Point d'information Palestine > N°143 du 20/04/2001

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Association loi 1901 - Membre de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
Pierre-Alexandre Orsoni (Président) - Daniel Garnier (Secrétaire) - Daniel Amphoux (Trésorier)
Sélections, traductions et adaptations de la presse étrangère par Marcel Charbonnier
 
Si vous ne souhaitez plus recevoir (temporairement ou définitivement) nos Points d'information Palestine, ou nous indiquer de nouveaux destinataires, merci de nous adresser un e-mail à l'adresse suivante : amfpmarseille@wanadoo.fr. Ce point d'information est envoyé directement à 2243 destinataires.
          
C'est avec beaucoup de tristesse que nous vous informons du décès prématuré, ce samedi 14 avril 2001, à l'âge de 49 ans, de Jean-Marie Gaubert. Depuis 1974, année où il a co-fondé à Paris l'Association Médicale Franco-Palestinienne, qu'il présidait depuis 1988, il a toujours été immensément présent, dans le mouvement de solidarité au peuple palestinien. Il était aussi Président de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine. Les obsèques de Jean-Maris Gaubert auront lieu le vendredi 20 avril à 15h00 en l'église Notre-Dame des Voyageurs à Capdenac (Aveyron).
          
Au sommaire
         
Rendez-vous
  1. "Paroles engagées" : les Camps de réfugiés palestiniens sur Radio Galère (Marseille 88.4 MHZ) le vendredi 20 avril 2001 à 18h30
  2. Palestine, terre d'histoire et de culture Rencontres à Vaulx-en Velin du 23 au 26 avril 2001
  3. Palestine, entre le bleu du ciel et le sable de la mémoire une exposition de photographies de Joss Dray, Miki Kratsma, Fayez Nureldine et John Tordai à la Maison Robert Doisneau à Gentilly du 26 avril au 1er juillet 2001
  4. Passé sous silence - Souha, survivre en enfer de Randa Chahal Sabbagh sur France 3 le jeudi 26 avril 2001 à 23h35
  5. Récital de poésie de Mustafa Ateek le samedi 28 avril 2001, à la Bibliothèque municipale de Vigneux-sur-Seine
Réseau
  1. Un appel urgent de l'Organisation Mondiale Contre la Torture
  2. Une interminable attente par Marianne Blume, une coopérante belge dans la bande de Gaza
  3. La troisième colombe par Israel Shamir [traduit de l'anglais par Annie Coussemant]
  4. Couvre-feu à Tel-Aviv par Gila Svirsky [traduit de l'anglais par Giorgio Basile]
  5. C'était il y a cinq ans... Les Palestiniens, l'adversité et Allah par Jean-Francois Legrain in Le Monde du mercredi 13 mars 1996
Revue de presse
  1. L'opération israélienne s'attire des critiques de toutes parts par Deborah Sontag in The New York Times (quotidien américain) du vendredi 20 avril 2001[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
  2. Pourquoi le Proche-Orient a besoin de l'Europe par Jean Daniel in Le Nouvel Observateur du jeudi 19 avril 2001
  3. Le kaléidoscope d’Elias Sanbar par René Backmann in Le Nouvel Observateur du jeudi 19 avril 2001
  4. Droits de l'homme à l'encan aux Nations unies par Pierre Hazan in Libération du  jeudi 19 avril 2001
  5. L’inquiétante disparition du mouvement pour la paix par David Newman in The Jerusalem Post (quotidien israélien) traduit dans Courrier International du jeudi 19 avril 2001
  6. La spirale de la violence par Baudoin Loos in Le Soir (quotidien belge) du mercredi 18 avril 2001
  7. "Aujourd'hui, les Palestiniens ne sont plus seuls à porter le deuil" par Didier François in Libération du mercredi 18 avril 2001
  8. Quand les journalistes refusent de dire la vérité sur Israël par Robert Fisk in The Independent (quotidien britannique) du mardi 17 avril 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
  9. Fatima, cinquante-trois ans à Khan Younis, "réfugiée dans un camp de réfugiés" par Gilles Paris in Le Monde du mardi 17 avril 2001
  10. A Bethléem, quelques rares, très rares pèlerins chevronnés... par Catherine Dupeyron in Le Monde du mardi 17 avril 2001
  11. Que cherche Israël ? par Jonathan Rochat (à Gaza) in "la rubrique courrier des lecteurs" du Monde du dimanche 15 avril 2001
  12. Passera-t-on, passera-t-on pas ? par Pénélope Larzilliere in La Croix du samedi 14 avril 2001
  13. Israël menace de durcir ses représailles par Ch.R (avec AFP) in Libération du samedi 14 avril 2001
  14. Nouvelle colonie en Cisjordanie : Sharon joue la provocation par Samir Azar Le Magazine (hebdomadaire libanais) du vendredi 13 avril  2001
  15. Sommet arabe : des positions contre l'état de siège et les massacres s'imposent par Walid Salah in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du vendredi 23 mars 2001 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
  16. Les bédouins du Néguev (dont Israël a confisqué 98% des terres depuis 1948) dénoncent à la Cour Suprême un plan visant à les éradiquer de leurs villages "non reconnus" par As'ad Talhami in Al-Hayat (quotidien arabe publié à Londres) du mercredi 29 novembre 2000 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
  17. L'intifada redessine les "lignes rouges" du processus de paix par Mahmud Al-Zayed in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du mercredi 29 novembre 2000 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
                   
Rendez-vous
           
1. "Paroles engagées" : les Camps de réfugiés palestiniens
sur Radio Galère (Marseille 88.4 MHZ) le vendredi 20 avril 2001 à 18h30
Ce soir, le magazine "Paroles engagées" proposé et présenté par Jean-François Debienne, sera consacré à la question des Camps de réfugiés palestiniens, avec la participation de Leïla Shahid, Déléguée générale de Palestine en France, Driss Lhazani, Secrétaire général de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, Pierre-Alexandre Orsoni, Président de l'Association Médicale Franco-Palestinienne (Marseille) et Nicolas Wenberg, photographe français de retour des camps de réfugiés palestiniens du Liban.
               
2. Palestine, terre d'histoire et de culture
Rencontres à Vaulx-en Velin du 23 au 26 avril 2001
Expositions
- La Palestine des créateurs du lundi 23 au samedi 28 avril - Bibliothèque Georges Perec - rue Louis Michoy
Vernissage le lundi 23 avril à 18h.
- Aspects actuels de la Palestine les mardi 24 et mercredi 25 - Cinéma les Amphis - rue Pierre Cot
Conférences
- Une histoire, deux mémoires par Bernard Ravenel
le mardi 24 avril à 19h - Cinéma les Amphis - rue Pierre Cot
Bernard Ravenel est historien et professeur.
- Les conflits israélo-palestiniens, des origines à Oslo par Bichara Khader
le mercredi 25 avril à 19h - Cinéma les Amphis - rue Pierre Cot
Historien et professeur à l'Université Catholique de Louvain, Bichara Khader est l'auteur de nombreux ouvrages dont "L'Europe et la Palestine : des croisades à nos jours" aux Editions de L'Harmattan [574 pages - ISBN 2738486096 - Janvier 2000]
Lectures
- Soirée poésies avec l'écrivain Khal Torabully
le lundi 23 avril à 18h - Bibliothèque Georges Perec - rue Louis Michoy
- Florilèges avec le poète Abdelmadjid Kaouah
le jeudi 26 avril à 19h30 - Mairie annexe - rue Alfred de Musset
Concert
- Adel Salameh & Naziha Azzouz le jeudi 26 avril à 20h - Mairie annexe - rue Alfred de Musset
[Renseignements au 04 78 79 52 79 - Entrée libre pour l'ensemble des rencontres à l'exception du concert : 30 FRF]
            
3. Palestine, entre le bleu du ciel et le sable de la mémoire
une exposition de photographies de Joss Dray, Miki Kratsma, Fayez Nureldine et John Tordai
à la Maison Robert Doisneau à Gentilly du 26 avril au 1er juillet 2001
Programme des rencontres :
- Jeudi 26 avril :
18h30 - Débat : "L'image de la Palestine dans le presse, photographie et engagement" animé par Denis Sieffert, directeur de la rédaction de Politis, avec Rony Brauman, medecin et essayiste, Emmanuel Riondé, journaliste à Regard, Anne-Laure Wanaverbecq, directrice artistique de la Maison Robert Doisneau et les photographes participant au projet.
20h - Vernissage de l'exposition en présence de Leïla Shahid, Déléguée générale de Palestine en France.
- vendredi 27 avril :
18h30 - Débats : "La paix impossible ?" avec Michel Warschawski, journaliste et directeur du Centre d'informations alternatives de Jérusalem ; "L'enseignement du conflit du israélo-palestinien à l'école" avec Alain Gresh, rédacteur en chef du Monde diplomatique ; "Identités éclatées et destin commun" avec Sari Hanafi, chercheur et sociologue palestinien ; "Politique française et solidarité" avec Isabelle Avran, journaliste et secrétaire générale de l'Association France-Palestine.
20h30 - Enregistrement de l'émission radiophonique de Daniel Mermet "Là-bas, si j'y suis" (France Inter) avec les intervenants.
- samedi 28 avril :
15h30 - "Contes palestiniens" par Saadi Younis Bahri à la Bibliothèque municipale de Gentilly.
17h - Débat : "Femmes palestinienne et solidarité" animé par Ernestine Ronai, rédactrice en chef de Clara Magazine, avec Leïla Shahid  et Mayada abassi, vice-présidente de la Fédération Internationale des Femmes.
20h30 - Projection de films sur le thème de la Palestine (programmation en cours).
[Renseignements : Maison Robert Doisneau - 1, rue de la Division du Général Leclerc - 94250 Gentilly - Tél. 01 47 40 88 33]
         
4. Passé sous silence - Souha, survivre en enfer de Randa Chahal Sabbagh
sur France 3 le jeudi 26 avril 2001 à 23h35

A sa libération, après dix ans passés dans la prison mouroir de Khiam, Souha Béchara, une jeune Sud-Libanaise résistante, confie son calvaire et ses réflexions à la caméra. En 1988, six ans après l'invasion du Sud-Liban par Israël, Souha Béchara, âgée de vingt ans à peine, tente, après une longue préparation, d'assassiner le général Antoine Lahd, chef de l'armée du Liban Sud, la milice supplétive de l'envahisseur. La victime de l'attentat en réchappe, mais Souha, elle, est incarcérée dans «l'enfer de Khiam», la prison mouroir dont les Israéliens et leurs collaborateurs libanais nient jusqu'à l'existence. Isolée, torturée, la jeune résistante connaît un sort qui émeut l'opinion internationale. Libérée le 13 novembre 1998, elle débarque chez Randa Sabbag, à Paris, qui recueille la confidence de ses souffrances et de ses révoltes. Lorsque, le 24 mai 2000, Israël se retire du Liban Sud, Lahd abandonne son armée sur place, et le camp de Khiam est pris d'assaut par la foule. Souha est là. Elle fête ses retrouvailles avec ses anciens codétenus.
[Durée : 60 min. Inédit.] 
           
[Résistante de Souha Bechara aux Editions Chiron - Grandir dans la guerre civile... Prendre les armes à vingt ans... Tirer sur le général de l'Armée du Liban Sud... Survivre à dix ans de cachot dans l'enfer de Khiam... Voici la bouleversante autobiographie d'une femme qui n'a jamais renoncé... Les Libanais ont aussi leur Jeanne d'Arc. Pour eux, Souha Béchara est le symbole vivant de la Résistance. En 1988, à la sortie de l'adolescence, elle tente d'éliminer Antoine Lahad, le chef de l'ALS, la milice supplétive qui tient le sud pour le compte de l'occupant israélien. Arrêtée, jamais jugée, torturée, Souha sera incarcérée à Khiam, camp, prison et mouroir inlassablement dénoncé par les organisations humanitaires. Refusant de collaborer, elle y passera dix ans, dont six en isolement total. Son pays labouré par l'horreur, son cheminement intérieur, son engagement sans retour, la flamme qui lui a permis de survivre à la barbarie : c'est tout cela que raconte ici, de manière vibrante, Souha Béchara. Un témoignage unique, une leçon d'existence qui nous rappelle que l'on a toujours raison de résister et que pour être libre, il faut se dépasser. (109.00 FRF - ISBN : 2709621657 - Septembre 2000)]
          
5. Récital de poésie de Mustafa Ateek
le samedi 28 avril 2001, à la Bibliothèque municipale de Vigneux-sur-Seine
Dans le cadre du "Printemps des Poètes", Corinne André-Gaillard invite le poète palestinien, Mustafa Ateek accompagné par la comédienne Anne-France Abillon, le samedi 28 avril 2001 à 17h, à la Bibliothèque municipale de Vigneux-sur-Seine.
[Bibliothèque municipale de Vigneux-sur-Seine - 63, avenue Henri Barbusse - 91270 Vigneux-sur-Seine - Tél. 01 69 03 38 70]
              
Réseau
          
1. Un appel urgent de l'Organisation Mondiale Contre la Torture
Genève, le 5 avril 2001 - Le Secrétariat international de l'OMCT requiert votre intervention urgente dans la situation suivante en Israël.
Brève description de la situation
Le Secrétariat international de l'OMCT a été informé par une source fiable de l'arrestation et de la détention d'environ 300 enfants palestiniens de moins de 18 ans depuis le début de la crise actuelle. Ces enfants se trouvent dans des conditions qui leur font potentiellement courir des risques dans les prisons israéliennes. Ces enfants sont détenus dans les prisons de Meggido, Telmond et Ramle (Neve Terze). Dans la première, ils se trouvent sous contrôle administratif de l'armée israélienne et dans les deux dernières sous le contrôle des autorités carcérales israéliennes. Des allégations affirment que les enfants ont été soumis à la torture pendant leur arrestation, leur interrogatoire et leur emprisonnement par les autorités israéliennes. Selon les informations reçues, environ 100 garçons âgés entre 16 et 18 ans sont emprisonnés comme des adultes dans la prison de Megiddo. Environ 80 garçons, dont certains n'ont que 14 ans, sont détenus dans la prison de Telmond et 20 autres le sont aussi dans des Centres israéliens de détention en Cisjordanie et à Jérusalem. Deux filles se trouvent actuellement dans la prison de Ramle. La situation la plus préoccupante est celle de la prison de Telmond dans laquelle, selon des informations reçues par l'OMCT, des mineurs sont enfermés avec des criminels israéliens adultes. A ce sujet, a été documenté le cas de trois prisonniers israéliens qui ont tenté de violer une mineure palestinienne. Plusieurs incidents d'abus physique par des détenus de droit commun ont aussi été enregistrés. Ces cas sont notamment les suivants: cinq enfants ont été blessés à coups de rasoirs, plusieurs ont été brûlés avec de l'eau bouillante et beaucoup d'autres ont été battus. Deux cas de vol d'effets personnels ont aussi été enregistrés. Dans tous ces cas, l'administration de la prison n'a pas pris les mesures appropriées et les autorités israéliennes ont jusqu'à maintenant ignoré les requêtes déposées par des organisations de droits de l'homme au nom des enfants palestiniens. La même source a rapporté des allégations de pratiques répandues de torture contre des enfants pendant leur arrestation, leur interrogatoire et leur emprisonnement, malgré la décision de la Haute Cour israélienne du mois de septembre 1999 qui a interdit le recours à ces pratiques. Il a été rapporté que les enfants sont régulièrement battus et forcés de supporter différents types d'abus, tels que d'être enchaînés à une chaise ou d'être obligés de rester accroupis pendant de longues périodes, ce qui menace leur intégrité physique et psychologique.
L'OMCT est gravement préoccupée par l'intégrité physique et psychique des enfants palestiniens, et particulièrement ceux qui se trouvent actuellement en détention. L'OMCT rappelle qu'Israël est partie à la Convention contre la torture qui demande à chaque Etat de prendre "des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction". Bien plus, la Convention relative aux droits de l'enfant, à laquelle Israël est aussi partie, déclare que les Etats doivent veiller à ce que "nul enfant ne soit soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants". Elle ajoute que "tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes, à moins que l'on estime préférable de ne pas le faire dans l'intérêt supérieur de l'enfant".
Action requise
Nous vous prions de bien vouloir écrire aux autorités d'Israël, leur demandant :
- de mettre immédiatement fin à toute forme de torture et de traitement cruel, inhumain ou dégradant conformément à la législation nationale et internationale ;
- de prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir l'intégrité physique et psychologique de tous les enfants palestiniens détenus en Israël ;
- de placer les enfants dans des sections séparées des criminels et des prisonniers adultes, sauf lorsqu'il est dans l'intérêt supérieur de l'enfant de les détenir ensemble ;
- de garantir une enquête immédiate sur les allégations de recours illégal à des méthodes d'interrogations et d'abus physiques sur les enfants, d'identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal civil compétent et impartial et d'appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi ;
- de garantir le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales de tous les enfants dans tout le pays, conformément aux lois nationales et normes internationales, et plus particulièrement à la Convention relative aux droits de l'enfant et à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Adresses :
- Ariel Sharon, Prime Minister - Office of the Prime Minister - 3 Kaplan Street, Jerusalem 91007, Israel
Fax: (+ 972 2) 566 48 38 / 691 79 15 - E-mail: pm@pmo.gov.il ou feedback@pmo.gov.il
- Meir Shitrit, Minister of Justice - Ministry of Justice - 29 Salah al-Din Street, Jerusalem 91029, State of Israel
Fax: (+ 972 2) 628 54 38 ou + (972 2) 628 86 18 - E-mail: sar@justice.gov.il
- Binyamin Ben-Eliezer, Minister of Defense - Ministry of Defense - 7 "A" Street, Hakirya, Tel Aviv, Israel
Fax: (+ 972 3) 691 69 40 - E-mail: sar@mod.gov.il
- Eli Yishai, Minister of the Interior - Ministry of the Interior
Fax: (+ 972 2) 670 14 11 - E-mail: sar@moin.gov.il
- Minister of Police, Ministry of Police - Fax: (+ 972 2) 582 67 69
- Shimon Peres, Minister of Foreign Affairs - Fax: (+ 972 2) 530 37 04 - E-mail: sar@mofa.gov.il
- The Supreme Court of Justice - Kiryat Ben Gurion, Jerusalem, Israel - Fax: (+ 972 2) 652 71 18
- Uzi Landau, Minister of Internal Security - Ministry of Internal Security - P.O Box 18182, 3 Sheirkh Jarrah, Kiryat Hamemshala Jerusalem, 91181, Israel
Fax: (+ 972 2) 582 67 69 - E-mail: sar@mops.gov.il
- Veuillez aussi écrire aux représentations diplomatiques d'Israël dans vos pays respectifs :
EN FRANCE - Ambassade d'Israël - 3, rue Rabelais - 75008 Paris - Tél. 01 40 76 55 00 - Fax. 01 40 76 55 55
- Veuillez informer l'OMCT de toute action entreprise en citant le code de cet appel (Cas ISR 050401.EE) dans votre réponse :
- Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) - 8 rue du Vieux-Billard - Case postale 21 - CH-1211 Genève 8 - Suisse
Tél.: 0041 22 809 49 39 - Fax: 0041 22 809 49 29 - E-mail : omct@omct.org - Web : http://www.omct.org
                    
2. Une interminable attente par Marianne Blume, une coopérante belge dans la bande de Gaza
[Ce témoignage est extrait de "Infos Gaza" N° 23 du 14 avril 2001, la newsletter hebdomadaire publiée par Palestine 33. Si vous souhaitez la recevoir gratuitement, il vous suffit de la demander à son rédacteur, Jacques Salles : jacques.salles@wanadoo.fr.]
Aujourd'hui, les rues semblent étrangement vides et l'atmosphère a un goût de trop calme. Encore un peu, le soleil paraîtrait étrangement à sa place et la lumière trop douce.
Alors, nous tous, on attend. On attend on ne sait trop quoi. Un bombardement. Une incursion. Un déferlement de chars. Quelque chose.
Tous les sens sont en éveil, l'être entier est en tension et cette tension est pénible et fatigante. Comme un travail auquel on ne peut échapper et dont on rêve de voir la fin.
Alors, le corps, l'esprit s'agitent d'une fébrilité irradiante. On renonce à lire vraiment. On tache de s'occuper, on regarde la télévision sans la voir sauf réponse aux stimuli liés à la situation. On a l'impression que la colonne de pression monte pour atteindre un pic en plateau.
Par fatigue, pour mettre fin à cette insupportable tension et parce qu'il est trop tard, on va se coucher. Encore une soirée et un début de nuit sans rien, sans évènement incontrôlable. Et on se réveille au petit matin parce qu'au loin, il y a eu une explosion et des tirs. On se prend à quatre heures du matin, dans un demi-sommeil, à compter les coups et à distinguer les mitraillettes des fusils, les obus des tirs de tanks.
La journée commence. On se lève finalement pour voir du toit ce qui n'est pas visible. Parfois une lumière vive indique que là-bas, quelque part, on se bat et on meurt. On s'habille, on va travailler. On oublie en surface et on voit ressurgir tout à coup ce qu'on avait enfoui au détour d'une conversation ou quand on sursaute au bang des avions de chasse qui survolent la ville en passant le mur du son.
Néanmoins, on se sent relativement calme: le jour est bien là. La journée est finie et le soir venant, on recommence à attendre, plus ou moins philosophiquement mais toujours avec l'impression d'être lourd et comme sale, psychologiquement. On regarde frénétiquement les news, zappant sans honte dans l'espoir fou de savoir et de décrypter l'avenir. Alors, on perçoit le bruit lointain mais approchant des pals des hélicoptères sur la mer. Cette fois, quelque chose va arriver et mettre fin à l'attente. Ils sont là. Ils tournent puis s'arrêtent tout feux éteints. Le spectacle peut commencer. Une boule rouge dans la nuit près du port, un sifflement et le boum final. "Un" comptent les enfants. Une deuxième, un troisième comme au ralenti. Puis plus rien. Les hélicoptères sont toujours là. Un temps infini semble s'écouler. Et c'est reparti. Ce soir-là  on en comptera 14, presque joyeusement. Voilà, c'est fini. On est libéré de l'attente, presque soulagé. Au moins pour aujourd'hui, on ne doit plus s'inquiéter. L'esprit irrationnel dit qu'ils ne reviendront pas et l'être y croit.
Alors peut s'épanouir la colère, la rage de l'impuissance et l'inquiétude du bilan. On téléphone pour se rassurer sur les autres. On se réunit, on discute à n'en plus finir, posant les mêmes questions toujours sans réponse, faisant assaut d'intelligence des faits, détaillant pour les autres ce qu'ils ont vécu comme nous. On essaie en désespoir de cause de trouver une logique qui permette de comprendre et surtout de prévoir. Puis l'excitation retombe. On se sent bien fatigué mais au moins on sait pourquoi. Et on va se coucher. Encore une journée de passée. Demain, on recommence.
Maman, maintenant, je comprends enfin comment, même à  Ravensbruck, certains jours, tu avais pu rire... C'est drôle la guerre.
               
3. La troisième colombe par Israel Shamir
[traduit de l'anglais par Annie Coussemant]
Dans le film inspiré de l'un des romans de la saga des mammouths de Jean Auel, Le Clan de l'ours des cavernes, on a un aperçu de la vie sexuelle des hommes du Paléolithique qui erraient sur la Terre il y a quelque 35 000 ans. Apparemment, chaque fois qu'un homme de Neandertal avait l'esprit à la bagatelle, point n'était besoin qu'il apportât des fleurs ou organisât un dîner en tête-à-tête. Il lui suffisait de faire un certain signe de la main et l'élue se soumettait immédiatement à son désir, sans autre forme de procès.
Aujourd'hui, le signe exigeant la soumission est toujours d'actualité. Chaque fois que des gens discutent de ce qui a été fait au nom des juifs par Sharon ou Abe Foxman, par exemple, dès l'instant où le débat commence à déraper, l'un des dirigeants de la communauté prononce le mot magique " d'antisémitisme " et comme si un sort nous était jeté, nous nous inclinons sur le champ. Comment ne pas s'étonner que des hommes et des femmes adultes, n'ayant jamais subi personnellement un quelconque préjudice au cours de leur existence, continuent de réagir à ce signe magique, tels la petite Ayla dans la nouvelle d'Auel.
Nombreux sont les juifs qui éprouvent un sentiment de nausée face à la machine de l'establishment juif officiel et de son antenne israélienne. Dirigé par un assassin de masse reconnu comme tel, le gouvernement israélien commet des crimes de guerre au quotidien. Sièges, famine organisée des masses et exécutions sommaires, pour lesquels il n'existe pas de précédent, relèvent désormais de l'ordinaire. Il n'y a plus lieu de s'alarmer devant les bombardement, le mitraillage ni le pilonnage de civils. Nombre de juifs en sont témoins et seraient prêts à le confesser en " petit comité ". Ils lisent les informations en provenance d'Israël avec résignation et dégoût, tels le baron anglais de l'époque victorienne apprenant les nouveaux exploits de son frère dément dans quelque colonie lointaine.
L'establishment judéo-américain ne vaut pas mieux que les dirigeant d'Israël. Il soutient inconditionnellement les criminels israéliens et autres criminels juifs, de Sharon à Gusinsky, le magnat de la presse en Russie. Abe Foxman, animateur de l'ADL (Anti-diffamation League) compile des fichiers de documents compromettants, enregistre par micro caché des conversations téléphoniques et viole la vie privée de nombreux Américains. De sa voix bêlante, Elie Wiesel et ses acolytes nous bassinent avec leur pharisaïsme à la petite semaine. Conrad Black et autres individus du même acabit adoptent des positions indéfendables sur le plan moral, en soutenant des monstres tels que le tortionnaire chilien, Augusto Pinochet, et Henry Kissinger, l'exterminateur des Cambodgiens.
Mais à peine osons-nous objecter, que nous voyons le signe d'Ayla et nous nous soumettons. Si personne n'en parle ouvertement, nous le murmurons entre nous : " Chut ! cela va provoquer l'antisémitisme ! " Nous n'y pouvons rien, c'est trop profondément ancré. Tels des enfants gâtés, nous considérons toute critique comme une manifestation de haine. Nous avons osé nous rebeller contre des souverains mais nous ne saurions remettre en question nos dirigeants autoproclamés qui se sont imposés à nous, car " cela engendrerait l'antisémitisme ".
Accusé d'avoir touché un chèque de 100 000 $ de la Fondation Marc Rich, Abe Foxman a fait le signe d'Ayla dans le New York Times (du 21 mars), en proclamant que " l'antisémitisme est une maladie dont nous observons les symptômes d'une grave épidémie à New York ". Mais son coup a fait long feu. Le Rabbin du mouvement Toward Tradition le qualifie de " type qui n'est pas en prise avec la réalité " et de " revendeur du produit de l'antisémitisme ". Ce rabbin fait observer que l'ADL est financée (par ses contributeurs) en fonction du degré d'antisémitisme qu'il détermine (1).
Pour faire la preuve de son pluralisme, le Guardian (numéro du 28 mars 2001) a publié une page de chroniques et de commentaires répondant aux éditoriaux, signée par un certain Simon Sebag Montefiore, qui a déclaré " qu'en privé, les militants les plus énergiques appartenant aux médias qui prennent parti contre Israël sont des antisémites virulents ". Ce monsieur décrit les journalistes et personnalités britanniques comme des " chiens poussant l'ours dans ses derniers retranchements ". Par " chien ", il faut entendre " Lord Gilmour " et par " ours ", Conrad Black.
Sebag Montefiore s'élève tout particulièrement contre " les implications les plus douteuses selon lesquelles Israël copierait pour le pire le comportement des Allemands, ce qui équivaudrait pratiquement à nier l'Holocauste et son iniquité ". Disons que c'est une question de normes. Il y a des années, un écrivain israélien remarquait que les juifs mesurent leurs actions à l'aune des Nazis et ne manquent jamais de se considérer comme des " occupants aussi bons que bienveillants ". Il se peut que le côté " généreux " soit passé à la trappe. Assurément, le chapitre de l'occupation nazie en Pologne est bien pire que les trente-quatre ans de régime militaire israélien dans les Territoires occupés. Mais l'occupation de la France par les Nazis a probablement été plus douce pour les Français que l'occupation israélienne des Territoires palestiniens et, fort heureusement, beaucoup plus courte. Sous le régime de Vichy, la vie quotidienne était probablement meilleure que dans la bande de Gaza soi-disant " autonome ".
Montefiore apaise les craintes des Britanniques en assurant que " son objectif n'est pas de lancer une chasse aux sorcières mais simplement de mettre en garde les gens honnêtes contre le désastre qui les guette ". Cette opération publicitaire, sans doute sponsorisée par Black, avait vraisemblablement pour objectif de terroriser les juifs britanniques au point de les forcer à soutenir le général Sharon.
Or, la balle n'est pas uniquement dans le camp de la droite. Amnon Rubinstein, homme de conviction libérale, en appelle à ses compatriotes pour lutter contre le danger de l'antisémitisme. Pour lui, ce fléau s'est notamment manifesté lorsque la Grèce a traduit en justice un escroc juif qui sévissait à la Bourse, quelque " Milken " ou autre " Mark Rich " du cru. Selon Rubinstein, les juifs doivent être soustraits à toute persécution et tous les juifs se doivent de soutenir les requins dès lors qu'ils sont juifs. Uri Avnery, militant israélien pour la paix de Gush Shalom, appelle les Arabes à lutter contre l'antisémitisme car, dit-il, " c'est l'antisémitisme qui a amené un million de Russes juifs en Israël ". Il aurait pu ajouter que l'antisémitisme a aussi amené un demi million de travailleurs immigrés chinois dans le pays.
Pour tranquilliser vos esprits, je vais vous donner mon témoignage personnel. Enfant du baby-boom un peu sur le retour, j'ai voyagé dans le monde entier, vécu parmi les Russes et les Palestiniens, les Allemands et les Suédois, les Anglais et les Japonais, les Indiens et les Africains. Et, en me fondant sur mon expérience, je puis vous dire que l'antisémitisme n'existe plus. En tant que juif, on peut se promener librement dans n'importe quelle cité des hommes, on est partout en sécurité à condition de venir en ami. Le préjugé à l'égard des juifs a disparu. Bien sûr, vous trouverez toujours quelqu'un qui hait les juifs mais ceux qui haïssent les Polonais ou les Irlandais, ou ont un compte à régler avec les WASP  sont bien plus nombreux. Vous avez beaucoup plus de chances de tomber sur quelqu'un qui hait les Arabes ou sur des gens qui haïssent les Noirs ou les Orientaux.
J'ai rencontré bien des gens marqués du sceau de l'infamie pour " antisémitisme ". Or, ces soi-disant antisémites protestent contre les politiques adoptées par la communauté juive organisée, l'alliance douteuse de Sharon et d'Abe Foxman, de Gusinsky et de Mark Rich, de Conrad Black et de William Safire. Je suis parfaitement d'accord avec eux car, en la matière, il n'est pas question de préjugé.
Les " pros " de la lutte contre l'antisémitisme le savent très bien. Leur véritable objectif n'est pas de combattre cette tendance mais de terroriser les juifs ordinaires pour les amener à se soumettre. C'est la raison pour laquelle les " piliers " de la communauté leur signent des chèques conséquents. Alors ceux-là rapportent toutes les insultes, en grossissant dix fois l'affaire. L'industrie de l'Holocauste n'est qu'une filiale de la Manufacture de l'antisémitisme, une arme à double tranchant : elle soutire de l'argent aux Gentils et contraint les juifs à obéir aux dirigeants de la communauté.
En 1991, quand les scuds irakiens atterrissaient en Israël et que les sirènes d'alarme retentissaient pour annoncer la guerre chimique, une douzaine d'Israéliens sont morts étouffés avec leur masque à gaz. Dehors, pourtant, point de gaz mortel, mais l'air frais des collines de Judée qui embaumaient. Mais pour rien au monde ils ne l'auraient respiré, pensant qu'ils périraient dès l'instant où ils ôteraient leur masque. Ils ont préféré s'asphyxier. C'est là le paradigme de l'existence des juifs dans le monde contemporain, où la peur rôde dans l'ombre.
Quand Noé a lâché la première colombe de l'Arche, elle a dû revenir mais la deuxième a rapporté un rameau d'olivier. Quant à la troisième, elle n'est pas revenue. Noé s'est alors rendu compte que le déluge était terminé et a considéré que rien ne justifiait qu'il retournât dans l'Arche où l'air était irrespirable. Eh bien, cette troisième colombe, c'est moi ! Vous pouvez ôter vos masques. Dehors, l'air est parfaitement sain. Les eaux du Déluge se sont retirées. Allez, sortez souhaiter la bienvenue à la race humaine, à vos frères et à vos sœurs.
Nous autres, juifs comme Gentils, avons les mêmes ennemis et les mêmes amis. Nos ennemis sont ceux qui nous repoussent vers le ghetto de la haine contre les goys, car qui hait les juifs n'est que l'image inversée de celui qui hait les goys. Quelques générations à peine nous séparent du monde étouffant où vivait la communauté juive traditionaliste. Les nostalgiques n'ont qu'à faire un saut à Brooklyn.
Parlant de son enfance (2), Yossi Klein Halevi, journaliste israélo-américain a écrit : " Nous vivions en lisière de Borough Park. Au delà de notre enclave de Brooklyn (…), il y avait des Italiens, des Portoricains et des Scandinaves. Ils ne suscitaient aucune curiosité en nous, uniquement de la peur. Nous les considérions tous comme des membres du même groupe ethnique : celui des gens qui haïssent les juifs. Nous les appelions des " Goyim ", mot hébreu qui signifie littéralement " les nations " mais auquel nous donnions le sens " d'ennemi ". Nous vivions dans un monde clos uniquement juif (...) Si cela avait été possible, nous aurions entouré Borough Park de douves....Borough Park ne s'intéressait pas à ce qui se passait au delà de ses propres limites, et franchissait d'un bond les quartiers chrétiens pour ne considérer que d'autres enclaves juives - comme si seules les parties du monde civilisé étaient juives et que le reste était habité par des créatures enragées, capables à tout moment de se livrer à la violence sans avoir été provoquées : " le monde " n'existait que dans la mesure où il avait des conséquences pour les juifs. Les juifs et " le monde " ne pouvaient pas coexister. Au mieux, nous pouvions nous supporter, mais de loin. Certaines de nos lois religieuses semblaient faites non pas pour nous rapprocher de Dieu mais pour nous séparer des goys et, moi-même, j'ai accepté cette scission comme si elle allait de soi ".
Il faut bien savoir qu'Halevi parle du New York actuel, qui compte une importante population juive, et non de quelque ville du Moyen Âge. Il ne faut pas non plus s'étonner qu'après avoir subi un lavage de cerveau dans son enfance, Halevi soit devenu militant du groupe Nazi de la haine contre les goys, la Jewish Defence League de Meyer Kahane. Il s'est repris mais, encore aujourd'hui, ce correspondant du New Republic en Israël soutient les colons qui se comportent " comme si les seules parties civilisées de la Palestine étaient juives, le reste étant peuplé de créatures enragées, capables à tout moment d'exercer la violence sans avoir été provoquées ". Si l'on retourne quelques générations en arrière, tous les juifs vivaient dans des enclaves de ce type et obéissaient servilement à l'élite juive de la richesse et du savoir. Cette élite fondait son pouvoir sur le népotisme ainsi que sur la peur ancestrale de l'antisémitisme. Depuis, l'aristocratie juive s'est adaptée à la nouvelle situation mais continue d'attiser cette peur pour pouvoir nous contrôler.
Le " soutien mutuel " que prône la communauté juive est immoral. Quand un Irlandais ou un Italien se rend coupable de vol, il va en prison mais le prêtre de sa paroisse peut très bien lui faire parvenir une friandise pour Noël. Mais quand c'est un juif influent qui vole, que ce soit Vladimir Gusinsky ou Mark Rich, la communauté juive exige son impunité. Si un État juif commet des crimes de guerre, la communauté juive le soutient sans réserve. Pour une communauté ethnique, c'est là un comportement anormal, un vestige honteux de l'époque où nous avions l'habitude de traiter avec le monde extérieur comme si nous appartenions à quelque guilde médiévale.
Aidons-nous les uns les autres à vaincre cette tendance à nous incliner. Tout homme doit pouvoir élever des objections contre les menées homicides des dirigeants de son pays sans pour autant être accusé de traîtrise. C'est la position que Mark Twain a adoptée lorsqu'il a protesté contre l'intervention des États-Unis aux Philippines. C'est également la position qu'a prise Thoreau pendant la guerre pour le Texas. Ce fût aussi la position adoptée par Alexandre Soljenitsyne, Thomas Mann et Berthold Brecht. Les juifs ne devraient pas avoir de difficultés à les imiter car les dirigeants autoproclamés de leur communauté n'ont pas vraiment de pouvoir sur eux. Ils ne peuvent que recourir à la tactique de l'intimidation.
Vouloir continuer de nous battre contre le spectre de l'antisémitisme nous éloigne du véritable problème. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, Iliya Ehrenburg, cet exceptionnel écrivain russe juif, a, dans un moment de colère furieuse, appelé ses concitoyens (dans les pages de la Pravda) à " éradiquer la vermine allemande ". Le maréchal Joseph Staline l'a rappelé à l'ordre. " Les Nazis sont venus et ils repartiront mais le peuple allemand, lui, sera toujours là ". La propagande allemande a fait ses choux gras du discours haineux d'Ilya Ehrenburg, en s'efforçant de dissimuler le fait que le problème ne tenait pas à la remarque anti-allemande de l'écrivain juif mais aux crimes de guerre de l'Allemagne. Dans le même ordre d'idées, le problème actuel ne relève pas du mythe de l'antisémitisme : il s'agit bel et bien de crimes de guerre perpétrés par Israël avec la complicité des États-Unis.
L'antisémitisme est l'arme des brigands disait Lénine dans les années 20, se faisant l'écho de la maxime de Samuel Johnson. Telle de nombreux versets de la Bible, cette phrase demeure valable même si le contexte n'est plus le même. Les brigands continuent d'utiliser l'antisémitisme comme une arme mais, aujourd'hui, la plupart d'entre eux sont des juifs.
(1)
http://www.vny.com/cf/News/upidetail.cfm?QID=172359
(2) Memoirs of a Jewish extremist, Little, Brown and Co.,1995
            
4. Couvre-feu à Tel-Aviv par Gila Svirsky
[traduit de l'anglais par Giorgio Basile]
[Visitez régulièrement le site "Solidaires du Peuple Palestinien" réalisé par Giorgio Basile sur : http://www.solidarite-palestine.org ..]
(Gila Svirsky est membre de Coalition of Women for a Just Peace.)
Le 11 avril 2001 - De jeunes pacifistes, faisant preuve de créativité, ont peut-être trouvé des méthodes plus efficaces que les habituelles manifestions pour sensibiliser les israéliens...
Trois jeunes israéliens ont été arrêtés ce soir pour avoir circulé dans Tel-Aviv dans une voiture équipée d'un haut-parleur diffusant le message suivant: "Le couvre-feu a été décrété à Tel-Aviv. Les habitants doivent regagner leurs maisons. Toute personne qui sera surprise dans la rue passé 19h30 risque d'être soumise aux mesures habituelles." Une deuxième voiture, qui diffusait le même message, a réussi à faire prendre la fuite aux habitants. La police a arrêté trois jeunes (deux jeunes femmes et un jeune homme, dont l'identité n'a pas encore été révélée), auxquels elle a refusé jusqu'ici l'assistance d'un avocat. Ils sont accusés d'avoir "terrorisé le public". On aimerait voir les politiques et les généraux chargés du même chef d'accusation lorsqu'ils se livrent à ces mêmes actes à Hébron et dans les autres villes palestiniennes.
Dans la même veine, un autre groupe de jeunes gens a l'intention de faire demain le siège devant Kokhav Ya'ir, une commune israélienne où résident de nombreux généraux. L'annonce de cette action a été ainsi libellée : "Kokhav Ya'ir est un quartier habité par plusieurs généraux militaires qui mettent en danger tant notre sécurité que celle de toute la région. [C'est pourquoi,] pour des raisons de sécurité, nous allons mettre le siège devant ce quartier, afin d'empêcher ces personnes dangereuses de le quitter pour se livrer à leurs activités néfastes. Nous avons besoin : de participants, de véhicules, d'équipement. Les personnes qui souhaitent nous rejoindre sont priées de se mettre en rapport avec nous le plus rapidement possible. [Signé :] Moran et Noam."
Il y a quelques semaines, un autre groupe avait organisé une marche avec des banderolles appelant à "Restaure[r] le Mandat Britannique !". Peut-être que ce slogan a pu embrouiller quelques-uns des spectateurs, mais le message était clair : de bien des manières, l'administration coloniale de la Palestine par les Britanniques était plus douce que l'occupation israélienne.
Ces defis lancés par des jeunes à l'occupation israélienne - souvent audacieux, souvent avec une touche d'humour - aident à mettre au jour les absurdités de l'occupation et à subvertir le pharisaïsme de ses auteurs.
Autre motif d'optimisme, la résistance croissante des israéliens hommes à accomplir leur rappel comme réservistes dans l'armée. Cette résistance n'est en général pas motivée par des raisons idéologiques, mais c'est bien cette absence totale d'idéologie qui est si encourageante. Entrer dans une période post-idéologique serait un tel soulagement.
                 
5. C'était il y a cinq ans... 
Les Palestiniens, l'adversité et Allah par Jean-Francois Legrain
in Le Monde du mercredi 13 mars 1996
L'HORREUR des derniers attentats perpétrés en Israël a malheureusement donné lieu, une fois encore, à des dérives dans le vocabulaire, les représentations et les approches, qui nous ramènent aux abominables poncifs antisémites des années 30. La djellaba, la calotte et la barbe se sont substitués au nez crochu, à la redingote et au chapeau, tandis que l'inévitable bombe à la mèche allumée tient lieu d'incisives ensanglantées et de doigts crochus. La gangrène (islamiste) n'est que la version réactualisée de la peste (juive), tandis que l'immonde pieuvre continue à enserrer de ses tentacules le monde civilisé. Des populations entières, relevant pourtant d'univers nationaux et politiques différents, sont ainsi désignées à une même vindicte générale, coupables de partager les mêmes référents culturels et religieux.
Aujourd'hui, pour la Palestine, l'Algérie ou même les banlieues françaises, le fanatisme sert de seule clé d'interprétation, contribuant à de gigantesques opérations de désinformation, elles-mêmes jouet et agent d'un racisme devenu ordinaire. Quel analyste ou prétendu tel oserait, en effet, attribuer au Sinn Fein ce qui relève de l'IRA ou confondre ETA et Parti nationaliste basque ? En dehors du domaine réputé chrétien et/ou blanc, amalgames et ignorances deviennent pourtant une habitude.
C'est manifestement la décision israélienne d'assassiner, le 5 janvier, l'artificier des attentats les plus meurtriers de ces dernières années, localisé et sous contrôle, depuis plusieurs jours ou semaines, des services compétents palestiniens et israéliens, qui a décidé un petit groupe de la région d'Hébron (encore sous occupation militaire israélienne) à rompre avec ses commandements tant politique que militaire.
Après les déclarations faites le 5 mars par Mahmoud Zahhar, porte-parole de Hamas à Gaza, Muhammad Chamaa, un de ses fondateurs à Gaza et Mustafa Liddawi, représentant du mouvement à Beyrouth, la suspension de toute activité armée a acquis un statut d'engagement public. Cette décision n'engage plus seulement le commandement politique de l'intérieur, mais également celui de l'extérieur, tout comme l'aile militaire des Katëb al- Qassam qui l'ont confirmé dans un communiqué spécifique.
Les mesures liées à la « guerre totale » adoptées par le gouvernement de Shimon Pérès constituent certes la réponse exigée par une population légitimement traumatisée par la violence, dont elle est indistinctement la victime. Destruction de maisons, bannissements, fermetures d'associations caritatives, bouclage des territoires occupés et autonomes, assassinats ciblés, etc., renouent néanmoins avec cette politique du pire longtemps menée par Ytzhak Rabin mais brièvement abandonnée par Shimon Pérès.
Celle-ci avait pourtant largement prouvé son inefficacité mais également ses effets pervers. A-t-on oublié que certains bannis de 1992 avaient profité de leur séjour forcé au Liban sud pour suivre des cours de maniement des explosifs auprès du Hezbollah ou que bon nombre de candidats au suicide ont pris leur décision pour venger la mort ou l'arrestation d'un père, le handicap à vie d'un frère blessé ?
En fermant son marché du travail après avoir oeuvré pendant plus de vingt ans au « dé- développement » des territoires qu'il occupait, selon le terme en l'occurrence forgé par Sarah Roy, Israël contribue à l'appauvrissement de populations, loin de ce Benelux d'échanges et de compréhension dont il prétend pourtant être la nouvelle cheville ouvrière. Renoncer à tuer Ayache en se contentant de le maintenir inoffensif aurait peut-être épargné la vie d'une soixantaine de personnes. Ne pas exiger des Etats-Unis l'arrestation en 1995 de Musa Abu Marzuq, chef du bureau politique de Hamas, celui-là même qui, dès avril 1994, se montrait partisan de l'établissement d'un armistice illimité avec Israël, aurait peut-être permis de diffuser plus largement ses positions parmi les autres membres du bureau.
Deux ans et demi après la signature à Washington, le 13 septembre 1993, de la « Déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d'autonomie », la mise en oeuvre des différents accords signés depuis, comme les récentes mesures adoptées par Israël, ont permis de vérifier la pertinence des analyses dissonantes émises au milieu du concert de louanges du « processus de paix ».
En l'absence d'une véritable « reconnaissance mutuelle », qui aurait mené non seulement les Palestiniens à reconnaître à Israël le droit à son Etat sur une partie de la Palestine (comme l'a fait en septembre 1993 Yasser Arafat au nom de l'OLP « représentant le peuple palestinien »), mais aussi Israël à reconnaître aux Palestiniens des droits nationaux équivalents sur l'autre partie de la Palestine, Israël demeure fidèle aux idéaux du sionisme.
Tout indique, et plus encore aujourd'hui, que les récents accords ne constituent ainsi qu'un nouveau mode d'exercice de l'occupation et non sa fin. Etablir un contrôle sur les Palestiniens non plus de l'intérieur par la présence de l'armée israélienne dans les zones peuplées mais de l'extérieur par l'entremise des Palestiniens eux-mêmes, est l'objectif finalement atteint par Israël après l'échec d'une telle délégation jadis offerte à la Jordanie puis aux Ligues de villages chères à Ariel Sharon au début des années 80. Le confinement des Palestiniens dans des enclaves se substitue ainsi à leur expulsion massive inenvisageable dans les conditions actuelles, tandis que se poursuit (en s'intensifiant ces derniers mois) la colonisation.
Pendant trente ans, le peuple palestinien, sous égide de l'OLP, a construit son identité nationale sur la base de la récupération d'une souveraineté sur un territoire partagé. En se limitant à cultiver la « bantoustanisation », l'accord de Washington a consacré l'échec idéologique, politique et militaire de la centrale palestinienne tout en l'imposant comme Autorité.
Globalement critiquée même si les récentes élections à la transparence parfois incertaine lui ont redonné une certaine caution populaire mais détentrice de la force, l'Autorité palestinienne met aujourd'hui à profit la lassitude de la population et la menace de la guerre civile pour interdire à ses seuls compétiteurs légitimes, les islamistes, l'accès au politique et le maintien de leur engagement militaire. Ce retour au néo-fondamentalisme imposé à l'islamisme, après l'impasse de « l'hypothèse révolutionnaire », peut être aujourd'hui considéré comme quasi acquis, au-delà des soubresauts de quelques groupuscules en rupture. Il se traduira à n'en pas douter par une emprise sociale d'autant plus facilement accrue que la population, privée de la possibilité d'une libération nationale comme de démocratie réelle, puisera dans la religion de nouvelles ressources contre l'adversité.
Aucune concession israélienne de fond n'étant à attendre, le sentiment de l'illégitimité de l'Autorité palestinienne auprès de sa base sera vraisemblablement appelé à s'amplifier dans ces bantoustans d'Allah qu'Israël est en train de mettre en place dans un assentiment international quasi général, accompagné du chant des sirènes partisanes à tout crin du « processus de paix » sous sa forme d'Oslo.
Jean-François Legrain, chargé de recherche au CNRS, est membre du Groupe de recherches et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (Gremmo, université Lumière Lyon-II).
             
Revue de presse

                     
1. L'opération israélienne s'attire des critiques de toutes parts par Deborah Sontag
in The New York Times (quotidien américain) du vendredi 20 avril 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Beaucoup de grands pontes de la politique israélienne pensent que la brève occupation, par l'armée israélienne, de territoires de l'Autorité palestinienne, dans la bande de Gaza, cette semaine - une occupation qui s'est achevée vingt-quatre heures après avoir commencé - se solde par un triple fiasco : militaire, diplomatique et politique.
Cette brève ré-occupation a causé des frictions entre Israël et les Etats-Unis, elle a suscité la désapprobation de l'Union européenne et la colère du monde arabe. Elle a aussi créé une tension entre le gouvernement et l'armée et au sein du gouvernement même, nombreux étant les ministres à l'avoir apprise par les médias. Elle a valu au Premier ministre Ariel Sharon les critiques des colons, qui lui reprochent d'avoir ordonné le retrait de l'armée, et de la gauche oppositionnelle, qui lui reproche de l'avoir fait avancer...
Par-dessus le marché, l'opération semble avoir eu peu d'effet, militairement, tout au moins jusqu'ici. Après le retrait des tanks et des bulldozers, une recrudescence d'obus de mortiers (on en compta treize) se sont abattus sur des cibles israéliennes, soit beaucoup plus que précédemment. En s'emparant du terrain, les Israéliens voulaient indiquer clairement aux Palestiniens qu'ils avaient franchi une ligne rouge en tirant des projectiles jusqu'au coeur du territoire israélien.
Mais le retrait de l'armée laisse aux Palestiniens l'impression qu'Israël a lui aussi franchi une ligne rouge, et que s'il se fait taper sur les doigts, il n'a que ce qu'il mérite.
"Ce mercredi restera dans les mémoires comme le jour où Ariel Sharon a commis sa première bévue", écrit Ben Caspit dans le quotidien israélien Maariv.
L'éditorial de Yediot Aharonot a pour titre : "Faites confiance au Schlemiel" (mot yiddish signifiant : "manchot"). On peut y lire : "Ce qui a débuté comme une campagne militaire, comme l'expression d'une nouvelle politique sans compromis, s'est terminé comme une boulette embarrassante", "un tir dans le pied sans précédent et, qui plus est, sans aucun résultat".
Le président de la commission des affaires étrangères de la Knesseth, Dan Meridor, a ordonné l'ouverture d'une enquête sur la façon dont ont été prises les décisions de pénétrer dans les territoires palestiniens, puis de s'en retirer. Cette enquête, baptisée : "Opération Chaude-Journée - Couleurs Pastel", sera supervisée par un sous-comité d'experts ayant la capacité de citer à comparaître. Dès la semaine prochaine, ce comité appellera des responsables gouvernementaux et militaires à témoigner et il passera au peigne fin les transcriptions des conversations téléphoniques entre le bureau du premier ministre et l'état major, ainsi que les communications téléphoniques internes de l'armée.
Des officiels américains et européens ont condamné la réoccupation (de territoires) en elle-même comme étant une réaction exagérée aux attaques au mortier des Palestiniens contre Sederot, attaques qui ont eu pour effet de creuser des trous dans le sable du désert du Neguev, sans causer ni mort, ni blessé : pas même des dégâts matériels. Certains Israéliens ont fait de même, disant que l'armée n'avait pu se dispenser de "rouler les mécaniques" et qu'il ne manquerait pas d'y avoir un "retour de manivelle" à cette démonstration de force. Mais de nombreux Israéliens ont apporté leur soutien à la philosophie de cette opération, ne critiquant que la manière dont elle a été décidée, menée, et brusquement arrêtée.
"L'origine du dysfonctionnement est qu'il n'y a eu aucune réflexion militaro-diplomatique tous-azimuts", a déclaré Ephraim Sneh, ministre des transports. "Non seulement le cabinet n'a pas été réuni, mais même le cabinet restreint ("le cabinet de la cuisine", en anglais, ndt) , composé du premier ministre, et des ministres de la défense et des affaires étrangères, ne l'a pas été non plus... Le ministère des affaires étrangères n'a pas été mis en action afin de mettre en route la diplomatie sédative qui est de mise pour une opération de cette nature : la première irruption massive des forces armées israéliennes en territoire contrôlé par l'Autorité palestinienne qui ne soit pas (théoriquement) suivie de leur retrait immédiat.
En Israël, aujourd'hui, les tensions internes ont été mises de côté, pour quelques brefs instants, tandis qu'on observait le Jour du Souvenir de l'Holocauste. La radio et la télévision ont consacré leurs programmes à la Shoah, nom duquel on désigne l'Holocauste (des Juifs, pendant la seconde guerre mondiale) ici. A dix heures du matin, toutes les sirènes se sont déclenchées : le trafic s'est figé et le pays tout entier a observé deux minutes de silence. Mais, en fin d'après-midi, la querelle politique nationale reprenait, avec des informations concernant des tirs d'obus de mortier contre un kibboutz situé à proximité de la frontière avec la bande de Gaza, et aussi le fait que Yasser Arafat avait ordonné qu'un terme soit mis aux attaques (contre le territoire israélien, ndt), pour la seconde fois en quinze jours.
Après un mois aux affaires, M. Sharon est sorti de l'attitude patriarcale bienveillante qu'il avait adoptée tout au long de sa campagne électorale. Au cours de plusieurs interviews, la semaine dernière, il ne s'est pas embarrassé de la rhétorique électorale sur "sa volonté de ramener la paix" ; il a défendu sa volonté d'obtenir la sécurité et la cessation des hostilités. Au début de cette semaine, il est passé à un ton beaucoup plus martial, agressif, en ordonnant la destruction d'une station-radar syrienne, au Liban.
Avec l'opération à Gaza, la vie politique de M. Sharon (et la vie tout court, dans la région) est devenue tout d'un coup beaucoup plus compliquée et "sur le fil du rasoir".
Après les attaques par terre, mer et air, contre des objectifs à Gaza, l'armée israélienne a fait mouvement, avec tanks et bulldozers, à travers la frontière, vers l'intérieur d'un secteur contrôlé par les Palestiniens autour de Beit Hanun, dans la nuit de lundi dernier. Des officiers de haut rang ont indiqué à des journalistes israéliens spécialisés dans les questions militaires, ce soir-là, qu'ils préparaient une "opération de laminage en règle, et non un épisode passager", a rapporté Amos Harel, correspondant militaire du quotidien Ha'Aretz.
Mardi après-midi, "les tanks et les transports de troupes étaient en ordre de bataille sur les plate-formes de départ, les soldats remplissaient des sacs de sable et édifiaient des remparts de terre", écrit aujourd'hui M. Harel. "Ce n'est pas le genre de choses que l'on fait lorsqu'on prépare une opération d'un jour".
Tard dans la soirée, au cours d'un briefing organisé par l'armée et diffusé sur toutes les stations de radio et toutes les chaînes de télévision, en Israël, et presque partout à travers le monde, le commandant de l'opération, le brigadier général Yair Naveh a dit aux reporters que les Israéliens resteraient (dans les territoires ré-occupés, ndt) "des jours, des semaines, voire des mois".
L'observation du général Naveh était tout-à-fait cohérente avec une déclaration du porte-parole de l'armée, le brigadier général Ron Kitrey, un peu plus tôt ce même jour. Celui-ci avait déclaré que les forces israéliennes resteraient (en territoire palestinien) tout le temps qui serait nécessaire pour obtenir l'arrêt total des tirs de mortiers palestiniens (contre Israël).
Mais, en l'espace de quelques heures, après que le secrétaire d'Etat américain, Colin L. Powell eût condamné Israël, les troupes se retiraient. "Mission accomplie", déclara l'armée... Les obus de mortier se mirent à voler très peu de temps après que les Israéliens aient refermé la barrière frontalière derrière eux...
Mercredi, le porte-parole de M. Sharon et le ministre de la défense, Benjamin Ben-Eliezer déclarèrent que cette opération n'avait jamais été prévue pour se prolonger au-delà d'une journée...
Ils blâmèrent le général Naveh pour avoir parlé avant son tour. Le bureau du porte-parole de l'armée publia un communiqué, selon lequel les commentaires du commandant de la région "n'étaient pas de son domaine de compétence". Raanan Gissen, le porte-parole de M. Sharon, a déclaré que les relations publiques n'étaient pas le fort du commandant, et il suggéra qu'il avait peut-être essayé d'induire l'"ennemi" en erreur...
De nombreux officiers ont été irrités par ce qu'ils ont considéré comme la désignation comme bouc émissaire de l'un des leurs. Certains officiels gouvernementaux ont laissé entendre que l'armée avait pris des libertés sur le terrain et qu'elle avait interprété sa mission d'une manière trop aventureuse ; d'autres posaient la question de savoir la nature des ordres que le chef d'état-major de l'armée, le lieutenant-général Shaul Mofaz, avait donnés à ses subordonnés.
L'Israélien de la rue est perplexe. Il est clair que certains réseaux de communications ont fait long-feu, au beau milieu d'une opération militaire sérieuse, que ce soit tant à l'intérieur qu'entre Israéliens et Américains. Le ministre des affaires étrangères, Shimon Pérès a déclaré que les Américains auraient dû être clairement informés qu'Israël n'avait pas l'intention de mener à bien autre chose qu'une "action limitée".
A droite comme à gauche, les politiciens israéliens disent avoir subodoré une tentative d'étouffer ce qu'ils interprètent sans équivoque comme un recul pitoyable du gouvernement israélien sous les pressions des Etats-Unis.
"Voilà ce à quoi nous assistons : Ariel Sharon se tire de la bande de Gaza à cause des Américains, et maintenant ils essaient de faire porter le chapeau à l'armée", a dit Ran Cohen, chef du Meretz, un parti de gauche. "Tout ça, c'est du pipeau".
Shaul Yahalom, leader du Parti National Religieux, dont les militants sont des colons, a déclaré : "Eh bien voilà : à la veille de l'indépendance (grâce à Sharon ? ndt), l'Etat d'Israël n'est pas indépendant".
         
2. Pourquoi le Proche-Orient a besoin de l'Europe par Jean Daniel
in Le Nouvel Observateur du jeudi 19 avril 2001

Faisons l'économie de l'indignation. Non par indifférence ou lassitude. Mais par décence. Au Proche-Orient, la tragédie a été annoncée. Proclamée. Elle a été décidée, voulue, calculée. Pour leur juste cause, les Palestiniens ont décidé de demeurer unis dans une résistance suicidaire plutôt que d'être divisés par une paix incertaine. Quant aux Israéliens, ils ont décidé de voir dans l'attitude de leurs adversaires et dans la surenchère ultime de leurs revendications la preuve que c'est leur légitimité qui était en cause à nouveau, et pour la première fois depuis 1967. Les Palestiniens n'ont pas voulu laisser croire qu'ils ne savaient pas se battre aussi bien que le Hezbollah censé avoir obtenu le retrait des forces israéliennes du Liban. Les Israéliens ont décidé de montrer aux Palestiniens et à tous leurs voisins qu'ils n'avaient pas opéré ce retrait par faiblesse. On ne peut pas mettre, depuis le début du processus de paix, depuis Oslo, les deux camps sur le même plan. Nous n'avons pas cessé d'écrire ici qu'accroître le nombre des colonies de peuplement dans les territoires dont on négociait la rétrocession constituait un acte d'agression à l'égard des Palestiniens, et d'irresponsabilité à l'égard des Israéliens qui occupent ces implantations. Mais tout cela relève du passé. La question est de savoir maintenant si un embrasement régional peut être provoqué par la stratégie de représailles adoptée par Ariel Sharon. Au coeur de cette question se trouve la Syrie. Mais le théâtre des opérations, pour le moment, c'est uniquement le Liban. Et je n'en finis pas de m'étonner que cela ne surprenne ni n'indigne personne. Après avoir imposé leur loi aux Palestiniens et aux maronites qui se sont livré il y a plus de vingt ans, les uns contre les autres, une guerre atroce et interminable, les Syriens ont justifié le maintien de leurs troupes au Liban par le fait qu'Israël occupait le sud du pays. Déjà il était scandaleux que l'ensemble des pays arabes décidât qu'il ne serait permis de s'attaquer à Israël que depuis le territoire libanais. C'était condamner ce petit pays biconfessionnel à être la seule victime des redoutables ripostes israéliennes. Mais après le retrait des forces israéliennes, il était clair que la Syrie s'opposait à ce que la frontière libano-israélienne fût pacifiée. Logiquement, l'armée libanaise aurait dû prendre position sur cette frontière. En imposant que le Hezbollah, équipé par elle-même et financé par les Iraniens, contrôle seul cette frontière, la Syrie a bel et bien décidé de maintenir une menace permanente d'hostilité. Elle disait vouloir récupérer le plateau du Golan. Mais elle le faisait en ne prenant aucun risque. Sur ce plateau, aujourd'hui encore, la sécurité est totale. Que peut-il arriver maintenant ? La pénétration des forces israéliennes à Gaza et dans tous les territoires a réveillé les rêves minoritaires du Grand Israël. Les Palestiniens se réfugient dans l'espérance qu'une extension du conflit susciterait son internationalisation. Calcul pour le moment très incertain. La Syrie veut bien faire la guerre par Libanais interposés mais ne souhaite pas risquer le bombardement de Damas. L'ONU est récusée par Israël, et cela en dépit de toute la diplomatie savante de Kofi Annan, qui offre pratiquement chaque semaine, pour son honneur, une nouvelle version de l'envoi de forces d'interposition. L'Otan n'est en rien disposée à résister si peu que ce soit au veto américain - même si George Bush, dit-on dans l'entourage de Colin Powell, se repent d'avoir donné à Sharon, dès l'arrivée de ce dernier au pouvoir, un feu vert pour utiliser tous les moyens de défense, un chèque en blanc pour obtenir tous les crédits militaires. La Russie, pas plus d'ailleurs que la Chine et la Corée du Nord, ne veut aller pour le moment au-delà d'une aide à l'Iran, à l'Irak et, dit-on un peu partout - mais l'information est-elle encore vraie ? -, à l'Algérie, qui a, elle, bien d'autres chats à fouetter. C'est donc l'heure de l'Europe, et voici pourquoi son intervention ne serait pas irréaliste. D'abord, le nombre des victimes des conflits mondiaux a beau être mille fois plus grand que celui des morts palestiniens et maintenant israéliens, ce qui se passe en Terre sainte suscite des réactions passionnelles qui n'ont jamais été aussi exacerbées. On se résigne à l'Irlande, on se résigne aux convulsions balkaniques, on se résigne aux talibans, aux victimes de la drogue en Colombie et aux accidentés de la route partout, mais la tragédie israélo-palestinienne, cela ne passe plus. Et pas seulement parce que c'est une guerre visible, relayée par les médias les plus puissants du monde, mais parce que les mondes musulman et judéo-chrétien se sentent atteints au coeur. L'irrationnel avive et intensifie la sensibilité. Ensuite, parce que l'Union européenne verse déjà des sommes considérables à l'Autorité palestinienne et dispose de ce fait, tout de même, d'un moyen de pression. Elle a raté l'occasion de s'en servir pour inciter Arafat à nous éviter les catastrophes qui ont nom Sharon et Bush. Mais aujourd'hui une simple trêve, pas une cessation mais une suspension des hostilités, pourrait mettre Sharon au pied du mur. Après quoi une partie de la population israélienne, étant légèrement rassurée, pourrait réclamer un retrait partiel des colonies, implantations qui portent bien leur nom et qui, depuis le début, constituent encore une fois un scandale. Enfin les Israéliens, ayant fait la preuve que l'opinion arabe s'était bercée d'illusions suicidaires en pensant que le phénomène Hezbollah constituait un précédent, pourraient estimer avoir récupéré cette position de force qu'ils redoutaient d'avoir perdue. Position qui pourrait - pourquoi pas ? - conduire la gauche israélienne à renaître. Et - pourquoi pas ? - avec Shimon Peres (le seul ministre à avoir voté contre le raid antisyrien au Liban). L'Union européenne aurait alors des interlocuteurs, et même des alliés. Rêve ? Utopie ? Irréalisme ? En tout cas l'Union européenne ne peut pas demeurer spectatrice. Un de nos confrères, attribuant à de Gaulle un propos qui est, à ma connaissance, de l'ancien président algérien Boumediene, rappelle que « les Arabes disposent du nombre, de l'espace et du temps ». D'où la conclusion que les Palestiniens seraient prêts indéfiniment à mourir. C'était le calcul du ministre de la Culture de l'Irak, qui avait repris la formule à Paris même. Pourquoi s'est-il trompé ? Parce que, désormais, la façon d'utiliser le temps peut vaincre et le nombre et l'espace.
             
3. Le kaléidoscope d’Elias Sanbar par René Backmann
in Le Nouvel Observateur du jeudi 19 avril 2001

Souvenirs du pays à venir
Le rédacteur en chef de « la Revue d’Etudes palestiniennes » vient d’élire domicile dans une nouvelle patrie : la littérature
Comment dire l’exil ? Comment parler, après un demi-siècle, du coup de hache de l’expulsion qui a coupé les Palestiniens de leur terre et tranché en deux leur mémoire, séparant à jamais tout ce qui était « avant » de tout ce qui advint « après » ? Comment, lorsqu’on appartient à un peuple fier de son histoire, mais privé de géographie depuis si longtemps par l’occupation et la dispersion, bâtir sa vie sur cette absence ? Et comment dire aussi qu’en dépit de l’exil, de la terre confisquée, du déracinement, des guerres, des amis éparpillés ou tombés au combat, des espoirs trahis, la vie a continué. Ailleurs. Avec des souvenirs d’enfance. Doux et amers. Des combats, ceux d’un militant et d’un intellectuel. Des rencontres. Et des joies. Oui, des joies aussi, malgré cette ombre immense.
La force, mais aussi la grâce poignante du livre d’Elias Sanbar, c’est cet équilibre de funambule, du premier au dernier mot, entre l’émotion et l’humour, la colère et la générosité, l’ironie et la tendresse. Il fallait trouver une forme littéraire particulière pour réunir ces éclats de mémoire épars, recueillis au fil d’un demi-siècle d’errance. Elias Sanbar a choisi une construction savante, où les rêves, les anecdotes, les images fugitives, les témoignages, les conversations avec des amis de rencontre s’imbriquent et se reflètent comme les miroirs d’un kaléidoscope.
On croise ainsi Jean-Luc Godard, marchant sur les mains dans un hôtel d’Amman, Jean Genet, expliquant que le mufti n’est pas une casserole, ou apprenant à un imprudent comment traverser une rue de Beyrouth sans risque, et Khalid Abou Khalid, combattant-poète, qui raconte à l’auteur Haïfa, où il est né, et qu’il n’a pas connue : « Ta ville, c’est la cadence des femmes lorsqu’elles reviennent des fontaines et que l’eau déborde de leurs jarres. »
Elias Sanbar n’avait qu’un an lorsqu’il a quitté la Palestine dans les bras de sa mère. Plus chanceuse que d’autres, sa famille n’a pas trouvé au bout de son exil un camp de réfugiés, mais l’appartement d’une grand-mère, à Beyrouth, dans le souk des menuisiers, où la plupart des artisans fabriquaient en réalité des cercueils. C’est à Beyrouth, frivole puis déchirée, qu’il s’est retrouvé, adolescent, « confronté à la nécessité d’agir ». A Beyrouth aussi que son père, ancien membre du Haut-Comité arabe qui organisa la révolte de 1936, est mort en juin 1967, au lendemain de la défaite, quelques heures après lui avoir confié : « Personne ne parviendra à se débarrasser de nous. La Palestine est une arête plantée dans la gorge du monde. »
La maison de Haïfa, il ne la retrouvera, en visiteur furtif, que cinquante ans plus tard, pour constater qu’elle est habitée par une famille palestinienne du village de Fassouta, qui paie son loyer à l’administration israélienne des « biens des absents ». Et c’est au fond l’itinéraire d’exil d’Elias Sanbar de Haïfa à Haïfa, via Beyrouth, Paris, Amman, quelques camps de fedayins où il enseigne - et apprend - l’histoire, Princeton, New York, Tunis, que jalonnent les chapitres de ce livre.
Acteur résolu du dialogue israélo-palestinien, négociateur et « soldat de la paix », Elias Sanbar n’a cessé depuis trente ans de rêver au « pays à venir ». Celui où il est né. Ce pays, c’est sûr, ne ressemblera pas à celui qui abritait la nostalgie des siens. C’est peut-être pour affronter cette réalité amère qu’Elias Sanbar vient d’élire domicile dans une nouvelle patrie d’accueil : la littérature.
["Le Bien des absents" par Elias Sanbar, Actes Sud, 114 pages, 99 FRF]
          
4. Droits de l'homme à l'encan aux Nations unies par Pierre Hazan
in Libération du  jeudi 19 avril 2001

Si la Chine a échappé à une condamnation à Genève, la politique israélienne a été épinglée.
Genève de notre correspondant,
Que dirait-on d'un tribunal qui comporterait parmi les jurés, des assassins et des violeurs? C'est pourtant, ce qui se passe, peu ou prou, à la Commission des Nations unies pour les droits de l'homme.» Ce jugement désabusé de Ken Roth, directeur de l'organisation américaine Human Rights Watch, témoigne de l'ambiguïté de cette Commission qui se veut «la conscience de la communauté internationale», mais qui en réalité, reflète davantage les rapports de force entre Etats que le véritable «palmarès» des gouvernements bafouant les droits de l'homme. D'autant que des pays peu sourcilleux en matière de respect de la personne humaine font désormais de «l'entrisme» au sein de cet organe de l'ONU, pour mieux se prémunir de toute condamnation.
Rituellement, l'un des sujets les plus disputés est la Chine. En dépit de la reconnaissance «des progrès enregistrés», les Américains, soutenus par les Quinze, ont tenté hier - en pure perte - d'épingler Pékin pour les entraves à la liberté d'expression, à la liberté religieuse et d'association, ainsi que sur le Tibet. Mais Pékin a réussi une nouvelle fois à ce que ces accusations ne soient même pas discutées. Par 23 voix contre 17 et 12 abstentions, la Chine a réussi, par un artifice de procédure, à simplement écarter tout vote sur le fond.
Abstention. Le gouvernement chinois avait mis toutes les chances de son côté. Ces derniers jours, le président Jiang Zemin a entamé une grande tournée en Amérique latine, dont les retombées se sont matérialisées hier: à l'heure du vote, tous les pays latino-américains, à l'exception du Guatemala, se sont prudemment abstenus ou ont voté en faveur de la Chine. Mais le ton n'était pas vraiment à la détente. L'ambassadeur chinois a dénoncé «les avions américains qui espionnent et menacent le peuple chinois», s'en prenant dans la foulée à Washington, «imbu de sa suprématie raciale et qui ne cherche qu'à renvoyer la Chine à un état d'arriération perpétuelle», pour conclure que toutes ces accusations sont «aussi absurdes que calomnieuses»...
De tous les pays passés au crible, l'Etat hébreu a été le plus lourdement condamné, que ce soit pour ses opérations militaires en Cisjordanie ou Gaza, l'extension des colonies de peuplement, l'occupation du Golan et la détention de prisonniers libanais. Ces multiples condamnations d'Israël témoignent de la frustration de beaucoup de pays à l'égard de la politique du gouvernement Sharon. Ainsi, ce n'est qu'au dernier moment que Paris, Rome et Madrid ont préféré s'abstenir avec les autres membres de l'Union européenne sur la résolution présentée par l'Algérie, au nom des pays arabes et non alignés, qui condamnait notamment Israël «pour sa politique de répression ainsi que pour les exécutions extrajudiciaires commises par les force de sécurité de l'Etat hébreu».
Outrance verbale. Si le texte de la résolution avait été profondément atténué sous la pression des Quinze, l'ambassadeur algérien, Mohammed-Salah Dembri, a pris sa revanche à l'oral, en comparant «la Cisjordanie et Gaza aux camps de concentration de Dachau, Treblinka et Auschwitz», et appelant les Israéliens à ne pas conduire «le peuple palestinien à ce que fut Nuit et Brouillard» (un génocide, ndlr).
Ces outrances verbales soulignent une fois encore les limites de la Commission des droits de l'homme. Alger qui se pose en donneur de leçons a refusé l'accès à son territoire à tous les rapporteurs spéciaux des Nations unies et a toujours réussi à échapper à tout examen de sa situation intérieure en dépit des milliers de morts et d'innombrables exactions. Diplomatiquement plus lourde de sens fut la résolution déposée par la Suède au nom des Quinze, et massivement acceptée -seuls les Etats-unis ont voté contre-, qui fustigeait les colonies de peuplement de l'Etat hébreu.
                
5. L’inquiétante disparition du mouvement pour la paix par David Newman
in The Jerusalem Post (quotidien israélien) traduit dans Courrier International du jeudi 19 avril 2001

(David Newman est directeur du département de sciences politiques de l’université Ben Gourion du Néguev.)
Pourquoi le mouvement La Paix maintenant a-t-il disparu ? Le politologue David Newman analyse les raisons de l’effondrement d’une organisation qui a longtemps été l’un des moteurs des négociations.
La paix n’est pas précisément un sujet à la mode, ces derniers temps. La gauche elle-même a le sentiment que le gouvernement précédent n’aurait pas fait beaucoup mieux et qu’une fois de plus les Palestiniens ont gâché une belle occasion d’obtenir ce qu’ils désirent depuis si longtemps : tous nos efforts ont été récompensés par une nouvelle flambée de violence et de terrorisme.
Nous vivons sans aucun doute une période de crise. Voilà justement pourquoi le pays a besoin de voir émerger un mouvement pacifiste spontané qui aurait une chance d’arrêter le dangereux glissement en faveur de la guerre de l’opinion publique et l’idée qu’il ne peut y avoir d’alternative aux affrontements.
Les mouvements de protestation apparaissent souvent pendant ces périodes de crise où la population juge les politiques et les élus incapables de trouver des solutions. Ce fut le cas en Israël dans les années 70, au lendemain de la guerre du Kippour, où se développa un élan de protestation inédit depuis la naissance du pays. Gush Emunim [Le Bloc de la foi, rassemblement de sionistes religieux], un mouvement de protestation de droite, a été créé en 1974 pour s’assurer qu’Israël ne céderait en aucun cas son autorité sur la Cisjordanie lors de négociations ultérieures. Créée quatre ans plus tard, La Paix maintenant [Shalom Akshav] s’est donnée pour but de promouvoir les pourparlers de paix et de rappeler au gouvernement Begin qu’il ne devait pas se départir de ses bonnes intentions jusqu’à la conclusion d’un accord final.
En vingt-cinq ans, ces deux organisations ont enregistré leur lot de succès et d’échecs. Gush Emunim peut s’enorgueillir des 200 000 colons installés en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza. Ces implantations ont été un obstacle majeur à la signature d’un accord territorial définitif entre Israël et l’Autorité palestinienne. En outre, elles ont largement contribué à l’échec des négociations au cours des douze derniers mois. Pour sa part, La Paix maintenant peut se féliciter d’avoir fait pression sur le gouvernement Begin pour qu’il conclue l’accord de paix avec l’Egypte.
Le mouvement pacifiste a également manifesté son opposition massive à la guerre du Liban et oeuvré sans relâche en faveur des négociations israélo-palestiniennes depuis dix ans. En matière d’échec, Gush Emunim et ses partisans ont dû accepter de renoncer au rêve d’un Grand Israël. La Paix maintenant, pour sa part, en est réduite à déplorer la rupture des négociations de paix avec les Palestiniens, le retour du terrorisme et de la violence et, ce qui semble évident aux yeux de tous, un recul significatif - voire la disparition complète - des chances d’aboutir à un accord de paix définitif dans un futur proche. Les dirigeants de ces deux organisations ont vieilli, et nombre d’entre eux ont fini par être absorbés par les partis politiques. Créées à l’origine comme des mouvements protestataires, ces deux formations se sont largement institutionnalisées. Elles ont donné naissance à d’autres organisations : à droite, Zo Artzenu [Ceci est notre pays, mouvement d’extrême droite] et Femmes en vert, qui ont dirigé la campagne contre les accords d’Oslo ; à gauche, Gush Shalom [Le Bloc de la paix], les Quatre Mères et Femmes en noir, qui se sont battus sans relâche en faveur d’un retrait israélien du Liban.
Mais les comparaisons s’arrêtent là. Alors que Gush Emunim peut compter sur ses implantations et sur une génération d’enfants de colons et de jeunes formés dans les yeshivas [les écoles talmudiques] pour protester activement contre une reprise des négociations de paix et une éventuelle évacuation des implantations juives, La Paix maintenant a pratiquement disparu du paysage politique. Autre différence : les contestataires de droite n’hésitent pas à manifester contre leurs propres dirigeants politiques lorsque ceux-ci sont au pouvoir. La gauche, elle, est toujours tombée dans le piège qui consiste à croire qu’après l’élection d’un Premier ministre de gauche il ne reste plus qu’à rentrer à la maison et à attendre que tout s’arrange.
L’actuel arrêt des négociations est, pour les partisans de la paix, la plus grave crise depuis l’invasion du Liban en 1982. Les sondages montrent que les Israéliens, parmi lesquels bon nombre de défenseurs actifs du processus d’Oslo, ne croient plus à un accord de paix avec les Palestiniens. Après avoir tant offert à Camp David, ils n’acceptent pas de recevoir en retour une nouvelle flambée de violence et de terrorisme. Il n’existe pas, au sein de la société israélienne, de mouvement populaire capable de faire entendre sa voix, de reconquérir l’opinion publique et d’essayer (aussi ardue que soit cette tâche) de convaincre l’Israélien moyen que les négociations de paix ont toujours leur importance à condition que le terrorisme et la violence prennent fin. Ce dont nous avons besoin de toute urgence, c’est d’un nouveau mouvement pacifiste partant de la base pour aller vers le sommet, porté par les jeunes adultes du pays, par les yuppies de Tel-Aviv et d’Herzliya [grande ville au nord de la capitale] et par les kibboutz. S’il ne peut s’agir d’une autre Paix “maintenant”, parce que le moment ne s’y prête décidément pas, ce mouvement néanmoins se devra d’être pacifiste : il rappellera à l’ensemble de la population que l’objectif ultime doit être la stabilité, la sécurité et la normalisation - et non les affrontements, la violence et les implantations.
Il devra impérativement se trouver dans ce pays des gens motivés qui soient prêts à relever le défi. Car sans l’émergence d’un nouveau mouvement populaire favorable à la paix et capable de faire entendre sa voix dans la rue, dans les médias et dans des manifestations, l’actuel gouvernement ne retournera pas s’asseoir à la table des négociations - que les violences cessent ou non. Il n’y aura plus, alors, qu’à enterrer les espoirs et les rêves de ceux qui, depuis dix ans, aspirent à un avenir où la guerre ne serait plus qu’un souvenir.
                 
6. La spirale de la violence par Baudoin Loos
in Le Soir (quotidien belge) du mercredi 18 avril 2001

D'escalade en escalade. Le Proche-Orient s'englue dans un conflit toujours plus armé, toujours plus sanglant, toujours plus étendu. Après l'extension au Liban, orchestrée par Israël dimanche contre une position syrienne en représailles à une action mortelle du Hezbollah dans une zone occupée, l'armée israélienne a répliqué ces dernières trente-six heures à cinq tirs de mortier palestiniens, dirigés contre une petite ville à l'intérieur d'Israël, par une nouvelle démonstration de l'artillerie et de la force aérienne et, nouveauté, par la réoccupation de parcelles de la « zone A » (sous contrôle total palestinien depuis 1994), dans la bande de Gaza. Cette réoccupation pourrait durer des mois, selon un général israélien, le temps nécessaire pour empêcher les tirs de mortiers contre nos localités.
Pour sa part, le président palestinien Yasser Arafat a dénoncé le crime impardonnable que représentent pour lui les opérations militaires israéliennes menées dans la nuit de lundi à mardi : une tentative vicieuse pour faire plier notre peuple, mais le monde doit comprendre que ce peuple ne cédera pas, a-t-il déclaré. Le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, lui, a qualifié les représailles israéliennes d'excessives et disproportionnées...
Les parties israélienne et palestinienne n'ont jamais atteint un tel point d'animosité et d'antagonisme depuis dix ans. Des deux côtés, la haine l'emporte sur les stratégies de paix, confinées au rayon des espoirs déçus.
Dans ce contexte, la visite d'information qu'entame dans la région notre ministre des Affaires étrangères, Louis Michel, à dix semaines de la présidence belge du Conseil des ministres européen, est pour le moins délicate.
                 
7. "Aujourd'hui, les Palestiniens ne sont plus seuls à porter le deuil" par Didier François
in Libération du mercredi 18 avril 2001

Bilal, commandant des structures clandestines à Gaza explique pourquoi il a fait le choix des armes contre Israël.
Khan Younès envoyé spécial
Sur l'écran de télévision défilent les images de destruction. Décombres d'un quartier populeux rasé par les blindés israéliens. Bilal s'enfonce dans un sofa, allume une cigarette, se déleste de son fusil et entame sa démonstration. «Voilà ce qui nous pousse à agir.» Constat sans fougue ni véhémence. Pour ce jeune commandant, patron des structures clandestines dans la bande de Gaza, le choix des armes s'impose comme une évidence. «Nous avons suivi le chemin de la paix et, à notre grand regret, avons trouvé la voie barrée par l'égoïsme israélien, un refus borné à reconnaître les droits palestiniens. Nous avons frappé à toutes les portes, dans le monde arabe, aux Etats-Unis, en Europe. Sans succès. Alors nous avons pris nos responsabilités: le recours aux opérations militaires pour protéger notre peuple.»
Chaque nuit, à la mitraillette, à la mine ou au mortier, ses fedayin harcèlent les casernes et les colonies juives. Attentats, embuscades, escarmouches, les combattants de l'ombre multiplient leurs coups de main. Jour après jour, Tsahal durcit ses représailles, bombardements, exécutions, punitions collectives. Assuré de son bon droit, Bilal accepte avec résignation l'escalade militaire, sa cohorte de peines, de destructions. «Nous sommes en guerre. Nous ne fixons donc aucune limite à nos opérations. Tant que les Israéliens occuperont nos terres, qu'ils n'auront pas mis en œuvre l'ensemble des accords signés depuis Oslo, nous poursuivrons le combat avec tous les moyens à notre disposition.»
Fatalisme. Après six mois d'affrontements, la logique du conflit s'est solidement enracinée dans la psyché des baroudeurs. «La puissance de leur armement ne nous fait ni chaud ni froid.» Un fatalisme entretenu par le sacrifice des camarades, dont le commandant reconnaît qu'«ils sont nombreux à être tombés en martyrs au cours de nos actions». Ses hommes, estime Bilal, ont donné leur vie pour que ne soit plus gaspillée celle des jeunes lanceurs de pierres. «Au début de l'Intifada, nous nous sommes cantonnés aux marches de protestation. La répression israélienne a été terrible. A 300 morts, nous avons décidé de revoir notre stratégie. Aujourd'hui, les Palestiniens ne sont plus seuls à porter le deuil.»
«Si nos moyens restent limités, nous avons fait d'énormes progrès sur le plan militaire.» Les haoun, ces mortiers artisanaux baptisés «pilons» et fabriqués dans la bande de Gaza, font la fierté de Bilal. «Notre réponse à leurs bombardements. Imparable. Bien sûr, il nous faut encore les améliorer, mais nous apprenons chaque jour.» La destruction de ces ateliers, un secret bien gardé, est devenue la priorité absolue des forces israéliennes. Autre spécialité du groupe, les mines commandées à distance. Modèle maison bricolé à grand prix. Au marché noir, le kilo de TNT coûte 500 dollars, plus de 3 500 francs. «Tout s'achète en Israël.» Bilal sourit. «Avec un peu de haschich ou de cocaïne.» «Mais nous ne sommes pas des terroristes.» Bilal insiste. C'est pour marteler ce message qu'il accepte de rencontrer les envoyés spéciaux de Libération et du Figaro.
«Nous évitons de cibler des civils.» Son unité revendique pourtant l'embuscade contre un bus de ramassage scolaire devant l'implantation de Kfar Darom, en novembre. «Les Jeep d'escorte étaient visées.» Un nourrisson a été blessé par des éclats lors d'une attaque au mortier sur Gush Qatif. «Un accident. Il ne faut pas oublier que les colonies sont devenues des bases de l'armée. Les colons portent tous une arme, ce sont donc des objectifs militaires légitimes.» La raison de ses tirs semble toutefois ailleurs. Et Bilal le concède. «Nous connaissons le point faible du peuple israélien. Si le gouvernement d'Ariel Sharon ne peut pas lui garantir la sécurité, il ne tiendra pas longtemps.» Voilà qui justifie les actions «par-delà la ligne verte».
Frange nationaliste du soulèvement, les fedayin des «sections opérationnelles» du Fatah répugnent aux attentats-suicides en Israël. Mais les kataeb islamistes, bras armés du Hamas ou du Jihad, n'ont pas ces délicatesses. Or, reconnaît Bilal, «les événements nous ont poussés à des alliances avec le diable». En fait, la résistance palestinienne armée a désormais regroupé ses obédiences sous un «haut commandement unifié», construit sur le modèle des réseaux clandestins de la première Intifada. Une sorte de directoire politico-militaire coordonne les actions des divers groupes, à Gaza comme en Cisjordanie. «Deux courants coexistent au sein du Fatah, explique Bilal. Une tendance recherche une paix équilibrée avec les Israéliens par le biais des négociations. Et nous, la fraction radicale, pensons que l'on doit revenir à l'action armée, révolutionnaire. Vous pouvez, bien sûr, nous considérer comme une force d'opposition par rapport à la direction du Fatah.» Les radicaux disposent d'une autonomie réelle. Partiellement parce que jamais ils n'ont bénéficié d'un espace politique aussi dégagé. En l'absence de solution négociée crédible, face au durcissement de la répression, leur popularité va croissant dans la rue. Parmi les réfugiés des camps, sur les lignes de confrontation, les miliciens restent perçus comme un ultime rempart contre l'agression israélienne, et rares sont ceux qui leur reprochent d'être l'aimant attirant le feu des représailles.
«Les membres de la police palestinienne sont souvent ligotés par les consignes de retenue de leurs supérieurs, regrette Bilal. Nous n'avons pas ce genre de restrictions. Nous ne recevons d'ordres que de nos propres structures de commandement. En fait, l'Autorité découvre souvent nos opérations après coup.» Pour autant, les ponts sont loin d'être coupés entre les militants actifs dans la sphère armée et les dirigeants intégrés dans l'appareil officiel. «Même si nous sommes des opposants, nous restons le dernier atout du camp de la paix. C'est notre force militaire qui donne du poids à nos négociateurs. Sans notre aide, ils ne représenteraient rien.»
Corrompus. Pas question, en revanche, de transiger avec les «traîtres». Se transformant en parti de gouvernement, après la signature des accords d'Oslo, le vieux mouvement de libération fondé par Arafat a fait le lit de quelques corrompus sans scrupules, désormais suspects de collaboration. «Notre révolte a deux faces, précise Bilal; la résistance à l'occupation israélienne va de pair avec une lutte pour éliminer les impuretés à l'intérieur de l'Etat palestinien. Nous combattons la conduite malhonnête de certains au sein du Fatah et de l'Autorité.»
Laissés-pour-compte. Issus des milieux modestes ou liés aux grandes familles de la bande de Gaza, les volontaires des «sections opérationnelles» du Fatah se recrutent souvent parmi les laissés-pour-compte de la grande distribution des postes de responsabilité qui a suivi l'installation de l'Autorité dans les territoires autonomes. Des motadarine, les recherchés, membres des cellules secrètes de la première Intifada, traqués par les forces de sécurité israéliennes, mais qui n'ont jamais pu rejoindre les bases de l'OLP à l'étranger. Certains croupissaient dans les geôles de l'occupant. Bilal y a passé dix ans. D'autres se cachaient. Aucun ne bénéficie de l'entregent politique gagné par leurs compagnons de combat déportés ou exfiltrés et qui, d'avoir fréquenté la direction de l'OLP en exil, ont pris la tête d'une administration à leur retour au pays, suite aux accords d'Oslo. «Leurs anciens camarades leur ont donné des grades dans la police, assure un connaisseur; rarement au-dessus du rang de capitaine. Ils sont donc beaucoup moins dépendants que les chefs devenus des figures publiques. Et ils pensent que leur tour est venu, que leur engagement se devra d'être récompensé lorsqu'un nouvel accord sera trouvé avec Israël.»
              
8. Quand les journalistes refusent de dire la vérité sur Israël par Robert Fisk
In The Independent (quotidien britannique) du mardi 17 avril 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

"La peur d'être taxés "d'antisémitisme" nous amène à fermer les yeux sur des agissements inadmissibles au Moyen-Orient."
Que se serait-il passé si nous avions soutenu le régime d'apartheid sud-africain contre la population noire majoritaire ? Que se serait-il passé si nous avions chanté les louanges des dirigeants blancs sud-africains, si nous les avions décrits comme des "tenants de la ligne dure", et non les racistes qu'ils étaient bel et bien ? Et si nous avions justifié le massacre de cinquante-six manifestants noirs, à Sharpeville, en le qualifiant "d'opération coup-de-poing nécessaire" de la police sud-africaine, tout-à-fait fondée et justifiée ? Et si nous avions décrit les enfants noirs abattus par la police comme les victimes d'un "acte sacrificiel" de leurs propres parents ? Du temps que nous y étions, pourquoi n'aurions-nous pas, sur notre lancée, demandé aux leaders "terroristes" de l'ANC (African National Congress) de "contrôler leur propre peuple" ?
Presque chaque jour, c'est exactement ce que nous faisons lorsque nous mettons en scène la guerre israélo-palestinienne. Peu importe le nombre de jeunes abattus par les Israéliens, peu importe le nombre de crimes - des deux côtés - et peu importe la réputation sanguinaire du Premier ministre israélien : nous (autres journalistes) avons une manière de couvrir ce terrible conflit qui serait revenue, appliquée à l'Afrique du Sud, à soutenir les Blancs sud-africains afrikaneers contre les Noirs. Bien sûr, Israël n'est pas l'Afrique du Sud (même si, comme par hasard, il a été un des piliers extérieurs, s'il en fut, du régime d'apartheid) ; certes, les Palestiniens ne sont pas les Noirs relégués dans les bantoustans. Mais la différence est mince, entre Gaza et les bidonvilles de Johannesburg ; et les ressemblances sont frappantes entre les tactiques adoptées par l'armée israélienne, dans les territoires occupés, et celles de la police sud-africaine, à l'époque de l'apartheid. Le régime d'apartheid avait ses escadrons de la mort, Israël en a, aujourd'hui. Il faut toutefois rappeler que les escadrons de la mort sud-africains n'utilisaient ni mitrailleuses héliportées, ni missiles...
Depuis la seconde guerre mondiale, rarement un peuple aura été aussi vilipendé que le peuple palestinien. Rarement un peuple aura été aussi souvent excusé, jamais on ne lui aura à ce point passé ses caprices, que les Israéliens. Les ambassades israéliennes, de part le monde, s'emploient à tenir la jambe aux éditeurs, pour leur faire la leçon : ils ne doivent pas qualifier le Premier ministre israélien de "faucon", car cela "enfreindrait la courtoisie". Et les publicistes de rentrer dans le rang, le petit doigt sur la couture du pantalon...
Sharon, nous dit-on, peut devenir pragmatique : un autre De Gaulle. En réalité, il ressemble plutôt aux généraux putschistes d'Alger. Eux aussi utilisaient la torture et massacraient leurs opposants arabes. Il a fallu un écrivain israélien, Nehemia Strasler, dans le journal Ha'aretz, pour nous rafraîchir la mémoire : la carrière de Sharon laisse tout espérer, sauf la paix. Il a voté contre le traité de paix avec l'Egypte, en 1979. Il a voté contre un retrait du sud-Liban, en 1985. Il s'est opposé à la participation d'Israël à la Conférence de paix de Madrid, en 1991. Il s'est opposé au vote plénier de la Knesset sur l'accord d'Oslo, en 1993. Il s'est abstenu lors du vote pour la paix avec la Jordanie, en 1994. Il a voté contre l'accord d'Hébron, en 1997. Il a condamné les modalités du retrait Israélien du Liban, l'an dernier. Aujourd'hui, il fait construire des colonies dans les territoires arabes occupés - en violation totale du droit international - à un rythme encore plus soutenu que son prédécesseur.
Mais tout ça n'empêche : nous somme instamment priés de considérer que c'est ce corrompu parkinsonien de Yasser Arafat qui est le fauteur de guerre... Il refuse obstinément de "contrôler" son peuple. Tonton George (Bush) le gourmande, et pendant ce temps, les dirigeants israéliens continuent à martyriser son peuple. Rafael Eytan, ancien chef d'état-major de l'armée israélienne, parlait des Palestiniens en ces termes : "des cancrelats enfermés dans un bocal". Menahem Begin les appelait "les bêtes à deux pattes". Le rabbin Ovadia Youssef, chef "spirituel" du parti Shas, les a qualifiés de "serpents". En août dernier, Ehud Barak a vu en eux "des crocodiles". Le mois dernier, le ministre israélien du tourisme, Rehavem Zeevi, a gratifié Arafat du qualificatif (gentillet) de "scorpion". Le régime sud-africain lui-même n'avilissait pas les Noirs sud-africains de la sorte ; il ne les agonisait pas d'insultes aussi stigmatisantes. 
Et malheur au diplomate ou au journaliste qui oserait relever ces (tristes) réalités. Il y a quelques semaines, le Centre Simon Wiesenthal, de Paris, a accusé la présidente suédoise de l'Union Européenne d'"encourager la violence anti-juive". "Condamner Israël parce qu'il "élimine des terroristes"", a écrit ce Centre dans une lettre officielle envoyée au premier ministre suédois, "rappelle l'argument avancé par les Alliés, durant la seconde guerre mondiale, selon lequel bombarder les voies ferrées conduisant à Auschwitz aurait encouragé l'antisémitisme chez les Allemands". Par son attitude, la Suède (d'après cette missive) "attaque de manière unilatérale l'Etat des survivants de l'Holocauste". Et le crime de la présidente suédoise, qu'était-il, au juste ? Elle avait osé dire que "la pratique (israélienne) des éliminations systématiques constitue un obstacle à la paix de nature à provoquer de nouvelles violences". Elle n'avait même pas fait référence aux escadrons de la mort.
En février dernier, Newsweek a commis un faux virtuel, en couverture, en publiant, sous le titre : "La terreur se mondialise. Exclusif : le réseau international de Bin Laden", la photo effrayante, en plan américain, d'un homme au visage masqué derrière un châle arabe, brandissant un flingue de sa main droite. Il était loisible au lecteur d'imaginer qu'il s'agissait là d'un membre du réseau de "terreur globale" d'Osama Bin Laden. Mais j'ai retrouvé le photographe finlandais qui a réalisé ce cliché. Il l'a pris au cours d'un enterrement, en Cisjordanie. Cet homme (participant au cortège) était un membre armé de la milice palestinienne Tanzim : il n'avait rien à voir, ni de près, ni de loin, avec Bin Laden. Les Tanzim sont violents, on ne peut pas dire le contraire. Mais la couverture de Newsweek diffame le peuple palestinien tout entier en l'associant à l'homme vraisemblablement responsable d'attentats extrêmenent meurtriers contre deux ambassades américaines en Afrique.
Comme l'écrit le courageux écrivain américain Charley Reese dans sa rubrique régulière publiée aux Etats-Unis, les Israéliens "ont créé leur propre ennemi implacable". Ils ont tellement écrasé, désespéré, humilié les Palestiniens que ceux-ci n'ont plus rien à perdre. Nous n'avons pas été les derniers à y participer, nous aussi. Notre couardise, notre refus de dire la vérité, notre peur d'être taxés d'"antisémitisme" - l'une des injures les plus graves qui puissent être proférées envers un journaliste - ne font que contribuer à la perpétration d'actes atroces au Moyen-Orient, et en même temps, en fermant les yeux, à les laisser se perpétuer sans rien dire. Nous serions bien inspirés de regarder bien en face ces "remakes" de l'ère de l'apartheid et de nous souvenir de l'époque où les hommes avaient encore un peu d'honneur...
                  
9. Fatima, cinquante-trois ans à Khan Younis, "réfugiée dans un camp de réfugiés" par Gilles Paris
in Le Monde du mardi 17 avril 2001
KHAN YOUNIS (bande de Gaza) de notre envoyé spécial
Assise en tailleur, Fatima Mohammad pince un coin de son voile pour masquer le bas de son visage et ses tatouages de Bédouine. La toile de tente qui l'abrite la ramène plus d'un demi-siècle en arrière. "J'avais vingt ans lorsque ma famille a fui notre maison de Bir el-Sabaa (Beer Sheva), raconte-t-elle. Après trois jours de marche, nous nous étions retrouvés près de la bande de Gaza. Nous avions passé deux mois sous des tentes, dans le dénuement le plus complet, avant d'être installés ici, à Khan Younis, par les Nations unies." Elle tapote de la main la bâche de plastique qui constitue le sol de son abri de fortune. "J'ai vécu ici cinquante-trois ans. Aujourd'hui, je n'ai plus rien. Me voici à nouveau réfugiée dans un camp de réfugiés."
Autour de la tente de Fatima, un spectacle de désolation s'étend sur des dizaines de mètres carrés. D'autres tentes ont été montées pour accueillir ceux qui n'ont désormais plus de maisons. Les blindés israéliens ont "nettoyé" le quartier, laissant derrière eux un champ de ruines. A moins de 500mètres de là, en contrebas, on distingue les toits de tuile rouge de la colonie de Neve Dekalim, dans le bloc de Goush Katif, et plus loin encore, le bleu de la mer. Cette contiguïté est à l'origine de l'offensive israélienne lancée dans la nuit du 10 au 11 avril. Les blindés ont pris d'assaut le camp pour détruire les bâtiments à partir desquels, selon les Israéliens, des miliciens palestiniens tirent régulièrement sur la colonie juive. Comme à bien des endroits jugés stratégiques de la bande de Gaza, ils ont fait table rase en parfaite violation des accords signés.
"CE NE SERA PAS LA DERNIÈRE"
Un peu plus loin, un homme chargé de paquets et accompagné d'une femme portant un nourrisson s'avance en direction de la colonie, sur la route que barre un check-point à la hauteur de la colonie. Faouzi Abou Ahlin est l'un de ces sept mille Palestiniens qui habitent dans le bloc de Goush Katif, coincés dans une zone sous contrôle total israélien. "J'étais employé dans les serres des colons, mais il y a deux mois que je n'ai plus de travail. Nous dépendons du bon vouloir des Israéliens pour aller faire les courses, comme pour l'école et la santé, car il n'y a pas de médecins ni d'instituteurs de notre côté.
Ils viennent de Khan Younis. Parfois, nous pouvons rester quinze jours sans pouvoir passer. Aujourd'hui, ça va", explique-t-il.
Non loin, une camionnette attend de pouvoir réceptionner des légumes bloqués de l'autre côté du check-point. Au bord des ruines, des haut-parleurs crachent des chansons patriotiques de la Libanaise Julia Boutros. Des drapeaux vert et jaune du Hamas et de la chebiba, le mouvement de jeunesse du Fatah, flottent sur les tentes. L'heure est à la trêve avant d'autres mêlées.
En décembre 2000, une première bataille rangée avait déjà opposé en pleine nuit l'armée israélienne et les Palestiniens. Quatre policiers palestiniens avaient été tués en défendant le camp. Les Israéliens s'étaient alors contentés de raser une barricade de sable installée aux portes du camp, du côté de la colonie, sur la route el-Bahar, pour protéger les habitants des tirs. Cette fois-ci, ils sont entrés plus en profondeur. Les murs piquetés d'impacts des bâtiments alentour disent la dureté d'échanges disproportionnés, qui ont fait trois morts et des dizaines de blessés, côté palestinien. "Ce n'était pas la première fois et ce ne sera pas la dernière", estime Ibrahim Salman, un épicier installé pourtant à bonne distance de cette ligne de front, mais qui a empilé des sacs de sable devant sa boutique.
Lorsque les réfugiés ont été installés par l'ONU à la lisière de la ville de Khan Younis, il n'y avait entre eux et la mer que des dunes de sable blond. Rapidement, s'est forgée dans le camp une identité, un sentiment d'appartenance à une communauté frappée du même destin, que la méfiance des habitants de Khan Younis a encore renforcée. Divisé en sept blocs désignés impersonnellement par les premières lettres de l'alphabet latin, le camp a grandi.
Les sept mille réfugiés des débuts sont aujourd'hui vingt-huit mille. Le camp s'est également transformé au gré des hésitations des gens, partagés entre le souhait de vivre mieux et la volonté de ne pas s'installer et d'accepter ainsi leur sort de déracinés. Puis les Israéliens ont conquis la bande de Gaza, en 1967, et ont lancé à Khan Younis, comme ailleurs, des projets de relogement pour s'assurer à la fois le contrôle de zones réputées difficiles et pour tenter de faire disparaître la question des réfugiés en démantelant les camps. Mais cette politique a vite montré ses limites et Khan Younis est resté, avec ses habitants prêts à rentrer chez eux "dès que cela sera possible", comme l'assure Ibrahim Salman, arrivé là alors qu'il n'était qu'un nourrisson.
BARBELÉS ET MOBILE HOMES
Pendant les premières années de l'occupation, les colons israéliens installés sur le Sinaï conquis sur les Egyptiens venaient régulièrement faire des achats à Khan Younis. "Nous n'avions que de strictes relations commerciales avec eux, pas question de sympathiser, mais pas question non plus de s'opposer à eux, l'armée israélienne était présente partout", se souvient un cheikh.
Après les accords israélo-égyptiens de 1979 de Camp David, les colonies du Sinaï ont été rasées. "C'est à partir de ce moment que les colons se sont installés ici. Des terres ont été confisquées aux grandes familles de la ville de Khan Younis, des barbelés ont été installés, puis il y a eu des routes, l'électricité, l'eau, des mobile homes, et enfin les colons israéliens sont arrivés. Certains venaient d'Irak, d'autres du Yémen et de Tunisie, se souvient un voisin. Ils ont creusé des puits, ont pompé sans retenue. Nous avons pu en mesurer les conséquences, la qualité de notre eau a baissé."
Très vite, pourtant, les colons ont également embauché des Palestiniens pour travailler dans leurs serres. "Que voulez-vous, ici, il n'y avait pas de travail, à moins de partir en chercher en Israël", raconte l'un des quarante réfugiés du quartier employés dans la colonie. Une cohabitation s'est instaurée, chacun vivant de son côté, avec l'armée israélienne toujours sur le qui-vive. Puis il y a eu la première Intifada, en 1987, les accords d'Oslo, six ans plus tard, et enfin l'évacuation partielle de Gaza. Face au camp de Khan Younis, les colonies, elles, sont restées, perpétuant l'occupation et sa violence.
            
10. A Bethléem, quelques rares, très rares pèlerins chevronnés... par Catherine Dupeyron
in Le Monde du mardi 17 avril 2001
BETHLÉEM de notre envoyée spéciale
Il n'y a plus âme qui vive au Paradis. Depuis six mois, personne n'en a poussé la porte, pourtant restée ouverte. Le gardien des lieux est toujours là, fidèle, prêt à accueillir celui ou celle qui viendrait à passer. Mais, de visiteurs, point. Il est vrai que, ces derniers temps, le Paradis et ses alentours sont dans une zone à risques.
Situé à l'entrée de Bethléem, cet hôtel qui se dresse à quelque 200 mètres du tombeau de Rachel, étroitement protégé par l'armée israélienne, a été, le 2 avril, le théâtre de violents affrontements entre Tsahal et des Palestiniens qui s'étaient réfugiés dans le bâtiment, déserté de ses habituels touristes. Un soldat israélien est mort. Les roquettes tirées par Tsahal ont sérieusement endommagé une quinzaine de chambres des étages supérieurs de l'aile nord. Nul besoin d'entreprendre rapidement des travaux, aucune réservation n'est enregistrée à moyen terme.
Depuis le début de la seconde Intifada, le 29 septembre 2000, les hôtels de Bethléem sont tous fermés, la ville étant régulièrement soumise au blocus israélien. Seules les communautés religieuses continuent d'accueillir quelques rares, très rares pèlerins chevronnés, qui font fi des contrôles israéliens.
La basilique de la Nativité, bâtie par l'empereur Constantin en 325, immense et sobre, résonnant autrefois du cliquetis des appareils photo, est désormais habitée d'un pesant silence, que nul visiteur indélicat ne vient plus troubler.
COMPLICITÉ SPONTANÉE
Les fêtes de Pâques n'y ont rien changé. Samedi 14 avril, la fermeture était même particulièrement sévère. L'armée avait multiplié les barrages, l'objectif étant d'empêcher deux groupes de militants, manifestant de part et d'autre de la "frontière" contre le bouclage et l'occupation, de se joindre au check-point. En vain. En moins d'une demi-heure, les uns et les autres, initialement séparés de quelque 500 mètres, se sont chaleureusement étreints pour fêter cette "victoire", à laquelle aucun ne croyait. Il est vrai que les organisateurs, Gouch Shalom, la Coalition des femmes, côté israélien, et le Centre palestinien pour le rapprochement entre les peuples avaient réussi à mobiliser près de quatre cents personnes – un nombre qui, à l'échelle du pays, est loin d'être insignifiant –, des Israéliens pour une bonne moitié, les Palestiniens ne représentant que 20 % environ, tandis que le reste était des étrangers venus soutenir ces derniers. Pour Dan, quinquagénaire de Tel-Aviv, "c'est un signe, parmi d'autres, du réveil de la population israélienne".
Autres indices de cette tendance encore balbutiante : la contestation qui monte dans les rangs des soldats réservistes et l'émergence d'un ton critique à l'égard du gouvernement d'Ariel Sharon parmi les éditorialistes du quotidien de gauche Haaretz. Les soldats, des jeunes de dix-huit à vingt ans pour la plupart, n'ont guère résisté aux manifestants. Sans doute des ordres avaient-ils été donnés dans ce sens, mais le dialogue, voire la complicité qui se sont créés entre contestataires et forces de sécurité étaient spontanés.
Avec le sourire, les premiers ont distribué aux seconds de petits papillons où il était écrit: "L'occupation est finie, tu peux rentrer chez toi." Puis ils ont tenté d'expliquer le sens de leurs banderoles, qui portaient les inscriptions "Le blocage est un crime de guerre" ou encore "Il existe une solution : sortir des territoires". Les soldats écoutaient et répondaient, à moitié convaincus de la pertinence de leurs propres arguments. Quelques-uns semblaient dire : "Après tout, peut-être que tout cela ne sert à rien et que ce sont eux qui ont raison…"
             
11. Que cherche Israël ? par Jonathan Rochat (à Gaza)
in "la rubrique courrier des lecteurs" du Monde du dimanche 15 avril 2001

A la suite des bombardements israéliens sur Gaza, les plus naïfs répondront qu'il s'agit d'une mesure de rétorsion aux attentats meurtriers de ces derniers jours, les plus avertis verront dans cet acte de violence une stratégie planifiée de longue date. Il serait incomplet, voire absurde, de ne considérer ces attaques que comme de simples réactions à la violence aveugle orchestrée par la branche armée du Hamas. Prendre comme facteur explicatif la violence terroriste ne peut en aucun cas permettre de comprendre les agissements du gouvernement israélien. Les bombes qui viennent de tomber sur Gaza, d'une part, visent directement l'Autorité palestinienne, mais, d'autre part, et ce deuxième point mérite d'être dénoncé, ne sont que la confirmation pragmatique d'une politique visant à faire de Yasser Arafat le coupable consentant des attentats-suicides et, par conséquent, à faire accepter par la communauté internationale l'incapacité des représentants du peuple palestinien à faire régner l'ordre dans leurs propres rangs, mieux à les faire percevoir comme des complices des opposants au processus de paix. Le seul interlocuteur de tous les gouvernements israéliens depuis les accords d'Oslo étant discrédité, l'Autorité palestinienne montrée comme terroriste, que reste-t-il à faire sinon appliquer une fois de plus sur le terrain ce que la politique sioniste, de par sa nature même, vise à faire depuis bientôt un siècle, à savoir se débarrasser du "problème palestinien".
              
12. Passera-t-on, passera-t-on pas ? par Pénélope Larzilliere
in La Croix du samedi 14 avril 2001

Le départ des animateurs de Ramallah pour Al Fawar , petit camp de réfugiés de 7000 habitants aux environs de Hebron, s'annonce difficile. Une semaine après l'élection de Sharon, les routes sont plus que jamais bloquées et les tirs la nuit se sont intensifiés. Après 3 heures de route et de longs détours pour éviter de passer à proximité des colonies (les taxis collectifs craignent les pierres que les colons lancent parfois sur la route), nous arrivons au camp. 150 enfants nous attendent. C'est la deuxième fois que les animateurs interviennent ici et une impatience joyeuse se lit sur les visages. 4 ateliers leur sont proposés : danse, dessin, chant et jeux en extérieur. Ces activités sont loin d'appartenir au quotidien de ces enfants et l'atmosphère est à la fête. L'école primaire de Al Fawar, comme la majorité des écoles palestiniennes, manque de moyens et ne scolarise les enfants qu'à mi-temps : une partie des écoliers va en classe le matin, l'autre l'après-midi. 48 enseignants et administratifs se repartissent les 1500 écoliers et autant dire que les activités extra-scolaires ne trouvent pas place dans l'emploi du temps. Cette constatation a poussé le Centre d'Art Populaire à organiser des ateliers d'expression pour les enfants des camps de réfugiés. L'initiative s'est montée juste après les bombardements du 12 octobre sur Ramallah. Un vent de panique avait parcouru la ville lors de cette journée. Les parents couraient chercher leurs enfants dans les écoles. Ceux qui le pouvaient tentaient de quitter la ville. Cet épisode a fortement traumatisé les enfants dont beaucoup développent des troubles psychologiques liés à l'anxiété depuis le début de l'Intifada. Le Centre d'art populaire a donc commencé par organiser des journées " Seulement pour les enfants " à Ramallah. Le but était d'offrir une pause aux enfants, de leur donner l'occasion de voir le monde différemment pendant quelques heures et de penser à autre chose qu'aux affrontements et aux soldats israéliens. Les activités proposées se veulent également un espace de créativité personnelle pour des enfants qui ont rarement l'occasion de s'exprimer. Les animateurs ont ainsi suivi une formation spécifique sur les techniques de développement  de la créativité et de l'expression de soi. En début de session, des psychologues sont également intervenus cherchant à faire évacuer le stress spécifique lié aux bombardements. Environ 500 enfants se sont présentés. Très vite cependant, les nombreuses associations de Ramallah se sont mobilisées. Le Centre d'art populaire a donc décidé d'élargir son activité aux enfants des camps de réfugiés de l'ensemble de la Cisjordanie. Les animateurs travaillent bénévolement. Le matériel et les transports sont fournis par des souscripteurs locaux, individuels ou entreprises de Ramallah. Jusqu'ici environ 8 000 enfants ont pu bénéficier de cette initiative. Les écoles des camps ont accueilli avec enthousiasme le projet qui leur permet de sortir les enfants du quotidien de l'occupation et des tensions. Mohammed Aoual, 50 ans, enseignant : " les enfants sont très agités, ils n'arrivent pas à se concentrer et à apprendre. Les violences entre eux ont augmenté ". Dans les divers ateliers, tout est fait pour les pousser à s'exprimer et à s'évader. Nicholas Rowe, danseur australien et coordinateur du projet : " pour éviter qu'ils ne dessinent que des check-points, des maisons détruites et des soldats, nous leur donnons une trame de lignes qui constitue une base pour orienter leur imagination différemment ". L'atelier de danse, particulièrement apprécié, conduit chacun d'entre eux a présenter une petite chorégraphie personnelle. Nicholas Rowe reprend " nous voulons leur montrer qu'il existe d'autres moyens pour eux d"exprimer leurs sentiments et de se valoriser qu"en allant jeter des pierres. " Ces ateliers sont également l'occasion de développer des activités mixtes et en équipe. L'après-midi se termine par une séance de maquillage. Au-delà des fleurs, des lions ou des drapeaux palestiniens, c'est la face jaune de Pikacho, Pockemon bien connu qui rencontre le plus de succès. Faïqa al- Janazroum, enseignante de 42 ans : " Nos enfants n'ont rien en-dehors de l'école et de la télévision. La moindre activité extra-scolaire est un événement pour eux et les influence beaucoup. Le lendemain du dernier atelier, lorsque j'ai repris ma classe, j'ai été étonnée par le calme et par l'amélioration des relations entre eux. L'un de mes élèves les plus agités m'a dit : " c'est fini, Madame, aujourd'hui, je me tais, je veux apprendre " L'équipe réduite d'animateurs qui sillonne la Cisjordanie ne pourra cependant pas renouveler son passage dans ce camp. Pour inscrire leur action dans la durée, ils cherchent donc également à former les enseignants à ces techniques d'expression de soi et de développement de la créativité.
Le Centre d'art populaire qui a monté l'initiative " seulement pour les enfants " a été créé en 1987 à l'initiative d'une troupe de danse folklorique palestinienne. Le Centre propose des activités d'ordre artistique essentiellement tournées vers la danse. Il développe également de nombreux projets d'ordre culturel : festivals de musique et de danse, cinéma, troupe de dabke (danse traditionnelle palestinienne) etc. Son fonctionnement repose sur une équipe permanente de 8 personnes soutenu par des volontaires pour les différents projets. Il est financé par les participations des membres, par des ONG ou fondations internationales selon les différents projets (Oxfam Quebec, Fondation Heinrich Böll, UNDP etc.) et par des entreprises locales.
- Vous pouvez trouver l'ensemble des informations concernant ses activités et le projet " seulement pour les enfants "  sur leur site Internet : www.popularartcenter.org ou les contacter :
Directeur : Iman Hammouri - Popular Art Centre - P.O. Box 3627 - Al Bireh Palestine
Tél : 00 972 2 240 38 91 - Fax : 00972 2 240 28 51
- Si vous souhaitez soutenir financièrement le projet "seulement pour les enfants" :
" Just For Kids " - compte : 11 31 65 59 Sort - code : 40 03 19 - HSBC Bank
                   
13. Israël menace de durcir ses représailles par Ch.R (avec AFP)
in Libération du samedi 14 avril 2001
L'Etat hébreu envisage d'attaquer les institutions palestiniennes.
lors que les affrontements se poursuivaient vendredi en Cisjordanie et à Gaza, faisant 34 blessés (29 Palestiniens et 5 Israéliens), Israël a annoncé avoir adressé un ultimatum à Yasser Arafat. Avi Dichter, le chef du Shin Beth (sécurité intérieure), a ainsi délivré cette semaine à Arafat une mise en garde du ministre de la Défense, Benyamin Ben Eliezer. Ce dernier y avertit le président palestinien que l'Etat hébreu est prêt à durcir sa politique de représailles. Israël, a-t-il signifié, «frappera directement des institutions liées à l'Autorité palestinienne si les tirs de mortiers se poursuivent». Alors que, jusqu'ici, Israël visait surtout des commissariats et des casernes de la Force 17 (la garde rapprochée d'Arafat), les locaux des institutions palestiniennes risquent ainsi de se retrouver dans la ligne de mire.
Dans ce contexte, la reprise des négociations entre les deux camps, bloquées depuis janvier, paraît improbable à court terme, même si les deux camps doivent reprendre, lundi, leurs réunions de sécurité. Ariel Sharon a en effet rappelé une fois de plus vendredi qu'il «exigeait avant tout que les Palestiniens mettent fin à la violence». Le Premier ministre israélien a encore accru la tension en posant des conditions drastiques pour un règlement du conflit. Dans une interview, il estime qu'«un Etat palestinien ne pourra voir le jour que dans le cadre d'un accord mutuel» (avec Israël), précisant que celui-ci «ne s'étendrait que sur environ 42 % de la Cisjordanie» - qui s'ajouteront aux quelque 70 % de Gaza, déjà sous contrôle palestinien. Autant dire que Sharon n'entend plus opérer de nouveaux retraits de Cisjordanie, alors que Barak avait proposé d'en restituer 95 %. Le Premier ministre a estimé aussi qu'un tel Etat devrait être «désarmé» et accepter des «limitations» à sa souveraineté, comme le maintien des colonies juives, précisant qu'Israël «devrait garder des années durant le contrôle de ses frontières». Des conditions jugées inacceptables par les Palestiniens et qui risquent de mettre en péril la médiation jordanienne.
Le ministre jordanien des Affaires étrangères est en effet attendu lundi en Israël. Sans grandes illusions toutefois, les récentes tentatives du Caire et d'Amman s'étant déjà heurtées au refus d'Ariel Sharon. Or il s'agissait précisément d'obtenir de nouveaux retraits de Cisjordanie, prévus par l'accord conclu en 1999 à Charm el-Cheikh.
             
14. Nouvelle colonie en Cisjordanie : Sharon joue la provocation par Samir Azar
Le Magazine (hebdomadaire libanais) du vendredi 13 avril  2001
Yasser Arafat a adressé un message à Ariel Sharon à l'occasion de la pâque juive, alors que l'intifada est dans son septième mois et que les hélicoptères et blindés israéliens ne cessent de bombarder les territoires autonomes.
Pour la première fois, les Etats-Unis ont violemment critiqué l'annonce par Israël du projet d'extension de deux de ses colonies. Ils ont qualifié de «provocatrice et incendiaire» la décision de mettre aux enchères des terres situées en Cisjordanie, destinées à accueillir la construction de plus de 700 logements pour des colons juifs. «Israël devrait cesser une telle activité colonisatrice», a dit le porte-parole du département d'Etat Richard Boucher, utilisant des termes bien plus durs que dans de précédentes déclarations. «La poursuite de l'activité de colonisation par Israël risque véritablement de rendre encore plus incendiaire la situation dans la région, qui est déjà explosive. C'est une provocation, et nous avons constamment encouragé les deux parties à s'abstenir de commettre des actes provocateurs», a-t-il ajouté.
Paris a aussi fait des déclarations analogues. Estimant que le gouvernement israélien faisait «fausse route», la France a dénoncé l'inanité de «la logique de la force», traduite par «la poursuite des meurtres extrajudiciaires» visant des activistes palestiniens, et «la reprise de la colonisation des territoires occupés». Mais c'est la fermeté sans précédent des Etats-Unis qui a créé la surprise et les protestations israéliennes.
On n'oublie pas qu'en ce qui concerne la provocation, Ariel Sharon est un maître de cet art. D'ailleurs, il n'a pas manqué de rappeler lors d'une interview accordée au quotidien Haaretz qu'il n'ordonnerait pas l'évacuation des colonies juives ni ne ferait de compromis sur le statut de Jérusalem. «Je ne vois aucune raison d'évacuer les colonies», a-t-il déclaré, ajoutant qu'elles pourraient rester en place même si un accord de paix était conclu. «Nous n'avons pas le droit de faire des concessions», a-t-il précisé.
Intifada ou accord ?
En attendant, le chef de la diplomatie égyptienne a sommé Israël de choisir entre la poursuite de l'intifada et l'application des accords de Charm el-Cheikh, conclus le 17 octobre, en vertu desquels l'armée israélienne devait se redéployer sur les positions qu'elle occupait dans les territoires palestiniens avant le 28 septembre, début de la nouvelle intifada. Des propos qui tranchent avec le ton conciliant de Moubarak. Selon la radio militaire israélienne, en effet, le président égyptien aurait promis, au cours d'un entretien avec le chef de la diplomatie israélienne, Shimon Peres, de tenter de convaincre Arafat d'œuvrer à une accalmie. Le bouclage imposé depuis presque six mois aux territoires autonomes a été levé pour un millier de Palestiniens qui ont pu aller travailler en Israël. Ils étaient 130000, soit un sixième de la population active, avant le début des violences fin septembre. Il semble que le manque de main-d'œuvre et l'état de tension permanent commencent à retentir négativement sur l'économie israélienne.
                   
15. Sommet arabe : des positions contre l'état de siège et les massacres s'imposent par Walid Salah
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du vendredi 23 mars 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]

[Remarque : cet article a été rédigé avant la tenue du dernier sommet arabe à Amman, NdT]
(Walid Salah est le ministre jordanien des affaires étrangères.)
Le 22 novembre 1967, le Conseil de Sécurité de l'ONU a adopté la résolution 242, qui énonce l'illégalité de l'accaparement de terres par la guerre et la nécessité du retrait de l'armée israélienne des régions occupées. Puis vint la résolution 338, du Conseil de Sécurité, le 22 octobre 1973, qui rappela la nécessité de mettre sans délai en application la résolution 242...
L'article 25 de la Charte de la Ligue des Nations stipule que "les membres de la Ligue adoptent et votent leur adhésion aux décisions du conseil de sécurité, conformément à la présente Charte". Au congrès de Madrid, la solution aux différends entre Israël, d'une part, et la Palestine et la Syrie, d'autre part, a été proposée sur la base des deux résolutions précédemment rappelées : la terre contre la paix. Ce sur quoi, et conformément à l'article 25 de la Charte des Nations Unies, tous les pays appartenant au Conseil de Sécurité et à l'Assemblée Générale s'engagent à oeuvrer à la mise en application des décisions énoncées par les deux résolutions du Conseil de Sécurité, c'est-à-dire : à prendre les mesures de nature à amener Israël à se retirer de tous les territoires qu'il a occupés en 1967, qui sont les territoires occupés en Palestine, en Syrie et en Egypte. En vertu de quoi, si les pays constituant le Conseil de Sécurité et les pays membres de l'Assemblée Générale des Nations Unies ne font pas preuve de la diligence qui s'impose à prendre les mesures permettant la mise en application des deux résolutions (citées) du Conseil de Sécurité, ils se rendent responsables d'abandon des responsabilités qui leur ont été conférées par le texte de la Charte des Nations Unies et par les décisions prises par le Conseil de Sécurité au moyen des deux Résolutions citées, qui sont deux résolutions non négociables dont la mise en application des attendus est obligatoire, les négociations ne pouvant concerner que les domaines se situant en aval.
L'Autorité palestinienne et le gouvernement syrien doivent exiger la mise en application des deux résolutions et placer les pays membres du Conseil de Sécurité, au premier chef, mais aussi tous les pays membres de l'Organisation des Nations Unies, face à leur entière responsabilité en ce qui concerne l'obligation qu'ils ont à oeuvrer sérieusement à l'effectivité de la mise en application requise, et avertir le Conseil de Sécurité que toute mollesse apportée à cette mise en application est de nature à mettre en danger l'ensemble de la région (du Moyen-Orient) et à y entretenir une instabilité lourde des dangers d'une guerre dévastatrice ("dévorant tant l'herbe verte que le foin sec", comme le dit bien l'expression arabe utilisée par M. Salah).
Jérusalem Est faisant partie des territoires occupés dont la propriété revient (légitimement) aux Arabes de Palestine, ce qui n'est pas contesté, Israël doit la restituer à ses ayant-droit légitime, les Palestiniens.
J'insiste ici sur certaines des Résolutions du Conseil de Sécurité relatives à Jérusalem, sur lesquelles il convient d'attirer l'attention du ministre américain des affaires étrangères, afin qu'il n'y ait chez lui plus aucune place pour le doute sur l'appartenance de Jérusalem Est, y compris les lieux saints musulmans et chrétiens : Jérusalem Est appartient au peuple palestinien, (même si) Israël l'a occupée en 1967.
Voici une liste de quelques-unes des résolutions du Conseil de Sécurité relatives à Jérusalem-Est :
1/ Rés. 252 (21.05.1968) ; 2/ Rés. 267 (03.06.1969) ; 3/ Rés. 298 (25.09.1974) ; 4/ Rés. 446 (22.03.1975) ; 5/ Rés. 452 (20.07.1976) ; 6/ Rés. 465 (01.03.1980) ; 7/ Rés. 471 (05.07.1980) ; 8/ Rés. 476 (30.06.1980) ; 9/ Rés. 478 (21.08.1980) ; 10/ Rés. 592 (08.09.1986) ; 11/ Rés. 607 (22.12.1986).
Ces résolutions, adoptées avec la contribution des Etats-Unis, ne laissent aucune place au doute sur le fait que Jérusalem Est appartient au peuple arabe palestinien ni sur le fait qu'elle a été occupée par Israël en 1967.
S'y ajoutent les décisions de la Commission d'Al-Buraq (Mur des Lamentations), de 1930 et celles du Comte Folke Bernadotte. Il est extrêmement regrettable qu'Israël se comporte avec nous comme si la terre lui appartenait et comme si notre revendication équivalait à de la mendicité.
Il convient de rappeler qu'un porte-parole des Etats-Unis déclare, de temps à autre, que son pays craint, au cas où il lèverait les sanctions contre l'Irak, que ce pays n'entre en possession d'armes nucléaires et ne mette en danger les pays de la région.
Les Etats-Unis seraient bien inspirés de décider qu'ils s'opposent à la présence d'armes nucléaires dans l'ensemble du Moyen-Orient : nous partagerions alors sa préoccupation, puisque c'est exactement ce que nous réclamons. Mais les Etats-Unis ne doivent pas limiter leur exigence en la matière, en veillant à ce que l'Irak n'accède pas à l'arme nucléaire : cette interdiction doit frapper tous les pays de la région, Israël inclus. Les Etats-Unis savent parfaitement qu'Israël détient un arsenal nucléaire extrêmement puissant est qu'il est le seul pays à menacer l'ensemble de la région, ce qui lui permet de réaliser ses objectifs expansionnistes, qui sont apparemment sans limite.
Nous attendons du gouvernement des Etats-Unis d'Amérique, afin que d'assurer la sécurité et la stabilité dans la région, afin que ses peuples puissent y jouir de la sécurité et de la tranquillité, qu'il apporte la preuve de son désintéressement et de son sens de l'équité en exigeant d'Israël qu'il mette en application les (deux) résolutions du Conseil de Sécurité, en se retirant des territoires qu'il a occupés en 1967, en démantelant les colonies qu'il y a implantées, et en soutenant l'établissement de l'Etat palestinien, avec Jérusalem pour capitale.
Tout le reste est négociable, et ne pose pas de difficulté majeure. Si ce que je viens de mentionner est réalisé, alors la sécurité est rétablie, cette sécurité désirée et exigée par Israël, et la région, dans son ensemble, vit du mieux qu'il est possible. Ceci assurerait du même coup la protection des intérêts des Etats-Unis et des pays occidentaux dans notre région, la prospérité et la sérénité régneraient alors dans l'ensemble du Moyen-Orient.
Tout ceci est à portée de la main d'Israël et des Etats-Unis. Les pays arabes et musulmans disposent d'atouts qui, s'ils étaient bien employés, leur assureraient de vivre dans une situation bien meilleure que celle qui est aujourd'hui la leur.
Les pays arabes doivent affirmer leur existence et adopter une position résolue face à l'entêtement effronté d'Israël, au blocus total, à la volonté d'affamer la population, et à toutes les duretés infligées par Israël au peuple palestinien, la menace de couper totalement les relations avec Israël devant être un des moyens envisagés afin d'amener ce pays à consentir à une paix juste et globale et à mettre un terme à ses exactions inhumaines à l'encontre du peuple palestinien.
En espérant que le prochain sommet arabe (d'Amman, ndt) prendra ces remarques en considération et en tiendra compte.
               
16. Les bédouins du Néguev (dont Israël a confisqué 98% des terres depuis 1948) dénoncent à la Cour Suprême un plan visant à les éradiquer de leurs villages "non reconnus" par As'ad Talhami
in Al-Hayat (quotidien arabe publié à Londres) du mercredi 29 novembre 2000
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]

Nazareth - La Cour Suprême israélienne examine ce jour (29.11.2000) la plainte déposée par le Conseil régional des villages arabes non-reconnus dans le Neguev et diverses organisations d'assistance juridique israéliennes contre (une instance connue sous le nom de) Commission pour la Planification et la Construction, pour son ignorance délibérée des besoins de ces villages en matière de permis de construire et de services élémentaires.
Selon le plan de la Commission mentionnée, la population de ces villages devrait en être évincée et rassemblée dans trois nouveaux ensembles d'habitation, ce que ces villages, fédérés en conseil régional, refusent.
Plus de cent trente mille Palestiniens bédouins vivent dans le Néguev, dont la moitié habitent sept villes et villages arabes édifiés par Israël au début des années soixante-dix, l'autre moitié vivant dans quarante-cinq villages non-reconnus par les autorités israéliennes : les services sociaux, sanitaires et éducatifs élémentaires leur sont refusés. Ces quarante-cinq villages non-reconnus sont dépourvus des conditions minimales nécessitées par une vie décente : infrastructures, institutions éducatives, dispensaires médicaux, centres de loisir. Ils ne sont reliés ni au réseau d'eau potable, ni au réseau électrique !
Le conseil régional formé par ces villages pense que le plan gouvernemental visant à construire trois nouvelles localités afin d'y rassembler la population des quarante-cinq villages (non-reconnus) est un plan d'éradication de ces terres, une expulsion accompagnée d'exil, qui n'ose pas dire son nom, et dont l'objectif est de s'emparer des terres concernées, soit environ trente-quatre hectares.
Le docteur 'Amir al-Hazil, responsable de la section de la planification stratégique du conseil des villages indique que la population refuse le plan du gouvernement (israélien) et exigent de demeurer sur leurs terres et que les services auxquels ils ont droit leur soient effectivement fournis.
Au cours de l'entretien qu'il a accordé à notre journal (al-Hayat), le Dr al-Hazil nous a déclaré : "Depuis son occupation du Néguev, en 1948, Israël a confisqué 98 pour cent des terres appartenant à des Arabes. Il ne nous reste donc aujourd'hui plus que deux pour cent de notre territoire historique, et ils considèrent que c'est encore trop ! Le nouveau plan (du gouvernement) est un instrument de planification visant à appliquer une politique de judaïsation du Néguev, et si ce plan réussit, nous n'aurons même plus, dans une vingtaine d'années, assez de terrain pour y enterrer nos morts..."
Préoccupation gouvernementale
Le Dr. al-Hazil poursuit : "les estimation, pour l'année 2020 indiquent que le nombre de citoyens arabes, dans le Néguev, s'élèvera à environ 350 000 âmes : c'est ce qui angoisse le gouvernement (israélien), qui redoute que cette population ne finisse par se répartir sur la plus grande superficie possible (phénomène propre aux régions désertiques, NdT), chose qui contrarierait le projet historique de Ben Gourion pour le Néguev, visant à rassembler le plus grand nombre possible d'Arabes sur la plus petite superficie possible, en permettant à une population juive très peu nombreuse de prendre ses aises sur une superficie quasi-illimitée".
Le nouveau plan visant à éradiquer la population du Néguev des terres qu'on a bien voulu leur concéder (deux pour cent, rappelons-le ! NdT), n'est pas le fruit de l'imagination du seul Ehud Barak, puisque c'est Shimon Pérès qui l'a "lancé" après avoir succédé à Rabin, à la tête du gouvernement israélien, en 1995. Il avait alors décidé de créer de nouvelles localités pour les bédouins. A sa suite, Benjamin Netanyahu avait décidé d'un plan visant à la création de cinq municipalités nouvelles supplémentaires, puis il avait révisé ses prétentions, et s'était contenté de trois nouvelles municipalités (pour y regrouper et sédentariser les bédouins, NdT). Ce mois-ci (novembre 2000), le parti religieux Shas a annoncé qu'il allait présenter un projet de loi à la Knesseth visant à créer cinq, six, voire sept nouveaux villages (de regroupement) pour les habitants des quarante-cinq villages non-reconnus, avec la réserve que l'on autorise, après leur construction, tout citoyen bédouin (le voulant) à résider en-dehors de ces nouveaux villages. Le dépôt de ce projet de loi a été considéré par le Conseil régional (des villages non-reconnus) comme "une déclaration de guerre contre la minorité arabe (d'Israël), en général, et les citoyens (israéliens) bédouins du Néguev, en particulier".
Construction et démolition
Dans le cadre de sa politique visant à déplacer les population, les Commissions pour la planification et la construction du département (liwa') du Néguev refusent tout permis de construire, ce qui oblige les gens à construire sans permis, exposant leurs maisons aux bulldozers, qui viennent accomplir leur oeuvre destructrice de temps en temps (et de manière inopinée).
Toutes les études officielles et universitaires (consacrées à la région) montrent que la situation des villages arabes bédouins du Néguev sont les pires d'Israël : on y enregistre les plus forts taux de chômage et d'absentéisme scolaire, ce dernier ayant pour corollaire attendu le taux le plus faible de réussite au baccalauréat (de tout le pays).
               
17. L'intifada redessine les "lignes rouges" du processus de paix par Mahmud Al-Zayed
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du mercredi 29 novembre 2000
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]

Ce qu'il est convenu désormais d'appeler "l'Intifada d'Al-Aqsa", ce mouvement insurrectionnel palestinien spontané, a surpris toutes les instances concernées; de l'Etat hébreu à la société internationale, en passant par l'Autorité autonome palestinienne et les régimes arabes. Elle pose les questions fondamentales des modalités avec lesquelles on doit l'aborder, de ses limites et du point jusqu'où elle pourrait aller.
En moins d'un mois (l'article est de fin novembre 2000, NdT), les Israéliens ont compris qu'ils se trouvaient face à un mouvement qui ne s'arrêterait pas rapidement ; ils se sont alors déclarés prêts à une confrontation de longue durée. Quant à la direction palestinienne, elle a trouvé (dans ce mouvement) un facteur de force et une opportunité (d'exercer) une pression indispensable pour redresser le devenir de l'accord d'Oslo et (sortir de) l'impasse créée par l'obstination israélienne : Arafat ne vient-il pas de déclarer qu'il "ne savait pas où se trouvait le "bouton" pour arrêter l'intifada ... ?
L'insistance américaine et israélienne sur (la nécessité) de mettre un terme à l'intifada et de revenir à la table des négociations est dans la droite ligne de leur vision politique, très claire, du processus de paix et de leur refus d'effectuer une révision, aussi modeste soit-elle, de leurs positions - une politique qui ne voit aucune "ligne rouge" au-delà de laquelle on porterait atteinte au droit des Palestiniens à leur terre occupée en 1967 ou à fonder leur Etat indépendant, si ce n'est celle que définit Tel Aviv, sans laquelle la solution au conflit serait aisée et sans laquelle sept années ne se seraient pas passées sans qu'aucune solution n'ait encore abouti . Sans cet (entêtement), la puissance occupante aurait pris la décision toute simple de retirer ses troupes des villes et des villages palestiniens, ce qui aurait eu pour effet immédiat d'apaiser l'intifada au lieu de souffler sur ses braises et d'en alimenter l'embrasement.
L'arrogance et l'emploi de la force, d'une manière barbare, contre les civils palestiniens visent à maintenir le statu quo jusqu'à ce qu'Israël parvienne à imposer sa solution, en isolant les Palestiniens et en demeurant à l'abri de toute influence extérieure, arabe ou internationale. Ceci explique les positions israéliennes et américaines refusant l'internationalisation de la commission d'enquête sur les causes du déclenchement de l'intifada, tout comme la constance avec laquelle les sionistes s'efforcent d'éloigner toute tierce-partie, qu'elle soit européenne ou russe, de la participation aux négociations (qui reviennent, déjà en elles-mêmes à s'écarter des Nations-Unies et de leurs déclarations). En effet, la poursuite des négociations israélo-palestiniennes coupe la route à toute exigence internationale de retrait israélien de tous les territoires occupés et réaffirme ce que ces négociations suggérent avec insistance : le fait qu'il s'agirait de territoires "contestés". Le processus de paix, au cours de ces dernières années, a eu pour résultat qu'en dépit du fait que le monde entier peut voir quotidiennement les pires méthodes de répression, les massacres d'enfants et de civils, le bombardement et le siège de villes et de villages, nous n'avons encore pas entendu jusqu'à présent un seul pays, occidental ou oriental, exiger qu'il soit mis un terme à l'occupation et que possibilité soit donnée au Peuple palestinien de déterminer son avenir comme cela s'est produit dans les cas du Timor occidental ou du Kosovo.
Israël est incapable de réaliser un règlement qui satisfasse au degré minimal des aspirations palestiniennes et arabes, et il semble inenvisageable qu'il procède à une révision et à une rectification de sa position sur ce point. Bien loin de là, (Israël) se prépare à coexister avec l'intifada, dans l'espoir de la faire avorter au moyen de la répression et de la violence : c'est la tâche impartie au gouvernement Barak-Sharon ; ou au moyen de la séparation, qui vise à étouffer les Palestiniens économiquement et à les contraindre au recul et à accepter les propositions "généreuses" faites par Barak lors du dernier sommet de Camp David.
Le premier correctif apporté par l'intifada au statu quo ante est d'avoir redonné à la cause palestinienne sa dimension arabe, d'une manière générale, et il est permis d'espérer de sa continuation qu'elle aboutisse à faire peser de tout son poids le monde arabe aux côtés des Palestiniens, ce qui ouvrirait la possibilité d'avancées arabes communes, accompagnant la lutte palestinienne et lui fournissant le soutien arabe politique et économique indispensable pour en finir avec le "traitement séparé" réservé par Israël aux Palestiniens et pour parvenir à une solution acceptable tant pour les Palestiniens que pour l'ensemble des Arabes. L'intifada a fait un sort aux propos convenus, en cours depuis Oslo, selon lesquels "les solutions qui conviennent aux frères palestiniens nous conviennent aussi". La rue arabe a manifesté avec force ses sentiments de sympathie débordante, insistant sur (la nécessité) de participer (à la lutte) aux côtés des Palestiniens et exigeant des régimes arabes qu'ils apportent au peuple palestinien, au minimum, une aide lui permettant de définir une ligne rouge dans les négociations et d'obliger Tel Aviv et Washington à réviser leurs positions, et notamment (à admettre la nécessité de) mettre fin à l'occupation israélienne, de créer l'Etat palestinien et de trouver une solution au problème des réfugiés. A cette fin, les propositions vont de ceux qui appellent à la rupture des relations diplomatiques avec Israël  au boycott des produits américains ou même à l'ouverture de fronts multiples et à la déclaration du djihâd, en utilisant l'arme du pétrole afin d'obliger la société internationale à modifier sa position, qui veut, à l'instar de Washington, qu'il n'y ait pas de solution en-dehors de négociations directes palestino-israéliennes et sans intervention extérieure.
Quant au dernier  sommet arabe et à ses résolutions de soutien à la position palestinienne, la rue arabe n'y a pas trouvé le minimum requis correspondant immédiatement avec l'exigence populaire palestinienne. Les positions de l'administration américaine, méprisantes et provocatrices pour les Arabes, se sont répétées, qu'il s'agisse de la condamnation par cette dernière des Palestiniens et de la justification de l'assassinat de plus d'une centaine d'entre eux ou de l'exigence qu'Arafat mette un terme à ce qu'elle appelle les "actions violentes" ou encore de sa manière de qualifier la résolution finale du sommet arabe, en dépit de sa modération, de "dure", ou qu'il s'agisse de la résolution du Congrès américain assurant l'impunité à l'Etat hébreu et à ses crimes et renouvelant son insistance à protéger cet Etat de toute condamnation par le Conseil de Sécurité. Ainsi, il est naturel que l'action visant à modifier la position américaine revête une importance extrême pour tout Arabe, où qu'il se trouve, quelles que soient ses options idéologiques. Toutes les opinions, aussi différentes soient-elles, sur le moyen d'exercer une pression efficace sur l'Amérique sont bonnes à prendre.
C'est ce qu'exprime une défiance extrême de la rue palestinienne et de la rue arabe vis-à-vis de la convocation d'un sommet international ou arabe de nature à contribuer à mettre fin à l'intifada, qui représente l'unique moyen de pression restant afin d'obtenir le changement requis, et parce qu'elle représente une sorte de manifestation de fierté nationale et panarabe, après une longue période de divisions et de réalisme politique arrivé au point de l'acceptation du fait accompli et de l'impuissance à faire front face au mépris sioniste et américain pour le droit des Palestiniens, fondé sur sa constatation de l'état de déchirement inter-arabe et sur le fait qu'il pouvait consacrer ses efforts (répressifs) contre les Palestiniens et tenter d'imposer sa solution et ses conditions, profitant de ce qu'il considérait comme son unique chance historique de mettre fin au conflit avec le minimum de pertes possibles (pour lui, ndt). Barak a tenté, et Clinton avec lui, au cours du sommet de Camp David, d'atteindre rapidement cet objectif, s'illusionnant sur l'existence d'un état comateux arabo-palestinien, mais la question de Jérusalem s'avéra plus coriace que toutes les autres et remit les choses à leur  place. D'aucuns, chez les Arabes, ne se contentent pas de corriger (leurs) positions sur la question palestinienne, mais voient en l'Intifada un point de départ vers la réforme de la situation (du monde) arabe dans son ensemble, en recourant à une raison simplificatrice des choses : si le sommet a réussi à réunir les dirigeants arabes, des années après le sommet du Caire, en redonnant vie à l'institution "sommet arabe", pourquoi ce sommet ne représenterait-il pas une issue permettant de dépasser le proche passé, lourd, comme on le sait d'impasses inacceptables, sur le plan du processus de paix comme sur celui des situations intérieures arabes, parcourues de multiples crises. La période n'est pas sans similitudes avec celle qui avait vu le lancement de la résistance palestinienne armée, après la défaite de 1967, avec ses thèses de gauche et nationalistes qui voulaient en faire une révolution arabe générale de nature à changer la réalité (arabe) responsable en elle-même de la défaite.
Le caractère imprévisible de l'Intifada, qui a surpris tout le monde, et la rhétorique fanfaronne de certains responsables arabes, ou les appels à la lutte et au djihâd de la rue arabe, pleins de sentimentalité et peu rationnels, mettent en évidence l'absence catastrophique de préparation en vue d'une lutte de longue haleine, pacifique ou guerrière, seule à même d'imposer les changements nécessaires à Washington et à Tel Aviv, impréparation résultant de l'illusion que nous nous serions rapprochés d'une solution qui nous aurait soulagés d'une cause si ancienne, face aux défis de laquelle nous avons échoué et nous avons reculé, année après année, tandis qu'isl dévoilaient nos points faibles et notre arriération, incitant au changement et au progrès. Dans le climat créé par le processus de paix, l'intérêt arabe officiel pour la cause palestinienne a régressé, il l'a laissée aux mains de l'Autorité palestinienne et a laissé les négociations menée par cette dernière avec le gouvernement israélien décider de son sort, même si l'intervention de la partie arabe a pu apparaître comme celle d'un intermédiaire cherchant à favoriser la continuation des négociations, et même si certains pays arabes sont allés jusqu'à établir des relations commerciales et économiques avec Israël, sous prétexte de l'"encourager" sur la voie de la paix.
L'intifada actuelle évoque le moment où les peuples arabes ont offert à l'institution officielle arabe la maxime désormais ancienne selon laquelle il n'est pas de paix ni de stabilité dans la région tant que ne sera pas atteinte une solution garantissant aux Palestiniens leurs droits nationaux légitimes : si le choix (stratégique) officiel arabe est (bien) la paix, il faut dès lors travailler avec les Palestiniens de manière à atteindre cet objectif et, par conséquent, il faut que les pays arabes oeuvrent à soutenir le peuple palestinien dans sa lutte et à affirmer l'existence de lignes rouges dans tout règlement futur, basées sur les résolutions de la légalité internationale.  Les propos du ministre égyptien des affaires étrangères, Amr Moussa, pour qui "il faut fixer de nouvelles règles aux négociations lorsqu'elles reprendront", donnent une indication importante de la nature de l'action arabe collective, à l'avenir, et ils visent implicitement la nécessité que des efforts actifs soient déployés dans les cercles diplomatiques mondiaux afin de demander une protection internationale pour les Palestiniens et que l'on redonne à la légalité internationale et à ses résolutions tout leur prestige, tout en apportant une aide économique conséquente aux Palestiniens, afin de les soutenir dans leur résistance. Dire qu'il est impossible (actuellement) de mener une guerre ne signifie nullement le relâchement et l'attente (passive) de la paix et de la prospérité, assurées à l'avenir, et sans difficultés. Au contraire, il faut se préparer à mener le combat de la paix juste, alors qu'en travers de sa route vient se dresser l'arrogance d'Israël, qui bénéficie d'un gigantesque déséquilibre des forces en sa faveur, auquel vient se surajouter la partialité de la plus grande puissance mondiale en faveur de Tel-Aviv, quoi qu'il fasse.
Dimanche dernier, au cours d'un congrès tenu à l'Université Hébraïque de Jérusalem, une thèse universitaire (réalisée grâce à un donateur américain qui en a assuré le financement) a été citée : cette thèse aboutit à la conclusion que si la situation des villages bédouins ne connaît pas d'amélioration et si la discrimination à l'encontre des bédouins ne cesse pas, on peut craindre "l'éclatement de l'intifada des bédouins", comme l'a déclaré l'auteur de cette thèse, le docteur Isaac Berley.