Il serait de bon goût de ne plus parler du peuple palestinien, afin de laisser se préparer son massacre dans l'indifférence...
 
 
Point d'information Palestine > N°150 du XX/XX/2001

Réalisé par l'AMFP - BP 33 - 13191 Marseille FRANCE
Phone + Fax : +33 491 089 017 - E-mail : amfpmarseille@wanadoo.fr
Association loi 1901 - Membre de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
Pierre-Alexandre Orsoni (Président) - Daniel Garnier (Secrétaire) - Daniel Amphoux (Trésorier)
Sélections, traductions et adaptations de la presse étrangère par Marcel Charbonnier
 
Si vous ne souhaitez plus recevoir (temporairement ou définitivement) nos Points d'information Palestine, ou nous indiquer de nouveaux destinataires, merci de nous adresser un e-mail à l'adresse suivante : amfpmarseille@wanadoo.fr. Ce point d'information est envoyé directement à 2505 destinataires.
          
- Erratum. Dans notre dernier PIP nous avons commis une erreur, dans la présentation de M. Olivier Boudart (rubrique "Rendez-vous" §2). Ce dernier, qui a participé à l'émission "Tirons la chasse" sur Radio Galère, n'est pas en charge du programme de Sécurité alimentaire de la Commission européenne, comme nous l'indiquions, mais "assistant technique". Par ailleurs, c'est en tant que citoyen français vivant en Palestine qu'il s'exprime.
      
- Important. En raison de problèmes techniques, nous avons perdu le contenu de notre dossier "Rendez-vous", ainsi qu'un certain nombre d'e-mails reçus la semaine dernière. Nous vous remercions pour votre compréhension, et vous invitons à nous renvoyer les courriers auxquels nous ne vous avons pas répondu, ou que nous n'avons pas pris en compte. En attendant, nous vous invitons à consulter l'agenda réalisé par Giorgio Basile sur http://www..solidarite-palestine.org/evnt.html .
       
Rassemblement de soutien au peuple palestinien
mercredi 6 juin 2001, à 18h, devant la Préfecture de Marseille
Premiers signataires : Ajial, Association Médicale Franco-Palestinienne (Marseille et Aubagne),
Aix Solidarité, Ballon Rouge, Discrimination Zéro, LCR, MRAP, PCF, Résister et Témoignage Chrétien...
     
Au sommaire
     
Témoignages
     
1. Mon avis par Margaux Dessus, 11 ans, citoyenne d'Al Qods (Jérusalem)
2. Balata par Nathalie Laillet, citoyenne de Naplouse en Palestine
    
Réseau
        
1. Ode à Farris ou Le retour du Chevalier par Israël Shamir [traduit de l'anglais par Annie Coussemant]
2. Les affaires sont les affaires ! [Info de Giorgio Basile sur http://www.solidarite-palestine.org]
3. France-Israël : Relations économiques et commerciales Déclaration de Jacques Huntzinger, Ambassadeur de France en Israël, lors du déjeuner organisé le lundi 14 mai 2001 à Tel-Aviv par la Chambre de Commerce Israël/France en présence de l'Ambassadeur d'Israël en France, Elie Barnavi...
4. Les ouvrages scolaires et la littérature enfantine israéliens incitent à la haine et au racisme envers les Palestiniens et les Arabes par Maureen Meehan in The Independent Palestinian Information Network du mois de septembre 1999 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
5. Palestine : Briser l'engrenage de la guerre par Josiane Durrieu (Marseille, le 21 mai 2001) Josiane Durrieu est membre du Collège exécutif départemental du Parti Communiste (Bouches du Rhône) et responsable du collectif Solidarité et politique internationale.
6. Ni inéluctable, ni même possible par Ilya Leibowitz Transmis par Palestinian Council for Justice & Peace [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
7. Le non-sens d'une chronique par Séverine Labat (Paris) in Le Monde du vendredi 25 mai 2001
     
Revue de presse
      
1. Que cherche exactement Israël ? par Pierre Barbancey in L'Humanité du mardi 5 juin 2001
2. La clef de la paix au Proche-Orient par Arno J. Mayer in Le Monde du mardi 5 juin 2001
3. Fayçal Husseini, une figure historique du nationalisme palestinien par Mouna Naïm in Le Monde du samedi 2 juin 2001
4. Une plainte belge contre Sharon par Jean-Pierre Borloo in Le Soir (quotidien belge) du samedi 2 juin 2001
5. Proche-Orient : une chance à ne pas manquer par Javier Solana in le Monde du vendredi 1er juin 2001
6. Arafat arrive à Amman pour accompagner le corps d'Husseini Dépêche de l'agence Reuters du vendredi 1er juin 2001, 8h05
7. Fayçal Husseini, un nationaliste modéré et pragmatique Dépêche de l'Agence France Presse du jeudi 31 mai 2001, 16h48
8. Ne pas saper l’Autorité palestinienne par Dani Rothschild in Maariv (quotidien israélien) traduit dans Courrier International du jeudi 31 mai 2001
9. Jusqu'au bout, du fleuve à la mer par Amira Hass in Ha'Aretz (quotidien israélien) du mercredi 30 mai 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
10. L'Intifada et la démocratie par Mohamed Sid-Ahmed in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 30 mai 2001
11. Israël construit 710 nouveaux logements dans les colonies par Rania Adel in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 30 mai 2001
12. Que veut réellement Sharon ? par Yéhia Al-Gamal in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 30 mai 2001
13. Lassitude - Un nouveau silence des intellectuels ? par Guy Konopnicki in Marianne du lundi 28 mai 2001
14. Ghetto - L'échec du sionisme, ou de l'insondable angoisse du plus fort par Maurice Szafran in Marianne du lundi 28 mai 2001 
15. Juifs de France : faut-il être solidaires de Sharon ? par Martine Gozlan in Marianne du lundi 28 mai 2001
16. La dernière catastrophe met à l'épreuve le moral des résidents (israéliens) de Jérusalem par Deborah Sontag in The New York Times (quotidien américain) du samedi 26 mai 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
17. Couples israelo-palestiniens par Pénélope Larzillière in La Croix du vendredi 25 mai 2001
18. Seule voie vers la paix : s'asseoir à la table des négociations par Nabil Sha'ath in Ha'Aretz (quotidien israélien) du jeudi 24 mai 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
19. Redonner à Jaffa ses noms arabes par Ori Nir in Ha'Aretz (quotidien israélien) du dimanche 22 mai 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
20. La vaine stratégie d'Ariel Sharon par Martine Gozlan in Marianne du lundi 21 mai 2001
     
Témoignages 
        
1. Mon avis par Margaux Dessus, 11 ans, citoyenne d'Al Qods (Jérusalem)
[Margaux a écrit le texte suivant pour le journal de sa classe de CM2  du Lycée Français de Jérusalem.]
Mai 2001 Je trouve que ça n'est pas possible de pouvoir vivre dans une telle injustice que celle qu'il y a entre la Palestine et l'Israël. Depuis plus de 50 ans, il n'y a aucune égalité entre eux, l'Israël nie les Palestiniens et les appelle les « arabes », Israël a trop de pouvoir sur la Palestine, et les Palestiniens ne sont pas entièrement libres. Cela s'appelle une occupation.
Au lieu de se dire que l'autre est l'«ennemi», il faudrait plutôt se dire qu'il pourrait très bien être le «voisin». Je pense qu'il y a toujours des possibilités pour vivre ensemble. Que l'on soit différent, cela n'a pas beaucoup d'importance, car on est tous des êtres humains. Par exemple, j'ai vu un jour à la télévision, un soldat Israélien qui parlait des Palestiniens comme des animaux, et ça m'a beaucoup choqué. Je pense que la chose la plus importante pour vivre ensemble, c'est de respecter  l'autre.
C'est grâce aux Nations Unies (c'est à dire une majorité de pays du monde rassemblés), qu'Israël a été créé. Par contre, les Israéliens ignorent les résolutions qui sont décidées.
En voici quelques-unes :
- N° 242 du 22/11/1967 :  « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés » et « juste règlement du problème des réfugiés (palestiniens) »
- 22/10/2000 : « une solution juste et durable au conflit arabo-israélien dans un processus actif de négociation qui tienne compte du droit à la sécurité de tous les Etats de la région ainsi que des
droits légitimes du peuple palestinien » et « condamne les actes de violence, en particulier l'usage excessif de la force auquel les forces israéliennes ont recours contre des civils palestiniens » et « réaffirme que les colonies de peuplement israéliennes dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem, sont illégales et font obstacle à la paix » et que « les Lieux saints de la ville de Jérusalem soient pleinement respectés par tous ».
Pour moi, la Paix demande de l'intelligence, de l'humanité mais surtout pas des armes.
          
2. Balata par Nathalie Laillet, citoyenne de Naplouse en Palestine
Samedi 26 mai 2001 - Récit de ces derniers jours... Jeudi nous avons rendez vous avec une jeune palestinienne parfaitement bilingue pour aller.... à la piscine ! Et oui que voulez vous, la vie, même en temps de guerre, est faite de plaisirs simples... Enfin, simples, évidemment a Naplouse, c'est pas tout a fait le mot qui convient... Un exemple : en quittant la maison, Anna me demande, non pas si j'ai ma crème solaire, mais si j'ai mon passeport... Ben oui on ne sait pas trop si la piscine est avant ou après le check point palestinien...serons nous en Zone A ou B pour nager ? Finalement, elle est avant nous nageons donc en zone A et oh surprise, il n'y a personne ! la piscine est a nous! deux heures plus tard, nous repartons, après une mini seance bronzée qui a quand même laisse de jolies marques sur nos corps...
Vendredi matin je me leve assez tard, bref comme un dimanche en France quoi... Vers 11h Fahmi m'appelle : il m'invite a aller déjeuner dans sa nouvelle maison. Dans le garage encore en construction ils vont faire des brochettes... Hélas, lui réponds je, je suis déjà invite chez Saed, dans le camp de réfugiés de Balata. "qu'a cela ne tienne ,me répond-il, tu viens un peu chez nous et à 2h promis je te conduis chez Saed". Je ne résiste pas au plaisir de les voir même si je me dis que je vais être obligée de déjeuner deux fois... et quand on connais la consistance d'un repas palestinien je vous assure que ca a de quoi faire peur ! Bref me voilà dans la toute nouvelle (pas encore finie) maison de Fahmi et de sa famille. Nahil sa femme, semble moins abattue que les fois précédentes. Les 2 enfants les plus jeunes Yazan et Mohammad sont comme toujours, bavards, curieux, câlins, etc... Dina, du haut de ses 11 ans, commence a prendre des allures de demoiselle. Pour l'instant, elle attend les résultats de son examen de français avec impatience... Le fils aine, Hassan, a beaucoup change cette année. Il vient d'avoir 14 ans en pleine Intifada... Il est devenu taciturne, et je ne sais si c'est l'adolescence ou la guerre qui a modifié son comportement... sans doute un peu les 2... Il a l'âge ou presque de nombreux "martyrs", mais contrairement a ce que l'on vous dit en France, ses parents n'ont aucune envie de le sacrifier sur l'autel de la Palestine. En clair, quand il y a une manifestation, sa mère l'enferme pratiquement pour ne pas qu'il y aille.... Le Hassan joueur de foot qui admire Zidane disparaît peu a eu... Il veut aller faire ses études en France après son bac. Aussi je ne lui parle que français, pour le pousser encore plus dans cette voie. Demain samedi, il a ses examens terminaux en math. Il révise. Avec Nahil, nous bavardons gaiement en préparant les brochettes. Fahmi s'occupe des braises. Enfin, nous mangeons, confortablement installes a l'abri du feu solaire. Le repas termine, Fahmi prépare le café que j'avale en vitesse : il est 2H30 et je suis en retard a Balata... Mais Fahmi m'emmène très vite. J'arrive chez Saed, en plein cœur du plus grand camp de réfugiés de toute la Cisjordanie (30 000 personnes sur 1,5 km2). Son frère Raed est devant la porte. Il m'accueille :
-"Ahlan ! Fi amaliya fi Israil" (salut ! il y a un attentat en Israel)
- Fi mout ? (il y a des morts ?)
- Ba'arafish (je ne sais pas).
Et voilà ! La semaine dernière a Khan Younes et cette semaine a Balata !
R. travaille a la police :"ils nous ont dit de rentrer chez nous, ca risque de barder encore, c'est pour ca que je suis la." Il est 3h de l'après-midi, il fait quelques 40 degrés a l'ombre et la température risque encore de monter quelque peu... Chez Saed, la TV est constamment allumée. Comme il le dit lui même, ici en Palestine, les infos c'est primordial. On se fout pas mal du palmarès de Cannes; par contre on veut savoir ou ca chauffe. Inutile de vous dire qu'on ne regarde pas trop les TV occidentales qui sont a Dix milles lieues de tout ca... De temps en temps, juste pour me faire plaisir, on me met TV5, mais Serillon irrite pas mal mes nerfs ces derniers temps... Bref on est sur la fameuse chaîne Al Jazeerah, excellente chaîne d'info en continu, en arabe bien sur. On est aussi sur toutes les autres chaînes arabes et aussi israéliennes : un des fils parle hébreu. Et l'attentat est confirme. On ne sait pas encore le nombre de victimes, on va de chaîne en chaîne, de flash info en flash info...tout en continuant a vaquer a ses occupations. Présentement, la mienne d'occupation consiste a fumer un narguilé avec Saed et l'un de ses frères... le repas n'est pas prêt ; tant mieux j'aurai un peu de temps pour digérer ! Natacha la femme ukrainienne de Saed est nerveuse. Elle a tout quitte pour suivre jusqu'ici celui qu'elle aime, mais la guerre c'est vraiment trop pour elle. Je fais ce que je peux pour la réconforter et lui fait promettre de venir avec moi a la piscine la semaine prochaine (maintenant que je sais ou c'est !). Leur bébé Ahmad est un peu fiévreux mais ses yeux bleus me reconnaissent aussitôt et il me tend ses petits bras en riant. Presque tous les hommes sont absents, ainsi que la mère. Il y a eu un décès dans la famille il y a 3 jours et ils reçoivent encore les condoléances. Le plus jeune des frères, Mohammad, 14 ans, est lui bien présent. Penche sur son bouquin de géo, il essaie de se concentrer sur ses cours : demain, il a lui aussi un examen final (ils en ont tous pendant 15 jours et après ils sont en vacances). Mais la géo c'est pas, mais pas du tout son truc... D'ailleurs l'école ça l'intéresse pas beaucoup au grand dam de sa maman... qui lui donne en exemple son frère Saed, ingénieur qui parle anglais, français, russe et bien sûr arabe... et qui a cherche du boulot pendant 18 mois ! En cachette, Mohammad me dit : "A quoi ca sert d'étudier si il n'y pas de travail ? Et si je meurs bientôt ?" Il n'a aucun tempérament suicidaire bien au contraire mais tous les jours il voit les chars faire mouvement sur le mont Gerizim. Balata, c'est la bête noire d'Israël en Cisjordanie. Et Sharon, tout le monde le sait et tout le monde y pense, n'a pas hésite une seconde a Sabra et Chatila... Qui lui empêche de recommencer ? La communauté internationale ? Allons donc ! Mohammad et moi on est très potes. Et je suis ravie de constater qu'a défaut de la géo le français l'intéresse ! Lors de ma dernière visite, je lui avais appris les rudiments de notre belle langue. Entre 2 révisions, il vient s'asseoir près de moi et me parle français ! Je lui promets de continuer les cours rien que pour lui cet été, il est tout content ! Le repas (mon deuxième...) arrive. Au menu : mouloukhiyye et maqloube et c'est super bon et tant pis pour vous si vous ne connaissez pas ! Venez donc faire un tour ici... Assis en tailleurs, nous mangeons avec nos mains en bavardant. Puis le thé arrive. La journée continue avec toujours en toile de fond la TV ou l'on apprend qu'il n'y a pas de morts cote israélien dans l'attentat et qu'aucune ville de Palestine n'a été bombardée en "représailles"... on se reprend donc a espérer. Après tout la journée sera peut être plus calme que prévue. Pause détente sur la terrasse (le toit de la maison) ou l'un des fils élève quelques lapins. On s'amuse de voir les enfants essayer de les attraper. Puis visite chez les voisins, ou le jasmin embaume. On parle de moi, du boulot a l'école, d'Aloise qu'on espère voir venir... Et la journée passe. Les hommes sont partis discuter dehors avec leurs amis. Ils vont bientôt rentrer, demain tout le monde se lève tôt: le samedi c'est le premier jour de la semaine. Il n'y a presque personne a la maison. Natacha change la couche d'Ahmad et moi je berce doucement Yazan, 3 mois, le deuxième fils de Raed.
BOOOUM ! Bon sang c'est quoi ?
Les sirènes des ambulances. Tout près. Natacha sort affolée de la chambre : "Qasafou Nablus !" (Ils ont bombardé
Naplouse !) On se regarde, les autres nous rejoignent au salon. On ouvre la porte qui donne sur la rue, tout le monde court, hommes femmes enfants. Les portables sonnent. Que se passe-t-il ? D'instinct, je serre Yazan contre mon cœur. Je ne peux m'empêcher de penser que lui et Ahmad sont nés dans un monde de fous... Que puis je, que dois je faire pour les aider ? Yazan, tout comme Ahmad, a senti notre peur. Leurs gazouillis se transforment en pleurs. Après des minutes qui semblent des heures, on apprend qu'une voiture a explose dans la rue principale. A son bord, 4 militants du Fatah (je rappelle que le Fatah ne participe pas aux attentats en Israël...) un ou deux morts, on ne sait pas. Il est 21h45. Balata comme toujours est plongé ou presque dans l'obscurité. En effet seule la rue principale est éclairée. De la ou je suis, du perron de la maison, j'entends les femmes se héler d'une fenêtre a l'autre, je vois les gamins en pyjamas sortir de chez eux, je vois les hommes courir vers l'entrée du camp, la ou a eu lieu l'explosion. Je vois des ombres courir dans la lumière orangée de la rue, j'entends des mots que je ne comprends
pas. Irréel. 4eme dimension. A cette heure, le camp s'endormait tranquillement. En une demi seconde il s'est réveillé, terrorisé. Mohammad était sur le point de se coucher pour être en forme pour son examen. Il ne se couchera comme nous tous qu'à 1h30. Comment voulez vous que ses résultats soient brillants?
Nous ne nous couchons qu'à 1H30 une fois tous les membres de la famille de retour. Tout le monde veut savoir qui est mort. Bien sur on le connaît, on connaît sa famille. Il n'était pas marié, grâce a Dieu me dit on ! Saed et son frère sont allés à l'hôpital : le "martyr" n'avait plus ni tête ni bras... On plonge dans l'horreur la plus sanglante.
La maman m'apporte un matelas et une couverture et voilà le plus douillet des lits préparé pour moi ! Je m'endors de ce sommeil lourd et sans rêve qui est une bénédiction du ciel et qui permet de tenir le coup dans ce genre d'instant. Je plonge littéralement dans le sommeil pour retrouver des forces.
Debout vers 8h le lendemain. Tout est fermé a Balata, y compris l'école des filles, proche du lieu de l'attentat (Et bien oui, parce que c'est un attentat ça ! Et même qu'on peut le qualifier "d'anti-palestinien"... ) ; Dommage pour Mohammad il ne coupera pas à son examen ! A 10 heures, comme d'habitude (parce qu'on commence a avoir sacrement l'habitude), le cortège part de l'hôpital de Rafidia, va dans le centre de Naplouse pour arriver a Balata, ou le "martyr" sera conduit chez sa famille, puis a la mosquée, et enfin au cimetière. Le trajet Rafidia Naplouse je le connais par cœur je l'ai fait des tas de fois depuis le debout de cette maudite guerre. C'est la première fois que je suis dans le camp pendant que le cortège mortuaire passe. Sur le perron de la maison, je serre Radi dans mes bras (le frère aine de Yazan, il a 2 ans). J'entends les tirs en l'air des militants du Fatah j'entends les cris des manifestants. Des hommes armes passent devant la maison.
D'autres avec des drapeaux. Le regard est fixe, dur. Les femmes près de moi ne bronchent pas. Les enfants se taisent. A chaque détonation, Radi serre ma main. Il ne parle pas encore. Quand son père rentrera quelque heures plus tard, il foncera vers lui et avec sa main, il imitera un pistolet "pang, pang, trrrr, pang". Comme Tareq.
Enfin le corps du martyr passe, porte par ses amis. Un frisson glace me court dans le dos. J'ai presque froid. J'ai la chair de poule. Les larmes me piquent les yeux. Le drapeau de Palestine recouvre son corps. Sa tête est enveloppée du Keffieh. Ils vont tous vers le cimetière.
Avec les femmes je rentre a la maison. Personne ne parle. Les enfants se remettent a jouer. Natacha prépare le thé. Peu a peu, nous reprenons le rythme normal. Avec toujours devant les yeux ce corps inerte, ce corps jeune et sans vie, "mort pour la patrie". Assassiné. Assassinat politique. Terrorisme d'Etat. Terrorisme tout court qui n'a rien a envier au terrorisme palestinien. Pensez ce que vous voulez mais moi je dis  : Merde à Sharon ! Et Merde à ce gouvernement raciste !
Cessez le feu unilatéral décrété par Israël ? Vous y avez cru vous ? Nous ici ca nous a bien fait rigoler...
                 
Réseau
           
1. Ode à Farris ou Le retour du Chevalier par Israël Shamir
[traduit de l'anglais par Annie Coussemant]

Nul n'est autorisé à entrer ou sortir de la bande de Gaza. Celle-ci est entourée de fils de fer barbelé, ses portes sont verrouillées et même si vous avez tous les papiers nécessaires, vous ne pourrez pas pénétrer dans la plus grande prison de haute sécurité du monde, qui abrite quand même plus d'un million de Palestiniens.  L'armée israélienne qui, en d'autres temps fut réputée pour sa force de combat, en est réduite au rôle de garde-chiourme. La formulation de la tactique des forces de défense israéliennes (FID) nous ramène aux années 30 : " Il n'est pas nécessaire de tuer un million de personnes. Tuez les meilleurs et les autres mourront de peur ".  Ce sont les Britanniques, épaulés par leurs alliés juifs lors du soulèvement palestinien de 1936, qui ont employé cette tactique pour la première fois. Depuis lors, des milliers de fils et de filles parmi les plus brillants de cette terre, l'élite palestinienne en devenir, ont été exterminés. Une fois encore, l'armée israélienne est instrumentalisée pour mettre en œuvre le même plan directeur : " calmer l'agitation des indigènes " en neutralisant systématiquement les rebelles en puissance.
Leur tâche n'est pas compliquée : l'armée la plus nombreuse et la plus puissante du Proche-Orient, celle d'un pays qui détient la puissance nucléaire, dispose de tous les armements possibles tandis que les Palestiniens captifs n'ont que des pierres et des armes légères. Récemment, les Israéliens ont intercepté une cargaison d'armes à destination de Gaza.  Cette armée se targue d'une grande victoire mais n'en exprime pas moins sa "préoccupation". Il y a de quoi. Depuis 1973, l'armée israélienne a rarement été confrontée à l'idée de faire feu en retour. Ses soldats se sont habitués à remplir des tâches moins exigeantes. Ils préfèrent tirer sur des gosses sans défense.
Gaza est une réalité dans un monde de science-fiction qui nous rappelle " Le Prisonnier " ou quelque autre feuilleton de série B. Ses clôtures de fil barbelé abritent un secret : l'irrédentisme d'un peuple. D'accord, cela ressemble à une mise en scène de série B mais les acteurs, hommes et femmes, méritent des Oscars.
Ce message secret nous vient de Palestine en la personne de Farris Ode, un adolescent de 13 ans.  C'est lui le petit David palestinien qui s'est confronté au Goliath juif dans la banlieue de Gaza et qui a été immortalisé par le photographe d'Associated Press, Laurent Rebours. Farris le téméraire a jeté des pierres contre le monstre blindé, béni par Saint-Georges, le Saint vénéré en Palestine. Il a affronté l'ennemi avec la nonchalance d'un petit villageois chassant un chien enragé. Cette photo a été prise le 29 octobre et, quelques jours plus tard, soit le 8 novembre, l'enfant a été abattu de sang froid par un tireur israélien isolé.
Cet enfant laisse derrière lui l'image d'un héros, un poster à afficher à côté de celui du " Che " Guevara, un nom à évoquer en même temps que celui de Gavroche, le brave petit rebelle des barricades de Paris du roman de Victor Hugo, Les Misérables,  symbole de l'irrédentisme de l'âme humaine. Les temps ont changé et cet enfant s'est révélé en une période où le mot " héroïsme " n'est plus connoté et où les hommes partent pour la guerre, prêts à combattre et à mourir pour une noble cause. En termes symboliques, on peut assimiler son prénom au mot " Chevalier " et son nom de famille à la notion de " Retour ". L'image de cet enfant nous renvoie indubitablement à celle du " retour des braves chevaliers du temps jadis ". Cette notion est totalement étrangère à l'hédonisme commercial au rabais dont on nous rebat les oreilles, l'idéologie dominante de notre époque, abondamment alimentée par la culture populaire américaine. L'héritage de Farris marque l'échec du plan directeur israélien. Né sous l'occupation israélienne, ce jeune rebelle est mort en défiant les soldats de la FDI.
Les amis de la Palestine n'ont pas compris immédiatement ce message d'espoir étant donné que l'on s'est habitué à l'idée de la souffrance et du martyre palestiniens. Dans nos écrits, nous reproduisons inconsciemment la démarche geignarde qui consiste à présenter " les nôtres " comme de malheureuses victimes dignes de compassion et de pitié. Or, il nous faut absolument nous garder de tout sentiment de pitié à l'égard des Palestiniens. Admiration, amour, solidarité, culte des héros, voire envie, tout sauf la pitié. Si vous prenez les Palestiniens en pitié, pourquoi ne pas vous lamenter sur le sort des 300 guerriers du roi Léonidas qui sont tombés en défendant les Thermopyles, ou sur les soldats russes qui ont fait rempart de leur corps contre l'avancée des chars de Guderian, voire sur Gary Cooper dans Le train sifflera trois fois. Les héros ne devraient pas susciter la pitié. Ils sont au contraire des exemples qui devraient nous insuffler du courage.
Dans un premier temps, nous n'avons pas correctement resitué l'image de Farris. L'histoire de cette souffrance nous remettait en mémoire l'image du petit Mohammed Durra, mourant recroquevillé devant nos yeux, compagnon de misère de la petite vietnamienne courant de toutes ses forces pour échapper à l'enfer des bombardements au napalm.
L'image du retour du Chevalier Farris Ode appelle une représentation différente : cet enfant est l'icône d'un héros. Il faudrait l'afficher à côté de l'image des Marines de Iwo Jima, ou dans une église proche de ses compatriotes, Saint-Georges. Après tout, le saint martyr a été enterré en terre de Palestine, non loin de Farris, dans la crypte de l'antique église byzantine de Lydda.
Il semble que les adversaires des Palestiniens aient mieux appréhendé cette réalité que leurs compères de New York. La presse américaine dominée par les Juifs a fait tout ce qui était en son pouvoir pour effacer le souvenir de Farris, incapable de trouver, de son côté, un héros susceptible de rivaliser avec le petit Gazaoui. MSNBC.com a organisé un concours stupide pour trouver " l'image de l'Année ", donnant le choix entre la photo de Mohammed Durra le martyr et des photos de chiens. ( D'ailleurs, vous avez toujours le choix mais quel qu'il soit, ce n'est jamais le bon.). Le Consul d'Israël à Los Angeles a fait de la publicité pour la photo des chiens et de nombreux partisans d'Israël ont voté pour tandis que les partisans de la Palestine votaient pour la photo de Mohammed. Mais la photo qui comptait vraiment, l'icône du petit Farris, n'a pas été présentée à ce concours.
Comme cela ne suffisait pas, le Washington Post a dépêché Lee Hockstader, son correspondant en Palestine, pour démythifier la mémoire de l'enfant abattu. Ce torchon à la solde de l'AIPAC peut faire confiance à Hockstader. Les articles de ce type devraient être étudiés dans les écoles de journalisme, à la rubrique " désinformation ". Quand les chars et les hélicoptères de l'armée israélienne ont bombardé Bethléem, dépourvue de la moindre défense, Hockstader a écrit : " dans le village biblique de Bethléem (il n'allait tout de même pas parler de la Nativité, n'est ce pas?), les soldats israéliens et les Palestiniens se sont affrontés par chars, missiles, hélicoptères, mitrailleuses et pierres interposés ". J'ai dans l'idée que si Hockstader racontait la Deuxième guerre mondiale, il parlerait des États-Unis et du Japon s'affrontant à coup des bombes atomiques, ou du combat entre Juifs et Allemands qui se seraient entretués à l'aide de bidons de gaz létal dans les camps de concentration.
Hockstader n'a pas manqué de justifier les raids israéliens contre les populations civiles en écrivant que " les porte-parole de l'armée israélienne affirment que ces raids sont limités et essentiellement défensifs ". Néanmoins, le gouvernement israélien voit les choses en plus grand, faisant remarquer que ces raids permettent aux commandants militaires locaux de  " s'attaquer à un ennemi difficile à cerner ". Dès lors que ce correspondant adopte " une vision en plus grand " des actions d'Israël, les Palestiniens, dans ses articles, deviennent des " terroristes fou furieux ". " Les Palestiniens ont menacé de faire payer le prix de ce qu'ils considèrent comme une guerre d'agression. Le Mouvement de la résistance islamique, plus connu sous le nom de Hamas, a appelé à de nouveaux attentats suicides et au tir de mortiers contre Israël ".
Parmi d'autres sympathisants qui étudient les écrits de Hockstader, François Smith a diffusé le  message suivant sur l'Internet : " je considère comme une insulte que ce type me croie assez stupide pour lui donner raison. Méfiez-vous de Lee Hockstader. A mon avis, il a une idée derrière la tête ".
Pas de doute là dessus : Hockstader entend affirmer la suprématie des Juifs et salir la mémoire des Palestiniens.  L'idée de démythifier l'histoire de Farrris lui convient parfaitement. Hockstader s'est rendu à Gaza et en est revenu en racontant que le petit Farris désobéissait à son papa et sa maman, faisait l'école buissonnière. Cet adolescent était une " tête brûlée qui ne rêvait que de se faire abattre . Un tireur d'élite juif compréhensif lui a tout simplement permis d'accomplir sa volonté ". Hockstader ne nous épargne rien : l'enfant a été abattu alors qu'il se préparait à jeter une pierre et donc à se faire abattre. Sa gloire posthume tient à " toutes les histoires qui ont circulé à propos de sa mort. De toute façon, sa mère a touché un chèque de 10 000 dollars du président irakien, Saddam Hussein ".
Hockstader jouait sur du velours. S'il s'était allé jusqu'à sous-entendre que les colons, parents du nourrisson tué à Hebron, souhaitaient la mort de leur enfant, et s'il avait osé qualifier la réaction israélienne de "raffut", voire de se contenter de mentionner le chèque conséquent que le boucher de Sabra et Shatila leur a fait parvenir en mains propres, Hockstader ne serait pas sorti vivant d'Israël et Katherine Graham, propriétaire du Washington Post, n'aurait pas fini de s'en mordre les doigts.
Les Juifs sont parvenus à intimider leurs ennemis et ceci pas seulement par la magie du discours. A l'époque de Lord Moyne, ministre d'État britannique pour le Proche-Orient, des officiers et de simples soldats britanniques comme des centaines de dirigeants palestiniens ont été assassinés par des Juifs soucieux d'affirmer leur suprématie sur la Terre Sainte dans les années 40. Cela jusqu'au jour où les Britanniques en proie à la terreur fassent toute voile dehors pour quitter la baie de Haïfa, le 15 mai 1948. .Aujourd'hui encore, à San Francisco, deux militants pour la paix, le prêtre catholique Labib Kobti et un rabbin du nom de Michael Lerner, continuent de recevoir des menaces de mort de la part de groupes terroristes juifs et de les prendre très au sérieux.
Les Palestiniens sont des agriculteurs et des citadins plutôt pacifiques. Ils ont l'art de prendre soin des oliviers et des vignobles et savent fabriquer le " zir ", cette jarre qui garde l'eau fraîche même lorsque souffle le " khamsin " le plus brûlant. Chaque coin de Palestine est orné de constructions en pierre qui témoignent du savoir-faire des maçons de ce pays. Les Palestiniens écrivent des poèmes et vénèrent les tombeaux de leurs saints. Aussi, c'est avec stupeur et incrédulité qu'ils se penchent vers le miroir d'une presse dominée par les Juifs, qui les dépeint sous les traits de terroristes avides de sang. Pourtant, ces simples paysans sont encore capables de nous donner une leçon d'héroïsme, chaque fois qu'un ennemi cherche à s'emparer de leurs terres. D'ailleurs, les Palestiniens ont apporté la preuve de leur courage il y a des siècles et des siècles, à l'époque légendaire des " Juges ", lorsque leurs ancêtres ont combattu les " peuples venus de la mer ".
Dans les années 30, un Juif russe, fervent nationaliste et fondateur du parti politique de Sharon, Vladimir Zeev Jabotinsky, a écrit un roman historique (dans sa langue maternelle, le russe), intitulé " Samson " dans lequel il glosait sur la narration biblique du fauteur d'attentat suicide qui, en tuant trois mille hommes et femmes (Juges, 18:27), avait péri avec ses ennemis. Il y a quelques années, ce roman a été publié en Israël, traduit en hébreu moderne, et un critique littéraire du journal Davar a mis en lumière des propos aussi aberrants qu'intéressants.
Selon Jabotinsky, les Britanniques n'étaient autres que les Philistins de l'époque moderne tandis que les Israélites sont devenus les Juifs que l'on connaît aujourd'hui. Aux yeux du lecteur israélien contemporain, cependant, ce roman glorifie le combat des Palestiniens contre l'emprise des Israéliens. Héritiers d'une haute civilisation et détenteurs d'une technologie militaire supérieure face à celle des " peuples venus de la mer ", tant les Philistins, hédonistes habitants de la plaine littorale, que les peuples belliqueux des Hautes terres rappellent à l'observateur contemporain ce que sont les Juifs israéliens de nos jours. Tandis que les gens de Samson, les " gens de la tribu d'Israël " natifs des Hautes terres, convaincus de la profondeur de leurs racines comme de l'inéluctabilité de leur victoire, confirment leur attachement à leurs terres face à la puissance militaire de l'envahisseur, on ne peut s'empêcher de penser aux paysans des collines de Palestine, nos contemporains.
Tout ceci est logique étant donné que ce sont les  Palestiniens qui sont les authentiques descendants de l'Israël biblique, du peuple indigène qui a embrassé la foi du Christ ou celle de Mahomet, et qui est demeuré à jamais sur la Terre sainte. Cela, les Israéliens en sont parfaitement conscients. Dans les laboratoires de génie génétique de Tel-Aviv, les chercheurs en quête " d'ADN juif " publient fièrement le moindre résultat qui prouverait l'existence d'un lien sanguin ténu entre les Juifs et les Palestiniens d'autrefois. Ils savent très bien que nos prétentions à nous autres Juifs au fier nom d'Israël est pour le moins sujette à caution. A l'instar de Richard III, nous nous sommes emparés du titre et de la couronne mais tout comme lui, nous nous sentirons menacés aussi longtemps que survivront les héritiers légitimes. Voilà pour les motifs psychologiques de la cruauté inexplicable avec laquelle nous traitons les Palestiniens indigènes.
Les Israéliens voudraient être des Palestiniens de souche. Nous avons adopté les pratiques culinaires de ce peuple et servons leurs falafels et leur hommous comme s'il s'agissait de nos propres aliments traditionnels. Nous avons repris le nom du cactus local, sabra, qui pousse à l'emplacement de ses villages, pour en faire le nom de nos enfants, filles et garçons, nés sur cette terre. L'hébreu moderne que nous parlons a vu le jour en intégrant des centaines de mots palestiniens. Il faudrait simplement que nous leur demandions pardon, que nous les prenions dans nos bras tels des frères que nous croyions perdus depuis longtemps, et que nous les laissions nous enseigner ce qu'ils savent. C'est là le seul rayon d'espoir qui parviendrait à percer l'obscurité qui nous environne actuellement.
Ainsi que les études archéologiques israéliennes l'ont révélé, il y a trois mille ans, les tribus des hautes terres (les Banu Israël de la Bible) ont fini par trouver un modus vivendi avec les " peuples de la mer " installés sur la côte et, ensemble, ces enfants de Samson et Dalila ont engendré les rédacteurs de la Bible, les apôtres du Christ et les Palestiniens contemporains. Le savoir-faire technique évolué des Philistins et l'amour des gens des plateaux pour notre terre parcheminée se sont conjugués pour donner naissance au miracle spirituel de la Palestine antique. Il n'est pas impossible - il est même éminemment souhaitable - que l'Histoire se répète. C'est alors que l'image glorieuse du jeune Farris, luttant contre le char, se confondra avec les images du roi David et de Saint Georges dans les esprits et les manuels scolaires de nos enfants de Palestine.
                   
2. Les affaires sont les affaires !
[Info de Giorgio Basile sur http://www.solidarite-palestine.org]
Le quotidien israélien, "Jerusalem Post" rapporte qu'un contrat d'armement d'une valeur de 50 millions de $ aurait été signé entre les gouvernements français et israélien ; ce contrat porterait notamment sur la production conjointe par le consortium EADS et Israël Aircraft Industry (IAI) de l'Eagle 1, un drone (petit avion de reconnaissance, sans pilote, télécommandé) d'un rayon d'action de 1.000 kilomètres, et d'une autonomie de 30 heures. Sans commentaires...
     
3. France-Israël : Relations économiques et commerciales
Déclaration de Jacques Huntzinger, Ambassadeur de France en Israël, lors du déjeuner organisé le lundi 14 mai 2001 à Tel-Aviv par la Chambre de Commerce Israël/France en présence de l'Ambassadeur d'Israël en France, Elie Barnavi...
" La France, comme vous le savez, est au 7ème rang des fournisseurs d'Israël. Bien sûr, nous pouvons nous réjouir de l'accroissement sensible du niveau des échanges entre la France et Israël. On sait qu'ils ont doublé en l'espace de 10 ans. Mais cette statistique n'est pas complètement satisfaisante. Ces échanges ont doublé car, à l'image de la situation vécue par les autres principaux partenaires commerciaux d'Israel, nous avons bénéficié de l'intégration croissante de ce pays à l'économie mondiale. Le marché israélien, l'économie israélienne sont de plus en plus intégrées à l'économie mondiale. Ceci constitue évidemement un facteur multiplicateur des échanges entre Israël et les grands pays industrialisés, dont la France.
Ces échanges franco-israéliens sont particulièrement positifs dans certains domaines. Ils le sont beaucoup moins dans d'autres :
- Ils sont très positifs pour les biens de consommation : automobile, secteur de la parfumerie, équipement du foyer. La période récente a vu, de façon significative, l'accroissement sensible des importations israéliennes dans le domaine informatique. Cette dernière évolution s'inscrit directement dans le contexte du développement général, tout-à-fait exceptionnel, des échanges dans le domaine des hautes technologies où les exportations françaises vers Israël ont considérablement progressé.
Mais ce constat, si satisfaisant soit-il, n'est pas suffisant. Bien des secteurs demeurent où notre présence devrait être plus grande, voire incontournable : l'agro-alimentaire par exemple, le secteur des biens d'équipement, et de façon plus large, celui des échanges entre petites et moyennes entreprises. Les PME françaises sont beaucoup trop frileuses par rapport au marché israélien, comparées à leurs concurrentes italiennes, néerlandaises, britanniques ou allemandes. Il y a, de toute évidence, un problème de perception de l'économie israélienne au sein du tissu économique français. Il est paradoxal, alors même que la France possède la plus grande communauté juive au monde derrière Israël et les Etats-Unis, que l'économie française soit si ignorante des réalités économiques israéliennes. Ignorante du fait qu'Israël, dont le P.I.B. par habitant correspond à celui de l'Espagne et dépasse le PIB cumulé des pays arabes environnants, constitue un marché particulièrement intéressant pour dans toute une gamme de produits. Il y a là un vrai problème d'information, d'échange d'informations, de connaissance, avant même que se développent des stratégies commerciales. Il y a un effort politique et je dirai de communication à opérer entre nous, où les Chambres de Commerce ont tout leur rôle à jouer, notamment, en France.
Dans d'autres secteurs, la France a fait des efforts qu'il faut signaler. C'est celui de l'investissement français, de l'investissement direct en Israël. Dans le secteur bancaire, je rappellerai la place acquise par BNP-Paribas, le CIC, la compagnie Edmond de Rotschild, Crédit Agricole-Indosuez, et récemment, la banque franco-belge DEXIA qui est venue acquérir la majorité de la banque israélienne Otsar Hashilton Hamekomi, pour venir s'installer, pour la première fois , sur le marché du financement des collectivités locales en Israël. Dans le secteur du tourisme, le Club Méditerranée est présent au travers de ses villages. Air France assure des liaisons aériennes avec Israël depuis 1947. Le groupe Accor, qui augmente encore sa présence malgré la crise avec l'ouverture d'un hôtel 5 étoiles sur la Mer morte. Dans le secteur industriel, pour ne citer que ces compagnies, Vivendi a acquis dans la gestion des déchets; Alcatel, qui a racheté la société israélienne Tadiran; Schneider, qui a repris plusieurs sociétés d'électricité israéliennes; et France Télécom qui est aujourd'hui actionnaire de la compagnie de télécommunication Barak. Là c'est un secteur qui avance, qui marche.
De nouvelles opportunités de coopération bilatérale vont s'ouvrir dans le domaine des grands projets d'infrastructures où, traditionnellement, la France est très compétitive (Alsthom, Gaz de France, Vivendi, RATP, Suez...). Signalons le projet de tramway de Jérusalem, dans lequel un conglomérat français fait partie des préqualifiés ; le futur projet de tramway/métro à Tel-Aviv, le développement de nouvelles lignes ferroviaires dans le réseau de chemin de fer israélien, les projets de dessalement de l'eau de mer, avec les projets d'Ashkelon, d'Ashdod et de Hadera, de même que les projets de centrales électriques et de réseaux gaziers. Dans tous ces secteurs, nos entreprises ont acquis une compétitivité internationalement reconnue. L'aéronautique figure également parmi les projets d'actualité avec le dossier d'El Al. Je n'en dirai pas plus. Il s'agit, vous le savez, de cette compétition qui oppose Airbus à Boeing, compétition provisoirement gelée en attendant la privatisation de la société El Al. Nous entendons rester présents sur ce dossier.
Le dernier volet, dont j'ai dit un mot déjà tout à l'heure, c'est celui des hautes technologies. Là aussi les choses bougent, dans le bon sens. D'abord dans le cadre communautaire, par les projets communs entre entreprises françaises et israéliennes au travers du 5ème programme-cadre européen. Ces projets sont nombreux. Des investissements se profilent dans le domaine de la haute techonologie, au travers de nouveaux incubateurs et d'expertises techniques. De nombreux accords de partenariat devraient émerger, dans les prochains mois, suite à l'accord intervenu récemment, à l'initiative de cette ambassade entre l'Anvar (l'Agence nationale pour la Valorisation de la Recherche) et l'Office of the Chief Scientist israélien.
Je concluerais en indiquant qu'en dépit d'une relative frilosité des petites et moyennes entreprises françaises, de nombreux secteurs ont été marqués ces dernières années par un nouveau dynamisme franco-israélien. Cette tendance va se poursuivre et s'amplifier, j'en suis personnellement convaincu. J'entends, en toute hypothèse, en tant qu'Ambassadeur de France, tout faire à cette fin. 
             
4. Les ouvrages scolaires et la littérature enfantine israéliens incitent à la haine et au racisme envers les Palestiniens et les Arabes par Maureen Meehan
in The Independent Palestinian Information Network du mois de septembre 1999
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

(http://www.washington-report.org/backissues/0999/9909019.html)
Des études universitaires récentes ont établi que les livres scolaires et la littérature enfantine, en Israël, dépeignent les Palestiniens et les Arabes sous les traits de "meurtriers", "émeutiers", "suspects" et, d'une manière générale, de personnes attardées et improductives. La délégitimisation et la stigmatisation des Palestiniens et des Arabes sont la règle, et non l'exception, dans les ouvrages scolaires israéliens. Le professeur Daniel Bar-Tal, de l'Université de Tel-Aviv, a étudié cent vingt-quatre manuels pour les écoles primaires, les collèges et les lycées israéliens, consacrés aux matières suivantes : grammaire et littérature hébreues, histoire, géographie et instruction civique. Le professeur Bar-Tal en a conclu que les manuels israéliens présentent les Juifs comme impliqués dans une guerre juste, et même humanitaire, contre un ennemi arabe qui refuse d'accepter et de reconnaître l'existence et les droits des Juifs en Israël.
Les premiers manuels scolaires (israéliens) avaient tendance à décrire les actes des Arabes comme hostiles, déviants, cruels, immoraux, injustes, posés avec l'intention de nuire aux Juifs et de détruire l'Etat d'Israël. Dans ce cadre général, les Arabes y étaient déligitimisés par le recours à des qualificatifs tels que "voleurs", "assoiffés de sang" et "assassins", indique le professeur Bar-Tal, qui précise que les révisions des programmes intervenues, au fil des années, dans un sens positif, sont des plus modestes. Il signale le fait que les manuels israéliens continuent à présenter les Juifs comme des gens industrieux, courageux et déterminés à affronter les difficultés afin d'"apporter au pays des améliorations que les Arabes (du moins en sont-ils convaincus) seraient incapables de lui apporter.". Les livres de géographie en hébreu, des années cinquante aux années soixante-dix, se concentraient sur les gloires du passé antique d'Israël et sur l'état de "déréliction et de destruction" où les Arabes avaient plongé le pays avant que les Juifs, y retournant de leur exil forcé, le revivifient "avec l'aide du mouvement sioniste".
"Cette attitude visait à justifier le retour des Juifs, en suggérant qu'ils étaient assez attachés au pays pour transformer les marais et les déserts en fermes luxuriantes ; cette assertion a effectivement pour effet de délitigimiser les revendications arabes sur ces mêmes terres", a commenté le professeur Bar-Tal pour le Washington Report. "Le message (implicite) était que les Arabes étaient des primitifs qui négligeaient le pays et ne cultivaient pas les terres". Ce message, poursuit le professeur Bar-Tal, fut encore amplifié dans les manuels scolaires par le recours à des stéréotypes négatifs effrontés, qui présentaient les Arabes comme "ignorants, inférieurs, fatalistes, improductifs et apathiques". De plus, toujours d'après ces manuels, les Arabes étaient "d'esprit tribal, rancuniers, exotiques, indigents, malades, sales, bruyants, bariolés", coupables d'"incendies, de meurtres, de destructions" et "d'avoir la lame facile".
Les manuels utilisés actuellement dans le système éducatif israélien, indique le professeur Bar-Tal, contiennent moins de dénigrement direct des Arabes, mais ils continuent à les stéréotyper de façon négative lorsqu'ils y font référence. Il indique que les manuels en hébreu (comme les manuels en arabe) utilisés dans les écoles primaires et les collèges contiennent très peu de références aux Arabes ou aux relations entre Arabes et Juifs. Le coordonnateur d'une ONG palestinienne en Israël a indiqué que des événements historiques majeurs sont, dans le meilleur des cas, mentionnés très succinctement. "Lorsque j'étais au lycée, il y a douze ans, la date '1948' n'apparaissait pour ainsi dire pas dans les manuels, si ce n'est pour indiquer qu'il y avait eu une guerre et que les Palestiniens, refusant d'accepter une résolution des Nations-Unies, avaient préféré s'enfuir", indique Jamal Atamneh, coordonnateur du Comité Arabe de soutien aux conseils municipaux pour l'Education, une ONG basée à Haïfa. "De nos jours, l'idée assénée aux élèves est, en gros, la même : dans tout conflit, il y a un vainqueur et un vaincu. Lorsqu'ils enseignent la "paix et la coexistence", c'est afin de nous asséner comment nous accommoder des Juifs".
Atamneh explique que les manuels utilisés par près d'un million d'Arabes israéliens (un cinquième de la population israélienne) sont en arabe, mais ils sont écrits et publiés par le Ministère israélien de l'éducation, (institution) dans laquelle les Palestiniens n'ont ni présence ni influence. "Moins d'un pour cent des postes dans l'éducation nationale, sans compter les enseignants, sont occupés par des Palestiniens", indique-t-il. "Au cours des quinze années écoulées, aucun universitaire palestinien nouveau n'a été nommé à un poste important dans ce département. Les Palestiniens ne sont pas associés à la mise au point des programmes scolaires en arabe. De toute évidence, on est très loin de la "ségrégation positive", en Israël.
Ajoutons à cela qu'aucune université israélienne n'est arabisée. Atamneh indique que l'Université de Haïfa a régulièrement accueilli vingt pour cent d'étudiants arabes au cours des vingt années passées. "Comment ce pourcentage a-t-il pu stagner à ce niveau de vingt pour cent durant toute cette période, alors même que le pourcentage de population arabe dans le nord d'Israël augmentait, pour atteindre les cinquante pour cent ?"
Répondant lui-même à cette question, Atamneh épure des statistiques montrant les résultats excellents en primaire des élèves arabes, qu'il confronte à leur faible niveau de succès à l'examen national d'entrée au collège hébraïsé. "Aucun Arabe n'a jamais reçu de bourse scolaire autre que symbolique ; il n'y a aucun pensionnat accueillant des élèves arabes, aucun emploi lié à l'intendance des collèges ni aucune subvention. (Les Israéliens) justifient cette discrimination organisée par le fait que nous (les Arabes) ne faisons pas le service militaire. Nombreuses sont les méthodes, tout aussi éhontées qu'officielles, utilisées par les autorités de manière à maintenir les Arabes palestiniens à l'écart des universités (israéliennes)."
Absence de l'identité palestinienne dans les manuels scolaires
Le Dr. Eli Podeh, maître de conférence au Département des études islamiques et d'histoire du Moyen-Orient à l'Université hébraïque de Jérusalem, relève que, même si certains changements peuvent être constatés dans les manuels israéliens, la question de l'identité nationale et civique palestinienne n'est jamais évoquée. "Des passages (rédigés par des) 'experts' sur l'existence d'une identité palestinienne ont été introduits (dans les manuels), mais, en général, il s'avère que les auteurs des manuels étaient très réticents à l'égard de ces ajouts, a indiqué le docteur Podeh, ajoutant que "le rapport entre les Palestiniens d'Israël et les Arabes des pays arabes n'est pas étudié. L'absence de toute discussion des aspirations des Palestiniens vis-à-vis des territoires occupés est particulièrement évidente.
"Alors que les nouveaux manuels s'efforcent de corriger certaines distorsions passées, ces ouvrages n'en continuent pas moins à présenter des falsifications patentes ou plus discrètes". "L'establishment a préféré encourager la falsification de l'histoire et la condamnation du doute (ou peut-être s'y est-il senti contraint). Un élève d'un lycée public israélien a déclaré au Washington Report que le contenu des manuels et les opinions exprimées par certains professeurs exerçaient un effet négatif durable sur l' attitude des jeunes gens envers les Palestiniens.
"Nous livres nous disent littéralement que tout ce que les Juifs font est génial et légitime et que tout ce que les Arabes font est, au contraire, mauvais et violent, et ne vise qu'à nous éliminer", dit Daniel Banvolegyi, un lycéen israélien, âgé de dix-sept ans, de Jérusalem.
"Nous somme accoutumés à entendre toujours la même chose, un seul son de cloche. Ils nous enseignent qu'Israël est devenu un Etat en 1948 et que les Arabes ont déclenché (immédiatement) la guerre. Ils ne mentionnent jamais ce que les Arabes ont subi. Ils ne font aucune allusion aux réfugiés ou aux Arabes contraints d'abandonner leurs villes et leurs maisons", ajoute Banvolegyi.
Banvolegyi, qui va terminer le lycée à l'automne prochain et sera incorporé à l'armée israélienne l'été suivant, dit qu'il discute vivement avec ses amis de ce qu'il considère comme du racisme dans les manuels et les commentaires des enseignants. Il nous donne un exemple préoccupant du mal que peuvent faire les manuels et les attitudes courantes dominantes. "Un gamin m'a dit qu'il "avait la haine" à cause de quelque chose qu'il avait lu ou dont on lui avait parlé à l'école et qu'il avait envie de "mettre un poing dans la gueule" au premier Arabe qu'il rencontrerait sur son chemin", dit Banvolegyhi. "Au lieu d'enseigner la tolérance et la réconciliation, les manuels et l'attitude de certains profs ne font que renforcer la haine contre les Arabes". Banvolegyi nous a parlé de ses camarades de classe qui, nous a-t-il dit, "sont impatients d'aller en découdre et de casser de l'Arabe. J'essaie de leur parler mais ils me repoussent en m'accusant de me moquer de ce pays comme de ma première chemise. Mais j'aime mon pays, et c'est pour ça que je leur dit que la paix et la justice sont absolument indispensables si l'on veut s'en sortir".
Education raciste en Israël
Etant donné ce que les écoles ont à offrir, Banvolegyi comme Atamneh tombent d'accord pour dire que la tradition orale est l'un des rares moyens qui permettent d'apprendre l'histoire telle qu'elle est. "Malheureusement, les livres pour enfants israéliens ne promeuvent absolument pas l'égalité au sein de notre société", dit Atamneh, citant un ouvrage de l'écrivain et chercheur israélien Adir Cohen, intitulé "Un visage hideux, dans le miroir". Le livre de Cohen est une étude portant sur la façon dont les enfants sont éduqués en Israël, il se concentre sur la manière dont l'establishment des historiens considère et représente les Palestiniens arabes, ainsi que la manière dont les enfants juifs israéliens perçoivent les Palestiniens. Un chapitre de cet ouvrage est basé sur les résultats d'une étude menée sur un groupe d'élèves juifs d'une école de Haïfa, des classes allant du cours préparatoire au CE2. On a posé cinq questions à chacun de ces élèves sur leur attitude vis-à-vis des Arabes, comment ils les reconnaissent et comment ils les voient. Les résultats ont été aussi choquants que dérangeant :
Soixante-dix pour cent des enfants ont décrit l'"Arabe" comme un assassin, un kidnapper d'enfants, un criminel et un terroriste. Quatre-vingt pour cent ont déclaré voir en l'Arabe quelqu'un de sale, avec une sale gueule. Quatre-vingt dix pour cent des élèves ont déclaré croire que les Palestiniens n'ont aucun droit sur la terre d'Israël ou la Palestine. Cohen a étudié également 1 700 livres d'enfants publiés en Israël après 1967. Il a constaté que 520 livres contenaient des descriptions humiliantes et négatives des Palestiniens. Il a classifié ces descriptions négatives de la manière suivante : 66% des cinq cent vingt livres présentent les Arabes comme violents ; 52% comme malfaisants ; 37% comme menteurs ; 31% comme envieux ; 28% comme hypocrites ; 27% comme traîtres, etc...
Cohen fait remarquer que les auteurs de ces livres pour enfants instillent la haine contre les Arabes en les dépouillant de leur nature humaine et en les classant dans une catégorie autre. Sur un échantillon de 86 livres pour enfants, Cohen a recensé les descriptions suivantes, utilisées afin de déshumaniser les Arabes : 'assassin' était utilisé 21 fois ; 'serpent', 6 fois ; 'sale', 9 fois ; 'animal nuisible', 17 fois; 'assoiffé de sang', 21 fois ; 'fauteur de guerre', 17 fois ; 'tueur', 13 fois ; 'superstitieux', 9 fois et 'bosse de chameau', 2 fois.
L'étude de Cohen conclut que de telles descriptions des Arabes font partie intégrante des convictions et d'une culture sous-jacente dans la littérature hébraïque et les livres d'histoire. Il écrit que certains auteurs israéliens avouent caricaturer ainsi les Arabes de manière délibérée, en particulier pour leur public jeune, afin de former leur caractère précocement et de les préparer à se confronter aux Arabes.
"Ainsi, vous pouvez comprendre aisément que si vous avez été élevé en lisant ou en étudiant ces livres, vous ne pourrez jamais être différent", dit Atamneh. "Mais, en ce qui concerne les Palestiniens, nous grandissons à cinq cent mètres (seulement) de ce qui était autrefois un village ou une ville (palestiniens) et qui est de nos jours une implantation israélienne. Nos parents et nos grand-parents nous en parlent ; ils en parlent tout le temps. C'est le seul moyen."
(Maureen Meehan est une journaliste indépendante, qui travaille en Cisjordanie et à Jérusalem.)
                             
5. Palestine : Briser l'engrenage de la guerre par Josiane Durrieu (Marseille, le 21 mai 2001)
Josiane Durrieu est membre du Collège exécutif départemental du Parti Communiste (Bouches du Rhône) et responsable du collectif Solidarité et politique internationale.
Le processus d'Oslo, les accords de Sharm-El-Sheik, qui laissaient entrevoir une lueur d'espoir, sont bien loin. Dès son arrivée, Ariel SHARON a choisi la logique de la guerre. Depuis plusieurs semaines, c'est un déploiement des forces israéliennes sans précédent, les raids d'hélicoptères, les bombardements de la Cisjordanie, de la bande de Gaza, les incursions de l'armée dans les territoires autonomes se multiplient. En 5 semaines, plus de 150 Palestiniens sont morts, les responsables palestiniens sont particulièrement visés, quant aux enfants, ils continuent à être toujours pris pour cible. Que veut le gouvernement israélien ? que cherche Ariel SHARON, aurait-il la nostalgie des massacres de Sabra et Chatila ? Cette escalade est sans issue, sinon celui d'un bain de sang en Palestine d'un embrasement de tout le Moyen-Orient. C'est une véritable guerre qui est déclarée à un peuple sans état, une population civile sans défense (n'oublions pas que les Palestiniens n'ont pas d'armée). Et si Ariel SHARON est aussi arrogant et déterminé, n'est-ce pas aussi à cause de la complicité des Etats Unis et l'attitude jusqu'ici laxiste des Etats Européens. Si aujourd'hui, l'Union Européenne réagit enfin,  nous nous en réjouissons, espérons qu'elle aura le courage de prendre des mesures politiques concrètes, comme le propose par exemple le groupe de la Gauche Unitaire Européenne (GUE) : suspendre tout de suite l'accord d'association avec Israël, et l'envoi d'une force internationale d'interposition comme le demandent les Palestiniens. Protéger les populations civiles, mettre un terme aux violences, éviter les conflits, n'est-ce pas une des principales mission de l'ONU ? Nous sommes solidaires de toutes les voix qui, au Moyen-Orient, émergent pour la paix, une paix juste et durable. Cet état de guerre ne peut que conforter le fait que la seule voie possible est la création d'un véritable Etat Palestinien sur l'ensemble de la Cisjordanie et de Gaza.
         
6. Ni inéluctable, ni même possible par Ilya Leibowitz
Transmis par Palestinian Council for Justice & Peace
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

(L'auteur de cet article est professeur d'astronomie à l'Université de Tel-Aviv)
Bien que beaucoup d'énergie et de sueur soient investies dans le débat sur les questions de savoir si nous devrions négocier avec les Palestiniens malgré la continuation des violences ou s'il faut négocier avec eux tout court, le débat manque singulièrement de pragmatisme et d'utilité.
Si le but des débatteurs est de réduire le niveau de l'effusion de sang à l'intérieur des frontières de la Terre d'Israël, le débat qu'ils mènent est complètement à côté de la plaque. Un traité de paix ou un pacte de non-belligérance n'ont jamais résolu un problème, quelle qu'en fût la nature, dans les relations entre Etats et nations.
Beaucoup de nations et d'états ont des revendications ou des protestations et tous nourrissent des ressentiments plus ou moins forts à l'encontre d'autres nations ou états. Une situation de paix ( ou de non-belligérance) existe lorsque le désir d'un état d'arracher par la force à un autre état ce qu'il croit de bonne foi lui appartenir légitimement est contrebalancé par la crainte de ce même état des conséquences du recours à la force, qui pourrait s'avérer plus douloureux pour lui que tous les bénéfices escomptés. Un équilibre de cette nature constitue l'ossature sur laquelle un état de paix est échafaudé. Une situation de ce type est possible, par exemple, après une guerre.
Le combat trouve son terme dès lors que chacun des deux côtés impliqués rejoint un nouvel équilibre entre l'aspiration à la guerre et la crainte de la guerre. C'est là, exactement, le moment où cesse le feu.
La conclusion d'un traité de paix ou d'un accord de non-belligérance est un acte symbolique qui exprime, sous la forme d'un document écrit, le nouvel équilibre atteint par les parties. Un accord de paix ne crée pas en soi une situation de paix ; il en est bien le résultat.
Le fait qu'apposer son paraphe sur un bout de papier ne crée en rien une réalité politique est familier, bien connu dans la politique domestique de tout pays. Les facteurs qui dictent aux politiques leurs actes sont invariablement leurs intérêts propres, tels qu'ils les conçoivent, et jamais des engagements écrits ni des promesses verbales.
La politique telle que pratiquée en Israël est l'illustration même du fait qu'un document écrit a une valeur tendant vers zéro.
Il en va de même a fortiori sur la scène internationale, où les inhibitions morales sont, de loin, beaucoup plus faibles que celles qui fixent des limites à la politique interne (d'un pays donné). Par tant, la question critique qui devrait intéresser au plus haut point la société israélienne n'est pas celle de savoir si - ou, en quels termes - un accord devrait être signé avec les Palestiniens. La seule question qui vaille est celle de savoir comment parvenir à un état de non-belligérance avec eux.
Aussi longtemps que leur motivation à faire la guerre sera plus forte que la peur que celle-ci leur inspire, l'équilibre indispensable au maintien d'une situation de paix ne sera pas établi. Aucun document qui serait signé (d'ici là) ne saurait apporter de lui-même une diminution de la violence.
Parmi les facteurs générateurs de bellicisme dans une société donnée, ainsi que de désir de le réfréner, on compte la crainte des individus puissants de cette société au sujet de leurs intérêts privés qui pourraient en être affectés. Cet élément n'est jamais déclaré ouvertement comme un facteur inhibant (ou, au contraire, facilitant) la guerre, mais son importance cruciale n'est pas douteuse, et pas seulement dans les pays totalitaires.
Les gens au pouvoir et les détenteurs d'un pouvoir quelconque dans une société contrôlent, avec d'autres forces, notamment les grands médias, l'information qui est délivrée aux citoyens ainsi que la nature de la propagande dont on les arrose sans relâche. La classe dirigeante oriente la volonté des masses : la volonté extériorisée d'entrer en guerre, ou au contraire de l'éviter, manifestée par la société, reflète, dans une très large mesure, la volonté de la classe dirigeante.
La majorité des hommes politiques, en Israël, et au premier chef le premier ministre, croient qu'il est possible d'équilibrer la motivation très puissante ressentie par les Palestiniens à commettre des actes de violence en faisant augmenter leur peur de la guerre. L'équilibre nécessaire à l'instauration d'un cessez-le-feu pourrait (d'après eux) être atteint "en restaurant la capacité dissuasive des Forces Israéliennes de Défense."
La question à laquelle ils doivent apporter une réponse, à eux-mêmes avant quiconque, est celle de savoir si cette conviction est un tant soit peu fondée. Israël peut-il réellement créer parmi la classe dirigeante de la société palestinienne une menace telle qu'elle puisse dissuader et équilibrer l'esprit belliqueux prévalant chez cette nation ? Israël, pays lui-même confronté à des menaces stratégiques sur le long terme, (tant en matière de temps que d'espace), peut-il au seul moyen de la force militaire et sans occasionner de bouleversements géographiques aux conséquences incalculables, créer une réalité dans laquelle faire la guerre ne présenterait plus aucun intérêt pour les détenteurs du pouvoir - quels qu'ils puissent être - à l'intérieur de la société palestinienne ?
L'une des manières d'examiner une question de ce type est d'essayer d'imaginer quelle serait l'approche de la société israélienne si elle se trouvait à la place des Palestiniens. Des exemples historiques peuvent grandement aider à stimuler l'imagination. Prenons la société israélienne dans les années 1947-1948.
Un simple coup d'oeil donné à la carte de la Terre d'Israël montre la dispersion des implantations juives au coeur du territoire sous souveraineté de l'Autorité palestinienne. La ville d'Ariel, par exemple, est située au beau milieu du territoire de l'Etat de Palestine, qui sera établi sous peu, comme toute personne sensée, en Israël, le comprend bien aujourd'hui. L'existence d'Ariel, au coeur et au centre du pays des Palestiniens est pour eux une incitation incoercible à faire la guerre. Avec la situation géopolitique et l'équilibre des forces armées existants au début du vingt-et-unième siècle, tant au Moyen-Orient qu'en réalité, dans l'ensemble du monde, la conviction que l'Etat d'Israël détient la puissance militaire capable de contrebalancer et d'annuler cette incitation n'est pas très éloignée de la croyance aux miracles.
Y a-t-il beaucoup d'Israéliens prêts à accepter jamais qu'une Netanya arabe soit placée sous la souveraineté pleine et entière de l'Etat de Palestine ? Une condition nécessaire de l'établissement de l'équilibre requis pour l'instauration d'un état de non-belligérance est l'élimination des provocations des Juifs extrémistes contre le côté arabe, telles celle que l'Ariel juive génère du fait même d'exister.
Un retrait israélien d'Ariel changera-t-il quelque chose à l'aspiration des Arabes à reconquérir Ramleh et Jaffa ? Apparemment, la réponse est : non. La majorité des Arabes continueront à aspirer au jour où le drapeau palestinien claquera au vent au-dessus du minaret de la mosquée Hassan Bek à Jaffa. Il y a peu de chances que nous voyons, de notre génération, un leader arabe influent déclarer, directement ou indirectement, que les Arabes abandonnent cette aspiration ou sont résignés à abandonner (leur) droit au retour.
En cette matière, aussi, il n'y a aucune raison de penser que les aspirations de l'âme palestinienne diffèrent en quoi que ce soit de celles de l'âme israélienne. Après la Guerre d'Indépendance, pas un seul leader israélien de premier plan n'aurait déclaré, ou signé un document de quelque sorte que ce fût, attestant de l'abandon par les Juifs de leur aspiration à (conquérir) Naplouse ou de leur désir de reconquérir la Vieille Ville de Jérusalem et le Mur des Lamentations.
Néanmoins, jusqu'à ce que la guerre des Six Jours lui soit imposée, en 1967, Israël n'a jamais pris aucune initiative militaire d'envergure afin de tenter de faire de ce désir une réalité. Un retrait israélien unilatéral jusqu'à l'intérieur des limites de la Ligne Verte ne saurait dissiper la volonté interne et non-déclarée des Palestiniens de s'emparer du contrôle de la totalité du territoire de la Terre d'Israël. Toutefois, un tel retrait éliminerait l'un des stimuli les plus aiguisés qui motivent les tentatives de faire de ce désir une réalité en recourant à la force.
Avec l'existence permanente d'une armée (les Forces Israéliennes de Défense) forte, efficiente, équipée d'armements up-to-date, une situation peut être créée dans laquelle la classe dirigeante de la société palestinienne, ainsi que les classes dirigeantes des autres pays arabes, auraient plus à gagner d'une situation de non-belligérance que d'un état de guerre. Le désir des Arabes de régner sur Tel Aviv devra rester du seul domaine du fantasme.
         
7. Le non-sens d'une chronique par Séverine Labat (Paris)
in Le Monde du vendredi 25 mai 2001

Courrier des lecteurs
C'est par deux fois que j'ai eu les honeurs de la chronique télévision (Le Monde du 23 janvier et du 22 mai [article reproduit ci-dessous] ) et focalisé l'attention de son titulaire sur les tenues vestimentaires que je porte sur le plateau du "Sens de l'Histoire" sur La Cinquième. C'est avec surprise que je découvre en votre chroniqueur un fin connaisseur de la mode féminine, mais je ne suis pas certaine qu'il se serait autorisé pareille privauté s'agissant d'un présentateur de télévision de sexe masculin... Mais foin de détails qui semblent régaler ses dimanches après-midi et venons-en au fond.
Par quel prodige suis-je devenue soudainement l'objet de sa vindicte, après deux années, passées inaperçues de lui, de présentation du "Sens de l'Histoire" ? Il ne connaît ni mon histoire ni mon parcours pour se permettre de s'ériger ainsi en procureur. Je m'étonne qu'il se laisse aller à suggérer, par des sous-entendus insidieux, que je pourrais, sur des sujets aussi sensibles que la spoliation des biens juifs sous l'Occupation, ou la guerre du Golfe, tenir des propos guidés par l'"ignorance" ou le parti pris. Mes travaux universitaires en tant que chercheuse au CNRS démontrent le contraire.
Cette remise en cause de ma déontologie est inacceptable. L'acrimonie et l'acharnement de votre chroniqueur auront en tout cas eu le mérite d'avoir permis au "Sens de l'Histoire" qui disparaîtra définitivement de l'antenne au mois de juin, d'être passé de la confidentialité à la notoriété.
[Séverine, hélas ! par Luc Rosenzweig in Le Monde du mardi 22 mai 2001 - De temps à autre, un (très léger) soupçon de regret s'insinuait dans notre conscience chroniqueuse : n'aurions nous pas été, il y a quelques mois, par trop sévère avec cette Séverine Labat qui organise et présente les débats suivant les documents présentés dans l'émission " Le sens de l'histoire ", le dimanche après-midi sur La Cinquième ? Pour en avoir le coeur net, nous avons sacrifié un dimanche ensoleillé invitant à la télévision buissonnière pour regarder la prestation de cette jeune femme, tout disposé à faire amende honorable, si cela s'avérait nécessaire.
L'émission était consacrée à l'évocation du déclenchement de la guerre du Golfe, en janvier 1991, consécutif à l'invasion, au mois d'août précédent, du Koweït par l'Irak de Saddam Hussein. Le documentaire introductif, fait de montage d'archives et d'interviews de responsables politiques de l'époque nous rafraîchissait la mémoire sur cette opération " Tempête du désert ". Celle-ci allait profondément bouleverser la donne géopolitique au Moyen-Orient, consacrer les Etats-Unis comme unique super-puissance mondiale, et l'effacement de ce qui était encore, à l'époque, l'URSS. Que cette guerre fasse encore sentir ses conséquences aujourd'hui, notamment pour des Irakiens régulièrement bombardés par l'US Air force, et toujours soumis à un embargo implacable, qui pourrait le nier ? Qu'il soit, dans une émission historique traitant de sujets proches du présent, intéressant d'inviter des acteurs de la politique du moment, est aussi une évidence. Mais il faut, alors, que le plateau soit équilibré, que des points de vue opposés puissent s'exprimer. Personne ne reprochera à Leïla Shahid, représentante en France de l'Autorité palestinienne, et à Georges Corm, économiste et ancien ministre libanais, seuls conviés, d'avoir saisi l'occasion pour faire un procès en règle de la politique israélienne d'aujourd'hui. Ils sont dans leur logique. Mais on est fondé à demander des comptes à Séverine Labat d'avoir voulu nous faire passer des vessies pour des lanternes et transformé une émission historique en tribune de propagande pour la cause arabe et palestinienne. A notre grand regret, nous sommes obligé de remettre à une date ultérieure notre autocritique séverinienne...
Pour nous remettre l'humeur au beau fixe, il nous fallut attendre 20 h 30 et l'arrivée sur France 3 de Raphaël Mezrahi. A la différence de Séverine, il n'est pas habillé par Yamamoto, mais plus vraisemblablement par sa maman, qui a des prix chez son beau-frère Maurice Benayoun, spécialiste du dégriffé à Troyes, dans l'Aube. Mais il est beaucoup plus drôle.]
        
Revue de presse

         
1. Que cherche exactement Israël ? par Pierre Barbancey
in L'Humanité du mardi 5 juin 2001

Palestine de notre envoyé spécial dans la bande de Gaza.
Alors que Yasser Arafat a annoncé, samedi, un cessez-le-feu inconditionnel, l'armée israélienne multiplie les démonstrations de force à l'égard de la population palestinienne. Depuis dimanche soir, les avions F16 survolent sans cesse la bande de Gaza et la Cisjordanie. Un va-et-vient incessant à des altitudes différentes. Lundi, aux premières heures de la journée, ils étaient si bas dans le secteur de Khan Younes (sud de la bande de Gaza) qu'on distinguait les inscriptions sur les fuselages. Le but est évident : pousser les Palestiniens à la faute, faire en sorte que l'exaspération soit totale.
En ce sens, les Israéliens ont presque réussi. On ne trouve pas un Palestinien prêt à accepter les exigences israéliennes, énoncées par Ariel Sharon : " arrêt de l'incitation à la violence, arrêt des actions de terreur et de violence, arrestation des terroristes qui ont été libérés, arrestation de tous ceux qui ont tué des Israéliens et dont M. Arafat connaît les adresses. "
Pas un mot, bien sûr, sur les centaines de morts palestiniens ou les milliers de blessés. Pas un mot non plus sur la provocation permanente que représentent les colonies d'implantation juives aux abords des villes palestiniennes. Un exemple parmi d'autres, pas si futile qu'il n'y paraît : si les colons de Nawet Kalim ont accès à la mer, les habitants de Khan Younes et du camp de Toufah, tout proche, n'ont plus le droit d'aller se baigner. Le blocus de toutes villes palestiniennes de Cisjordanie et de Gaza a été maintenu, interdisant l'entrée et la sortie des zones autonomes à tout Palestinien et les frontières sont fermées. Une mesure qui s'ajoute au bouclage déjà en vigueur en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Dans ces conditions, la rue palestinienne ne bruisse que d'un mot, " résister et mourir " s'il le faut. Une formule qui n'est pas à entendre comme un appel aux attentats suicides mais, au contraire, comme une volonté de rester une fois pour toutes sur ce qu'il reste de terre aux Palestiniens.
L'équation de Sharon est simple : les Palestiniens ne veulent pas la paix, ils veulent la destruction d'Israël et il faut donc se défendre contre cet ennemi permanent. On voit mal dans ces conditions comment il pourrait s'asseoir un jour à une table de négociations. Ou plutôt, il ne le fera que lorsque les Palestiniens seront à genoux et qu'ils ne pourront plus rien objecter. Grand seigneur, Dori Gold, porte-parole du premier ministre israélien, a fait savoir que Tel-Aviv " accorde une chance de plus à la paix pour voir si M. Arafat donnera suite à son engagement en vue d'un cessez-le-feu.
Pour l'heure, les indices ne sont guère encourageants ", tout en reconnaissant que l'intensité des attaques anti-israéliennes avait baissé depuis samedi soir. L'Humanité a pourtant été témoin, ce même soir, d'une provocation israélienne. Alors que tout était calme, les soldats de Tsahal ont tiré à plusieurs reprises sur un quartier de Khan Younes. Un scénario qui se répète chaque jour. Hier, près des Rafah, un accrochage a fait des blessés, un soldat israélien et sept Palestiniens. Dans la nuit de dimanche à lundi, alors que deux hélicoptères israéliens ont franchi l'espace aérien palestinien, des affrontements se sont déroulés à Kfar Darom (bande de Gaza), Tsahal profitant de l'occasion pour faire une incursion, détruire 5 hectares de terres agricoles et repousser encore ses limites de contrôle.
Une première réunion, dimanche à Gaza, des douze composantes de l'OLP ainsi que du Djihad islamique et du Hamas a indiqué clairement que les Palestiniens n'entendent pas abdiquer leur " droit de se défendre contre l'agression, l'occupation et la colonisation et de poursuivre l'Intifada populaire, qui est un moyen de lutte légitime contre l'occupation de nos terres et pour appliquer nos droits internationaux ", ainsi que le stipule un communiqué. Les quatorze organisations ont, par ailleurs, répété leur volonté d'unité nationale. Un participant à cette réunion a expliqué à l'Humanité, sous couvert de l'anonymat, que les différentes composantes de l'OLP ont demandé aux islamistes de cesser les attentats à la bombe, " mais, a-t-il dit, les décisions d'organisation d'attentats ne se prennent pas ici mais dans des pays comme l'Iran ". Pour Smaïn Abou Chanad, porte-parole du Hamas, " Arafat a fait une déclaration de cessez-le-feu, mais ce sont les Israéliens qui nous attaquent. Nous nous défendons, c'est donc à eux d'arrêter. Nous continuerons jusqu'à ce que l'occupant s'en aille. Chaque organisation palestinienne choisit son mode de résistance. Si Israël arrête, nous arrêterons. " Quant aux attentats, " c'est la branche militaire qui décide ". Rafik Salah, membre de l'Union démocratique pour la Palestine (FIDA, organisation de Yasser Abed Rabbo), " il n'y a pas de relations entre l'Intifada et le cessez-le-feu qui est décrété sous la pression des Américains et de l'Union européenne ". Pour Marwan Barghouthi, responsable du Fatah (l'organisation de Yasser Arafat) pour l'ensemble de la Cisjordanie, " le cessez-le-feu ne peut se concevoir que du côté israélien. Nous continuerons l'Intifada tant que l'occupation se poursuivra ". Selon ce dirigeant, " le cessez-le-feu est évoqué pour les territoires contrôlés par l'Autorité palestinienne, ce qui ne représente même pas 15 % de nos terres. Il reste la résistance comme, par exemple, à Jérusalem, qui est encore occupé, et aux endroits où se trouvent les colonies et l'armée d'occupation. "
Une nouvelle rencontre devait avoir lieu hier soir, à Ramallah, et en présence de Yasser Arafat qui n'a pu le faire le déplacement à Gaza, dimanche, les Israéliens l'empêchant de bouger. Officiellement, il n'y a aucun lien entre les deux réunions. On peut cependant penser que les organisations palestiniennes, et particulièrement celles de l'OLP, auront à cour de sortir de la contradiction dans laquelle elles placent l'Autorité palestinienne et Yasser Arafat qui risquent de passer, aux yeux de la population, comme trahissant la cause du peuple. · part certains extrémistes israéliens, comme le ministre des Communications, Reuven Rivlin, qui rêve " d'envoyer Arafat très loin de Gaza ", personne n'a intérêt à déstabiliser l'Autorité palestinienne. Les Palestiniens ont reçu trop de coups de bâtons pour se plier. Ils ne rêvent pas de carottes mais d'un Etat bien réel, dans les frontières de 1967. Sharon peut bien sortir son armada, la solution n'est pas au bout du fusil mais dans la fin d'une occupation, l'une des dernières au monde en ce début de XXIe siècle.
                
2. La clef de la paix au Proche-Orient par Arno J. Mayer
in Le Monde du mardi 5 juin 2001
[Arno J. Mayer est historien, professeur émérite à l'université de Princeton. Traduit de l'anglais par Sylvette Gleize.]
Les responsables politiques en Israël, quel que soit leur parti, ont contracté et exploité des complexes psychologiques successifs qui ont empêché un accord de paix raisonnable avec les Palestiniens : le complexe de Massada ; le complexe de l'Holocauste ; le complexe d'implantation. Il va de soi que, dans certaines périodes de transition, deux complexes se sont superposés. Ce fut le cas des années 1960 à 1990, quand les complexes de Massada et de l'Holocauste se sont entremêlés. Il est frappant cependant que, aujourd'hui, face à la seconde Intifada, il soit peu question ni de Massada ni de l'Holocauste.
En revanche, le complexe d'implantation reste très présent. Jusqu'à ces derniers temps, quelques rares voix juives se sont élevées, en Israël et dans la Diaspora, pour oser dire ouvertement ce qui est en train de devenir de plus en plus évident, à savoir que le démantèlement de toutes les implantations et le rapatriement des colons - à l'exception de ceux qui choisissent de devenir des citoyens du nouvel Etat palestinien - sont la condition sine qua nond'un accord de paix équitable.
Malencontreusement, la commission présidée par l'ancien sénateur américain George Mitchell nourrit l'illusion qu'un gel de la construction et de l'expansion (illégales) de colonies dans les régions palestiniennes de la Palestine historique, suivi du "regroupement" possible de plusieurs colonies, peut fournir la base d'une telle paix et non pas d'une simple trêve bricolée comme à l'accoutumée.
En réalité, le complexe d'implantation n'a jamais vraiment reculé autant qu'Ehoud Barak et Bill Clinton l'ont cru et que le mouvement La Paix maintenant l'a proclamé.
Mais depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement d'unité nationale dirigé par Ariel Sharon, il est consolidé par un complexe nouveau, en pleine expansion, dû au rappel par Yasser Arafat du droit au retour des réfugiés palestiniens.
Le non-dit de cette idée fixe naissante est que les implantations constituent pour l'essentiel des avant-postes du contrôle de Palestiniens toujours plus nombreux dont les exigences de retour en Cisjordanie et à Gaza prouvent qu'ils n'ont jamais abjuré leur objectif final qui est d'écraser et de détruire l'Etat d'Israël.
Il faut immédiatement ajouter qu'en refusant de reconnaître sa lourde responsabilité, qui n'est cependant pas exclusive, dans la situation critique des réfugiés palestiniens, Israël continue d'alimenter une méfiance et un ressentiment qui sont exploités par les extrémistes arabes et palestiniens. Cette insensibilité - cette impénitence - gratuite a l'inconvénient de rendre difficile l'application du précepte de Wiedergutmachung, de réparation, susceptible de faciliter une résolution de la question controversée des réfugiés.
Il s'agit là sans doute d'un de ces imbroglios malsains qui appelle une banale récapitulation de plusieurs faits sensibles :
1. Il existe au moins 130 colonies en Cisjordanie et à Gaza, qui n'ont jamais cessé de grandir et de s'étendre. Elles se prévalent de 200 000 colons, sans compter les quelque 200 000 Israéliens de Jérusalem Est.
2. Ces enclaves coloniales sont protégées par des forces de police et militaires israéliennes fortement armées.
Cette présence étrangère oppressive aggrave l'humiliation d'une population rebelle extrêmement jeune, minée par le sous-emploi et le chômage.
3. Depuis que les implantations sont en grand nombre stratégiquement dispersées, elles "balkanisent" complètement l'Etat palestinien, dont elles sapent la cohérence administrative, la survie économique et la souveraineté politique.
4. De part et d'autre, l'insistance à instaurer des frontières sûres et défendables n'a rien d'exceptionnel, mais elle est un faux-semblant à une époque d'armes ultra-modernes sophistiquées.
5. Si ce n'est pour la forme et pour faire preuve de pondération, les grands partis politiques d'Israël et les gouvernements qui se sont succédé depuis 1967 ont considéré la colonisation comme une question vitale d'intérêt national.
6. La résistance palestinienne est animée par le souvenir cuisant de l'expulsion et par la rancœur de la soumission coloniale, et non par le poison de l'antisémitisme. D'une manière générale, la raison historique et psychologique de cette résistance évoque celle de l'instransigence brutale d'Israël qui n'est ni antimusulmane ni antiarabe.
7. Surtout, les zones situées autour des implantations sont les plus explosives de la violence terroriste et antiterroriste, qui alimente une logique infernale et un cycle sans fin de vengeance.
Israël continue de payer un lourd tribut humain et financier à son complexe d'implantation. Outre les soldats en armes et les infortunés civils, morts et blessés, il y a l'énorme coût que représentent les forces de sécurité, les infrastructures et le soutien financier aux colons. Il est certain que ces fonds - de l'ordre de plusieurs milliards de dollars - pourraient être consacrés à des programmes sociaux et d'éducation au sein du pays où ils bénéficieraient en particulier à la minorité arabe déshéritée d'Israël, ou pourraient être versées au profit des terres pauvres de l'Etat palestinien naissant.
A cela s'ajoute, le prix politique et moral à payer pour assurer la sécurité de quelque 400 000 colons (y compris ceux de Jérusalem Est) qui vivent au milieu de 2 millions de Palestiniens. Un gouvernement représentatif et la loi "coloniale" étant incompatibles, la présence militaire constante pour protéger les colons entrave la politique démocratique d'Israël et l'Etat de droit. Elle corrompt en outre l'âme et l'éthique des jeunes hommes et des jeunes femmes de l'armée des citoyens d'Israël qui montent la garde, le glaive à la main, face à une population amère et hostile.
Si le parti travailliste et le Likoud divergent sur certains aspects de la stratégie d'implantation, ils sont d'accord sur l'essentiel. L'un et l'autre légitiment la politique du fait accompli. Les travaillistes sont poussés par un pragmatisme séculaire et généralement admis qui n'a pas d'objectif final explicite mais a une grande portée ; les membres du Likoud sont animés par une idéologie religieuse mais également politique et "totalisante" qui proclame que la Judée et la Samarie font partie d'une "terre sainte" indivisible. Selon les époques, chaque parti a eu ses colonies "clientes": le parti travailliste a précipité la création de Ma'ale Adumim, Givat Ze'ev et Gush Etzion, pierres de touche du Grand Jérusalem ; le Likoud a appuyé l'instauration d'un grand nombre de colonies près de Naplouse, Ramallah et Hébron dans le but de faire avorter un Etat palestinien dont il ne voulait pas.
Inutile de dire que la réalité de la vie de tous les jours dans ces enclaves fortifiées transforme d'égoïstes colons en zélotes laïcs ou religieux. Comme les Européens du passé en Afrique et en Asie, les colons israéliens ont le sentiment - ou le développent - d'avoir une mission, et ils se considèrent comme supérieurs. Ils acquièrent aussi une dimension psychique et matérielle dans leur statut et leur situation privilégiés, dont ils attendent la défense coûte que coûte.
Cela ne veut pas dire que les leaders palestiniens sont plus proches de Dieu ou plus innocents que les dirigeants d'Israël. Mais il est indéniable qu'ils parlent au nom du camp qui est de loin le plus blessé et, surtout, le plus faible, détenant la palme du statut de victime. Il serait sage qu'Israël cesse de trop jouer avec la faiblesse et le désarroi explosifs de Yasser Arafat et des Palestiniens et de trop compter sur la désunion du monde arabe. Etant donné la situation militaire, démographique et religieuse au Proche-Orient, il faut à Israël une paix négociée qui ne soit pas dictée, pour des raisons à la fois intérieures et internationales.
Il ne faudrait pas laisser se cristalliser l'appel renouvelé au droit au retour des Palestiniens comme un stimulant ou un substitut au complexe d'implantation qu'il faut exorciser. Si Israël ne veut pas continuer à gaspiller ce qui lui reste de capital diplomatique et moral, il lui faut préparer le terrain à la liquidation de toutes les implantations et au rapatriement de tous les colons. Les incitations qui ont permis aux colons de s'installer sur les territoires annexés ou occupés peuvent aisément être réutilisées pour les encourager à rentrer au pays, dans l'honneur. Pour eux et pour Israël, l'heure est venue d'une alya spéciale que l'Agence juive doit accomplir avec diligence dans l'esprit de la Loi du retour. Selon les termes de Théodore Herzl, "le rêve et l'action ne sont pas aussi éloignés qu'on le croit souvent, ... et pour qui le veut, ce n'est pas impossible".
Cette audacieuse exhortation de la première heure s'accorde avec l'actuelle dégrisante injonction de la onzième heure, qui donnait à réfléchir, du regretté Fayçal Husseini aux Palestiniens et aux Israéliens : "Abandonnez vos rêves respectifs car les rêves ne sont pas négociables."
Sauf désintoxication réciproque, les deux parties de la Palestine ont toutes les chances de rester piégées dans une histoire malheureuse bien que non stérile qui rappelle le long supplice de l'Irlande moderne, dont l'ancien sénateur Mitchell sait quelque chose.
         
3. Fayçal Husseini, une figure historique du nationalisme palestinien par Mouna Naïm
in Le Monde du samedi 2 juin 2001

"ici, la région devient monde, le microcosme macrocosme" : ainsi parlait de Jérusalem Fayçal Husseini, l'une des figures historiques du nationalisme palestinien, mort jeudi 31 mai, à l'aube, d'une crise cardiaque lors d'un séjour à Koweït. C'était en décembre 2000, à Bordeaux. "Ma famille a vécu à Jérusalem depuis huit siècles, ajoutait-il. Mon rapport à cette ville est culturel, religieux, familial, et va même au-delà. (...) J'ai d'ailleurs refusé un poste de ministre pour continuer de vivre à Jérusalem." Tout était ainsi dit de la relation fusionnelle qui unissait Fayçal Husseini à Jérusalem - dont il était devenu l'emblème aux yeux des Palestiniens - et à la Palestine, à laquelle il a voué l'essentiel de sa vie.
Descendant d'une des plus anciennes grandes familles palestiniennes, notable donc entre tous, il n'en était pas moins de toutes les batailles : militaires au temps de l'exil, politiques et dans la rue après son retour à Jérusalem, à la tête de toutes les formes de protestation contre l'occupant - bousculé et blessé comme les autres. De Jérusalem, il connaissait tous les coins et recoins, mais il avait surtout établi avec la population des liens d'une qualité exceptionnelle.
Son ascendance et l'élégance de son comportement, doublées d'une grande discrétion et humilité, qui n'avaient d'égale qu'une fermeté politique à toute épreuve, lui valaient le respect des Palestiniens de tous bords. Ce qui explique cette unanimité dans l'éloge funèbre qu'ils lui rendent aujourd'hui. C'était "un homme profondément respectable", qui avait une "hauteur morale" exceptionnelle, dit de lui Claire Bertrand, membre du groupe d'Amnesty international, qui avait pris en charge Fayçal Husseini lors de sa détention par Israël.
Fayçal Husseini tenait aussi son aura de son audace et de son indépendance d'esprit, qui l'amenèrent par exemple, en 1967, à refuser d'obéir à ses chefs qui voulaient continuer la lutte contre Israël "de l'extérieur" et à s'infiltrer en Palestine pour continuer à agir "de l'intérieur" des territoires occupés. Pour toutes ces raisons, et aussi parce qu'il avait remarquablement réussi sa conversion de militaire en politique, tout ou presque était permis à Fayçal Husseini. Ainsi, lorsque les contacts avec Israël relevaient encore de la haute trahison aux yeux de la majorité des Palestiniens, il n'hésita pas, en 1987, à prendre l'initiative de rencontrer à plusieurs reprises un député du Likoud, Moshe Amirav, pour discuter de l'idée de faire de Jérusalem la capitale de deux Etats.
Cela lui valut d'être jeté en prison par le premier ministre d'alors, Itzhak Shamir.
Fayçal Husseini est né en juillet 1940 à Bagdad, où son père, Abdel Qader, grand militant nationaliste, avait été exilé en 1936 par les Britanniques, alors puissance mandataire en Palestine. Abdel Qader revint clandestinement en Palestine en 1947, où il participa à la lutte nationaliste avant d'être tué en 1948, les armes à la main, à Kastel, petit village non loin de Jérusalem. Les Palestiniens, qui avaient réussi à remporter la bataille, se démobilisèrent pour aller assister à ses funérailles, abandonnant ainsi la localité aux juifs. Le lendemain eut lieu le massacre de Deir Yassine, au cours duquel 250 Palestiniens furent tués par les extrémistes juifs de l'Irgoun.
LONGUES ANNÉES D'EXIL
Abdel Qader était lui-même le fils de Moussa Kazem Husseini, premier chef de la municipalité de Jérusalem au début du XXe siècle, puis chef du Comité exécutif arabe chargé notamment par le troisième Congrès palestinien réuni à Haïfa, en décembre 1920, d'incarner la volonté palestinienne face à la puissance mandataire et à l'immigration juive. Autant dire que Fayçal Husseini avait de qui tenir. Il était du reste convaincu, disent ses amis les plus proches, qu'il existait une sorte de cumul générationnel dans la lutte nationaliste au sein d'une même famille. Ses longues années d'exil n'ont sans doute fait qu'accentuer son attachement à la Palestine.
Expulsée d'Irak, la famille d'Abdel Qader Husseini se retrouve en Arabie saoudite, puis en Egypte, où Fayçal est diplômé de l'académie militaire, avant de rejoindre l'école des cadres militaires du Fatah, dont il devient le responsable, en Syrie puis au Liban. En 1967, lorsque Jérusalem-Est est occupé, il s'infiltre clandestinement en Cisjordanie via le Jourdain, pour une première mission de reconnaissance, avant de regagner la rive Est et d'inviter ses camarades à faire de même avant que les Israéliens ne bouclent la frontière. Face à leur refus, il commet son premier acte de désobéissance et refait le chemin en sens inverse jusqu'à Jérusalem.
Il est ensuite emprisonné pendant un an par les Israéliens à cause de la découverte, à son domicile, d'une arme que Yasser Arafat lui aurait remise lors de son séjour clandestin en Cisjordanie après la guerre. En 1979, avec des intellectuels palestiniens, il crée le Centre des études arabes à Jérusalem-Est, qui allait devenir la Maison d'Orient, considéré comme le bureau non officiel de l'OLP à Jérusalem. Dans les années 1980, Fayçal Husseini est placé à plusieurs reprises en résidence surveillée pour activisme et soumis à détention administrative sans jugement. C'est notamment le cas en juillet 1988 lorsque, le roi Hussein de Jordanie ayant rompu tout lien avec la Cisjordanie, Fayçal Husseini élabore un projet de déclaration d'indépendance d'une Palestine s'étendant sur les territoires délimités par le plan de partage de l'ONU de 1947, Yasser Arafat devant en être le dirigeant.
Fayçal Husseini, qui fut l'un des principaux dirigeants de la première Intifada palestinienne (1987-1993), fit partie de la poignée de Palestiniens "représentants de la population des territoires" occupés que l'Etat juif jugeait fréquentables pour la mise en route du processus de paix. C'est à ce titre qu'avec d'autres, notamment Hanane Achraoui, il rencontra à plusieurs reprises le secrétaire d'Etat américain d'alors, James Baker, principal architecte dudit processus.
FIDÉLITÉ À L'OLP
Jamais Fayçal Husseini, pas davantage que les autres négociateurs palestiniens, n'accepta d'accéder à l'exigence israélienne de se désolidariser de l'Organisation de libération de la Palestine. Celle-ci demeurait leur référent et Yasser Arafat leur mentor. C'était d'ailleurs ce dernier qui l'avait désigné comme interlocuteur de M. Baker et lui avait confié le soin de choisir les autres membres de la délégation palestinienne.
Déjà en 1988, lors d'un Conseil national palestinien réuni à Alger, Fayçal Husseini et Hanane Achraoui étaient venus discrètement informer Yasser Arafat de la situation dans les territoires occupés. Ce qui valut à Fayçal Husseini d'être à nouveau jeté en prison par les Israéliens.
La fidélité à l'OLP et le souci de maintenir intacte l'unité du peuple palestinien n'ont pas empêché Fayçal Husseini d'être en désaccord avec "le Vieux" sur certaines questions et de le dire. Mais jamais alors et par la suite, quels qu'aient été les tiraillements, Fayçal Husseini ne se désolidarisa de l'Autorité palestinienne. Jamais non plus il ne jeta l'éponge.
           
4. Une plainte belge contre Sharon par Jean-Pierre Borloo
in Le Soir (quotidien belge) du samedi 2 juin 2001

La Belgique, terre promise de la justice internationale ? Une plainte avec constitution de partie civile, relayée par Me Abbès, vient d'être déposée à Bruxelles contre le Premier ministre israélien Ariel Sharon. C'est le juge d'instruction Patrick Collignon qui est chargé d'examiner cette plainte qui pose une nouvelle fois la question de la portée de la compétence universelle des juridictions belges.
Les plaignants sont d'origine diverse : Palestine, Liban, Maroc, Belgique. Ils sont regroupés au sein d'un comité créé pour la circonstance. Le préjudice qu'ils mettent en avant est liés aux massacres de Sabra et Chatila (Liban), en 1982, et aux affrontements récents. Ils se basent notamment sur la Commission d'enquête israélienne qui a conclu à une responsabilité indirecte dans les massacres de Sabra et Chatila qui ont fait entre 800 et 2.000 morts parmi les civils palestiniens.
Actuellement, la justice belge analyse la recevabilité de cette plainte : la qualité des plaignants et le préjudice direct avec les faits reprochés à Ariel Sharon.
Une fois de plus se pose dès lors la question de la recevabilité d'une telle action. Surtout pour un homme d'Etat en fonction. La loi du 10 février 1999, sur les violations graves du droit international humanitaire, est pourtant claire. En son article 5, paragraphe 3, elle dit : « l'immunité attachée à la qualité officielle d'une personne n'empêche pas l'application de la présente loi ».
Le professeur de droit international de l'ULB, Eric David, confirme qu'il n'y a « pas d'immunité qui vaille ». Mais il précise que la Belgique est un des seuls pays à avoir inscrit cela dans une loi. Cela lui vaut d'ailleurs un affrontement avec le Congo devant la Cour internationale de Justice à La Haye, dans le cadre des poursuites engagées contre l'ex-ministre congolais Yerodia.
Eric David rappelle aussi que la question de l'immunité s'était posée dans le cadre de la plainte contre Pinochet. Et le juge d'instruction Vandermeersch avait conclu à l'absence d'immunité.
La Belgique n'applique pas cette loi de manière aveugle, ajoute Eric David. Quand un chef d'Etat soumis à une telle enquête vient officiellement en Belgique on ne met pas directement en exécution le mandat d'arrêt.
Quant aux massacres de Sabra et Chatila, Eric David signale qu'ils ont été qualifiés d'actes de génocide par les Nations unies.
                
5. Proche-Orient : une chance à ne pas manquer par Javier Solana
in le Monde du vendredi 1er juin 2001

[Javier solana est haut représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune.]
IL faut briser l'engrenage de la violence qui a déjà coûté la vie à plus de 500 personnes depuis l'automne dernier et qui menace la stabilité au Proche-Orient. Je ne vois pas de gagnant dans cette logique mais je crains qu'il n'y ait deux perdants : les Palestiniens, qui voient s'éloigner la perspective de l'Etat auquel ils aspirent ; les Israéliens, qui ressentent une insécurité grandissante.
Les parties et la communauté internationale doivent trouver le chemin de sortie de crise et de retour à la table des négociations. Il existe une base pour cela, mais, pour restaurer la foi dans la paix, il faut saisir cette chance et agir sans délai. J'ai eu l'honneur de faire partie de la commission d'établissement des faits créée au sommet de Charm el-Cheikh en octobre dernier, aux côtés des anciens sénateurs américains George J. Mitchell - qui présidait la commission - et Warren B. Rudman, de l'ancien président turc Suleyman Demirel et du ministre des affaires étrangères norvégien, Thorbjörn Jagland.
Au cours de nos travaux, nous avons rencontré des responsables israéliens et palestiniens et des membres de la société civile. Mais aussi des familles de victimes palestiniennes et israéliennes : toutes partageaient la même douleur, et leurs mots étaient les mêmes.
Malgré la colère qui s'est accumulée dans les deux communautés, il ne fait aucun doute que, dans leur écrasante majorité, les Palestiniens et les Israéliens veulent vivre en paix. Et il n'y a qu'une seule façon d'aboutir à la paix, à la justice et à la sécurité au Proche-Orient : par la négociation. Une négociation fondée sur la mise en œuvre sincère des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. C'est, ni plus ni moins, la base de tout le processus depuis Madrid, il y a dix ans.
La commission d'établissement des faits a maintenant rendu son rapport. La rigueur et l'impartialité de ce travail ont été, je crois, largement reconnues. Surtout, pour la première fois depuis bien longtemps, il existe avec ce rapport une base qui bénéficie d'un soutien international sans précédent. Les recommandations du rapport ont en effet le soutien du secrétaire général de l'ONU, des Etats-Unis, de l'Union européenne et d'autres pays comme la Russie et le Canada. L'Egypte et la Jordanie y retrouvent la philosophie de l'initiative qu'elles avaient présentée il y a quelques semaines, dans un effort positif pour sortir du vide diplomatique.
Et surtout, le gouvernement israélien et l'Autorité palestinienne ont tous deux indiqué qu'ils acceptaient les recommandations du rapport de la commission.
Beaucoup de rapports ont été publiés sur cette région. Rarement ils ont eu une telle audience auprès de ceux qu'ils concernent au premier chef.
Ne rien retirer de concret de cette opportunité serait une absurdité politique et une tragédie sur le plan humain. Il faut saisir le fil qui se présente, et avancer.
Car un rapport à lui seul ne peut pas faire de miracles. Ce n'est qu'une base. Il faut maintenant le transformer en plan opérationnel. C'est pour cela que je me suis rendu dans la région la semaine dernière. Il faut un paquet de mesures assorti d'un calendrier. Le principe est accepté par les parties, qui retiennent quatre éléments :
- un cessez-le-feu ;
- une période de consolidation de l'apaisement (cooling off) ;
- une période pour reconstruire la confiance ;
- la reprise des négociations, tant sur les questions intérimaires en suspens que sur le statut final.
Il faut que ce plan opérationnel soit adopté rapidement : ce n'est pas une question de mois mais de jours, peut-être de semaines. Sinon, la crise durera. Je l'ai dit à tous les dirigeants de la région. Tous en conviennent.
Il faut bien sûr que les parties prennent sans conditions des mesures immédiates pour sortir du cycle des violences. Il doit y avoir 100 % d'efforts dans ce sens et les dirigeants doivent prendre les mesures nécessaires. Mais je reste convaincu que, pour sortir de la terrible routine des affrontements et des représailles, les parties ont besoin d'une feuille de route précise, claire, qui ramène au processus de paix et aux négociations.
Pour cela, il faut recréer la confiance. La commission Charm el-Cheikh a identifié plus d'une dizaine de mesures. L'une d'elles invite au gel des colonies. Je comprends l'importance que les Palestiniens y attachent : que le nombre des habitants des colonies ait doublé depuis la signature des accords d'Oslo n'a certainement pas contribué à faciliter la recherche d'une paix juste et durable. Les Européens ont toujours mis en garde contre les effets négatifs de cette politique. Je le redis aujourd'hui et je constate qu'une majorité d'Israéliens semble prête à considérer que le gel des colonies peut être dans l'intérêt même de l'Etat hébreu.
Si on dit accepter les recommandations du rapport de la commission d'établissement des faits, comme l'ont fait les dirigeants palestiniens et israéliens, il faut les accepter dans leur ensemble. C'est ainsi, et ainsi seulement, que l'on pourra reconstruire la foi dans la paix qui fait défaut aujourd'hui tant au sein de la nation israélienne qu'au sein de la nation palestinienne. Une perspective politique doit accompagner l'apaisement et en sera le moteur.
Pour briser le cycle des violences et reprendre la recherche de la paix, il faut une nouvelle relation bilatérale qui garantisse la sécurité et les droits de chaque peuple à vivre en paix. La coopération a existé. Elle doit reprendre.
L'Union européenne joue son rôle dans les efforts qui sont faits pour sortir de la spirale de la violence et pour relancer le processus de paix. Depuis Charm el-Cheikh, j'ai été en contact quasi quotidien avec les dirigeants israéliens et palestiniens et arabes. Le représentant spécial de l'Union européenne pour la région, Miguel-Angel Moratinos, est également actif sur place.
L'Union travaille aux côtés de ses partenaires, notamment américains, dans une volonté de faire en sorte que les efforts de chacun se complètent et se renforcent. Une coopération intensive et continue avec Washington est au cœur de nos efforts.
Sur la base des recommandations réalistes et équilibrées du rapport de la commission Charm el-Cheikh, un schéma de sortie de crise équitable et sérieux est à portée de main. Si nous ratons cette occasion, nous devrons encore déplorer des vies inutilement brisées. Et, in fine, la solution de sagesse et de paix sera toujours proche de celle qui est aujourd'hui sur la table.
Pourquoi attendre, quand Israéliens et Palestiniens peuvent compter sur une vaste coalition internationale pour la paix ? Les décisions à prendre demandent du courage. C'est ce qu'attendent les peuples de leurs dirigeants. Et nous sommes prêts, au sein de l'Union européenne, à fournir tout l'appui qui sera nécessaire.
               
6. Arafat arrive à Amman pour accompagner le corps d'Husseini
Dépêche de l'agence Reuters du vendredi 1er juin 2001, 8h05
AMMAN - Le président de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat est arrivé à Amman pour rejoindre le corps de son collaborateur Faiçal Husseini, décédé la veille d'une crise cardiaque à l'âge de 60 ans.
Arafat, qui a écourté sa visite en Belgique en raison de ce décès, doit accompagner le corps d'Husseini vers Ramallah, en Cisjordanie.
Le président de l'Autorité palestinienne n'assistera pas à l'enterrement du défunt, qui sera inhumé dans l'enceinte de la mosquée d'El Aksa, sur l'esplanade des Mosquées de Jérusalem.
Arafat a accusé Israël d'être en partie responsable de la mort d'Husseini, qui a respiré des gaz lacrymogènes lancés par Tsahal avant sa crise cardiaque.
"Quelques jours avant son martyre, (Husseini) et Ahmed Tibi ont été atteints par des gaz lacrymogènes et vous savez que le pauvre homme souffrait d'asthme, et le gaz lacrymogène a aggravé l'asthme dans sa poitrine", a déclaré Arafat, faisant référence à des incidents survenus le 16 mai en Cisjordanie.
Husseini et le député israélien Tibi se sont retrouvés au milieu d'une manifestation de 200 personnes, que l'armée israélienne a cherché à disperser. Husseini avait été hospitalisé après avoir inhalé des gaz lacrymogènes.
Husseini est mort alors qu'il était en visite au Koweït. Son corps a été rapatrié à Amman dans un cercueil enveloppé dans un drapeau palestinien, à bord de l'Airbus privé de l'Emir du Koweït.
          
7. Fayçal Husseini, un nationaliste modéré et pragmatique
Dépêche de l'Agence France Presse du jeudi 31 mai 2001, 16h48
JERUSALEM - Issu d'une illustre famille nationaliste, le dirigeant de l'OLP Fayçal Husseini, décédé jeudi d'une crise cardiaque, personnifiait la lutte des Palestiniens contre l'occupation israélienne de Jérusalem-est, mais était aussi un responsable modéré et pragmatique.
De manière ironique, l'homme qui avait consacré la plus grande partie de sa vie à lutter pour faire reconnaître les droits des Palestiniens sur la partie orientale (arabe) de Jérusalem était né le 17 juillet 1940 à Bagdad et est décédé à Koweit.
Mais ses liens avec Jérusalem étaient profonds. Grand et d'allure aristocratique, Fayçal Husseini appartenait, en effet, à une famille de notables de la Ville sainte.
Son père, Abdelkader Husseini, était un chef militaire de renom qui mena la révolte arabe de 1936 en Palestine contre la puissance mandataire britannique. Il fut tué en 1948 dans la bataille du Castel, près de Jérusalem, lors de la première guerre israélo-arabe.
Il était aussi le neveu de Hadj Amine Husseini, un ancien Grand mufti (chef religieux) de Jérusalem.
C'est en 1964 que Fayçal Husseini arrive à Jérusalem, après des études secondaires en Egypte. Il devait obtenir en 1967 un diplôme en Sciences militaires de l'académie militaire syrienne.
Il commence alors à militer au sein du Fatah de Yasser Arafat, la principale composante de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). Ses liens trois étroits avec le leader palestinien datent de cette époque.
Dans les années qui suivent, Fayçal Husseini sera emprisonné ou placé en résidence surveillée à de nombreuses reprises par Israël pour ses activités contre l'occupation de Jérusalem-est.
En 1979, il fonde la Société des études arabes à la Maison de l'Orient à Jérusalem-est, qui sera fermée à de nombreuses reprises par Israël, avant de devenir le siège officieux de l'OLP après les accords d'autonomie de 1993.
Malgré la répression sévère, il participe activement à la première Intifada (1987/1993), Israël le considérant même comme l'un des meneurs du soulèvement.
Mais de la même manière qu'il s'est opposé farouchement à l'occupation israélienne, il va jouer un rôle-clé dans le lancement du processus de paix, animé par sa croyance dans un règlement pacifique du conflit.
En 1991, il dirige une délégation palestinienne à une rencontre avec le secrétaire d'Etat américain de l'époque, James Baker, pour préparer le terrain à l'ouverture de négociations israélo-palestiniennes.
En octobre 1991, il est nommé chef de la délégation palestinienne à la conférence de Madrid qui va lancer le processus de paix, malgré les objections israéliennes au fait qu'un résident de Jérusalem puisse jouer un rôle de premier plan dans ces négociations.
Membre du Comité exécutif de l'OLP chargé du dossier de Jérusalem, M. Husseini était devenu aux yeux du monde le porte-parole de la lutte des Palestiniens pour faire de la partie orientale de la ville la capitale de l'Etat qu'ils aspirent à créer.
Mais il souhaitait aussi que Jérusalem soit une ville "libre, ouverte et sans frontières".
Fayçal Husseini soutenait l'Intifada qui avait débuté le 28 septembre à Jérusalem-est, ainsi que le droit au retour des réfugiés.
Les dirigeants israéliens le considéraient toutefois comme un modéré et un homme de dialogue.
Parlant couramment l'hébreu, il était un invité régulier des radios et télévisions israéliennes et avait des contacts suivis avec les mouvements pacifistes israéliens.
"Nous avons perdu un partenaire aujourd'hui, quelqu'un qui était un nationaliste, qui avait ses propres principes et préférait s'y tenir, mais aussi quelqu'un qui était un pragmatiste", a ainsi déclaré l'ancien ministre israélien Yossi Beilin, l'un des artisans des accords d'Oslo.
               
8. Ne pas saper l’Autorité palestinienne par Dani Rothschild
in Maariv (quotidien israélien) traduit dans Courrier International du jeudi 31 mai 2001
Pour le général Dani Rothschild, Président du Conseil pour la paix et la sécurité, ancien coordinateur du gouvernement israélien pour les Territoires, il faut revenir à la table des négociations.
L’effondrement de l’Autorité palestinienne est l’une des choses les plus graves qui puissent arriver à l’Etat d’Israël. Certes, cette affirmation ne provoquera que des haussements d’épaules chez ceux qui n’ont jamais cru au processus diplomatique ; mais, pour une majorité de l’opinion, il semble pourtant clair que, tout en circonscrivant les événements sanglants aux Territoires, il est nécessaire de revenir à la table des négociations. Un tel processus prendra peut-être un an ou plus, mais on n’y échappera pas. Et, lorsque nous retournerons à cette table, ce qui sortira des cuisines ne ressemblera pas à ce que nous aurions voulu goûter.
Chaque partie devra faire des concessions. Nous, Israéliens, nous devrons renoncer à une partie de nos illusions, tout comme l’Autorité palestinienne devra renoncer à une partie des siennes. Et seul un dirigeant fort sera capable de prendre la décision de faire ces concessions. Arafat est le seul dirigeant palestinien à ce jour capable d’unir le Fatah et le Hamas, Jibril Rajoub (chef de la sécurité en Cisjordanie) et Muhammad Dahlan (chef de la sécurité à Gaza), Abou Alaa (président du Parlement) et Abou Mazen (secrétaire général de l’OLP), de leur imposer l’acceptation d’entorses douloureuses au rêve palestinien et de conduire l’ensemble du peuple palestinien vers la conclusion d’un accord avec Israël. Si Arafat venait à disparaître et/ou si l’Autorité palestinienne venait à se décomposer, les Territoires se fragmenteraient rapidement en chefferies organisées autour de Gaza, Ramallah, Naplouse et Hébron. Israël se trouverait alors face à autant de mini-Autorités palestiniennes ambitionnant chacune de prendre le contrôle de l’ensemble des Territoires. L’Histoire a démontré que, dans une telle situation, c’est le plus petit commun dénominateur, le plus radical, qui permet de rassembler les adversaires autour d’une nouvelle ligne politique. C’est pourquoi je crains que l’après-Arafat ne soit une très mauvaise affaire pour Israël. Certes, à nouveau, ceux qui, en vertu de leurs conceptions politiques, ne désirent pas arriver à un arrangement avec les Palestiniens se frotteront sans doute les mains face à la disparition d’Arafat et à la décomposition de l’Autorité palestinienne. En ce qui me concerne, je crains que, dans un tel cas, la route vers une situation de chaos dans les Territoires gérés par l’Autorité palestinienne ne débouche très rapidement sur une déstabilisation de tout le Moyen-Orient.
          
9. Jusqu'au bout, du fleuve à la mer par Amira Hass
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du mercredi 30 mai 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Depuis la publication du rapport de la Commission Mitchell, le public israélien débat, de façon pépère, de la question du gel de la construction dans les colonies. Mais cet ersatz de débat ne devrait pas pouvoir détourner l'attention du coeur du problème : l'existence même de l'implantation juive en Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est) et la bande de Gaza. La question posée est celle de savoir si les Israéliens, dans leur ensemble (qui vivent encore, pour la plupart d'entre eux, à l'intérieur des frontières antérieures au 4 juin 1967, sont prêts à vivre comme un peuple normal dans un Etat avec des frontières définies, ou bien s'ils sont déterminés moralement et financièrement, chacun pour ce qui le concerne, à se mobiliser en vue d'une très longue guerre seule à même de perpétuer la situation (actuelle) dans laquelle l'étendue de la souveraineté d'Israël est définie par la localisation des implantations.
Le développement par Israël des implantations aboutit à inscrire sur la carte un Etat d'un seul tenant, s'étendant de la mer jusqu'au Jourdain. Israël n'a cessé d'oeuvrer à cet achèvement géographique tout au long des vingt années écoulées, en particulier durant la plus récente, les "années du processus de paix", en reliant entre elles les routes desservant les colonies et, les adductions d'eau et d'électricité aux infrastructures (israéliennes) à l'intérieur de la Ligne Verte. La société israélienne, qui ne cesse d'envoyer ses enfants, de plus en plus nombreux, défendre les colonies, répond donc bien à la question posée ci-dessus : oui, Israël est prêt à mener une guerre de longue durée afin d'affirmer le droit pour les colonies de définir les frontières de l'Etat.
Mais il ne s'agit pas seulement d'une question de frontières. La question fondamentale est celle de savoir si le peuple juif israélien, qui se considère comme appartenir à l'Occident et qui participe à différents cénacles européens, croit vraiment qu'il sera capable de pérenniser, de la Méditerranée au Jourdain, un régime d'apartheid en sa faveur, pour le simple fait qu'il a l'heur d'être juif ?
Sur le territoire géographique qui s'étend de part et d'autre de la Ligne Verte vit un autre peuple.
Ses possibilités de développement sont obérées par une infrastructure déficiente, délibérément maintenue dans son état obsolète par les gouvernements israéliens qui se sont succédé depuis 1948. Son accès à l'eau et aux terres est limité, en comparaison de celui des Juifs, par des lois (à l'intérieur de la Ligne Verte) et par des ordres militaires (à l'extérieur de la Ligne Verte).
Un Juif né à Jaffa peut aller à Ma'aleh Adumim. Un Palestinien né à Jéricho ne peut pas aller à Jaffa, et encore moins construire un ensemble de villas pour lui-même et ses amis sur les pentes d'une collines en Galilée. Dans les commissions de l'administration civile (entendre : militaire - ndt), qui décide de quand et comment construire des routes au seul usage des colons israéliens, et quand il est séant d'envoyer des sbires débusquer des arbres palestiniens plantés sur des "terres de l'Etat", il n'y a aucun représentant des Palestiniens. Un Juif de Beit El n'a pas besoin d'autorisation pour se rendre à Jérusalem, alors qu'un Palestinien de Ramallah, ville voisine, doit obtenir en temps "ordinaire" une autorisation israélienne pour se rendre à Jérusalem Est ou à Gaza, pour ne pas parler de Tel Aviv. Au jour d'aujourd'hui, il ne peut même pas aller à Bethlehem. Un Juif né à Marseille et vivant actuellement à Neveh Dekalim peut faire des études à l'Institut Ariel, quand il veut. Un Palestinien dont la mère est née à Ashdod et qui vit dans le camp de réfugiés de Khan Yunis doit obtenir un permis israélien pour s'inscrire à l'Université de Bir-Zeit ou à l'Université Al-Najah de Naplouse, et il n'est pas rare du tout qu'il ne l'obtienne pas.
L'été est là. Aucun Juif, dans aucune colonie, n'a à redouter de coupure d'eau. Les voisins palestiniens de Beit-El, Ma'aleh Adumim, Ma'aleh Hahamisha, Kfar Sava et Yad Hana s'apprêtent, eux, pendant ce temps, à compter les dernières gouttes d'eau qui leur restent dans leurs réservoirs, parce qu'Israël impose des quotas à la consommation d'eau par personne, pour les (seuls) Palestiniens.
Dans cette géographie caractérisée par un état unique, un Juif né à Tel Aviv ou à Moscou peut vivre dans un nouveau quartier flambant neuf à Nazareth Ilith.
Un citoyen israélien non-juif, dont les propriétés familiales à Nazareth ont été confisquées pour y construire précisément cette ville nouvelle juive, ne parviendra certainement pas à mener à bien son projet de construire un nouveau quartier résidentiel arabe à la périphérie de Ramat Aviv, parce que la "terre nationale" ne peut pas être louée à des non-juifs.
Bien sûr, il a le droit de vote, et le droit de lutter pour l'égalité des droits à l'intérieur d'Israël. Mais lorsque cet Etat lui-même fait tout ce qui est en son pouvoir pour effacer la Ligne Verte, pourquoi les résidents de Dir Hana, Sakhnin et Taibeh (localités à l'intérieur de la Ligne Verte, ndt) devraient-ils la tenir pour sacrée et présenter la discrimination dont ils sont les victimes comme différente de celle qui s'exerce à l'encontre des habitants de Jalazun et de Jabalya ? (localités en territoires occupés : Jalazun, en Cisjordanie ; Jabalya étant un camp de réfugiés de Gaza, ndt).
Dans cette géographie uni-étatique, il y a deux systèmes de lois et de droits séparés et inégaux.
Les membres de l'un des (deux) groupes ethniques ont beaucoup plus de prérogatives que ceux de l'autre.  Actuellement, le lobby des colons s'emploie activement à convaincre l'opinion israélienne que, de toute manière, tous les Palestiniens convoitent la totalité du pays.
La vérité est que l'énorme majorité des membres actifs des organisations politiques palestiniennes sont encore favorables à la solution de deux Etats (séparés), dans les frontières du 4 juin 1967, laissant la tâche de démocratiser Israël de l'intérieur à la société israélienne (mixte), juive et arabe. Toutefois, cette génération de décideurs politiques, qui avaient appris à reconnaître en Israël une société pluraliste, avant le blocus, est en voie de disparition ; une nouvelle génération se lève, pour laquelle les Israéliens sont tous des colons et des soldats dont le seul objectif est d'assurer - dans la totalité de l'aire s'étendant du fleuve à la mer - non seulement leur présence, mais aussi la position dominante de leur communauté ethnique, au détriment de l'autre.
Combien de temps la société israélienne juive pourra-t-elle pérenniser ses privilèges dans cet "état unique" ?
                
10. L'Intifada et la démocratie par Mohamed Sid-Ahmed
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 30 mai 2001

Depuis le déclenchement de l'Intifada d'Al-Aqsa le 28 septembre 2000 et jusqu'au 14 mai dernier, le « Conseil palestinien de justice et de paix » a recensé plusieurs vérités particulièrement inquiétantes. Les forces israéliennes — ainsi que plusieurs colons — ont tué 492 Palestiniens, dont 172 jeunes de moins de 18 ans et 77 étudiants. Les attaques israéliennes ont fait 23 147 blessés, dont 40 % de moins de 18 ans et 2 077 étudiants. Trois médecins palestiniens et un allemand ont de même été tués, 99 infirmiers et 71 journalistes blessés. Neuf ambulances ont été détruites et 82 autres endommagées. Les autorités israéliennes ont détenu 1 850 jeunes Palestiniens mineurs. 41 écoles ont été fermées, 65 étudiants et 15 professeurs ont été arrêtés. Bref, le nombre de persones devenues invalides à la suite des attaques israéliennes jusqu'au 14 mai (sachant que ces chiffres se sont multipliés depuis le recours aux F16) a atteint au cours de ces 8 derniers mois ce chiffre alarmant de 2 200. Et ce, alors que le nombre des blessés sous la première Intifada qui a duré 5 ans (de 1987 jusqu'à 1992) était de 2 525.
Et depuis le 28 septembre dernier, l'armée israélienne a détruit 4 000 maisons, 30 mosquées et 12 églises. 4 000 familles palestiniennes ont été expulsées, si on considère qu'une famille comprend 10 personnes en moyenne, cela fait environ 40 000 expulsés. Sans oublier que les forces d'occupation ont divisé la Cisjordanie en 64 secteurs et Gaza en 3, tout en établissant 145 barrages en Cisjordanie et 42 à Gaza. Ainsi, pour se déplacer d'un endroit à un autre, les Palestiniens mettent trois fois plus de temps qu'il n'en faut en temps normal.
Ces chiffres illustrent bien l'enfer que vivent actuellement les Palestiniens, avec les funérailles des martyrs et les rassemblements de masse. D'autre part, le rapport du comité Mitchell a rejeté les allégations d'Israël selon lesquelles l'Intifada n'était pas spontanée, mais préméditée par Arafat qui aurait sacrifié l'ensemble de la jeunesse palestinienne pour améliorer sa position dans les négociations ! Même les sources israéliennes reconnaissent que lorsque Sharon a visité l'Esplanade des mosquées, entouré de centaines d'hommes de sécurité, il ne s'est presque rien passé. Et que c'est seulement le lendemain, le 29 septembre, alors que 50 000 personnes étaient rassemblées pour la prière, entourées de forces israéliennes en alerte que le chef de la police israélienne a reçu une pierre à la tête. Lorsque ses hommes l'ont vu allongé sur une civière le sang coulant le long de son visage, ils ont perdu leur contrôle et se sont mis à tirer à balles réelles sur les gens. Quatre sont morts sur le coup et 700 blessés. Le surlendemain, 10 Palestiniens ont été tués et 500 blessés. L'agitation a pris une telle ampleur incluant même les Arabes d'Israël, notamment dans la ville d'Oum Al-Fahm où 13 d'entre eux ont été tués et plus d'une centaine blessés. Et du 29 septembre au 2 octobre, on a assisté aux funérailles de 33 Palestiniens. La Palestine assiégée est devenue hors de contrôle.
Il est à noter que même les rapports américains n'ont cessé d'accuser Sharon de recourir à la force d'une manière « inadéquate » et « excessive ». De fait, Sharon refuse de considérer Arafat comme un « partenaire » dans le processus de paix, c'est en « ennemi » qu'il le traite. Sharon ne croit pas en une « paix avec les Arabes », mais uniquement en ce qu'il appelle « la sécurité d'Israël ». Même si cette sécurité nécessite un affrontement militaire avec les Palestiniens. C'est pourquoi M. Ahmad Maher, nouveau ministre des Affaires étrangères, a déclaré que les plans de Sharon risquent de provoquer un « démantèlement de l'Autorité palestinienne » ainsi que l'anéantissement des Palestiniens en tant qu'entité.
L'initiative jordano-égyptienne et le rapport Mitchell sont tous les deux des instruments visant à ouvrir la voie à la reprise des négociations. Mais la question qui s'impose est la suivante : est-ce possible dans un avenir proche ? Il existe certaines différences entre les deux documents. Citons entre autres que l'initiative fait allusion à la résolution 242 du Conseil de sécurité, contrairement au rapport Mitchell. D'autre part, l'initiative s'est abstenue de donner des instructions aux deux parties concernant les moyens d'agir, et ce contrairement au rapport. Mais la structure des deux documents est similaire : les deux appellent à mettre un terme à la violence, à instaurer une vraie confiance et enfin à ouvrir la voie à la reprise des négociations. Cependant, la manière dont Sharon opprime l'Intifada a donné naissance chez les deux parties à un sentiment d'hostilité et de haine réciproque difficile à contenir dans un avenir proche. Et même si les parties acceptent le rapport Mitchell en tant que base pour la reprise des négociations, Sharon s'est cependant montré déterminé à refuser le gel des colonisations réclamé par le rapport, et naturellement l'arrêt de l'expansion de celles qui existent déjà. Ce qui vide le document de son contenu.
Reste à dire que s'il est vrai que le processus de paix doit être « réinventé » pour sortir de l'impasse actuelle, certains éléments sont indispensables : la démocratie, la transparence et l'établissement de l'Etat de droit. La démocratie est une condition sine qua non, même si elle mène à la formation de majorités hostiles à la paix. A titre d'exemple, Israël ne considère pas avoir renoncé à la démocratie (en ce qui concerne sa majorité juive) en permettant que sa majorité comprenne des éléments hostiles à la paix. Pourquoi nous les Arabes, ne sommes-nous pas autorisés à faire de même ?
             
11. Israël construit 710 nouveaux logements dans les colonies par Rania Adel
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 30 mai 2001

L'initiative israélienne « torpille la mission de William Burns. C'est un message aux colons (pour signifier) que le gouvernement israélien n'a pas modifié sa politique » sur ce dossier, a indiqué le secrétaire du gouvernement palestinien, Ahmed Abderrahmane. Le ministre israélien de l'Habitat, Nathan Chtcharansky, a déclaré mardi avoir donné son feu vert à la prochaine construction de 710 logements dans deux colonies de Cisjordanie. « J'ai donné mon feu vert à la mise en œuvre de deux appels d'offres émis sous le précédent gouvernement (travailliste) d'Ehud Barak pour la construction de 493 logements à Maalé Adoumim et 217 logements à Alfé Menache », a-t-il ajouté, sans préciser la date du début des chantiers. Cette annonce intervient au moment où l'émissaire américain William Burns se trouvait dans la région pour œuvrer à la mise en application du rapport Mitchell qui préconise, outre l'arrêt des violences israélo-palestiniennes, un gel total de la colonisation juive dans les territoires occupés. « Pour le moment, nous n'en sommes pas à discuter de la colonisation, le rapport Mitchell prévoit d'abord un arrêt des violences et du terrorisme, or nous n'avons pas en Yasser Arafat (le président palestinien) un partenaire de paix », a déclaré sans surprise Chtcharansky.
Le ministère de l'Habitat avait publié début avril des appels d'offres à des entrepreneurs en vue de la construction des logements évoqués par Chtcharansky à Maalé Adoumim, la plus grande colonie de Cisjordanie située à l'Est de Jérusalem, et à Alfé Menaché, dans le nord de la Cisjordanie. Les Etats-Unis avaient qualifié à l'époque de « provocants » ces projets. Au moment où M. Chtcharansky annonçait la prochaine construction de logements dans deux colonies, le ministre israélien des Affaires étrangères, Shimon Pérès, réaffirmait qu'Israël « acceptait dans sa totalité le rapport Mitchell ». « Nous n'avons pas l'intention de prendre le prétexte de la nécessité de répondre aux besoins créés par la croissance de la population pour élargir les colonies existantes », a assuré Shimon Pérès à la radio militaire. Il a réaffirmé qu'Israël s'était engagé « à ne pas créer de nouvelles colonies et à ne pas confisquer de terres pour agrandir les implantations existantes ». Les Palestiniens estiment que les recommandations du rapport Mitchell devaient être appliquées « dans leur ensemble », y compris le point concernant le gel total de la colonisation. M. Sharon a rejeté l'appel au gel total de la colonisation et appelé les Palestiniens à respecter l'appel du rapport Mitchell à un arrêt « immédiat et sans condition de la violence ».
            
12. Que veut réellement Sharon ? par Yéhia Al-Gamal
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 30 mai 2001

Les propositions de Sharon se basent sur une interprétation de la Torah, appuyée par de nombreux partisans, quelle que soit sa réalité historique. Selon ce point de vue, la terre de Palestine est la terre promise au peuple d'Israël et Jérusalem sera la capitale éternelle d'Israël. Tous ceux qui s'opposent à cette idée, selon la Torah, doivent être éliminés. Ces idées sont prônées par certains hommes de religion en Israël qui appellent à tuer les Arabes et à les chasser de leur terre. Ces prétentions sont également favorablement accueillies par de grands secteurs du peuple israélien « pieux ».
Jusqu'en 1973, la pensée stratégique israélienne était dominée par cette tendance « sharoniste ». Ce qui s'est passé en 1967 a renforcé cette conception. Si cette guerre a secoué l'esprit arabe en remettant en question le potentiel et le destin arabes, la victoire de 1973 a détruit le mythe de l'armée israélienne invincible autant à l'extérieur qu'en Israël.
C'est à partir de là que commence une nouvelle phase dans la direction du conflit. La stratégie israélienne est désormais dominée par la tactique. Pour les Egyptiens, est né l'espoir de récupérer la terre du Sinaï et Sadate a entrepris de nombreuses manœuvres pour réaliser cet objectif. Il y a eu des négociations difficiles qui ont abouti à ce qu'on appelle le traité de paix égypto-israélien. Partant, nombreux sont ceux qui ont cru que la paix était réalisable par le biais des négociations. Puisque l'Egypte a réussi par les négociations à récupérer le Sinaï puis par les procédures juridiques à récupérer Taba, ceci est donc faisable pour les autres pays arabes.
Là, commence une nouvelle phase dans la pensée israélienne. Israël peut réaliser ces objectifs non par le conflit sanglant, mais plutôt par ce que certains appellent la voix de la paix.
Les ingénieurs de cette phase étaient Rabin, puis Pérès. C'est dans ce cadre qu'a été conclu l'accord d'Oslo, le traité de paix avec la Jordanie. Il y a également eu ce qu'Amr Moussa a appelé un « empressement » de certains régimes arabes vers Israël.
Ensuite, il y a eu une tendance arabe espérant la réalisation de la paix et l'établissement d'un Etat palestinien sur une partie des territoires palestiniens sans que cet Etat jouisse des prérogatives essentielles de l'Etat, tout en ayant un drapeau et un hymne national. Mais là, les Arabes ont commis une de leurs plus graves erreurs quand un grand Etat arabe a tenté d'en avaler un autre plus petit. Le résultat fut l'anéantissement complet du grand Etat et le petit Etat et ses voisins sont devenus des protectorats, dont les richesses sont à jamais hypothéquées.
A cette phase, on commence à parler d'un nouvel ordre mondial, d'un règlement juste au Proche-Orient et du principe de la « terre contre la paix ».
Un jeune Israélien a pensé que Rabin obligeait Israël à se diriger vers la paix. Il fallait donc le tuer. Puis vient Pérès, qui promet un nouveau proche-orientalisme guidé par Israël. Pérès disait : les Arabes ont essayé le leadership de l'Egypte pendant près d'un siècle, voilà le résultat. Ils doivent essayer le leadership israélien pendant quelques années et ils verront la différence.
La tactique a changé, mais la stratégie reste la même : Israël domine la région. On a même fondé des associations d'amitié arabo-israéliennes qui promettent la paix.
Mais le 18 avril 1996, un accident changea complètement le cours des événements. Pérès a commis une terrible erreur, selon la nouvelle tactique israélienne, le massacre de Cana. Pérès a alors perdu aux élections et Netanyahu a pris le pouvoir. Une nouvelle phase commence alors avec Netanyahu et finit avec Sharon, sans grand changement.
J'ai toujours dit que Pérès visait à enterrer la Ligue arabe, mais l'arrogance de Netanyahu en a retardé l'enterrement, rallongeant quelque peu sa vie. Et voila Sharon qui décide de visiter la mosquée d'Al-Aqsa et de se promener sur son esplanade entouré d'une armée israélienne fière d'elle-même. Cette visite visait à nier l'existence de la mosquée et à assurer l'idée de l'existence du temple de Salomon. L'Intifada a commencé après cette visite provocatrice.
Et Sharon a établi le plan des 100 heures visant à détruire l'infrastructure palestinienne, à déraciner la lutte palestinienne et à prouver l'incapacité arabe. Tout ceci est effectué avec un soutien américain et un silence international total.
Que va-t-il se passer ensuite ? Il y a deux probabilités en ce qui concerne l'avenir du conflit arabo-sioniste. La première, adoptée par le sionisme et ses partisans, parie sur le fait que la résistance palestinienne ne pourra pas faire face très longtemps à la violence israélienne et que la désunion arabe n'aidera pas les Palestiniens.
La seconde juge que le peuple qui a lutté pendant près d'un siècle ne rendra pas facilement les armes. D'autre part, le monde arabe commence à assimiler que le danger sioniste ne menace pas uniquement la Palestine, mais tous les Arabes.
Sharon a donc réussi avec succès à anéantir tout espoir de coexistence entre Palestiniens et Israéliens. La haine sévit entre les deux, rendue dramatique par la violence israélienne. Mais à long terme, Sharon brûlera aussi la paix et ramènera le peuple israélien au « ghetto ».
                             
13. Lassitude - Un nouveau silence des intellectuels ? par Guy Konopnicki
in Marianne du lundi 28 mai 2001

Il n'est pas, à travers le vaste monde, de peuple martyr qui ne trouve, à Paris, des porte-voix, intellectuels pétitionnaires, organisateurs de manifestations, de "Mutu" et autres sit-in devant les ambassades. Les guerres des Balkans ont ainsi levé des générations, de Byron à Malraux. Mais la figure de l'intellectuel engagé s'estompe dès qu'il s'agit de la guerre israélo-palestinienne. Le plus vieux conflit du monde n'éveille plus que la lassitude... En cinquante ans, les intellectuels, juifs ou non, sont passés par toutes les positions : parfois, ils ont admiré Israël, ses kibboutzim et son armée démocratique ; d'autres fois, ils se sont laissé séduire par la figure du feddayin palestinien, héros des luttes anti-impérialistes. Dans ces conditions, les accords d'Oslo furent, presque au sens propre, une bénédiction pour nombre d'intellectuels ! Arafat et Rabin avaient échangé une poignée de main, il n'y avait donc plus de contradiction entre l'attachement à l'Etat juif et l'affirmation d'une conscience humaniste solidaire de toutes les minorités musulmanes de Bosnie, du Kosovo et de Tchétchénie. Las ! Le conflit a repris de plus belle, renvoyant chacun à ses contradictions. Certes les divisions de la gauche israélienne elle-même n'incitent guère à soutenir des pacifistes désormais minoritaires, et, de fait, introuvables. Il se trouve bien des universitaires, généralement d'extrême gauche, pour protester "en tant que juifs" contre la politique d'Ariel Sharon, mais leur vision des événements demeure marquée par des schémas d'une autre époque, opposant colonisateurs et colonisés. L'indignation se révèle sélective de part et d'autre. Pour les uns, le bombardement des populations civiles est un crime inexpiable à Sarajevo et à Grozny, pas à Gaza ou à Ramallah. Les autres s'indignent dès qu'un Palestinien tombe sous les balles israéliennes mais "comprennent" le fanatisme meurtrier des islamistes. En dépit des leçons d'histoire ressassées, indignations et engagements comportent toujours cette part d'aveuglement qu'on a tant reprochée aux staliniens d'autrefois. Et si les silences peuvent se comprendre, quand il s'agit d'Israël et de la Palestine, ils réduisent singulièrement la crédibilité des manifestes défendant les droits de l'homme en d'autres parties du monde.
             
14. Ghetto - L'échec du sionisme, ou de l'insondable angoisse du plus fort par Maurice Szafran
in Marianne du lundi 28 mai 2001
 
Jamais Israël n'a été aussi puissant, au plan militaire autant qu'économique. Jamais les Etats arabes n'ont été aussi démunis, déchirés, dépourvus d'influence stratégique. Et, pourtant, jamais les Israéliens n'ont exprimé autant d'angoisse et pareille terreur. Koby Oz, la nouvelle rock-star de Tel-Aviv, résume ainsi cette apparente contradiction : "En Israël, malgré toutes ces années, les gens vivent encore avec leurs valises dans la tête." Le célèbre romancier David Grossman s'inquiète, lui, de cette inconséquence au point de la dénoncer : "Israël, à nouveau, s'enferme dans la posture la plus dangereuse : celle de la victime, du juif pourchassé." Si l'écrivain disait vrai, alors cette claustration psychologique signerait un formidable échec du sionisme. L'idée peut sembler sinon absurde, du moins paradoxale. Un échec, le sionisme qui a construit en un siècle le pays le plus fort du Proche-Orient ? Un échec, le sionisme, l'un des rares mouvements de libération nationale à avoir généré une société démocratique et développée ? Et pourtant, oui, un échec, oui et absolument, si, au-delà d'un incontestable triomphe politique, on s'en tient à l'archétype qui incarnait le rêve sioniste : l'affirmation d'un nouvel homme israélien, si différent du petit juif du ghetto ou du mellah, battu et humilié ; un nouvel homme juif persuadé que rien ni personne - et surtout pas Arafat - n'était en mesure de le faire douter de la pérennité de son Etat ; assez fort, assez sûr de sa force pour, précisément, prendre les risques de la négociation, des concessions et de la paix ! Or, que découvre-t-on à travers la tragédie actuelle ? Que les Israéliens, surmusclés, restent fondamentalement des juifs pétrifiés d'anxiété. Sinon l'accablant mutisme du "camp de la paix" resterait incompréhensible. Dans leur immense majorité, les Israéliens étaient convaincus qu'Oslo signerait leur intégration définitive à la région et leur acceptation par les peuples alentour. Or Oslo balayé, Oslo liquéfié, les Israéliens, et en particulier ceux qui ont combattu depuis tant d'années pour la coexistence avec les Palestiniens, se sont réveillés tels des zombies. Sans discours cohérent. Sans projet mobilisateur, si ce n'est rendre au centuple chaque mauvais coup porté par l'ennemi. D'où le retour des automatismes défaitistes que le sionisme émancipateur prétendait annihiler. Personnage charismatique de la gauche israélienne, l'ex-ministre de l'Education Shulamit Aloni refuse de prendre en considération cette rejudaïsation mentale d'Israël. "Nous sommes les occupants, peste-t-elle, ils sont les occupés. Le reste, c'est de la propagande." Certes. Mais aujourd'hui, les Israéliens n'entendent rien à cette logique. Ils sont certes les plus forts. Mais ils ont peur. Tellement peur. Ils sont saisis d'angoisse après avoir étalonné le refus, obstiné et insondable, exprimé par l'Autre, le Palestinien. C'est ce même affolement qui tenaillait les juifs du ghetto !
                
15. Juifs de France : faut-il être solidaires de Sharon ? par Martine Gozlan
in Marianne du lundi 28 mai 2001

[Les institutions juives affichent un soutien inconditionnel à la politique d'Israël. Un manque d'indépendance qui risque de les décrédibiliser dans la diaspora et auprès du gouvernement français... Analyse.]
Cas de figure inédit à Paris. D'un côté, l'ambassadeur d'Israël, Elie Barnavi, prenant ses distances avec la politique de l'Etat qu'il représente, martèle : "Nous n'arriverons pas à faire taire les armes par les armes ; nous ne pouvons pas résoudre les problèmes avec des F16." De l'autre côté, Roger Cukierman, le nouveau président du Crif (l'instance de représentation des juifs français), déclare à Marianne : "Quand un centre commercial saute, Israël doit réagir. Même si les dégâts psychologiques provoqués par l'utilisation des bombardiers sont incontestables, nous restons d'accord sur l'essentiel de la politique du gouvernement israélien." Autrement dit, l'Israélien en poste à Paris (vieux compagnon de route de la gauche israélienne) adopte une position plus indépendante que celle du représentant des juifs de France ! Situation paradoxale. Elle éclaire d'une lumière crue l'inconfort psychologique dans lequel se débattent les institutions juives depuis plusieurs décennies. On sait que la presse israélienne a condamné la riposte "disproportionnée" de l'aviation après l'attentat de Netanya. Le débat, très vif, engagé au sein même de l'Etat hébreu ne semble pourtant trouver aucun écho au coeur de l'appareil désigné pour exprimer publiquement les préoccupations de la communauté juive en France. Henri Hajdenberg, qui vient de quitter la présidence du Crif, nous explique qu'il préfère se taire. Son successeur se défend avec embarras de toute "inconditionnalité" : "J'ai moi-même participé dans le passé à un voyage auprès des chefs d'Etat arabes et à une rencontre avec Arafat..." Mais c'était dans l'euphorie de l'après-Oslo !
A l'heure de la logique de guerre, la force d'Israël est devenue sa faiblesse : elle sape son image dans l'opinion internationale. Las ! Cette question centrale est soigneusement éludée par les institutions juives. Ce qui risque de les mettre hors jeu dans une bataille capitale : celle du dialogue avec le gouvernement français. Car les juifs de France pourraient jouer un rôle décisif s'ils parvenaient à s'arracher au mélange complexe de fidélité-culpabilité vis-à-vis d'Israël qui les tétanise ! Naguère, Théo Klein, qui présidait le Crif au moment de la première intifada, avait plaidé pour une médiation intelligente, capable de redonner à la diaspora française une place active. "Mais nous ne pouvions attirer l'attention sur certaines injustices psychologiques vis-à-vis d'Israël qu'en étant tout aussi clairs sur les préjudices dont étaient victimes les Palestiniens", rappelle-t-il aujourd'hui. Parler "en donnant l'impression d'être aux ordres", c'est "perdre tout le crédit que nous pourrions avoir auprès du Quai d'Orsay, du Premier ministre ou du chef de l'Etat". Car si Roger Cukierman a totalement raison de souligner le caractère insupportable des récentes déclarations antisémites de Bachar al-Assad, son appel à une condamnation sans ambiguïté par Chirac de tels propos, lors de la prochaine visite du président syrien, serait sans doute mieux entendu si le Crif exprimait nettement l'indépendance de la communauté juive vis-à-vis de choix fait par Ariel Sharon.
Les deux affaires sont sans rapport ? Faux. La relation fusionnelle de la "communauté" avec Israël mine le terrain sur lequel sa voix pourrait, à juste titre, être prise en compte. "Nous ne sommes pas sortis de la mentalité du ghetto", regrette Théo Klein. Résultat : en ces heures cruciales, il n'existe chez les juifs de France aucun espace de réflexion rationnelle entre une minorité d'"antiosionistes" d'extrême gauche coupés du réel et des institutions devenues une caisse de résonance des communiqués de Tsahal ! A quand l'indépendance pour la diaspora ?
             
16. La dernière catastrophe met à l'épreuve le moral des résidents (israéliens) de Jérusalem par Deborah Sontag
in The New York Times (quotidien américain) du samedi 26 mai 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Jérusalem est une ville habituée à faire face aux crises. Mais, tandis que les ambulances, toutes sirènes hurlantes, affluaient vers les lieux de la catastrophe -causée par l'effondrement d'une salle de bal, avec au minimum deux douzaines de morts - les Hiérosolomitains étaient aux prises avec ce que certains ont pu décrire comme un débordement d'adversité.
Un résident de la ville, Moshe Zilber, a déclaré avoir été irrésistiblement entraîné sur les lieux de la catastrophe par le récit d'un sauveteur découvrant une famille de cinq personnes, dans leurs plus beaux atours, encore assises à leur table de banquet, figées à jamais. Ces cinq convives, dont les corps avaient conservé, d'une manière inouïe, leur position assise après une chute vertigineuse d'une hauteur de deux étages, font partie des victimes de la plus grande catastrophe civile de l'histoire d'Israël.
Plus de trois cent personnes ont été blessées, et les sauveteurs sont encore à cette heure à la recherche d'une douzaine de convives que l'on pense emprisonnés sous les gravats.
"On dirait que l'on nous met à l'épreuve", dit M. Zilber, qui suit la scène depuis la terrasse d'un immeuble voisin.. "Tous les jours, il y a quelque chose. Des tirs ici, une attaque au mortier là-bas. Et maintenant, un immeuble ensevelit un quartier entier. Nous sommes à bout, vraiment. La prochaine catastrophe, ce sera quoi ?"
Peu avant, et peu après, que M. Zilber nous livre ses pensées, deux attaques-suicide ont frappé : l'une, près de la colonie de Netzarim, dans la bande de Gaza et l'autre, dans la ville de Hadera, au centre d'Israël. Dans le premier attentat, l'attaquant, un militant du Hamas, a été tué, et l'attentat n'a causé aucune autre victime. Dans le second, qui s'est produit à proximité d'un lieu de distraction bondé de monde, une trentaine d'Israéliens ont été blessés et deux hommes ont été tués, tous deux militants du Jihad islamique, d'après un communiqué de ce mouvement, qui a revendiqué l'attentat.
Les deux attaques étaient dédiées par les militants palestiniens à leurs collègues du mouvement libanais Hezbollah qui célébraient le premier anniversaire du retrait des troupes israéliennes du Sud Liban.
"Et nous voyons un désastre succéder à un désastre, un événement succéder à un événement", a commenté la vedette israélienne de la radio Carmit Guy, en introduction au premier reportage sur l'attentat d'Hadera.
Le premier ministre, Ariel Sharon, s'est rendu sur les ruines de la salle de banquet Versailles, située à Talpiot, une banlieue de Jérusalem. Il a qualifié l'effondrement du bâtiment construit voici quinze ans d'"événement parmi les plus dramatiques jamais advenus en Israël".
M. Sharon a déclaré également que Yasser Arafat, le leader palestinien, était responsable des attaques à la bombe. Il a dit qu'il donnait à M. Arafat quelques jours supplémentaires pour faire une déclaration publique appelant à un cessez-le-feu, comme il l'avait fait lui-même au début de la semaine. Puis, a-t-il laissé entendre, il pourrait donner à nouveau à l'armée carte blanche afin de mener à bien ce qu'un analyste a pu qualifier de "représailles préventives" à l'encontre des Palestiniens.
"Nous n'allons pas rester les bras croisés, alors que nous sommes en danger", a dit M. Sharon. "Mais pour l'instant, nous devons nous borner à attendre quelques jours afin de donner à la direction palestinienne l'opportunité de décréter un cessez-le-feu. C'est ce que nous allons faire : attendre".
Des officiels palestiniens ont déclaré être soulagés de voir qu'Israël n'a perpétré aucun assassinat planifié depuis que M. Sharon a proclamé son cessez-le-feu au début de cette semaine. Mais, disent-ils, ils ne prennent absolument pas au sérieux M. Sharon lorsqu'il s'engage à observer une certaine retenue, alors que le même jour on enterrait à Gaza deux jeunes victimes de l'armée israélienne. Beaucoup parmi eux pensent que le "cessez-le-feu" est le nom de code diplomatique désignant son exigence que les Palestiniens abandonnent leur insurrection et se soumettent aux diktats d'Israël en matière de négociations.
"Bien sûr, un cessez-le-feu est toujours bienvenu, en ce qu'il réduit les souffrances et les pertes", écrit le quotidien palestinien Al-Quds dans un éditorial. "Mais un cessez-le-feu n'entraînera pas un apaisement sur le long terme, à moins qu'il ne soit basé sur la reconnaissance par Israël des droits nationaux légitimes du peuple palestinien."
L'Autorité palestinienne a publié un communiqué pour exprimer ses condoléances après la catastrophe de la salle de mariage et offrir son aide.
La police israélienne a déclaré avoir arrêté huit personnes, parmi lesquelles les propriétaires de la salle, un entrepreneur en bâtiment et un ingénieur, aux fins d'enquête. Le maire de Jérusalem, Ehud Olmert, a déclaré que des malfaçons graves avaient été constatées dans la construction et la maintenance du bâtiment.
Un major de l'armée israélienne a déclaré aux journalistes, sur les lieux de la catastrophe, que le sol du troisième étage, s'étant dérobé sous les pieds des danseurs participant à un grand repas de mariage, comme des sables mouvants, était construit avec des matériaux ne répondant pas aux spécifications. Des dépêches d'agences indiquent ce jour que quatre piliers porteurs avaient été supprimés au cours d'une rénovation effectuée récemment afin de rendre la salle plus spacieuse.
"Comment une chose pareille a-t-elle pu se produire dans notre pays ?" demandait la mère du marié, Aliza Dror, dont le père a été tué. "Ils disent que c'est un défaut de construction. C'est terrible, c'est terrible. C'est incroyable."
Keren et Assaf Dror, les jeunes mariés, ont survécu à leurs blessures. Ils occupaient deux lits voisins d'une chambre d'hôpital, aujourd'hui.
Sur un film présenté aux informations de la télévision israélienne, un vidéo amateur avait immortalisé les nouveaux époux s'embrassant, leurs hôtes faisant cercle autour d'eux, chantant et frappant dans leurs mains, et le moment où leur mariage basculait. En une seconde, la piste de danse pleine à craquer s'effondrait et les danseurs tombaient d'une hauteur de trois étages, happés par le vide. Les hôtes restants poursuivirent leurs chants durant les fractions de seconde qui leur furent nécessaires pour réaliser ce qui se passait, restèrent interdits et pétrifiés sur le bord d'un énorme cratère, puis se mirent à hurler d'effroi.
Frieda Cohen, l'une des blessées, a déclaré : "j'avais fini par convaincre mon mari de venir me rejoindre sur la piste de danse. Soudain, j'ai senti le sol se dérober et nous avons commencé à tomber, à tomber..."
Son mari, David Cohen, 68 ans, souffrant d'une jambe cassée, d'une blessure à l'oeil et de lésions à la moelle épinière, a pu témoigner depuis son lit, dans un autre hôpital de Jérusalem. "Tout était tellement joyeux, à ce mariage", a-t-il dit. "Puis je me suis joint aux danseurs. Une minute plus tard, environ, j'ai senti le sol trembler, comme s'il y avait un tremblement de terre. J'ai pensé une seconde que c'était un effet de l'orchestre. Puis je me suis senti tomber, subir un premier choc, et recommencer à tomber à nouveau. Lorsque je me suis immobilisé, une demi-douzaine de personnes, dont mon épouse, étaient entassés sur moi ; j'étouffais".
A l'aide de chiens de catastrophes, de pelles, d'engin de levage, et en creusant de leurs propres mains, des centaines de soldats d'une unité spécialisée dans les sauvetages recherchaient sans relâche des survivants potentiels dans les structures du bâtiment, qui  menaçaient de s'écrouler à tout instant.
Après douze heures d'un travail harassant, ce fut la relève, et nombreux furent les soldats à s'écrouler, épuisés, sur des matelas militaires kaki, disposés sur un chantier de construction voisin, leurs chiens s'affalant auprès d'eux. Les secouristes se préparent à devoir poursuivre leurs recherches pour au moins quatre ou cinq jours supplémentaires.
"On pense qu'il manque encore de dix à douze personnes", a indiqué Yossi Dror, l'un des secouristes, à la radio israélienne. "Le plafond et le plancher du deuxième étage ne font plus qu'un. Entre les deux, il y a des poches d'air, et nous tentons de nous y introduire".
(Note du traducteur : les recoupements entre les victimes évacuées par les sauveteurs et les indications fournies par leurs familles sur les personnes éventuellement ensevelies ayant permis de s'assurer que plus aucune victime ne se trouvait sous les décombres, les opérations de sauvetage ont été arrêtées par les autorités le dimanche 27 mai au soir.)
              
17. Couples israelo-palestiniens par Pénélope Larzillière
in La Croix du vendredi 25 mai 2001

Témoignage (les prénoms ont été modifiés)
Rita, israélienne d'une trentaine d'années et Mahmoud , Palestinien du même âge, se sont rencontrés en 1994. Un mouvement de gauche antisioniste de juifs de l'Est avait invité des étudiants du Parti Communiste de l'Université de Bir Zeit à Tel Aviv. « Quelques juifs extrémistes de droite étaient présents, sa résistance dans des réponses qui semblaient plus palestiniennes que celles des Palestiniens m'a impressionné » souligne Mahmoud «et j'ai commencé à l'admirer. J'ai découvert aussi qu'elle était une grande lectrice de Samuel Beckett, mon auteur favori, et cela a immédiatement ajouté quelque chose à notre relation. » Tous deux parfaitement conscients des difficultés d'une telle relation, Rita et Mahmoud décident cependant de rester de simples amis. Rita est la fille d'une juive immigrée polonaise et d'un juif séfarade dont la famille était présente à Jérusalem avant la création d'Israël. Très engagé politiquement, son père participa à la fondation de «l'Arc démocratique de l'Est », parti qui se voulait au coté des Palestiniens tout en cherchant à attirer à gauche les juifs séfarades, généralement de droite. Il enseigne l'arabe à ses enfants et refuse la télévision, «vecteur du message des institutions israéliennes ». Rita se rend de temps en temps à Ramallah ou elle participe à des rencontres avec les étudiants de l'Université de Bir Zeit. « Ces rencontres étaient basées sur des positions communes : illégitimité de l'occupation et soutien des Palestiniens. Cependant, nous les avons arrêtées après les accords d'Oslo car il aurait été impossible de les distinguer du processus de «normalisation » que nous refusions. » Mais Rita continue à venir et tous deux veulent commencer une relation tout en se demandant si cela sera accepté par leurs deux sociétés, certains par contre du soutien de leurs familles et de leurs amis.« Rita venait tous les week ends a Ramallah. Nous avons décidé qu'il fallait que j'aie un aperçu de sa vie à Tel Aviv. Mais l'armée israélienne avait imposé un blocus sur Ramallah et il m'était impossible de sortir. Elle m'a mis dans le coffre de sa voiture et nous sommes passés. C'était la première fois que j'essayais de ne pas voir Tel Aviv comme une ville ennemie. Mais je ne me suis jamais senti normal là-bas. Avec elle ou avec ses amis, ca allait, mais des que je voyais un uniforme, l'atmosphère devenait électrique. » Avec le temps, Rita et Mahmoud sont de plus en plus sûrs de leur relation et à la fin de ses études de physiothérapie, Rita prend un travail dans une clinique de Jérusalem-est et s'installe avec Mahmoud à Ramallah. Rita poursuit son engagement politique au coté de Mahmoud, membre du FPLP «nous allions ensemble aux manifestations, elle lançait aussi des pierres. » Le soir, ils se retrouvent autour d'un verre avec des amis et chantent ensemble. Cependant, elle doit vite renoncer à l'emmener à des soirées israéliennes de gauche «une fois, l'un d'eux m'a salué en hébreu. Je n'ai pas répondu. Rita savait que je parlais hébreu. Mais pour moi, l'hébreu, c'est la langue de l'interrogatoire. J'ai été emprisonné à 14 ans. J'étais le plus jeune de la prison. Je ne sais pas comment elle se sentait dans des moments comme cela. Je reconnais que c'était elle qui avait le rôle le plus difficile dans notre relation. Mais en même temps, je pense qu'elle retirait de la satisfaction d'être avec un Palestinien. J'ai remarqué cela chez certains juifs de gauche pour lesquels le  plus important c'est de se savoir acceptés par les victimes.» Souvent, ils sont arrêtés par des jeeps de l'armée israélienne. De découvrir une Israélienne sur les territoires les déconcerte  «ils lui demandaient ce qu'elle faisait ici. Elle leur répondait vous êtes illégaux sur ce territoire, moi je suis en parfaite sécurité. Notre relation était incompréhensible pour eux. Ca n'entrait pas dans leur cadre de pensée pour lequel un arabe est un ennemi. » Rita et Mahmoud construisent leur vie commune, s'étonnant eux-mêmes de leur réussite. Ils se rendent pour les vacances à Haifa, au nord d'Israël, lieu symbolique pour les deux : la grand-mère de Rita y réside tandis que la mère de Mahmoud est réfugiée de cette ville. Cependant, Mahmoud et Rita se séparent en août, juste avant le début de l'Intifada. Pour Mahmoud, cette rupture a moins à voir avec la politique qu'avec un "choc culturel." «  Israël, c'est un pays occidental, tout est différent, l'ensemble du mode de vie. Elle n'a jamais compris mon incapacité a bouger, je n'étais pas prêt à quitter le pays. Elle, c'était l'exact opposé. Comme elle avait un passeport américain, nous aurions pu nous marier et me permettre de partir. Mais je ne pouvais pas moralement accepter de prendre la nationalité américaine Il y avait toujours cette différence entre nous : contrairement à moi, elle avait la liberté d'aller et venir comme elle le voulait. » Quelque temps après leur séparation, l'Intifada éclate. Rita le vit très mal, elle avait toujours refusé le pessimisme de Mahmoud quant à l'avenir de la situation. Elle commence par quitter son travail et rester enfermée toute la journée. Puis elle décide de quitter Israël pour l'Angleterre : «Elle voulait venir à Ramallah nous faire ses adieux, elle m'a demandé si c'était dangereux, je lui ai répondu : une seule chose est sûre, ce qui se passera, se passera sur mon propre corps. Plus tard, elle a dit à nos amis que c'était la plus belle chose que je lui avais dite. J'étais très protecteur avec elle et je pense que cela a beaucoup joué dans son sentiment de sécurité à Ramallah. Une fois, un étudiant américain de Bir Zeit a commencé à dire qu'elle travaillait pour le Mossad. J'étais terrifié, je me suis immédiatement précipité chez lui pour lui interdire de parler de la sorte. » Après les premiers bombardements sur Ramallah, elle appelle Mahmoud en pleurant : « Elle voulait toujours tout compenser, l'injustice faire aux Palestiniens, ma propre souffrance comme ancien prisonnier...»
[Il est extrêmement difficile d'obtenir des témoignages des quelques couples israélo-palestiniens. Ceux qui vivent en Israël sont souvent dans des situations délicates juridiquement parlant. Ces couples refusent que leur relation privée devienne un symbole politique. «Après notre rupture, certains de mes amis m'ont dit qu'ils avaient vu notre relation comme le seul avenir du pays. » souligne Mahmoud « Nous avions eu beaucoup de propositions de films, de documentaires, nous avons toujours refusé. C'est un trop grand stress pour une relation déjà compliquée.»]
              
18. Seule voie vers la paix : s'asseoir à la table des négociations par Nabil Sha'ath
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du jeudi 24 mai 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

L'une des conséquences les plus tragiques de la spirale de violence au Moyen-Orient est sans doute la rupture du dialogue entre les négociateurs de paix des deux côtés. En confessant récemment qu'il ne croyait pas en une paix définitive, le premier ministre israélien Ariel Sharon n'a pas surpris les Palestiniens.
N'est-il pas, en effet, l'homme qui a marqué son opposition à la conférence de paix de Madrid, en 1991, après avoir voté, à la Knesset, aussi bien contre le traité de paix historique d'Israël avec l'Egypte (en 1979), que contre le retrait de l'armée israélienne du Liban (en 1985) et l'accord d'Hébron (en 1997). Il n'a même pas entériné le traité de paix signé par Israël avec la Jordanie, en 1994.
Néanmoins, son rejet proclamé d'un accord définitif a fini de désespérer ceux qui, des deux côtés, croient encore qu'une paix durable est possible. Malgré l'effondrement de la confiance causé par une violence sans rémission, je peux affirmer ici qu'une majorité de Palestiniens aspirent à retourner à la table de négociation, en tant que partenaires à part entière, en quête d'une paix permanente.
Mais il faut qu'il y ait quelqu'un en face, à la même table, qui partage cet objectif. Sharon a déclaré qu'aucune négociation ne peut reprendre avant qu'un terme ait été mis à la violence, même si celui qui procède à la surenchère, dans cette violence, n'est autre que lui-même.
Tôt ou tard, Sharon devra admettre qu'il ne pourra mettre les Palestiniens à genoux en les affamant et en les bombardant, qu'il le veuille ou non. Il sera bien forcé d'admettre que le retour à la paix et à la stabilité exige des changements dans le statu quo, tels le retrait de l'armée israélienne des régions palestiniennes peuplées ; le gel des colonies ; la mise en application des accords intérimaires déjà signés et, enfin, la levée de l'embargo visant à étouffer les Palestiniens économiquement.
Seuls des pas de cette nature, qui viennent d'être recommandés par la commission indépendante Mitchell, peuvent conduire à une fin des violences. Exiger que la direction palestinienne appelle à la fin des violences sans traiter la cause première de ces violences -l'occupation militaire - entraîne un blocage total.
Mais il est légitime de se poser la question de savoir si Sharon veut réellement la fin des violences. Car un retour à la stabilité, sur le terrain, conduirait inéluctablement à la quête d'une paix définitive. Et, comme Sharon l'a dit très clairement, il n'y croit pas. Sa vision d'un règlement inclut le maintien (et même l'expansion) des colonies israéliennes, le retour de 42% - au maximum - de la Cisjordanie aux Palestiniens, la non-reconnaissance des droits des Palestiniens sur Jérusalem et la non-solution du calvaire des réfugiés palestiniens.
Bien sûr, avec tout ça, il veut aussi un état de "non belligérance" - afin qu'Israël puisse poursuivre son occupation de territoires palestiniens en toute quiétude. Le rêve de Sharon aura pour destin de ne rester que ce qu'il est : un rêve. Car, en réalité, il n'y a pas d'autre alternative, ni pour l'une des parties, ni pour l'autre, que retourner à la table des négociations et reprendre ces dernières au point où elles les ont laissées à Taba.
Dans les derniers jours du mandat de Barak, nous avons accompli, les Israéliens et nous, des progrès remarquables dans la fixation des limites d'un accord définitif mutuellement acceptable. Même dans le contexte des troubles en cours, nous fumes capables, pour la première fois, d'envisager une solution qui satisfît aux exigences des deux parties.
Il y a même eu une avancée sur la question des réfugiés palestiniens, la plus difficile de toutes, à bien des égards. Pour la première fois en un demi-siècle, les responsables israéliens reconnaissaient une certaine responsabilité dans la création du problème des réfugiés. Et nous avons affirmé clairement notre engagement constant vis-à-vis des résolutions des Nations-Unies qui appellent à la création de deux Etats distincts sur le territoire de la Palestine historique.
Le progrès accompli à Taba a montré que l'offre présentée par Barak à Camp David (qui aurait abouti à créer un Etat palestinien-patchwork, entièrement entouré et contrôlé par Israël) ne représentait pas, comme il l'affirmait alors, le plus loin qu'Israël puisse aller.
L'approche "c'est à prendre, ou à laisser" qui fut la sienne, à Camp David, a grandement contribué à aggraver la frustration palestinienne qui a contribué à alimenter l'incendie de l'Intifada d'Al-Aqsa. Ce n'est qu'en retournant à la table des négociations, en tant que partenaires de paix sincères, que nous pourrons faire que nos rêves portent leurs fruits.
En 1988, puis, à nouveau, à Madrid, en 1991 et à Oslo, en 1993, la direction palestinienne a reconnu le droit d'Israël à vivre en paix à l'intérieur de ses frontières antérieures à 1967, frontières internationales reconnues internationalement, basées sur les résolutions 242 et 338 de l'ONU, modifiées d'un commun accord. Ce que nous voulons n'a pas changé. Nous sommes conscients du fait qu'en raison des troubles récents, nous devons convaincre à nouveau le peuple israélien que nous n'avons pas de prétentions au-delà des frontières de 1967. Mais les Israéliens doivent nous convaincre à nouveau qu'ils n'ont plus de visées sur notre territoire et nos ressources ; qu'ils désirent réellement mettre un terme à l'occupation ; qu'ils sont prêts à négocier avec nous en tant que partenaires, et non pas en tant que gouverneurs, qu'occupants, que colonisateurs. Nous sommes prêts à travailler d'arrache-pied avec Israël en vue de rechercher une paix réelle et durable. Le rapport Mitchell, qui a déjà reçu l'approbation des Palestiniens et des Etats-Unis, offre une manière raisonnable de retourner à la table des négociations. Mais la vision que Sharon a de la paix présente tous les ingrédients de la guerre ; ce n'est que lorsqu'il sera sérieux dans la recherche de la paix que nous pourrons rester, les uns les autres, le temps voulu à la table de négociations. Par ailleurs, rien ne pourrait mieux encourager les négociateurs que l'adoption formelle du rapport Mitchell par le président Bush et le réengagement des Etats-Unis vis-à-vis des principes du sommet de Madrid, réuni par son père il y a dix ans, ces principes que nous étions sur le point de mettre en application, à Taba, les Israéliens et nous. Ces principes demeurent l'unique base pour un accord définitif.
(Nabil Sha'ath est le ministre du plan de l'Autorité palestinienne. Cet article a été publié, à l'origine, dans le Washington Post du 15 mai, est c'est à la demande de son auteur que nous le publions ici.)
          
19. Redonner à Jaffa ses noms arabes par Ori Nir
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du dimanche 22 mai 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

La municipalité de Tel-Aviv Jaffa a hébraïsé et judéïsé les noms de centaines de rues à Jaffa, après l'annexion de la ville arabe à la ville juive, créée de toutes pièces sur les dunes en 1909. Les créateurs de cette ville se sont bien gardés de baptiser les rues du nom de leaders et de personnalités publiques de la communauté arabe de Jaffa, ou de l'élite arabe d'Israël. Michal Eden (du parti Meretz), conseillère municipale, qui a enquêté et écrit à ce sujet au Maire, Ron Huldai, signale que plus de quatre-vingt rues de Jaffa sont identifiées par des numéros, et ne portent pas de nom. Le temps est venu, dit-elle, de donner aux rues anonymes des noms qui commémorent la culture et les personnalités arabes de Jaffa. "Jaffa étant à l'origine une ville arabe, et sa population actuelle étant mixte, musulmane, chrétienne et juive, la ville devrait se voir conférer un caractère approprié, qui prenne en compte son histoire et les sentiments de ses habitants", a-t-elle écrit, dernièrement, à Huldai (le maire). Près de 40 000 personnes vivent à Jaffa aujourd'hui, dont 22 000 sont juives et 18 000 arabes, ceux-ci vivant dans des quartiers dont la population arabe est très largement majoritaire.
La plupart des rues de Jaffa, qui portent pour la plupart des noms de rabbins ou de noms liés à l'héritage juif, portaient jadis des noms arabes. Ainsi, par exemple, la rue Yefet rassemble deux rues différentes d'avant 1948 : la rue Al-Hilwa et la rue Kerem al-Zeitun.
La rue Yehuda Hayamit s'appelait rue du Roi Fayçal et le Boulevard Jérusalem, rue Al-Nuzheh, nom que les Arabes de Jaffa utilisent toujours.
Le comité de l'onomastique décide de donner aux voies de la ville les noms de personnalités marquantes ou d'événements historiques, en fonction des propositions qui lui sont faites, précise la municipalité de Tel-Aviv-Jaffa. Durant le mandat du précédent maire, Roni Milo, déclare le porte-parole de la municipalité, deux requêtes seulement ont été enregistrées, visant à immortaliser des personnalités arabes de Jaffa, et elles ont été suivies d'effet. Ces deux personnalités sont Abdel Rauf al-Bitar, maire de Jaffa de 1938 à 1941 (précisons que ce n'est que tout récemment que la rue 3043 est devenue la rue Al-Bitar), et George Nassar, un résident de Jaffa, actif dans le syndicat ouvrier Histadrut.
La municipalité a aussi donné à l'une de ses rues le nom d'Abdel Karim Abdel Jani, résident de Jaffa tué par un attentat terroriste dans la rue Eilat, à Jaffa, en 1992. Une femme juive de Bat Yam, Ilana Ohana, avait été tuée dans le même attentat.
"Du temps de la municipalité actuelle, une requête nous a été soumise : c'est une liste comportant sept noms", a indiqué le porte-parole de la mairie, "mais aucune explication n'a été fournie aux fins d'étayer cette requête, indiquant sur les arguments plaidant en faveur de la commémoration de ces noms. Le comité n'a pas encore tranché."
Michal Eden, qui a remis cette requête en décembre dernier, a manifesté hier sa surprise de constater que le comité n'effectue pas ces recherches lui-même...
Sa liste comporte le nom de Monsieur Tewfik Ziyad, de l'écrivain Antoinette Huri-Mahul et du chef bédouin Sheikh Salman al-Huzail. Madame Eden a ajouté que le comité n'avait pas à passer son temps à attendre que des noms lui soient proposés, mais que l'on pouvait légitimement en attendre qu'il prenne l'initiative d'immortaliser les noms de personnalités arabes éminentes.
Ahmed Balha, conseiller municipal de Jaffa, a déclaré hier que les Arabes de Jaffa n'avaient pas encore présenté de requêtes documentées demandant que des rues soient rebaptisées sous des noms arabes, tant parce qu'on leur a clairement signifié qu'il n'y a aucune chance qu'une rue passe d'un nom juif à un nom arabe que parce qu'eux-mêmes ne sont pas d'accord entre eux sur le choix des personnalités arabes dignes de voir leur nom ainsi commémoré. Dernièrement, a poursuivi M. Balha, le maire, M. Huldai, semblait prêt à accepter de donner les noms de personnages éminents de Jaffa aux rues qui portent encore un simple numéro. "Malheureusement, il n'y a aucune chance d'obtenir que des rues portant un nom de personne soient débaptisées, même dans les cas où ces noms sont complètement coupés des réalités locales", a-t-il ajouté.
Il a donné l'exemple de la rue Pashischa Rebbe (située à proximité des rues Karliner Rebbe, Kotzker Rebbe et Lilover Rebbe), dans un quartier dont la population est à cent pour cent arabe. "Sans vouloir insulter personne, Pashicha est devenue objet de plaisanteries. En fait, tout le monde ici se demande encore comment le nom de sa propre rue se prononce, exactement...
          
20. La vaine stratégie d'Ariel Sharon par Martine Gozlan
in Marianne du lundi 21 mai 2001
Du temps où rien n'était encore perdu, du temps où, au sein d'Israël, Israël osait se remettre en cause, quelques imprécations prophétiques parvenaient à faire tressaillir le peuple. Le vieux philosophe Yeshayaou Leibowitz avertissait ainsi ses frères sionistes que les lendemains seraient toujours pires si l'idée de nation persistait à ne s'exalter que par la force. Aujourd'hui, le sage a disparu et la folie fait rage. Dans la guerre inégale que se livrent israéliens et Palestiniens, un général arc-bouté sur des certitudes archaïques aggrave chaque jour une tragédie par les moyens mêmes qui sont censés l'apaiser. Il ne suffit pas qu'Ariel Sharon ait franchi la ligne de non-retour en pénétrant dans les zones autonomes. Il ne suffit pas qu'il ait ainsi fourni aux Palestiniens l'occasion de légitimer leur riposte. Il ne suffit pas qu'aveuglé sur la détermination d'un peuple Sharon se persuade que le tonnerre des bombardements recèle quelque révélation suprême qui conduira les bombardés à la table des négociations. Il faut encore que, ciblant les symboles de l'Autorité palestinienne (laquelle, de fait, n'existe plus), il use des mêmes armes que les terroristes de l'autre bord. On voit mal, en effet, comment une population affamée, assiégée, pilonnée pourrait, dans une irréelle et angélique métamorphose, cesser de s'identifier à un terrorisme toujours revivifié par l'ennemi. En 1958, les maquisards de la guerre de libération algérienne ont-ils été défaits par l'ampleur de la terreur qu'on leur opposait ? En 1937, les sionistes de l'Irgoun ont-ils renoncé à leurs attentats antibritanniques au motif qu'on fusillait leurs militants ? Ceux de la Haganah ont-ils renoncé à leurs arsenaux secrets au motif que la puissance anglaise s'était juré de les anéantir ? Les juifs qui nageaient de nuit vers Haïfa renonçaient-ils à toucher la terre promise au motif qu'un Livre blanc, incarnation du droit d'alors, leur en interdisait l'accès ? Le "droit" dont se réclame la "stratégie" d'un Sharon n'est pas plus viable ni plus légitime que les fusils anglais braqués sur les kibboutzniks de naguère, que les rafles perpétrées par l'armée française sur les populations de l'Algérie. Ce court terme feint, sans cesse et partout, d'incarner l'histoire. Mais, sans cesse et partout, l'histoire le pulvérise. Comme d'autres peuples avant lui, comme celui-là même qui le nie - et quelques soient les crimes commis de part et d'autre dans l'enchevêtrement des haines -, le peuple palestinien a pour lui le temps historique.