Rendons à César... Le texte attribué à tord au Président Nelson Mandela dans le dernier "Point d'information Palestine" (N° 140 du 03/04/2001 - § 2.2 "Lettre ouverte du Président Nelson Mandela à Thomas Friedman, éditorialiste au New York Times" nous est parvenu  hors de son contexte. De bonne foi, nous l'avons publié. Après vérification, nous avons constaté qu'un "copier/coller" malheureux avait supprimé l'introduction qui précisait que ce texte, dont le véritable auteur est Arjan El Fassed, était en réalité un exercice de style adressé en réponse à Thomas Friedman qui, de son côté, a utilisé à plusieurs reprises, ce genre littéraire dans les colonnes du "New-York Times" - en signant Bill Clinton, puis plus récemment Georges Bush Jr. - divers articles mettant en cause Yasser Arafat. Ce texte mérite donc d'être lu pour ce qu'il dénonce.
               
Point d'information Palestine > N°141 du 05/04/2001

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Au sommaire
 
Dernières parutions
  1. La Revue d'études Palestiniennes N° 27 nouvelle série (79) - Printemps 2001 [160 pp - 90 FF - ISBN 2-7073-1754-3]
  2. Le bien des absents de Elias Sanbar aux Editions Actes Sud (2001) [140 pp - 99 FF - ISBN 2742732489]
  3. Le Courrier du CVPR N° 7 - Mars 2001
Réseau
  1. La guerre israélo-arabe commencerait en juin 2001 (1ère partie) extrait du site internet "Tsentralnïj Jevrjejiskij Rjesurs" ("Ressources Juives Centrales" de Russie) page "Vojennoje Djelo" ("Affaires Militaires") du jeudi 29 mars 2001 [traduit du russe par Marcel Charbonnier]
  2. Résister pacifiquement par Eyad Al-Sarraj in Olive Branch (publication palestinienne) du mardi 3 avril 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
  3. Le Jour de Deïr Yassin - De tous les mois, Avril est le plus cruel par Israël Shamir [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
  4. Déclaration du Porte-parole du Quai d'Orsay sur le processus de paix au Proche-Orient (Paris, 30 mars 2001)
Revue de presse
  1. Une escalade injustifiable par Françoise Germain-Robin in L'Humanité du mercredi 4 avril 2001
  2. L'appel à l'Europe de Leïla Shahid par Pierre Barbancey in L'Humanité du mercredi 4 avril 2001
  3. Les Palestiniens déplorent l'apathie de la diplomatie internationale par Mouna Naïm in Le Monde du mercredi 4 avril 2001
  4. Les Arabes unis face aux défis d'Israël par Randa Achmawi et Ahmed Loutfi in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 4 avril 2001
  5. La paix dans le gouffre par Abir Taleb in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 4 avril 2001
  6. La métamorphose de l'Intifada par Véronique Hayoune in al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 4 avril 2001
  7. Il n'y a pas de solution par Baudouin Loos in Le Soir (quotidien belge) du mardi 3 avril 2001
  8. Karawat, un village si paisible, entre deux check-points israéliens par Baudoin Loos in Le Soir (quotidien belge) du mardi 3 avril 2001
  9. Ecrire au milieu du champ de tir par Marie-Claire Bourdoux, médiatrice du "Soir" in Le Soir (quotidien belge) du mardi 3 avril 2001
  10. Au cours d'une session du "Forum de la Liberté", des journalistes lancent un appel en vue d'une couverture plus dense des drames vécus par les réfugiés palestiniens, avec moins d'insistance sur la difficulté de trouver une solution et les violences par Samir Nasif in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du samedi 24 mars 2001 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
                   
Dernières parutions
                
1. La Revue d'études Palestiniennes
N° 27 nouvelle série (79) - Printemps 2001
[160 pages - 90 FF - ISBN 2-7073-1754-3]
- Abonnement annuel à la "Revue d'études Palestiniennes" (quatre numéros) : 295 FF (étudiants : 250 FF) par chèque bancaire en Francs francais, libellé à l'ordre des Editions de Minuit - 7, rue Bernard-Palissy - 75006 Paris FRANCE -
- AU SOMMAIRE DU N° 27 :
Le brave soldat Arik par Uriya Shavit - 22-23 mai 1948 : Le massacre de Tandoura témoignages recueillis par Moustafa Al-Walî - Le droit au retour par Uri Avnery - Israël détruit l'économie palestinienne par Sophie Claudet - Les Palestiniens d'Israël : état des lieux par Elia Zureik - Le Saint-Siège et la question palestinienne par Claudia Adéoussi - William Clinton et le Proche-Orient par William B. Quandt - Les travaux et les jours de Wâsif Jawhariyyeh par Salim Tamari - Le village que je n'ai jamais visité par Salah Hzayyin - Soffer et les stéréotypes, le retour par Rudolf El-Kareh - Conversations de jardin dans une ville assiégée par Ilan Halevi - Khiam, un film sobre et fort par Dominique Eddé.
On y retrouve aussi les "Notes de lecture" de Rudolf El-Kareh, Saloua Ben Abda et Dominique Vincent-Séraphin, ainsi que "L'observatoire de la colonisation" par Geoffrey Aronson et la "Chronologie" du 1er octobre au 30 novembre 2000 par Claire Moucharafieh.
                
2. Le bien des absents de Elias Sanbar
aux Editions Actes Sud (2001)

[140 pages - 99 FF - ISBN 2742732489]
Exilé de sa patrie palestinienne avant même d'y avoir vécu, Elias Sanbar ne cède pas aux illusions de la nostalgie. Il donne plutôt à voir, dans un miroitement d'épisodes aux tonalités changeantes, l'immatérielle présence d'une Palestine ressentie "du dehors". Une maison à Haïfa qu'il faut fuir dans la peur - la même maison qui s'entrouvre, cinquante ans plus tard, désormais devenue " bien des absents "... Les dieux lares de l'expatrié seront tour à tour une armoire, des combattants défunts, des sympathisants et poètes essentiels, ou de très emblématiques Indiens du Far West. Dans ce kaléidoscope de choses vues, d'expériences presque indicibles et d'anecdotes douces-amères, jamais Elias Sanbar n'abandonne le sens de l'humour - ni le pays où naquit son peuple jeté aux quatre vents.
                   
3. Le Courrier du CVPR
N° 7 - Mars 2001
[Pour recevoir ce numéro, envoyer vos coordonnées complêtes accompagnées de 15 Francs de timbres postaux, à Mme Olivier - CVPR - 35 rue de la Garenne - 92310 Sèvres]
- Extrait du sommaire du dernier numéro de ce bulletin d'information du Comité de Vigilance pour une Paix réelle au Proche-Orient :
Un Appel pour la Paix - En mémoire de Bér'a Adli Bloch - Entretien avec M. de la Sablière, conseiller diplomatique du Président de la République - Rencontre avec M. Aly Maher El-Sayed, Ambassadeur d'Egypte en France - Conversations avec Fayçal Husseini et Azmi Bichara par Pierre Lafrance - Barak, l'autre face de Sharon par Tanya Reinhart - Moi, femme, je vais en Palestine par Luisa Morgantini - La démocratie dans le monde arabe : un défis pour Israël ? par Ghaïss Jasser - Les femmes palestiniennes et la guerre par Ghaïss Jasser - Une excellente critique de José Paoli du livre : "Jérusalem, le sacré et le politique" de Elias Sanbar et Farouk Mardam-Bey publié aux éditions Actes Sud - D'abord le droit des peuples à disposer d'eux mêmes par Monique Chemillier-Gendreau.
            
Réseau
               
1. La guerre israélo-arabe commencerait en juin 2001 (1ère partie)
extrait du site internet "Tsentralnïj Jevrjejiskij Rjesurs" ("Ressources Juives Centrales" de Russie) page "Vojennoje Djelo" ("Affaires Militaires") du jeudi 29 mars 2001

[traduit du russe par Marcel Charbonnier]

Il y a environ un an, les services de renseignement (AMAN) de l'armée israélienne (TSAHAL) ont conclu d'une analyse de la situation générale que la plus grande probabilité pour le déclenchement d'une nouvelle guerre se situe au mois de juin de cette année. Les analystes de Tsahal évaluent les perspectives de ce prochain conflit de la manière suivante :
Situation générale
- Syrie et Liban
La Syrie est en pleine déconfiture économique. La mobilisation amènerait tout simplement les Syriens à la banqueroute totale. Ne parlons même pas de leur armée complètement obsolète et de leur aviation, encore plus vieillotte. La seule chose sur laquelle les Syriens puissent compter, c'est sur une guerre au Liban. Ils comprennent aussi bien que les officiers de Tsahal que s'ils tentent d'attaquer les fortifications israéliennes sur le Golan, il y laisseront leur peau. Et, tant que le Golan reste entre les mains d'Israël, la probabilité d'une percée syrienne à travers la Jordanie est extrêmement faible. Par contre, par l'intermédiaire du Hizbollah, la Syrie est tout-à-fait capable de provoquer une invasion israélienne immédiate du Liban (qui n'est plus, depuis longtemps, à proprement parler un pays, mais pratiquement une province syrienne), ce qui entraînerait des pertes du côté israélien, l'indignation générale en Israël et la détérioration de la position de ce pays sur la scène internationale.
- Irak
Les ultimatums anti-israéliens que profère hystériquement Saddam n'inquiètent personne d'autre que ses propres ressortissants. L'armée irakienne n'a jamais été - et ne sera jamais - un adversaire sérieux pour Israël, et il y a très peu de chances que la Garde Républicaine de Saddam Husseïn puisse d'une quelconque façon atteindre les frontières d'Israël. Les aviations américaine et israélienne les réduiraient en miettes, avant même que les tanks irakiens n'aient pu se rapprocher de la frontière jordanienne. De plus, les avions israéliens pourront vraisemblablement décoller des bases aériennes turques, ce qui améliorera de manière significative leur rayon d'action. C'est pourquoi le seul danger du côté de l'Irak pourrait être le recours de ce pays aux armements non-conventionnels, biologiques et chimiques. Mais Saddam Husseïn comprend parfaitement qu'en rétorsion, Israël se verrait contraint à utiliser ses armes de destruction massive et que, dans ce cas, même Allah ne pourrait sauver Husseïn Saddam d'une attaque nucléaire israélienne vraisemblable.
- Jordanie
La Jordanie est, si l'on veut, le seul pays, au Moyen-Orient, si ce n'est au monde, auquel l'existence d'Israël soit absolument indispensable. Sans Israël, l'attention des requins du Moyen-Orient serait focalisée sur elle et les Palestiniens et les Syriens se la partageraient entre eux, comme ils ont déjà tenté de le faire, en 1970. L'armée jordanienne est modeste et plus préparée à la défense qu'à l'attaque. C'est pourquoi la Jordanie ne se mêlerait pas à un conflit éventuel, il lui faudrait se rendre maître de ses propres Palestiniens, de toutes manières, avant de pouvoir le faire...
- Turquie
La Turquie est l'unique alliée naturelle d'Israël au Proche-Orient. Elle est, par tant, ennemie de la Syrie et de l'Irak. Entre Israël et la Turquie existe une coopération militaire extrêmement étendue - de l'armée de terre à l'aviation. Mentionnons la modernisation des blindés turcs, réalisée actuellement par les experts israéliens. Et, bien qu'il soit vraisemblable que la Turquie n'intervienne pas directement, elle aidera Israël, ne serait-ce qu'en application du principe "l'ennemi de mon ennemi est mon ami". La Turquie proposera vraisemblablement de partager le renseignement, et consentira sans doute à offrir à Israël la possibilité d'utiliser ses bases aériennes dans le sud-est du pays, afin d'améliorer l'efficacité de ses frappes contre les arrières syriennes et irakiennes.
- Egypte
Le seul état arabe à posséder une influence suffisante sur le monde arabe et à détenir, en même tant, une capacité suffisante, tant militaire qu'économique, pour inquiéter sérieusement Israël. L'Egypte est aussi le seul état à pouvoir menacer Israël et même à posséder suffisamment d'argent pour ce faire. L'armée égyptienne, aujourd'hui, n'est nullement plus faible qu'en 1973. Toutefois, pour l'instant, l'Egypte n'a aucun intérêt, ni militaire, ni économique, à entrer en guerre avec Israël. Mubarak l'a dit clairement : "pas une guerre de plus". Mais, malgré tout, il continue à tâter le pouls des autres pays arabes et ne tient pas du tout à perdre sa position dirigeante, ce qui risquerait d'arriver, s'il devait être le seul leader arabe à se prononcer contre une guerre avec Israël. De plus, il redoute les fondamentalistes musulmans, qui pourraient essayer de l'éliminer, comme ils l'avaient fait avec un autre président égyptien, Sadate, s'il devait se montrer - aussi peu que ce soit - trop conciliant dans ses relations avec Israël.
C'est pourquoi, si l'ébullition atteint un point critique, Mubarak adoptera vraisemblablement une position violemment anti-israélienne. Pour Israël, cela pourrait se transformer en un véritable Armageddon (toutefois, la majorité des Israéliens sont allés sur la colline de Meggido, et ils savent qu'elle ne représente rien de particulier pour eux). L'effet de surprise est la clé d'une guerre avec l'Egypte. Celui qui attaque le premier, le premier qui prend l'initiative, sera le vainqueur, de nos jours. L'un des facteurs les plus importants dans une guerre avec l'Egypte, ce sont les passes (les cols) de Gidi et de Mitla, dans la péninsule du Sinaï. Le camp qui aura réussi à contrôler ces défilés jouira d'un avantage énorme sur son adversaire. Israël s'en était emparé au cours de la campagne de 1956 dans le Sinaï : il a gagné. Au cours de la guerre des Six Jours, Israël les a conquis à nouveau et, durant la guerre du Kippour, en 1973, il a pu les tenir - ils ont constitué la base de sa survie dans ce conflit. Aujourd'hui, le Sinaï est entièrement aux mains des Egyptiens, y compris, naturellement, les passes de Mitla et de Gidi. Pour remporter la victoire sur l'Egypte, en cas de guerre, il faut obligatoirement enlever ces deux cols. Ce qui, naturellement, serait beaucoup plus facile à faire en attaquant les premiers. Ainsi, (ce qu'il faut, c'est) une attaque aérienne préventive contre l'Egypte et un mouvement rapide de divisions israéliennes afin de s'emparer des cols. C'est la seule possibilité, pour Israël, de s'assurer une situation avantageuse. A la suite du premier accord de Camp David, le Sinaï est divisé en trois zones de présence militaire égyptienne, A, B et C. Dans la première de ces zones (A), les Egyptiens peuvent faire absolument tout ce qu'ils veulent, dans la deuxième (B) leur présence et limitée, et seuls leurs policiers et leurs douaniers peuvent évoluer dans la troisième (C). Toutefois, à la suite des exercices Badr-96, l'Egypte a démontré à suffisance à quel point elle pouvait projeter rapidement des effectifs très importants de soldats dans l'une quelconque de ces zones. C'est pourquoi il est important d'établir le contrôle sur Mitla et Gidi aussi rapidement que possible, en cas de conflit, et cela serait beaucoup plus difficile à faire si l'Egypte pouvait se préparer comme il convient. De plus, la probabilité d'une attaque préventive de cette nature est beaucoup plus grande qu'il semble à beaucoup. Dans le cas où la situation se dégrade de manière aiguë, le "complexe de survie" se réveille, chez les Israéliens - il est d'ores et déjà en train de s'éveiller, d'ailleurs - et il sera d'autant plus mauvais qu'il se contrefichera de la communauté internationale qui condamnera, comme de bien entendu,  l'"agression sioniste". Naturellement, personne ne veut briser la coexistence pacifique avec l'Egypte, mais si c'est nécessaire, il vaut mieux que ce soit Israël qui le fasse le premier et qu'il occupe les positions convenables, plutôt que ce soit l'Egypte, auquel cas Tshal devrait repousser les tanks égyptiens devant Dimona et Ber-Sheva. De plus, toute intrusion de soldats égyptiens sur la rive orientale du canal pourrait être considérée comme une violation des accords de Camp-David. Variante, plus délicate : Israël attend que l'Egypte attaque en premier, afin de ne pas irriter la communauté internationale, comme il l'a fait en 1973... Mais les Israéliens ne se souviennent que trop de cette guerre, au cours de laquelle, à cause de l'imbécillité et de l'absence de vision de leur gouvernement, ils n'avaient pas attaqué les premiers, ce qu'ils avaient dû payer extrêmement cher (, par la suite).
- Les Palestiniens et les Arabes israéliens
Pris isolément, les affrontements dans les territoires ne mettent pas en danger l'existence d'Israël ; dans une guerre au vrai sens du mot, les Palestiniens sont très loin de faire le poids face à Tsahal. Mais les Arabes, à l'intérieur d'Israël, qui soutiennent les Palestiniens, pourraient, en coordonnant leur action avec eux, gêner la mobilisation, ce qui, combiné avec un monde arabe ouvertement hostile (au premier rang duquel, l'Egypte) ramènerait à l'esprit des Israéliens la vision cauchemardesque d'une mobilisation ratée et d'une guerre perdue car, comme on le sait, la première guerre perdue par Israël serait pour lui la dernière.
- Le déroulement de la guerre
-Un conflit limité contre le Hizbollah et la Syrie, au Liban
1/ Le Hizbollah poursuit ses attaques contre les soldats israéliens, bombardent les villes du nord d'Israël, et enlèvent vraisemblablement encore quelques soldats.
2/ Israël mène des actions punitives, en bombardant des positions du Hizbollah au Liban, dès que ce dernier y aggrave la situation. Les attaques du Hizbollah se prolongeant, l'aviation israélienne passe à des objectifs tels que l'infrastructure libanaise, et même, ultérieurement, les positions syriennes.
3/ La Syrie envoie ses troupes au Sud Liban, l'artillerie syrienne aide le Hizbollah à bombarder Israël. En réponse, Israël introduit des forces au Sud Liban, afin d'en chasser les Syriens : des combats s'engagent. Des duels d'artillerie lourde sont possibles sur les hauteurs du Golan, mais aucune des deux parties ne se risquerait, vraisemblablement, à faire le premier pas.
4/ Sur le terrain accidenté du Liban, les Syriens ont l'opportunité d'utiliser des armes transportables et d'utiliser la tactique des embuscades et des attaques ponctuelles suivies de retraits rapides, ce qui pourrait compenser, dans une certaine mesure, leur retard technologique.
5/ L'aviation israélienne bombarde des objectifs syriens - infrastructures, générateurs d'électricité, etc.- en Syrie même - les Syriens ripostent en lançant des missiles SCUD contre les villes israéliennes depuis la Syrie, tout en soumettant ces villes à des bombardements d'artillerie, depuis le Liban. L'Irak envoie des troupes en Syrie, et si possible, à travers la Syrie, jusqu'au Liban, mais elles ne réalisent aucune percée décisive. De toute façon, la plus grande partie de ces troupes sera éliminée par les bombardements, avant même qu'elles aient atteint leur destination.
6/ Après environ un mois de combats prolongés, mais nullement remarquables, Tsahal parvient à écraser les Syriens et à les bouter hors du Sud Liban. Après quoi, se reconstitue une "zone de sécurité", au Sud Liban, où se déploient des unités de Tsahal. Mais, cette fois-ci, cette zone est effectivement temporaire, et Tsahal se retire du Liban au bout de quelques mois.
Tout ceci s'accompagne de la continuation des affrontements dans les territoires, des attentats en Israël, etc. D'une manière générale, cette variante ne comporte aucune manoeuvre intéressante ; elle se présente assez comme une guerre au long cours contre les Syriens au Liban, un peu dans le genre d'une opération "Paix en Galilée" en miniature.
Une solution au problème du Liban n'a pas encore été trouvée jusqu'à ce jour, et l'expulsion des combattants (ennemis d'Israël) de ce pays n'écarte pas la possibilité d'affrontements futurs dans cette région.
- L'hypothèse d'un conflit généralisé
1/ Dans les territoires, les affrontements s'intensifient de manière significative. En même temps, l'agitation des Arabes israéliens reprend dans l'ensemble du pays. Quelques attentats dévastateurs sur le territoire d'Israël, l'armée israélienne se voit contrainte d'adopter des mesures de rétorsion beaucoup plus dures à l'encontre des Palestiniens.
2/ Les manifestations populaires, dans les pays arabes, atteignent le degré d'ébullition ; les fondamentalistes s'efforcent de déclarer sans tarder la guerre sainte contre Israël et les Etats-Unis, et menacent d'entreprendre l'élimination des infidèles. Attentats contre les Américains dans la Péninsule arabique, et contre les Israéliens à travers le monde.
3/ La police palestinienne et le Tanzim s'orientent vers la confrontation directe, en utilisant tous les moyens à sa disposition, non plus seulement les gamins et les cailloux, mais les Stinger, les RPG, les mortiers (qu'ils ont déjà utilisés auparavant, notons-le au passage), les projectiles de 14,5mm, et tout ce qui leur tombe sous la main.
(La police palestinienne compte environ 50 000 hommes. Le Tanzim ("milice populaire"), à peu près autant. Cela représente donc, au total, environ 100 000 hommes armés).
4/ Les Palestiniens tentent de s'emparer des implantations israéliennes dans les territoires.
5/ Le gouvernement israélien, qui que ce soit qui le dirige, est confronté à l'obligation de commencer à faire large usage de moyens lourds : tanks, artillerie lourde, hélicoptères.
6/ Les manifestations de protestation des Arabes, à l'intérieur d'Israël, commencent à prendre un caractère cataclysmique : des affrontements extrêmement durs opposent les Arabes et les Juifs, avec incendies volontaires, fusillades, et beaucoup de victimes, des deux côtés.
7/ L'Egypte, la Syrie et l'Irak menacent ouvertement de lancer une guerre contre Israël "afin de libérer Jérusalem". Mubarak exige des Etats-Unis qu'ils retirent les soldats américains de la presqu'île du Sinaï ; les Etats-Unis s'exécutent-ils ? Big question... Mais une "évacuation des lieux", sans une préparation, longue et répétée, de l'opinion publique, par l'intermédiaire de CNN, n'est pas dans le style de l'Oncle Sam. N'importe quel président américain redoute, plus que tout, un nouveau Vietnam. Ajoutons à cela la politique de réduction des interventions extérieures, propre à Bush. Simultanément, la Syrie exige le retrait des Casques Bleus du Golan - et ceux-ci (comme on sait) sont toujours prêts à jouer des flûtes quand "ça chauffe"...
8/ L'Egypte envoie des troupes au Sinaï. Moment de vérité : qui attaquera le premier ? Les probabilités qu'Israël lance une attaque préventive sont extrêmement élevées...
[FIN DE LA PREMIERE PARTIE]
            
2. Résister pacifiquement par Eyad Al-Sarraj
in Olive Branch (publication palestinienne) du mardi 3 avril 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
(Eyad Al-Sarraj est un psychiatre palestinien qui travaille dans la bande de Gaza.)
Gaza, 31 mars 2001 -- J'ai été élevé dans la haine des Juifs. On me répétait que les Juifs avaient volé ma maison à Bersheva (Bi'r Sab') et chassé mon peuple de Palestine. Les Juifs étaient des assassins monstrueux. Je vivais dans la terreur du jour où je serais confronté à un Juif pour la première fois dans ma vie.
En 1956, durant la guerre de Suez, lorsqu'Israël occupa Gaza, je l'ai rencontré. J'avais douze ans ; lui, soldat, me pointait son fusil dans le dos, après m'avoir ordonné de le conduire jusqu'à notre abri souterrain sans lumière. J'étais terrorisé par le fusil, mais de voir que le soldat semblait terrorisé, lui aussi, m'amusait presque. Je me demandais alors s'ils avaient les mêmes sensations que nous.
Mon second Juif fut un choc. C'était en 1971, je venais de finir mes études de médecine à Alexandrie, et un bus de la Croix Rouge me ramenait à Gaza, où je devais exercer, en traversant le canal de Suez. A cette époque, les Israéliens avaient réoccupé Gaza, et occupé la Cisjordanie, le désert du Sinaï et les hauteurs du Golan, après leur victoire, à l'issue de la guerre des Six Jours.
J'étais assis à l'avant du bus, face à un soldat israélien et à son fusil mitrailleur. J'étais en colère, et j'avais peur. Ça a dû se voir sur ma figure car, de but en blanc, ce jeune soldat israélien me regarda, un sourire bienveillant aux lèvres, et me dit : "avez-vous été loin de votre famille pour longtemps ?"
"Oui", lui répondis-je, interloqué. Alors, le soldat me dit : "j'espère que vous allez retrouver vos proches sains et sauf et en bonne santé". Je n'oublierai jamais son visage. Je pense que c'est à ce moment-là que j'ai réalisé deux choses : que les Juifs sont des êtres humains tout comme nous et que je ne serais jamais capable de tuer.
Vivre et travailler à Gaza sous occupation militaire israélienne, tout au long de ces trente dernières années, fut (pour moi) une expérience riche, mais douloureuse. J'ai été interrogé à de multiples reprises. On m'a demandé de "coopérer". J'ai été traité avec arrogance, j'ai été "jeté" de mon travail deux fois, et j'ai entendu des centaines de récits de douleur et de larmes. Mais j'ai aussi rencontré beaucoup d'Israéliens épatants, et certains sont devenus mes amis. Ils m'ont beaucoup appris.
L'un de ces meilleurs amis, c'est Tamar ; elle est psychologue clinicienne et vit à  Tel-Aviv.
Elle m'a téléphoné, la veille de la victoire (électorale) d'Ariel Sharon. Tandis qu'elle me parlait, je me suis rendu compte à quel point Israël s'était replié sur lui-même, radicalisé dans sa peur et resserré autour de Sharon. Je me suis demandé s'il se pouvait que les cailloux palestiniens aient ébranlé la démocratie israélienne et joué un rôle décisif dans l'arrivée de Sharon au pouvoir. J'ai toujours cru - mais maintenant, j'en suis plus que jamais persuadé - que les deux peuples sont dans la nasse.
Les Israéliens, en apparence les maîtres, sont en réalité les victimes d'une histoire faite de douleur, de persécutions subies et de ghettos. Ils sont entourés d'un océan de haine ; les Arabes ne peuvent accepter la défaite et développent une rhétorique vengeresse.
Les Palestiniens sont intimement blessés. Ils se sentent trahis par les régimes arabes et injustement traités par l'Occident. Leur rancoeur se manifeste par des cycles de défiance et de colère. Et aujourd'hui, ils tirent les balles du désespoir, engagés qu'ils sont dans une impasse suicidaire.
Pour qu'il y ait une quelconque avancée vers la paix, il faut que les gens soient libérés. Les Palestiniens et les Israéliens n'ont pas encore pris conscience du fait que leurs sorts sont liés.
La libération des Palestiniens de l'occupation de leur terre par Israël, de l'humiliation et des souffrances, s'opérera lorsque les Israéliens se seront libérés de leur peur et de leur sentiment d'insécurité. Les balles des Palestiniens ne font que renforcer le complexe de persécution et la paranoïa des Israéliens.
Je suis convaincu que les Palestiniens devraient prendre l'initiative de s'engager dans la voie de la résistance non-violente. Bien sûr, cette idée n'est pas facile à accepter et à mettre en application. D'aucuns argueront du fait que notre culture serait encline au jihad. Mais le jihad n'est absolument pas contradictoire avec la non-violence. En réalité, la forme de jihad la plus exigeante est celle que l'on mène à l'intérieur de soi-même.
Le voie de la non-violence donnera le pouvoir aux masses et à l'individu, dès lors qu'ils auront appris comment la faiblesse peut être convertie en force. Cela incitera les Israéliens à épier de derrière leurs boucliers pour découvrir petit à petit les Palestiniens, hommes et femmes, tels qu'ils sont, grandeur nature et sous leur aspect réel. Imaginez un peu : ne serait-il pas merveilleux d'amener un bus, plein de passagers palestiniens, à Tel-Aviv, non pour le faire exploser, mais pour rencontrer des Israéliens...
Ceux-ci se sentiraient alors assez en sécurité, (chez eux), partagerait la douleur (des Palestiniens) et sympathiseraient (avec eux). Et il est certain que beaucoup d'Israéliens, Juifs amis de la paix et de la justice, rejoindront la lutte pour la libération des Palestiniens. Les Palestiniens, dès lors, commenceront à voir les Israéliens comme leurs frères en humanité et se sentiront égaux à eux. Les uns comme les autres seront "libres, enfin" et partenaires de paix.
[Olive Branch - Raed Awad Abusahlia - P.O. Box 14152 Jerusalem 91141 - Tél : 02-6282323 - Fax : 02-6271652 - E-mail : nonviolence@writeme.com]
                  
3. Le Jour de Deïr Yassin - De tous les mois, Avril est le plus cruel par Israël Shamir
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
(Israël Shamir, écrivain et journaliste israélien, a été écrit ce texte pour commémorer le massacre de 254 civils palestiniens dans le village de Deïr Yassin, le 9 avril 1948. Vous pouvez contacter Israël Shamir : shamiri_@netvision.net.il)
Par une magnifique journée printanière de Terre Sainte, avec son ciel bleu azur et ses prairies verdoyantes, un autobus à air conditionné amène des touristes depuis la Ville de la Plaine (Tel-Aviv, ndt) jusqu'à la Ville dans les Montagnes (Jérusalem). Un peu après la mi-parcours, juste à côté du caravansérail ottoman, restauré, de Bab al-Wad (la Porte de la Vallée), le bus passe devant des carcasses de véhicules blindés, peintes en rouge. C'est ici que les guides régurgitent leur catéchisme : "Ces véhicules ont été laissés là, en mémoire de la percée héroïque des Juifs venus alléger les souffrances de leurs coreligionnaires, enfermés dans Jérusalem, alors assiégée par les armées de neuf pays arabes coalisés agresseurs". Le nombre des pays arabes agresseurs varie en fonction de l'humeur du guide et du degré de crédulité qu'il a pu détecter parmi ses ouailles...
La bataille pour le contrôle de la route de Jérusalem a été décisive pour le sort de la guerre civile de 1948 en Palestine, qui s'est achevée avec la chute de la partie occidentale de Jérusalem, très prospère, avec ses riches demeures en pierres de taille appartenant à des familles nobles arabes et à des commerçants allemands, grecs et arméniens, entre les mains des Juifs de la Plaine. Au cours de ces combats, ces derniers se sont aussi emparé des faubourgs juifs restés neutres, car anti-sionistes. Les Sionistes expulsèrent les Gentils en un coup de balai magistral de nettoyage ethnique et ils bouclèrent les Juifs locaux dans un ghetto. Pour faire bonne mesure, ils rasèrent jusqu'au sol les villages palestiniens qui se dressaient sur leur marche triomphale vers la Ville. Le dépotoir rouillé (commémoratif) n'est vraiment pas à la hauteur du peplum relatant ces hauts faits d'Israël : à peine pourrait-on s'en servir de décor pour tourner un film néoréaliste... Il s'agit d'un désordre organisé totalement dépourvu de cette authenticité tellement prisée par les metteurs en scène. L'histoire du blocus et de l'agression est beaucoup plus une pièce de théâtre que le scénario d'un film. Et pourtant, Il s'agit bien là de la énième prolongation d'un film produit tout spécialement pour l'édification du touriste effectuant l'"open tour" forfaitaire sans escale, direction : "Mur des Lamentations+Musée de l'Holocauste" (tout compris).
La guerre menée pour le contrôle de cette route a été menée en avril 1948, soit plusieurs semaines avant qu'Israël ne proclame son indépendance, le 15 mai, et donc, avant que les armées de va-nu-pieds équipées de bric et de broc des pays arabes voisins n'entrent en Palestine afin de tenter d'y sauver le peu de population autochtone qui y était resté. Comme l'a fait remarquer T.S. Elliot, de tous les mois de l'année, avril est le plus cruel. Et avril s'était montré à la hauteur de sa réputation, cette année là. Combien fut fatal ce mois d'avril au cours duquel les Palestiniens se sont vus condamnés à entreprendre leur pérégrination pour cinq décennies d'exil. L'apothéose, ce fut à l'entrée de Jérusalem, là où les jardins Sakharov mènent à un cimetière, à un asile psychiatrique et au village de Deïr Yassin. La mort a plusieurs noms. Les Tchèques l'appellent Lidice, les Français Oradour, en vietnamien, on dit My Lai. Pour tous les Palestiniens, c'est : Deïr Yassin. 
La nuit du neuf avril 1948, les groupes terroristes juifs Etzel et Lehi attaquèrent ce village paisible et en massacrèrent la population, hommes, femmes et enfants. S'il vous plaît, ne me demandez pas de répéter les récits sanguinolents d'oreilles tranchées, de ventres ouverts, de femmes violées, d'hommes brûlés vifs et de cadavres balancés dans des carrières, ni de rappeler la parade triomphale des assassins. Tous les massacres se ressemblent, de Babi Yar à Chain Gang, en passant par Deïr Yassin.
Toutefois, le massacre de Deïr Yassin est particulier, pour trois raisons. Tout d'abord, il a bien été décrit et les témoignages ne manquent pas : d'autres combattants juifs appartenant à d'autres mouvements, la Haganah et le Palmach, des scouts juifs, des représentants de la Croix Rouge et la police britannique de Jérusalem ont laissé des compte-rendus très détaillés de ces événements. Il s'agissait simplement de l'un des nombreux massacres de Palestiniens commis par les Juifs au cours de la guerre de 1948, mais aucun autre n'a fait l'objet d'une attention similaire. Ceci est dû, sans doute, au fait que le siège du Mandat Britannique sur la Palestine, Jérusalem, était à deux pas. Ensuite, le massacre de Deïr Yassin eut des conséquences gravissimes, mis à part le sort tragique du village lui-même. L'horreur de ce massacre a accéléré la fuite massive des habitants des villages palestiniens voisins, donnant aux Juifs le contrôle total des contreforts ouest de Jérusalem. Fuir était la seule solution rationnelle et sage, pour la population civile. Tandis que j'écris ceci, je vois à la télé les images de paysans macédoniens fuyant une zone de combats. La famille de ma mère a fui une Minsk à feu et à sang, le 22 juin 1941, et elle a survécu. La famille de mon père était restée dans la ville : ils ont tous péri. Après la guerre, mes parents purent retourner à Minsk, comme bien d'autres réfugiés de guerre. Les Palestiniens, eux, n'ont pas, jusqu'à ce jour, été autorisés à revenir. Enfin, autre différence : le devenir des assassins. Les commandants des bandes du Etzel et du Lehi, Menahem Begin et Yitzhak Shamir, sont devenus, plus tard, premiers ministres d'Israël. Aucun des deux n'a exprimé le moindre remords, et Menahem Begin a passé les dernières années de sa vie avec le panorama de Deïr Yassin, étalé sous ses fenêtres. Pour lui, pas de tribunal de Nuremberg, pas de vengeance, pas de pénitence, non : juste un chemin jonché de pétales de roses, et tout schuss vers le Prix Nobel de la Paix (!). Menahem Begin était très fier de cette opération, et dans une lettre aux exécutants, il les félicita pour avoir brillamment mené à bien leur devoir national. "Vous êtes les créateurs de l'histoire d'Israël", leur avait-il écrit. Yitzhak Shamir se félicitait lui aussi de ce haut-fait, qui avait contribué à la réalisation de son rêve : expulser les nochrim (les non-juifs) du territoire de l'Etat juif.
Le chef des opérations, sur le terrain, Judah Lapidot, a eu une carrière pas mal, lui aussi. Son supérieur, Menahem Begin, l'a nommé directeur de la campagne destinée à revendiquer le droit, pour les Juifs russes, d'émigrer en Israël. Invoquant la compassion et plaidant le regroupement familial, il orchestrait des manifestations à New York et à Londres, avec ce slogan fameux : "Let My People Go" ("Laissez mon peuple aller", célèbre negro spiritual, NdT). Si vous étiez un fan du droit à l'immigration en Israël des Juifs russes, vous l'avez peut-être croisé, sans le savoir : les taches de sang de Deïr Yassin s'étaient estompées depuis belle lurette...  Pour endoctriner politiquement les immigrants russes, il a même commis une "traduction" en russe de "Oh, Jérusalem", le best-seller de Lapierre et Collins, en prenant bien soin d'en expurger, précisément, l'histoire de... Deïr Yasin !
Mais il y a encore une autre raison qui rend cet événement historiquement très important. Deïr Yassin a donné une illustration grandeur nature des tactiques des Sionistes. Après que le massacre ait été divulgué, les dirigeants juifs accusèrent... les Arabes. David Ben Gourion, premier Premier ministre d'Israël, annonça que des bandes de hors-la-loi arabes l'avaient perpétré. Cette version ne tenant, à son tour, plus debout, les responsables juifs entreprirent les procédures de limitation de la casse. Ils envoyèrent des excuses au roi Abdallah. Ben Gourion et son gouvernement prirent publiquement leurs distances avec ce massacre sanglant, déclarant qu'il portait atteinte à l'honneur de tout Juif honnête et qu'il s'agissait de l'oeuvre de terroristes factieux. A l'étranger, sa maestria en matière de relations publiques demeure une source inépuisable de fierté pour les "libéraux" prosionistes au grand coeur. "Quelle histoire horrible, quel drame affreux", me dit un Juif humaniste que je conduisais jusqu'aux maisons rescapées de Deïr Yassin. Puis il ajouta : "mais Ben Gourion a condamné les terroristes, et ceux-ci furent dûment châtiés".
"Oui..." répondis-je, "ils ont été dûment châtiés, puisqu'on les a promus aux plus hautes responsabilités de l'Etat..."
Trois jours, tout juste, après le carnage, les commandos furent incorporés à l'armée israélienne en cours de formation, les commandants des opérations furent gratifiés de hauts grades, et une amnistie générale fut proclamée qui finit de les blanchir. C'est le même protocole - dénégation initiale, puis excuses et enfin, clémence et promotion - qui s'appliqua après que le Premier ministre actuel d'Israël, Sharon, ait commis la première atrocité vérifiable de l'Histoire.  C'était dans le village palestinien de Qibya, où l'unité de Sharon dynamita des maisons avec leurs habitants à l'intérieur, tuant soixante hommes, femmes et enfants. Après la divulgation de ces crimes, le Premier ministre de l'époque, Ben Gourion, avait accusé des Juifs arabes qui, avait-il dit, étant arabes avant tout, de par leur mentalité, avaient commis ce raid de vengeance non autorisé et avaient tué ces paysans. Pour Sharon, ce fut l'habituel allée jonchée de pétales de roses mais tout shuss, cette fois-ci,  vers le fauteuil de Premier ministre. Il semble que cela soit un must, pour accéder au poste de Premier ministre, en Israël, de pouvoir faire état d'au moins un massacre, sur son curriculum...
Le même enchaînement se répéta après le massacre de Kafr Kassem, au cours duquel les soldats israéliens alignèrent les paysans du coin et les descendirent systématiquement à la mitrailleuse. Lorsque les dénégations s'effondrèrent et qu'un parlementaire communiste révéla des détails horribles du massacre, les perpétrateurs passèrent en cour martiale et furent condamnés à de lourdes peines d'emprisonnement. Ils furent relâchés avant la fin de l'année, tandis que le chef des criminels était nommé PDG des Bons du Trésor israéliens. Si, d'aventure, vous avez acheté des Bons du Trésor israéliens, peut-être l'avez-vous rencontré. Mais je suis sûr que le sang qu'il avait sur les mains était lavé depuis longtemps, quand vous lui avez tendu la vôtre... 
Aujourd'hui, alors que cinquante ans se sont écoulés, l'establishment juif a décidé, encore une fois, de donner un coup de canif à la dénonciation du massacre de Deïr Yassin. L'Organisation Sioniste Américaine (ZOA) s'est faite pionnier dans l'art de nier l'histoire, publiant aux frais du contribuable, un opuscule intitulé : "Deïr Yassin : histoire d'un mensonge". Les révisionnistes de la ZOA ont recours à toutes les méthodes de leurs adversaires, les "dénégateurs de l'Holocauste" : ils rejettent les récits des témoins, que ce soient les survivants, la Croix Rouge, la police britannique, les scouts juifs et autres observateurs juifs, eux aussi, qui ont vu le massacre de leurs yeux. Ils rejettent même les excuses de Ben Gourion, puisqu'après tout, les meurtriers de ces gangs sont bien devenus, en leur temps, Premiers ministres de l'Etat d'Israël, non ? Pour la ZOA, seuls les témoignages des assassins pourraient avoir une quelconque crédibilité. Encore faudrait-il qu'ils s'agisse d'assassins juifs.
Mais, il ya quand même des gens honnêtes. C'est sans doute grâce à eux que le Tout-Puissant ne nous balaie pas de la surface de la Terre. Il existe une organisation, appelée "Deïr Yassin dans nos Mémoires", qui lutte contre toute tentative d'éradication de cette mémoire. Elle publie des ouvrages, organise des conférences, et elle a en projet d'ériger un mémorial sur les lieux du massacre, afin que les victimes innocentes aient cet ultime réconfort, celui de voir leurs noms et leur mémoire préservés pour la postérité (Isaïe 56:5). Il faudra bien s'en contenter, jusqu'à ce que les enfants rescapés de Deïr Yassin et des villages voisins, quittant les camps de réfugiés où ils vivent, reviennent s'installer sur la terre de leurs ancêtres.
                
4. Déclaration du Porte-parole du Quai d'Orsay sur le processus de paix au Proche-Orient
(Paris, 30 mars 2001)
- Avez-vous une réaction sur le Sommet arabe ?
- Nous avons pris note avec intérêt des décisions prises lors de ce sommet, par exemple concernant l'aide financière des Autorités palestiniennes. Nous espérons que cette aide pourra être mise en oeuvre rapidement et compléter ainsi les efforts déployés dans le cadre de l'Union européenne.
- Vous parlez de l'aide votée par les pays arabes où de l'aide de l'Iraq ?
- Je parle de l'aide votée par les pays arabes.
- L'Union européenne ne suspend pas son aide ?
- Non, bien sûr, elle continue.
- Quelle est l'attitude de la France concernant le Conseil de sécurité et le veto américain ? Dans le communiqué diffusé, on a l'impression qu'il y a une contradiction, car on justifie l'abstention de la France et en même temps, on sous-entend un soutien aux Palestiniens ? D'autre part, Catherine Colonna a annoncé aujourd'hui l'entrevue du président Chirac et du président Moubarak concernant la possibilité d'une action commune vis-à-vis de la situation des territoires. Avez-vous une idée, va-t-on réanimer l'initiative franco-égyptienne ?
- Pour la visite de M. Moubarak, je dois vous renvoyer vers l'Elysée.
Concernant le vote, je peux peut-être relire le paragraphe essentiel de l'intervention de notre représentant permanent à New York qui montre qu'il n'y a pas de contradiction.
La raison de notre abstention tient essentiellement à la démarche différente que nous avons ensemble choisie, dit M. Levitte. Sur le fond, le projet qui a été mis aux voix présentait de grands mérites, mais si nous nous sommes abstenus, c'est parce que les 4 pays européens ont choisi ensemble une démarche qui était différente et qui cherchait à voir s'il y avait place, en deçà des attentes des promoteurs du projet palestinien, s'il y a place, dans les jours, semaines à venir, pour un langage commun au Conseil de sécurité sur l'actualité immédiate, ce qui suppose une démarche plus orientée vers la recherche du consensus.
Cette abstention ne change en rien, sur le fond de la politique de la France, son engagement aux côtés de tous ceux qui souffrent aujourd'hui et veulent bâtir leur nation, leur Etat dans la paix.
- M. Védrine a dit que les observateurs ne servaient à rien et qu'il fallait adopter une résolution sur la retenue, selon une dépêche AFP.
- Sur ce point, je vous renvoie à la position française, celle que le ministre a exprimée hier sur LCI. Comme vous le savez, nous restons favorables à tout mécanisme, notamment une mission d'observateurs qui permettrait de contribuer à la protection des populations civiles, - particulièrement des civils palestiniens - qui sont les plus exposés et les principales victimes de la violence. Mais un tel mécanisme ne pourrait toutefois contribuer effectivement à les protéger que s'il était également accepté par les Israéliens et bénéficier de leur coopération. C'est pour cette raison qu'avec nos partenaires européens du Conseil, nous n'avons pas été en mesure de voter en faveur du texte mis aux voix par les non-alignés.
- A ce propos, trouvez-vous normal qu'un membre permanent du Conseil de sécurité menace de mesures de rétorsions un autre membre non permanent du Conseil de sécurité qui n'a pas voté comme le souhaitaient les Etats-Unis, la Colombie pour ne pas la citer ?
- Je n'ai pas à commenter un élément qui relève des relations bilatérales entre les Etats-Unis et la Colombie...
- La position du ministre français a-t-elle changé ?
- Non, elle n'a pas changé.
- Les Etats-Unis ont-ils fait des remarques sur votre abstention ?
- Nous avons eu des contacts sur ce sujet avec les Etats-Unis. Lors de ses entretiens avec M. Powell, le ministre a évidemment discuté assez longuement du Proche-Orient, de même qu'avec ses autres interlocuteurs.
- Le fait que M. Peres vienne à Paris la semaine prochaine indique-t-il que la France a encore un espoir pour la région.
- Nous sommes, c'est sûr, en pleine escalade. Le ministre croit que ce qu'il faut faire, plus que de s'interroger sur le rôle des uns et des autres, c'est constater la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui. L'urgence absolue est d'éviter que cela empire encore, arrêter l'escalade de la violence. C'est à cela que nous allons travailler. Les qualificatifs aujourd'hui ne servent pas à grand chose, la vérité, c'est que les interlocuteurs que nous avons côté israélien ont été élus par les Israéliens, il y a une vague d'inquiétude profonde qui a traversé la société israélienne et elle s'est traduite électoralement. Donc, quoi que nous pensions, nous devons travailler, tenter de ne pas aggraver les choses. La même remarque vaut d'ailleurs pour les Israéliens ; eux aussi doivent savoir que les qualificatifs aujourd'hui ne font pas nécessairement avancer les choses. Eux aussi doivent travailler avec les interlocuteurs qu'ils ont, c'est-à-dire avec M. Arafat.
- Quelle est votre appréciation des propos de M. Arafat qui disait hier que l'Intifada durerait jusqu'à ce que le drapeau palestinien flotte sur Jérusalem ? Cela contribue-t-il, selon vous, à la retenue que vous souhaitez et que vous appelez de vos vœux ?
- Cette déclaration, comme plusieurs autres déclarations israéliennes, montre que nous sommes précisément en grand danger d'escalade. je crois que cela traduit ce que le ministre a dit à plusieurs reprises sur le désespoir très grand du monde palestinien, et même au-delà.
- La France est-elle toujours favorable à ce que le drapeau palestinien flotte sur une partie de Jérusalem ?
- Notre position sur ce point n'a pas changé .
- Pouvez-vous la rappeler ?
- Il appartient aux parties de négocier une solution juste et durable sur la base des principes pertinents définis par les Nations unies et des acquis et progrès enregistrés dans le cadre du processus d'Oslo. Le succès de ces négociations suppose de s'abstenir de toute mesure unilatérale.
Comme l'a rappelé le ministre, "la solution qui sera trouvée devra préserver le caractère unique de la Ville sainte pour les trois religions du Livre sur les plans culturel et religieux, garantir le libre accès des croyants aux Lieux saints, et respecter les droits des différentes communautés traditionnelles de la ville."
Sur cette question éminemment sensible, des discussions constructives ont eu lieu l'an dernier entre les Israéliens et les Palestiniens. L'accord à trouver devra prendre en compte, d'une manière ou d'une autre, les progrès réalisés dans ce cadre.
- Vous souhaitez donc que le drapeau palestinien flotte sur une partie de Jérusalem ?
- Je vous renvoie à ma déclaration.
- Actuellement, le ministre a qualifié la situation de très grave. Quel est le moyen de baisser la tension ? Qu'allez-vous faire pour cela ? A quel niveau ?
- Ce que nous pouvons répéter, c'est ce que nous pensons. Un certain nombre de choses devraient être faites, il faudrait à la fois des engagements israéliens et palestiniens, nous pensons qu'il faudrait que les Israéliens lèvent le bouclage des territoires occupés, cessent d'empêcher la circulation des uns et des autres. Il faudrait que l'armée israélienne fasse preuve de retenue, il faudrait que les Palestiniens fassent tout ce qui est en leur pouvoir, notamment l'Autorité palestinienne, pour limiter la violence, la provocation, les attentats, le terrorisme évidemment. On sait bien qu'ils ne contrôlent pas tout, mais nous savons aussi qu'ils ont une grosse influence. Il faudrait que les Israéliens gèlent la colonisation qui est un élément très profond d'aggravation de la situation. Il faut aussi éviter, dans l'ensemble de ce contexte, des décisions unilatérales. Il faut permettre à l'Autorité palestinienne de fonctionner sur le plan financier, nous l'avons dit, cela fait partie des conclusions du Conseil Affaires générales. Bref, il faut recréer un climat, pas un climat de confiance parce que nous n'y arriverons pas d'un seul coup, mais un climat qui permette de stopper l'engrenage de la violence.
Je rappelle qu'à Stockholm, le 24 mars 2001, l'Union européenne a invité M. Solana à rester en contact avec toutes les parties concernées et à faire rapport en association avec la Commission au plus tard lors du Conseil européen de Göteborg sur les possibilités qu'a l'Union européenne de jouer un rôle accru pour une reprise du processus de paix.
- Y a-t-il quelque chose au niveau des Nations unies qui se prépare actuellement ?
- Pour l'instant, nous venons d'avoir une réunion du Conseil de sécurité qui s'est terminée par un veto américain. Mais nous restons mobilisés et nous persévérons dans nos efforts. De là à dire que quelque chose se prépare dans les tous prochains jours, nous verrons.
- M. Védrine, hier, a fait une allusion disant que la France et ses partenaires européens préparaient quelque chose au Conseil de sécurité. C'est ce que le ministre a dit hier ?
- Oui, je vous renvoie à ses propos. Nous restons mobilisés, nous poursuivons nos efforts.
- Pas seulement, M. Védrine a également expliqué ce que voulait dire "mobiliser" : présenter une résolution au Conseil de sécurité dans le cadre de la retenue demandée aux deux parties sans mentionner l'envoi d'une mission d'observations....
- Certes.
- Pouvez-vous nous parler un peu plus de cette préparation ?
- Non, j'en reste à ce qu'a dit le ministre, il a été, sur ce sujet, aussi loin qu'on peut aller aujourd'hui. Il vous a expliqué l'esprit dans lequel nous avons décidé de ne pas mettre le projet de résolution européen aux voix il y a deux jours et de continuer à travailler pour y rallier le soutien qui nous manque. C'est la démarche sur laquelle nous restons mobilisés, nous poursuivons nos efforts.
- Avez-vous eu des contacts depuis avec Moscou, le ministre Russe des Affaires étrangères a eu la même réaction ?
- Pas à ma connaissance au niveau ministériel, il faudrait que je vérifie.
- Washington a qualifié le discours du président Assad devant le Sommet arabe d'inacceptable. Quelle est votre position ? Partagez-vous cette opinion ou avez-vous une autre position ?
- La recherche de l'apaisement doit être la priorité de tous...
- Le discours du président Assad est-il, selon vous, contre cette recherche ?
- Je bornerai mon commentaire à dire que la recherche de l'apaisement doit être la priorité de tous, de chaque côté...
- Comment qualifiez-vous les relations de M. Védrine et de M. Powell sur la situation, les positions sont-elles plus éloignées ?
- L'impression qu'en retire le ministre, c'est que nous sommes dans une phase intermédiaire aux Etats-Unis, dans une phase de gestation de la politique américaine, et donc, il est un peu tôt pour avoir une position définitive.
- Combien de temps faudra-t-il encore attendre ?
- Nous avons attiré l'attention des Américains évidemment sur le caractère particulièrement dramatique de la situation, le risque d'escalade. Pour l'instant, ils sont dans une phase où leurs arbitrages ne sont pas encore rendus, c'est clair.
- M. Védrine a dit que la situation actuelle n'avait pas été aussi mauvaise depuis 15 à 20 ans ?
- Oui, c'est ce qu'il pense.
- Comment expliquez-vous que M. Védrine et M. Powell aient parlé de l'Iraq et du Moyen-Orient sans parler de l'Iran ?
- Le ministre a répondu que, lorsque l'on rencontre une nouvelle administration américaine avec laquelle on doit parler de beaucoup de sujets, il faudrait deux à trois longues réunions de travail pour faire le tour de toutes les questions.
- Mais, ils ont abordé tous les sujets, selon l'énumération de M. Védrine.
- Non, ils ne l'ont pas fait, loin de là. Pour la région proche et moyen-orientale, ils n'ont pas parlé que de deux sujets, le Proche-Orient et l'Iraq. Il n'y a évidemment pas que ces deux sujets.
- Mais, comment peut-on parler de la crise au Moyen-Orient et de l'Iraq sans parler de l'Iran ?
- Il y a des problèmes urgents qui se posent, nous avons parlé avec M. Powell sur l'Iraq du diagnostic, nous avons vérifié que nous étions d'accord sur le diagnostic, à savoir que la situation actuelle comporte des risques, qu'elle est plutôt favorable au régime iraquien, que les mesures frappant la population civile iraquienne sont contre-productives. Par contre, il faut des sanctions mieux ciblées pour assurer que le régime iraquien ne redevienne pas une menace pour ses voisins. Il était important de vérifier notre accord sur ce diagnostic. Après cela, nous avons examiné la philosophie qui pourrait sous tendre une approche plus intelligente, comme disent les Américains, d'un régime des sanctions qui précisément ne serait plus dirigé contre la population iraquienne de manière aveugle, mais ciblerait de manière plus précise et plus efficace, disent les Américains, le régime iraquien.
                
Revue de presse

 
1. Une escalade injustifiable par Françoise Germain-Robin
in L'Humanité du mercredi 4 avril 2001

Shimon Peres arrive à Paris au moment où l'armée israélienne multiplie les interventions en territoires autonomes palestiniens.
Shimon Peres, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères du gouvernement Sharon en Israël, est arrivé hier soir à Paris où il a rencontré Jacques Chirac et Hubert Védrine avant de dîner avec Lionel Jospin. Cette visite constitue la deuxième étape d'une tournée éclair visant à expliquer aux Européens, qui ont tendance à la trouver un peu rude, la politique israélienne à l'égard des Palestiniens. Des explications d'autant plus difficiles que l'on assiste à une escalade de la violence marquée par la multiplication des attaques israéliennes en territoire palestinien autonome et la reprise des assassinats et des enlèvements de leaders palestiniens.
Hier encore, l'armée israélienne a franchi une nouvelle étape en pénétrant en zone autonome palestinienne près de Khan Younès, dans la bande de Gaza, pour détruire au bulldozer un poste de la force 17, la garde personnelle de Yasser Arafat, principale cible des attaques israéliennes. Cinq membres de cette force avaient été enlevés dans la nuit de samedi à dimanche par un commando armé. Trois d'entre eux ont été libérés hier, Israël admettant que rien ne pouvait leur être reproché.
L'incursion d'hier intervient dans un contexte de tension maximum, au lendemain d'une reprise des assassinats ciblés de leaders palestiniens par l'armée israélienne. Lundi, c'est un dirigeant du Jihad islamique, Mohamed Abdel, qui a péri carbonisé dans sa voiture canardée par deux hélicoptères israéliens près de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Le secrétaire d'Etat américain Colin Powel a téléphoné deux fois à Sharon pour lui rappeler qu'il ne devait pas utiliser les " Apaches " livrés par Washington pour ce genre d'attaques. Le Jihad islamique, lui, a promis de venger son mort, affirmant avoir " quantité de militants prêts au martyre ", ce qui laisse augurer de nouveaux attentats anti-israéliens. Une voiture piégée a explosé hier près d'un poste militaire israélien sans faire de victime. Un soldat israélien a été mortellement blessé au cours d'échanges de coups de feu à Bethléem. L'armée israélienne a répliqué en bombardant la ville et les camps de réfugiés alentour, blessant douze Palestiniens, avant de faire évacuer tout un quartier. Les incidents se multiplient à Hébron autour de l'enclave où vivent 400 colons armés, en plein centre-ville.
Dans ce contexte, les appels à la fin des violences lancés par Shimon Peres en direction des Palestiniens depuis Stockholm, où il a commencé sa tournée européenne, ont peu de chance d'être entendus. D'autant que l'ancien prix Nobel de la paix fait peser la responsabilité de la situation sur les Palestiniens et rejette toute médiation européenne, ne jurant que par Washington. " L'Europe n'est encore qu'un ensemble d'Etats et les moyens d'actions des Européens sont différents de ceux des Américains. Pour cette raison, nous sommes plus impressionnés par l'action américaine que l'action européenne ", a-t-il expliqué tout en reconnaissant que l'Europe jouait un rôle important au plan financier. " Sans l'Europe, les Palestiniens n'auraient pas d'administration ", a-t-il dit.
Une " réunion informelle " des pays donateurs, dont l'objectif est d'assurer l'équivalent de 90 millions d'euros par mois à l'Autorité palestinienne, aura lieu le 11 avril à Stockholm. L'UE, actuellement premier donateur, compte sur la participation des Etats-Unis, du Canada, du Japon, des pays arabes et de représentants du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale et de la Banque islamique du développement (BID). Cette réunion fait suite à un appel urgent lancé le 24 mars par le sommet des chefs d'Etat et de gouvernements de l'Union européenne, pour éviter un effondrement total de l'Autorité palestinienne.
La question est de savoir combien de temps les Européens accepteront de jouer les bailleurs de fonds en se voyant refuser tout rôle politique dans la recherche d'une solution. Les Palestiniens ont fait savoir hier qu'ils refusaient toute réunion de sécurité avec les Israéliens sans la présence d'observateurs internationaux. Bush ayant décidé de retirer ses billes - les agents de la CIA qui assistaient précédemment aux réunions - on touche à la quadrature du cercle.
             
2. L'appel à l'Europe de Leïla Shahid par Pierre Barbancey
in L'Humanité du mercredi 4 avril 2001

La déléguée générale de Palestine demande à l'UE d'utiliser l'arme économique pour amener Israël à s'engager à nouveau dans le processus de paix.
Un mois presque jour pour jour après l'arrivée de Ariel Sharon au pouvoir en Israël (et alors que son vice-premier ministre, Shimon Peres était à Paris), Leïla Shahid, déléguée générale de la Palestine en France, planchait devant les journalistes de la presse étrangère au CAPE. Pas de " scoop " de la part de la dirigeante palestinienne mais une volonté d'expliquer encore et toujours les propositions de son peuple. Le cadre ? "une guerre qui a la forme des relations israélo-palestiniennes, entre une armée super puissante et une population palestinienne qui se défend avec des pierres ou des kalachnikov ". Une guerre, parce que " le mot incident est devenu insultant pour les Palestiniens, au vu du nombre de morts ". En terme politique, Leïla Shahid ne se montre guère optimiste. " Nous venons de vivre dix ans de processus de paix, cinq premiers ministres et c'est pratiquement un retour à la case départ ", déplore-t-elle. Plus grave, elle estime que " pour la première fois peut-être, il y a une absence de vision, une capacité sur la scène internationale à avancer des idées. C'est vrai pour les Etats-Unis comme pour l'Europe. On assiste à une tentative pathétique de ces pays".
Après le sommet de Amman, tenu à la fin du mois de mars, les positions de principes des pays arabes semblent plus claires. Même l'Irak et la Libye ont souscrit à la déclaration finale reprenant presque point par point les positions palestiniennes, positions qui excluent le conflit armé comme règlement possible du conflit. " Depuis la première Intifada, jamais l'opinion publique arabe n'avait été aussi mobilisée ", souligne-t-elle. " Maintenant, il est important de voir ce que vont faire, en pratique, les gouvernements arabes ". A cet égard, le voyage du président égyptien Hosni Moubarak aux Etats-Unis et le prochain déplacement à Washington du roi Abdallah de Jordanie pourrait éclaircir la situation, dans une période où l'administration américaine de donne pas véritablement le ton. " On a du mal à savoir ce qu'est la politique américaine ", insiste Leïla Shahid. " Cela pose problème aux Palestiniens mais aussi aux Européens, aux Russes et aux Chinois et mêmes aux Arabes. ".
Alors que Mary Robinson, présidente de la Commission des droits de l'Homme de l'Onu, a rendu un rapport accablant sur la situation en Israël et que les Etats-Unis ont mis leur veto au vote du Conseil de sécurité des Nations unies sur l'envoi d'observateurs dans cette région du monde, la représentante palestinienne en France estime que " ce qui rend ce conflit long à résoudre est qu'il s'agit de l'Etat d'Israël qui jouit d'une impunité totale. Cet Etat est considéré comme non soumis au droit international, ce qui ne l'empêche pas d'avoir des relations normales avec le reste du monde ", a-t-elle martelé. Elle en veut pour preuve l'attitude de Ariel Sharon qui déclare que " personne " ne jugera Israël sur ses actes. " Personne n'a réagi à ce genre de propos ", a-t-elle souligné. " A Paris, Shimon Peres aura-t-il entendu que Israël doit se soumettre au droit international ? ", a demandé Leïla Shahid, en rappelant que le même homme déclarait il y a peu - avant son entrée dans le gouvernement Sharon - que " le bouclage des territoires palestiniens crée du terrorisme ", idée qu'il ne profère plus.
Sharon ne cesse de répéter que les négociations ne reprendront pas tant que la violence perdurera. " Mais la violence tombe-t-elle du ciel ? ", interroge Leïla Shahid. " Pourquoi accepter cette cécité de la société israélienne ". Alors que l'Union européenne est actuellement le principal bailleur de fonds de l'Autorité palestinienne et qu'elle développe actuellement des relations commerciales avec Israël plus importantes que les Etats-Unis, la déléguée générale de Palestine en France demande à l'UE d'étudier les meilleurs moyens pour que Israël se rende à la raison et, pour cela, d'utiliser les moyens dont elle dispose, notamment l'arme économique. " Il existe un traité d'association avec les pays de la Méditerranée, dont Israël. La suspension du traité d'association avec Israël aurait des effets immédiats ", dit-elle. " Les Européens doivent être plus présents pour assurer la paix, condition pour être de véritables partenaires une fois la stabilité politique obtenue ".
             
3. Les Palestiniens déplorent l'apathie de la diplomatie internationale par Mouna Naïm
in Le Monde du mercredi 4 avril 2001

LA "DÉCEPTION" des Palestiniens face à l'"absence de vision" de la diplomatie internationale est très grande : autant que la "guerre" dont ils sont la cible de la part d'Israël, "l'impunité totale" dont jouit l'Etat juif au sein de la communauté internationale, l'opacité de la politique de la nouvelle administration américaine, qui contribue à l'apathie d'une diplomatie européenne ayant déjà bien du mal à se dessiner à Quinze, alimentent cette "déception", a déclaré, mardi 3 avril, Leïla Shahid, déléguée générale de Palestine en France. Or si, a-t-elle estimé lors d'une rencontre organisée par le Club de la presse arabe en France, la communauté internationale n'assume pas ses responsabilités et si la protection des Palestiniens n'est pas assurée, il sera impossible de relancer les négociations bilatérales de paix.
Pour Mme Shahid, c'est une "vraie guerre" que l'Etat juif livre aux Palestiniens lorsqu'il lance des raids ou qu'il bombarde la Cisjordanie et Gaza, et qu'il n'hésite pas à pratiquer des enlèvements en territoires sous autorité palestinienne. Moins médiatique, mais tout aussi, sinon plus efficace, parce que plus insidieuse, l'autre dimension de cette "guerre", a-t-elle insisté, est "l'asphyxie" de ces territoires par le biais des bouclages – "la Cisjordanie est désormais divisée en soixante-quatre cantons et la bande de Gaza en six autres" – et par le refus de verser aux Palestiniens les taxes douanières qui leur sont dues.
Face à une situation qui se dégrade de jour en jour, l'attitude des Etats-Unis, parrains du processus de paix, est la grande inconnue – et "c'est un grand souci pour les Palestiniens et pour l'ensemble des Arabes" – et l'Union européenne (UE) est d'une prudence de serpent.
Pourquoi, s'est interrogée Mme Shahid, les Quinze, qui dans le passé ont su user du levier de leurs accords avec l'Etat juif, ne suspendent-ils pas l'accord d'association conclu avec lui dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen – "qui permet à Israël d'écouler 70% de ses produits comme lettre à la poste" – pour exiger le respect de ce que le texte même de l'accord stipule, à savoir: le respect du droit international et des traités de paix signés ?
"Le partenaritat euro-méditerranéen ne peut exister que si la stabilité des Etats concernés est assurée", a fait valoir Mme Shahid, qui s'interroge sur le sens de la stabilité en Palestine, "lorsqu'on ne peut pas circuler" entre une ville et une autre et que l'accord d'association conclu par l'Autorité avec l'UE dès 1997 ne peut être appliqué. Quant à la "protection internationale" réclamée par les Palestiniens, loin d'être, "comme l'affirment les Israéliens, la preuve d'une volonté d'internationaliser le conflit", elle n'est, "au contraire, a-t-elle assuré, qu'un mécanisme international visant à mettre fin à l'impasse et à garantir la reprise des pourparlers" bilatéraux.
"PAS DE SOLUTION MILITAIRE"
Car les Palestiniens, a-t-elle affirmé, "sont convaincus qu'il n'y a pas de solution militaire" à la crise, et veulent que ces négociations reprennent, à condition que soit mis fin au bouclage des territoires et au siège des villes, que cessent les bombardements et les assassinats et que soient mis en œuvre les accords déjà signés, singulièrement le dernier en date, signé en octobre 1999 à Charm el-Cheikh et qui prévoit en particulier un troisième redéploiement israélien en Cisjordanie. Alors, les pourparlers sur le statut définitif des territoires palestiniens reprendraient.
Il n'est pas question pour les Palestiniens d'accepter le projet du premier ministre israélien Ariel Sharon de conclure un nouvel accord intérimaire. Quant à "l'arrêt des violences palestiniennes", dont l'Etat juif fait un préalable à la reprise des pourparlers de paix, il prouve, selon Mme Shahid, la "cécité totale dont sont capables les Israéliens ; comme si la violence tombait du ciel", alors qu'"elle n'est que la conséquence de la démesure de la répression israélienne".
                  
4. Les Arabes unis face aux défis d'Israël par Randa Achmawi et Ahmed Loutfi
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 4 avril 2001

Hommage à l'Intifada et à ses martyrs, solidarité totale avec la lutte des Palestiniens face à l'agression israélienne, les chefs d'Etat et rois arabes réunis à Amman pour leur premier sommet régulier ont paru plus unis que jamais manifestant une détermination de ne pas reculer face aux différentes pressions exercées par Israël pour mettre fin à l'Intifada. Cette unité des Arabes sur ce dossier vital a permis plus ou moins de racheter, du moins d'atténuer, les divergences, voire l'échec de trouver un début de réconciliation entre l'Iraq et le Koweït. De toute façon, le sommet semblait résolument décidé à donner le maximum à la cause palestinienne. Un geste symbolique très significatif à cet égard, les chefs d'Etat arabes ont récité la sourate coranique de la fatiha (ouverture) en hommage aux martyrs palestiniens à l'inauguration du sommet.
Tant l'opinion arabe que les observateurs ont voulu voir dans ce sommet un tournant à cet égard. Des manifestations se sont déroulées un peu partout dans le monde arabe pour demander au sommet d'adopter des mesures énergiques à l'encontre d'Israël et des menées agressives du gouvernement Sharon. Devant précéder par ailleurs une visite du président Hosni Moubarak à Washington, suivie d'une autre d'Abdallah II de Jordanie, le sommet a acquis ainsi une plus grande importance.
Toujours est-il que les défis qu'il devait relever sont parus tout aussi importants.
D'une part, Israël a accentué ses attaques contre les Palestiniens en menant des raids aux chars, aux hélicoptères et à l'artillerie contre la Force-17, la garde personnelle de Yasser Arafat, un défi direct lancé donc de ce dernier. D'autre part, les Etats-Unis ont usé de leur droit de veto au Conseil de sécurité pour faire échec à un projet de résolution pour la constitution d'une force internationale pour la protection du peuple palestinien. Ainsi, la réponse n'a pas tardé à venir de la part de Tel-Aviv et de Washington. Shimon Pérès, ministre israélien des Affaires étrangères, avec son parler cauteleux ordinaire, a affirmé qu'il est « impossible d'accepter l'interprétation que fait le sommet de la formule la paix contre la terre qui consiste à demander à Israël de rendre des territoires sans lui donner la paix en échange ». Or, le sommet a déclaré son attachement clair et net au processus de paix, mettant Israël « en garde contre toute tentative de se dérober de la paix ou d'ignorer les fondements et les principes qui ont lancé le processus de paix ».
D'ailleurs, le premier ministre, Ariel Sharon, a rejeté une initiative égypto-jordanienne visant à rétablir le calme dans les territoires occupés en prévision d'une reprise des négociations. Tout porte à croire que les Arabes se doivent de relever ces véritables défis. Le fait que le sommet soit devenu régulier est un gage en quelque sorte, puisque le suivi sera assuré et que le secrétaire général, qui sera Amr Moussa, fera le point de l'application. De plus, relèvent les observateurs, Israël, en choisissant la manière forte, ne fera qu'accroître son isolement. « Israël est revenu au point zéro en ce qui concerne son intégration dans la région, lui qui avait l'ambition de créer un espace économique commun dans cette dernière, le Moyen-Orient », souligne Hala Moustapha, chercheur au Centre d'Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d'Al-Ahram. Même si sur le plan économique Israël ne perd pas beaucoup, sur le plan politique, il se trouve ainsi en difficulté. La réunion d'Amman s'est déroulée dans un contexte particulier. Ses lendemains sont tout aussi exceptionnels. Une page est tournée. Les Arabes sont unis bon gré mal gré et la violence israélienne contribue à cela.
Les défis au sommet arabe
La conclusion la plus généralement admise par les observateurs est donc que le sommet d'Amman a été un succès en ce qui concerne le soutien de la cause palestinienne, alors que pour le dossier Iraq-Koweït, cela a été un échec manifeste. Mais peut-on parler d'un véritable tournant en ce qui concerne les Palestiniens ?
Au-delà des résolutions (lire encadré), la situation sur le terrain est une grande source de préoccupation. Tout d'abord, les Israéliens ont choisi au lendemain du sommet d'escalader leur répression dans les territoires occupés avec des raids à l'artillerie et les hélicoptères contre la garde rapprochée d'Arafat (Force 17) à Gaza et Ramallah, faisant un grand nombre de victimes parmi les Palestiniens, y compris les civils. Ces attaques sont les plus violentes depuis celles d'octobre dernier suite auxquelles l'Egypte avait rappelé son ambassadeur à Tel-Aviv, Mohamad Bassiouni, qui n'a pas encore regagné son poste. Ces frappes, contrairement à leur effet de dissuasion voulu par Sharon, n'ont fait qu'exacerber les sentiments des Palestiniens et renforcer leur résolution à poursuivre l'Intifada. « Nous allons poursuivre l'Intifada jusqu'à ce qu'un de nos enfants ou de nos petites-filles lève le drapeau palestinien sur la mosquée Al-Aqsa », a déclaré Arafat à son retour d'Amman. Ainsi, le gouvernement israélien n'a pas attendu la conclusion du sommet d'Amman pour frapper les Palestiniens, en réaction au soutien politique et financier que leur a apporté celui-ci, relèvent les observateurs. A cela est venu se greffer le veto américain au projet de résolution du Conseil de sécurité pour l'envoi d'une force de protection des Palestiniens dans les territoires occupés. C'est avec un vif regret que les chefs d'Etat arabes ont réagi à ce veto qui, pour la direction palestinienne, a été un feu vert aux raids israéliens. « Nous sommes perplexes par l'usage de l'Administration américaine de ce veto. En l'utilisant, les Etats-Unis ont encouragé le gouvernement, qui y a vu un feu vert pour son agression contre le peuple palestinien », a indiqué un communiqué publié par l'agence Wafa à l'issue d'une réunion de la direction palestinienne à Ramallah en présence du président Yasser Arafat. C'était la première fois depuis 4 ans que les Etats-Unis faisaient usage de leur droit de veto pour s'opposer à l'établissement d'une force de protection des Palestiniens. De cette manière, les Etats-Unis ont perdu « une chance historique de calmer la situation dans les territoires », a déclaré de son côté le ministre palestinien de la Coopération internationale, Nabil Chaath.
Pressions sur Arafat
C'est dire que le sommet, tout en posant les jalons d'une politique apparemment plus dynamique, s'est heurté à de nouveaux obstacles et une tentative des Etats-Unis et d'Israël de mettre toute la pression sur Yasser Arafat. C'est à lui qu'on demande de mettre fin à l'Intifada. Washington l'a même accusé de ne pas faire grand-chose « pour réduire la violence anti-israélienne et les attentats suicide ». Le président américain, qui s'exprimait pour l'une des premières fois de manière directe sur le processus de paix, a appelé Arafat « à dénoncer à haute voix la violence de manière qui soit compréhensible aux Palestiniens », demandant à son secrétaire d'Etat Colin Powell de contacter le chef de l'Autorité palestinienne pour lui faire passer directement le message. C'est au risque de mécontenter davantage le monde arabe au lendemain du sommet que Bush a pris ces initiatives. Et même s'il a pris soin d'appeler également le gouvernement israélien « à faire preuve de retenue dans ses ripostes militaires et prendre des mesures pour rétablir la vie normale pour le peuple palestinien », les Arabes n'ont pas manqué de relever ici une politique des deux poids, deux mesures. « La perception des Arabes est que nous ignorons les Palestiniens », relève William Quandt, professeur à l'université de Virginie et l'un des négociateurs américains sur le Proche-Orient sous les présidents Richard Nixon et Jimmy Carter. Yasser Arafat a été invité aux Etats-Unis une douzaine de fois au moins sous le président Bill Clinton, tandis que la nouvelle Administration « masque à peine son manque d'intérêt » pour le dirigeant palestinien, fait-il remarquer. C'est l'influence d'Israël, dit-on de source diplomatique égyptienne. Sharon a demandé à Washington de ne pas accorder d'aide économique ou même d'importance à Arafat, parce que toute aide « est investie dans le terrorisme ».
Et cette source de relever que tant Israël que les Etats-Unis font fausse route. Et que la paix est un choix stratégique. Et dans le même ordre d'idées, « même si Israël est une puissance militaire et stratégique importante, et même après avoir signé des traités de paix avec certains de ses voisins, il n'y a jamais eu de réceptivité de la part des peuples arabes parce que la véritable normalisation ne serait possible que dans le cadre d'une paix globale et durable. Ni les traités partiels, ni le support d'une puissance militaire peuvent assurer à ce pays une existence en harmonie avec les pays de la région », estime Hala Moustapha, chercheur au Centre d'Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d'Al-Ahram.
Le sommet a ainsi mis Israël en garde contre toute tentative de se dérober à la paix ou d'ignorer les fondements et les principes qui ont lancé le processus de paix. Or, la paix implique une harmonie et une intégration régionale d'Israël. « Concrètement, toutes les mesures décidées au sommet ont pour objet des pressions politiques sur Israël pour le convaincre que la paix est l'unique option à tous les niveaux, que ce soit au niveau de la coopération régionale ou de la sécurité de ses citoyens », ajoute Hala Moustapha. Et de rappeler que même les guerres n'ont pas résolu le problème d'Israël, puisque son acceptation dans la région dépend directement de la normalisation avec les peuples. D'ailleurs, le ministre égyptien des Affaires étrangères et futur secrétaire général de la Ligue arabe a bien souligné durant le sommet qu'Israël ne faisait plus peur à personne et que somme toute, « c'est un petit pays » qui a donc intérêt à s'engager sur la voie d'un règlement.
Un retour aux principes
Or, ce règlement repose, comme cela a été confirmé à Amman et comme l'envisagent des propositions égypto-jordano-palestiniennes présentées dernièrement à Israël, selon une source diplomatique israélienne, « sur un respect des termes de la conférence de Madrid, ceux de Charm Al-Cheikh 1 (les 3 et 4 septembre 1999) et Charm Al-Cheikh II (les 16 et 17 octobre 2000), qui impliquent notamment la paix et la sécurité contre les territoires conformément aux résolutions 234 et 338 du Conseil de sécurité ». Outre les principes de Madrid, le plan prévoit la création de deux commissions, l'une pour un règlement intérimaire et l'autre pour un règlement définitif dans un délai d'un an, ajoute la source. Mais pour le moment, Sharon ne veut qu'une chose : l'arrêt de l'Intifada pour ensuite revenir à la table des négociations. Or, Sharon veut-il vraiment retourner aux négociations ou tente-t-il de gagner du temps et faire avorter l'Intifada ? « L'expérience avec les Israéliens n'encourage pas les Palestiniens ni les Arabes à leur faire confiance. Au contraire, tout ce que l'on tire des leçons du passé, c'est que l'Etat hébreu n'applique jamais les accords ».
A suivre la situation sur le terrain et surtout les actions israéliennes, on se rend compte que le gouvernement de Sharon se prépare plutôt à intensifier ses actes de violence. Non seulement les assassinats et les arrestations d'activistes palestiniens et de membres de la Force 17 se poursuivent, mais aussi les bombardements avec l'usage même des blindés. Le ministre israélien du Tourisme d'extrême droite, Rechavam Zeevi, a préconisé dimanche dernier en séance hebdomadaire du Conseil des ministres de bombarder le domicile privé de Yasser Arafat à Gaza. Les Palestiniens, quant à eux, s'attendent à « une offensive de cent jours » contre eux, et la sécurité publique dans la bande de Gaza a procédé à des manœuvres militaires face à d'éventuelles opérations israéliennes contre les zones autonomes.
Cette position d'Israël, si elle représente un défi aux Arabes au lendemain du sommet, n'a cependant rien de nouveau, expliquent les observateurs. Elle était attendue dès la formation du gouvernement d'union nationale d'Ariel Sharon. Ce dernier a mis ses menaces à exécution avec l'idée d'assurer la sécurité par la force.
Mais avec l'escalade de la violence israélienne, l'Intifada a pris plus d'ampleur. La preuve en est les milliers de Palestiniens et d'Arabes israéliens ayant manifesté à l'occasion de la Journée de la terre. Un peu partout, les Palestiniens ont crié leur colère à l'exemple de cet officier de police palestinien de Naplouse qui a dit : « Je suis tellement en colère. Je ne peux pas décrire ce que je ressens. Que puis-je dire ? Je ne veux plus voir de soldats israéliens dans notre pays, la Palestine. Je veux la sécurité. Nous ne sommes pas des assassins ! ».
L'Intifada sous toutes ses formes reste une réponse, voire une riposte pour démontrer aux Israéliens que ce n'est pas par les méthodes de Sharon qu'ils auront la sécurité. Le sommet d'Amman a bien compris cet aspect des choses en mettant au point les mécanismes visant à faire parvenir l'aide financière arabe décidée lors du sommet extraordinaire du Caire en octobre dernier, aux Palestiniens, notamment à l'Autorité palestinienne. « Ce fonds de l'Intifada et le fonds des martyrs étaient destinés aux familles des martyrs et à la lutte contre la judaïsation de Jérusalem. Aujourd'hui, il sera adapté de manière à ce que l'assistance parvienne directement à l'Autorité palestinienne », indique Wahid Abdel-Magued, du CEPS. La déclaration finale a appelé les pays arabes à verser rapidement leur contribution aux deux fonds d'aide aux Palestiniens d'un montant d'un milliard de dollars. Les dirigeants arabes ont aussi apporté leur soutien à la demande de l'Iraq adressée au Conseil de sécurité de prélever un milliard d'euros sur ses revenus pétroliers pour venir en aide aux familles des martyrs palestiniens, et demandé à leurs délégués à l'Onu d'agir pour faire aboutir cette offre. Yasser Arafat s'est félicité de ce soutien financier venu conforter un soutien politique. Mais tout ceci suffira-t-il ?
Un nouvel atout, Amr Moussa
Les Arabes, de toute façon, espèrent que les choses seront plus énergiques avec Amr Moussa aux commandes de l'organisation panarabe à partir du 15 mai. Moussa, qui a été l'architecte de la politique égyptienne à l'égard d'Israël, devrait apporter un plus au soutien accordé aux Palestiniens. « Il aura été le premier secrétaire général à être élu à l'unanimité. C'est un symbole capable de réaliser la concorde arabe sur de nombreux points, notamment celui de la Palestine », affirme Hala Moustapha. « Cela va faciliter le fait que la Ligue arabe soit perçue de l'extérieur comme un bloc uni important parmi les organisations régionales. Cela va renforcer son aspect institutionnel et sa crédibilité ». De nombreux chefs d'Etat, notamment Hosni Moubarak et Bachar Al-Assad, demandent que l'action du secrétaire général ne subisse pas de restrictions. Une des résolutions adoptées a été que le « secrétaire général n'ait pas à consulter les Etats membres pour chaque détail ». Plus de liberté, plus de défis. La Ligue arabe entre dans une nouvelle ère. Mais les défis qui l'attendent sont encore plus graves qu'auparavant, avec l'avènement de Sharon, la léthargie qui frappe le processus d'Oslo et une Administration américaine résolument perçue comme ignorant les Palestiniens.
          
[Les principaux points de la résolution finale du sommet d'Amman.
> Question palestinienne :

— Le sommet exprime « sa solidarité totale avec la lutte des Palestiniens pour recouvrer tous leurs droits et salue la résistance héroïque du peuple palestinien face à l'agression israélienne. Il rend un vibrant hommage à l'Intifada et à ses martyrs ».
— Forces de protection de l'Onu dans les territoires palestiniens : les dirigeants arabes renouvellent leur appel au Conseil de sécurité pour qu'il assume ses responsabilités dans la protection du peuple palestinien sous l'occupation israélienne et la constitution d'une force internationale à cette fin. Ils demandent aux pays membres du Conseil de sécurité, particulièrement aux membres permanents, de prendre les mesures nécessaires pour mettre en application cette demande.
— Les dirigeants arabes « demandent au Conseil de sécurité de juger les criminels de guerre israéliens, responsables des massacres et des crimes contre les citoyens arabes dans les territoires ».
— Aide à l'Intifada et à l'Autorité palestinienne : « Le sommet se félicite de la décision des deux fonds créés par le sommet du Caire en octobre d'octroyer 240 millions de dollars au total pour les six prochains mois pour soutenir l'Autorité palestinienne à faire face à ses difficultés financières ».
— Le sommet se félicite de l'offre de l'Iraq de prélever 1 milliard d'euros sur ses recettes pétrolières sous contrôle de l'Onu pour venir en aide aux familles des martyrs palestiniens et charge les délégués arabes à l'Onu d'agir auprès du Conseil de sécurité pour faire aboutir l'offre iraqienne.
> Israël et le processus de paix :
— Le sommet « met en garde Israël contre toute tentative de se dérober à la paix ou d'ignorer les fondements et les principes qui ont lancé le processus de paix ».
— Le sommet réclame la réactivation du boycottage d'Israël et le maintien du gel de la normalisation économique avec l'Etat hébreu, la suspension de la participation arabe aux négociations multilatérales. Il réitère la menace de rompre toute relation avec les pays qui transféreraient leur ambassade à Jérusalem ou qui reconnaîtraient la Ville sainte comme capitale d'Israël.
> Liban-Syrie :
Le sommet proclame sa solidarité avec le Liban pour parachever la libération de ses territoires encore sous occupation israélienne et l'assure de son soutien pour reconstruire le Sud-Liban. Il exprime son soutien à la Syrie face aux menaces israéliennes.
> Souveraineté sur trois îles dans le Golfe :
Le sommet réitère sa position de soutien aux Emirats arabes unis dans le conflit l'opposant à l'Iran sur trois îles dans le Golfe et demande le règlement de ce conflit par des voies pacifiques dont l'arbitrage de la Cour Internationale de Justice (CIJ).
> Sanctions contre la Libye :
Les dirigeants « demandent au Conseil de sécurité de lever les sanctions imposées à La Libye ». Ils estiment que leur maintien est injustifié après le verdict dans l'affaire de Lockerbie et déclarent qu'ils ne sont pas tenus de respecter les sanctions dans la mesure où la Libye a respecté ses engagements. Ils demandent aussi la libération du Libyen condamné à perpétuité par leur cour écossaise.
> Economie :
Le sommet accueille favorablement la proposition égyptienne d'accueillir la première conférence économique arabe, en novembre 2001 au Caire, avec la participation de représentants des gouvernements, du secteur privé, d'institutions régionales et internationales.
> Nouveau secrétaire général de La Ligue arabe :
Les dirigeants arabes se déclarent unanimes dans leur choix d'Amr Moussa, ministre égyptien des Affaires étrangères, comme nouveau secrétaire général de la Ligue arabe.
> Sur l'Iraq :
Dans un document annexe intitulé Déclaration d'Amman, le sommet a appelé à « la levée de l'embargo contre l'Iraq et à traiter les questions humanitaires relatives aux prisonniers et aux disparus koweïtiens et iraqiens et d'autres pays ».]
                   
5. La paix dans le gouffre par Abir Taleb
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 4 avril 2001

Les espoirs d’un retour au calme s'amenuisent, alors que le retour aux négociations devient carrément une utopie.
Dans les territoires occupés, qui ont connu le week-end dernier des violences pareilles à celles des débuts de l’Intifada, le 28 septembre 2000, la tension est grandissante. Lundi, un responsable du Djihad islamique a promis une riposte « appropriée et forte » à l'assassinat de l'un de ses membres, tué par des hélicoptères israéliens à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
La veille, près de Ramallah, un garçon palestinien de 12 ans, atteint d'une balle réelle à la tête la semaine dernière, a succombé à ses blessures, alors que le même jour, un soldat israélien était tué près de Naplouse, dans une attaque revendiquée par une organisation palestinienne peu connue : les « Brigades du jour ».
Mais c’est surtout vendredi dernier, Journée de la terre, qui a été l’une des journées les plus sanglantes de l’Intifada, avec six martyrs palestiniens, tombés sous les balles israéliennes à Naplouse, et une centaine de blessés. Les affrontements ont pris un nouveau tournant et les unités spéciales de l'armée israélienne ont arrêté près de Ramallah, en Cisjordanie, six activistes palestiniens, dont cinq appartenant à la Force-17, garde personnelle du président Yasser Arafat, forte de 3 500 hommes. Parallèlement, les blindés israéliens ont bombardé dimanche pendant près d'une heure des positions de la Force-17 à Cheikh Ijlin, au sud de la ville de Gaza, à partir de leurs positions proches de la colonie de Netzarim, dans des opérations considérées par l’armée israélienne comme « anti-terroristes ».
La politique agressive du premier ministre israélien Ariel Sharon se dévoile de plus en plus et les dirigeants israéliens n’ont pas hésité à annoncer haut et fort une politique plus offensive contre les Palestiniens, visant notamment la Force-17, qu'ils accusent de commanditer des attentats anti-israéliens. Plus encore, le ministre du Tourisme d'extrême droite, Rechavam Zeevi, a haussé le ton en préconisant dimanche en séance hebdomadaire du cabinet de bombarder le domicile privé du président palestinien Yasser Arafat à Gaza, selon la radio. C’est donc à un véritable gouvernement de guerre que les Palestiniens font face. De surcroît, l'armée israélienne a pénétré dimanche en zone autonome palestinienne, dans une incursion inédite depuis le début de l'Intifada. Cette incursion d'unités spéciales israéliennes pour enlever des militants palestiniens a été perçue par le principal négociateur palestinien avec Israël, Saëb Eraqat, comme un « acte de piraterie ». « C'est une nouvelle preuve qu'Israël est déterminé à poursuivre son plan de terrorisme organisé et d'assassinat de dirigeants palestiniens », a-t-il affirmé.
La violence s’est poursuivie également à Hébron, où les colons juifs se sont livrés à de nombreux actes de vandalisme anti-palestiniens à Hébron depuis la mort lundi dernier dans cette ville d'un bébé israélien tué par un tireur embusqué. L’occasion pour Sharon d’affirmer en Conseil des ministres que l'enclave des quelque 400 colons juifs extrémistes retranchés à Hébron au milieu de plus de 100 000 Palestiniens resterait « pour toujours ».
Et ce n’est pas fini, le commandant de la police israélienne, Shlomo Aharonishki, a mis en garde contre ce qu’il considère l'« intensification du terrorisme », avertissant que « le cauchemar allait continuer et qu'il fallait procéder à une séparation » d'Israël et des Palestiniens.
Autre preuve d'un durcissement israélien, la Radio publique a annoncé que M. Sharon a repoussé un projet proposé par l'Egypte et la Jordanie visant à réduire la violence et relancer les pourparlers de paix. Selon la radio, citant d'importantes sources au bureau du premier ministre, les Palestiniens ont transmis ces propositions visant surtout à la reprise de la coopération sécuritaire, à l'application d'un retrait israélien de Cisjordanie et à la reprise des discussions en vue d'un règlement définitif.
Côté palestinien, c’est le pessimisme qui règne. L’utilisation par les Etats-Unis de leur droit de veto au Conseil de sécurité de l'Onu contre l'envoi dans la région d'observateurs internationaux a été fortement critiquée et considérée comme « un feu vert à l'agression israélienne contre le peuple palestinien ». Yasser Arafat a accusé Ariel Sharon de préparer « une offensive de 100 jours » contre les Palestiniens, et la sécurité publique dans la bande de Gaza a procédé samedi à des manœuvres militaires face à d'éventuelles opérations israéliennes contre les zones autonomes.
En outre, une coalition élargie des principaux mouvements palestiniens, les « Forces nationales et populaires », dont le Fatah du président Yasser Arafat et les formations islamistes, a appelé samedi, lors d'une manifestation à Gaza, à la poursuite de l'Intifada, « jusqu'à la fin de l'occupation israélienne de notre sol, la création d'un Etat palestinien avec Jérusalem pour capitale et le retour des réfugiés palestiniens ». D’ailleurs, de plus en plus nombreux sont ceux qui pensent que la poursuite du soulèvement est bien la seule alternative. Le président palestinien avait lui-même proclamé jeudi dernier que l'Intifada se poursuivrait jusqu'à ce que le drapeau palestinien soit hissé à Jérusalem, « capitale du futur Etat palestinien ».
                
6. La métamorphose de l'Intifada par Véronique Hayoune
in al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 4 avril 2001

Des intellectuels, des militants des droits de l'homme, des membres de l'Autorité Palestinienne (AP), dont Ahmed Koreï (Abou-Ala), président du Conseil législatif et important négociateur, et des hommes d'affaires s'interrogent de plus en plus ouvertement sur la nature que devrait désormais prendre l'Intifada, à savoir confrontations avec les Israéliens ou manifestations pacifiques. Ces derniers temps, plusieurs manifestations pacifiques sans armes ni pierres ont eu lieu en Cisjordanie et à Gaza. Ainsi un groupe de femmes, dont la députée Hanane Achrawi, ont marché jusqu'à un point de passage près de Ramallah (Cisjordanie). Autre scène peu ordinaire : des artistes chantant et jouant de leurs instruments devant un point de passage au nord de Jérusalem sur la route de Ramallah. « Les gens sont fatigués et veulent voir leurs souffrances diminuer », explique Bassem Eid, directeur du Groupe palestinien de contrôle des droits de l'homme (Palestinian Human Rights Monitoring Group).
Ainsi, depuis un mois, des voix de la société civile déclarent que ce serait une bonne tactique de passer à une Intifada populaire massive. Le premier intellectuel à avoir condamné publiquement les attaques contre les soldats et les colons et également l'utilisation des armes par le Tanzim (Organisation en arabe, elle regroupe des activistes jeunes, éduqués, et motivés) pendant les manifestations populaires, c'est Saleh Abdel-Jawad, directeur du département d'histoire et de sciences politiques à l'Université de Bir-Zeit (Cisjordanie). Il a qualifié cela de « stratégie erronée, désastreuse ».
Une nouvelle tactique de manifestations pacifiques a commencé donc à prendre forme et a même été annoncée dans les médias étrangers et palestiniens par Marwan Barghouti, chef du Fatah (le mouvement de Yasser Arafat) en Cisjordanie et du Tanzim à Ramallah. C'est le Fatah de Ramallah qui, le premier, a organisé une importante manifestation non violente, composée également d'intellectuels, de personnalités politiques de l'Autorité palestinienne, en réaction au bouclage de la ville. Devant l'impact médiatique, d'autant plus grand que les militaires israéliens ont répondu par des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc, l'initiative a été systématisée et s'est répétée dans d'autres villes. De nouveaux rassemblements du genre sont prévus.
Selon Marwan Barghouti, l'utilisation de « moyens pacifiques » vise à rallier au soulèvement « divers secteurs de la société comme les étudiants et les membres des syndicats ». Contrairement à la première Intifada (1987-1993), la seconde mobilise peu les étudiants et la population, sauf lors des funérailles. Elle attire en revanche les villageois et les réfugiés des camps de Cisjordanie et de Gaza, où le Tanzim recrute de nombreux combattants. Pour un producteur de télévision arabe qui a requis l'anonymat, le principal rôle du Tanzim c'est de « tenir la rue entre les mains de Yasser Arafat et de l'empêcher de tomber dans celles du Hamas ». Jusqu'ici, ce sont les chefs locaux du Tanzim qui occupaient le terrain. Le plus connu d'entre eux, et le plus médiatisé, étant Marwan Barghouti qui, selon Bassem Eid, « est un très bon outil dans les mains d'Arafat ».
Mais les derniers attentats du Djihad et du Hamas et le regain de tirs entre les milices du Tanzim et Tsahal, viennent de démontrer que les manifestations non violentes ne signifient pas un arrêt des actions militaires. Ce que Bassem Eid critique : « Cela ne nous mène nulle part ». Il doute cependant que les manifestations « pacifiques » mobilisent la société, à cause de la réaction violente et dissuasive d'Israël contre les manifestants. Selon lui, le bouclage des territoires palestiniens couplé aux sanctions économiques israéliennes a provoqué une baisse de la participation du public palestinien dans l'Intifada et atteint son moral. « Pendant le premier soulèvement, raconte-t-il, nous pouvions bouger, travailler, gagner de l'argent ».
Ali Shikaki, directeur du Centre palestinien de recherche politique et de sondage à Ramallah, souligne en revanche que les Palestiniens veulent poursuivre la lutte qui représente « un désir d'indépendance, un futur meilleur » et que ni les Israéliens ni l'Autorité palestinienne ne leur ont présenté une alternative.
Malgré les divergences d'opinions sur la tactique à suivre, l'Intifada n'est pas prête de s'achever. Les analystes palestiniens s'accordent sur une chose : l'Intifada ne peut s'arrêter sans que Yasser Arafat ne ramène un gain politique.
                 
7. Il n'y a pas de solution par Baudouin Loos
in Le Soir (quotidien belge) du mardi 3 avril 2001

L'infini désespoir. Il n'y a pas de solution au conflit israélo-palestinien. Du moins, il n'y a pas de solution satisfaisante pour les deux parties.
En Israël, la gauche s'acharne sur Yasser Arafat, coupable de ne pas avoir eu le courage d'accepter les propositions d'Ehoud Barak, l'année dernière. Des propositions « audacieuses, généreuses comme jamais auparavant, bien supérieures à ce à quoi les Palestiniens pouvaient s'attendre », répète-t-on en Israël, où la gauche se meut entre déception, découragement, ressentiment et colère.
Rien de tel chez les Palestiniens. Beaucoup de gens rencontrés se disent positivement étonnés qu'Arafat eût su résister aux pressions israélo-américaines. Un marché « inacceptable », « inférieur à ce que le droit international prévoit ». « Abou Ammar » l'a bien dit à Clinton à Camp David : « Si je signe, je vous invite en même temps à mes obsèques ».
Les commentateurs doivent se contenter de confidences et autres fuites, car ni à Camp David ni à Taba, en février dernier, n'a-t-on livré au public les propositions israéliennes. Mais on sait qu'il n'a pas été question d'un Etat palestinien indépendant sur tous les territoires occupés par Israël en 1967 - 22 % de la Palestine originelle. Il s'est agi de négocier sur ces 22 %. De les raboter.
Tout continue à opposer les deux camps. Israël n'a pas compris que paix et colonisation restent incompatibles. Que la question des réfugiés palestiniens ne se réglera pas avec un simple carnet de chèques de la communauté internationale. Arafat demeure obtus s'agissant du lien religieux et émotionnel qui lie les Juifs à leurs lieux saints à Jérusalem, qu'il nie absolument.
Le vétéran de la lutte nationale palestinienne n'a jamais osé s'écarter de ce qu'il percevait comme le « consensus » au sein de son peuple pour une compensation politique minimale après l'injustice historique vécue par chaque famille palestinienne. Il n'a jamais dit à ses ouailles que le droit au retour ne se conteste pas mais que sa mise en œuvre serait immanquablement partielle.
Que dire alors des dirigeants israéliens, qui ont continué à coloniser les Territoires occupés - et, sous Barak, avec une intensité inégalée - tout en prétendant négocier la « paix » ? Tous les gouvernements israéliens, depuis trente-quatre ans, ont été les otages d'une petite minorité nationaliste et religieuse qu'ils n'ont jamais osé affronter. Même quand un Barouch Goldstein abattit 29 Palestiniens en prière, à Hébron en 1994, Yitzhak Rabin, qui méprisait pourtant les colons, n'a pas osé faire évacuer les 400 forcenés qui vivent parmi 130.000 Palestiniens.
L'historien israélien Zeev Sternhell prévoit une mini-guerre civile si une évacuation de colons extrémistes doit avoir lieu. Il a raison. Quel Premier ministre israélien prendra cette lourde décision ? Ariel Sharon ? Poser la question c'est y répondre. L'étreinte mortelle et inégale des deux peuples va continuer. Longtemps encore.
             
8. Karawat, un village si paisible, entre deux check-points israéliens par Baudoin Loos
in Le Soir (quotidien belge) du mardi 3 avril 2001

Karawat, Cisjordanie - C'est une histoire de check-points militaires israéliens. Une histoire de colons juifs, aussi. Et de Palestiniens. Une histoire où les mots humiliation et occupation charrient leurs corollaires : frustration, ressentiment et haine.
Pour accéder à Karawat, située en « zone A » (contrôle palestinien complet) en venant de Ramallah (ville palestinienne « autonome » depuis décembre 1995), la route sinueuse fait 25 km environ, dont un court passage en « zone C » (contrôle israélien total). Pour nous, pas de problèmes. Le minibus du Parc, une très active ONG palestinienne agricole, qui nous emmène arrive au premier point de contrôle israélien, peu après le bourg de Birzeit, où se trouve la fameuse université du même nom. Notre chauffeur, de Jérusalem, peut passer. Mais pas Ghassan, natif du coin. Israeli road, assène le soldat, qui refuse toute espèce de discussion. Ghassan doit faire demi-tour.
Les étrangers et les Palestiniens possesseurs d'un permis de résidence de Jérusalem, assimilés à des Israéliens, peuvent donc emprunter la route qui mène à Karawat. Les autochtones, eux, doivent recourir à des chemins de montagne, des détours énormes jusque dans la vallée du Jourdain, qui transforment les 25 km en 120, qui font passer le trajet de 30 minutes à bien plus de 2 heures. Même si une urgence de santé se déclare ou si une dialyse bihebdomadaire se révèle indispensable à tel octogénaire. Dans ces environs-ci, 25 villages connaissent ce traitement depuis des mois, soit 50.000 habitants.
Il n'y a pourtant quasiment pas eu d'attentats ici depuis l'intifada. Mais il y a Halamish et ses 951 colons juifs. Il y a aussi Ateret, un peu plus loin, et ses 268 colons. Pour la protection de ces citoyens israéliens, Tsahal a bouclé la zone, et pour mieux se faire comprendre, les entrées de chaque village ont été rendues impraticables, par des blocs de béton ou des tranchées déchirant la route.
Dans le village de Karawat, les 2.000 habitants rongent leur frein. La plupart des hommes travaillaient en Israël. Avant l'intifada. Ils ont désormais tout le temps d'admirer le paysage, des collines de pierres et d'oliviers. Si paisibles.
Dans son berceau, Inas regarde le visiteur en souriant. Elle est née le 2 janvier. Dans une ambulance. Sa mère, Sana'a, une jolie Jordanienne de 21 ans dont c'est le second enfant, se souviendra de cette nuit-là. Nous sommes partis d'ici à minuit, raconte-t-elle. Cela devenait urgent. Mais au check-point avant Halamish, les soldats n'ont rien voulu entendre. J'ai eu de la chance : rentrés au village, nous avons trouvé une sage-femme avant de reprendre la route, du moins les chemins de montagne. Las  à 4 heures, j'ai dû accoucher dans le véhicule, et, grâce à Dieu, tout s'est bien passé
Chacun, ici, a son histoire. Et hèle le journaliste occidental, denrée rare, pour la lui raconter. Voici celle d'Ahmed Arar, contée par lui-même.
Comme employé au Medical Relief Committee à Ramallah, j'étais aide-infirmier lors de la manifestation pacifique massive organisée avec des députés, des consuls occidentaux, des professeurs d'université le 12 mars quand Israël avait ouvert une tranchée entre la ville et Birzeit, route qui ne dessert pourtant aucune colonie juive. Quand un bulldozer palestinien s'est approché du trou dans la route pour le reboucher, les soldats ont lancé des grenades lacrymogènes vers le chauffeur, qui s'est trouvé mal. Je me suis précipité pour l'aider. Les tirs ont commencé (il y aura un mort, NDLR). Pendant quelques mètres seul au milieu d'un carrefour, bien identifiable avec mes habits blanc et orange d'infirmier, j'ai été mis en joue par un soldat israélien à douze mètres de moi, qui a soudain tiré une balle caoutchoutée dans l'œil gauche.
« Quand les enfants ont faim, il n'y a pas de lumière au bout du tunnel »
Cet œil est perdu. Ahmed, 35 ans, père de cinq enfants, a été opéré il y a dix jours à Vienne, en Autriche, grâce à une chaîne de solidarité.
Autour de lui, plusieurs hommes se sont maintenant agglutinés dans son salon, où le thé est servi. Les commentaires fusent. Tous incriminent les colons. Ou l'armée d'occupation. Les attentats suicide sont le résultat du désespoir, lance un homme âgé, qu'on nous décrit comme jusqu'ici très modéré. Les colons nous agressent physiquement, les soldats leur servent d'auxiliaires  Alors, vous savez, quand les enfants ont faim, il n'y a pas de lumière au bout du tunnel. La paix n'est pas possible...
Il est temps de partir. A un check-point israélien, une file de véhicules longue de 200 mètres est à l'arrêt. Nous dépassons les voitures à pied. Au sommet de la colline, quelques soldats font le tri. Ils ont entre 18 et 21 ans. Trois autres se reposent sur une chenillette armée d'une lourde mitrailleuse. L'un d'eux parle anglais. Vous croyez que cela nous amuse de leur faire cela ? répond-il avant même d'entendre la question. C'est de notre faute s'ils nous attaquent ? Croyez-moi, j'aimerais mieux être chez moi et boire mon verre en paix.
Quel dialogue ? Une voiture palestinienne doit faire demi-tour. Israeli road, sans doute. Nous sommes en territoire occupé.·
               
9. Ecrire au milieu du champ de tir par Marie-Claire Bourdoux, médiatrice du "Soir"
in Le Soir (quotidien belge) du mardi 3 avril 2001

Depuis de nombreuses années, au « Soir », les relations israélo-arabes sont essentiellement couvertes par Baudouin Loos, qui a succédé à Michel Dubuisson et à Jean-Paul Collette, avec, comme correspondant particulier à Tel-Aviv, Victor Cygielman qu'a remplacé Serge Dumont.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que ces collègues travaillent constamment sous pression... comme leurs confrères de tous les autres journaux du monde occidental. La plupart de leurs articles, qu'il s'agisse de comptes rendus factuels sur base de dépêches d'agences, de commentaires ou de reportages, suscitent des réactions, principalement de pro-israéliens : des personnes privées, des associations et/ou l'ambassade d'Israël écrivent au rédacteur en chef, critiquent, exigent des mises au point.
Relais des Palestiniens ou du lobby sioniste ?
Quelques exemples de courriers récents. Pierre Wolkowicz, d'Anvers, nous reproche vivement d'avoir ouvert nos colonnes à un « Manifeste pour la paix » (« Le Soir » du 8 février). Il qualifie ses auteurs de groupuscule de Juifs essayant de travestir les vérités et, surtout, tentant de se présenter comme le représentant d'une partie de la communauté juive de Belgique, alors qu'en fait, ils ne représentent qu'eux-mêmes. Nous n'exigeons évidemment pas des auteurs de Carte blanche, isolés ou groupés, qu'ils représentent la totalité d'une communauté - les textes ne seraient pas nombreux  - et, en l'occurrence, ce groupe de signataires n'affirmait rien de tel. Relevons d'autre part que notre correspondant assure admirer le courage du « Soir » qui ouvre ses colonnes de Carte Blanche à des organisations ou à des personnalités de toutes tendances. Plutôt contradictoire... mais merci quand même.
Jean-Marie Gilles, de Woluwe-Saint-Lambert, déçu par Israël après l'avoir longtemps soutenu, reproche, lui, aux médias et au « Soir » en particulier leur lâcheté à ne pas combattre cette extrême droite religieuse, fanatique et malfaisante avec tous les moyens utilisés pour lutter contre Haider, qui n'a tué personne, lui. Plus agressif, il termine : Réveille-toi, « Le Soir ». Ton audience est en chute libre. Ton « politiquement correct » te tue petit à petit car tes rédacteurs bien-pensants n'ont plus ni originalité ni courage.
Par e-mail, Jean Morren nous morigène : On a l'impression souvent que vous vous contentez d'être le relais des Palestiniens. Il ajoute : En privilégiant une version, vous empêchez vos lecteurs de se faire valablement une opinion : informer, c'est le devoir de tout dire, sans prendre parti pour l'un ou l'autre.
Il y a aussi des articles ou courriers agressifs dans des publications. Nous avons ainsi contesté (le 20.2) des accusations de racisme lancées par des lecteurs de « Contact-J - Le mensuel juif de Belgique ». Dans « Solidaire », l'organe du PTB (Parti du travail de Belgique, extrême gauche), Raed Atieh, responsable d'un projet pédagogique Palestine pour Oxfam, déclare, lui : La presse belge, à de rares exceptions près, a franchement pris position en faveur de l'Etat d'Israël. (...) En tant que membre de l'OLP, j'ai envoyé plusieurs mises au point aux journaux belges, dont « Le Soir », mais aucune n'a été publiée. C'est vous dire toute la puissance du lobby sioniste en Belgique, comme partout ailleurs en Europe d'ailleurs.
Et Serge Dumont, à son dernier passage en Belgique, nous racontait qu'un chef du Fatah avait récemment déclaré qu'il flinguerait le premier journaliste israélien qui se pointerait à Bethléem...
Le droit international et les droits de l'Homme
Cependant, Baudouin Loos en sait quelque chose, c'est surtout du côté des Juifs de Belgique (qui seraient, selon lui, entre 40.000 et 50.000, dont 10 à 15 % très politisés) que viennent les attaques : Depuis douze ans que je couvre le conflit israélo-arabe, je suis soumis à un tir de barrage régulier, avec des temps forts et des temps faibles. Quand on critique Israël, c'est comme si on était antisioniste... et donc antisémite au fond de soi-même. On m'accuse d'inciter à la haine d'Israël et donc à l'antisémitisme - et je crois que la plupart de ces critiques sont sincères, mais, selon moi, évidemment erronées. Moins ingénus, d'autres font simplement leur travail de « lobbyistes » pro-israéliens.
Blessé par certaines attaques (qui aime entendre traiter ses articles de pestilentiels, par exemple ?), Baudouin Loos tient à préciser qu'il vient de se rendre pour la dix-neuvième fois en Israël, qu'il a lu au moins cent livres et d'innombrables articles sur le sujet, rencontré des centaines de gens de tous bords. J'ai vraiment l'impression de bien connaître le sujet. Sa ligne de conduite ? Mes analyses sont faites à l'aune du droit international (conventions de Genève, résolutions de l'ONU, accords israélo-arabes) et des droits de l'homme. Les ennuis que j'ai avec nombre de régimes arabes en témoignent par ailleurs.
Pierre Lefèvre, rédacteur en chef, renchérit : Je veille à ce que notre devoir de pluralisme et d'objectivité soit parfaitement rempli et que nous ouvrions nos colonnes à l'ensemble des tendances. Il reconnaît toutefois que nous prenons position dans nos commentaires dans la mesure où il nous semble qu'il y a une profonde injustice quant au sort du peuple palestinien à la fois en termes humains, sociaux, économiques, politiques et de respect du droit international. Et il précise : Nous nous permettons d'être exigeants avec l'Etat israélien dès lors qu'il nous est culturellement proche, qu'il se revendique des valeurs humanistes largement partagées par le monde occidental et qu'il s'affiche comme une démocratie. Nous dénonçons bien entendu aussi toutes les formes d'agression incompatibles avec la paix, que ce soient des actes de terrorisme palestiniens ou la poursuite des colonies de peuplement dans les territoires occupés.
                
10. Au cours d'une session du "Forum de la Liberté", des journalistes lancent un appel en vue d'une couverture plus dense des drames vécus par les réfugiés palestiniens, avec moins d'insistance sur la difficulté de trouver une solution et les violences par Samir Nasif
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du samedi 24 mars 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]

Londres - L'association "Freedom Forum" (Forum des Libertés) a organisé, à son siège londonien, une rencontre axée sur "Israël et les Palestiniens : entendons-nous la vérité ?", à laquelle ont participé des journalistes britanniques, européens et arabes travaillant dans les différents secteurs médiatiques (presse écrite, télévision, radio, etc...)
Les débats ont rapidement abordé la question de la couverture médiatique du conflit arabo-israélien et celle de savoir si l'image produite par cette couverture médiatique reflète bien la réalité objective, ou s'il était nécessaire d'y apporter certaines corrections.
Il s'agissait de la première d'une série de rencontres visant à améliorer le niveau de la couverture médiatique des problèmes du monde, sous le titre général de "couverture des événements mondiaux", sous la direction d'Anabell MacOldrick et de Jack Lynch.
Tim Loyeln, ancien correspondant de la BBC, a insisté lors de son intervention sur l'importance qu'il y a à densifier les programmes informationnels et documentaires et d'aborder les événements mondiaux de manière équilibrée. Il a critiqué les chaînes de télévision, d'une manière générale, qui n'accordent pas à ce nécessaire équilibre la même importance que par le passé. Il a critiqué également la tendance à couvrir les informations militaires et les résultats des opérations (tels que les dégâts, les victimes, morts et blessés des bombardements, par exemple) et le sensationnalisme. Il a mis en cause les expressions employées de manière sélective pour décrire les catégories couvertes médiatiquement afin d'orienter l'opinion de l'auditeur de manière tendancieuse. Ainsi, on emploie des termes tels qu'"extrémistes"ou "terroristes" pour désigner les Palestiniens, sans que ces termes ne soient employés pour décrire ceux qui usent de violence à l'encontre des Palestiniens, comme certains responsables israéliens qui ont bâti leur carrière sur la terreur. Il a dit avoir le sentiment que la couverture médiatique assurée par la BBC est sous l'influence d'orientations officielles, même si elle s'efforce d'y échapper.
Le responsable des questions arabes du journal Al-Hayat, Mahir Othman, s'est dit d'accord avec Loyeln, insistant à son tour sur les expressions lourdes de connotations politiques et raciales, faisant allusion à certains bulletins d'information qui parlent de l'accroissement des colonies israéliennes comme s'il s'agissait d'un phénomène naturel, ou qui tentent d'en dissimuler l'illégalité ainsi que celle, d'ailleurs, de l'occupation de territoires palestiniens. Il a relevé, par exemple, que l'expression "territoires palestiniens" s'était substituée au fil du temps à celle de "territoires palestiniens occupés", comme si le qualificatif "occupé" avait été occulté à dessein, insistant sur l'importance qu'il y a à attirer l'attention de l'auditeur sur la ségrégation raciale pratiquée par Israël à l'encontre des Palestiniens. Il a montré également toute l'importance qu'il y a à insister sur le contexte ayant entraîné les violences, notamment les abus contre les droits de l'homme, et à ne pas exposer les violences en question sans y faire référence.
L'écrivain palestinien Saïd Abu al-Rish a indiqué que la création de l'Autorité palestinienne, et la densification des informations concernant cette dernière et ses activités, ont empiété sur la couverture des nouvelles concernant le peuple palestinien, qui souffre et dont la souffrance n'est pas couverte médiatiquement de manière idoine : les nouvelles de l'Autorité occupent, en quelque sorte, la tribune d'où les Palestiniens devraient pouvoir exprimer leurs souffrances.
Le représentant de notre journal, al-Quds al-Arabi, a exprimé son accord avec ses collègues sur la nécessité d'assurer une couverture suffisante des informations concernant directement le peuple palestinien, indiquant qu'il était absolument nécessaire de développer les programmes et les enquêtes documentaires sur la situation avilissante et infamante que vivent les réfugiés palestiniens dans les camps répartis dans l'ensemble des pays arabes, y compris, et non pas seulement, les territoires occupés.
Il répondait, en cela, à un journaliste qui avait critiqué la focalisation des médias palestiniens sur l'importance du droit au retour des Palestiniens dans leurs foyers, en application de la résolution 194 des Nations Unies. Le correspondant de notre journal a alors posé la question de savoir si traiter médiatiquement du droit au retour des réfugiés palestiniens était devenu un tabou dont la transgression appelerait sanction, au moment où un million de Juifs ont immigré de Russie en Israël, tandis qu'empiraient les difficultés auxquelles les Palestiniens sont confrontés tous les jours dans leurs camps de réfugiés, en Syrie, au Liban, dans les autres pays arabes et en Palestine même !?
La discussion s'est ensuite focalisée sur le respect de la déontologie en matière de couverture journalistique, notamment sur la question de savoir s'il était inévitable de diffuser les informations disponibles telles quelles sans se poser la question de leur véridicité.
Mais Jack Lynch, l'un des organisateurs du forum, a montré que le choix des sujets, celui des personnes interviewées et la façon de présenter leurs points de vue équivalent, dans bien des cas, à un choix moral ou ontologique et qu'on ne saurait complètement faire le départ entre ces différents choix, indiquant qu'il en allait de même de la suppression de vues des runnings ou de passages des articles de la presse écrite, qui peut relever parfois, de son point de vue, d'un authentique choix moral, qui ne ressortit pas toujours à l'objectivité, et posant la question de savoir quels critères intrinsèques d'une information écrite lui valaient d'occuper les gros titres en première page, et quels raisons aboutissaient à un certain mimétisme entre journalistes.
Mais Liz Dossett, journaliste de la chaîne d'information en continu de la BBC, 24 Heures, a dit qu'il était impossible de faire retour sur toutes les données historiques à l'occasion de toutes les informations télévisées, comme la question de l'occupation des territoires (même si nous comprenons bien que ce sont les Palestiniens qui souffrent le plus de cette situation). Elle a poursuivi : "Nous nous efforçons de donner une certaine insistance sur la nécessité qu'il y a à faire cesser les violences, en en montrant le spectacle repoussant, et nous demandons toujours pourquoi ces violences ne cessent-elles pas. Il s'agit peut-être là d'une forme étrange de prise de parti, et peut-être devrions-nous plus poser la question des facteurs qui ont abouti au déclenchement et à l'extension de ces violences, à l'origine..."
Le commentateur norvégien Johan Galtunk, directeur de la fondation humanitaire Transend, a pris la parole pour dire qu'il fallait que les informations insistent sur les secteurs et les sujets sur lesquels les Palestiniens et les Israéliens pourraient coopérer entre eux, dans le futur. Il s'agit là, de son point de vue, de l'erreur d'Ehud Barak, qui a fait le contraire, rappelant que cette même erreur avait été commise dans le cas du traitement de la couverture médiatique du conflit en Irlande du Nord, au plus fort des affrontements entre les catholiques et les protestants. Si l'on insiste sur la haine entre les deux groupes sans aucunement faire mention de la réalité vécue, qui montre que quatre-vingt cinq pour cent de la population de l'Irlande du Nord n'aspirent qu'à une chose : la paix, et la fin des violence, on commet une grave faute morale et déontologique. L'intervenant ne doute pas que les différents sont nombreux entre Palestiniens et Israéliens et que la situation dans les camps de réfugiés palestiniens est déplorable, inacceptable, mais il pense qu'il faut écouter également le point de vue de la majorité silencieuse qui aspire à la paix, et se demander : "les journalistes ne peuvent-ils s'appesantir plus sur les solutions d'avenir, plutôt qu'axer leurs informations sur la violence, la difficulté qu'il y a de s'entendre, l'absence de solution ?"
Bob Jobins, correspondant à la section internationale de la BBC, a critiqué la position de Galtunk, en ces termes : "Personnellement, je peux haïr la violence, mais si la violence est au coeur d'une information, je la livre quand même" : je dois la livrer, je suis journaliste, avant tout, et pas académicien ou bénévole dans une association humanitaire. Les journalistes doivent opérer continuellement des choix, ils doivent effectuer des pas en avant qui mettent leur vie en danger, afin de couvrir des informations comme ils doivent le faire. Tous les auditeurs n'attendent pas le même type d'informations. La couverture de situations de violence peut être vitale pour des personnes encerclées, assiégées, en danger ; elle peut les prévenir sur ce qui risque de leur arriver. Notre mission de journaliste n'est pas de régler les problèmes, la solution des problèmes peut intéresser certains, mais ce n'est certainement pas l'unique sujet sur lequel nous devrions nous focaliser.
Une discussion animée s'est ensuivie, sur ce sujet, qui fut suivie de la projection d'un reportage télévisé au cours duquel une personne d'une association réunissant des familles israéliennes ayant perdu certains des leurs au cours des guerres israélo-arabes successives appelait à mettre un terme à la haine entre les deux peuples, pour donner un nouveau départ à leurs relations mutuelles sans qu'il soit besoin d'une quelconque forme de pardon. Adel Darwish, journaliste égyptien, s'est déclaré prêt à couvrir un sujet sur la solution au conflit le jour où le celui-ci et la violence cesseraient d'empirer.
Mais lorsqu'il y a violence, il faut bien la couvrir, sans s'enquérir des prises de position qu'elle suscite, car "ce n'est pas notre boulot". Jack Lynch lui a répondu : "Et quid si la couverture médiatique entraîne encore plus de violence, par son insistance à mettre en exergue la haine et le désir de vengeance ?"
Bryan Whiteker, responsable du Moyen-Orient au journal "the Guardian" a déclaré que sa récente visite en Syrie et au Sud Liban lui avaient montré l'exagération autour du problème du détournement des eaux de la rivière Hasbani, et du désir du Hezbollah de faire franchir un degré à son escalade contre Israël.
Il a ajouté que les opérations hydrologiques en cours au Liban ont commencé depuis un certain temps, et qu'elles ont pour objectif d'amener de l'eau à certains villages libanais qui en sont privés (à cause du pompage des eaux du Hasbani dans le cours du Wazzani), et que ces travaux ne représentaient pas un réel détournement des eaux de cette rivière, et certainement pas un motif pour une nouvelle guerre.
Un autre document fut alors projeté, où l'on vit Guila Sevirsky, l'une des militantes de l'Union des mères israéliennes pour la paix, appelant à la fin de l'occupation israélienne de certains territoires de l'Autorité palestinienne, et évoquant le black-out médiatique total imposé à la dernière manifestation organisée récemment par cette association dans les rues de Jérusalem, au cours de laquelle les femmes, entièrement vêtues de noir, réclamaient la fin de l'occupation et de la haine entre les deux peuples.
Le forum s'est conclu avec une allocution de Lynch, dans laquelle il a insisté sur l'importance de traiter des solutions (aux conflits) dans leur couverture médiatique, et de ne pas simplement insister sur les violence et les difficultés.