Point d'information Palestine > N°148 du 19/05/2001

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Pierre-Alexandre Orsoni (Président) - Daniel Garnier (Secrétaire) - Daniel Amphoux (Trésorier)
Sélections, traductions et adaptations de la presse étrangère par Marcel Charbonnier
 
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Au sommaire
        
Rendez-vous
1. Palestine(s) à venir... le vendredi 8 juin 2001 à Marseille
2. Vivre la Palestine en Provence le samedi 9 Juin 2001 à Port de Bouc, Marseille et Aubagne
              
Témoignage
1. Israël nous a tous habitué ! par Nathalie Laillet, citoyenne de Naplouse (Gaza City, samedi 19 mai 2001, 11h46)
2. Et quoi encore ? par Chantal Abu-Eishe, citoyenne d'El Khalil (Hébron)
              
Réseau
1. Lorsqu'on ne voit que par Israël... par Edward Saïd in Arabic Media Internet Network du jeudi 3 mai 2001 [Traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
2. Palestine : Un siècle de dépossession par Marie-Christine Aulas
3. Israël met au point une "bombe ethnique" pendant que Sadam Hussein est en train de s'effondrer par Uzi Mahnaaimi et Marie Clovin in News from withim (mensuel israélien) du vendredi 2 mars 2001 [Traduit de l'anglais par Jacques Salles]
4. Mythe et réalités du sionisme par Michel Gilquin in les CEMOTI - Cahiers d'études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien - (N°30 - juin/décembre 2000)
           
Revue de presse
1. Les raids israéliens en territoire palestinien se poursuivent par Deborah Camiel Dépêche de l'agence Reuters du samedi 19 mai 2001, 17h37
2. La Croix-Rouge dénonce les "crimes" d'Israël par Alexandra Schwartzbrod in Libération du vendredi 18 mai 2001
3. Les Etats-Unis envisagent (timidement) d'assumer un rôle plus important au Moyen-Orient par Jane Parlez in The New York Times (quotidien américain) du jeudi 17 mai 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
4. Israël - Le grand désarroi par Henri Guirchoun in Le Nouvel Observateur du jeudi 17 mai 2001
5. Le cauchemar des jeunes prisonniers palestiniens par Joseph Algazy in Ha’Aretz (quotidien israélien) traduit dans Courrier International du jeudi 17 mai 2001
6. L'anniversaire de la fondation de l'Etat d'Israël célébrée par des agressions contre les Palestiniens par Michel Muller in L'Humanité du mercredi 16 mai 2001
7. L'Europe veut s'investir davantage au Proche-Orient par Abir Taleb in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 16 mai 2001
8. Un rôle limité par Magdi Youssef in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 16 mai 2001
                    
Rendez-vous

                      
1. Palestine(s) à venir... le vendredi 8 juin 2001 à Marseille
Une rencontre organisée par l'Association Médicale Franco-Palestinienne (Marseille), le vendredi 8 juin 2001 à 19h, à la Faculté St Charles - Amphithéâtre de Chimie - 3, Place Victor-Hugo - Marseille 3ème (M° St Charles)
Sept ans après la signature à Washington des accords d'Oslo, les frustrations liées aux engagements signés et non respectés par les administrations israéliennes successives ont conduit le peuple palestinien à cette seconde Intifada. Neuf mois après le début de l'Intifada Al-Aqsa, le peuple palestinien enterre ses morts et pleure ses espoirs déçus de paix... Cette lutte de libération populaire palestinienne, nous oblige à revenir aux véritables racines de ce conflit.
- Analyses et perspectives avec :
Marwan Bishara, écrivain, journaliste palestinien, chercheur à l'Ecole des hautes études en sciences sociales de Paris et enseignant à l'Université américaine de Paris, auteur de Palestine / Israël, la paix ou l'apartheid aux Editions de La Découverte
Valérie Féron, écrivain et journaliste française, auteur de Palestine(s) - Les déchirures aux Editions du Félin
- Témoignages de :
Vincent Schneegans, avocat et ancien conseiller auprès du Haut Commissariat aux Droits de l'hommes des Nations unies à Gaza, et Charlotte Le Bos, ancienne assistante du maire de Gaza pour les relation internationales qui ont vécu deux ans à Gaza d'octobre 1998 à octobre 2000. Leur témoignage Gaza au quotidien est paru dans la revue Confluences Méditerranée N°37 (Printemps 2001)
Rencontre réalisée en partenariat avec la Librairie Païdos et le soutien des éditions de La Découverte et du Félin.
Entrée libre et possibilité de restauration légère sur place
[Renseignements : 04 91 08 90 17 - E-mail : amfpmarseille@wanadoo.fr]
                            
2. Vivre la Palestine en Provence le samedi 9 Juin 2001 à Port de Bouc, Marseille et Aubagne
Programme
L'équipe responsable du déroulement de ces journées et un certain nombre de participants (dans la limite des places disponibles -53 places-), effectueront l'ensemble des trajets de la journée dans un bus loué à cet effet. Dans ce bus, seront projetés des courts-métrages et exposées des photos, des cartes de la Palestine, matériel utilisé durant le trajet et aussi à chaque étape du périple. Le bus quittera Marseille à 10 heure. Inscriptions indispensables : contacter Méditerranée Solidaire(s) pour le lieu du rendez-vous. Les étapes et différents moments de la journée :
10h - PORT DE BOUC / Place du Marché du Canal
Sur la base des thèmes de la vie quotidienne : l'eau / la terre / se déplacer / habiter
Mobilisation sur l'opération "Vivre en Palestine" par les associations de la ville  (Stand)
11h - Arrivée du bus sur la place du marché, avec les partenaires venant d'Aubagne, de  Marseille et des autres villes se joignant à l'action. Création théâtrale sur la scène du kiosque situé sur la place du marché.
12h-13h - Plat partagé dans la cour du Cinéma Le Méliès -Chacun amène son repas -
13h30 - 14h 30 - Présentation d'une intervention artistique réalisée en Palestine en 1999 par Martine Derain et Dalila Mahdjoub.
14h30 - Départ vers la place de la Joliette à Marseille.
15h30 - MARSEILLE / Place de la Joliette
- Lancement de la carte pétition demandant le jumelage des villes de Marseille et de  Gaza. Arrivée du bus en provenance de Port de Bouc. Rassemblement avec notamment les militants des associations, syndicats et partis marseillais s'associant à cette initiative.
- Courte présentation de l'état d¹avancement du projet du Port de Gaza, et du partenariat avec les ports de Marseille et de Dunkerque.
- Prises de parole.
- Distribution de la carte-pétition à adresser au Maire de Marseille et contenant le texte suivant : Monsieur le Maire, je suis d'accord pour contribuer à une initiative de paix et de prospérité partagée : Marseille doit être jumelée avec Gaza, futur port de Palestine.
16h30 - Départ vers Aubagne
17h30 AUBAGNE / place centrale
- Sur la base des thèmes de la vie quotidienne : l'eau / la terre / se déplacer / habiter
Le bus anglais de l'Association "Vivre" d'Aubagne sera stationné depuis le début de l'après midi, avec à l'intérieur une exposition de cartes et de photos de Palestine.
17h30 - 19h - A l'arrivée du bus et des partenaires venus de Port de Bouc, Marseille et autres villes, rassemblement pour écouter les lettres du quotidien venues de Palestine (évocation du quotidien des habitants de Gaza, Hébron, Béthléem, Ramallah, Naplouse, Jérusalem ...), lues par des comédiens et des étudiants. La lecture des lettres en Français et en Arabe sera entrecoupée par la lecture de cartes permettant de voir les lieux dont il est question, et de saisir mieux les difficultés de la vie quotidienne des habitants de la Palestine.
Après les élections israéliennes du mois de février dernier, et l'assemblage politique qui en est issu, les actions de violence se poursuivent entre Israéliens et Palestiniens : avec pour effet la peur et l'insécurité, état qui se double, pour les Palestiniens, d'une insupportable pression sur leur vie au quotidien. Que faire pour répercuter ce qui se joue sur cette autre rive de la Méditerranée et résonne toujours si fort jusqu'à nous ? Parler " planétaire ", directement " politique ", directement " solidarité "...d'autres le font et le feront mieux que nous. Nous, Méditerranée Solidaire(s), en partenariat avec d'autres associations, avons choisi d'en parler au quotidien : celui des habitants de la Palestine, ce petit pays séparés en deux, et fragmenté de l'intérieur par les colonies de peuplement israélien, les zones sous contrôle israéliens, les multiples barrages et points de passage ; un pays où vivent aujourd'hui trois millions de Palestiniens, dont plus d'un million sur la seule Bande de Gaza. En évoquant les actes et les situations les plus ordinaires du quotidien vécu par chacun en Provence ou en Palestine dans la dimension géographique des lieux, et en les mesurant à l'échelle du territoire sur lequel nous vivons :
- La Cisjordanie est longue de 120 km et large, au maximum, de la distance de Marseille à Bandol (60 km).
- Béthléem est plus près de Ramallah qu¹Aix de Marseille ; avec Jérusalem au milieu !
- La bande de Gaza est large de 15 km au maximum, soit la distance de l¹Estaque à la Pointe Rouge, et longue de 45 km.
Nous voilà ainsi projetés, avec ces quelques exemples, dans un espace où les distances à parcourir peuvent aisément être comparées à celles de nos propres déplacements dans cette région de Provence, où tout semble si proche. Pourtant, se déplace-t-on aussi facilement de Ramallah à Béthléem, que d¹Aix à Marseille ? A Géménos ou à Saint-Chamas, on arrose ses cultures maraîchères pour les vendre à Aubagne ou à Port-de-Bouc, à Aix ou à Marseille. Mais peut-on en faire autant de Gaza ou de Jéricho vers les marchés de Ramallah ou de Jérusalem ? Peut-on aussi aisément partir en week-end à la campagne dans la maison familiale, que l'on soit à l'Estaque ou à Gaza, à Marseille ou à Jérusalem, à Aubagne, à Hébron ou à Naplouse... A Port de Bouc et Aubagne, l'école accueille chaque jour les enfants, comme à Martigues à Aix en Provence ou ailleurs... Et l'Université les étudiants, à Aix et à Marseille. Mais pour les enfants et les étudiants de Gaza et de toute la Cisjordanie, l'école est souvent fermée, les professeurs empêchés de s'y rendre... l'Université de Birzeit souvent inaccessible... quand les étudiants ou les professeurs n'ont plus de permis pour circuler d'une zone à l'autre, ou quand la nuit, les chars israéliens viennent creuser des tranchées sur les routes ! Et que dire des villages où les médecins ne peuvent parfois plus accéder, des barrages à franchir pour arriver à l'hôpital où il faut se rendre de toute urgence ne serait-ce que pour accoucher, par exemple... C'est de cette difficulté à accomplir là-bas les actes du quotidien, c'est-à-dire les mêmes que les nôtres ici en Provence, dont nous voulons parler : autour de thèmes comme la liberté de se déplacer, de cultiver et d'arroser sa terre, d'en vendre les produits, d'habiter un lieu, de travailler, d'avoir un logement et d'y vivre avec sa famille... Comment et pour combien de temps encore pourra-t-on vraiment réussir à vivre ou à survivre dans ce territoire " en miettes " de la Palestine des accords d'Oslo ?
[Contacts à Marseille, Méditerranée Solidaire(s) - Marcel Siguret : 04 91 90 13 40 - E-mail : mediterraneesolidaire@wanadoo.fr / à Aubagne, Association Médicale Franco-Palestinienne (Aubagne) - Sabine Guerrak : 04 42 84 11 21 ou Farid Brixi : 04 42 03 92 26 / à Port de Bouc, CCFD - Antoinette Filippi : 04 42 06 63 59]
                    
Témoignage

                    
1. Israël nous a tous habitué ! par Nathalie Laillet, citoyenne de Naplouse
Gaza City, samedi 19 mai 2001, 11h46
Me voilà à... Gaza City ! Et je profite d'un peu de temps libre pour vous raconter ma journée d'hier. Vendredi 18 au matin donc. Je me lève un peu tard, boit tranquillement mon thé en discutant avec Eva de choses et d'autres. Il fait beau, il fait chaud, le ciel est bleu et je vais aller voir Tareq et Islam cet après midi à Khan Younes. Tout va bien ! Je vais prendre un taxi service pour Khan Younes. Nous sommes vendredi, peu de gens font le trajet aujourd'hui. Finalement, après presque une heure d'attente, nous partons. Nous empruntons bien sur la route de la côte. Je suis passée par la il y a 15 jours et pourtant ce n'est plus tout a fait la même route. Avant, au niveau du village de Der el Balah, il y avait sur la droite un petit fortin de la police palestinienne. Il a été bombardé. Il ne reste qu'un tas de gravats a terre. Je demande a mes voisins de taxi depuis quand c'est comme ca. "Oh depuis le dernier bombardement...ou l'avant dernier... ou encore avant... il y en a presque tous les jours alors on ne sait plus trop quand ils détruisent quoi..." C'est vrai que les bombardements, il y en a eu beaucoup cette semaine, pratiquement toutes les nuits, et pourtant il n'y a eu aucune bombe en Israël... Bref, la route défile , peu de voiture donc pas de queue interminable au check point israélien. En passant devant la tourelle de béton dans laquelle sont postés des soldats israéliens sur armés, les palestiniens dans le taxi  avec moi font semblant de ne pas les voir... comme si cette tourelle n'existait pas... ils baissent la tête. En revanche, moi, je me paie le luxe de les regarder. Droit dans les yeux. Moi je ne risque pas d'être arrêtée : je suis clairement identifiable comme occidentale et en plus je suis une fille. Je meurs d'envie de leur faire un bras d'honneur, mais je me retiens. Dans le regard que je leur lance cependant, je fais passer tout le mépris dont je suis capable. Ils me voient, quelque peu surpris... puis ils éclatent de rire... Oui... Ils se moquent de moi ! Des soldats apeurés sur la défensive, ca ? Non ! Une armée d'occupation arrogante et méprisante, comme toutes les armées d'occupation, comme les Allemands en France en 1940, comme la France en Algérie. Rien d'autre. Bref, il est presque 11h quand je passe sous le panneau "Welcome to Khan Younes" qui me fait toujours sourire... Et me revoilà en plein cœur de la ville. Je négocie (habilement !) pour que le taxi m'emmène jusqu'à l'hôpital Nasser. Tout d'un coup un des copains du chauffeur lui fait des grands signes pour le forcer a s'arrêter :
- Ils ont tué 4 juifs à Netanya ! 29 blesses !
- Non ?!
- Si 4 morts !
Et voilà comment j'apprend l'attentat de Netanya. Je ne peux m'empêcher de demander : "alors ce soir, on va avoir des bombes ?" Et le chauffeur de me répondre avec un grand sourire: "de toute façon, attentat ou pas, on a toujours de bombes ! C'est ca Gaza ! Bienvenue à toi la française ! Et tu diras a Chirac qu'on l'adore, qu'il est génial !"
Me voilà à peine à Gaza et je me dis qu'il va falloir que je me grouille pour repartir. En effet ils risquent de couper la route et je risque de me retrouver bloquée a Khan Younes... Je ne serai pas le premier ressortissant français à qui cela arriverait mais bon, je n'ai guère envie de tenter l'aventure ! Enfin je suis devant l'hôpital. J'appelle Islam qui n'est toujours pas là. Son frère me dit qu'il doit être a Tuffah, là où les maisons ont été rasées... c'est à deux pas d'ici, je décide donc de m'y rendre et d'essayer de le trouver. Evidemment, sur le chemin, je fais sensation. Une occidentale seule qui va a pied a Tuffah ! Des nuées de gamins commencent a me suivre. Les premiers "Hello", les premiers "What's your name ?" Un des plus bavards est un gamin de huit ans environ aux grands yeux noirs: Je m'adresse a lui en arabe, je lui demande son nom, s'il connaît Islam. Le fait que je parle arabe le rend tout timide. Il ne sait plus trop s'il doit me ranger dans la catégorie "arabe" ou "ajanib" (étranger). Une vieille dame s'approche et me propose son aide. Je commence a lui expliquer mon problème. Et tout d'un coup apparaît devant moi... le vieux monsieur au thé ! Les yeux toujours aussi bleus, il porte une djellaba blanche impeccable. "Tu es revenue ! Tu es revenue !" Il veut s'occuper de moi. Il n'en n'a pas le temps. Deux Shebabs arrivent (faut dire que tout le quartier est au courant qu'une occidentale avec des sacs plein de jouets se ballade !). Et je les connais ! L'un est Abed, qui travaillait a la police de Naplouse avant l'Intifada. Et l'autre, c'est celui qui m'avait dit "dans un mois je serai mort". Grâce a Dieu, il n'est pas mort et aujourd'hui il sourit ! "Tu es revenue!" En deux temps et trois mouvements, ils me prennent en charge. Je veux voir Islam et il n'est pas chez lui ? Qu'à cela ne tienne, ils vont m'emmener là ou il habite et je l'attendrai la bas ! Ils avisent une voiture et nous partons tous ensemble vers l'endroit ou ils habitent tous désormais, vers les immeubles mis a disposition par l'Autorité palestinienne. En arrivant la bas, je vois des gosses jouer. L'un d'eux porte un tee shirt bleu. Je le reconnais aussitôt. Non, ce n'est pas Tareq mais son petit frère. Le gamin accroche mon regard, il cherche visiblement qui je suis... tout d'un coup il part en courant... deux minutes plus tard, Tareq est à la portière de la voiture ! Et d'autres gamins suivent ! Et me revoilà avec Tareq. Le jeune homme qui avait dit "dans un mois je serai mort" me dit qu'il est papa et il veut me présenter sa petite famille. Je vais chez lui, sa femme est la et devant elle un bébé d'a peine deux ans tout rond, avec des yeux immenses et qui sourit a son papa qui rentre a la maison. Le bébé s'appelle Saher. Désormais le papa sera pour moi Abou Saher ("Père de Saher" c'est le nom qu'on donne au gens ici, avec le prénom de leur fils aîné).
Je dis bonjour a tous le monde je fais de gros câlins a Tareq et tous les autres qui sont en train de dévorer des carottes et j'accompagne la soeur d'Islam . Toute sa famille va manger chez un des frères alors bien sur je dois y aller aussi. J'y vais donc. En chemin, elle me raconte sa vie, une vie si triste... Nous voilà enfin chez le frère. Les hommes sont a la mosquée. Les femmes m'accueillent en riant: elles ne me connaissent pas mais je suis la bienvenue. Le repas se prépare doucement pendant que nous bavardons en attendant Islam. Et puis tout d'un coup mon téléphone sonne. C'est Eva qui me dit que ca risque de chauffer. Elle me passe V, qui est charge de veiller sur la sécurité des ressortissants français. Il m'ordonne de rentrer sans attendre. Confuse, j'explique la situation à la famille. Je dois partir. Et puis on entend déjà quelques coups de feu... Un des frères d'Islam (qui a "séché" la mosquée...) me ramène devant l'hôpital Nasser ou je prends un taxi pour Gaza ville. Le risque le plus important pour moi, c'est que la route soit fermée. Ouf...elle ne l'est pas, et vers 14h30 j'arrive a Gaza. Je retrouve les copains on discute on est tous au courant. On se demande quand les bombes vont tomber. On va au café Internet glaner des nouvelles.
On va manger. Vers 18h, le portable d'Ashraf sonne : ils ont bombardé Naplouse, il y a 5 morts ! Aussitôt, je prends mon téléphone et j'appelle chez moi : tout le monde va bien parmi nos connaissances, mais on a eu peur ! A Gaza on attend... A quelle heure ça va nous tomber dessus ? Ramallah à aussi été touchée... On va fumer une chicha dans un café qui nous sert de QG : C'est toujours là bas qu'on se réunit. Je suis avec Mahmoud et Ashraf. Eva est retournée travailler. Elle nous appelle : A Naplouse, ils ont bombardé en utilisant des F 16. je n'y connais rien en armement mais Ashraf bondit : "Des F16 ?! Mais alors c'est une vraie guerre là !" J'apprendrai plus tard que ce type d'avion n'a jamais été employé dans les territoires occupes depuis juin 1967... Quand je vous dis qu'on a dépassé le stade de l'Intifada... La nuit tombe doucement sur Gaza. Un bruit dans le ciel. Un avion. un "Wroum". On se regarde. Ca y est. On n'a pas le temps de commenter. Un boum ! énorme retentit, on se lève tous on se précipite sur nos portables. C'est où ? C'est pas loin c'est sur mais c'est où ? Il est 20h30. On sort on cherche un taxi tout le monde est dehors, on scrute le ciel. Chacun veut rentrer chez soi au plus vite. Les garçons me raccompagnent chez Eva. Le bombardement dure environ 30 minutes. J'entendrai a peu près huit explosions, toutes très proches. Mais comme dit Eva, "qu'est ce qu'on peut faire ?" Alors, on continue comme si de rien n'était... Comme à chaque bombardement, les portables ne passent presque plus... Puis, peu a peu, ça remarche. On ne voit plus d'avion, ces petits points rouges gros comme des étoiles dans le ciel. Ca doit être fini. On téléphone a tous nos amis. Tout le monde va bien. On glane de ci de la des bribes d'info et on se promet de se rappeler "s'il y à du nouveau". Fatiguées, nous nous endormons vers 23 heures... Après tout, ce n'est pas un bombardement de plus qui va nous empêcher de dormir ! Israël nous a tous habitué ! [...] Au moment ou je vous parle, mon voisin au café Internet vient de me dire que les bombes tombent à l'instant même en Cisjordanie, notamment à Jenine. Pourtant il n'y a pas eu d'attentat aujourd'hui.
[...] N'oubliez pas que : "Qui ne dit mot consent."
                    
2. Et quoi encore ? par Chantal Abu-Eishe, citoyenne d'El Khalil (Hébron)
El Khalil, le jeudi 17 mai 2001 - On pourrait croire que la vie est (temporairement sans doute) devenue plus facile : la sortie d'Hébron par Halhoul, au nord, en direction de Jérusalem, a été " réouverte ". Disons plutôt qu'un passage a été aménagé au milieu du talus élevé par l'armée israélienne.  On passe chacun son tour dans les ornières mais bon, c'est toujours mieux que de se taper les 15 km supplémentaires via Kyriat Arba… Par contre le char est toujours là, il ne faudrait quand même pas croire qu ' " ils " sont vraiment partis. Demain, après demain peut-être, le talus sera remblayé…
Et puis cet après-midi je donne un cours de français et l'un de mes élèves m'apprend que le matin même des soldats israéliens sont venus dire aux ouvriers qui travaillent pour le Comité de Réhabilitation de la vieille ville d'Hébron que désormais ils n'avaient plus le droit de venir sur les chantiers… Et puis les services de police et de sécurité ont été avertis que le bâtiment du governorat pouvait bien être dans les prochains jours la cible de tirs israéliens…
Cela fait d'ailleurs plus de trois semaines qu'on n'a plus entendu de tirs la nuit. N'empêche que les cauchemards sont toujours là, et ils ne sont pas l'apanage  des enfants… Anwar (bientôt la cinquantaine !) a rêvé que le couvre-feu avait été imposé même à l'intérieur de la maison et qu'il était interdit de passer d'une pièce à l'autre… Quant à Hanane elle s'est réveillée "parce qu'une mine ma touchée à la fesse et à l'épaule" . Elle a peur de s'endormir parce qu'elle a peur de faire des cauchemards…
Et moi, j'ai peur de me réveiller… Comme beaucoup d'autres, plus envie d'écouter les nouvelles, plus envie de lire les journaux, plus envie de regarder la télévision. Plus envie de me demander "et quoi encore ?"… et pour combien de temps encore ?…
                           
Réseau

                    
1. Lorsqu'on ne voit que par Israël... par Edward Saïd
in Arabic Media Internet Network du jeudi 3 mai 2001

[Traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Le vocable "Israël" a des résonances spéciales dans la langue de Shakespeare en général, et aux Etats-Unis, tout particulièrement. A entendre les politiciens rabâcher leur mantra familier sur (la nécessité) de soutenir Israël et de lui conserver sa puissance, on se rend compte du fait que ce dont il est question, ce n'est pas d'un Etat ou d'un pays réel, mais bien plutôt d'un concept, ou d'une sorte de talisman - mais attention : d'un talisman qui transcende le statut de n'importe quel Etat ou pays du monde. Voilà quelques semaines, la Sénatrice Hillary Clinton a déclaré qu'elle donnait 1 250 dollars à des colons israéliens afin qu'ils puissent acheter des masques à gaz et des casques supplémentaires et cela, ajouta-t-elle solennellement, sans la moindre ironie, ni au demeurant le moindre humour noir - dont la situation n'était pourtant pas dénuée - "conformément à son engagement (personnel) à conserver à Israël sa force et sa sécurité". Tout naturellement - tout du moins pour ceux d'entre nous qui vivent aux Etats-Unis - cet épisode a été rapporté comme s'il se fût agi d'un geste banal (par opposition à un geste inexplicable ou choquant de par son caractère ostentatoire). Les pages de journaux tels le New York Times ou le Washington Post son pleines des écrits d'éditorialistes comme William Safire et Charles Krauthammer qui sembleraient complètement délirants dans n'importe quel autre contexte. Tous deux s'emploient, depuis quelque temps, à pousser des cocoricos à propos de la mandature de Sharon en tant que chef du gouvernement israélien, non pas parce qu'il a démontré sa propension à la violence brute et, d'une manière générale, à des actes destructeurs stupides, mais bien parce qu'ils arguent de manière impavide que lui seul est capable d'asséner aux Palestiniens le genre de raisonnement répressif à même de les amener à résipiscence. Dans sa magnanimité, il leur a proposé de leur donner 42 pour cent de la Cisjordanie, voire un petit peu plus, avec par-dessus le marché le maintien de toutes les colonies sous souveraineté israélienne et l'encerclement des territoires palestiniens au moyen de fortifications israéliennes définitives : que ne voilà-t-il pas là manière bonne et raisonnable de résoudre l'Intifada ?... Il a déclaré au Jérusalem Post qu'après tout, "nous" avons bien un million d'Arabes, (chez nous), en Israël ; pourquoi ne peuvent-"ils" (les Palestiniens) tolérer quelques centaines de milliers de colons israéliens (chez eux) ? Encore ceci, à propos des tenants américains de Sharon : ce qui est proprement fascinant, c'est leur manière de s'arroger, en tant qu'Américains, le droit de dire à Israël ce qu'il devrait faire et penser dans son intérêt bien compris. Il en résulte qu'Israël, complètement internalisé, doit répondre à l'idée personnelle que s'en forme tout partisan pro-israélien américain, c'est du moins ce que les apparences suggèrent. Il n'en reste pas moins vrai que les Juifs américains nourrissent (à l'égard d'Israël) des relations d'un type particulier qui les autorisent sans doute à quelque légitimité à dicter à ce pays la conduite qu'il doit avoir, en particulier - et c'est là le point le plus extraordinaire de mon sujet - en matière de sécurité. Personne ne prend la peine de relever que les citoyens israéliens sont ceux qui se battent et qui planifient (l'avenir de leur pays), et non pas les Juifs de la lointaine diaspora. Tout ceci relève de la domestication d'Israël, domestication (américaine) qui le maintient à l'écart de l'histoire et des conséquences de ses actes. Lorsque d'aventure vous vous hasardez à avancer qu'Israël est en train de semer la haine et l'esprit de revanche dans tous les cœurs arabes, à cause de ses bombardements et de ses punitions collectives, on vous rétorque que vous êtes antisémite. La justice et la foi n'ont rien à y voir, (seul compte) ce qui relèverait prétendument (dans le cas des contempteurs arabes d'Israël) d'une haine des Juifs insensée et atavique. Il n'y a dès lors rien de miraculeux à ce qu'en dépit de décennies d'occupation militaire, Israël n'ait jamais été identifié au colonialisme ou aux pratiques coloniales. Il s'agit là, de mon point de vue, de la plus grave défaillance de tout le monde, aussi bien de l'information et du logos palestiniens que de la contestation israélienne, lorsqu'ils s'avisent de critiquer la politique du gouvernement israélien. On peut lire dans le dernier numéro de la New York Review of Books (daté du 17 mai), une analyse excellente, intitulée "Jusqu'où Sharon ira-t-il ?", d'Avishai Margalit, professeur de philosophie à l'Université Hébraïque (de Jérusalem). Elle se distingue radicalement des analyses américaines de la situation en ce que : - a/ elle ne mâche pas ses mots à propos des punitions collectives infligées par les Israéliens au peuple palestinien ; - b/ elle ne cherche pas à maquiller la situation en recourant à un langage fallacieux invoquant la sécurité d'Israël, habitude déplorable d'intellectuels se sentant obligés de parler comme des généraux afin de pouvoir se prendre eux-mêmes au sérieux. Ma seule critique à l'égard de Margalit serait qu'il n'y va pas carrément, qu'il n'appelle pas à la cessation de l'occupation militaire ni à une forme quelconque de reconnaissance par Israël des injustices commises à l'encontre du peuple palestinien. C'est ce qu'on attend des intellectuels, plutôt que d'emboîter le pas aux politiciens professionnels lorsqu'ils traitent des grandes questions politiques. Quoi qu'il en soit, ce qu'il y a d'extrêmement important dans l'article de Margalit, c'est qu'il démystifie l'aura d'Israël patiemment élaborée et minutieusement structurée au fil des ans afin de faire disparaître purement et simplement les Palestiniens de la photo de famille. Je pense, par tant, que ce que toute action palestinienne pour la paix doit accomplir est, avant tout, de reconnecter Israël avec ses actes, de se focaliser sur la nécessité de mettre un terme à ces pratiques, plutôt que de tenter de passer un marché avec eux ou de s'en faire refiler un à l'encan (par les Américains, ndt). L'une des failles les plus graves d'Oslo aura été l'ignorance de la direction de l'OLP (nommément : Yasser Arafat) de ce qu'Israël avait fait en tant que puissance occupante, et qui a ceci de commun avec un cancer que cela continue à s'étendre tant que cela n'est pas identifié, circonscrit puis détruit. L'histoire d'Israël le montre à suffisance. La seule réponse sensée à faire à ceux qui disent qu'Israël doit être accepté consiste à demander (à son tour) de quel Israël on parle, étant donné que ce pays n'a jamais eu de frontières internationalement reconnues, mais qu'il continue à bricoler perpétuellement sa propre étendue territoriale. Aucun autre pays, depuis la Seconde guerre mondiale, n'a jamais adopté une position de ce type, et il n'y a aucune raison qu'on laisse Israël continuer à le faire indéfiniment. La paix ne peut être établie que sur la base du retrait total (de l'armée israélienne) et de la fin de l'occupation. Il s'agit là de questions très concrètes, très éloignées des considérations générales qui nous détournent, le plus souvent, de notre objectif de peuple en quête d'autodétermination. Alors que je peux comprendre le désir de la direction palestinienne de faire quelque chose aujourd'hui afin de tenter de mettre un terme à une guerre d'usure évidemment sur le point d'aboutir à l'épuisement, je pense aussi qu'il est grossièrement immoral et stupide de se contenter tout simplement de reprendre les négociations d'Oslo comme si de rien n'était. En septembre 1996, une mini-Intifada a éclaté après que les Israélien aient creusé de manière purement provocatrice un tunnel sous l'Esplanade des mosquées (Al-Haram), mais elle se solda par la mort de beaucoup de Palestiniens sans que rien ne change ni sur le terrain, ni autour de la table (des négociations). Sous Barak, comme le relève justement Margalit, la construction de colonies s'est intensifiée, intensification s'accompagnant de toutes les difficultés possibles et imaginables pour les Palestiniens. A quoi cela peut-il servir que l'OLP continue à perpétuer les souffrances insupportables de son propre peuple simplement pour que M. Arafat reçoive à nouveau un carton d'invitation à se rendre à la Maison Blanche ? A rien. Mais ce qui me sidère, c'est l'attitude éhontée de l'Autorité palestinienne, qui continue à envisager, l'esprit dégagé, de reprendre les négociations comme si quatre cent personnes n'étaient pas mortes et comme si treize mille autres n'avaient jamais été blessées. Ces leaders n'ont-ils donc pas la moindre dignité, nul sens de la propriété, ni même de leur propre histoire ? Par tant, tout se passe comme si l'implacabilité officielle d'Israël à l'égard des Palestiniens aurait été bel et bien internalisée, non seulement par les Sionistes américains extrémistes, par le cauchemardesque Ariel Sharon et l'establishment politique israélien, mais même par la direction palestinienne. Dans une interview au Jérusalem Post du 27 avril dernier, Sharon s'est borné à répéter que l'Intifada n'est pas autre chose qu'un "terrorisme" en continu, ramenant toute initiative palestinienne (à part, bien sûr celle qui consisterait à mettre un terme à la résistance et à arrêter de nouveau les militants islamistes) à celle-ci. Pour Arafat, négocier une paix avec Sharon sans (exiger) que (les Israéliens) expurgent le mot "terrorisme" de leur vocabulaire reviendrait à accepter l'assimilation au terrorisme de la lutte des Palestiniens contre l'occupation. Et pourtant, que je sache, aucun effort sérieux n'est déployé, via l'information et l'adresse aux Israéliens et aux Américains, afin de replacer (leur) discours dans le monde du réel. Il semble donc, pour l'heure, que la situation puisse être schématisée par l'équation logique suivante : "Israël occupation militaire résistance palestinienne" (!...) Ainsi, ce qui doit absolument devenir central dans les initiatives arabes désormais, c'est de casser ces identités et même de détruire (la simple idée d'établir) l'équation, et non pas simplement de mettre en avant des arguments abstraits au sujet du Droit au Retour pour les réfugiés palestiniens. Le come-back politique de Sharon s'est accompagné d'un effort intense ( et tout-à-fait conscient) de sa part afin de remettre au goût du jour la situation de 1948, de mettre en scène un "remake" du conflit mettant aux prises Israël et les Palestiniens sous la forme d'une bataille décisive pour la survie même de (l'Etat d') Israël. Il semble n'avoir eu aucune difficulté à trouver des soutiens à cette vision atavique et régressive à l'extrême chez une partie des Israéliens (bien entendu, pas tous), qui ont adhéré à l'idée non-formulée ouvertement que les Juifs ne pourront jamais être libérés de toutes persécution et hostilité (à leur encontre). Pour l'observateur extérieur (l'"outsider", écrit E. Saïd), une telle notion semble tout aussi improbable qu'indéfendable. Car les Juifs israéliens, jouissant à n'en pas douter d'un Etat puissant et prospère à bien des égards, sembleraient aujourd'hui on ne peut plus fondés à être confiants et magnanimes dans leur attitude à l'égard des victimes qu'ils ont traitées si injustement. Mais aujourd'hui, ils s'obstinent à re-jouer la scène primale où ils ont, (prenant l'initiative) dépossédé les Palestiniens et, du même coup, faisant à leur tour l'expérience de l'hostilité et de la désolation qu'ils ont eux-mêmes causées chez les autres, (mais) en ayant le sentiment que le traumatisme est leur traumatisme, et non celui des Palestiniens. Sharon exploite ce syndrome dévastateur, donnant un exemple dramatique de la névrose que Freud a appelée la compulsion de répétition (qui peut échoir à tout un chacun) : quiconque peut se voir attiré (de manière irrésistible) vers le lieu (ou l'époque) d'un trauma primal, (dans une démarche subconsciente lui permettant) de demeurer sous l'emprise d'une terreur névrotique irrépressible, sans se donner la moindre chance d'oubli et d'apaisement que la raison ou le sens des réalités peuvent procurer. Ainsi, les politiques israéliennes ne peuvent qu'apparaître telles qu'elles sont, et non telles que leurs propagandistes voudraient qu'elles soient perçues. C'est pourquoi nous devons fédérer les efforts combinés des dissidents israéliens comme ceux des intellectuels arabes et des citoyens ordinaires. Car non seulement les distorsions du langage et d'une histoire "non révisée" ont-elles infecté le processus de paix d'une manière fatale, mais elles semblent bien avoir pénétré jusqu'à la pensée de leaders dont la responsabilité première s'adresse au peuple qu'ils dirigent, bien avant leurs ennemis ou leurs maîtres putatifs (dans le cas d'espèce, les Etats-Unis). Les bonnes leçons devraient être tirées des remontrances adressées par Colin Powell à Israël après son incursion à Gaza. Il commençait par y condamner la résistance palestinienne : ce n'est qu'en second lieu qu'il condamnait la réponse d'Israël à cette dernière, parce que "disproportionnée" (...) : on est donc très loin de la vérité, et ces déclarations ne font que donner un prolongement aux distorsions de la vision qui annihilent, depuis toujours, nos plaidoiries de peuple injustement lésé. Si nous devions n'être perçus que comme les trublions de l'existence d'Israël - qui, présenté faussement comme un état assiégé et victime, continue à être lui-même l'image à l'aune de laquelle notre résistance est jugée - alors nous ne pourrions aspirer tout au mieux qu'à une solution mutilée et à une parodie de processus de paix encore plus outrageusement biaisée (à supposer que cela se puisse). Il me semble, dès lors, que la tache primordiale de toute(s) négociation(s) qui découlerai(en)t de l'Intifada, serait de s'atteler d'arrache-pied à corriger l'erreur initiale et à remettre Israël à sa juste place de puissance coloniale adulte (et responsable) portant atteinte à un peuple entier en contrevenant aux lois tant du temps de paix que du temps de guerre. Même la direction palestinienne, aussi désespérément désorganisée et impénitente soit-elle, devrait se voir convaincre de cette réalité élémentaire avant qu'elle ne commette plus de dégâts encore qu'elle n'en a accumulés à cette date. En d'autres termes, comme je l'ai dit dans un précédent papier, nous devons nous emparer du terrain des hautes considérations morales et défendre notre cause, depuis cette position, contre l'injustice d'une occupation militaire ayant dépassé le demi-siècle. Ne conclure qu'un accord intérimaire de sécurité aujourd'hui ne pourrait qu'être futile et immoral. De plus, aucun accord de cette nature ne peut tenir, aussi longtemps que des colonies israéliennes continuent à être construites pendant que les Palestiniens restent enfermés dans leur prison collective. Les seules négociations qui vaillent aujourd'hui doivent porter sur les modalités d'un retrait israélien de tous les territoires occupés en 1967. Tout le reste n'est que perte de temps, pour nous, en tant que peuple.
                
2. Palestine : Un siècle de dépossession par Marie-Christine Aulas
[Marie-Christine Aulas est une spécialiste du Proche-Orient, ancienne députée européenne.]
Cherchez donc son nom sur la carte actuelle du Moyen Orient et vous noterez combien il est difficile sinon impossible de le localiser. Pourtant la Palestine résonne à l'actualité avec une fréquence récurrente. Voilà plus d'un siècle que ce nom, riche d'un passé remontant à la Bible, renvoit au drame d'une population qu'aujourd'hui comme hier le droit international, tout autant que les nombreuses Conventions sur les droits de l'homme, des réfugiés ... semblent ignorer.
Dès le début du XXème siècle, les paysans palestiniens se révoltaient contre l'armée ottomane lorsque certaines des parcelles de terre dont ils avaient l'usufruit étaient vendues au Fonds national juif par de riches propriétaires absentéistes. Une fois achetés, ces lopins de terre devaient être livrés vides de leurs habitants ; ainsi le spécifiait le contrat de vente (1). Tandis que l'armée ottomane protégeait la propriété des nouveaux acquéreurs qui, contrairement au colonialisme "classique", n'avaient curieusement pas le souci de faire fructifier la terre, les Palestiniens étaient écartés de ces enclaves protégées manu militari. Ainsi s'annonçait la longue histoire de leur dépossession qui, sous diverses méthodes, se poursuit jusqu'à présent.
Depuis 1948, la "nakba" (catastrophe) reste gravée dans les mémoires : 61% de la population palestinienne sous mandat britannique depuis 1920 fut alors chassée du pays et 418 des villages palestiniens furent totalement et définitivement détruits (2). Le nombre global des réfugiés s'élève aujourd'hui à 3,5 millions, officiellement recensés par l'Office des Nations Unies en charge de leur survie (UNRWA). Ils sont en fait bien plus nombreux, auxquels s'ajoutent près de 2 millions non recensés comme réfugiés.
Le 6 juin 1967 éclate la guerre éclair dite des "6 jours" (elle n'a duré en fait que 48h) qui précipita, cette fois au-delà des limites de la bande de Gaza, de la Cisjordanie comme de Jérusalem Est, plusieurs milliers d'entre eux. Nouvel exode, nouvelle errance. Trente quatre plus tard, la lutte des Palestiniens pour l'indépendance et la liberté se poursuit à l'intérieur du territoire de Palestine occupée depuis 1967. Dans ces limites reconnues par les résolutions adoptées par les Nations Unies, acceptées comme base des négociations entamées à Madrid en 1991 puis entérinées par des accords (préliminaires)  d'Oslo signés à Washington en 1993, pour être la base du futur Etat palestinien, les forces d'occupation demeurent présentent au quotidien.
Au quotidien, l'occupation rythme la vie des 2 700 000 Palestiniens qui naissent, survivent et meurent dans cette partie du territoire de l'ancienne Palestine, aujourd'hui éclatée en trois entités :
- La bande de Gaza à l'ouest compte 800 000 réfugiés répartis dans 8 camps ainsi que des non réfugiés soit globalement 1,3 millions d'habitants sur une bande de terre de 40 kms de longueur, 6 à 15 kms de large : la plus forte densité au monde. De plus, ce territoire exigu se voit amputé de 40% de sa superficie (au total: 378 km2) par la présence de plusieurs colonies de peuplement protégées par une armée  d'occupation qui compte plus de soldats que les 5 000 colons qui y vivent. Longeant la Méditerranée, les
Palestiniens de cette étroite bande de terre y ont toujours pratiqué la pêche; désormais, la moitié de la côte est réservée aux seuls colons, quant à la pêche, elle est restreinte pour des "raisons de sécurité". Voilà plusieurs années que le Port Autonome de Marseille doit y construire un Port, les crédits ont été débloqués : or, sa réalisation n'a toujours pas été autorisée. Sa construction demeure en effet soumise aux autorités d'occupation, tout comme l'activité de l'aéroport international construit au lendemain de la signature à Washington des Accords d'Oslo. L'aéroport contrôlé par l'armée d'occupation est en réalité fermé au trafic aérien. Bloquée par les airs comme par la mer, la bande de Gaza n'a d'accès à l'extérieur que par la voie terrestre d'Erez au nord, contrôlée par l'occupant. Nul Palestinien ne peut entrer ni sortir sans passer par cet unique check point : encore faut-il que sa carte d'identité ait une couleur correspondant aux possibilités du moment, à l'âge requis, ou bien encore à un passé indemne de tout signe de révolte. Encore faut-il que la Bande ne connaisse ni le couvre feu ni le blocus. Et encore ? les files d'attente des travailleurs journaliers, attendant bien avant l'aube pour tenter leur chance d'obtenir un travail au noir chez l'occupant, sont si longues et encombrées que nombre d'entre eux ne parviennent jamais à passer le filtre permettant d'atteindre ce qui, de l'autre côté de la frontière, est dénommé "le marché aux esclaves"!
- La Cisjordanie à l'est compte quant à elle 19 camps avec 600 000 réfugiés sur un total de1,4 millions d'habitants. Le territoire de 5 879 km2 avec moins de 150 kms dans sa plus grande longueur est privé de 73% de la superficie, récupérée par l'occupant. Ses techniques d'acquisition de la terre ont été multiples depuis 1967 : soit la terre a été déclarée bien vacant de propriétaires absents une fois ceux-ci poussés ou contraints à partir, ou bien l'interprétation spécieuse de textes législatifs empruntés indistinctement au droit ottoman, jordanien, anglais (selon les époques précédentes) ou bien encore les innombrables décrets militaires de l'occupant conduisent à déclarer "terre d'état" de vastes espaces longtemps dévolus aux villes et villages comme au cheptel des populations essentiellement rurales. A ces méthodes de dépossession, s'en ajoute une autre inédite qui concerne les espaces à dimension symbolique, ou décrétés comme tels, par des fanatiques venus le plus souvent d'Outre Atlantique, frappés d'un archaïsme éloquent puisqu'ils s'estiment investis d'une dimension divine ! Dès 1967, les premiers d'entre eux avaient investi le cœur de la ville d'Hébron, protégés par l'armée d'occupation. Aujourd'hui, le nombre des colonies de la seule Cisjordanie avoisine 150 implantations où vivent 160 000 colons armés, installés au cœur des territoires palestiniens dont ils mettent les habitants en danger permanent avec le soutien tacite de l'armée d'occupation. Ces colonies sont reliées entre elles par des routes de contournement, taillées dans les collines à leur seule intention. Depuis la signature des Accords d'autonomie (ou Accords de Taba) en 1995, les villes les plus peuplées de Cisjordanie ont été confiées aux forces de sécurité de l'Autorité palestinienne, rentrée d'exil l'année précédente. Huit agglomérations sont concernées: Ramallah où siègent les services administratifs de l'Autorité, Naplouse, Djénine, Tulkarem, Qalqilya au nord, Jéricho à l'est, Bethléem et Hébron au sud (avec un régime spécial compte
tenu de la présence des colons au centre ville). Le retrait des forces d'occupation de ces villes leur évite de se trouver confrontées aux populations, comme elle leur permet à tout moment d'assurer un bouclage
isolant les villes les unes des autres. Impossible alors d'en sortir ou d'y entrer avec ce que cela implique pour chacun dans sa sphère d'activités :
les conséquences économiques sont incommensurables, les malades risquent leur vie, les étudiants sont privés d'enseignement... Cette géographie en "peau de léopard" permet d'assiéger les villes comme leurs habitants pris au piège : ainsi les bantoustans créés par l'apartheid qui dominait en Afrique du Sud se voient-ils réactualisés, mais cette fois dans l'indifférence internationale.
- Jérusalem Est, incluant la ville ancienne considérée comme sainte par les trois monothéismes, a été officiellement annexée par l'occupant dès sa conquête de juin 1967. Le périmètre de la ville a aussitôt été décuplé sur des terres appartenant aux Palestiniens. Là depuis 34 ans d'occupation, il s'est agi d'élargir et de cerner progressivement la ville avec des colonies de peuplement largement subventionnées : méthode permettant de modifier les réalités démographiques de Jérusalem Est à dominante palestinienne musulmane tout autant que chrétienne. Ce faisant, le "Grand Jérusalem" dénature le site, porte atteinte au patrimoine mondiale de la Cité et relègue sur les marges la population palestinienne dont une partie a pu accéder à la nationalité de l'occupant au même titre que la minorité palestinienne qui
n'a pas connu l'exode en 1948. Ainsi ces citoyens palestino-israéliens bénéficient-ils de plaques d'immatriculation identiques à celles de l'occupant et donc de la possibilité de se déplacer. Ce qui n'est pas le cas des autres : depuis 1994, l'accès à Jérusalem est interdit aux Palestiniens non résidents. Quiconque voulant se rendre de Bethléem à Ramallah (soit 30 kms) devra compter sur un trajet de près de 2h, sous réserve qu'il n'y ait pas d'interdiction totale.
Au-delà de cet éclatement géographique induit par un siècle de dépossession, le quotidien des Palestiniens subit les conséquences des restrictions sur les biens les plus élémentaires, tels l'eau. Au mépris du droit international, celle-ci est soumise à une loi de l'occupant faisant des ressources hydrauliques "une propriété publique soumise au contrôle de l'Etat". A partir de cela, la Compagnie Mekorot (gestion) et sa consœur Tahal (Compagnie de planification des ressources en eau), tour à tour
contrôlées par le Gouvernement d'occupation, ainsi que l'Agence juive et le Fonds national juif, exploitent les ressources hydrauliques palestiniennes. Le différentiel entre la consommation des colons et celles des palestiniens s'élève à plus de 1 à 4 (357 M3/an pour les uns, 84,6 M3 pour les autres); le Palestinien payant sa propre eau à l'occupant à un prix nettement plus élevé que le colon, largement subventionné. A cette discrimination s'ajoute l'usage intempestif par l'occupant de nappes phréatiques qui les détériorent définitivement. Pour les Palestiniens, la pénurie d'eau, qualitative et quantitative, engendre la propagation de maladies ; que cela soit lié à des carences et donc à des déshydratations ou bien aux conséquences de stockage d'eau stagnante. Autre incidence de la difficulté d'accès à l'eau pour une population traditionnellement attachée à la culture de la terre : la difficulté sinon l'impossibilité d'irriguer les champs. Quant à la production agricole de fruits et légumes palestiniens dont l'Union européenne a facilité l'importation depuis 1987, elle demeure soumise au bon vouloir des autorités d'occupation. Et tout est fait pour y nuire. Dans un premier temps, il s'est agi de l'interdire et, après intervention de l'Union européenne, de multiplier les entraves : manipulations multiples des caisses d'agrumes et d'aubergines, longue attente au soleil sur les quais du Port d'Ashdod avant un embarquement problématique, pannes "inexplicables" des chambres frigorifiques sur le bateau exclusivement israélien. Conséquences : lorsqu'elles atteignent l'Europe, les productions agricoles palestiniennes s'avèrent souvent impropres à la vente ! Tandis que les productions israéliennes arrivent à bon port au terminal de la Société Carmel sur les quais de Marseille. Ainsi va la concurrence ... L'agriculture qui a valu à la Palestine d'être qualifiée dans la Bible de "Terre du lait et du miel" avant de voir sa nature à nouveau célébrée par les écrivains voyageurs européens du XIXème souffre  quotidiennement de l'occupation : le nombre d'oliviers déracinés ne se comptent plus, les cultures aspergées de produits nocifs par avion ont cessé de retenir l'attention de l'actualité, mais pas celle des paysans sans recours. Comment saisir l'étonnante difficulté rencontrée pour pouvoir disposer de sa
propre terre ? A l'agriculture s'ajoute depuis 1994, cette géographie en "peau de léopard" qui délimite trois zones A, B, C et à travers celles-ci le système de sécurité : essentiellement palestinien en zone A, uniquement israélien en zone C, partagé en zone B. Dans ce quadrillage, l'autorisation de construire est conditionnée à l'autorité d'occupation dans les zones B et C. Ainsi des immeubles construits depuis plusieurs années sur une colline située en zone B peuvent être considérés comme danger stratégique et donc appelés à être détruits malgré l'autorisation de construire antérieure à la délimitation des zones. De plus, ce découpage à l'œuvre en période de calme relatif n'est plus opératoire depuis le nouveau soulèvement. Désormais, l'occupant s'autorise à lancer chars et bulldozers dans les camps de réfugiés pour supprimer d'un coup d'un seul les habitations jugées dangereuses, laissant ainsi leurs habitants dépouillés et sans toit (3).
Ainsi chaque acte de la vie quotidienne se trouve-t-il au mieux difficile, le plus souvent inaccessible ou piégé. Autrement dit, la Palestine évoque une prison à ciel ouvert qui, au fil du temps, n'a cessé d'affiner les méthodes d'enfermement, d'humiliation et de négation sous couvert d'un discours de Paix plus réservé à la propagande extérieure qu'à la réalité vécue par les Palestiniens. Comme si à l'occupation concrète de la terre faisait écho l'occupation de l'imaginaire occidental qui ne perçoit la Palestine que dans le champ symbolique de la Terre sainte.
Rien d'étonnant à ce que, ancrée dans l'éphémère, l'actualité oscille entre des palinodies sur la Paix et des images récurrentes de guerre, ignorant ainsi le drame du quotidien de l'occupation. Parallèlement aux témoignages des Palestiniens si peu écoutés en Occident, rappelons celui de quelques Israéliens le plus souvent marginalisés chez eux. Ainsi Baruch Kimmerling déclare-t-il "Depuis 1967, des millions de Palestiniens ont vécu sous occupation militaire, sans aucun droits civils, et dépourvus pour la plupart
des droits humains les plus élémentaires. La poursuite de l'occupation et des répressions leur octroie, à tous égards, le droit de résister à cette occupation en utilisant tous les moyens à leur disposition, et de recourir à la violence pour s'y opposer. Il s'agit là d'un droit moral inhérent à la loi naturelle et au droit international" (4). Au-delà, c'est la résistance des jeunes israéliens qui refusent de participer à la répression ; leur mouvement prend une ampleur sans précédent tout en demeurant ignoré des
media (5).
C'est à cette prise de conscience d'un quotidien si peu quotidien qu'œuvre l'initiative "Vivre la Palestine en Provence" à laquelle participent plusieurs associations régionales dans un espace qui tente de reproduire l'exiguïté des distances évoquées. Ramenés à l'échelle des lieux, de Port de Bouc à Aubagne en passant par Marseille, il s'agira le samedi 9 juin d'évoquer à chacune des étapes les préoccupations élémentaires de la survie palestinienne: la terre, l'eau, habiter, se déplacer. Et de réclamer la construction du Port de Gaza comme le jumelage de Marseille avec cette Ville au passé prestigieux (6). Agir et partager le quotidien à travers l'évocation de témoignages comme de réalités, n'est-ce pas éclairer un nouvel horizon de solidarité active ? (7)
- NOTES -
1 - Elias SANBAR "Palestine 1948: L'expulsion" Editions de Minuit 1984 p. 24
2 - Walid KHALIDI "All that remains. The Palestinian Villages Occupied and Depopulated by Israel in 1948" The Institute of Palestine Studies 1992
3 - Le Figaro 12 avril 2001 "la nuit des chars à Khan Younès"
4 - Ha'Aretz 27 mars 2001 "Libre opinion"
5 - Site
http://indymedia.org.il
6 - Exposition "Gaza méditerranéenne" présentée à l'Institut du Monde Arabe du 21 septembre au 12 novembre 2000 puis au Musée de l'Arles antique du 25 novembre au 21 janvier 2001 - Voir le mensuel "Le Monde de la Bible" n° 127 mai-juin 2000
7 -Informations détaillées sur le programme de la Journée du 9 juin [voir dans la rubrique "Rendez-vous"]
                    
3. Israël met au point une "bombe ethnique" pendant que Sadam Hussein est en train de s'effondrer par Uzi Mahnaaimi et Marie Clovin
in News from withim (mensuel israélien) du vendredi 2 mars 2001
[Traduit de l'anglais par Jacques Salles]
[Cet article est paru dans le mensuel "News from within" (Nouvelles de l'intérieur), publié par le Centre d'Information Alternative que dirige Michel Waschawski. Cet article a été publié à l'origine dans le London Sunday Times du 15 novembre 1998.]
Selon les sources des Services de la Défense israélienne et selon les renseignements généraux des pays de l'Ouest, Israël travaille à la mise au point d'une arme biologique qui s'attaquerait aux arabes mais pas aux juifs. L'arme, ciblant ses victimes selon leur origine ethnique, est considérée comme étant la réponse à la menace que fait planer l'IRAK d'attaques chimiques et biologiques.
En mettant au point leur "bombe ethnique" les scientifiques israéliens s'efforcent d'exploiter leur avance en matière de recherche médicale, en identifiant les gênes spécifiques dont sont porteurs les arabes, afin de créer une bactérie ou un virus génétiquement modifié. L'objectif est  d'utiliser la capacité qu'ont les virus et certaines bactéries de modifier l'A.D.N. à l'intérieur même des cellules vivantes de leurs receveurs. Les scientifiques s'effor- cent de mettre au point ces micro -  organismes mortels qui ne s'attaqueront qu'aux porteurs de ces gênes spécifiques.
Ce programme est confié à l' Institut israélien de biologie de NES TZIYONA, le mieux équipé en matière de recherche pour la maintenance de son arsenal clandestin d'armement chimique et biologique.
Un des scientifiques de cet Institut a déclaré que la tâche était rendue très compliquée du fait qu' arabes et juifs sont tous les deux d'origine sémitique. Mais il a ajouté :" … Toutefois l'Institut est déjà parvenu à localiser avec précision les caractéristiques spécifiques au profil génétique de certaines communautés arabes, en particulier le peuple irakien…"
Cette infection pourrait se répandre dans l'organisme par pulvérisation de ces micro organismes dans l' atmosphère ou par leur dilution dans les conduites d'eau.
Cette recherche renvoie aux études biologiques menées par des scientifiques sud africains pendant l'époque de l'Apartheid, études qui ont été dévoilées lors de la comparution de certains d'entre eux devant la "Commission Vérité et Réconciliation".
La simple idée que l'état juif puisse mener une telle recherche a déjà provoqué  des outrages dans certains milieux à cause des similitudes avec les expériences génétiques du docteur JOSEF MENGELE, le scientifique nazi de AUSCHWITZ.
DEDI ZUCHER, membre de la knesset ( le parlement israélien) a stigmatisé cette recherche :" … Nous référant à notre propre histoire, à notre tradition et à notre expérience, moralement une telle arme est monstrueuse et elle devrait être proscrite."
De leur côté quelques experts ont déclaré que "…. Bien que l'arme à cible génétique soit réalisable, certaines considérations pratiques seront beaucoup plus difficiles à surmonter".
Le docteur DAAN GOOSEN, responsable de l'armement chimique et biologique de l'Afrique du sud a déclaré pour sa part que son équipe de recherche avait reçu l'ordre dans les années 80, de mettre au point une "arme anti pigmentation" qui ne cible que les populations noires. Il a révélé que l'équipe avait étudié la possibilité de l' injecter dans la bière et même dans les vaccins mais aucun essai n'a été tenté.
Toutefois un rapport confidentiel du Pentagone a mis en garde contre le fait que "…des agents biologiques pourraient être génétiquement mis au point pour produire de nouvelles armes mortelles…" .
WILLIAM COHEN, l' ancien secrétaire d'état U.S. à la défense , a révélé qu'il avait reçu des rapports de certains pays qui mettent au point "certains types pathogènes à spécificité ethnique". Un proche de W.COHEN a confirmé qu' Israël était un de ces pays que le Secrétaire à la défense avait à l'esprit quand il a fait sa déclaration.
Le revue "Foreign report" (Rapports sur l'étranger) qui se consacre tout spécialement aux problèmes de sécurité et de défense, rapporte que les israéliens ont découvert des maillons importants de la construction génétique chez les arabes, en particulier chez les irakiens.
La "B.M.A." (Association médicale anglaise) se considère aujourd'hui tellement concernée par ce potentiel de mort que présentent ces armes biologiques
à base génétique, qu'elle a ouvert une enquête approfondie sur la question dont les résultats devraient être connus sous peu. Le docteur VIVIANE NATHANSON, responsable de cette enquête a déclaré  :
"…avec de telles armes ciblées sur des ethnies particulières, il est possible de ne s' en prendre qu'à un groupe ethnique au sein d'une population. …. L'histoire des guerres dans lesquelles le facteur ethnique joue souvent un rôle important, nous montre combien une telle arme est dangereuse."
PORTON DOWN , responsable de la "Fondation pour la défense biologique" en Angleterre a déclaré récemment  que de telles armes étaient théoriquement possible.  "… Nous avons atteint un seuil au delà duquel il y a aujourd'hui le besoin urgent d'une convention internationale pour le contrôle de toutes les armes biologiques."
             
4. Mythe et réalités du sionisme par Michel Gilquin
in les CEMOTI - Cahiers d'études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien - (N°30 - juin/décembre 2000)
[L'article suivant, a été rédigé à la suite d'une "dérive de justification du sionisme" dans le numéro 28 des CEMOTI (Cahiers d'études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien), où un dossier, coordonné par Esther Benbassa, était consacré aux relations entre la Turquie et Israël, sous le titre : "Turquie/Israël, un siècle d'histoire partagée". Nous vous le proposons, car l'analyse développé par l'auteur, est intéressante au delà du dossier auquel elle répond. ndlr.]
Le dossier Turquie/Israël est parvenu au lecteur à un moment où les promesses d'une cohabitation pacifique entre Israéliens et Palestiniens semblaient être dans l'impasse. Ce dossier était donc d'une brûlante actualité. Le processus de paix n'a été rendu possible que parce que les Palestiniens, en même temps qu'ils revendiquaient la naissance de leur Etat, reconnaissaient la légitimité de l'existence de l'Etat d'Israël, aboutissement d'un demi-siècle de colonisation de l'ancienne Palestine ottomane. Cette reconnaissance de droits pour les Juifs d'avoir leur Etat ne vaut pas acceptation de l'idéologie nationaliste juive, ou sionisme, qui considère la Palestine comme Eretz-Israël, ou la terre d'Israël, aux limites imprécises.
Or le sous-titre du dossier est : un siècle d'histoire partagée ! Bien que Esther Benbassa ainsi que nombre de contributeurs ne puissent être soupçonnés de nier les droits à l'existence des Palestiniens, ce sous-titre indique clairement une orientation partisane, un parti-pris délibéré. Israël étant né en 1948, parler d'histoire partagée durant un siècle, suggère implicitement que Turquie comme Israël sont, l'un comme l'autre, la réalisation de projets semblables d'affirmation nationale dans un même espace, celui de l'Empire ottoman, dont les deux Etats seraient, au même titre, en quelque sorte les héritiers. Cette réécriture de l'histoire pose a priori comme indiscutable, définitive, la légitimité du Yishouv sur la Palestine depuis ses origines à la fin du XIXème siècle. On est loin là de la nouvelle historiographie qui, comme l'évoque la coordinatrice des contributions, émerge aujourd'hui chez certains en Israël, et dont Benny Morris est l'un des représentants.
Toutefois, cet héritage douteux a besoin de revenir sur les tentatives infructueuses d'acheter le notaire de la Sublime Porte (le notaire anglais sera plus complaisant) : le dossier apporte des éléments sur les démarches de Herzl auprès du Sultan, puis des Jeunes Turcs, pour pouvoir installer en Palestine les premiers pionniers sionistes, ashkénazes ; dans le même temps, il est rappelé que le fondateur du sionisme déclinait les offres d'accueillir les rescapés des pogromes d'Ukraine, de Pologne et de Russie dans le reste de l'Empire ottoman. Les juifs ottomans, qui, eux, avaient la possibilité de s'y installer librement, n'ont pas fait ce choix à cette époque. Il est donc indéniable que le Yishouv est un produit européen, spécifique certes, à une époque d'expansion coloniale. Mme Benbassa rappelle avec justesse que "les sépharades étaient des juifs de seconde zone pour les chevilles ouvrières du sionisme". De même que les fondateurs du sionisme, originaires de l'Empire austro-hongrois où le processus d'individuation avancé remettait en cause les attitudes communautaires, se sont servi des Juifs de l'Empire tsariste, victimes des persécutions judéophobes (inspirées par le fanatisme religieux) tant des orthodoxes russes que des catholiques polonais, comme "cheville ouvrière" de leur projet d'un Etat juif, comme base de masse pour la colonisation, faute d'avoir pu être suivis dans leur propre pays. C'est profitant de la fragilisation communautaire face à l'individuation des couches moyennes que les sionistes ashkénazes ont pu manipuler une masse grandissante de juifs ottomans. Si Esther Benbassa apporte un éclairage intéressant sur cette entreprise, menée entre autres par Jabotinsky, qui fut à l'origine de l'Irgoun, pourquoi reprend-t-elle à son compte l'expression de Dizengoff : des sionistes sans sionisme, pour qualifier ceux qui, sans être véritablement des nationalistes juifs, ont fini par suivre le mouvement, en partie pour retisser des solidarités communautaires disparues ? La question n'est pas spécifique à l'Empire ottoman ; la masse des Marocains, Tunisiens et Algériens juifs qui ont fini par émigrer en Israël ne l'ont pas fait par adhésion au sionisme, mais à la suite de la décolonisation de ces pays qui les fragilisait soudain. Dire de ces communautés, ottomanes ou maghrébines, qu'elles étaient sionistes sans sionisme, insinue leur adhésion naturelle, tacite, inconsciente, au nationalisme juif ; or, beaucoup d'éléments témoignent, au contraire, d'un profond attachement à leur patrie d'origine, tel que le montre fort bien le reportage télévisé de David Assouline intitulé "Du paradis perdu à la terre promise" et consacré aux Juifs de Sefrou au Maroc.
Ces quelques prises de position partisanes n'empêchent pas la haute tenue des contributions. Certes, Jacob Landau, à propos de la langue comme instrument de promotion nationale, indique dans une même foulée que l'hébreu était une langue morte, reléguée dans le domaine religieux (or la plupart des pionniers ne fréquentaient plus la synagogue) mais qu'en même temps, c'était le seul "marqueur" d'unification des juifs : ceci mériterait sans doute de s'interroger sur l'érection des communautés juives diversifiées de par le monde, de langues et cultures variées, comprenant une vaste palette sociale et un rapport très différencié à la pratique religieuse, en une "nation" ayant vocation à constituer son Etat, fût-ce en chassant des ... indigènes de l'Empire ottoman.
Plus dérangeante, dans le droit fil de la rhétorique sioniste, est l'affirmation selon laquelle les bonnes relations actuelles entre Turquie et Israël garantiraient les citoyens juifs turcs contre les tracasseries qui furent parfois leur lot dans le passé. Là encore, le parti-pris réaffleure : Israël, en fonction des relations que d'autres pays entretiennent avec lui, est crédité du rôle de garant contre l'antisémitisme. Affirmation gratuite, qui participe toujours de la justification de l'idéologie sioniste, qui postule l'impossibilité d'une coexistence harmonieuse durable entre goys et juifs d'un même pays ! Que le gouvernement actuel de la Turquie soit composé pour partie de membres éminents du MHP, parti qui, historiquement, possède des accointances avec l'idéologie nazie, ne semble pas gêner certains intervenants, peut-être parce que Tsahal collabore, dans le cadre des accords militaires, avec le ministre de la Défense (MHP) d'Ankara ... ?
Enfin, pour faire bonne mesure, deux contributions, l'une en français, l'autre en anglais (sans doute pour que le lectorat anglophone n'y échappe pas) signées Rifat Bali, présentent les antisionistes en Turquie comme des racistes ou des fanatiques musulmans antisémites. Comme partout, existent en Turquie des racistes : mais le choix d'une association d'inspiration fasciste et la généralisation qui est suggérée posent problème ; car le lecteur des CEMOTI en conclut que les islamistes turcs sont tous judéophobes (et depuis quand Moïse n'est plus un des prophètes de l'Islam ?) et que les antisionistes turcs sont tous imprégnés d'une passion hitlérienne... Que de tels groupes s'agitent, que de telles positions se manifestent, et qu'il faille les dénoncer, cela va de soi. Ce qui ne va plus guère, c'est quand, unilatéralement, ces seuls thèmes sont choisis et que s'esquissent, en filigrane, des amalgames...
Mme Benbassa rappelle que le sionisme a déstabilisé l'équilibre fragile de la communauté dans l'espace ottoman (p 24). Comment occulter qu'il a, plus largement, déstabilisé, depuis un demi-siècle, les équilibres de toute la région de la Méditerranée Orientale et au-delà, par son oeuvre continue de prédation, pour reprendre le mot qu'adopte l'écrivain de Jaffa, Israël Shamir, dans son article récent en réponse à Elie Wiesel à propos de Jérusalem ("Le viol de Dulcinée") ?
S'il est naturel que les contributeurs expriment, en dépit du caractère scientifique de leurs travaux, des opinions voire des passions personnelles qui n'engagent qu'eux-mêmes, il est regrettable que ce dossier, très riche, ait été constitué de manière aussi unilatérale.
               
Revue de presse

                    
1. Les raids israéliens en territoire palestinien se poursuivent par Deborah Camiel
Dépêche de l'agence Reuters du samedi 19 mai 2001, 17h37

JERUSALEM  - Au lendemain d'une journée particulièrement meurtrière au Proche-Orient, l'armée israélienne a poursuivi samedi ses raids sur des cibles palestiniennes en visant des bâtiments de la sécurité et de la police à Djénine et Tulkarem, en Cisjordanie. Dans ces deux villes, les frappes ont fait en tout une cinquantaine de blessés, en majorité des civils. Tsahal explique que ces raids visaient deux "cibles terroristes", à savoir les QG des services de police et de sécurité palestiniens.
Les soldats israéliens ont également abattu, dans la matinée, un membre des forces de sécurité palestiniennes en Cisjordanie et un agriculteur palestinien dans la bande de Gaza, ont rapporté des sources proches de la sécurité palestinienne et des sources hospitalières.
Selon Tsahal, les deux victimes étaient armées et constituaient une menace pour ses soldats.
Dans la ville cisjordanienne de Naplouse, un Palestinien de 20 ans a été tué par des soldats israéliens alors qu'il jetait des pierres, au sortir des funérailles de 11 policiers palestiniens tués vendredi dans les frappes menées par des chasseurs F-16 israéliens, apprend-on de source hospitalière.
Les raids menés par Tsahal sur Tulkarem, Ramallah, ainsi que sur plusieurs objectifs de la bande de Gaza ont fait en tout au moins douze morts - dont un à Ramallah - et plus de 90 blessés.
"C'est la guerre, mes amis, c'est la guerre", a déclaré à Reuters le ministre israélien des Communications, Reuven Rivlin.
Le ministre palestinien de l'Information, Abed Rabbo, a demandé que cesse ce qu'il a appelé "les crimes israéliens d'instigation de la terreur et d'anéantissement total du peuple palestinien".
L'Autorité palestinienne a condamné vendredi l'attentat-suicide commis vendredi par un militant du Hamas devant un centre commercial de la ville israélienne de Netanya, qui a fait sept morts dont le porteur de bombe, et plus d'une centaine de blessés. Israël a justifié ses frappes aériennes par la violence de cet acte commis sur son propre sol.
Mais les Palestiniens ont surtout appelé Israël à la retenue après cette journée, la plus meurtrière depuis le début de la seconde intifada palestinienne, en septembre.
Des cris de vengeance se sont élevés samedi à Naplouse, en Cisjordanie, tandis que des Palestiniens prenaient part aux obsèques de onze victimes tombées la veille au cours des raids.
Dans la ville de Tyr, au Liban, ainsi que dans le sud du pays, plusieurs centaines de réfugiés palestiniens ont manifesté contre les raids, dénonçant eux aussi ce qu'ils considèrent comme une absence de réaction de la part de la communauté internationale.
Appel syrien au boycott d'Israël
Les frappes israéliennes ont suscité une indignation unanime de la communauté internationale.
Les Etats-Unis, l'Onu et l'Union européenne ont réaffirmé leur inquiétude face à l'escalade de la violence, dont le chef de la diplomatie allemande Joschka Fischer s'est dit "profondément troublé".
Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a sévèrement condamné l'attentat-suicide de Netanya mais, tout comme Moscou, a jugé la riposte israélienne "disproportionnée" et a appelé à la fin des violences et à la reprise des négociations.
Le Kremlin a fait savoir que le président russe Vladimir Poutine avait abordé samedi ce sujet par téléphone avec le Premier ministre israélien Ariel Sharon.
La Suède, présidente en exercice de l'Union européenne, s'est dite "choquée" par l'aggravation de la violence et a exhorté les protagonistes, dont elle estime qu'ils portent tous deux une part de responsabilité dans cette situation, à revenir s'asseoir à la table des négociations.
Le monde arabe a condamné de façon virulente les raids israéliens, l'Egypte qualifiant d'"acte de guerre" l'utilisation par l'Etat hébreu de chasseurs F-16.
Les chefs de la diplomatie arabe ont rencontré au Caire le président de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat pour aborder la question.
"(Cela) appelle une rapide intervention internationale visant à faire cesser les assassinats planifiés de Palestiniens qui ont pour but de les exterminer", a déclaré le secrétaire général de la Ligue arabe, l'ancien chef de la diplomatie égyptienne Amr Moussa.
Moussa a précisé que les raids israéliens et l'aide apportée par les pays arabes à l'intifada palestinienne seraient à l'ordre du jour de la réunion des ministres.
De source diplomatique, la Syrie a appelé une nouvelle fois à un boycott de l'Etat hébreu mais les délégués ne sont pas parvenus à un consensus sur ce sujet.
Dans le Golfe, la presse a critiqué les raids de façon virulente et s'est étonnée du fait que le gouvernement d'Ariel Sharon pense encore pouvoir mater l'intifada par la force.
De son côté, le journal saoudien el-Ittihad a jugé que "les Etats-Unis et la communauté internationale (devraient) faire comprendre à Sharon que la violence dont il fait usage à l'encontre des Palestiniens est une épée à double tranchant".
                
2. La Croix-Rouge dénonce les "crimes" d'Israël par Alexandra Schwartzbrod
in Libération du vendredi 18 mai 2001
Alors que les raids sur Gaza et la Cisjordanie s'intensifient.
Jérusalem de notre correspondante - Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) est sorti, hier, de son habituelle retenue pour s'alarmer de la situation dans les territoires palestiniens, n'hésitant pas à qualifier de «crime de guerre» la politique de colonisation menée par Israël. «Chaque fois que les droits humanitaires internationaux définis par la convention de Genève sont violés, il y a crime de guerre», a lancé René Kosirnik, chef de la délégation du CICR en Israël et dans les territoires palestiniens. «C'est vrai que des actes "anormaux" et donc des crimes de guerre sont commis des deux côtés (israélien et palestinien, ndlr), mais on ne peut pas les mettre au même niveau. Car il y a, d'un côté, une population occupée, de l'autre une puissance occupante toute-puissante.»
Préoccupation. Le gel des colonies juives en territoire palestinien est, selon le rapport de la commission Mitchell, une des principales conditions de l'arrêt de la violence dans la région. Soutenu vigoureusement jeudi par le Parlement européen, ce gel est au centre de toutes les discussions diplomatiques. La prise de position du CICR s'ajoute à ces critiques contre l'Etat hébreu. «Selon le droit humanitaire international, la puissance occupante doit porter assistance à la population des territoires occupés. Mais je crains qu'Israël porte plus d'assistance à la population israélienne des colonies qu'à la population palestinienne», a ajouté Kosirnik. «Et le problème, c'est que pour protéger les colons, il faut une force militaire avec toutes les conséquences que cela implique sur les Palestiniens: bouclage, destructions de maisons, de vergers et de champs, même si, dans de nombreux cas, les impératifs de sécurité ne le justifient pas... Nous sommes très préoccupés.» Le gouvernement israélien s'est dit hier «consterné» par ces propos, soulignant la nécessaire neutralité du CICR.
Le ton monte. Alors que les forces israéliennes amplifient leurs raids aériens désormais quotidiens sur Gaza et la Cisjordanie (ceux de mercredi soir sur Gaza auraient fait quatorze blessés dont six policiers et deux enfants dans le camp de réfugiés de Jabalya), le ton monte entre les deux camps. «Nous intensifions notre activité pour nous protéger. Mais je pense qu'à terme nous devrons commencer à combattre les Palestiniens à outrance», a déclaré à New York le ministre de la Sécurité intérieure, Uzi Landau. «Les bombardements, les assassinats, la réoccupation de villes vont simplement accroître la rage et la détermination des Palestiniens d'en finir avec l'occupation et de chasser les colons», a répondu Ahmed Abdel Rahman, un proche conseiller de Yasser Arafat.
                    
3. Les Etats-Unis envisagent (timidement) d'assumer un rôle plus important au Moyen-Orient par Jane Parlez
in The New York Times (quotidien américain) du jeudi 17 mai 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Washington, 16 mai -- Confrontée à une pression croissante la poussant à intervenir afin de contribuer à faire reculer la violence au Moyen-Orient, l'administration Bush s'efforce de trouver les moyens de s'impliquer dans le conflit israélo-palestinien, tout en tournant les talons à ce qu'elle considère être les échecs de la présidence Clinton.
Le président Bush a rencontré aujourd'hui, à la Maison Blanche, ses hauts conseillers pour les affaires étrangères, parmi lesquels le Secrétaire d'Etat Colin L. Powell et le Secrétaire à la Défense Donald H. Rumsfeld, au cours d'une réunion qualifiée par des porte-parole officiels de "briefing stratégique".
La pièce de choix au menu de ces conversations fut le rapport remis par une commission internationale emmenée par un ancien sénateur américain, George J. Mitchell.
Mais des officiels ont mis en garde sur le fait que l'administration était en quête d'une formule qui ne cautionne pas le gel des implantations exigé par les Palestiniens et que les Israéliens rejettent. En effet, ce gel des implantations a reçu le soutien de la commission d'enquête Mitchell. Dans le cadre d'une stratégie utilisant le rapport Mitchell comme instrument d'une relance d'éventuelles discussions, le Département d'Etat (affaires étrangères) s'efforce de ménager une rencontre entre le Général Powell et le leader palestinien Yasser Arafat. "Il est très largement reconnu que la situation sur le terrain, entre les Israéliens et les Palestiniens, ne cesse de se dégrader, et que le rapport Mitchell peut offrir l'opportunité de lancer un processus politique à même de stopper cette dégradation", a déclaré un haut responsable de l'administration américaine après la réunion tenue, ce jour, au Conseil National de Sécurité.
Ce changement d'humeur a été provoqué par l'intensification de la violence et les pressions de l'Europe et des pays arabes, notamment l'Arabie Saoudite, demandant aux Etats-Unis de s'engager.
Le Prince Héritier d'Arabie Saoudite, Abdullah, leader expédiant les affaires courantes de ce pays, l'un des principaux alliés arabes des Etats-Unis, a décliné une invitation à se rendre en visite aux Etats-Unis le mois prochain.
Cette rebuffade a été perçue ici comme une marque très claire de désapprobation de la prise de distance par la nouvelle administration vis-à-vis du conflit israélo-palestinien.
Le prince, qui se rendra en visite au Canada en juin, et aurait donc pu inclure les Etats-Unis dans sa visite sans difficulté, a indiqué qu'il ne mettra pas les pieds ici avant que les Etats-Unis aient fait plus (que le rien actuel) afin de convaincre Israël de mettre un terme aux attaques militaires contre les Palestiniens, ont rapporté des diplomates américains.
Certains hauts responsables ont tiré la conclusion qu'à moins que des efforts intenses et sérieux ne soient déployés afin de mettre un terme à la violence, une longue guerre d'usure est devant nous, qui portera gravement atteinte aux intérêts américains dans la région. Le Général Powell est aussi préoccupé par le fait que ses efforts afin de "relooker" les sanctions contre l'Irak se heurtent à l'irritation des alliés arabes (des Etats-Unis) dont il a absolument besoin pour réaliser son projet, mais dont les peuples ne peuvent que faire le constat que les Etats-Unis alimentent la violence contre les Palestiniens. Le président Bush a ostensiblement refusé de rencontrer M. Arafat tant que la violence en Israël et dans les territoires palestiniens ne se calmera pas. Il a, toutefois, rencontré à plusieurs reprises les leaders de la Jordanie et de l'Egypte. La rencontre que le Général Powell souhaite avoir avec M. Arafat interviendrait au cours de la tournée du Secrétaire d'Etat en Afrique et en Europe, qui doit commencer la semaine prochaine. De ce fait, cette rencontre n'aurait pas l'éclat d'une invitation à Washington.
Si l'administration Bush décide de se mêler du conflit israélo-palestinien, ce sera de toute manière dans un style tout différent de celui adopté par l'administration Clinton en cette matière.
A la différence du président Clinton, le président Bush ne serait le cas échéant pas aussi impliqué (personnellement).
"Le président ne programme pas ses rencontres pour le seul plaisir de programmer des rencontres" a commenté un collaborateur de l'administration, en une allusion acerbe aux nombreuses rencontres entre MM. Clinton et Arafat.
Tournant le dos aux méthodes de l'ancienne Secrétaire d'Etat, Madeleine K. Albright, le Général Powell, qui a tenu plusieurs séminaires consacrés au Moyen-Orient au sens large, dans son propre bureau, avec des spécialistes de tous les départements ministériels, se chargera vraisemblablement lui-même de l'action diplomatique (du pays).
Faisant un signe aux Palestiniens, il a rencontré, mardi dernier, au Département d'Etat, le second d'Arafat, Mahmoud Abbas, connu aussi sous le nom d'Abu Mazen. Mais, tempérant quelque peu la chaleur de l'accueil, la conseillère pour la sécurité nationale, Condoleezza Rice, s'est rendue au Département d'Etat pour y saluer M. Abbas, ce qui lui a évité d'avoir à l'accueillir à la Maison Blanche (où se trouve son bureau, ndt).
M. Abbas a déclaré que M. Arafat ne pourrait mettre un terme à la violence du côté palestinien qu'à la condition que le gouvernement israélien commence d'apporter une réponse aux préoccupations palestiniennes, ont rapporté des officiels palestiniens appartenant à sa délégation. Au coeur du problème auquel l'administration (américaine) est confrontée se trouve la question de savoir comment éluder la question du refus catégorique par Israël du gel des colonies, alors que ce gel est l'une des recommandations principales du rapport Mitchell. Les officiels de l'administration Bush disent qu'ils ne peuvent demander ce gel de manière abrupte au Premier ministre israélien Ariel Sharon. M. Sharon a répété à suffisance que son opposition à une proposition de cette nature est une opposition de principe ("philosophique"). De plus, ajoutent les officiels, son gouvernement tomberait immédiatement s'il la déclarait recevable. Après la réunion de ce jour, en présence du président Bush, à la Maison-Blanche, un haut responsable de l'administration a indiqué que le rapport Mitchell, réalisé à la demande du gouvernement des Etats-Unis, serait rendu public officiellement la semaine prochaine. Le gouvernement donnera alors sa position sur le gel des colonies préconisé par le rapport, a indiqué le porte-parole de l'administration.
                 
4. Israël - Le grand désarroi par Henri Guirchoun
in Le Nouvel Observateur du jeudi 17 mai 2001
A l'heure où les affrontements armés ruinent les derniers espoirs de paix, l'amertume et la désillusion s'installent dans toutes les couches de la société israélienne, y compris parmi les partisans les plus fervents d'un dialogue avec les Palestiniens
A deux pas des boutiques et des bars branchés où s'agglutine une jeunesse bruyante, souriante et apparemment insouciante, le café Tamar est un îlot un peu rétro situé au coeur du vieux Tel-Aviv désormais envahi par des yuppies en chemisettes à fleurs. Dans le haut de la rue Shenkin, avec ses tables d'un autre âge, ses serveuses un peu revêches et ses murs couverts d'affiches politiques, le café Tamar reste « le » rendez-vous de prédilection de la gauche israélienne. D'anciens ministres, des députés qu'on croyait, il y a six mois encore, promis à un destin national y retrouvent leurs amis artistes ou écrivains avec lesquels ils ruminent leurs espoirs vaincus en lapant des « cafés renversés ».
Parmi eux, le romancier Yoram Kaniuk, l'un des monuments des lettres israéliennes, qui ne résiste pas au plaisir d'une longue diatribe, aussi fielleuse qu'injuste, contre la France « qui ne nous a jamais compris, jamais aidés et, en fait, jamais acceptés ». A l'entendre, on se croit revenu à la période sibérienne des relations franco-israéliennes, celle de la guerre de Six-Jours et des fameux mots du Général... Puis il enchaîne : « Ce pays était une nécessité pour les Juifs. Les Arabes, les Palestiniens ont toujours estimé que nous les avions envahis et spoliés, ce qui n'est pas tout à fait faux. Nous voici revenus au coeur de cette histoire ! »
Dans leurs discours, dans les colonnes des journaux, Sharon, Shamir et les ténors de la vieille garde de droite ont martelé, non sans succès auprès d'une opinion déboussolée, l'idée que les affrontements actuels sont la preuve que pour Israël la guerre d'indépendance n'est toujours pas finie. Kaniuk remonte encore davantage le cours de l'histoire pour évoquer l'année 1936, celle de la grande révolte arabe contre l'immigration juive en Palestine. « Je suis l'un des premiers à avoir milité en faveur de la paix, dit-il, mais il est clair que ce n'est pas une affaire de territoires ni de colonies ou de réfugiés : Arafat veut tout, il n'y a rien à faire ! »
Récemment, Yoram Kaniuk a rendu une longue visite à Barak, au cours de laquelle celui-ci se serait livré à une sévère autocritique dont il souhaite taire les détails : « Quoi qu'on puisse lui reprocher, Barak aura eu l'immense mérite de nous montrer qu'Arafat n'est pas et ne sera jamais un partenaire pour la paix. » D'amertume en désillusions, depuis la cuisante défaite d'Ehoud Barak, il semble bien que le café Tamar, où bat le pouls de la gauche israélienne, soit aussi devenu son unique point de repère. En tout cas à Tel-Aviv...
"Nous y perdrons notre âme"
D'ici, près de la vieille gare de chemin de fer de Jérusalem, pas besoin de tendre l'oreille pour entendre le canon tonner plusieurs fois, un peu plus loin sur la route, vers Bethléem ou Gilo. Amiram Goldblum, chimiste de renom, broie du noir : « Comme la majorité des Palestiniens, la plupart des Israéliens sont persuadés d'avoir raison. Ils refusent d'admettre que la révolte palestinienne est avant tout une réponse à la violence de la colonisation. L'unique porte de sortie serait un retrait unilatéral de tous les territoires occupés depuis 1967. Sinon, comme au Liban, nous y perdrons notre âme... Hélas, personne ne veut plus voir les souffrances de l'autre camp. » Et Amiram, vétéran de tous les combats du Mouvement de la Paix, en est désormais convaincu : « Seul un bain de sang et beaucoup de fatigue inutile mettront un terme à ce bras de fer stupide. »
Des valises dans la tête
Dans son studio d'enregistrement, une cave de la rue Pinsker à Tel-Aviv, Koby Oz, coqueluche de la scène pop israélienne, tente à sa façon d'expliquer cette indifférence. « Nous rêvons de normalité, ce qui nous conduit à vivre dans une sorte de bulle. C'est peut-être ce qui nous dérange tellement : les Palestiniens nous ont brutalement rappelé qu'ils n'ont pas encore leur Etat, contrairement à ce que nous croyions. » D'origine tunisienne, Koby Oz est né à Sdérot, cette ville située à la lisière de la bande de Gaza, et plusieurs fois atteinte par les tirs de mortier palestiniens. « Ils sont notre miroir parfait, ils commettent aujourd'hui nos erreurs d'hier, et comme nous après 1948 ou 1967, ils imaginent l'ivresse d'une victoire. Or en Israël, malgré toutes ces années, les gens vivent encore avec leurs valises dans la tête. Si j'étais Premier ministre, j'enverrais tout le monde chez un psy qui répéterait : "Vous êtes chez vous, personne ne veut vous chasser." Alors, oui, vivement le temps où les Palestiniens deviendront, eux aussi, indifférents... »
"Montrer notre force !"
A 75 ans, fondateur du Likoud, ancien ministre de la Défense, sa rigueur, ses compétences militaires et son franc-parler sont reconnus au-delà des rangs de ses amis de droite à la Knesset. C'est lui qui avait à l'époque favorisé l'ascension fulgurante de Benyamin Netanyahou, mais il est aussi l'un des premiers à avoir critiqué, puis lâché ce poulain qu'il n'a pas jugé à la hauteur. Moshe Arens reste l'un des principaux stratèges de cette droite revenue au pouvoir avec Ariel Sharon dont il dit : « Vous verrez, c'est un pragmatique. » Sans fioritures, et dans cette langue précise qui a longtemps fait de lui l'interlocuteur favori des Américains, il résume son credo. La continuité territoriale exigée par les Palestiniens ? « Elle signifierait une discontinuité pour Israël, c'est non. A moins que l'idée d'une fédération jordano-palestinienne ne resurgisse dans l'avenir. » Le futur tracé des frontières entre Israël et un Etat palestinien, le démantèlement des colonies ? « La définition des frontières dépend de la signature d'un traité de paix, on en est loin. Israël restera un Etat juif avec une majorité juive installée sur tout le territoire, à Jérusalem, sur le Golan, dans la vallée du Jourdain, à Hébron et dans les autres lieux historiques. »
Depuis quelques semaines, l'armée israélienne fait un peu ce qu'elle veut en Cisjordanie et à Gaza. Ses actions ne sont plus soumises à l'approbation préalable du pouvoir politique. Or ses incursions en territoire palestinien ou les exécutions de chefs locaux n'ont eu pour résultat que d'attiser la haine et d'alimenter le cycle infernal de la violence. Jusqu'où ira-t-elle ? « En 1992, j'avais déjà dit à Shamir : il faut quitter Gaza. Croyez-moi, personne chez nous ne songe aujourd'hui à une reconquête de Naplouse, Jénine, Ramallah ou Gaza. Notre seul objectif est de convaincre les Palestiniens et leurs alliés de notre détermination. Depuis l'erreur de notre retraite du Liban, seule la perception de notre force les incitera à renoncer à chercher le ventre mou d'Israël. C'est notre énergie qui entraînera une modération du conflit. Comme toujours avec nos voisins. » Pour Moshe Arens, ceux qui ont cru à une solution du conflit se sont fourvoyés : Israël doit se contenter de tenir en respect ses adversaires, jusqu'à leur épuisement...
"Comment casser tous ces murs ?"
l« Libérez Gadi ! » Il y a vingt ans, les murs de Tel-Aviv s'étaient recouverts d'inscriptions en faveur d'un jeune appelé qui avait payé de plusieurs mois de prison son refus de servir dans les territoires occupés. Gadi Algazy enseigne aujourd'hui l'histoire du Moyen Age à l'université de Tel-Aviv. Et depuis le mois d'octobre dernier, il anime le mouvement Ta'agush (Vivre ensemble) qui prône la solidarité avec les Palestiniens et dénonce « l'apartheid rampant » qui sévit, selon lui, en Israël : « Israël est un ghetto qui tente d'enfermer ses citoyens arabes dans un autre ghetto, tout en s'efforçant de maintenir les Palestiniens dans un troisième ghetto. Comment casser tous ces murs ? » Avec ses amis juifs et arabes israéliens, il affrète des camions remplis de vivres qu'ils vont distribuer dans des villages palestiniens isolés. Au cours de leur dernière expédition, l'accueil amical que leur ont réservé les villageois a incité l'armée et les gardes frontières à intervenir. Après une soirée au poste de police de la colonie d'Ariel, Gadi s'est vu notifier une bien étrange inculpation pour « violence envers les policiers ».
Gadi Algazy en veut beaucoup à cette gauche bien-pensante, hier encore majoritaire et aujourd'hui perdue et paralysée : « Le Mouvement de la Paix a épousé les thèses d'un gouvernement dont nombre de membres étaient issus de ses rangs. Il n'a pas dénoncé la poursuite de la colonisation. La gauche israélienne n'a jamais eu le courage d'affronter les colons. Elle n'a pas voulu payer le prix d'Oslo, au contraire des Palestiniens. Et pour se donner bonne conscience, pour justifier son apathie, elle brandit la question du retour des réfugiés comme un épouvantail ! On en est revenu aux vieilles lunes et aux hommes du passé, comme Sharon. Le début du XXIe siècle nous a laissés sur le carreau, c'est surréaliste ! »
Le grand gâchis
Isolés, encerclés et attaqués de toutes parts, les membres du kibboutz Manara décidèrent une nuit d'évacuer les enfants, à pied, par des sentiers de chèvres. Pendant la guerre d'indépendance, cet épisode avait vivement marqué Leon Uris, qui en fit l'une des scènes marquantes de son « Exodus ». Littéralement adossé à la frontière libanaise, Manara vit toujours, comme autrefois, dans la crainte de ces attaques. Un poste de l'ONU a été installé devant l'entrée, à l'intérieur, la garde est renforcée, on a construit une nouvelle route et les transports scolaires se font dans des autobus blindés : les combattants du Hezbollah ne sont qu'à quelques centaines de mètres du grillage qui délimite le kibboutz. « Mon mari a sans doute raison de dire qu'à part quelques jets de pierres - il n'y a rien eu depuis un an -, je reste inquiète, affirme Rachel, car j'ai toujours pensé qu'avant de se retirer du Liban il valait mieux obtenir un accord. Mais c'est ainsi, on savait qu'en créant Manara, on serait sur la frontière... »
Membre du groupe des fondateurs du kibboutz, en janvier 1943, Rachel est l'une des figures de cet Israël des pionniers, dont la littérature, le cinéma et les livres d'histoire ont retracé l'épopée. Les pierres retirées une à une pour planter les premiers arbres, l'eau apportée dans des citernes à dos de cheval, et ces attaques qu'il fallait repousser. Plus tard, un fils tué dans le Golan pendant la guerre du Kippour, un autre gravement blessé dans le Sinaï, et aussi, peut-être surtout, un frère assassiné. Rachel est la soeur d'Itzhak Rabin. Et elle n'hésite pas une seconde à livrer le fond de sa pensée : « Arafat n'est pas un agneau, il n'est peut-être pas devenu non plus un homme d'Etat. Mais nos dirigeants portent aussi leur part de responsabilité. Netanyahou, Barak ont-ils été à la hauteur ? J'en doute. Quant à Sharon, je préfère ne pas en parler... »
Rachel n'est pas seulement meurtrie. Ce qu'elle appelle « le grand gâchis » d'aujourd'hui la rend furieuse : « Là-bas, nos soldats sont placés en situation d'occupants. Peut-on en attendre de bonnes choses ? Et ces gens de Hébron qui exigent qu'on les défende ! Des fanatiques religieux et des ultranationalistes, c'est la pire des combinaisons. Chez nous, les Juifs, comme chez les autres... »
Tout le monde ment
Il parle à la cadence d'une mitrailleuse. Vif, acide, provocateur. Bientôt traduits en français, ses recueils de nouvelles en ont fait, à 33 ans, l'un des écrivains adulés par la jeunesse. Edgar Keret est un dynamiteur de mythes, un briseur de certitudes. Il ose tout, se permet tout, même d'ironiser cruellement sur les sujets les plus tabous, à commencer par celui de l'Holocauste.
Alors, pour lui, c'est évident, tout le monde ment : « Nos dirigeants nous parlent de paix, mais aucun d'entre eux ne la souhaite. La preuve ? Ils accolent toujours au mot paix un autre mot destiné à la rendre impossible. Sharon parle de paix dans la sécurité. Bargouti (l'un des chefs du Fatah), de paix juste. Tandis que Barak et Arafat parlent de la paix des braves. La paix tout simplement, ça ne leur suffit pas ! » Edgar Keret se méfie des conventions, et davantage encore des moralistes : « Vous nous dites, voici les bons, voici les méchants. Vous prendriez-vous pour Dieu, par hasard ? Misère, n'y a-t-il pas déjà assez de dieux dans cette région ? »
Trop simpliste à ses yeux, la couverture médiatique des événements, surtout à la télévision, le consterne : « C'est une machine à laver les cerveaux. L'autre jour, avec ma copine, on regardait un reportage de CNN sur le printemps joyeux à Sarajevo. Sans aucune référence à la guerre qui y a fait rage. Et on s'est dit : tiens, allons vivre en Bosnie ! »
Ils sont fascistes
Sa voix gronde dans le jardin de sa charmante maison de Kfar Shmaryahou, une banlieue très huppée au nord de Tel-Aviv. Non, elle ne participera pas à une émission aux côtés de cette habitante d'une colonie à qui elle n'a rien à dire sinon : « Partez ! » Non, elle ne pourra pas s'empêcher de rappeler à cet autre intervenant, ex-chef du Shin Beth, qu'il a passé sa vie à arracher les ongles de ses prisonniers. Après avoir pris ses distances avec la politique et laissé à Yossi Sarid les rênes de son parti, le Meretz, Shoulamit Aloni, la grande prêtresse de la gauche radicale et antireligieuse, sonne le tocsin : « En 1948, les Palestiniens ont payé le prix de leur refus de la partition. Aujourd'hui, c'est nous qui refusons, nous en subirons aussi les conséquences. Nous sommes les occupants, ils sont les occupés, le reste, c'est de la propagande. »
Il y a quelques mois, un groupe d'intellectuels, hommes politiques, officiers supérieurs à la retraite s'étaient réunis à Herzliya pour élaborer une série de mesures destinées à infléchir le déséquilibre démographique en faveur des Arabes, qui risque à l'avenir de mettre en péril la majorité juive en Israël. L'idée d'un « transfert de population » n'est pas formellement suggérée dans le rapport qu'ils ont remis au chef de l'Etat mais elle n'est pas exclue. « Ces gens-là se disent être des démocrates éclairés, ils sont fascistes. Quelle différence y a-t-il entre eux et Le Pen ou Haider ? » Shoulamit Aloni se déclare sioniste, au sens où elle reste favorable à un Etat démocratique israélien. Mais elle ne supporte plus « ces politiciens qui évoquent un passé d'il y a 2000 ans ou leurs projets pour l'éternité, sans avoir la moindre idée de ce qu'il faut faire dans les semaines qui viennent ».
Shoulamit Aloni estime qu'Israël doit reconnaître ses responsabilités dans le drame des réfugiés palestiniens en favorisant leur intégration dans un Etat souverain. Mais hormis des compensations financières et la réunification des familles, elle s'oppose à un retour généralisé des réfugiés en Israël. « Ce serait réparer une injustice par une autre, assure-t-elle, nous aurions un Etat palestinien d'un côté, et un Etat binational de l'autre, dans lequel les juifs deviendraient une minorité. Ce n'est pas réaliste ! »
La colère des réservistes
Ceux qui ont toujours considéré Israël comme la Sparte du Moyen-Orient doivent réviser leur jugement. Après trois années de service actif dans l'armée, quand ils ne sont pas à Bali, à Bangkok ou à Goa, échapper par la débrouille aux périodes de réserves militaires est devenu le sport national des jeunes Israéliens. Et 10% seulement des réservistes rappelés sont versés dans les unités combattantes ou à risque. Plus étonnant encore, dans cette société israélienne si sensible aux questions de sécurité, il n'est pas rare que ces absences ô combien justifiées deviennent un handicap majeur lors des entretien d'embauche dans certaines entreprises, ou même à l'université. De nombreux groupes de réservistes se sont constitués en associations pour exiger leurs droits. Et devant le scandale, le gouvernement vient de décider d'octroyer aux réservistes des compensations financières, des aides et des facilités pour les étudiants, ainsi qu'un renforcement des amendes encourues par les entreprises en cas de discrimination. « Ce n'est pas seulement une question d'argent, c'est toute la société qu'il faut remettre sur ses rails, assure Navot Bar, un jeune avocat qui a fondé Milkoud, une association de réservistes en colère, L'armée, elle aussi, est coupable puisqu'elle rappelle toujours les mêmes, par facilité, au lieu de mobiliser tout le monde. C'est écoeurant à quel point notre société ferme les yeux sur toutes sortes d'irrégularités. »
Une société qui se referme
Qui sont les « nouveaux sionistes » ? Des Israéliens qui n'applaudissent plus quand leur avion d'El Al atterrit normalement, c'est-à-dire sans se crasher. Des gens qui savent que leur pays dispose de la bombe atomique et d'une armée surpuissante, qui peuvent se trouver en danger à titre individuel, mais qui ont conscience que leur Etat n'est plus vulnérable. Des gens qui vivent dans un pays de plus en plus américanisé, avec ses bons aspects et ses mauvais côtés, comme l'écart croissant entre riches et pauvres. Tom Seguev vient de publier un court essai consacré au « postsionisme », c'est-à-dire à l'idée selon laquelle Israël ou le sionisme n'est plus un projet mais une société accomplie. Celle, précisément, qui est tant battue en brèche depuis le bouleversement de ces derniers mois. Et l'auteur est aujourd'hui en proie au doute : « Je ne sais pas, je ne sais plus : après huit ans d'espoir, à cause du terrorisme, cette société est peut-être en passe de se replier sur elle-même, de se refermer. Quand Sharon s'exprime, il me fait penser à ces grands-pères qui racontent leur guerre. Mais il a au moins raison sur un point : la paix n'est pas pour tout de suite. Ce serait tout de même un comble si les Palestiniens nous forçaient à redevenir sionistes ! » C'est peut-être aussi pour prendre ses distances avec une actualité qui le trouble : Tom Seguev s'est plongé dans la confection d'un grand ouvrage consacré à la guerre de 1967, et à ses conséquences...
                   
5. Le cauchemar des jeunes prisonniers palestiniens par Joseph Algazy
in Ha’Aretz (quotidien israélien) traduit dans Courrier International du jeudi 17 mai 2001
Le journaliste Joseph Algazy a mené une enquête explosive pour le quotidien libéral "Ha’Aretz". Il révèle que des dizaines de jeunes Arabes encore mineurs ont été arrêtés, battus et parfois violés dans les prisons israéliennes.
Agé de 16 ans, le jeune A. vient d’être relâché de la prison de Tel-Mond, dans le district de Sharon, après cinq mois de détention. Originaire de Housan, un village proche de Bethléem, il avait été arrêté sur le chemin de l’école, un lundi matin, près de la maison de sa tante. En fait, les soldats de Tsahal recherchaient son cousin de 23 ans. Mais A., qui était dépourvu de carte d’identité en raison de son jeune âge, fut pris pour ce cousin et interpellé. A peine fut-il arrêté, raconte-t-il, que les soldats se mirent à le rouer de coups en hurlant : “Pourquoi est-ce que tu jettes des pierres ?” Ils l’emmenèrent ensuite dans un poste de contrôle militaire où il fut à nouveau battu, à coups de bâton cette fois-ci. Il se plaint encore de douleurs au dos. Quand les soldats se sont finalement aperçus que A. n’était pas le jeune recherché, le responsable de Tsahal pour la région de Bethléem n’en a pas moins appelé sa mère pour lui signifier que son fils était arrêté. Deux heures plus tard, A. fut emmené au centre de détention d’Etzyon [une colonie située entre Jérusalem et Bethléem]. Menotté et les yeux bandés, il fut à nouveau battu tandis que les soldats exigeaient qu’il avoue avoir jeté des pierres sur les voitures et qu’il livre les noms d’autres lanceurs de pierres. Sa tête fut plongée dans un tonneau d’eau froide, puis d’eau chaude et, enfin, dans la cuvette des toilettes. Quelques heures plus tard, il était transféré du centre d’Etzyon à celui d’Adoraïm, plus connu chez les Palestiniens sous le nom d’“El Majnouna” [La dingue].
A. fut maintenu en isolement à El Majnouna pendant trente-quatre jours, faisant ses besoins dans une boîte en plastique et recevant sa nourriture à travers une ouverture pratiquée dans la porte. Interrogé tous les jours, il se rappelle que certains de ses questionneurs étaient habillés en civil et se faisaient appeler “capitaine Hakim”, “capitaine Shawkat” ou “capitaine Ayyoub”. Il y avait aussi des bérets rouges qui se faisaient appeler “Yossi” ou “Ozmo”. Quand A. fut emmené au tribunal pour que les juges statuent sur sa détention préventive, il fut condamné à rester incarcéré jusqu’à la fin de la procédure, ce que les prisonniers et leurs avocats appellent le “chèque en blanc”. A. fut par la suite transféré en Israël, à la prison de Tel-Mond.
Le 2 février dernier, A. a été jugé par le tribunal militaire de Beit-El [colonie proche de Ramallah]. Selon les termes de l’accusation, “pendant les mois de septembre, octobre et novembre, il a jeté un objet ressemblant à une pierre sur un véhicule dans l’intention de blesser le conducteur. A vingt-cinq reprises, durant ladite période, lui et d’autres ont jeté des pierres sur les véhicules israéliens et militaires qui passaient par le carrefour de Beit-Anoun. A chaque fois, l’accusé a jeté huit pierres.” A la lecture de l’acte d’accusation, un avocat palestinien ironise : “Il faut croire que le procureur militaire dispose d’un registre spécial dans lequel sont consignées minutieusement les occasions durant lesquelles A. a jeté des pierres et le nombre exact de pierres...”
Pendant sa détention, les parents de A. n’ont jamais été autorisés à lui rendre visite. Depuis le début de l’Intifada, en septembre 2000, les prisonniers cisjordaniens détenus en territoire israélien n’ont en effet pas le droit de voir leurs familles. Cela fait six mois que la Croix-Rouge internationale, responsable de l’organisation de ces visites, les a suspendues en protestation contre ce qu’elle appelle “les énormes obstacles créés par les autorités israéliennes”. B., aujourd’hui âgé de 14 ans, est également originaire de Housan. Il a été accusé d’avoir jeté 32 pierres à deux reprises. N’étant pas chez lui lorsque les soldats de Tsahal sont venus l’arrêter, en décembre dernier, B. a choisi d’aller se constituer prisonnier à la caserne israélienne d’Etzyon. “Je voulais au moins m’épargner quelques passages à tabac de la part des soldats qui seraient venus m’épingler”, explique-t-il. Il a lui aussi échoué à la prison de Tel-Mond.
Lors de leurs procès respectifs, les deux jeunes ont reconnu avoir jeté des pierres. A. a été condamné à huit mois de prison et à une amende de 1 500 shekels [3 600 FF], tandis que B. a écopé de six mois de prison et d’une amende de 500 shekels [1 200 FF]. Tous deux ont été relâchés après avoir purgé les deux tiers de leur peine.
Selon A. et B., environ 50 autres mineurs palestiniens étaient incarcérés en même temps qu’eux à Tel-Mond, beaucoup venant du même village de Housan. Ils affirment que les jeunes détenus – qu’ils soient en attente de leur jugement ou déjà condamnés – sont mêlés à des criminels adultes d’origine palestinienne ou issus des minorités ethniques israéliennes. Tous deux affirment également que ces adultes ont recours à la violence (coups, lames de rasoir, brûlures de cigarette) ou à la menace pour forcer les mineurs, surtout les plus faibles, à être leurs esclaves. Ils leur volent les cigarettes, les vêtements, les cartes de téléphone et la nourriture qu’ils achètent à la cantine de la prison.
Certains adultes essaient aussi de violer les jeunes dans leur cellule. Selon un habitant de Housan, des parents de mineurs emprisonnés en Israël et des émissaires de l’Autorité palestinienne auraient approché les familles de certains prisonniers soupçonnés d’abus sexuels. Ils les auraient chargées de faire savoir aux individus en question qu’ils feraient l’objet d’une vengeance – en prison ou une fois libérés – s’ils ne mettaient pas fin à ces abus. “Nous avions demandé aux autorités pénitentiaires israéliennes de prendre des mesures pour protéger nos enfants emprisonnés. Mais elles n’ont rien fait”, explique cet homme.
A et B. ne sont pas les seuls à avoir subi ces abus. Leurs plaintes contre les coups et la torture pendant la détention préventive et les interrogatoires, ainsi que celles relatives aux abus sexuels, correspondent aux témoignages recueillis par les avocats Khaled Kuzmar et Sahar Fransis auprès d’autres jeunes prisonniers palestiniens. Tous deux représentent la section palestinienne de l’ONG Defense for Children International (DCI) et de l’ONG Ad Damir, une organisation de défense des prisonniers palestiniens dont le siège est à Ramallah. Début mai, après une visite à la prison pour femmes de Neveh Tirtza, à Ramlé, DCI a publié un rapport révélant que deux des neuf prisonnières palestiniennes détenues étaient des mineures. L’une d’elles, G., originaire de Doura, n’avait que 14 ans. Selon M. Kuzmar, Israël aurait arrêté quelque 350 mineurs palestiniens âgés de 12 à 18 ans depuis le début de l’Intifada d’Al Aqsa. Les organisations palestiniennes de défense des droits de l’homme, se fondant sur la Charte des droits de l’enfant de l’ONU, rappellent que la majorité ne commence qu’à 18 ans. Tsahal, quant à elle, estime que la minorité s’arrête à 16 ans dans les Territoires.
Selon les estimations de DCI, 105 mineurs palestiniens de moins de 18 ans ont été tués l’année dernière dans les Territoires, dont 49 entre le 29 septembre et le 31 décembre. Un tiers d’entre eux ont été abattus d’une balle dans la tête ; un autre tiers de balles tirées en pleine poitrine ; les autres sont morts des suites de leurs blessures. La moitié des mineurs palestiniens détenus en Israël ont entre 15 et 16 ans, et 40 % d’entre eux sont condamnés à des peines de prison allant de six à douze mois.
Les mineurs palestiniens sont arrêtés pendant les manifestations ou dans leurs foyers, généralement en pleine nuit, sur la foi de photos, de témoignages d’autres détenus ou de renseignements donnés par des indicateurs. Les mineurs arrêtés à Jérusalem-Est et dans ses environs sont placés en détention préventive à la Moskobiya, dans la colonie russe, à Jérusalem-Ouest. Après leurs interrogatoires, ils passent devant le tribunal de district. Si certains sont placés en résidence surveillée, la plupart des autres sont envoyés à Tel-Mond.
Les mineurs palestiniens de 17 ou 18 ans placés en préventive sont détenus à la prison de Megiddo, tandis que les autres sont incarcérés dans l’une des quatre prisons militaires israéliennes de Cisjordanie (Etzyon, Adoraïm, Beit-El et Hawara), dans une prison de la Bande de Gaza (près d’Erez) ou bien dans la prison de Tel-Mond, qui dépend, elle, de l’administration pénitentiaire, c’est-à-dire de l’administration civile. Les centres de détention de Cisjordanie et de Gaza ne sont normalement pas habilités à accueillir des prisonniers.
Selon les dossiers de Me Kuzmar, la plupart des mineurs sont accusés de jets de pierres, les autres de jets de cocktails Molotov, d’appartenance à une organisation ennemie ou de détention d’armes artisanales confectionnées avec les débris ramassés sur le sol. “Dans de nombreux cas, et malgré le fait qu’il est clair que ces armes improvisées sont inefficaces et à peine dangereuses, surtout à cette distance, le procureur militaire ajoute une charge de tentative de meurtre. Le but est d’impressionner le tribunal militaire et de l’encourager à infliger une longue peine de prison.”
Me Kuzmar rappelle que l’article 123 de la loi militaire applicable dans les Territoires occupés limite les peines de prison infligées aux mineurs de 12 à 14 ans à un maximum de six mois. Le même article précise que les mineurs âgés de 14 à 16 ans peuvent être condamnés à un maximum de douze mois de prison à condition qu’ils aient commis un crime pour lequel un majeur serait condamné à cinq ans. Dans la plupart des cas, explique l’avocat, les mineurs voient retenir contre eux des charges si lourdes qu’ils sont en fait condamnés à des peines exorbitantes. Ainsi, la peine maximale pour les jets de pierres sur des voitures est de cinq ans ; les jets de pierres intentionnels sur des particuliers sont passibles d’un maximum de dix ans de prison ; quant aux jets de pierres sur des voitures avec intention de blesser leurs occupants, ils peuvent entraîner vingt ans de prison ferme.
“Notre expérience montre qu’il est extrêmement rare que des mineurs palestiniens soient acquittés, placés en résidence surveillée ou remis en liberté conditionnelle. Et cela n’arrive que dans des tribunaux civils, explique Me Kuzmar. Les tribunaux militaires n’accordent jamais l’acquittement et infligent immanquablement des amendes ou des peines de prison, une façon de punir dans la foulée les familles des mineurs, des familles qui vivent déjà dans des conditions d’existence pénibles. L’âge qui est pris en compte par ces tribunaux militaires est en outre celui qui correspond à la date du jugement, et non celui qu’avait l’inculpé au moment des faits incriminés.”
Selon le porte-parole de Tsahal, 45 mineurs âgés de 16 ans au maximum ont été détenus dans des centres carcéraux de Cisjordanie et de Gaza depuis le 28 septembre 2000. Le plus jeune détenu palestinien avait 10 ans. La plupart sont des garçons. De septembre dernier à aujourd’hui, les dossiers de quelque 40 suspects gazaouites âgés de moins de 18 ans ont été transmis au procureur militaire, et 35 mineurs sont passés devant le tribunal, les autres dossiers ayant été clos par manque de preuves. Concernant la Cisjordanie, où des centaines de dossiers ont été ouverts, le porte-parole de Tsahal est incapable de dire combien de mineurs ont été arrêtés depuis septembre et combien de dossiers ont été transmis au procureur militaire. Tous les mineurs qui ont subi un procès en Cisjordanie ont été condamnés. La plupart étaient accusés de délits aussi divers que jeter des pierres, troubler la paix, brûler des pneus ou quitter leurs zones autonomes sans permission. Les peines s’échelonnent de quelques jours à un an de prison ferme, tandis que les amendes oscillent entre 250 et 3 000 shekels [600 et 7 500 FF]. Ceux qui ne peuvent s’acquitter de leur amende voient leur peine allongée.
A la mi-avril, il y avait 64 détenus de 17-18 ans à la prison de Megiddo, chiffre qui ne prend pas en compte les mineurs âgés de moins de 16 ans. Ce que l’on sait, c’est que 11 mineurs de moins de 16 ans attendent encore leur jugement dans une prison militaire. Début mai, le cabinet du porte-parole de l’administration pénitentiaire déclarait que l’aile réservée aux jeunes à la prison de Tel-Mond contenait actuellement 96 mineurs palestiniens : 58 d’entre eux seraient condamnés pour résidence illégale en Israël et 38 autres seraient jugés ou en attente de jugement pour “atteinte à la sécurité”. Toujours selon ce porte-parole, tous les problèmes rencontrés dans l’aile des jeunes sont immédiatement et correctement traités.
En réponse aux plaintes de jeunes Palestiniens selon lesquelles ils auraient été torturés durant leurs interrogatoires et leur détention dans les casernes israéliennes, le porte-parole de Tsahal affirme que, “à la suite d’une enquête menée par la police militaire, le bureau du procureur militaire et le Shabak, ce dossier devrait être pris en charge par l’administration pénitentiaire ou la police israélienne”. Or ces deux instances n’ont aucune compétence pour traiter des activités de Tsahal dans les Territoires et dans les centres de détention militaire.
               
6. L'anniversaire de la fondation de l'Etat d'Israël célébrée par des agressions contre les Palestiniens par Michel Muller
in L'Humanité du mercredi 16 mai 2001

Sharon pousse les feux de sa guerre
Les exactions de l'armée israéliennes se sont multipliées hier, alors que les Palestiniens se remémoraient la " catastrophe " qu'à été pour eux la fondation d'Israël. L'unique voie de la paix est le retrait des occupants des terres palestiniennes conquises en 1967, a rappelé Yasser Arafat.
Les Israéliens célébraient hier le 53e anniversaire de la proclamation de leur Etat, le 15 mai 1948. Pour les Palestiniens, il s'agit en revanche de la Naqba (la catastrophe), puisque cet événement s'est traduit par la répression, les guerres de conquête de leurs terres, des centaines de milliers de réfugiés et le refus de reconnaître leur droit à un Etat à côté d'Israël.
L'Autorité palestinienne a appelé à des manifestations pacifiques. En fin de matinée, trois minutes de silence ont été observées par la population dans toutes les villes et localités palestiniennes. En Israël, les Israéliens arabes (plus d'un million de citoyens) ont aussi été appelés à commémorer pacifiquement cette journée.
Les troupes d'occupation israéliennes ont été mise en " état d'alerte maximal ". Le but " de ce déploiement de forces sans précédent est de réduire au minimum les frictions " avec les Palestiniens, a prétendu le ministre de la Défense, Benyamin Ben Eliezer. Un officier supérieur est même allé jusqu'à affirmer que l'armée n'utilisera pas d'armes létales.
En fait d'actions violentes, ce sont les troupes d'occupations qui en ont, une fois de plus, pris l'initiative. Mardi à l'aube deux gardes du corps du chef spirituel de Hamas, Cheik Yassine, ont été tués par des soldats israéliens près de la colonie juive de Netzarim, dans la bande de Gaza. Selon un premier bilan, hier en milieu de journée, au moins vingt-cinq Palestiniens ont été blessés dans ce même secteur. Parmi les blessés graves se trouve un enfant de sept ans. Certains d'entre eux ont été atteints par des balles de mitrailleuse. Plusieurs personnes ont été blessées aussi à Hébron, dans le sud de la Cisjordanie. · Naplouse, également, un blessé se trouvait dans un état critique.
Le meurtre, par un détachement de l'armée israélienne, dans la nuit de dimanche à lundi, de cinq policiers palestiniens a une fois de plus créé une situation explosive en Palestine occupée. Deux des victimes gardaient une baraque de chantier d'un poste de police palestinien à la sortie de Bitounia (près de Ramallah, en Cisjordanie) et les trois autres dormaient dans la baraque. Leurs corps ont été jetés dans un trou près du lieu du crime. Une porte-parole de l'armée israélienne s'est bornée à déclarer que des soldats avaient ouvert le feu sur " des silhouettes suspectes qui ne se trouvaient pas où elles étaient censées être ".
Il y a deux semaines, le premier ministre israélien, Ariel Sharon, a autorisé les militaires à mener des agressions dans les territoires palestiniens autonomes en Cisjordanie et à Gaza (22 % des territoires palestiniens conquis en 1967), à leur convenance et sans en référer aux autorités supérieures ou au gouvernement. Les incursions en Palestine autonome se sont multipliées, souvent accompagnées de tirs au canon de chars et de bombardement par missiles. · cela s'ajoutent les actions terroristes, qui ont coûté la vie à plus de vingt policiers ou militants palestiniens. Tout se passe comme si Sharon - fort de l'inertie des capitales occidentales, américaine et européennes - mettait en ouvre un plan destiné à détruire tout embryon d'Etat palestinien. On peut, malheureusement, craindre que dans une prochaine étape le président Arafat et son gouvernement deviendront des cibles directes. Hier, le ministre israélien de la Sécurité publique, Uzi Landau, a lancé un menace claire : " Depuis peu, l'armée israélienne frappe plus fortement l'autorité palestinienne, mais c'est encore moins qu'il n'est nécessaire. "
Cette escalade sans issue, sinon le bain de sang, en Palestine, a conduit la mouvance travailliste à lancer une initiative en faveur d'un retour à la négociation, dont le premier acte devrait être l'arrêt immédiat de la colonisation des terres palestiniennes (voir ci-contre). Selon un récent sondage, 55 % des Israéliens sont en faveur de cette mesure. D'un autre côté, le nombre de jeunes appelé(e)s refusant de porter l'uniforme ou de faire leur service militaire en Palestine occupée augmente rapidement. Selon l'armée israélienne, plus de 800 réservistes ont été emprisonnés pour insoumission depuis le début du soulèvement palestinien, en octobre dernier.
Sur le plan diplomatique, le projet jordano-égyptien destiné à créer les conditions d'un retour à la table de négociation est actuellement étudié par les autorités américaines. On peut toutefois s'interroger sur les intentions réelles de Washington. S'agit-il d'accompagner, par la diplomatie, la stratégie de guerre rampante de Sharon, ou de la contenir au profit d'une guerre d'usure diplomatique destinée à conduire, de concession en concession, les Palestiniens à renoncer à leurs droits ? Le rapport de la commission d'enquête américaine, menée sous la direction l'ancien sénateur démocrate du Maine George Mitchell, avec l'accord des Palestiniens et celui, du bout des lèvres, de Tel-Aviv, est significatif à ce sujet. Le document affirme certes que la révolte palestinienne n'a pas été préméditée, mais dans le même temps il absout Sharon qui, par sa visite sur l'Esplanade des mosquées à Jérusalem en septembre dernier, avait déclenché le soulèvement palestinien. Ce rapport demande certes " le gel immédiat " de la colonisation. Ce que Sharon refuse, tout en jouant sur les mots en affirmant par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Shimon Peres, qu'aucune nouvelle colonie ne sera construite, mais qu'il faut étendre les implantations existantes " pour des raisons démographiques ". En revanche, évoquant le projet jordano-égyptien destiné à créer les conditions pour un retour à la table des négociations, Richard Boucher, le porte-parole de Colin Powell, secrétaire d'Etat américain, a affirmé hier que le projet doit être " ajusté ". Il s'agit, précisément, de remplacer le mot " gel " par l'expression selon laquelle Israël n'édifiera pas " de nouvelles colonies ", mais que le gouvernement Sharon agira en faveur " des intérêts des colonies existantes ", autrement dit, leur extension.
C'est Yasser Arafat qui a remis les pendules à l'heure de la paix. Dans son premier discours à la nation palestinienne depuis la provocation de Sharon, il a souligné : " La voie de la paix est très claire. Elle passe par un retrait israélien de l'armée et des colons des terres arabes et palestiniennes jusqu'aux frontières du 4 juin 1967. C'est la seule voie vers la paix. " Il a répété que " l'emploi aveugle de la force militaire contre notre peuple par l'occupant israélien ne permettra pas de parvenir à la paix ou à la sécurité. Il n'imposera pas non plus la soumission à notre peuple. " " Une paix juste devrait être fondée sur la justice, l'équité et la reconnaissance de nos droits dans notre patrie ", a-t-il poursuivi. " Il ne peut y avoir de paix sans le retour des réfugiés qui se trouvent à l'étranger. C'est le droit des réfugiés et des membres de la diaspora qui n'ont pas d'Etat de revenir chez eux ", a-t-il aussi rappelé.
               
7. L'Europe veut s'investir davantage au Proche-Orient par Abir Taleb
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 16 mai 2001

Actualité oblige, la situation au Proche-Orient a pris autant d'importance que la dynamisation de la coopération économique — principal sujet d'ordinaire évoqué — au Forum méditerranéen à Tanger (Maroc). Ces deux questions ont donc dominé jeudi et vendredi derniers les concertations entre les ministres des Affaires étrangères des 11 pays du pourtour de la Méditerranée, dont quatre arabes (Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte) participant au forum.
Inquiets de la situation explosive au Proche-Orient, les chefs de la diplomatie arabes et européens se sont déclarés « plus que jamais convaincus que la poursuite de la violence et l'usage de la force militaire (ndlr : israélienne) contre les civils palestiniens n'offrent aucune perspective », comme l'indique le document énumérant les conclusions du forum présenté par le ministre marocain des Affaires étrangères, Mohamed Benaïssa. Ainsi, cette rencontre à but essentiellement économique a été l'occasion d'exprimer la volonté de l'Union Européenne (UE) de s'impliquer davantage dans le processus de paix. Surtout que le rôle de l'UE a toujours été minime si on le compare à celui des Etats-Unis (voir encadré). Les participants ont donc considéré que « le renforcement de ce rôle (de l'UE) ne peut qu'être bénéfique pour l'instauration d'une paix durable dans cette région ». A noter toutefois que ce renforcement a longtemps été demandé par les pays arabes.
Absent du forum, le président palestinien, Yasser Arafat, n'a pas manqué d'adresser un message aux participants, un message dans lequel il a qualifié l'attitude d'Israël vis-à-vis du peuple palestinien d'« agression barbare sans aucune justification ». « Le peuple palestinien (...) reste encore armé de la patience dont tout le monde sait qu'elle a des limites », a averti le président palestinien. Amr Moussa, le ministre égyptien des Affaires étrangères, a lui aussi attiré l'attention de ses homologues sur la « colère » de la rue arabe face aux attaques israéliennes dans les territoires palestiniens et sur les « éventuels débordements » qu'elle pourrait générer.
Son homologue français, Hubert Védrine, a reconnu que « la situation au Proche-Orient est la plus grave depuis longtemps », rappelant que son pays a « exprimé à plusieurs reprises son inquiétude » en ce qui concerne les violents affrontements israélo-palestiniens. Pour la France, tout comme pour les pays de la région, l'essentiel est aujourd'hui de mettre fin à la violence : « Toute notre action vise à arrêter l'engrenage de la violence et, dès qu'on pourra, rétablir une perspective politique parce qu'il est illusoire de penser que l'on puisse recréer une situation de sécurité pour les uns et pour les autres, s'il n'y a pas une telle perspective », a estimé M. Védrine.
Mais toutes ces déclarations de bonne volonté n'ont rien apporté de concret pour aider à rétablir une situation de calme dans la région du Proche-Orient.
Coopération économique insuffisante
Du côté de l'économie, les progrès réalisés sont eux aussi loin d'être imposants. Les représentants des 11 pays participant au Forum méditerranéen se sont penchés sur la coopération économique que les pays de la rive sud jugent insuffisante. Ils ont relevé que le taux d'investissements étrangers dans la rive sud de la Méditerranée constituait « un sérieux obstacle à l'intégration économique ».
Rabat a ainsi souligné l'écart entre les investissements européens dans les pays du sud-méditerranéen en 1997, qui n'ont pas dépassé 6 milliards de dollars, et ceux réalisés en Amérique latine (49 milliards de dollars) et en Asie (70 milliards de dollars).
Des diplomates participant au forum ont par ailleurs exclu que l'année 2010 puisse être la date de l'établissement d'une zone de libre-échange euro-méditerranéenne, du fait des retards pris par certains pays de la rive sud. Il est vrai que seuls quatre pays (Maroc, Egypte, Jordanie, Tunisie) ont déjà conclu des accords d'association avec l'UE alors que l'Algérie, le Liban et la Syrie sont encore en négociations pour parvenir à des accords similaires. Négociations qui du reste traînent en longueur.
Pour remédier à cette situation et pour augmenter le taux d'investissements européens dans la rive sud, M. Védrine a proposé vendredi la tenue prochaine d'un forum méditerranéen qui sera consacré spécialement au problème des investissements, proposition qui a été saluée par les participants. Autre sujet hautement sensible, celui des visas. Les pays du Sud, présents à la réunion de Tanger, ont insisté sur la nécessité de la libre circulation des personnes entre les deux rives du bassin méditerranéen. Ce que les pays du Nord ne voient pas d'un très bon œil.
Le document de Rabat a ainsi souligné que « la circulation des biens, des services et des capitaux ne saurait être concevable sans la liberté de mouvement des personnes », souhaitant ainsi que ce sujet ne soit plus un tabou. Mais là aussi, il ne risque pas d'y avoir un changement dans la position des pays européens qui craignent avant tout de ne pas pouvoir freiner l'immigration.
Rendez-vous donc au premier semestre de 2002, en Grèce, où se tiendra la prochaine session du Forum méditerranéen, avec l'espoir que cette fois, les onze participants (Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Malte, Espagne, France, Portugal, Turquie, Grèce, Italie) parviendront à davantage de résultats concrets.
              
8. Un rôle limité par Magdi Youssef
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 16 mai 2001

Bruxelles, de notre correspondant — Les pays arabes qui croient à un rôle concret de l'Union Européenne (UE) se trompent, au moins à court terme. Le chef de la diplomatie belge, Louis Michel, a lui-même reconnu l'absence d'un rôle politique européen dans le processus de paix, reconnaissance rarement faite par un responsable européen à ce haut niveau. « Le rôle politique de l'UE quant au processus de paix est accusé d'être limité, c'est vrai. J'assure que nous ne constituons qu'un donateur économique et que sur le plan politique, nous n'accomplissons aucun rôle efficace », a déclaré le responsable belge. Celui-ci a affirmé qu'il existe une déficience dans la performance politique européenne à l'égard du Moyen-Orient, même s'il y a une conviction de la nécessité du rôle européen.
Toutes les tentatives de relancer le rôle européen n'ont pas été à la hauteur, bien que la sécurité de la Méditerranée et du Moyen-Orient influe positivement et négativement sur la sécurité de l'Europe. « Actuellement, je ne peux qu'assurer que durant la prochaine période et jusqu'au début juillet qui marquera le commencement de la présidence de la Belgique à l'UE, nous allons œuvrer à trouver une formule pratique pour remédier à cette déficience et pour élaborer une conception apte à faire bouger le dossier du règlement pacifique gelé », a-t-il assuré. Le ministre des Affaires étrangères a tenu à affirmer que la situation est critique et que les données actuelles exigent un effort inlassable pour que l'Europe parvienne à assumer un rôle politique efficace.
La question qui se pose est donc pourquoi l'Europe n'utiliserait pas l'arme économique pour exercer des pressions sur le gouvernement israélien d'Ariel Sharon afin qu'il reprenne les négociations et respecte les accords signés. Le ministre belge a assuré que l'UE écarte la possibilité d'avoir recours à cette arme et n'y fait même pas allusion. L'Europe craint en effet qu'une telle mesure ne l'isole d'Israël et ne l'empêche de jouer un rôle à l'avenir dans le processus de paix. Il paraît qu'outre cet obstacle diplomatique, il existe d'autres causes. La Belgique à titre d'exemple est célèbre par le commerce de diamants qui constitue l'un des piliers de l'industrie du Royaume. Or, ce sont les juifs qui contrôlent ce commerce et forment une pression sur les hommes politiques belges qui redoutent la prise d'une telle décision. La preuve en est ce qui s'est passé il y a quelques mois : le Sénat belge avait pris l'initiative d'envoyer des forces de sécurité belges dans les territoires palestiniens pour la protection des civils palestiniens. Toutefois, 24 heures après le vote de cette décision, un émissaire de Sharon est arrivé à Bruxelles et s'est entretenu avec les responsables de la communauté juive de Belgique. Résultat : la décision du Sénat fut retirée sans aucun commentaire officiel.
Ce faisant, le dossier du processus de paix représente un dilemme pour l'Europe, qui est incapable jusqu'alors de faire face à l'outrecuidance israélienne. Les ministres des Affaires étrangères européens restent divisés au cours de leurs réunions sur la position qu'il faut adopter à l'égard de l'Etat hébreu. La fragilité du rôle européen dans le processus de paix est manifeste dans la question des exportations de fruits par les colonies israéliennes établies sur les territoires palestiniens occupés. Exportations qui contredisent les dispositions de l'accord d'association entre Tel-Aviv et l'UE et auquel le Sénat belge a demandé de mettre un terme. Toutefois, les fruits, qui rentrent dans les pays de l'UE sous l'étiquette « Fabriqués en Israël », continuent à envahir les marchés européens et l'Europe est incapable d'y faire face.
Néanmoins, la Commission européenne à Bruxelles n'accorde aucune importance aux défis israéliens et cherche à renforcer sa coopération avec l'Etat hébreu. Dans le cadre du cinquième programme scientifique européen, Tel-Aviv est le seul pays qui pourra être au courant des réalisations techniques avancées des laboratoires et des centres de recherches européens.
Bref, toutes ces données assurent que l'Europe est incapable de prendre une position claire à même de convaincre le gouvernement de Sharon de revenir sur son objectif, à savoir liquider politiquement l'Autorité palestinienne actuelle. Apparemment, l'Europe ne semble pas prête à élaborer une stratégie effective et crédible pour faire face au plan du gouvernement israélien.