du Hamas, un sérum réputé mortel. Le
«condamné» en réchappe et les deux agents trouvent refuge in extremis à
l'ambassade d'Israël en Jordanie. Furieux, Benyamin Netanyahou envoie l'un de
ses ministres négocier leur libération outre-Jourdain. Il l'obtient contre celle
du cheikh Ahmed Yassine, guide spirituel du Hamas, et, dit-on, une dose
d'antidote. Le nom de l'émissaire? Ariel Sharon. Le même Sharon qui, voilà près
de vingt ans, ordonnait le pilonnage intensif des caches beyrouthines d'un
Yasser Arafat aux abois. Histoire d'en finir avec lui. L'illusion perdure. Selon
un rapport supposé secret du Shin Bet, cité par le quotidien Maariv, la
«disparition» du vieux raïs aurait plus d'avantages que d'inconvénients. Un
ministre d'extrême droite préconise l'hallali. Un autre, moins exalté, envisage
l'expulsion. En 1982, à l'heure où les fedayin assiégés fuient par bateau le
pays du Cèdre, un sniper israélien tient Abou Ammar dans sa ligne de mire. Dur
d'entre les durs, Menahem Begin refuse l'ordre de tir. Le vétéran de l'Irgoun
avait compris qu'on ne tue pas une cause en supprimant celui qui
l'incarne.
7. La Belgique imagine le couvre-chef d'Etat : Ariel
Sharon pourrait bénéficier d'une immunité par Jean-Pierre Borloo
in
Le Soir (quotidien belge) du jeudi 12 juillet 2001
La Belgique
aurait-elle peur de sa compétence universelle ? En tout cas, il semble qu'elle
s'apprête à faire une importante marche arrière dans sa traque aux tyrans du
monde. Sur la base d'arguments diplomatiques. A l'avenir, une instruction pour
crime de droit international, de génocide ou contre l'humanité pourrait être
suspendue quand elle vise un chef d'Etat en fonction, un chef de gouvernement ou
un ministre des Affaires étrangères. Ceux-ci seraient couverts par une immunité.
C'est ce qui aurait été débattu mardi en intercabinet.
La diplomatie belge,
mise sous pression depuis le dépôt de plaintes contre le Premier ministre
israélien Ariel Sharon, aurait ainsi trouvé une porte de sortie vers
l'apaisement. Car si la Belgique revient sur la loi de 1999 et dit que les chefs
d'Etat bénéficient d'une immunité, on voit mal comment le juge d'instruction
saisi de la plainte Sharon poursuivrait son enquête. Cette marche arrière
s'appliquerait-elle aussi aux autres plaintes visant Rafsandjani (Iran), Kagame
(Rwanda), Hussein (Irak), Gbagbo (Côte d'Ivoire) ?
Le procès Rwanda a grandi
notre justice aux yeux de l'opinion internationale
En intercabinet, les
ministres et leurs experts auraient également parlé d'assujettir le travail du
juge d'instruction à un contrôle de la chambre des mises en accusation quand il
serait question de poser un acte contraignant (mandat d'arrêt, perquisition,
saisie...). Cela, notamment, dans l'optique bien compréhensible de ménager la
diplomatie et d'éviter qu'une visite officielle d'un chef d'Etat ne se
transforme en une intervention musclée de la justice contre le visiteur.
8. L'eau, pomme
de discorde entre Israéliens et Palestiniens par Mort
Rosemblum
Dépêche de l'agence Associated Press du mardi 10 juillet 2001,
18h45
TIBERIAS, Israël - La question de l'eau est une source de
conflit entre Israéliens et Palestiniens et les tensions sont aggravées par la
pire sécheresse depuis un siècle en Israël. Le lac de Tibériade, qui fournit
quelque 40% de l'eau potable du pays, a ainsi baissé à un niveau inquiétant.
Le lac où, selon la Bible, Jésus a marché sur les eaux, a été pompé presque
jusqu'à la limite du tolérable. Son niveau est aujourd'hui si bas que des dépôts
de sel menacent son eau douce. En temps normal, cette nappe d'eau douce fournit
plus de 378 milliards de litres par an, mais les activités de pompage ont été
réduites de plus de 75%. Si le niveau du lac baisse encore de quelque 90
centimètres, les pompes aspireront de l'air et cesseront de fonctionner.
L'autre grande source d'approvisionnement d'Israël, les aquifères situés
dans les montagnes, principalement en territoire palestinien et le long de la
côte, est également menacée par la sécheresse.
Israéliens et Palestiniens
doivent faire face à une pénurie, mais ils ne sont pas logés à la même enseigne.
Les arabes ne reçoivent en effet qu'une fraction de l'eau distribuée aux juifs.
Les Israéliens affirment que leur société, avec son économie développée, a
besoin de davantage d'eau.
Sur le terrain, les différences sont criantes. En
Cisjordanie, certains Palestiniens qui doivent faire un long trajet à pied pour
aller chercher de l'eau longent parfois des colonies juives où l'on s'ébat dans
des piscines... Dans la Bande de Gaza, quelques milliers de colons juifs sont
confortablement approvisionnés par de l'eau venant d'Israël, alors qu'un million
de Palestiniens pompent les dernières réserves potables de nappes souterraines
polluées par la mer et les eaux usées.
''On ne peut pas parler de paix avec
une telle discrimination sur le terrain'', note Ayman Rabi, directeur du Groupe
d'hydrologie palestinien. ''Chaque jour le problème s'aggrave.'' Les
Palestiniens affirment que le manque d'eau bloque leur développement économique.
Le pays accuse un déficit en eau de 30% par rapport à la normale, et la
sécheresse, qui dure depuis trois ans, devrait encore durer. Les Israéliens
envisagent d'importer de l'eau de Turquie, mais cette mesure ne serait pas mise
en oeuvre avant un an. Une autre solution sur le long terme serait la
dessalement de l'eau de mer, mais bien que l'Etat hébreu maîtrise cette
technique, il préfère l'eau douce naturelle pour ses propres besoins.
Israël
a prévu la construction d'usines de dessalement, mais les deux premières, qui ne
fonctionneront pas avant 2004, ne satisferont que 5% de la demande annuelle.
Pendant ce temps, la population continue à croître.
Le problème a des
racines profondes. En 1990, le contrôleur des finances de l'Etat fustigeait
''une gestion irresponsable des ressources d'eau depuis 25 ans''.
Selon
B'Tselem, le respecté Centre d'information israélien pour les droits de l'homme
dans les territoires occupés, les Israéliens reçoivent cinq fois plus d'eau par
personne que les Palestiniens. A Gaza, le ratio s'élèverait à 7 pour 1. En cas
de pénurie, les Israéliens coupent souvent l'approvisionnement aux Palestiniens
pour satisaire leurs propres besoins, souligne un rapport de l'association.
Marwan Haddad, un expert de l'université An-Najah, à Naplouse, affirme de
son côté que les foyers israéliens recevraient en fait 10 fois plus d'eau et
qu'en réduisant leur consommation de seulement 10%, Israël pourrait doubler
l'approvisionnement des Palestiniens.
Un autre problème est que les systèmes
de distribution d'eau palestiniens sont inadaptés et très dégradés par endroit.
Selon B'Tselem au moins 215.000 Palestiniens de Cisjordanie n'ont pas l'eau
courante.
L'agriculture utilise 60% des réserves d'eau potable, mais elle
est considérée comme un élément identitaire essentiel dans les deux camps.
Toutefois, alors qu'elle ne représente que 2% du PNB d'Israël, elle joue un rôle
prépondérant dans l'économie
palestinienne.