"Les réponses de l'Afrique du sud en matière de violation des droits humains provenant des politiques de déportation et des politiques d'apartheid ont mis en lumière ce que la société israélienne doit nécessairement accomplir avant que l'on puisse parler d'une paix juste et durable au Moyen Orient."
Le Président Nelson Mandela
 
   
Point d'information Palestine > N°140 du 03/04/2001

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Sélections, traductions et adaptations de la presse étrangère par Marcel Charbonnier
     
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Erratum - Dans notre dernier numéro, nous vous avons présenté un poème "Quand je pensais..." par Omaya. Contrairement à ce que nous vous annoncions, l'auteur est un jeune garçon de 13 ans, citoyen palestinien, et non une fille comme nous l'avions écrit. Nous présentons nos excuses à Omaya pour cette méprise...
  
  
Au sommaire
    
Télévision
  1. Betty's Voyage - D'Istanbul à Pétra un documentaire de Ra'anan Alexandrowicz le mardi 3 avril 2001 à 20h30 sur Voyage
  2. L'histoire du mandat (1ère partie) un documentaire de Jean Baronnet le mardi 3 avril 2001 à 21h25 sur Planète
  3. Enquête sur Paul de Tarse (1ère partie) un documentaire de Abraham Ségal le dimanche 8 avril 2001 à 14h sur La Cinquième
Réseau
  1. Petit manuel à l'usage des journalistes voulant réussir dans les médias par Mazin Qumsiyeh [traduit de l'anglais par Giorgio Basile]
  2. Lettre ouverte du Président Nelson Mandela à Thomas Friedman, éditorialiste au New York Times (mercredi 28 mars 2001) [traduit de l'anglais par Dominique Vincent]
  3. La "paix" (avec les violences) ou le transfert par Shraga Elam in Between the Lines (e-magazine publié aux Etats-Unis) N° 2 de décembre 2000 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Revue de presse
  1. Dans la Vieille Ville de Jérusalem, ne vous rebellez pas, vous êtes filmés Dépêche de l'Agence France Presse du lundi 2 avril 2001, 12h06
  2. Le chercheur israélien Menahem Klein redoute un conflit ethnique violent : "L'armée israélienne n'est qu'au service des colons" par Alexandra Schwartzbrod in Libération du samedi 31 mars 2001
  3. La haine radicalise les deux camps par Baudoin Loos in Le Soir (quotidien belge) du samedi 31 mars 2001
  4. L'armée israélienne abat six Palestiniens par Jeffrey Heller Dépêche de l'agence Reuters du vendredi 30 mars 2001, 22h51
  5. "L'Autorité palestinienne en tant que telle est devenue une cible" Interview de Guy Bechor, journaliste à "Ha'Aretz", islamologue, professeur à l'université de Hertzlyah propos recueillis par Serge Dumont in Le Soir (quotidien belge) du vendredi 30 mars 2001
  6. Forte participation attendue à la commémoration de la Journée de la Terre, aujourd'hui, dans un climat tendu par Ori Nir in Ha'Aretz (quotidien israélien) du vendredi 30 mars 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
  7. Sharon : "Finie la retenue !" par Michel Muller in L'Humanité du vendredi 30 mars 2001
  8. Interview de Fayçal Husseini : "Pas de retour à la case départ" propos recueillis par Mirna Bassil in Le Magazine (hebdomadaire libanais) du vendredi 30 mars 2001
  9. Sous les bombes à Ramallah par Baudoin Loos in Le Soir (quotidien belge) du jeudi 29 mars 2001
  10. Paris critique les raids israéliens contre des localités palestiniennes in Le Soir (quotidien belge) du jeudi 29 mars 2001
  11. Un nouveau langage de paix pour le Proche-Orient par John V. Whibeck (avocat international) in Le Soir (quotidien belge) du jeudi 29 mars 2001
  12. Sharon fait fausse route par Victor Cygielman in Le Nouvel Observateur du jeudi 29 mars 2001
  13. Quand la violence ne paie plus par Victor Cygielman in Le Nouvel Observateur du jeudi 29 mars 2001
  14. Walker : Washington se tiendra à l'écart des négociations par Jonathan Right in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du vendredi 23 mars 2001 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
  15. Sharon : l'Amérique partage notre point de vue sur la violence. Nous allons développer nos relations avec l'Egypte - Que la Syrie cesse de faire passer des armes au Liban, "centre international du terrorisme" in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du vendredi 23 mars 2001 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
  16. Les enquêteurs des Nations Unies soutiennent l'envoi d'observateur internationaux par Robert Evans in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du vendredi 23 mars 2001 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
  17. A la suite d'une guerre électronique entre partisans d'Israël et Musulmans américains, un site internet supprime l'assassinat de l'enfant Al-Dirra du concours de la meilleure photo de presse de l'année in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du vendredi 23 mars 2001 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
                 
Télévision
               
1. Betty's Voyage - D'Istanbul à Pétra un documentaire de Ra'anan Alexandrowicz
le mardi 3 avril 2001 à 20h30 sur Voyage
[Documentaire de 25 minutes]
Quatre aventuriers s'offrent un périple de Londres à Hong-Kong : récit de leurs découvertes en Turquie lorsqu'ils visitent Istanbul, de leurs surprises en Jordanie et en territoire palestinien où ils ont la possibilité de rencontrer et de discuter avec des réfugiés.
                 
2. L'histoire du mandat (1ère partie) un documentaire de Jean Baronnet
le mardi 3 avril 2001 à 21h25 sur Planète
[Rediffusion le mercredi  4 avril à 0h45, le jeudi 5 avril à 7h20 et le vendredi 6 avril à 10h25. Ce documentaire français en 2 parties de 60 minutes à été réalisé en 1997.]
Les débuts du mandat français sur la Syrie et le Liban. L'Empire turc fut le grand perdant de la Première Guerre mondiale. Les nations victorieuses se partagèrent ses dépouilles. En dépit des promesses que les Britanniques avaient faites aux bédouins révoltés, le roi Fayçal fut écarté du trône arabe qu'il croyait avoir conquis, et la France obtint gain de cause. Le Liban et la Syrie devinrent non pas des colonies, terme qui suggérait une sujétion trop directe, mais des pays placés sous son mandat. L'implication du pays de Godefroi de Bouillon et de Napoléon Ier dans les affaires de l'Empire turc ne datait, il est vrai, pas de la veille, et la politique des mandats venait couronner un long compagnonnage historique.
               
3. Enquête sur Paul de Tarse (1ère partie) un documentaire de Abraham Ségal
le dimanche 8 avril 2001 à 14h sur La Cinquième
LE CONVERTI (1/2)
Documentaire en 2 épisodes de 52' écrit par Frédéric Boyer et Abraham Ségal, réalisée par Abraham Ségal et coproduite par La Cinquième/Westdeutscher Rundfunk Köln/Agat Films & Cie/New Breed Entertainment Ltd/Films en Quête/Strada Productions/Belage/Mikros Image, avec la participation du Monde de la Bible, de N.D.S. Voyages, du Ministère des Affaires étrangères, du Ministère de la Culture et de la Communication et le soutien de la PROCIREP. (1/2) Le converti. Diffusé en deux volets, cette enquête sur Paul de Tarse est un passionnant documentaire d'investigation qui repose sur un dispositif fictionnel : Incarné par le comédien Didier Sandre, le personnage de l'enquêteur suit en effet les traces fameuses mais incertaines de l'apôtre Paul, cherche des preuves sur le terrain, interroge des témoins, consulte des documents anciens...
- in le supplément "Télévision" du Monde du 01/04/2001 : Fresques et peintures l'ont toujours représenté malade, soucieux, décharné. Comme consumé par un feu intérieur... Qui était donc Saül de Tarse, devenu saint Paul après sa célèbre et rocambolesque révélation, sur le chemin de Damas ? Celui qui traquait les disciples du Christ, qui participa même à la persécution du premier martyr chrétien, comment a-t-il pu, brusquement, se donner corps et âme à l'évangélisation des païens ? Et devenir, avec Pierre, le fondateur du christianisme ? C'est le mystère de ce singulier apôtre que tente de percer le comédien Didier Sandre, qui prend, dans ce documentaire en deux parties d'Abraham Ségal, les rênes de l'enquête. Sur les routes du Proche-Orient qu'emprunta jadis le meurtrier devenu saint, de Jérusalem à Athènes en passant par Antioche et Chypre, Didier Sandre rencontre des historiens, des philosophes, des exégètes et des talmudistes. Les pièces du puzzle d'une personnalité complexe s'assemblent peu à peu : Paul de Tarse est tour à tour qualifié d'instable, d'audacieux ou d'artiste, de dissident ayant précipité la rupture entre juifs et chrétiens, ou encore de visionnaire prônant l'universalisme. Abraham Ségal, qui avait signé un excellent documentaire sur Abraham en 1996, confirme ici son don d'interroger et de faire revivre l'Histoire. Grâce à Didier Sandre, on quitte les sentiers battus du documentaire historique. En confrontant son sujet aux contextes politiques d'aujourd'hui (Chypre, Jérusalem), l'auteur lui donne des résonnances actuelles.
               
Réseau
            
1. Petit manuel à l'usage des journalistes voulant réussir dans les médias par Mazin Qumsiyeh
[traduit de l'anglais par Giorgio Basile]

Voici un ensemble de recommandations pratiques à l'intention de toute personne écrivant sur la question du Proche Orient dans la grande presse. Les journalistes qui souhaitent être publiés ont tout intérêt à les suivre.
Les définitions
- Victime de tirs croisés : désigne un civil palestinien tué.
- Assassinat : ne s'emploie que lorsque des civils israéliens sont tués.
- Représailles : employé quand l'armée israélienne ou des colons tuent des Palestiniens.
- Escalade (synonyme : provocation) : tout acte de violence ou de résistance qui est le fait d'un Palestinien.
- Brutal, lâche, abominable : adjectifs décrivant les attaques dont sont victimes des Israéliens.
- Légitime défense : tout acte de violence commis par les Israéliens.
- Terrorisme : tout acte de violence commis par les Palestiniens.
- Terroriste : une personne qui combat l'occupation israélienne.
- Victime : un juif israélien.
- Agresseur : tout Palestinien engagé dans une forme de résistance, qu'elle soit violente ou non (voir aussi : terroriste).
- Cibles : immeubles palestiniens, maisons, bureaux - ce que les militaires israéliens désignent comme des cibles militaires.
- Attaque/Attaque à la bombe/Meurtre : Actes commis par des Palestiniens sur des Israéliens.
- Mesures (exemple : mesures économiques, mesures de sécurité) : Tout acte commis par les Israéliens (bouclages, sanctions collectives, bombarder des quartiers résidentiels, affamer une population, etc...)
- Affrontements : un terme difficile à cerner, mais qui est employé en général quand des Palestiniens sont tués.
- Sécurité : tout ce que le gouvernement israélien choisit de faire. Ce terme couvre notamment: les confiscations de terres, les assassinats extra-judiciaires, les démolitions de maison, les destructions de cultures, l'arrachage d'arbres, les bouclages, etc. Le terme «sécurité» ne s'emploie qu'associé aux mots «Israël» ou «israélien»; en aucun cas il ne doit être associé au mot «palestinien».
- Assiéger : autre mot ne pouvant s'appliquer qu'aux Israéliens, comme dans «Les Palestiniens ont assiégé les Israéliens.» Le sens exact à donner à ce verbe est fonction des circonstances, que le gouvernement isréalien définit. Ne pas jamais employer ce mot pour désigner des villes ou des villages palestiniens.
- Civils : s'ils sont tués, des colons armés doivent être qualifiés de civils. Éviter d'utiliser ce mot pour désigner des Palestiniens.
- Alentours : quartiers habités par des colons israéliens, spécialement lorsqu'ils sont pris pour cible par un tireur palestinien.
- Positions : toute ville ou village palestinien, spécialement lorsqu'ils sont soumis à des bombardements par hélicoptères, ou à des tirs de mitrailleuses.
Les règles
- Forme passive : à employer lorsqu'un acte violent a été commis par des Israéliens (ex.: «Deux Palestiniens ont été tués, dont un garçon de 9 ans»).
- Forme active : à employer lorsqu'un acte est commis par des Palestiniens (exemple : «Des Palestiniens tuent un enfant juif -le nommer-», «Des Palestiniens tuent un enseignant -le nommer-»).
- Noms propres : doivent être mentionnés lorsque les victimes sont juives. Éviter de citer les noms des victimes palestiniennes, utiliser de préférence des nombres (et rappelez-vous d'utiliser la voix passive pour atténuer le discours; par exemple : «Deux Palestiniens ont été tués au cours d'affrontements»).
- Quand c'est un Israélien qui est tué : il est important de mentionner sa profession, d'où il venait, où il se rendait, s'il s'agit d'un juif pratiquant, il s'agit ou non d'un immigré russe ou américain. Si la victime est un enfant, indiquer le nom de l'école qu'il fréquentait, et évoquer les sentiments de ses amis. En règle générale, toute personne qui connaissait la victime devrait faire état de son humanité. Il est également recommandé d'inclure des photographies prises sur le lieu du drame - le corps recouvert, des fragments de chair, un filet de sang, etc.
- Quand c'est un Palestinien qui est tué : il faut à tout prix éviter de le personnifier.
                   
2. Lettre ouverte du Président Nelson Mandela à Thomas Friedman, éditorialiste au New York Times (mercredi 28 mars 2001)
[traduit de l'anglais par Dominique Vincent]

Cher Thomas,
Je sais que vous et moi sommes pour la paix au Moyen Orient, mais avant que vous continuiez à parler des conditions nécessaires du point de vue israélien, laissez moi vous parler franchement. Par où commencer ? Pourquoi pas par 1964. Laissez moi rappeler mes paroles durant mon procès. Elles n'ont aujourd'hui rien perdu de leur vérité.
"J'ai combattu contre la domination blanche et j'ai combattu contre la domination noire. J'ai chéri l'idéal d'une société libre et démocratique dans laquelle les personnes vivent ensemble en harmonie avec les mêmes chances. C'est un idéal pour lequel je vis et que j'espère accomplir. Mais si besoin en est, c'est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir".
Aujourd'hui le monde, noir et blanc reconnaît que l'apartheid n'a pas d'avenir. En Afrique du Sud c'est notre propre action de masse qui a mis fin à l'apartheid afin de construire la paix et la sécurité. Cette  campagne massive ne pouvait que s'achever par l'établissement de la démocratie.
Il est peut être étrange pour vous d'observer la situation en Palestine ou plus exactement, les relations entre Palestiniens et Israéliens comme un système d'apartheid. C'est parce que vous pensez à tort que le problème de la Palestine a commencé en 1967. C'est ce que démontre votre récent article "le premier mémo de Bush" paru dans le New York Time du 27 mars 2001. Vous semblez surpris d'apprendre qu'il reste des problèmes datant de 1948 à résoudre , le plus important étant le droit au retour des réfugiés palestiniens.
Le conflit israélo-palestinien n'est pas qu'un problème d'occupation militaire et Israël n'est pas un pays qui s'est créé "normalement" et qui en a occupé un autre militairement en 1967.
Les Palestiniens ne se battent pas pour un "Etat" mais pour la liberté, la libération et l'égalité, exactement comme nous nous battions pour la liberté en Afrique du Sud.
Ces dernières années, et surtout durant le gouvernement du parti Travailliste, Israël a montré qu'il ne voulait même pas rendre ce qu'il avait occupé en 1967. Les colonies resteraient, Jérusalem serait sous la souveraineté exclusive israélienne et les Palestiniens n'auraient pas d'Etat indépendant, mais serait sous la domination économique israélienne avec un contrôle israélien aux frontières, sur les terres, l'air, l'eau et la mer.
Israël ne pensait pas à un "Etat" mais à la "séparation". La primauté de la séparation est mesurable d'ans l'habileté que déploie Israël à garder juif l'Etat juif, à ne pas avoir une minorité palestinienne qui pourrait avoir la capacité à devenir une majorité dans l'avenir. Si cela arrivait, cela forcerait Israël soit à devenir un Etat laïc et démocratique soit un Etat binational, soit un Etat d'apartheid non seulement de facto mais aussi de jure. 
Thomas, si vous suivez les sondages d'opinion en Israël depuis 30 ou 40 ans, vous constatez l'existence d'un racisme ordinaire qui concerne un tiers de la population qui se déclare ouvertement raciste. Ce racisme est du genre :"je déteste les Arabes" et "j'aimerais que les Arabes soient morts". Si vous suivez également le système judiciaire en Israël vous verrez qu'il y a discrimination contre les Palestiniens, et si vous considérez les Territoires occupés en 1967, vous constaterez que fonctionnent déjà deux systèmes judiciaires séparés qui représentent deux approches différentes de l'être humain, l'un pour les Palestiniens, l'autre pour les Israéliens. De plus il y a deux approches de la propriété focière. La propriété foncière palestinienne n'est pas reconnue comme privée car elle peut être confisquée.
En ce qui concerne l'occupation israélienne de la Cisjordanie et de Gaza un facteur supplémentaire est à prendre en compte : les zones dénommées :"zones d'autonomie palestinienne" sont des bantoustans. Ce sont des entités restreintes structurées par le système d'apartheid israélien.
L'Etat palestinien ne peut être le "sous-produit" de l'Etat d'Israël juste pour que soit conservé la pureté juive d'Israël. La discrimination raciale quotidienne est le pain quotidien de la plupart des Palestiniens.
Puisqu'Israël est un Etat juif, les Juifs israéliens disposent de droits spécifiques que les non-juifs ne peuvent obtenir. Les Arabes palestiniens n'ont pas de place dans un Etat juif.
L'apartheid est un crime contre l'humanité. Israël a privé des millions de Palestiniens de leur liberté et de leurs propriétés. Il perpétue un système de discrimination raciale et d'inégalité. Il a systématiquement incarcéré et torturé des milliers de Palestiniens, en violation du droit international. Il a déclenché une guerre contre une population civile et en particulier des enfants.
Les réponses de l'Afrique du sud en matière de violation des droits humains provenant des politiques de déportation et des politiques d'apartheid ont mis en lumière ce que la société israélienne doit nécessairement accomplir avant que l'on puisse parler d'une paix juste et durable au Moyen Orient
Et de la fin de la politique d'apartheid.
Thomas, je n'abandonne pas la diplomatie du Moyen Orient, mais je ne serai pas complaisant avec vous comme le sont vos supporters. Si vous voulez la paix et la démocratie, je vous soutiendrai. Si vous voulez formaliser l'apartheid nous ne vous soutiendrons pas. Si vous voulez soutenir la discrimination raciale et le nettoyage ethnique nous nous opposerons à vous. Quand vous aurez pris votre décision  passez moi un coup de fil.
                 
3. La "paix" (avec les violences) ou le transfert par Shraga Elam
in Between the Lines (e-magazine publié aux Etats-Unis) N° 2 de décembre 2000

[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Shraga Elam, journaliste israélien en poste à Zurich, a publié récemment un ouvrage remarqué, en allemand, sur la collaboration des Sionistes avec les Nazis.
Un rapport américain : "les Palestiniens ont le choix entre le transfert et des milliers de morts, ou la "paix", sans les droits de l'homme, mais avec la violence".
Toute personne connectée à Internet peut avoir accès aux grandes lignes des opérations menées actuellement par les Forces israéliennes de "défense" contre les Palestiniens. Selon ce texte, des escalades successives (dans la répression) seront suivies du transfert de Palestiniens (évacués) de "zones sensibles" et de l'"arrestation de responsables de l'Autorité palestinienne, accompagnée de l'imposition d'une nouvelle administration militaire". Les combats maison-par-maison qui s'ensuivront pourraient coûter la vie à des milliers de Palestiniens, armés ou non. Les Forces israéliennes de "défense" doivent prendre en compte, dans la planification de cette opération, la mort de centaines de leurs soldats et des milliers de blessés des deux côtés. La seule chance de prévenir ce danger, d'après le rapport, serait que l'Autorité palestinienne écrase dans le sang l'intifada d'al-Aqsa et y mette une terme réel, sans se préoccuper plus que de raison du respect des droits de l'homme. Ce programme, baptisé "Champ d'épines", a été publié dans un rapport pro-israélien écrit par Anthony H. Cordesman, "expert" après du très influent Centre pour les Etudes Stratégiques et Internationales (CSIS) de Washington, très lié à la CIA (1).
Il est, pour le moins, inhabituel qu'une armée publie ses plans et aille même jusqu'à laisser ses ennemis, en l'occurrence, l'Autorité palestinienne, les lire, en pleine bataille. Mais cela ne rend pas pour autant cette information moins crédible, puisque bien des points qui y sont mentionnés ont d'ores et déjà été mis en application très fidèlement. Il semble que la publication de ce plan s'insère dans les pressions exercées de manière conjointe, par les Américains et Israël, contre l'Autorité palestinienne afin de l'amener à liquider l'intifada par elle-même. "Ils (l'Autorité) doivent mettre un terme à la violence civile même si cela implique le recours à un usage excessif de la force selon les standards admis en Occident en matière de répression policière". (2) "Le problème", indique le rapport, "n'est pas de savoir si, éventuellement, des mesures extrêmes de sécurité seront prises (ou non), ou si elles peuvent s'avérer indispensables à quelque moment. Non, la question est bien, plutôt, (de savoir) combien de ces actes (de répression brutale) se produiront, à quel point ils seront ciblés de manière adéquate, de manière à viser ceux qui commettent directement des actes terroristes, et dans quelle mesure ils sont justifiés, en terme de rapport "coût/bénéfice(s)". (3)
- L'opération "Champ d'épines"
Dès le début des accord d'Oslo, les Forces israéliennes de "défense" ont pris en compte, dans leurs prévisions, la possibilité d'être amenées à réoccuper les territoires qui ont d'ores et déjà été transférés à la souveraineté palestinienne. "Champ d'épines" a été développé et testé grâce à des simulations et des répétitions, menées en 1996. Durant les négociations de Camp David II, en juillet 2000, ces Forces ont modifié leurs programmes d'entraînement, délaissant la préparation aux opérations de police pour passer à celle d'une mission militaire d'envergure, dans laquelle les unités reçoivent un entraînement spécial au combat contre des émeutiers. Le nom de code de cette opération est "Mélodie magique" (Magic Tune), en préparation d'un scénario à bas bruit. Les préparation pour le scénario d'une flambée de violence extrême ont été dénommées, pour leur part, "Monde lointain" (Distant World). Cette deuxième éventualité prévoit la saisie par la force de territoires palestiniens par l'armée israélienne et l'instauration d'une administration militaire, si la situation le permet." (4)
En 1997, le Jerusalem Post avait écrit, à propos de l'opération "Champ d'épines" : "(...) c'est le scénario d'un bain de sang : les tanks israéliens foncent contre les villes palestiniennes, où elles sont accueillies par des jeunes gens lançant des pierres, des cocktails Molotov et tirant quelques balles. Les soldats israéliens et la police palestinienne s'affrontent dans des combats de rue maison-par-maison ; des hélicoptères d'assaut israéliens visent depuis les airs des cibles stratégiques palestiniennes. Les pertes sont énormes". (5) D'après les simulations et les répétitions effectuées par les Forces israéliennes de "défense", la réoccupation de territoires palestiniens demanderait de quelques jours seulement à vingt-quatre jours. Ceci dépendant de la tactique adoptée. "Si, par exemple, vous avez affaire à un bâtiment avec vingt combattants palestiniens qui vous tirent dessus", dit Zvi Shtauber, chef de la division de planification stratégique entre 1992 et 1995, "est-ce que ça vaut le coup de mener l'assaut contre eux, ou bien n'est-il pas "préférable" d'attendre qu'ils soient épuisés et affamés ?" La revue Jane's Intelligence Review, qui fait autorité, a écrit le 1er mars 1997 que, du point de vue israélien, "le coût de la réoccupation militaire est directement proportionnel au degré de retenue apporté à leurs tirs par les Israéliens : plus ils font preuve de retenue, plus leurs pertes sont élevées. La réoccupation pourrait, au bout du compte, entraîner la mort de 200 à 2000 soldats israéliens." (6) Le scénario ne donne aucune "fourchette" de pertes palestiniennes...
Plusieurs des mesures prévues par l'opération "Champ d'épines" ayant été mises en application dans les faits, il est hautement probable qu'en cas d'une nouvelle escalade, Israël continuera à aller plus loin, en recourant à des mesures de plus en plus drastiques, figurant sur la même liste. Le transfert de Palestiniens de certaines zones, comme Beit Jala, devrait par conséquent être pris au sérieux et considéré comme une réelle menace. D'après le Sunday Times du 26 novembre 2000, des unités blindées et d'infanterie se préparent en vue de la réoccupation des territoires palestiniens autonomes. Barak a reçu l'autorisation du gouvernement, dès le 23 novembre, de prendre les "décisions militaires qui s'imposent" sans avoir dorénavant à consulter le cabinet du gouvernement. Bien entendu, le plan lui-même et sa publication constituent une pièce maîtresse dans les pressions exercées sur Arafat. Ceci ne signifie nullement, toutefois, que Barak bluffe. Il est assez brutal et cynique pour faire de la mise en application de ce plan criminel un atout électoral essentiel. Comme on ne saurait imaginer que le Premier ministre d'Israël oserait prendre de telles mesures sans le consentement préalable des Etats-Unis, on voit que les chances sont minces qu'une force de protection internationale soit autorisée à prendre position dans les territoires palestiniens en temps utile. Par conséquent, le danger, réel et immédiat, pour les Palestiniens, ne doit pas être sous-estimé, et la mise en place de brigades internationales d'interposition et de sauvegarde de la paix devrait être envisagée sans délai. Les expériences faites par le groupe de militants rassemblés autour de l'Israélien valeureux Neta Golan, qui ont passé plusieurs semaines dans le village de Harres, près de Naplouse, en Cisjordanie, afin de protéger ses habitants des attaques des colons, montrent que des actions de terrain, de ce type, peuvent porter leurs fruits.
- Le rapport du CSIS
Mis à part les scénarios du rapport  "Champ d'épines", proprement effrayants, l'analyse très pointue de Cordesman se caractérise par son honnêteté et sa franchise. Laissant de côté toute émotion, il admet, en sa qualité de partisan bien informé et bien introduit d'Israël, que les accords d'Oslo étaient intrinsèquement incapables de rendre justice aux Palestiniens et que cette situation était appelée à perdurer au cours des années à venir. "Même si un accord de paix peut être obtenu aujourd'hui... , il laissera (pendants) des problèmes majeurs et la menace quasi-avérée de la perpétuation d'une violence de plus en plus aigue. Tout compromis acceptable par les deux parties devra laisser Jérusalem et la Cisjordanie profondément divisées. La plus grande partie de la Cisjordanie resterait sous contrôle israélien et au moins le Grand Jérusalem devrait rester ouvert aux implantations israéliennes. Aucune paix ne pourra satisfaire aux attentes économiques et politiques des jeunes générations de Palestiniens pour les années à venir." (7) Israël n'étant pas prêt à faire de quelconques concessions, ou comme le dit Cordesman "n'étant pas à même" d'en faire, il n'y a qu'une alternative : soit la "paix" avec la violence, soit la guerre.
La "paix" avec la poursuite des violences implique, selon l'expert américain, un système auto-répressif palestinien, contrôlé de loin par la CIA et ses collègues israéliens. L'Autorité palestinienne doit contrôler les "extrémistes" et les "terroristes", parce que le potentiel de violence qui constitue une partie intégrante de cette "solution" injuste est appelé à exister encore très longtemps. Cordesman a parfaitement conscience du fait que les Accords d'Oslo ont amené avec eux, entre autres injustices, un appauvrissement supplémentaire de la majorité des Palestiniens, déjà indigents. "Le P.N.B. réel par habitant, en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, a baissé de 36% entre 1992 et 1996 (...) La CIA estime que cette récession économique a entraîné une diminution de deux ans de l'espérance de vie moyenne et une augmentation significative de la mortalité infantile entre 1997 et 2000. (8)
Mais cela n'empêche pas Cordesman, au lieu d'examiner les moyens permettant d'améliorer cette situation économique désespérée, de suggérer qu'Israël continue à utiliser les moyens de contention physique et économique , qui ont fait la preuve de leur efficacité, car ils causent moins de "dégâts dans les médias" que le recours aux moyens militaires. Il écrit, par ailleurs, que "la contrainte physique et la guerre économique créent de nouveaux problèmes. La contrainte crée l'isolement des Palestiniens et paralyse l'économie de toutes les zones qui y sont soumises. Etant donnée l'extrême faiblesse de l'économie à Gaza et en Cisjordanie, ceci a un impact humain immédiat et brutal, qui affecte toutes les personnes concernées, et non pas seulement celles qui participent aux violences. (9) Mais l'arme terrible de la guerre économique, qui n'est pas autre chose qu'une forme d'extermination lente, a montré son efficacité, selon Cordesman, dans la lutte contre le Hamas et le Jihad islamique. Ces deux organisations ont perdu une bonne part du soutien populaire dont elles bénéficiaient à cause des pertes d'emplois, très importantes, et du manque à gagner résultant de leurs activités militaires (il utilise le mot "terrorisme") contre Israël. 
"La paix et la sécurité en tant qu'ennemis naturels des droits de l'homme" : tel est le titre d'un des chapitres de l'ouvrage de Cordesman. "Les pressions et la politique palestinienne d'Israël ont amené les forces de sécurité de l'Autorité palestinienne à faire prévaloir la sécurité au détriment des droits de l'homme et cela, bien longtemps avant le déclenchement de la crise actuelle, en septembre 2000, même si elles en ont usé ainsi plus pour maintenir au pouvoir l'élite gouvernementale palestinienne actuelle que pour préserver le processus de paix .(...) Les contempteurs des forces de sécurité de l'Autorité palestinienne doivent comprendre que ces problèmes sont appelés à rester la règle, et non l'exception. Il n'y aura pas de paix, à l'avenir, ni de processus de paix stable, si les forces de sécurité palestiniennes n'agissent pas avec fermeté et efficacité. (...) Sinon, le coût tant pour la paix que pour les droits humain de la majorité des Palestiniens sera exorbitant. Les responsables israéliens et américains ont insisté sur le réel problème du terrorisme, en tant qu'indice permettant de mesurer le degré d'engagement de l'Autorité palestinienne vis-à-vis du processus de paix". (10)  
Cette politique s'est avérée efficace jusqu'au mois de septembre (2000) et elle devrait être remise en vigueur maintenant, si l'on en croit les recommandations antidémocratiques de l'influent expert américain, qui vont extrêmement loin : "les forces de sécurité israéliennes doivent agir contre les extrémistes et les terroristes qui ont appris à dissimuler leurs activités (criminelles) sous le manteau de la "respectabilité" politique, à manipuler de manière délibérée le discours des droits de l'homme et de la démocratie et à exploiter toute faille dans les procédures juridiques et légales (1). Si tant est que l'actuelle intifada ait la moindre chance de rapprocher dans le temps une solution juste pour les Palestiniens, plus de respect pour leurs droits légitimes, le rapport du CSIS les place devant un choix, unique et terrible : soit la "paix" avec la violence, ou la continuation et le renforcement de l'opération "Champ d'épines".
- Le plan opérationnel "Champ d'épines" :
* renforcement massif des Forces israéliennes de "défense" aux points d'affrontement
* utilisation d'autres forces afin d'assurer la sécurité des implantations, des routes stratégiques et des points de surveillance
* recours aux hélicoptères et aux snipers afin d'apporter la mobilité et les tirs d'élimination
* utilisation générale des armes légères, de l'artillerie et des blindés afin de supprimer les tirs de snipers, les lancers de pierres et les manifestations
* bombardements, tirs d'artillerie, frappes d'hélicoptères contre des cibles palestiniennes de haute importance afin d'éliminer les éléments palestiniens responsables d'attaques (anti-israéliennes)
* intervention de recherche et de capture, raids dans les zones palestiniennes à Gaza et en Cisjordanie, visant à briser la résistance organisée et à en capturer ou tuer les principaux leaders
* destruction sélective d'infrastructures palestiniennes vitales et nettoyage de points stratégiques et de théâtres de tirs à proximité des zones urbaines palestiniennes
* mobilisation et déploiement de forces blindées et terrestres afin de faire face à une insurrection palestinienne massive
** utilisation de blindés et de l'artillerie pour l'isolement de grandes zones peuplées palestiniennes et leur encerclement, parmi lesquelles de nombreuses parties de la zone A
** recours simultané à un blocus économique avec arrêt sélectif de certaines transactions financières, des déplacements motivés par le travail, et des livraisons de carburants et de produits alimentaires
** utilisation du contrôle israélien de l'eau potable, de l'électricité, des accès routiers, afin de limiter l'étendue et la durée de la résistance palestinienne
** régulation et contrôle des accès aux médias et lancement d'une campagne d'information de grande envergure destinée à influencer l'opinion publique, tant locale que mondiale
** utilisation de forces militaires entraînées aux combats urbains afin de pénétrer dans les villes palestiniennes si nécessaire - ce qui est plus que probable dans les cas d'enclaves urbaines juives, comme à Hébron
*** menée à bien d'évacuations "temporaires" de colons israéliens d'implantations exposées, isolées et d'importance économique secondaire, telles Hébron
*** arrestation d'officiels de l'Autorité palestinienne et imposition d'une nouvelle administration militaire
*** évacuation forcée de Palestiniens de certaines "zones sensibles"
(* : déjà pratiqué ; ** : partiellement mis en pratique ; ** : non appliqué)
NOTES :
1. Anthony H. Cordesman, Peace and War : Israel versus the Palestinians : A Second Intifada ? - A Rough Working Draft, Center for Strategic and International Studies (CSIS), latest version November 9, 2000 http://www.csis.org/stratassessment/reports/IsraelPalestine.pdf
2. CSIS-Report, p. 106
3. CSIS-Report, p. 115
4. David Eshel (officier de carrière des Forces Israéliennes de Défense, à la retraite) : IDF prepares for palestinian clashes, Jane's Intelligence Review, 08/2000
5. Peter Hirschbert : War Games, Jerusalem Report, 4 septembre 1997
6. Jane's Intelligence Review, 1.3.1997 : Middle East : A Propensity for Conflict-War Scenarios
7. CSIS-Report, p. 9
8. CSIS-Report, p. 54
9. CSIS-Report, p. 14
10. CSIS-Report, p. 106
11. CSIS-Report, p. 107
12. CSIS-Report, pp. 90-91
                   
Revue de presse

                
1. Dans la Vieille Ville de Jérusalem, ne vous rebellez pas, vous êtes filmés
Dépêche de l'Agence France Presse du lundi 2 avril 2001, 12h06

JERUSALEM - Le policier israélien, fusil M-16 en bandoulière, file à travers les ruelles de la Vieille Ville de Jérusalem. Grâce à un imposant système de vidéo-surveillance, il est guidé, via une oreillette glissée sous son casque, vers de jeunes "rebelles" palestiniens.
Installé à l'occasion des fêtes de l'an 2000, et notamment pour le pèlerinage du pape dans la Ville Sainte, le système s'avère être du pain béni pour la police israélienne à l'heure de l'Intifada, où il faut surveiller une population potentiellement insurrectionnelle.
Environ 420 caméras sont disposées à travers le dédale de ruelles de la Vieille Ville, qui s'étend sur à peine un kilomètre carré à Jérusalem-est.
Difficile de passer à travers ce maillage vidéo, disposé tous les cinquante mètres sur les grands "axes", souvent à chaque intersection, et parfois juste pour avoir l'oeil sur la porte, blindée, d'une habitation juive installée en plein quartier musulman.
Près de la porte de Jaffa, l'un des principaux accès à la Vieille Ville, un lampadaire a même troqué sa lanterne pour un bouquet de quatre caméras.
Toutes ces caméras sont reliées au quartier général de la police, situé dans le quartier arménien. Là, un immense écran présente en permanence les images d'une bonne vingtaine d'appareils.
Si les policiers de permanence repèrent un individu qu'ils considèrent suspect, il leur suffit de "cliquer" sur la rue concernée pour l'avoir immédiatement à l'écran, section par section. Les caméras filment 24 heures sur 24 et tout est enregistré.
"C'est très très fliqué. Un jeune qui rentre avec une pierre, la police le sait dans les minutes qui suivent", observe un résident étranger, installé depuis un an à Jérusalem.
"J'ai l'impression d'être plus surveillé qu'un prisonnier dans sa cellule", proteste un jeune Arabe, "né ici comme déjà mes parents et grands-parents". Assis sur le seuil de sa porte, il lance un signe rageur vers une caméra.
Pas toujours bien acceptées, certaines caméras ont été détruites au début de l'Intifada.
Pour les occasions spéciales, comme lors des "journées de la colère" régulièrement décrétées par les mouvements palestiniens, la police sort même les gros moyens vidéo.
Un ballon de type Zeppelin survole alors la Vieille Ville avec des caméras panoramiques suspendues à un filin.
"Elles prennent des images avec un grossissement suffisant pour identifier un groupe de personnes ou la plaque d'immatriculation d'une voiture", indique Shmuel Ben-Ruby, porte-parole de la police de Jérusalem.
Pour compléter le dispositif lors de ces "journées spéciales", un hélicoptère tourne autour de la zone. Et à terre, des policiers filment toutes les entrées à la mosquée al-Aqsa. "C'est pour faciliter les arrestations des terroristes", justifie M. Ben-Ruby.
"On a toujours été surveillés de près", observe un vieux commerçant. "Mais là, on est dans un film. C'est Hollywood!".
                
2. Le chercheur israélien Menahem Klein redoute un conflit ethnique violent : "L'armée israélienne n'est qu'au service des colons" par Alexandra Schwartzbrod
in Libération du samedi 31 mars 2001
Menahem Klein est chercheur à l'Institut de Jérusalem pour les études israéliennes, et orientaliste à l'université de Bar-Ilan. Cet Israélien de gauche porte un regard critique sur «le camp de la paix» en Israël et sur le gouvernement Sharon. Pour lui, un «conflit ethnique très violent» se prépare entre Israéliens et Palestiniens.
- La spirale de la violence se remet-elle en marche ?
- Israéliens et Palestiniens vont vers un conflit total, la situation ici est très dangereuse. Le gouvernement Sharon considère Arafat et son équipe comme les ennemis numéro un. Il veut casser l'Autorité palestinienne mais il échouera. C'est vrai que, du fait du bouclage et de l'impossibilité de communiquer avec le pouvoir central, des pouvoirs locaux se forment dans les territoires. Mais ceux-ci essaient juste d'améliorer leur statut au sein de l'Autorité palestinienne, ils n'entendent pas se rebeller contre Arafat. Contrairement à ce que les Israéliens font savoir, l'Autorité palestinienne n'est pas près de s'effondrer. Au contraire, le peuple palestinien est en train de s'unir autour d'un seul objectif: la lutte pour la liberté. Le problème du gouvernement israélien c'est qu'il est incapable d'analyser la situation du point de vue palestinien, il garde un mode de pensée colonial. Les accords d'Oslo, qui légitimaient l'occupation israélienne, sont bel et bien morts. Les Palestiniens ne veulent plus entendre parler du moindre accord intérimaire. Et il n'y a pas de retour en arrière possible. Sans volonté d'Israël d'en finir avec l'occupation et de reprendre les négociations, il y aura un conflit. Et celui-ci sera extrêmement violent à cause des colons. Car c'est eux qui dictent la stratégie d'Israël, personne ne les envoie jamais promener. L'armée israélienne n'est ainsi qu'au service des colons.
- Comment expliquez-vous le basculement à droite de la gauche israélienne ?
- Le camp de la paix est en crise, c'est vrai. J'y vois deux raisons: le comportement des Palestiniens, et notamment les attaques terroristes de ces derniers temps; et aussi une mauvaise perception de ce qu'a été le processus de paix. Par exemple, beaucoup croient que Barak a été très généreux et que les Palestiniens ont cherché la guerre en refusant ses propositions, en d'autres termes, que les Israéliens sont les gentils et les Palestiniens les méchants. C'est faux, le camp de la paix a été induit en erreur par la campagne électorale de Barak. Bien sûr, les Palestiniens ne sont pas exempts de reproches, mais il est temps de dire que les Israéliens ont une grande part de responsabilité dans la situation actuelle.
- Comment voyez-vous la suite ?
- Il y avait deux scénarios possibles: une guerre de libération, type FLN algérien, ou un conflit ethnique comme en Macédoine. Le gouvernement israélien refusant de considérer l'Intifada comme une guerre de libération, on s'achemine vers un conflit ethnique entre juifs et arabes. Et c'est ce qui pouvait arriver de pire. Les attaques terroristes en Israël en sont le signe, il n'y a plus de «ligne verte» (ligne de séparation entre Israël et les Territoires), les Palestiniens sont partis en guerre contre l'ensemble de la population israélienne. C'est une tragédie. D'autant que, si le conflit devient ethnique, les Arabes israéliens s'identifieront aux Palestiniens.
- Ariel Sharon contrôle-t-il la situation ?
- Non, je pense qu'il en perd le contrôle. Car il est tenu par les plus radicaux.
- Quelle est la solution ?
- Il ne faut surtout pas que le gouvernement prenne fait et cause pour les colons. Sinon, chacun deviendra un colon en Israël. Et il y a un urgent besoin d'une force d'interposition internationale assortie d'un accord qui contraindrait les Palestiniens à arrêter toute forme de violence en échange de l'évacuation des colonies et des territoires par les Israéliens.
          
3. La haine radicalise les deux camps par Baudoin Loos
in Le Soir (quotidien belge) du samedi 31 mars 2001
Plus rien ne semble devoir- être comme avant entre Palestiniens et Israéliens. La nouvelle intifada palestinienne a six mois et son bilan se révèle dramatique : 459 tués. Six Palestiniens l'ont encore été vendredi. Et cent autres blessés. Vendredi, l'Autorité palestinienne a accusé les forces israéliennes d'avoir commis un " crime barbare " et a dénoncé le " silence " de la communauté internationale.
Parmi les morts de l'intifada, on compte aussi 69 Israéliens.
Ces six mois d'intifada ont engendré rage et désespoir dans les deux camps, qui capitalisent jour après jour une haine devenue tout simplement terrifiante envers l'autre.
Chez les Palestiniens, dont les villes et villages vivent en état de siège permanent à divers degrés selon les endroits, la population rumine sa misère aggravée dans un déroutant mélange de détermination, de fatalisme et de ressentiment.
Les colons symbolisent ici l'échec d'Oslo
Oslo [le processus de paix commencé en 1993] a été une erreur, explique à Ramallah un médecin arborant une fière moustache poivre et sel. Tout le monde vous le dira. Après huit ans, Israël nous occupe toujours et nous ne contrôlons rien, ni la terre ni les frontières ni même notre eau; et les colons juifs sont deux fois plus nombreux.
Les colons ! Objets d'une animosité générale, ils focalisent, avec les soldats qui les protègent, l'amertume. Ils symbolisent effectivement l'échec d'Oslo, donnant raison aux oiseaux de mauvais augure qui avaient prédit le drame depuis des années.
On sent, ici, que l'Autorité palestinienne n'a guère eu le choix : depuis cinq ans, elle collaborait avec les services de sécurité israéliens dans la répression des islamistes palestiniens, apparaissant de plus en plus comme l'auxi-liaire de l'armée israélienne dans la protection des colons. Une image détestable pour l'opinion.
Israël voulait que nous protégions ces colons juifs pour perpétuer son hégémonie sur nous, s'indigne Hisham Mustapha, cadre supérieur au ministère palestinien de l'Education. Nous refusons ce rôle, d'ailleurs plus personne ne peut contenir la colère de la population. Vous avez ici tout un peuple, trois millions d'âmes, en résidence surveillée
La question de savoir si le chef de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, dirige la révolte déclenche en général une même réponse, comme le résume Mohammed Issa, qui vit à Karawat, un village coupé du monde - n'étaient les chemins de traverse ou plutôt de montagne qui multiplient la longueur des trajets par cinq : On peut dire qu'il n'y a pas de stratégie, personne ne dirige rien, les gens en ont tout simplement marre de l'occupation, des colons et des soldats et voilà pourquoi ceux-là sont maintenant des cibles que tout le monde estime légitimes. Un discours entendu maintes fois.
La militarisation de l'intifada, le remplacement graduel des manifestations de lanceurs de pierres par l'activisme de groupes armés islamistes ou proches de l'Autorité palestinienne a renforcé l'impression de guerre. Aux pierres, l'armée des Juifs réplique avec des balles réelles; aux tirs de kalachnikovs, elle répond avec des chars, des canons, des hélicoptères à roquettes, nous lance un paysan empêché de rejoindre ses champs et en proie à une vive colère.
« Les gens en ont tout simplement marre de l'occupation, des colons et des soldats »
Autre constat inquiétant, alors que la terrible vague d'attentats-suicides commis par le Hamas islamiste en 1996 avait rencontré un soutien très minoritaire de la population qui venait à peine de connaître l'évacuation par Israël de plusieurs villes palestiniennes, les attentats commis par de jeunes kamikazes ces derniers jours en Israël même suscitent une certaine compréhension. Nous ressentons un malaise à cet égard, explique Oussama, un membre chevronné d'une organisation non gouvernementale agricole basée à El Bireh, mais les gens, humiliés, sans travail, presque affamés, souffrent tellement, qu'ils se disent que « eux aussi » doivent payer. Nous sommes les agressés, voilà ce qu'on pense tous. Une phrase que la plupart des Israéliens, atterrés et enragés par ce qu'ils appellent unanimement le terrorisme palestinien, pourraient reprendre à leur compte...
L'absence apparente de stratégie cohérente de l'Autorité palestinienne commence à gêner certains. Des intellectuels se sont élevés contre la militarisation de l'intifada, des citoyens ont pétitionné, à Ramallah, contre les tirs dirigés par des groupes armés depuis leurs quartiers sur des colonies juives qui attirent sur eux les représailles israéliennes disproportionnées.
Et d'aucuns, en haut lieu, se sont émus de ces remous, puisque même Marwan Barghouti, chef à Ramallah du Fatah, le principal mouvement politique palestinien qui s'est singulièrement radicalisé, a repris à son compte l'idée de lancer des manifestations massives pacifiques. Quelques marches ont eu lieu non sans succès. Mais rien n'indique pour le moment que les groupes armés risquent de se heurter à l'Autorité palestinienne. Plus question de faire la police pour Israël, répète-t-on invariablement...
            
4. L'armée israélienne abat six Palestiniens par Jeffrey Heller
Dépêche de l'agence Reuters du vendredi 30 mars 2001, 22h51
JERUSALEM - L'armée israélienne a tué par balle six Palestiniens à l'occasion de graves manifestations en Cisjordanie et dans la bande de Gaza coïncidant avec la Journée de la terre.
Accentuant sa pression sur Yasser Arafat pour qu'il mette fin à six mois d'intifada, l'Etat hébreu a interdit aux ministres palestiniens siégeant à Gaza de transiter par Israël pour assister à la réunion hebdomadaire du conseil des ministres, qui a dû être annulée.
La tension était à son comble après une semaine endeuillée par des attentats à la bombe palestiniens, des raids de représailles de l'aviation israélienne à Gaza et en Cisjordanie et la demande américaine adressée aux Palestiniens de tout faire pour arrêter la violence.
Vendredi marquait la Journée annuelle de la terre célébrant le 25e anniversaire du massacre de six Arabes israéliens par Tsahal en 1976.
Les soldats israéliens ont ainsi abattu cinq Palestiniens lors de manifestations à coup de jets de pierres à Naplouse (Cisjordanie), où quelque 10.000 personnes étaient descendues dans les rues.
Un sixième Palestinien a été tué d'une balle dans la tête à Ramallah, également en Cisjordanie, après qu'un millier de personnes eurent marché sur un barrage routier érigé par Tsahal.
Menaces du Hamas
Dans cette ville, la foule a incendié l'effigie du Premier ministre israélien, Ariel Sharon, et scandé "Brigades, brigades !" en guise de soutien aux kamikazes qui ont tué deux adolescents israéliens cette semaine.
La violence a gagné la vieille ville fortifiée de Jérusalem, où les policiers sont intervenus contre des Palestiniens qui jetaient depuis un site musulman voisin des pierres et de bouteilles sur des fidèles juifs priant devant le Mur des lamentations.
A Hébron, les Israéliens ont tiré avec des blindés et à la mitrailleuse sur des faubourgs palestiniens après avoir repéré deux Palestiniens armés dans un secteur où une fillette israélienne de dix mois avait été tué cette semaine par un tireur embusqué.
Plusieurs dizaines de manifestants ont aussi été blessés lors de manifestations anti-israéliennes à Gaza.
Après une semaine de déchaînement de passions sous l'effet d'attentats palestiniens et de raids d'hélicoptères israéliens, les manifestants se comptaient par milliers et avaient pour mot d'ordre "Fin de l'occupation".
Le groupe palestinien Hamas a continué à faire monter la tension en menaçant de répliquer par des "bombes humaines", sur tout le territoire d'Israël, aux raids aériens israéliens de mercredi sur la Cisjordanie et la bande de Gaza.
"Nous répliquerons par tous les moyens. Nous frapperons sur tout le territoire d'Israël", a déclaré un dirigeant du Hamas, Ismaïl Haniyah au cours de la manifestation de Gaza. "Les Israéliens ont des hélicoptères et de l'artillerie mais nous avons des bombes humaines qui peuvent exploser partout".
           
5. "L'Autorité palestinienne en tant que telle est devenue une cible" Interview de Guy Bechor, journaliste à "Ha'Aretz", islamologue, professeur à l'université de Hertzlyah propos recueillis par Serge Dumont
in Le Soir (quotidien belge) du vendredi 30 mars 2001
- Pourquoi Ariel Sharon n'a-t-il pas réagi plus tôt aux attentats qui se sont produits depuis son accession au pouvoir ?
- Parce qu'il sait que l'opinion internationale l'attend au tournant. En dépit des pressions exercées par la base du Likoud (son parti, NDLR) et par les ministres de l'aile la plus à droite de son gouvernement, il a prôné la patience tout en tentant, en coulisse, de nouer des liens personnels avec des dirigeants palestiniens.
Cela n'a pas marché et il doit réagir aux attentats de ces derniers jours car ceux-ci ont accentué la paranoïa de nombreux citoyens juifs d'Israël qui se sentent agressés, insécurisés, entourés d'ennemis et menacés de toute part. Elu grâce à son image d'« homme fort », Sharon ne peut pas laisser ce phénomène se développer. Voilà pourquoi son gouvernement a approuvé mercredi sa nouvelle politique dite « de riposte au terrorisme ».
- Selon la presse israélienne, des responsables de la Force 17 (la garde prétorienne d'Arafat), Cyril Rajoub (le responsable de la branche cisjordanienne du Service palestinien de sécurité préventive), ainsi que Marwan Barghouti (l'un des chefs du Fatah de Cisjordanie) figureraient sur la liste des personnes a « liquider » soumise à l'approbation du Premier ministre Sharon. Est-ce exact  ?
- Pour plusieurs chefs de la Force 17, c'est évident. Quant aux autres, rien n'est officiel. En fait, nous sommes entrés dans une phase d'escalade et si l'Autorité palestinienne (AP) en tant que telle n'avait jamais, jusqu'à présent, été considérée comme une cible, ce n'est plus le cas aujourd'hui : l'AP est devenue une cible. Certains de ses organes sont effectivement devenus des objectifs répertoriés par Tsahal (l'armée de l'Etat hébreu, NDLR). Des centres de la Force 17 ainsi que des sièges de services de sécurité palestiniens, entre autres. Ceux-là seront détruits dans les semaines, voire dans les jours à venir.
- Ariel Sharon croit-il vraiment que cela suffira à empêcher d'autres attentats  ?
- Certainement pas et ce n'est d'ailleurs pas non plus ce que pensent les spécialistes du renseignement, qui s'attendent plutôt à une aggravation de la situation. A un certain moment, celle-ci deviendra tellement intolérable qu'Arafat et son entourage se transformeront alors également en cibles potentielles. Je ne partage pas l'opinion couramment répandue en Israël selon laquelle Arafat serait le « responsable de tout » car de nombreux éléments extérieurs comme le Hamas ou le Djihad islamique ont une responsabilité dans les attentats de ces derniers jours.
En outre, ces mouvements - y compris le Fatah (le parti d'Arafat, NDLR) - sont divisés en courants antagonistes. Il y a des branches dites « de l'intérieur » (des territoires palestiniens, NDLR) et d'autres, dites « de l'extérieur », dont les politiques divergent. Il est donc difficile d'accuser Arafat de tous les maux même si la majorité des Israéliens ne s'en privent pas.
 - « La majorité des Israéliens veulent un mur devant les territoires » Le bouclage hermétique des territoires palestiniens ne contribue-t-il pas plus que le reste à la recrudescence du terrorisme ?
- La majorité des Israéliens ne le pensent pas. Ils croient, au contraire, que le bouclage est nécessaire. Ils estiment aussi que le moment est venu de couper définitivement les ponts avec les territoires palestiniens et de construire un mur entre Israël et les territoires. Ce qui signifie que les ouvriers palestiniens ne pourront plus venir travailler en Israël et qu'ils devront se débrouiller sans nous comme nous devrons apprendre à vivre sans eux.
- Cette solution est-elle réaliste ? Est-elle simplement réalisable ?
- C'est en tout cas vers cela que nous nous dirigeons.
Bien sûr, dans l'immédiat, l'escalade en cours entraînera la multiplication de nos opérations militaires dans les territoires, y compris dans les « zones A » sous contrôle intégral de l'Autorité Palestinienne.
Dans ce cadre, nous n'entrerons sans doute pas dans les villes palestiniennes mais nous conquérrons temporairement une colline ici ou une route là-bas. En revanche, à terme, lorsque la situation se sera calmée, nous finirons par évacuer les colonies et par nous séparer unilatéralement des Palestiniens. C'est inéductable. Je sais que cette situation est difficile à comprendre à partir de la Belgique mais si on commettait trois attentats-suicide par jour dans les rues de Bruxelles, votre vision ne serait pas très différente de la nôtre.
- La thèse du cabinet Sharon selon laquelle Arafat donnerait les ordres aux poseurs de bombes vous semble-t-elle crédible ?
- Arafat a perdu beaucoup de son pouvoir et de son influence. Avant l'intifada, il était à la fois un symbole et un dirigeant. Maintenant, il est juste un symbole. Pour ce que j'en sais, il dirige encore la Force 17, mais paradoxalement, les soldats d'élite ne lui demandent pas son autorisation pour passer à l'action contre Israël. Disons que sur le papier, Arafat dirige encore effectivement l'AP et que s'il le voulait vraiment, il pourrait, au terme de quelques palabres, arrêter ceux de ses hommes qui commettent des attentats. Mais en réalité, beaucoup d'éléments armés palestiniens se passent de son avis. En outre, il n'a quasiment aucune influence sur le Hamas et sur le Djihad islamique dont les activistes impliqués dans les attentats de ces derniers jours ont pourtant été libérés des prisons palestiniennes avec son approbation.
                   
6. Forte participation attendue à la commémoration de la Journée de la Terre, aujourd'hui, dans un climat tendu par Ori Nir
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du vendredi 30 mars 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Le vingt-cinquième anniversaire des Journées de la Terre des Arabes israéliens, au cours desquelles six manifestants protestant contre les expropriations avaient été tués, sera célébré, aujourd'hui, dans un contexte très tendu, créé par les émeutes sanglantes du mois d'octobre dernier et l'intifada, qui poursuit son cours dans les territoires occupés. Tandis que des dirigeants de la communauté arabe (d'Israël), qui se disent prêts à tout faire pour prévenir toute explosion de violence, semblent s'attendre à ce que les manifestations se déroulent sans heurts, les mêmes avertissent que toute tentative d'intervention policière pourrait donner lieu à des débordements incontrôlables.
Les responsable du Comité Supérieur Arabe de Surveillance Nationale, fédération-parapluie non partisane des dirigeants de la communauté arabe, ont appelé cette dernière à "conserver une approche digne à la manifestation" et d'"éviter de se laisser entraîner à des provocations par la police-si tant est qu'elle soit présente".
Les leaders, aux niveaux tant national que local, ont eu des rencontres, au cours de la semaine écoulée, avec des commandants des forces de police, le Premier ministre Ariel Sharon et le Ministre de la sécurité publique, Uzi Landau, afin de trouver un moyen d'assurer un "désengagement des forces en présence" entre manifestants et forces de police en cas de nécessité.
Au cours d'une réunion avec le Chef de la Police, Shlomo Aharonishki, les leaders arabes ont demandé qu'en cas de frictions entre les manifestants et la police, on leur laisse la possibilité de dialoguer avec les manifestants, sans violence policière. Parmi d'autres responsables, ceux de Sakhnin ont rencontré le nouveau chef de la police du commissariat de Misgav, tout proche, et à les entendre, ce dernier a indiqué qu'il était prêt à maintenir ses forces hors de la ville lors du meeting central de commémoration de ja  Journée de la Terre, prévu cet après-midi.
Une grève générale a été décrétée dans tout le secteur arabe. Les citoyens arabes n'iront pas au travail, maintiendront fermées échoppes et entreprises, les enfants ne seront pas admis à l'école (bien qu'il n'y ait jamais classe, le vendredi, en temps ordinaire, pour la communauté arabe). La grève générale doit permettre à un maximum de personnes de prendre part aux défilés et aux rassemblements planifiés - et des leaders politiques de la communauté disent qu'elle permettra de mieux contrôler les événements, en réduisant au minimum les risques de débordements.
Les principales manifestations marquant la journée :
- un grand rassemblement à Sakhnin, dans l'ouest de la Galilée, auquel participeront des responsables locaux et des Arabes venus de tout Israël. Des Juifs y participeront aussi pour marquer leur solidarité, avec La Paix Maintenant, parmi les mouvements inscrits. Ce rassemblement est prévu devant le collège commun aux localités de Sakhnin et de Arabé, où aboutiront deux cortèges qui quitteront simultanément le centre des deux villages voisins. L'endroit a été choisi en commémoration de trois victimes tombées là, le 30 mars 1976. Le principal monument érigé à la mémoire des victimes de la première Journée de la Terre se trouve à cet endroit.
- une marche et un rassemblement à Kfar Kana, près de Nazareth, à dix heures du matin, environ. Un manifestant à été tué, dans cette localité, en 1976, et une plaque commémorative apposée sur une maison du village le rappelle.
- un olivier sera planté sur le territoire de la commune d'Umm al-Fahm, sur les terres d'Al-Ruha, que le ministère de la défense avait planifié de confisquer pour en faire un terrain d'entraînement pour les Forces israéliennes de défense. Après de très dures manifestations de protestation contre cette confiscation, les collectivités locales et le Ministère de la défense étaient parvenus à un accord aux termes duquel les paysans étaient autorisés à poursuivre l'exploitation de ces terrains.
- un olivier sera planté dans chacun des villages non-reconnus, ainsi que des panneaux indicateurs.
Plusieurs villages ont prévu de tenir leurs propres rassemblements pour célébrer cette Journée.
Dans la communauté arabe prévaut l'impression que, cette année, la Journée de la Terre connaîtra un hausse dans le ton, due aux événements des six mois écoulés, dans les territoires, certes, mais surtout à l'émeute du mois d'octobre dernier, qui s'est achevée sur un bilan de treize manifestants arabes abattus par la police israélienne. Ce ne sont pas moins de quatre-vingt trois pour cent, environ, des personnalités d'opinion, tels que les journalistes, les enseignants, les leaders politiques et autres, dans la communauté arabe, qui s'attendent à une escalade dans les activités, mais pas nécessairement à des violences, d'après une étude réalisée par Marktest-Mideast, un institut de sondages spécialisé dans l'étude de la communauté arabe d'Israël.
Des experts qui suivent le développement de la commémoration de la Journée de la Terre depuis 1976 pensent que la manifestation de cette année pourrait représenter un test pour les personnalités d'un certain âge, plutôt traditionnelles, tandis que la nouvelle génération cherche à dynamiser le discours.
La tension entre les deux générations ne trouvera pas nécessairement sa traduction dans une expression violente, mais plutôt dans une sorte d'émulation dans les manières dont chacun des deux groupes tentent d'influer sur l'organisation des manifestations. Les leaders plus âgés, et reconnus, auraient désiré la tenue d'un unique rassemblement comme clou de l'ensemble de la journée, de manière à réduire au maximum les risques d'affrontements avec la police et à contrôler les événements.
La nouvelle génération, en grande partie universitaire et engagée dans la société civile au travers du bénévolat dans des ONG, aurait préféré des activités plus enracinées dans les réalités locales, réparties dans l'ensemble de la communauté arabe, tant en Galilée que dans le Sud. Leur succès se mesurera aujourd'hui au nombre de manifestations spontanées se produisant dans les différentes localités de Galilée et du Néguev, sortant de la routine des célébrations traditionnelles.
Certains experts pensent que, cette année, la Journée de la Terre, qui se produit au lendemain de l'émeute d'octobre 2000 et du boycott massif des élections, représentera une étape majeure vers l'union d'une communauté (arabe) trop longtemps divisée entre différentes appartenances idéologiques, économiques et partisanes.
Le principal apport de la célébration de la Journée de la Terre, dit Sarah Ossetzky-Lazar, du Centre pour la Paix Givat Haviva, c'est "qu'il s'est, depuis toujours, agi d'une journée de consensus, de la seule célébration civique, fériée, pour les Arabes d'Israël. Il s'agit là de leur principale contribution, fondamentale, au concept plus général de l'identité palestinienne".
                    
7. Sharon : "Finie la retenue !" par Michel Muller
in L'Humanité du vendredi 30 mars 2001

Les bombardements israéliens de mercredi soir seront suivis d'autres.
Constitué mercredi, un triumvirat composé du premier ministre Sharon et des ministres Shimon Peres et Benjamin Ben Eliezer s'est donné tous les pouvoirs pour la répression du soulèvement palestinien.
" L'époque de la retenue est terminée ", a proclamé le premier ministre israélien, Ariel Sharon, mercredi soir au moment même où ses hélicoptères, ses chars et même sa marine bombardaient la bande de Gaza et Ramallah en Cisjordanie.
Les bombardements israéliens ont officiellement visé la garde rapprochée du président palestinien Yasser Arafat, la " Force 17 ", selon l'armée. Mais la résidence personnelle de Yasser Arafat a également été frappée par un missile. Les bombardements ont provoqué la mort d'un garde et d'une femme de trente ans frappée d'une balle de mitrailleuse lourde en pleine rue à Ramallah. Soixante autres personnes ont été blessées. Les frappes, qui ont duré une vingtaine de minutes, ont déclenché de très nombreux incendies et la panique de la population. L'attaque la plus spectaculaire a été celle d'un dépôt de carburant à Gaza à quelques centaines de mètres des bureaux de Yasser Arafat, qui a provoqué une série d'énormes explosions. · Ramallah, le quartier général local de la Force 17 a été carbonisé.
La logique qui sous-tend ces bombardements, qualifiés de représailles contre les attentats du début de la semaine, est particulièrement inquiétante. Sharon, les travaillistes Shimon Peres, chef de la diplomatie et Benjamin Ben Eliezer, ministre de la Défense, qui se sont accordé un blanc-seing, ont décidé, mercredi, d'intensifier la guerre qu'ils ont lancée contre les Palestiniens. Le triumvirat israélien a annoncé, mercredi soir, que les nouvelles agressions projetées ne seront " pas seulement de ripostes à des attentats palestiniens, mais des actions offensives ponctuelles ". Il est de plus en plus clair que pour ces dirigeants israéliens, il s'agit de s'attaquer directement à l'Autorité palestinienne et à Yasser Arafat et, dans le même temps, de lancer un processus de réoccupation rampante des territoires palestiniens autonomes. " Nous n'avons pas l'intention de tuer les chefs des Palestiniens, mais il est parfois nécessaire d'empêcher des attentats ", a assuré le ministre israélien des Affaires étrangères, Shimon Peres. Ce qui équivaut à une menace non déguisée : Sharon a répété mercredi soir que le dirigeant palestinien était " resté un terroriste ". Et le ministre de la Défense, Ben Eliezer, a confirmé : " Les raids sont un message adressé à Yasser Arafat afin qu'il comprenne que notre patience est à bout. "
Une rhétorique particulièrement perverse qui ne fera qu'encourager les opérations suicides palestiniennes individuelles ou les attentats initiées par des organisations extrémistes palestiniennes échappant au contrôle des forces de police régulières de l'autorité palestinienne, paralysées par la répression israélienne et le bouclage des villes et villages palestiniens.
Hier, deux adolescents (quinze et dix-huit ans) qui lançaient des pierres contre des militaires israéliens ont été tués d'une balle dans le cour au point de passage d'Erez, dans la bande de Gaza. L'armée a affirmé que ses soldats ne faisaient " que se défendre " et avaient " tiré uniquement dans les jambes " des enfants... un policier palestinien a été par ailleurs abattu.
C'est à Hebron - où le tireur isolé qui avait tué en début de semaine un enfant de colon âgé de dix mois, a été arrêté par les policiers palestiniens - que la tension est la plus grave. Les habitants de la colonie juive - une enclave israélienne de quelque 400 personnes située au centre de cette ville palestinienne de 120 000 habitants - affirment vouloir attendre que l'armée aille à la reconquête du quartier palestinien d'Abou Sneineh qui surplombe la colonie. L'armée semble vouloir aller dans cette direction, puisqu'hier encore les chars israéliens ont tiré sur ce quartier dont les habitants ont été chassés.
De retour d'Amman hier matin à Ramallah, le président palestinien a indiqué que l'agression israélienne constituait " le début du plan de cent jours " de Sharon contre les Palestiniens. " Le peuple palestinien continuera avec force et détermination son soulèvement jusqu'à ce que le drapeau palestinien soit hissé sur les murailles, les mosquées et les églises de Jérusalem, capitale du futur Etat palestinien, que cela plaise ou non ", a-t-il rappelé.
            
8. Interview de Fayçal Husseini : "Pas de retour à la case départ" propos recueillis par Mirna Bassil
in Le Magazine (hebdomadaire libanais) du vendredi 30 mars 2001

A Beyrouth la semaine dernière pour participer au congrès de l'Union des avocats arabes, le responsable palestinien chargé du dossier de Jérusalem, Fayçal Husseini, a accordé une interview à Magazine. «Négocier avec Sharon est possible à condition que les négociations soient reprises là où elles s'étaient arrêtées», déclare-t-il.
- Attendez-vous encore quelque chose des pays arabes six mois après le début de l'intifada ?
- Nous souhaitons le soutien de tous les pays arabes qui se traduirait par la rupture des relations diplomatiques avec Israël. Ceci ne devrait pas être difficile en ce moment surtout que le Premier ministre israélien Ariel Sharon a entamé la construction d'une nouvelle colonie de peuplement dans le Golan occupé. D'autre part, Sharon revient au refrain que la Jordanie est palestinienne, ce qui constitue une menace directe au régime hachémite. Pour toutes ces raisons, les pays arabes devraient se ranger derrière la position palestinienne. De plus, la rue arabe exige de ses gouvernements une telle attitude. Adopter une position intransigeante à l'égard d'Israël aboutira à l'échec du gouvernement de Sharon.
- Les Palestiniens veulent-ils faire la paix aujourd'hui ?
- Le peuple palestinien veut la paix mais pas la reddition. Dans le premier cas, les deux parties sont égales dans leur droit et la relation entre elles est régie par la loi. Dans le deuxième, une des deux parties considère détenir tous les droits et la relation est alors dominée par la logique de la force.
- Vos partenaires d'Oslo sont-ils prêts à faire la paix ?
- Le peuple israélien, dans son for intérieur, veut la paix comme n'importe quel autre peuple au monde. Mais certains responsables politiques israéliens veulent réaliser leurs rêves. Ils croient que grâce à la supériorité militaire de leur pays ils pourront imposer leurs visions politiques. De ce fait résultent, en réalité, un chaos complet dans la rue israélienne et une inquiétude sur la situation politique en Israël. C'est un terrain fertile pour le développement de l'extrémisme sur l'échiquier politique israélien.
- Etes-vous prêt à négocier avec Sharon et est-ce possible d'arriver à un arrangement avec lui ?
- Négocier avec Sharon est possible à condition que les négociations soient reprises là où elles s'étaient arrêtées avec l'ancien Premier ministre israélien Ehud Barak. Impossible de retourner à la case départ. Les négociations sont possibles surtout que le dossier de Jérusalem n'est plus un tabou. Il a été abordé lors du sommet de Camp David II, en août dernier.
- Quelle est votre solution pour la Ville sainte ?
- Qu'Israël admette que les frontières entre Jérusalem-Est et Jérusalem-Ouest sont bien celles du 4 juin 1967. C'est seulement dans ce cas que les Palestiniens admettront à leur tour des frontières ouvertes divisant la Ville sainte en deux capitales. L'une, Jérusalem-Est, serait sous souveraineté palestinienne; l'autre, Jérusalem-Ouest, serait sous souveraineté israélienne. Ensuite, il serait temps de se retrouver autour d'une table pour parler des problèmes qui pourraient résulter d'un tel accord comme, par exemple, les visites des Lieux saints juifs dans la partie est et des Lieux saints chrétiens et musulmans dans le quartier ouest. Le dossier de Jérusalem n'est pas une affaire palestinienne; il concerne aussi tous les musulmans et les chrétiens.
- Ce qui a déclenché l'intifada, c'est la visite de Sharon sur l'esplanade des Mosquées. N'était-ce pas justement pour démontrer l'indivisibilité de Jérusalem ?
- Au contraire. La visite de Sharon sur l'esplanade des Mosquées a consacré la divisibilité de la Ville sainte. A tel point que de nombreux Israéliens ont commencé, dès ce moment-là, à parler non pas de deux capitales dont les frontières seraient ouvertes, mais de deux capitales complètement séparées l'une de l'autre.
- Sharon réclame l'arrêt de la violence dans les territoires. La présidence palestinienne a-t-elle le pouvoir d'arrêter ces violences ?
- Un bulldozer qui détruit une maison, c'est de la violence. Un bulldozer qui perce une route sur une terre réquisitionnée, cela s'appelle aussi de la violence. La violence n'est pas seulement militaire; elle est aussi politique.
- Et la question des réfugiés palestiniens ?
- Il régnait une panique en Israël quand le dossier du droit au retour des réfugiés palestiniens a été évoqué. Les Israéliens craignaient un retour en masse des Palestiniens. Aujourd'hui, on a réussi à transformer la panique en une simple peur. Ça promet.
          
9. Sous les bombes à Ramallah par Baudoin Loos
in Le Soir (quotidien belge) du jeudi 29 mars 2001
Maha, notre guide, membre d'une ONG palestinienne, avait insisté : ses parents allaient- nous recevoir en cette fin de journée et offrir le thé. Réunie devant le téléviseur, la famille venait d'assister dans un silence pesant au journal en arabe de la télévision israélienne relatant les attentats palestiniens du jour quand, peu après, une terrible explosion retentit, comme si elle s'était produite là, à quelques pas de l'immeuble. En un éclair, toute la ville se retrouva dans le noir.
Les cris des enfants apeurés avaient à peine éclaté que d'autres explosions, moins puissantes, déchiraient la nuit. De la fenêtre, on distinguait clairement l'impact des roquettes tirées à partir de deux hélicoptères, des Apache : nous n'étions qu'à quelques centaines de mètres des bâtiments visés.
C'est un casernement de la " Force 17 " (la garde personnelle d'Arafat) s'écria quelqu'un. Une accalmie se rompit brutalement par une nouvelle série d'explosions. Ils se vengent, dit le père de notre guide, tout en grondant sa cadette qui s'approchait de la fenêtre.
Les habitants mâles de l'immeuble se retrouvèrent devant l'entrée, comme pour mieux sentir le danger. De hautes flammes signalaient un incendie sur le site visé. Un voisin, membre des forces de sécurité, expliquait à qui voulait l'entendre que toutes les cibles potentielles avaient été évacuées. Une radio à piles promptement allumée donnait les premières informations sur une chaîne palestinienne : au même moment, l'armée israélienne avait frappé à Gaza, à KHan Younès, à El Bireh et à Ramallah.
Après environ une demi-heure, le calme sembla revenir. Une grand-mère surgie d'un autre étage nous apostropha d'un ton peu amène : Dommage que je ne connais pas un mot d'anglais, car je vous aurais fait comprendre ce que je pense du soutien de l'Occident à Israël. Avec prudence, nous nous fîmes- l'avocat de ce qui est bien ici ressenti comme le diable et évoquâmes la vague actuelle d'attentats, une audace vite regrettée : Mais Monsieur, qui nous occupe, nous vole, confisque nos terres, notre eau, nous enferme dans des prisons à ciel ouvert ?
Yehya, notre chauffeur, nous proposa opportunément de rentrer à Jérusalem, un court trajet qu'il effectuera sans phares. Mais la nuit était claire. Et le ciel magnifique, avec des centaines d'étoiles et un croissant de lune majestueux. Quel beau pays, non ?, nous dit-il dans un frisson.
             
10. Paris critique les raids israéliens contre des localités palestiniennes
in Le Soir (quotidien belge) du jeudi 29 mars 2001
La France a critiqué jeudi les raids israéliens de la veille contre les localités palestiniennes de Ramallah et dans la bande de Gaza, estimant qu'ils ne contribueront certainement pas à l'apaisement des tensions.
La reprise des bombardements contre des localités palestiniennes ne contribuera certainement pas à l'apaisement des tensions et à la nécessaire recherche d'une solution politique, a déclaré le porte-parole adjoint du quai d'Orsay Bernard Valéro. L'urgence est à la désescalade et à la reprise du dialogue pour mettre un terme aux souffrances des populations de la région, a-t-il ajouté.
Les raids d'hélicoptères israéliens mercredi soir sur Ramallah (Cisjordanie) et la bande de Gaza, qui visaient des positions de la Force-17, la garde personnelle du président de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat, ont fait deux morts, et plus de 60 blessés.
Ces raids ont été lancés après trois attentats palestiniens, dont deux revendiqués par des mouvements islamistes, en 24 heures en Israël, qui avaient coûté la vie à deux lycéens et blessé au total près de 40 Israéliens. Deux autres avaient été déjoués. Mercredi, le quai d'Orsay avait condamné la succession d'attentats en Israël et dans les Territoires palestiniens, et avait appelé les deux parties à tout faire pour enrayer le cycle de la violence et à ne pas céder à la tentation du pire.
                     
11. Un nouveau langage de paix pour le Proche-Orient par John V. Whibeck (avocat international)
in Le Soir (quotidien belge) du jeudi 29 mars 2001
Les mots que l'on emploie peuvent souvent, de manière inconsciente, avoir un impact décisif sur les pensées et les attitudes de ceux qui écrivent et parlent, comme sur ceux qui écoutent et lisent. Une terminologie induisant dangereusement à l'erreur demeure ainsi un obstacle véritable à toute paix entre Israël et la Palestine.
Il est habituel de voir les parties d'un conflit utiliser une terminologie qui favorise leur propre point de vue. A cet égard, Israël a réussi à imposer son propre vocabulaire de manière spectaculaire, non seulement auprès de la population israélienne et dans les usages américains, mais aussi, de manière encore plus étonnante, auprès d'une partie des commentateurs arabes. De façon évidente, des termes comme « terrorisme », « sécurité », « Eretz Israël » ou « Judée et Samarie » se sont incrustés dans le vocabulaire.
De manière subtile, cette manipulation linguistique s'étend pourtant encore plus loin et elle finit par avoir un impact négatif profond sur la perception des questions les plus substantielles.
Il est souvent question, par exemple, de « concessions » demandées à ou proposées par Israël. Ce mot suppose cependant l'abandon d'un droit ou d'une prise de position légitime. En réalité, c'est Israël qui demande de nombreuses concessions à la Palestine, et non le contraire. Ce que la Palestine recherche, c'est la « mise en conformité » avec des accords déjà signés, avec le droit international, avec les résolutions des Nations unies, rien de moins, rien de plus. La mise en conformité n'est pas une concession. C'est une obligation légale et morale. Pour l'Irak, toute autre solution que la mise en conformité totale équivaut à un « défi », du moins dans l'esprit des Etats-Unis. (...)
La manipulation du langage a un impact négatif profond sur la perception des questions substantielles
Nonobstant l'acceptation certes longuement retardée, mais totale néanmoins, de la part d'Israël des résolutions des Nations unies au sujet de ses frontières avec l'Egypte, la Jordanie ou le Liban, la majorité des Israéliens croient encore, encouragés par toute une série d'administrations américaines, que la paix avec la Palestine peut être réalisée sans une telle mise en conformité. Une telle éventualité est fort peu probable : combien de morts faudra-t-il de part et d'autre avant que la logique implacable de la « mise en conformité » remplace celle, faussement généreuse, des « concessions » ?
Les territoires palestiniens conquis par Israël en 1967 sont de même souvent décrits comme « contestés », alors qu'ils ne le sont pas du tout. Ils sont « occupés » et qui plus est, de manière illégale. Tandis que la souveraineté exercée sur la zone élargie de Jérusalem-Est demeure explicitement contestée, aucun des 192 Etats souverains qui existent dans le monde n'a d'ailleurs accepté la position israélienne sur ce point. La souveraineté de la Palestine sur la bande de Gaza et le reste de la Cisjordanie est, au sens propre comme au sens légal, incontestée.
En réalité, Israël n'a jamais prétendu annexer ces territoires. Depuis le 15 novembre 1988, lorsque l'existence de l'Etat palestinien et son indépendance ont été formellement proclamées, le seul Etat prétendant posséder la souveraineté sur les parties de la Palestine historique occupée par Israël en 1967 (à l'exception de Jérusalem-Est élargie) est en effet l'Etat de Palestine, un Etat reconnu comme tel par plus de cent autres pays.
Des commentateurs de tous bords évoquent la « cession » de territoires par Israël à la Palestine (si ce n'est « aux Palestiniens », puisqu'on refuse communément d'admettre que la Palestine existe). Ce mot laisse supposer qu'il y aurait transfert de ces territoires de la part de leur légitime propriétaire. Or, à moins qu'il ne soit question, dans un futur accord de paix, d'échanges de territoires, le principe même de « cession » de la part d'Israël ne se pose pas. Israël peut en effet se retirer des territoires occupés, ou céder le contrôle administratif de ces zones; mais pour « céder » une propriété, l'on doit dans un premier temps en être son propriétaire légitime. Israël ne peut davantage céder la souveraineté des territoires palestiniens occupés qu'un squatter ne peut céder la propriété d'un appartement qu'il occupe illégalement. En réalité, c'est Israël qui insiste pour que la Palestine cède des territoires qui lui appartiennent manifestement, et ce, sur une partie des maigres 22 % de la Palestine historique non occupée avant 1967. Est-ce bien raisonnable ? Est-ce bien une attitude qui correspond à une véritable recherche de la paix ?
L'emploi de termes induisant en erreur a été particulièrement destructeur dans le cas de Jérusalem. Depuis des années, des hommes politiques israéliens répètent, tel un mantra, la phrase « Jérusalem doit rester unie sous la souveraineté israélienne ». Dans ce climat, il est compréhensible que les Israéliens pensent que leur Etat possède la souveraineté sur Jérusalem. Tel n'est pas le cas. Il n'en possède que le contrôle administratif. Alors qu'un Etat peut obtenir le contrôle administratif d'un territoire par la force des armes, il ne peut en acquérir la souveraineté (l'équivalent, pour un Etat, de la propriété) sans l'accord de la communauté internationale.
L'emploi de termes induisant en erreur a été destructeur dans le cas de Jérusalem.
La position de la communauté internationale est claire et sans ambiguïté : Israël occupe Jérusalem-Est sur le plan militaire et n'a qu'une autorité de facto sur Jérusalem-Ouest. Le refus de la quasi-totalité des pays (y compris des Etats-Unis) de reconnaître Jérusalem-Ouest comme capitale d'Israël, qui va de pair avec le maintien de l'ensemble des ambassades (à l'exception de celles de Costa-Rica et du Salvador) à Tel-Aviv, illustre, de manière probante, le rejet par la communauté internationale de la reconnaissance d'une quelconque souveraineté d'Israël sur Jérusalem, en attendant un accord définitif sur cette ville.
En réalité, la seule manière envisageable pour Israël d'obtenir un jour une telle souveraineté serait de trouver un accord juste et équitable visant à la division ou au partage de la ville avec la Palestine, et que cet accord soit accepté par la communauté internationale.
La distinction est d'une importance fondamentale pour l'opinion publique israélienne d'un point de vue intellectuel et psychologique. Il y a en effet une différence capitale entre un dirigeant qui obtiendrait, pour la première fois en deux mille ans, une souveraineté juive sur Jérusalem, et celui qui serait perçu comme ayant sacrifié une partie d'une telle souveraineté. Cela pourrait signifier pour lui la vie ou la mort.
Un mot trop rarement utilisé dans le contexte du « processus de paix » est celui de « justice ». Pour des raisons évidentes, ce terme n'est jamais employé par les hommes politiques israéliens ou américains dans le contexte de la version de la « paix » qu'ils ont à l'esprit. Une paix véritable et durable, à la différence d'un arrêt temporaire des hostilités, est pourtant inconcevable si la justice n'est pas au rendez-vous pour les deux parties du conflit.
Il est temps pour toutes les parties concernées d'accepter ces réalités pourtant évidentes. Si un « nouveau langage de paix » peut être instauré pendant la période Sharon, les mois difficiles à venir ne seront pas perdus et une paix véritable, durable, pourra enfin être construite par la suite.
                  
12. Sharon fait fausse route par Victor Cygielman
in Le Nouvel Observateur du jeudi 29 mars 2001
Pour l'ancien ministre de la Justice d'Ehoud Barak, le gouvernement Sharon a tort de refuser le déploiement d'un corps d'observateurs de l'ONU dans les territoires occupés. Et sans une relance du processus de paix, toute coopération dans le domaine de la sécurité sera impossible. Porte-parole des colombes du Parti travailliste et artisan majeur du processus d'Oslo, Yossi Beilin a été, après la victoire d'Ariel Sharon, l'un des principaux opposants à la participation de son parti au gouvernement d'union nationale proposé par le Likoud. Choix qui l'a amené à entrer en conflit ouvert avec l'homme dont il avait été des années durant le proche collaborateur, Shimon Peres, aujourd'hui ministre des Affaires étrangères de Sharon. Devenu chef de file de l'opposition au sein du Parti travailliste, il juge sévèrement les premières décisions du nouveau gouvernement israélien.
Le Nouvel Observateur. - Au nom du gouvernement Sharon, Shimon Peres vient de se prononcer contre le déploiement d'observateurs des Nations unies dans les territoires occupés. Qu'en pensez-vous ?
Yossi Beilin. - Je ne comprends pas l'attitude du gouvernement. De toute façon, il y a déjà des observateurs internationaux sur place - les médias. Et ce que les médias montrent au monde, c'est le David palestinien face au Goliath israélien. Israël affirme que les membres de ses forces de sécurité n'ouvrent le feu qu'en cas de légitime défense. En ce cas, nous avons tout intérêt à prouver au monde que nous ne faisons que nous défendre. Et nous devrions approuver la présence d'observateurs objectifs qui circuleraient sur le terrain et rendraient compte de ce qui s'y passe. Israël a tort d'apparaître dans cette affaire comme la partie qui redoute la présence de témoins. Je vous rappelle, de toute manière, que des observateurs de l'ONU se trouvent ici depuis 1948. Ils sont déployés à Jérusalem et sur la frontière israélo-libanaise. Si le déploiement d'un nouveau groupe d'observateurs peut contribuer à rétablir le calme dans les territoires, s'y opposer est un non-sens. Les Palestiniens réclament leur présence. Souhaitons-leur la bienvenue. Nous n'avons rien à cacher.
N. O. - Est-ce bien vrai ? Le blocus instauré par le gouvernement Sharon rend quasiment impossible toute circulation libre entre les villes et les villages palestiniens. Les tirs sur les lanceurs de pierres ont fait jusqu'ici près de 370 morts palestiniens, dont un quart étaient des enfants de moins de 16 ans. Et je ne parle pas des tracasseries sans fin aux barrages militaires...
Y. Beilin. - Certaines mesures sont en effet excessives et devraient être réexaminées.
N. O. - L'un des arguments avancés par ceux qui s'opposent à la présence des observateurs est que leur déploiement sur la « ligne verte » qui sépare Israël des territoires occupés risquerait de figer le tracé de cette ligne, donc d'apparaître comme une approbation de la position des Palestiniens qui réclament le retrait d'Israël derrière cette frontière.
Y. Beilin. - Pas nécessairement. Les observateurs pourraient en réalité être déployés sur les points de tension et d'affrontement. Si, au lieu de rejeter en bloc leur présence, Israël en acceptait le principe, nous pourrions discuter des conditions de leur déploiement et de la nature de leur rôle. Je pense d'ailleurs que le moment est venu de nous débarrasser de notre méfiance à l'égard de l'ONU. Ce rejet des observateurs, cette peur du Conseil de Sécurité et d'une solution imposée remontent au temps de la guerre froide, lorsque les deux grandes puissances, les Etats-Unis d'Eisenhower et l'URSS de Boulganine, forcèrent Israël à se retirer du Sinaï après la guerre de 1956. Le monde a changé. Il faut cesser d'être parano...
N. O. - ...Même face à la candidature de la Syrie à un siège au Conseil de Sécurité de l'ONU ?
Y. Beilin. - Oui. Sur ce point aussi, je suis en désaccord avec le gouvernement Sharon. Au lieu de s'opposer par principe à la présence syrienne dans le Conseil de Sécurité des Nations unies, il me semble qu'il serait plus judicieux d'y mettre des conditions : la Syrie devrait, par exemple, s'engager à ne plus encourager la tension à la frontière israélo-libanaise et à cesser son soutien aux terroristes du Hezbollah. Ce serait dans l'intérêt d'Israël. Et si la Syrie acceptait ces conditions et respectait ses engagements, j'estime qu'il ne faudrait pas s'opposer à la présence de Damas au Conseil de Sécurité.
N. O. - Même au sein du camp de la paix, des voix affirment aujourd'hui que le processus d'Oslo doit être interrompu car, en exigeant d'Israël l'acceptation du droit au retour pour les réfugiés, les responsables palestiniens disent en clair : nous voulons la fin de l'Etat juif.
Y. Beilin. - Je ne pense pas que cette crainte soit fondée. Les accords d'Oslo, signés par Arafat et Rabin, expriment une reconnaissance mutuelle, débouchant à terme sur la naissance d'un Etat palestinien aux côtés de l'Etat israélien. Je pense que les Palestiniens, tout comme plusieurs Etats arabes d'ailleurs, se sont résignés à la présence d'Israël dans la région. Pas par conversion au sionisme ou par amour pour nous, mais par acceptation de la réalité, des faits. C'est vrai, dans les manuels scolaires palestiniens, il n'y a pas un mot sur Israël, pas une seule carte d'Israël. Il en va de même pour les manuels scolaires égyptiens et jordaniens. Cela veut dire que la paix entre Israël et ces deux pays arabes n'existe pas, qu'elle n'est pas une réalité concrète, inscrite dans les faits.
Je regrette la façon dont Israël est présenté dans les écoles arabes, je pense qu'il faut travailler pour que cela change. Mais ce n'est pas nouveau. Le combat mené par les sionistes pour faire reconnaître par les pays arabes le droit à l'existence d'Israël a commencé il y a longtemps. Cela ne veut pas dire que nous devons mettre un terme à nos efforts pour atteindre la paix. Et cela même si nous rejetons telle ou telle demande palestinienne que nous jugeons inacceptable. Je pense d'ailleurs que les dirigeants palestiniens comprennent fort bien que nous ne pouvons accepter des revendications - telles que le droit au retour des réfugiés - dont l'application bouleverserait l'équilibre démographique d'Israël, menaçant la survie de l'Etat juif. Survie qui dépend du maintien d'une majorité juive, aujourd'hui comme demain.
N. O. - Les dirigeants palestiniens le comprennent peut-être, mais le peuple palestinien est-il prêt à l'accepter ?
Y. Beilin. - Je le pense. Les Palestiniens le savent : s'ils persistent à revendiquer le droit au retour des réfugiés en territoire israélien, c'est comme s'ils disaient : il n'y aura jamais de paix ici.
N. O. - Certains dirigeants palestiniens estiment que l'article du futur accord de paix traitant du problème des réfugiés devrait avoir deux paragraphes : le premier affirmant qu'Israël reconnaît le droit des réfugiés à choisir entre le retour et la compensation financière ; le second indiquant que l'application pratique de ce droit doit être mise au point au cours de négociations entre l'Etat d'Israël et le futur Etat palestinien...
Y. Beilin. - Beaucoup de formules peuvent être discutées. Aux pourparlers de Taba [en janvier, interrompus par les élections israéliennes qui ont vu Sharon triompher de Barak], nous étions à deux doigts d'une solution acceptable pour les deux parties.
N. O. - Réellement ?
Y. Beilin. - S'il n'était resté à l'ordre du jour qu'une seule question, celle des réfugiés, cela n'aurait pas retardé la conclusion d'un accord de paix à Taba. Je l'affirme en connaissance de cause (1).
N. O. - Sharon affirme que George Bush a approuvé sa formule : « Aussi longtemps qu'on tire, on ne discute pas. » Comment dans ces conditions mettre fin aux affrontements palestino-israéliens et relancer le processus de paix ?
Y. Beilin. - Sharon dit en effet que Bush est d'accord. Mais la position qui consiste à ne pas négocier sous le feu empêche en fait tout accord éventuel, même dans le domaine de la sécurité.
N. O. - Qu'entendez-vous par là ?
Y. Beilin. - Sharon s'imagine qu'il peut obtenir la reprise de la coopération israélo-palestinienne pour rétablir le calme et la sécurité. Il se trompe. Sans une relance du processus de paix, une coopération dans le domaine de la sécurité sera impossible. L'absence de tout espoir politique et la détresse socio-économique dans laquelle vivent aujourd'hui les Palestiniens ne peuvent qu'entretenir et renforcer la violence. Même si les dirigeants palestiniens décident d'ordonner l'arrêt des violences, ils auront du mal à se faire obéir sur le terrain. Car, pour atteindre cet objectif, il faut créer un nouveau climat, c'est-à-dire rouvrir les négociations et, parallèlement, travailler ensemble à un apaisement sur le terrain. Cette stratégie peut réduire la tension actuelle en quelques semaines.
Mais si Sharon persiste à vouloir appliquer sa formule, il va au-devant d'un échec certain. Pis : en agissant ainsi, il accorde au dernier des terroristes un droit de veto sur la poursuite de toute négociation. Même la droite israélienne ne veut pas de cela. Je me rappelle que la France a longtemps refusé de discuter avec le FLN pendant l'insurrection algérienne, mais que de Gaulle a fini par engager des négociations avec lui malgré la poursuite des combats meurtriers.
N. O. - Le gouvernement Sharon multiplie, depuis sa prise de fonctions, les accusations contre l'Autorité palestinienne, tenue pour responsable des actes de terrorisme. Ces accusations vous semblent-elles fondées ?
Y. Beilin. - Il y a, selon moi, une différence entre les attentats déclenchés par des groupes terroristes et les violences organisées par l'Autorité palestinienne. Israël a signé des accords avec l'Autorité d'Arafat, des villes et des villages ont été rendus aux Palestiniens, des procédures de travail commun ont été établies. Si nous devions arriver à la conclusion que l'Autorité est impliquée, même indirectement, dans les violences anti-israéliennes, qu'elle est devenue une « entité terroriste », il faudrait arrêter tout contact avec les représentants d'Arafat. Ces messieurs devraient plier bagages et repartir pour Tunis. Mais ce n'est pas le cas. Il faut donc relancer au plus vite la négociation.
[1). Yossi Beilin appartenait à la délégation israélienne à Taba, qui comprenait également Amnon Lipkin-Shahak et Gilad Sher.]
                    
13. Quand la violence ne paie plus par Victor Cygielman
in Le Nouvel Observateur du jeudi 29 mars 2001
Les dirigeants palestiniens changent de stratégie
Pourquoi Marwan Barghouti, l’un des principaux chefs des Tanzim (milices armées du Fatah) en Cisjordanie, préconise-t-il soudain le recours à une « lutte populaire, non-violente » ? D’abord parce que la « lutte armée contre l’occupant », c’est-à-dire les tirs sporadiques sur des véhicules ou des quartiers d’habitation israéliens, n’a pas eu les résultats escomptés. Certes, la riposte des autorités israéliennes, souvent outrancière, a reflété leur nervosité, leur exaspération. Mais si les dirigeants palestiniens imaginaient que ce harcèlement, ajouté aux pressions internationales, conduirait Israël à évacuer unilatéralement les territoires occupés (comme il l’a fait au Liban), ils savent maintenant qu’il se sont trompés. Car jusqu’ici tout cela n’a abouti qu’à resserrer les rangs des Israéliens autour de leur nouveau gouvernement, sans faire pour autant avancer la cause palestinienne auprès de l’opinion internationale.
D’autre part, la population palestinienne s’est amèrement plainte des lourdes représailles israéliennes qu’elle subit. Et ici ou là, les habitants palestiniens de certains quartiers menacés ont eux-mêmes chassé les tireurs embusqués dans les cours de leurs maisons. Si bien que Yasser Arafat avait déjà dû interdire toute action armée déclenchée à partir des territoires placés sous le contrôle de l’Autorité palestinienne.
Les leaders du Fatah estiment que cette nouvelle stratégie non-violente, mise au point avec Arafat, portera vite ses fruits : « Je ne vois pas comment Sharon pourra envoyer des tanks et ordonner d’ouvrir le feu sur des défilés pacifiques composés de milliers d’étudiants, de femmes, d’ouvriers, d’infirmiers », a affirmé Marwan Barghouti dans un entretien à l’agence Reuter. Plusieurs de ces marches pacifiques se sont déjà déroulées en Cisjordanie occupée, où l’armée israélienne a cependant répliqué par des tirs de grenades lacrymogènes, puis de balles métalliques recouvertes de caoutchouc. Et parmi les blessés, on trouve désormais de nombreuses femmes, dont deux sérieusement touchées.
Pour l’instant, du côté israélien, on demeure sceptique en constatant que si les incidents armés ont diminué en Cisjordanie, ils n’ont pas disparu, surtout à Gaza. Les instructions d’Arafat - et de Barghouti - sont-elles ignorées par la base ? Ou Arafat joue-t-il, « une fois de plus sur les deux tableaux », comme on le répète au ministère israélien de la Défense ?
            
14. Walker : Washington se tiendra à l'écart des négociations par Jonathan Right
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du vendredi 23 mars 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]

Un haut responsable américain a déclaré que les Etats-Unis se tiendront à l'écart des négociations de paix entre Israël et les Palestiniens, se limitant à apporter leur aide, leur soutien et leurs encouragements.
Edward Walker, vice-ministre des Affaires Etrangères chargé du Proche-Orient a informé l'Institut Washington que "lorsqu'il s'agit des négociations, ce n'est pas nous qui négocions". Il a ajouté : "nous soutiendrons, nous aiderons, nous encouragerons. Nous proposerons, bien entendu, nos bons services si nécessaire, mais les négociations proprement dites ne peuvent se dérouler qu'entre les parties concernées".
Il a indiqué également que les Etats-Unis ne proposeront pas non plus de cadre de travail à de quelconques négociations et qu'ils n'en fixeront pas les objectifs. Les commentaires de Walker renforcent l'impression régnante qui veut que le gouvernement du Président américain George Bush ne marchera pas dans les brisées de son prédécesseur Bill Clinton, qui participait activement aux négociations entre Israël et les Palestiniens.
Mais Walker a également indiqué que le gouvernement du Président Bush ne se désintéressait nullement du Moyen-Orient. Il a ajouté : "en ce qui concerne ce gouvernement, que d'aucuns ont accusé de vouloir se retirer du Moyen-Orient et de la résolution de ce conflit, je peux vous dire qu'il s'agit là de la dernière chose envisageable". Le président George Bush, après ses conversations avec le premier ministre israélien, Ariel Sharon, mardi dernier, a indiqué "lui avoir dit que notre pays ne tentera pas d'imposer la paix, et que nous allons faciliter le processus de paix et nous employer à aider ceux qui y participent".
Le Secrétaire d'Etat Colin Powell, a déclaré, lundi dernier : "Les Etats-Unis sont prêts à apporter une aide, mais pas à houspiller".
Un haut responsable américain, qui a demandé à conserver l'anonymat, a renforcé l'impression que les Etats-Unis ne veulent plus être engagés dans la région comme par le passé, lorsqu'il a dit que les Israéliens et les Palestiniens étaient seuls juges lorsqu'il s'agit de décider si les mesures unilatérales de la partie adverse sont agressives ou non. Il a indiqué qu'il "ne prendrait aucune position d'où défier telle ou telle partie au sujet d'actions données... S'il y a une chose que l'administration américaine ne veut plus faire, c'est bien servir de balle de ping-pong entre les deux parties".
Mais ce même responsable a ajouté qu'il est une forme d'action unilatérale, nommément la construction de nouvelles colonies en Cisjordanie, qui ne pourra qu'avoir des résultats négatifs, en suscitant les doutes des Palestiniens sur l'engagement d'Israël à oeuvrer dans le sens de la paix.
Il a ajouté : "nous appellerons un chat : un chat", faisant allusion à la critique américaine visant la construction de plus de deux mille unités d'habitation dans la colonie de Har Homa, dans les faubourgs de Jérusalem-Est. Il a donné des éclaircissements sur la promesse faite par le gouvernement américain de suivre une méthode adaptée à la région du Moyen-Orient, prenant en compte le lien, évoqué de plus en plus souvent, que les Arabes établissent entre les actions imposées par les Nations Unies à l'Irak et l'aide que les Etats-Unis apportent à Israël.
"Nous devons nous préoccuper de plus en plus de l'opinion prévalant dans pratiquement toute la région. Quelle est son importance ? Les gens ont-ils l'impression que la politique américaine est hostile aux Arabes ? Comment cela peut-il exercer une influence sur notre capacité à contribuer à l'établissement d'une atmosphère nouvelle ?". Un autre responsable américain a dit que le gouvernement Bush n'écartait pas la possibilité de jouer un rôle de médiateur dans les négociations entre Israéliens et Palestiniens, voire même de participer à des négociations tripartites.
Ce responsable a ajouté que ce que l'administration Bush veut éviter, c'est de se charger du rôle que tenaient le président précédent, Bill Clinton et son Secrétaire d'Etat, Madeleine Albright, comme principal canal pour l'échange des positions de négociation entre les Israéliens et les Palestiniens.
Il a ajouté qu'il y avait un unique changement réel dans la politique des Etats-Unis, qui est le fait que la CIA n'occupera plus la place prépondérante qui était la sienne dans les négociations en matière de coopération sécuritaire au Moyen-Orient. Les représentants de la CIA avaient en effet, leur place assignée à la table des négociations, durant la présidence de Bill Clinton, et ils jouaient, généralement, le rôle d'arbitres tranchant les dissensions.
                  
15. Sharon : l'Amérique partage notre point de vue sur la violence. Nous allons développer nos relations avec l'Egypte - Que la Syrie cesse de faire passer des armes au Liban, "centre international du terrorisme"
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du vendredi 23 mars 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]

Ariel Sharon a déclaré, hier jeudi, après sa visite aux Etats-Unis, que Washington soutient sa position refusant la capitulation face à la "violence et au terrorisme" palestiniens.
Sharon a déclaré à la Radio de l'Armée (israélienne), au cours d'une interview réalisée à bord de l'avion le ramenant en Israël, "qu'il y avait un accord général et une grande compréhension américaine pour l'impossibilité que nous capitulions devant la violence et le terrorisme".
Renouvelant son refus de reprendre les négociations de paix avec les Palestiniens tant que l'intifada se poursuivrait contre l'occupation israélienne, Sharon a déclaré : "pas de négociations sous la menace de la violence et du terrorisme".
Les Etats-Unis n'ont pas commenté les déclarations de Sharon sur le vif. Le premier ministre israélien avait eu des conversations avec le Président américain, George Bush, au cours de sa visite, ainsi qu'avec Kofi Anan, secrétaire général de l'ONU.
Avant-hier, Sharon a dit aux responsables des organisations juives américaines, à New York qu'Arafat " est retourné au terrorisme", le qualifiant de principal obstacle à la paix.
Au cours de plusieurs interviews avec des chaînes de télévision américaines, Sharon a mis en garde ses interlocuteurs contre le fait qu'envoyer une invitation officielle à Arafat à se rendre en visite officielle aux Etats-Unis pouvait représenter une incitation à des attaques de la part d'extrémistes, tant que le président palestinien n'appelle pas à mettre un terme à la violence.
Le premier ministre israélien a lancé un avertissement effronté, avant-hier, aux Nations-Unies, déclarant que l'envoi d'une force d'observation pour protéger les Palestiniens ne pourrait qu'aboutir à l'escalade de la violence en Cisjordanie et à Gaza. Mais les responsables de l'ONU ont indiqué que le Secrétaire général a incité le premier ministre israélien à relâcher les restrictions imposées aux Palestiniens, et lui a demandé quelles étaient ses intentions en matière d'extension de la colonie du Jabal Abu Ghunaïm (Har-Huma).
Des sources proches de ces conversations ont indiqué que le Secrétaire général a mis en garde également sur le danger potentiel que représenterait l'effondrement de l'Autorité palestinienne.
Fred Ekhard, porte-parole des Nations-Unies, a dit qu'Anan avait évoqué la question de l'envoi d'une force d'observation et que Sharon a répondu qu'"il s'opposerait au déploiement de tous observateurs de l'ONU dans les territoires palestiniens".
Afin d'expliquer son refus de l'idée de la force proposée, Sharon a dit qu'il serait possible aux "terroristes" de s'y mêler et que cela pourrait entraîner des accrochages entre eux et l'armée israélienne. Le Conseil de Sécurité étudie une demande palestinienne visant à constituer une force d'observation, non armée, afin de protéger les civils palestiniens. Les Européens tentent de trouver une formulation alternative (à cette demande), qui permette d'échapper au veto américain sur le projet de résolution nécessaire à sa création.
Le début du vote sur le projet de résolution commencera vraisemblablement avant le sommet arabe prévu la semaine prochaine à Amman. Des informations rapportent que Sharon a demandé à Anan d'exercer des pressions dans le sens de l'adoption de résolutions modérées lors de ce sommet.
Le bureau du ministre israélien de la défense, Benjamin Ben Eliezer a déclaré, hier, dans un communiqué, avoir informé la commission des affaires étrangères et de la défense du parlement israélien (la Knesseth) du fait que l'armée se préparait "à poursuivre le combat pour une longue période". Au cours de ses conversations avec Bush, Sharon a dit lui avoir donné des éclaircissements sur la position d'Israël dans tous les domaines, afin d'éviter tout malentendu. Il a dit, notamment : "les choses sont claires... ce qu'Israël peut faire, ce qu'il ne peut pas faire, notre position sur Jérusalem. Tout a été exposé en toute clarté".
Anan a joué un rôle modérateur dans le processus de paix au Moyen-Orient, durant le mandat du premier ministre israélien précédent, Ehud Barak. Certaines sources indiquent qu'il a eu un différend avec Sharon, qui ne démord pas de la nécessité de l'arrêt "des violences" en cours depuis six mois avant toute reprise des négociations. L'une de ces sources rapporte qu'Anan a insisté sur le fait que le retour à la normale de la vie économique, la tenue de discussions de paix et la fin des violences "étaient intrinsèquement liés entre eux et qu'on ne pouvait traiter ces objectifs dans un ordre préétabli".
Par ailleurs, Sharon a déclaré, hier jeudi : "nous (Israël) n'avons pas l'intention d'isoler Arafat", tout en indiquant avoir dit clairement aux Américains "qu'il ne voulait pas se mêler de leurs affaires, la question de savoir qui ils invitent et qui ils n'invitent pas à la Maison Blanche"... mais que "l'invitation (aux Etats-Unis) d'Arafat, dont les forces armées opèrent contre les colons et les soldats israéliens, qui ne fait rien pour mettre un terme aux opérations "terroristes" et qui n'est pas prêt à lancer un appel, en arabe, à mettre un terme à la "terreur", constituerait une légitimation du "terrorisme"".
Sharon qui a achevé sa visite aux Etats-unis avant-hier, a ajouté, au cours d'une interview à la radio israélienne, hier matin, au sujet de la possibilité de parvenir à un accord de paix avec le président de l'Autorité palestinienne : "c'est Arafat qui est à la tête de l'Autorité palestinienne. Nous ne décidons pas à la place des Palestiniens de qui doit les diriger. Arafat sait très bien, et c'est aussi la position des Etats-Unis, que nous ne mènerons aucune négociation politique sous la pression des affrontements et du "terrorisme"".
Au sujet des relations israélo-égyptiennes, Sharon a déclaré que l'"Egypte est un pays qui occupe une place très importante, c'est sans doute le pays arabe le plus important, au Moyen-Orient.". Il a affirmé qu'il a toujours "soutenu et continue à soutenir la paix avec l'Egypte" et qu'il "continuera à développer les relations d'Israël avec ce pays au cours de la période à venir" et que "nous réaliserons des avancées dans notre coopération avec l'Egypte". Il a ajouté qu'il aurait souhaité que la paix avec l'Egypte soit une paix "plus chaleureuse" (ou "moins froide" ? NdT) que ce n'est le cas actuellement.
A propos de la Syrie, Sharon a déclaré que le fait que "le Liban devienne un centre régional et mondiale pour le "terrorisme"" serait "impossible sans l'appui total du régime syrien". La Syrie doit, selon ses termes, "oeuvrer afin d'empêcher le transfert d'armes telles que les katiouchas (missiles, NdT) d'Iran vers les organisations "terroristes" au Liban."  Il a affirmé qu'il fallait "que nos exigences vis-à-vis de Damas soient claires, si la Syrie veut s'intégrer au concert des nations désireuses de paix"...
                    
16. Les enquêteurs des Nations Unies soutiennent l'envoi d'observateur internationaux par Robert Evans
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du vendredi 23 mars 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]

Genève - La commission d'enquête tripartite envoyée par la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies a rendu public son soutien au déploiement d'urgence d'observateurs internationaux dans les territoires palestiniens occupés afin d'assurer la protection des droits du peuple palestinien en butte à l'"emploi exagéré" de la force, à son encontre, par l'armée et la police israéliennes.
Les trois enquêteurs (John Dougard, sud-africain ; Kamal Husseïn, bengali ; et Ritchard Folk, américain) ont estimé que les forces de sécurité israéliennes (armée et police) recourent "sans conteste possible" à l'emploi de la force d'une manière exagérée et disproportionnée, depuis le début de l'intifada, le 28 septembre 2000.
Ce rapport, très attendu, et diffusé mercredi, sera vraisemblablement transmis à la session annuelle de la Commission des Droits de l'Homme, qui a commencé ses travaux lundi dernier.
Dans leur conclusion, les enquêteurs ont formulé l'espoir de voir adoptée une résolution "en faveur d'un présence internationale immédiate", afin de veiller au respect des droits de l'homme et d'une application humaine du droit. Ils recommandent également aux forces de sécurité israéliennes de veiller tout particulièrement à éviter de s'en prendre aux civils qui ne prennent pas part aux affrontements, et tout particulièrement les femmes, les enfants et les réfugiés, et de ne pas employer de tirs à balles réelles, "caoutchoutées" ou non.
Les enquêteurs internationaux ont indiqué que l'utilisation de la force dans l'entourage immédiat des colonies israélienne n'était pas justifié à l'encontre de civils palestiniens désarmés, et qu'il en allait de même de la destruction de leurs biens. Ils ont rappelé à ce propos les exigences formulées par la quatrième Convention de Genève, signée en 1949, sur la protection des civils lors des conflits.
Ils ont exprimé leur soutien à la prise de mesures "immédiates et effectives" visant à prévenir la destruction de maisons d'habitation dans les territoires palestiniens, de terrains cultivés, ou de récoltes des Palestiniens, en faisant usage de bulldozers ou de tout autre moyen.
Dans leur rapport, les enquêteurs ont demandé que soient étudiées les plaintes formulées par les victimes de l'usage exagéré de la force, et que soient poursuivis ceux qui s'en sont rendus responsables, ainsi que le dédommagement des victimes des violences ou de leurs ayant-droit.
Enfin, ils ont demandé que des mesures soient prises mettant un terme aux entraves à la liberté de se déplacer, ce qui comporte la possibilité pour les enfants de se rendre à l'école et, pour tous, le droit aux soins médicaux et la liberté de pénétrer dans les lieux saints.
Israël, qui avait refusé de coopérer avec cette mission ou de s'engager à s'abstenir de lui faire obstacle, a rejeté la décision de la Commission qu'il a qualifiée d'"hostile (à Israël), injuste et inutile".
On s'attend à ce que la question des atteintes aux droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés par Israël domine la cinquante-septième session de la Commission des Droits de l'Homme de l'ONU. Le vice-ministre israélien des Affaires étrangères, Michel Melchior, a mis en garde la commission, lors de son assemblé générale tenue à Genève, mercredi, contre "l'adoption de toute décision extrémiste à l'encontre de son pays".
Par ailleurs, les Etats-Unis ont critiqué l'envoyée des Nations-Unies pour les Droits de l'Homme, Mary Robinson, mercredi dernier, lui reprochant d'avoir, d'après eux, adopté une position partisane, dans son rapport consacré au conflit israélo-palestinien.
Cette critique a été formulée par Shirin Takhirli, présidente de la délégation américaine à la Commission des Droits de l'Homme de l'ONU, dans son allocution devant ses délégués réunis en sa cinquante-troisième session annuelle.
Ces critiques sont arrivées deux jours après la publication du rapport de Madame Robinson, ex-présidente de la République d'Irlande, qui a surpris (non seulement les diplomates, mais également les fonctionnaires qui travaillaient avec elle), en annonçant sa décision de ne pas renouveler son mandat à la fin de celui-ci, en septembre prochain.
Madame Robinson a dit dans son rapport, rédigé à l'issue de sa visite au Moyen-Orient, en octobre dernier, qu'elle "avait été choquée et effrayée, même épouvantée" par la situation des civils palestiniens cernés par les violences depuis le mois de septembre de l'année dernière. Elle a appelé, par la suite, au démantèlement de nombreuses colonies israéliennes dans les territoires palestiniens, qu'elle a désignées comme principale cause de la tension.
Madame Takhirli, une universitaire nommée par le président Bush, a déclaré que les Etats-Unis sont profondément angoissés par l'effondrement du processus de paix au Moyen-Orient et les violences entre Israéliens et Palestiniens. Elle a ajouté, au cours de sa première allocution prononcée devant la Commission : "les causes de cette situation sont nombreuses et complexes, et personne ne doit s'imaginer qu'elles sont à trouver d'un seul côté".
Elle a poursuivi : "nous pensons que l'envoyée spéciale aurait pu mieux mettre en valeur ce point essentiel, dans son rapport".
Des responsables israéliens ont critiqué le rapport de Madame Robinson très violemment. Ainsi, l'ambassadeur israélien à Genève, Yacov Lévy, a déclaré que ce rapport "était totalement dépourvu du sens de l'équilibre"dans la formulation de ses critiques.
Madame Takhirli avait rendu hommage, peu auparavant, à Madame Robinson pour s'être dédiée à la cause des droits de l'homme, et elle avait regretté publiquement sa décision de ne pas renouveler son mandat. Le rapport de la mission spéciale d'enquête, publié sur le site internet de la Commission des Droits de l'Homme (sans avoir été soumis à une relecture préalable suffisamment attentive, disent ses contempteurs) a repris largement les appels lancés par Madame Robinson, dans lesquels elle exigeait une présence internationale dans la région, chargée de contrôler l'observance scrupuleuse par les parties en conflit des conventions de protection des droits de l'homme. Israël, qui avait refusé de coopérer avec la délégation tripartite, sans s'opposer à son inspection, effectuée entre les 11 et 18 février derniers, a déclaré rejeter cette demande,qu'il ne considère, d'ailleurs, que comme une simple suggestion.
                
17. A la suite d'une guerre électronique entre partisans d'Israël et Musulmans américains, un site internet supprime l'assassinat de l'enfant Al-Dirra du concours de la meilleure photo de presse de l'année
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié à Londres) du vendredi 23 mars 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]

Londres - Le réseau MSNBC a enlevé la photo de l'enfant palestinien martyr Muhamad al-Dirra de son site internet, alors que cette photo participait au concours de la meilleure photo pour l'an 2000, et bien qu'elle ait occupé la première place, très loin devant la seconde au palmarès, sous prétexte qu'il y aurait eu des erreurs dans le comptage des voix, certaines personnes ayant, paraît-il, voté plusieurs fois en sa faveur. La photo du jeune Muhammad tentant de se réfugier entre les bras de son père, alors qu'ils étaient tous deux sous les tirs de l'armée israélienne, en septembre dernier, était restée en tête des quarante-neuf photos participant au concours, pratiquement dès son apparition sur la toile (web) de l'internet en décembre dernier, jusqu'à ce que les partisans d'Israël, aux Etats-Unis, la remarquent. Ils ont alors organisé, au mois de janvier, une campagne destinée à "sauver" l'image de marque de l'Etat hébreu aux yeux de l'opinion publique mondiale, entraînant par leurs votes massifs la rétrogradation de la photo de Muhammad al-Dirra à la sixième place du classement.
Mais des Musulmans américains et des sympathisants de la cause palestinienne de tous les pays du monde ont lancé une contre-campagne, et ont réussi à ramener la photo de Muhammad, intitulée "Mort à Gaza", à la première place, jusqu'à mardi dernier, jour où, bien qu'ayant reçu plus d'un million de suffrages des internautes, la photo a été retirée du concours, le réseau qui le proposait ayant jugé qu'il avait perdu sa raison d'être en devenant l'enjeu d'une guerre électronique entre partisans d'Israël et partisans des Arabes.
Plusieurs sites Internet favorables à la cause palestinienne ont exprimé leur mécontentement de voir retirer du concours cette photo, qui recevait un nombre croissant de suffrages, alors que le site qui proposait le concours n'avait pris aucune mesure contre la campagne israélienne qui a abouti à faire passer en tête, de manière ultra-rapide et inopinée, cinq photos qui sont toutes des photos d'animaux, n'ayant rien à voir et faisant comme un pied-de-nez au concours lui-même, qui avait pour thème l'illustration des drames humains et écologiques marquants de l'année 2000, partout sur la Planète.
Miraf Aylon Shahar, consul israélien chargé des communications et des relations publiques au consulat israélien de Los Angeles avait adressé un message aux partisans d'Israël, dans lequel il est allé jursqu'à prétendre que la photo de l'enfant martyr "illustrait bien comment les parents (palestiniens) mènent leurs enfants dans les endroits où il y a des échanges de tir, pour y gagner la célébrité" (...), et que "la communauté arabe et musulmane s'était livré à une campagne acharnée afin d'appeler à voter en faveur de cette photo ; c'est pourquoi nous vous appelons à leur faire contre-poids et à les dépasser, à les coiffer au poteau en matière de participation et d'organisation, et à vous engager jusqu'au bout à mettre cette photo en échec".
La communauté musulmane américaine a qualifié les déclarations de Shahar de "répugnantes". Le Conseil pour les Relations américano-musulmanes s'est engagé à mettre en échec la "campagne israélienne visant à effacer les preuves à conviction et à faire triompher le mensonge". Le Centre Palestinien d'Information a appelé, de son côté, les Arabes et les Musulmans à s'organiser entre eux pour mener à bien une campagne, qui ne demande que quelques minutes à chacun des membres de ces communautés, devant leur ordinateur, afin de participer au vote, en diffusant une notice expliquant à tout un chacun les modalités de connexion au site et, dans l'éventualité de la reprise du concours, de participation au vote.