Rendez-vous
1. Rencontre
autour de la Palestine
le jeudi 14 juin 2001, à
20h30, à Paris
Le MRAP (Paris 5) organise le jeudi 14
juin 2001, à 20h30, au Centre Culturel La Clef - 21, rue de la Clef - Paris 5ème
(Métro Censier-Daubenton) une rencontre autour de la Palestine, avec la
participation de :
Leïla SHAHID, Déléguée générale de la
Palestine en France, Danielle BIDARD, Sénateur de Seine-Saint-Denis,
Présidente de l'association Pour Jérusalem, Walid CHARARA,
journaliste, Richard WAGMAN, Président de l'Union Juive Française pour la
Paix et Mouloud AOUNIT, secrétaire général du MRAP.
2. Projection du
film "Paul le charpentier" de Ibrahim Khill
le vendredi 15 juin 2001
à 18h30 à la Maison de l'UNESCO à Paris
Vous avez été nombreux à regretter la
déprogrammation de dernière minute dont avait fait l'objet, le 14 décembre
dernier à la Maison de l'UNESCO, le film "Paul le charpentier" du cinéaste
palestinien Ibrahim Khill. Récompensé depuis au dernier Festival du film
asiatique de Vesoul, "Paul le charpentier", qui raconte l'histoire étonnante de
Paul Gauthier en Palestine, a été présenté le 9 juin dernier à Washington, à
l'occasion d'un festival organisé par l'ADC (Anti Discrimination
Comittee).
Ce vendredi 15 juin 2001, à 18h30, la
Mission Permanente d'Observation de Palestine auprès de l'UNESCO présentera
"Paul le Charpentier, à la Maison de l'UNESCO - Salle de cinéma - 7,
Place Fontenoy - 75007 Paris (Métro Cambronne ou Ségur).
3. Manifestation
de soutien au peuple palestinien
vendredi 15 juin 2001, à 18h sur le
Vieux-Port à Marseille
[Parcours de la
manifestation : du Vieux-Port (Quai des Belges) aux Mobiles, en haut de la
Canebière.]
"SILENCE = MASSACRE" - A
nouveau, après plusieurs années d'espoir, le Proche-Orient est au bord de
l'embrasement. Le gouvernement israélien s'engage dans une véritable logique de
guerre contre le peuple palestinien. Depuis les accords d'Oslo, les possibilités
historiques d'aboutir à une paix durable ont été réduites à néant par le refus
des gouvernements israéliens successifs de respecter le droit international. Le
maintien sous tutelle des territoires occupés par Israël, leur colonisation
intensifiée ont soumis les territoires palestiniens a une situation de violence,
d'humiliation, de blocus et de ségrégation. Avec la constitution du gouvernement
d'union nationale d'Ariel Sharon, au sein duquel siègent côte à côte des
représentants politiques allant d'une extrême droite raciste et belliciste
jusqu'à des ministres travaillistes, une politique délibérée d'escalade a vu le
jour : bouclages de Gaza et de la Cisjordanie, blocus, bombardements de villes,
villages, camps de réfugiés palestiniens et de leurs habitants, violation des
zones placées sous contrôle de l'Autorité palestinienne, construction de
nouvelles colonies, confiscation de nouvelles terres, assassinats prémédités de
responsables politiques palestiniens... Depuis septembre 2 000 déjà, au
soulèvement de toute une population et de toute une jeunesse pour l'indépendance
et la justice, l'armée israélienne a répondu avec la plus grande violence.
Plusieurs centaines d'hommes, de femmes et d'enfants, palestiniens, ont ainsi
trouvé la mort et plus de 14 000 blessés dont 1 500 handicapés à vie sont à
déplorer. Nous condamnons tout acte de violence contre des populations civiles.
Le gouvernement israélien a franchi un nouveau pas en agressant de nouveau le
Liban et en s'attaquant à des forces syriennes. II n'est de solution à ce
conflit qu'à travers la négociation pour une solution juste et durable, fondée
sur le droit et l'application des résolutions des Nations Unies depuis 1948. La
paix et la sécurité de tous les peuples de la région impliquent l'évacuation
totale des territoires occupés par Israël, l'application des résolutions des
Nations Unies concernant le droit au retour des réfugiés, le droit du peuple
palestinien à disposer d'un Etat souverain en Cisjordanie et à Gaza, Etat avec
Jérusalem-Est pour capitale. Nous exigeons des dirigeants de l'Union Européenne
et du gouvernement français qu'ils agissent en ce sens, c'est-à-dire qu'ils
exercent la pression maximale afin que les autorités israéliennes respectent
enfin les résolutions des Nations Unies et cesse de violer quotidiennement la
Convention de Genève. Cela suppose qu'ils répondent sans délai aux appels
pressants de l¹Autorité palestinienne, de I'OLP et de tout le mouvement national
palestinien, en prenant toutes les dispositions diplomatiques permettant le
déploiement d'une force de protection internationale des populations
palestiniennes. L'Europe s'engage dans un partenariat euro-méditerranéen basé
sur le respect des droits fondamentaux des peuples et des citoyens. Il est
urgent que cesse tout accord d'association en l'Union européenne et Israël tant
que ce dernier continue la colonisation, l'occupation de territoire, les
sanctions collectives et la répression armée du peuple palestinien.
Association Médicale Franco-Palestinienne - BP 33 -
13191 Marseille Cedex 20Tél/Fax : 04 91 08 90 17 -
E-mail : amfpmarseille@wanadoo.fr
[Manifestation à l'appel du Collectif pour
les Droits du peuple palestinien : AFASPA Marseille, Aix Solidarité, AJIAL
France, AMFP Aubagne, Ballon Rouge, CIMADE, CNUC, Discrimination Zéro, LCR, LDH
Marseille Nord-Sud, Les Alternatifs, Les Verts*, Méditerranée Solidaires,
Mouvement de la Paix, MDC*, MRAP, PCF*, RAFD, RFPP, Résister, Santé Sud,
Témoignage Chrétien. (*à
confirmer)]
4. Rencontre avec Israël
Shamir
le jeudi 21 juin 2001 à 19h, à
Paris
Espaces Marx - 64, boulevard Blanqui - Paris
13°
France Palestine Paris-Sud organise une rencontre exceptionnelle
avec Israël Shamir, écrivain et journaliste juif israélien, d'origine russe,
établit depuis 1969 en Israël et auteur de très nombreux articles
particulièrement intelligent et à contre-courant en Israël. Depuis le début de
la nouvelle Intifada, Israël Shamir a publié de nombreux articles sur Internet.
Il soutient l'idée du retour des réfugiés palestiniens et rejoint Edward Saïd en
se faisant l'avocat d'une solution binationale dans le cadre d'un Etat
pleinement déconfessionnalisé et réellement démocratique, à terme...
5. Conférence - débat "Les Enfants de
l'Intifada"
le vendredi 22 juin 2001 à 20h à Bruxelles
Une
rencontre débat organisée par l'Union Générale des Etudiants Palestiniens de
Belgique UGEP, l'Association Belgo-Palestinienne ABP, et la Fédération
Bruxelloise des Jeunes Socialistes FBJS, avec le soutien de l'Union des
Progressistes Juifs de Belgique organisent le vendredi 22 juin 2001 à 20h, à
l'Université Libre de Bruxelles - Auditoire H.1301 - Avenue Paul Héger - 1050
Bruxelles BELGIQUE, avec la participation de Khaled QUZMAR (Avocat - Defence for
Children International, Palestine), Joseph ALGAZY (Journaliste - Ha'Aretz,
Israël), Sylvie MANSOUR (Psychologue, Paris).
300 enfants palestiniens de
moins de 18 ans sont détenus dans des prisons et centres de détentions
israéliens depuis le début de la deuxième Intifada. Comment ? Pourquoi ? Ces
enfants représentent-ils réellement une menace pour la sécurité d’Israël ?
Quelle position juridique, sociale et humanitaire pouvons-nous adopter face à
l’emprisonnement arbitraire et massif d’enfants ? Violations des Droits
fondamenteaux des enfants: quelles conséquences à long-terme sur la société
palestinienne et sur le contexte politique de l'Intifada
actuelle?
[Participation aux frais : 100
Francs belges]
6. Colloque Palestine et droits des
peuples
le samedi 23 juin 2001, de 10h à 18h30, à la MJC Picaud à
Cannes
Ce colloque est organisé par Amnesty International, la Ligue
des Droits de l'Homme (section Cannes, Grasse et Valbonne) et le Mouvement
contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples
"La paix entre
deux peuples dans l'égalité des droits et le respect mutuel est nécessaire et
possible"
Le "fil rouge" de la journée sera les droits attachés aux
peuples, aux hommes et aux femmes qui les composent.
Ainsi, après une
présentation du colloque, de la réflexion que nous en attendons tous et des
graves préoccupations que suscite la situation du Proche-Orient, trois tables
rondes successives débattront d'abord entre les membres qui les composent, et
avec la salle ensuite, autour des sujets regroupés par thèmes :
ETAT DES
LIEUX : après un exposé de la situation par des militants du MRAP, de retour de
Palestine, la réflexion portera sur la vie quotidienne des Palestiniens dans les
territoires occupés : problèmes de l'eau, du chômage, de la vie dans les camps,
confiscation des terres, arrachages des oliveraies… Un artiste peintre
palestinien participera à ce débat.
LOIS DE LA GUERRE : pour ouvrir ce débat,
les représentants d'Amnesty international évoqueront les conditions
d'application du droit international dans le cadre des conflits armés, et
spécifiquement par Israël et les états arabes : résolution des Nations-Unis,
convention de Genève, torture, cibles non discriminatoires, colonisation de
territoires occupés, assassinats de dirigeants adverses, mobilisation des
enfants…
DROITS DE L'HOMME : la LDH proposera d'examiner le respect des
droits de l'homme par les parties en conflit : droit au retour des réfugiés,
libertés démocratiques, application de la justice par l'Autorité palestinienne,
liberté de circulation, liberté de la presse, accès à la santé des Palestiniens,
tactique et stratégie policières et militaires, menaces terroristes,
développement des intégrismes religieux…
- Participants et animateurs
: outre les représentants d'Amnesty international, de la Ligue des Droits de
l'Homme et du MRAP, participeront : Albert AGHAZARIAN professeur à l'Université
de Birzeith, Bernard BOTIVEAU chercheur du CNRS à l'Institut de recherche et
d'études sur le monde arabe et musulman (IREMAM), professeur à l'Institut
d'études politiques d'Aix en Provence et à l'Institut de Droit de l'Université
de Birzeit, auteur de très nombreux ouvrages et articles sur le monde arabe,
dont "L'état palestinien" aux Presses de Sciences Po (1999), Kamal BOULLATA
peintre, écrivain, Jean-Pierre CHAGNOLLAUD universitaire, directeur de la revue
" Consciences de la Méditerranée ", Annie FIORE journaliste spécialiste du
Moyen-Orient, auteur de "Rêves d'indépendance - Chronique du peuple de
l'Intifada" (Editions de L'Harmattan - 1994) elle a publié de nombreux
reportages dans Le Monde diplomatique, l'Humanité, Jeune Afrique Economie,
Michel FOURNIER, chef de région Moyen-Orient à Amnesty International, Norma
MARCOS cinéaste palestinienne, Pierre-Alexandre ORSONI président de
l’Association médicale franco-palestinienne - Marseille (sous réserve),
Israël SHAMIR écrivain et journaliste israélien, Geoffroy SOUTRELLE
journaliste...
A l'issue de ces discussions, ponctuées de pauses diverses, (autour de la
"librairie", y compris avec un ou des auteurs qui pourront présenter et signer
leurs livres), débat général et conclusion en fin d'après-midi.
Expositions de peintures et de
photographies.[Renseignements auprès de la LDH
Cannes : 04 92 18 13 92 / rossi.henri@wanadoo.fr - Possibilité de
restauration sur place. Repas à 75 FF sur réservation
obligatoire au 04 93 93 39 87]
Réseau
1. Doute et certitude de Israël
Shamir
[traduit de l'anglais par Annie
Coussemant]
La discothèque russe, le Dolphi, dévastée par
l'explosion de vendredi soir, se situe sur le rivage de Manshieh, un quartier
palestinien en ruines de Jaffa, non loin de là où j'habite. Quant mes fils
étaient adolescents, leurs amis avaient l'habitude d'y aller. Ce sont des jeunes
innocents, arrivés sur le littoral palestinien avec leurs parents après le
démantèlement de l'Union soviétique. Ces jeunes parlent le russe, leurs contacts
avec les jeunes Israéliens, filles et garçons du même âge, sont très limités,
autant que leur intérêt pour ce qui ce qui se passe dans le pays. Nombre d'entre
eux sont blonds avec les yeux bleus, certains ont le look "punk" qui date un
peu, et ils boivent plus que de raison. Ils se qualifient eux-mêmes de
"génération perdue". Très peu sont juifs au regard de tout critère raisonnable
d'appartenance. D'ailleurs, la radio israélienne a fait savoir qu'il serait tout
à fait impossible d'enterrer les victimes dans le sanctuaire que représente le
cimetière juif. Leur destin dans l'État juif n'est pas facile : ils sont censés
servir dans l'armée mais celle-ci se montre réticente à l'idée de leur faire
prononcer leur sermon d'allégeance sur l'Évangile. S'ils meurent, on les enterre
au-delà de l'enceinte, avec les suicidés.
Tout comme les minorités druze et
circassienne, la communauté russe, forte d'un million de personnes, n'est de
toute évidence pas un partenaire pour les tenants de la suprématie juive. Les
Russes font l'objet de discriminations. Mal rémunérés, leurs emplois ne
leur assurent aucune garantie de revenu. Ils payent des intérêts énormes (trois
fois plus élevés qu'aux États-Unis) pour les prêts qui leur sont consentis à
titre "d'allocation d'installation" ou "d'aide au prêt hypothécaire". Nombre de
Russes font baptiser leurs enfants, et les jolies jeunes femmes de cette
communauté se marient souvent avec des Palestiniens. De fait, en dépit des
règles de séparation, les Russes qui épousent des Palestiniens sont aussi
nombreux que ceux qui épousent des Israéliens. C'est pourquoi il importe de
souligner à quel point les circonstances de l'explosion demeurent entourées d'un
nuage de mystère.
INFOPAL a exprimé des doutes quant à savoir si "un
quelconque mouvement islamique était ou non capable de mener une action aussi
vigoureuse, étant donné que la plupart des attentats-suicides de ces derniers
jours n'avaient entraîné ni victimes ni dégâts graves". En revanche, les forces
de sécurité israéliennes ont le savoir-faire et les moyens nécessaires pour
provoquer d'un seul coup une réorientation majeure d'alliance chez la communauté
russe. Elles ont prouvé leur absence totale de scrupules en 1949, lorsqu'elles
ont bombardé la synagogue de Bagdad afin de précipiter le départ des Juifs
irakiens pour Israël. Dans les années 90, elles ont fait courir des rumeurs de
pogroms imminents à Moscou, ce qui a conduit les parents des enfants du Dolphi à
décider de partir pour Tel-Aviv. D'ailleurs, Madeleine Albright a déjà
qualifié de "moyen justifiable" le fait de tuer des enfants non juifs. Bien sûr,
elle parlait des enfants irakiens qui mouraient à cause de l'embargo imposé par
les États-Unis mais à Tel-Aviv, ses amis en ont tiré leurs propres
conclusions.
Dans bien des années, les Palestiniens éclairciront les
circonstances mystérieuses de la vague d'attentats-suicides ratés de 2001. Ils
découvriront qui avait ciblé la discothèque russe (et pourquoi), ou bien les
quartiers hassidiques les plus défavorisés de Jérusalem, ou autres lieux à la
marge. Ils découvriront alors les raisons pour lesquelles les seuls attentats
"couronnés de succès" visaient avant tout des jeunes qui, dans leur grande
majorité, n'étaient pas juifs.
Mais le doute ainsi exprimé n'est pas le seul.
Susanne Scheidt (Italie) s'interroge de façon parfaitement légitime : "Comment
se fait-il que, l'été dernier, alors qu'aucun soulèvement palestinien n'était en
vue, nous avons pu lire dans la presse de nombreux articles selon lesquels,
chaque fois que des Palestiniens se présentaient sur la plage de Tel-Aviv, le
maillot de bain dans leur sac, ils étaient immédiatement repérés par la police
israélienne et éconduits ? "Est-il possible qu'un Palestinien avec un sac à dos
puisse se faufiler dans la queue d'une discothèque sans être de connivence avec
les services de sécurité ? Jusqu'à présent, nous avons des doutes. Voyons si
nous pouvons les transformer en certitude.
L'an dernier, nous avons assisté
à une redoutable guerre des gangs pour la mainmise sur les night clubs russes.
Les belligérants avaient pour habitude de jeter des grenades à main à
l'intérieur des clubs en concurrence, ce qui se traduisait par un certain nombre
de victimes. Les propriétaires de discothèques de Tel-Aviv se battent pour un
même marché. Leurs méthodes ne sont pas excessivement policées. Il ne serait pas
impossible de laisser entendre que l'attaque mortelle de l'entrée de la
discothèque russe fût le résultat d'une guerre des gangs, et non le fait d'un
kamikaze palestinien. Il y a un an, une effroyable explosion s'est produite à la
station de métro moscovite Pouchkine, qui a immédiatement été imputée à des
terroristes tchétchènes. On a su par la suite que la station avait été visée par
des fauteurs de racket, les commerçants ayant refusé de payer la rançon de la
protection.
S'il s'avère que l'attentat est effectivement dû à une bande
rivale originaire de la ville voisine de Netania, par exemple, les avions des
forces de défense israéliennes vont-ils la bombarder ? L'armée va-t-elle
assiéger Netania ? le Conseil municipal de Netania va-t-il être dénoncé en
tant qu'organisation terroriste ? Pas du tout ! Cette méthode de punition
collective est réservée aux seuls Palestiniens. Ce qui est une erreur. Gaza
devrait être traitée de la même manière que Netania, Mahmud et Anton devraient
avoir les mêmes droits que Doron et Boris. Il est fort probable qu'alors, ni
suspicion ni doute ne soit plus fondé.
Il convient de nous inscrire en faux
non seulement face aux hypothèses prématurées d'une participation palestinienne
mais aussi face au racisme que sous-tend la notion de sanction collective. Les
Israéliens vont un peu vite en la matière. Lorsqu'un seul et unique terroriste
juif a abattu un diplomate allemand à Paris en 1938, le gouvernement nazi a
réagi en déclenchant la "Nuit de cristal", pogrom massif où des centaines de
Juifs ont trouvé la mort. Lorsqu'un terroriste pro-irakien isolé a abattu un
diplomate israélien en 1982, le gouvernement israélien a déclenché l'invasion
israélienne au Liban, qui a fait quarante mille victimes. Ces méthodes étaient
probablement en usage à l'époque de Gengis Khan, mais ce n'est plus le cas
aujourd'hui.
Le lendemain de l'attentat-suicide, la populace israélienne a
voulu lyncher des Palestiniens et détruire les mosquées de Jaffa. La police
s'est opposée à leur avancée et les médias israéliens en ont fait leurs choux
gras. Pour ma part, je ne vois aucune raison de féliciter la police : elle
savait, comme nous tous que l'on peut compter sur l'armée israélienne pour
lyncher la foule palestinienne. Pas de doute là dessus : les Palestiniens seront
visés simplement parce qu'ils appartiennent au même groupe ethnique que le
soi-disant terroriste.
Nul n'exige "des Juifs" qu'ils payent pour les
malversations de Milken, Rich ou Maxwell, ni pour les massacres perpétrés par
Sharon. " Le peuple palestinien " n'a pas à payer pour les dérapages de
certains individus ". Alors qu'on peut encore raisonnablement douter de
l'identité des poseurs de bombe, une chose est sure : les sanctions collectives
fondées sur la notion d'ethnie constituent un crime contre l'humanité.
2. A la recherche
d'une issue par Fayçal Al-Husseini
in AMIN (Arabic Media Internet
Network) juin 2001
[traduit de l'anglais par
Marcel Charbonnier]
[Cet article inédit est le
dernier a avoir été écrit, le 24 mars 2001, par Fayçal Husseini, membre du
Comité Exécutif de l'OLP, chargé de Jérusalem, récemment
décédé.]
Les attentes à propos de la politique extérieure émergente
de la nouvelle administration Bush ne manquent pas. Ces attentes ne sont nulle
part aussi pressantes qu'au Moyen-Orient, région ballottée en permanence entre
les promesses de la paix et les menaces de la guerre. Avec l'éruption de
l'intifada palestinienne et l'arrivée au pouvoir en Israël d'un gouvernement de
droite, beaucoup voient s'éloigner les perspectives d'un accord de paix global.
Mais s'il est un message qui doit être envoyé à l'administration Bush, c'est
bien : "gardez vous de sous-estimer les changements en cours au
Moyen-Orient".
Les huit années du processus de paix n'ont apporté aucune
amélioration réelle à la situation du Palestinien lambda et il en est résulté
une érosion de l'adhésion populaire à ce processus. Tandis que nous conquérions,
c'est vrai, le premier gouvernement représentatif palestinien, le Palestinien
moyen voyait ses revenus réduits de moitié. Les bouclages perpétuels de l'armée
israélienne ont anéanti l'économie palestinienne et donné à Israël un ascendant
écrasant sur un gouvernement palestinien chancelant. Depuis le début de
l'intifada, en septembre dernier, Israël a usé largement de son pouvoir
d'arrêter les flux de la main-d'oeuvre et du commerce en imposant le blocus. Il
en est résulté une diminution de moitié du produit national brut (palestinien)
et une augmentation catastrophique du chômage, d'au moins quarante pour cent.
Plus inquiétant encore, la construction de colonies israéliennes dans les
territoires palestiniens, telle l'implantation de Har Homa, près de Bethlehem,
continue et les colonies existantes s'étendent, tout cela au détriment des
terres des Palestiniens. Le Premier ministre Ariel Sharon, en allant "visiter"
l'Esplanade des Mosquées, à Jérusalem, a mis le feu aux poudres de l'intifada
actuelle, mais les bûches du brasier étaient bel et bien déjà là, résultat de
huit années de marasme et de pessimisme croissant.
Malgré tout, comme nous
l'avions fait, il y a dix ans de cela, avec l'administration du Président
américain Bush Senior, nous faisons encore le choix de la paix telle que définie
par la Conférence de Madrid, en 1991, comme moyen d'aller de l'avant, Malgré les
difficultés délibérément crées et la violence qui nous ont été infligées au
cours des cinq mois écoulés, nous, Palestiniens, restons attachés aux principes
de la recherche d'une solution négociée avec Israël, sur la base des résolutions
242 et 338 de l'ONU, et du droit au retour (des réfugiés), défini par la
résolution 194. Je pense qu'une solution est encore possible.
Les
négociations menées dans l'urgence absolue à Taba ont permis d'établir des ponts
importants, absolument nécessaires si l'on veut trouver une solution définitive.
On y a débattu, pour la première fois et sérieusement, de concepts tels celui de
"ville ouverte" pour Jérusalem, dans laquelle liberté d'accès et sécurité
adéquate soient garanties à tous, et celui d'échanges réciproques et
équitables de territoires, sur la base des frontières antérieures à juin 1967.
Le progrès réalisé à Taba a été proprement étonnant, et pourrait constituer les
prémices d'une paix durable préservant les intérêts tant des Palestiniens que
des Israéliens.
Même si le gouvernement israélien récemment élu considère que
les progrès accomplis à Camp David et à Taba ne comptent pas, il n'existe pas
d'autre option que de retourner à la table des négociations. Et nous ne pouvons
pas attendre, pour ce faire, que le calme soit revenu dans nos rues car la seule
façon de mettre réellement un terme aux violences, c'est de se pencher sur les
origines du conflit. Les agissements intolérables d'Israël réprimant et
infligeant des châtiments collectifs (tels les démolitions de maisons, les
bouclages, l'imposition de couvre-feu, et les exécutions politiques
extra-judiciaires) commis ostensiblement afin de ramener la "sécurité", ne
contribuent en fait qu'à susciter plus de protestation de la part des
Palestiniens.
De plus, l'Autorité palestinienne connaît actuellement
une grave crise financière et institutionnelle, due en grande partie aux
politiques israéliennes de châtiment collectif et d'étranglement économique. Les
mesures sécuritaires d'Israël dans les territoires palestiniens sont largement
responsables des troubles actuels.
Une fois encore, il est urgent de
restaurer la confiance entre les deux parties et d'entamer un processus visant à
l'obtention d'un règlement définitif. Le rôle américain, dans ce processus, est
crucial, mais il est primordial que les Etats-Unis adoptent une position
équilibrée. Il est impératif, par exemple, que le gouvernement américain ne
déplace pas son ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem tant qu'un accord définitif
n'aura pas été signé (c'est à ce moment-là, seulement, que les Etats-Unis
devraient ouvrir, non pas leur ambassade, mais leurs deux ambassades, à
Jérusalem). Procéder à un transfert d'ambassade avant un accord définitif ne
pourrait que torpiller le processus de paix et avoir des répercussions
désastreuses pour les Etats-Unis dans l'ensemble du
Moyen-Orient.
L'administration Bush serait aussi bien inspirée de reconnaître
les failles des solutions proposées par l'administration Clinton qui l'a
précédée. Le futur Etat de Palestine doit être un état viable, disposant des
possibilités de développer ses centres urbains et de la garantie que des
contrôles et des obstructions douanières israéliens ne puissent interrompre un
approvisionnement régulier de ses entreprises. Comme les autres Etats de par le
monde, la Palestine doit être un Etat souverain dans tous les sens du terme,
disposant d'accès libres à ses pays limitrophes et jouissant de la maîtrise
pleine et entière de ses voies de communication. Jérusalem doit être reconnue
pour ce qu'elle est : le coeur politique, économique et culturel de l'Etat
palestinien, et seul site concevable pour sa capitale.
La paix est encore
possible si elle est recherchée sur les bases de la raison et non celles des
rapports de force. Comme nous l'avions entreprise, il y a dix ans, l'ancien
président américain Bush et moi-même, la quête de la paix doit être fondée sur
les principes de la légalité internationale et elle doit passer avec succès le
double examen de l'honnêteté et de la confiance. Nous ne pouvons plus longtemps
nous payer le luxe du maintien du statu quo et nous ne pouvons continuer plus
longtemps à débattre des principes. Les deux parties ont formulé les
délinéaments d'un accord de paix durable. Un tel accord doit être mis en
application sans tarder, si l'on veut voir la stabilité revenir dans la
région.
3.
Fayçal par Hanan Ashrawi
in AMIN (Arabic Media Internet
Network) juin 2001
[traduit de l'anglais par
Marcel Charbonnier]
Hommage de Hanan Ashrawi à
Fayçal Al-Husseini.
Ta disparition est comme ce silence
absolu qui suit une trop brève ondée printanière, silence interdit d'un sol
brûlé soudain privé de la pluie promise.
Lorsque le khamsin s'abat, il
souffle son haleine brûlante et desséchée, répandant partout la poussière
jaunâtre des sables du désert.
Nous vivons dans cette zone aride, dans cette
phase friable qui trouble la vision, brûle les yeux, fait grincer les dents et
enfler la langue sous l'effet d'une soif qui ôte tout sens aux mots.
Ca
passera. Pas ta mémoire.
Mes souvenirs de toi sont si colorés et variés que
je ne songe même pas à les énumérer.
A Londres, un jour, tu avais déjoué la
vigilance de tous les agents de la sécurité et des services secrets, pour
emmener une jeune fille de quatorze ans qui avait le mal du pays, Amal, déjeuner
dans quelque restaurant incognito, et au calme....
Comme tu l'avais fait
rire, cet après-midi là, tenant le rôle du bouffon pour ma princesse esseulée
tandis que moi, la maman éperdue de reconnaissance, je restais assise, calme,
retenant des larmes de gratitude.
"Oncle Fayçal est tellement drôle!",
s'était-elle exclamée.
"Quel est ton souvenir le plus marquant de lui ?", lui
ai-je demandé lorsqu'elle est passée me voir pour consoler et être consolée de
ta disparition.
"C'est quand il jouait au 'Game Boy' avec Zeina", me
répondit-elle doucement. Ta gentillesse envers sa soeur, ta manière de partager
l'innocence et la spontanéité de son monde enfantin, était désormais une image
figée du passé.
Et Zeina, elle aussi, se souvient. Elle refuse de retenir un
souvenir particulier. "C'est sa bonté bouleversante", dit-elle dans un sanglot.
"Pourquoi a-t-il fallu qu'il meure ? Cela veut-il dire quelque chose, qu'a-t-il
voulu nous dire ?"
Toutes deux à l'étranger, elles n'ont pu voir ni partager
le flot humain qui a fracassé tous les barrages militaires, agitant les drapeaux
aux couleurs de la Palestine et les drapeaux noirs du deuil, accompagnant ce
dernier pèlerinage à Jérusalem, le tien.
Ce n'est pas ainsi que j'aurais
imaginé ton retour, t'ai-je murmuré, tandis que je me précipitai à Jérusalem, au
milieu de la foule, moi aussi.
Meurtrie par l'écrasement de la foule des
participants à ton deuil, à Ramallah, j'ai pu toucher un cercueil plombé porté
par des hommes en uniforme. J'ai ressenti une douleur différente, mais non, je
ne t'ai pas trouvé : tu n'étais pas là.
J'ai vu tes funérailles à travers tes
yeux fermés. "Il aurait dit : "ça va..", ai-je dit à Emile un peu après. "Des
funérailles dignes pour un homme humble", me répondit-il.
Emile se souvient
à quel point tu aimais les fruits secs et les noix lorsque tu venais nous voir
ou lorsque nous tenions des réunions clandestines à la maison. "On devrait tenir
toutes nos réunions chez vous", avais-tu dit. "Ces gâteaux aux dattes et aux
noisettes sont extra". Les précautions indispensables à notre sécurité nous
contraignaient à changer les lieux où nous tenions nos réunions secrètes de
manière inopinée. Le plus inopiné et le moins sûr de ces endroits, tu y a trouvé
la mort, ton dernier déménagement.
Des milliers et des milliers de personnes
ont convergé vers la Maison d'Orient pour un dernier adieu. "C'est notre
quartier général", avais-tu dit à James Baker. "Son immunité doit être
respectée".
Il n'y a pas d'immunité contre la mort - et pas de
consolation.
"Gardez la tête haute", ai-je seulement pu dire, avant de fondre
en sanglots, à tes chers enfants, Fadwa et Abed, en les embrassant. "Votre père
a été notre fierté, à nous tous" (Et je venais de perdre un frère et mon plus
cher ami tandis que la Palestine perdait son fils le plus éminent).
Tu
voulais que tes enfants rencontrent leurs moitiés et se marient, de ton vivant.
En vrai père, tu me demandas, un jour, "qui pourrait bien être digne d'eux
?". Mère de deux enfants moi-même, je t'avais répondu : "Personne!" ne
plaisantant qu'à moitié.
Najat, Imm el-Abed, était effondrée : "toi, mieux
que n'importe qui, tu savais quel homme honorable était Fayçal". Elle est
inconsolable. "Un jour, je lui avais dit : pour moi, tu es comme le Prophète",
s'est-elle souvenue. "Rappelle-toi, je n'arrêtais pas de le supplier : "ne pars
pas, ne me laisse pas, ce n'est pas sûr"". Je me rappelai.
Je me rappelais
aussi comment un sourire plein d'affection se dessinait toujours sur ton visage
à chaque fois que tu prononçais son nom, Najat. "Elle s'en fait trop". Mais tu
n'oubliais jamais de lui téléphoner.
Elle savait les risques que nous
prenions : "Veillez sur lui. Il ne fait jamais attention à lui". J'ai essayé,
comme j'ai pu, mais tu ne t'es jamais écouté.
Les colons, les
garde-frontières, l'armée, la police, tous, nous les avons affrontés. Au premier
rang de la manifestation (pour protéger d'autres, moins connus, derrière nous),
en nous tenant par les coudes (pour maintenir les rangs), jusqu'à ce que les
matraques, les coups de poing, et même les crosses de fusils ne nous scindent en
cibles plus petites. Plus d'une fois frappés, plus d'une fois suffoquant à cause
des gaz lacrymogènes (et avec ton asthme, cela nous causait une énorme
inquiétude), les yeux larmoyants, les membres endoloris, nous tenions le terrain
jusqu'à ce que nous soyons sûr que le dernier interpellé ait bien été relâché,
un certain jour. Mustafa, Sami, Nasser et bien d'autres, tous ces garde du corps
dévoués, tous ces compagnons, ces fils, tous te pleurent comme seuls pleurent
des orphelins. Ils t'avaient protégé de leur propre corps, alors : ils ont porté
ton cercueil sur tout le chemin depuis Ramallah, courant, pleurant,
hagards.
Tu t'es détaché des premières lignes pour être élevé au-dessus de la
tête des porteurs, puis on t'a déposé, pour ton dernier repos, auprès de ton
père. La seule place arrière où tu te sois jamais assis, c'était derrière les
premiers rangs, ceux de la prétention : trop de "leaders", de courtisans,
d'ambitieux en quête de célébrité et de fortune, jouant des coudes et poussant
les autres, souriant faussement et se démenant pour occuper une place aux rangs
d'honneur. Tirant ta révérence, subrepticement, vu seulement par ceux qui
étaient capables de distinguer la dignité vraie et l'humilité, tu observais
leurs petites manigances, plein de pitié et de bienveillante
indulgence.
Outrée par les poignards que l'on te plongeait perpétuellement
dans le dos, je t'ai souvent crié (ce que je regrette aujourd'hui d'avoir fait)
: "Réponds-leur ! Fais tomber les masques ! Tu connais leur vrai visage". Tu
souriais, ce qui ne faisait que m'exaspérer un peu plus encore. Mais maintenant,
j'ai compris. Tu as eu raison d'eux en étant meilleur qu'eux.
Beaucoup
s'esclaffaient : "Comme c'est chrétien !" "Tendre ainsi l'autre joue..." Tanya,
que j'ai rencontrée à la veillée m'a dit que tu avais le visage d'un saint, que
tu ressemblais à une icône. Ces posters ne t'ont pas rendu justice, sauf
peut-être pour la tristesse du regard. Ils avaient été pris à la dérobée.
Tu
avais toujours senti la proximité de la fin, te posant la question de savoir
combien de personnes assisteraient à ton enterrement, et qui ? On ne t'a pas
abandonné. Des cohortes et des cohortes de peine sincère et d'affection
authentique ont conflué, on n'y voyait pas de fin, vers Jérusalem.
Le
soleil, la chaleur, le khamsin, tout était aussi cautérisant que ta mort
elle-même.
Aucune barrière n'aurait pu les contenir, aucun barrage militaire,
aucune carte d'identité de la mauvaise couleur. La vague humaine a fait
irruption et l'occupation israélienne a cédé. Le miracle de cette libération
momentanée de Jérusalem ne s'est jamais produit qu'au prix de ta disparition.
Aucune occupation n'aurait eu la force de repousser la peine d'un peuple affligé
et loyal qui, par amour pour toi, était tout entier tendu vers ta ville
éternelle, pour t'y accompagner jusqu'à ton ultime repos.
Fils de Jérusalem,
père de Jérusalem, le peuple de ta ville a pleuré leur état nouveau-né et
néanmoins orphelin. Comme ton père et ton grand-père avant toi, aucun autre lieu
sur Terre ne pouvait accueillir assez dignement ta dépouille pour cette étreinte
suprême.
C'est dans le Haram al-Sharif, le Noble Sanctuaire, que tu a trouvé
un refuge. En vue du dôme étincelant de la Coupole du Rocher, (qui arborait les
couleurs de la Palestine et du deuil, qu'un jeune homme palestinien valeureux
brandissait, défiant les lois de la gravité), tu t'es frayé un chemin au milieu
des incantations, des cris, des larmes et des vivat des fidèles.
Je n'ai pas
tenu debout très longtemps. Ecoutant les discours, je ne pouvais que les
entendre avec tes oreilles, exactement comme je ne pouvais voir ton cortège
funèbre qu'avec tes yeux. Alors qu'un fidèle m'aidait à m'asseoir, très
aimablement, j'ai aperçu Abed, très droit, qui semblait se dire à lui-même, et
dire à sa soeur : "être fort". Je lui ai fait une place à côté de moi, en
arrière, les intervenants occupèrent le devant de l'estrade.
"Ca y est, il
est enterré à Al-Aqsa... ", dit doucement Abed. Nous échangeâmes un regard, nous
soutenant mutuellement. Ta hantise, nous le savions tous deux, était d'être tenu
à l'écart du lieu de sépulture de ta noble lignée. "... c'est la volonté du
peuple qui l'a amené là-bas : l'occupation israélienne n'a rien pu faire
contre", conclut Abed. Au cours d'une première interview télévisée, ce soir-là,
il a redit ces mêmes mots. Tu n'as plus rien à craindre. Et tu peux être
fier.
Nous vivons en état de siège. Dans l'impossibilité d'aller à Jérusalem
et à la Maison d'Orient pour y trouver consolation et y apporter du réconfort,
j'essaye de lancer des ponts au-dehors de notre prison collective. J'ai parlé au
téléphone à Fadwa (elle s'efforce d'être forte, pour sa mère). Najat se demande
toujours quel sens peut bien avoir la vie maintenant que Fayçal est parti, et tu
n'es plus là pour la consoler. Sa peine est trop profonde pour que je puisse
l'alléger.
Tu es libre, désormais. Ni siège, ni prison, ni fils de fer
barbelés, rien ne peut te retenir, et tu sais ce qu'ils signifient, tu les as
tous connus. Beaucoup de ceux qui te connaissaient à l'étranger ont appelé,
Israéliens, Européens, Américains : tous ont le sentiment d'avoir perdu un
proche. Je me souviens de ta dignité, quand tu avais parlé à un Président en sa
Maison Blanche, tout comme je me souviens de ton humilité devant un habitant de
Jérusalem dont on venait de détruire la maison, et ta compassion pour une mère
que tu réconfortais : son fils venait d'être condamné à la prison à vie. Je me
souviens de tes paraboles et de tes anecdotes au beau milieu de séances de
négociation pleines de componction.
D'avoir laissé des souvenirs innombrables
ne devrait pas faire de toi un souvenir. Non il ne faut pas. Il faut que tu
restes la force pour conquérir la liberté, l'incitation à conserver la dignité,
l'essence de l'humanité. Il faut que tu demeures la source inspiratrice du
charisme par l'exemplarité du service et le ressort du courage par la constance
de l'humilité.
Tu aurais dû rester parmi nous. Mais tu nous a quittés, avec
le khamsin soufflant en rafales et la terre desséchée se crevassant sous nos
pieds.
Je n'ai pas de notes à écrire en vue d'une conférence, pas de plan
stratégique à préparer, pas de meeting politique à organiser (ta plaisanterie
favorite, du "Tink Tank", flotte encore dans l'air). Je te demande de me
pardonner, car tu devras te contenter de ces confidences personnelles. Quels
mots pourraient-ils être assez forts pour te rendre suffisamment hommage
?
Revue
de presse
1. Les
Palestiniens et Israël acceptent le plan de cessez-le-feu
américain
in The New York Times (quotidien américain) du mercredi 13
juin 2001
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Ramallah, Cisjordanie (Reuters) - Le
Directeur de la CIA, George Tenet a obtenu l'accord des Palestiniens, ce
mercredi, sur un "plan de travail" déjà accepté par Israël, visant à mettre un
terme à huit mois d'effusion de sang.
"Nous avons accepté le document
américain. Sa mise en application débutera demain," a déclaré aux journalistes
le ministre palestinien de l'information, Yasser Abed Rabbo, après que l'espion
en chef des Etats-Unis ait eu une conversation, tard dans la nuit de mardi, avec
le président Yasser Arafat, en Cisjordanie.
"Il y aura une réunion
trilatérale sur les questions de sécurité, ainsi qu'une rencontre politique
bilatérale avec les Américains".
Israël avait déclaré, peu auparavant,
accepter les propositions américaines en vue de l'arrêt de violences qui avaient
éclaté en septembre dernier.
"Les Etats-Unis sont satisfaits de voir qu'un
plan de travail a pu être accepté par les deux parties", a déclaré un officiel
américain à Washington.
"Son objet est de reprendre la coopération en matière
de sécurité, de mettre un terme à la violence et de restaurer le statu quo ante
(retour à la situation existante avant l'insurrection palestinienne).
Le
secrétaire du gouvernement israélien Gideon Saar a déclaré au début de la
journée de mercredi que tout dépendait désormais du leader
palestinien.
"Arafat sera jugé à ses actes", a-t-il déclaré à la radio
israélienne. "S'il revient effectivement à une politique de réduction de la
violence et de prévention contre le terrorisme et contre les incitations à la
violence de la propagande, alors ce plan pourra permettre d'avancer.
"Mais si
ce n'est pas le cas, nous resterons dans la situation où nous nous trouvons
depuis plusieurs mois", a-t-il ajouté.
Tenet, qui entamait la sixième journée
de sa mission de médiation au Moyen-Orient, a rencontré Arafat à Ramallah, en
Cisjordanie.
Arafat, a indiqué Abed Rabbo, a remis à l'Américain une lettre
détaillant ses objections relatives à l'un des points de son plan.
Les
officiels palestiniens ont manifesté leur désaccord sur le fait qu'Israël
demandait de créer des zones tampons (entre les forces israéliennes et
palestiniennes) s'enfonçant de 500 mètres à l'intérieur des territoires
palestiniens, ce qui équivaudrait, de leur point de vue, à une
réoccupation.
Abed Rabbo a indiqué que Tenet allait retourner aux Etats-Unis,
laissant à d'autres officiels américains la tâche de mettre le plan en
action.
Tandis qu'Arafat et Tenet étaient en réunion, des tirs que l'on
soupçonne être ceux de Palestiniens ont atteint une voiture, près de la colonie
juive de Maale Adumim, en Cisjordanie, tuant un pope grec, a déclaré l'armée
israélienne. La voiture portait une plaque d'immatriculation israélienne.
Une période de refroidissement
Les détails du projet
Tenet n'ont pas été communiqués à la presse.
Mais Raanan Gissin, porte-parole
du premier ministre israélien Ariel Sharon, a indiqué que ce plan appelle à une
"fin des violences", suivie d'une période de six semaines, destinée à réduire la
tension.
Les deux parties ont déclaré qu'elles considéraient ces propositions
comme une manière (acceptable) de mettre en application les recommandations
contenues dans le rapport d'une commission d'enquête formée par l'ancien
Sénateur américain George Mitchell.
Le rapport Michell prône une cessation
des violences, suivie d'une période de réduction des tensions et d'établissement
de la confiance, qui comporte notamment le gel de la construction de colonies
juives en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, avant la reprise des
négociations en vue d'un règlement global.
"Aujourd'hui, la partie
palestinienne n'a pas signé ce document (le plan Tenet)", a déclaré Abed Rabbo.
"Les Palestiniens ne le signeront que lorsque l'ensemble des recommandations
Mitchell sera adopté, en priorité l'arrêt de toute activité de construction de
colonies. Nous considérons que ce document est un plan de travail s'intégrant
dans un ensemble plus large."
Abed Rabbo a indiqué que les Palestiniens
attendaient de Washington qu'il oeuvre afin d'obtenir la levée du blocus imposé
par Israël aux localités palestiniennes et au retrait des troupes de l'armée
israélienne jusqu'aux positions qu'elles tenaient avant le déclenchement de
l'insurrection.
De son côté, Israël exige la cessation des violences avant de
faire le moindre geste (en ce sens).
"L'intifada continue"
Tandis que Tenet parlait avec
Arafat à l'intérieur du quartier général du leader palestinien, des centaines de
Palestiniens manifestaient à l'extérieur, criant leur détermination à continuer
l'insurrection : "L'intifada continue".
"Nous sommes venus ici pour dire au
directeur de la CIA, qui est venu (uniquement) pour sauver Sharon : "dehors!".
Nous disons à Arafat de ne pas se soumettre à Tenet et de rejeter ses
propositions. Notre résistance continuera jusqu'à la fin de l'occupation", a
déclaré Marwan Barghouthi, l'un des leaders du mouvement Fatah, d'Arafat.
Ce
sont au minimum 455 Palestiniens, 111 Israéliens et 13 Arabes israéliens qui ont
perdu la vie depuis le déclenchement (par les Palestiniens) de l'insurrection
qui a fait suite au grippage de négociations de grande envergure sur une paix
globale.
Sharon, dans une allocution devant des hommes d'affaires, hier, a
déclaré qu'il avait décidé d'accepter le plan Tenet et de voir s'il amènerait à
une diminution des affrontements.
"Je ne peux pas dire que ce plan m'emballe,
mais globalement, on peut y travailler et avancer", a déclaré Sharon.
Gissin
a indiqué qu'Israël a accepté la proposition (Tenet) de façon à pouvoir passer à
l'application sur le terrain des recommandations Mitchell.
Des analystes ont
dit qu'Arafat aurait à faire face à de grandes difficultés pour tenter de vendre
à son peuple un cessez-le-feu sans qu'Israël ne prenne des mesures concrètes en
matière de levée du blocus et de redéploiement (retrait) des forces armées
israéliennes.
Dans ses commentaires aux journalistes, Abed Rabbo n'a pas fait
mention de ce qui avait (pourtant) représenté une pierre d'achoppement
d'importance : l'exigence d'Israël qu'Arafat procède à l'arrestation de
centaines de militants qu'il (Israël) accuse d'être responsables de violences
contre des Israéliens.
Les Palestiniens ont déclaré qu'ils arrêteraient des
activistes préparant des attaques (contre Israël), mais qu'il n'était pas
question qu'ils procèdent à des arrestations en masse sur la base d'une liste de
personnes recherchées établie par Israël.
Tenet est arrivé dans la région la
semaine dernière, après qu'un attentat-suicide palestinien ait tué vingt et une
personnes, parmi lesquelles le kamikaze palestinien, devant une discothèque de
Tel Aviv, le 1er juin.
Le lendemain de l'attentat, Arafat (sous la pression
internationale et sous la menace d'une opération punitive massive de l'armée
israélienne) avait proposé un cessez-le-feu.
Des responsables israéliens ont
indiqué que le niveau de violence a baissé de manière significative depuis lors,
en Cisjordanie comme dans la bande de Gaza, mais que des colons israéliens sont
toujours l'objet d'attaques de Palestiniens.
Nombreux sont les Palestiniens à
considérer légitime de prendre pour cibles des colons vivant sur des territoires
occupés par Israël au cours de la guerre de juin 1967.
2. Les firmes
d'armement israéliennes sur leur trente-et-un pour le salon aéronautique de
Paris par Arieh O'Sullivan
in The Jerusalem Post (quotidien
israélien) du lundi 11 juin 2001
[traduit de
l'anglais par Marcel Charbonnier]
Les officiels de la
défense pensent que les exportations en matériels "de défense" israéliens vont
rééditer le record enregistré l'an dernier, avec une valeur de 2,5 milliards de
dollars.
Amos Yaron, directeur général du Ministère de la Défense, a déclaré
hier qu'Israël est le sixième, si ce n'est le cinquième, exportateur d'armements
dans le monde, mais il a précisé qu'il s'agit-là d'un commerce
difficile.
"Les exportations de matériel de défense, ce n'est pas du gâteau",
a-t-il, en effet, déclaré. "Il faut tenir compte des dimensions diplomatiques et
militaires, pour ne pas parler du fait que bien souvent, des (pays) amis sont en
concurrence..."
D'après Yaron, la décision d'acheter israélien, lorsque vous
faites vos courses dans le grand bazar militaire, ne relève pas seulement des
aspects qualitatifs, il y a aussi des facteurs politiques, dont il faut tenir
compte. Il a cité notamment l'exemple de la tentative de vendre le missile
anti-tanks israélien Gil aux Pays-Bas, (tout ce qui se fait de mieux dans le
genre au plan mondial, a-t-il tenu à préciser).
On dit que ce marché
représente une valeur d'au minimum 250 millions de dollars, mais le gouvernement
néerlandais hésite, sous la pression des partis de gauche, au parlement, qui
disent que cette acquisition serait inappropriée, étant donné le conflit actuel
entre Israël et les Palestiniens.
Yaron a toutefois démenti que l'intifada
ait eu un quelconque impact négatif sur les bonnes performances d'Israël en
matière d'exportations militaires.
Il s'exprimait lors d'une conférence de
presse tenue à Tel Aviv en avant-première de la présentation de ses produits par
Israël au salon aéronautique du Bourget, qui ouvrira ses portes (pour ainsi
dire) la semaine prochaine.
Parmi les productions israéliennes dont le public
aura la primeur, citons le moteur du turbo-jet extensible TS 151, développé par
la compagnie Moteurs Beit Shemesh, dans le cadre de ce qui a toutes les
apparences d'un programme de développement d'un système de missiles dits "de
croisière" (missiles sans doute nucléaires, ndt).
Le clou du pavillon
israélien sera le système de missiles Arrow ("Flèche") et son système associé de
radars de détection avancée Green Pine (Mon Beau Sapin ?... ndt) présenté au
public, lui aussi, pour la première fois... Autre grande "première" : celle du
missile air-air Rafael's Derby, à trajectoire subsonique.
Le salon
aéronautique de Paris se tient tous les deux ans au Bourget, tout à côté de la
capitale française, entre le 16 et le 24 juin. Il est considéré comme la
première manifestation au monde des industries aérospatiales, et le lieu où il
faut être, se mélanger, flâner et faire du lèche-vitrine, pour les responsables
de la défense. "Notre objectif est de présenter la puissance des armes et des
systèmes défensifs produits en Israël", a confié Yaron à ses auditeurs.
"Nous
sommes convaincus qu'en en faisant étalage, nous pourrons faire la promotion de
nos productions à l'export et, ce faisant, améliorer nos relations avec des pays
importants pour Israël."
"La diplomatie et les exportations d'équipements de
défense sont très mêlées. C'est dans la nature du produit", a ajouté
Yaron.
Le pavillon israélien vante ses 270 000 mètres carrés d'exposition,
financés par les industriels de la défense, pour un montant de 600 000 dollars.
Les principaux produits mis en avant par Israël sont les aéronefs, les
drones (aéronefs sans pilote) et les missiles air-air. Toutes ces petites
merveilles sont considérées comme les points forts d'Israël dans le petit monde
des stylistes de la défense.
L'un des produits exposés sera le missile de
croisière, d'une portée de 400 kilomètres, produit par les Industries
(nationales) Israéliennes de l'Armement. Il porte le nom, charmant, de
Dalilah...
Le salon aéronautique de Paris est considéré si important que
trois ministres projettent d'y assister. Ce sont le ministre de la défense
Binyamin Ben-Eliyahu (en fait : Eliezer, erreur du journal, ndt), le ministre
des transports Ephraim Sneh et le ministre de la Science (!), de la Culture
(!!!) et des Sports (!!), Matan Vilnai. La vice-ministre de la défense Dalia
Rabin-Pelosoff, (fille de feu Yitzhak Rabin, ndt) y est également attendue.
On attend plus de cent mille visiteurs, au cours de ce long week-end, parmi
lesquels les ministres de la défense de nombreux pays et des officiels de haut
rang (de haute volée, devrait-on écrire, ndt).
"Le meeting aérien en lui-même
n'est que l'amuse-gueule de tractations de coulisses", a indiqué Yossi
Ben-Hanan, chef du Département des Exportations de défense et de l'Assistance à
l'Etranger en matière de Défense, du Ministère israélien de la Défense.
"En
une semaine, nous allons avoir plus de rencontres ("d'affaires", ndt) que nous
n'en avons habituellement durant tout le reste de l'année, a déclaré Ben-Hanan,
ajoutant qu'il pouvait s'agir notamment de contacts très discrets avec des pays
qui ont quelque réticence à s'afficher tout de go en compagnie de représentants
d'Israël.
"Nous mettrons l'accent sur le fait que nous sommes tout disposés à
entrer en affaires avec des pays avec lesquels nous ne traitons pas encore, et
c'est là un message très très important.", a dit Ben-Hanan.
Tant Yaron que
Ben-Hanan s'exprimaient, hier, devant les journalistes, conviés à un briefing au
cours duquel ils leur ont remis le Catalogue (de la Redoute ?ndt) des
Productions Israéliennes de Défense les plus courantes. Pour la première fois,
ce Catalogue - très prisé ; on se l'arrache - concernant l'ensemble de la
défense et de la sécurité israéliennes était disponible en version espagnole, a
fait remarquer Ben-Hanan (avec une fierté non dissimulée).
Parmi les firmes
israéliennes d'armement à participer au Bourget, citons Elbit Systems/Elop,
Controp, Elisra, GM Cases, Israel Aircraft Industries, Kap Air, Magma Betihut,
Plasan Sasa, Rada, Radom, SGD et TAT.
3. Fébrilité
autour du cessez-le feu après un bombardement israélien (trois
victimes) par Phil Reeves
in The Independent
(quotidien publié en Grande-Bretagne) le lundi 11 juin 2001
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Des efforts frénétiques en vue du
sauvetage d'un cessez-le-feu fragile et partiel entre Israël et les Palestiniens
continuaient à être déployés hier soir, après que trois femmes (bédouines) aient
été tuées dans la bande de Gaza, sous leur tente, par des obus
d'artillerie.
Plusieurs milliers de Palestiniens, dont certains clamaient :
"Mort à Israël! Vive l'Intifada!" - sont descendus dans les rues de Gaza, hier,
pour accompagner le cortège funèbre des trois victimes, des bédouines vivant
dans la bande côtière confinée derrière les barbelés.
Des officiels
palestiniens, sous le coup de l'émotion, ont demandé qu'Israël et la communauté
internationale condamnent ce qu'ils ont qualifié de "meurtres de sang-froid"
(trois obus de tank ont explosé juste à côté de la tente où se trouvaient les
victimes).
Le chef d'état-major de l'armée israélienne, le lieutenant-général
Shaul Mofaz, a déclaré que la mort des trois femmes, intervenue tard dans la
journée de samedi, peut être attribuée à une éventuelle erreur commise par les
troupes israéliennes, qui se trouvaient sous des feux croisés provenant de
quatre directions à la fois, a-t-il avancé. Israël est critiqué depuis quelques
mois par les organisations de défense des droits de l'homme pour ses
bombardements de zones civiles par tanks et hélicoptères, mais un porte-parole
de l'armée a répété hier qu'elle répliquait à des tirs palestiniens et qu'elle
ne visait que le point dont ces derniers provenaient.
La mort de Nazra
al-Malalha (65 ans), de sa fille Hikmat (18 ans) et de Salimah al-Malalha (43
ans) porte le nombre de femmes arabes tuées au cours de l'intifada à seize,
d'après des membres de LAW, une association palestinienne de défense des droits
de l'homme. Au cours de ce bombardement, deux autres personnes ont été
grièvement blessées.
Ces bédouines ont été les premières victimes après une
interruption du conflit consécutive à un attentat qui avait coûté la vie à
vingt-et un jeunes Israéliens, principalement des immigrés de l'ancienne Union
soviétique. Un kamikaze s'était fait sauter avec sa bombe à l'entrée d'une
discothèque de Tel-Aviv, il y a dix jours, et cet attentat avait amené Yasser
Arafat à annoncer qu'il respecterait un cessez- le feu (bien que partiel),
déclaré par Ariel Sharon peu auparavant.
Ce bombardement a été l'attaque la
plus sérieuse dirigée contre les Palestiniens depuis que M. Sharon eût envoyé
des avions F-16, il y a trois semaines, bombarder plusieurs objectifs
palestiniens en Cisjordanie, tuant onze policiers à Naplouse, après un
attentat-suicide contre des Israéliens.
Bien que l'effusion de sang ait
baissé d'intensité depuis le cessez-le feu, la violence a continué, sous la
forme notamment de tirs contre des automobilistes israéliens, d'attaques au
mortier, et de lancers de pierres, qui ont entraîné notamment les graves
blessures d'un bébé israélien de cinq mois (décédé depuis cet article, ndt), et
des attaques anti-arabes de colons juifs en Cisjordanie.
Samedi, dix-sept
Palestiniens, au moins, ont été blessés par les tirs des soldats israéliens
utilisant des balles enrobées de caoutchouc et néanmoins mortelles (car en
acier), alors qu'ils tentaient de franchir un barrage israélien, en
Cisjordanie.
Hier, des pressions internationales se sont exercées sur les
deux parties au conflit afin de les inciter à persévérer dans un cessez-le-feu
chancelant, qui constitue, dans le projet de la Mission Mitchell, le premier pas
en direction d'une reprise des négociations.
William Burns, envoyé spécial
américain au Moyen-Orient, a publié une déclaration très mesurée, exprimant le
"regret profond" de son pays pour la mort des trois femmes palestiniennes et
demandant à l'armée israélienne de réduire au maximum les risques pour les
civils lorsqu'elle réplique à des tirs palestiniens, tout en demandant par
ailleurs aux Palestiniens de mettre un terme à leurs attaques contre
Israël.
M. Arafat a rencontré l'envoyé spécial de l'Union européenne pour les
questions de sécurité, M. Javier Solana, ainsi que Goran Persson, premier
ministre suédois, dont le pays assure actuellement la présidence de
l'Union.
Cette dernière joue un rôle croissant dans les efforts diplomatiques
en cours ayant pour but d'étouffer le brasier moyen-oriental.
Dans une
déclaration publiée après ces rencontres, le leader palestinien s'est engagé à
"continuer à rechercher l'application pleine et entière des recommandations
Mitchell, prises dans leur ensemble, incluant notamment le gel total des
activités israéliennes en matière de colonies, y compris leur soi-disant
"croissance démographique naturelle"".
Les officiels palestiniens et
israéliens s'apprêtaient hier pour une rencontre, dans l'après-midi, dans la
ville cisjordanienne de Ramallah, avec le chef de la CIA, George Tenet, envoyé
dans la région par l'administration Bush qui - s'étant rendu à l'évidence - est
d'ores et déjà amenée à s'impliquer plus profondément dans (le traitement) du
conflit.
Lors de cette réunion, les deux parties devaient décliner leurs
réponses à une liste de propositions de M. Tenet, formulées certes par les
Américains, mais très largement inspirées par le rapport de la mission
Mitchell.
Selon le quotidien israélien Ha'Aretz, ces propositions comportent
le retrait des troupes israéliennes jusqu'à leurs positions du 28 septembre 2000
(date du déclenchement de l'intifada) ; la fin des bouclages israéliens dans les
territoires occupés ; l'arrestation par les forces de sécurité palestiniennes
d'une vingtaine à une trentaine d'activistes du Hamas et du Jihad islamique ; la
fin de la propagande anti-israélienne dans les médias palestiniens et la
confiscation des mortiers et autres armes à feu interdites.
Les difficultés,
des deux côtés, sont multiples.
Ainsi, des porte-parole officiels
palestiniens ont fait savoir qu'ils n'avaient nullement l'intention, pour
l'instant, d'emprisonner des militants islamistes, tandis qu'Israël continue à
vouloir édulcorer l'appel à un gel total de la construction d'implantations.
Ajoutez à cette profonde suspicion mutuelle le ressentiment réciproque, la
colère populaire et la présence de fanatiques prêts à tout, d'un côté comme de
l'autre, et vous aurez une idée de la situation, qui offre un tableau rien moins
que sombre.
4. Pourquoi
Sharon est un criminel de guerre. Un témoin oculaire des massacres de 1982, à
Sabra et Shatila raconté par Dr. Ben Alofs
in Media Monitors Network
du mercredi 6 juin 2001
[traduit de l'anglais par
Marcel Charbonnier]
Je suis un médecin hollandais,
vivant actuellement au pays de Galle. Durant l'été 1982, j'étais infirmière à
Beyrouth-ouest, alors assiégée par l'armée israélienne.
Le négociateur
américain Philip Habib avait été le médiateur d'un accord, selon lequel l'armée
israélienne s'engageait à ne pas occuper Beyrouth-Ouest, après le départ des
fedayin Palestiniens. Un autre aspect fondamental de cet accord était que les
Etats-Unis garantiraient la sécurité de la population civile palestinienne, qui
ne partait pas, elle. L'évacuation, supervisée par une force internationale de
maintien de la paix, se passa dans l'ordre, et fut achevée le 1er septembre,
soit bien avant le 26, date convenue. C'est pourquoi les forces de maintien de
la paix quittèrent Beyrouth entre le 10 et le 13 septembre. Le 3 septembre se
produisit la première violation de l'accord Habib, lorsque les forces
israéliennes occupèrent Bir Hassan, dans la banlieue sud de Beyrouth.
Auparavant, Sharon avait déclaré qu'il voulait voir les forces de maintien de la
paix quitter Beyrouth.
Après l'assassinat de Bashir Gemayel, chef
charismatique et néanmoins impitoyable des Phalangistes, alliés d'Israël, Ariel
Sharon donna l'ordre d'envahir Beyrouth Ouest sous le prétexte d'y restaurer "la
loi et l'ordre". Contrairement à ce que cette déclaration tonitruante laissait
entendre, la situation à Beyrouth-Ouest était parfaitement calme, à cette date.
L'invasion israélienne constituait une violation très sérieuse de l'accord
Habib. Mais ce qui est plus important, et qu'il convient de retenir, c'est que
dès le début de l'occupation de Beyrouth-Ouest, l'armée israélienne, en tant que
force d'occupation, devenait responsable, en vertu du protocole 1 de la
quatrième Convention de Genève, de la sécurité de la population civile placée
sous son contrôle.
Deux journalistes israéliens, Zeev Schiff et Ehud Ya'ari
ont décrit comment Sharon a insisté afin que des miliciens Phalangistes soient
envoyés dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et de Shatila (lire
leur ouvrage "La guerre israélienne au Liban"). Pour atteindre cet objectif,
Sharon avait tenu des réunions, le 15 septembre, avec Elie Hobeika, Fadi Efrem
et Zahi Bustani, chefs des milices, ainsi qu'avec Amin et Pierre Gemayel, chefs
politiques du parti Phalangiste. Les chefs de l'armée israélienne, Sharon y
compris, avaient pleine conscience de l'état d'esprit des phalangistes, peu
après l'assassinat de leur chef. Quiconque connaissait ne fût-ce que
superficiellement les sentiments des Phalangistes à l'égard des Palestiniens
savait ce qui se passerait si on les laissait pénétrer dans les camps de
réfugiés. 'Tell al-Zaatar' est un nom tristement célèbre tant au Liban qu'en
Israël. Ce camp, situé à Beyrouth-Est, où j'ai rencontré des réfugiés
palestiniens pour la première fois de ma vie, en 1975, avait été assiégé
cinquante-trois jours durant par les Phalangistes et les "Tigres" de la milice
maronite, durant l'été 1976. Après la reddition des Palestiniens, la Croix Rouge
internationale, qui aurait dû garantir un "sauf-conduit" à la population des
camps, avait été incapable d'empêcher le massacre de plus de mille
civils...
Les généraux de l'armée israélienne Eitan, Drori et Yaron ont
mentionné l'obsession de la revanche qui tenaillait les Phalangistes, qui
évoquaient une "mer de sang" et le "kasah" (prise d'assaut). En dépit de leurs
observations, Ariel Sharon donna le feu vert aux Phalangistes, qui entrèrent à
Sabra et à Shatila. C'était un certain 16 septembre 1982, à la nuit
tombante.
Au moment-même où le meurtre se perpétrait, je travaillais à
l'hôpital Gaza du camp de Sabra. Le chaos et la confusion régnaient. De nombreux
blessés arrivaient à l'hôpital et notre morgue se retrouva engorgée en très peu
de temps. La plupart des victimes avaient été blessées par balles, mais certains
avaient été atteints par des éclats d'obus. Le 17 septembre, il était clair que
les Kata'eb (les Phalangistes) et/ou les miliciens de Saad Haddad (recrutés et
équipés par Israël) étaient en train de massacrer les civils. Un garçon de dix
ans nous fut amené. On lui avait tiré dessus, mais il vivait encore. Il avait
passé toute la nuit, blessé, couché sous les corps de ses parents, et de ses
frères et soeurs, tous morts. Durant la nuit, les meurtriers étaient assistés
par l'armée israélienne, qui illuminait pour eux le théâtre des opérations en
parachutant des fusées éclairantes...
Je travaillais dans une équipe de
médecins et infirmiers scandinaves, britanniques, américains, hollandais et
allemands. Nous avions insisté auprès des personnels palestiniens de l'hôpital,
les priant d'aller se mettre à l'abri dans le nord de Beyrouth-ouest. Le samedi
18 septembre au matin, nous avons été arrêtés par les miliciens de la Phalange
et de Saad Haddad. Ils nous forcèrent à abandonner nos patients et nous
emmenèrent hors de Sabra et Shatila, par la route principale. Nous avons vu en
chemin des centaines de femmes, d'enfants et d'hommes adultes, qui avaient été
raflés. Nous avons vu des corps un peu partout, sur la route et dans les ruelles
adjacentes. Les miliciens nous hurlaient après et nous traitaient de "Baader
Meinhof". Une infirmière palestinienne qui pensait être en sécurité au milieu de
nous, fut reconnue et emmenée derrière un mur. Quelques minutes après, nous
entendîmes la rafale de son élimination.
Juste à notre arrivée à la sortie du
camp, j'ai vu une scène qui ne s'effacera jamais de mon esprit : un monceau de
terre rougie de sang, avec des bras et des jambes qui en sortaient. A proximité
du monceau de bouillie humaine, un bulldozer militaire avec des inscriptions en
hébreu. Dès que nous fumes sortis du camp, on nous a intimé l'ordre de quitter
nos blouses de médecins et on nous a alignés contre un mur. C'est alors
qu'arriva un officier, dans une jeep de l'armée israélienne : il nous sauva la
vie en donnant l'ordre aux miliciens de nous livrer à cette dernière. Tout au
long des limites sud et ouest des camps, nous avons vu des tanks et des
véhicules blindés israéliens.
Après interrogatoire à leur QG militaire, les
Phalangistes nous emmenèrent au poste avancé israélien, à seulement 75 mètres de
là. Il s'agissait d'un immeuble de quatre ou cinq étages, à la lisière du camp
de Shatila. (Quelques semaines plus tard, je me trouvais sur la terrasse de cet
immeuble : il offrait une vue imprenable sur les ruines de Shatila). Les soldats
israéliens étaient visiblement embarrassés de se retrouver avec plus d'une
vingtaine d'Américains et d'Européens sur les bras. Ils nous demandèrent ce que
nous souhaitions. Nous leur répondîmes que nous voulions retourner à l'hôpital
Gaza. Impossible, nous dit-on alors, trop dangereux... Finalement, deux d'entre
nous furent autorisés à retourner à l'hôpital, munis d'un laissez-passer en
hébreu et en arabe : il y avait certainement coordination entre les Israéliens
et les miliciens... Les Israéliens avaient la situation en mains. Il leur était
impossible de voir exactement ce qui se passait dans les ruelles étroites de
Sabra et Shatila. Mais très peu de temps après le début du massacre, des
rapports individuels de soldats israéliens en faisant état commencèrent à
converger. Le commandement militaire israélien n'a pas tenté d'y apporter une
réponse immédiatement, en imposant la cessation de la boucherie, loin de là :
des groupes de civils, qui tentaient de sortir des camps avec des drapeaux
blancs, y furent renvoyés de force...
Même le samedi 18 septembre au matin,
le jour où nous fumes "sortis" des camps, nous avons vu des groupes de la relève
des Phalangistes y pénétrer sous l'oeil scrutateur des Israéliens. Vingt minutes
environ après que nous ayons dépassé un groupe important de femmes, d'enfants et
de vieillards, sur la route principale de Sabra, nous avons entendu une orgie de
rafales de mitrailleuses. Swee, un orthopédiste, me dit qu'une femme
palestinienne avait tenté de lui confier son bébé, comme si cette femme avait la
prémonition de ce qui allait se passer. Le bébé fut arraché des bras de Swee et
rendu à la mère. Le dimanche 19, je suis retournée à Sabra et Shatila avec deux
Danois et un journaliste hollandais. L'armée libanaise entourait le camp et
s'efforçait de tenir les journalistes à l'écart. Nous pûmes trouver un passage
et entrâmes dans le camp. Nous fûmes tous sous le choc, face à l'étendue des
destructions et la sauvagerie des crimes. Les Israéliens avaient donné l'ordre
aux miliciens de quitter le camp, dans la journée du samedi. Ceux-ci avaient eu
le temps de mener à bien beaucoup plus encore de destructions et de massacres
après que nous ayons été emmenés hors des camps, dans la matinée du même jour.
La Sécurité civile libanaise avait commencé à récupérer les corps qui n'avaient
pas eu le temps d'être enfouis par les bulldozers. Nous ne saurons jamais
exactement combien de personnes ont été massacrées durant ces terribles journées
des 16, 17 et 18 septembre 1982. 1 500, peut-être ? 2 000 ? Plus, encore ?
A
la fin novembre, les pluies d'automne commencèrent à tomber, et les égouts,
saturés, inondèrent Sabra et Shatila. La saturation des égouts était due, en
partie, à des corps qui y avaient été jetés. Les corps récupérés par la Sécurité
civile libanaise avaient été enterrés dans une fosse commune à Shatila. Une
grande fosse commune avait été creusée dans un terrain de golf voisin, et
d'autres, prévues, ne furent jamais creusées. Le gouvernement libanais et son
nouveau président, Amin Gemayel, frère de Bashir, l'avaient interdit. Le premier
ministre israélien, Begin, déclara : "des Goyim tuent des Goyim, et en plus, ils
mettent en cause les Juifs..." Bien sûr, Hobeika, Efrem et leurs hommes étaient
directement responsables des massacres. Mais ils n'auraient jamais pu se
produire, si Sharon n'avait pas donné délibérément et sciemment le feu vert à
toute l'opération.
Sharon voulait éliminer les derniers restes de
l'infrastructure de l'OLP au Liban, quel qu'en fût le prix. J'étais à Sabra et
Shatila. Il n'y avait pas là "deux ou trois mille terroristes", comme le
prétendait Sharon. Les seuls "terroristes" qui y vivaient, c'était des garçons
de dix-douze ans, qui tentaient de protéger leurs familles avec des petits
fusils tout juste bons à chasser les oiseaux. Si seulement une centaine de
feddayin étaient restés dans les camps, rien de ce qui s'est passé ne serait
advenu...
Quand on met un serpent venimeux dans le berceau d'un enfant et
que celui-ci meurt, c'est la personne qui a mis le serpent dans le berceau qui
est directement responsable del a mort de cet enfant. Par conséquent, les
commandants israéliens Eitan, Drori et Yaron ont une responsabilité directe,
mais par-dessus tout, Ariel Sharon. C'était lui, le chef. Il aurait pu éviter
cette tragédie, mais il voulait chasser les Palestiniens de Beyrouth en
Jordanie, qui était le véritable "Etat palestinien", d'après lui. Deir Yassin
revisité. "Animaux à deux pattes" : voilà comment Begin appelait les
Palestiniens, en 1982. Eitan, lui, évoquait "des cafards drogués, dans une
bouteille". Cette déshumanisation des Palestiniens était - est toujours - la
cause du désintérêt total manifesté dans l'armée israélienne pour la vie d'un
Palestinien.
Il faut rendre hommage aux 400 000 Israéliens qui ont manifesté
à Tel Aviv en protestation contre les massacres. En Israël, au moins, il y eut
une enquête sur les massacres, effectuée par la Commission Kahane. Le juge
d'instruction libanais Germanos, pour sa honte, fut incapable ne fusse que
d'identifier les perpétrateurs libanais. Les conclusions de la commission Kahane
étaient fatalement biaisées et Sharon ne fut que tout juste déclaré coupable
d'avoir une responsabilité indirecte dans les massacres, et qu'il n'était pas
digne de la charge de ministre de la défense, par voie de conséquence. Mais cela
le rendait-il digne de devenir premier ministre ? Comment la Cour Suprême
d'Israël peut-elle justifier cela ? Je pense qu'à la lumière de ce que j'ai
exposé plus haut, Ariel Sharon est clairement un criminel de guerre. Les
victimes des crimes de guerre crient justice. C'est pourquoi Augusto Pinochet
devrait être jugé, ainsi que les Radovan Karadjic, Radko Mladic et autre
Slobodan Milosevic.
L'assassinat d'Intissar Ismaïl appelle justice. Intissar
était une infirmière de dix-neuf ans, pleine d'allant et de charme, avec
laquelle je travaillais à l'hôpital Akka, du camp de Shatila, dans la nuit du 14
au 15 septembre. Le calme régnait dans notre service, et nous écoutions la
radio. Le speaker confirma la mort de Bashir Gemayel. Je décelai la peur sur le
visage d'Intissar. Je tentai de la rassurer. Le lendemain matin, je laissai
l'hôpital, à sept heures du matin et pris la route principale du camp de
Shatila.
Soudain, des avions de chasse israéliens survolèrent le camp à
basse altitude, en un rugissement de réacteurs assourdissant. A la sortie du
camp, je pris un taxi pour Ras Beyrouth.
Aux carrefours, je vis de jeunes
hommes libanais. Ils étaient armés et fixaient le sud. Qu'attendaient-ils ? Avec
six jours de retard, je revins sur les ruines de l'hôpital Akka, entièrement
brûlé. Un ambulancier me dit qu'Intissar se trouvait dans la chambre de repos
des infirmières, au sous-sol, lorsque les Phalangistes avaient fait irruption.
Elle fut soumise à un viol collectif, puis abattue. Son corps était
méconnaissable. Ce n'est que grâce aux bagues qu'elle portait que ses parents
ont pu reconnaître le corps de manière formelle.
Intissar crie justice. 2 000
innocents crient justice. Il serait satisfaisant que Sharon, dont la visite est
prévue en Europe, soit arrêté et transféré à la prison de Scheveningen. Suis-je
trop cynique quand je dis que l'Europe ne fait pas ce qu'il faudrait faire
lorsque c'est de criminels de guerre israéliens dont il est question ? Suis-je
par trop pessimiste quand j'avance que Sabra et Shatila ne sont certainement pas
le premier crime de guerre commis par Sharon, et sans doute pas, hélas, le
dernier ?
5.
L'après-rapport Mitchell par Hassan Abou-Taleb
in Al-Ahram
Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 6 juin 2001
L'Administration
Bush a décidé d'entreprendre un pas concret — bien que limité — dans le but de
contrôler la situation détériorée dans les territoires occupés. Le secrétaire
d'Etat américain, Colin Powell, a chargé l'ambassadeur américain en Jordanie,
William Burns, de contacter les deux parties palestinienne et israélienne pour
les inciter à appliquer les recommandations de la commission Mitchell.
Pour
de nombreux observateurs, le fait de charger un diplomate américain du poids de
Burns indique à lui seul un changement positif dans la réaction de
l'Administration américaine vis-à-vis de la crise au Proche-Orient. William
Burns, l'un des candidats au poste de sous-secrétaire d'Etat pour le
Proche-Orient, est sans doute un diplomate compétent. Il appartient à ceux qu'on
appelle les « diplomates traditionnels », c'est-à-dire ceux qui ont pour premier
souci les intérêts des Etats-Unis. En plus de cette mission confiée à Burns, il
y a eu ces déclarations où Colin Powell a estimé qu'il ne peut y avoir de
solution militaire pour ce genre de problèmes (en référence au dossier du
Proche-Orient). Il s'agit là des propos d'un militaire de carrière. Ces
évolutions expriment la volonté des Etats-Unis qui semblent vouloir briser
l'attitude « neutre » adoptée depuis l'accession du président Bush Jr au
pouvoir. Cette attitude consistait à laisser les parties du conflit régler
elles-mêmes leurs problèmes.
Or, cette évolution semi-positive ne doit pas
être considérée séparément des autres positions de base des Etats-Unis.
Celles-ci consistent à assurer la sécurité d'Israël, parrainer la politique
israélienne vis-à-vis des Palestiniens, avorter toute tentative d'accuser l'Etat
hébreu au sein des instances internationales et, comme pour toile de fond, à
endiguer la colère arabe à chaque fois qu'elle essaye de se manifester, tout en
imputant la responsabilité à la partie palestinienne ou à Yasser Arafat. A-t-on
besoin de rappeler que la politique américaine concernant le conflit
arabo-israélien est un exemple flagrant de la politique de deux poids, deux
mesures dont souffrent beaucoup de pays tiers-mondistes ?
Quant aux
recommandations du rapport Mitchell, elles ne sont qu'une tentative de sortir du
cercle vicieux de la violence loin de la « solution militaire » adoptée par le
gouvernement du terroriste Sharon. L'ensemble des recommandations du rapport
ressemble plutôt à un « troc politique » proposant la levée du blocus israélien
imposé aux territoires palestiniens et l'arrêt de la construction des colonies
(seuls points positifs) contre un engagement palestinien à arrêter l'Intifada ou
ce que le rapport appelle « la violence palestinienne ».
Le rapport omet
volontairement la responsabilité de Sharon dans le déclenchement de l'Intifada,
et néglige le fait qu'il est question d'une occupation coloniale et d'une
résistance légitime d'un peuple qui veut récupérer ses territoires et établir
son Etat indépendant. Le rapport veut essentiellement ramener la situation à un
état proche de celui qui régnait avant le 28 septembre dernier, jour de mauvaise
augure qui a témoigné de la visite provocatrice du terroriste Sharon à
l'Esplanade des mosquées, protégé par la police israélienne.
Malgré ces
contradictions, l'Autorité palestinienne a accepté le rapport Mitchell, estimant
qu'il peut servir de « base » pour calmer la situation, sous condition qu'il
soit traité comme un tout indivisible. Une condition que le président Arafat a
soulignée à maintes reprises au cours de sa dernière tournée européenne. Or,
cette position peut partiellement alléger les pressions internationales et
américaines exercées sur l'Autorité palestinienne et priver Israël d'une
occasion pour gagner un nouveau point dans le conflit diplomatique sur la scène
mondiale, le fait d'accepter le rapport ne saurait aucunement réduire les
pressions intérieures. En fait, revenir à la situation qui prévalait avant le 28
septembre et reprendre la coordination sécuritaire avec les Israéliens sans
avoir réalisé des résultats concrets serait mépriser les sacrifices offerts
jusqu'ici par les Palestiniens. Alors qu'il y a des factions palestiniennes qui
sont décidées à poursuivre la résistance tant qu'elles n'ont pas reçu les
garanties nécessaires pour mettre fin à l'occupation israélienne. Voilà un autre
conflit que l'Autorité palestinienne doit prendre en considération.
Sinon le
rapport Mitchell ressemblerait à des gouttes d'eau insuffisantes pour éteindre
l'immense feu qui embrase la région. Au plus, le rapport Mitchell réussirait à
établir un état de
trêve.
6.
Proche-Orient : pas d'apaisement sans partage de la terre
par Alain Dieckhoff
in Le Monde du mercredi 6 juin 2001
UN attentat
particulièrement sanglant vient d'endeuiller Israël. Provoquera-t-il un
salutaire ressaisissement ou précipitera-t-il la marche vers l'abîme ? La
réponse ne tardera pas, mais, au vu de l'approfondissement continu de la guerre
d'usure israélo-palestinienne, qui est entrée dans son neuvième mois, il faudra
une énergie colossale pour sortir de l'ornière.
Le rapport Mitchell offre,
certes, pour la première fois depuis l'arrivée d'Ariel Sharon à la tête du
gouvernement israélien, une perspective diplomatique pour mettre fin à la crise.
Il faut entretenir cette lueur d'espoir tout en mesurant sa fragilité face à la
militarisation incessante du conflit.
Tout ce qui était exceptionnel hier est
devenu routinier ces derniers mois : les tirs contre les lanceurs de pierres,
les liquidations d'activistes du Fatah ou du Hamas, les incursions de chars en
zone autonome, les raids d'hélicoptères de combat pour les uns ; le mitraillage
des colonies juives et des fortins de l'armée, les attentats kamikazes pour les
autres.
Dans cette escalade graduelle, l'Etat hébreu dispose d'une large
panoplie, allant du fusil d'assaut aux avions, mais si les Palestiniens ont des
moyens nettement moins sophistiqués, ils se sont aussi employés à modifier la
donne pour montrer que la guerre d'usure ne peut pas se poursuivre
"tranquillement", si l'on ose dire en Cisjordanie et à Gaza, tandis que le
territoire israélien demeurerait un sanctuaire inviolé.
Les tirs de mortier,
non seulement sur les colonies de Gaza, mais aussi sur les kibboutzim voisins,
relèvent de cette logique. Mais c'est surtout la redoutable multiplication des
attentats en Israël qui modifie la nature de l'affrontement. En gommant la
frontière entre le "dehors" (les territoires palestiniens) et le "dedans"
(Israël), les attentats achèvent de transformer le conflit politique entre
Israéliens et Palestiniens en un antagonisme communautaire où le sang appelle le
sang.
Cette évolution est terriblement préoccupante, mais on ne saurait se
contenter de la déplorer, il faut interrompre pour de bon cette mécanique
infernale.
Comment ?
La suprématie militaire d'Israël entretient chez
certains, à commencer par Ariel Sharon, la tentation d'avoir raison du
nationalisme palestinien en brisant définitivement son appareil politique. Après
tout, c'est très précisément la stratégie qu'il menait déjà, en 1982, en
expulsant l'OLP du Liban... avec le succès que l'on sait. Cette politique de la
main de fer a échoué dans le passé, elle échouera à l'avenir car il est
illusoire de vouloir éradiquer par la force les aspirations nationales d'un
peuple. La voie militaire aboutit fatalement à une impasse - ce qui n'empêchera
pas certains de vouloir l'emprunter.
De quelle autre issue dispose-t-on ?
Imposer une solution de l'extérieur, basée sur les recommandations Mitchell et
les résolutions 242 et 338 de l'ONU ? Cette option supposerait que les acteurs
dominants de la scène internationale agissent, de concert, mais l'étroitesse des
liens stratégiques entre Israël et les Etats-Unis empêche, pour l'heure, une
pareille implication directe de la communauté internationale.
D'où alors peut
bien provenir un souffle neuf ? A terme, d'un changement de perspective à
l'intérieur de la société israélienne.
Aujourd'hui, les odieux attentats du
Hamas et du Djihad, au cœur d'Israël, contribuent inévitablement à renforcer la
solidarité nationale. Ils font taire les divisions et contribuent à l'union
sacrée contre l'ennemi. Ils accréditent aussi, dans une large partie de
l'opinion publique, le sentiment que toute la terre d'Israël (de la Méditerranée
au Jourdain) constitue un seul front. La preuve : les Palestiniens frappent sans
discrimination aussi bien les colonies que les villes israéliennes.
C'est là
qu'il convient d'introduire une nuance de taille. Que les attentats perpétrés
par les mouvements islamistes à Tel Aviv ou Nétanyah témoignent du refus
persistant de la légitimité d'Israël est une constatation indéniable. En
conclure que rien ne distingue politiquement la situation de Netzarim (dans la
bande de Gaza) de Tel Aviv est une constatation spécieuse qui arrange évidemment
les colons et leurs soutiens politiques mais qui doit être résolument
rejetée.
La différence essentielle est toute simple : les implantations sont
illégales au regard du droit parce que situées dans des territoires occupés
alors que les cités israéliennes se trouvent sur le territoire souverain d'un
Etat reconnu internationalement.
Cette distinction cardinale est brouillée
dans l'atmosphère de violence généralisée, mais si la dégradation continue de la
sécurité personnelle des Israéliens à l'intérieur de la ligne verte en amène
certains à préconiser une escalade sans fin des représailles, elle devrait en
conduire d'autres à une conclusion différente : le meilleur moyen de protéger
les citoyens israéliens est encore d'ériger une frontière politique entre Israël
et un Etat palestinien.
Comment, en effet, ne pas voir que c'est précisément
l'interpénétration des deux espaces et l'absence de délimitation entre eux qui
facilitent l'arrivée des poseurs de bombes en Israël ? Or, tant que l'Etat
hébreu continuera d'avoir 200 000 ressortissants au-delà de la ligne verte (hors
Jérusalem), la dissociation est impossible à mettre en œuvre et, partant, les
flux de kamikazes ne peuvent être stoppés.
A ceux qui objecteraient qu'œuvrer
à une pareille disjonction dans les circonstances présentes serait donner une
"prime au terrorisme", une double réponse s'impose. D'abord, le premier devoir
d'un Etat démocratique est d'assurer le droit à la sûreté de ses citoyens. Si
l'insécurité du plus grand nombre est aggravée du fait d'une politique malavisée
(en l'occurrence, la colonisation), il convient d'y renoncer. Israël n'a pas été
créé pour permettre à des milliers d'exaltés de poursuivre leurs dangereuses
rêveries messianiques et à des milliers d'autres de bénéficier d'habitations bon
marché mais pour servir de lieu de refuge sûr.
Ensuite, l'argument selon
lequel il conviendrait de ne surtout rien concéder lorsque le terrorisme se
déchaîne est souvent avancé de mauvaise foi car, en période d'accalmie, nombre
de ces pseudo-moralistes ne sont pas non plus disposés à transiger davantage
puisque la situation est sous contrôle !
A cet égard, il n'est pas inutile de
méditer plus avant l'exemple du Liban sud. On a beaucoup répété qu'en se
retirant unilatéralement du pays du Cèdre, Israël avait envoyé un mauvais signal
aux Palestiniens en les incitant à penser qu'ils pouvaient eux aussi, comme le
Hezbollah, obtenir par la force le départ de Tsahal. Que cet effet d'imitation
ait pu jouer, sans doute, mais il convient de filer la métaphore libanaise
jusqu'au bout : depuis le retrait de l'armée, jamais, depuis vingt-cinq ans, les
localités du nord d'Israël n'ont été aussi calmes, contrairement aux prévisions
alarmistes de ceux qui avaient prédit qu'un déluge de feu s'abattrait sur la
Galilée. Le retour sur la frontière internationale a donc eu une vertu
pacificatrice.
Même si le contexte politique est différent entre Israéliens
et Palestiniens, négocier l'établissement d'une frontière, et donc une partition
véritable et équitable, reste l'unique moyen d'assurer la sécurité des deux
peuples. Simplement, contrairement aux espoirs qu'avait soulevés Oslo, le
partage ne se réalisera pas pacifiquement, de gré à gré, avec une réconciliation
en profondeur à l'horizon mais sur la base d'un désengagement réciproque, sur
fond de violence, dans la nécessité et l'amertume.
Qui prendra en charge cet
objectif en Israël, qui accompagnera l'indispensable mûrissement de l'opinion ?
Seule la gauche est en mesure d'accomplir cette tâche, non pas la "gauche"
ben-gourioniste qui s'est associée sans états d'âme à la droite nationaliste,
mais une gauche crédible, ouverte, sociale et civique qu'il appartient à des
hommes comme Yossi Beilin et Shlomo Ben Ami de consolider.
L'ennui, c'est
qu'il faut pour tout cela du temps et qu'il risque bien de venir très vite à
manquer alors que chacun fourbit ses armes.
- Alain Dieckhoff est
directeur de recherche au CNRS (Centre d'études et de recherches
internationales, Paris).
7. Cessez-le-feu
: réactions palestiniennes par Pénélope Larzillière
in La Croix du
mardi 5 juin 2001
Plus se prolonge l'attente des représailles
israéliennes après l'attentat de Tel Aviv, plus l'angoisse monte sur les
territoires palestiniens. Exprimant un sentiment d'impuissance totale, les
plaisanteries résignées fusent : qu'est-ce qu'ils vont nous envoyer cette
fois-ci : des Tornados ? Les policiers ont quitté dimanche les bâtiments publics
et les ministères ont été désertés. Bureaux et magasins ont fermé pour permettre
à leurs employés de rentrer plus tôt. Avec un blocus renforcé, le trajet
promettait d'être long entre détours, marche à pied et attentes aux checks
points. L'enthousiasme soulevé par la marche vers Jérusalem à l'occasion des
obsèques de Faysal Husseini était bien loin. Loin l'euphorie de ces jeunes
Palestiniens brandissant fièrement leur carte d'identité orange qui leur
interdit normalement l'entrée de la ville. Perçu comme le résultat des énormes
pressions internationales exercées sur lui, l'appel au cessez-le-feu de Yasser
Arafat n'a tout d'abord pas soulevé grand intérêt, pas plus que ne l'avait fait
l'annonce israélienne d'un cessez-le-feu unilatéral qui, sur le terrain, entre
blocus, descentes dans les villages et tirs en provenance des colonies ne
s'était guère fait sentir. Suite à des tirs sur leur voiture, deux Palestiniens
sont morts hier près de Ramallah tandis que la ville de Rafah essuyait des tirs
de tank dans la matinée.« L'emploi même du terme de cessez-le-feu sert à
renforcer l'image médiatique construite par les Israéliens de deux armées qui se
combattent. » souligne Mustafa Barghouti, figure importante de la gauche
palestinienne « la réalité, c'est une Autorité fragmentée qui contrôle 10% du
territoire, le reste appartenant à l'armée d'occupation. Arafat s'est laissé
prendre dans un piège stratégique. A mon avis, Monsieur Sharon veut instaurer
une terreur psychologique totale et maintenant il va pouvoir se servir du
moindre incident pour justifier ses attaques militaire. ». Analyse que conforte
Roger Heacock, directeur du département d'études internationales de l'Université
de Bir Zeit « . Le cessez-le-feu était demandé par les Palestiniens depuis le
début de l'Intifada. Une fois décrété par les Israéliens, Arafat aurait du
saisir l'occasion et déclarer : nous sommes maintenant à égalité. Il est évident
qu'il ne peut pas contrôler tout acte de violence sur les territoires et
certainement pas les islamistes or toute opération pourra être utilisée contre
lui. ». Contacté par téléphone, Abd al Aziz El Rantisi, numéro deux du Hamas, a
insisté sur le fait que seul le peuple palestinien pouvait décréter l'arrêt du
soulèvement. « Tant que se poursuit l'occupation, il n'y a aucune raison de
stopper nos actions. »a-t-il ajouté. Réuni à Gaza, le Comité National et
Islamiste (qui comprend entre autres Fatah, FPLP, FDLP. Hamas et Djihad
Islamique) a exprimé le même point de vue dans son communiqué : "Notre peuple a
le droit de se défendre contre l'agression, l'occupation et la colonisation, et
de poursuivre l'Intifada populaire, qui est un moyen de lutte légitime contre
l'occupation de nos terres et pour appliquer nos droits internationaux". Cela ne
s'oppose cependant pas nécessairement à l'appel d'Arafat car les Palestiniens
comprennent sous le terme d'Intifada populaire avant tout les actions comme les
manifestions, le boycott et les jets de pierre. Parmi les activistes, les
sentiments étaient partagés. « si c'est un ordre d'Arafat on le suit », explique
le responsable d'un groupe d'activistes sur Ramallah. Cependant, plus au Nord où
la fragmentation du territoire rend moins sensible la présence de l'Autorité
Palestinienne, des oppositions se révélaient : « il n'y a pas de raison de
s'arrêter alors que Sharon, lui, continue l'agression » s'exclame ainsi un
membre des Jeunesses du Fatah du camp de Balata à Naplouse. Les tensions à
l'intérieur du Fatah entre cadres de terrain et proches d'Arafat apparaissent
également à travers les déclarations en partie contradictoires de ses
leaders. « l'Intifada et la résistance continuera aussi longtemps qu'un colon
juif et un soldat israélien seront présent sur notre sol." affirme Marwan
Barghouti, leader de l'Intifada sur Ramallah surtout. « Nous appliquerons la
décision de cessez-le-feu du Président. » explique quant à lui Hassan is Cheikh,
proche d'Arafat et concurrent direct de Marwan Barghouti. "Nous offrons la
possibilité de terminer cette guerre menée par le gouvernement d'Israël contre
le peuple palestinien." Arafat semble cependant avoir encore les moyens de
contrôler la plus grande partie du Fatah. Pour les forces islamistes, il ne
pourrait le faire qu'en procédant à une vague d'arrestations massives, ce qui
soulèverait une importante partie de la population contre lui.
8. Ils devront
pourtant coexister, un jour par Baudouin Loos
in Le Soir (quotidien belge) du mardi 5 juin 2001
Le qualificatif d'« inqualifiable » ne
peut servir de paravent devant l'horreur qu'inspire l'attentat islamiste de
Tel-Aviv vendredi dernier. On peut au moins ajouter : abominable et
injustifiable. Comment, dès lors, ne pas comprendre le vif sentiment tout à la
fois paranoïaque et revanchard qui envahit beaucoup d'Israéliens ?
Fallait-il vraiment la mort atroce de ces jeunes fêtards pour que, le prix
du sang payé, les Palestiniens envisagent un cessez-le-feu ? Les choses
n'apparaissent pas de manière aussi tranchée. Ces Palestiniens ont la conviction
de mener le dernier combat pour l'indépendance. L'indépendance non de quelques «
bantoustans » qu'Israël leur offrait jusqu'ici, mais celle du pourcentage
minimum de la Palestine, 22 %, qu'ils se sont résolus, en grande majorité, à
accepter, à savoir tous les territoires occupés depuis 1967. Les plus radicaux
estiment légitimes les méthodes les plus sanglantes.
On peut traiter Yasser Arafat de tous les noms, le fait est qu'il suit plus
son peuple qu'il ne l'emmène, dans cette galère. Son soudain appel au
cessez-le-feu, fruit de pressions multiformes, risque du reste de montrer toute
l'étendue de la faiblesse d'« Abou Ammar ». Trente-quatre années d'occupation
ont produit tant de souffrances, d'humiliations que les pires débordements,
surtout quand ils portent la soi-disant caution d'Allah, sont devenus depuis
longtemps possibles. Hideux mais possibles. « Nos deux peuples sont devenus des
monstres », disait feu Fayçal Husseini.
La très compréhensible paranoïa des Israéliens énonce que les Arabes
veulent une Palestine du fleuve (le Jourdain) à la mer (la Méditerranée). Le
vécu palestinien, en miroir, est celui d'une dépossession depuis la mer jusqu'au
fleuve. Car voilà où se situe l'invincible contradiction d'Israël : la majorité
des Israéliens réclament une séparation totale d'avec leurs voisins
palestiniens, mais celle-ci se révèle impraticable en raison des quelque 170
implantations, les colonies juives, qui strient méthodiquement les territoires
occupés jusqu'au fleuve. Des colonies notamment installées dans le but de
prévenir l'instauration d'un Etat palestinien bien que celui-ci fût inscrit dans
le sens de l'histoire. Mais des colonies, aussi, qui prospèrent plus que jamais
depuis le début du « processus de paix » défini à Oslo en 1993. Des colonies
qui, selon leur architecte Ariel Sharon, resteront toutes en place à
l'avenir.
Il ne faut s'en cacher : les colonies juives, de fait, empêchent
l'épanouissement d'un Etat palestinien. Elles empêchent de même qu'une vraie
séparation physique mette les haines réciproques derrière un mur. Il ne reste
qu'à espérer - sans illusions - que les puissances de ce monde, celles qui
en ont les moyens d'influence, les Etats-Unis et l'Europe, réussissent à imposer
à ces deux peuples un juste partage de la terre. Car ils devront pourtant bien
coexister, un jour.
9. Vers une
redistribution des cartes au Moyen-Orient
in Le Magazine
(hebdomadaire libanais) du vendredi 1er juin 2001
"Sanctions
intelligentes" contre l'Irak
Pour la première fois depuis onze ans,
l'embargo imposé à l'Irak semble se déliter sérieusement. Les Etats-Unis et
leurs alliés britanniques tentent désespérément par l'intermédiaire de sanctions
dites «intelligentes» d'insuffler une nouvelle vie à un blocus qui a fait
jusqu'aujourd'hui 1,7 million de morts. Enjeux géopolitiques d'un embargo
immoral
Le 15 avril dernier, un tanker transportant du pétrole irakien faisait
naufrage au large des côtes émiraties. Loin d'être le premier du genre,
l'accident a pourtant soulevé des rumeurs selon lesquelles le pétrolier aurait
été délibérément coulé par les forces navales américaines. C'est dans le souci
de retourner l'opinion publique de la région, favorable à la poursuite de la
contrebande du pétrole irakien, que les Américains auraient provoqué ce désastre
écologique dans les eaux du Golfe. Coïncidence ou pas, l'interception des
pétroliers en provenance d'Irak s'est multipliée ces derniers temps. Cet
incident coïncide également avec l'intensification des efforts des Etats-Unis
pour rallier l'Onu et les pays arabes limitrophes de l'Irak à une nouvelle
version revue et corrigée de l'embargo qualifié pudiquement de «sanctions
intelligentes».
Le Proche-Orient à l'heure américaine
Le 17 janvier
1991, les Etats-Unis inauguraient le nouvel ordre mondial en déversant sur
l'Irak 95000 tonnes de bombes (dont 300 à l'uranium appauvri), soit le double
des bombes larguées par les belligérants tout au long de la Deuxième Guerre
mondiale. Ainsi commençait la descente aux enfers de tout un peuple sous le
couvert de la «légalité internationale». Désormais leaders incontestés du nouvel
ordre mondial, les Etats-Unis imposent leur hégémonie à l'ensemble de la
planète. A la Russie et à la Chine par leur force militaire, aux alliés
européens et japonais par leur mainmise sur le pétrole, dont dépend la survie de
leurs industries. Au Proche-Orient, seul Israël sort grandi de cette
confrontation en se trouvant débarrassé à peu de frais de la redoutable
puissance militaire irakienne. Le reste du Proche-Orient se met à l'heure
américaine. La conférence de paix de Madrid est convoquée en 1991 par les
Etats-Unis aux conditions israéliennes, comme l'a déclaré en personne l'ancien
secrétaire d'Etat américain James Baker. L'Irak, vaincu et détruit au sens
littéral du terme, est ramené, toujours selon les propres termes de Baker, «à
l'époque préindustrielle». Les sanctions internationales imposées par les
Etats-Unis soumettent l'Irak à un embargo qualifié cyniquement par Madeleine
Albright du «plus efficace» et du «plus original de l'histoire». Elaboré en
1996, le programme «pétrole contre nourriture et médicaments» est mis en œuvre
pour justifier le maintien du blocus et organiser l'appauvrissement de l'Etat
qui fut, avant sa destruction, le pays le plus industrialisé du monde arabe.
Sans pour autant sauver la population irakienne dont les enfants succombent par
milliers, victimes de la sous-alimentation et des maladies dues à la carence des
médicaments.
L'essor de la contrebande
Le calvaire du peuple irakien
soulève une vague d'indignation qui gagne les quatre coins du monde, y compris
de larges secteurs de l'opinion publique occidentale. Les fissures commencent à
apparaître et gagnent en ampleur à partir de 1997. La Russie, la Chine et la
France réclament timidement la levée de l'embargo mais sont toujours paralysées
par le veto américain. Entre l'Irak et ses voisins (Etats du Golfe, Syrie, Iran
et surtout Turquie et Jordanie), la contrebande s'organise. Pour échapper à
l'asphyxie, l'Irak vend son pétrole à des prix dérisoires (entre 6 et 8 dollars
le baril, qui gravite autour de 25 dollars au marché mondial). Les économies
réalisées par la Jordanie sont évaluées à plus d'un milliard de dollars. Celles
de la Turquie atteignent 4 milliards de dollars.
Cependant, c'est du côté de
la Syrie que s'effectue le grand tournant.
Damas, qui n'a récolté de la
guerre contre l'Irak que l'isolement et la vulnérabilité face à l'alliance
militaire israélo-turque, s'est trouvé fragilisé face aux pressions des
politiques, économistes et, à un certain degré, militaires des Etats-Unis.
Constamment accusé de «terrorisme», il se voit inclus avec la Corée du Nord,
l'Iran, la Libye et Cuba dans la liste des Etats qualifiés par Washington de
«voyous». Déjà, bien avant la mort de Hafez el-Assad, Damas acquiert la
certitude que, pour lui, la seule voie de salut réside dans un renversement
problématique d'alliances dans la région. Lentement et prudemment, la Syrie
entame avec l'Irak un long processus de rapprochement qui sera couronné en avril
dernier par un accord officiel de libre-échange. Cet accord modifie de fond en
comble les règles du jeu dans la région. Il permet à l'Irak de desserrer l'étau
qui l'étranglait depuis onze ans et jette les régimes arabes dans l'embarras
face à leurs opinions publiques pro-irakiennes dans leur quasi-totalité.
L'Egypte, que nul ne peut accuser d'anti-américanisme, adhère au marché commun
syro-irakien. Il ne s'agit plus désormais d'une simple violation de l'embargo,
mais bien de son rejet pur et simple. Si l'accord avec l'Egypte reste
relativement symbolique en raison de l'éloignement géographique, c'est surtout
l'ouverture totale des frontières syro-irakiennes qui a en fait sonné le glas du
blocus imposé par Washington à l'Irak. La cadence des échanges s'accélère de
façon dramatique au détriment de la Turquie et de la Jordanie qui redoublent
d'efforts pour rester dans la compétition. L'Irak reçoit de Syrie ou à travers
elle le gros de ses achats et écoule vers elle tous ses produits exportables.
Les ports de Tartous, Banias et Lattaquié travaillent à pleins tubes. L'oléoduc
Kirkouk-Banias est remis en service, assurant l'écoulement vers la Syrie de
100000 barils de pétrole irakien par jour. Et selon la déclaration du président
syrien lui-même, un oléoduc de plus grande puissance est en construction à
l'heure actuelle.
L'Amérique hausse le ton
L'Amérique en alerte hausse le
ton. Elle se rend compte avec inquiétude qu'un nouveau regroupement au
Moyen-Orient risque de modifier le statu quo établi depuis onze ans sur les
ruines de l'Irak. La nouvelle alliance en gestation entre Bagdad et Damas,
lui-même allié à l'Iran et aux mouvements arabes anti-israéliens (Hezbollah et
Résistance palestinienne en tête), risque d'inverser le rapport des forces dans
la région et d'ébranler l'ordre américain qui régit le Moyen-Orient depuis la
«Tempête du désert». Dès lors, la bataille n'est plus seulement celle des
sanctions imposées ou à imposer à l'Irak, mais bel et bien de l'avenir de la
suprématie américaine et de sa mainmise sur le pétrole du Golfe. C'est dans ce
contexte que les Etats-Unis et leurs alliés britanniques proposent les sanctions
dites «intelligentes» et qui ne sont, rappelons-le, qu'une version revue et
corrigée à la hausse des sanctions en vigueur depuis 1996.
Le Conseil de
sécurité, qui doit se réunir le 4 juin prochain, se trouve dans une impasse, vu
les réticences de la France et de la Chine et l'opposition russe aux nouvelles
sanctions. Mais quelle que soit l'attitude des grandes puissances, l'initiative
anglo-américaine est vouée à l'échec car, pour la première fois, ce sont les
pays limitrophes de l'Irak qui dictent la loi. Damas est plus décidé que jamais
à aller de l'avant dans sa fructueuse coopération avec Bagdad, prélude à une
alliance stratégique politico-économique (et peut-être militaire), seule capable
de le faire sortir de l'isolement dans lequel il se trouve confiné depuis la
guerre du Golfe. La Turquie et la Jordanie traînent les pieds et se font
vainement bousculer par les Etats-Unis pour adhérer au nouveau régime de
sanctions car elles sont conscientes du prix exorbitant qu'elles seraient
amenées à payer en se privant de leur coopération idyllique avec Bagdad. Les
menaces de Tareq Aziz à leur encontre se sont avérées payantes car Ankara et
Amman sont les premiers à savoir que Washington n'est nullement disposé à
compenser les milliards de dollars que pourraient leur coûter la rupture avec
l'Irak et l'achat de son pétrole à des prix dérisoires. Dorénavant, c'est vers
la Syrie, principale responsable de l'échec de la nouvelle politique américaine,
que les regards se tournent. La riposte des Etats-Unis ne manquera probablement
pas à se manifester et les menaces presque quotidiennes d'Israël sont là pour le
prouver. Mais Damas, conscient de l'importance de l'enjeu, choisit prudemment de
calmer le jeu au Liban, évitant la riposte à la provocation israélienne à Dahr
el-Baïdar et conseillant retenue et modération au Hezbollah. Il s'applique à
éviter que l'exaspération américaine ne s'exprime en un conflit local ou
généralisé avec Israël. Le pourra-t-il? Vraisemblablement oui. Car avec une
crédibilité érodée par sa politique pro-israélienne, insensible aux souffrances
des Palestiniens et cruel envers les Irakiens, Washington pourra difficilement
accepter le risque d'un nouveau conflit aux conséquences imprévisibles.
Décidément, l'avenir semble fertile en événements.
Entre démagogie et subornation
Si les nouvelles
sanctions permettent à l'Irak de vendre son pétrole sans limites, elles
stipulent en contrepartie que l'argent perçu soit obligatoirement déposé dans un
compte spécial contrôlé par l'Onu, c'est-à-dire pratiquement par Washington. Les
fonds ainsi récoltés devront être distribués en priorité comme suit: en premier
lieu, 30% aux agents des Nations unies et aux paiements pour les dommages de
guerre. Ensuite, et c'est justement là que réside la supercherie, on promet aux
pays limitrophes de l'Irak (Turquie, Syrie, Jordanie) des pots-de-vin aux frais
de Bagdad, évalués à des milliards de dollars, pour se joindre au blocus et
accueillir sur leurs territoires, aux frontières avec l'Irak et dans leurs
aéroports, les inspecteurs de l'Onu. Tout cela sous l'appellation innocente de
vente, à ces pays, de pétrole irakien «à des prix préférentiels» fixés
arbitrairement à un niveau dérisoire par Washington. Et, comble de cynisme, pour
achever de dépouiller l'Irak de son revenu national et acheter la complicité des
membres permanents du Conseil de sécurité, on leur promet le remboursement sans
délai, des dettes de l'Irak, évaluées à des dizaines de milliards de dollars,
dommages et intérêts compris. Le peu qui reste étant laissé aux 22 millions
d'Irakiens qui enterrent chaque jour par milliers leurs morts, victimes de la
famine, de la maladie et de la malnutrition. Grâce à ces nouvelles «sanctions
intelligentes», la «morale internationale» sera préservée et le monde sera à
l'abri du «danger
irakien».