Point d'information Palestine > N°153 du 26/06/2001

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Au sommaire
     
Témoignage
L'appel du 18 juin par Nathalie Laillet, citoyenne de Naplouse en Palestine
     
Rendez-vous
1. Réunion "présentation, bilan et perspectives" du séjour d'échanges organisé dans la région de Marseille, au mois de mai dernier, avec des jeunes réfugiés palestiniens du Liban ce soir, mardi 26 juin 2001 à 17h, au Centre Social Belsunce (Marseille 1er)
2. "Cut" de Nizar Hassan et "Zaman Al-Akhbar" de Azza El-Hassan deux films palestiniens inédits, présentés en exclusivité à Marseille, mercredi 27 et jeudi 28 juin 2001 [Théâtre National de la Criée - 30, Quai Rive Neuve - Marseille 7e]
         
Réseau
1. Un bilan provisoire. Qui a gagné ? par Uri Avnery (16 juin 2001) [traduit de l'anglais par Sylviane de Wangen]
2. Israël : achats de nouveaux navires de guerre in Stratfor Strategic Forecasting le mercredi 20 juin 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
3. Compte rendu de la conférence de presse du colonel Jibril Rajoub in The Palestine Media Center le dimanche 17 juin 2001 [traduit de l'anglais par Jean-Michel Staebler]
            
Revue de presse
1. Les travailleurs palestiniens bravent la mort pour échapper au chômage Dépêche de l'Agence France Presse du dimanche 24 juin 2001, 9h59
2. Une Gay Pride aux couleurs de l'Intifada en Israël Dépêche de l'agence Associated Press du samedi 23 juin 2001, 15h27
3. Bachar El Assad : "Israël n'est pas mûr pour la paix" propos recueillis à Damas par Jean de Belot et Claude Lorieux
in Le Figaro du samedi 23 juin 2001
4. Bruxelles embarrassé par la plainte contre Ariel Sharon par Jean-Pierre Stroobants in Le Monde du vendredi 22 juin 2001
5. L'Irak et l'illusion des sanctions "intelligentes" par Gilles Paris in Le Monde du jeudi 21 juin 2001
6. L’Union des écrivains mène la chasse aux sorcières par Hossam Bahgat in Cairo Times traduit dans Courrier International du jeudi 21 juin 2001
7. Bové, libéré, prévoit un meeting à Tel Aviv Dépêche de l'agence Reuters du jeudi 21 juin 2001, 13h28
8. Selon l'ONU, une instance indépendante doit veiller au retour au calme par Mouna Naïm in Le Monde du jeudi 21 juin 2001
9. Dalia Rabin, fille du Premier ministre assassiné : "Le conflit ne peut être résolu par la voie militaire" propos recueillis par Véronique Soulé in Libération du jeudi 21 juin 2001
10. "Vous verrez quelle sera notre vengeance". Ainsi parlèrent les colons par Nadav Shragai in Ha'Aretz (quotidien israélien) du mercredi 20 juin 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
11. Nabil Amr, ministre palestinien des Affaires parlementaires, s'exprime sur l'avenir des négociations suite à l'acceptation par les deux parties du cessez-le-feu propos recueillis par Abir Taleb in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 20 juin 2001
12. Mohamad Sobeih, ambassadeur de Palestine auprès de la Ligue arabe, considère que les chances de succès du plan Tenet sont restreintes propos recueillis par Randa Achmawi in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 20 juin 2001
13. Une rescapée des camps de Sabra et de Chatila raconte son calvaire - La Belgique étudie une plainte pour génocide contre Sharon in L'Orient-Le Jour (quotidien libanais) du mardi 19 juin 2001
14. L'ordre militaire numéro 132 in L'Humanité du mardi 19 juin 2001
15. Des conditions de détention horribles - Responsable du Comité palestinien pour les droits de l'homme, Radji Sourani est également vice-président de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) entretien réalisé par Pierre Barbancey in L'Humanité du mardi 19 juin 2001
16. Depuis le début de l'Intifada, 350 enfants palestiniens ont été arrêtés, battus et emprisonnés par Israël : Le calvaire de Mansour par Pierre Barbancey in L'Humanité du mardi 19 juin 2001
17. Sabra et Chatila : la responsabilité d'Ariel  Sharon par Georges Marion in Le Monde du mercredi 20 juin 2001
18. José Bové avec une délégation du ''mouvement social français'' en Israël et dans les territoires palestiniens Dépêche de l'agence Associated press du lundi 18 juin 2001, 22h02
19. Azmi Béchara rencontre Assad et annonce son retour lundi en Israël Dépêche de l'Agence France Presse du dimanche 17 juin 2001, 17h41
            
Témoignage

           
L'appel du 18 juin par Nathalie Laillet, citoyenne de Naplouse en Palestine
vendredi 22 juin 2001 - Récit de mes aventures depuis l'attentat de Tel-Aviv : J'ai passe une semaine bloquée a Ramallah, j'en ai profite pour tester l'ambiance "lançons des gaz lacrymogènes sur des étudiants qui vont passer leurs examens terminaux". Ça pique le gaz et c'est pas bon pour la santé. Alors, une semaine après l'attentat, j'ai quitte Ramallah pour... Hébron ! Sympa, la ville. Magnifiquement belle. Dommage qu'il y ait des grillages et des barbelés et des soldats partout. Et méchants les soldats. Et qui dépassent largement les zones ou ils devraient être. Et qui n'aiment visiblement pas se faire photographier. Ils sont timides que voulez vous... Colons qui jettent des pierres( et bien oui, comme quoi...) et palestiniens qui construisent des sortes de cages sur leurs toits en terrasse pour pas trop se faire caillasser en étendant le linge... Bref, sympa, quoi. La bas, j'ai fait passer des examens de français a quelques hébronites (des Khalili pour ceux qui connaissent) à la tête pas si dure que ça...  [En Palestine, les habitants d'Hébron ont la réputation d'être tenaces - NDLR] A cause de la situation, ils n'ont pratiquement pas eu de cours de l'année. Comme des grands. ils ont bosse seuls dans leur coin, avec pour seul encouragement le fait de se dire qu'un jour peut être, un heureux hasard leur donnerait la chance de passer une semaine ou deux en France... Les examens auraient du avoir lieu dans la vieille ville, mais a cause de la situation par trop instable, on les fait ailleurs... En effet, la vieille ville d'Hébron est susceptible d'être soumise au couvre feu. Et ça ne prévient pas ces choses-là... Tout d'un coup l'armée décide d'imposer le couvre feu et vous voilà bloqué pour quelques jours, voire quelques semaines. J'aime l'aventure, mais bon... Bref, les examens, donc, ont lieu un peu plus loin, hors de la vieille ville. Les étudiants passent un examen écrit. Ils sont peu nombreux et bien espacés. Je relâche un peu mon attention et je regarde par la fenêtre : beaucoup d'entre elles n'ont plus de vitres. Il y a des impacts sur les murs. Oui, ça a tire par ici. Mais aujourd'hui pas de tirs. La vie est donc semblable a ce que j'avais vu il y a un an : des shebabs assis en groupe, en grappe, un peu partout qui regarde passer les filles, discrètement bien sur. Des gosses qui courent en mangeant une glace. Des femmes qui font leurs courses. Des hommes qui les accompagnent. Tout ca dans un bruit incessant de Klaxons, de cris et aussi de rire. Oui, on rit a Hébron. On rit peut être même plus fort qu'avant. Sur le trottoir, en face, un petit monument de pierre. Des fleurs et la photo d'un homme. "il lavait sa voiture, il a pris une balle dans la tête". Sur ma gauche, une maison sert désormais de fortin militaire. En plein quartier arabe. Ses habitants n'ont rien eu à dire. De la salle d'examen, je vois les sacs de sable des fortifications et je devine le canon des mitraillettes. Comme j'en ai vu des maisons comme celle-là !
Des maisons qui étaient arabes jusqu'à ce qu'un jour les soldats israéliens arrivent et disent que, pour des raisons de sécurité (sic) ils vont l'investir. Souvent ils n'investissent que le dernier étage. A Gaza, j'ai rencontre des palestiniens qui continuent a vivre au rez-de-chaussée, l'armée au dessus... par moment, je ne peux m'empêcher de penser a Beyrouth, dont les toits étaient squattes par les snipers. Trois jours à Hébron. trois jours à côtoyer les soldats. J'ai visite la vieille ville bien sur. J'y ai même retrouve des amis de l'an dernier. J'y ai aussi vu des hommes sans travail depuis que le marche a été détruit. J'y ai aussi vu beaucoup de boutiques fermées : les clients potentiels n'osent plus s'aventurer dans la vieille ville, les risques de couvre feu sont trop importants. J'y ai vu aussi une équipe dynamique qui veut retaper les maisons de la vieille ville, pour redonner toute sa beauté a la ville. "Quand ca ira mieux, ce sera un paradis ici" me dit l'architecte. Parce qu'un jour ca ira mieux. En dépit de tout, il reste de l'espoir dans les rues d'Hébron. Pourtant moi, en arpentant les rues, j'ai une image bien précise dans la tête. Celle d'un vieux monsieur rencontre dans cette ville en 1999. Je me promenais avec Shariff, nous parlions de la vie ici avec des commerçants d'une des rues. Ces derniers nous disaient que rien n'était possible tant que les colons seraient là. Et le vieux monsieur est entré dans la conversation à ce moment la. "M'écoute pas ce qu'ils te disent, m'a t il dit, ne les écoute pas. Ils ne savent pas. Les israéliens sont des gens très bien. Regarde, ils ont le soutien du monde entier. Ils sont là et c'est leur droit." J'avais du mal a comprendre. Son discours était tellement à contre courant de tout ce que j'entendais. Un moment de silence et puis il a continué. Et les larmes ont coulé sur son visage ridé. Sans un cri, sans un sanglot,  il a pleuré. Sa voix ne tremblait pas. "ne les écoute pas. En 1967, les soldats sont arrives dans la ville et puis dans ma maison. Ils m'ont battu à mort. Regarde !" Et il ouvre son porte feuille. Dedans, non pas des billets, mais... ses dents. Il continue. "Ils nous ont fait sortir, et ils ont brûlé la maison. Mais dans la maison, il y avait encore ma fille, ma petite fille de deux ans". Sa voix est toujours aussi neutre, ni colère, ni cri. Les autres commerçants ont les yeux qui brillent. Shariff pleure.Hébron, pour moi, ce sont des larmes sur le visage de cet homme.
Apres trois jours a Hébron, je décidé d'aller à...Gaza ! Gaza, c'est la plage, les copains, le narguilé, les pastèques, les cocktails de fruit, les blagues (sur les Khalili de préférence), les éclats de rire et les gosses en maillots de bain qui vont voler des cerfs volants. Bien sur pour arriver à ce bout de paradis, il faut passer Eretz, et les contrôles israéliens. Je reste presque trois jours a Gaza, a ne rien faire d'autre que regarder le coucher de soleil, écouter Oum Kalthoum, fumer le narguilé et boire des jus de fruit frais ! Croyez le si vous voulez, Gaza, c'est le pied !
Puis retour pour un petit week-end a Naplouse, histoire de dire coucou aux copains et de changer de vêtements et me voilà repartie, le dimanche 17 juin, pour le camp de réfugiés de Deiheshe, près de Bethlehem, celui la même que le pape a visite l'an dernier. J'habite cet endroit depuis près d'une semaine et dire que je l'adore serait un euphémisme. Deiheshe a lui tout seul mérite des pages. Et je ne voudrais pas vous lasser par mes bavardages incessants...
Mon idée c'était de vous écrire un message lundi dernier, lundi 18 juin, une sorte d'appel, quoi. Pour résister. La résistance, ce n'est pas seulement prendre les armes. C'est aussi agir en son âme et conscience, réfléchir et penser par soi même, avoir ses idées et les défendre. Résister, c'est peut être tout simplement essayer d'aller jusqu'au bout de soi. Une française, qui vit a Ramallah depuis des années, a écrit récemment que résister, c'était ne pas se laisser envahir par la haine. Et si on résistait tous ensemble ?
           
Rendez-vous

            
1. Réunion "présentation, bilan et perspectives" du séjour d'échanges organisé dans la région de Marseille, au mois de mai dernier, avec des jeunes réfugiés palestiniens du Liban
ce soir, mardi 26 juin 2001 à 17h, au Centre Social Belsunce (Marseille 1er)
Les Centres Sociaux Belsunce-Porte d'Aix à Marseille et La Gavotte Peyret à Septèmes-les-Vallons, en partenariat avec l'Association Médicale Franco-Palestinienne (Aubagne et Marseille) et l'association Ajial France, en liaison avec le Centre Ajial de Beyrouth, ont accueillis au mois de mai dernier, à Marseille et dans sa région, six jeunes réfugiés palestiniens du Liban. Ces jeunes, cinq garçons et une fille, âgés de 19 à 25 ans, étaient issus de différents camps de réfugiés palestiniens du Liban. Ils ont suivi, durant cette période, plusieurs formations intensives dans les domaines de la nouvelle technologie, et en particulier autour des outils liés à Internet. Ce soir à 17h, le Centre Social Belsunce - 16, rue Bernard Dubois - (Marseille 1er - M° Jules-Guesde - à côté de la Cité de la Musique) invite les associations partenaires, ainsi que toutes les personnes qui se sont engagées dans ces rencontres, à participer à cette réunion "présentation, bilan et perspectives" afin d'envisager ensemble les suites à donner à cette collaboration avec les camps de réfugiés Palestiniens. [Renseignements auprès de Kader Atia : 04 91 90 49 10 - kader.atia@free.fr]
           
2. "Cut" de Nizar Hassan et "Zaman Al-Akhbar" de Azza El-Hassan
deux films palestiniens inédits, présentés en exclusivité à Marseille, mercredi 27 et jeudi 28 juin 2001
[Lieu : Théâtre National de la Criée - 30, Quai Rive Neuve - Marseille 7e - M° Vieux-Port]
Fictions du réel, le festival international du documentaire [E-mail : www.fidmarseille.org - Tél. 04 95 04 44 99], présente cette année à Marseille du 27 juin au 1er juillet 2001, près d'une trentaine de films documentaires. Parmi eux, le public pourra découvrir deux films palestiniens inédits :
       
Cut de Nizar Hassan
>>>> Projections le mercredi 27 juin 2001 à 11h et jeudi 28 juin 2001 Grande à 18h45
Première française - Compétition internationale   
Un mélange de familles, constituées de Turcs et de Kurdes, habitent dans la colonie juive d’Ajjur en Israël. À la fin des années 1940, les Jamo, famille iraquienne, ont été envoyés vers la Terre promise, où " le miel coule à flots des montagnes ". Bien que ce paradis s’avère décevant, ils ne peuvent retourner chez eux ; leur passeport indiquant qu’ils ne seront jamais autorisés à regagner l’Iraq. Les Turcs arrivent quelques années plus tard, en 1953. L’Agence Juive qui gouverne les territoires leur recommande de devenir fermiers. Deux des trois frères turcs prennent des noms hébreux. Haim Documanchi épouse alors l’Iraquienne Salima Jamo, contre la volonté des deux familles. Un an plus tard, lorsque l’Agence Juive décrète qu’Ajjur doit devenir une coopérative, le mariage mixte paraît soudain plus approprié. Une alliance politique est mise en place, jusqu’à ce que, quelques années après, les relations entre les deux familles se dégradent à nouveau. Dans ce film, le réalisateur Nizar Hassan montre comment la religion peut désorganiser la vie des gens si elle est utilisée comme un instrument de pouvoir par les politiques.
Réalisation : Nizar Hassan (2000), couleur, 16 mm, 1:10 min.
Version originale : hébreu. Sous-titrage : anglais.
Image : Danae Elon. Son : Dany Shytrit . Montage : Nizar Hassan, Ron Goldman.
Production : Nizar Hassan Tombacco productions ltd (Israël).
Filmographie : 2001 Challenge, 1998 Ostura, 1996 Yasmin, 1995 Kalemat, 1994 Istiqlal, 1993 Women at men's domain, 1992 The arms of yesterday.
             
Zaman Al-Akhbar de Azza El-Hassan
>>>> Projections le mercredi 27 juin 2001 à 11h30 et jeudi 28 juin 2001 Grande à 15h30
Première mondiale - Compétition premiers  
La vie à Ramallah, au début de l'intifada El-Aqsa, en septembre dernier est comme suspendue, en attente ...Vivre, mais pour quel avenir ? La question est toujours présente, lancinante pour tous, et surtout pour les jeunes. Tournant le dos à l'hystérie médiatique, la réalisatrice filme des enfants qui tuent l'ennui en jouant à la guerre, comme au cinéma...
Réalisation : Azza El-Hassan (2001), couleur, mini DV, 00:52 min.
Version originale :Arabic. Sous-titrage : English
Image : Azza El-Hassan & Saed Andonie. Son : Lamees Khourie. Montage : Nidal Abu-Diab & Fadi Rida
Production : Azza El-Hassan Yamama creative house (Palestine). .
Filmographie : 2000 Al-Makan, 1999 Hia Al-Sindibad, 1997 Koshan Mosa.

                  
Réseau
          
1. Un bilan provisoire. Qui a gagné ? par Uri Avnery (16 juin 2001)
[traduit de l'anglais par Sylviane de Wangen]
Le cessez-le-feu, qui a été imposé par les Américains à Israël et à l'Autorité palestinienne, fournit une bonne occasion de dresser un bilan provisoire. En dehors de la question de savoir si le cessez-le-feu va durer et combien de temps, on peut essayer de compter les gains et les pertes des Palestiniens au cours des huit mois et demi de l'Intifada Al Aqsa.
"Opinion publique mondiale"
En Israël, une grande attention est généralement portée à la lutte pour gagner l'opinion mondiale. En écoutant les " sources politiques " et les porte-parole du Premier Ministre, vous pourriez penser que nous avons mis en déroute les Palestiniens sur ce terrain. Shimon Pérès sort triomphant de chaque rencontre. Effectivement, il semble qu'Ariel Sharon peut à tout moment recevoir le Prix Nobel de la Paix.
La réalité est tout à fait différente. Il y a longtemps que le monde a cessé d'accepter l'image des survivants de l'Holocauste (Israël) défiant bravement les abominables terroristes (les Palestiniens). Dorénavant l'image dominante est celle d'un petit peuple occupé se soulevant contre un puissant occupant. David et Goliath à l'envers.
Cette image est renforcée par les photos quotidiennes dans les médias mondiaux, qui, presque toujours, montrent des soldats d'occupation manifestement brutaux, armés jusqu'aux dents, confrontés, soit à des lanceurs de pierres soit à des civils ordinaires. La situation est aggravée par des comptes-rendus de bombardements par des avions de guerre et des hélicoptères, de bombardement de quartiers d'habitation civile et d'étranglement de la vie civile.
Le public israélien ne sait pas ce qui se passe dans les zones palestiniennes, bien que certains habitent juste à quelques minutes de voiture des événements. Il est protégé par un lourd rideau d'euphémismes : Seger, Keter, liquidation, cibles terroristes, origine des tirs, gisum, nettoyage. Quand ils sont traduits dans d'autres langues, ils sonnent de façon tout à fait différente : blocus, actions pour affamer les populations, assassinats, quartiers de population civile, vengeance, arrachage d'arbres, démolitions de maisons. Pas très joli.
Malgré tout cela, les Palestiniens n'ont pas gagné une victoire claire dans cette bataille. Dans les médias mondiaux, les " amis d'Israël " (pas tous des Juifs) jouissent d'un énorme avantage. Les médias internationaux ne parlent pas du conflit israélo-palestinien de la façon dont ils parlaient par exemple du conflit suf-africain entre le régime d'apartheid et les Noirs. Compte tenu de cette réalité, si les Palestiniens gagnent des points c'est une grand exploit pour eux.
Du point de vue palestinien, le principal succès est que leur cause nationale est à l'ordre du jour. Avant l'Intifada, les porte-parole israéliens signalaient joyeusement que le monde ne s'intéressait plus au problème palestinien, que les Américains et les Européens en avaient par dessus la tête. (D'ailleurs ces propos peuvent avoir nourri la détermination palestinienne de déclencher le soulèvement, lequel a évidemment complètement changé cette situation.)
Il y a un terrain où le Palestinien a gagné une victoire décisive : le monde entier déteste les colons. Cela s'est notamment concrétisé par la recommandation du rapport Mitchell, soutenu par les Américains et les Européens, d'arrêter complètement toute activité de colonisation.
Blocus des implantations
Cependant le combat pour gagner l'opinion publique mondiale, pour important qu'il soit, est un combat secondaire. Le conflit historique entre les deux peuples de ce pays ne sera pas résolu dans les pages du New York Times. Quand les médias israéliens se concentrent presque exclusivement sur cet aspect, ils évitent, comme d'habitude, le vrai problème, la bataille sur le terrain.
Dans cette bataille, les Palestiniens ont perdu plus de 500 morts, contre à peu près une centaine de morts israéliens. La proportion des morts a commencé avec un sur dix et a atteint maintenant un sur quatre. Les Palestiniens ont également plus de 10.000 blessés, la plupart handicapés à vie. Le nombre des blessés israéliens est relativement faible.
Qu'ont gagné les Palestiniens pour ce prix ?
Pour eux, la principale bataille concerne les colonies. Ici, ils ont gagné une grande victoire. Avec une investissement minimal - quelques tirs par nuits - ils ont eu des gains impressionnants. Tandis que les Israéliens parlent du blocus et du siège de chaque village palestinien, c'est le contraire qui est devenu réalité : les Palestiniens ont bloqué chaque colonie.
Quelques routes centrales de la rive occidentale ont complètement cessé d'être utilisées. De magnifiques routes de contournement, dans lesquelles des sommes énormes ont été englouties, sont désertes. Sur les autres routes également, les véhicules se déplacent en convois protégés, sur certaines, seulement dans des bus blindés.
Il est difficile d'estimer jusqu'où les colons eux-mêmes ont été battus. La télévision ne montre que les plus fanatiques d'entre eux qui brandissent leurs bébés et jurent " nous ne bougerons jamais ". Mais combien de familles sont-elles déjà retournées discrètement en Israël ? Combien ont envoyé (à juste titre) leurs enfants chez Grand-mère à Tel-Aviv ? Les médias patriotiques ne posent pas la question.
Qu'est-il arrivé aux entreprises qui ont été déplacées d'Israël vers les " parcs industriels " des colonies, à l'aide de sommes énormes puisées dans les fonds publics et de promesses de grands profits pour les entrepreneurs (pas de salaire minimum, pas de charges sociales obligatoires, pas d'impôts, toutes sortes de subventions et autres avantages) ? Des recherches de Gush-Shalom, une organisation qui conduit depuis plusieurs années une campagne de boycott contre les produits en provenance des colonies, ont révélé que presque la moitié des entreprises ne sont plus là. Elles ont subrepticement déménagé après qu'elles ont découvert que les camionneurs et le personnel de maintenance n'étaient pas prêts à risquer leur vie en y venant.
Les forces de défense des colons
Pour le long terme, l'aspect militaire est le plus important. La légende que les colonies sont nécessaire à la défense d'Israël (affirmé par le chef d'Etat-major Raphaël Eytan dans une affaire fameuse de la Cour Suprême) a volé en éclats depuis longtemps. L'Intifada a contraint l'armée à se consacrer presque entièrement à la défense des colonies au détriment de toutes les activités d'entraînement et de formation, essentielles pour sa capacité de défendre l'Etat contre des ennemis extérieurs. Pour restaurer l'armée dans sa fonction primordiale en continuant de défendre les colons, il faudrait presque doubler ses effectifs. Cela n'est pas possible. La demande de l'armée d'un budget additionnel de cinq milliards n'est que la partie émergée de l'iceberg des besoins.
 Les colonies ne sont pas - c'est le moins qu'on puisse dire - populaires en Israël. La plupart des gens en ont assez des bouffonneries des colons, tels qu'on les montrent à la télévision. Combien de temps encore seront-ils prêts à envoyer leurs fils risquer leur vie pour ces gens-là ? Combien de temps seront-il prêts à payer pour cela. L'immense effort que l'armée à investi pour protéger les soldats a porté ses fruits, mais le nombre même limité de victimes rend les gens moins disposés à se battre pour les colons.
Tous les sondages d'opinion montrent que la grande majorité des Israéliens soutiennent le gel de toute activité de colonisation en échange d'un cessez-le-feu. Un tiers des jeunes des colonies eux-mêmes sont prêts à partir immédiatement. Si le gouvernement avait offert de généreuses compensations aux colons prêts à être évacués au moment-même (comme nous l'avons proposé à Rabin immédiatement après Oslo), la moitié des colons seraient sur le chemin du retour. D'après les sondages, 80% des colons croient que les colonies ( toutes ou la plupart) seront évacuées un jour.
Ceci représente un résultat irréversible de l'Intifada, même si le cessez-le-feu échoue et fait place à une escalade de violence, comme Sharon l'espère.
Bombes vivantes en Israël
Les attaques à l'intérieur d'Israël sont une autre histoire. Même parmi les Palestiniens, il y a des opinions différentes à leur sujet.
Ceux qui sont favorables aux attaques peuvent mettre en avant les résultats immédiats des attentats-suicides. Le tourisme en Israël a été réduit au goutte-à-goutte et cela pour le futur prévisible. Les principales organisations juives aux Etats-Unis craignent d'envoyer leurs enfants en Israël ; même le projet d'organiser les jeux de Maccabia a soulevé un tollé. L'agriculture et l'industrie du bâtiment ont connu des revers majeurs. L'augmentation des dépenses militaires contraint le gouvernement à faire des coupes sombres dans les services sociaux, déjà mauvais. Il est intéressant de noter que ni la presse ni la télévision en Israël n'ont enquêté sur les pertes matérielles causées au pays par l'Intifada.
D'après les divers indicateurs, la croissance économique a été réduite de façon décisive. (Par chance, l'effondrement au niveau mondial du secteur high-tech a permis aux économistes d'imputer les pertes sur ce compte).
Sur le plan psychologique, le moral national a été atteint pour longtemps. Par exemple personne ne sait dans quelle mesure cela ne va pas entraîner une émigration dans l'avenir. Les medias patriotiques qui gonflent chaque incident, même les tirs en l'air qui ne font pas de victimes, dans des proportions hystériques, contribuent à accroître le dommage. La peur d'entrer dans un bus, dans un centre commercial ou un salon du livre, ou d'assister à un match de football important est en train de causer une usure durable.
Si les partisans des attentats suicides voient ces résultats comme des succès, leurs opposants ont aussi des arguments forts.
Dans le court terme, les attaques poussent les Israéliens modérés dans les bras des extrêmistes de droite. Ils renforcent l'unité nationale basée sur un total déni des droits des Palestiniens. Elles occultent le fait qu'on se trouve dans une guerre pour la poursuite de l'occupation et des colonies et justifient l'argument que la guerre concerne en réalité Tel-Aviv et Netanya où les tueurs kamikases ont opéré. Elles fournissent des prétextes à cette partie de la " gauche " israélienne qui, dès le début de l'Intifada a regagné le lit douillet du consensus national. De ce point de vue, un terrible dommage a été infligé à la cause palestinienne.
Cessez-le-feu : le côté palestinien
Le tableau général peut convaincre beaucoup de Palestiniens que l'Intifada est en train de gagner, et qu'elle vaut les terribles souffrances qu'elle entraîne pour le peuple palestinien.
Conclusion : il ne faut pas l'arrêter (sinon pour des buts tactiques de courte durée) à moins que les Palestiniens en tirent des bénéfices politiques significatifs allant au-delà du gel des colonies. Cela signifie : le début de vraies négociations, qui conduiront à la création de l'Etat de Palestine sur toute la rive occidentale et la bande de Gaza, à la souveraineté sur Jérusalem-est, à l'évacuation des colonies et à une solution raisonnable du problème réfugié. Sharon ne l'imaginerait pas.un instant.
En l'absence d'un tel espoir (" la lumière au bout du tunnel "), une grande majorité de l'opinion palestinienne soutiendra la poursuite de l'Intifada, y compris les attaques à l'intérieur d'Israël, même si le prix est presque insupportable. Aucun responsable palestinien ne pourra faire abstraction de cet état d'esprit de l'opinion public, qui encouragera aussi les organisations extrêmistes à agir pour gagner le soutien populaire.
Cessez-le feu : le côté israélien
Du côté israélien, aussi, il n'y a aucune envie de soutenir le cessez-le-feu indéfiniment. Le principal acteur sur scène est l'énorme lobby des officiers de l'armée, à la fois les anciens et ceux en exercice, qui domine les partis importants, les medias et qui, en fait, dirige l'Etat.
Comme leurs collègues américains au Vietnam et français en Algérie, , nos généraux ne peuvent pas admettre le fait qu'ils sont en train d'être vaincus par les " indigènes " méprisés, qui manquent à la fois de moyens et d'expérience. Ceci, on peut le comprendre, est insupportable pour eux. Comment peuvent-ils accepter qu'Arafat dicte le cours des évènements au puissant Israël - le même Arafat qui a été sorti du Liban par Sharon et qui, selon le ministre de la Défense Fuad Ben-Eliezer, un général battu et un politicien de troisième ordre, " doit descendre de la scène de l'histoire " ?
Presqu'aucun officier supérieur professionnel n'est capable de comprendre le caractère d'un soulèvement populaire. Les généraux ne sont pas formés pour cela. Leur absence monumentale de compréhension s'exprime dans presque chacun de leurs propos, en partant de ceux de Mofaz. Manquant de compréhension, ils sont incapables de concevoir une stratégie raisonnable et s'en remettent à la maxime israélienne classique : si la force ne marche pas, utilisons plus de force.
Les officiers frustrés, conduits par le général Sharon, haïssent le cessez-le-feu et ne le suivent que du bout des lèvres. Ils s'apprêtent à le rompre à la première occasion. Sharon y est déterminé mais de façon à ce que ce soit imputé à Arafat. Sans une raison claire et convaincante, il n'aura pas la permission des Américains.
(Ceci présente une étrange ressemblance avec la situation de Sharon à la veille de la guerre du Liban, quand le secrétaire d'Etat américain - le général Haig - a dit à Sharon qu'il ne pourrait envahir le Liban qu'en cas de provocation indéniable pour le monde entier. Quelques jours plus tard, il y a eu un attentat contre la vie de l'ambassadeur d'Israël à Londres, Argov, et le coup est parti.)
Sharon et ses généraux croient que l'intensification infinie apportera la victoire à Israël. Tout sera alors permis : le meurtre, l'emprisonnement ou la déportation d'Arafat ; l'assassinat systématique de tous les responsables locaux palestiniens ; le découpage des zones palestiniennes en des douzaines d'îlots séparés ; l'expulsion de populations ; les coupures d'électricité, d'eau, les restrictions de nourriture et de médicaments ; les bombardements aériens, maritimes ou terrestres ; et beaucoup d'autres méthodes " originales ".
Le problème, c'est que toutes ces méthodes, sans exception, ont été expérimentées par les généraux dans d'autres pays, et elles ont toutes échoué. Le résultat en a toujours été le contraire de ce qu'ils escomptaient : une consolidation du peuple opprimé, une renforcement de la résistance et un perfectionnement de ses méthodes, la perte du soutien de l'opinion internationale, l'échec. Mais il semble qu'il n'y ait presque pas d'échappatoire à ce drame.
La seule alternative est un changement de l'opinion israélienne, l'arrêt de la violence et de l'activité de colonisation, des négociations sérieuses et rapides pour mettre fin à l'occupation et l'acceptation d'une solution politique, tous éléments qui sont déjà très connus. Cela finira par arriver - mais, en attendant, des flots de sang peuvent couler.
                
2. Israël : achats de nouveaux navires de guerre
in Stratfor Strategic Forecasting le mercredi 20 juin 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Selon le Jerusalem Post, Israël pourrait acheter jusqu'à cinq nouvelles corvettes Sa'ar-5, achat qui entraînerait vraisemblablement des achats similaires par l'Egypte et la Syrie. Ces bâtiments aideraient Israël à assurer la sécurité de ses eaux territoriales tout en lui fournissant une plate-forme potentielle pour des armes nucléaires.
Les pays voisins et rivaux sont d'ores et déjà en train de renforcer leurs capacités navales, en partie afin de contrer Israël dans sa volonté de s'assurer le monopole en ce domaine. Le passage des systèmes de défense du territoire vers le domaine maritime représente un défi pour le rôle prépondérant des armées nationales au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, tout en aiguisant des rivalités inter-armes qui pourraient être de nature à obérer le degré de préparation de chacune de ces armées nationales.
Israël dispose d'ores et déjà de trois Sa'ar opérationnels, et les nouvelles versions de ces corvettes dont chacune coôute plus de 200 millions de dollars, amélioreront de façon sustantielle la puissance navale d'Israël. En rapport poids armement/poids navire, le Sa'ar 5 est considéré comme le navire le plus lourdement armé au monde. Chacun est muni de missiles mer-mer Harpon et Gabriel II, de torpilles, d'un canon de 76 mm et de missiles mer-air Barak (!), d'après l'Institut International des Etudes Stratégiques (Londres, ndt).
Ces navires de guerre assureraient deux fonctions simultanées : ils permettraient à Israël d'augmenter ses capacités à lancer des frappes nucléaires depuis la mer (capacité qui lui est pour l'instant donnée essentiellement par les sous-marins de type Dolphin que ce pays a acheté récemment à l'Allemagne) et de garantir la sécurité de son domaine maritime. En mai dernier, la marine israélienne a intercepté un navire libanais qui s'apprêtait à passer des armes en contrebande dans la bande de Gaza, mais le capitaine de ce navire avait indiqué que deux cargos similaires avaient pu décharger leur "marchandise".
Mais les pays voisins ne vont pas laisser Israël décupler les capacités de sa flotte de guerre sans réagir. Les contre-mesures attendues comportent les sous-marins offensifs, les missiles anti-navires et les vedettes de surveillance côtière. Les rivaux potentiels (d'Israël) sur le pourtour méditerranéen sont en train d'ores et déjà d'explorer certaines de ces options.
L'Algérie étudie le renouvellement de ses deux sous-marins de fabrication russe du type Kilo. Ce pays dispose d'ores et déjà de navires diesel-électriques à moyen rayon d'action. L'Egypte a signé une lettre d'intention pour l'achat de deux sous-marins diesel-électriques de type Moray 1400, a indiqué en octobre dernier le journal spécialisé Defense Daily International. L'Egypte dispose déjà de quatre sous-marins de conception russe, de modèle Romeo, construits en Chine, mais quelque peu vieillis.
Selon des sources proches de l'industrie russe de l'armement, la Syrie et l'Egypte sont interressées par le missile anti-embarcation "Sunburn" ("Coup de Soleil", ndt....), de conception russe, connu techniquement sous l'intitulé SS-N-22 MOSKIT. Le Sunburn peut atteindre des vitesses dépassant Mach 2 (soit deux fois la vitesse du son) - deux fois celle du missile américain Harpoon ou du missile français Exocet - réduisant d'autant le temps de réaction des navires-cibles.
Les ennemis potentiels d'Israël, telles l'Egypte ou la Syrie, vont vraisemblablement modifier leurs budgets militaires de façon à faire face à cette menace maritime émergente, mais cela ne pourra se faire qu'à leur propre désavantage. Les armées (de terre + aviation) égyptienne et syrienne, qui reçoivent traditionnellement la part du lion des budgets militaires, sont confrontées à des problèmes de qualité et de réactivité. 
Il ne sera pas aisé, pour Le Caire et Damas, de dépenser plus pour leur marine de guerre. Leurs budgets militaires sont relativement stagnant depuis environ cinq ans, comme le relève un rapport de l'Institut International de Recherches en matière de Paix, basé à Stockholm, et leurs économies sont en crise. L'Egypte, comme la Syrie, pourraient obtenir des conditions d'achat favorables en Russie, mais ces deux pays devront aussi procéder à des coupes dans leur budget militaire respectif.
                  
3. Compte rendu de la conférence de presse du colonel Jibril Rajoub
in The Palestine Media Center le dimanche 17 juin 2001
[traduit de l'anglais par Jean-Michel Staebler]

Le colonel Rajoub dénonce les violations israéliennes du plan Tenet. Ce jour, 17 juin, le chef de la sécurité préventive palestinienne en Cisjordanie, le colonel Jibril Rajoub, a tenu une conférence de presse au Palestine Media Center. Cette conférence avait pour objet de relever les continuelles violations du cessez-le-feu par les colons et les Israéliens. Le colonel a commencé par déclarer que l'Autorité nationale palestinienne avait annoncé un cessez-le-feu en réponse aux initiatives arabes, régionales et internationales - la dernière parmi elles étant le plan de M. Tenet - qui visaient à mettre fin à l'effusion de sang dans la région. "En s'apputant sur lui (le plan Tenet), la direction palestinienne contribue sérieusement à l'effort pour établir le cesses-le-feu, préparant ainsi des négociations politiques régionales". Le colonel Rajoub a ajouté : "Pour l'Autorité nationale palestinienne, un cessez-le feu signifie ceci : D'abord la fin de toute agression, que ce soit avec des armes à feu ou avec des avions de combat. En second lieu, le cessez-le-feu signifie l'arrêt des actions des colons israéliens et de leurs continuelles attaques contre les civils palestiniens, leurs personnes, leurs biens et leur fierté, tant en Cisjordanie que dans la bande de Gaza. Troisièmement, l'arrêt de toute confisquation de terres, y compris les destructions de plantations, la construction de nouvelles implantations, ou l'accroissement de celles qui existent déjà. Quatrièmement, la fin de l'humiliation des civils palestiniens aux points de contrôle établis par l'armée israélienne. Un cessez-le-feu signifie également que son application concerne tout le territoire palestinien, qu'il soit sous occupation israélienne ou sous contrôle palestinien."
Il a insisté sur le fait que "Jérusalem-Est occupée est incluse dans la zone (palestinienne) car il s'agit d'un territoire occupé". Toute agression contre nos civils dans ces zones constituent des violations du cessez-le-feu. Le colonel Rajoub a précisé que l'engagement de l'Autorité nationale
palestinienne pour mettre en oeuvre le cessez-le-feu constitue une première étape en vue de reprendre les négociations politiques. En vue de maintenir le cessez-le feu, deux choses doivent être réalisées. "La première doit être la levée de tous les élements de tension et notamment le siège, le blocus, la libération de tous les prisonniers politiques, la fin de toute activité de colonisation et le contrôle des colons. La seconde implique le retour à la table des négociations, avec un calendrier clair, afin que le peuple palestinien puisse recouvrer l'espoir quant à son avenir". Le colonel a ajouté qu'à défaut d'exécution ces deux impératifs, "le résultat ne relèverait que d'un rêve temporaire, après quoi la région s'embraserait à nouveau". Le colonel a observé qu'il appartenait au gouvernement (israélien) de décider si le cessez-le-feu concernait ou non les colons. Il a considéré que les attaques des colons la semaine passée constituaient une violation
expresse du cessez-le-feu. Le colonel a alors expliqué que tant la direction que les forces politiques palestiniennes "étaient unies dans l'engagement d'assurer le succès du cessez-le-feu". Cependant, a-t-il ajouté, ce cessez-le-feu ne saurait se maintenir avec le blocus, la poursuite de la colonisation, et les agressions perpétuelles contre le peuple palestinien. Le colonel a confirmé que la direction palestinienne avait formulé des objections quant à certaines dispositions du plan (Tenet). La plus importante d'entre elles touche au rejet de zones de protection. M. Rajoub a aussi précisé que toutes les actions présentes et futures devaient se faire en conformité à la Loi internationale et des résolutions des Nations Unies. Le colonel a conclu que les Américains ne sont intervenus qu'alors que la région risquait de s'enflammer. Et il a déclaré que : "l'application de la Loi internationale et de la légalité étaient le seul moyen d'assurer la stabilité à la région. Cependant, si Israël ignore les efforts véritables de la communauté internationale pour apporter la paix et la sécurité dans la région, ce sera un grand malheur pour toute cette région".
                     
Revue de presse

                     
1. Les travailleurs palestiniens bravent la mort pour échapper au chômage
Dépêche de l'Agence France Presse du dimanche 24 juin 2001, 9h59
JERUSALEM - Des centaines de Palestiniens risquent quotidiennement leur vie pour échapper au chômage en tentant de s'infiltrer en Israël, dont l'accès leur est interdit depuis le début de l'Intifada.
"C'est comme une course d'obstacles, on prend des chemins escarpés, on se cache derrière les arbres, pour éviter les barrages de l'armée", affirme Faëk al-Khawaja, employé dans une colonie juive près de Ramallah (Cisjordanie).
Faëk a été le témoin mercredi de la mort de son compatriote Jamal Nafaa, 30 ans, touché par des tirs de militaires israéliens au nord-ouest de Ramallah.
"Il était avec un groupe de travailleurs qui rentraient du travail et qui voulaient contourner un barrage. Les militaires ont tiré, touchant Jamal, alors que ses amis ont pu s'enfuir à travers une oliveraie", témoigne Faëk.
Le drame a eu lieu à la hauteur d'un barrage de l'armée près de Kiryat Sefer, une colonie juive proche de la ligne de démarcation entre Israël et la Cisjordanie.
Selon des informations de source israélienne, les militaires du barrage ont ouvert le feu en direction du Palestinien dont l'attitude leur avait paru suspecte.
Avant l'Intifada, 130.000 Palestiniens, dont quelque 45.000 en situation irrégulière, travaillaient en Israël, selon des estimations israéliennes. Le Bureau central de statistiques palestinien estime leur nombre à 145.000, dont 75.000 à 85.000 en situation irrégulière.
D'après le "club du prisonnier", une ONG palestinienne, 1.100 Palestiniens ont été interpellés depuis le 2 juin, pour avoir tenté de s'infiltrer en Israël sans autorisation.
"La semaine dernière, des Palestiniens à la recherche de travail ont été arrêtés par une unité spéciale de militaires israéliens armés et déguisés en ouvriers", affirme Assaad, 31 ans, maçon, originaire du camp de réfugiés de Dheicheh, près de Bethléem, dans le sud de la Cisjordanie.
Mahmoud Issa, 28 ans, hospitalisé à Beit Jala, non loin de là, affirme avoir été brutalisé lors d'une descente de police dans un chantier de construction où il travaillait avec 15 autres Palestiniens, près de Jérusalem.
"Ils nous ont frappés et humiliés. Tout cela parce que on veut faire vivre nos familles", dit-il.
"Comment peut-on résister à la faim?", s'interroge pour sa part Abou Ahmad, 48 ans, originaire d'un village des environs de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie, qui déplore de n'avoir obtenu pour toute aide de l'Autorité palestinienne que 150 dollars depuis le début de l'Intifada le 28 septembre.
Le ministre palestinien du Travail Rafik Natché assure que l'Autorité a apporté une assistance à 73.000 travailleurs et qu'elle fait de son mieux, en dépit du manque de moyens.
"Nous avons sollicité l'aide des pays pays arabes pour qu'ils embauchent des Palestiniens et poursuivrons les discussions avec les pays donateurs pour qu'ils nous aident à surmonter les difficultés dues à la politique israélienne de bouclage", a-t-il dit à l'AFP.
Dans un rapport publié le 13 juin, l'Organisation internationale du travail (OIT) écrit que "les événements survenus depuis septembre 2000 ont eu des effets tragiques sur la situation des travailleurs. Les mesures de bouclage des territoires et d'encerclement à l'intérieur de ceux-ci, les pertes considérables de revenus et l'augmentation dramatique du chômage et de la pauvreté ont provoqué, d'un point de vue humanitaire, une crise majeure pour la population palestinienne".
           
2. Une Gay Pride aux couleurs de l'Intifada en Israël
Dépêche de l'agence Associated Press du samedi 23 juin 2001, 15h27
TEL AVIV - Une ombre sur le drapeau arc-en-ciel. Sur fonds d'Intifada, la Gay Pride annuelle dans l'Etat hébreu a certes vu défiler son lot habituel de Cupidons dénudés et de drag queens à perruque rose se déhanchant au son de la techno dans les rues de Tel Aviv la cosmopolite, mais surtout, des homosexuels israéliens et palestiniens ont marché ensemble, solidaires contre l'oppression et la présence militaire israélienne dans les territoires palestiniens.
Vêtus de noir, ils étaient vendredi des dizaines à manifester contre la poursuite de l'occupation israélienne en Cisjordanie et à Gaza, derrière une banderole sur laquelle on pouvait lire ''Il n'y a pas de fierté dans l'oppression d'autrui''. Ou encore:''Gay et Palestinien, liberté deux fois niée''.
Malgré les restrictions d'entrée en Israël qui pèsent sur eux depuis neuf mois, un petit groupe de Palestiniens avaient réussi à venir à la Gay Pride de Tel Aviv, mais des milliers d'autres sont restés bloqués aux check-points de Tsahal, ont précisé les organisateurs.
                
3. Bachar El Assad : "Israël n'est pas mûr pour la paix" propos recueillis à Damas par Jean de Belot et Claude Lorieux
in Le Figaro du samedi 23 juin 2001

Avant sa visite d'État lundi à Paris, le président syrien a accordé une interview exclusive au «Figaro». Il présente ses idées sur la crise israélo-palestinienne et répond aux critiques suscitées par ses propos sur l'Etat hébreu, à l'occasion de la visite du Pape à Damas au début du mois.
LE FIGARO – Le rapport de l'ex-sénateur George Mitchell et le plan du chef de la CIA, George Tenet, semblent offrir une petite chance d'arracher Israéliens et Palestiniens à la spirale de la violence. La Syrie est très critique. Pourquoi ?
Bachar EL ASSAD – Nous jugeons ces initiatives, comme les autres, en regard des principes et des règles sur lesquels s'appuie le processus de paix. Nous avons établi une distinction entre une action dont l'objectif est à court terme et une action dont l'objectif est à long terme, permanent.
Nous distinguons les initiatives liées à des principes généraux de celles liées à une personne, à un parti, à un État. Ces principes sont contenus dans les résolutions de l'Assemblée générale et du Conseil de sécurité des Nations unies sur le Proche-Orient. La conférence de paix de Madrid constitue une seconde référence. Elle est complémentaire. Le facteur commun à ces deux références, c'est le consensus de la communauté internationale, Israël excepté. Ensemble, ces références forment en quelque sorte la loi qui gère le processus de paix. Dans un pays, si la loi n'est pas appliquée, c'est le chaos.
Nous craignons que les initiatives de MM. Mitchell et Tenet ne se réduisent à de simples actions pour obtenir un cessez-le-feu et qu'elles ne deviennent, dans un deuxième temps, de nouvelles références pour la paix. Il est possible que cela entraîne un changement des références existantes. Si c'était admis, on pourrait assister dans d'autres régions du monde à la diminution, voire à la suppression, du rôle des Nations unies, avec, à la clef, l'apparition de troubles.
Le rapport Mitchell est déséquilibré. Je vous cite deux exemples. Il dit que les Palestiniens doivent garantir à 100% la sécurité d'Israël. Deux remarques: primo, aucun pays ne peut garantir sa propre sécurité à 100%; secundo, a-t-on demandé aux Israéliens de garantir la sécurité des Palestiniens? Par ailleurs, le rapport Mitchell dit seulement que les Israéliens doivent arrêter les chantiers de construction des colonies de peuplement, alors que les résolutions du Conseil de sécurité parlent de retrait des Territoires et de démontage des colonies. La contradiction entre le rapport Mitchell et les résolutions du Conseil de sécurité est évidente. C'est pour cette raison que nous avons voulu établir une distinction entre une action qui vise à instaurer la paix et une action dont l'objectif serait, à les entendre, limité au cessez-le-feu.
- Donc, une initiative est acceptable à vos yeux si elle permet, au-delà du cessez-le-feu, de replacer l'ensemble des dossiers sur la table. Dans le cas contraire, non.
- Une initiative est pour nous un outil. Nous jugeons un outil en fonction de son utilité au service du processus de paix. Certainsoutils sont intrinsèquement mauvais. D'autres peuvent être utiles s'ils sont utilisés dans le bon sens. En rejetant la clause concernant l'arrêt des chantiers de construction des colonies, les Israéliens ont d'entrée de jeu voué l'initiative du sénateur Mitchell à l'échec.
- Au Qatar, voici trois semaines, les ministres des Affaires étrangères de la Conférence islamique ont décidé de rompre les relations politiques avec Israël. Ni le ministre égyptien ni le ministre saoudien n'étaient présents. Les partisans de la ligne dure, Syrie en tête, ne se sentent-ils pas un peu seuls au moment de sanctionner Israël ?
- Pour nous Syriens, la paix est depuis longtemps un choix stratégique. Un tel choix ne varie pas avec les circonstances. On aurait donc tort d'interpréter telle ou telle décision comme allant contre la paix en tant qu'objectif. Mais quand, après dix ans, on découvre que la voie suivie pour réaliser la paix n'a mené nulle part, il faut faire un bilan, chercher où l'on s'est trompé et, le cas échéant, changer de méthode. Les décisions des sommets arabes ne sauraient être jugées sans se référer à l'échec constant du processus de paix depuis dix ans, le désordre qui règne actuellement au Proche-Orient non plus. Depuis la conférence de Madrid, les pays arabes qui sont directement concernés par le processus de paix ont écouté les conseils que leur prodiguaient les pays intéressés, amis ou autres. Israël, en revanche, s'est ingénié à entraver le processus de paix. Les Arabes ont dû, en conséquence, prendre des décisions dont l'objectif est, non pas de casser le processus de paix, mais de faire pression sur Israël. L'objectif de la pression est la paix, et non pas son contraire. Si nous en sommes arrivés là, c'est que la méthode suivie jusqu'à présent ne nous a pas rapprochés de la paix. Le discours des pays arabes affirme notre attachement au processus de paix, alors qu'Israël adopte le langage de la menace et de la guerre.
- Qu'en concluez-vous ? Que les événements donnent raison à la Syrie et consacrent l'échec de la méthode choisie par Arafat depuis les accords d'Oslo ?
- En affirmant que le processus de paix est en panne, plusieurs pays, qu'ils soient ou non de la région, commettent une erreur de plus. La vérité est que le processus de paix n'a pas encore véritablement démarré. Ou, s'il a démarré, c'est dans l'illusion. Or nous autres Syriens avons toujours refusé de travailler dans l'illusion. Dès le début, nous avons vu le processus de paix aller à sa perte: on parlait beaucoup, mais rien de sérieux ne se faisait sur le terrain. Nous avions prévu la situation actuelle. Pour nous, rien n'a changé. Il en va autrement pour certains pays amis qui découvrent maintenant la vérité!
- Les relations entre la Syrie et Yasser Arafat se sont améliorées depuis votre accession au pouvoir. Vous l'avez invité à venir à Damas. Pourtant, aucune date n'a encore été fixée. Le président palestinien ne craint-il pas que la Syrie cherche, encore une fois, à le contrôler ?
- L'invitation que j'ai lancée lors du sommet arabe d'Amman reste ouverte. De notre côté, nous ne voyons aucune raison pour que la visite n'ait pas lieu. Mais nous ne savons pas si les Palestiniens la souhaitent. Ce qui est clair, c'est que nous n'avons ni les compétences, ni l'ambition, ni même le désir de contrôler les Palestiniens. Comme tout autre peuple, les Palestiniens ont le droit de décider librement de leur sort. Il est de notre devoir de les aider à recouvrer leurs droits, tant qu'ils le désirent. Voici en toute clarté la position de la Syrie sur cette question.
- L'attentat du 1er juin à Tel Aviv, qui a coûté la vie à 20 jeunes Israéliens, a provoqué un retournement de l'opinion internationale, jusque-là plutôt hostile à Ariel Sharon, contre les Palestiniens. Yasser Arafat a fini par accepter le compromis de George Tenet, que vous critiquez. En s'attaquant non plus à des militaires mais à des civils innocents, le mouvement islamiste ne travaille-t-il pas contre la cause palestinienne et contre la cause arabe ?
- Des gens ont condamné l'action de ce kamikaze. Nous en avons entendu parler. Mais, au lieu de condamner, il vaut mieux analyser les raisons qui poussent un jeune homme à se transformer en bombe humaine et à mettre fin à ses jours. Il ne cherchait pas à ce que l'on parle de lui. Il n'a pas demandé l'autorisation d'une faction politique. Même s'il appartenait à une certaine mouvance politique, il n'a pas cherché à servir les intérêts d'un groupe politique, ni à nuire aux intérêts d'un autre groupe. Les raisons de son acte, il faut les chercher dans la frustration et dans l'oppression qu'il a subies sur le plan personnel et national. Combien de ses proches ont été tués ? Avait-il suffisamment d'argent en poche pour payer son repas du lendemain ? Quelles furent les humiliations subies par lui-même, par sa famille et par son peuple ? La condamnation ne mène pas loin. La communauté internationale veut la paix. Or la paix ne peut être séparée de la justice et de l'égalité. On en revient toujours aux principes d'égalité et de justice qui sont partie intégrante de l'héritage de la Révolution française. Les milieux qui ont condamné le kamikaze condamneront-ils avec la même vigueur les méthodes sanglantes adoptées par Sharon depuis son arrivée au pouvoir ? En faisant des déclarations déséquilibrées, certains milieux internationaux risquent d'accroître la tension. Nous le disons franchement à tout responsable européen ou américain qui arrive en Syrie. La solution ne peut venir que d'un engagement sincère d'Israël pour la paix et de prises de position équilibrées et impartiales des Etats parrains du processus de paix vis-à-vis des parties en conflit.
- Dans toute cette affaire, est-ce qu'en fin de compte Ariel Sharon ne vous rend pas service par son intransigeance ?
- Je vais être franc. Le seul service qu'ait rendu Sharon a été de montrer au monde entier que les Arabes n'ont jamais constitué une pierre d'achoppement à la marche vers la paix et qu'en revanche la société israélienne n'est pas encore mûre pour la paix. Comment un peuple épris de paix pouvait-il élire à sa tête une personne comme Sharon ? L'opinion occidentale n'avait de lui qu'une image floue. Il l'a rendue claire !
- L'armée syrienne a procédé à un second redéploiement hors de Beyrouth. Que signifie-t-il ?
- Pourquoi parler d'un second redéploiement ? D'autres l'ont précédé, grands ou petits par les effectifs militaires concernés. Ces déplacements sont soumis à des considérations purement techniques. Ils s'effectuent en coordination entre les deux pays et, tout spécialement, entre les hauts commandements syriens et libanais.
- Les déclarations des évêques maronites demandant le retrait des troupes syriennes avaient pu effrayer certains milieux. Depuis, sans critiquer ni l'existence de relations privilégiées entre Damas et Beyrouth ni même la présence militaire syrienne, certaines personnalités libanaises s'indignent que la Syrie intervienne dans la nomination de ministres ou de hauts fonctionnaires...
- Il faut distinguer entre les objectifs d'une politique et son application pratique. La politique syrienne au Liban n'est pas une politique d'ingérence. Nous n'avons aucun intérêt à intervenir dans la nomination d'un ministre, d'un député, d'un fonctionnaire ou de toute autre personne. Mais cela ne veut pas dire que les acteurs d'une politique ne font pas d'erreurs. J'avais fait allusion à ces manquements dans mon discours d'investiture. La responsabilité en incombe à la fois aux Syriens et aux Libanais. Par ces petits détails, certains Libanais et certains Syriens nuisent à la politique syrienne dans ses objectifs stratégiques. Ces difficultés ne traduisent pas une hostilité quelconque. Elles empêchent, en revanche, nos relations de prendre la forme que nous souhaitons leur voir prendre.
- L'objectif stratégique ? N'est-ce pas l'échange d'ambassadeurs entre Damas et Beyrouth et l'indépendance du Liban ?
- Quand l'armée syrienne est entrée au Liban en 1976, c'était pour mettre fin à la guerre civile. Six ans plus tard, en 1982, l'invasion israélienne du Liban a ouvert un second chapitre. Dans le premier cas, l'objectif était d'ordre politico-sécuritaire. Dans le second, l'objectif était d'ordre politico-militaire. Regardez la géographie. Le Liban est le flanc de la Syrie. Si le Liban n'est pas consolidé, il pourrait nuire à la Syrie. Or Israël occupe toujours une portion de territoire libanais et pourrait s'en servir comme tremplin pour occuper d'autres territoires. C'est une des raisons qui, à la fin de la guerre civile, a conduit la Syrie à renforcer l'armée libanaise. La Syrie et le Liban sont attachés aux deux objectifs que j'ai cités. Le déplacement en cours des troupes syriennes résulte de concertations libano-syriennes. Il est possible que l'Etat libanais fasse un jour des propositions motivées par des données qui lui sont propres. Nos concertations sont permanentes.
- Le Hezbollah se jure de libérer les «fermes de Chebaa», qu'Israël a continué d'occuper après l'évacuation du Liban-Sud. Mais ces fermes sont-elles syriennes, comme le pense une bonne partie de la communauté internationale, ou libanaises, comme vous l'affirmez ?
- Selon le droit international, il appartient aux pays frontaliers concernés d'identifier l'appartenance d'un territoire. Une fois la discussion terminée, l'accord doit être enregistré par les organisations internationales. Dans le cas de Chebaa, c'est la stricte responsabilité de la Syrie et du Liban. Quant aux tiers qui se prononcent sur la nationalité de Chebaa, ils ne sont pas compétents.
- Benyamin Ben Eliezer, le ministre israélien de la Défense, a récemment annoncé qu'il tiendrait la Syrie responsable d'éventuelles attaques du Hezbollah contre Israël. Est-ce l'une des raisons pour laquelle vous avez redéployé vos troupes hors de Beyrouth ?
- Le déplacement de nos troupes n'est pas lié aux déclarations israéliennes. Il est cependant logique que les décisions concernant le stationnement de nos forces prennent d'abord en considération d'éventuelles menaces militaires. Pour les pays arabes, celles-ci viennent d'abord d'Israël. Mais ces menaces ne sont pas une nouveauté. La Syrie et le Liban en subissent continuellement de la part de responsables israéliens de rangs divers.
- Etes-vous conscient que vous êtes attendu en France et ailleurs avec une attention particulière en raison des propos que vous avez tenus sur les juifs lors de la visite du Pape en Syrie ?
- Je souhaiterais que vous lisiez mon discours dans son texte original. J'ai évoqué devant Sa Sainteté le Pape plusieurs principes fondamentaux des grandes religions monothéistes, ainsi que la nécessité impérative de respecter ces principes, tout spécialement dans notre région. C'est dans ce contexte que j'ai fait une comparaison entre la passion du Christ et les souffrances des Palestiniens des Territoires.
J'ai dit que l'on avait trahi le processus de paix. J'ai dit qu'il avait été victime d'un complot et j'ai rappelé le complot ourdi contre le prophète Mahomet pour entraver la diffusion de son message. Ce sont ces propos qui ont fait l'objet de critiques. Certains journaux occidentaux les ont qualifiés d'antijuifs. J'en ai été étonné. En effet, mon discours se limitait à évoquer des principes généraux qui régissent la conduite de l'homme, des principes de justice, ainsi le devoir qui est le nôtre d'atténuer les souffrances des hommes et de déjouer les trahisons et les complots.
La religion musulmane reconnaît les trois religions monothéistes : le judaïsme, le christianisme et l'islam. En tant que musulman, il m'est tout à fait naturel de reconnaître ces trois religions. Ces trois religions sont l'œuvre d'un Dieu unique.
En outre, je suis le président d'un Etat dont certains citoyens appartiennent à l'une de ces trois confessions. Est-il concevable que le président attaque la religion que suivent certains de ses concitoyens ? C'est inacceptable tant du point de vue religieux que du point de vue national.
Mes propos ont été falsifiés par les Israéliens. Malheureusement, d'autres n'ont pas pris la peine de vérifier l'exactitude des propos qui m'étaient attribués. Ils se sont contentés de répéter. Je crois que, en colportant cette version et en faisant référence à des événements historiques qui n'étaient pas évoqués dans mon discours, Israël a porté tort à la religion juive.
- Etes-vous conscient que les drames des années 1940-1945 ont fait naître en Europe une sensibilité particulière sur le problème juif et que cette sensibilité n'est pas forcément partagée au Proche-Orient ? N'y voyez-vous pas un facteur durable d'incompréhension entre les deux rives de la Méditerranée ?
- C'est vrai. Mais c'est vous Occidentaux qui êtes responsables de ce malentendu. Pas nous. Le problème que vous évoquez s'explique par l'histoire de votre partie du monde. Ici, en Orient, nous n'avons pas de complexe à l'égard des grandes religions monothéistes. Notre terre est leur berceau.
Mon discours, c'est à travers mes concepts et ma mentalité d'Arabe, de musulman ou de Syrien que vous devriez l'analyser. Je vis dans une région où depuis de nombreux siècles les hommes vivent dans un climat de tolérance. Je ne vis pas au milieu de communautés susceptibles de nourrir des complexes dont je ne suis pas responsable. Je vous invite, vous journalistes, à prendre l'initiative et à expliquer comment les sensibilités et les attitudes changent avec les pays et les civilisations.
- En vous exprimant de cette façon, n'avez-vous pas pris le risque d'être mal compris par des hommes qui n'ont ni votre culture ni votre regard sur les événements ?
- Ce que vous dites est vrai. Mais il y a une chose plus importante encore. En fin de compte, un président reflète la culture de son peuple, surtout quand il prend la parole sur la scène internationale. Il ne peut pas embellir une image en s'éloignant de la réalité uniquement pour satisfaire les autres. Ce que j'ai dit était tout à fait clair. Je n'ai pas évoqué les événements qui jalonnent l'histoire. J'ai parlé des principes. Les gens ont eu tort de prendre mes propos hors de leur contexte. Même si vous faites un effort pour faire comprendre votre point de vue par les autres, il faut aussi que l'auditeur cherche à comprendre l'«autre» et non à rejeter a priori tout point de vue différent.
- Votre prise de fonctions l'été dernier s'est faite dans un climat d'ouverture et de bonne humeur. Au début de cette année, on a assisté à une «reprise en main». Les «salons», ces forums de discussion politique, ont été fermés. Que s'est-il passé ? Le président Bachar el-Assad a-t-il changé ? Ou bien les gens autour de lui, les anciens peut-être, l'ont-ils convaincu de ce revirement ?
- Bachar El-Assad. - Les salons sont un phénomène ancien que nous connaissons bien en Syrie. Avant de devenir président de la République, j'assistais d'ailleurs à des conférences portant sur les sujets les plus variés. Les erreurs que nous commettions en Syrie y étaient critiquées.
Certains salons ont effectivement été fermés. Certains seulement. Si nous étions contre le principe même des salons, nous les aurions tous fermés. Dans mon discours d'investiture j'avais d'ailleurs invité tous les Syriens à participer au processus de modernisation du pays. J'avais souligné qu'il n'était pas de la seule responsabilité de l'Etat. Certains ont soutenu sincèrement le processus. D'autres, des opportunistes, ont mis des bâtons dans les roues de la modernisation. Or ceux qui, dans certains salons, peu nombreux d'ailleurs, dénonçaient la corruption, étaient eux-mêmes des symboles de corruption. Certains de ceux qui parlaient de démocratie paraissaient oublier un passé attestant de leur hostilité à l'égard de la démocratie. Certains de ceux qui réclamaient plus de transparence dans les affaires publiques lançaient des slogans et se cachaient derrière. Il existe encore des salons qui critiquent, et je me demande bien pourquoi les gens dont les salons sont fermés ne sont pas allés dans ceux qui restaient ouverts. On ne peut pas séparer la question des salons de celle de la démocratie en général. Ils constituent un élément parmi d'autres dans l'édification de la démocratie. Tous ces éléments reposent sur un seul principe: accepter l'opinion de l'autre. Toute forme de démocratie qui ne reconnaît pas l'opinion de l'autre n'est qu'une illusion. Le phénomène des salons doit être soumis au processus de développement démocratique en cours en Syrie. Il ne peut aboutir en quelques jours ni en quelques mois. Il commence par un développement social qui lui-même prend du temps.
- Les Iraniens que le président Khatami a déçus disent: «ils» l'ont empêché de travailler. «Ils», ce sont les conservateurs. J'ai le sentiment que bien des Syriens pensent qu'«ils» – c'est-à-dire les «barons» du régime de votre père – vous empêchent de travailler ?
- Remarquez d'abord que, s'«ils» n'existaient pas, je serais seul et certains parleraient de dictature.
Premièrement, il est évident qu'un président ne peut pas réaliser les espoirs de tout le monde. Deuxièmement, le président a ses propres ambitions, ses propres idées, sa propre expérience. Des différences peuvent apparaître entre ce que pense et fait le président et ce que pensent et font les autres. On retrouve de telles différences entre fils et père ou entre frères. Quant aux «ils», on les retrouve dans notre société et dans nos institutions. Certains font avancer les choses, d'autres les freinent, soit par ignorance, soit volontairement. Le processus de modernisation est la résultante de ces forces contradictoires, celles qui tirent en avant et celles qui tirent en arrière. Les médias ont souvent tendance à parler d'«ancienne garde» et de «nouvelle garde». Pour être objectif, il faut reconnaître que certains «anciens» sont des pionniers de la modernisation, alors que certains «nouveaux» tirent en arrière. Cela étant, il faut bien dire que certaines choses ont été réalisées depuis mon arrivée au pouvoir et que d'autres attendent encore. Il y a même des choses dont la réalisation a dépassé nos espoirs.
Pour les faire avancer, le président a besoin de deux atouts: les compétences et la volonté populaire. Toutes deux existent. Restent les difficultés et les contraintes qui nous font prendre du retard. Mais les principes et la détermination n'ont pas changé.
- Ne vous heurtez-vous pas à de fortes résistances au sein même du parti Baas ?
- Le dernier congrès du parti Baas s'est tenu une semaine après la mort du président Hafez el-Assad et un mois environ avant mon accession au pouvoir. Tous les axes de modernisation entrepris aujourd'hui ont été évoqués lors du congrès. Les membres du parti l'exigeaient. Le parti est le reflet de la société, de ses opinions et de ses courants. La plupart des critiques qui me parviennent sur les dysfonctionnements de notre système viennent d'ailleurs du parti Baas.
- Vous avez l'hiver dernier fait sortir de prison plusieurs centaines de prisonniers politiques, islamistes, marxistes ou encore libanais. Prévoyez-vous de nouvelles libérations ?
- Un pays n'a pas intérêt à entasser des hommes dans ses prisons. Ni politiquement, ni socialement, ni culturellement. Mais certaines circonstances imposent ce genre de choses. Il est naturel que l'Etat envisage la libération de tous les prisonniers. Mais une telle décision exige des conditions qu'il faut préparer avec soin. Je peux dire que les choses se déroulent d'une façon rassurante en Syrie. Nous préparons les conditions requises pour aller dans la direction choisie pour prévenir la criminalité et sans contraintes.
- Sur le plan économique, vous êtes engagé dans une course de vitesse. La croissance démographique est très élevée. La situation locale limite l'aide internationale. La Syrie est toujours inscrite sur la liste des pays dits terroristes du Département d'Etat américain. La sécurité des investissements n'est pas évidente. Quel message voudriez-vous adresser aux investisseurs étrangers ?
- Nous sommes au commencement de notre entreprise. Au commencement, pas à la fin ! Notre offensive de développement économique s'articule autour de deux axes: la réforme des lois et la mise en application des réformes ainsi décidées. En ce qui concerne le premier volet, l'amendement des lois, nous avons franchi une étape acceptable. Je dirais même plus qu'acceptable. Mais il nous reste beaucoup à faire. Il faut du temps pour moderniser les lois. Aller trop vite peut aboutir à un résultat contraire à celui recherché. Sur le terrain de l'application des lois, nous n'avons pas encore réalisé des progrès satisfaisants. Nous devons redoubler d'efforts. Quant aux investisseurs étrangers, qu'ils soient convaincus que nous sommes résolus à poursuivre le processus de la modernisation. La question du temps nécessaire pour réussir reste ouverte. La réponse dépend de nos moyens locaux et de ceux que peuvent nous apporter nos amis. L'essentiel, c'est la formation. Il en sera beaucoup question lors de ma visite en France. Il est vrai que beaucoup de facteurs entravent la modernisation de la Syrie. Il est faux que nous ne soyons pas en mesure de les surmonter.
- Qu'attendez-vous aujourd'hui de Paris ?
- Pour nous, la France est une civilisation avant d'être un Etat. Je le dis d'autant plus que nos relations sont séculaires. De son côté, la Syrie a vu se succéder les plus anciennes civilisations du monde. Il est donc naturel que nous regardions les autres dans une optique d'histoire et de civilisation. La France a mis les principes de sa Révolution – fraternité, justice, égalité et droits de l'homme – au service d'autres peuples, dont les peuples arabes. Elle nous a apporté son soutien depuis la présidence du général de Gaulle jusqu'à celle de Jacques Chirac. Nous attendons de la France qu'elle travaille à mettre ces principes en application dans le monde, à commencer par la culture de paix.
- Plus précisément, qu'attendez-vous sur le plan politique et sur le plan économique ?
- Sur le plan politique, la consultation et la coordination existent entre la Syrie et la France. Nous nous entendons sur plusieurs points, en particulier sur la nécessité de construire la paix sur la base de la restauration des droits des Arabes et la mise en application des résolutions des Nations unies.
Sur le plan politique, les deux pays ont intérêt à développer leurs relations. Il ne faut pas séparer l'économie de l'enseignement et de la formation. La formation a deux aspects: l'un proprement technique, l'autre culturel qui résulte des contacts entre l'étudiant et la culture d'un pays. Nous nous tournons par priorité vers les instituts de formation de France. Mais nous souhaitons également que la France soit plus présente économiquement et culturellement en Syrie et dans la région. Les deux sont indispensables.
- Vous avez vécu en Grande-Bretagne comme jeune médecin ophtalmologiste. Qu'avez-vous retiré de cette expérience anglaise ?
- En travaillant dans le domaine que l'on connaît mais dans un pays autre que le sien, qu'il soit plus ou moins avancé, on est amené à faire des comparaisons. On découvre ses points faibles et ses points forts. On essaye ensuite de profiter des uns et des autres. Un séjour à l'étranger permet aussi de comprendre comment les autres interprètent certaines notions ou certains événements. C'est probablement la leçon la plus importante que j'ai tirée de mes deux ans en Angleterre.
- A la maison, du vivant de votre père, le président Hafez el-Assad, et de votre frère Bassel, parlait-on politique à table ?
- Vous serez étonnés de savoir que la personne avec laquelle j'ai le moins parlé politique était le président Hafez el-Assad. Pour une raison très simple: à la maison, nous vivions comme une famille ordinaire. On discutait les problèmes quotidiens de toute famille. Dans l'éducation de ses enfants, le président Hafez el-Assad avait adopté le principe de l'homme-exemple. Comme membres de sa famille, nous étions cependant à même de comparer la vie privée et l'image de leader nationaliste et politique que percevaient les autres.
- Ces dernières années, le monde arabe a vu apparaître une série de nouveaux dirigeants: en Jordanie, au Maroc, en Syrie et à Bahrein. L'avènement d'un leader jeune suffit-il à transformer un pays ?
- Pour que les choses avancent, il faut toujours deux choses: une force de propulsion et un savoir-faire pour orienter cette force dans la bonne direction. La première, c'est l'ardeur des jeunes, le second, la sagesse des vieux ! Toute stratégie de développement qui ne prendrait pas en compte ces deux facteurs est vouée à l'échec: ou bien vous atteindrez une vitesse très grande qui conduit à la catastrophe, ou bien vous serez dans la bonne direction mais vous ne bougerez pas d'un centimètre. N'oublions pas qu'on bâtit toujours sur quelque chose qui existe. On n'invente pas. On perfectionne ce que les prédécesseurs ont construit. Il existe un trait d'union entre les prédécesseurs et les successeurs.
- Combien d'années vous faudra-t-il pour remettre sur pied votre pays tant sur le plan politique qu'économique ?
- Il s'agit d'une question très compliquée qui fait intervenir de nombreux facteurs. L'homme peut en connaître certains, mais pas tous. Les uns résultent des coutumes et des habitudes acquises à travers l'histoire. Les autres peuvent être liés à l'existence de facteurs inattendus dus au hasard. La modernisation est étroitement liée au développement social, qui reste le plus difficile. Il ne faut pas dire que la base du développement n'existe pas en Syrie, ni que les indices de développement n'existent pas. Mais les résultats sont toujours lents.
L'élément le plus important du développement est l'éducation dans les écoles, et nous sommes résolument engagés dans cette voie.
- Quand vous étiez le docteur Bachar, et pas encore le président Bachar el-Assad, vous alliez au restaurant avec des copains, sans gardes du corps. Cette attitude détendue, qui tranchait avec le passé, avait un côté séduisant. Etant président n'avez-vous pas dû y renoncer ?
- Je voudrais d'abord préciser un point. La mentalité ouverte que vous évoquez, de qui me venait-elle? De ma famille, de ma mère, de mon père. Certains croient que le président Hafez el-Assad n'aimait pas voir du monde. Or, s'il ne sortait effectivement pas beaucoup, c'est qu'il aimait beaucoup lire en dehors de son travail. C'était une habitude de jeunesse qu'il a gardée jusqu'à la fin de sa vie.
Quant à moi, ma vie ressemble toujours à ce que vous évoquiez. Le mois dernier, j'étais avec mon épouse à Alep et nous avons dîné dans un restaurant en ville. La seule chose qui a changé dans ma vie, c'est le manque de temps, conséquence de la densité de travail. La fonction présidentielle n'a rien changé en moi.
- Entre la paix qui apparaît comme une condition du développement de la Syrie et la guerre, ou en tout cas la non-paix, qui permet souvent à un régime de consolider son emprise, comment voyez-vous les années à venir ?
- Si vous voulez dire que la guerre me permet de rester au pouvoir, je ne partage pas votre point de vue. Que la guerre ait un impact sur le pouvoir est une chose. Qu'elle soit la raison d'être du pouvoir en est une autre. En Syrie, nous n'avons jamais été partisans de la guerre, ni pour nous ni pour les autres. Il est difficile de réaliser un développement réel dans une région privée de la paix. Je pense d'ailleurs que la modernisation et le développement peuvent contribuer à l'instauration de la paix. Il existe une relation réciproque entre développement et paix. Nous devons travailler à la paix pour faire avancer le processus de modernisation. Il s'agit d'une responsabilité non seulement régionale, mais internationale et européenne. C'est tout spécialement celle de l'Europe du Sud et de la France en raison de sa longue présence dans la région. Elle est la plus capable de comprendre les problèmes de la région, la plus compétente pour comprendre la nature du peuple arabe. Bref, je pourrais dire que la paix viendra tôt ou tard.
- Etes-vous conscient que vous êtes attendu en France et ailleurs avec une attention particulière en raison des propos que vous avez tenus sur les juifs lors de la visite du Pape en Syrie ?
- Je souhaiterais que vous lisiez mon discours dans son texte original. J'ai évoqué devant Sa Sainteté le Pape plusieurs principes fondamentaux des grandes religions monothéistes, ainsi que la nécessité impérative de respecter ces principes, tout spécialement dans notre région. C'est dans ce contexte que j'ai fait une comparaison entre la passion du Christ et les souffrances des Palestiniens des Territoires.
J'ai dit que l'on avait trahi le processus de paix. J'ai dit qu'il avait été victime d'un complot et j'ai rappelé le complot ourdi contre le prophète Mahomet pour entraver la diffusion de son message. Ce sont ces propos qui ont fait l'objet de critiques. Certains journaux occidentaux les ont qualifiés d'antijuifs. J'en ai été étonné. En effet, mon discours se limitait à évoquer des principes généraux qui régissent la conduite de l'homme, des principes de justice, ainsi le devoir qui est le nôtre d'atténuer les souffrances des hommes et de déjouer les trahisons et les complots.
La religion musulmane reconnaît les trois religions monothéistes : le judaïsme, le christianisme et l'islam. En tant que musulman, il m'est tout à fait naturel de reconnaître ces trois religions. Ces trois religions sont l'œuvre d'un Dieu unique.
En outre, je suis le président d'un Etat dont certains citoyens appartiennent à l'une de ces trois confessions. Est-il concevable que le président attaque la religion que suivent certains de ses concitoyens ? C'est inacceptable tant du point de vue religieux que du point de vue national.
Mes propos ont été falsifiés par les Israéliens. Malheureusement, d'autres n'ont pas pris la peine de vérifier l'exactitude des propos qui m'étaient attribués. Ils se sont contentés de répéter. Je crois que, en colportant cette version et en faisant référence à des événements historiques qui n'étaient pas évoqués dans mon discours, Israël a porté tort à la religion juive.
- En Europe, la question juive ne peut être dissociée des drames auxquels vous venez de faire allusion. Au Proche-Orient, la situation est peut-être différente. N'y voyez-vous pas un facteur durable d'incompréhension entre les deux rives de la Méditerranée ?
- C'est vrai. Mais c'est vous Occidentaux qui êtes responsables de ce malentendu. Pas nous. Le problème que vous évoquez s'explique par l'histoire de votre partie du monde. Ici, en Orient, nous n'avons pas de complexe à l'égard des grandes religions monothéistes. Notre terre est leur berceau.
Mon discours, c'est à travers mes concepts et ma mentalité d'Arabe, de musulman ou de Syrien que vous devriez l'analyser. Je vis dans une région où depuis de nombreux siècles les hommes vivent dans un climat de tolérance. Je ne vis pas au milieu de communautés susceptibles de nourrir des complexes dont je ne suis pas responsable. Je vous invite, vous journalistes, à prendre l'initiative et à expliquer comment les sensibilités et les attitudes changent avec les pays et les civilisations.
- En vous exprimant de cette façon, n'avez-vous pas pris le risque d'être mal compris par des hommes qui n'ont ni votre culture ni votre regard sur les événements ?
- Ce que vous dites est vrai. Mais il y a une chose plus importante encore. En fin de compte, un président reflète la culture de son peuple, surtout quand il prend la parole sur la scène internationale. Il ne peut pas embellir une image en s'éloignant de la réalité uniquement pour satisfaire les autres. Ce que j'ai dit était tout à fait clair. Je n'ai pas évoqué les événements qui jalonnent l'histoire. J'ai parlé des principes. Les gens ont eu tort de prendre mes propos hors de leur contexte. Même si vous faites un effort pour faire comprendre votre point de vue par les autres, il faut aussi que l'auditeur cherche à comprendre l'«autre» et non à rejeter a priori tout point de vue différent.
         
4. Bruxelles embarrassé par la plainte contre Ariel Sharon par Jean-Pierre Stroobants
in Le Monde du vendredi 22 juin 2001
BRUXELLES correspondance - Le gouvernement belge ne peut plus cacher son embarras après la plainte déposée récemment, à Bruxelles par vingt-trois personnes d'origines palestinienne et libanaise contre le premier ministre israélien, Ariel Sharon (Le Monde du 20 juin). Se fondant sur la loi de 1993, revue en 1999 et dite "de compétence universelle", qui permet de poursuivre les auteurs d'actes de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, ces rescapés des massacres commis, en 1982, dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila se sont constitués parties civiles. Le parquet de Bruxelles, muet jusqu'à maintenant, va devoir statuer sur la recevabilité de cette plainte.
Très en pointe dans le combat contre l'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet et certains auteurs du génocide rwandais, la diplomatie belge avait apparemment voulu éviter le piège qui la menace aujourd'hui. Début juin, Louis Michel, le ministre des affaires étrangères, avait en effet indiqué qu'il convenait de revoir l'arsenal législatif qui avait permis à la Belgique de mener des actions à haute valeur symbolique.
UN RÔLE D'ARBITRE
Après une première plainte contre M. Sharon, déposée début juin par un mystérieux comité, la menace de voir affluer d'innombrables dossiers avait été prise au sérieux.
En outre, M. Michel rentrait, à l'époque, d'un voyage à Jérusalem, au cours duquel il avait tenté de convaincre ses interlocuteurs que la Belgique espérait jouer un rôle d'arbitre dans le conflit israélo-palestinien, à l'occasion notamment de la présidence européenne qu'elle va exercer à partir du 1er juillet. M. Sharon devait venir en Belgique, mais il en a été empêché par l'attentat commis à Tel-Aviv, le 1er juin. Le porte-parole de M. Michel a confirmé au Monde que la date de cette visite n'a pas été reprogrammée.
A l'évidence, le gouvernement belge cherche désormais une échappatoire et va tenter d'éviter l'inculpation du premier ministre israélien. "Vous nous voyez gérer une crise pareille ? Nos homologues fulminent déjà !", s'écrie un diplomate, sous le couvert de l'anonymat. Un correspondant de la presse belge en Israël rapporte ce commentaire du porte-parole de M. Sharon : "Les Belges feraient mieux de s'occuper des crimes qu'ils ont commis au Congo"...
Comment réformer la loi de "compétence universelle" ? Louis Michel plaide l'obligation de continuer à "dissuader et faire justice". Il souligne toutefois "la nécessité d'éviter les abus, de lever tout soupçon sur les poursuites et les procédures, d'écarter les plaintes de mauvaise foi ou non fondées". Un projet de réforme, discuté avec des spécialistes du droit international, est en préparation. Il devrait revoir les conditions d'application de la loi et confier notamment à un collège de magistrats, plutôt qu'à un seul juge, la compétence d'examiner la recevabilité des plaintes.
Ce projet ne fait pas l'unanimité des juristes. "En quoi un collège de magistrats changera-t-il quelque chose ? Pourra-t-il estimer, par exemple, que le dossier de Sabra et Chatila n'est pas "fondé" ?", se demande Pierre d'Argent, professeur à l'Université catholique de Louvain (UCL).
Il est de ceux qui s'interrogent ouvertement sur le fond de dispositions qui permettent, en principe, d'inculper des responsables politiques, même s'ils ne sont pas sur le territoire belge et qu'ils soient, ou non, en exercice. "Imaginons qu'on révise uniquement la forme de la loi : si la Belgique inculpe, par exemple, M. Sharon lorsqu'il ne sera plus premier ministre. Evitera-t-elle pour autant l'incident diplomatique qu'elle paraît vouloir écarter aujourd'hui ?", dit encore M. d'Argent.
                 
5. L'Irak et l'illusion des sanctions "intelligentes" par Gilles Paris
in Le Monde du jeudi 21 juin 2001

Longtemps , les Etats-Unis ont traîné comme un boulet la responsabilité des sanctions internationales contre l'Irak. Quand bien même celles-ci avaient été le produit de délibérations du Conseil de sécurité des Nations unies, l'acharnement manifesté par Washington à maintenir le régime de Saddam Hussein "dans sa boîte", son indifférence pour le prix humain et l'inefficacité manifeste du système, tout concourait à faire du cas irakien un dossier pourri pour la diplomatie américaine. Les sanctions dites "intelligentes" proposées par la Grande-Bretagne et discutées depuis quelques semaines aux Nations unies pourraient permettre de solder ce vieux compte.
L'objectif annoncé du nouveau régime de sanctions paraît généreux : il s'agit de supprimer les contraintes pour l'importation de biens de consommation et de première nécessité afin de soulager un tant soit peu le peuple irakien exténué par une décennie de privations, partant du principe que tout ce qui ne serait pas explicitement interdit serait autorisé. Une règle inverse est actuellement en vigueur, symbolisée par un Comité des sanctions tatillon qui avait banni en son temps l'importation de mines de crayons sous prétexte qu'on pouvait utiliser le graphite pour le nucléaire militaire... Ce dispositif libéral se doublerait d'instruments de lutte contre l'exportation frauduleuse de produits pétroliers, qui assure aujourd'hui au régime de confortables revenus.
Certains responsables d'organisations humanitaires présents en Irak s'inquiètent pourtant de l'économie du nouveau régime et soulèvent deux questions majeures. Tout d'abord, ce régime ne modifie pas la contrainte majeure, qui est le contrôle par l'ONU des ressources de l'Irak via un compte séquestre. L'achat de biens de consommation ou d'équipements est une chose, la réhabilitation d'un pays une autre. C'est pourquoi les agences des Nations unies présentes en Irak réclament depuis longtemps l'injection dans l'économie locale d'argent liquide provenant de la vente du pétrole (cash component), alors que la plupart des installations irakiennes, réalisées pendant le décollage du pays dans les années 1970, sont aujourd'hui à bout.
A quoi bon importer du lait en poudre, des médicaments, voire du matériel hospitalier, si l'eau est impure et si les canalisations fuient de toutes parts. Aujourd'hui, estiment-elles, l'Irak n'a pas tant besoin de médicaments que d'un réseau de dispensaires salubres et surtout de personnels formés.
UNE LOGIQUE BANCALE
C'est d'ailleurs le deuxième reproche adressé aux Nations unies. La conception de l'aide permise par le programme dit Pétrole contre nourriture, lancé effectivement en 1997, s'inscrit à l'encontre de tout ce qui est désormais admis en matière d'aide. On sait que ce n'est surtout pas en distribuant une ration alimentaire journalière que l'on relève un pays : c'est pourtant ce qui se fait aujourd'hui en Irak, où l'aide tue la microéconomie et l'initiative, alors que dans le même temps les structures étatiques sont paralysées. A quoi bon s'instruire si la perspective est le chômage ou un "lumpen-fonctionnariat"? Paradoxalement, la volonté avouée de lutter contre la fraude ne serait pas sans effets pervers : la fraude a l'avantage de produire les rares liquidités redistribuées dans l'économie irakienne...
Plus gravement, les sanctions "intelligentes" s'inscrivent dans une logique bancale. Alarmées par l'effondrement du pays, dans les cinq ans consécutifs à la guerre du Golfe, les Nations unies avaient inventé une formule -"pétrole contre nourriture" - pour éviter le pire. A des sanctions pensées comme transitoires, alors qu'elles s'étaient pérennisées, il fallait donc apporter une soupape de sécurité. Le plafond d'exportation a ainsi été sans cesse relevé puis supprimé. Mais, pendant la même période, l'opération "Renard du désert", fin 1998, signait le glas de la "coopération" de l'Irak avec l'agence des Nations unies chargée de vérifier le désarmement du pays. Or cette agence était la seule habilitée à donner un feu vert pour lever les sanctions.
Le nouveau régime en discussion est de la même inspiration. On perfectionne un système dans ses détails, mais la perspective de sortie du tunnel - le règlement de la question du désarmement - reste au point mort. Et personne ne se soucie de la mettre à l'ordre du jour. Sans doute l'Irak n'est-il pas sans responsabilités dans ce blocage. Loin de là. Bagdad n'a jamais rien fait pour renouer avec une nouvelle équipe d'experts en désarmement, surtout lorsqu'il s'est avéré que la précédente avait été un jouet dans les mains américaines.
Il s'agit là, sans doute, d'un autre aspect des dix années d'embargo : l'isolement dans lequel est confiné le régime irakien l'a renforcé dans ses prédispositions à l'autisme politique et le rend incapable aujourd'hui d'apprécier les rapports de force. L'obstination irakienne a lassé les Français, aujourd'hui nettement plus proches des Etats-Unis, et fatigue sans doute aussi les Russes. La Ligue arabe est le lieu de coups de menton de Bagdad qui surestime son retour dans le concert des nations arabes amorcé en octobre 2000. Tout concourt au statu quo, au "containment" voulu par les Etats-Unis pour des raisons stratégiques évidentes, puisque la menace irakienne justifie la présence américaine dans une zone pétrolière de premier choix.
Un pays ruiné dans ses infrastructures qui ne produit plus d'élites ni de cadres ; un régime enfermé dans ses illusions : le bilan de l'embargo est déjà lourd. Les sanctions "intelligentes" ne le rendront-elles pas plus désespérant encore ?
            
6. L’Union des écrivains mène la chasse aux sorcières par Hossam Bahgat
in Cairo Times traduit dans Courrier International du jeudi 21 juin 2001
Censure et normalisation des relations avec Israël sont les deux mamelles de la vie culturelle égyptienne. Ce mois-ci, chose rare, les deux dossiers se disputent le devant de la scène. Alors que l’écrivain Nawal al-Saadawi* a affronté un tribunal qui aurait pu la contraindre à divorcer si ses opinions avaient été jugées contraires à la foi islamique, l’Union des écrivains est montée au créneau pour de tout autres raisons. Lors de sa dernière réunion, le 24 mai, la commission de l’Union a voté l’exclusion du dramaturge Ali Salem en raison de son rôle et de son engagement dans “la normalisation des relations avec l’ennemi israélien”. Selon un communiqué de l’Union daté du 25 mai, Ali Salem “s’est rendu en Israël plusieurs fois et a publié des livres sur ces visites, mais aussi de nombreux articles soutenant la normalisation des relations avec Israël, ce qui va à l’encontre des opinions de l’ensemble des membres de l’Union et des résolutions adoptées lors de plusieurs sessions”.
Ali Salem, auteur de plus de 25 pièces de théâtre - dont certaines ont remporté un grand succès populaire -, est le premier intellectuel de renom à s’être rendu en Israël en 1994. Le journal de ce périple a ensuite été publié sous le titre Voyage en Israël, vendu à plus de 60 000 exemplaires. Depuis, il s’est engagé dans plusieurs activités au côté du mouvement israélien “La paix maintenant” et a cofondé la Cairo Peace Society (CPS) en 1996.
“L’Union des écrivains est une association professionnelle, et non une organisation politique. Elle est uniquement habilitée à exclure un membre si ce dernier a commis une faute professionnelle grave et seulement après avoir entendu cette personne”, a déclaré Ali Salem au Cairo Times. Il a qualifié cette décision de “maccarthysme borné”.
Parallèlement, le président de l’Union, Farouk Khorshid, soutient qu’il peut exclure tout membre en porte-à-faux avec les principes de l’association. “L’article 5 de notre charte stipule que l’Union doit oeuvrer pour la sauvegarde de l’unité arabe et la solidarité”, affirme Farouk Khorshid. Il conteste que cet article soit sujet à différentes traductions en laissant les membres de la commission libres d’interpréter le règlement. Les 28 membres présents lors de la réunion de la commission, qui en compte 30, ont tous voté l’exclusion d’Ali Salem.
Depuis sa première visite en Israël, Ali Salem s’est attiré les foudres de la presse et de la majorité des écrivains et intellectuels égyptiens. Mais c’est la première fois que l’Union des écrivains égyptiens exclut l’un de ses membres. Le célèbre poète Adonis avait été exclu de l’Union des écrivains syriens en 1998 après avoir participé à un rassemblement de poètes de la Méditerranée qui comptait des poètes israéliens.
Pourtant, Farouk Khorshid refuse de voir un lien entre cette exclusion et la reprise de l’Intifada. “C’est la dernière assemblée générale, en mars, qui a pris cette décision ; elle a ensuite élu la commission en place, tient à rappeler Farouk Khorshid. Ali Salem n’est pas un cas isolé, d’autres écrivains en contact avec des Israéliens pourraient bientôt subir le même sort, ajoute-t-il.
Seul le lauréat du prix Nobel Naguib Mahfouz a pour l’instant publiquement commenté l’exclusion d’Ali Salem. Il a critiqué la commission de l’Union pour avoir pris cette décision “sans avoir au préalable interrogé Salem, ni pris la peine d’écouter son point de vue sur ces accusations”. Dans Al Hayat du 27 mai, Naguib Mahfouz s’est félicité de la volonté d’Ali Salem d’aller en justice. “Nous faisons confiance à l’impartialité du système judiciaire égyptien, lui seul peut juger du caractère approprié de cette mesure.” Naguib Mahfouz fut l’un des rares intellectuels égyptiens à soutenir la visite de l’ancien président Sadate en Israël en 1977.
[* Le procureur général a rejeté la plainte déposée contre l’écrivain et la féministe Nawal al-Saadaoui pour “mépris vis-à-vis de l’islam”.]
               
7. Bové, libéré, prévoit un meeting à Tel Aviv
Dépêche de l'agence Reuters du jeudi 21 juin 2001, 13h28
PARIS - Le porte-parole de la Confédération paysanne, José Bové, libéré mercredi par les autorités israéliennes, prévoit de participer jeudi à une réunion publique à Tel Aviv, déclare un porte-parole de l'association Droits devant!, joint au téléphone par Reuters.
Le pourfendeur de la "malbouffe" et de la mondialisation avait été arrêté en compagnie d'une dizaine de sympathisants, alors qu'il participait à une manifestation pacifiste dans le village d'El Khader, en Cisjordanie.
Les manifestants tentaient de planter "symboliquement une tente sur des terres volées par des colons israéliens".
José Bové, qui a multiplié les actions depuis son arrivée en Israël, samedi dernier, est accompagné de militants du "Mouvement social français" et de pacifistes palestiniens et israéliens, dont des membres du Mouvement de la paix.
Ils entendent dénoncer "la situation insupportable dont sont victimes les Palestiniens".
"On va tenir un meeting à Tel Aviv aujourd'hui avec des ONG (organisation non gouvernementale) et des associations israéliennes et palestiniennes sur ce que l'on a fait depuis notre arrivée et ce que nous comptons faire dans l'avenir", a dit par téléphone à Reuters Jean-Claude Amara, secrétaire général de Droit devant!, qui avait été lui aussi arrêté.
La délégation du Mouvement social français, qui s'est autoproclamée "mission civile de protection du peuple palestinien", doit rencontrer le 4 juillet, à Strasbourg, des parlementaires européens, a-t-il dit.
Son objectif est "d'obliger l'Union européenne à prendre des sanctions, notamment économique, contre Israël", a-t-il expliqué.
La délégation prévoit aussi de se rendre du 20 au 22 juillet, avec des sympathisants belges, hollandais, italiens et allemands, au sommet de Gênes (G8), afin de créer une "mission civile de protection européenne du peuple palestinien", a-t-il poursuivi.
"On va s'adresser à l'Europe. On va multiplier les actions", a conclu Jean-Claude Amara.
                  
8. Selon l'ONU, une instance indépendante doit veiller au retour au calme par Mouna Naïm
in Le Monde du jeudi 21 juin 2001
Le premier ministre israélien, Ariel Sharon, rencontrera George W. Bush et le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, mardi 26 juin à Washington, a annoncé la Maison Blanche. Israël a évoqué une réévaluation de sa politique de retenue après les récentes attaques meurtrières palestiniennes. Une réunion du cabinet de sécurité était prévue mercredi, parallèlement à des discussions de sécurité entre les deux parties. Pour ne pas tomber de Charybde en Scylla et garantir la mise en œuvre optimale du rapport de la commission Mitchell sur le rétablissement de la confiance entre Israël et les Palestiniens, il est nécessaire qu'un "mécanisme" de surveillance soit confié à une "tierce partie", a plaidé, mardi 19 juin, Terje Roed-Larsen, coordonnateur spécial des Nations unies pour le processus de paix au Proche-Orient. L'absence d'un tel mécanisme, a-t-il dit lors d'une rencontre internationale de journalistes sur la question de la Palestine, organisée à Paris par l'ONU, était déjà l'une des raisons de la faillite du processus dit d'Oslo – l'autre écueil étant l'abandon, à partir de 1996, de "l'approche graduelle" qui était à l'origine dudit processus.
M. Roed-Larsen, qui est également le représentant personnel du secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, auprès de l'Autorité palestinienne et de l'OLP, s'est interdit de suggérer la composition du "mécanisme" qu'il préconise. C'est aux Palestiniens et aux Israéliens d'en décider, a-t-il estimé, "car ce mécanisme ne pourra fonctionner que s'il a leur confiance". Israéliens et Palestiniens ont tout deux intérêt à son existence, a insisté M. Roed-Larsen, pour qui il est nécessaire de briser le mythe de "l'internationalisation" du conflit, perçu comme "un grand mal" par l'Etat juif.
A l'heure actuelle, seuls les Palestiniens acceptent la création d'un tel "mécanisme".
Ces derniers, a rappelé Nabil Chaath, ministre palestinien de la coopération internationale, qui participait à la rencontre, n'ont cessé depuis des mois de réclamer l'envoi d'un groupe d'observateurs internationaux sur le terrain. Le gouvernement israélien, pour sa part, s'oppose à la mise sur pied d'un tel "mécanisme". Amnon Lipkin Shahk, ancien ministre du tourisme – dans le gouvernement d'Ehoud Barak –, lui aussi présent à la rencontre, a réaffirmé, à titre personnel, le point de vue selon lequel les discussions et négociations doivent se tenir au seul niveau bilatéral.
La commission Mitchell – du nom de son président, l'ancien sénateur américain George Mitchell – a notamment pointé dans son rapport les responsabilités que doit assumer chacune des deux parties pour mettre fin aux actes de violence – dont l'arrêt sera "particulièrement difficile" si la construction dans les colonies de peuplement israéliennes n'est pas gelée. Elle a, entre autres, invité l'Etat juif à lever le bouclage des territoires, à transférer à l'Autorité palestinienne son dû et à empêcher la destruction des biens et des propriétés palestiniennes. L'objectif est de rétablir la confiance et le calme pour aplanir la voie à la reprise du processus de paix proprement dit.
DEUX CONDITIONS
D'après M. Roed-Larsen, le succès de la mise en œuvre du rapport Mitchell dépend de deux autres conditions : ce document doit être considéré comme un ensemble dont tous les volets (économique, politique et de sécurité) doivent être abordés simultanément, même si leur mise en œuvre peut être séquentielle. L'amélioration de l'économie et des conditions de vie palestiniennes constitue "le plancher" de "la maison de la paix", a-t-il dit. Les progrès politiques et la relance de l'espoir en Cisjordanie et à Gaza en forment les murs, et la sécurité des deux parties le toit ; il est par ailleurs indispensable d'établir un échéancier précis pour la mise en œuvre des conclusions du rapport Mitchell.
M. Roed-Larsen, qui a accompagné M. Annan dans sa toute récente tournée dans la région, a suivi le processus de paix de A à Z, y compris lorsqu'il a occupé des fonctions diplomatiques dans son propre pays, la Norvège. Il a notamment été l'un des organisateurs du "canal secret" d'Oslo, qui a abouti en septembre 1993 à la signature de la déclaration de principes israélo-palestinienne. En 1994, il a été désigné secrétaire général adjoint de l'ONU et coordonnateur spécial dans les territoires occupés, et, en 1999, il a été investi dans ses fonctions actuelles.
        
9. Dalia Rabin, fille du Premier ministre assassiné : "Le conflit ne peut être résolu par la voie militaire" propos recueillis par Véronique Soulé
in Libération du jeudi 21 juin 2001
Fille du Premier ministre assassiné en 1995, Dalia Rabin-Philosof est vice-ministre de la Défense du gouvernement Sharon et membre du parti travailliste. De passage à Paris, elle explique à Libération sa vision du conflit.
- Un fragile cessez-le-feu est en vigueur: aborderait-on une nouvelle phase du conflit ?
- Je l'espère. Mais cela ne dépend pas entièrement de nous. Nous, nous avons décrété un cessez-le-feu unilatéral. Nous avons adopté le rapport Mitchell dans son ensemble. Arafat, lui, a été forcé par l'Union européenne et les Etats-Unis de s'y rallier et de déclarer un cessez-le-feu. La violence est d'ailleurs retombée, ce qui prouve qu'il a globalement le contrôle de ses troupes. Un point très important car nous nous interrogions. Les Palestiniens ont aussi adopté le plan Tenet, mais face à face avec l'émissaire américain: publiquement, ils ne le défendent guère.
- Vous parlez de la nécessité de revenir au dialogue, mais pour discuter de quoi ?
- Je dois avouer que la question est régulièrement soulevée: parler, mais parler de quoi? Le fossé paraît insurmontable. Pourtant le processus d'Oslo l'a montré: quand vous commencez à discuter, des choses se mettent en place. Ce conflit ne se résoudra pas par magie. Cela prendra du temps, passera par différentes phases. Il nous faut rebâtir la confiance et revenir à des négociations directes. Aujourd'hui, il n'y a plus de canaux. Le principal dans le plan Tenet est justement de tenter de les relancer. D'abord sur le plan militaire. Quand les commandants et les soldats se parlent et coopèrent à nouveau, ce peut être un premier pas. C'est clair pour tout le monde: le conflit ne peut être résolu par la voie militaire. Arafat a pensé qu'avec la violence il obtiendrait plus. Maintenant il paie pour cela. Il a réussi à plus ou moins monter contre lui l'Union européenne. Le rapport Mitchell préconise d'abord le cessez-le-feu. C'est notre approche.
- Etes-vous prêts, comme il le prévoit, à geler la colonisation ?
- C'est prévu, je crois, dans le troisième paragraphe. Nous sommes prêts à en discuter. Et à voir ce que signifie exactement le terme «geler». Je n'exclus pas des différences d'interprétation.
- Au lendemain de l'attentat de Tel-Aviv, Sharon s'est gardé d'une réplique massive. Comment expliquez-vous cette retenue: Sharon aurait-il changé ?
- Il l'a dit lui-même: vous ne voyez pas les choses de la même façon lorsque vous êtes dans l'opposition et lorsque vous êtes Premier ministre. Vous avez alors la responsabilité de la vie des gens. Vous savez, nous nous sommes préparés à un long cycle de violences. Pour cela, il nous faut le soutien du monde libre, les Etats-Unis et l'UE. Les Israéliens doivent aussi être convaincus que l'on fait tout pour stabiliser la situation. La vie en Israël est devenue très dure. Vous n'êtes en sécurité nulle part. Mes filles auraient pu se trouver dans la boîte de nuit de Tel-Aviv.
- Sharon est-il capable de faire la paix ?
- C'est un politique expérimenté et sage. Je crois qu'il fera quelque chose. Quant à faire la paix, nous verrons.
- Etes-vous satisfaite du gouvernement d'union? Les travaillistes y ont-ils une réelle influence ?
- Jugez par vous-même. Nous avons essayé de ne pas rendre la vie des Palestiniens impossible, de ne pas détruire leur économie. Nous avons ciblé les terroristes, leurs infrastructures, leurs partisans. Et puis en décrétant un cessez-le-feu, en adoptant le rapport Mitchell et le plan Tenet, nous avons fait tout ce que l'on attendait de nous. Au vu des résultats des élections, ce gouvernement d'union était nécessaire. Il a les moyens de faire face aux extrêmes, notamment de droite: quand vous avez en face de vous Sharon, vous ne pouvez vous dresser contre lui. Si c'était un cabinet de gauche, je n'ose imaginer
- Est-ce encore possible de discuter avec Arafat ?
- C'est un sérieux problème. Il a déçu tous ceux qui avaient cru en lui. Mais il est toujours le leader des Palestiniens. S'il est d'accord, nous parlerons avec lui. Nous savons que nous devons vivre ensemble. Il n'y a pas d'alternative. Qu'il y ait séparation comme ci ou comme ça, nous devons coopérer. Les gens comme nous qui avons payé un prix fort, nous ne pouvons nous permettre de renoncer, cela signifierait que les nôtres sont morts pour rien.
             
10. "Vous verrez quelle sera notre vengeance". Ainsi parlèrent les colons par Nadav Shragai
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du mercredi 20 juin 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Le député à la Knesset Zvi Hendel a mis le paquet afin de rendre l'hommage dû aux colons, dans l'auditorium de la Knesset, lundi dernier. Le Front de la Terre d'Israël - qui réunit des députés proches de la mouvance des colons - a voulu une cérémonie solennelle, aussi proche du consensus national et aussi sereine que possible. Y étaient invités des ministres, des parlementaires et, bien entendu, des dizaines de représentants des diverses colonies. Les jeunes de la Yeshiva Kinor David (école talmudique) avaient préparé quelques chants. Mais lorsque le ministre de la Sécurité publique, Uzi Landau, monta sur scène pour y faire son discours, il fut interrompu par le déclenchement inopiné de son beeper... Il y jeta un rapide coup d'oeil et fit part à l'assistance du message qui s'y affichait : un mort, et un blessé, près d'Homesh, au nord de la Cisjordanie. Ces dernières semaines, le beeper joue un rôle central dans une triste litanie d'événements auxquels les colons sont immanquablement mêlés. Lors de l'enterrement de Gilad Zar, l'un des officiants prit connaissance du message (que son beeper lui livrait) et annonça à l'assistance que deux femmes venaient d'être tuées, sur la route des Tunnels, près d'Efrat. A l'enterrement de Danny Yehuda, les responsables du Conseil Local de Samarie ont fait part du meutre de Doron Zisserman devant l'entrée de la colonie d'Einav...
Ces annonces tragiques et abruptes, au beau milieu d'événements non moins tragiques et dramatiques, produisent un effet immédiat : larmes, cris, effusions d'émotion. Lundi, au raout de la Knesset, la mauvaise nouvelle annoncée par Landau n'a pas manqué de soulever le même genre de tempête. Les ministres médiatiques en prennent plein la g... "Arrêtez de venir à nos funérailles !" cria une femme du milieu de l'assistance. "Combien de Juifs supplémentaires avez-vous l'intention de sacrifier ?"
"Vous n'êtes plus qu'un gouvernement avachi", l'accusèrent d'autres participants en colère. Une femme lui cria, depuis les rangs du fond, qu'"il marchait dans les brisées du professeur pourri", faisant allusion au Professeur Ze'ev Sternhell, qui a écrit un papier, récemment, sur la légitimité de la lutte que les Palestiniens mènent contre les colonies. "Mais, vous comprenez, nous faire du mal, à nous, les colons, on peut : c'est casher !"
Oeil pour oeil
Après Uzi Landa, le Rabbin Menachem Felix se leva pour prendre la parole. Fondateur, parmi d'autres, du Gush Emunim et d'Elon Moreh, ayant perdu sa fille Ofra, il y a cinq ans de cela, au cours d'un incident près du carrefour Halamish, pas très loin de Neve Tzuf, incident au cours duquel elle fut tuée par balle, Felix jouit de cette autorité naturelle, dans la communauté, qui impose à tout le monde un silence attentif. Felix parla de revanche - mais "pas dans l'acception première de ce terme". Ses propos reflètent bien l'état d'esprit croissant parmi les rabbins de la mouvance colon.
"Il n'y a pas que le sang répandu qui exige vengeance", dit-il alors. "La vengeance, c'est un acte de rétribution et de dissuasion, tout à la fois. Comme le dit David (Psaume 149), j'en appelle à la vengeance de l'Etat. Qu'Israël se réjouisse en son Créateur, que les enfants de Zion se réjouissent en leur Roi ! Qu'ils célèbrent Son nom par leurs dances, qu'ils élèvent vers Lui les harmonies de leurs sistres et de leurs lyres ! Car le Seigneur se réjouit en son peuple, il orne l'humble (des lauriers) de la victoire. Que le croyant exulte dans (Sa) gloire. Qu'ils chantent pour la joie sur leurs couchettes! Que les louanges élevées vers Dieu ne quittent pas leurs gorges et que les sabres à deux pointes ne quittent pas leurs mains, afin de faire descendre la vengeance dévastatrice sur les nations et le châtiment sur les peuples, d'entraver leurs rois dans les chaînes et leurs nobles dans les fers, afin que soit exécuté sur leurs têtes la sentence écrite!"
Felix a aussi cité le Rabbin Joseph Soloveichik, qui a écrit, dans un de ses essais, ce passage que Felix a estimé pertinent : "Si nous voulons défendre héroïquement notre existence historique, alors nous devons, parfois, interpréter l'injonction "oeil pour oeil... " dans son sens le plus littéral. Nous avons perdu beaucoup d'yeux durant les années d'exil, parce que nous ne rendions pas coup pour coup. Il est grand temps de prendre la règle "oeil pour oeil..." au pied de la lettre".
"Oui", continua Felix, "nous crions vengeance. Nous ne sommes pas près de nous contenter des fausses promesses de ceux qui ont envoyé le criminel contre le Dolphinarium, qu'il ne recommencera pas. Parce que la Terre n'oubliera jamais le sang qu'elle a dû éponger, elle ne l'oubliera que si nous répandons le sang de ceux qui ont commandité le crime."
Le Rabbin Elhanan Bin-Nun, de Shilo, parla, lui aussi, de revanche à l'enterrement du bébé Haim Yehuda Shoham, tué par une pierre la nuit même où le cessez-le-feu avait été proclamé. Ainsi de Dov Lior, de Kiryat Arba. Tous deux, à l'instar de Felix, ont évoqué la vengeance d'Etat, et non la vengeance privée. Mais la frontière entre ces deux formes de vengeance devient floue. Au cours du mois écoulé, la retenue observée par les colons a connu de plus en plus d'accrocs. La politique de retenue du gouvernement Sharon a finalement amené le consensus de la mouvance colon à considérer que le "tu ne te vengeras point", qui était censé s'appliquer tant aux personnes qu'aux biens, ne s'applique désormais plus qu'aux seules personnes.
La blessure - et la mort qui s'ensuivit - de Shoham, les trois attaques par arme à feu près de Neve Tzuf, ont marqué la fin de la retenue de la part des colons. Des champs ont été incendiés. Des vergers, arrachés. Des fenêtres, des maisons et des voitures appartenant à des Arabes caillassées. Certains de ces incidents furent provoqués ostensiblement sous des prétextes de sécurité : ainsi, des vergers qui auraient pu permettre éventuellement à des attaquants de dresser une ambuscade furent détruits au bulldozer. Mais, dans la plupart des cas, il s'agissait d'actes de vengeance pure et simple. Les attaques des rondes de nuit organisées par les colons répliquent, immédiatement, aux attaques contre les leurs ; parfois il ne faut pas plus de quelques minutes et si, par le passé, il s'agissait des hauts-faits d'activistes du Kach, désormais le Monsieur tout-le-monde des colonies y participe.
David Raziel, héros national
Sur ces entrefaites, le mouvement Kach ne cesse de gagner des adeptes et de devenir de plus en plus extrémiste. Après l'émeute et le caillassage de voitures arabes au carrefour de Tepuah, tard dans la soirée de lundi, des dizaines de colons de la colonie acquise au Kach ont fait une descente sur le commissariat de police d'Ariel, et ont réussi à libérer leurs camarades en état d'arrestation. Ils ont arraché la porte principale du commissariat et se sont battus avec les flics, à l'intérieur.
Les organes du Kach, à la différence des proclamations de rabbins tels Felix, Lior et Bin-Nun, parlent d'une vengeance qui n'est ni celle du gouvernement, ni celle du Seigneur. Dans le numéro 2 de leur revue, intitulée "Kahane avait raison" et éditée par Noam Federman, porte-parole auto-proclamé de la communauté juive d'Hébron, feu Meir Kahane est cité in extenso, on y reprend le discours qu'il avait prononcé devant la Knesseth, il y a plus de quinze ans : "La réponse est sans équivoque : la terreur juive contre les Arabes... La terreur juive... Nous allons ramener les jours de Yore, les jours du Lehi, les jours de David Raziel. Celui-ci, David Raziel, héros de la nation, de nos jours, avait-il attendu sans rien faire ? Qui a placé des bombes, à Jérusalem, dans la Vieille Ville, à Jaffa et à Haïfa, en 1947 et en 1948 ? C'est David Raziel, un héros de la nation. Ramat Raziel, Rehov Raziel... il y a même un timbre-poste à son effigie. C'est le seul langage que les Arabes comprennent."
Et, dans "Les Voies de la Thora", journal hebdomadaire distribué dans des milliers de synagogues et publié par le Kach, on trouve des citations de ce genre, ainsi que des articles sur Shlomo Ben-Yosef, un membre du Betar de Rosh Pina, qui fut pendu par les Anglais après avoir tiré contre un autobus transportant des civils arabes. Dans le numéro 479, on peut lire : "dans le conflit qui oppose Israël à ses ennemis, la vengeance est l'acte le plus positif et le plus juste qui soit... Quiconque s'élève contre Israël se rebelle contre Dieu : il en découle que la vengeance d'Israël n'est autre que la vengeance divine". A verso, des citations de rabbins célèbres sur le thème de la vengeance. Un autre tract, intitulé : "nous réclamons la justice, nous crions vengeance" est proposé par une organisation qui édite "Flamme - lettre d'information sur la Torah, publiée par le quartier général des frontières promises". Il s'agit, apparemment, d'un groupe de colons, d'extrême-droite, vivant dans des implantations de la région de Naplouse.
L'incident au cours du quel un chauffeur de camion palestinien fut tué par balle, près de Maale Adumim, a été suivi d'une condamnation claire du Conseil des Colonies de Yesha, mais il y eut aussi une lettre anonyme, semblant provenir des familles de Shalhevet Pass et Gilad Zar. "Un crime est un crime. Qui l'a commis, cela importe peu", lisait-on dans la déclaration de Yesha, qui ajoutait : s'il s'agit de l'acte de vengeance d'un Juif, il s'agit d'un acte injustifiable tant moralement que tactiquement, qui pourrait porter atteinte au mouvement colon."
La lettre anonyme attaquait la déclaration du conseil Yesha. "La vengeance, ce n'est pas un gros mot. La vengeance, c'est sacré. C'est un besoin existentiel pour le peuple... D'accord, c'est le gouvernement qui devrait l'exercer mais, malheureusement, le gouvernement ne se préoccupe pas de l'assassinat des Juifs, il ne s'occupe que du cessez-le-feu, alors (bien sûr), il y a des gens qui ont perdu patience et il y deviendront très vite de plus en plus nombreux. La majorité de la nation exige et soutient la vengeance, et peu lui importe que ce soit le gouvernement ou des personnes privées qui l'exercent."
Oren Zar, le frère de Gilad Zar, et Morah Pass, la mère de Shalhevet, disent qu'ils ne savent pas qui a écrit cette lettre. Les services de sécurité l'examinent, et ils cherchent à savoir, également, qui est derrière la déclaration de la "Brigade Shalhevet Zar", qui a revendiqué l'assassinat du chauffeur de camion palestinien.
Les services de sécurité ont conscience du potentiel de vengeance parmi les colons séculiers, "non-idéologiques", d'endroits tels Homesh, Mevo Dotan, Ariel et Maale Adumim. Les colons qui vivent dans ces endroits-là, et ailleurs, apportent peu d'intérêt aux édits rabbiniques proscrivant la vengeance.
Quoi qu'il en soit, les événements des jours passés marquent la fin de la retenue des colons, tout au moins une fin partielle, à moins que, comme nombreux sont les colons à le penser, le gouvernement, tournant le dos à sa propre politique de retenue, ne fasse le travail à la place des colons...
                 
11. Nabil Amr, ministre palestinien des Affaires parlementaires, s'exprime sur l'avenir des négociations suite à l'acceptation par les deux parties du cessez-le-feu propos recueillis par Abir Taleb
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 20 juin 2001
Si le plan Tenet échoue, il y aura d'autres tentatives pour un retour à la paix
Al-Ahram Hebdo : L'Autorité palestinienne a accepté, sous réserves, le plan proposé par le directeur de la CIA, George Tenet. Qu'en est-il de ces conditions ?
Nabil Amr : Nous avons fini par accepter le plan Tenet après avoir émis certaines réserves. Nous avons insisté pour qu'il y ait un calendrier en fonction duquel Israël tiendra ses engagements, comme la levée du blocus, l'ouverture des points de passage, le redéploiement de l'armée israélienne dans les positions qu'elle occupait avant le 28 septembre puis le gel de la colonisation ; en attendant de régler cette question au cours des négociations sur le statut final. Pour nous autres Palestiniens, le document de Tenet constitue une série d'arrangements sécuritaires, ce n'est pas un document politique. C'est pour cela que quand bien même tous ces arrangements seront respectés, ils risquent d'être compromis s'ils ne sont pas suivis d'un volet politique à même de convaincre le peuple palestinien que les négociations de fonds seront reprises dans un délai qui ne doit pas dépasser un an.
Ce plan est donc considéré avant tout comme le pas qui précède l'application du rapport Mitchell. L'application des deux documents étant une étape avant la reprise des pourparlers.
— Mais à peine annoncé, le cessez-le-feu a été rompu et des violations israéliennes ont eu lieu ....
— Justement, nous ne sommes pas optimistes quant à l'idée qu'ont les Israéliens de ce plan. Ces violations constituent évidemment une véritable entrave à son application. Au cas où elles se répéteraient, ce serait aussi un obstacle supplémentaire à la mise en pratique du rapport établi il y a un mois par la commission d'établissement des faits qui était présidée par l'ancien sénateur américain, George Mitchell. Or, nous voulons l'application de ce rapport qui préconise entre autres l'arrêt de la colonisation dans les territoires occupés. De notre côté, nous tenons nos engagements et nous faisons notre possible pour que le rapport Mitchell soit appliqué.
Et c'est pour cela que nous poursuivons nos consultations avec les responsables américains pour le mettre en place.
— Comment envisagez-vous donc l'avenir du plan Tenet ?
— Si les violations israéliennes se poursuivent, si les dirigeants israéliens continuent à interpréter ce qui se passe comme bon leur semble, et s'ils n'ont pas suffisamment de courage pour s'engager sérieusement dans la paix, alors tous les arrangements purement sécuritaires sans base politique n'auront aucun avenir.
— En cas d'échec, les négociations de paix seront-elles enterrées et dans ce cas, s'agira-t-il du coup de grâce donné au processus d'Oslo ?
— Non, pas à ce point, il ne faut pas exagérer. La paix est désormais une décision internationale et le choix de toutes les parties. D'ailleurs, ce n'est plus simplement une affaire entre Israéliens et Palestiniens. Les Etats-Unis se sont engagés dans la voie de la paix et l'Europe aussi l'a fait. La preuve en est la déclaration commune entre l'Union européenne et les Etats-Unis à l'issue du sommet euro-américain de Goeteborg (Suède), le week-end dernier. Selon cette déclaration, pour les Américains aussi bien que pour les Européens, il n'y a pas d'alternative à une solution négociée basée sur les résolutions 242 et 338 des Nations-Unies. Cette solution doit être basée également sur le principe de la terre contre la paix. C'est pour cela qu'Américains et Européens affirment qu'ils continueront à coopérer étroitement pour promouvoir la paix. C'est donc désormais une question de légitimité internationale, et non plus une affaire entre deux parties en conflit. De toutes les manières, même si le plan Tenet échoue, il y aura sûrement d'autres tentatives des différentes parties pour un retour à la paix, jusqu'à ce qu'on y parvienne.
— Parmi les conditions posées par le plan Tenet sur lesquelles les Palestiniens étaient réticents, celle qui appelle l'Autorité palestinienne à arrêter des membres du Hamas et du Djihad islamique, que les Israéliens considèrent comme des « terroristes ». L'Autorité refuse et Israël insiste. Comment expliquez-vous cette contradiction ?
— Israël n'est pas notre ami, il n'y a donc pas de contradiction à ce sujet ! Nous sommes deux parties en conflit et c'est tout à fait normal que nous ayons des désaccords sur certains points.
L'Autorité palestinienne respecte ses engagements pris et les recommandations du rapport Mitchell. Or, il n'y existe aucune référence à cela. Nous n'allons pas procéder à des arrestations de manière rétroactive. Il n'existe aucune obligation pour les Palestiniens d'arrêter des membres du Hamas ou du Djihad islamique, ou encore du Fatah ni maintenant, ni après. C'est la loi palestinienne qui est appliquée dans les territoires autonomes. Nous avons une seule autorité et une seule législation qui s'applique aux citoyens palestiniens.
— L'acceptation du plan et du cessez-le-feu par les Palestiniens signifie-t-elle l'arrêt de l'Intifada ?
— L'Intifada a deux volets. L'un est populaire et donne le droit aux Palestiniens d'user de tous les moyens légitimes pour réclamer leurs droits. Là, nul ne peut empêcher les Palestiniens d'attirer l'attention de l'opinion internationale et de donner un appui aux négociateurs. On a d'ailleurs vu comment l'Intifada a changé l'équilibre des forces dans la région. En revanche, pour ce qui est de la violence, c'est le procédé qu'utilisent les Israéliens, et nous refusons d'endosser la responsabilité de la violence. Dans 95 % des cas, elle émane d'eux, et dans les 5 % restants, c'est une réaction de notre peuple.
Il existe donc une différence de taille entre résistance populaire légitime et violence. Tant que nous sommes occupés et qu'il y aura des colonies, le peuple palestinien continuera sa lutte légitime aux niveaux populaire, politique, médiatique et par la voie des pourparlers bien sûr.
— Pendant ces huit mois et demi d'Intifada, les Israéliens n'ont cessé de répéter qu'il était dans le pouvoir du président Yasser Arafat de faire cesser l'Intifada ...
— Ce n'est pas le travail de Yasser Arafat d'arrêter le soulèvement ! Il n'est pas un policier que les Israéliens mettent à l'épreuve pour tester sa compétence ! M. Arafat est un président élu et il se doit de défendre son peuple. Il existe des autorités chargées de s'occuper de ce qui se passe sur le terrain. De plus, il y a une réalité qu'il ne faut pas ignorer : l'Intifada n'est pas le fruit du hasard, elle n'est pas née sans raisons. C'est la partie israélienne qui commet des actes de provocation et bafoue les droits des Palestiniens. Il ne faut pas négliger cet aspect et la responsabilité de cette partie. De plus, la question israélo-palestinienne ne se limite nullement en une simple affaire sécuritaire. C'est avant tout une question politique, celle d'un peuple qui doit recouvrer ses droits.
— L'Autorité palestinienne et le président Yasser Arafat ont-ils été soumis à des pressions internationales et arabes pour accepter le plan Tenet ?
— Nous n'avons pas subi de pressions des parties arabes. L'Egypte et la Jordanie, si elles s'impliquent, sont déjà parties prenantes dans les négociations et dans le processus de paix. Ces deux pays connaissent bien le sujet et ont un rôle actif dans le processus. Leurs efforts visent à créer un climat favorable à la reprise des négociations, à l'application du rapport Mitchell et aussi de l'initiative de paix prônée par Le Caire et Amman. Ne considérons pas leurs interventions comme des pressions, mais plutôt comme une aide qui nous permet d'échapper aux autres pressions.
En revanche, nous avons bien sûr subi de fortes pressions de la part des autres parties, à savoir les Etats-Unis et l'Europe. On ne peut pas parler uniquement en termes de pression, mais plutôt de « calculs ». Quand les Etats-Unis adoptent une certaine position, qu'ils sont soutenus par l'Europe et aussi les Nations-Unies, il ne reste aux Palestiniens et aux Arabes qu'à agir intelligemment dans le même sens, tant que cela ne s'oppose pas avec les objectifs principaux du peuple palestinien. Et rien ne contredit nos objectifs dans les documents Tenet et Mitchell.
Donc, si nous avons accepté le plan du directeur de la CIA, cela ne veut pas dire que nous avons cédé à ces pressions. La preuve est qu'à Camp David, en juillet 2000, nous n'avions pas cédé aux pressions américaines alors très fortes lorsque les Américains nous sommaient d'accepter ce que nous proposait l'ancien premier ministre israélien, Ehud Barak.
— Quel est le plan de l'Autorité palestinienne pour reconstruire l'infrastructure endommagée par plus de huit mois d'attaques israéliennes ?
— L'infrastructure palestinienne a en effet été sérieusement endommagée par les actes des Israéliens. Il y a eu de nombreuses destructions et les dégâts sont importants. Nous allons commencer par cerner l'ampleur des dégâts, dans les domaines individuel et collectif. Ensuite, nous envisageons de dédommager toutes les victimes de manière juste. Et il faudra bien sûr reconstruire ... Pour cela, nous avons des promesses de différentes parties de recevoir des aides matérielles pour mener à bien cette reconstruction.
                
12. Mohamad Sobeih, ambassadeur de Palestine auprès de la Ligue arabe, considère que les chances de succès du plan Tenet sont restreintes propos recueillis par Randa Achmawi
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 20 juin 2001
Le retour à la table de négociations reste la seule alternative
Al-Ahram Hebdo : Que vont gagner les Palestiniens avec l'application du plan Tenet ?
Mohamad Sobeih : Il n'est pas question ici de dire si on va gagner ou perdre quelque chose. Le plan Tenet a ses point positifs et négatifs. Disons que sur le papier, le point qui nous importe le plus est qu'il parle de l'application du rapport Mitchell. Et dans celui-ci, on fait une allusion claire à la nécessité du gel des colonies. Cette question est pour nous prioritaire. Le plan Tenet empêche donc les Israéliens de se dérober de l'obligation du gel complet des colonies. Un autre point assuré par le plan est le retour de l'armée israélienne à ses positions du 27 septembre 2000. Il garantit également la libération de l'ensemble des prisonniers qui ont été arrêtés durant l'Intifada. Comme il prévoit l'organisation d'enquêtes au sein de l'armée israélienne et parmi les colons sur la responsabilité des crimes commis contre les Palestiniens, ainsi que des réunions hebdomadaires régulières auxquelles les Américains prennent part. Ceci est pour nous un acquis parce que les Israéliens ne voulaient pas que les Américains assistent aux réunions.
— Sera-t-il possible pour l'Autorité palestinienne d'appliquer les termes du plan Tenet ?
— Tout ce que je peux dire est que l'Autorité palestinienne va respecter et appliquer tout document sur lequel elle aura apposé sa signature.
— Comment le plan Tenet est-il reçu par la rue palestinienne ?
— Il est sûr que la rue palestinienne n'accueille pas un tel plan avec enthousiasme ou optimisme. Ceci puisque le prix en vies et en souffrances payé par les Palestiniens ces derniers mois a été trop élevé. Mais nous avons choisi cet accord pour tenter de préserver la paix et empêcher une explosion ou propagation du conflit. Le retour à la table de négociation reste l'alternative, autrement c'est l'extension du conflit à toute la région.
— Les Palestiniens ont-ils subi des pressions pour signer l'accord Tenet ?
— Oui, nous avons subi des pressions venant de nombreuses directions. Nous avons surtout subi de fortes pressions de la part des Américains. George Tenet nous a menacés de rentrer aux Etats-Unis et de tout abandonner pendant qu'on discutait son plan. Si nous l'avions laissé partir, les Etats-Unis auraient immédiatement donné le feu vert aux Israéliens, leur accordant l'entière liberté d'action vis-à-vis des Palestiniens. Le plan Tenet semble ignorer qu'il est question de territoires occupés auxquels devrait être appliqué le droit international. Il passe outre le fait qu'on ne doit pas traiter de terroristes des personnes qui sont en train d'exercer leur droit légitime de résistance.
— Quelles sont les chances de réussite du plan Tenet ?
— Ses chances de réussite sont à mon avis très restreintes. Ceci parce que nous n'avons pas confiance dans la partie israélienne. Parce que Sharon est venu au pouvoir avec un programme de guerre et non de paix. Un comportement qui s'est illustré par exemple par la visite sur l'Esplanade des mosquées. Ses propos selon lesquels Jérusalem restera la capitale unifiée et éternelle d'Israël, ou encore lorsqu'il a fixé un plan de 100 jours pour anéantir la résistance palestinienne, lorsqu'il a attaqué les institutions de l'Autorité ou même éliminé ses cadres, toutes ces attitudes ne donnent pas d'indices que cet homme ou ce gouvernement ont la moindre intention d'œuvrer pour la paix avec les Palestiniens. Un gouvernement intéressé à une issue pacifique n'aurait pas directement attaqué l'Autorité palestinienne ni son institution sécuritaire.
               
13. Une rescapée des camps de Sabra et de Chatila raconte son calvaire - La Belgique étudie une plainte pour génocide contre Sharon
in L'Orient-Le Jour (quotidien libanais) du mardi 19 juin 2001
Une victime palestinienne rescapée des massacres des camps de réfugiés de Sabra et Chatila, près de Beyrouth, en 1982, a raconté, hier à Bruxelles, son calvaire pour lequel elle a porté plainte contre l’actuel Premier ministre israélien, Ariel Sharon, qui était alors ministre de la Défense. «Nous avons entendu quelqu’un frapper à la porte, mon père a demandé “qui est là ?” Et ils ont dit : “Nous sommes des Israéliens et nous voulons fouiller la maison”. Mon père a ouvert la porte, il y avait 13 soldats armés», a raconté Souad Srour el-Marai, lisant son témoignage en arabe lors d’une conférence de presse. «Après, ils ont commencé à tirer sur nous. Ma petite sœur avait reçu une balle dans la tête, et mon père a été touché dans sa poitrine mais il était encore vivant (...) Moi par contre j’étais paralysée sur le coup, et je ne pouvais plus bouger», a-t-elle poursuivi des sanglots dans la voix. «Ils m’ont alors violée l’un après l’autre devant les yeux de mon père, ils m’ont tiré dessus, ils m’ont blessé dans ma main gauche puis ils sont partis (...) Ils sont revenus encore une fois le soir, et ils étaient fous furieux de me voir encore en vie et en train de boire, ils m’ont tiré deux fois dessus», a-t-elle ajouté.
Aujourd’hui âgée de 36 ans, Mme Srour a encore des séquelles du drame et marche avec des cannes. Une plainte avec constitution de partie civile pour génocide contre M. Sharon a été déposée début juin en Belgique par un comité composé de ressortissants palestiniens, libanais, marocains et belges. Les plaignants se basent sur une commission d’enquête israélienne qui a conclu à une responsabilité indirecte d’Ariel Sharon dans le massacre de 800 à 2 000 civils palestiniens au Liban en septembre 1982. Le 15 septembre 1982, sur décision d’Ariel Sharon, l’armée israélienne avait investi Beyrouth-Ouest. Le 16 septembre au soir, des miliciens chrétiens alliés d’Israël étaient entrés dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila, alors encerclés par l’armée israélienne qui tirait des fusées éclairantes. Pendant deux jours, les miliciens chrétiens s’étaient livrés à un massacre sous les yeux de l’armée israélienne. M. Sharon avait été forcé à démissionner en février 1983 du poste de ministre de la Défense pour sa «responsabilité personnelle» dans ces tueries. «Depuis près de 20 ans, il n’y a pas eu de poursuites judiciaires. Les victimes n’ont pas pu déposer plainte au Liban et en Israël, ils le font en Belgique. Aujourd’hui, pour la première fois, les victimes voient leur plainte examinée par la justice», a déclaré l’un des avocats des plaignants, Luc Walleyn. «Il ne s’agit pas d’une initiative politique ni médiatique. Il ne s’agit pas de créer un tribunal international sur le Proche-Orient», a-t-il ajouté. Les plaignants fondent leur action sur une loi belge de 1993, modifiée en 1999, qui accorde la compétence universelle aux tribunaux belges pour les crimes de guerre, de génocide et crimes contre l’humanité, quels que soient leur lieu et les nationalités et lieux de résidence des victimes et des accusés. Les massacres de Sabra et Chatila avaient été qualifiés de génocide par les Nations unies, rappellent les plaignants. Le parquet de Bruxelles doit se prononcer prochainement sur la recevabilité de cette plainte.
                     
14. L'ordre militaire numéro 132
in L'Humanité du mardi 19 juin 2001
L'occupation des territoires palestiniens par l'armée israélienne touche de plein fouet les enfants. Ces derniers ont payé un lourd tribut à l'Intifada, déclenchée le 28 septembre. Plus de deux cents d'entre eux ont été tués, le plus souvent touchés à la tête. Pis, l'ordre militaire israélien numéro 132 autorise l'arrestation de Palestiniens âgés de douze à quatorze ans. De fait, plus de 50 % des prisonniers politiques détenus dans les prisons israéliennes sont des enfants. Dans le village de Hussan, en Cisjordanie, plus de 70 d'entre eux ont ainsi été arrêtés en pleine nuit et torturés.
                
15. Des conditions de détention horribles - Responsable du Comité palestinien pour les droits de l'homme, Radji Sourani est également vice-président de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) entretien réalisé par Pierre Barbancey
in L'Humanité du mardi 19 juin 2001
De notre envoyé spécial
- Quel regard portez-vous sur la situation des mineurs palestiniens emprisonnés et qui affirment avoir été torturés ?
- Radji Sourani. Ce problème existe depuis longtemps, mais on peut dire qu'il se pose de nouveau depuis la seconde Intifada. Nous sommes très préoccupés et je dirige personnellement les études sur cette question. Si dans la bande de Gaza il n'y a pas eu d'arrestation de mineurs par l'armée israélienne pendant cette Intifada, il en va tout autrement en Cisjordanie, parce qu'Israël contrôle encore presque 85 % de ce territoire. Ils ont arrêté de nombreux mineurs. Leurs conditions de détention sont horribles. De nombreuses organisations palestiniennes les aident, notamment en mettant des avocats à disposition, mais aussi en sensibilisant l'opinion publique, en exposant leurs cas, en menant des campagnes pour leur libération. Mais Israël ignore toutes ces actions et continue cette politique en arrêtant des jeunes de moins de dix-huit ans, en les mettant en prison avec des droits communs et en utilisant des méthodes de coercition, de tortures. Et les condamnations sont très sévères et sensiblement les mêmes que pour des adultes. C'est une chose grave que nous critiquons avec force.
- La FIDH mène-t-elle une campagne sur ce thème ?
- Radji Sourani. La FIDH décrit beaucoup d'actes commis par les Israéliens comme des crimes. Il y a une volonté de tuer. Depuis le début de l'Intifada, plus de deux cents mineurs ont été tués, y compris un bébé de quatre mois. · Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, un enfant a été touché en pleine tête en présence d'un représentant d'Amnesty international, alors qu'il se trouvait à 250 mètres des soldats. Ce qui nous met vraiment en colère en tant qu'organisation des droits de l'homme est de voir que la position israélienne n'est rien d'autre qu'une tuerie organisée. Ce sont des snippers qui ont pour instruction de tuer et qui tirent sur ces enfants. Les Israéliens accusent les Palestiniens d'utiliser leurs enfants pour des raisons politiques et qu'ils dansent sur leur sang. C'est tout simplement obscène. Cela ne fait que compliquer la situation un peu plus. Les bombardements des civils ont également traumatisé des centaines d'enfants. Ils souffrent à cause de la situation. De la violence, mais aussi des privations dues au désastre économique engendré par le blocus des territoires palestiniens. Sans parler de ceux qui ont perdu leur maison, détruite par les bulldozers israéliens. Cela se passe dans la bande de Gaza comme en Cisjordanie. Donc il n'y a pas que les arrestations de mineurs. La situation des mineurs palestiniens est terrible. La FIDH condamne clairement tous ces actes. · différents niveaux, nous agissons pour porter à la connaissance du monde entier les conséquences de l'occupation israélienne.
- Pensez-vous qu'Ariel Sharon doit être jugé pour crimes de guerre ?
- Radji Sourani. Il ne s'agit pas de porter un jugement sur Sharon fondé sur des considérations politiques ou idéologiques. Mais Sharon a été mis en cause personnellement par une commission d'enquête israélienne pour son rôle dans les massacres de Sabra et Chatila, au Liban. Beaucoup de monde a tendance à oublier que c'est un criminel de guerre. On pensait alors que sa carrière politique était terminée. Mais Benyamin Netanyahu l'a remis en selle, alors qu'il était premier ministre. Il est malheureux qu'il soit élu avec une telle majorité dans un pays qui se présente comme la seule démocratie au Moyen-Orient. Depuis qu'il est au pouvoir, tout ce qu'il fait relève du crime de guerre.
              
16. Depuis le début de l'Intifada, 350 enfants palestiniens ont été arrêtés, battus et emprisonnés par Israël : Le calvaire de Mansour par Pierre Barbancey
in L'Humanité du mardi 19 juin 2001
Originaire d'un petit village de Cisjordanie, Mansour, comme des dizaines d'autres enfants palestiniens, a été jeté en prison - au mépris des conventions internationales - pour avoir lancé des pierres à l'armée israélienne.
De notre envoyé spécial à Hussan (Cisjordanie).
Mansour n'a que seize ans, mais son regard est celui d'un homme de quarante ans. Il ne confie pas facilement ce qu'il vient d'endurer. Pour la première fois, il se confie à un journaliste. · l'âge où les adolescents découvrent la vie, connaissent leurs premiers émois, Mansour s'est retrouvé dans une prison israélienne pour sept mois, après avoir été torturé. Son crime ? Avoir jeté des pierres sur l'armée d'occupation.
Depuis le début de l'Intifada, le 28 septembre, ils sont près de 350 comme lui à avoir été arrêtés, battus et emprisonnés au mépris de toutes les conventions internationales concernant les droits des enfants, notamment la convention des Nations unies. Dans son article 37, celle-ci spécifie qu'" aucun enfant ne peut être soumis à la torture ou autre traitement et punition cruels, dégradants et inhumains ". Plus de 70 garçons de moins de seize ans (le plus jeune avait quatorze ans) ont été ainsi arrêtés à Hussan (Cisjordanie).
Hussan est un village situé sur les hauteurs de Bethléem. Les routes principales étant régulièrement coupées par les autorités israéliennes pour cause de révolte palestinienne, pour s'y rendre il faut emprunter des chemins défoncés, à flanc de colline, qui doublent la durée du trajet. C'est une jolie bourgade de 5 000 habitants qui aurait tout pour un développement harmonieux, n'était à 5 minutes de là la colonie de Betar Aylit, 7 000 personnes, dont la réputation n'est plus à faire. La plupart de ces colons sont des extrémistes qui se sont installés en 1984 à l'occasion d'une confiscation de terrain. Il y a un an, ils ont réitéré l'opération, sans doute pour cause " d'expansion naturelle ", selon l'expression de Shimon Peres et d'Ariel Sharon, s'octroyant à nouveau des terres palestiniennes en toute illégalité. Ici, la tension est permanente et les provocations nombreuses.
C'était un mercredi d'octobre, le 25 de l'année 2000 très précisément. Il était une heure du matin. Mansour dormait profondément, comme le reste de la famille. La soirée avait été calme, personne n'avait de raisons de s'inquiéter. Soudain, toute la maison est réveillée par des éclats de voix et des bruits de verres brisés. Des soldats israéliens, le visage masqué, pénètrent dans l'habitation pendant que d'autres se postent tout autour. " Ils ont tout renversé dans la maison et ont effrayé les enfants, se souvient Yasser, le père, électricien du bâtiment. Ils m'ont juste dit qu'ils venaient arrêter mon fils. Je n'ai rien pu faire pour les en empêcher. "
Pour Mansour, tout bascule l'espace d'un instant. Il n'a même pas le temps de s'habiller. Les mains attachées derrière le dos, il est emmené dehors et cagoulé, puis jeté dans une Jeep comme un vulgaire sac de pommes de terre. Encore que les six soldats qui sont assis autour du " paquet " en prendraient certainement plus soin. " Ils ont commencé à me donner des coups de pied sur tout le corps, y compris à la tête, se souvient Mansour, entouré de ses frères. Puis ils m'ont encore frappé sur la tête, avec un casque cette fois. Je me suis évanoui à deux reprises. " Le jeune homme ne le sait pas encore, mais on l'emmène au camp militaire de Gush Azion, par d'incroyables détours, alors qu'il n'est distant que de 5 km de Hussan. " Nous allons à Jérusalem ", lui affirment ses ravisseurs.
Au mois d'octobre, surtout la nuit, il fait froid dans la région. Mansour est en pyjama. Dans le camp, les soldats l'aspergent d'eau glacée puis d'eau chaude. " Ensuite, ils m'ont bandé les yeux très fort. J'avais mal. Ils m'ont laissé comme ça environ une heure. Quand ils ont enlevé le bandeau, je ne voyais plus rien. " Il n'a même pas le droit de parler. S'il s'avise de poser la moindre question, on le fait taire à grand renfort de coups. " Ils étaient sept. Je les entendais. Ils s'appelaient Moshe, Ramy, Alexander. " Pendant une dizaine d'heures, il va subir les pires brutalités.
Ces tortionnaires ont mis au point une technique qui n'aurait certainement pas déplu au général Aussaresses. Le prisonnier est attaché avec un lourd objet métallique sur le dos. S'il le laisse tomber, c'est sur ses jambes. " Ca faisait très mal, dit Mansour. Après, ils m'ont plongé la tête dans la cuvette des toilettes en tirant la chasse d'eau. Ils l'ont fait à quatre reprises. " Les soldats israéliens se décident enfin à lui parler. Pour lui dire qu'il jetait des pierres. Le jeune homme nie. On le place alors dans une cellule de 1,5 x 1 m et de 1,5 m de hauteur. " Je ne pouvais pas rester debout ni me coucher. Il n'y avait pas de fenêtre, juste une porte. Et en permanence une forte lumière jaune. " Mansour y est resté sept jours, ne sortant qu'une demi-heure par jour. On le transfère à la prison de Telmond, que les Israéliens appellent la " prison de Sharon ", et on le place dans une cellule avec des prisonniers de droit commun. " Ils m'ont tout volé : chaussures, cigarettes. ", certifie-t-il. Enfin, il peut téléphoner à ses parents.
" Je ne pouvais rien faire, explique son père, Yasser. Il était impossible de parler avec les Israéliens. Ma femme et moi nous ne dormions plus. On se demandait quand il allait revenir. Dès qu'il m'a appelé, j'ai contacté un avocat. " Mansour n'est présenté devant un juge qu'au bout de deux mois. L'avocat n'a pu voir son client qu'au moment du procès. Le procureur demande dix mois d'emprisonnement. Le juge tranche pour 7 mois et une amende de 2 500 shekels (environ 5 000 francs). " La cour ne lui a posé aucune question, dénonce Yasser. Tout ce qui les intéressait c'était que Mansour dise : " Je suis coupable, je m'excuse ", sinon il avait deux mois de prison en plus. " Pour payer l'amende, Yasser a été obligé d'emprunter de l'argent à sa mère. " Les sept mois ont été très durs, avoue Mansour. Je pensais tout le temps à ma famille. Seule ma mère a eu le droit de venir me voir au bout de quatre mois, mais seulement une heure une fois par mois. " Depuis, Mansour ne dort plus correctement. Il a peur que les soldats reviennent. Il a des problèmes de santé et tousse énormément. Son année scolaire est fichue.
Khalid Kuzmar, un avocat qui travaille avec l'association Defence for Children International, section Palestine (DCI), dénonce sans relâche ces atteintes aux droits de l'homme et à ceux de l'enfant, mais surtout la mascarade de procès. Il cite l'exemple de ce garçon de quinze ans, Kamal Wahid Harbiya, du camp de réfugiés de Belhoub, près de Hébron, jugé " pour avoir jeté des pierres 99 fois ", ou cet autre adolescent accusé d'avoir lancé des pierres à 25 reprises et 8 pierres à chaque fois. Commentaire de l'avocat : " Comment peuvent-ils le savoir ? Ils tiennent une comptabilité exacte ? " Lui-même a toutes les peines du monde à se rendre aux audiences qui se tiennent dans la colonie de Beit-El, près de Ramallah. Deux jeunes filles sont également détenues, dans la prison de Ramle. Trois prisonniers israéliens auraient tenté de violer l'une d'entre elles. Pourtant rien n'a été fait pour séparer ces enfants des droits communs. D'autres jeunes Palestiniens de moins de dix-huit ans sont incarcérés à Meggido, sous contrôle administratif de l'armée israélienne. Selon Khalid Kuzmar, depuis le début de l'Intifada, Israël a arrêté près de 350 mineurs palestiniens âgés de douze à dix-huit ans. Contrairement au traité de l'ONU sur les droits des enfants, qui considère la minorité jusqu'à dix-huit ans, l'armée israélienne estime qu'un Palestinien est adulte à seize ans. 50 % des enfants incarcérés ont entre quinze et seize ans. 40 % des mineurs ont été condamnés à des peines allant de 6 à 12 mois. La DCI rappelle que, l'an dernier, 105 mineurs palestiniens ont été tués, dont un tiers par des tirs à la tête (1).
Le porte-parole de l'armée israélienne, interrogé par l'Humanité, a d'abord déclaré que " les gens arrêtés depuis le début de l'Intifada l'ont été parce qu'ils sont soupçonnés d'attaques violentes. Leur cas est très sérieux ". Quant à la torture, " si l'on parle en général, elle ne fait pas partie de la politique de l'armée israélienne ". Et dans les cas particuliers comme celui de Mansour ? " Nous allons voir ce qu'il en est, mais les faits remontent à plus de six mois. " Il estime néanmoins que, " si des mineurs sont arrêtés, c'est qu'ils devaient avoir été des meneurs dans les manifestations, parce que des centaines d'autres qui y ont participé n'ont pas été arrêtés ". La dialectique militaire dans toute sa splendeur.
Pourtant, de nombreuses organisations non gouvernementales s'émeuvent de la situation. Ainsi, le Comité public contre la torture en Israël a interpellé le procureur général, Elyakim Rubinstein. Quant à l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), elle se dit " gravement préoccupée par l'intégrité physique et psychique des enfants palestiniens, et particulièrement ceux qui se trouvent actuellement en détention ". Elle demande aux autorités israéliennes de " mettre immédiatement fin à toute forme de torture et de traitement cruel, inhumain ou dégradant conformément à la législation nationale et internationale ".
(1) Defence for Children International / Palestine section. Site Internet : www.dci-pal.org
            
17. Sabra et Chatila : la responsabilité d'Ariel  Sharon par Georges Marion
in Le Monde du mercredi 20 juin 2001

La question de la responsabilité du premier ministre israélien, Ariel Sharon, dans les massacres des camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila, en septembre 1982 au Liban, a été relancée par une émission – vivement contestée en Israël – de la télévision britannique BBC. Quasi simultanément, une plainte a été déposée en Belgique par un avocat libanais au nom de vingt-trois rescapés desdits massacres. JÉRUSALEM de notre correspondant
Une émission de télévision contestée, une plainte pour crime contre l'humanité et une nomination inattendue : depuis quelques jours, Israël est confronté à la partie la plus noire d'un passé qui n'en finit pas de peser sur son avenir.
C'est la BBC qui a ouvert le feu en diffusant, dimanche 17 juin, une émission consacrée aux massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila, au Liban, en septembre 1982. Quelque 800 réfugiés palestiniens, essentiellement des femmes, des enfants et des vieillards, y avaient été massacrés par les milices chrétiennes, alors que Beyrouth était encerclée par les forces israéliennes. Ariel Sharon, à l'époque ministre de la défense, avait donné son assentiment à l'entrée des milices dans les camps, qu'il s'agissait de "nettoyer" de leurs combattants.
Le massacre avait provoqué une immense émotion en Israël, où, quelques mois plus tard, une commission d'enquête dirigée par le président de la Cour suprême, Itzhak Kahane, avait estimé que, en ne prévoyant pas ce qui, d'évidence, allait se passer, Ariel Sharon portait "une responsabilité personnelle" dans la tragédie. Sans exiger de poursuites judiciaires, la commission avait demandé que le ministre "tire les conclusions personnelles qui découlent de la manière dont il avait manqué aux devoirs de sa charge". Quelques jours plus tard, Ariel Sharon démissionnait de son poste de ministre de la défense.
EMBARRAS DIPLOMATIQUES
L'émission de la BBC, opportunément intitulée "L'Accusé", n'apporte rien de nouveau au plan des faits, insistant surtout sur cette fameuse "responsabilité morale" qui, selon plusieurs des témoins interrogés, devrait conduire Ariel Sharon devant un tribunal pour y répondre de l'accusation de crime contre l'humanité. Lundi, le ministère israélien des affaires étrangères a vivement réagi, accusant la BBC de s'ériger en "tribunal télévisé", en diffusant des commentaires "partiaux" et "injustes".
Il y a trois semaines déjà, la BBC avait fait l'objet d'accusations similaires lorsqu'un de ses journalistes en poste à Gaza avait prononcé quelques mots de solidarité lors d'une cérémonie organisée par le Hamas.
Pour les responsables israéliens, l'émission ne doit rien au hasard, retombée, selon eux, du conflit israélo-palestinien et des polarisations partisanes qu'il provoque au sein de l'opinion publique internationale. De fait, depuis plusieurs mois, diverses organisations militantes proches des Palestiniens étudient l'opportunité de faire poursuivre Ariel Sharon, à la lumière des procès engagés contre Augusto Pinochet ou contre les responsables des massacres balkaniques. Lundi, l'avocat libanais d'un groupe de vingt-trois rescapés des massacres de Sabra et Chatila, Me Chibli Mallat, a déposé à Bruxelles une plainte contre Ariel Sharon dans l'espoir de le faire accuser de crime contre l'humanité.
Depuis 1993, une loi belge autorise n'importe quel juge du pays à instruire les plaintes pour crime contre l'humanité ou crime de guerre, quel que soit le lieu où ils ont été commis et quelle que soit la nationalité des victimes ou des accusés. C'est ce texte qui a permis la récente condamnation de deux religieuses rwandaises, poursuivies pour complicité dans les massacres commis dans leur pays. Le ministre belge des affaires étrangères, Louis Michel, a déjà annoncé qu'il convenait de réduire la portée d'une loi susceptible de créer bien des embarras diplomatiques. "Que se passerait-il si un plaignant poursuivait devant les tribunaux belges M.Chirac, qui a servi durant la guerre d'Algérie où des massacres ont été commis par l'armée française ?", expliquait un haut fonctionnaire israélien pour illustrer les risques d'une loi unique en son genre.
Israël, cependant, n'a pas besoin de la Belgique pour débusquer les fantômes du passé. A l'initiative du Comité israélien contre la torture, plusieurs organisations humanitaires tentent de bloquer la nomination de Carmi Gillon comme ambassadeur d'Israël à Copenhagen. Proche du Parti travailliste et directeur du Centre Pérès pour la paix, Carmi Gillon fut chef du service de sécurité intérieure (Shin Beth) du temps d'Itzhak Rabin. Reconnaissant les défaillances de son service, il avait démissionné après l'assassinat du premier ministre. Il est aujourd'hui accusé d'avoir couvert les techniques musclées utilisées par ses services lors des interrogatoires de militants ou de terroristes palestiniens. Après des années de batailles juridiques, la Cour suprême, l'année dernière, a interdit les techniques d'interrogatoire musclé jusqu'ici défendues bec et ongles par les services israéliens.
             
18. José Bové avec une délégation du ''mouvement social français'' en Israël et dans les territoires palestiniens
Dépêche de l'agence Associated press du lundi 18 juin 2001, 22h02
PARIS - José Bové, leader de la Confédération paysanne, effectue une visite en Israël et dans les territoires palestiniens avec une délégation du ''mouvement social français'' afin de plaider ''pour l'égalité des droits et contre la colonisation et la répression''.
Selon l'association ''Droit Devant'', représentée dans ce voyage par Jean-Claude Amara et Annie Pourre, la délégation a manifesté à plusieurs reprises depuis son arrivée samedi dernier en Israël.
Elle ainsi protesté devant le ministère israélien de l'Intérieur contre les ''entraves quotidiennes à la liberté de circuler faite aux citoyens palestiniens'', puis forcé le ''check-point'' de Bethléem, ''malgré les soldats surarmés'', pour rejoindre les territoires. Après avoir été reçue lundi à la Maison d'Orient à Jérusalem-Est, elle prévoyait de mener d'autres actions à Ramallah, en Cisjordanie.
Qualifiant de ''dramatique'' la situation dans les territoires, les membres de cette délégation affirment assister à ''un ethnocide programmé : asphyxie du peuple palestinien par la privation de tout droit au travail, aux soins, à l'éducation, à toute infrastructure vitale, eau, électricité, médicaments, nourriture.'' 
            
19. Azmi Béchara rencontre Assad et annonce son retour lundi en Israël
Dépêche de l'Agence France Presse du dimanche 17 juin 2001, 17h41
DAMAS - Le député arabe israélien Azmi Béchara, qui fait l'objet d'une enquête criminelle en Israël, a rencontré dimanche à Damas le président Bachar al-Assad et annoncé son retour lundi dans l'Etat juif.
Lors d'une conférence de presse au terme d'un entretien de plus de deux heures avec M. Assad, M. Béchara a accusé Israël de "lancer régulièrement des campagnes hostiles" contre les députés arabes et "de ne pas pouvoir accepter l'idée que les (Arabes israéliens) font partie de la nation arabe et du peuple palestinien".
"Il y a une crise politique en Israël que (le Premier ministre israélien) Ariel Sharon veut attribuer aux minorités", a affirmé M. Béchara, en visite depuis une semaine en Syrie où il avait participé le 10 juin à une cérémonie marquant le premier anniversaire de la mort du président Hafez al-Assad.
M. Béchara avait, à cette occasion, appelé les pays arabes à adopter une position unifiée susceptible de permettre aux Palestiniens de "poursuivre la résistance" contre Israël.
Selon lui, les accusations israéliennes formulées à son encontre après ses déclarations "ne sont pas nouvelles".
"Ce qui est nouveau c'est l'ampleur et la violence de la campagne" israélienne, a dit M. Béchara, unique député du parti Balad de tendance nationaliste arabe de gauche.
Selon lui, "un climat raciste dangereux règne dans la société israélienne et la question est de savoir si les Israéliens veulent une démocratie qui exclut les Arabes".
Il a déclaré n'avoir pas eu de contacts avec les chefs des mouvements palestiniens basés à Damas. "Nous nous sommes bien trouvés dans le même lieu, mais il n'y a pas eu de réunions ni de contacts", a-t-il dit.
Sa solidarité avec la résistance libanaise contre Israël est, selon lui, une position simplement politique. M. Béchara a prononcé son discours du 10 juin en présence de dirigeants du Hezbollah chiite libanais qui prône la poursuite de la lutte armée contre Israël.
"Il y aura une campagne internationale contre un procès intenté à Azmi Béchara, car tous les Arabes israéliens sont visés. Il sera très difficile (aux Israéliens) de nous exclure (du paysage politique), car ainsi Israël sera catalogué comme un Etat d'apartheid".
Le ministère public israélien a annoncé mercredi dernier l'ouverture d'une "enquête criminelle" à l'encontre de M. Béchara pour appel à la sédition et non respect de la "loi de prévention du terrorisme".