Point d'information Palestine > N°154 du 29/06/2001

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Au sommaire
               
Témoignage
Deiheshe par Nathalie Laillet, citoyenne de Naplouse en Palestine
             
Rendez-vous
1. "Palestine 1948, l'exode" exposition-rencontre à Paris, le lundi 2 juillet 2001, de 10h à 22h
2. Conférence-Débat sur la Palestine à Avignon, le mardi 3 juillet 2001, à 19h
             
Réseau
1. Réponse à une protestation contre la visite du Président Assad à Paris par Philippe Mokrani pour l'Association Médicale Franco-Palestinienne - Comité Pierre Llucia d'Aubagne
2. Hé, Mac Carthy ! par Uri Avnery, le samedi 23 juin 2001 [traduit de l'anglais par Sylviane de Wangen]
            
Revue de presse
1. Bachar El Assad réclame l'examen des raisons de l'échec du processus de paix israélo-arabe - Le président syrien, en visite d'Etat à Paris, se défend de tout antisémitisme par Mouna Naïm in Le Monde du jeudi 28 juin 2001
2. Sharon sous la pression des colons - Ils veulent une intervention musclée contre les Palestiniens par Alexandra Schwartzbrod in Libération du jeudi 28 juin 2001
3. Divergences entre Sharon et Bush par Françoise Germain-Robin in L'Humanité du jeudi 28 juin 2001
4. Maintien du blocus autour d’Hébron in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 27 juin 2001
5. Les Européens ne veulent plus garder le silence par Ibrahim Nafie in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 27 juin 2001
6. Pourquoi Israéliens et Palestiniens sont inséparables par Moshe Arens in Ha’Aretz (quotidien israélien) traduit dans Courrier International du jeudi 28 juin 2001
7. Un différend met aux prises Bush et Sharon sur la "fin des violences" par Jane Perlez in The New York Times (quotidien américain) le mercredi 27 juin 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
8. Proche-Orient : Circonscrire le feu, oui, dans quel but ? par Rudolf El-Kareh in Le Soir (quotidien belge) du mardi 26 juin 2001
9. Des boucliers de protection, des voitures blindées pour les colons et des cartes mettant en évidence les "routes sûres"... Israël décide d'abandonner quinze foyers de colonisation en raison de la dégradation de la sécurité in Al-Hayat Al-Jadidah (quotidien palestinien) du mardi 26 juin 2001 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
10. Sharon : nouvelle tactique - même stratégie... in Al-Quds (quotidien palestinien) du mardi 26 juin 2001 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
11. Un journal britannique : "C'est un informateur d'Israël qui a conduit le terroriste à la bombe jusqu'à la discothèque Dolphinarium" in Ha'Aretz (quotidien israélien) du lundi 25 juin 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
12. Israël dans l'impasse par Hasan Abu Ni'meh, ambassadeur, ancien ambassadeur de Jordanie à l'ONU in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du lundi 25 juin 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
                       
 
Témoignage

            
Deiheshe par Nathalie Laillet, citoyenne de Naplouse en Palestine
En ce lundi 25 juin le soleil brille sur le camp de réfugiés de Deiheshe. Confortablement installée dans la salle informatique de l'association pour laquelle je bosse, je vous envoie des nouvelles du "front". Nous sommes une petite dizaine dans la salle et nous travaillons en écoutant Oum Kalthoum (anta Umri, pour ceux qui connaissent).
Ce matin, le réveil a été un peu dur. Faut dire que je n'ai pas beaucoup dormi cette semaine. Bref, je me tire difficilement du lit a... 10H. Une douche, un café dans la salle commune et hop me voilà dehors. La bibliothèque ou je donne les cours est a quelques "rues" de la. Il m'a fallu a peu près une semaine pour visualiser le chemin. Un camp de réfugiés, c'est un véritable labyrinthe ou l'on se perd facilement. Peu de point de repères : pas de magasins et toutes les maisons se ressemblent : murs de parpaings et porte en fer. Bref, mon repère a moi, c'est une voiture, garée au même endroit depuis plus d'une semaine. Et chaque matin, je crains que son propriétaire ne l'ait changée de place... Donc après une semaine a Deiheshe, je connais le chemin de la bibliothèque.
Je suis la bas a 11H . Les enfants sont déjà la pour la plupart. Il ont entre 10 et 13 ans et débutent totalement dans notre belle langue. Le cours commence. Aujourd'hui, après avoir revu le vocabulaire de base, nous apprenons a conjuguer notre premier verbe...
A 12h, le premier groupe a fini. Le deuxième arrive. Ceux la ont fait du français a l'école. On revoit en s'amusant ce qu'ils ont appris cette année.
Puis a 13h, c'est le troisième groupe. Des débutants eux aussi. Un peu plus jeunes. Ils ont entre 7 et 13 ans.
A 14h ma journée est terminée. Ala, une gamine de 11 ans m'invite a venir manger chez elle. je ne refuse pas.
Elle me conduit a travers les ruelles du camp et les regards interrogateurs des habitants du lieu. Une porte en fer peinte en jaune pale, la porte de sa maison. Elle ouvre sur un minuscule jardin, ou pousse un citronnier. Plus loin, un petit parc pour les volailles. Sa maman est justement en train de les nourrir. Vêtue d'un pantalon et d'un tee shirt, elle porte un foulard sur les cheveux à la manière des "fellahin" (les paysans). Le foulard est noue derrière la tête et laisse le cou a découvert. Dans les villages, beaucoup de femmes le portent ainsi. Les réfugiés sont presque tous originaires de villages aujourd'hui détruits. 53 ans après être partis de chez eux, ils ont garde leurs habitudes et leurs modes de vie. Ala' me conduit dans sa maison, dans le salon, ou je fais la connaissance de sa soeur âgée de 10 ans, Fida. Timide, elle s'enhardit cependant peu a peu. La maman nous rejoint. Ala prépare le thé . Nous sommes assis par terre sur de tous petits matelas de mousse. Une natte recouvre le sol. Pas un meuble dans la pièce, a l'exception d'un vieux meuble tv, et de la tv elle même.
Comme partout ici, elle est allumée en permanence. Les murs sont recouvert d'une peinture blanche qui commence a s'écailler un peu partout. Aucune décoration, a l'exception d'un cadre ou est écrit "Allah" (Dieu). Dans un coin, des fleurs. En plastique bien sur. Comme dans toutes les maisons. Une fois, chez des amis, je m'étais risque a dire que le plastique c'était pas terrible et que des vrais plantes... Mais, m'a-t-on répondu, "il faut leur donner de l'eau aux vraies !". J'avais oublie. J'avais oublie a quel point ici l'eau est précieuse. Depuis ma Normandie natale, c'est difficile d'imaginer que l'eau peut manquer. Et pourtant elle manque. Cruellement. Sur la totalité des ressources en eau de Cisjordanie, seule 20% est affectée aux palestiniens. C'est une société israélienne qui contrôle la distribution de l'eau. C'est elle qui approvisionne les Zones A et B, théoriquement autonomes en ce qui concerne leur administration civile. Une des craintes des palestiniens est que Sharon ne ferme les robinets. Beaucoup plus efficace que les F16 et qui a des chances de passer inaperçu aux yeux de la communauté internationale. Une seule fenêtre pour toute la pièce. Une fenêtre qui ouvre... sur un mur de parpaing, la maison du voisin. Tout est si proche ici. 11000 personnes sur 1km2. La porte ouverte me laisse voir la porte de la maison du voisin d'en face. La même porte, verte celle la. Pour tout horizon, Ala et ses frères et sœurs ont le choix entre un mur de béton , une porte verte, et la tv. La plus jeune soeur d'Ala nous rejoint. Elle s'appelle Aseel, a 4 ans et de magnifiques yeux gris clairs. Puis arrive le garçon de la famille, Mohammad, 6 ans. C'est l'heure du repas. Ala m'a invitée ce matin même, la maman n'était pas au courant de ma venue, mais qu'a cela ne tienne je suis la bienvenue et justement aujourd'hui il y a du msakhan, du pain recouvert d'oignon et de poulet. Il finit de cuire dans le four. Ala pose une nappe plastifiée sur la natte et apporte le thé. Samia, une tante, nous rejoint. Elle a 27 ans et 4 enfants. Mohammad et Aseel testent leur niveau d'anglais avec moi (Et bien oui, ils parlent déjà un peu anglais). Aseel sait aussi compter en hébreu. C'est son papa qui le lui a appris. Le msakhan est prêt. Le plat est brûlant. Assis en tailleur, nous plongeons la main dans cet unique plat. La main droite bien sur. Le bout de mes doigts est toujours sensible a la chaleur, contrairement aux doigts palestiniens... Une fois ce repas fini, on m'apporte un verre de coca . En 5 secondes la "table" est débarrasse et le salon retrouve son aspect de tout a l'heure. Aseel joue avec sa poupée. Elle lui fait revêtir une robe brodée a la main. C'est sa maman qui l'a faite. "Tu aimes les broderies ?" me demande t elle. "oui. Je trouve les robes superbes !" Elle file dans la chambre et me ramène des "Taub"(robes brodées palestiniennes. "Celle la c'est moi qui l'ai faite. Et celle la c'est ma grand mère. Et celle la c'est ma belle mère. Et celle la..."
"Tu veux les essayer ?" Et me voilà en train d'essayer les thaubs de la famille ! Un véritable défilé de mode !
Apres la couture, on parle cuisine. J'annonce fièrement (et peut être un peu hâtivement...) que je sais faire les mahchis et les dawalis. "Et le pain? Tu sais faire le pain?" Et bien là, je suis bien obligée d'avouer mon ignorance... Alors on va faire le pain ! La maman d'Ala n'en achète jamais, elle le fait tous les 4 jours environ. Le matin elle a prépare la pâte et l'a laissée reposer. Elle l'amène dans le salon, amène aussi le four (ici les fours sont mobiles : il s'agit d'une sorte de grand plat couvert qui fonctionne a l'électricité). Elle prélève un petit morceau de pâte, le pétrit doucement et rapidement du bout des doigts, en fait une jolie boule uniforme qu'elle place sous un linge. Elle répète l'opération jusqu'à ce que toute la pâte soit sous forme de petites boules. Elle ouvre le "four". Et a l'intérieur devinez ce qu'il y a ? Des petits cailloux ! Oui des cailloux ! C'est sur ces cailloux qu'on fait cuire le pain. Elle ouvre donc le four , il est chaud. Elle prend une boule l'écrase avec sa main . Avec ses doigts elle fait de petits trous dedans. Puis, elle fait jouer la pâte entre ses deux paumes de sorte qu'elle agrandit considérablement le diamètre du rond de pâte. Enfin, elle le pose sur les cailloux brûlants...et le ressort quelques minutes plus tard, cuit et odorant...
Elle le pose sur un plat de paille tressée pour le faire refroidir. Pendant ce temps, nous continuons nos joyeux bavardages avec Ala. Quelques heures après être arrivée, je finis par prendre congé avec dans ma besace un morceau de pain encore chaud et un sac de prunes. Ala me raccompagne la ou j'habite, toujours a travers le dédale des ruelles. A travers ce paysage de béton , une seule touche de couleur : les portes des maisons, peintes en bleu, jaune, vert. Et aussi les yeux des enfants, grands ouverts et tournes vers moi, qui me scrutent, m'observent. Curieux. Et déjà sérieux. Anxieux. Voilà donc une journée aux milieu de ces réfugiés, au milieu de ceux qui fournissent les candidats au suicide et les tanzims. Une journée paisible. Ou presque.
Pendant les cours, j'ai du m'interrompre a plusieurs reprises a cause des avions et de leur vacarme assourdissant.
Et puis, au moment même ou j'écris, un des gamins qui est avec moi dans la salle informatique, lance a la cantonade:" il y a plein d'avion au dessus de Beit Jala" . On sait tous ce que ca veut dire. Beit Jala a été bombarde plusieurs fois. Personne ne bronche, je continue a écrire et les gamins continuent a jouer.
              
Rendez-vous

               
1. "Palestine 1948, l'exode" exposition-rencontre à Paris
le lundi 2 juillet 2001, de 10h à 22h
L'espace L'Harmattan invite Hervé de Williencourt, le lundi 2 juillet 2001, de 10h à 22h, à l'Espace L'Harmattan - 21, rue des Ecoles - Paris 5e - Tél : 01 40 46 79 10 - pour présenter l'exposition "Palestine 1948, l'exode", composée de témoignages et de photos de palestiniens ayant vécu l'exode de 1948.
               
2. Conférence-Débat sur la Palestine à Avignon
le mardi 3 juillet 2001, à 19h
Le Rassemblement Franco-Palestinien pour la Paix, le Collectif Paix comme Palestine et l’association l’Immigration Repère et Citoyenneté organisent, le mardi 3 juillet 2001, à 19h, à la salle polyvalente de la Médiathèque Jean-Louis Barrault - Rocade Sud - 6, rue Morel - Avignon - Tél : 04 90 14 01 10 - une conférence-débat autour de la Palestine, en présence Michel Bracco, enseignant et chercheur, Daniel Cuche, du Collectif Crestois Solidarité-Palestine et Chérif Boudelal, du CPCP, suivie d'une exposition et de la projection d'un documentaire.
                  
Réseau

           
1. Réponse à une protestation contre la visite du Président Assad à Paris par Philippe Mokrani pour l'Association Médicale Franco-Palestinienne - Comité Pierre Llucia d'Aubagne
Les propos du nouveau président syrien sur Israël et les juifs ne relèvent pas de l'antisémitisme comme le prétend l'association FFDJF (Le Monde du Samedi 19 Mai 2001), mais reflètent avant tout la douleur et la révolte d'un patriote et du pays qu'il représente dont une partie du territoire est bel et bien depuis 1967 sous la botte d'un agresseur ,Israël , jamais sanctionné pour son acte de piraterie internationale, ni pour son refus d'appliquer le droit international, ni pour son mépris, d'ailleurs du droit tout court.
Souvenons-nous, nous mêmes, pour faire un parallèle, que ,durant l'occupation de la France, les allemands étaient nommés "les boches", haïs par les plus modérés des français.
Souvenons-nous de De Gaulle, indigné par l'attaque israélienne de juin 1967 et réprouvant en Israël un "peuple dominateur".
Bechir El-Assad, par ses propos, certes exprimés en métaphore religieuse en présence du Pape Jean Paul II mais loin d'être antisémites cependant, ne fait que déplorer le fait suivant :
Israël et ses dirigeants, en bafouant le droit impunément, mais aussi hélas l'immense majorité de la communauté juive, en soutenant aveuglément Israël en s'employant avec un rare acharnement à faire passer aux yeux de l'opinion ce comportement pour légitime ou excusable et en restant totalement insensible aux souffrances , humiliations et traitements inhumains infligés aux palestiniens,  tuent ainsi tous les principes moraux universels et trahissent ceux qui ont tenté ou tentent de faire respecter un tant soit peu ses principes.
En ce qui concerne le criminel nazi Alois Brunner ,condamné avec juste raison, personne n'ignore que la Syrie a toujours protesté contre l'accusation de l'héberger lancée périodiquement et qui a indigné plus d'une fois les dirigeants syriens reportant alors des rendez-vous diplomatiques, en effet, avec nos responsables français.
Indépendamment de cela, on peut sérieusement douter de la présence de Brunner en Syrie, s'il est encore de ce monde, pour la raison simple qu'Israël, qui possède les meilleurs et les plus puissants services secrets au monde, n'aurait pas manqué d'exploiter la situation à son profit, contre son voisin syrien, et aurait déjà depuis longtemps lancé sans trop de difficultés une opération de capture de Brunner comme cela fut le cas par le passé avec Eichman en Amérique latine.
Enfin, soyons sérieux, on voit mal quel intérêt aurait la Syrie , sachant tout cela de surcroît, à s'encombrer d'un pareil individu...
Quant aux attentats au Liban contre la France et son ambassadeur, ils ont été ,non pas le fait de la Syrie, mais le résultat malheureux d'une politique étrangère désastreuse de François Mittérand à l'époque ,aligné sur l'Amérique et partisan inconditionnel d ' Israël, qui avait engagé la France dans une aventure politico-militaire combinée à l'invasion israélienne au Liban déjà en guerre larvée en 1982 dans le but non avoué de transformer ce pays en état croupion. Cela fit évidemment de notre pays , vis à vis de toutes les forces au Liban qui combattaient cette invasion, un pays hostile et complice de l'agression.           
Concernant maintenant les attentats de Paris, si ceux-ci n'ont d'ailleurs jamais été officiellement élucidés, on a aujourd'hui la certitude que certains d'entre eux au moins, comme celui de la rue des Rosiers, ont été l'œuvre du Mossad, les services secrets israéliens, dans le but de faire oublier à l'opinion française l'ampleur des crimes et des exactions commises au même moment par Israël dans sa guerre au Liban.
Quant à parler "d'un système d'oppression sur une Syrie appauvrie et militarisée", faut-il rappeler que la Syrie , depuis l'agression non réparée dont elle a été victime en 1967 doit encore faire face à la menace permanente que fait peser sur le sud de son territoire un Israël  surarmé et notoirement supérieur militairement, mais aussi à la menace sur toute sa frontière nord agitée par la Turquie avec laquelle Israël a conclu une alliance militaire:
Il est bien évident pour tout le monde que cet état de guerre et de suspicions prolongés depuis des décennies ne sont pas de nature à favoriser le développement économique ni l'éclosion de la démocratie dans une jeune nation aux moyens limités comme la Syrie!
Les Fils et Filles des Déportés juifs de France que nous respectons profondément pour ce qu'ils sont, feraient bien de réfléchir avant de faire l'amalgame avec l'antisémitisme caractérisé  et de ne pas s'acharner et s'égarer sur la victime offusquée d'une occupation, car leur message actuel pourrait apparaître en réalité comme destiné à couvrir un autre criminel de guerre plus récent celui-là que le commandant du camp de Drancy : Le nouveau Premier Ministre d'Israël, Ariel Sharon !
              
2. Hé, Mac Carthy ! par Uri Avnery, le samedi 23 juin 2001
[traduit de l'anglais par Sylviane de Wangen]
Hé ! Joe McCarthy, ainsi vous êtes de retour. Quand vous êtes mort, vous étiez en général méprisé, votre nom était devenu une malédiction dans de nombreuses langues, y compris l'Hébreu. Et maintenant, vous êtes revenu à la vie, dans toute votre sinistre splendeur, et, en plus, dans l'Etat d'Israël. (Si, comme je le crains, vous étiez un anti-sémite caché, cela représenterait vraiment pour vous une drôle de victoire.)
J'ai une petite histoire à vous raconter en exemple. Une fois par semaine, j'écris un commentaire sur la situation et je le mets sur mon site internet. Il s'adresse, évidemment, au public israélien. Quiconque s'intéresse à mes opinions peut le trouver et le lire sur les sites web (www.avnery-news.co.il ; www.gush-shalom.org)
Mais l'Internet est un monde de miracles. Une traduction en anglais de l'article est mise sur le site en même temps que l'original en hébreu et atteint en un temps très court des milliers de personnes à travers le monde. Beaucoup parmi eux le mettent sur leur propres listes de distribution. Ici et là des journaux le copient à partir du site web et le publient en différentes langues . En quelques heures, je reçois des réactions de différents pays.
La semaine dernière, après l'application du douteux cessez-le-feu, j'ai consacré mon commentaire à un bilan provisoire de l'intifada Al-Aqsa. J'ai tenté d'analyser, aussi objectivement que possible, les gains et les pertes des Palestiniens. Un important journal palestinien, al-Hiyat al-Jadida (la Vie nouvelle), a publié l'article in-extenso.
Il y a en Israël plusieurs organisations de droite, fortement financées, dont la tâche est de rassembler, dans un but de propagande, des informations venant des médias palestiniens. L'une d'entre elles a pris des phrases de mon commentaire au hasard, les a sorties de leur contexte et mises bout à bout arbitrairement, suivant une méthode bien connue. Ainsi l'impression a été créée que j'avais écrit un article dans le journal palestinien appelant les Palestiniens à continuer d'attaquer les Israéliens. Aucune mention n'était faite que le journal palestinien avait pris l'article d'un site web israélien ni que les phrases citées venaient d'un châpitre qui analysaient les vues palestiniennes. Résultat ? Avnery appelle les Palestiniens à assassiner les Israéliens. Pas moins.
Après plusieurs jours, au cours desquels le poison s'est répandu, l'organisation de droite a été contrainte de se rétracter, encore une fois en falsifiant les faits (elle a prétendu que le journal palestinien m'avait cité de façon erronée, ce qui est tout à fait faux).
Ce qui a rendu furieux les droitistes, c'est la partie de mon analyse dans laquelle je démontrais que l'intifada avait déjà prouvé de manière irréversible qu'il n'y a pas d'avenir pour les colonies. Il n'existe pas la moindre chance que les colons puissent rester là où ils sont.
Le principal argument pour la création des colonies a été qu'elles étaient essentielles pour la sécurité d'Israël. Rafael Eytan, le lamentable ex-chef d'Etat Major, l'a même juré dans une déclaration sous serment à la Cour Suprême. Il est maintenant prouvé que c'est le contraire : L'armée est contrainte d'assumer le fardeau de les défendre. Elle est débordée : si la situation actuelle continue, les forces israéliennes de défense (FID) cesseront d'être une armée capable de défendre l'Etat puisqu'on l'empêche de s'entraîner de manière adéquate pour agir contre des dangers existentiels. Sans parler des immenses ressources matérielles englouties dans cette tâche.
Les colonies sont des îles - ou des archipels - dans une mer de villes et villages palestiniens dont la haine contre elles augmente quotidiennement. Les routes qui y conduisent sont indéfendables. Aucune personne normale ne risquera sa vie pour y aller - pas de fournisseurs, pas de personnel d'entretien, pas d'employés de maison, même pas des parents. Une grande partie des colons qui n'y sont pas allés en raison d'hallucinations messianiques, se sont déjà esquivés discrètement, ou pensent le faire ; beaucoup d'autres y restent parce qu'ils n'ont pas le choix, tant que le gouvernement ne donnera pas des compensations financières à ceux qui partent. C'est une erreur de se laisser avoir par les fanatiques, qui dominent les médias, et qui ne représentent qu'eux-mêmes ou leurs semblables. Les gens commencent à en avoir marre. On leur demande d'envoyer leurs fils et leurs filles, soldats d'active et réservistes, pour défendre une poignée de fanatiques. Les colons n'ont jamais été populaires pour la majorité des Israéliens, même avant que Yigal Amir assassine Rabin avec les encouragements d'une partie des rabbins de Judée-Samarie. Les sondages d'opinion montrent qu'une grande majorité est maintenant prête au gel de toute l'activité de colonisation en échange d'un cessez-le-feu. Combien de temps faudra-t-il avant que les mères et les pères commencent à demander : Jusqu'à quand ? Pourquoi ? Que fait-on là ? Ce qui est arrivé il n'y a pas si longtemps à Gaza et à Ramallah se produira demain à Ophra et à Ariel.
Toute solution politique envisageable impliquera l'évacuation des colons. C'est pourquoi ils propagent maintenant le slogan : " Il n'y a pas de solution au conflit ! ". Ce qui veut dire : Nous devons toujours nous battre, et pendant ce temps-là les colons resteront où ils sont. Cela est illusoire. Le conflit ne durera pas toujours. Il ne continuera pas pendant de longues années. Les gens en auront assez avant cela. Même Mac Carthy ne sera d'aucun secours.
                  
Revue de presse

                 
1. Bachar El Assad réclame l'examen des raisons de l'échec du processus de paix israélo-arabe - Le président syrien, en visite d'Etat à Paris, se défend de tout antisémitisme par Mouna Naïm
in Le Monde du jeudi 28 juin 2001
Le président syrien, Bachar El Assad, a terminé, mercredi 27 juin, une visite d'Etat de trois jours en France, au cours de laquelle il a fait un effort de communication sur des questions difficiles. Mardi, il a notamment été reçu par le premier ministre, Lionel Jospin, et été auditionné par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale. Sa réception à l'Hôtel de Ville a été pour le moins agitée. Le chef de l'état syrien, Bachar El Assad, a tenté, mardi 26 juin, de trouver le ton juste pour répondre aux questions des membres de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale sur la paix avec Israël, la présence syrienne au Liban, l'avenir de l'Irak. Reste à savoir si, sur le fond, ses réponses sont convaincantes. Mais lorsqu'on se souvient de la distance et de l'imperméabilité de son père et prédécesseur, Hafez El Assad, le seul fait que le président syrien ait accepté l'invitation de la commission et fait preuve de disponibilité traduit un souci de se faire comprendre.
Son pays est tenu pour le plus intraitable des voisins d'Israël. Pis. M. El Assad est lui-même accusé d'antisémitisme, après avoir, lors de la visite du pape Jean Paul II en Syrie début mai, accusé sans le nommer l'Etat juif de "tenter de tuer tous les principes des religions célestes, de la manière qu'ils (les juifs) ont trahi Jésus et essayé de tuer le prophète Mahomet". Il l'a suffisamment entendu sur tous les tons au cours de son séjour en France, pour prendre "la mesure du malentendu" qui, selon lui, s'est installé à ce sujet. Outre les manifestations de lundi et les critiques d'hommes politiques de tous bords dont il a certainement été informé, il s'est encore vu indirectement interpellé à ce sujet dans la matinée.
Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, qui le recevait à l'Hôtel de Ville, a de fait "condamné sans répit, sans silence, tout ce qui atteint" la dignité humaine "quelle que soit la forme choisie et d'où que cela vienne : le racisme, l'antisémitisme, l'exclusion et la négation de l'Histoire". Il y a également eu l'intervention de trois élus d'arrondissement en pleine cérémonie. Quelques heures plus tard, en termes plus diplomatiques, le premier ministre, Lionel Jospin, qui l'a reçu pendant une heure en tête-à-tête, a, selon son porte-parole, souligné la nécessité absolue d'un "esprit de concorde, de tolérance et de compréhension mutuelle", afin de "renouer les fils du dialogue de paix".
Aussi, lorsque le député PS Pierre Brana lui a demandé s'il "confirmait" avoir tenu devant le pape ces propos "qui ont beaucoup heurté les Français en général et les députés en particulier", M. El Assad a parlé de "malentendu".
Il l'a imputé à la presse - "Je n'ai pas prononcé une seule fois le mot 'juifs'", a-t-il indiqué, assurant qu'il parlait des Israéliens - et surtout, à la difficulté pour les Français de comprendre la conjoncture proche-orientale et le vécu au quotidien des répercussions des violences pratiquées par l'Etat juif contre les Palestiniens. Son seul et unique objectif, a-t-il assuré, était d'établir une "analogie entre les souffrances des Palestiniens et celles du Christ". Il a même souhaité que s'instaure un "dialogue" à ce sujet avec les parlementaires en lieu et place du simple rituel des questions-réponses.
La Syrie, a-t-il par ailleurs affirmé, est "toujours désireuse d'une paix juste et globale qui restitue tous ses droits et ceux des autres pays arabes". Damas, a-t-il dit, ne pose pas de "conditions" à la paix, mais revendique des "droits". Et peu lui importe l'identité du premier ministre israélien pour peu que ces droits soient respectés. "Dix années d'échecs (depuis le lancement du processus de paix de Madrid) prouvent que la manière de conduire le processus de paix était erronée, a-t-il néanmoins enchaîné. Il est donc indispensable que les Etats-Unis, l'Union européenne et des Etats européens, comme la France, s'emploient à trouver d'autres moyens. Il faut que les raisons de l'échec soient identifiées", a ajouté M. El Assad, étant entendu que pour lui, les références de base de la paix demeurent les résolutions des Nations unies et que sans un rôle "actif" de l'Europe, "il sera difficile" de parvenir à des résultats.
Bachar El Assad affirme partager l'avis, selon lequel un retrait total des troupes syriennes du Liban apporterait une crédibilité plus grande au désir de paix de Damas. Et c'est pour cela, a-t-il dit, qu'entre avril 2000 et juin 2001, la Syrie a procédé à trois redéploiements et un retrait partiel de ses forces. "Le choix du moment et la manière de procéder sont coordonnés par les militaires des deux pays", a-t-il dit, sans toutefois donner d'indications sur le calendrier du retrait définitif. Et, alors que selon plusieurs organisations non gouvernementales, des dizaines de Libanais croupiraient encore dans les geôles syriennes, M. El Assad a assuré qu'il n'en était rien et que son pays se voyait imputer, à tort, les "disparitions" de Libanais.
                  
2. Sharon sous la pression des colons - Ils veulent une intervention musclée contre les Palestiniens par Alexandra Schwartzbrod
in Libération du jeudi 28 juin 2001
Jérusalem de notre correspondante
Neuf mois après le déclenchement de la seconde Intifada, les colons juifs sont devenus le principal enjeu du conflit israélo-palestinien. Remis en question par une partie de la communauté internationale et de la population israélienne, pris pour cible quotidiennement par les Palestiniens sur les routes de Cisjordanie desservant leurs colonies, ils semblent aujourd'hui tentés de passer à l'offensive. Ils n'hésitent plus à lancer des représailles de plus en plus musclées aux embuscades dont ils sont victimes. Attaquent des villages et ravagent des champs palestiniens; prennent d'assaut les collines des territoires pour y établir des colonies sauvages à l'aide d'une caravane ou d'une cabane; organisent des patrouilles autour de leurs implantations; et clament leur colère contre la politique jugée trop modérée du Premier ministre israélien.
Ils ont ainsi prévu de venir en masse, ce matin à Jérusalem, manifester devant le ministère des Affaires étrangères, au moment où Shimon Pérès rencontrera le secrétaire d'Etat américain Colin Powell.
Les quelque 200000 colons implantés dans les territoires palestiniens s'apprêteraient-ils à prendre collectivement les armes et à entrer dans la guerre? «Non, mais ils feront tout pour pousser Sharon à le faire à leur place, explique Ehud Sprinzak, un des meilleurs experts de l'extrême droite israélienne. Les leaders des colons ont, pour la plupart, beaucoup d'expérience, ils savent que l'envie de revanche peut les conduire en prison et n'ont aucune envie d'y aller. En outre, ils ont besoin du soutien de l'opinion publique israélienne. Et ils ont compris que celle-ci était très impressionnée par leur "retenue". Au moindre bain de sang, ils seront lâchés par tout le monde.»
Ras-le-bol. Les colons ont par ailleurs conscience qu'Ariel Sharon fait tout pour servir de rempart entre eux et les autres. Le Premier ministre se bat ainsi en première ligne contre le gel de la colonisation réclamé par la communauté internationale via le rapport Mitchell. «Sharon, c'est notre ami, il est avec nous, je l'ai vu pleurer il y a quelques semaines à l'enterrement du bébé d'un des nôtres», disait hier Jeanine, 53 ans, pourtant venue manifester son ras-le-bol, aux côtés de beaucoup d'autres, devant les bureaux du Premier ministre. D'ailleurs, ces colonies sauvages que le ministre travailliste de la Défense, Benjamin Ben-Eliezer, a promis cette semaine de faire évacuer «par la force s'il le fallait», ne sont-elles pas à l'origine une idée d'Ariel Sharon, se plaisent à rappeler les colons.
Inertie des autorités. Même si le gouvernement israélien peine à assurer totalement leur sécurité, 70 % des colons continuent donc à avoir confiance en Sharon pour diriger le pays, selon un sondage du quotidien Yedioth Aharonot. «Ils savent qu'ils ne peuvent pas faire tomber Sharon aujourd'hui, car il bénéficie d'un trop grand soutien. Cela ne leur servirait donc à rien de se rebeller, explique Michaël Blum, journaliste résidant dans la colonie de Bet-El. Il faut bien faire la différence entre la parole et les actes. Bien sûr, ils crient de plus en plus fort leur colère, mais c'est uniquement pour montrer leur rage devant l'inertie des autorités. Tout ce qu'ils veulent, c'est que l'armée venge leurs morts.»
Même les pourfendeurs des colons ne disent pas autre chose. «Environ 80 % des colons se sont installés dans les territoires palestiniens pour des raisons économiques, ceux-ci n'ont aucune envie d'aller faire la guerre. Quant aux autres, ceux qui sont là pour des raisons idéologiques, ils vivent à 70 % des subsides de l'Etat et vont y réfléchir à deux fois avant d'aller mordre la main qui les nourrit», explique l'Israélien Sergio Yahni, codirecteur de l'Alternative Information Center, une ONG israélo-palestinienne chargée de dénoncer les violations du droit international par les colons.
Représailles ponctuelles. Sauf initiative individuelle que personne ne peut exclure, les colons devraient donc poursuivre leur politique d'opérations de représailles ponctuelles qui leur permet de garder le soutien de l'armée. Mais la plupart d'entre eux espèrent que cette pression quotidienne va finir par pousser Sharon à agir à leur place.
«Je suis sûr qu'on va vers une opération militaire de grande ampleur qui verra Tsahal entrer dans les territoires palestiniens, faire une opération de nettoyage, prendre les armes détenues illégalement, démanteler une Autorité palestinienne qui s'est avérée être une bande de mafieux et installer une alternative. La seule chose que l'on ne sait pas, c'est quand cela va se produire et combien de temps cela va durer?», affirme David Shapira, directeur des programmes francophones d'Aroutsheva, la radio des colons.
             
3. Divergences entre Sharon et Bush par Françoise Germain-Robin
in L'Humanité du jeudi 28 juin 2001
Proche-Orient. La presse israélienne sévère pour le premier ministre.
Les journaux israéliens se sont montrés très sévères hier pour le premier ministre, Ariel Sharon, dont ils ont estimé qu'il avait raté sa prestation auprès du président américain, Georges W. Bush, et subi un " camouflet ". Les deux hommes, après leur entretien de mardi soir, ont étalé leurs différences de points de vue devant la presse. Ariel Sharon, intraitable, a répété " qu'Israël refusait de négocier sous les balles et sous la terreur ". Il exige des Palestiniens " dix jours de calme absolu suivis d'une période d'apaisement de six semaines " avant d'envisager " les mesures de confiance " que réclame le rapport Mittchell, la principale étant le gel total de la colonisation israélienne. Le président américain a, au contraire, estimé que " des progrès ont été réalisés " en matière de baisse du niveau de violence et que " l'important, c'est de ne pas laisser ces progrès s'effondrer ". Il a plaidé pour " une évaluation réaliste de ce qui se passe sur le terrain ". C'est d'ailleurs l'un des buts de la nouvelle mission du secrétaire d'Etat Colin Powell, arrivé hier au Proche-Orient.
Ariel Sharon a bien dû admettre qu'il y avait bien " divergences ", ce que ne lui pardonnent pas les journaux. Le principal quotidien, Yédiot Aharonot titrait son éditorial " Ambush " (embuscade en anglais), et écrivait : " La confrontation publique entre le président et Sharon est inhabituelle dans les relations entre les deux pays. Ils ressemblaient à un couple marié qui a décidé de se quereller devant les enfants. L'attaque du président américain contre Sharon est avant tout destinée à transmettre un message aux pays arabes amis des Etats-Unis et aux Palestiniens selon lequel l'administration américaine actuelle n'est pas dans la poche d'Israël. " Pour le Maariv, " Sharon a eu droit à un camouflet public humiliant et, malgré les déclarations d'amitié, les Etats-Unis et Israël ne voient pas la situation du même oil. La lune de miel s'approche de sa fin. "
Pour Haaretz, " Sharon a échoué dans sa volonté d'empêcher les Américains de présenter un calendrier précis d'application du rapport Mittchel ". Bush lui a " fait comprendre que la patience de l'administration américaine vis-à-vis des manouvres israéliennes était à bout ".
Pour leur part, les Palestiniens se sont félicités du fait que M. Bush " ne se soit pas laissé entraîner par les appels à la guerre de Sharon " et ait préféré " préserver les intérêts américains au Proche-Orient et la stabilité dans cette région ".
             
4. Maintien du blocus autour d’Hébron
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 27 juin 2001
Les Palestiniens ne peuvent plus y entrer ni en sortir, et toutes les routes d'accès ont été bloquées par l'armée à la suite de tirs « intensifs » de Palestiniens vers le centre-ville, où vivent quelque 400 colons juifs protégés par des centaines de soldats, a ajouté la porte-parole.
Ces tirs ont fait cinq blessés, un enfant de 7 ans, un officier israélien et trois gardes-frontières, a précisé la porte-parole.
Les colons, qui résident à Hébron, ne sont pas concernés par les mesures prises par l'armée et peuvent circuler librement.
Le blocus de Hébron et d'autres localités de Cisjordanie, imposé par intermittence depuis le déclenchement de l'Intifada le 28 septembre, avait été partiellement levé ces derniers jours dans le cadre de l'application du cessez-le-feu décrété le 13 juin sous l'égide des Etats-Unis.
Par ailleurs, le couvre-feu imposé lundi soir dans le quartier où vivent les colons et quelque 40 000 Palestiniens restait en vigueur mardi. Dans ce cas aussi, cette mesure ne concerne pas les colons.
Au cours d'échanges de tirs, dix Palestiniens ont été blessés lundi par des soldats israéliens.
Le chef de la Sécurité préventive palestinienne en Cisjordanie, le colonel Jibril Rajoub, a pour sa part affirmé à la radio militaire israélienne que les tirs de Palestiniens contre les colons et militaires israéliens à Hébron « ne constitue qu'un cas isolé ». Selon lui, les « instructions données par le président (Yasser Arafat) sur le cessez-le-feu sont claires et concernent tous les territoires et tous les Israéliens, y compris les colons ». « Mais nous ne pouvons pas déployer nos forces sur le terrain pour appliquer le cessez-le-feu en raison du blocus et de l'encerclement des villes de Cisjordanie qui empêchent toute circulation », a ajouté le colonel Rajoub, qui s'exprimait en hébreu.
Aux termes d'un accord avec l'Autorité palestinienne, Israël a évacué 80 % de Hébron en 1997, mais contrôle toujours une enclave autour du Caveau des patriarches, lieu saint vénéré à la fois par l'islam et le judaïsme, où quelque 400 colons extrémistes juifs vivent retranchés au milieu de 120 000 Palestiniens. 
Tournée de Powell et sommet Sharon-Bush
Les heurts entre Israéliens et Palestiniens se sont multipliés lundi à la veille d'un sommet israélo-américain à Washington et d'une tournée au Proche-Orient du secrétaire d'Etat Colin Powell.
Le premier ministre israélien Ariel Sharon, qui effectue sa deuxième visite aux Etats-Unis depuis sa prise de fonction en mars, doit notamment évoquer avec le président George W. Bush les « menaces terroristes » auxquelles font face les deux pays, a indiqué à New York un responsable israélien.
Ce responsable, accompagnant M. Sharon arrivé lundi à New York, faisait allusion aux « menaces d'attentats » de l'islamiste d'origine saoudienne Ossama bin Laden, accusé de terrorisme et recherché par les Etats-Unis.
M. Powell, qui tentera de sauver le cessez-le-feu très fragile entré en vigueur le 13 juin après une médiation du chef de la CIA, George Tenet, a indiqué ne pas être porteur de nouvelles idées et affirmé qu'il souhaitait avancer rapidement dans l'application du plan Mitchell. « J'ai hâte d'avancer vers le plan Mitchell, mais cela sera déterminé non par le calendrier, mais par les événements sur le terrain », a dit à New York M. Powell, qui verra M. Sharon à Washington avant son départ pour le Proche-Orient. M. Powell demandera aux Israéliens et Palestiniens une réponse définitive à un calendrier d'application du rapport Mitchell sur la fin des violences qui ont fait en près de neuf mois plus de 620 morts, en majorité des Palestiniens.
Le plan Mitchell, sur lequel est basé l'accord de cessez-le-feu, exige un arrêt immédiat et sans condition des violences, une période « d'accalmie significative » suivie de mesures destinées à rétablir la confiance entre les deux parties, dont un gel total de la colonisation juive, et enfin une reprise des négociations pour un règlement définitif.
L'Egypte demande à Israël de cesser les provocations
Le premier ministre Atef Ebeid a demandé lundi à Israël d'arrêter de provoquer les pays arabes voisins et de cesser d'imposer une « punition collective » au peuple palestinien. « Nous appelons Israël à cesser d'imposer une punition collective au peuple palestinien non armé et d'arrêter ses provocations continues contre les pays arabes voisins », a déclaré M. Ebeid, qui s'exprimait lors d'une réunion de la commission mixte égypto-libanaise, en présence du premier ministre libanais Rafiq Al-Hariri. « Nous appelons Israël à arrêter immédiatement ses actes violents contre le peuple palestinien », a-t-il ajouté. Le premier ministre a également affirmé que l'Egypte était favorable à la position des Etats-Unis qui « approuvent les recommandations du rapport (de l'ex-sénateur américain George) Mitchell ». MM. Ebeid et Hariri co-président les réunions de la cinquième session de la commission mixte afin de promouvoir la coopération économique entre les pays arabes.
              
5. Les Européens ne veulent plus garder le silence par Ibrahim Nafie
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 27 juin 2001
Tout porte à croire que le premier ministre israélien Ariel Sharon a décidé de convertir les efforts diplomatiques qui tendent à calmer la situation en une simple opération d'arrangements sécuritaires centrée uniquement sur « l'arrêt des violences ». Il entend persuader l'opinion publique israélienne qu'il est capable d'instaurer sécurité et paix — à travers l'arme militaire, non à travers des négociations.
Les parties internationales qui ont déployé des efforts intenses pour calmer la situation et stimuler le processus de paix, ont découvert que le chef du gouvernement israélien s'oppose à toute solution politique et se dérobe constamment à tout engagement dans ce sens. A noter pourtant que certaines parties israéliennes ont exprimé leur souhait d'associer les deux volets. Mais la nature sanguinaire et les penchants criminels de Sharon prennent toujours le dessus. Les Etats-Unis qui se présentent habituellement comme l'allié stratégique d'Israël et mettent en tête de leurs priorités la suprématie qualitative et quantitative de l'Etat hébreu sur tous les pays arabes, commencent à exprimer leur insatisfaction de la politique du premier ministre israélien. Il est vrai que Washington utilise toujours un langage assez proche de celui d'Israël, mais il témoigne en même temps d'une vision plus ou moins différente de celle de Sharon. Les Etats-Unis ont par ailleurs dépassé l'option d'un contrôle à distance des positions respectives pour une participation modérée à des activités diplomatiques plus ou moins limitées et ce, comme introduction à une participation plus active en cas d'urgence. D'où la nomination d'un envoyé spécial chargé de surveiller les efforts de règlement au Moyen-Orient.
L'évolution la plus perceptible est celle constatée dans les positions européennes. Il s'agit d'une évolution et d'une conception plus ou moins différentes par rapport à la position américaine. L'Union Européenne (UE) estime pour plus d'une raison, dont la proximité régionale, qu'elle ne peut plus garder le silence. La politique qui consiste à suivre les tendances américaines n'est plus admissible pour les Européens vu les préjudices qui peuvent en résulter. Ces Etats ont en effet commencé à jouer un rôle nouveau, où les intérêts européens l'emportent sur la volonté de satisfaire les Etats-Unis.
L'évolution la plus frappante est toutefois celle ressentie lors de la visite du secrétaire général des Nations-Unies, Kofi Annan, dans la région à travers ses déclarations qui ne peuvent être interprétées en dehors de l'évolution des positions américaine et européenne. Il n'est pas possible que le secrétaire des Nations-Unies puisse exprimer des déclarations qui contredisent ou modifient le contenu des positions et des visions des grandes puissances. Lors de sa visite au Liban, le secrétaire général a pris l'initiative d'affirmer que les fermes de Chebaa sont des terres libanaises qui doivent revenir au Liban dans le cadre d'un accord de paix. Cela a d'ailleurs suscité un certain accrochage dans les propos du secrétaire général de l'Onu avec le premier ministre israélien. C'est avec le passage d'Annan en Israël que les diverses évolutions sont apparues plus fortes et plus efficaces. Le secrétaire général a fait des propositions et signalé des positions suscitant la provocation de Sharon, allant jusqu'à menacer la stabilité de son gouvernement.
Annan s'est montré ferme et décisif dans ses affirmations devant Sharon au sujet du lien entre les arrangements du volet sécuritaire et les mesures propres au volet politique.
Il convient ici d'assurer que la communauté internationale, les gouvernements des grandes puissances, ceux précisément qui tendent à prendre parti pour Israël sont désormais persuadés que Sharon ne veut ni paix, ni stabilité dans la région. Son objectif est de mettre le peuple palestinien à genoux pour l'obliger à renoncer à ses droits légitimes. Ils estiment en conséquence qu'il est temps d'appliquer les recommandations de la commission Mitchell afin d'éviter une explosion globale susceptible d'anéantir et de dissiper tout espoir de règlement et donc de paix et de sécurité.
Je crois enfin que nous assisterons prochainement à des tentatives répétées de la part de Sharon pour attiser davantage la tension dans la région en misant sur les réactions qui mettent en doute la viabilité du cessez-le-feu.
                      
6. Pourquoi Israéliens et Palestiniens sont inséparables par Moshe Arens
in Ha’Aretz (quotidien israélien) traduit dans Courrier International du jeudi 28 juin 2001
Une séparation étanche entre les deux communautés ? La majorité des Israéliens est pour, mais c’est un leurre. L’analyse de Moshe Arens, ancien ministre du Likoud, se rapproche curieusement des thèses de l’extrême gauche.
Chaque fois que des kamikazes palestiniens commettent un attentat atroce, le mirage de la hafrada [séparation] réapparaît. Ses nombreux partisans se bousculent sur les ondes pour nous tenir un discours embrouillé, qui peut se résumer comme suit : “Séparons les Juifs des Palestiniens. Les Israéliens s’épargneront ainsi de nouvelles atrocités et vivront en sécurité. Erigeons des murailles, des barricades, des clôtures électriques. ‘Anahnou kan ve hem sham’ [‘Nous ici et eux là-bas’], comme le disait notre ancien Premier ministre, Ehoud Barak.”
Cette conception séduit une large frange de l’opinion, tant elle semble pouvoir mettre un terme, comme par magie, aux deuils et aux souffrances que le terrorisme palestinien inflige à Israël presque chaque jour. Après l’avoir nourri pendant cent années, les partisans de la hafrada renoncent à l’espoir que Juifs et Arabes puissent vivre ensemble et estiment que l’heure est venue pour que nos routes se séparent. L’essence d’un tel discours est que nous, les Juifs, ne voulons plus voir d’Arabes parmi nous. Même s’il est plus que probable que cela ne traverse pas l’esprit de ses partisans, le slogan de la “séparation” en rappelle un autre, celui du “transfert” [des Arabes d’Israël et des Territoires vers la Jordanie], et procède d’une logique identique.
Ces deux propositions sont impraticables, et toutes deux contredisent nos valeurs morales et notre vision du monde. Si la paix doit régner un jour dans cette région, Juifs et Arabes devront apprendre à vivre ensemble et à renoncer à l’usage de la violence. Il n’existe pas d’autre solution. Evacuer des populations - qu’il s’agisse des résidents juifs des implantations ou des Arabes de la région - ou bien élever une barrière physique entre Juifs et Arabes ne nous apportera pas la paix. Quant à la faisabilité de la “séparation”, ses partisans semblent oublier que plus de 1 million de Palestiniens - les citoyens arabes d’Israël, dont certains servent dans Tsahal - vivent à l’intérieur des frontières d’Israël et qu’il est impossible de les “séparer” de leurs concitoyens juifs. Jérusalem, la capitale d’Israël, abrite une population de 200 000 Palestiniens, et il est assez incroyable que certains chez nous imaginent qu’il soit possible d’ériger un “mur de Berlin” au coeur de la ville. Peut-être certains imaginent-ils garder les Palestiniens israéliens (les “bons Arabes”) du côté israélien de la clôture et les autres Palestiniens (les “mauvais Arabes”) de l’autre côté. Il n’est pas difficile d’imaginer ce que ressentiront nos concitoyens arabes à la perspective d’une telle séparation.
Malgré la rhétorique perverse développée par certains députés arabes de la Knesset, l’écrasante majorité des citoyens arabes israéliens vit en paix avec ses voisins juifs. Malgré les innombrables fautes commises par les gouvernements israéliens envers leurs concitoyens arabes, il est remarquable que les Arabes israéliens soient parvenus à un haut niveau d’intégration dans la société israélienne. La démocratie fait son oeuvre, et les valeurs qui lui sont associées sont progressivement intégrées par les citoyens israéliens, qu’ils soient juifs ou arabes. La coexistence entre Arabes et Juifs est donc tout à fait réalisable. La pire erreur des accords d’Oslo a été d’imposer le régime despotique et corrompu de Yasser Arafat à la population palestinienne de Judée et de Samarie [la Cisjordanie] et de la Bande de Gaza. Dans ces régions, la population palestinienne, qui, durant vingt-cinq ans, a vécu aux côtés d’Israël (et parfois en son sein) et commençait à apprécier les mérites de la démocratie, a soudain été placée sous le contrôle d’Arafat et de l’OLP. L’essentiel des progrès qui avaient été accomplis sur le chemin de la coexistence entre Juifs et Arabes fut tout à coup anéanti. Il ne fait aucun doute que les choses sont aujourd’hui bien pires qu’avant les accords d’Oslo, malgré l’illusion créée par l’établissement de relations formelles entre Israël et les institutions de l’OLP.
Si les partisans de la “séparation” étaient sincères, ils devraient d’abord appeler à l’arrêt total et immédiat de l’entrée de travailleurs palestiniens en Israël. Une telle mesure rendrait plus difficile les tentatives des candidats kamikazes pour s’infiltrer dans les villes israéliennes en se fondant parmi les dizaines de milliers d’ouvriers palestiniens. Parce que provisoire, seule une telle séparation pourrait alors se justifier.
               
7. Un différend met aux prises Bush et Sharon sur la "fin des violences" par Jane Perlez
in The New York Times (quotidien américain) le mercredi 27 juin 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Washington, le 26 juin - Le président Bush a exhorté ce jour le Premier ministre israélien Ariel Sharon à se montrer plus réceptif aux mesures politiques que l'administration (américaine) pense indispensables afin de "refroidir" la situation au Moyen-Orient, a indiqué un membre éminent de l'entourage présidentiel.
Mais Monsieur Sharon, insistant sur le fait que les Palestiniens n'ont pas fait tout ce qu'il fallait afin de mettre un terme aux violences, est resté ferme sur ses positions, selon lesquelles au moins dix jours devraient s'écouler sans qu'aucune violence n'ait été enregistrée avant qu'Israël accepte de passer aux mesures ultérieures, fort modestes, que l'administration considère mener à une paix véritable.
"J'ai affirmé clairement que lorsque la violence et le terrorisme auront cessé, nous exigerons dix jours consécutifs de calme absolu et, si dix jours s'écoulent effectivement ainsi, sans violence, nous serons les premiers à envisager de gaîté de coeur de passer à une période de réduction des tensions" (en anglais : "refroidissement" ~ "cooling off", ndt).
MM. Sharon et Bush se sont rencontrés, à la Maison Blanche, peu avant que le Secrétaire d'Etat américain, Colin L. Powell, ne parte pour une tournée de quatre jours au Moyen-Orient, où il va tenter de colmater les brèches d'un cessez-le-feu des plus fragiles et inciter Israéliens et Palestiniens à entreprendre des conversations sur des mesures susceptibles de réduire les violences. Ce sera le second voyage du Secrétaire d'Etat dans la région, mais le premier à être presque entièrement consacré au conflit israélo-palestinien.
M. Sharon, arrivé à New York lundi dernier, afin d'y participer à une "vente de charité" destinée à recueillir des fonds pour Israël, et convié à effectuer une visite à la Maison Blanche, retournera en Israël sans tarder, de façon à y rencontrer le Secrétaire d'Etat Powell, jeudi prochain.
L'échange aigre-doux de propos à double tranchant, qui a eu lieu entre M. Bush et M. Sharon dans le Bureau Ovale, avant qu'ils ne passent aux choses sérieuses, donne une idée de la lourde tache qui attend le Secrétaire d'Etat au cours de sa tournée en Egypte, en Jordanie, en Israël et en Cisjordanie.
Ainsi, M. Bush a dit : "Des progrès restent à faire, et pour ces progrès (à venir), nous sommes reconnaissants (à Dieu)"... à Sharon, qui en est resté pantois...
Tandis que M. Bush mettait l'accent, prudemment toutefois, sur le progrès dont il a l'intuition qu'il est à l'oeuvre, son homologue israélien exposait avec emphase l'étendue du massacre auquel les Israéliens sont exposés du fait des Palestiniens.
"Il faut comprendre que les cinq morts que nous avons eus la semaine dernière, c'est comme si les Etats-Unis, Monsieur le Président, avaient eu deux cent cinquante, voire même trois cent personnes tuées par des terroristes", a plaidé M. Sharon.
Il est revenu à moult reprises sur ce qu'il a qualifié de violations continues du cessez-le-feu par les Palestiniens et sur son refus d'engager des négociations avec Yasser Arafat tant que la violence continuerait.
"La position israélienne, c'est que nous ne pourrons négocier que lorsque - et que nous serions désireux de négocier seulement lorsque - les hostilités, le terrorisme, la violence et la propagande hostile auront cessé", a déclaré M. Sharon. "Autrement, je ne pense pas que nous pourrions réaliser une paix qui nous engage véritablement".
Les conseillers tant de M. Sharon que de M. Bush ont tenté d'arrondir les angles, après la rencontre.
A la question de savoir s'il y avait un différend entre Israël et les Etats-Unis sur la meilleure façon de procéder, M. Sharon a répondu : "Je ne saurais trop déconseiller de créer les problèmes qui n'existent pas".
Mais l'insistance de Washington sur un effort de réduction des violences "à cent pour cent", et celle d'Israël, beaucoup plus exigeant, en comparaison, de "cent pour cent de résultats" de la part des Palestiniens ont semblé être plus que simples subtilités diplomatiques.
Washington veut que l'on avance dans la mise en application des recommandations du rapport de la commission indépendante dirigée par l'ex-sénateur (américain) George J. Mitchell. Ce document fournit une série de mesures graduées, allant du cessez-le-feu aux négociations politiques. Il est devenu le b-a ba des efforts déployés par l'administration (américaine) afin de réduire la violence et de tenter de reprendre la situation en main, tant qu'il en est encore temps.
Par contraste, M. Sharon a insisté sur le fait que M. Arafat n'a pas sérieusement imposé un cessez-le-feu et que le leader palestinien avait (encore) à apporter des résultats qui agréent à Israël avant d'en passer à ce qui constitue l'ossature des suggestions de la commission Mitchell.
Etant donné ce quétait la réticence initiale de la Maison Blanche à s'impliquer au Moyen-Orient, la rencontre d'hier entre MM. Bush et Sharon et le départ du Secrétaire d'Etat pour cette région sont symptomatiques d'un retournement à cent quatre-vingt degrés qui a fait passer l'administration américaine de l'attitude "hands-off" ("on ne s'occupe de rien") à son opposé, l'attitude "hands-on" ("les mains dans le cambouis") en moins de cinq mois...
Au cours des dernières semaines, alors que le cycle des violences ne faisait que s'accélérer, l'administration avait envoyé dans la région William J. Burns, un diplomate de carrière, ainsi que George J. Tenet, le directeur de la CIA, afin d'oeuvrer à la conclusion d'un cessez-le-feu et que des officiels de la sécurité, israéliens et palestiniens, entament des discussions.
Aujourd'hui, M. Bush a dit à M. Sharon que, s 'il envoyait le Secrétaire d'Etat Powell au Moyen-Orient, c'est parce qu'il était convaincu que des progrès étaient en cours.
"Nous pensons qu'une nouvelle opportunité d'avancer dans le sens du processus de paix est devant nous", a déclaré M Bush dans le Bureau Ovale. "Cela donne clairement la mesure des progrès qui sont en train d'être accomplis".
Le Secrétaire d'Etat Powell effectue sa tournée moyen-orientale dans un contexte de montée des plaintes de pays arabes alliés pour lesquels les Etats-Unis ne déploient pas assez d'effort pour ramener le calme et elle vise, en particulier, à corriger l'impression (croissante) que l'administration (américaine) serait trop complaisante vis-à-vis des Israéliens.
Afin de dissiper ce mécontentement, le Secrétaire Powell a prévu de rencontrer le Régent Abdullah, d'Arabie saoudite, au cours d'une escale ménagée tout spécialement à cet effet, à Paris, sur son trajet de retour de sa tournée. 
Mentionons que, la semaine dernière,  l'administration Bush a été sous le feu des critiques de l'un de ses plus ardents soutiens, le général Brent Scowcroft, conseiller à la sécurité nationale du président Bush, qui lui a reproché de ne pas être assez attentive vis-à-vis des pays arabes amis. Au cours d'une session du Conseil des Relations Etrangères, la semaine dernière, le Général Scowcroft aurait dit, d'après un participant à ce colloque, que les pays arabes modérés étaient "très déçus de cette administration et de son incapacité à faire un minimum afin de rendre l'attitude d'Israël plus conciliante".
Le Général Scowcroft aurait ajouté que l'engagement (d'instaurer) un Etat palestinien viable était absolument indispensable si l'on voulait voir les Palestiniens mettre un terme à leur combat de partisans.
Lorsqu'il arrivera en Israël, après une visite en Egypte, le Secrétaire d'Etat Powell poursuivra un objectif primordial : tenter d'amener les Palestiniens et les Israéliens à convenir d'une trêve ("période de refroidissement"). Le rapport Mitchell préconise une période de cette nature, susceptible de permettre aux deux parties de prendre les mesures à même de bâtir la confiance mutuelle.
Durant la visite de M. Sharon ici, aux Etats-Unis, son entourage insistait sur le fait que les Palestiniens n'auraient pas fait tout ce qu'il fallait afin de ménager une transition vers la "période de refroidissement".
"Les Etats-Unis doivent exercer une pression sur Yasser Arafat", a déclaré Raanan Gissin, un porte-parole de M. Sharon. "Tant qu'Arafat n'aura pas pris les mesures indispensables, nous ne pourrons pas aller de l'avant. Nous ne pouvons pas répéter les erreurs d'administrations passées et négocier alors que les Israéliens sont sous le feu (ennemi)".
                  
8. Proche-Orient : Circonscrire le feu, oui, dans quel but ? par Rudolf El-Kareh *
in Le Soir (quotidien belge) du mardi 26 juin 2001
Il faut circonscrire très vite le feu du Proche-Orient. C'est une évidence. S'y emploie-t-on réellement ? La réponse est complexe. Européens, Américains et de multiples médiateurs se succèdent et se croisent  pour obtenir, par des voies diplomatiques, un cessez-le-feu. Celui-ci,  est un moyen, non une fin. Et les finalités ne sont pas les mêmes pour les protagonistes.
Du côté israélien, le sanglant attentat de Tel-Aviv a agi comme un révélateur. L'assassinat d'Isaac Rabin avait déjà constitué une première rupture. Jusque-là Israéliens et Palestiniens avaient trouvé  dans les violences extrêmes des raisons d'aller plus avant dans l'approfondissement du processus des accords de  Madrid établis sur les résolutions 242 et 338 de l'ONU, et sur le principe de "la terre contre la paix".
Favorisé par le contournement permanent des accords d'Oslo par Natanyahu, par les politiques équivoques des travaillistes et par un acharnement israélien quasi unanime à multiplier les provocations coloniales, un noyau dur, notamment militaire, opposé au processus de paix a élargi son influence. L'élection d'Ariel Sharon a été l'expression de cette dynamique.
Pour le peuple palestinien, "Madrid" avait constitué un coup d'arrêt à l'entreprise de déshumanisation dont il avait été victime depuis 1948, mais surtout le début d'une nouvelle visibilité politique confortée par des institutions élues qui devaient déboucher sur la création d'un Etat indépendant. En s'engageant dans cette voie les dirigeants palestiniens s'étaient pliés à des renoncements essentiels. Ils  n'ont obtenu pour compensation que des concessions mineures sans cesse remises en cause, avec brutalité. La nouvelle Intifada est l'expression ultime de leur résistance à l'occupation, tandis que les capitales arabes hésitent entre l'égoïsme et la pusillanimité. Par la confusion délibérée entre trêve des armes (bien pitoyablement inégales) et droit à la résistance, le gouvernement israélien cherche à obtenir d'abord une capitulation politique.   
Bien plus grave que les propos racistes prévisibles des colons, l'agressivité virulente du discours gouvernemental israélien, et  sa célérité à se saisir de tout événement - survenu sur un terrain miné par l'humiliation quotidienne - pour l'envenimer, au lieu de le circonscrire, en sont le signe. Un chef de gouvernement qui proclame que "sa guerre d'indépendance n'est pas finie", manie l'insulte sans retenue, des ministres ou des officiers supérieurs en exercice qui exacerbent les passions haineuses, parlent "d'assassinat juste", appellent (et œuvrent, dans les faits) à la "liquidation" et à "l'extermination" de l'adversaire (supposé être le partenaire pour la paix) expriment en réalité le retour des argumentaires coloniaux de l'idéologie fondatrice.
Trois lignes de forces traversent le programme annoncé d'Ariel Sharon. La première a pour objectif de provoquer un effondrement définitif de l'Autorité Palestinienne entendue comme expression politique et institutionnelle légale du peuple palestinien. Dans son esprit cet effondrement transformerait  la Palestine en une sorte de mirage historique. La Cisjordanie et Gaza redeviendraient ce que tout colonisateur affectionne : des zones, des "territoires", délimités par la géographie, sans histoire, sans identités, ouverts à tous les fantasmes idéologiques et à toutes les exactions. En ramenant les réalités de 1948 sur le terrain du programme politique, Sharon réactualise ainsi la question de l'expulsion dont il fut un acteur majeur et cruel.
Le deuxième objectif en découle : il aboutit au rejet de l'ensemble des dispositions du droit international concernant la colonisation, le retour des réfugiés palestiniens et la question de Jérusalem. Le troisième volet institue, en contrepoint de cette négation, une "priorité" inversée, redonnant cours à un ethnocommunautarisme religieux trompeur, pervers et dangereux,  ayant pour objectif "d'amener un autre million de juif d'Amérique latine, d'Afrique du Sud et de France" vers l'Etat hébreu (1) et "d'ériger la diaspora en composante majeure de la puissance israélienne" (2).
Ce programme remet en cause les principes mêmes de la Conférence de Madrid, et la légalité onusienne. Ariel Sharon attend l'occasion propice pour se lancer dans une nouvelle aventure. Au delà des maladresses de "l'engagement" de William Clinton ou du "désengagement" balourd de Georges W. Bush, les Etats-Unis demeurent comptables et responsables d'un "processus de paix" dont ils se sont autoproclamés le pivot ouvrier.
L'Union Européenne peut trouver dans son propre engagement en faveur de la paix au Proche-Orient l'opportunité de ne pas rater une occasion, pour elle historique, d'assumer, en tandem avec Washington puisqu'il le faut bien, un rôle locomoteur stratégique. Elle pourrait prendre l'initiative d'un "groupe de contact" international permanent jouant dans un premier temps un rôle d'encadrement et de recours, en prenant exemple sur les Balkans et sur le dispositif institué au Liban après l'opération israélienne dite "raisins de la colère".
Une évidence s'impose en tout cas : désormais tout processus d'apaisement régional devra revitaliser les principes énoncés pour une paix globale, aboutir à l'évacuation de tous les territoires occupés, y compris en Syrie et au Liban, et surtout mettre un terme à la fausse symétrie établie entre l'Etat d'Israël et le peuple de Palestine. Un processus de paix renouvelé devra reconnaître l'épouvantable désespérance de ce dernier et faire cesser les souffrances quotidiennes de populations écorchées. Les batailles d'images sont des impostures. Il faut convenir définitivement que les enjeux de Palestine sont ceux d'un combat universel pour le droit et la justice. L'avenir de tous les peuples du Proche-Orient, sans exception, en dépend.
* Universitaire et écrivain.
1. Ariel Sharon, interview au Jerusalem Post, 27/04/2001
2. Sallai Meridor, président de l'Agence juive et de l'Organisation sioniste mondiale, Convention sur "l'équilible des forces et de la sécurité nationale", Ha'Aretz, cité in Courrier International, N°551, 23/30 mai 2001
                
9. Des boucliers de protection, des voitures blindées pour les colons et des cartes mettant en évidence les "routes sûres"... Israël décide d'abandonner quinze foyers de colonisation en raison de la dégradation de la sécurité
in Al-Hayat Al-Jadidah (quotidien palestinien) du mardi 26 juin 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
Effectuant une démarche sans précédent et ouvertement, dans un contexte où l'intifada fait rage, Israël a décidé, hier, d'évacuer, pour les supprimer, environ quinze foyers de colonisation en Cisjordanie, à la suite des opérations répétées qu'ils ont essuyées de la part de combattants palestiniens armés. Le ministre israélien de la défense, Benyamin Ben Eliezer, a déclaré qu'il s'emploie actuellement à lever quinze foyers de colonisation isolés en Cisjordanie, dont la sécurité des habitants ne pouvait plus être garantie, et dont la vie risquait d'être mise en danger par les opérations de combattants palestiniens armés.
Ben Eliezer a ajouté, à la fin d'une session de la Commission des Affaires étrangères et de la Sécurité de la Knesseth, hier après-midi, qu'il avait chargé les représentants des appareils israéliens de la sécurité d'entrer en concertation avec le conseil des colonies en Cisjordanie, Yesha', à ce sujet, en précisant que ces foyers de colonisation promis au démantèlement seraient supprimés manu militari au cas où le Conseil tenterait de faire obstruction.
Le ministre des affaires étrangères, Shimon Peres, a déclaré que la décision du ministre de l'armée intervenait au bon moment. On s'attend à ce que les colonies soient l'un des points sur lesquels se focaliseront les entretiens que le premier ministre israélien Ariel Sharon doit avoir à la Maison Blanche, ce jour. Peres a déclaré aux journalistes : "en réalité, il y a un gel des colonies, même si la question des implantations n'arrive qu'en troisième position dans les recommandations Mitchell", ajoutant : "nous n'obtiendrons jamais un  réel soutien international si nous n'effectuons pas une percée sur la question des colonies".
La porte-parole des colons, Judith Tayyar, a déclaré que le ministre des armées "ferait bien mieux en faisant ce qu'il faut faire pour mettre un terme aux attaques des Palestiniens contre les colons, plutôt que passer le plus clair de son temps à tenter d'entrer dans les grâces de Peres, du président Yasser Arafat et du président américain George Bush".
Mme Tayyar a ajouté qu'elle "pensait que le ministre de la défense se devait de consacrer ses efforts à la sécurité du peuple israélien, et non à la politique".
Le porte-parole de Ben Eliezer a déclaré, pour sa part, que les opérations d'évacuation n'avaient pas fait l'objet d'un calendrier précis, ajoutant que "personne n'avait déclenché le chronomètre".
A la question de savoir si Ben Eliezer irait jusqu'à faire usage de la force si les colons refusaient de partir, le porte-parole a répondu : "nous le leur demanderons gentiment, tout au début, ensuite, nous verrons..."
Par ailleurs, différentes sources hébreues ont mentionné que le gouvernement israélien a décidé d'allouer à une colonie de Cisjordanie qui a été en butte à des attaques répétées une vingtaine de voitures blindées, ainsi que deux cents gilets pare-balles.
La radio israélienne (programmes en hébreu) a indiqué que ce geste du gouvernement revêtait un caractère de mesure transitoire dans l'attente de l'étude du problème de la sécurité dans les colonies au niveau d'un conseil des ministres restreint qui doit se réunir prochainement à cet effet.
Depuis avant-hier, des colons effectuent des patrouilles armées sur les routes qui relient leurs colonies respectives à Jérusalem occupée, en invoquant le prétexte que l'armée israélienne faillirait à assurer la sécurité de leurs déplacements.
Le journal israélien Ma'ariv a rapporté hier que les colons se sont mis pour la première fois à se déplacer armés sur les routes de Cisjordanie afin de se donner plus de confiance. Trois voitures, avec au minimum deux hommes armés dans chacune d'entre elles, escortaient les colons au cours de leur expédition dont le but était de montrer qu'ils étaient encore maîtres des routes.
L'un des participants à cette démonstration de force, un certain Yaër Bliser, a déclaré : "nous avons décidé d'accompagner nos amis tant qu'ils sont encore vivants et ne pas avoir à le faire sur la route d'où l'on ne revient jamais. Il nous a toujours semblé évident qu'on allait dire que nous organisons des milices armées, aussi avons-nous l'intention de le faire dans les règles..."
Dans le même ordre d'idées, le journal Yedi'ot Aharonot a indiqué qu'Israël avait édité une nouvelle carte routière indiquant par des symboles spéciaux les emplacements des colonies et des positions militaires israéliennes en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, ainsi que les routes dangereuses qu'il est fortement déconseillé aux colons d'emprunter.
Yedi'ot Aharonot indique que l'atlas routier publié par l'éditeur Karta prend en compte la crise sécuritaire à laquelle les colons sont confrontés dans leurs déplacements sur les routes de Cisjordanie et de Gaza, ajoutant que, pour la première fois dans l'histoire des cartes routières israéliennes, une nouvelle carte sera vendue en Cisjordanie et à Gaza qui comportera des symboles mettant en évidence les endroits où se sont produits des incidents répétés comportant des tirs d'armes à feu. (Cette carte) comporte également les positions militaires, les dispensaires de l'armée (d'occupation) et les centres de secours situés à l'intérieur des colonies. Elle a été mise au point en coopération avec les colons et après consultation des instances militaires (d'occupation) concernées. Les noms des colonies y sont rédigés en bleu, et y figurent les foyers d'implantations ainsi que les postes militaires, les frontières de la zone autonome palestinienne "A", les barrages des forces d'occupation ainsi que certains signes mettant en garde contre des carrefours considérés comme dangereux car exposés aux incidents, les centres de secours, les dispensaires, etc...
La carte comporte de nombreux symboles indiquant qu'il est dangereux de s'engager sur certaines routes dont la "sécurité n'est pas garantie" et d'autres, qui mentionnent, pour mémoire, des routes carrément condamnées...
                
10. Sharon : nouvelle tactique - même stratégie...
in Al-Quds (quotidien palestinien) du mardi 26 juin 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
Le premier ministre israélien Ariel Sharon effectue sa deuxième visite à Washington depuis sa prise de fonctions, il y a environ trois mois, en présentant un nouveau visage, résultat du "remodelage" auquel il s'est employé avec l'aide de ses conseillers, nouveau visage qui ne présente aucune ressemblance avec l'image qu'en ont les Arabes et les Palestiniens : celle du commandant baroudeur toujours prêt pour des campagnes guerrières, sans égard pour les conséquences dramatiques qu'elles peuvent avoir parfois. Ainsi, il a annoncé un cessez-le-feu unilatéral et il a déclaré qu'il acceptait les recommandations Mitchell, ainsi que le plan George Tenet pour un cessez-le-feu. Il a déployé tous ses efforts afin de persuader la communauté internationale, d'une manière générale, et les Etats-Unis, en particulier, qu'il allait suivre désormais une politique de retenue face à ce qu'il qualifie de "violence et de terrorisme" palestiniens.
Si l'on en croit le proverbe arabe qui veut que "chassez le naturel, il revient au galop", tout indique que le premier ministre israélien tente - pour le moment - d'adopter une tactique qui entre en contradiction avec sa nature profonde, afin de pouvoir continuer à mettre en oeuvre la même stratégie, à savoir ; celle qu'il suivait en recourant à la tactique de la force et de la violence au cours des étapes précédentes de sa vie militaire et politique. Il est naturellement fort peu probable que les Etats Unis s'avèrent incapables de déceler, sous le vernis, les traits du Sharon authentique, et ses tentatives de travestissement ne parviendront sans doute pas à cacher ses traits réels, bien connus dans les différents milieux de la vie internationale.
L'administration américaine, en envoyant à Sharon deux cartons d'invitation à la Maison Blanche en trois mois, s'efforce sans doute de fixer les traits du Sharon nouvelle manière, dans l'espoir que ses actes suivent ses paroles, ("que le ramage soit à l'instar du plumage"), mais il s'agit d'un espoir assez vain et peu réaliste. En effet, en dépit de sa proclamation de son prétendu 'cessez-le-feu' (sic), son armée et ses colons perpétuent leurs agissements et leurs provocations contre nos concitoyens innocents et désarmés. De même, la politique d'élimination des 'activistes' palestiniens, sans aucune forme de procès (les 'exécutions extra-judiciaires', ndt) continuent : Usama Jawabiréh en a été la dernière en date des victimes, avant-hier, à Naplouse.
Les tanks et les bulldozers israéliens continuent leurs incursions en territoire palestinien, poursuivent leur 'labourage' de terres cultivées et l'arrachage de vergers, afin de terroriser de paisibles civils, ce qui nous amène à nous demander de quel genre de cessez-le-feu il s'agit donc là ? Est-ce cela, la "retenue" ? Il s'agit, en la matière, des deux chèques en bois que Sharon va tenter de "refiler" durant sa visite actuelle à Washington afin d'en toucher le montant libellé sous la forme d'un surcroît d'approbation et de soutien américains, sur les plans politique et militaire, à ses positions extrémistes camouflées sous le masque d'une retenue de pure façade.
La question posée à l'administration américaine est la suivante : le premier ministre israélien a-t-il abandonné en quoi que ce soit les objectifs et les exigences proclamés au cours de sa campagne électorale, à savoir : la répression du mouvement palestinien en vue de la libération et de l'indépendance ? Tous les slogans (fallacieux) proclamés par le gouvernement israélien, tels la non-réponse à la violence palestinienne (la 'retenue', ndt), le refus de négocier en étant "sous le feu", ne sont que des artifices de propagande utilisés par le gouvernement israélien afin de (tenter de) faire avorter le mouvement (national) palestinien dont l'action ne s'est jamais démentie depuis Madrid, en passant par Oslo, pour en arriver aux accords qui en ont découlé et qui n'ont encore jamais été appliqués dans leur totalité à ce jour, dix ans après la conférence de Madrid...
On peut en déduire aisément une réalité, qui est que la partie israélienne - que ce soit sous la direction de Benjamin Netanyahu ou d'Ehud Barak,  pour aboutir à l'actuelle, celle de Sharon - n'est pas prête pour la réalisation d'une paix juste qui reconnaisse aux Palestiniens leurs droits légitimes, mette fin à l'occupation militaire et à la colonisation des territoires palestiniens, cette occupation qui dure désormais depuis trente-quatre ans. Les négociations de paix ne sont pas parvenues, après s'être poursuivies durant plus de dix ans, à faire des aspirations nationales du peuple palestinien une réalité. Le problème ne réside pas dans les moyens auxquels les Palestiniens sont contraints de recourir parfois, mais bien dans la très faible propension (à dire le moins) de la partie israélienne à satisfaire aux exigences d'une paix juste, cette paix à laquelle aspirent les Palestiniens, hélas, en vain, parce que les Israéliens s'en défient, et parce que les Etats-Unis leur fournissent le camouflage politique qui leur permet de continuer à dissimuler cette attitude d'esquive dans les différentes enceintes internationales.
             
11. Un journal britannique : "C'est un informateur d'Israël qui a conduit le terroriste à la bombe jusqu'à la discothèque Dolphinarium"
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du lundi 25 juin 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
C'est un Palestinien lié aux services secrets israéliens qui a conduit la voiture empruntée par le kamikaze qui a commis l'attentat contre la discothèque Dolphinarium, à Tel-Aviv, il y a trois semaines, affirme le Sunday Times de Londres, dans son édition d'hier.
Le journal tient cette information du chef du Service des Renseignements Généraux palestiniens en Cisjordanie, Tawfiq Tirawi. D'après Tirawi, le conducteur de la voiture, Mahmoud Dahshat Rashid al-Nadi, qui vivait de son métier de chauffeur de taxi amenant des Palestiniens de Cisjordanie en Israël, était un informateur de la police secrète israélienne. Tirawi a ajouté qu'al-Nadi, âgé d'une vingtaine d'années, avait commencé à travailler pour la police israélienne en 1999 ; il lui fournissait des renseignements sur l'activité des Palestiniens aux environs de sa ville natale, Qalqiliyah. En échange, il disposait d'un permis permanent grâce auquel il pouvait entrer en Israël librement.
Tirawi a indiqué que d'autres membres de la famille al-Nadi travaillaient eux aussi comme informateurs d'Israël. Al-Nadi a été arrêté le 2 juin, soit le lendemain du jour où il aurait déposé le kamikaze devant l'entrée du Dolphinarium. Tirawi a indiqué qu'apparemment al-Nadi n'avait eu aucune mauvaise intuition sur la nature meurtrière de la mission dont son passager était chargé, si ce n'est  alors qu'il était déjà trop tard.
Le journal londonien écrit que les autorités israéliennes n'ont pas encore annoncé l'arrestation d'al-Nadi en raison de l'embarras que leur causent des liens très étroits existants entre les services secrets israéliens et un homme qui a apparemment contribué au pire attentat-suicide perpétré en Israël en cinq ans (22 personnes ont perdu la vie dans l'explosion).
Le journal rapporte que le porte-parole des Forces israéliennes de Défense, le brigadier-général Ron Kitri, a confirmé l'arrestation d'al-Nadi, mais en s'empressant de préciser qu'"al-Nadi n'est pas un agent du Shin-Bet" (services de renseignement israéliens, ndt).
Tirawi a précisé qu'al-Nadi a conduit le kamikaze, Said Hotari, dans une voiture portant une plaque d'immatriculation propre aux voitures israéliennes. Il a indiqué que la suspicion d'al-Nadi n'a été mise en éveil qu'après qu'Hotari, juste au moment où il sortait, l'ait exhorté à s'éloigner au plus vite.
                
12. Israël dans l'impasse par Hasan Abu Ni'meh, ambassadeur, ancien ambassadeur de Jordanie à l'ONU
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du lundi 25 juin 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Les huit mois d'Intifada ont mis en évidence les points faibles principaux et les brèches dans la capacité d'Israël à faire face à une révolution palestinienne authentique réclamant la fin de l'occupation et l'indépendance totale. En dépit d'une puissance militaire écrasante et de moyens qui feraient pâlir de jalousie bien des armées de par le monde, malgré un équipement électronique dont la sophistication lui permettrait de contrôler l'ensemble du Moyen-Orient, comme le rapporte Eytan Haber (Yediot Aharonot du 17 juin), "Israël n'est pas encore parvenu à assurer une sécurité totale à une petite colonie israélienne pour peu que cette dernière soit construite un peu trop à l'écart des colonies existantes et il s'avère que ni les missiles, ni les bataillons, ni les soldats ne peuvent assurer la défense des colons", écrit ce même auteur.
Israël a trouvé, dans la période de cinq ans, consacrés aux accords d'Oslo et aux négociations de l'étape de transition, une occasion rêvée de consacrer ses trophées expansionnistes régionaux à l'intérieur des frontières du 4 juin 1967 en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Ceci comportait la consolidation des colonies (que nous appelons, de façon erronée les "implantations"), qui n'ont cessé d'exister jusqu'au début de ce processus et auxquelles devaient s'ajouter celles dont la construction était planifiée au cours du processus même, sous forme d'un réseau impressionnant de routes de contournement, de tunnels et de ponts reliant ces groupes de colonies extrêmement étendus à Israël et assurant des liaisons rapides et directes et au plus droit afin que ces colonies n'apparaissent plus comme de petites entités isolées au sein d'un territoire dont les restes étaient supposés devenir, à terme, le territoire palestinien...
Les Israéliens ont cru pouvoir tout simplement tromper les Palestiniens avec les dispositions d'Oslo. Ils n'ont pas compris qu'ils étaient tombés eux-mêmes dans le piège qu'ils avaient dressé aux Palestiniens, lorsqu'ils avaient fait le pari que tous les sujets qui avaient fait l'objet d'un ajournement jusqu'à l'étape des négociations pour un règlement définitif tomberaient complètement dans l'oubli, comme ces vieilles dettes que l'on finit par ne plus exiger, et que les accords d'Oslo ne feraient qu'entériner les gains (territoriaux), les ambitions et les plans hégémoniques et expansionnistes d'Israël à l'abri de la couverture "légale" et internationale apportée par ces mêmes accords...
C'est sur la base de cette certitude qu'Israël en est venu à supposer que tout lui était permis pour mener à bien ses projets sans qu'aucun obstacle ne vienne en gêner la mise en oeuvre et que les dispositions sécuritaires définies par Oslo seraient permanentes, définitives et, de plus, respectées et en vigueur, et que les routes de contournement qui coupent les villes et villages de leurs arrière-pays respectifs, ainsi que ces collines sur lesquelles Israël a édifié ses lotissements de mas provençaux aux tuiles rouges, seraient à l'abri de tout danger. Pourquoi les Israéliens n'auraient-ils pas eu cette certitude, puisque la direction palestinienne avait accepté de renoncer à son droit à l'autodéfense, sous prétexte de faire reculer la violence ?
A renforcer les sentiments de sécurité, chez les Israéliens, a contribué également une gigantesque gesticulation internationale, sous la houlette des Etats-Unis, de la Russie, de l'ONU, de l'UE, du Japon, des pays arabes et de bien des pays du monde, qui ont entouré le processus de paix de leur soutien, de leur appui, de leur aide économique et politique, ouvrant largement les portes à Israël, cet Etat qui a reçu un certificat de virginité alors même que ses troupes continuaient à occuper de vastes territoires arabes en Syrie, au Liban, en Palestine et en Jordanie, et tandis qu'il persistait en insistant lourdement dans sa dénégation et son rejet des résolutions des Nations Unies et de la légalité internationale, ainsi que des droits de l'homme et des règles régissant les rapports civilisés entre nations, en persistant dans ses pratiques d'occupation les plus infâmes, telles la confiscation des terres, la destruction de maisons, la construction de colonies et le remplissage des prisons et des camps d'internement, l'humiliation des civils et leur soumission aux formes les plus avilissantes de punitions collectives.
Cette atmosphère largement polluée par l'illusion et la fausseté a fini par recouvrir ce qui se passait dans la région d'une épaisse couche de brouillard. C'est alors que les moyens d'information américains et occidentaux ont, par leur propagande éhontée et partisane, contribué à créer de toutes pièces une histoire falsifiée à l'usage de la phase des négociations, pour faire passer le complot, et dresser un tableau idyllique promettant la paix pour demain et que la prospérité, la détente, la sécurité et une vie aisée seraient données à chaque foyer, que le bien régnerait partout en maître et que se dissiperait à jamais la noirceur des guerres, de la violence et de la lutte.
Mais la poudre de l'illusion et de la tromperie a atteint aux yeux les Israéliens eux-mêmes, qui se sont dès lors ingéniés à redoubler d'arrogance et d'agression, à consacrer l'iniquité et à approfondir les blessures, jusqu'au moment où le sortilège s'est retourné contre le démiurge et où a explosé la terre qui bouillait de colère en raison de l'injustice accumulée au long des lustres... c'est alors que la lumière éclatante de la révolte a fait tomber tous les masques, finissant par placer Israël lui-même, ainsi que ses partisans, devant une réalité difficile à occulter et devant l'état de choses réel, qui ne saurait disparaître simplement parce qu'on se refuse à le reconnaître.
Voilà la vérité à laquelle Israël doit faire face aujourd'hui, cette vérité qui déjouera tous les complots, qui redressera la marche de l'histoire et face à laquelle la force militaire, aussi disproportionnée soit-elle, demeurera impuissante. Sharon, qui incarne le pari des Israéliens qu'à coup sûr ils parviendraient à mater l'Intifada et à donner une leçon aux Palestiniens, Sharon lui-même est mis dans l'incapacité, devant cette réalité, de s'accrocher à la planche de salut que viennent de lui tendre les Etats-Unis en la personne de George Tenet...
Gedeon Levy a écrit, dans le Ha'Aretz du 17 juin, qu'il est trop facile, pour les Israéliens, de dire que la violence a éclaté parce que les Palestiniens "ne désiraient pas vraiment la paix", alors qu'une part non négligeable de la responsabilité, dans l'éclatement du cycle de la violence, leur incombe largement à eux-mêmes, car les propositions de Barak étaient tout-à-fait insuffisantes pour arriver à une solution équitable, commente le journaliste.
Celui-ci poursuit, écrivant : "au cours des trois années qu'a duré le gouvernement Netanyahu, Israël a failli dans la mise en application de la plupart de ses engagements pris dans le cadre de l'accord de principes (Oslo) : il n'y a pas eu de libération des prisonniers, comme cela avait été convenu, il n'y a pas eu d'établissement de passages sécurisés, pas de construction de port ni d'aéroport. Face à ces manquements : une expansion continue des colonies. L'esprit d'Oslo a cessé de souffler. Ce sont des vents mauvais de désespoir et de déception qui lui ont succédé du côté des Palestiniens". Lévy ajoute : "quant à Barak, en digne successeur de Netanyahu, il n'a en rien amélioré la situation. Il s'agit de ce premier ministre qui s'était vanté de n'avoir pas cédé un seul pouce de terrain aux Palestiniens..."
Lévy ironise sur les "offres généreuses" aux yeux de la majorité des Israéliens, dont le même Barak qui les avait pourtant présentées disait "qu'elles étaient inacceptables pour tout dirigeant palestinien désireux de signer un accord de non-belligérance qui mettrait fin en lui-même à toute revendication"...
Lévy rapporte ce que lui a dit Salim Shwamra, un Palestinien de Anata, chauffeur de son état, dont l'armée israélienne a détruit la maison à trois reprises, en donnant une description très pertinente des "propositions généreuses" d'Israël : "en prison, aussi, les prisonniers disposent de 96% du terrain, et les gardiens ne disposent que des 4 pour cent restants. Mais eux, ils surplombent les autres, depuis les murailles et les miradors où ils sont perchés..."
Ainsi, "aux yeux des Palestiniens, les propositions israéliennes", poursuit Lévy, "n'avaient d'autre contenu qu'un Etat palestinien avec la surveillance israélienne à ses portes. Un Etat morcelé par des blocs de colonisation qui ne lui permettraient pas d'avoir une vie normale et où il n'y aurait pas de liberté de déplacement. Tandis que Barak faisait ses propositions aux Palestiniens, la colonisation continuait, comme si de rien n'était. L'encerclement continuait, les terres continuaient à être confisquées, les prisonniers, des héros aux yeux de leur peuple, continuaient à croupir dans les geôles israéliennes, et les colonies à s'étendre : sous le mandat Barak, le nombre des colons a augmenté de 12%."
Cette longue citation d'un grand journal israélien ne donne qu'un exemple parmi d'autres des réalités que les Israéliens commencent à reconnaître et à affronter de face. Ce phénomène est sans doute l'un des fruits les plus importants de l'Intifada, car le premier pas en direction du redressement, c'est le diagnostic objectif et qui ne se voile pas la face, que nous commençons à voir poser de plus en plus souvent dans la presse israélienne, mais qui est encore bien loin de trouver sa place dans les colonnes de la presse américaine...
Après l'échec de Barak, le choix des Israéliens s'est porté sur Sharon, qui représentait la dernière carte leur permettant de retrouver le calme, de leur point de vue, à travers une répression impitoyable et un usage effréné de la force. Et voilà que Sharon échoue lui aussi, une fois confronté au déchaînement sans fin de la violence, ne sachant que faire.
La violence appelle la violence, et même Sharon n'a pas pu sauver l'honneur en portant le dernier coup.
Il a promulgué un cessez-le-feu unilatéral, non pas en réponse aux critiques et à la réprobation portées contre Israël après son agression barbare contre les civils palestiniens désarmés, ni afin de maquiller l'image de criminel de guerre sanguinaire qui est la sienne aux yeux du monde, mais parce qu'il sait fort bien qu'un coup de plus, quelle qu'en eût été la force destructrice, se serait vu apporter la réponse d'un coup encore plus violent. Il a donc préféré mettre un coup d'arrêt à l'enchaînement des violences, la balle étant dans son camp. (Après l'attentat de Tel-Aviv (Dolphinarium), ndt).
Sharon n'a épargné aucune des armes à sa disposition, il a même utilisé ses avions de combat les plus modernes, qui sont employé dans les guerres de grande envergure, contre les villes et les civils, et il n'a pourtant pas pu étouffer la flamme de la volonté populaire palestinienne qui poursuit sur le chemin de la lutte jusqu'à la libération et l'indépendance.
Martin Sherman écrit, dans le Jerusalem Post du 17 juin : "après trois mois du nouveau gouvernement (Sharon), le niveau de sécurité s'est sérieusement dégradé, la politique de retenue de Sharon n'a eu pour unique résultat que de renforcer la volonté des Palestiniens et d'approfondir leur détermination. Après plusieurs mois de combats, la combativité des Palestiniens a dépassé le point de non-retour".
Totalement dans l'impasse, Sharon espère que la trêve imposée par George Tenet lui donnera le temps suffisant et l'atmosphère idoine pour traiter les brèches sécuritaires et créer un no-man's land frontalier tout au long de la Ligne Verte. Il espère aussi que la partie palestinienne fera ce qui lui est demandé, par le même plan Tenet, à savoir : désarmer le peuple, jeter les meneurs en prison et réfréner les enthousiasmes combatifs et les exaltations révolutionnaires.
Il espère que cela lui permettra de fortifier ses positions exposées et de préparer de nouveaux plans visant à faire s'abattre sa répression sur les braises mal éteintes de l'Intifada, au cas où le plan Tenet réussirait jusqu'à un certain point. Mais sa nouvelle bande frontalière sécurisée ne serait qu'un avatar d'un précédent échec dont Sharon n'a pas su tirer d'autre leçon que sa répétition : le Sud-Liban, qu'il ne ferait que transposer en Palestine. Le sort amer de cette nouvelle expérimentation (sécuritaire) en Palestine ne serait certainement pas meilleur que ce qu'il en advint au Liban.