"Personne, je dis bien personne, n'a le droit de traduire Israël
et le peuple juif devant un tribunal des peuples du monde"
            
Ariel Sharon - Premier ministre israélien
          
 
Point d'information Palestine > N°139 du 28/03/2001

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Sélections, traductions et adaptations de la presse étrangère par Marcel Charbonnier
 
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Quand je pensais... par Omaya
        
Quand je pensais au millénaire, j'ai vu un soleil et un pigeon blanc dans l'air !
Mais ce n'était pas ce que je pensais, c'était le contraire, c'était la guerre. Quand je pensais à la nouvelle vie, et au joli pays que je voulais refaire !
J'avais tort de penser de cette façon, car ils ont volé ma terre. Mais tous mes rêves sont brisés et même je n'arrive plus à respirer dans cette atmosphère. Maintenant, pendant notre guerre, je ne sais pas quoi faire. Est-ce que je vais au combat ? Ou je reste comme une pierre ? Quand on  jette une pierre, on reçoit une balle en fer ! Et on reçoit un missile quand on tire une balle en l'air ! L'Intifada, ça ne me plaît pas, mais je la considère. Je la considère comme un acte populaire. Mais puisqu'on est en guerre,  je n'aurais plus de commentaires.
[Omaya est une petite fille de 13 ans, citoyenne palestinienne, elle a écrit ce texte samedi dernier.]
         
Au sommaire
             
Vendredi 30 mars 2001 "Journée de la Terre"
- Rappel historique et deux rendez-vous à Paris
 
Dernière parution
- Israël Palestine le défi binational par Michel Warschawski - Post-scriptum de Elias Sanbar - aux Editions Textuel
          
Télévision
- Tourisme palestinien en Israël un documentaire de Ra'anan Alexandrowicz le vendredi 30 mars 2001 à 22h25 sur Arte
- Le curé de Nazareth un documentaire de Corinne Glowacki et Philippe Bigot le vendredi 30 mars 2001 à 22h00 sur France 3
       
Réseau
  1. L'Appel à la création urgente d'une force d'interposition en Palestine
  2. Injustice, le virus pro-palestinien par Anne Lindivat in Transfert du mercerdi 21 mars 2001
  3. Voir Mawassi (pour le croire...) par Antoine Vuillaume administrateur d'Enfants Réfugiés du Monde à Gaza
  4. Le témoignage de Shirabe sur la manifestion pacifique du 24 mars 2001 au checkpoint de Ram [traduit de l'anglais par Dominique Vincent]
  5. L'horreur quotidienne vécue par les prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes...
Revue de presse
  1. Une aide très attendue par Névine Kamel in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 28 mars 2001
  2. Les Palestiniens espèrent une aide concrète par Mohamed Amin Al-Masry in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 28 mars 2001
  3. Le droit de résister par Baruch Kimmerling in Ha'Aretz (quotidien israélien) du mardi 27 mars 2001 [traduit de l'anglais par Giorgio Basile]
  4. Sharon s'exonère de toute responsabilité dans l'Intifada par Alexandra Schwartzbrod in Libération du lundi 26 mars 2001
  5. Quoi, des Palestiniens souffriraient de traumatismes et d'anxiété ? par Amira Hass in Ha'Aretz (quotidien israélien) du dimanche 25 mars 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
  6. Proche-Orient : l'Europe responsable par Dominique Moisi in Le Monde du dimanche 25 mars 2001
  7. Une source palestinienne déclare : les menaces de Ben Eliezer de revenir aux mesures de relégation et d'exil sont le signe d'un échec du gouvernement Sharon in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié en Angleterre) du samedi 24 mars 2001 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
  8. La grève générale est un message d'Al-Husseïni à Arafat : "Je suis l'unique référence nationale à Jérusalem" - Al-Husseïni déclare : "L'histoire nous demandera des comptes si nous ne luttons pas contre la judaïsation de Jérusalem" par Dany Rubinstein dans Ha'Aretz (quotidien israélien) du mardi 20 mars 2001 cité in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié en Angleterre) du samedi 24 mars 2001 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
  9. Bush-Sharon pour le pire par Mohamed Selhami in Maroc Hebdo International (hebdomadaire marocain) du vendredi 23 mars 2001
  10. Simone Susskind : Une femme pour la paix propos recueillis par Camille Fradet in L'Est Républicain du vendredi 23 mars 2001
  11. Le "plan Vigipirate" de Sharon par Axel Gyldén et Hesi Carmel in L'Express du jeudi 22 mars 2001
  12. Ouverture du vingtième congrès général des juristes arabes, à Beyrouth - Nabih Berri appelle les avocats arabes à dénoncer les "criminels de guerre" israéliens in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié en Angleterre) du mercredi 21 mars 2001 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
  13. Une fragile alliance associe Arafat et le Hamas par Pénélope Larzillière in La Croix du jeudi 15 mars 2001
           
Vendredi 30 mars 2001 "Journée de la Terre"

            
Rappel historique sur la "Journée de la Terre"
Le 30 mars 1976, les Palestiniens de nationalité israélienne (que la propagande sioniste s'obstine à appeler "arabes israéliens", pour nier leur appartenance au Peuple Palestinien), manifestaient pour la défense de leur terre. Cette manifestation a été violemment réprimée, provocant la mort de nombreux Palestiniens. 25 ans plus tard les manifestations de solidarité avec l'Intifada ont fait l'objet d'une répression sanglante. 13 Palestiniens, "citoyens d'Israël" ont été tués par la police israélienne lors des événements d'octobre. La violence de la répression israélienne face à ces manifestations de solidarité avec les Palestiniens des Territoires occupés, a révélé au grand jour les deux poids deux mesures qui caractérisent la politique israélienne à l'égard des Palestiniens de 1948. Les Palestiniens de 1948 sont les Palestiniens qui n'ont pas fait partie de l'exode forcée de 1948-1949 : habitant dans les zones attribuées par le plan de partage à l'Etat arabe mais annexé dès 1949 par Israël , ils sont devenus, contraints, des citoyens israéliens. Au nombre de 970 000, les Palestiniens de 1948, sont soumis à la loi israélienne et bénéficient à ce titre de certains droits sociaux et civiques, mais des droits partiels, car ils ne sont pas juifs. Dix-sept lois ont été recensées par un rapport aux Nations unies comme comportant des discriminations envers les citoyens arabes. Parmi elle la loi du retour qui accorde systématiquement aux juifs la citoyenneté israélienne alors que les citoyens arabes ayant épousé des non-israéliens se voient refuser la réunification familiale ; les lois qui interdisent la participation aux élections de tout parti arabe n'ayant pas reconnu le caractère juif de l'Etat d'Israël ; les lois d'urgence de 1945 qui permettent la confiscation de terres appartenant aux Arabes (ils ne possèdent plus que 10 % de leur propriété foncière d'avant 1948) ; la loi sur l'éducation qui fixe parmi ses objectifs la promotion de la culture juive et l'idéologie sioniste. De plus, la population arabe est discriminée en matière de services publics, les budgets alloués aux villes arabes étant bien inférieurs à ceux alloués aux villes juives. 
          
A cette occasion, l'Union Général des Etudiants Palestiniens (section française) organise le vendredi 30 mars 2001 à 20h00, à la Galerie Nikki Diana Marquearda - 10, rue Turenne - Paris 4ème (métro Saint Paul), une rencontre-débat en présence de Valérie Féron, journaliste et auteur de "Palestine(s) Les déchirures" (publié aux Editions du Félin - 02/2001) [Cf. PiP N° 130 du 13/02/2001], suivi de la projection du film "Mahmoud Darwich" réalisé par Simone Bitton.
[Renseignement : a.dari@unesco.org]
            
Parallèlement, la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine organise le vendredi 30 mars 2001 à 20h00, à la Maison du Maroc - 1, boulevard Jourdan - Paris 14ème (M° Cité Universitaire - PC Porte de Gentilly) en présence de Marwan Bishara, journaliste et chercheur Palestinien, Judeh Abdallah, responsable de l'Association PARC (Comités Palestiniens d'Entraide Agricole) et Jean-Marc Dupeux, secrétaire général de la Cimade, de retour des territoires palestiniens.          
[Renseignement : ssi@cimade.org]
             
Dernière parution

            
Israël Palestine le défi binational par Michel Warschawski
Post-scriptum de Elias Sanbar
aux Editions Textuel
[110 FF - 158 pages - 2001 - ISBN 2845970188]
Menacée d'implosion, le société israélienne est entraînée dans une tragique fuite en avant. Michel Warschawski critique ce qui mine a ses yeux le processus de paix : la philosophie de la séparation. Une forme d'apartheid qui ne dit pas son nom. Nourri d'une longue expérience quotidienne de la réalité israélienne et d'une compréhension de l'évolution des mentalités à laquelle participe notamment le travail des "nouveaux historiens" israéliens, ce livre constitue l'un des plus beaux plaidoyers pour la paix et l'égalité des droits dans une perspective plurinationale.
La contribution d'Elias Sanbar donne en contrepoint un regard palestinien sur ce "pari binational", sur les espérances, les doutes et les interrogations qu'il peut susciter. Cette réflexion à deux voix illustre la possibilité et la nécessité d'une discussion aussi franche que fraternelle, à la recherche d'une solution commune.
- Michel Warschawski milite pour la paix israélo-palestinienne depuis 1968, condamné à 20 mois de prisons pour son soutien à des organisations palestiniennes illégales, il est aujourd'hui directeur du Centre d'information alternative de Jérusalem (http://www.alternativenews.org).
- Elias Sanbar est un éminent intellectuel palestinien. Auteur de plusieurs ouvrages dont : "Palestine 1948 - L'Expulsion" (Editions de la Revue d'études Palestiniennes - 1984), "Les Palestiniens dans le siècle" (Editions Découvertes Gallimard - 1994) et "Palestine, le pays à venir" (Editions de l'Olivier - 1996), il est rédacteur en chef de la "Revue d'études Palestiniennes".
          
Télévision

               
Tourisme palestinien en Israël un documentaire de Ra'anan Alexandrowicz
le vendredi 30 mars 2001 à 22h25 sur Arte
[Rediffusion le jeudi le 5 avril 2001 à vers 15h10. Ce documentaire de 85 minutes à été réalisé en 2000.]
Alors que la paix semblait à portée de main, avant que l'Intifada ne reprenne, un groupe de touristes palestiniens a pu se rendre en Israël et revoir ainsi une région d'où la plupart furent expulsés en 1948. Habituellement, les Israéliens ne délivrent que des laissez-passer aux Palestiniens franchissant quotidiennement la frontière pour venir travailler dans le pays. Mais ce jour-là, des habitants de Ramallah, de tous âges et de toute condition, ont pu obtenir un visa de tourisme, ce qui leur a permis de partir à la découverte de la terre de leurs ancêtres : certains s'en souvenaient et souhaitaient effectuer un pèlerinage sur les lieux de leur naissance, dont ils avaient été expulsés en 1948, lors de la proclamation de l'Etat d'Israël. Les plus jeunes découvrent pour la première fois la mer, qui pourtant n'est qu'à une heure de route de Ramallah, mais le découpage des Territoires de l'Autorité palestinienne rend les trajets continus quasi impossibles dans la région. Le réalisateur a capté des regards de haine, de révolte et de rage, mais aussi des lueurs d'espoir quand tout le groupe se propose de rendre visite au monument commémoratif érigé en l'honneur de Yitzhak Rabin, visionnaire de la paix : en cet été 2000, tout semblait encore possible.
               
Le curé de Nazareth un documentaire de Corinne Glowacki et Philippe Bigot
le vendredi 30 mars 2001 à 22h00 sur France 3
Le magazine de France 3 "Faut pas rêver" se déplace en Egypte cette semaine, et c'est dans un café littéraire du vieux Caire "El Fishawy" que Laurent Bignolas s'entretient avec Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général de l'ONU et actuel secrétaire général de la Francophonie. Boutros Boutros-Ghali réagit entre autre à un reportage sur un programme d'échange entre des lycéens juifs de Jérusalem et une école de Nazareth où coétudient dans la tolérance Palestiniens de nationalité israélienne, Israël "Le curé de Nazareth". Ce sujet tourné il y a un an, souffre de ne pas avoir été réactualisé depuis la nouvelle Intifada.
             
Réseau

          
1. L'Appel à la création urgente d'une force d'interposition en Palestine
Oslo avait énoncé le principe de "l'échange de la Terre pour la paix" et d'un "règlement entre les parties", dans la mesure où la communauté internationale avait échoué à imposer les résolutions. On acceptait sous pression américaine la mise entre parenthèse du droit. Mais pendant sept ans de négociation on a assisté à des remises en cause successives des calendriers et des engagements intérimaires signés par les gouvernements d'Israël. En même temps, Israël menait une politique systématique d'expropriation et de colonisation des terres qu'il devait rendre aux Palestiniens en Cisjordanie, Jérusalem et Gaza. La définition des enjeux territoriaux et le principe de l'échange furent ainsi constamment rognés, avant même la négociation finale.
Faute d'accord, le découpage des territoires palestiniens en zone A, B, et C, qui était à l'origine un plan dynamique d'évacuation échelonné et de restitution progressive de la souveraineté, s'est figé désormais en un régime d'apartheid.
Le "bouclage complet" décrété tout dernièrement par M. Sharon est un véritable siège qui enferme les sept villes principales dans leur zone A mais qui, en outre, organise l'isolement des villages des zones B et C dans des compartiments étanches, préparés par le système routier des rocades reliant les colonies. Les milices paramilitaires des colons armés et le contrôle militaire général permettent une interruption totale de tous les flux vitaux maintenus difficilement depuis octobre. D'où le début de famine, les distributions de vivres sous couvert de l'ONU. M. Sharon risque ainsi de provoquer des violences désespérées, incontrôlables, qui seront le prétexte d'une escalade de massacres. Cette stratégie est mal décrite par les médias qui n'osent pas en donner l'image
exacte. La répression que le gouvernement Sharon réserve aux Palestiniens, en violation de la 4ème Convention de Genève, est une manoeuvre militariste que déplore même le général Powell, actuel secrétaire d'État américain, car elle risque d'entraîner la région dans la guerre. L'opinion publique internationale doit être plus claire que ses gouvernements. Créer une répression bien pire que le statut d'avant Oslo, transformer l'occupation en apartheid, instaurer un régime permanent de déni des droits d'autodétermination, est politiquement inadmissible pour des démocrates. Nous demandons donc à l'Union européenne, en particulier aux États européens, à la troïka (Suède, Belgique et Commission européenne), à M. Patten, chargé des Relations extérieures, et à M. Solana, chargé de la PESC :
- de reprendre clairement les rênes d'un nouveau processus de paix en s'appuyant notamment sur les principes de sécurité et de paix partagée, issus de la conférence sur le partenariat euro-méditerranéen de Barcelone,
- de désigner le gouvernement israélien comme responsable de violations graves des résolutions du Conseil de Sécurité de l'ONU, du droit international, du droit international humanitaire et en particulier de la 4ème Convention de Genève,
- de mettre en oeuvre les sanctions économiques et juridiques qui s'imposent dans le cadre des conventions et traités et notamment ceux qui lient les membres de l'Union européenne à l'État d'Israël,
- de réaffirmer le caractère imprescriptible des résolutions de l'Assemblée générale et du Conseil de Sécurité de l'ONU s'appliquant à la Palestine,
- de décider d'urgence l'envoi d'une force d'interposition permettant la sauvegarde de la population palestinienne et sa protection contre l'usage excessif de la force militaire par les troupes d'occupation et de préparer ainsi le retrait de l'armée israélienne de Cisjordanie et de Gaza dans le cadre d'un règlement global fondé sur les résolutions de l'ONU.
> Merci de diffuser, signer et renvoyer cet appel signé à : fcm@wanadoo.fr [Appel à l'initiative des membres de la mission des ONG en Palestine, composée de de Jean-Paul Chagnollaud, Universitaire - Thierry Fabre, Rédacteur en chef de la Revue "La Pensée de Midi" - Pierre Galand, Coordination des plateformes européennes pour la Palestine - Alain Joxe, Chercheur au CIRPES - Monique Prim, Forum des Citoyens de la Méditerranée - Giovanna Tanzarella, Coordination du réseau Culture du Forum Civil Euromed 2000.]
       
Au Forum Civil Euromed de Marseille (10-12 novembre 2000), le Forum des ONG avait adopté une résolution intitulée "Palestine, Agir maintenant". Elle mandatait une mission d'information pour prendre contact en Palestine avec les ONG qui n'avaient pas pu se rendre à Marseille du fait de l'Intifada, rendre compte à son retour des positions des groupes politiques et de la société civile, et faire rapport sur la situation. Une délégation s'est rendue en Palestine et Israël du 20 au 26 janvier 2001. Ce rapport a été diffusé. [Nous vous invitons à vous procurer gratuitement ce rapport, en le demandant au Forum des Citoyens de la Méditerranée - Tél : 01 42 43 06 15 - E Mail Fcm@wanadoo.fr ou à la Fondation René Seydoux pour la Méditerranée - Tél :  01 53 10 24 34 - E Mail frsmed@worldnet.fr.] Le bouclage semi-permanent que nous avions observé en janvier rendait la vie quotidienne de la population civile insupportable par des coupures de routes et de chemins, freinant ou interrompant tous les flux vitaux et maintenant l'ensemble des villes et villages, sous le contrôle panoptique et sous le feu irrégulier des postes militaires et des milices armées formées dans les colonies israéliennes. Avec la victoire du Likoud et la nouvelle coalition sous présidence de M. Sharon, la situation des Palestiniens a encore nettement empiré. Le prototype à l'essai à la fin du gouvernement Barak, est devenu aujourd'hui un siège total. Le processus des négociations d'Oslo sous médiation américaine tourne donc sous nos yeux à la guerre de siège et à la catastrophe humanitaire. Les Palestiniens sont victimes de l'impunité totale dont dispose l'Etat Israélien, refusant l'application des résolutions d l'ONU et le respect des Conventions de Genève. Nous estimons nécessaire de prendre position et demandons aux ONG concernés et aux citoyens en général de signer cet appel qui définit la situation et en appelle à une prise de position européenne.
            
2. Injustice, le virus pro-palestinien par Anne Lindivat
in Transfert du mercerdi 21 mars 2001 
Un virus informatique à vocation politique se propage en Israël : il s’appelle Injustice, et se révèle plutôt inoffensif envers les disques durs. But de son créateur : soutenir la cause palestinienne. "Nous avons besoin de toute l’aide possible. Les soldats israéliens ont tué, de sang froid, un enfant palestinien de 12 ans, Mohammad Al-Durra, alors que son père tentait de le protéger en vain. Ces actes ne peuvent être pardonnés ou oubliés !!! Aidez-nous à faire cesser le bain de sang !" Tel est le contenu (traduit en français, l’original est rédigé en anglais) du message véhiculé par "Injustice", un virus qui, d’après le Haaretz Daily News, a déjà infecté les ordinateurs d'environ 10 000 Israéliens. Sans risque pour les disques durs, ce virus "engagé" appartient à la catégorie des vers. Rédigé en Visual Basic, le fichier injustice.txt.vbs se répand sous forme de pièce attachée à un mail. L’objet du message, intitulé "RE : injustice", est repérable au premier coup d’œil. Lorsqu’on ouvre la pièce jointe, le texte cité ci-dessus apparaît, et le message se duplique automatiquement. Dans un premier temps, il "s’auto-expédie" aux 50 premiers contacts du carnet d’adresses de la messagerie infectée. Il s’auto-expédie ensuite à 25 institutions israéliennes, parmi lesquelles les ministères de la Défense, de l’Industrie, des Affaires étrangères et du Commerce, ou le porte-parole de la Knesset (le parlement israélien). Classé dans la catégorie "risque moyen" par différents éditeurs d’antivirus, Injustice, qui ne s’active que sur les ordinateurs tournant sous Windows, n'endommage ni les disques durs, ni les serveurs de mails. Il ne devrait infecter que peu d’entreprises. "Depuis l’attaque massive provoquée par I LOVEYOU, la plupart des sociétés se sont dotées de filtres de protection efficaces contre ce genre de virus", précise Damase Tricart, chef de produit chez Symantec France. Les particuliers n’ont pas grand-chose à craindre non plus : "On clique moins facilement sur une pièce jointe intitulée “Injustice” que sur un fichier qui s’appelle I LOVEYOU ou ANNA KOURNIKOVA." La cyberguerre n’a pas attendu Injustice. Quant au côté activiste d’Injustice, il ne présente pas non plus de grande nouveauté. Les attaques de sites sont fréquentes en temps de guerre, et des activistes antinucléaires ou des défenseurs de l’environnement ont déjà utilisé des virus pour divulguer leur message par voie numérique. En 1999, le Daily Telegraph rapportait qu’un Israélien âgé de 14 ans avait réussi à détruire un site du gouvernement irakien en lui envoyant un virus sous forme de pièce jointe attachée à un mail. Il se faisait passer pour un Palestinien capable de détruire des sites israéliens grâce à l’envoi de virus.
           
3. Voir Mawassi (pour le croire...) par Antoine Vuillaume
administrateur d'Enfants Réfugiés du Monde à Gaza
Gaza, le 21 mars 2001 - Quelques dizaines de palmiers parsemés sur de longues dunes de sable. Quelques centaines de maisons regroupées autour de chemins de terre qui serpentent. Quelques milliers de Palestiniens prisonniers. Accéder à Mawassi relève désormais de l'extraordinaire bonté des Israéliens. Partir de Gaza, traverser la route occupée de Deir-el-Balah entre deux tanks et un bunker, arriver trois heures et quarante-cinq minutes plus tard, pour parcourir les 40 kilomètres qui nous séparent de cet "autre pays". Rares sont les étrangers qui tentent aujourd'hui d'accéder à cette enclave coupée du monde par l'armée. Il faut dire que l'obstruction israélienne est tenace. Les deux heures que nous avons passées hier, à attendre près de l'unique point d'accès les multiples autorisations nécessaires à notre entrée, ont été riches d'enseignements. Heureusement que je me trouvais en compagnie de David, prof de français à Gaza, sinon je craindrais que mon témoignage ne soit pris que pour affabulation. Mawassi, c'est une série de petits villages palestiniens, qui se sont retrouvés totalement encerclés par l'implantation de colonies d'occupation dans le sud-est de la bande de Gaza. Pris en étau entre la mer, la frontière égyptienne (contrôlée par Israël) et quelques pâtés d'habitations de colons hautement protégés. Ce qui est certain, c'est que ces taches de colonies squatteuses comptent davantage de soldats que d'habitants. Et pour garantir une sécurité absolue à ces personnes convaincues d'être dans leur bon droit (on y rencontre un ancien pizzaïolo de Marseille, un ancien boulanger de Nice, invités à venir s'installer ici par l'Agence Juive, expliquant que cette terre a été "promise" aux juifs.....), un haut grillage barbelé court tout autour de cette zone, noyant ainsi les habitants palestiniens dans une citadelle où les colons juifs font la loi. Surtout depuis que chaque homme a reçu l'autorisation du port d'arme. Il n'est plus rare désormais, de croiser à cet endroit des jeunes gens (civils) se baladant un pistolet automatique en bandoulière. Peut-être aurions-nous pu nous saluer dans un faubourg de Marseille ou de Nice, l'été dernier. Depuis le début de l'Intifada, Mawassi et ses habitants sont soumis à un blocus savamment planifié et resserré au fil des semaines. La stratégie d'étouffement a atteint son stade ultime depuis 3 mois, où plus aucune marchandise ne sort ni ne rentre dans cette zone assiégée. Les paysans qui vivaient des cultures de fraises, de tomates ou de concombres, vendus sur les marchés des villes voisines ou exportés, regardent le fruit de leur travail pourrir sur pieds. Rien ne sert de récolter, rien ne sortira de cette enclave. Des tonnes - des dizaines de tonnes - de produits condamnés. Autant de revenus oubliés. L'asphyxie économique a ruiné beaucoup des habitants de Mawassi. En silence. En toute violence. Sereine. Aucun véhicule palestinien n'est autorisé à traverser dans un sens ou l'autre la "frontière" qui isole Mawassi du reste de la Bande de Gaza. Restent les jambes et le courage des habitants pour affronter les postes militaires israéliens. Durant notre attente, un vieil homme nous a interpellé: "Que dirais-tu si tu voyais ton père malade faire deux kilomètres à pieds pour aller acheter une bouteille de gaz pour pouvoir faire à manger ? Que dirais-tu si tu voyais ta mère enceinte marcher au soleil, attendre des heures debout, que le soldat l'autorise à aller acheter du lait ?" Les femmes, les hommes, les vieux, les enfants sont soumis à la même fouille systématique. Ouvrir tous les paquets ramenés du marché. Déballer chaque sac devant les soldats arme au poing. Les soulever parfois pour faciliter le travail du soldat au détecteur de métal. Dans l'étroit passage aux multiples barbelés, on n'avance qu'à deux. Même quand on est une fillette de 8 ans, qu'on revient de l'école de Rafah avec un petit nœud dans les cheveux et un cartable au dos. Les soldats ne parlent à personne. Ils hurlent au moindre "faux pas". Et n'hésitent pas à mettre en joue les enfants qui s'impatientent un peu trop. Un jeune homme s'approchant prudemment du point de contrôle n'a visiblement pas compris que le soldat s'adressait à lui en vociférant quelque chose qui devait être un ordre d'ouvrir sa veste en éventail. Aussitôt et sans aucune autre injonction, le soldat a dégainé un pistolet, l'a armé, et l'a pointé vers le "dangereux suspect". Que ce serait-il passé si cette personne avait fait un seul pas de plus ? Notre présence n'était plus au goût des soldats. Après quelques plaintes sur la longueur de l'attente qui nous était imposée et devant notre insistance pour accéder aux villages palestiniens, nous avons été - tout à fait sérieusement - menacés d'arrestation ! Les soldats nous ont ordonné de quitter les lieux pour retourner vers notre voiture, 200 mètres plus loin - ce que nous avons refusé de faire. Il n'y avait plus qu'un seul mot dans ma tête témoigner. Les cris, les fouilles, les intimidations, les maniements d'armes ont continué. Oppression se conjugue si bien avec humiliation.
                
4. Le témoignage de Shirabe sur la manifestion pacifique du 24 mars 2001 au checkpoint de Ram
[traduit de l'anglais par Dominique Vincent]

J'ai participé aujourd'hui à une manifestation contre le bouclage par les Israéliens des Territoires palestiniens. A peu près 300 personnes, dont un nombre important d'étrangers Résidants des Territoires ont participé à une marche pacifiste en direction du checkpoint de Ram, situé sur la route qui va de Ramallah à la frontière nord de Jérusalem. Derrière les marcheurs des ambulances dont beaucoup étaient criblées d'impacts de balles. "Ils ne tireront pas, il y a trop d'étrangers parmi nous" à cette remarque que j'ai faite mon ami a répondu " : Eh bien, THEORIQUEMENT no". Nous marchions vers le checkpoint en chantant lorsque des Jeeps militaires israéliennes. Sont venues vers nous, les soldats hurlaient, les Jeeps se sont arrêtées au milieu de la route. Nous sommes passés entre les Jeeps et nous sommes dirigés vers le checkpoint. Au checkpoint, un groupe de manifestants ont commencé à s'asseoir tandis que les autres restaient debout et continuaient à chanter. Les soldats israéliens ont commencé à crier pour nous intimider contraignant les gens à se relever, manifestement en désaccord avec cette manifestation pacifique. Personne ne jetait des pierres : c'était une manifestation totalement Non-violente. Soudainement, nous avons entendu de grandes explosions et nous avons commencé à courir. Nous éloignant du checkpoint. Les Israéliens ont commencé à tirer des grenades assourdissantes directement dans la foule. Le personnel médical a rapidement évacué deux femmes dans une ambulance.
Ces grenades assourdissantes provoquent une petite explosion et l'on peut être blessé par les éclats.  Les soldats ont ensuite utilisé des gaz lacrymogènes, nous nous sommes dispersés en tous sens, dans une fumée blanche qui piquait nos yeux et nos poumons, sans toutefois trop nous éloigner du checkpoint pour que notre message soit manifeste. J'étais avec Mandy, mon amie sud-africaine militante anti-apartheid de longue date. Elle déclara accablée : "je ne peux le croire. Même dans les pires jours de l'apartheid, l'armée sud-africaine n'était pas si violente". Des adolescentes marchaient près de nous, sac d'école sur le dos, en uniforme. Elles semblaient terrorisées et marchaient rapidement. Dans une boutique proche, un commerçant proposait aux enfants qui avaient respiré du gaz lacrymogène : "cachez-vous ici en attendant que cela se calme !". Pendant ce temps, les soldats avaient commencé à frapper des manifestants encore assis. Et les entraînaient vers une Jeep militaire.  L'attaque continuait, les manifestants continuaient à tomber, étaient placés sur des civières évacués par ambulance. J'ai ensuite entendu "pan-pan-pan", tout le monde s'est mis à courir. Les Israéliens Commençaient à tirer à balles réelles sur les manifestants. Il était devenu trop dangereux de rester. Tandis que nous nous éloignions, plusieurs ambulances sont passées en direction du checkpoint. 
J'ai assisté à plusieurs scènes d'affrontements auparavant, mais l'expérience d'aujourd'hui était vraiment choquante - le fait qu'une manifestation non-violente ait suscité une riposte aussi Violente. Les informations sur CNN ont montré ce soir un soldat israélien étendu à terre (s'était-il blessé lui-même ?) et pas un seul des manifestants qui ont été blessés.
               
5. L'horreur quotidienne vécue par les prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes...
25 mars 2001 - Les prisonniers palestiniens d'Ashkelon annoncent le début d'une grève de la faim en solidarité avec les enfants prisonniers de Telmond et contre l'interdiction des visites de leurs familles
Les prisonniers de la prison d'Ashkelon ont annoncé le début d'une grève de la faim qui commence le 25 mars 2001. Cette grève se déroulera une fois par semaine, tous les dimanches, en signe de protestation contre l'administration de la prison israélienne qui interdit les visites des familles. Actuellement, les familles de la Cisjordanie qui essayent de visiter leurs enfants dans les prisons israéliennes sont empêchés de le faire à moins de voyager dans les cars de la Croix Rouge, même s'ils avaient obtenu un permis de visite antérieur. Au cours de cette période, les autorités militaires israéliennes avaient empêché les cars de la Croix Rouge de faire monter à bord les familles de prisonniers venant de Cisjordanie et les familles qui avaient essayé d'atteindre les prisons ont été refoulées même si elles étaient en possession des permis nécessaires.
Les prisonniers ont demandé à la Croix Rouge locale de faire pression sur l'administration des prisons israéliennes pour autoriser les familles à visiter leurs proches car depuis le début de l'Intifada en septembre 2000, aucune famille de Cisjordanie n'a pu visiter les prisonniers, alors que dans la bande de Gaza, la Croix Rouge a pu coordonner les visites familiales sans problème.
La grève de la faim hebdomadaire se fera également pour faire pression sur les autorités de la prison de Telmond pour séparer les jeunes prisonniers des prisonniers criminels juifs. Les autorités pénitentiaires avaient refusé d'opérer cette séparation en dépit de la demande des prisonniers eux-mêmes et de leurs avocats.
L'organisation de soutien aux Prisonniers, Addameer et les associations de droits de l'homme considèrent que cette situation est très grave et notamment en ce qui concerne les jeunes prisonniers. Le fait de mettre des enfants avec des adultes criminels est contraire aux règles des Nations-Unies, adoptées le 31 juillet 1957 par la résolution 663 C : Ces règlements stipulent entre autres :
les différentes catégories de prisonniers devront être gardés dans des institutions séparées, en tenant compte de leur sexe, âge, passé criminel, les raisons légales de leur détention et les nécessités de leur traitement.
La détention des enfants avec des adultes criminels ont conduit au cours de la période récente aux violations suivantes :
- les enfants détenus ont été frappés, brûlés à l'eau chaude et blessés par des rasoirs.
- Des abus sexuels ont été rapportés mais l'administration de la prison refuse de mener des enquêtes.
Par ailleurs, dans les prisons,
- les privilèges tels que les cartes téléphoniques, les cigarettes, les chaussures ont été supprimés.
- les journaux, magazines et les équipements sportifs interdits.
- Les visites familiales ont été supprimées depuis le début de l'Intifada en septembre 2000. Les visites ont été autorisées le 10 février 2001, pour une période de quatre jours, puis supprimées ensuite.
- La pratique de la réduction des peines après avoir fait les 2/3 a été stoppée depuis le début de l'Intifada.
Dans la période récente, Addameer a appris que la torture a été réintroduite dans les prisons alors qu'elle avait été interdite par la Haute Cours israélienne en septembre 1999.
Nasser Ayad, détenu au centre d'interrogatoires de la prison d'Ashkelon, depuis le 29 janvier 2001, a rapporté à l'avocat nommé par Addameer au cours de la visite du 19 mars 2001 : "J'ai été interrogé les 14 premiers jours sans interruption, excepté 4 à 5 heures où j'ai été placé dans une cellule (pièce de 2 mètres de large sur 1 mètre de long). Au cours de l'interrogatoire, je fus torturé par celui qui menait l'interrogatoire…
Addameer a noté également une augmentation du nombre de détentions et de ceux qui sont détenus dans les centres d'interrogatoire. Ces arrestations se faisaient aux barrages et dans les maisons dans les zones sous contrôle israélien. Ces arrestations à domicile sont accompagnées de destructions des meubles . Par exemple :
Marzook Abu Naim, du village Limghayer de la région de Ramallah a été arrêté à son domicile au début du mois de mars 2001. Les soldats israéliens ont encerclé sa maison et ont demandé à ses voisins de lui demander de sortir de chez lui, les mains levées. Ils le ligotèrent et le mirent dans une jeep militaire, en faisant sortir son fils et son épouse de la maison. Après être entrés dans la maison, ils commencent à démolir les effets personnels et creusèrent autour de la maison. Ensuite, ils interdirent d'entrer dans la maison pendant cette période. Puis, ils amenèrent les trois personnes dans la maison, plaçant chacune d'elles dans une pièce et commencèrent à interroger Marzook. Cela continua de 2 h à 6 h de l'après-midi.
Addameer organisa 14 visites et nota 32 cas de détenus dans les centres d'interrogatoires entre le 20 février 2001 au 20 Mars 2001. L'administration de la prison a interdit aux avocats de rendre visite à plusieurs de ces personnes et cela allant de 10 - 30 jours dans le but de faire pression sur les détenus en leur refusant le droit de tout contact humain, excepté avec ceux qui mènent l'interrogatoire.
Les Services de sécurité israéliens ont augmenté la pratique de mettre les prisonniers palestiniens dans des cellules avec des collaborateurs. Ces derniers cherchent à soutirer des informations des détenus.
la pratique de la méthode shabeh, méthode de torture qui consiste à mettre le détenu dans des positions extrêmement pénibles est aussi utilisée fréquemment au cours des interrogatoires de 24 heures.
[Pour plus d'informations, contacter : ADDAMEER - Prisoners' Support and Human Rights Association - PO Box 17338 - Phone : +972-2-2960446 - Fax : +972-2-2960447 -  E-mail: addameer@addameer.org - URL: http://www.addameer.org]
                      
Revue de presse

          
1. Une aide très attendue par Névine Kamel
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 28 mars 2001
Un milliard de dollars. Tel était le montant convenu par les ministres des finances des pays arabes lors du sommet extraordinaire du Caire d'octobre dernier pour soutenir l'économie et l'Intifada palestiniennes. L'accord stipulait la remise de 300 millions de dollars à la Banque Islamique pour le Développement (BID) basée à Djeddah, avant janvier 2001. Mais à ce jour, seuls 60 millions de dollars ont été versés. Bassem Al-Aql, responsable au sein de l'Autorité palestinienne, rappelle pourtant que les sommes reçues des pays européens sont dix fois supérieures à celles versées par les pays arabes.
Au cours de leurs réunions préparatoires au sommet arabe, cette semaine, les ministres des Affaires étrangères, des Finances et de l'Economie, sont revenus sur les moyens de soutenir économiquement les Palestiniens. Les représentants de ces derniers ont, tout d'abord, critiqué l'absence de mécanisme pour le versement de l'aide financière arabe promise. « La BID, chargée de verser l'aide arabe à la Palestine, n'est pas dotée de mécanisme de versement de cette aide », a souligné un responsable palestinien. Il a reproché à la BID de ne pas avoir consacré de fonds au soutien du budget palestinien, dont les besoins en financement de projets de première nécessité sont énormes. Les Palestiniens ont donc élaboré un document de travail demandant au sommet arabe de les aider à faire face à la conjoncture difficile qu'ils traversent et à financer des projets liés à l'éducation, à la santé et aux autres services. « Le sommet arabe est appelé à prendre une position ferme face à l'agression israélienne et établir un mécanisme pour assurer le transfert de l'aide aux Palestiniens », a assuré le responsable de la délégation palestinienne.
En fait, plusieurs pays arabes refusent de fournir une aide financière directe à l'Autorité palestinienne, arguant du manque de transparence dans la gestion des fonds. Les représentants des pays arabes mettent en cause la corruption des membres de l'Autorité palestinienne. « Cet état d'esprit est le résultat d'une longue relation des gouvernements arabes avec l'Autorité palestinienne. Celle-ci est accusée d'avoir utilisé certains fonds octroyés pour des projets précis pour d'autres dépenses », explique Mohamad Oweiss, ex-consultant pour le processus de privatisation auprès de l'Autorité palestinienne. « Mais cela est faux. L'objectif de l'Autorité palestinienne est de faire évoluer le pays sur tous les volets et surtout sur celui de l'économie ». Même attitude de défense chez Nabil Chaath, ministre palestinien de la Coopération internationale. Pour lui, « il est ridicule d'essayer de distinguer entre les Palestiniens et leur chef, d'autant plus que c'est exactement ce que cherche Israël. Les fonds octroyés à l'Autorité palestinienne sont dans leur intégralité consacrés aux hôpitaux, écoles, municipalités et services sociaux ».
Mais mis à part ce fonds d'un milliard de dollars, l'Autorité palestinienne espère obtenir une approbation sur une aide financière de l'ordre de 40 millions de dollars par mois, sur une période de six mois, afin de remettre sur pied les infrastructures économiques et sociales. Les ministres des Finances l'ont d'ores et déjà approuvée, mais attendent le sommet pour son approbation définitive. « Nous recherchons une opposition unanime des pays arabes contre la politique actuelle d'Israël. En d'autres termes, nous espérons rencontrer un soutien économique et financier sans faille de la part des pays arabes », affirme Chaath. Dans ce cadre, le ministre iraqien du Commerce, Mohamad Mehdi Saleh, a demandé l'adoption par le sommet d'une résolution demandant au Conseil de sécurité d'autoriser dans les plus brefs délais le transfert aux Palestiniens de l'aide iraqienne évaluée à un milliard d'euros. Approuvé par les membres du Conseil de sécurité, ce projet iraqien a cependant rencontré la réticence des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Cette aide iraqienne, prélevée sur ses recettes pétrolières contrôlées par l'Onu, devrait se répartir à hauteur de 700 millions d'euros en vivres et médicaments, et 300 millions en espèces versés aux familles des victimes de l'Intifada. L'Onu tarde encore officiellement à donner suite à cette demande iraqienne, qui remonte au mois de décembre dernier.
35 % de chômage 
Pendant ce temps, la situation ne cesse de se détériorer dans les territoires palestiniens. La production industrielle a baissé de 80 % en moyenne depuis septembre et les exportations ont cessé. Les douanes, toujours sous administration israélienne, retiennent les produits importés dans le port de Gaza, et ont infligé 1,5 million de dollars d'amendes aux sociétés d'import-export pour payer la gestion du stockage. Dans le même temps, les pertes quotidiennes des entreprises palestiniennes s'élèvent à 4,3 millions de dollars. Le chômage atteint ainsi le taux record de 35 %, contre un taux moyen de 9 à 12 % avant le blocus israélien. Les taxes sont un autre point crucial. Selon une étude menée par l'Institut méditerranéen en novembre 2000, 40 % des recettes intérieures de l'Autorité palestinienne proviennent des taxes et impôts prélevés par l'Etat israélien pour son compte et bloqués depuis septembre dernier. Le niveau de vie, déjà médiocre avant l'Intifada, s'est détérioré de jour en jour alors que déjà en 1998, selon la Banque mondiale, 25 % de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté. L'emprise de l'Etat hébreu sur l'activité économique palestinienne est aussi très importante, regroupant 85 % des transactions palestiniennes. Israël exporte également 14 % du total de ses exportations vers la Palestine, soit 2,7 milliards de dollars. De même, la Palestine exporte plus de 86 % du total de ses exportations, équivalent à 598 millions de dollars, vers Israël. Dans ces conditions, l'aide urgente promise en octobre fait vraiment défaut à des territoires palestiniens asphyxiés.
             
2. Les Palestiniens espèrent une aide concrète par Mohamed Amin Al-Masry
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 28 mars 2001
Gaza, de notre correspondant - Un soutien politique, mais aussi financier. C'est ce qu'attendent les Palestiniens du premier sommet arabe régulier, qui se termine ce mercredi 28 mars à Amman en Jordanie. Lors de leur réunion préparatoire au sommet, les ministres des Affaires étrangères et délégués arabes avaient élaboré un projet de résolution « incitant les Etats-Unis, la Russie et les autres membres permanents du Conseil de sécurité à assumer leurs responsabilités vis-à-vis des pratiques répressives et du blocus injuste que subit le peuple palestinien sous le joug de l'occupation » israélienne. Le texte les exhorte à « soutenir l'adoption par le Conseil d'une résolution assurant une protection internationale aux Palestiniens », a affirmé dimanche le ministre jordanien des Affaires étrangères, Abdel-Ilah Al-Khatib. Les Palestiniens avaient soumis au Conseil de sécurité le 20 mars un projet de résolution en ce sens, qui fait toujours l'objet de tractations. « Les dirigeants qui rejettent sur Israël la responsabilité de ces pratiques criminelles (...) annoncent que la fin de l'occupation israélienne des territoires arabes est le seul moyen susceptible d'assurer la paix à tous », poursuit le texte. Les dirigeants arabes devraient également réitérer leur demande de « juger les criminels de guerre israéliens auteurs de massacres contre les citoyens arabes en territoires occupés ». « Tous les points concernant la question palestinienne ont été approuvés par les ministres arabes », a confirmé un ministre arabe qui participe aux tractations interarabes sur ce dossier. Mais si les Etats arabes accédaient ainsi aux demandes palestiniennes de soutien politique, l'Autorité palestinienne réclame aussi et surtout une assistance financière. En effet, dans un communiqué diffusé jeudi, l'Autorité palestinienne avait appelé le sommet arabe « à prendre une position ferme face à l'agression israélienne et établir un mécanisme pour assurer le transfert de l'aide (financière) aux Palestiniens ». « Leurs déclarations seront plus fortes, mais je pense aussi qu'ils prendront des actions supplémentaires, qu'ils seront cette fois, par exemple, plus concrets en terme de soutien financier », a estimé M. Khatib. De fait, les ministres arabes ont déjà approuvé samedi soir une aide financière mensuelle aux Palestiniens de l'ordre de 40 millions de dollars, pour six mois, qui devrait être avalisée par le sommet arabe. Selon les estimations de l'Onu, les pertes subies par l'économie palestinienne depuis le début de l'Intifada s'élèvent à plus d'1 milliard de dollars. C'est exactement la somme d'aide promise aux Palestiniens lors du précédent sommet au Caire. Les Palestiniens se sont plaints de n'avoir reçu jusqu'à présent qu'1 % de cette somme. « Nous demandons également un soutien économique qui se traduirait par des facilités d'accueil des travailleurs palestiniens dans les pays arabes qui utilisent une main-d'œuvre étrangère », a également réclamé le numéro deux de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP), Mahmoud Abbass. Lors du sommet d'octobre, plusieurs pays arabes avaient refusé de fournir une aide financière directe à l'Autorité palestinienne, arguant du manque de transparence dans sa gestion des fonds. De leur côté, les dirigeants de l'Union européenne (UE) ont appelé les autres pays donateurs à soutenir économiquement les Palestiniens, dans une déclaration finale adoptée samedi en clôture du Sommet européen de Stockholm. Cela dit, certaines formations palestiniennes ne sont toutefois pas satisfaites du soutien politique déclaré des Etats arabes. Dans un communiqué publié à Damas, une coalition d'organisations palestiniennes opposées aux accords d'Oslo a invité les dirigeants arabes à « soutenir la résistance du peuple palestinien » en l'aidant à s'affranchir de sa « dépendance économique envers Israël ». Elle a appelé le sommet à « décréter un boycottage arabe d'Israël et un arrêt de la normalisation à tous les niveaux », et « rompre toutes formes de relation avec l'entité sioniste ». « Le choix du peuple palestinien pour réaliser ses objectifs nationaux est la résistance, les négociations n'ayant pas apporté de solutions », a affirmé l'Alliance des forces palestiniennes, qui regroupe huit formations non membres de l'OLP.
L'Alliance regroupe notamment les mouvements islamistes Hamas et le Djihad islamique en Palestine, ainsi que des formations prosyriennes comme le Fatah-Intifada et le Front populaire de libération de la Palestine-Commandement général, tous deux issus de scissions au sein de l'OLP. Face à l'engagement du président américain George W. Bush de transférer l'ambassade des Etats-Unis en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem, la même Alliance a exhorté les dirigeants arabes de « condamner les Etats-Unis pour leur soutien continu » à Israël et d'« annoncer une position arabe unique au sujet du déplacement de l'ambassade américaine vers Jérusalem ».
             
3. Le droit de résister par Baruch Kimmerling
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du mardi 27 mars 2001
[traduit de l'anglais par Giorgio Basile]

[Baruch Kimmerling est l'un des plus grands sociologues israéliens. Il enseigne au département de sociologie et d'anthropologie de l’Université Hébraïque de Jérusalem. Très impliqué dans le débat d'idées politiques et intellectuelles en Israël, il publie depuis 30 ans des articles dans le quotidien israélien Ha'Aretz.]
Aussi difficile que cela puisse être pour nous, il est important de replacer clairement la réalité politique, légale et morale dans son contexte historique: Depuis 1967, des millions de Palestiniens ont vécu sous occupation militaire, sans aucuns droits civils, et dépourvus pour la plupart des droits humains les plus élémentaires. La poursuite de l'occupation et des répressions leur octroient, à tous égards, le droit de résister à cette occupation en utilisant tous les moyens à leur disposition, et de recourir à la violence pour s'y opposer. Il s'agit là d'un droit moral inhérent à la loi naturelle et au droit international. Le problème est aggravé par la proximité physique, les deux populations vivant à deux pas l'une de l'autre, ce qui a des répercussions sur la forme que prend le combat. Le terrorisme palestinien, lorsqu'il vise sans discrimination des populations civiles au cœur d'Israël, est immoral, et a un effet boomerang. Il accroît la colère et la haine au sein de la communauté juive, et entrave la possibilité d'une vision empathique et rationnelle des demandes légitimes des Palestiniens. Le terrorisme est également un instrument politique, utilisé en toute conscience par des politiciens cyniques de droite et, depuis peu, par quelques chefs militaires, pour torpiller toute possibilité d'accord entre Israël et les Palestiniens.
En outre, les mesures mises en œuvre par l'armée et les colons ont souvent comme conséquences de tuer sans discrimination des Palestiniens, ce qui est également inacceptable à tout point de vue, humainement parlant. Des centaines de Palestiniens ont été tués, et des milliers d'autres blessés depuis le début de l'Intifada d'Al-Aqsa en septembre dernier. Israël recourt désormais fréquemment aux sanctions collectives - siège et découpage du territoire palestinien - ce qui est formellement interdit par les lois et conventions internationales. Et Israël pratique le terrorisme personnel contre ceux qu'il désigne comme étant les dirigeants du soulèvement palestinien.
Le droit des Palestiniens à résister à l'occupation est étayé par la Quatrième Convention de Genève, qui interdit d'instituer des faits irréversibles sur le sol des territoires occupés, et proscrit en particulier le transfert par la Puissance occupante d'une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle. L'affirmation par Israël qu'il n'est pas une puissance occupante - sous prétexte qu'aucune souveraineté n'existait sur ces terres lorsque les Britanniques sont partis en 1948, et que les Palestiniens ont refusé le plan de partage de 1948 - est, au mieux, une roublardise.
Selon la Haute Cour de Justice, qui connaît parfaitement les termes de la Quatrième Convention de Genève, toutes les colonies construites de l'autre côté de la Ligne Verte l'ont été pour des raisons de «sécurité», échappatoire trouvée par Israël pour justifier leur construction. La seconde «échappatoire» à laquelle recourt Israël est de prétendre qu'il n'a exproprié aucune propriété privée, les colonies ayant été établies seulement sur des «terres d'État».
Depuis 1967, plus de 60% de la Cisjordanie a été définie comme «terres d'État», ce qui signifie concrètement une annexion sélective et de facto des territoires. Cette mesure «légale» n'a été possible que parce que la plupart des terres n'étaient pas correctement répertoriées dans les registres cadastraux - qu'ils aient été tenus par les Ottomans, les Britanniques ou les Jordaniens. Mais tous ces gouvernements reconnaissaient aux fermiers la propriété de fait de leurs terres.
Israël s'est approprié une part sans précédent des territoires dans les années 1980, lorsqu'il a recensé l'ensemble du territoire, comparé les résultats au «tabu» (les documents du cadastre), et déclaré comme propriété d'État tout ce qui n'y figurait pas, sans donner aux habitants de ces terres la possibilité d'établir la preuve de leur droit et d'enregistrer leurs titres de propriété.
Plusieurs phénomènes ont émoussé en Israël le jugement politique, entre autres. Jusqu'à fin 1987, la résistance palestinienne à l'occupation n'était qu'un sujet de discorde mineur. La société israélienne savourait les fruits de l'occupation «temporairement permanente», sans avoir à en payer un prix conséquent et immédiat. Dans de telles circonstances, il était facile à un amalgame de messianisme nationalistico-religieux, de chauvinisme laïque dans le style du Likoud, et d'idéologie «la-sécurité-par-dessus-tout» prônée par le Mapai et Ahdut Avoda, de partir à la conquête de la culture politique d'Israël.
Même aujourd'hui, la majorité du public ignore tout simplement que chaque mesure prise à l'encontre des Palestiniens - sans parler du cumul de ces mesures - frise le crime de guerre, et est incapable de voir le drapeau noir de l'illégalité flotter sur chacune de ces mesures. Un État qui se veut éclairé ne peut agir en État terroriste, même lorsqu'il est victime du terrorisme. Hommes d'État, généraux et simples citoyens doivent remarquer ce drapeau noir avant qu'il ne soit trop tard, et que la plus noire des noirceurs ne déteigne sur chacun d'entre nous.
                      
4. Sharon s'exonère de toute responsabilité dans l'Intifada par Alexandra Schwartzbrod
in Libération du lundi 26 mars 2001
Il cherche à limiter l'enquête internationale en cours.
Jérusalem de notre correspondante
S'ils ne l'avaient pas encore compris, les membres de la commission d'enquête sur l'origine des violences israélo-palestiniennes sont désormais prévenus: le gouvernement Sharon considérera toute critique, quelle qu'elle soit, comme abusive, et n'envisage en aucun cas d'en tenir compte. L'ex-Premier ministre travailliste, Ehud Barak, a commis «une erreur historique» en acceptant, lors de la conférence de Charm el-Cheikh, la création de cette commission, dite «Mitchell» (du nom du sénateur américain qui la préside), s'est emporté hier matin le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, quelques heures avant de rencontrer ses cinq membres. «Personne, je dis bien personne, n'a le droit de traduire Israël et le peuple juif devant un tribunal des peuples du monde», a-t-il poursuivi en sous-entendant que l'opinion des membres de la commission était déjà faite.
«Aucun rapport». Sur la défensive, Sharon a surtout tenu à clamer son innocence dans le déclenchement de la violence qui, depuis près de six mois, a fait 444 morts, dont 364 Palestiniens, 66 Israéliens, 13 Arabes israéliens et 1 Allemand. «Il est clair pour tout le monde aujourd'hui qu'il n'y a aucun rapport entre ma visite sur le Mont du Temple et la vague de terrorisme», a-t-il affirmé en faisant référence à sa venue sur l'esplanade des Mosquées (appelée Mont du Temple par les juifs) qui, le 28 septembre, avait déclenché la deuxième Intifada. Les Palestiniens et certains pays occidentaux n'avaient pas hésité à qualifier cette visite de «provocation». «Tout le monde sait que le déclenchement des violences est le résultat d'une décision stratégique de Yasser Arafat, qui croyait ainsi pouvoir faire pression, obtenir davantage d'Israël et provoquer une intervention internationale dans le conflit», a plaidé le Premier ministre, alors que l'un de ses ministres, Danny Naveh, mettait en garde les membres de la commission contre un déploiement d'une force internationale que réclament les Palestiniens.
«Pas un tribunal». Désireux de ne pas s'aliéner la communauté internationale, Ariel Sharon a toutefois accepté de collaborer avec la commission Mitchell, qui, tout au long de la semaine dernière, a pu rencontrer de nombreux dirigeants israéliens et palestiniens. «Nous ne sommes pas un tribunal, nous pensons que nul n'est là pour être jugé», a déclaré en retour le sénateur George Mitchell, laissant entendre que la commission allait s'employer à travailler sur l'avenir et non sur le passé, et, comme les Israéliens le réclament, à «chercher les moyens d'empêcher la situation de se dégrader encore par la violence et le terrorisme». Hier soir à Jérusalem, Ariel Sharon aurait déclaré à la commission que, si elle ne désignait pas Yasser Arafat comme le responsable de la violence, le président palestinien y verrait un message signifiant que celle-ci est payante.
                        
5. Quoi, des Palestiniens souffriraient de traumatismes et d'anxiété ? par Amira Hass
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du dimanche 25 mars 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Médecins Sans Frontières apporte une assistance psychologique aux Palestiniens de la Bande de Gaza, en complément de l'aide médicale classique. Des psychologues parlent avec des parents qui éprouvent de la difficulté à se lever le matin, et avec des enfants atteints d'énurésie. Récemment, un groupe d'une vingtaine d'écoliers d'un âge situé entre dix et quinze ans étaient là, aux environs de Saja'iya, à l'est de Gaza, consacrant à l'action symbolique de l'intifada : jeter des pierres contre les positions hyper-blindées des Forces de Défense (israéliennes) ou des jeeps militaires et des voitures de colons, sur la route reliant la colonie de Netzarim à Israël. Bien que des centaines de petits camarades de ces gamins aient cessé de croire en l'utilité de ce geste symbolique et rentrent sagement chez eux après leur journée d'école, localement, ce petit groupe continue à regarder vers l'est, vers le carrefour de Karni-Muntar...
Le 26 février, une nouvelle position de l'armée israélienne, consistant en un poste d'observation en béton, un véhicule blindé de transport de personnels et, occasionnellement, une jeep militaire ou deux, a été installée là. Toute la zone s'étendant autour de cette position militaire est "dégagée" : des centaines d'ares de vergers ont été rasés au sol, et tout mouvement dans la zone est forcément détecté par les vigiles. Les enfants de Saja'iya ont parfaitement conscience du fait que les pierres qu'ils lancent, même s'ils utilisent une fronde, ne pourront que rouler aux pieds des soldats, dans leur mirador ou leur jeep blindée. Les soldats font des cartons contre eux, depuis le transport de troupes, une jeep, ou le poste d'observation. Les enfants savent qu'ils peuvent être blessés, voire tués, et que jeter une pierre ou deux ne leur donnera pas, à tous, le temps de se mettre à l'abri... Malgré tout ça, ils continuent à venir.
Les adultes de leur entourage ont remarqué que ces enfants ont changé de comportement, récemment : ils deviennent de plus en plus dévots dans leur pratique religieuse. Ils veillent à ne rater aucun enterrement des victimes des tirs des Forces israéliennes de défense, et lorsqu'ils viennent jusqu'au cimetière, ils se passent une poignée de sable sur le visage afin de se purifier avant de participer à la prière des morts. Leur dévotion est perçue comme une manière pour eux de tenir la peur en respect, cette peur qui est le lot commun de tous les habitants de la bande de Gaza : adultes, comme enfants.
Les activistes du coin, relevant des deux organisations islamiques rivales - le Hamas et le Jihad islamique - ont tenté de convaincre ce groupe d'enfants de proclamer leur adhésion à leur organisation respective. Les enfants ont rejeté cette idée d'un revers de la main, insistant sur leur volonté d'indépendance...  L'un d'entre eux, Muhammad Hilis, 13 ans, s'approcha de la zone frontalière, le 27 février dernier, au point où les résidents de la colonie de Netzarim passent, avec leur escorte de jeeps de l'armée israélienne. Des témoins ont rapporté au Centre Palestinien pour les Droits de l'Homme qu'à environ 2 heures et demie, une trentaine d'enfants se sont avancés jusqu'à une cinquantaine de mètres de la frontière israélienne, et se sont mis à lancer des pierres contre la jeep ouvrant la marche d'un convoi de voitures de colons de Netzarim. La jeep s'est arrêtée immédiatement, et un soldat a tiré deux balles réelles en direction des enfants. Hilis a été atteint à la tempe gauche. Des témoins ont dit que les soldats n'avaient utilisé aucun moyen non-létal afin d'avertir les enfants avant de leur tirer dessus. Hilis est mort de ses très graves blessures, le premier mars...
Les leçons du Kosovo
Les lanceurs de pierres ne sont pas les seules victimes des tirs à balles réelles. Le même mardi où Hilis a été mortellement atteint, une fillette de cinq ans, Fatma Abu Salah fut atteinte par une balle. Sa famille vit à Absan, un village situé à l'est de Khan Yunis, juste à côté de la frontière avec Israël. Sa mère a déclaré à un enquêteur du Centre Palestinien pour les Droits de l'Homme que des tirs ont commencé à être entendus dans la région à environ 4 heures et demie du matin, ce jour-là. A sept heures et demie du soir, Fatma était arrivée devant le portail de son jardin d'enfants, situé à environ un kilomètre à l'ouest de la frontière, lorsqu'elle a été atteinte par une balle.
S'agissait-il d'une balle perdue, provenant de l'endroit où des échanges de tirs avaient lieu ? A Gaza, personne ne croit plus aux "balles perdues". Les gens, là-bas, sont parfaitement au courant du fait que les Forces de Défense disposent des matériels les plus sophistiqués, qui leur permettent de voir n'importe quelle cible, de nuit comme de jour, et que par conséquent tout projectile tiré, que ce soit de loin ou de près, est intentionnel - y compris un tir dont la victime est un petit garçon de huit ans.
A la différence de Fatma Abu Salah, Mustafa al-Luka, 15 ans, a été tué par un tir de proximité. Résident du quartier Brésil du camp de réfugiés de Rafiah, Luka était assis sur le parvis de la mosquée Al-Nur, le 26 février, aux environs de quatre heures et demie de l'après-midi, lorsqu'il a entendu quelques tirs et une détonation. La mosquée se trouve à dix mètres de la frontière entre la bande de Gaza et l'Egypte, longée par une route stratégique contrôlée par l'armée israélienne. Mustafa a remarqué la tête d'un soldat israélien sortant de la tourelle d'un tank qui roulait en suivant la frontière d'ouest en est, et un autre tank, qui venait de l'est. Les deux tanks se sont rejoints à un point situé en face de la mosquée, a-t-il raconté à un enquêteur du Centre Palestinien pour les Droits de l'Homme.
"J'ai vu un soldat israélien pointer sa mitraillette sur moi. J'ai entendu trois tirs. J'ai senti une brûlure à l'épaule droite et à la poitrine. J'ai pu m'enfuir et arriver aux premières maisons du quartier, et de là, quelqu'un m'a emmené à l'hôpital Jenina de Rafiah", a raconté le garçon.
Ainsi, pas un jour ne se passe, dans la bande de Gaza, sans que quelques enfants ne soient blessés par les tirs des soldats israéliens, et pas une semaine sans qu'au moins un ou deux adultes ne soient atteints, voire pire, sans qu'un, deux ou trois enfants ne soient tués dans des circonstances similaires à celles que nous avons exposées. Les gens, ici, ont une expérience de première main de ce que rapporte la presse israélienne, en matière de "levée de certaines restrictions en matière d'ouverture du feu" (par l'armée israélienne, NdT).
A première vue, il semble que les gens aient d'ores et déjà admis que leurs vies sont exposées en permanence, puisque,où qu'ils puissent être, ils sont à portée de tir des forces israéliennes. Les expressions des visages des gens, les plaisanteries qu'ils échangent sur la situation et leurs sourires indéfectibles ne laissent transparaître nulles peur ni panique, et traduisent une capacité incroyable à s'adapter à toutes sortes de situations, aussi démentielles soient-elles.
Et c'est sans doute pourquoi un réserviste de l'armée israélienne, un psychotérapeute effectuant une période militaire au poste de Tel al-Sultan, avait été extrêmement surpris d'entendre de la bouche d'Hervé Landa, un confrère, allait-il découvrir sans tarder, que les Palestiniens souffrent aussi psychologiquement des longues journées de tirs de mitrailleuses, tanks, hélicoptères et mortiers visant directement leurs maisons. "Et moi qui étais persuadé que les Palestiniens ne ressentent ni traumatismes ni anxiété..." l'avait coupé le soldat-psychothérapeute. "Ils passent devant nous, au barrage de contrôle sur la route, et leurs visages ne trahissent aucune émotion". Les deux psychothérapeutes s'étaient rencontrés par un pur effet du hasard à l'un des barrages sur une route de la bande de Gaza. Le soldat avait voulu en savoir plus sur ce Français (Hervé Landa) et ce qu'il venait faire dans une zone aussi dangereuse, et ils s'étaient mis à bavarder...
Landa travaille pour une organisation humanitaire française, Médecins Sans Frontières (MSF), fondée en 1972, dont le but est d'apporter une aide dans les pays affectés par la guerre, les catastrophes et les conflits internes. Au cours des années récentes, après avoir acquis une expérience de terrain dans des endroits tels que la Tchétchénie, la Bosnie ou le Kosovo, cette organisation a conclu qu'il ne suffisait pas d'envoyer sur le terrain des équipes médicales afin de soigner seulement les blessures physiques et que les stress psychologiques et leurs conséquences somatiques étaient très répandus et non moins catastrophiques.
Avec la reprise du conflit israélo-palestinien, Médecins Sans Frontières a ouvert deux nouveaux bureaux dans les territoires palestiniens, l'un dans la bande de Gaza, et l'autre, dans la vieille ville d'Hébron. Des médecins et des psychologues travaillent ensemble dans ces deux centres, en coordonnant leur action, échangeant des informations et recourant à des méthodes similaires : ils n'attendent pas, dans des dispensaires, que les gens viennent à eux, mais ils visitent les familles, à cause, principalement, des restrictions imposées par Israël aux déplacements des Palestiniens, depuis octobre dernier. Les interprètes qui travaillent avec eux sont des Palestiniens (francophones, NdT), dont certains ont passé plusieurs années en Algérie.
Les familles du quartier des réfugiés de Khan Yunis, fermé à l'ouest par les colonies du complexe de Gush Katif et des postes de surveillance des Forces israéliennes de défense, accueillent chaleureusement Landa et son interprète. On leur apporte quelques chaises de cuisine, pour qu'ils puissent s'asseoir dans la cour d'une maison, ou à côté d'une pièce détruite par des tirs d'obus ou un mur criblé d'impacts de balles, ou parfois, on les invite à s'asseoir sur les coussins dans la salle de réception de quelque maison. Parfois ils peuvent parler avec une famille au complet, parents et enfants réunis, parfois ils demandent à parler seuls à seul avec un membre d'une famille, en particulier.
Au fil de la conversation, Landa fixe le regard de ses interlocuteurs, comme s'ils partageaient un langage commun. Il se souvient du moindre détail de ce que les gens lui ont dit au cours de rencontres précédentes. Il se souvient du nom de la personne avec qui tel enfant s'était "accroché", après avoir été blessé à la jambe par un tir israélien, il se souvient du rêve qu'avait fait la fille atteinte d'une balle près du coeur, dont personne ne pensait qu'elle survivrait et qui pourtant est toujours là...
Les gens sont émerveillés de voir qu'il se souvient du moindre détail, et cela semble bien faire partie du traitement : le sentiment que quelqu'un est réellement intéressé à ce qu'ils ont à lui dire, que chaque détail est si important, pour lui, qu'il n'en laisse pas échapper un seul.
Pourquoi ses jambes tremblent-elles ?
Les Palestiniens ne sont absolument pas accoutumés à avoir des conversations intimes. Personne n'a besoin qu'un psychologue étranger vienne lui dire que des morts, chaque jour, et un tel nombre de blessés, de maisons détruites et de tels tirs et bombardements affectent le moral des gens, et qu'à cause de tout ça, des parents ont des difficultés à se lever de leur lit lorsque vient le matin et que des enfants sont plus turbulents, voire violents, à l'école, et font pipi au lit. Mais Landa croit beaucoup dans la nécessité de faire sortir les choses rentrées et dans l'importance primordiale qu'il y a à aller chercher en-dessous des peurs et des symptômes psychosomatiques. Il semble que les filles palestiniennes sont bien de son avis et beaucoup plus ouvertes et enclines à se confier, même d'émotions très profondément enracinées et de leurs mauvais rêves. Il est, par contre, beaucoup plus difficile d'obtenir des garçons qu'ils s'expriment. Landa pense que les conversations qu'il a eues avec K, une jeune fille qui a reçu une balle à côté du coeur, ne sont pas étrangères au fait qu'elle a pu se lever de son lit, qu'elle gardait depuis de longues semaines, et qu'elle a retrouvé le sourire. Elle avait été blessée chez elle, par des tirs d'un hélicoptère qui faisait des rondes autour des maisons de son quartier...
K. vit avec la hantise constante que la balle ne se déplace et qu'elle n'en meure. Elle a en permanence une douleur sourde dans la région du coeur, qui lui ramène de façon obsédante le souvenir de sa blessure. Elle a peur de se surmener physiquement. Elle ne porte pas de livres ni de cahiers pour aller à l'école : Landa lui suggère d'essayer d'emmener juste un livre, pour commencer... Elle ne fait cuire que huit pains, puis elle s'arrête, alors que ses soeurs en font cuire des douzaines d'affilée et lui disent, en ne plaisantant qu'à moitié, qu'elle ne fait pas sa part des travaux domestiques. Mais, avant d'avoir rencontré Landa, elle n'en faisait cuire aucun. "En fait, les gens s'aident eux-mêmes : je ne suis qu'un intermédiaire", aime à répéter ce dernier.
K. raconte un rêve : Les Juifs nous tirent dessus. La moitié des gens sont tués, la moitié encore en vie. "Et toi, tu es de quel côté ?" demande Landa. K. est désarçonnée par la question. "Es-tu parmi les morts, ou parmi les vivants ?" redemande-t-il, et elle se souvient alors que, dans son rêve, non seulement elle était restée en vie, mais aussi qu'elle avait participé au sauvetage des blessés. Elle dit que ce rêve n'était pas un bon rêve, mais Landa lui explique qu'il pense, lui, que c'était un rêve positif, puisqu'elle y occupait un rôle actif et qu'elle y faisait tout ce qu'il fallait.
A., atteint à la jambe et à la hanche par un tir à balle réelle alors qu'il participait, avec des camarades, à un tir de cailloux contre les soldats, a remarqué que depuis sa blessure, il a tendance à avoir des crises de colère, il fait même peur aux gens autour de lui, quand il pique sa crise. Lorsqu'il entend des tirs, ses cicatrices ont tendance à élancer et il pense que c'est ça qui l'irrite. En parlant avec Landa, il apprend à ne pas appréhender le retour des douleurs, à s'accepter tel qu'il est, même lorsqu'il est en crise de colère, à admettre que ses amis n'y sont pour rien : à l'avenir, il s'efforcera de compter, intérieurement, calmement jusqu'à dix avant d'exploser...
Landa essaie de parler aux adultes et aux enfants de la peur qu'ils ressentent. Si la peur les frappe au moment où ils entendent des tirs, c'est normal ; si, par contre, ils ont peur même lorsqu'il n'y a pas de tirs, ils essaient ensemble d'identifier les causes déclenchantes. Beaucoup de gens lui disent qu'ils ont surtout peur la nuit. Dans les maisons des réfugiés, les toilettes sont dans la cour. Les maisons sont étalées à la vue des vigiles israéliens. Ils ont peur, s'ils vont dans la cour, ou s'ils allument la lumière, d'être descendus sur le champ.
Landa a remarqué que les parents ont de la difficulté à se lever, le matin, parce qu'il est difficile de trouver un motif d'espoir et une bonne raison de se lever. Ils sont sans patience avec leurs enfants, mais c'est une manière de dissimuler leur désarroi. Sans revenus, ils ne peuvent assurer une vie décente à leurs enfants et, de plus, ils ne peuvent pas les protéger efficacement contre les tirs.
L'après-midi, lorsque les tirs commencent, c'est le sauve-qui-peut, les gens abandonnent leurs maisons. Des quartiers entiers se vident de leurs habitants, la nuit. Durant la fuite, il y a toujours une ou deux personnes qui s'attardent ou qui s'égarent, et le traumatisme d'angoisse que cela crée affectera la famille durant des journées entières. Le symptôme le plus sérieux de cette angoisse, ce sont des crises douloureuses aux jambes. Certaines personnes ont été confrontées à la découverte terrifante que leurs jambes pouvaient soudain être prises de tremblements et ne plus les porter. De parler avec Landa les aide à comprendre qu'il s'agit là de douleurs on ne peut plus réelles, logiques, et qu'elle ne résultent en rien d'on ne sait quelle atteinte corporelle, qui les rendrait du même coup incurables.
Au mois de février, des médecins et des psychologues de MSF ont eu à s'occuper d'un cas particulièrement difficile, mêlant des blessures physiques à des traumas psychologiques. Les 12 et 13 février, les Forces israéliennes ont utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser des insurgés palestiniens près du pont de Tufah, à l'extrémité de la route côtière qui relie le centre de Khan Yunis à son camp de réfugiés, ce dernier se prolongeant jusqu'à la mer (à proximité de Gush Katif). Au lieu des nuages de fumée blanche tirant sur le gris, familière aux habitants du voisinage, par le passé, c'est, cette fois, un gaz jaunâtre et noirâtre qui se répandit. Des gens ont cru que quelque chose avait pris feu et, au lieu de s'éloigner au plus vite, se sont rapprochés de l'origine des fumées et furent d'autant plus atteints. Des personnes ont eu des vomissements durant plusieurs jours de suite, des maux d'estomac, des tremblements des mains et des jambes, et étaient incapables de marcher. Ce fut la panique lorsque certains Palestiniens, à la suite de Yasser Arafat, ont déclaré qu'Israël avait utilisé un gaz de combat banni par les conventions internationales. Ces accusations avaient été immédiatement démenties par l'armée israélienne. Hélène Briso, médecin de MSF, a passé plusieurs jours à examiner les patients atteints par ces gaz à l'hôpital de Khan Yunis. Contrairement aux allégations israéliennes, selon lesquelles les tremblements et les autres réactions étaient "du cinéma", elle a confirmé que tous les symptômes étaient réels. Les représentants du MSF ont conclu que le gaz utilisé par l'armée israélienne était extrêmement concentré, à un taux totalement imprévisiblel pour les gens qui avaient l'expérience des lacrymogènes utilisés "habituellement". La plupart des médecins palestiniens sont arrivés à la même conclusion, certains d'entre eux reconnaissant que les réactions physiques constatées étaient assimilables aux symptômes d'une forme d'hystérie causée par le recours à un gaz lacrymogène surpuissant.
Landa a rencontré des gens qui étaient persuadés que ce gaz leur causerait un cancer. M., soeur ainée de K, la jeune fille blessée à la poitrine dont nous avons parlé, a été hospitalisée durant plusieurs jours : elle ne pouvait plus bouger. "Je préfère encore être blessée par balle. Tout ce que je demande, c'est de ne plus avoir à respirer de gaz lacrymogène", répète-t-elle.
Dans les écoles, des conseillers parlent aux enfants ; les enseignants sont encouragés à prendre en compte les problèmes exprimés par leurs élèves. Néanmoins, K., institutrice à Rafiah, se demande si les conversations en confiance, en tête à tête, peuvent changer quelque chose, si les circonstances autour d'eux - qui sont la cause-même des traumatismes - restent ce qu'elles sont. Le fils aîné de K., Basil, 12 ans, pense tous les jours à son meilleur camarade, qui a été tué ; il n'y a pas un coin du camp où il vit qui ne lui rappelle l'époque où ils jouaient ensemble. Lorsqu'il se dispute avec sa mère, il lui dit : "Je vais aller à la frontière, comme ça, un Juif me descendra : je mourrai, il n'y aura plus de problème". Et K. se demande - comme la plupart des parents et des enseignants palestiniens - ce qu'elle peut faire, ce qui pourrait bien être changé, quand chaque jour, des enfants continuent à être blessés, ou tués.
A en croire beaucoup de Palestiniens, tout le monde s'adapte simplement, s'habitue à la peur. Autrement, vous en oubliez d'avoir peur (ce qui peut être fatal).
K. passe parfois de mauvais quarts d'heure, lorsqu'elle doit répondre aux questions de ses élèves. Une fille, dans sa classe, qui vit près des barbelés de la frontière - un endroit qui semble aimanter les tirs des forces israéliennes - a été atteinte au dos par une balle. "Ce soldat, il ne savait pas que j'étais en train d'apporter du pain chez moi ?" ne cesse-t-elle de demander à son institutrice. Un autre élève, un garçon qui a été blessé lui aussi, n'arrête pas de demander aux adultes qu'il rencontre si les Juifs n'ont pas d'enfants et si c'est pour ça qu'"ils nous tirent dessus comme ça leur chante" ?
                
6. Proche-Orient : l'Europe responsable par Dominique Moisi
in Le Monde du dimanche 25 mars 2001
Dominique Moisi est directeur adjoint de l'Institut français des relations internationales (IFRI)
On ne peut comprendre le blocage actuel du processus de paix au Proche-Orient sans avoir recours à l'histoire et sans évoquer le rôle et la responsabilité de l'Europe. Parce qu'elle est à la source du problème, l'Europe ne peut abdiquer l'ambition d'être au moins partie à sa solution. Elle ne peut se contenter de jouer les banquiers toujours frustrés.
ON ne peut comprendre le blocage actuel du processus de paix au Proche-Orient sans avoir recours à l'histoire et sans évoquer le rôle et la responsabilité de l'Europe. Parce qu'elle est à la source du problème, l'Europe ne peut abdiquer l'ambition d'être au moins partie à sa solution. Elle ne peut se contenter de jouer les banquiers toujours frustrés.
L'incapacité des Israéliens et des Palestiniens à progresser dans leur dialogue a largement pour origine la lecture incompatible qu'ils font de leurs histoires respectives. Les Israéliens se perçoivent comme le dernier mouvement d'indépendance nationale issu des nationalismes européens du XIXe siècle. Leur drame, c'est que leur "Risorgimento"se matérialise au lendemain de la seconde guerre mondiale, au moment où commence un deuxième phénomène historique d'une ampleur équivalente, la décolonisation. Pour l'ensemble du monde arabe et, en particulier, les Palestiniens, l'Etat juif n'est que la dernière et la plus inacceptable manifestation de l'impérialisme colonial de l'Occident. Aujourd'hui encore, les Palestiniens les plus ouverts au dialogue avec Israël parlent du phénomène de colonisation sioniste.
Une référence historique qui n'est pas neutre. Les colons ne finissent-ils pas toujours par partir ? Ainsi, un haut responsable français en déplacement au Proche-Orient s'est-il entendu dire par son interlocuteur palestinien, maire d'une ville importante, que"la paix ne serait pas pour sa génération, ni pour la génération de ses enfants, ni pour celle de ses petits-enfants. Et, pendant tout ce temps, les Palestiniens deviendront toujours plus nombreux, toujours plus désespérés, toujours plus sauvages. Et les Israéliens, toujours plus occidentaux et donc moins résolus, moins prêts à accepter des pertes en vies humaines, finiront par partir". Le problème est que les Israéliens ne se perçoivent nullement comme des colons ; ils n'ont pas, de l'autre côté de la Méditerranée, une mère patrie où se retirer.
Ce sont les Européens qui sont à l'origine de ces perceptions croisées, nées de l'antisémitisme et de la colonisation. A travers le colonialisme, l'Europe a voulu imposer son histoire, sa culture, ses langues, à des peuples qu'elle a conquis puis dominés. A travers l'antisémitisme - présence constante, à des degrés divers, dans l'histoire européenne -, elle a au contraire refusé le statut d'Européen à part entière aux juifs singularisés au départ par leur foi religieuse et leur comportement, sinon par leur apparence vestimentaire. Un refus identitaire qui s'est traduit par les pogroms, l'exclusion et, enfin, la chute dans la barbarie. Pas plus que le "péché colonial" ne saurait faire oublier l'antisémitisme, la Shoah ne saurait occulter les méfaits de la colonisation ou les coûts d'une décolonisation hâtive, cynique et souvent irresponsable.
Savoir garder un équilibre entre ces deux sentiments de culpabilité, entre ces deux mémoires, au-delà des intérêts et des calculs, est la première et la plus importante responsabilité de l'Europe. C'est aussi la seule manière de parvenir à bâtir une position commune des Européens. Il est évident que la tâche est particulièrement délicate pour le couple franco-allemand. La France ne peut agir au Proche-Orient sans faire l'effort de respecter les sensibilités d'une Allemagne toujours légitimement marquée par douze années de régime nazi. L'Allemagne doit intégrer cette sensibilité post-coloniale française qui va au-delà des simples intérêts diplomatiques et mercantiles.
Dans ce contexte historique, douloureux et complexe, l'Europe n'a pas seulement des devoirs et des droits, elle a aussi des instruments d'influence réelle, qu'elle tend à négliger. L'Etat d'Israël a pu avoir une perception globalement négative d'une Europe partiale et impuissante. Il ne serait évidemment pas prêt à échanger la garantie américaine contre une forme d'assurance européenne. Mais Israël, dont l'économie est prospère et qui s'est pleinement engagé dans l'aventure de la nouvelle économie (aujourd'hui près de 150 Israéliens sur 1 000 dépendent d'elle, c'est-à-dire le double du nombre de citoyens américains), voit en l'Union européenne un partenaire naturel, un débouché essentiel de son agriculture comme de ses nouvelles technologies. Si le monde du sport demeure une préfiguration de celui de la politique, Israël est déjà un pays européen, engagé dans les compétitions sportives européennes. Ce désir d'Europe constitue pour l'Union européenne une forme de pression sur Israël. Un pays qui entend se présenter comme un partenaire privilégié de l'Union ne saurait ignorer un certain nombre de règles élémentaires en matière de droits de l'homme, même s'il se trouve confronté à des formes de terrorisme particulièrement sauvages. De la même manière, l'Autorité palestinienne dépend pour sa survie économique, et donc politique, de l'aide de l'Union. Cette aide doit être de plus en plus conditionnelle.
Deux bombes à retardement, dont les mèches sont de plus en plus courtes, rendent impossible aujourd'hui tout espoir de paix. Les colonies de peuplement israéliennes d'une part, le mode de gestion non démocratique et corrompu de l'Autorité palestinienne de l'autre. Convaincre les Israéliens de se retirer de territoires qui sont profondément dommageables à leur sécurité, convaincre Arafat et les Palestiniens qu'ils ne seront pas crédibles sans un début de transparence démocratique, tels sont les deux messages sur lesquels l'Union européenne pourrait s'entendre.
L'échec du processus d'Oslo est né de la rencontre du désespoir et de la peur. Conforter les Palestiniens, rassurer les Israéliens : la communauté internationale a un double rôle à jouer. Le moment n'est pas nécessairement mal choisi. Depuis le début de la deuxième Intifada, Israël a perdu la guerre des images et la guerre des mots, mais Arafat est en train de perdre la bataille politique sur le terrain. Ce ne sont plus seulement les chancelleries occidentales qui, dans leur grande majorité, remettent en cause la "sagesse"du leader palestinien, ce sont, de plus en plus nombreux, des Palestiniens qui s'interrogent sur la légitimité d'une politique qui peut s'apparenter à une grande occasion ratée. Barak était certes un piètre tacticien, mais en lui disant non à Camp David, Arafat s'est révélé un bien mauvais stratège, et en tout cas un dirigeant bien peu économe du sang des hommes.
Le problème pour l'Europe n'est pas d'équilibrer une position pro-israélienne des Etats-Unis par un soutien plus marqué aux Palestiniens. Le seul rôle que l'Europe doit jouer, le seul aussi qu'elle puisse jouer de manière unifiée en tant qu'Europe, compte tenu des différences de sensibilité en son sein, est de soutenir avec passion les modérés des deux camps et de dissuader, dans les deux camps, les dérives extrémistes. C'est en appliquant à la lettre la formule de Camus selon laquelle "on est toujours trop généreux avec le sang des autres"que l'Europe sera le plus européenne et réconciliera le mieux ses deux responsabilités historiques.
            
7. Une source palestinienne déclare : les menaces de Ben Eliezer de revenir aux mesures de relégation et d'exil sont le signe d'un échec du gouvernement Sharon
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié en Angleterre) du samedi 24 mars 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]

Ramallah - Un responsable de la sécurité palestinienne de haut niveau a commenté les menaces du ministre israélien de la défense, Benjamin Ben Eliezer, de revenir aux mesures d'éloignement forcé et d'exil, en les qualifiant de symptomatiques de l'échec programmé du gouvernement Sharon.
Ce responsable palestinien a poursuivi en disant que "ces menaces viennent à la veille d'une rencontre prévue entre le premier ministre israélien et le président américain, George Bush, visite au cours de laquelle Ariel Sharon s'efforcera d'obtenir l'agrément des Américains pour son plan visant à user d'encore plus de mesures répressives à l'encontre du peuple palestinien et de sa direction nationale".
"Ces menaces n'effraient en rien notre peuple, elles ne sont qu'une nouvelle manifestation de la faillite et du désarroi du nouveau gouvernement israélien, qui menace à nouveau de recourir à des mesures de répression qu'il a déjà utilisées par le passé et qui ont fait la démonstration de leur échec retentissant au cours de la période antérieure au processus de paix et aux accords d'Oslo".
Le responsable palestinien a mis en garde contre "la tentative de faire tourner les aiguilles de l'horloge à l'envers, en essayant de revenir aux mesures répressives ignominieuses utilisées par l'occupant afin de réprimer notre peuple : elles ne feront que se heurter à une résistance et une détermination accrues de notre part."
Il a ajouté : "le nouveau gouvernement israélien doit comprendre qu'il n'a pas d'autre solution que revenir à la table des négociations, s'engager à respecter tous les accords signés et commencer à mettre un terme à son occupation et à sa colonisation des territoires palestiniens".
Le journal israélien Ha'aretz, publié le mardi 20 mars, avait fait état des menaces du ministre israélien de la défense de recourir à nouveau à la politique consistant à exiler ceux qu'il a appelés "les activistes palestiniens" si l'intifada d'al-Aqsa se poursuivait.
Selon ce journal, Ben Eliezer avait proféré ces menaces au cours de sa rencontre, la veille, avec les responsables des colons des implantations de Gush Etzion et Efrat.
           
8. La grève générale est un message d'Al-Husseïni à Arafat : "Je suis l'unique référence nationale à Jérusalem" - Al-Husseïni déclare : "L'histoire nous demandera des comptes si nous ne luttons pas contre la judaïsation de Jérusalem" par Dany Rubinstein dans Ha'Aretz (quotidien israélien) du mardi 20 mars 2001
cité in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié en Angleterre) du samedi 24 mars 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]

Jeudi dernier, les rues de Jérusalem Est, paralysée par la grève générale, étaient désertes et les magasins étaient fermés. Les écoles, les services publics et les transports ont largement observé le mouvement. Sur le fond des événements sanglants vécus dans les territoires palestiniens, cette grève n'a pas beaucoup retenu l'attention, et les médias ne lui ont accordé aucune importance particulière.
Les partisans de Fayçal al-Husseïni, en charge du dossier de Jérusalem à l'OLP, ont organisé cette grève afin de protester contre le blocus imposé aux territoires palestiniens par Israël et contre les déclarations, récentes, du ministre des affaires étrangères (Secrétaire d'Etat) américain, Colin Powell, qui faisaient de Jérusalem la capitale d'Israël.
Parallèlement au mouvement de grève, Fayçal al-Husseïni a réuni toutes les personnalités locales et nationales présentes dans la ville afin de débattre de ce que les Palestiniens doivent faire à Jérusalem, dans le contexte des développements politiques actuels. Al-Husseïni a pour habitude de réunir périodiquement les représentants locaux des différents partis politiques palestiniens dans son bureau de la Maison de l'Orient, mais la dernière réunion a connu une affluence inhabituelle. La grande salle de réunion de la Maison de l'Orient n'était pas assez grande pour accueillir tous les participants, c'est pourquoi la réunion s'est tenue dans une salle voisine, celle du théâtre Al-Hakawati. Y ont participé l'Autorité palestinienne, en la personne du préfet de Jérusalem, Jamil Uthman Nasir, dont les bureaux sont à Abu Dis, mais que l'on voit de plus en plus souvent à Jérusalem ; le ministère des affaires de Jérusalem, représenté par son directeur général, le docteur Nimr Ismaïl ; les membres du conseil législatif (le parlement de l'Autorité), députés du département de Jérusalem et les responsables des biens fonciers islamiques (waqfs).
Dans un passé pas si lointain, ce genre de réunions suscitait les protestations du gouvernement israélien qui avait pour politique d'interdire les réunions politiques de l'Autorité palestinienne à l'intérieur de la ville. Il y a eu aussi des périodes (au cours du gouvernement Benjamin Netanyahu, formé en 1996) où il fut question, à plusieurs reprises, de fermer la Maison de l'Orient, à cause des activités politiques qu'y déployait l'Autorité palestinienne. Israël s'est employé à harceler différents services palestiniens actifs à Jérusalem-Est, bien qu'ils aient été dépourvus d'une quelconque importance politique.
Il semble que tout ceci soit du passé, après qu'ait été mis à l'ordre du jour politique, l'été dernier, la proposition de transférer les quartiers arabes de la ville de Jérusalem à la souveraineté palestinienne. Depuis lors, on ne trouve plus d'instance israélienne pour gêner les activités et les mouvements des partisans de Yasser Arafat dans la ville.
Mais cela n'a pas empêché Fayçal al-Husseïni de baptiser l'entité mise sur pied par la réunion en question de "Commission de garantie et de sauvegarde des institutions palestiniennes à Jérusalem", dont la raison d'être, apparemment, est de faire obstacle à l'immixtion israélienne. Le problème central étudié au cours de cette réunion fut la détermination du comportement à adopter face aux intentions déclarées du nouveau gouvernement israélien quant à ce qu'il ferait prochainement dans la partie orientale de la ville.
Bientôt seront achevés les travaux de construction des petits quartiers juifs de Ras al-Amud, entreprise par le gourou des colons venus des Etats-Unis, Ervin Moscovitch. Les nouveaux habitants viendront s'installer au coeur des quartiers arabes qui entourent Silwan. Il en sera de même pour les lotissements sur la colline d'Abu Ghunaïm, où les travaux de construction de plusieurs milliers d'unités d'habitation vont de l'avant. Les médias palestiniens ont fait état d'informations selon lesquelles le ministère israélien du logement s'oriente vers la construction de plusieurs milliers d'appartements supplémentaires dans ce nouveau quartier.
Des travaux sont menés, tout autour de Jérusalem, pour étendre les colonies existantes. En raison des troubles, les responsables ont l'intention de tracer un réseau de voies à grande circulation afin de desservir les agglomérations juives. A l'intérieur de la vieille ville, également, dans les quartiers arabes eux-mêmes, les étudiants d'écoles religieuses juives continuent à acheter des propriétés et à étendre leur emprise sur plusieurs maisons arabes. Cette semaine, ils se sont emparé d'une maison du quartier de Shaykh Jarrah.
Au cours de la réunion, Fayçal al-Husseïni s'est exclamé : "l'histoire nous réclamera des comptes si nous ne luttons pas contre la judaïsation de la ville". Le problème étant de savoir comment organiser cette lutte ? Les employés de la Maison de l'Orient se plaignent de l'absence d'une personnalité donnant une direction à la lutte palestinienne dans la ville : les membres de la direction palestinienne de l'entourage d'Arafat sont entièrement occupés, actuellement, par les problèmes de l'intifada et de la crise financière très dure en Cisjordanie et à Gaza. Ils apportent moins d'importance à Jérusalem où règne un calme relatif.
Depuis des années, les relations entre Yasser Arafat et Fayçal al-Husseïni sont loin d'être au beau fixe, et cela crée une divergence de vues quant au traitement des problèmes des habitants de la ville, et de l'irrégularité dans le versement des budgets et des subventions à ses différentes institutions publiques.
Un exemple éclairant en a été donné, il y a trois ans, lorsque un membre du conseil des ministres, Ziyad Abu Ziyad a été nommé ministre délégué aux affaires de Jérusalem. Cette nomination avait alors irrité à l'extrême al-Husseïni, et il a organisé une grève générale et ce grand meeting afin, aussi, de faire passer le message qu'il est la référence nationale présente à Jérusalem, au coeur du maelström politique qui secoue actuellement le pays.
Les déclarations de Uzi Landau, ministre de la sécurité intérieure du nouveau gouvernement, posent un nouveau problème à Jérusalem-Est. En effet, celui-ci a dit qu'il allait s'attacher à permettre aux Juifs de se rendre sur l'esplanade des mosquées, après que celle-ci ait été fermée aux Israéliens et aux touristes après le déclenchement de l'intifada, provoqué par la visite qu'y avait effectuée Ariel Sharon, les policiers israéliens en faction aux entrées de l'esplanade ne laissant entrer que les fidèles musulmans voulant aller y prier.
C'est dans ce contexte que certains milieux de la droite israélienne exercent des pressions, ces derniers temps, sur la police et les responsables de la sécurité afin qu'ils permettent aux Juifs de pénétrer sur l'esplanade des mosquées (du Temple) à nouveau. En réponse aux déclarations de Landau, le mufti palestinien Shaykh Akramah Sabri a dit qu'il n'y a aucune logique à ce que des étrangers non-musulmans puissent s'y rendre et visiter la mosquée al-Aqsa en toute liberté, alors que le blocus israélien interdit à des centaines de milliers de musulmans palestiniens de Gaza et de Cisjordanie de venir prier dans cette mosquée sainte : "nous sommes prêts à nous battre et à voir tomber des nôtres pour défendre la mosquée al-Aqsa", a conclu Akramah Sabri.
Le directeur général du conseil des biens de main-morte (waqfs) islamiques, Adnan al-Huseïni, a tenté au cours d'une rencontre qu'il a eu avec lui, samedi dernier, dans son bureau, d'expliquer que l'interdiction d'accéder aux mosquées, en vigueur actuellement, ne s'applique pas qu'aux seuls Juifs, mais vise également tous les étrangers. Il a indiqué que les groupes de non-musulmans qui visitaient habituellement la mosquée al-Aqsa, tous les ans, (et qui apportaient au budget des waqfs beaucoup d'argent) étaient constitués en grande majorité de touristes étrangers et de promeneurs israéliens, qui ne viennent pratiquement plus, ni les uns, ni les autres, à Jérusalem. Par conséquent, si Landau permet maintenant aux non-musulmans de pénétrer sur l'esplanade des mosquées, des activistes des groupes d'extrême-droite israéliens vont mettre cette autorisation à profit, notamment le mouvement des "Fidèles du Mont du Temple", qui tentent depuis des années de venir prier sur l'esplanade et qui viennent y provoquer les musulmans.
En d'autres termes, la reprise des visites des étrangers sur le Haram al-Sharif est considérée par les responsables des biens de main-morte (awqaf) musulmans comme une cause assurée de déclenchement d'un nouvel épisode violent. Le calme relatif qui règne sur les prières du vendredi à la mosquée d'al-Aqsa, ces dernières semaines, résulte, selon Adnan al-Huseïni, du nombre réduit de fidèles qui peuvent venir y prier, en raison des barrages israéliens.
                 
9. Bush-Sharon pour le pire par Mohamed Selhami
in Maroc Hebdo International (hebdomadaire marocain) du vendredi 23 mars 2001
Le sommet de Amman sous de mauvais auspices. Chaque fois que l'on se dit que les dirigeants arabes sont acculés à prendre des décisions à la hauteur des défis et de l'humiliation qu'ils subissent, par Palestiniens interposés, on reçoit une douche froide, voire même une gifle.
Les Arabes veulent prouver qu'ils sont encore capables de se réunir autour d'une table pour discuter de ce qui n'en finit pas de leur arriver, de ce qui les menace dans leur existence. Les préparatifs vont bon train pour que le sommet d'Amman, prévu pour les 27 et 28 mars prochains, regroupe tous les chefs d'États arabes. Arafat fait sa tournée habituelle pour rallier ses homologues à la lutte de son peuple pour la survie. Bachar Al Assad profite du raccordement électrique entre la Syrie, l'Égypte et la Jordanie pour inviter les présidents de ces deux derniers pays à plancher, en avant-première, sur les questions inscrites à l'ordre du jour du sommet. La ligue arabe, qui, paraît-il, existe toujours, a réuni les ministres des Affaires étrangères au Caire. Le roi Abdellah de Jordanie pousse la bonne volonté unitaire jusqu'à dépêcher son vice-Premier ministre auprès de Saddam Hussein pour l'inviter officiellement à assister au sommet. peine perdue, la quarantaine continuera pour Baghdad.
Feu à la maison
Si les principaux leaders du Moyen Orient sonnent l'appel à la concertation, avec insistance, c'est qu'il y a le feu à la maison arabe. L'élection programmée d'Ariel Sharon est plus qu'une provocation, plus qu'un simple durcissement des positions israéliennes à l'égard des populations palestiniennes en particulier et des pays de la région en général. Elle a été interprétée un peu partout, et pas seulement dans le monde arabe, comme une déclaration de guerre. Un acte hautement belliciste personnifié par un personnage dont les crimes contre les civils palestiniens sont notoirement connus aux quatre coins de la planète.
Comme si une seule provocation ne suffisait pas, George W. Bush y a ajouté la sienne. À la demande de rencontre de Yasser Arafat pour exposer le martyre quotidien infligé à son peuple par Israël et accentué par Sharon, le tout nouveau président américain a opposé une fin de non-recevoir. Il a même poussé le parti-pris jusqu'à poser comme condition à Arafat de cesser la violence pour espérer être reçu à la Maison-Blanche. La victime du terrorisme d'État israélien devient ainsi celui par qui le massacre des jeunes palestiniens arrive.
Par contre, George Bush a chaleureusement reçu Ariel Sharon qui inaugure ainsi sa première sortie à l'étranger. Il lui a promis deux choses qui vont au-delà des désirs du bourreau de Sabra et Chatila: des fournitures d'armes sans restriction, en particulier des missiles anti-missiles. Et l'engagement de la nouvelle administration américaine de ne pas imposer la paix à Israël.
On nous a rebattu les oreilles pendant la campagne présidentielle par un prétendu appui du lobby juif au candidat démocrate malheureux. Lequel lobby serait donc opposé à son rival républicain. La machine sioniste de désinformation est tellement puissante, qu'on y a cru. Trois mois à peine après l'investiture du fils de son père, les Arabes en ont eu pour leur crédulité. Arabo-républicains ou arabo-démocrates, qu'importe. George W. Bush a mis tous les Arabes d'accord. A contrario. Sa première déclaration a été pour les Arabo-musulmans: le transfert annoncé de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem.
Comme pour lui faire écho, Sharon autorise la construction de 3000 logements pour les juifs sur le Jbel Abou Ghnaïm, dans la banlieue de la ville sainte.
Désirs de bourreau
Il faut croire que la mémoire arabe est courte, car depuis plus d'un demi-siècle, les Palestiniens et l'ensemble des Arabes n'ont plus à être convaincus de la partialité des Américains. Même si George W. Bush n'est pas seulement junior, il est précoce.
Ses bourdes sont d'ores et déjà légendaires. Il y a ajouté à propos de Arafat une inconvenance diplomatique qui a fait l'effet d'une insulte pour les Palestiniens et pour toute la nation arabe.
Les travaux du sommet d'Amman seront principalement axés sur la situation en Palestine depuis l'arrivée au pouvoir de Sharon.
Que peuvent décider les Arabes à Amman? Chaque fois que l'on se dit que les dirigeants arabes sont acculés à prendre des décisions à la hauteur des défis et de l'humiliation qu'ils subissent, par Palestiniens interposés, sans compter les territoires syriens occupés, on reçoit une douche froide, voire même une gifle. La dernière désillusion en date et qui avait laissé une profonde amertume dans l'opinion arabe, est le dernier sommet du Caire, réuni les 21 et 22 octobre 2000. Alors que des lanceurs de pierres palestiniens de tout âge étaient tirés comme des pigeons, devant les caméras de toutes les télévisions du monde, par une armada israélienne, les grands et petits chefs Arabes avaient préféré attendre.
Univers médiatique
Ils croyaient que l'Intifada allait faire long feu. Voyant que ce n'était pas le cas, ils se sont réunis en deux étapes. D'abord à Charm El-Cheikh, le 18 octobre 2000, où Hosni Moubarak, le roi Abdellah de Jordanie et Yasser Arafat s'étaient rendus sur injonction américano-israélienne. C'était un avant-sommet arabe étroitement supervisé par Bill Clinton et Ehud Barak.
Trois jours après, toute la chefferie arabe se retrouvait au Caire pour ratifier les directives de Charm El-Cheikh. Au grand dam de la rue arabe. Assistera-t-on à une réédition de la même déception? Le sommet de Amman ressemblera-t-il à son dernier frère jumeau du Caire?
Avec Bush-fils et Ariel Sharon, les tenants du pouvoir dans le monde arabe sont plus que jamais sommés de réagir vertement et vigoureusement ne serait-ce que pour sauver la face.
Leur face. Quant à l'Intifada, elle continue et se radicalise même, pour répondre aux menaces annoncées de Sharon. Mais en même temps qu'elle livre encore plus de martyrs, l'Intifada se banalise, victime d'un univers médiatique toujours à l'affût d'actualités encore plus sanglantes, encore plus spectaculaires.
La rue arabe aussi, semble prise par une certaine lassitude qui confine à la fatalité. C'est là le plus grand danger pour le combat du peuple palestinien. Plus que les résolutions du sommet d'Amman ou de tout autre sommet.
                 
10. Simone Susskind : Une femme pour la paix propos recueillis par Camille Fradet
in L'Est Républicain du vendredi 23 mars 2001
A Jérusalem, la sociologue Simone Susskind anime une joint venture féminine israélo-palestinienne. Elle donnait une conférence hier soir au Forum de l'IRTS à Nancy.
- La paix au Proche-Orient est-elle possible ?
- J'agis pour le démontrer depuis plus de trente ans. Et quand on me dit que tout est perdu, je continue quand même, parce que je suis une optimiste désespérée. Aujourd'hui, j'ai 53 ans. Mais déjà en 1968, je m'étais mobilisée avec l'Union des étudiants juifs de Bruxelles pour que les droits du peuple palestinien soient reconnus et respectés par les Israéliens. Nous disions que la seule solution, c'était l'autodétermination, deux Etats l'un à côté de l'autre, l'un israélien, l'autre palestinien. On nous répondait que c'était utopique, que nous étions irréalistes. Pourtant, je n'ai plus jamais cessé de travailler au rapprochement des peuples en guerre, au Proche-Orient, dans les Balkans, et plus récemment auprès des Chypriotes grecs et turcs.
- L'autre combat de votre vie, c'est la parité ?
- C'est un seul et même combat. La contribution des femmes aux processus de paix n'est pas toujours visible. Elle est toujours déterminante. Et c'est dans les sociétés en paix que les femmes bénéficient d'un statut plus égalitaire.
Un tabou absolu
- Les femmes d'Israël et de Palestine ont-elles un rôle spécifique à jouer en faveur de la paix ?
- En mai 1989, alors que l'Intifada faisait rage, 40 femmes israéliennes et palestiniennes représentatives de toutes les tendances politiques ont accepté de se rencontrer à Bruxelles, parce qu'elles avaient conscience qu'elles pouvaient témoigner de ce qu'elles partageaient toutes : un même souhait de paix. Quelques mères argentines, de celles qu'on a appelées Les Folles de la place de Mai, sont venues témoigner devant elles du rôle irremplaçable de médiation des femmes dans les conflits.
Convaincues qu'il faut chercher d'autres voies que la guerre et la violence, Israéliennes et Palestiniennes se sont retrouvées en 1992. Et nous avons fondé le Jérusalem link, une joint venture de femmes pour la paix qui travaille à partir de ses deux bases, à Jérusalem est et Jérusalem ouest.
- La Belgique vous a choisie comme Femme de l'année en 1991 pour votre engagement pacifiste.
- C'est vrai. Et licenciée en sociologie de l'Université libre de Bruxelles, j'y suis docteur Honoris Causa depuis février 2000. Ces encouragements m'ont aidée à poursuivre ce que j'avais commencé avec le Centre communautaire laïc juif de Bruxelles, dont j'ai été présidente pendant 11 ans. En 94 et 95, j'ai fondé Actions dans la Méditerranée, pour renforcer le dialogue entre les femmes du bassin méditerranéen et les Européennes dans la construction de la paix. En 97, notre projet sur le partage de Jérusalem, « deux capitales pour deux Etats », sans mur pour séparer les deux parties de la ville, bien sûr, a été présenté sur la scène internationale. C'était révolutionnaire ! Un tabou absolu. Or, pendant les négociations de l'année 2000, on a vu qu'on n'en était pas si loin.
- Mais à peine entrevue, la paix est aussitôt remise en cause ?
- C'est un chemin parsemé d'embûches, avec des moments très difficiles, comme actuellement. Nous avons beaucoup avancé dans le tunnel. Mais il reste une longue étape pour voir la lumière.
                
11. Le "plan Vigipirate" de Sharon par Axel Gyldén et Hesi Carmel
in L'Express du jeudi 22 mars 2001
Après avoir promis la paix aux Israéliens, le Premier ministre donne dans le tout-sécuritaire. Une politique à hauts risques
Le carnaval n'a pas eu lieu. Le risque d'attentat était trop grand. La fête de Pourim, à la mi-mars, a donc été annulée. Pas de cotillons ni de chapeau pointu dans les rues de Tel-Aviv pour ce mardi gras juif où l'on célèbre un événement vieux de 2 500 ans: le massacre évité des juifs de Perse grâce à l'influence bénéfique de la belle reine Esther sur son roi. Aucun masque ni déguisement, donc. Mais, consolation de taille pour le nouveau Premier ministre, Ariel Sharon, et les Israéliens: il n'y eut pas d'attentat non plus.
Première décision de Sharon après la formation de son gouvernement d'union nationale - qui va des travaillistes, avec notamment Shimon Peres aux Affaires étrangères, aux religieux ultraorthodoxes - l'annulation du carnaval s'inscrit dans un vaste dispositif antiterroriste, sorte de plan Vigipirate à la puissance dix. Objectif: contenir la vague d'attentats lancée depuis l'élection d'Ariel Sharon, voici un mois et demi, dont le bilan - hélas provisoire - s'élève à 12 morts et une centaine de blessés.
Tout ce que le pays compte de policiers ou d'agents de sécurité privés a pris position dans les gares, les rues, les centres commerciaux, les lieux publics. Partout, des contrôles. Au cinéma Globus, à Tel-Aviv, où se joue Harry, un ami qui vous veut du bien, les frissons commencent dès avant la projection du thriller français. A la caisse, les sacs sont fouillés avec une minutie qui fait penser à un embarquement d'avion. Dans les parkings publics comme à l'entrée des hôtels, les automobilistes sont, jour ou nuit, invités à ouvrir leurs coffres. Autant de contrôles de routine, qui font désormais partie intégrante du quotidien des Israéliens, certes contrariés mais nullement paniqués. «Je ne change rien à mes habitudes. Je vis ici depuis 1933 et aucun terroriste ne m'a jamais dicté ma conduite de vie. Je continue à faire du shopping si cela me chante. Le jour où nous commencerons à avoir peur, ce sera la fin d'Israël», affirme une charmante grand-mère rencontrée dans le centre commercial Azrieli, à de Tel-Aviv. Comme tous ses compatriotes, elle sait que la lutte antiterroriste passe aussi par la résistance psychologique.
Avec «seulement» trois attentats réussis, le «plan Vigipirate» de Sharon a jusqu'ici fait preuve d'une efficacité réelle. Tel est du moins l'avis de Carmi Gilon, ancien patron du Shin Bet - la police secrète chargée de la sécurité intérieure - devenu le directeur du Centre Peres pour la paix. «Cependant, à moins de s'appeler Harry Potter, personne ne peut faire de miracles. Dans une démocratie, les Français le savent bien, obtenir 100% de bons résultats contre le terrorisme, c'est mission impossible. Mais le boulot le plus important, c'est celui que font en amont les services secrets.» Parole d'expert.
Spécialité israélienne, le travail de renseignement a toujours été une priorité dans les territoires occupés. Aujourd'hui, le Shin Bet est confronté à une difficulté nouvelle. Depuis le début de l'Intifada, en septembre, la coopération policière israélo- palestinienne a cessé. Initiée après les accords d'Oslo de 1993, celle-ci avait pourtant permis l'emprisonnement des plusieurs centaines d'extrémistes anti-israéliens du Hamas et du Jihad islamique.
Aujourd'hui, la bonne volonté de la police palestinienne est réduite à néant. D'ailleurs, plus d'une centaine de ces prisonniers, considérés comme «extrêmement dangereux» par l'Etat hébreu, ont été libérés par l'Autorité palestinienne au début de l'Intifada... Or les Israéliens, toujours en vertu des accords d'Oslo, ne sont plus autorisés à pénétrer dans la bande de Gaza, ni dans les centres urbains de Cisjordanie, qui sont intégralement sous le contrôle de l'Autorité palestinienne. «Grâce à nos agents infiltrés sur le terrain, nous continuons certes à collecter des informations, mais la difficulté, c'est de traduire ces renseignements dans les faits», indique Gideon Ezra, député du Likoud (droite), conseiller de Sharon pour les affaires palestiniennes et ancien directeur adjoint du Shin Bet. «Hors de notre portée, les terroristes se cachent dans les villes de Cisjordanie et de Gaza, au milieu des innocents. Nous devons attendre qu'ils s'aventurent hors des villes pour les neutraliser.»
Et le Shin Bet, alors, ne fait pas toujours dans la dentelle. A Ramallah et à Bethléem, deux chefs militaires palestiniens ont été liquidés au volant de leur voiture par des roquettes air-sol tirées depuis des hélicoptères. Depuis six mois, les embuscades du Shin Bet ont permis d'éliminer une quinzaine de personnes, et d'en arrêter 400 autres. «Ultime recours, l'élimination physique n'est à mes yeux pas satisfaisante. En matière de renseignement, il est toujours plus avantageux de capturer l'ennemi vif...», précise pourtant ce conseiller de Sharon au visage de sphinx glacial.
Dans un appartement obscur de Ramallah, Hassan Youssef, leader palestinien du Hamas dont la tête est mise à prix par le Shin Bet, s'insurge contre ces «assassinats politiques»: «Pourquoi nous désigne-t-on comme des terroristes? C'est Israël qui occupe notre pays avec des tanks et des hélicoptères! Les Israéliens, voilà les vrais terroristes! Nous, nous sommes des résistants! Israël peut tuer 10, 100 ou 1 000 de nos leaders. Il y aura toujours une relève. Aussi longtemps que la Palestine sera occupée, notre lutte continuera.»
A défaut de pouvoir atteindre les Palestiniens chez eux, Ariel Sharon emploie également l'arme du blocus économique. Une sorte de rideau de fer a été tiré autour de la Cisjordanie et de Gaza, entravant considérablement la liberté de mouvement de leurs habitants. Les 120 000 Palestiniens qui travaillaient naguère en Israël seraient aujourd'hui moins de 20 000. De plus, les deux territoires palestiniens sont désormais parsemés de dizaines de checkpoints israéliens. Ce «saucissonnage» isole les villes les unes des autres et paralyse l'économie. Le PIB de la Palestine a chuté d'un tiers en six mois, le chômage est passé de 48 à 70%.
Contestée, l'arme du blocus est à double tranchant. La frustration qu'elle engendre est une incitation à la violence, voire au terrorisme. Le chauffeur de bus qui a foncé le mois dernier sur un groupe de militaires à Tel-Aviv (huit morts) était un simple père de famille sans antécédents militants. Un général de brigade israélien avoue son dépit: «Faut-il lever le blocus? Dans notre métier, on doit parfois choisir entre une mauvaise décision ou la pire des décisions...» Selon les Israéliens, le siège de Ramallah, en Cisjordanie, aurait permis de déjouer un attentat prévu à Jérusalem. Leader palestinien modéré, Mustafa Barghouthi propose une autre grille de lecture: «La vraie raison du blocus, le vrai but de guerre du raciste Sharon, c'est de détruire pour longtemps le potentiel de viabilité d'un véritable Etat palestinien.»
L'avenir? Il est très sombre, prédit l'arabophone Danny Rubinstein, spécialiste des questions palestiniennes au quotidien israélien Ha'aretz: «Un niveau de haine inédit a été atteint. La confrontation ressemble à l'un de ces conflits familiaux, à propos d'un divorce ou d'un héritage, qui tournent mal. Personne ne cherche de solution. Chacun n'a plus qu'une idée en tête: nuire à la partie adverse.»
                       
12. Ouverture du vingtième congrès général des juristes arabes, à Beyrouth - Nabih Berri appelle les avocats arabes à dénoncer les "criminels de guerre" israéliens
in Al-Quds Al-Arabi (quotidien arabe publié en Angleterre) du mercredi 21 mars 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]

Le président du Parlement libanais, Nabih Berri, a appelé, hier, les avocats arabes à constituer le dossier d'accusation contre les responsables israéliens impliqués dans des crimes de guerre au Liban, en Palestine, en Syrie, en Jordanie et en Egypte.
Cette exhortation a été faite au cours d'un discours prononcé par Berri au nom du président du Liban,  Emile Lahoud, devant le vingtième congrès de l'Union des avocats arabes, qui a ouvert ses travaux, hier, au Palais de l'Unesco, à Beyrouth. Berri a appelé à "constituer une commission des plus grands juristes arabes, afin de préparer un dossier d'accusation contre les criminels de guerre israéliens responsables du massacre de Cana et des autres massacres perpétrés contre les Libanais et les Arabes, en Palestine, en Syrie, en Egypte et en Jordanie, afin notamment, de contraindre Israël à indemniser les pertes humaines et matérielles causées par son agression pluridécennale contre le Liban et l'occupation d'une partie de son territoire."
Israël a mis un terme, au mois de mai 2000, à vingt-deux années d'occupation du Sud Liban, occupation qui a entraîné la mort et les blessures de milliers de personnes et l'exil de dizaines de milliers d'autres. Le bombardement par Israël de la base militaire des forces de l'ONU au Sud-Liban, à Cana, a causé la mort de 106 personnes qui s'y étaient réfugiées au cours des attaques menées dans le cadre de la campagne "Raisins de la colère", menée par Israël contre le Liban en avril 1996.
Berri a appelé les avocats arabes, également, à "élire trois personnalités membres de leur Union afin qu'elles rejoignent la Commission parlementaire arabe présidée par le Liban, et dont l'objectif est d'enquêter sur les crimes perpétrés par Israël contre les civils arabes".
Par ailleurs, il a exhorté les avocats arabes à apporter leurs contributions à l'Union parlementaire arabe en vue de la création du Parlement arabe unifié. Il les appelés également à "faire des propositions à l'Union parlementaire arabe, dans le cadre du dépôt de lois visant à renforcer les libertés publiques et à les élargir, à assurer la protection des droits de l'homme et à renforcer la démocratie dans les pays arabes".
Berri a ajouté : "j'appelle les avocats arabes à répondre à l'appel de l'Union parlementaire arabe visant à faire du 27 mars prochain, jour de la réunion du sommet arabe (à Amman) une journée de solidarité avec le peuple palestinien et d'affirmation de l'arabité de Jérusalem".
Le sommet arabe doit se tenir les 27 et 18 mars à Amman, et la situation explosive sur la scène palestinienne en constituera sans aucun doute le sujet majeur.
Ce sont près de deux mille juristes arabes, appartenant à vingt-six syndicats de différents pays arabes, qui ont participé au vingtième Congrès général de l'Union des avocats arabes, mardi dernier, à Beyrouth, qualifié de "congrès extraordinaire de soutien à l'intifada palestinienne".
Les interventions des participants à la séance inaugurale, tenue au Palais de l'Unesco, ont été unanimes sur la nécessité de soutenir l'intifada du peuple palestinien. Il faut savoir d'autre part que le congrès clôturera ses travaux par l'adoption de diverses recommandations samedi prochain, soit trois jours seulement avant la tenue du sommet arabe d'Amman, comme l'a rappelé le président de l'ordre des avocats de Beyrouth, Maître Michel Layyan.
Maître Layyan a attiré l'attention du congrès sur le fait que l'Union, fondée en 1944, "l'une des organisations non-gouvernementales les plus vénérables, se préoccupe des questions générales touchant aux droits de l'homme, et ne se cantonne pas aux questions purement techniques ressortissant à la sphère juridique".
Le bureau permanent de l'Union des avocats arabes avait adopté, lundi dernier, à Beyrouth, l'ordre du jour de ce congrès, réuni pour cinq jours, et formé les bureaux des commissions suivantes : commission du monde arabe ; commission de la Palestine ; Commission de l'indépendance de la magistrature et du barreau ; commission des libertés fondamentales et des droits de l'Homme ; commission d'opposition à la normalisation (des relations avec Israël, NdT) et de lutte contre le racisme et le sionisme ; commission juridique arabe.
Chacune de ces commissions s'est réunie en divers séminaires thématiques et a proposé une série de conférences, dont l'une des plus marquantes fut celle que prononça par Fayçal Husseïni sur "La question de Jérusalem", mardi après-midi.
Les chargés de communication des congressistes ont indiqué à l'agence France-Presse que le bureau permanent a approuvé le rapport remis par le secrétaire général Faruq Abu Aïsa à la présidence du congrès. Ils ont précisé que l'introduction de ce rapport insiste sur la nécessité de soutenir l'intifada palestinienne, et de condamner la perpétuation du blocus imposé au peuple irakien.
Ce rapport appelle également à soutenir économiquement le Liban et à l'aider à libérer les parties de son territoires encore sous occupation israélienne (les fermes de Sheb'a), la vingtième session étant placée sous le mot d'ordre de la "solidarité avec le peuple libanais".
Cette vingtième session aurait dû se réunir, à Beyrouth, l'année dernière, mais elle avait été ajournée en raison du retrait israélien du Sud Liban, en mai dernier, après plus de vingt-deux ans d'occupation, ont indiqué les chargés de communication des congressistes.
Rappelons que l'Union des avocats arabes se réunit en congrès tous les deux ans et que le congrès ne s'était pas tenu à Beyrouth depuis quarante-deux ans, puisque le premier congrès à s'être déroulé dans la capitale libanaise s'y était réuni en 1959. L'Union des avocats arabes, dont le siège est au Caire, avait tenu son précédent congrès, le dix-neuvième, en 1998, à Tunis.
             
13. Une fragile alliance associe Arafat et le Hamas par Pénélope Larzillière
in La Croix du jeudi 15 mars 2001

Le mouvement islamiste Hamas et le Fatah de Yasser Arafat tirent chacun une certaine popularité de l'Intifada, mais leur rivalité au sein de la population palestinienne est grande et leurs antagonismes puissants.
ENQUÊTE GAZA  Correspondance spéciale
Une étude du département du développement de l'université palestinienne de Bir Zeit (Cisjordanie), vient de révéler que, pour la première fois, les deux mouvements politiques palestiniens, celui de la résistance islamique, le Hamas, et le Fatah, principale composante de l'OLP, recueillent chacun 24 % d'opinions favorables parmi la population de Gaza. En Cisjordanie, en revanche, le Fatah reste plus populaire (27 %) que son rival (15 %).
Le regain de popularité du mouvement islamiste s'explique en grande partie par l'échec du processus de paix et le retour de la logique d'Intifada. Mais le Fatah reste incontestablement le principal leader de l'Intifada, grâce à ses dirigeants locaux et à quelques groupes qui agissent de manière relativement indépendante mais coordonnée. Il a reconquis ainsi une grande partie de la légitimité perdue du fait de son identification à une Autorité palestinienne contestée pour sa corruption et sa faiblesse face aux Israéliens. Le Hamas capitalise les griefs contre l'Autorité palestinienne. Pour autant, opposé depuis toujours aux accords d'Oslo, le Hamas reste, pour beaucoup de Palestiniens, le vrai symbole de la résistance armée. Alliant un discours populiste égalitaire à une rhétorique anti-israélienne, il capitalise le ressentiment d'une partie de la population à l'égard de l'Autorité palestinienne. «Notre stratégie est de continuer le combat et la résistance jusqu'à la fin de l'occupation,  explique Abdelaziz el-Rantisi, l'un des fondateurs du mouvement en 1987. La stratégie de l'Autorité palestinienne est la négociation. Le résultat est un échec total durant les sept dernières années. Maintenant, l'ensemble du peuple palestinien pense que le seul chemin pour la libération, c'est la résistance armée.» "Le Hamas ne souhaite pas un effondrement de l'Autorité palestinienne qui ne nous permettrait plus d'atteindre notre objectif. Notre stratégie est de lutter ensemble contre l'occupation, affirme-t--il. Mais nous sommes contre la coopération d'une partie du corps national palestinien avec les occupants." L'ensemble des partis palestiniens sont d'ores et déjà réunis dans un comité unifié de l'Intifada. Une proposition officielle de mise en place d'un gouvernement d'union nationale a été présentée par Salim al-Zanoun, porte-parole du Conseil national palestinien, le « parlement » de l'OLP, mais elle a été rejetée par Yasser Arafat. Arafat tient encore le Hamas en respect «Un des signes que l'Autorité palestinienne a encore le contrôle de la situation, c'est qu'il n'y a pas eu d'attaques du Hamas contre ses structures, estime Mohammed Hamza, directeur d'un centre de recherche à Gaza. Lorsque la police palestinienne a relâché les prisonniers islamistes en octobre, certains membres du Hamas ont analysé cela comme une perte d'autorité et ont envoyé leurs militants incendier des hôtels à Gaza sous prétexte qu'ils vendaient de l'alcool. Cela a été réprimé rapidement et cela ne s'est pas reproduit».
Le Hamas est donc tiraillé entre plusieurs priorités : se présenter comme l'acteur principal de la lutte, tout en ayant le souci de ne pas apparaître comme celui qui rompt l'unité palestinienne. En même temps, il lui faut continuer à suffisamment s'opposer à l'Autorité pour conserver ses militants, tout en ne déclenchant pas de répression. « Actuellement, Arafat n'a aucun intérêt à arrêter les opérations palestiniennes, poursuit Mohammed Hamza. Pour lui, c'est un enjeu de négociations. De plus, s'il le fait sans avoir rien obtenu des Israéliens, cela lui coûtera très cher politiquement. Il devra emprisonner des gens en masse, et surtout se séparer de beaucoup de militants du Fatah. En revanche, s'il obtient des concessions de la part des Israéliens et continue à payer les salaires, il lui sera facile d'isoler les militants les plus engagés et de stopper les opérations avec un coût politique minimal.