"Ce type est hors course" , déclarait officiellement au mois de mars dernier, Colin Powell, secrétaire d’Etat américain, qui s’entretenait, mercredi 6 juin 2000, avec le Président Yasser Arafat, pour la cinquième fois en trois jours...
Christian Colombani in Le Monde du vendredi 8 juin 2001
 
                        
Point d'information Palestine > N°151 du 13/06/2001

Réalisé par l'AMFP - BP 33 - 13191 Marseille FRANCE
Phone + Fax : +33 491 089 017 - E-mail : amfpmarseille@wanadoo.fr
Association loi 1901 - Membre de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
Pierre-Alexandre Orsoni (Président) - Daniel Garnier (Secrétaire) - Daniel Amphoux (Trésorier)
Sélections, traductions et adaptations de la presse étrangère par Marcel Charbonnier
 
Si vous ne souhaitez plus recevoir (temporairement ou définitivement) nos Points d'information Palestine, ou nous indiquer de nouveaux destinataires, merci de nous adresser un e-mail à l'adresse suivante : amfpmarseille@wanadoo.fr. Ce point d'information est envoyé directement à 2591 destinataires.
         
Manifestation de soutien au peuple palestinien
vendredi 15 juin 2001 à 18h, sur le Vieux-Port de Marseille
[Détails dans la rubrique "Rendez-vous" ci-dessous]
          
Au sommaire
     
Témoignages
"Ils ont tué l'amour en moi" par Claude Abou Samra, citoyenne de Ramallah
      
Rendez-vous
1. Rencontre autour de la Palestine le jeudi 14 juin 2001, à 20h30, à Paris
2. Projection du film "Paul le charpentier" de Ibrahim Khill le vendredi 15 juin 2001 à 18h30 à l'UNESCO à Paris
3. Manifestation de soutien au peuple palestinien vendredi 15 juin 2001, à 18h sur le Vieux-Port à Marseille
4. Rencontre avec Israël Shamir le jeudi 21 juin 2001 à 19h, à Paris
5. Conférence - débat "Les Enfants de l'Intifada" le vendredi 22 juin 2001 à 20h à Bruxelles
6. Colloque Palestine et droits des peuples le samedi 23 juin 2001, de 10h à 18h30, à la MJC Picaud à Cannes
       
Réseau
1. Doute et certitude de Israël Shamir [traduit de l'anglais par Annie Coussemant]
2. A la recherche d'une issue par Fayçal Al-Husseini in AMIN (Arabic Media Internet Network) juin 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
3. Fayçal par Hanan Ashrawi in AMIN (Arabic Media Internet Network) juin 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
          
Revue de presse
1. Les Palestiniens et Israël acceptent le plan de cessez-le-feu américain in The New York Times (quotidien américain) du mercredi 13 juin 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
2. Les firmes d'armement israéliennes sur leur trente-et-un pour le salon aéronautique de Paris par Arieh O'Sullivan in The Jerusalem Post (quotidien israélien) du lundi 11 juin 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
3. Fébrilité autour du cessez-le feu après un bombardement israélien (trois victimes) par Phil Reeves in The Independent (quotidien publié en Grande-Bretagne) le lundi 11 juin 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
4. Pourquoi Sharon est un criminel de guerre. Un témoin oculaire des massacres de 1982, à Sabra et Shatila raconté par Dr. Ben Alofs in Media Monitors Network du mercredi 6 juin 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
5. L'après-rapport Mitchell par Hassan Abou-Taleb in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 6 juin 2001
6. Proche-Orient  : pas d'apaisement sans partage de la terre par Alain Dieckhoff in Le Monde du mercredi 6 juin 2001
7. Cessez-le-feu : réactions palestiniennes par Pénélope Larzillière in La Croix du mardi 5 juin 2001
8. Ils devront pourtant coexister, un jour par Baudouin Loos in Le Soir (quotidien belge) du mardi 5 juin 2001
9. Vers une redistribution des cartes au Moyen-Orient in Le Magazine (hebdomadaire libanais) du vendredi 1er juin 2001
                
Témoignages

        
"Ils ont tué l'amour en moi" par Claude Abou Samra, citoyenne de Ramallah
Ramallah, levendredi  8 juin 2001 - Depuis quelques jours le blocus s'est encore intensifié ... Les routes sont toutes fermées, alors on passe notre temps à se conduire d'un  barrage à  l'autre en essayant de les passer à pied quand les soldats laissent passer.
Mardi matin à 7h30 j'ai conduit Youssef à la sortie de Ramallah sur la route de Bir-Zeit. Des centaines de personnes arrivaient à pied, comme une manif. Les soldats venaient de céder à la pression qu'elles exerçaient sur le barrage pour se rendre à leur travail à Ramallah. C'était impressionnant. Je laisse Youssef pensant que c'était pareil pour l'autre sens ... Ils sont restés jusqu'à 11h du matin, président, profs et étudiants de  l'Université. Impossible d'arriver à ce que les villageois avaient réussi le matin dans l'autre sens. Ca s'est terminé par des accrochages, pierres, grenades assourdissantes, lacrymo, balles en caoutchouc ... des blessés. Hier pareil. Aujourd'hui projet d'un sit-in et des cours donnés par les profs au barrage mais je viens de conduire Youssef ... ils laissent passer à pied ! Quand j'ai fini de ce côté de Ramallah, je prends l'autre pour aller à Jérusalem travailler. Mardi, en changeant trois fois de voitures :  1heure 1/2. Hier avec ma voiture (et donc la possibilité de contourner le deuxième barrage - vu mes plaques d'immatriculation) : deux heures, dont une heure pour quelques centaines de mètres à Kallandia. Ce matin, j'hésite, je ne sais pas encore quelle stratégie adopter, parce qu'il y a aussi le retour le soir. Distance Ramallah/Jérusalem : 17 kilomètres.
Mais parlons de Jérusalem. Hier avec moi dans la voiture, Sylvia, collègue et amie. Résidente de Jérusalem elle vient de se marier avec un  Palestinien de Ramallah et habite donc cette ville avec la menace de perdre sa carte de résidence de Jérusalem. Pendant que nous sommes au barrage, sa maman l'appelle sur son portable. Elle est au ministère de l'intérieur pour  demander un "laissez-passer" pour la soeur de Sylvia qui projette d'aller rendre visite à l'autre soeur vivant aux Etats-Unis. Elle nous dit qu'elle vient de pouvoir rentrer (dans la file depuis 6h du matin ...) A 11h du matin, elle rappelle : elle a le numéro 965 et ils appellent le 857 ... elle tient le coup, accrochée aux ballustrades en fer, poussée par la foule . A 16h, elle a déposé la précieuse demande . Ouf ! (si elle obtient le  laissez-passer - et le visa - elle pourra voyager, alors que "ceux" des  Territoires ne peuvent sortir du pays, ni par l'aéroport, ni par le pont  Allenby - tout un peuple interdit de sortir). Nous, nous allons reprendre la route et les barrages dans l'autre sens ... C'est intéressant, la vie d'un Palestinien ! Heureusement qu'il y a le téléphone portable pour se communiquer où on en est, combien de voitures devant nous, combien de personnes au guichet, quel numéro, si on passe, si on est refoulé ... On se sent tous pareils, solidaires ... et on  avance... à pied au travers des barrages, un jeune qui porte péniblement un grand carton de mûres cueillies le matin sur un des rares arbres qui subsiste au  camp de réfugiés de Kalandia, le laisse tomber, les mûres se répandent sur la route, les gens les contournent, aident à ramasser... c'est précieux, il espérait en vendant ces fruits gagner quelques sous. Et les soldats qui nous regardent, ironiques, méprisants, tant au barrage que dans la file  au  "ministère de l'intérieur". Et ces phrases qui me reviennent sans cesse à  l'esprit. Ce poème de Fadwa Tuqan, écrit après l'occupation de 1967 : "Soupirs devant le guichet des laissez-passer (...) Oh ! Ma haine  terrifiante (...) ils ont tué l'amour en moi, ils ont fait naître la haine en moi...". Arrivée à la hauteur des soldats, au moment de leur tendre mon passeport, je m'efforce de faire comme tous ceux qui m'entourent : résister, ne pas se laisser emporter par la haine, avancer dans la  poussière, sous le soleil, tenir ... ne pas se laisser envahir par ce sentiment... Le peuple palestinien marche, il est en marche, c'est pour cela que l'occupant l'écrase... Je devais vous parler des Palestiniens de Jérusalem, j'ai évoqué ceux de Jérusalem et ceux des "Territoires" dans ces lignes. Pour les Israéliens, on est tous les mêmes. La différence c'est que les Palestiniens de Jérusalem ne peuvent prétendre à un passeport palestinien, ils sont "résidents" de  Jérusalem (parce que Jérusalem est annexée). Pour garder cette résidence, il faut prouver qu'on y habite, qu'on y paye l'Arnona (taxe municipale exorbitante), qu'on y travaille, que les enfants y sont scolarisés. Si Sylvia habite à Ramallah, elle perdra la carte d'identité de Jérusalem  mais son mari n'a pas le droit d'y habiter, même pas d'y entrer... Sauf, comme vendredi dernier, pour les funérailles de Fayçal Husseini, quand la foule a forcé les nombreux barrages, les Palestiniens des Terriroires brandissaient leur carte d'identité "orange" (on a gardé la même que pendant l'occupation...) interdites à Jérusalem à côté des cartes "bleues" de Jérusalem...  Exilés, séparés, cantonnés, occupés, réfugiés, administrés, bantoustanisés, les Palestiniens sont un seul peuple qui marche vers la liberté...
            
Rendez-vous
               
1. Rencontre autour de la Palestine
le jeudi 14 juin 2001, à 20h30, à Paris
Le MRAP (Paris 5) organise le jeudi 14 juin 2001, à 20h30, au Centre Culturel La Clef - 21, rue de la Clef - Paris 5ème (Métro Censier-Daubenton) une rencontre autour de la Palestine, avec la participation de :
Leïla SHAHID, Déléguée générale de la Palestine en France, Danielle BIDARD, Sénateur de Seine-Saint-Denis, Présidente de l'association Pour Jérusalem, Walid CHARARA, journaliste, Richard WAGMAN, Président de l'Union Juive Française pour la Paix et Mouloud AOUNIT, secrétaire général du MRAP.
       
2. Projection du film "Paul le charpentier" de Ibrahim Khill
le vendredi 15 juin 2001 à 18h30 à la Maison de l'UNESCO à Paris
Vous avez été nombreux à regretter la déprogrammation de dernière minute dont avait fait l'objet, le 14 décembre dernier à la Maison de l'UNESCO, le film "Paul le charpentier" du cinéaste palestinien Ibrahim Khill. Récompensé depuis au dernier Festival du film asiatique de Vesoul, "Paul le charpentier", qui raconte l'histoire étonnante de Paul Gauthier en Palestine, a été présenté le 9 juin dernier à Washington, à l'occasion d'un festival organisé par l'ADC (Anti Discrimination Comittee).
Ce vendredi 15 juin 2001, à 18h30, la Mission Permanente d'Observation de Palestine auprès de l'UNESCO présentera "Paul le Charpentier, à la Maison de l'UNESCO - Salle de cinéma - 7, Place Fontenoy - 75007 Paris (Métro Cambronne ou Ségur).
[Renseignements et réservations auprès de Nazareth films : 01 47 22 99 14 / nazareth.films@wanadoo.fr]
            
3. Manifestation de soutien au peuple palestinien
vendredi 15 juin 2001, à 18h sur le Vieux-Port à Marseille

[Parcours de la manifestation : du Vieux-Port (Quai des Belges) aux Mobiles, en haut de la Canebière.]
"SILENCE = MASSACRE" - A nouveau, après plusieurs années d'espoir, le Proche-Orient est au bord de l'embrasement. Le gouvernement israélien s'engage dans une véritable logique de guerre contre le peuple palestinien. Depuis les accords d'Oslo, les possibilités historiques d'aboutir à une paix durable ont été réduites à néant par le refus des gouvernements israéliens successifs de respecter le droit international. Le maintien sous tutelle des territoires occupés par Israël, leur colonisation intensifiée ont soumis les territoires palestiniens a une situation de violence, d'humiliation, de blocus et de ségrégation. Avec la constitution du gouvernement d'union nationale d'Ariel Sharon, au sein duquel siègent côte à côte des représentants politiques allant d'une extrême droite raciste et belliciste jusqu'à des ministres travaillistes, une politique délibérée d'escalade a vu le jour : bouclages de Gaza et de la Cisjordanie, blocus, bombardements de villes, villages, camps de réfugiés palestiniens et de leurs habitants, violation des zones placées sous contrôle de l'Autorité palestinienne, construction de nouvelles colonies, confiscation de nouvelles terres, assassinats prémédités de responsables politiques palestiniens... Depuis septembre 2 000 déjà, au soulèvement de toute une population et de toute une jeunesse pour l'indépendance et la justice, l'armée israélienne a répondu avec la plus grande violence. Plusieurs centaines d'hommes, de femmes et d'enfants, palestiniens, ont ainsi trouvé la mort et plus de 14 000 blessés dont 1 500 handicapés à vie sont à déplorer. Nous condamnons tout acte de violence contre des populations civiles. Le gouvernement israélien a franchi un nouveau pas en agressant de nouveau le Liban et en s'attaquant à des forces syriennes. II n'est de solution à ce conflit qu'à travers la négociation pour une solution juste et durable, fondée sur le droit et l'application des résolutions des Nations Unies depuis 1948. La paix et la sécurité de tous les peuples de la région impliquent l'évacuation totale des territoires occupés par Israël, l'application des résolutions des Nations Unies concernant le droit au retour des réfugiés, le droit du peuple palestinien à disposer d'un Etat souverain en Cisjordanie et à Gaza, Etat avec Jérusalem-Est pour capitale. Nous exigeons des dirigeants de l'Union Européenne et du gouvernement français qu'ils agissent en ce sens, c'est-à-dire qu'ils exercent la pression maximale afin que les autorités israéliennes respectent enfin les résolutions des Nations Unies et cesse de violer quotidiennement la Convention de Genève. Cela suppose qu'ils répondent sans délai aux appels pressants de l¹Autorité palestinienne, de I'OLP et de tout le mouvement national palestinien, en prenant toutes les dispositions diplomatiques permettant le déploiement d'une force de protection internationale des populations palestiniennes. L'Europe s'engage dans un partenariat euro-méditerranéen basé sur le respect des droits fondamentaux des peuples et des citoyens. Il est urgent que cesse tout accord d'association en l'Union européenne et Israël tant que ce dernier continue la colonisation, l'occupation de territoire, les sanctions collectives et la répression armée du peuple palestinien. 
Association Médicale Franco-Palestinienne - BP 33 - 13191 Marseille Cedex 20
Tél/Fax : 04 91 08 90 17 - E-mail : amfpmarseille@wanadoo.fr
             
[Manifestation à l'appel du Collectif pour les Droits du peuple palestinien : AFASPA Marseille, Aix Solidarité, AJIAL France, AMFP Aubagne, Ballon Rouge, CIMADE, CNUC, Discrimination Zéro, LCR, LDH Marseille Nord-Sud, Les Alternatifs, Les Verts*, Méditerranée Solidaires, Mouvement de la Paix, MDC*, MRAP, PCF*, RAFD, RFPP, Résister, Santé Sud, Témoignage Chrétien. (*à confirmer)]
                
4. Rencontre avec Israël Shamir
le jeudi 21 juin 2001 à 19h, à Paris

Espaces Marx - 64, boulevard Blanqui - Paris 13°
France Palestine Paris-Sud organise une rencontre exceptionnelle avec Israël Shamir, écrivain et journaliste juif israélien, d'origine russe, établit depuis 1969 en Israël et auteur de très nombreux articles particulièrement intelligent et à contre-courant en Israël. Depuis le début de la nouvelle Intifada, Israël Shamir a publié de nombreux articles sur Internet. Il soutient l'idée du retour des réfugiés palestiniens et rejoint Edward Saïd en se faisant l'avocat d'une solution binationale dans le cadre d'un Etat pleinement déconfessionnalisé et réellement démocratique, à terme...
           
5. Conférence - débat "Les Enfants de l'Intifada"
le vendredi 22 juin 2001 à 20h à Bruxelles

Une rencontre débat organisée par l'Union Générale des Etudiants Palestiniens de Belgique UGEP, l'Association Belgo-Palestinienne ABP, et la Fédération Bruxelloise des Jeunes Socialistes FBJS, avec le soutien de l'Union des Progressistes Juifs de Belgique organisent le vendredi 22 juin 2001 à 20h, à l'Université Libre de Bruxelles - Auditoire H.1301 - Avenue Paul Héger - 1050 Bruxelles BELGIQUE, avec la participation de Khaled QUZMAR (Avocat - Defence for Children International, Palestine), Joseph ALGAZY (Journaliste - Ha'Aretz, Israël), Sylvie MANSOUR (Psychologue, Paris).
300 enfants palestiniens de moins de 18 ans sont détenus dans des prisons et centres de détentions israéliens depuis le début de la deuxième Intifada. Comment ? Pourquoi ? Ces enfants représentent-ils réellement une menace pour la sécurité d’Israël ? Quelle position juridique, sociale et humanitaire pouvons-nous adopter face à l’emprisonnement arbitraire et massif d’enfants ? Violations des Droits fondamenteaux des enfants: quelles conséquences à long-terme sur la société palestinienne et sur le contexte politique de l'Intifada actuelle?
[Participation aux frais : 100 Francs belges]
          
6. Colloque Palestine et droits des peuples
le samedi 23 juin 2001, de 10h à 18h30, à la MJC Picaud à Cannes
Ce colloque est organisé par Amnesty International, la Ligue des Droits de l'Homme (section Cannes, Grasse et Valbonne) et le Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples
"La paix entre deux peuples dans l'égalité des droits et le respect mutuel est nécessaire et possible"
Le "fil rouge" de la journée sera les droits attachés aux peuples, aux hommes et aux femmes qui les composent.
Ainsi, après une présentation du colloque, de la réflexion que nous en attendons tous et des graves préoccupations que suscite la situation du Proche-Orient, trois tables rondes successives débattront d'abord entre les membres qui les composent, et avec la salle ensuite, autour des sujets regroupés par thèmes :
ETAT DES LIEUX : après un exposé de la situation par des militants du MRAP, de retour de Palestine, la réflexion portera sur la vie quotidienne des Palestiniens dans les territoires occupés : problèmes de l'eau, du chômage, de la vie dans les camps, confiscation des terres, arrachages des oliveraies… Un artiste peintre palestinien participera à ce débat.
LOIS DE LA GUERRE : pour ouvrir ce débat, les représentants d'Amnesty international évoqueront les conditions d'application du droit international dans le cadre des conflits armés, et spécifiquement par Israël et les états arabes : résolution des Nations-Unis, convention de Genève, torture, cibles non discriminatoires, colonisation de territoires occupés, assassinats de dirigeants adverses, mobilisation des enfants…
DROITS DE L'HOMME : la LDH proposera d'examiner le respect des droits de l'homme par les parties en conflit : droit au retour des réfugiés, libertés démocratiques, application de la justice par l'Autorité palestinienne, liberté de circulation, liberté de la presse, accès à la santé des Palestiniens, tactique et stratégie policières et militaires, menaces terroristes, développement des intégrismes religieux…
- Participants et animateurs : outre les représentants d'Amnesty international, de la Ligue des Droits de l'Homme et du MRAP, participeront : Albert AGHAZARIAN professeur à l'Université de Birzeith, Bernard BOTIVEAU chercheur du CNRS à l'Institut de recherche et d'études sur le monde arabe et musulman (IREMAM), professeur à l'Institut d'études politiques d'Aix en Provence et à l'Institut de Droit de l'Université de Birzeit, auteur de très nombreux ouvrages et articles sur le monde arabe, dont "L'état palestinien" aux Presses de Sciences Po (1999), Kamal BOULLATA peintre, écrivain, Jean-Pierre CHAGNOLLAUD universitaire, directeur de la revue " Consciences de la Méditerranée ", Annie FIORE journaliste spécialiste du Moyen-Orient, auteur de "Rêves d'indépendance - Chronique du peuple de l'Intifada" (Editions de L'Harmattan - 1994) elle a publié de nombreux reportages dans Le Monde diplomatique, l'Humanité, Jeune Afrique Economie, Michel FOURNIER, chef de région Moyen-Orient à Amnesty International, Norma MARCOS cinéaste palestinienne, Pierre-Alexandre ORSONI président de l’Association médicale franco-palestinienne - Marseille (sous réserve), Israël SHAMIR écrivain et journaliste israélien, Geoffroy SOUTRELLE journaliste...
A l'issue de ces discussions, ponctuées de pauses diverses, (autour de la "librairie", y compris avec un ou des auteurs qui pourront présenter et signer leurs livres), débat général et conclusion en fin d'après-midi.
Expositions de peintures et de photographies.
[Renseignements auprès de la LDH Cannes : 04 92 18 13 92 / rossi.henri@wanadoo.fr - Possibilité de restauration sur place. Repas à 75 FF sur réservation obligatoire au 04 93 93 39 87]
            
Réseau
        
1. Doute et certitude de Israël Shamir
[traduit de l'anglais par Annie Coussemant]
La discothèque russe, le Dolphi, dévastée par l'explosion de vendredi soir, se situe sur le rivage de Manshieh, un quartier palestinien en ruines de Jaffa, non loin de là où j'habite. Quant mes fils étaient adolescents, leurs amis avaient l'habitude d'y aller. Ce sont des jeunes innocents, arrivés sur le littoral palestinien avec leurs parents après le démantèlement de l'Union soviétique. Ces jeunes parlent le russe, leurs contacts avec les jeunes Israéliens, filles et garçons du même âge, sont très limités, autant que leur intérêt pour ce qui ce qui se passe dans le pays. Nombre d'entre eux sont blonds avec les yeux bleus, certains ont le look "punk" qui date un peu, et ils boivent plus que de raison. Ils se qualifient eux-mêmes de "génération perdue". Très peu sont juifs au regard de tout critère raisonnable d'appartenance. D'ailleurs, la radio israélienne a fait savoir qu'il serait tout à fait impossible d'enterrer les victimes dans le sanctuaire que représente le cimetière juif. Leur destin dans l'État juif n'est pas facile : ils sont censés servir dans l'armée mais celle-ci se montre réticente à l'idée de leur faire prononcer leur sermon d'allégeance sur l'Évangile. S'ils meurent, on les enterre au-delà de l'enceinte, avec les suicidés.
Tout comme les minorités druze et circassienne, la communauté russe, forte d'un million de personnes, n'est de toute évidence pas un partenaire pour les tenants de la suprématie juive. Les Russes font l'objet de discriminations.  Mal rémunérés, leurs emplois ne leur assurent aucune garantie de revenu. Ils payent des intérêts énormes (trois fois plus élevés qu'aux États-Unis) pour les prêts qui leur sont consentis à titre "d'allocation d'installation" ou "d'aide au prêt hypothécaire". Nombre de Russes font baptiser leurs enfants, et les jolies jeunes femmes de cette communauté se marient souvent avec des Palestiniens. De fait, en dépit des règles de séparation, les Russes qui épousent des Palestiniens sont aussi nombreux que ceux qui épousent des Israéliens. C'est pourquoi il importe de souligner à quel point les circonstances de l'explosion demeurent entourées d'un nuage de mystère.
INFOPAL a exprimé des doutes quant à savoir si "un quelconque mouvement islamique était ou non capable de mener une action aussi vigoureuse, étant donné que la plupart des attentats-suicides de ces derniers jours n'avaient entraîné ni victimes ni dégâts graves". En revanche, les forces de sécurité israéliennes ont le savoir-faire et les moyens nécessaires pour provoquer d'un seul coup une réorientation majeure d'alliance chez la communauté russe. Elles ont prouvé leur absence totale de scrupules en 1949, lorsqu'elles ont bombardé la synagogue de  Bagdad afin de précipiter le départ des Juifs irakiens pour Israël. Dans les années 90, elles ont fait courir des rumeurs de pogroms imminents à Moscou, ce qui a conduit les parents des enfants du Dolphi à décider de partir pour Tel-Aviv. D'ailleurs, Madeleine Albright  a déjà qualifié de "moyen justifiable" le fait de tuer des enfants non juifs. Bien sûr, elle parlait des enfants irakiens qui mouraient à cause de l'embargo imposé par les États-Unis mais à Tel-Aviv, ses amis en ont tiré leurs propres conclusions.
Dans bien des années, les Palestiniens éclairciront les circonstances mystérieuses de la vague d'attentats-suicides ratés de 2001. Ils découvriront qui avait ciblé la discothèque russe (et pourquoi), ou bien les quartiers hassidiques les plus défavorisés de Jérusalem, ou autres lieux à la marge. Ils découvriront alors les raisons pour lesquelles les seuls attentats "couronnés de succès" visaient avant tout des jeunes qui,  dans leur grande majorité, n'étaient pas juifs.
Mais le doute ainsi exprimé n'est pas le seul. Susanne Scheidt (Italie) s'interroge de façon parfaitement légitime : "Comment se fait-il que, l'été dernier, alors qu'aucun soulèvement palestinien n'était en vue, nous avons pu lire dans la presse de nombreux articles selon lesquels, chaque fois que des Palestiniens se présentaient sur la plage de Tel-Aviv, le maillot de bain dans leur sac, ils étaient immédiatement repérés par la police israélienne et éconduits ? "Est-il possible qu'un Palestinien avec un sac à dos puisse se faufiler dans la queue d'une discothèque sans être de connivence avec les services de sécurité ? Jusqu'à présent, nous avons des doutes. Voyons si nous pouvons les transformer en certitude.
L'an dernier, nous avons assisté à une redoutable guerre des gangs pour la mainmise sur les night clubs russes. Les belligérants avaient pour habitude de jeter des grenades à main à l'intérieur des clubs en concurrence, ce qui se traduisait par un certain nombre de victimes. Les propriétaires de discothèques de Tel-Aviv se battent pour un même marché. Leurs méthodes ne sont pas excessivement policées. Il ne serait pas impossible de laisser entendre que l'attaque mortelle de l'entrée de la discothèque russe fût le résultat d'une guerre des gangs, et non le fait d'un kamikaze palestinien. Il y a un an, une effroyable explosion s'est produite à la station de métro moscovite Pouchkine, qui a immédiatement été imputée à des terroristes tchétchènes. On a su par la suite que la station avait été visée par des fauteurs de racket, les commerçants ayant refusé de payer la rançon de la protection.
S'il s'avère que l'attentat est effectivement dû à une bande rivale originaire de la ville voisine de Netania, par exemple, les avions des forces de défense israéliennes vont-ils la bombarder ? L'armée va-t-elle assiéger Netania ?  le Conseil municipal de Netania va-t-il être dénoncé en tant qu'organisation terroriste ? Pas du tout ! Cette méthode de punition collective est réservée aux seuls Palestiniens. Ce qui est une erreur. Gaza devrait être traitée de la même manière que Netania, Mahmud et Anton devraient avoir les mêmes droits que Doron et Boris. Il est fort probable qu'alors, ni suspicion ni doute ne soit plus fondé.
Il convient de nous inscrire en faux non seulement face aux hypothèses prématurées d'une participation palestinienne mais aussi face au racisme que sous-tend la notion de sanction collective. Les Israéliens vont un peu vite en la matière. Lorsqu'un seul et unique terroriste juif a abattu un diplomate allemand à Paris en 1938, le gouvernement nazi a réagi en déclenchant la "Nuit de cristal", pogrom massif où des centaines de Juifs ont trouvé la mort. Lorsqu'un terroriste pro-irakien isolé a abattu un diplomate israélien en 1982, le gouvernement israélien a déclenché l'invasion israélienne au Liban, qui a fait quarante mille victimes. Ces méthodes étaient probablement en usage à l'époque de Gengis Khan, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Le lendemain de l'attentat-suicide, la populace israélienne a voulu lyncher des Palestiniens et détruire les mosquées de Jaffa. La police s'est opposée à leur avancée et les médias israéliens en ont fait leurs choux gras. Pour ma part, je ne vois aucune raison de féliciter la police : elle savait, comme nous tous que l'on peut compter sur l'armée israélienne pour lyncher la foule palestinienne. Pas de doute là dessus : les Palestiniens seront visés simplement parce qu'ils appartiennent au même groupe ethnique que le soi-disant terroriste.
Nul n'exige "des Juifs" qu'ils payent pour les malversations de Milken, Rich ou Maxwell, ni pour les massacres perpétrés par Sharon. "  Le peuple palestinien " n'a pas à payer pour les dérapages de certains individus ". Alors qu'on peut encore raisonnablement douter de l'identité des poseurs de bombe, une chose est sure : les sanctions collectives fondées sur la notion d'ethnie constituent un crime contre l'humanité.
             
2. A la recherche d'une issue par Fayçal Al-Husseini
in AMIN (Arabic Media Internet Network) juin 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

[Cet article inédit est le dernier a avoir été écrit, le 24 mars 2001, par Fayçal Husseini, membre du Comité Exécutif de l'OLP, chargé de Jérusalem, récemment décédé.]
Les attentes à propos de la politique extérieure émergente de la nouvelle administration Bush ne manquent pas. Ces attentes ne sont nulle part aussi pressantes qu'au Moyen-Orient, région ballottée en permanence entre les promesses de la paix et les menaces de la guerre. Avec l'éruption de l'intifada palestinienne et l'arrivée au pouvoir en Israël d'un gouvernement de droite, beaucoup voient s'éloigner les perspectives d'un accord de paix global. Mais s'il est un message qui doit être envoyé à l'administration Bush, c'est bien : "gardez vous de sous-estimer les changements en cours au Moyen-Orient".
Les huit années du processus de paix n'ont apporté aucune amélioration réelle à la situation du Palestinien lambda et il en est résulté une érosion de l'adhésion populaire à ce processus. Tandis que nous conquérions, c'est vrai, le premier gouvernement représentatif palestinien, le Palestinien moyen voyait ses revenus réduits de moitié. Les bouclages perpétuels de l'armée israélienne ont anéanti l'économie palestinienne et donné à Israël un ascendant écrasant sur un gouvernement palestinien chancelant. Depuis le début de l'intifada, en septembre dernier, Israël a usé largement de son pouvoir d'arrêter les flux de la main-d'oeuvre et du commerce en imposant le blocus. Il en est résulté une diminution de moitié du produit national brut (palestinien) et une augmentation catastrophique du chômage, d'au moins quarante pour cent. Plus inquiétant encore, la construction de colonies israéliennes dans les territoires palestiniens, telle l'implantation de Har Homa, près de Bethlehem, continue et les colonies existantes s'étendent, tout cela au détriment des terres des Palestiniens. Le Premier ministre Ariel Sharon, en allant "visiter" l'Esplanade des Mosquées, à Jérusalem, a mis le feu aux poudres de l'intifada actuelle, mais les bûches du brasier étaient bel et bien déjà là, résultat de huit années de marasme et de pessimisme croissant.
Malgré tout, comme nous l'avions fait, il y a dix ans de cela, avec l'administration du Président américain Bush Senior, nous faisons encore le choix de la paix telle que définie par la Conférence de Madrid, en 1991, comme moyen d'aller de l'avant, Malgré les difficultés délibérément crées et la violence qui nous ont été infligées au cours des cinq mois écoulés, nous, Palestiniens, restons attachés aux principes de la recherche d'une solution négociée avec Israël, sur la base des résolutions 242 et 338 de l'ONU, et du droit au retour (des réfugiés), défini par la résolution 194. Je pense qu'une solution est encore possible.
Les négociations menées dans l'urgence absolue à Taba ont permis d'établir des ponts importants, absolument nécessaires si l'on veut trouver une solution définitive. On y a débattu, pour la première fois et sérieusement, de concepts tels celui de "ville ouverte" pour Jérusalem, dans laquelle liberté d'accès et sécurité adéquate soient garanties à tous, et celui  d'échanges réciproques et équitables de territoires, sur la base des frontières antérieures à juin 1967. Le progrès réalisé à Taba a été proprement étonnant, et pourrait constituer les prémices d'une paix durable préservant les intérêts tant des Palestiniens que des Israéliens.
Même si le gouvernement israélien récemment élu considère que les progrès accomplis à Camp David et à Taba ne comptent pas, il n'existe pas d'autre option que de retourner à la table des négociations. Et nous ne pouvons pas attendre, pour ce faire, que le calme soit revenu dans nos rues car la seule façon de mettre réellement un terme aux violences, c'est de se pencher sur les origines du conflit. Les agissements intolérables d'Israël réprimant et infligeant des châtiments collectifs (tels les démolitions de maisons, les bouclages, l'imposition de couvre-feu, et les exécutions politiques extra-judiciaires) commis ostensiblement afin de ramener la "sécurité", ne contribuent en fait qu'à susciter plus de protestation de la part des Palestiniens. 
De plus, l'Autorité palestinienne connaît actuellement une grave crise financière et institutionnelle, due en grande partie aux politiques israéliennes de châtiment collectif et d'étranglement économique. Les mesures sécuritaires d'Israël dans les territoires palestiniens sont largement responsables des troubles actuels.
Une fois encore, il est urgent de restaurer la confiance entre les deux parties et d'entamer un processus visant à l'obtention d'un règlement définitif. Le rôle américain, dans ce processus, est crucial, mais il est primordial que les Etats-Unis adoptent une position équilibrée. Il est impératif, par exemple, que le gouvernement américain ne déplace pas son ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem tant qu'un accord définitif n'aura pas été signé (c'est à ce moment-là, seulement, que les Etats-Unis devraient ouvrir, non pas leur ambassade, mais leurs deux ambassades, à Jérusalem). Procéder à un transfert d'ambassade avant un accord définitif ne pourrait que torpiller le processus de paix et avoir des répercussions désastreuses pour les Etats-Unis dans l'ensemble du Moyen-Orient.
L'administration Bush serait aussi bien inspirée de reconnaître les failles des solutions proposées par l'administration Clinton qui l'a précédée. Le futur Etat de Palestine doit être un état viable, disposant des possibilités de développer ses centres urbains et de la garantie que des contrôles et des obstructions douanières israéliens ne puissent interrompre un approvisionnement régulier de ses entreprises. Comme les autres Etats de par le monde, la Palestine doit être un Etat souverain dans tous les sens du terme, disposant d'accès libres à ses pays limitrophes et jouissant de la maîtrise pleine et entière de ses voies de communication. Jérusalem doit être reconnue pour ce qu'elle est : le coeur politique, économique et culturel de l'Etat palestinien, et seul site concevable pour sa capitale.
La paix est encore possible si elle est recherchée sur les bases de la raison et non celles des rapports de force. Comme nous l'avions entreprise, il y a dix ans, l'ancien président américain Bush et moi-même, la quête de la paix doit être fondée sur les principes de la légalité internationale et elle doit passer avec succès le double examen de l'honnêteté et de la confiance. Nous ne pouvons plus longtemps nous payer le luxe du maintien du statu quo et nous ne pouvons continuer plus longtemps à débattre des principes. Les deux parties ont formulé les délinéaments d'un accord de paix durable. Un tel accord doit être mis en application sans tarder, si l'on veut voir la stabilité revenir dans la région.
             
3. Fayçal par Hanan Ashrawi
in AMIN (Arabic Media Internet Network) juin 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Hommage de Hanan Ashrawi à Fayçal Al-Husseini.
Ta disparition est comme ce silence absolu qui suit une trop brève ondée printanière, silence interdit d'un sol brûlé soudain privé de la pluie promise.
Lorsque le khamsin s'abat, il souffle son haleine brûlante et desséchée, répandant partout la poussière jaunâtre des sables du désert.
Nous vivons dans cette zone aride, dans cette phase friable qui trouble la vision, brûle les yeux, fait grincer les dents et enfler la langue sous l'effet d'une soif qui ôte tout sens aux mots.
Ca passera. Pas ta mémoire.
Mes souvenirs de toi sont si colorés et variés que je ne songe même pas à les énumérer.
A Londres, un jour, tu avais déjoué la vigilance de tous les agents de la sécurité et des services secrets, pour emmener une jeune fille de quatorze ans qui avait le mal du pays, Amal, déjeuner dans quelque restaurant incognito, et au calme....
Comme tu l'avais fait rire, cet après-midi là, tenant le rôle du bouffon pour ma princesse esseulée tandis que moi, la maman éperdue de reconnaissance, je restais assise, calme, retenant des larmes de gratitude.
"Oncle Fayçal est tellement drôle!", s'était-elle exclamée.
"Quel est ton souvenir le plus marquant de lui ?", lui ai-je demandé lorsqu'elle est passée me voir pour consoler et être consolée de ta disparition.
"C'est quand il jouait au 'Game Boy' avec Zeina", me répondit-elle doucement. Ta gentillesse envers sa soeur, ta manière de partager l'innocence et la spontanéité de son monde enfantin, était désormais une image figée du passé.
Et Zeina, elle aussi, se souvient. Elle refuse de retenir un souvenir particulier. "C'est sa bonté bouleversante", dit-elle dans un sanglot. "Pourquoi a-t-il fallu qu'il meure ? Cela veut-il dire quelque chose, qu'a-t-il voulu nous dire ?"
Toutes deux à l'étranger, elles n'ont pu voir ni partager le flot humain qui a fracassé tous les barrages militaires, agitant les drapeaux aux couleurs de la Palestine et les drapeaux noirs du deuil, accompagnant ce dernier pèlerinage à Jérusalem, le tien.
Ce n'est pas ainsi que j'aurais imaginé ton retour, t'ai-je murmuré, tandis que je me précipitai à Jérusalem, au milieu de la foule, moi aussi.
Meurtrie par l'écrasement de la foule des participants à ton deuil, à Ramallah, j'ai pu toucher un cercueil plombé porté par des hommes en uniforme. J'ai ressenti une douleur différente, mais non, je ne t'ai pas trouvé : tu n'étais pas là.
J'ai vu tes funérailles à travers tes yeux fermés. "Il aurait dit : "ça va..", ai-je dit à Emile un peu après. "Des funérailles dignes pour un homme humble", me répondit-il.
Emile se souvient à quel point tu aimais les fruits secs et les noix lorsque tu venais nous voir ou lorsque nous tenions des réunions clandestines à la maison. "On devrait tenir toutes nos réunions chez vous", avais-tu dit. "Ces gâteaux aux dattes et aux noisettes sont extra". Les précautions indispensables à notre sécurité nous contraignaient à changer les lieux où nous tenions nos réunions secrètes de manière inopinée. Le plus inopiné et le moins sûr de ces endroits, tu y a trouvé la mort, ton dernier déménagement.
Des milliers et des milliers de personnes ont convergé vers la Maison d'Orient pour un dernier adieu. "C'est notre quartier général", avais-tu dit à James Baker. "Son immunité doit être respectée".
Il n'y a pas d'immunité contre la mort - et pas de consolation.
"Gardez la tête haute", ai-je seulement pu dire, avant de fondre en sanglots, à tes chers enfants, Fadwa et Abed, en les embrassant. "Votre père a été notre fierté, à nous tous" (Et je venais de perdre un frère et mon plus cher ami tandis que la Palestine perdait son fils le plus éminent).
Tu voulais que tes enfants rencontrent leurs moitiés et se marient, de ton vivant. En vrai père, tu me demandas, un jour,  "qui pourrait bien être digne d'eux ?". Mère de deux enfants moi-même, je t'avais répondu : "Personne!" ne plaisantant qu'à moitié.
Najat, Imm el-Abed, était effondrée : "toi, mieux que n'importe qui, tu savais quel homme honorable était Fayçal". Elle est inconsolable. "Un jour, je lui avais dit : pour moi, tu es comme le Prophète", s'est-elle souvenue. "Rappelle-toi, je n'arrêtais pas de le supplier : "ne pars pas, ne me laisse pas, ce n'est pas sûr"". Je me rappelai.
Je me rappelais aussi comment un sourire plein d'affection se dessinait toujours sur ton visage à chaque fois que tu prononçais son nom, Najat. "Elle s'en fait trop". Mais tu n'oubliais jamais de lui téléphoner.
Elle savait les risques que nous prenions : "Veillez sur lui. Il ne fait jamais attention à lui". J'ai essayé, comme j'ai pu, mais tu ne t'es jamais écouté.
Les colons, les garde-frontières, l'armée, la police, tous, nous les avons affrontés. Au premier rang de la manifestation (pour protéger d'autres, moins connus, derrière nous), en nous tenant par les coudes (pour maintenir les rangs), jusqu'à ce que les matraques, les coups de poing, et même les crosses de fusils ne nous scindent en cibles plus petites. Plus d'une fois frappés, plus d'une fois suffoquant à cause des gaz lacrymogènes (et avec ton asthme, cela nous causait une énorme inquiétude), les yeux larmoyants, les membres endoloris, nous tenions le terrain jusqu'à ce que nous soyons sûr que le dernier interpellé ait bien été relâché, un certain jour. Mustafa, Sami, Nasser et bien d'autres, tous ces garde du corps dévoués, tous ces compagnons, ces fils, tous te pleurent comme seuls pleurent des orphelins. Ils t'avaient protégé de leur propre corps, alors : ils ont porté ton cercueil sur tout le chemin depuis Ramallah, courant, pleurant, hagards.
Tu t'es détaché des premières lignes pour être élevé au-dessus de la tête des porteurs, puis on t'a déposé, pour ton dernier repos, auprès de ton père. La seule place arrière où tu te sois jamais assis, c'était derrière les premiers rangs, ceux de la prétention : trop de "leaders", de courtisans, d'ambitieux en quête de célébrité et de fortune, jouant des coudes et poussant les autres, souriant faussement et se démenant pour occuper une place aux rangs d'honneur. Tirant ta révérence, subrepticement, vu seulement par ceux qui étaient capables de distinguer la dignité vraie et l'humilité, tu observais leurs petites manigances, plein de pitié et de bienveillante indulgence.
Outrée par les poignards que l'on te plongeait perpétuellement dans le dos, je t'ai souvent crié (ce que je regrette aujourd'hui d'avoir fait) : "Réponds-leur ! Fais tomber les masques ! Tu connais leur vrai visage". Tu souriais, ce qui ne faisait que m'exaspérer un peu plus encore. Mais maintenant, j'ai compris. Tu as eu raison d'eux en étant meilleur qu'eux.
Beaucoup s'esclaffaient : "Comme c'est chrétien !" "Tendre ainsi l'autre joue..." Tanya, que j'ai rencontrée à la veillée m'a dit que tu avais le visage d'un saint, que tu ressemblais à une icône. Ces posters ne t'ont pas rendu justice, sauf peut-être pour la tristesse du regard. Ils avaient été pris à la dérobée.
Tu avais toujours senti la proximité de la fin, te posant la question de savoir combien de personnes assisteraient à ton enterrement, et qui ? On ne t'a pas abandonné. Des cohortes et des cohortes de peine sincère et d'affection authentique ont conflué, on n'y voyait pas de fin, vers Jérusalem.
Le soleil, la chaleur, le khamsin, tout était aussi cautérisant que ta mort elle-même.
Aucune barrière n'aurait pu les contenir, aucun barrage militaire, aucune carte d'identité de la mauvaise couleur. La vague humaine a fait irruption et l'occupation israélienne a cédé. Le miracle de cette libération momentanée de Jérusalem ne s'est jamais produit qu'au prix de ta disparition. Aucune occupation n'aurait eu la force de repousser la peine d'un peuple affligé et loyal qui, par amour pour toi, était tout entier tendu vers ta ville éternelle, pour t'y accompagner jusqu'à ton ultime repos.
Fils de Jérusalem, père de Jérusalem, le peuple de ta ville a pleuré leur état nouveau-né et néanmoins orphelin. Comme ton père et ton grand-père avant toi, aucun autre lieu sur Terre ne pouvait accueillir assez dignement ta dépouille pour cette étreinte suprême.
C'est dans le Haram al-Sharif, le Noble Sanctuaire, que tu a trouvé un refuge. En vue du dôme étincelant de la Coupole du Rocher, (qui arborait les couleurs de la Palestine et du deuil, qu'un jeune homme palestinien valeureux brandissait, défiant les lois de la gravité), tu t'es frayé un chemin au milieu des incantations, des cris, des larmes et des vivat des fidèles.
Je n'ai pas tenu debout très longtemps. Ecoutant les discours, je ne pouvais que les entendre avec tes oreilles, exactement comme je ne pouvais voir ton cortège funèbre qu'avec tes yeux. Alors qu'un fidèle m'aidait à m'asseoir, très aimablement, j'ai aperçu Abed, très droit, qui semblait se dire à lui-même, et dire à sa soeur : "être fort". Je lui ai fait une place à côté de moi, en arrière, les intervenants occupèrent le devant de l'estrade.
"Ca y est, il est enterré à Al-Aqsa... ", dit doucement Abed. Nous échangeâmes un regard, nous soutenant mutuellement. Ta hantise, nous le savions tous deux, était d'être tenu à l'écart du lieu de sépulture de ta noble lignée. "... c'est la volonté du peuple qui l'a amené là-bas : l'occupation israélienne n'a rien pu faire contre", conclut Abed. Au cours d'une première interview télévisée, ce soir-là, il a redit ces mêmes mots. Tu n'as plus rien à craindre. Et tu peux être fier.
Nous vivons en état de siège. Dans l'impossibilité d'aller à Jérusalem et à la Maison d'Orient pour y trouver consolation et y apporter du réconfort, j'essaye de lancer des ponts au-dehors de notre prison collective. J'ai parlé au téléphone à Fadwa (elle s'efforce d'être forte, pour sa mère). Najat se demande toujours quel sens peut bien avoir la vie maintenant que Fayçal est parti, et tu n'es plus là pour la consoler. Sa peine est trop profonde pour que je puisse l'alléger.
Tu es libre, désormais. Ni siège, ni prison, ni fils de fer barbelés, rien ne peut te retenir, et tu sais ce qu'ils signifient, tu les as tous connus. Beaucoup de ceux qui te connaissaient à l'étranger ont appelé, Israéliens, Européens, Américains : tous ont le sentiment d'avoir perdu un proche. Je me souviens de ta dignité, quand tu avais parlé à un Président en sa Maison Blanche, tout comme je me souviens de ton humilité devant un habitant de Jérusalem dont on venait de détruire la maison, et ta compassion pour une mère que tu réconfortais : son fils venait d'être condamné à la prison à vie. Je me souviens de tes paraboles et de tes anecdotes au beau milieu de séances de négociation pleines de componction.
D'avoir laissé des souvenirs innombrables ne devrait pas faire de toi un souvenir. Non il ne faut pas. Il faut que tu restes la force pour conquérir la liberté, l'incitation à conserver la dignité, l'essence de l'humanité. Il faut que tu demeures la source inspiratrice du charisme par l'exemplarité du service et le ressort du courage par la constance de l'humilité.
Tu aurais dû rester parmi nous. Mais tu nous a quittés, avec le khamsin soufflant en rafales et la terre desséchée se crevassant sous nos pieds.
Je n'ai pas de notes à écrire en vue d'une conférence, pas de plan stratégique à préparer, pas de meeting politique à organiser (ta plaisanterie favorite, du "Tink Tank", flotte encore dans l'air). Je te demande de me pardonner, car tu devras te contenter de ces confidences personnelles. Quels mots pourraient-ils être assez forts pour te rendre suffisamment hommage ?
          
Revue de presse

       
1. Les Palestiniens et Israël acceptent le plan de cessez-le-feu américain
in The New York Times (quotidien américain) du mercredi 13 juin 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Ramallah, Cisjordanie (Reuters) - Le Directeur de la CIA, George Tenet a obtenu l'accord des Palestiniens, ce mercredi, sur un "plan de travail" déjà accepté par Israël, visant à mettre un terme à huit mois d'effusion de sang.
"Nous avons accepté le document américain. Sa mise en application débutera demain," a déclaré aux journalistes le ministre palestinien de l'information, Yasser Abed Rabbo, après que l'espion en chef des Etats-Unis ait eu une conversation, tard dans la nuit de mardi, avec le président Yasser Arafat, en Cisjordanie.
"Il y aura une réunion trilatérale sur les questions de sécurité, ainsi qu'une rencontre politique bilatérale avec les Américains".
Israël avait déclaré, peu auparavant, accepter les propositions américaines en vue de l'arrêt de violences qui avaient éclaté en septembre dernier.
"Les Etats-Unis sont satisfaits de voir qu'un plan de travail a pu être accepté par les deux parties", a déclaré un officiel américain à Washington.
"Son objet est de reprendre la coopération en matière de sécurité, de mettre un terme à la violence et de restaurer le statu quo ante (retour à la situation existante avant l'insurrection palestinienne).
Le secrétaire du gouvernement israélien Gideon Saar a déclaré au début de la journée de mercredi que tout dépendait désormais du leader palestinien.
"Arafat sera jugé à ses actes", a-t-il déclaré à la radio israélienne. "S'il revient effectivement à une politique de réduction de la violence et de prévention contre le terrorisme et contre les incitations à la violence de la propagande, alors ce plan pourra permettre d'avancer.
"Mais si ce n'est pas le cas, nous resterons dans la situation où nous nous trouvons depuis plusieurs mois", a-t-il ajouté.
Tenet, qui entamait la sixième journée de sa mission de médiation au Moyen-Orient, a rencontré Arafat à Ramallah, en Cisjordanie.
Arafat, a indiqué Abed Rabbo, a remis à l'Américain une lettre détaillant ses objections relatives à l'un des points de son plan.
Les officiels palestiniens ont manifesté leur désaccord sur le fait qu'Israël demandait de créer des zones tampons (entre les forces israéliennes et palestiniennes) s'enfonçant de 500 mètres à l'intérieur des territoires palestiniens, ce qui équivaudrait, de leur point de vue, à une réoccupation.
Abed Rabbo a indiqué que Tenet allait retourner aux Etats-Unis, laissant à d'autres officiels américains la tâche de mettre le plan en action.
Tandis qu'Arafat et Tenet étaient en réunion, des tirs que l'on soupçonne être ceux de Palestiniens ont atteint une voiture, près de la colonie juive de Maale Adumim, en Cisjordanie, tuant un pope grec, a déclaré l'armée israélienne. La voiture portait une plaque d'immatriculation israélienne.
Une période de refroidissement
Les détails du projet Tenet n'ont pas été communiqués à la presse.
Mais Raanan Gissin, porte-parole du premier ministre israélien Ariel Sharon, a indiqué que ce plan appelle à une "fin des violences", suivie d'une période de six semaines, destinée à réduire la tension.
Les deux parties ont déclaré qu'elles considéraient ces propositions comme une manière (acceptable) de mettre en application les recommandations contenues dans le rapport d'une commission d'enquête formée par l'ancien Sénateur américain George Mitchell.
Le rapport Michell prône une cessation des violences, suivie d'une période de réduction des tensions et d'établissement de la confiance, qui comporte notamment le gel de la construction de colonies juives en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, avant la reprise des négociations en vue d'un règlement global.
"Aujourd'hui, la partie palestinienne n'a pas signé ce document (le plan Tenet)", a déclaré Abed Rabbo. "Les Palestiniens ne le signeront que lorsque l'ensemble des recommandations Mitchell sera adopté, en priorité l'arrêt de toute activité de construction de colonies. Nous considérons que ce document est un plan de travail s'intégrant dans un ensemble plus large."
Abed Rabbo a indiqué que les Palestiniens attendaient de Washington qu'il oeuvre afin d'obtenir la levée du blocus imposé par Israël aux localités palestiniennes et au retrait des troupes de l'armée israélienne jusqu'aux positions qu'elles tenaient avant le déclenchement de l'insurrection.
De son côté, Israël exige la cessation des violences avant de faire le moindre geste (en ce sens).
"L'intifada continue"
Tandis que Tenet parlait avec Arafat à l'intérieur du quartier général du leader palestinien, des centaines de Palestiniens manifestaient à l'extérieur, criant leur détermination à continuer l'insurrection : "L'intifada continue".
"Nous sommes venus ici pour dire au directeur de la CIA, qui est venu (uniquement) pour sauver Sharon : "dehors!". Nous disons à Arafat de ne pas se soumettre à Tenet et de rejeter ses propositions. Notre résistance continuera jusqu'à la fin de l'occupation", a déclaré Marwan Barghouthi, l'un des leaders du mouvement Fatah, d'Arafat.
Ce sont au minimum 455 Palestiniens, 111 Israéliens et 13 Arabes israéliens qui ont perdu la vie depuis le déclenchement (par les Palestiniens) de l'insurrection qui a fait suite au grippage de négociations de grande envergure sur une paix globale.
Sharon, dans une allocution devant des hommes d'affaires, hier, a déclaré qu'il avait décidé d'accepter le plan Tenet et de voir s'il amènerait à une diminution des affrontements.
"Je ne peux pas dire que ce plan m'emballe, mais globalement, on peut y travailler et avancer", a déclaré Sharon.
Gissin a indiqué qu'Israël a accepté la proposition (Tenet) de façon à pouvoir passer à l'application sur le terrain des recommandations Mitchell.
Des analystes ont dit qu'Arafat aurait à faire face à de grandes difficultés pour tenter de vendre à son peuple un cessez-le-feu sans qu'Israël ne prenne des mesures concrètes en matière de levée du blocus et de redéploiement (retrait) des forces armées israéliennes.
Dans ses commentaires aux journalistes, Abed Rabbo n'a pas fait mention de ce qui avait (pourtant) représenté une pierre d'achoppement d'importance : l'exigence d'Israël qu'Arafat procède à l'arrestation de centaines de militants qu'il (Israël) accuse d'être responsables de violences contre des Israéliens.
Les Palestiniens ont déclaré qu'ils arrêteraient des activistes préparant des attaques (contre Israël), mais qu'il n'était pas question qu'ils procèdent à des arrestations en masse sur la base d'une liste de personnes recherchées établie par Israël.
Tenet est arrivé dans la région la semaine dernière, après qu'un attentat-suicide palestinien ait tué vingt et une personnes, parmi lesquelles le kamikaze palestinien, devant une discothèque de Tel Aviv, le 1er juin.
Le lendemain de l'attentat, Arafat (sous la pression internationale et sous la menace d'une opération punitive massive de l'armée israélienne) avait proposé un cessez-le-feu.
Des responsables israéliens ont indiqué que le niveau de violence a baissé de manière significative depuis lors, en Cisjordanie comme dans la bande de Gaza, mais que des colons israéliens sont toujours l'objet d'attaques de Palestiniens.
Nombreux sont les Palestiniens à considérer légitime de prendre pour cibles des colons vivant sur des territoires occupés par Israël au cours de la guerre de juin 1967.
         
2. Les firmes d'armement israéliennes sur leur trente-et-un pour le salon aéronautique de Paris par Arieh O'Sullivan
in The Jerusalem Post (quotidien israélien) du lundi 11 juin 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Les officiels de la défense pensent que les exportations en matériels "de défense" israéliens vont rééditer le record enregistré l'an dernier, avec une valeur de 2,5 milliards de dollars.
Amos Yaron, directeur général du Ministère de la Défense, a déclaré hier qu'Israël est le sixième, si ce n'est le cinquième, exportateur d'armements dans le monde, mais il a précisé qu'il s'agit-là d'un commerce difficile.
"Les exportations de matériel de défense, ce n'est pas du gâteau", a-t-il, en effet, déclaré. "Il faut tenir compte des dimensions diplomatiques et militaires, pour ne pas parler du fait que bien souvent, des (pays) amis sont en concurrence..."
D'après Yaron, la décision d'acheter israélien, lorsque vous faites vos courses dans le grand bazar militaire, ne relève pas seulement des aspects qualitatifs, il y a aussi des facteurs politiques, dont il faut tenir compte. Il a cité notamment l'exemple de la tentative de vendre le missile anti-tanks israélien Gil aux Pays-Bas, (tout ce qui se fait de mieux dans le genre au plan mondial, a-t-il tenu à préciser).
On dit que ce marché représente une valeur d'au minimum 250 millions de dollars, mais le gouvernement néerlandais hésite, sous la pression des partis de gauche, au parlement, qui disent que cette acquisition serait inappropriée, étant donné le conflit actuel entre Israël et les Palestiniens.
Yaron a toutefois démenti que l'intifada ait eu un quelconque impact négatif sur les bonnes performances d'Israël en matière d'exportations militaires.
Il s'exprimait lors d'une conférence de presse tenue à Tel Aviv en avant-première de la présentation de ses produits par Israël au salon aéronautique du Bourget, qui ouvrira ses portes (pour ainsi dire) la semaine prochaine.
Parmi les productions israéliennes dont le public aura la primeur, citons le moteur du turbo-jet extensible TS 151, développé par la compagnie Moteurs Beit Shemesh, dans le cadre de ce qui a toutes les apparences d'un programme de développement d'un système de missiles dits "de croisière" (missiles sans doute nucléaires, ndt).
Le clou du pavillon israélien sera le système de missiles Arrow ("Flèche") et son système associé de radars de détection avancée Green Pine (Mon Beau Sapin ?... ndt) présenté au public, lui aussi, pour la première fois... Autre grande "première" : celle du missile air-air Rafael's Derby, à trajectoire subsonique.
Le salon aéronautique de Paris se tient tous les deux ans au Bourget, tout à côté de la capitale française, entre le 16 et le 24 juin. Il est considéré comme la première manifestation au monde des industries aérospatiales, et le lieu où il faut être, se mélanger, flâner et faire du lèche-vitrine, pour les responsables de la défense. "Notre objectif est de présenter la puissance des armes et des systèmes défensifs produits en Israël", a confié Yaron à ses auditeurs.
"Nous sommes convaincus qu'en en faisant étalage, nous pourrons faire la promotion de nos productions à l'export et, ce faisant, améliorer nos relations avec des pays importants pour Israël."
"La diplomatie et les exportations d'équipements de défense sont très mêlées. C'est dans la nature du produit", a ajouté Yaron.
Le pavillon israélien vante ses 270 000 mètres carrés d'exposition, financés par les industriels de la défense, pour un montant de 600 000 dollars.
Les principaux produits mis en avant par Israël sont les aéronefs, les drones (aéronefs sans pilote) et les missiles air-air. Toutes ces petites merveilles sont considérées comme les points forts d'Israël dans le petit monde des stylistes de la défense.
L'un des produits exposés sera le missile de croisière, d'une portée de 400 kilomètres, produit par les Industries (nationales) Israéliennes de l'Armement. Il porte le nom, charmant, de Dalilah...
Le salon aéronautique de Paris est considéré si important que trois ministres projettent d'y assister. Ce sont le ministre de la défense Binyamin Ben-Eliyahu (en fait : Eliezer, erreur du journal, ndt), le ministre des transports Ephraim Sneh et le ministre de la Science (!), de la Culture (!!!) et des Sports (!!), Matan Vilnai. La vice-ministre de la défense Dalia Rabin-Pelosoff, (fille de feu Yitzhak Rabin, ndt) y est également attendue.
On attend plus de cent mille visiteurs, au cours de ce long week-end, parmi lesquels les ministres de la défense de nombreux pays et des officiels de haut rang (de haute volée, devrait-on écrire, ndt).
"Le meeting aérien en lui-même n'est que l'amuse-gueule de tractations de coulisses", a indiqué Yossi Ben-Hanan, chef du Département des Exportations de défense et de l'Assistance à l'Etranger en matière de Défense, du Ministère israélien de la Défense.
"En une semaine, nous allons avoir plus de rencontres ("d'affaires", ndt) que nous n'en avons habituellement durant tout le reste de l'année, a déclaré Ben-Hanan, ajoutant qu'il pouvait s'agir notamment de contacts très discrets avec des pays qui ont quelque réticence à s'afficher tout de go en compagnie de représentants d'Israël.
"Nous mettrons l'accent sur le fait que nous sommes tout disposés à entrer en affaires avec des pays avec lesquels nous ne traitons pas encore, et c'est là un message très très important.", a dit Ben-Hanan.
Tant Yaron que Ben-Hanan s'exprimaient, hier, devant les journalistes, conviés à un briefing au cours duquel ils leur ont remis le Catalogue (de la Redoute ?ndt) des Productions Israéliennes de Défense les plus courantes. Pour la première fois, ce Catalogue - très prisé ; on se l'arrache - concernant l'ensemble de la défense et de la sécurité israéliennes était disponible en version espagnole, a fait remarquer Ben-Hanan (avec une fierté non dissimulée).
Parmi les firmes israéliennes d'armement à participer au Bourget, citons Elbit Systems/Elop, Controp, Elisra, GM Cases, Israel Aircraft Industries, Kap Air, Magma Betihut, Plasan Sasa, Rada, Radom, SGD et TAT.
          
3. Fébrilité autour du cessez-le feu après un bombardement israélien (trois victimes) par Phil Reeves
in The Independent (quotidien publié en Grande-Bretagne) le lundi 11 juin 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Des efforts frénétiques en vue du sauvetage d'un cessez-le-feu fragile et partiel entre Israël et les Palestiniens continuaient à être déployés hier soir, après que trois femmes (bédouines) aient été tuées dans la bande de Gaza, sous leur tente, par des obus d'artillerie.
Plusieurs milliers de Palestiniens, dont certains clamaient : "Mort à Israël! Vive l'Intifada!" - sont descendus dans les rues de Gaza, hier, pour accompagner le cortège funèbre des trois victimes, des bédouines vivant dans la bande côtière confinée derrière les barbelés.
Des officiels palestiniens, sous le coup de l'émotion, ont demandé qu'Israël et la communauté internationale condamnent ce qu'ils ont qualifié de "meurtres de sang-froid" (trois obus de tank ont explosé juste à côté de la tente où se trouvaient les victimes).
Le chef d'état-major de l'armée israélienne, le lieutenant-général Shaul Mofaz, a déclaré que la mort des trois femmes, intervenue tard dans la journée de samedi, peut être attribuée à une éventuelle erreur commise par les troupes israéliennes, qui se trouvaient sous des feux croisés provenant de quatre directions à la fois, a-t-il avancé. Israël est critiqué depuis quelques mois par les organisations de défense des droits de l'homme pour ses bombardements de zones civiles par tanks et hélicoptères, mais un porte-parole de l'armée a répété hier qu'elle répliquait à des tirs palestiniens et qu'elle ne visait que le point dont ces derniers provenaient.
La mort de Nazra al-Malalha (65 ans), de sa fille Hikmat (18 ans) et de Salimah al-Malalha (43 ans) porte le nombre de femmes arabes tuées au cours de l'intifada à seize, d'après des membres de LAW, une association palestinienne de défense des droits de l'homme. Au cours de ce bombardement, deux autres personnes ont été grièvement blessées.
Ces bédouines ont été les premières victimes après une interruption du conflit consécutive à un attentat qui avait coûté la vie à vingt-et un jeunes Israéliens, principalement des immigrés de l'ancienne Union soviétique. Un kamikaze s'était fait sauter avec sa bombe à l'entrée d'une discothèque de Tel-Aviv, il y a dix jours, et cet attentat avait amené Yasser Arafat à annoncer qu'il respecterait un cessez- le feu (bien que partiel), déclaré par Ariel Sharon peu auparavant.
Ce bombardement a été l'attaque la plus sérieuse dirigée contre les Palestiniens depuis que M. Sharon eût envoyé des avions F-16, il y a trois semaines, bombarder plusieurs objectifs palestiniens en Cisjordanie, tuant onze policiers à Naplouse, après un attentat-suicide contre des Israéliens.
Bien que l'effusion de sang ait baissé d'intensité depuis le cessez-le feu, la violence a continué, sous la forme notamment de tirs contre des automobilistes israéliens, d'attaques au mortier, et de lancers de pierres, qui ont entraîné notamment les graves blessures d'un bébé israélien de cinq mois (décédé depuis cet article, ndt), et des attaques anti-arabes de colons juifs en Cisjordanie.
Samedi, dix-sept Palestiniens, au moins, ont été blessés par les tirs des soldats israéliens utilisant des balles enrobées de caoutchouc et néanmoins mortelles (car en acier), alors qu'ils tentaient de franchir un barrage israélien, en Cisjordanie.
Hier, des pressions internationales se sont exercées sur les deux parties au conflit afin de les inciter à persévérer dans un cessez-le-feu chancelant, qui constitue, dans le projet de la Mission Mitchell, le premier pas en direction d'une reprise des négociations.
William Burns, envoyé spécial américain au Moyen-Orient, a publié une déclaration très mesurée, exprimant le "regret profond" de son pays pour la mort des trois femmes palestiniennes et demandant à l'armée israélienne de réduire au maximum les risques pour les civils lorsqu'elle réplique à des tirs palestiniens, tout en demandant par ailleurs aux Palestiniens de mettre un terme à leurs attaques contre Israël.
M. Arafat a rencontré l'envoyé spécial de l'Union européenne pour les questions de sécurité, M. Javier Solana, ainsi que Goran Persson, premier ministre suédois, dont le pays assure actuellement la présidence de l'Union.
Cette dernière joue un rôle croissant dans les efforts diplomatiques en cours ayant pour but d'étouffer le brasier moyen-oriental.
Dans une déclaration publiée après ces rencontres, le leader palestinien s'est engagé à "continuer à rechercher l'application pleine et entière des recommandations Mitchell, prises dans leur ensemble, incluant notamment le gel total des activités israéliennes en matière de colonies, y compris leur soi-disant "croissance démographique naturelle"".
Les officiels palestiniens et israéliens s'apprêtaient hier pour une rencontre, dans l'après-midi, dans la ville cisjordanienne de Ramallah, avec le chef de la CIA, George Tenet, envoyé dans la région par l'administration Bush qui - s'étant rendu à l'évidence - est d'ores et déjà amenée à s'impliquer plus profondément dans (le traitement) du conflit.
Lors de cette réunion, les deux parties devaient décliner leurs réponses à une liste de propositions de M. Tenet, formulées certes par les Américains, mais très largement inspirées par le rapport de la mission Mitchell.
Selon le quotidien israélien Ha'Aretz, ces propositions comportent le retrait des troupes israéliennes jusqu'à leurs positions du 28 septembre 2000 (date du déclenchement de l'intifada) ; la fin des bouclages israéliens dans les territoires occupés ; l'arrestation par les forces de sécurité palestiniennes d'une vingtaine à une trentaine d'activistes du Hamas et du Jihad islamique ; la fin de la propagande anti-israélienne dans les médias palestiniens et la confiscation des mortiers et autres armes à feu interdites.
Les difficultés, des deux côtés, sont multiples.
Ainsi, des porte-parole officiels palestiniens ont fait savoir qu'ils n'avaient nullement l'intention, pour l'instant, d'emprisonner des militants islamistes, tandis qu'Israël continue à vouloir édulcorer l'appel à un gel total de la construction d'implantations. Ajoutez à cette profonde suspicion mutuelle le ressentiment réciproque, la colère populaire et la présence de fanatiques prêts à tout, d'un côté comme de l'autre, et vous aurez une idée de la situation, qui offre un tableau rien moins que sombre.
          
4. Pourquoi Sharon est un criminel de guerre. Un témoin oculaire des massacres de 1982, à Sabra et Shatila raconté par Dr. Ben Alofs
in Media Monitors Network du mercredi 6 juin 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Je suis un médecin hollandais, vivant actuellement au pays de Galle. Durant l'été 1982, j'étais infirmière à Beyrouth-ouest, alors assiégée par l'armée israélienne.
Le négociateur américain Philip Habib avait été le médiateur d'un accord, selon lequel l'armée israélienne s'engageait à ne pas occuper Beyrouth-Ouest, après le départ des fedayin Palestiniens. Un autre aspect fondamental de cet accord était que les Etats-Unis garantiraient la sécurité de la population civile palestinienne, qui ne partait pas, elle. L'évacuation, supervisée par une force internationale de maintien de la paix, se passa dans l'ordre, et fut achevée le 1er septembre, soit bien avant le 26, date convenue. C'est pourquoi les forces de maintien de la paix quittèrent Beyrouth entre le 10 et le 13 septembre. Le 3 septembre se produisit la première violation de l'accord Habib, lorsque les forces israéliennes occupèrent Bir Hassan, dans la banlieue sud de Beyrouth. Auparavant, Sharon avait déclaré qu'il voulait voir les forces de maintien de la paix quitter Beyrouth.
Après l'assassinat de Bashir Gemayel, chef charismatique et néanmoins impitoyable des Phalangistes, alliés d'Israël, Ariel Sharon donna l'ordre d'envahir Beyrouth Ouest sous le prétexte d'y restaurer "la loi et l'ordre". Contrairement à ce que cette déclaration tonitruante laissait entendre, la situation à Beyrouth-Ouest était parfaitement calme, à cette date. L'invasion israélienne constituait une violation très sérieuse de l'accord Habib. Mais ce qui est plus important, et qu'il convient de retenir, c'est que dès le début de l'occupation de Beyrouth-Ouest, l'armée israélienne, en tant que force d'occupation, devenait responsable, en vertu du protocole 1 de la quatrième Convention de Genève, de la sécurité de la population civile placée sous son contrôle.
Deux journalistes israéliens, Zeev Schiff et Ehud Ya'ari ont décrit comment Sharon a insisté afin que des miliciens Phalangistes soient envoyés dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et de Shatila (lire leur ouvrage "La guerre israélienne au Liban"). Pour atteindre cet objectif, Sharon avait tenu des réunions, le 15 septembre, avec Elie Hobeika, Fadi Efrem et Zahi Bustani, chefs des milices, ainsi qu'avec Amin et Pierre Gemayel, chefs politiques du parti Phalangiste. Les chefs de l'armée israélienne, Sharon y compris, avaient pleine conscience de l'état d'esprit des phalangistes, peu après l'assassinat de leur chef. Quiconque connaissait ne fût-ce que superficiellement les sentiments des Phalangistes à l'égard des Palestiniens savait ce qui se passerait si on les laissait pénétrer dans les camps de réfugiés. 'Tell al-Zaatar' est un nom tristement célèbre tant au Liban qu'en Israël. Ce camp, situé à Beyrouth-Est, où j'ai rencontré des réfugiés palestiniens pour la première fois de ma vie, en 1975, avait été assiégé cinquante-trois jours durant par les Phalangistes et les "Tigres" de la milice maronite, durant l'été 1976. Après la reddition des Palestiniens, la Croix Rouge internationale, qui aurait dû garantir un "sauf-conduit" à la population des camps, avait été incapable d'empêcher le massacre de plus de mille civils...
Les généraux de l'armée israélienne Eitan, Drori et Yaron ont mentionné l'obsession de la revanche qui tenaillait les Phalangistes, qui évoquaient une "mer de sang" et le "kasah" (prise d'assaut). En dépit de leurs observations, Ariel Sharon donna le feu vert aux Phalangistes, qui entrèrent à Sabra et à Shatila. C'était un certain 16 septembre 1982, à la nuit tombante.
Au moment-même où le meurtre se perpétrait, je travaillais à l'hôpital Gaza du camp de Sabra. Le chaos et la confusion régnaient. De nombreux blessés arrivaient à l'hôpital et notre morgue se retrouva engorgée en très peu de temps. La plupart des victimes avaient été blessées par balles, mais certains avaient été atteints par des éclats d'obus. Le 17 septembre, il était clair que les Kata'eb (les Phalangistes) et/ou les miliciens de Saad Haddad (recrutés et équipés par Israël) étaient en train de massacrer les civils. Un garçon de dix ans nous fut amené. On lui avait tiré dessus, mais il vivait encore. Il avait passé toute la nuit, blessé, couché sous les corps de ses parents, et de ses frères et soeurs, tous morts. Durant la nuit, les meurtriers étaient assistés par l'armée israélienne, qui illuminait pour eux le théâtre des opérations en parachutant des fusées éclairantes...
Je travaillais dans une équipe de médecins et infirmiers scandinaves, britanniques, américains, hollandais et allemands. Nous avions insisté auprès des personnels palestiniens de l'hôpital, les priant d'aller se mettre à l'abri dans le nord de Beyrouth-ouest. Le samedi 18 septembre au matin, nous avons été arrêtés par les miliciens de la Phalange et de Saad Haddad. Ils nous forcèrent à abandonner nos patients et nous emmenèrent hors de Sabra et Shatila, par la route principale. Nous avons vu en chemin des centaines de femmes, d'enfants et d'hommes adultes, qui avaient été raflés. Nous avons vu des corps un peu partout, sur la route et dans les ruelles adjacentes. Les miliciens nous hurlaient après et nous traitaient de "Baader Meinhof". Une infirmière palestinienne qui pensait être en sécurité au milieu de nous, fut reconnue et emmenée derrière un mur. Quelques minutes après, nous entendîmes la rafale de son élimination.
Juste à notre arrivée à la sortie du camp, j'ai vu une scène qui ne s'effacera jamais de mon esprit : un monceau de terre rougie de sang, avec des bras et des jambes qui en sortaient. A proximité du monceau de bouillie humaine, un bulldozer militaire avec des inscriptions en hébreu. Dès que nous fumes sortis du camp, on nous a intimé l'ordre de quitter nos blouses de médecins et on nous a alignés contre un mur. C'est alors qu'arriva un officier, dans une jeep de l'armée israélienne : il nous sauva la vie en donnant l'ordre aux miliciens de nous livrer à cette dernière. Tout au long des limites sud et ouest des camps, nous avons vu des tanks et des véhicules blindés israéliens.
Après interrogatoire à leur QG militaire, les Phalangistes nous emmenèrent au poste avancé israélien, à seulement 75 mètres de là. Il s'agissait d'un immeuble de quatre ou cinq étages, à la lisière du camp de Shatila. (Quelques semaines plus tard, je me trouvais sur la terrasse de cet immeuble : il offrait une vue imprenable sur les ruines de Shatila). Les soldats israéliens étaient visiblement embarrassés de se retrouver avec plus d'une vingtaine d'Américains et d'Européens sur les bras. Ils nous demandèrent ce que nous souhaitions. Nous leur répondîmes que nous voulions retourner à l'hôpital Gaza. Impossible, nous dit-on alors, trop dangereux... Finalement, deux d'entre nous furent autorisés à retourner à l'hôpital, munis d'un laissez-passer en hébreu et en arabe : il y avait certainement coordination entre les Israéliens et les miliciens... Les Israéliens avaient la situation en mains. Il leur était impossible de voir exactement ce qui se passait dans les ruelles étroites de Sabra et Shatila. Mais très peu de temps après le début du massacre, des rapports individuels de soldats israéliens en faisant état commencèrent à converger. Le commandement militaire israélien n'a pas tenté d'y apporter une réponse immédiatement, en imposant la cessation de la boucherie, loin de là : des groupes de civils, qui tentaient de sortir des camps avec des drapeaux blancs, y furent renvoyés de force...
Même le samedi 18 septembre au matin, le jour où nous fumes "sortis" des camps, nous avons vu des groupes de la relève des Phalangistes y pénétrer sous l'oeil scrutateur des Israéliens. Vingt minutes environ après que nous ayons dépassé un groupe important de femmes, d'enfants et de vieillards, sur la route principale de Sabra, nous avons entendu une orgie de rafales de mitrailleuses. Swee, un orthopédiste, me dit qu'une femme palestinienne avait tenté de lui confier son bébé, comme si cette femme avait la prémonition de ce qui allait se passer. Le bébé fut arraché des bras de Swee et rendu à la mère. Le dimanche 19, je suis retournée à Sabra et Shatila avec deux Danois et un journaliste hollandais. L'armée libanaise entourait le camp et s'efforçait de tenir les journalistes à l'écart. Nous pûmes trouver un passage et entrâmes dans le camp. Nous fûmes tous sous le choc, face à l'étendue des destructions et la sauvagerie des crimes. Les Israéliens avaient donné l'ordre aux miliciens de quitter le camp, dans la journée du samedi. Ceux-ci avaient eu le temps de mener à bien beaucoup plus encore de destructions et de massacres après que nous ayons été emmenés hors des camps, dans la matinée du même jour. La Sécurité civile libanaise avait commencé à récupérer les corps qui n'avaient pas eu le temps d'être enfouis par les bulldozers. Nous ne saurons jamais exactement combien de personnes ont été massacrées durant ces terribles journées des 16, 17 et 18 septembre 1982. 1 500, peut-être ? 2 000 ? Plus, encore ?
A la fin novembre, les pluies d'automne commencèrent à tomber, et les égouts, saturés, inondèrent Sabra et Shatila. La saturation des égouts était due, en partie, à des corps qui y avaient été jetés. Les corps récupérés par la Sécurité civile libanaise avaient été enterrés dans une fosse commune à Shatila. Une grande fosse commune avait été creusée dans un terrain de golf voisin, et d'autres, prévues, ne furent jamais creusées. Le gouvernement libanais et son nouveau président, Amin Gemayel, frère de Bashir, l'avaient interdit. Le premier ministre israélien, Begin, déclara : "des Goyim tuent des Goyim, et en plus, ils mettent en cause les Juifs..." Bien sûr, Hobeika, Efrem et leurs hommes étaient directement responsables des massacres. Mais ils n'auraient jamais pu se produire, si Sharon n'avait pas donné délibérément et sciemment le feu vert à toute l'opération.
Sharon voulait éliminer les derniers restes de l'infrastructure de l'OLP au Liban, quel qu'en fût le prix. J'étais à Sabra et Shatila. Il n'y avait pas là "deux ou trois mille terroristes", comme le prétendait Sharon. Les seuls "terroristes" qui y vivaient, c'était des garçons de dix-douze ans, qui tentaient de protéger leurs familles avec des petits fusils tout juste bons à chasser les oiseaux. Si seulement une centaine de feddayin étaient restés dans les camps, rien de ce qui s'est passé ne serait advenu...
Quand on met un serpent venimeux dans le berceau d'un enfant et que celui-ci meurt, c'est la personne qui a mis le serpent dans le berceau qui est directement responsable del a mort de cet enfant. Par conséquent, les commandants israéliens Eitan, Drori et Yaron ont une responsabilité directe, mais par-dessus tout, Ariel Sharon. C'était lui, le chef. Il aurait pu éviter cette tragédie, mais il voulait chasser les Palestiniens de Beyrouth en Jordanie, qui était le véritable "Etat palestinien", d'après lui. Deir Yassin revisité. "Animaux à deux pattes" : voilà comment Begin appelait les Palestiniens, en 1982. Eitan, lui, évoquait "des cafards drogués, dans une bouteille". Cette déshumanisation des Palestiniens était - est toujours - la cause du désintérêt total manifesté dans l'armée israélienne pour la vie d'un Palestinien.
Il faut rendre hommage aux 400 000 Israéliens qui ont manifesté à Tel Aviv en protestation contre les massacres. En Israël, au moins, il y eut une enquête sur les massacres, effectuée par la Commission Kahane. Le juge d'instruction libanais Germanos, pour sa honte, fut incapable ne fusse que d'identifier les perpétrateurs libanais. Les conclusions de la commission Kahane étaient fatalement biaisées et Sharon ne fut que tout juste déclaré coupable d'avoir une responsabilité indirecte dans les massacres, et qu'il n'était pas digne de la charge de ministre de la défense, par voie de conséquence. Mais cela le rendait-il digne de devenir premier ministre ? Comment la Cour Suprême d'Israël peut-elle justifier cela ? Je pense qu'à la lumière de ce que j'ai exposé plus haut, Ariel Sharon est clairement un criminel de guerre. Les victimes des crimes de guerre crient justice. C'est pourquoi Augusto Pinochet devrait être jugé, ainsi que les Radovan Karadjic, Radko Mladic et autre Slobodan Milosevic.
L'assassinat d'Intissar Ismaïl appelle justice. Intissar était une infirmière de dix-neuf ans, pleine d'allant et de charme, avec laquelle je travaillais à l'hôpital Akka, du camp de Shatila, dans la nuit du 14 au 15 septembre. Le calme régnait dans notre service, et nous écoutions la radio. Le speaker confirma la mort de Bashir Gemayel. Je décelai la peur sur le visage d'Intissar. Je tentai de la rassurer. Le lendemain matin, je laissai l'hôpital, à sept heures du matin et pris la route principale du camp de Shatila.
Soudain, des avions de chasse israéliens survolèrent le camp à basse altitude, en un rugissement de réacteurs assourdissant. A la sortie du camp, je pris un taxi pour Ras Beyrouth.
Aux carrefours, je vis de jeunes hommes libanais. Ils étaient armés et fixaient le sud. Qu'attendaient-ils ? Avec six jours de retard, je revins sur les ruines de l'hôpital Akka, entièrement brûlé. Un ambulancier me dit qu'Intissar se trouvait dans la chambre de repos des infirmières, au sous-sol, lorsque les Phalangistes avaient fait irruption. Elle fut soumise à un viol collectif, puis abattue. Son corps était méconnaissable. Ce n'est que grâce aux bagues qu'elle portait que ses parents ont pu reconnaître le corps de manière formelle.
Intissar crie justice. 2 000 innocents crient justice. Il serait satisfaisant que Sharon, dont la visite est prévue en Europe, soit arrêté et transféré à la prison de Scheveningen. Suis-je trop cynique quand je dis que l'Europe ne fait pas ce qu'il faudrait faire lorsque c'est de criminels de guerre israéliens dont il est question ? Suis-je par trop pessimiste quand j'avance que Sabra et Shatila ne sont certainement pas le premier crime de guerre commis par Sharon, et sans doute pas, hélas, le dernier ?
         
5. L'après-rapport Mitchell par Hassan Abou-Taleb
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 6 juin 2001

L'Administration Bush a décidé d'entreprendre un pas concret — bien que limité — dans le but de contrôler la situation détériorée dans les territoires occupés. Le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, a chargé l'ambassadeur américain en Jordanie, William Burns, de contacter les deux parties palestinienne et israélienne pour les inciter à appliquer les recommandations de la commission Mitchell.
Pour de nombreux observateurs, le fait de charger un diplomate américain du poids de Burns indique à lui seul un changement positif dans la réaction de l'Administration américaine vis-à-vis de la crise au Proche-Orient. William Burns, l'un des candidats au poste de sous-secrétaire d'Etat pour le Proche-Orient, est sans doute un diplomate compétent. Il appartient à ceux qu'on appelle les « diplomates traditionnels », c'est-à-dire ceux qui ont pour premier souci les intérêts des Etats-Unis. En plus de cette mission confiée à Burns, il y a eu ces déclarations où Colin Powell a estimé qu'il ne peut y avoir de solution militaire pour ce genre de problèmes (en référence au dossier du Proche-Orient). Il s'agit là des propos d'un militaire de carrière. Ces évolutions expriment la volonté des Etats-Unis qui semblent vouloir briser l'attitude « neutre » adoptée depuis l'accession du président Bush Jr au pouvoir. Cette attitude consistait à laisser les parties du conflit régler elles-mêmes leurs problèmes.
Or, cette évolution semi-positive ne doit pas être considérée séparément des autres positions de base des Etats-Unis. Celles-ci consistent à assurer la sécurité d'Israël, parrainer la politique israélienne vis-à-vis des Palestiniens, avorter toute tentative d'accuser l'Etat hébreu au sein des instances internationales et, comme pour toile de fond, à endiguer la colère arabe à chaque fois qu'elle essaye de se manifester, tout en imputant la responsabilité à la partie palestinienne ou à Yasser Arafat. A-t-on besoin de rappeler que la politique américaine concernant le conflit arabo-israélien est un exemple flagrant de la politique de deux poids, deux mesures dont souffrent beaucoup de pays tiers-mondistes ?
Quant aux recommandations du rapport Mitchell, elles ne sont qu'une tentative de sortir du cercle vicieux de la violence loin de la « solution militaire » adoptée par le gouvernement du terroriste Sharon. L'ensemble des recommandations du rapport ressemble plutôt à un « troc politique » proposant la levée du blocus israélien imposé aux territoires palestiniens et l'arrêt de la construction des colonies (seuls points positifs) contre un engagement palestinien à arrêter l'Intifada ou ce que le rapport appelle « la violence palestinienne ».
Le rapport omet volontairement la responsabilité de Sharon dans le déclenchement de l'Intifada, et néglige le fait qu'il est question d'une occupation coloniale et d'une résistance légitime d'un peuple qui veut récupérer ses territoires et établir son Etat indépendant. Le rapport veut essentiellement ramener la situation à un état proche de celui qui régnait avant le 28 septembre dernier, jour de mauvaise augure qui a témoigné de la visite provocatrice du terroriste Sharon à l'Esplanade des mosquées, protégé par la police israélienne.
Malgré ces contradictions, l'Autorité palestinienne a accepté le rapport Mitchell, estimant qu'il peut servir de « base » pour calmer la situation, sous condition qu'il soit traité comme un tout indivisible. Une condition que le président Arafat a soulignée à maintes reprises au cours de sa dernière tournée européenne. Or, cette position peut partiellement alléger les pressions internationales et américaines exercées sur l'Autorité palestinienne et priver Israël d'une occasion pour gagner un nouveau point dans le conflit diplomatique sur la scène mondiale, le fait d'accepter le rapport ne saurait aucunement réduire les pressions intérieures. En fait, revenir à la situation qui prévalait avant le 28 septembre et reprendre la coordination sécuritaire avec les Israéliens sans avoir réalisé des résultats concrets serait mépriser les sacrifices offerts jusqu'ici par les Palestiniens. Alors qu'il y a des factions palestiniennes qui sont décidées à poursuivre la résistance tant qu'elles n'ont pas reçu les garanties nécessaires pour mettre fin à l'occupation israélienne. Voilà un autre conflit que l'Autorité palestinienne doit prendre en considération.
Sinon le rapport Mitchell ressemblerait à des gouttes d'eau insuffisantes pour éteindre l'immense feu qui embrase la région. Au plus, le rapport Mitchell réussirait à établir un état de trêve.
         
6. Proche-Orient  : pas d'apaisement sans partage de la terre par Alain Dieckhoff
in Le Monde du mercredi 6 juin 2001

UN attentat particulièrement sanglant vient d'endeuiller Israël. Provoquera-t-il un salutaire ressaisissement ou précipitera-t-il la marche vers l'abîme ? La réponse ne tardera pas, mais, au vu de l'approfondissement continu de la guerre d'usure israélo-palestinienne, qui est entrée dans son neuvième mois, il faudra une énergie colossale pour sortir de l'ornière.
Le rapport Mitchell offre, certes, pour la première fois depuis l'arrivée d'Ariel Sharon à la tête du gouvernement israélien, une perspective diplomatique pour mettre fin à la crise. Il faut entretenir cette lueur d'espoir tout en mesurant sa fragilité face à la militarisation incessante du conflit.
Tout ce qui était exceptionnel hier est devenu routinier ces derniers mois : les tirs contre les lanceurs de pierres, les liquidations d'activistes du Fatah ou du Hamas, les incursions de chars en zone autonome, les raids d'hélicoptères de combat pour les uns ; le mitraillage des colonies juives et des fortins de l'armée, les attentats kamikazes pour les autres.
Dans cette escalade graduelle, l'Etat hébreu dispose d'une large panoplie, allant du fusil d'assaut aux avions, mais si les Palestiniens ont des moyens nettement moins sophistiqués, ils se sont aussi employés à modifier la donne pour montrer que la guerre d'usure ne peut pas se poursuivre "tranquillement", si l'on ose dire en Cisjordanie et à Gaza, tandis que le territoire israélien demeurerait un sanctuaire inviolé.
Les tirs de mortier, non seulement sur les colonies de Gaza, mais aussi sur les kibboutzim voisins, relèvent de cette logique. Mais c'est surtout la redoutable multiplication des attentats en Israël qui modifie la nature de l'affrontement. En gommant la frontière entre le "dehors" (les territoires palestiniens) et le "dedans" (Israël), les attentats achèvent de transformer le conflit politique entre Israéliens et Palestiniens en un antagonisme communautaire où le sang appelle le sang.
Cette évolution est terriblement préoccupante, mais on ne saurait se contenter de la déplorer, il faut interrompre pour de bon cette mécanique infernale.
Comment ?
La suprématie militaire d'Israël entretient chez certains, à commencer par Ariel Sharon, la tentation d'avoir raison du nationalisme palestinien en brisant définitivement son appareil politique. Après tout, c'est très précisément la stratégie qu'il menait déjà, en 1982, en expulsant l'OLP du Liban... avec le succès que l'on sait. Cette politique de la main de fer a échoué dans le passé, elle échouera à l'avenir car il est illusoire de vouloir éradiquer par la force les aspirations nationales d'un peuple. La voie militaire aboutit fatalement à une impasse - ce qui n'empêchera pas certains de vouloir l'emprunter.
De quelle autre issue dispose-t-on ? Imposer une solution de l'extérieur, basée sur les recommandations Mitchell et les résolutions 242 et 338 de l'ONU ? Cette option supposerait que les acteurs dominants de la scène internationale agissent, de concert, mais l'étroitesse des liens stratégiques entre Israël et les Etats-Unis empêche, pour l'heure, une pareille implication directe de la communauté internationale.
D'où alors peut bien provenir un souffle neuf ? A terme, d'un changement de perspective à l'intérieur de la société israélienne.
Aujourd'hui, les odieux attentats du Hamas et du Djihad, au cœur d'Israël, contribuent inévitablement à renforcer la solidarité nationale. Ils font taire les divisions et contribuent à l'union sacrée contre l'ennemi. Ils accréditent aussi, dans une large partie de l'opinion publique, le sentiment que toute la terre d'Israël (de la Méditerranée au Jourdain) constitue un seul front. La preuve : les Palestiniens frappent sans discrimination aussi bien les colonies que les villes israéliennes.
C'est là qu'il convient d'introduire une nuance de taille. Que les attentats perpétrés par les mouvements islamistes à Tel Aviv ou Nétanyah témoignent du refus persistant de la légitimité d'Israël est une constatation indéniable. En conclure que rien ne distingue politiquement la situation de Netzarim (dans la bande de Gaza) de Tel Aviv est une constatation spécieuse qui arrange évidemment les colons et leurs soutiens politiques mais qui doit être résolument rejetée.
La différence essentielle est toute simple : les implantations sont illégales au regard du droit parce que situées dans des territoires occupés alors que les cités israéliennes se trouvent sur le territoire souverain d'un Etat reconnu internationalement.
Cette distinction cardinale est brouillée dans l'atmosphère de violence généralisée, mais si la dégradation continue de la sécurité personnelle des Israéliens à l'intérieur de la ligne verte en amène certains à préconiser une escalade sans fin des représailles, elle devrait en conduire d'autres à une conclusion différente : le meilleur moyen de protéger les citoyens israéliens est encore d'ériger une frontière politique entre Israël et un Etat palestinien.
Comment, en effet, ne pas voir que c'est précisément l'interpénétration des deux espaces et l'absence de délimitation entre eux qui facilitent l'arrivée des poseurs de bombes en Israël ? Or, tant que l'Etat hébreu continuera d'avoir 200 000 ressortissants au-delà de la ligne verte (hors Jérusalem), la dissociation est impossible à mettre en œuvre et, partant, les flux de kamikazes ne peuvent être stoppés.
A ceux qui objecteraient qu'œuvrer à une pareille disjonction dans les circonstances présentes serait donner une "prime au terrorisme", une double réponse s'impose. D'abord, le premier devoir d'un Etat démocratique est d'assurer le droit à la sûreté de ses citoyens. Si l'insécurité du plus grand nombre est aggravée du fait d'une politique malavisée (en l'occurrence, la colonisation), il convient d'y renoncer. Israël n'a pas été créé pour permettre à des milliers d'exaltés de poursuivre leurs dangereuses rêveries messianiques et à des milliers d'autres de bénéficier d'habitations bon marché mais pour servir de lieu de refuge sûr.
Ensuite, l'argument selon lequel il conviendrait de ne surtout rien concéder lorsque le terrorisme se déchaîne est souvent avancé de mauvaise foi car, en période d'accalmie, nombre de ces pseudo-moralistes ne sont pas non plus disposés à transiger davantage puisque la situation est sous contrôle !
A cet égard, il n'est pas inutile de méditer plus avant l'exemple du Liban sud. On a beaucoup répété qu'en se retirant unilatéralement du pays du Cèdre, Israël avait envoyé un mauvais signal aux Palestiniens en les incitant à penser qu'ils pouvaient eux aussi, comme le Hezbollah, obtenir par la force le départ de Tsahal. Que cet effet d'imitation ait pu jouer, sans doute, mais il convient de filer la métaphore libanaise jusqu'au bout : depuis le retrait de l'armée, jamais, depuis vingt-cinq ans, les localités du nord d'Israël n'ont été aussi calmes, contrairement aux prévisions alarmistes de ceux qui avaient prédit qu'un déluge de feu s'abattrait sur la Galilée. Le retour sur la frontière internationale a donc eu une vertu pacificatrice.
Même si le contexte politique est différent entre Israéliens et Palestiniens, négocier l'établissement d'une frontière, et donc une partition véritable et équitable, reste l'unique moyen d'assurer la sécurité des deux peuples. Simplement, contrairement aux espoirs qu'avait soulevés Oslo, le partage ne se réalisera pas pacifiquement, de gré à gré, avec une réconciliation en profondeur à l'horizon mais sur la base d'un désengagement réciproque, sur fond de violence, dans la nécessité et l'amertume.
Qui prendra en charge cet objectif en Israël, qui accompagnera l'indispensable mûrissement de l'opinion ? Seule la gauche est en mesure d'accomplir cette tâche, non pas la "gauche" ben-gourioniste qui s'est associée sans états d'âme à la droite nationaliste, mais une gauche crédible, ouverte, sociale et civique qu'il appartient à des hommes comme Yossi Beilin et Shlomo Ben Ami de consolider.
L'ennui, c'est qu'il faut pour tout cela du temps et qu'il risque bien de venir très vite à manquer alors que chacun fourbit ses armes.
- Alain Dieckhoff est directeur de recherche au CNRS (Centre d'études et de recherches internationales, Paris).
           
7. Cessez-le-feu : réactions palestiniennes par Pénélope Larzillière
in La Croix du mardi 5 juin 2001

Plus se prolonge l'attente des représailles israéliennes après l'attentat de Tel Aviv, plus l'angoisse monte sur les territoires palestiniens. Exprimant un sentiment d'impuissance totale, les plaisanteries résignées fusent : qu'est-ce qu'ils vont  nous envoyer cette fois-ci : des Tornados ? Les policiers ont quitté dimanche les bâtiments publics et les ministères ont été désertés. Bureaux et magasins ont fermé pour permettre à leurs employés de rentrer plus tôt. Avec un blocus renforcé, le trajet promettait d'être long entre détours, marche à pied et attentes aux checks points. L'enthousiasme soulevé par la marche vers Jérusalem à l'occasion des obsèques de Faysal Husseini était bien loin. Loin l'euphorie de ces jeunes Palestiniens brandissant fièrement leur carte d'identité orange qui leur interdit normalement l'entrée de la ville. Perçu comme le résultat des énormes pressions internationales exercées sur lui, l'appel au cessez-le-feu de Yasser Arafat n'a tout d'abord pas soulevé grand intérêt, pas plus que ne l'avait fait l'annonce israélienne d'un cessez-le-feu unilatéral qui, sur le terrain, entre blocus, descentes dans les villages et tirs en provenance des colonies ne s'était guère fait sentir. Suite à des tirs sur leur voiture, deux Palestiniens sont morts hier près de Ramallah tandis que la ville de Rafah essuyait des tirs de tank dans la matinée.« L'emploi même du terme de cessez-le-feu sert à renforcer l'image médiatique construite par les Israéliens de deux armées qui se combattent. » souligne Mustafa Barghouti, figure importante de la gauche palestinienne « la réalité, c'est une Autorité fragmentée qui contrôle 10% du territoire, le reste appartenant à l'armée d'occupation. Arafat s'est laissé prendre dans un piège stratégique. A mon avis, Monsieur Sharon veut instaurer une terreur psychologique totale et maintenant il va pouvoir se servir du moindre incident pour justifier ses attaques militaire. ». Analyse que conforte Roger Heacock, directeur du département d'études internationales de l'Université de Bir Zeit « . Le cessez-le-feu était demandé par les Palestiniens depuis le début de l'Intifada. Une fois décrété par les Israéliens, Arafat aurait du saisir l'occasion et déclarer : nous sommes maintenant à égalité. Il est évident qu'il ne peut pas contrôler tout acte de violence sur les territoires et certainement pas les islamistes or toute opération pourra être utilisée contre lui. ». Contacté par téléphone, Abd al Aziz El Rantisi, numéro deux du Hamas, a insisté sur le fait que seul le peuple palestinien pouvait décréter l'arrêt du soulèvement. « Tant que se poursuit l'occupation, il n'y a aucune raison de stopper nos actions. »a-t-il ajouté. Réuni à Gaza, le Comité National et Islamiste (qui comprend entre autres Fatah, FPLP, FDLP. Hamas et Djihad Islamique) a exprimé le même point de vue dans son communiqué : "Notre peuple a le droit de se défendre contre l'agression, l'occupation et la colonisation, et de poursuivre l'Intifada populaire, qui est un moyen de lutte légitime contre l'occupation de nos terres et pour appliquer nos droits internationaux". Cela ne s'oppose cependant pas nécessairement à l'appel d'Arafat car les Palestiniens comprennent sous le terme d'Intifada populaire avant tout les actions comme les manifestions, le boycott et les jets de pierre. Parmi les activistes, les sentiments étaient partagés. « si c'est un ordre d'Arafat on le suit », explique le responsable d'un groupe d'activistes sur Ramallah. Cependant, plus au Nord où la fragmentation du territoire rend moins sensible la présence de l'Autorité Palestinienne, des oppositions se révélaient : « il n'y a pas de raison de s'arrêter alors que Sharon, lui, continue l'agression » s'exclame ainsi un membre des Jeunesses du Fatah du camp de Balata à Naplouse. Les tensions à l'intérieur du Fatah entre cadres de terrain et proches d'Arafat apparaissent également à travers les déclarations en partie contradictoires de ses leaders. « l'Intifada et la résistance continuera aussi longtemps qu'un colon juif et un soldat israélien seront présent sur notre sol." affirme Marwan Barghouti, leader de l'Intifada sur Ramallah surtout. « Nous appliquerons la décision de cessez-le-feu du Président. » explique quant à lui Hassan is Cheikh, proche d'Arafat et concurrent direct de Marwan Barghouti. "Nous offrons la possibilité de terminer cette guerre menée par le gouvernement d'Israël contre le peuple palestinien." Arafat semble cependant avoir encore les moyens de contrôler la plus grande partie du Fatah. Pour les forces islamistes, il ne pourrait le faire qu'en procédant à une vague d'arrestations massives, ce qui soulèverait une importante partie de la population contre lui.
        
8. Ils devront pourtant coexister, un jour par Baudouin Loos
in Le Soir (quotidien belge) du mardi 5 juin 2001
Le qualificatif d'« inqualifiable » ne peut servir de paravent devant l'horreur qu'inspire l'attentat islamiste de Tel-Aviv vendredi dernier. On peut au moins ajouter : abominable et injustifiable. Comment, dès lors, ne pas comprendre le vif sentiment tout à la fois paranoïaque et revanchard qui envahit beaucoup d'Israéliens ?
Fallait-il vraiment la mort atroce de ces jeunes fêtards pour que, le prix du sang payé, les Palestiniens envisagent un cessez-le-feu ? Les choses n'apparaissent pas de manière aussi tranchée. Ces Palestiniens ont la conviction de mener le dernier combat pour l'indépendance. L'indépendance non de quelques « bantoustans » qu'Israël leur offrait jusqu'ici, mais celle du pourcentage minimum de la Palestine, 22 %, qu'ils se sont résolus, en grande majorité, à accepter, à savoir tous les territoires occupés depuis 1967. Les plus radicaux estiment légitimes les méthodes les plus sanglantes.
On peut traiter Yasser Arafat de tous les noms, le fait est qu'il suit plus son peuple qu'il ne l'emmène, dans cette galère. Son soudain appel au cessez-le-feu, fruit de pressions multiformes, risque du reste de montrer toute l'étendue de la faiblesse d'« Abou Ammar ». Trente-quatre années d'occupation ont produit tant de souffrances, d'humiliations que les pires débordements, surtout quand ils portent la soi-disant caution d'Allah, sont devenus depuis longtemps possibles. Hideux mais possibles. « Nos deux peuples sont devenus des monstres », disait feu Fayçal Husseini.
La très compréhensible paranoïa des Israéliens énonce que les Arabes veulent une Palestine du fleuve (le Jourdain) à la mer (la Méditerranée). Le vécu palestinien, en miroir, est celui d'une dépossession depuis la mer jusqu'au fleuve. Car voilà où se situe l'invincible contradiction d'Israël : la majorité des Israéliens réclament une séparation totale d'avec leurs voisins palestiniens, mais celle-ci se révèle impraticable en raison des quelque 170 implantations, les colonies juives, qui strient méthodiquement les territoires occupés jusqu'au fleuve. Des colonies notamment installées dans le but de prévenir l'instauration d'un Etat palestinien bien que celui-ci fût inscrit dans le sens de l'histoire. Mais des colonies, aussi, qui prospèrent plus que jamais depuis le début du « processus de paix » défini à Oslo en 1993. Des colonies qui, selon leur architecte Ariel Sharon, resteront toutes en place à l'avenir.
Il ne faut s'en cacher : les colonies juives, de fait, empêchent l'épanouissement d'un Etat palestinien. Elles empêchent de même qu'une vraie séparation physique mette les haines réciproques derrière un mur. Il ne reste qu'à espérer - sans illusions  - que les puissances de ce monde, celles qui en ont les moyens d'influence, les Etats-Unis et l'Europe, réussissent à imposer à ces deux peuples un juste partage de la terre. Car ils devront pourtant bien coexister, un jour.
            
9. Vers une redistribution des cartes au Moyen-Orient
in Le Magazine (hebdomadaire libanais) du vendredi 1er juin 2001

"Sanctions intelligentes" contre l'Irak
Pour la première fois depuis onze ans, l'embargo imposé à l'Irak semble se déliter sérieusement. Les Etats-Unis et leurs alliés britanniques tentent désespérément par l'intermédiaire de sanctions dites «intelligentes» d'insuffler une nouvelle vie à un blocus qui a fait jusqu'aujourd'hui 1,7 million de morts. Enjeux géopolitiques d'un embargo immoral
Le 15 avril dernier, un tanker transportant du pétrole irakien faisait naufrage au large des côtes émiraties. Loin d'être le premier du genre, l'accident a pourtant soulevé des rumeurs selon lesquelles le pétrolier aurait été délibérément coulé par les forces navales américaines. C'est dans le souci de retourner l'opinion publique de la région, favorable à la poursuite de la contrebande du pétrole irakien, que les Américains auraient provoqué ce désastre écologique dans les eaux du Golfe. Coïncidence ou pas, l'interception des pétroliers en provenance d'Irak s'est multipliée ces derniers temps. Cet incident coïncide également avec l'intensification des efforts des Etats-Unis pour rallier l'Onu et les pays arabes limitrophes de l'Irak à une nouvelle version revue et corrigée de l'embargo qualifié pudiquement de «sanctions intelligentes».
Le Proche-Orient à l'heure américaine
Le 17 janvier 1991, les Etats-Unis inauguraient le nouvel ordre mondial en déversant sur l'Irak 95000 tonnes de bombes (dont 300 à l'uranium appauvri), soit le double des bombes larguées par les belligérants tout au long de la Deuxième Guerre mondiale. Ainsi commençait la descente aux enfers de tout un peuple sous le couvert de la «légalité internationale». Désormais leaders incontestés du nouvel ordre mondial, les Etats-Unis imposent leur hégémonie à l'ensemble de la planète. A la Russie et à la Chine par leur force militaire, aux alliés européens et japonais par leur mainmise sur le pétrole, dont dépend la survie de leurs industries. Au Proche-Orient, seul Israël sort grandi de cette confrontation en se trouvant débarrassé à peu de frais de la redoutable puissance militaire irakienne. Le reste du Proche-Orient se met à l'heure américaine. La conférence de paix de Madrid est convoquée en 1991 par les Etats-Unis aux conditions israéliennes, comme l'a déclaré en personne l'ancien secrétaire d'Etat américain James Baker. L'Irak, vaincu et détruit au sens littéral du terme, est ramené, toujours selon les propres termes de Baker, «à l'époque préindustrielle». Les sanctions internationales imposées par les Etats-Unis soumettent l'Irak à un embargo qualifié cyniquement par Madeleine Albright du «plus efficace» et du «plus original de l'histoire». Elaboré en 1996, le programme «pétrole contre nourriture et médicaments» est mis en œuvre pour justifier le maintien du blocus et organiser l'appauvrissement de l'Etat qui fut, avant sa destruction, le pays le plus industrialisé du monde arabe. Sans pour autant sauver la population irakienne dont les enfants succombent par milliers, victimes de la sous-alimentation et des maladies dues à la carence des médicaments.
L'essor de la contrebande
Le calvaire du peuple irakien soulève une vague d'indignation qui gagne les quatre coins du monde, y compris de larges secteurs de l'opinion publique occidentale. Les fissures commencent à apparaître et gagnent en ampleur à partir de 1997. La Russie, la Chine et la France réclament timidement la levée de l'embargo mais sont toujours paralysées par le veto américain. Entre l'Irak et ses voisins (Etats du Golfe, Syrie, Iran et surtout Turquie et Jordanie), la contrebande s'organise. Pour échapper à l'asphyxie, l'Irak vend son pétrole à des prix dérisoires (entre 6 et 8 dollars le baril, qui gravite autour de 25 dollars au marché mondial). Les économies réalisées par la Jordanie sont évaluées à plus d'un milliard de dollars. Celles de la Turquie atteignent 4 milliards de dollars.
Cependant, c'est du côté de la Syrie que s'effectue le grand tournant.
Damas, qui n'a récolté de la guerre contre l'Irak que l'isolement et la vulnérabilité face à l'alliance militaire israélo-turque, s'est trouvé fragilisé face aux pressions des politiques, économistes et, à un certain degré, militaires des Etats-Unis. Constamment accusé de «terrorisme», il se voit inclus avec la Corée du Nord, l'Iran, la Libye et Cuba dans la liste des Etats qualifiés par Washington de «voyous». Déjà, bien avant la mort de Hafez el-Assad, Damas acquiert la certitude que, pour lui, la seule voie de salut réside dans un renversement problématique d'alliances dans la région. Lentement et prudemment, la Syrie entame avec l'Irak un long processus de rapprochement qui sera couronné en avril dernier par un accord officiel de libre-échange. Cet accord modifie de fond en comble les règles du jeu dans la région. Il permet à l'Irak de desserrer l'étau qui l'étranglait depuis onze ans et jette les régimes arabes dans l'embarras face à leurs opinions publiques pro-irakiennes dans leur quasi-totalité. L'Egypte, que nul ne peut accuser d'anti-américanisme, adhère au marché commun syro-irakien. Il ne s'agit plus désormais d'une simple violation de l'embargo, mais bien de son rejet pur et simple. Si l'accord avec l'Egypte reste relativement symbolique en raison de l'éloignement géographique, c'est surtout l'ouverture totale des frontières syro-irakiennes qui a en fait sonné le glas du blocus imposé par Washington à l'Irak. La cadence des échanges s'accélère de façon dramatique au détriment de la Turquie et de la Jordanie qui redoublent d'efforts pour rester dans la compétition. L'Irak reçoit de Syrie ou à travers elle le gros de ses achats et écoule vers elle tous ses produits exportables. Les ports de Tartous, Banias et Lattaquié travaillent à pleins tubes. L'oléoduc Kirkouk-Banias est remis en service, assurant l'écoulement vers la Syrie de 100000 barils de pétrole irakien par jour. Et selon la déclaration du président syrien lui-même, un oléoduc de plus grande puissance est en construction à l'heure actuelle.
L'Amérique hausse le ton
L'Amérique en alerte hausse le ton. Elle se rend compte avec inquiétude qu'un nouveau regroupement au Moyen-Orient risque de modifier le statu quo établi depuis onze ans sur les ruines de l'Irak. La nouvelle alliance en gestation entre Bagdad et Damas, lui-même allié à l'Iran et aux mouvements arabes anti-israéliens (Hezbollah et Résistance palestinienne en tête), risque d'inverser le rapport des forces dans la région et d'ébranler l'ordre américain qui régit le Moyen-Orient depuis la «Tempête du désert». Dès lors, la bataille n'est plus seulement celle des sanctions imposées ou à imposer à l'Irak, mais bel et bien de l'avenir de la suprématie américaine et de sa mainmise sur le pétrole du Golfe. C'est dans ce contexte que les Etats-Unis et leurs alliés britanniques proposent les sanctions dites «intelligentes» et qui ne sont, rappelons-le, qu'une version revue et corrigée à la hausse des sanctions en vigueur depuis 1996.
Le Conseil de sécurité, qui doit se réunir le 4 juin prochain, se trouve dans une impasse, vu les réticences de la France et de la Chine et l'opposition russe aux nouvelles sanctions. Mais quelle que soit l'attitude des grandes puissances, l'initiative anglo-américaine est vouée à l'échec car, pour la première fois, ce sont les pays limitrophes de l'Irak qui dictent la loi. Damas est plus décidé que jamais à aller de l'avant dans sa fructueuse coopération avec Bagdad, prélude à une alliance stratégique politico-économique (et peut-être militaire), seule capable de le faire sortir de l'isolement dans lequel il se trouve confiné depuis la guerre du Golfe. La Turquie et la Jordanie traînent les pieds et se font vainement bousculer par les Etats-Unis pour adhérer au nouveau régime de sanctions car elles sont conscientes du prix exorbitant qu'elles seraient amenées à payer en se privant de leur coopération idyllique avec Bagdad. Les menaces de Tareq Aziz à leur encontre se sont avérées payantes car Ankara et Amman sont les premiers à savoir que Washington n'est nullement disposé à compenser les milliards de dollars que pourraient leur coûter la rupture avec l'Irak et l'achat de son pétrole à des prix dérisoires. Dorénavant, c'est vers la Syrie, principale responsable de l'échec de la nouvelle politique américaine, que les regards se tournent. La riposte des Etats-Unis ne manquera probablement pas à se manifester et les menaces presque quotidiennes d'Israël sont là pour le prouver. Mais Damas, conscient de l'importance de l'enjeu, choisit prudemment de calmer le jeu au Liban, évitant la riposte à la provocation israélienne à Dahr el-Baïdar et conseillant retenue et modération au Hezbollah. Il s'applique à éviter que l'exaspération américaine ne s'exprime en un conflit local ou généralisé avec Israël. Le pourra-t-il? Vraisemblablement oui. Car avec une crédibilité érodée par sa politique pro-israélienne, insensible aux souffrances des Palestiniens et cruel envers les Irakiens, Washington pourra difficilement accepter le risque d'un nouveau conflit aux conséquences imprévisibles. Décidément, l'avenir semble fertile en événements.
Entre démagogie et subornation
Si les nouvelles sanctions permettent à l'Irak de vendre son pétrole sans limites, elles stipulent en contrepartie que l'argent perçu soit obligatoirement déposé dans un compte spécial contrôlé par l'Onu, c'est-à-dire pratiquement par Washington. Les fonds ainsi récoltés devront être distribués en priorité comme suit: en premier lieu, 30% aux agents des Nations unies et aux paiements pour les dommages de guerre. Ensuite, et c'est justement là que réside la supercherie, on promet aux pays limitrophes de l'Irak (Turquie, Syrie, Jordanie) des pots-de-vin aux frais de Bagdad, évalués à des milliards de dollars, pour se joindre au blocus et accueillir sur leurs territoires, aux frontières avec l'Irak et dans leurs aéroports, les inspecteurs de l'Onu. Tout cela sous l'appellation innocente de vente, à ces pays, de pétrole irakien «à des prix préférentiels» fixés arbitrairement à un niveau dérisoire par Washington. Et, comble de cynisme, pour achever de dépouiller l'Irak de son revenu national et acheter la complicité des membres permanents du Conseil de sécurité, on leur promet le remboursement sans délai, des dettes de l'Irak, évaluées à des dizaines de milliards de dollars, dommages et intérêts compris. Le peu qui reste étant laissé aux 22 millions d'Irakiens qui enterrent chaque jour par milliers leurs morts, victimes de la famine, de la maladie et de la malnutrition. Grâce à ces nouvelles «sanctions intelligentes», la «morale internationale» sera préservée et le monde sera à l'abri du «danger irakien».