La commission d'enquête mandatée par la Commission des droits de l'homme de l'ONU préconise le déploiement urgent d'observateurs internationaux dans les territoires palestiniens occupés, afin de protéger les droits du peuple palestinien, confronté à "l'usage excessif" de la force par l'armée et la police israéliennes.
 
Agence France Presse
 
 
Point d'information Palestine > N°138 du 23/03/2001

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Pierre-Alexandre Orsoni (Président) - Daniel Garnier (Secrétaire) - Daniel Amphoux (Trésorier)
Sélections, traductions et adaptations de la presse étrangère par Marcel Charbonnier
 
Si vous ne souhaitez plus recevoir (temporairement ou définitivement) nos Points d'information Palestine, ou nous indiquer de nouveaux destinataires, merci de nous adresser un e-mail à l'adresse suivante : amfpmarseille@wanadoo.fr. Ce point d'information est envoyé directement à 2104 destinataires.
      
   
Au sommaire
    
Action urgente !
Marseille : Tsahal au Palais des Congrès !
   
Rendez-vous
Mediterraneo à Nazareth - Samedi 24 mars 2001 à 12h55 sur France 3 Méditerranée        
    
Dernière parution
Israël Palestine - Les inventeurs de paix par Isabelle Avran - Préface de Michel Warschawski aux Editions de l'Atelier
      
Réseau
  1. "Solidaires du peuple palestinien" - http://www.solidarite-palestine.org - Le site web francophone de référence sur la Palestine
  2. Un message du Dr. Riyad Za'Noun, Ministre palestinien de la Santé
  3. Il faut rouvrir Birzeit - Intervention de Luisa Morgantini à la session plénière d'ouverture du Parlement Européen le lundi 19 mars 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
  4. Déclaration du Porte-parole adjoint du Quai d'Orsay le mardi 20 mars 2001
  5. Disparition - Chéhata Haroun, juif égyptien antisioniste par Alexandre Buccianti in Le Monde du vendredi 23 mars 2001
Revue de presse
  1. La carotte et le bâton américains ne fonctionnent plus par Bilal al-Hassan in Al Hayat (quotidien arabe publié à Londres) traduit dans Courrier International du jeudi 22 mars 2001
  2. Al-Barghuthi : un changement qualitatif est apparu récemment dans la participation populaire. Le Fatah appelle à un renforcement de l'action populaire à la veille du sommet d'Amman par Malki Suleïman in Al-Hayat Al-Jadidah (quotidien palestiniens) du mercredi 21 mars 2001 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
  3. Fustigeant la campagne de provocations israéliennes contre l'Autorité nationale palestinienne, Quraï' attire l'attention de Moratinos sur la situation critique de notre peuple par Na'il Musa in Al-Hayat Al-Jadidah (quotidien palestiniens) du mercredi 21 mars 2001 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
  4. Affirmant la poursuite de l'intifada et appelant au développement du discours politique, les institutions et les forces vives du département d'Hébron examinent les moyens à opposer aux mesures répressives et à l'agression d'Israël envers notre peuple par Fawzi al-Shuwaïki in Al-Hayat Al-Jadidah (quotidien palestiniens) du mercredi 21 mars 2001 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
  5. Deux balles avaient atteint un préfabriqué de l'armée...  par Amira Hass in Ha'Aretz (quotidien israélien) du mercredi 21 mars 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
  6. Ministre palestinien du Plan et de la Coopération internationale, Nabil Chaath évoque la stratégie palestinienne face à la politique extrémiste du gouvernement israélien d'Ariel Sharon : "Il faut mettre Sharon sous pression " propos recueillis par Hicham Mourad et Magda Barsoum in Al Ahram-Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 21 mars 2001
  7. Statu quo explosif par Abir Taleb in Al Ahram-Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 21 mars 2001
  8. Sharon-Bush : deux faces d'une seule monnaie par Mohamed Sid-Ahmed in Al Ahram-Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 21 mars 2001
  9. Israël bombarde une base de gardes du corps d'Arafat à Gaza : un mort Dépêche de l'Agence France Presse du mercredi 21 mars 2001, 21h33
  10. Territoires : les enquêteurs de l'ONU en faveur d'observateurs internationaux Dépêche de l'Agence France Presse du mercredi 21 mars 2001, 19h50
  11. La ville de Jérusalem relance la colonisation à Har Homa par Ramit Plushnick-Masti Dépêche de l'agence Reuters du mardi 20 mars 2001, 14h41
  12. Les pays du Golfe mettent un programme financier au point pour aider Arafat par William A. Orme Jr. in The New York Times (quotidien américain) du mardi 20 mars 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
  13. La France tente d'obtenir de l'Union Européenne des sanctions contre Israël par Ora Coren in Ha'Aretz (quotidien israélien) du lundi 19 mars 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
  14. Sous le feu, à Gaza par Amira Hass in Ha'Aretz (quotidien israélien) du lundi 19 mars 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
  15. Un million de Palestiniens vivent désormais sous le seuil de pauvreté par Mouna Naïm in Le Monde du dimanche 18 mars 2001
  16. L'épizootie de fièvre aphteuse progresse au Proche-Orient Dépêche de l'Agence France Presse du dimanche 18 mars 2001, 19h10
  17. Un avion belge va-t-il atterrir à Gaza ? par Baudoin Loos in Le Soir (quotidien belge) du samedi 17 mars 2001
  18. Nous n'avons rien vu, nous ne savions pas par Tanya Reinhart in Yediot Aharonot (quotidien israélien) du mercredi 14 mars 2001 [traduit de l'anglais par Giorgio Basile]
  19. Shimon Pérès : "rétablir un dialogue crédible avec les Palestiniens" propos recueillis par Pierre Prier in Le Figaro du samedi 10 mars 2001
          
Action urgente !

         
Marseille : Tsahal au Palais des Congrès !
Le Palais des Congrès de Marseille, s'apprête a accueillir demain, samedi 24 mars à 20h30, une "Grande soirée de soutien à l'Armée de défense d'Israël" (Tsahal) organisée par l'Association pour le Bien-être du Soldat Israélien (ABSI) ! Au programme, se succéderont à la tribune :
 - Jocelyn Zeitoun, Président de l'Association pour le Bien-être du Soldat Israélien à Marseille, par ailleurs 2ème vice-président de la Commission tourisme du Conseil Régional Provence-Alpes-Côtes d'Azur (apparenté PS) et ancien Président du CRIF Provence (Conseil représentatif des institutions juives de France), [cf. Point d'information Palestine N° 88 du 6 août 2000]
- Gil Taïeb, Fondateur de l'Association pour le Bien-être du Soldat Israélien à Paris, par ailleurs candidat à la présidence du Consistoire Juif Central, le 25 juin dernier, qui a vu l'élection de Jean Kahn,
- Et... des Officiers de l'état-major de l'Armée israélienne, le tout "agrémenté" par la Troupe de Tsahal (c'est de la musique !) et le chanteur israélien candidat à la prochaine "Eurovision" !
A toutes fins utiles, nous vous communiquons les coordonnées de la SAFIM (c'est la société qui gère le Palais des Congrès de Marseille, en contrat avec la Ville de Marseille) :
Monsieur Albert Savalli, Directeur général de la SAFIM - Parc Chanot - BP 2 - 13266 Marseille Cedex 08
Tél : 04.91.76.16.00 - Fax : 04.91.22.16.45 - E-mail : contact@safim.com
         
Rendez-vous
        
Mediterraneo à Nazareth
Samedi 24 mars 2001 à 12h55 sur France 3 Méditerranée 
Ce samedi, à 12h55 "Mediterraneo" présente sur "France 3 Méditerranée" (rediffusions sur "TV5" et sur la chaine cablée "Régions") un documentaire sur les Palestiniens de Nazareth.
- La mosquée de la discorde un documentaire de Walter Daviddi - La ville de Nazareth, en Galilée, est depuis 1997 le lieu d'une vive polémique entre chrétiens et musulmans. Nazareth est l'une des plus importantes ville arabe d'Israel. C'est aussi, bien sûr, pour les chrétiens la ville de Jésus. La décision du gouvernement israelien d'autoriser en 1997, la construction d'une mosquée juste à coté de l'église dite de l'Annonciation, a provoqué la colère de l'église catholique et ouvert une grave crise entre le Vatican et le gouvernement israelien.
EXTRAIT : Ramzi Jaraish, maire de Nazareth : "L'administration israéliene a voulu provoquer ce conflit dans la ville de Nazareth. L'objectif politique qui se cache derrière cette décision est de faire éclater la communauté arabe et de marginaliser la commune de Nazareth en raison de ses positions favorables à la population palestinienne, contre la politique de discrimination soutenue par les gouvernements israéliens."
- A noter aussi dans ce numéro de Mediterraneo, un reportage consacré à l'histoire de "La Palestine". Cette villa située à l'Estaque au Nord Ouest de Marseille aux pieds des collines de la Nerthe, fût construite au début du siècle, dans un style néo-mauresque...
[- Ne manquez-pas aussi : "Mediterraneo - Le Journal" chaque samedi à 18h56 sur France 3 Méditerranée.]
              
Dernière parution

      
Israël Palestine - Les inventeurs de paix par Isabelle Avran
Préface de Michel Warschawski
aux Editions de l'Atelier
[95 FF Broché | 2001 | ISBN 2708235486]
Depuis des décennies, le Proche-Orient évoque l'hypothèse de la paix. Sa perspective semble pourtant à nouveau s'éloigner. Pour se bâtir, la paix mérite d'être^prise au serieux, de se fonder sur la reconnaissance des droits de chacun. C'est précisément ce à quoi milite une association bien singulière, composée de Palestiniens et d'Israéliens : le "Centre d'information Alternative"
(http://www.alternativenews.org) que dirige à Jérusalem, Michel Warschawski. Passeurs de frontières réelles et symboliques entre les deux peuples, ses membres, hommes et femmes, ont choisi de s'engager ensemble contre la logique et les pratiques coloniales, de mettre en oeuvre des solidarités concrètes où s'invente une paix de réconciliation au-delà des traités. Ce livre se veut leur histoire. Autour des dossiers centraux du conflit : la terre, les réfugiés, Jérusalem... il donne à voir et leur laisse la parole. Un pari, un espoir.
Isabelle Avran est une journaliste spécialiste du conflit israélo-palestinien. Secrétaire générale de l'association France Palestine pendant plusieurs années, elle a contribué à la fondation du "Forum pour une paix juste et globale au Proche-Orient" et de la "Plateforme des ONG françaises pour la Palestine".
            
Réseau
      
1. "Solidaires du peuple palestinien" - http://www.solidarite-palestine.org
Le site web francophone de référence sur la Palestine
Revenons sur ce petit miracle, que constitue le site créé par Giogio Basile : "Solidaires du peuple palestinien". Lorsque le site a été mis en ligne, en juin 2000, il avait pour principale ambition d'offrir à un public francophone, le plus large possible, un ensemble de repères pour aider à comprendre la genèse des événements qui secouent le Proche Orient, en les situant dans leur contexte historique. Sont ainsi abordés : un rappel des principales dates clés, la question des Territoires, le problème des réfugiés, la colonisation, l'économie... Une large place a été donnée à la production culturelle (littérature, cinéma, artisanat...) afin de corriger l'image du peuple palestinien, trop longtemps connu en Occident pour ses seuls actes de résistance. Le site présente également les principales associations qui, dans les pays francophones, défendent les droits des Palestiniens, un vaste choix de livres et de ressources sur le web, un agenda des manifestations culturelles et de soutien, campagnes, pétitions, etc...
Depuis le début de la nouvelle Intifada, la première place a été accordée à l'information, trop souvent tronquée dans nos médias, quand elle n'est pas carrément biaisée. De nombreuses rubriques, actualisées en permanence, sont ainsi venues s'ajouter: une chronique quotidienne des faits marquants qui se déroulent dans les Territoires occupés, un bilan de synthèse de l'Intifada, des dépêches brèves (qu'il est également possible de recevoir par e-mail en s'abonnant gratuitement), et un ensemble de témoignages, rapports et articles, traduits pour la plupart, et donc inédits en français.
       
2. Un message du Dr. Riyad Za'Noun, Ministre palestinien de la Santé
La population Palestinienne continue de subir depuis bientôt cinq mois des mesures arbitraires d'occupation, sous forme de répression collective y inclus; siège et fermeture de toutes les villes et les villages, ainsi que les bombardements et les tirs contre la population civile provoquant des blesses par milliers. Dans les derniers jours, l'arme de l'occupation a intensifiée ses mesures de répression contre la population civile en bouclant complètement tous les accès d'entrées et de sorties de tout les villages y inclus ceux aux alentours de Jérusalem, les isolants l'un de l'autre et aussi des villes les plus proches. Un exemple flagrant, c'est le cas de 33 villages situes au nord -ouest de Ramallah y inclus l'Université de Birzeit, qui ont été boucles et isoles. En conséquence, 80000 personnes sont interdites de quitter leurs villages et de se rendre a la ville de Ramallah ou se trouve toutes les institutions sanitaires et éducatives. Sous ces circonstances sévères et inhumains de mesures arbitraires, le Ministère de la Santé est dans l'incapacité de délivrer ses services médicaux et de poursuivre ses activités vitales, plus particulièrement la poursuite de son programme de vaccination d'enfants pouvant déclencher une épidémie très dangereuse. La plupart des équipes médicaux ne sont pas capables de joindre leurs hôpitaux ou leurs centres de soins primaires, provoquant une paralysie plus ou moins complète dans la délivrance des services de soins a la population civile.
Les vidanges d'ordures sont mêmes interdites, les tas d'ordures remplissent les rues des villes et des villages et sont sources de danger pour la santé et l'environnement. De plus, les ambulances ne sont pas autorisées de transporter des malades entre les villages et les hôpitaux mettant sérieusement en danger la vie de notre peuple. Toutes ses mesures sont considérées comme violation sérieuse aux principes des droits de l'homme et toutes les lois internationales y inclus la fameuse quatrième convention de Genève insistent sur la nécessité de respecter la santé de la population civile en cas de guerre. Au nom de notre peuple, des enfants dépourvus et au nom de l'humanité, nous appelons d'urgence les Etats Unis, les organisations internationales et les gens de la paix dans le monde entier et en particulier toutes les agences internationales de droits de l'homme et la Croix et le Croissant Rouge, d'intervenir immédiatement et de prendre acte pour arrêter ses actions arbitraires contre le peuple Palestinien pour vivre en paix et pouvoir profiter des droits humains de base comme toute autre nation.
       
3. Il faut rouvrir Birzeit - Intervention de Luisa Morgantini à la session plénière d'ouverture du Parlement Européen le lundi 19 mars 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

(Luisa Morgantini est  Député européen, Présidente de la Délégation pour les relations avec le Conseil législatif palestinien.)
Madame la Présidente,
Je suis rentrée hier de Cisjordanie et de Gaza, où il m'a été donné d'assister, samedi dernier, à la session plénière du Conseil Législatif Palestinien, tenu pour la première fois depuis six mois. Cette réunion se tenait dans des conditions particulières : les membres du Conseil - Palestiniens - ne pouvaient pénétrer dans Gaza que dans des voitures officielles du gouvernement israélien, interdiction leur ayant été faite d'utiliser leurs voitures personnelles. Ils avaient été fouillés et certains d'entre eux n'ont pu assister à la session en raison de la fermeture des frontières des territoires palestiniens.
Durant la nuit du sept mars, des soldats israéliens ont bouclé totalement 33 villages palestiniens, situés entre Ramallah et Birzeit. Ils ont creusé de profondes tranchées, détruit plus de quatre-cent mètres de chaussée et mis des tanks en position. Plus de 65 000 personnes se retrouvent bloquées dans ces villages.
Ce sont là des actions que nous ne saurions approuver, et nous pensons qu'il est nécessaire de nous faire entendre à ce sujet.
Je demande à la Présidente d'agir, avec Monsieur Solana, afin de protester contre la fermeture de l'Université de Birzeit. Les étudiants et les enseignants ne sont en rien responsables d'un quelconque tir à partir de Birzeit, où ils ne se rendent que dans le but de poursuivre leurs activités normales d'étude et d'enseignement.
J'affirme qu'il y a urgence et que la situation exige une réponse sans délai. Israël ne doit pas être autorisé à persister dans sa violation de la Convention de Genève et des autres conventions internationales et la perpétuation de punitions collectives inhumaines.
Je rejette tout acte de terrorisme perpétré par des individus ou des organisations palestiniens. Toutefois, ces punitions collectives ne sauraient trouver aucune espèce de justification, elles ne sont pas autre chose qu'une forme de revanche primitive.
Je demande à la Présidente de mettre en œuvre et d'apporter son soutien à une protestation auprès du gouvernement israélien. Mieux, je lui demande de presser M. Solana d'intervenir immédiatement afin qu'un terme soit mis au bouclage des territoires occupés et aux autres formes de  représailles collectives infligées à la population palestinienne, que le village de Birzeit soit rouvert, ainsi que son Université, et que soient rendus aux habitants leurs droits légitimes à y vivre et à y étudier.
        
4. Déclaration du Porte-parole adjoint du Quai d'Orsay le mardi 20 mars 2001
- Le Ministre, qui dirigeait hier la délégation française au Conseil Affaires générales à Bruxelles, s'est entretenu en marge du CAG avec le ministre palestinien du Plan et de la Coopération internationale M. Nabil Chaath, de passage en Europe. M. Nabil Shaath a exposé à M. Védrine son évaluation d'une situation qui demeure extrêmement préoccupante. Les deux ministres ont convenu de l'urgence qu'il y avait aujourd'hui à retrouver le chemin du dialogue pour permettre aux parties de sortir de l'impasse actuelle. M. Védrine a encouragé son interlocuteur à oeuvrer dans ce sens.
- M. Chaath a-t-il formulé une demande auprès de M. Védrine ?
- Pas à ma connaissance.
- Il ne passera pas par Paris ?
Non. c'était prévu initialement, mais M. Védrine, en aménageant son emploi du temps, a pu le rencontrer hier à Bruxelles.
- Hier, il était question qu'ils se retrouveraient peut-être à la fin de la visite de M. Chaath en Europe ?
- Vous savez que nous entretenons avec M. Nabil Chaath un dilaogue très régulier. Si l'occasion se présente et si l'emploi du temps de l'un et l'autre permettent qu'à la fin de son séjour en Europe, il puisse repasser par Paris, un entretien sera sans doute utile. Mais, pour l'instant, je ne suis pas en mesure de confirmer ni un passage de M. Nabil Chaath à Paris au terme de son voyage en Europe, ni un nouvel entretien avec M. Védrine. Je crois que c'est encore un peu tôt pour en parler.
- Est-ce que la rencontre d'hier entre eux permettra de réajuster la position de la France au Conseil de sécurité au regard de la situation préoccupante, les Israéliens devenant intransigeants que ce soit M. Peres ou M. Sharon à Washington ?
- Je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire par ''réajustement'' de la politique française sur ce dossier, en particulier aux Nations-Unies.
- Il y a des discussions au Conseil de sécurité, vous avez pris position en disant qu'il fallait que les deux parties soient d'accord pour que l'on accepte d'envoyer des observateurs sur le territoire palestinien. Maintenant, en écoutant M. Chaath, le Ministre a-t-il été convaincu que la France devait changer sa position ou aider les palestiniens dans leur combat contre les israéliens et desserrer un peu l'étau ?
- La position française ne varie pas d'un jour à l'autre, surtout sur un sujet aussi grave et aussi important. C'est ma première observation. La seconde observation consiste à vous renvoyer au texte, que nous avons publié hier, de l'intervention de notre représentant permanent à New York le 15 mars dernier, lors du débat public au Conseil de sécurité des Nations-Unies.
Troisième remarque, M. Chaath et M. Védrine ont convenu hier de l'urgence qu'il y avait, aujourd'hui, à retrouver le chemin du dialogue pour permettre aux parties de sortir de l'impasse actuelle. Je crois que c'est ce qu'il est important de retirer s'agissant de l'entretien d'hier et des encouragements que M. Védrine a donné à son interlocuteur palestinien pour oeuvrer dans ce sens.
- Confirmez-vous que l'aide financière exceptionnelle est conditionnée par l'attitude des Palestiniens et pourquoi les Israéliens contestent-ils aux forces de sécurité palestiniennes le fait de défendre les civils palestiniens. Est-ce interdit dans les textes des accords d'Oslo ?
- Vous m'interrogez sur la position israélienne dans ce dossier, ce n'est pas à moi d'en parler. S'agissant de l'aide européenne, je vous rappelle le rôle que la France a joué, en particulier grâce à M. Védrine, pour qu'il y ait une mobilisation des Européens pour apporter une aide d'urgence et exceptionnelle en faveur des Palestiniens.
- Est-elle conditionnée par une modification de l'attitude des Palestiniens ?
- Non, pas à ma connaissance. Vous vous souvenez que cette aide avait été décidée au Conseil Affaires générales de février je crois, et les Quinze n'avaient pas subordonné leur décision à une condition politique.
S'agissant de la situation dans les territoires palestiniens aujourd'hui, l'isolement imposé depuis hier à Bethléem et à sa région est de nature à aggraver les tentions. Les autorités israéliennes ont elles-mêmes indiqué ces derniers jours qu'elles souhaitaient mettre un terme aux souffrances des populations civiles. Le resserrement du bouclage autour de Bethléem ne va pas dans ce sens. Comme le Ministre l'avait écrit à M. Peres le 9 mars dernier, la situation présente dans laquelle chacun attend de l'autre partie qu'elle fasse les premiers pas conduit à une impasse. C'est ensemble et de façon parallèle que les parties doivent agir pour faire cesser la violence.
- Vous condamnez donc l'action d'Israël concernant le bouclage de Bethléem ?
- L'isolement imposé depuis hier à Bethléem et à sa région est de nature à aggraver les tentions.
- Confirmez-vous la venue de Shimon Peres à Paris dans les prochains jours ?
- Non, je vais vérifier.
- Avez-vous une observation concernant l'attaque par des grenades lacrymogènes et autres contre une manifestation palestinienne organisée par des femmes palestiniennes dont une a été blessée ?
- Vous connaissez notre position sur l'utilisation de la violence.
- Et contre des civils et des femmes ?
- Je vous renvoie à nos nombreuses déclarations sur l'utilisation de la violence.
               
5. Disparition - Chéhata Haroun, juif égyptien antisioniste par Alexandre Buccianti
in Le Monde du vendredi 23 mars 2001

Dernier juif égyptien politiquement engagé et militant antisioniste de gauche, Chéhata Haroun est mort jeudi 15 mars d'une embolie pulmonaire à l'âge de quatre-vingt-un ans, à l'hôpital italien du Caire.
Chéhata Haroun était le dernier juif politiquement engagé d'une vallée du Nil où la communauté israélite, qui ne compte plus que quelques dizaines d'âmes, avait pourtant participé à la naissance de la gauche égyptienne, notamment communiste, dans les années 20. Issu d'une famille bourgeoise, son père était employé des grands magasins Cicurel, Chéhata Haroun a fait ses études au Collège des Frères des écoles chrétiennes avant de rejoindre la faculté de droit de l'université Fouad 1er du Caire. C'est dans cette pépinière qui a produit une bonne partie des cadres politiques égyptiens de la première moitié du vingtième siècle que Haroun commence à s'engager politiquement, à la veille de la seconde guerre mondiale, période turbulente pour les juifs d'Egypte menacés par l'avancée de l'Afrika Corps du maréchal allemand Erwin Rommel.
Haroun rejoint le mouvement communiste égyptien qui regroupe notamment Henri Curiel et Eric Rouleau. Un activisme qui lui vaut d'être interné une première fois en 1948 pour "communisme".
En 1967, au lendemain de la défaite égyptienne de la guerre des six jours, Haroun est arrêté en tant que juif. Dix années plus tard, au lendemain des violentes "émeutes du pain" de janvier 1977, il est une nouvelle fois interné, avec d'autres gauchistes égyptiens accusés par l'ex-président Sadate d'être à l'origine de "l'Intifada des voleurs". Avec le timide retour à une forme de multipartisme, Chéhata Haroun devient l'un des piliers de la "tribune de gauche" qui rassemble les marxistes et les nassériens.
AMI DES PALESTINIENS
Jusqu'à sa mort, il sera membre du comité central du parti du Rassemblement progressiste aujourd'hui post-marxiste. Mais cet avocat près la Cour de cassation qui dirigeait un cabinet conseil s'est surtout illustré par son antisionisme. Dès 1947, il a participé, avec d'autres juifs égyptiens de gauche, à la création de "l'association juive antisioniste". Contrairement aux dizaines de milliers de juifs d'Egypte qui ont quitté la vallée du Nil après la création d'Israël en 1948 et les guerres de 1956 et de 1967, Chéhata Haroun a préféré rester dans son pays, malgré les risques. Il était en effet un des opposants au traité de paix égypto-israélien de mars 1979, car il estimait qu'il ne s'agissait pas d'une paix "juste". Il a toujours refusé de traiter avec les Israéliens et était considéré par les Palestiniens comme un ami.
Cela n'a pas empêché les attaques de jeunes militants confondant antisionisme et antisémitisme. Le journal officieux Al Ahram a mis trois jours avant de publier son avis nécrologique où figure cet extrait de son livre publié en arabe, Un juif au Caire : "Je suis égyptien lorsque les Egyptiens sont opprimés, je suis noir lorsque les Noirs sont opprimés, je suis juif lorsque les Juifs sont opprimés et je suis palestinien lorsque les Palestiniens sont opprimés ."
                           
 Revue de presse

           
1. La carotte et le bâton américains ne fonctionnent plus par Bilal al-Hassan
in Al Hayat (quotidien arabe publié à Londres) traduit dans Courrier International du jeudi 22 mars 2001

A la veille du sommet arabe, Washington menace et marchande. Le gouvernement Bush se sert de l’épouvantail Sharon pour obtenir le soutien des Etats arabes face à l’Irak. Une politique vouée à l’échec, affirme "Al Hayat".
Il est désormais clair, alors que le sommet arabe se tient à la fin mars à Amman, que les Etats-Unis ont lancé une campagne de “marchandage sous la menace”. La menace consiste à prétendre que les Etats-Unis ne se sentent concernés ni par le processus de règlement politique au Proche-Orient, ni par la tension que fait régner Israël à la suite du succès d’Ariel Sharon, ni encore par les négociations portant sur le règlement final du conflit israélo-palestinien. L’Amérique préférerait plutôt une succession de solutions transitoires, à l’image de ce que Sharon lui-même cherche à obtenir. Quant au marchandage, il concerne l’Irak : il s’agirait d’une nouvelle aggravation des sanctions militaires et économiques contre ce pays.
C’est ainsi que les Etats-Unis menacent les pays arabes, en agitant l’image de Sharon afin de les gagner à leur nouveau dispositif contre l’Irak : s’ils font preuve de souplesse sur ce dossier et acceptent les vues américaines, les Etats-Unis voudront bien en échange exprimer leur détermination à brider les ambitions de Sharon et à le contraindre à demeurer dans le cadre de la “paix”. Mais ce jeu américain ne trompe personne. Le règlement politique du conflit, tel qu’il a été dessiné à la conférence de Madrid fin 1991, est à la base une création de la politique américaine. Son but étant d’intégrer l’Etat hébreu dans le tissu moyen-oriental, afin de lui offrir de nouveaux débouchés économiques lui permettant de conforter et d’assurer sa domination économique. Il s’agissait également de préparer le terrain à un arrêt des aides économiques américaines directes à Israël, tout en accordant une aide militaire.
L’échec du règlement politique entre Israël d’une part et les Palestiniens, les Syriens et les Libanais d’autre part est essentiellement un échec de la politique américaine. Cette politique a déjà échoué. La théorie d’une double isolation de l’Irak et de l’Iran, inventée par Martin Endyk, l’actuel ambassadeur américain en Israël, a échoué. Faire chuter le régime de Bagdad par le blocus a échoué. Créer une Banque de développement régional censée assurer le financement des infrastructures moyen-orientales et permettant l’insertion d’Israël dans la région a échoué.
Ces échecs répétés de la politique américaine dans la région auront poussé l’administration actuelle à tenter une nouvelle fois de reprendre l’initiative, en suivant la tactique trompeuse que nous avons décrite. Deux remarques s’imposent : tout d’abord, les facteurs qui ont contribué à lancer la dynamique de 1990 ne sont plus là. Lorsque les Etats-Unis tentent de donner un second souffle à une vieille politique en s’appuyant sur de nouvelles données, ils courent une fois de plus à l’échec et ne trouveront personne autour d’eux pour être convaincu par des arguments aussi usés.
D’autre part, cela ne rime à rien d’agiter l’épouvantail Sharon. Toute nouvelle guerre menée dans la région par les Israéliens nuirait plus aux intérêts américains qu’elle ne les servirait. Un surplus de pression sur les Palestiniens pourrait gêner ces derniers sur tel ou tel dossier, et aggraverait encore un peu une tragédie qu’il semble difficile d’imaginer pire, mais la menace d’une occupation des zones souveraines comporte plus de risques pour Israël que pour les Palestiniens... C’est pourquoi nous ne pensons pas que la dernière manoeuvre américaine portera ses fruits. Mais il faut maintenant trouver parmi les leaders du monde arabe des hommes capables d’élaborer un plan de règlement et d’exprimer des exigences collectives. C’est cela la mission que doit se fixer ce sommet si attendu. Ensuite, les ruses américaines pourront toujours évoluer...
                               
2. Al-Barghuthi : un changement qualitatif est apparu récemment dans la participation populaire. Le Fatah appelle à un renforcement de l'action populaire à la veille du sommet d'Amman par Malki Suleïman
in Al-Hayat Al-Jadidah (quotidien palestiniens) du mercredi 21 mars 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]

Ramallah, de notre correspondant - Un meeting tenu par la commission organique supérieure du mouvement Fatah, à Ramallah hier, a appelé à organiser des manifestations et des actions populaires parallèlement à la tenue du sommet arabe, à Amman, la semaine prochaine, et à mettre au point un appel qui sera adressé aux chefs d'Etat arabes. Les organisations patriotiques et islamiques y exprimeront les attentes du peuple palestinien vis-à-vis de ce sommet et son  exigence qu'il soit à la hauteur de la situation, et capable d'apporter une réponse adéquate à la situation critique qu'il traverse actuellement.
Plusieurs recommandations ont été formulées à l'issue de ce meeting, notamment celle de constituer des commissions populaires dans tous les départements palestiniens, dans le but de soutenir les cadres et les institutions nationales et afin de les relayer, de préparer et de fixer un calendrier pour des actions diverses, de manière à ce qu'elles répondent le plus possible aux besoins de nos concitoyens (il est ressorti des débats qu'elles devraient se dérouler, de ce fait, pour la plupart, de nuit, de préférence).
Les participants ont pointé la nécessité de dynamiser la participation des ministères et des institutions officielles, d'une manière la plus large et la plus complète possible, à ces actions, ainsi que la participation des mouvements patriotiques, et en particulier d'opposition, appelés à intensifier leur rôle et l'efficacité de leur action.
Les participants ont demandé que des jours particuliers soient consacrés à la commémoration des martyrs de l'intifada, mais aussi du blocus, et que soient édifiés des monuments à leur mémoire, devant lesquels des bougies seraient allumées durant la nuit, afin de marquer qu'on ne les oublie pas.
Le meeting s'était ouvert sur une allocution du secrétaire de la commission organique supérieure Marwan al-Barghuthi, dans laquelle il a défini les deux grands thèmes de la réunion : quelles sont les actions les plus adéquates, au moment où se tient le sommet arabe, à la date précise correspondant à la commémoration de la Journée de la Terre, d'une part, et d'autre part, comment en assurer le succès ? Le deuxième thème étant de savoir comment associer les représentants des cadres et des organisations politiques nationales et islamiques à ces actions, (comment les y impliquer) ?
Barghuthi a indiqué qu'après six mois d'intifada, il y a un vaste débat autour de l'élargissement nécessaire de la participation populaire aux actions de l'intifada et des meilleurs moyens de renforcer cette participation qui se heurte à certains obstacles. Toutefois une mutation qualitative est apparue dans la participation populaire au cours des deux semaines écoulées, qui ont connu la manifestation des professeurs et des étudiants de l'Université de Birzeït jusqu'au barrage de Sarda, ainsi que la manifestation des intellectuels et des écrivains en direction de Qalandia, et enfin la manifestation des femmes, avant-hier.
Barghuthi a précisé à la fin du meeting que les moyens de parvenir à des communiqués communs faisant l'unanimité de toutes les forces vives nationales ont été discutés.
Le député 'Azmi al-Shu'aïbi a déclaré que le plus grave danger auquel l'intifada est confrontée, ce sont les attitudes stéréotypées, en matière tant de leaders que de comportement personnel, dénonçant notamment la focalisation sur des personnalités éminentes et la répétition mécanique d'actions rebattues sans aucune capacité de création et d'adaptation. Or cette adaptation et cette créativité sont vitales. Il a suggéré que la participation populaire serait rendue plus aisée si l'on procédait à certaines de ces actions durant les heures non-ouvrables, en particulier tard le soir, afin que les citoyens puissent y participer, qu'ils soient étudiants, employés, ouvriers ou commerçants. Il a soutenu la proposition d'arrêter une ou plusieurs dates afin d'en faire des journées consacrées au souvenir des martyrs.
Le poète président de la Maison de la poésie, Taha al-Mutawakkil a dénoncé l'absence de trois forces vives fondamentales de l'arène palestinienne, les institutions officielles (les ministères), l'économie nationale et les partis d'opposition, en tant que forces politiques dotées de programmes alternatifs ou complémentaires à celui de l'Autorité. Il a expliqué que, pour lui, ce meeting venait combler deux vides patents : les vides (créés par l'absence) des forces vives et de leurs mouvements au niveau de la rue, et par celle des cadres officiels dans le mouvement Fatah. Taha a ajouté qu'il fallait absolument dénoncer la dangerosité du gouvernement Sharon pour les pays arabes eux-mêmes, d'autant qu'il y a eu des déclarations israéliennes appelant à bombarder le Haut-Barrage sur le Nil, en Egypte et les dépôts d'armement en Irak et en Syrie, ce qui signifie clairement que les Arabes doivent absolument trouver la formule leur permettant de faire front sérieusement, puisque Sharon les vise eux aussi, et pas seulement nous, les Palestiniens.
Ibrahim Khuraïshéh, président de l'Union générale des Etudiants palestiniens a insisté sur la nécessité de redonner à l'intifada son impétuosité et son soutien populaire, afin de sérier les urgences nationales. Il a argumenté en faveur de la nécessité d'adresser un message au sommet arabe d'Amman, lui demandant d'adopter une position politique claire en soutien à notre peuple, face au gouvernement agresseur de Sharon. Il a indiqué que toutes les branches de l'Union des Etudiants palestiniens, dans les pays arabes et dans les pays occidentaux, organiseront des actions diverses au moment où le sommet arabe se tiendra, afin de demander que le blocus imposé à notre peuple soit levé et qu'une protection internationale lui soit assurée.
                  
3. Fustigeant la campagne de provocations israéliennes contre l'Autorité nationale palestinienne, Quraï' attire l'attention de Moratinos sur la situation critique de notre peuple par Na'il Musa
in Al-Hayat Al-Jadidah (quotidien palestiniens) du mercredi 21 mars 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]

Ramallah, de notre corresondant. Ahmad Quraï' (Abu 'Ala'), président du conseil législatif palestinien a accueilli hier Miguel Moratinos, envoyé européen chargé du suivi du processus de paix. Quraï' a informé Moratinos de la situation critique de notre peuple, du fait de l'agression et du blocus économique imposé par le gouvernement israélien aux territoires palestiniens. Il a qualifié les informations, de source israélienne, selon lesquelles le blocus aurait été allégé de pure tromperie visant à égarer l'opinion publique mondiale, affirmant que le blocus et l'agression militaire n'ont jamais cessé depuis plus de six mois.
Par ailleurs, le président du conseil législatif palestinien a condamné avec force la dangereuse campagne de provocations du gouvernement Sharon contre l'Autorité nationale palestinienne et contre le Président Arafat, en fait, contre notre peuple, dont le choix stratégique est l'instauration d'une paix juste et durable.
Abu 'Ala' a affirmé que le retour à la confiance entre les deux parties, israélienne et palestinienne, et l'aplanissement du terrain en vue d'une reprise des négociations nécessitent que le gouvernement israélien prennent les mesures suivantes :
1 - la suppression des barrages militaires et la fin du blocus militaire et économique imposé à notre peuple ;
2 - le versement des taxes dues à l'Autorité palestinienne ;
3 - la cessation de toutes les mesures et campagnes illégales de colonisation, qu'il s'agisse de la confiscation de terres, de la construction de routes de contournement, de l'extension de colonies existantes ou de la création de colonies nouvelles ;
4 - le retrait de la zone B : Quraï' a affirmé que la présence de l'armée israélienne d'occupation est sans motif, dans cette zone ;
5 - la mise en application de toutes les avancées réalisées au cours de la période intérimaire.
Quraï' a affirmé que la partie palestinienne rejette catégoriquement la proposition, souvent répétée par Sharon, de découper l'accord définitif en étapes intermédiaires à long terme. Il a précisé que les négociations doivent reprendre au point où elles ont été suspendues à Taba, en application des résolutions 242, 338 et 194, stipulant le droit des réfugiés à retourner dans leurs foyers. Il a ajouté qu'il est inconcevable que les efforts déployés au cours de dix-sept mois de négociations soient passés par pertes et profits.
Par ailleurs, Quraï' a critiqué la position américaine actuelle, demandant à l'administration Bush d'adopter des positions plus équilibrées en ce qui concerne le Moyen-Orient en général et les négociations palestino-israéliennes, en particulier. Il a exprimé sa gratitude pour la position de l'Union européenne et le soutien qu'elle apporte à notre peuple soumis au blocus israélien. Il a remercié personnellement M. Moratinos pour les efforts qu'il déploie afin de rendre possible des avancées dans le processus de paix (dans la région) et la reprise des négociations palestino-israéliennes, affirmant sa conviction que le rôle éminent joué par l'envoyé spécial de l'Union européenne contribuera à la réalisation d'une paix juste et durable dans notre région.
De son côté, M. Moratinos a insisté sur la position européenne, qui est de soutenir le processus de paix et de favoriser la reprise des négociations palestino-israéliennes, affirmant que l'Union européenne va faire le maximum pour une reprise rapide de ces négociations.
                    
4. Affirmant la poursuite de l'intifada et appelant au développement du discours politique, les institutions et les forces vives du département d'Hébron examinent les moyens à opposer aux mesures répressives et à l'agression d'Israël envers notre peuple par Fawzi al-Shuwaïki
in Al-Hayat Al-Jadidah (quotidien palestiniens) du mercredi 21 mars 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]

Hébron, de notre correspondant - Les institutions et forces vives du département d'Hébron ont tenu hier un grand meeting dans la salle de l'Union des journalistes, sous la bannière "pour un mouvement populaire actif, en soutien à l'intifada d'al-Aqsa". Y ont été étudiés les derniers développements sur la scène palestinienne et les moyens de faire face aux mesures répressives et à l'agression israéliennes contre nos concitoyens.
Les participants ont appelé à unifier les capacités disponibles et à coordonner l'action populaire et officielle à travers des protocoles soigneusement étudiés, de façon à satisfaire à la nécessité urgente qu'il y a à mobiliser toutes les forces, afin de franchir un degré dans l'intifada, en réponse au surcroît d'agression du gouvernement Sharon.
Les participants à ce meeting, réuni sur l'invitation du bureau permanent des forces politiques du département, ont rendu hommage à son rôle actif dans l'intifada, affirmant qu'il est très important que les différentes forces vives nationales et islamiques continuent à coopérer entre elles afin de faire face aux défis et aux difficultés qui sont ourdis contre notre peuple, appelant à renforcer l'union nationale et à resserrer les rangs.
Le député 'Abbas Zaki, membre du Comité central du Fatah, après avoir analysé les derniers développements politiques sur la scène palestinienne, a affirmé que les mouvements islamiques du département développent leur présence sur le terrain, afin de montrer, dans les circonstances présentes, que tout le monde est dans une même tranchée et qu'ils ont la ferme intention de poursuivre dans cette voie jusqu'à ce que les buts du peuple palestinien soient atteints, avec l'établissement d'un Etat indépendant, le rejet de toute occupation de son territoire, l'éradication de toutes les implantations et la mise en application du droit au retour de tous les réfugiés palestiniens dans leur patrie.
Le Shaykh Nizar Ramadan a affirmé que les forces nationales et islamiques sont unies face aux défis que le peuple palestinien, soumis à l'agression arrogante d'Israël, doit relever en permanence.
Puis Jubraïl al-Natchéh, secrétaire de la Chambre de commerce, a fait l'inventaire des pertes énormes subies par l'économie palestinienne du fait des barrages et du blocus extérieur imposé à tous les départements, qui ont abouti à un chômage dramatique, dont le taux atteint, dans le département d'Hébron, 40%.
Il a mis en évidence les pertes quotidiennes subies par l'économie départementale, qui s'élèvent à 3,5 millions de $, affirmant qu'en dépit de sa cruauté, la répression israélienne ne parviendra pas à dissuader notre peuple de défendre sa terre et ses droits légitimes.
Ensuite s'ouvrit un débat, beaucoup de participants à ce dernier affirmant la nécessité de renforcer l'union nationale et la coopération des forces nationales et islamiques entre elles, mais aussi avec la société internationale et les institutions officielles du département. Des ministres, des délégués généraux, des membres de l'assemblée législative et des partis nationaux et islamiques du département, ainsi que beaucoup de maires et de personnalités ont pris part à ce meeting.
Les participants ont voté à l'unanimité  une recommandation appelant à la poursuite de l'intifada face à l'occupation, jusqu'à la réalisation de ses objectifs, et à élever le niveau du discours politique officiel en adéquation avec les espérances et les aspirations de la rue palestinienne à la liberté, à l'indépendance et au retour, réalisables au prix de l'attachement aux principes fondamentaux des Palestiniens et de la condamnation de la position américaine consistant à soutenir les politiques agressives d'Israël dont notre peuple est victime. Les participants ont appelé à adresser un mémorandum urgent au sommet arabe qui doit se tenir à Amman le 27 mars, exhortant les chefs d'état arabes à apporter le soutien politique, stratégique et économique dont notre peuple résistant a besoin, et un autre mémorandum au (contre) sommet des mouvements populaires arabes, qui se tient actuellement à Bagdad, dans lequel nous manifestions notre estime pour leurs prises de position, en les appelant à renforcer leur action jusqu'à la victoire de l'Intifada. La nécessité de faire le ménage dans la maison palestinienne a été également évoquée : il faut mettre un terme aux différents abus contre les droits des citoyens et l'état de droit, combattre la corruption et demander des comptes à ceux qui s'en rendent coupables, améliorer la manière de servir de l'exécutif et de ses différents services, veiller au respect scrupuleux des procédures électives dans les conseils municipaux et les institutions civiles.
Le meeting a appelé également à développer l'efficacité des médias palestiniens, afin d'assurer une couverture complète de l'intifada, d'en mettre en valeur le contenu de lutte et d'inciter l'administration à se montrer à la hauteur des sacrifices énormes consentis par notre peuple combattant. Les participants ont exigé la levée du blocus injuste et insupportable imposé à l'Irak et ont salué la résistance du peuple et des dirigeants irakiens face à l'agression américaine, demandant à ce qu'ils soient chaleureusement remerciés pour leur soutien politique, moral et matériel à l'intifada d'al-Aqsa et à ses martyrs. Ils ont été unanimes à considérer que ce meeting a pris le caractère inaugural d'une assemblée constituante populaire pour le département d'Hébron.
              
5. Deux balles avaient atteint un préfabriqué de l'armée...  par Amira Hass
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du mercredi 21 mars 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Na'im Badarin, 54 ans, d'elBiréh, est la 345ième victime palestinienne des tirs israéliens, depuis le début de l'Intifada d'al-Aqsa. Il a été tué, le 27 février, aux environs de 9 heures du soir, dans sa maison située dans le hameau d'elBaluah, voisin du carrefour d'Ayosh, face à une position militaire des Forces Israéliennes de Défense. Des sources militaires ont fait état d'un échange de tirs et d'un "feu soutenu", essuyé auparavant par les soldats de l'armée israélienne en faction au carrefour, ainsi que par l'implantation de Psagot. Ces sources ne font aucune mention des tirs de rétorsion israéliens, se contentant de mentionner l'usage d'obus de mortier et de bombes. Voici la version des événements de ce jour, fournie à notre journal par les sources militaires israéliennes : "Des échanges de tirs ont eu lieu dans tout le secteur ; tout a commencé à 3h30 de l'après-midi, avec une attaque sur la route Atarot-Givat Ze'ev (une femme a été grièvement blessée, deux autres plus légèrement), puis il y a eu des tirs contre le camp militaire d'Ofer et contre des soldats qui s'étaient rendus sur les lieux de l'attaque mentionnée (deux d'entre eux ont été blessés, sans gravité, par des éclats), puis l'action s'est déplacée de l'autre côté de Ramallah : il y a eu des tirs dans le secteur d'Ofra, et des tirs intenses dans la zone du carrefour d'Ayosh".
"Ces tirs provenaient de deux sources, dont le bâtiment des bureaux de l'administration locale, dont les étages supérieurs sont  souvent des points d'où proviennent des tirs. A un certain moment, des tirs ont été identifiés comme provenant d'une maison située à l'est de ce bâtiment (la maison des Badarin). Il y a eu confirmation que plusieurs balles avaient été tirées, à deux ou trois reprises, de cette maison, ou de la cour de cette maison. Le repérage du point d'origine des tirs a été effectué à partir de deux points d'observation : depuis un tank, muni d'un système de vision nocturne très sophistiqué, et d'un point d'observation au sol.
"Ces tirs n'ont atteint personne, mais deux balles ont touché le préfabriqué qui abrite l'unité du génie de la division. Une de nos sources a indiqué qu'une voiture aux phares camouflés était arrivée devant la maison, que plusieurs hommes en étaient sortis, puis que ces hommes avaient pénétré dans la maison. Il y a eu identification confirmée de la présence d'un homme armé dans cette maison, et c'est une occurrence où nous tirons. Néanmoins, nous ne pouvons pas affirmer que l'homme qui a été atteint est bien celui qui était à l'origine des tirs. Les Palestiniens utilisent des armes légères".
Les Badarin avaient travaillé plus de dix ans à la construction de cette maison, qui devait abriter treize âmes. Elle avait été édifiée au sommet d'une colline qui s'élève à l'est du carrefour d'Ayosh. Plus bas sur la colline, juste au-dessous de la maison des Badarin, il y a le bureau de coordination des forces de sécurité. Il est surmonté du drapeau israélien.
Les Badarin se souviennent que les tirs contre leur maison avaient commencé à environ six heures du soir. Ils s'étaient immédiatement mis à l'abri derrière le mur de leur maison situé au sud. Ils disent avoir laissé à dessein les lumières allumées, sur la terrasse, afin que les Forces israéliennes de défense comprennent que les tirs ne pouvaient pas provenir de chez eux.
Néanmoins, ils sont restés serrés les uns contre les autres durant plus de deux heures, entendant les impacts des balles et les explosions, ne voyant pas venir le moment où ça s'arrêterait.
A environ 8 heures et demie du soir, les tirs se sont arrêtés. Na'im Badarin est alors rentré dans la maison pour constater les dégâts. Il est loisible d'imaginer ce qu'il a ressenti en découvrant les vitres brisées, les murs criblés, les meubles éventrés, les vêtements brûlés et les appareils ménagers pleins de trous, ayant reçu des centaines de balles. D'autres membres de la famille vinrent le rejoindre en hâte ; c'est alors qu'on entendit une énorme explosion. Puis une autre. Et une troisième. Trois bombes ont atteint la maison, démolissant les murs, mettant le feu au mobilier du salon. Badarin a été tué par la troisième. L'équipe de secouristes du Croissant Rouge a déclaré avoir eu de la difficulté à rassembler les lambeaux de son corps.
Les enfants Badarin rejettent catégoriquement toute possibilité que des tirs aient pu provenir de chez eux. Aucune voiture n'a pu s'approcher de la maison non plus, indiquent-ils, ne serait-ce qu'à cause des tirs intenses de l'armée israélienne. A un certain moment, une balle, ou un projectile quelconque, a atteint la voiture de leur père, ce qui en a déclenché le système d'alarme anti-vol. C'est peut-être ce qui a fait croire aux soldats qu'une voiture approchait.
Aucune homme armé n'est entré chez eux, jurent-ils leurs grands dieux. Ils confirment qu'il y a eu des tirs provenant de l'immeuble de l'administration locale, élevé et vide. Après cinq mois d'affrontements, comment quelqu'un peut-il encore imaginer que l'on puisse tirer à partir d'une maison où vit une famille entière, comme si on pouvait imaginer une seconde que cela n'attirerait pas les tirs de l'armée sur la maison dans la seconde qui suit ? Dans ces conditions, un membre quelconque de cette famille, qui vit à proximité immédiate d'une base des Forces Israéliennes de Défense, peut-il envisager de tirer pour atteindre un objectif situé à un kilomètre de là, avec une arme qui n'a aucune chance d'atteindre sa cible ? Est-il envisageable qu'une quelconque force étrangère à la famille s'impose à cette dernière et tire à partir de sa maison ou de sa cour, deux heures durant, alors que les immeubles élevés - vides, de surcroît - ne manquent pas dans les parages ?
L'expérience nous enseigne pourtant que, presque dès le début des affrontements, des Palestiniens armés ont tiré depuis des immeubles inhabités, et élevés. Est-il plausible que, cette fois-là, par exception, quelqu'un aurait pu en être arrivé au point de prendre le risque de s'exposer à la colère d'une famille entière et de tous ses voisins, en tirant depuis cette maison ?
        
6. Ministre palestinien du Plan et de la Coopération internationale, Nabil Chaath évoque la stratégie palestinienne face à la politique extrémiste du gouvernement israélien d'Ariel Sharon : "Il faut mettre Sharon sous pression " propos recueillis par Hicham Mourad et Magda Barsoum
in Al Ahram-Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 21 mars 2001
— Al-Ahram Hebdo : Quel avenir pour le processus de paix au Proche-Orient avec en Israël le gouvernement Sharon ?
— Nabil Chaath : Tout d'abord on doit prendre en considération le passé des composantes de ce gouvernement, notamment celui de Sharon. A ce titre, le moins qu'on puisse dire est que ce dernier a un passé noir. Sharon est le commanditaire des massacres de Sabra et Chatila. Il est vrai qu'il a été jugé par la justice israélienne et qu'il a été écarté de son poste de ministre de la Défense, mais cela n'empêche pas qu'à nos yeux, il reste le sanguinaire qui a commandité le meurtre de plus de 300 Palestiniens. Il est aussi le responsable numéro un des événements du 28 septembre dernier qui ont déclenché l'Intifada. Il est aussi le promoteur de la politique d'expansion des colonies israéliennes. Ceux qui forment avec lui le nouveau gouvernement n'ont rien à lui envier sur ce plan.
Le ministre des Affaires étrangères, Shimon Pérès, serait peut-être l'unique personne dans ce gouvernement à parler en termes de paix. Mais cela ne suffit pas. Le gouvernement de Sharon a rassemblé les pires représentants de la droite israélienne. Et à ce titre il faut souligner que la droite israélienne n'est pas la droite dont l'idéologie repose sur une politique d'économie de marché ou encore de capitalisme à la place du socialisme. La droite israélienne est une droite dont l'idéologie repose sur l'esprit expansionniste, sur la construction du Grand Israël et surtout sur la haine des Arabes.
Si nous passons au chapitre de la politique de Sharon, il est vrai que ce dernier a évité durant sa campagne électorale d'exciter les esprits, mais ce qu'il n'a pas dit est beaucoup plus révélateur que ce qu'il a dit. Par exemple, il a parlé de Jérusalem, capitale éternelle d'Israël, mais il n'a pas parlé des colonies, il n'a pas parlé du retrait des forces israéliennes et de bien d'autres choses fondamentales pour la poursuite du processus de paix.
Le gouvernement de Sharon pense qu'il ne peut appeler à des négociations que dans le cas où les Palestiniens arrêteraient la violence ! Alors que les accords de Charm Al-Cheikh stipulaient que les forces israéliennes devaient se retirer complètement 48 heures avant de demander aux Palestiniens d'arrêter la violence. Ce qui n'a pas été fait, et de plus, il est difficile de croire que les forces israéliennes se retirent des territoires dans lesquels sont implantées des centaines de colonies israéliennes.
— Alors quelle stratégie doivent adopter les Palestiniens pour débloquer la situation et progresser sur la voie de la paix ?
— Le processus de paix ne peut se poursuivre sans une pression aussi bien de la part des Palestiniens que du monde arabe et des autres pays. Seule la pression peut changer le cours des événements dans la région et obliger Sharon à changer sa politique. Tout en restant engagé sur la voix de la paix. Nous, Palestiniens, nous n'avons aucun intérêt à quitter les bancs du processus de paix. Mais avec la présence de Sharon qui est connu pour son passé de sanguinaire, il est important de développer une politique de pression palestinienne, arabe et internationale. Ou bien une paix juste et équitable, ou bien le gouvernement de Sharon devra quitter le pouvoir comme l'a fait avant lui Ehud Barak et Benyamin Netanyahu.
— Voulez-vous dire par là que le gouvernement de Sharon ne tiendra pas longtemps ?
— Sharon veut garder le pouvoir jusqu'au terme de son mandat en l'an 2005. Il veut bien sûr réussir à arrêter l'Intifada pour pouvoir se représenter aux élections et pour cela il est prêt à faire l'impossible. Ainsi il a reporté le recrutement obligatoire des religieux dans l'armée jusqu'à l'an 2002. Ce qui lui garantira la poursuite du soutien des partis religieux au sein de la coalition. Durant ce délai, il pense pouvoir réprimer le peuple palestinien et assurer la sécurité du peuple israélien. Mais là il se trompe, car ce que ses prédécesseurs n'ont pas pu réaliser, il est plutôt difficile pour lui de le faire. La force de répression a des limites. Ainsi je pense que les jours du gouvernement Sharon sont comptés.
D'autres éléments doivent être pris en considération tels que le prochain sommet arabe et les résolutions qui vont y être adoptées, c'est-à-dire la position arabe. L'Union européenne a aussi son mot à dire ainsi que la nouvelle Administration américaine qui attend pour voir comment Sharon va agir. Tous ces éléments décideront de la vie du gouvernement Sharon.
— Que pensez-vous de la politique de la nouvelle Administration américaine concernant le processus de paix, surtout après la déclaration de Colin Powell reconnaissant Jérusalem comme capitale d'Israël ?
— La nouvelle Administration américaine est une administration étrange. Bush fils n'est pas Bush père. En effet, le nouveau président américain ne doit rien au lobby juif dans sa victoire aux présidentielles. Au contraire, ce dernier a tout mis en œuvre pour le faire échouer aux élections. Ceci dit, Bush ne fait rien pour contrarier ce lobby. Bush père s'était déclaré, après six jours de bombardements de l'Iraq, être plus souple au chapitre du processus de paix. Powell a déclaré Jérusalem capitale d'Israël en même temps qu'il bombardait Bagdad. Veut-il faire pression sur le monde arabe en ce qui concerne le dossier iraqien ? Peut-être. Mais en vérité, il aurait dû présenter des concessions sur le plan du processus de paix. Le résultat aurait été sûrement meilleur. Frapper les Palestiniens et les Iraqiens en même temps c'est à mon avis trop et cela ne peut mener qu'au désastre.
— Qu'attendez-vous du prochain sommet arabe qui se tiendra les 27 et 28 mars à Amman ?
— Les ministres arabes des Affaires étrangères ont pris toutes les décisions que les Palestiniens attendaient. Ils ont notamment décidé de lancer un appel au Conseil de sécurité de l'Onu pour demander l'intervention d'une force internationale, et de réactiver l'aide financière décidée lors du dernier sommet arabe. Si le sommet approuve ces décisions, ce serait une bonne chose. Bien sûr cela ne suffit pas, il faut aussi veiller à leur mise à exécution, notamment celles relatives à l'assistance financière. Sur le milliard de dollars promis lors du dernier sommet arabe, les Etats arabes n'ont finalement voulu payer que 693 millions de dollars. Cette somme devait être versée avant le 31 décembre dernier. Mais seuls 291 millions ont été reçus par la Banque islamique de développement. De cette somme, nous n'avons reçu jusqu'à maintenant que 3 millions. Nous voulons que l'aide décidée par le sommet soit réellement versée directement à l'Autorité palestinienne pour faire face à la situation catastrophique dans les territoires palestiniens.
— Qu'en est-il du plan de séparation entre Palestiniens et Israéliens engagé actuellement par le gouvernement israélien ?
— Au début, les Israéliens voulaient que cette séparation se fasse suivant les limites tracées en 1967. Mais le Likoud s'est opposé à cela. Car c'est reconnaître les frontières de juin 1967. Aujourd'hui, la séparation selon eux devra se faire entre chaque village israélien et palestinien. C'est-à-dire que 48 blocs palestiniens dans les territoires occupés devraient être séparés des colonies israéliennes. L'objectif de cette action serait d'asphyxier les Palestiniens ou de les empêcher de se constituer en entité indépendante. Cette politique n'a rien à voir avec la nécessité de maintenir la sécurité des colonies israéliennes.
— Qu'en est-il du réchauffement dans les relations entre l'Autorité palestinienne et la Syrie, après l'arrivée de Bachar Al-Assad au pouvoir en juillet dernier ?
— Il n'y a pas une seule raison pour que ces relations ne se réchauffent pas. La situation internationale montre bien qu'il n'y a plus de concurrence entre les deux positions palestinienne et syrienne. On est tous deux aujourd'hui dans le même bain. Nous espérons que la Syrie se mettra de notre côté, car on en a vraiment besoin.
— Malgré les gros efforts entrepris par Le Caire en matière de processus de paix, certains Palestiniens s'en sont pris à l'Egypte avec notamment des attaques verbales. Comment expliquez-vous cela ?
— Les relations égypto-palestiniennes ont connu dans le passé des divergences. Surtout à l'époque de la signature de l'accord de Camp David. Aujourd'hui, je ne peux que saluer l'action de l'ancien président Sadate sur la voie de la paix.
Certains Palestiniens ont peut-être critiqué le président Moubarak après le dernier sommet arabe. C'est là une liberté qu'on ne peut refuser à personne, mais ce que je peux vous confirmer c'est que personne n'a osé brûler le drapeau égyptien, contrairement à ce qui a été rapporté dans la presse. Le peuple palestinien éprouve un respect sans pareil aussi bien pour le président Moubarak que pour le gouvernement et le peuple égyptien. Par exemple, Amr Moussa est adulé par l'ensemble des Palestiniens non pas parce qu'il est Amr Moussa, mais parce qu'il est le ministre des Affaires étrangères égyptien qui a toujours été du côté des Palestiniens et que ses propos ont toujours été clairs et nets. Amr Moussa ne parle pas en son nom personnel mais au nom de la direction égyptienne. Et c'est là une chose que comprennent bien les Palestiniens. Qu'il y ait eu quelques dépassements dans des moments de colère est une chose tout à fait normale. Mais ce que je peux vous affirmer c'est que les relations égypto-palestiniennes, et à tous les niveaux, sont des relations historiques alimentées par la volonté de voir une paix juste et équitable régner dans la région.
— Le gouvernement palestinien a été accusé de corruption, concernant l'aide internationale détournée au profit de certains responsables. Que répondez-vous à cela ?
— Il faut noter que le dossier de la corruption a été abordé essentiellement par la presse du Golfe. Là, la raison est claire : refuser de payer l'assistance financière promise, et rejeter les demandes palestiniennes d'une aide supplémentaire.
En ce qui nous concerne, le Conseil législatif (ndlr : Parlement) a entamé une initiative en vue d'améliorer la répartition des fonds de l'aide extérieure. Ceci dit on ne peut pas dire qu'il n'y a pas de corruption, mais pas à l'échelle catastrophique que la presse du Golfe a bien voulu montrer à l'opinion publique.
         
7. Statu quo explosif par Abir Taleb
in Al Ahram-Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 21 mars 2001
On attendait d'abord la nouvelle Administration américaine pour débloquer la situation puis la formation du nouveau gouvernement israélien. On attend maintenant les résultats de la visite du premier ministre israélien, Ariel Sharon, aux Etats-Unis et ceux du sommet arabe des 27 et 28 mars dans la capitale jordanienne. En attendant, la situation empire et rien n’annonce une quelconque accalmie. Lundi matin, l'armée israélienne a imposé à nouveau un blocus total sur Bethléem et les villages palestiniens environnants à la suite d'une attaque qui a coûté la vie à un colon israélien dans ce secteur, étouffant ainsi davantage les territoires. Quelques heures avant cette attaque, des Palestiniens avaient tiré pour la première fois depuis l'occupation des territoires palestiniens en 1967 trois obus de mortier vers le territoire israélien à partir de la bande de Gaza. Le ministre israélien des Affaires étrangères, Shimon Pérès, a affirmé qu'il considérait avec « beaucoup de gravité » ces tirs de mortier. Il a une fois de plus rappelé l'éternelle exigence israélienne : celle d’attendre « de l'Autorité palestinienne qu'elle remplisse ses engagements pour faire cesser la violence ».
De son côté, le ministre israélien de la Défense, Benyamin Ben Eliezer, en feignant d’oublier les violences commises par ses soldats, a affirmé que les tirs de mortiers constituaient « une tentative palestinienne d'entraîner Israël à la guerre ». Menaçant de riposte, il a ajouté : « Israël ne pourra accepter cette situation et se réserve le droit de défense de ses citoyens ». De l'autre côté de la barrière, les Palestiniens continuent à tomber quasi quotidiennement sous les balles israéliennes. Dimanche, deux Palestiniens, dont un garçon de 10 ans, ont été blessés à Gaza par des tirs de l'armée israélienne lors d'affrontements près de Karni, un point de passage avec Israël, selon des sources hospitalières. Les deux Palestiniens ont été hospitalisés après avoir été atteints par des balles réelles tirées par l'armée israélienne, selon les mêmes sources. L'armée israélienne avait auparavant détruit plusieurs hectares de terre agricole près de Karni, théâtre fréquent d'affrontements israélo-palestiniens depuis le début de l'Intifada, le 28 septembre.
Propositions démenties
Laissant donc une situation alarmante, Ariel Sharon est parti dimanche aux Etats-Unis pour s'assurer le soutien de l'Administration du président George W. Bush à sa politique palestinienne. Sûr de ce soutien, le premier ministre israélien a indiqué dans un communiqué avant même son départ : « Nous partageons les mêmes valeurs et nous avons des intérêts communs tels que l'aspiration à la stabilité régionale et le rejet du terrorisme et de la violence. L'Administration américaine est en accord avec la position israélienne selon laquelle il ne peut y avoir de négociations en vue de règlements diplomatiques sous la menace du terrorisme et de la violence ». En attendant cette reprise des négociations, M. Sharon a indiqué qu'il avait demandé que des contacts entre responsables de la sécurité des deux bords soient établis avec les Palestiniens. Toujours avec la même obsession sécuritaire, il a déclaré : « J'ai ordonné la reprise des discussions sécuritaires avec les Palestiniens visant à mener des opérations pour réduire la violence là où c'est possible ». Lundi, le numéro deux de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP), Mahmoud Abbass, a déclaré qu’Israéliens et Palestiniens mènent des contacts informels « sur tous les sujets ». Selon lui, ces « contacts informels » étaient destinés à rapprocher les positions des deux parties. Il reste toutefois que ces contacts aboutissent à quelque chose de concret. Lundi également, le quotidien israélien Haaretz a indiqué que M. Sharon était prêt à évacuer certaines colonies dans la bande de Gaza si le président palestinien Yasser Arafat acceptait ses propositions d'accords de paix intérimaires. Une information démentie et jugée « sans fondement » par un haut responsable israélien faisant partie de la délégation qui accompagne Ariel Sharon aux Etats-Unis. L'évacuation de certaines colonies de la bande de Gaza constituerait une des principales propositions de M. Sharon en cas de reprise des négociations de paix avec les Palestiniens, souligne Haaretz, précisant que le premier ministre israélien doit fournir des détails de ses propositions au président américain George W. Bush au cours son voyage. Selon la radio israélienne, les propositions de Sharon iront plutôt dans le sens d’une période de calme de trois mois, au terme de laquelle des négociations sur des « arrangements intérimaires à long terme » permettant d'instaurer un état de non-belligérance pourraient commencer. Ce qui sera sans nul doute jugé inacceptable par les Palestiniens. Le ministre palestinien des Affaires parlementaires, Nabil Amr, a souhaité que les Etats-Unis fassent preuve d'impartialité. « Nous ne sommes pas optimistes, mais nous espérons que l'Administration américaine adoptera une position équilibrée » dans ses relations avec les deux parties, a-t-il déclaré, en réclamant la fin du blocus et le retour à la table des négociations.
Tentant de faire face au soutien américain inconditionnel à l’Etat hébreu, le président palestinien Yasser Arafat a envoyé dimanche soir son ministre de la Coopération internationale, Nabil Chaath, en Europe, où il doit se rendre en Belgique, en Grande-Bretagne, en France, en Irlande et en Norvège, dont il attend le soutien à la cause palestinienne.
          
8. Sharon-Bush : deux faces d'une seule monnaie par Mohamed Sid-Ahmed
in Al Ahram-Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 21 mars 2001
Sharon n'a pas demandé à Pérès, son ministre des Affaires étrangères, de l'accompagner à Washington dans sa première rencontre avec le président américain Bush. Bizarre ! Surtout dans le cadre d'un « gouvernement d'union nationale » qui regroupe les deux pôles, donc deux visions contradictoires du processus de paix. Pourquoi donc la visite à Washington exclut-elle l'une des deux visions ? Le simple fait que Sharon parte à Washington sans être accompagné de Pérès laisse penser que le gouvernement affronte déjà des problèmes. Il est vrai que parfois des premiers ministres israéliens s'étaient rendus aux Etats-Unis sans leur chef de la diplomatie. Mais le cas de Sharon et Pérès est totalement différent, car ceci contredit l'accord conclu entre les deux pôles. Ajoutons que ceci porte à croire que l'admission de Pérès dans ce gouvernement ne vise qu'à le neutraliser. En effet, Sharon a saisi cette occasion pour inciter l'Administration Bush à le soutenir — lui en personne et non pas le gouvernement d'union nationale en général — et à prendre le parti d'Israël selon ses propres conditions en cas d'escalade de la violence dans la région. Il est à noter que Sharon est le premier leader du Proche-Orient invité par Bush avant que la nouvelle Administration américaine n'élabore sa politique dans la région. Bush, au même titre que Sharon, s'intéresse en premier lieu à la stabilité régionale, sans porter beaucoup d'attention, comme ses prédécesseurs, aux termes abstraits comme « paix globale », « droits de l'homme », « indépendance de la Palestine ». Ajoutons de même que si Barak ne savait pas s'il fallait considérer Arafat comme « partenaire » du processus de paix ou bien « adversaire » absolu, pour Sharon, Arafat est sans nul doute un « ennemi » d'Israël qui doit être affronté sans merci.
Quand on dit qu'il existe un caractère commun ou plus précisément une seule méthode de traiter avec les autres entre Sharon et Bush, cela signifie que tous les deux croient en une sorte d'unipolarisme (l'un au niveau international et l'autre régional). Et ce tout en reconnaissant qu'il existe des forces contradictoires sur les deux scènes. Forces qu'ils considèrent hors de la « légitimité » et qui doivent être combattues sans merci, puisqu'elles sont qualifiées de « terroristes ». Pour Bush, Saddam Hussein est l'exemple représentatif de cet ennemi. Pour Sharon, c'est le Hamas en Palestine et le Hezbollah au Liban. Et il n'est pas exclu qu'Arafat soit considéré de la même manière. En accusant l'Iraq, l'Administration Bush part d'une conception stratégique américaine qui n'est pas limitée au seul parti républicain. Selon cette conception, il existe dans notre monde contemporain des « Etats voyous » capables d'utiliser des missiles nucléaires comme armes politiques pour exercer « un chantage terroriste ». Ces armes servent les Etats voyous dans leur confrontation avec les pays du « monde libre » respectueux de l'ordre mondial et de la légitimité internationale. Et la guerre contre « la prolifération des armes de destruction massive » n'est qu'une « guerre » contre des pays tels l'Iraq, l'Iran ainsi que la Corée du Nord dont le danger s'est accru sur la scène internationale après l'effondrement de l'ex-URSS, ancienne source d'équilibre. D'où l'importance de réaliser « une avancée technologique » en inventant des missiles antimissiles nouvelle génération. Quant à Sharon, s'il préside un gouvernement d'union nationale, c'est bien qu'il y a un point commun entre la droite et la gauche israéliennes. Ces deux forces considèrent qu'il est impossible premièrement d'« intégrer » les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza en Israël. Et ce, car les Palestiniens porteront atteinte, tôt ou tard, au caractère « juif » de l'Etat hébreu ; ne serait-ce qu'à cause de leur taux de croissance démographique. Deuxièmement, de soumettre les Palestiniens, sine die, à un régime semblable à l'apartheid afin d'éviter à la société israélienne des mouvements de révolte qui prendraient la forme d'Intidafa chronique.
D'où le retour de nombreux Israéliens aux instructions de Jabotpinsky, du début des années 1920. Ce leader sioniste prônait à l'époque la nécessité d'épuiser les Palestiniens pour qu'ils reconnaissent en fin de compte que la capitulation est « le moindre mal ». « Il incombe au sionisme de tenter d'établir un Etat juif sur toute l'étendue de la terre de Palestine sans considération aucune des réactions arabes ». Plus encore, il incombe de faire perdre aux Palestiniens tout espoir en l'indépendance pour qu'ils acceptent des droits civils et nationaux limités, une fois leur volonté détruite et leur résistance liquidée. Avi Shlaym, l'un des éminents néo-historiens israéliens, affirme que ces opinions sont celles non seulement de Jabotpinsky, père spirituel de Sharon — mais aussi de Ben Gourion. Ce dernier ayant déclaré : « Nous n'avons pas besoin d'un accord pour instaurer la paix, car celle-ci est un moyen et non pas une fin. Notre fin est la prédominance écrasante du sionisme. Une fin qui nécessite certes un accord pour la consacrer ».
Partant, pour une grande majorité des Israéliens, ni la formule d'un seul Etat (juif groupant de même les Palestiniens), ni celle des deux Etats (établir un Etat palestinien séparé incapable de se dresser contre Israël) ne peuvent résoudre la question palestinienne. Ainsi a pris naissance l'idée de recourir à Sharon en personne, avec sa longue histoire sanguinaire, pour sortir définitivement de l'impasse actuelle par l'usage excessif de la force. Telle est la leçon tirée par les Israéliens à la suite de l'échec de Camp David II et le retour de l'Intifada. C'est pourquoi Sharon a tenté de convaincre Bush de le soutenir sans réticence en liquidant l'Intifada par tous les moyens.
Reste à se demander : Sharon a-t-il réussi à convaincre Bush qu'Arafat ne diffère pas de Saddam ? Et que les deux doivent être traités en tant que « dirigeant voyou » d'une entité terroriste ? Doit-on s'attendre à ce que Bush tente de convaincre les leaders arabes qu'il est grand temps de mettre un terme à l'Intifada et d'obliger Arafat à tendre la main à Sharon pour que les diverses parties, arabes et israélienne, adhèrent au plan de Bush de se concentrer sur Saddam ? Plan qui doit figurer en tête de l'ordre du jour du prochain sommet arabe et qui exige une réponse arabe décisive !
          
9. Israël bombarde une base de gardes du corps d'Arafat à Gaza : un mort
Dépêche de l'Agence France Presse du mercredi 21 mars 2001, 21h33

GAZA - L'armée israélienne a bombardé mercredi soir une base à Gaza de gardes du corps du président palestinien Yasser Arafat, tuant l'un d'entre eux et en blessant sérieusement trois autres, apprend-on de source palestinienne.
La base se trouve près de la colonie juive de Netzarim au sud de la ville de Gaza, à deux kilomètres du quartier général du président palestinien Yasser Arafat.
Des chars israéliens ont tiré quatre obus en direction de la base de l'unité spéciale de gardes du corps de M. Arafat, dont un membre, le lieutenant Kamil al-Jawad, 28 ans, a été tué, et trois autres blessés, a-t-on indiqué de même source.
L'armée israélienne a pour sa part annoncé que trois obus palestiniens avaient été tirés sur Netzarim et deux sur la colonie de Morag. Il n'a pas été fait état de blessés ni de dégâts, mais les habitants des deux implantations ont été appelés à demeurer dans les abris.
Un porte-parole militaire a ajouté que deux obus avaient ensuite été tirés d'un char "en direction des sources de tirs".
Dimanche, trois obus de mortier tirés à partir de la bande de Gaza sont tombés en territoire israélien, blessant légèrement un soldat et causant de légers dégâts.
Les obus sont tombés dans un champ du kibboutz (village collectiviste) de Nahal Oz, à la lisière de la bande de Gaza. C'était la première fois que des obus étaient tirés à partir de la bande de Gaza sur le territoire israélien.
                    
10. Territoires : les enquêteurs de l'ONU en faveur d'observateurs internationaux
Dépêche de l'Agence France Presse du mercredi 21 mars 2001, 19h50

GENEVE - La commission d'enquête mandatée par la Commission des droits de l'homme de l'ONU préconise le déploiement urgent d'observateurs internationaux dans les territoires palestiniens occupés, afin de protéger les droits du peuple palestinien, confronté à l'"usage excessif" de la force par l'armée et la police israéliennes.
Les forces de sécurité israéliennes, armée et police, ont "sans conteste" fait un usage disproportionné et excessif de la force, depuis le début de la seconde Intifada en septembre, ont estimé dans leur rapport les trois enquêteurs, John Dugard (Afrique du sud), Kamal Hossain (Bangladesh) et Richard Falk (USA).
Ce rapport très attendu, rendu public mercredi à Genève, doit être présenté prochainement à la session annuelle de la Commission des droits de l'homme qui a débuté lundi.
Dans leurs conclusions, les enquêteurs souhaitent la mise en place "immédiate" d'une "présence internationale" pour veiller au respect des droits de l'homme et du droit humanitaire. Ils recommandent également aux forces de sécurité israéliennes de veiller particulièrement aux civils qui ne sont pas impliqués dans les combats, notamment les femmes, les enfants et les réfugiés, et de ne pas utiliser des balles réelles ou en caoutchouc.
Selon eux, l'utilisation de la force aux abords des colonies israéliennes de peuplement ne se justifie pas à l'égard des civils palestiniens sans armes, pas plus que pour la démolition et la destruction de leurs biens. Les rapporteurs rappellent notamment les obligations contenues dans la 4e Convention de Genève de 1949, sur la protection des civils lors des conflits.
Ils se prononcent pour des mesures "immédiates et efficaces" afin d'empêcher la destruction dans les territoires occupés des maisons, vergers et récoltes appartenant à des Palestiniens, à l'aide de bulldozers ou de tout autre moyen.
Ils réclament que les plaintes des victimes résultant de l'usage excessif de la force soient examinées et que les responsables de ces violences ayant entraîné des décès ou des blessures graves soient poursuivies en justice et les victimes indemnisées. Depuis le début de la deuxième Intifada, 450 personnes, pour la plupart palestiniennes, ont trouvé la mort.
Enfin, ils prônent des mesures mettant fin aux restrictions à la liberté de circulation et garantissant le libre accès des enfants à l'éducation et à la santé, ainsi que le libre accès aux lieux saints.
Les enquêteurs se sont rendus du 10 au 18 février dans les territoires occupés et en Israël. Le principe de cette enquête avait été décidé le 19 octobre dernier à Genève, lors d'une session extraordinaire de la Commission des droits de l'homme sur la Palestine qui avait adopté une résolution à ce sujet.
Israël avait rejeté cette résolution, la jugeant "hostile, inéquitable et inutile", et a refusé de coopérer avec la mission d'enquête sans toutefois y faire obstruction.
La question des violations des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés par Israël doit dominer la 57e session de la Commission. Le vice-ministre israélien des Affaires étrangères, Michael Melchior, qui est intervenu mercredi en séance plénière, a mis en garde contre l'adoption de toute "résolution extrémiste" contre son pays.
                 
11. La ville de Jérusalem relance la colonisation à Har Homa par Ramit Plushnick-Masti
Dépêche de l'agence Reuters du mardi 20 mars 2001, 14h41

JERUSALEM - Une commission d'urbanisme de la municipalité de Jérusalem a approuvé la construction de près de 3.000 nouveaux logements sur la colline périphérique de Har Homa.
La décision de l'ancien gouvernement de droite de Benjamin Netanyahou de donner son feu vert en mars 1997 à l'édification d'un nouveau quartier juif sur ce site controversé avait provoqué la colère des Palestiniens et entraîné la suspension durant 19 mois du processus de paix lancé à Oslo.
Durant les 20 mois de mandat de son successeur travailliste Ehud Barak, chassé du pouvoir le mois dernier par Ariel Sharon, les travaux de construction de 6.400 logements se sont pourtant discrètement poursuivis sur cette colline proche de Bethléem.
Selon le journal Ha'aretz, 638 habitations seulement sur le total prévu ont été acquises et la courbe des ventes a en outre décliné sensiblement depuis le début de la nouvelle intifada qui fait régner un fort sentiment d'insécurité parmi les Israéliens, notamment hors des frontières de 1967.
Les 2.832 nouveau logements décidés par la commission municipale de Jérusalem sont encore loin de sortir de terre, car il faudra auparavant que le ministère de l'Intérieur donne son accord et que la décision soit définitivement adoptée par le Conseil de la ville.
La "véritable politique de Sharon"?
Il n'en demeure pas moins que cette initiative hautement symbolique d'une municipalité acquise au Likoud, deux semaines après la prise de fonctions de Sharon comme Premier ministre, n'est pas de nature à calmer l'agitation palestinienne.
Le ministre palestinien de l'Information, Yasser Abed Rabbo, a souligné que la poursuite de la politique de colonisation ne pourrait que conduire à de nouvelles violences. "C'est cela la véritable politique de Sharon et c'est l'expression la plus répugnante de la violence contre le peuple palestinien et contre la paix", a-t-il dit.
"Il construit des colonies sous le prétexte d'étendre celles qui existent déjà. S'il ne cesse pas cela, la situation va continuer à se détériorer et ce sera sa faute", a-t-il déclaré à Reuters.
La plate-forme d'union nationale à la base de la coalition qui permet à Sharon, champion des colons, de s'appuyer sur une majorité confortable à la Knesset prévoit le gel provisoire de la colonisation dans les territoires occupés, mais pas l'arrêt du développement des implantations existantes.
On compte quelque 150 implantations abritant 200.000 colons juives sur les territoires palestiniens capturés en 1967. Cette colonisation, rejetée par les Palestiniens et non reconnue par la communauté internationale, est l'un principaux obstacles à un règlement de paix.
           
12. Les pays du Golfe mettent un programme financier au point pour aider Arafat par William A. Orme Jr.
in The New York Times (quotidien américain) du mardi 20 mars 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Les pays pétroliers du Golfe lancent une bouée de sauvetage à une Autorité palestinienne au bord de l'effondrement financier, sous la forme d'un fonds d'aide de 300 millions de dollars, faisant des pays arabes donateurs sa première source de contributions budgétaires, ce qui est une première.
Dans le cadre d'un plan mis au point avec le soutien du Fonds Monétaire International (FMI) et validé par les ministres des finances des pays de la Ligue des Etats Arabes, la Banque Islamique de Développement met en place l'abondement d'un "fonds pour l'intifada", au moyen de versements mensuels de 40 millions de $ chacun, qui doivent être renouvelés au début des six mois à venir, ont indiqué des officiels palestiniens et des diplomates.
Le plus gros des fonds proviendront d'Arabie Saoudite, des Emirats Arabes Unis et du Koweït, autant de pays qui refusaient jusqu'à récemment d'apporter une aide directe au gouvernement semi-autonome de Yasser Arafat. L'Union Européenne et les Etats-Unis ont été les donateurs les plus généreux, jusqu'à cette décision.
Les six versements mensuels prévus s'ajoutent à un transfert de 80 millions de $ de dons et de prêts au profit de l'Autorité palestinienne, depuis décembre dernier, qui n'a fait l'objet d'aucune publicité, bien qu'il ait dépassé les 65 millions de $ alloués par les gouvernements européens.
L'Autorité palestinienne administre partiellement la Cisjordanie et la Bande de Gaza, où elle assure l'enseignement, les soins hospitaliers et l'ordre public.
Ses revenus ont été réduit de façon dramatique par le conflit en cours avec Israël, crise qui a réduit de moitié les revenus des Palestiniens, triplé le chômage et attisé la vindicte populaire non seulement à l'encontre d'Israël, mais aussi de l'Autorité palestinienne elle-même. Sans soutien financier, avaient averti des diplomates américains et plusieurs envoyés des Nations-Unies dans la région, l'Autorité était confrontée à une banqueroute imminente.
"L'économie palestinienne est sur le point de s'effondrer, et l'Autorité palestinienne de se désintégrer", avait dit au début du mois Martin Indyk, ambassadeur américain en Israël, au cours d'une rencontre avec des hommes d'affaires israéliens, à Tel-Aviv.
Les officiels palestiniens pensent que cette nouvelle aide arabe pourrait avoir, à plus long terme, une importance symbolique sur le plan politique, au moins aussi significative que son impact purement économique. Exceptée l'Egypte, la plupart des Etats arabes importants ont gardé leurs distances vis-à-vis de l'Autorité palestinienne, même lorsqu'ils ont formulé leur soutien à la cause palestinienne.
Les pays du Golfe conservaient une rancune tenace à l'encontre de M. Arafat, qui avait pris le parti de l'Irak, au moment de la guerre du Golfe (1991). Le Koweït, dont l'occupation par l'Irak fut à l'origine de cette guerre, avait expulsé des centaines de milliers de ressortissants palestiniens, en rétorsion.
L'Irak, à l'instar de la Syrie et de la Libye, snobaient l'Autorité, qu'ils considéraient comme l'enfant illégitime des accords de paix israélo-palestiniens de 1993, qu'ils rejetaient catégoriquement. Les gouvernements européens - avec le soutien des Etats-Unis et, d'une manière plus ambiguë, d'Israël - avaient demandé, sans succès, aux pays arabes de contribuer de manière plus conséquente à cette aide financière.
Mais avec le très fort sentiment de solidarité avec les Palestiniens suscité dans le monde arabe par cinq mois de confrontations violentes avec Israël, et avec une préoccupation croissante quant à l'impact potentiel du conflit sur la région, le consensus arabe a changé très rapidement, au grand bénéfice de l'Autorité palestinienne.
"C'est tout simple", a dit un Palestinien participant à des négociations avec des dirigeants arabes, destinée à l'étude de l'aide à apporter : "vous ne pouvez pas aider les Palestiniens économiquement si vous ignorez l'institution palestinienne cardinale, le plus grand employeur, le premier pourvoyeur de services sociaux (l'Autorité)".
Désormais, a-t-il commenté, les pays arabes riches vont avoir, pour la première fois, un "portefeuille" placé dans l'Autorité. Quant à M. Arafat, leur aide est un peu un contrat d'assurance-vie institutionnelle, fort bienvenu en ce qu'il réduit sa dépendance vis-à-vis de l'Europe occidentale et des Etats-Unis.
Washington, empêchée par le Congrès de donner une aide directement à l'Autorité palestinienne, a consacré 57 millions de $, au mois de janvier, à des programmes sociaux en Palestine.
"Nous sommes désormais assurés du soutien des pays arabes", a déclaré Muhammad Nashashibi, le ministre palestinien des finances, au cours d'une interview.
Toutefois, il a suggéré que les pays arabes pourraient faire plus : 1 milliard de $ d'aide ne représente que deux pour cent des revenus qu'ils retirent de leurs investissements à l'étranger, a-t-il indiqué.
Aujourd'hui, un collaborateur éminent du premier ministre israélien, Sharon, a dit que le gouvernement israélien était très satisfait des aides accordées par les pays arabes et européens aux services sociaux palestiniens, mais qu'il était très soupçonneux à l'égard de tout soutien budgétaire à la direction palestinienne et à ses services de sécurité.
"Si cet argent sert à améliorer le bien-être du peuple palestinien, nous n'y voyons bien entendu aucune objection", a dit ce collaborateur d'Ariel Sharon, Ranaan Gissin. "Mais s'il sert à payer les salaires des gens qui nous tirent dessus, nous ne pouvons que considérer cette aide comme contre-productive".
La nouvelle perfusion de cash arabe attendue ne ressuscitera pas le commerce palestinien ni ne redonnera du travail aux chômeurs, reconnaissent les architectes du montage financier. Mais, combiné avec les avances et les prêts plus modestes de l'Union européenne, aux recettes fiscales collectées, mais encore retenues par Israël, cela devrait suffire pour maintenir ouverts les écoles et les hôpitaux et assurer leurs salaires à la plupart des fonctionnaires palestininiens.
Israël est soumis à de forte pressions de Washington et des Européens, qui veulent le contraindre à verser les 75 millions de $ de taxes perçues qu'il retient en prétextant que cet argent contribuerait indirectement à soutenir le terrorisme.
"Tout ce que nous pouvons faire, c'est gagner du temps", a indiqué un économiste palestinien participant aux négociations avec les ministres arabes des finances, "mais le temps est pour nous extrêmement précieux, en ce moment... Cela vaut aussi, d'ailleurs, pour les Israéliens..."
L'adoption officielle du plan d'aide semestriel est attendue au cours du sommet de la Ligue Arabe qui doit se tenir à Amman, en Jordanie, le 27 mars, même si de nombreux dirigeants arabes restent très réticents à l'égard de M. Arafat et si d'aucuns redoutent qu'une aide arabe massive n'annule l'effet des pressions extérieures visant à persuader Israël de débloquer les taxes perçues, normalement, pour le compte des Palestiniens.
"Il serait désormais très difficile, pour la Ligue arabe, de se déjuger sur son engagement, pris de manière très publique, à apporter une aide à l'Autorité palestinienne", a commenté un diplomate occidental.
Certains pays arabes et certaines personnes privées fortunées, ont apporté des aides financières presque tout de suite après le déclenchement de l'insurrection palestinienne en cours - "intifada", en arabe, signifiant "insurrection" - en septembre 2000. Mais cet argent allait directement à des personnes nécessiteuses ou à des associations de bienfaisance, en esquivant délibérément l'Autorité palestinienne. Un des exemples les plus connus de ce phénomène a été les versements de 10 000 $, par le président irakien Saddam Husseïn, aux familles de victimes de l'insurrection.
Plus préoccupants, pour les responsables palestiniens, toutefois, sont les millions de $ de fonds privés saoudiens qui parviennent dans la discrétion la plus absolue aux familles des morts ou des blessés, par l'intermédiaire de fondations islamiques locales, dont certains diplomates occidentaux pensent qu'elles sont liées peu ou prou au Hamas, organisation qui rejette l'Autorité présidée par M. Arafat.
Ainsi, par exemple, dans la ville de Gaza, presque chaque jour ouvrable, des Palestiniens font la queue devant le bureau de l'Association Salah, apportant leurs dossiers médicaux et leurs papiers d'identité, qui sont faxés en Arabie Saoudite et vérifiés à partir de documents officiels palestiniens.
Puis des ordres de versement sont transmis par fax à une succursale gaziote de la banque privée Arab Bank, possédée par un Palestinien : 5 000$ pour le conjoint ou les parents des personnes tuées, 2 500$ pour les blessés. L'Association Salah, qui dénie tout rapport avec le Hamas, indique avoir distribué, au cours des deux mois écoulés, 200 000 paniers-repas financés par l'Arabie Saoudite.
"Les Saoudiens sont des gens généreux, et ils jouissent d'une grande estime chez les Palestiniens", nous dit Jabar Husseïn, président de l'association. "Nos relations étaient déjà fortes, mais leur aide va encore les renforcer".
Jusqu'à ces derniers mois, cependant, cette générosité saoudienne était des plus discrètes.
Durant les six premiers mois d'existence de l'Autorité palestinienne, alors que les donateurs étrangers apportaient une contribution de plus de 3 milliards de $, l'Arabie Saoudite et la plupart des pays arabes gardaient une distance circonspecte. Plus de la moitié de l'aide financière reçue de l'étranger par l'Autorité palestinienne est venue de l'Union européenne, suivie par les Etats-Unis, qui assuraient à eux seuls près du quart de l'aide totale.
L'aide globale de tous les pays arabes atteignait à peine dix pour cent du total, et à dessein, pratiquement pas un centime (on devrait écrire : "pas un cent", NdT) de cette aide n'allait directement à l'Autorité palestinienne, continuellement éreintée par des rapports successifs l'accusant de mauvaise gestion et de corruption.
Mais, depuis l'automne dernier, le conflit avec Israël a fait du soutien aux Palestiniens une cause ressoudant l'unanimité de pays arabes profondément divisés entre eux sur bien d'autres sujets.
En novembre dernier, la Ligue arabe a donné son accord de principe à un don d'un montant d'un milliard de $ aux Palestiniens. Près de 700 millions de $ ont été rapidement collectés à cette fin. Mais, le mois dernier, seuls 10 millions de $ avaient été déboursés, ont fait remarquer amèrement les responsables palestiniens. Ils ont pressé les capitales arabes de leur apporter une aide sous forme de soutien budgétaire immédiat, plutôt que sous celle de projets de financement à long terme.
Certains diplomates occidentaux considèrent le soutien financier - nouveau - apporté par les Arabes comme une sorte de ratification indirecte des accords de paix avec Israël, ces accords mêmes qui sont à l'origine, rappellons-le, de l'Autorité palestinienne créée il y a sept ans. D'autres sont moins enthousiastes, et rappellent l'opposition indéfectible de l'Arabie saoudite à toute concession que pourraient faire les Palestiniens (sur Jérusalem, entre autres).
"Nous ne voyons absolument pas", a confié un responsable américain de haut rang, "quels pourront bien être les conséquences, sur le long terme, de cette aide arabe..."
                
13. La France tente d'obtenir de l'Union Européenne des sanctions contre Israël par Ora Coren
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du lundi 19 mars 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

La France a écrit aux pays membres de l'Union Européenne afin de réclamer des sanctions économiques à l'encontre d'Israël en raison des "violations des droits de l'homme dans les territoires occupés", ont indiqué hier des sources diplomatiques en Israël. Les gouvernements français et belge soutiennent, parmi d'autres sanctions, l'annulation de l'accord d'agrément entre l'Union Européenne et Israël signé en 1995, qui comporte des accords commerciaux ainsi que divers projets de coopération.
Les deux pays cherchent également à faire exclure Israël du sixième programme en matière de recherche et développement, prévu pour commencer en 2003. Après d'intenses efforts de lobbying, Israël avait été inclus dans ce programme. Des sociétés israéliennes avaient bénéficié de prêts pour un montant global de 95 millions de dollars au cours des deux années écoulées, au titre de ce programme de coopération.
          
14. Sous le feu, à Gaza par Amira Hass
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du lundi 19 mars 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

La Ville de Gaza semble presque normale mais, dans le sud de la Bande de Gaza, la vie est plus difficile que jamais.
L. aime regarder dans la cour, en bas de son immeuble, chaque matin. L. et A. vivent dans un appartement en étage, dans l'un de ces quartiers d'habitation qui ont poussé comme des champignons dans la ville de Gaza, au cours de la décennie écoulée. Ces immeubles ont été construits un peu à la va-vite, sans beaucoup d'égards pour les finitions et même, il faut bien le dire, avec une certaine négligence, mais ils n'en dénotent pas moins un optimisme à toute épreuve pour le futur de la ville. Les grands appartements, conçus pour deux types de locataires : des familles palestiniennes de taille standard, revenant de la diaspora, mais dépourvues de capitaux ou de parenté fortunée, et qui se sont généralement mises en quête de locations abordables ; et aussi les enfants, devenus adultes, de familles vivant dans des camps de réfugiés, tentant d'échapper aux conditions de vie qui y règnent, faites de promiscuité et de lourdeur d'une sorte de chape tribale, et à cette impression de provisoire indéfini qu'y produisent les murs en moellons et les enduits lépreux. Ces familles-là se retrouvent rapidement sur endettées, ayant contracté des prêts pour vivre dans les appartements de l'un ou l'autre des immeubles-tours de la ville. Entre ces immeubles élevés, dominant le paysage urbain, on peut encore découvrir les vieilles maisons de la ville, hautes de un ou deux, au maximum trois, étages, avec des vérandas, souvent semi-circulaires, soutenues par quelques piliers, un jardin autour et parfois les restes d'un verger ou d'une oliveraie, un portail en fer passé à la peinture turquoise ou orange, et entourées d'un muret en pierre que recouvre un jasmin ou une bougainvillée. Il y a même quelques maisons gaziotes de ce type au pied de l'immeuble où habitent les L. Ces maisons témoignent des racines d'un passé fait de simplicité. Les gens avaient coutume d'échanger des vergers contre des terrains à bâtir, mais uniquement pour construire une maison pour leur famille ou leurs descendants, sans que l'idée de faire un placement de rapport ne leur effleure l'esprit.
L. est née en Syrie, dans une famille de réfugiés originaires du village de Massamia. Elle a vécu au Liban et, durant la guerre dite "Paix en Galilée", en 1982, tandis qu'Israël bombardait le pays et assiégeait Beyrouth, elle s'était portée volontaire pour travailler dans un hôpital et soigner les blessés. Puis elle fit des études supérieures en Europe de l'Est, quitta le Liban pour la Jordanie, qu'elle quitta à son tour, avec son mari, en 1995, pour venir s'établir à Gaza. Ses pérégrinations sont semblables à celles de bien des locataires des nouveaux quartiers, des gens qui aspiraient à un peu de calme et de stabilité dans leur propre pays. Elle aime regarder dans la cour, en bas, chaque matin car, tous les matins, deux personnes âgées sortent leur chien et font le tour de la cour à petits pas. Eté comme hiver, durant l'intifada comme avant qu'elle ne se soit déclenchée, ce couple ne faillit jamais à ce rituel matinal, qui a fini par donner à L. un sentiment de stabilité, l'illusion d'une normalité des choses.
L. se lève tôt. Elle est économiste et travaille dans une ONG palestinienne. Son mari peut rester couché. Ingénieur, il travaille dans le privé. Mais depuis le déclenchement de l'intifada, il n'y a pas de travail pour les ingénieurs, car les travaux de construction ont été arrêtés. Les routes conduisant aux chantiers sont bloquées, les gens utilisent leurs économies pour leurs besoins immédiats, comme la nourriture et les frais de santé. Désormais L. et A. doivent vivre sur un seul revenu, mais ils s'en tirent encore mieux que la plupart des autres.
Ce qui donne aussi une impression de normalité et de stabilité, ce sont les feux rouges, au carrefour très fréquenté entre les rues Omer et Mukhtar, au pied de l'immeuble. Le feu passe au vert, puis au rouge, dans un concert incessant de klaxons insistants. A Gaza, on klaxonne beaucoup, façon de prouver que l'on est un conducteur émérite. Les klaxons produisent une atmosphère de ville affairée, de gens courant après le temps. Les taxis sont le seul moyen de transport dans la bande de Gaza. Une course dans la ville vous coûtera 2 nouveaux Shekels. Les privés ont de tout temps été en concurrence avec les taxis, ils proposent leurs services aux passants. Dans la dernière période, les particuliers faisant le taxi sont plus nombreux, à cause de l'intifada et du bouclage.
Les gens au chômage pour cause d'intifada cherchent désormais à gagner ne serait-ce que quelques shekels par jour et ils parcourent les rues, klaxonnant chaque passant, proposant une course. Personne ne se préoccupe plus désormais de faire appliquer la loi interdisant aux particuliers de transporter des passagers contre de l'argent. Personne ne peut être sûr d'avoir couvert les frais d'entretien de la voiture et d'essence, à la fin de la journée. Mais, comme le dit M. , ouvrier du bâtiment en temps normal, la chasse aux passagers vous donne au moins l'impression que vous faites quelque chose, que vous avez encore un certain contrôle sur votre façon d'occuper votre temps et que vous échappez quelque part aux événements. Gaza est encore plus encombrée que d'habitude. Ce n'est pas une simple impression. Depuis qu'Israël a entrepris de diviser la bande de Gaza en trois zones et d'interdire les déplacements entre les parties nord et sud (nécessitant environ une heure), un nouveau phénomène est apparu. Des milliers de lycéens, d'enseignants et de maîtres de conférence, d'inspecteurs, d'employés de l'Autorité palestinienne, des personnels de services de sécurité et autres, dont le travail est à Gaza-ville, mais qui habitent dans la partie sud de la bande de Gaza, se sont mis à louer des appartements à Gaza, afin de ne pas manquer un jour de classe ou d'être absents au travail à cause des barrages routiers des Forces Israéliennes de Défense, qui peuvent retenir leurs voitures durant plusieurs heures. A plusieurs reprises, l'annonce inopinée d'un barrage destiné à parcelliser la bande de Gaza a laissé des milliers de personnes en rade à Gaza. Des habitants du sud ont été contraints  à moult reprises à passer quelques nuits dans des mosquées, sur des pelouses ou dans d'autres lieux ouverts, à Gaza, dans des cages d'escaliers ou, avec un peu de chance, chez des parents. Si vous ne voyez pas les magasins déserts et les chantiers arrêtés, si vous avez oublié que jusqu'à il y a six mois, par le passé, des restaurants aux prix tout ce qu'il y a de plus abordables étaient envahis par les clients, si vous ne prêtez pas l'oreille aux tirs des Forces Israéliennes de Défense, que l'on entend pourtant distinctement du côté de Munthar-Karni, Beit Lahi et Sudaniya, la vie à Gaza vous paraîtra normale. Les habitants des deux sections aux deux extrémités de la bande de Gaza, au Sud et au Nord, sont jaloux de ceux qui vivent à Gaza-ville, qui ont arrêté d'ores et déjà de suivre les nouvelles des maisons bombardées à Rafiah et Khan Younis.
Des bulldozers dans la nuit
Lorsque les résidents du sud et des faubourgs voisins des colonies rentrent chez eux, ils sont dans la hantise de ne pas retrouver leurs habitations intactes. C'est exactement ce qui est arrivé à la famille d'Omer Dahir, un matin. Le 27 octobre 2000, cette famille avait passé la nuit chez un parent qui vit au milieu d'un verger situé à l'est de Rafiah. Le lendemain matin, ils retournèrent chez eux, une maison qu'ils avaient édifiée sur un terrain agricole leur appartenant, à côté de dix-huit dounoms de serres où ils cultivent tomates et poivrons. Là où était leur maison, ils ont trouvé un amas de gravats et de tôles tordues. A la place de leurs serres, il n'y avait plus que des films de plastique déchirés et des plantes écrasées.
Pour leur malheur, la colonie de Morag avait été construite juste à côté de chez eux. On raconte à Rafiah que le mukhtar (sorte de chef de famille tribale, un peu "garde-champêtre, NdT) de la famille Dahir (il s'agit d'une famille native de Rafiah, et non de réfugiés) avait vendu une partie des parcelles sablonneuses constituant ses propriétés aux Israéliens, parmi lesquelles le terrain d'Omer. C'est sur ce terrain que la colonie de Morag a été construite. Le mukhtar, classé dans la catégorie infamante des "collaborateurs", a dû fuir : il vit désormais en Israël.
Avec le déclenchement de l'intifada Al-Aqsa, les Forces Israéliennes de Défense ont décidé de tracer une nouvelle route pour desservir la colonie de Morag, en la reliant au complexe de colonies israéliennes de Gush Katif. Des gens habitent-ils ici ? Des gens travaillent-ils cette terre depuis des décennies ? On s'en moque. Pendant la nuit, des bulldozers sont venus et ont détruit la maison de sept pièces et les serres. Une superficie de cent vingt dounoms de serres ainsi que des terres cultivées par d'autres familles ont été aussi détruites. Ainsi, en quelques jours, les revenus de centaines de personnes étaient anéantis.
Quatre mois ont passé depuis cette destruction, et les Dahir accusent encore le coup. Ils vivent dans le verger d'un parent, sous deux tentes que la Croix-Rouge leur a donnée. Ils ont perdu toutes leurs terres. Tous leurs vêtements et biens personnels sont restés sous les décombres de leur maison. Ils n'ont que les vêtements qu'ils avaient sur eux. Les enfants ont du mal à se souvenir des objets, précieux pour eux, perdus dans la destruction de leur maison. Ils ont le plus grand mal à raconter comment ils ont éclaté en sanglots en découvrant les décombres. Dans la ville de Rafiah, il y a eu débat sur les mesures qui devraient être prises afin de s'opposer aux destructions massives de maisons et de terrains agricoles par l'armée israélienne. Mais ceux qui y ont participé disent que Dahir est resté interdit, durant toute la discussion.
Même aujourd'hui, lorsqu'il essaie de parler de ce qu'il a perdu, des années de travail anéanties, de son revenu régulier disparu, de son standard de vie détruit en trois heures par un bulldozer, des propriétés familiales qu'il réservait à ses enfants, il se cache le visage de son keffieh rouge.
Insha'allah
Le secteur G, au nord-est de Rafiah, à la frontière égyptienne, était recouvert, jadis, par les vergers de la famille Ara, de Khan Yunis. Au cours des ans, les enfants de réfugiés y ont acheté des parcelles : le terrain y est meilleur marché à cause de la proximité de la frontière. Des dizaines de maisons, simplement bâties en moellons, y ont poussé comme des champignons, ces dernières années. Bien que les réfugiés parlent de leur droit à revenir dans leurs villages, ils ont d'autres projets, pour le futur immédiat. Au début de cette année, les autorités municipales étaient supposées, avec la collaboration de quelques associations de bienfaisance, connecter ce quartier au réseau d'assainissement et de goudronner les routes. Les travaux ont été arrêtés, non par faute de matériaux ou de travailleurs, mais à cause des positions de surveillance des Forces israéliennes de défense - des miradors, à quelques dizaines de mètres - réparties tout au long de la frontière. Les soldats israéliens tirent sur les gens dès qu'ils approchent de la ligne frontalière. Un enfant a déjà été tué pour ce motif et des dizaines blessés.
"Qu'y puis-je, si mon jardin est à côté de la frontière ?", demande S. Comme d'autres, il a acheté un petit terrain sur la frontière. Mais à la différence des autres, il n'était pas pressé de construire une maison : il avait décidé de planter des arbres. Né dans un camp de réfugiés, le sang paysan n'en circulait pas moins dans ses veines, et il aspirait à travailler la terre. En quelques années, un beau verger a poussé, avec une demi-douzaine de figuiers de différentes variétés, sept espèces d'oliviers, des péchés, des papayers et des citronniers. Maintenant, il rêve de construire une pépinière. "Dieu a béni mon terrain", répète-t-il à l'envi. Si Dieu le veut (Insha'allah), la saison prochaine, mes arbres porteront des fruits. Plus tard, S. nous confie qu'il était membre du Parti communiste palestinien, qu'il a été emprisonné pour raisons administratives, et qu'il connaît depuis l'enfance l'un des responsables des forces de sécurité palestinienne - c'est grâce à ça qu'il a obtenu un travail assuré, en tant qu'employé de l'administration de l'Autorité palestinienne. Il y a quelques mois, alors qu'il était en train de planter de l'ail le long de l'allée de son jardin, il y a eu des tirs à partir des positions des Forces israéliennes de défense, surplombant le jardin, mais d'une certaine distance. Des balles, ayant pénétré dans l'enceinte de son jardin, y ont détruit un papayer, coupant des branches sur le point de déployer leurs feuilles. Plus d'une fois, son jardin a essuyé des tirs, l'empêchant d'aller y travailler. "Depuis leur position, ils voient très bien que personne ne leur tire dessus depuis mon jardin", proteste-t-il. Chaque jour, S. craint qu'un bulldozer, escorté d'un tank ou deux, ne fasse irruption à travers la haie pour venir détruire son jardin. Tout le monde est persuadé que la politique de l'armée est de "nettoyer" la zone proche de la frontière. Ils savent que c'est le but véritable des tirs incessants aux limites des bourgades Brésil, As-Salam, Salah ed-Din et Section G. Une vingtaine de maisons de la Section G ont été gravement endommagées par des tirs. Or elles se trouvent à deux ou trois kilomètres de distance du poste de l'armée israélienne situé à proximité de l'implantation de Rafiah-Yam. Mais elles sont constamment la cible de tirs israéliens. Toutes les maisons sont criblées de dizaines d'impacts de balles, des vitres ont été brisées, des couvertures déchirées, des meubles et des réservoirs d'eau percés. A., un pompier, peut payer le loyer d'une maison dans le centre de Rafiah. Les tirs israéliens terrifient ses enfants, et il est devenu difficile de vivre dans leur maison criblée de balles, qui n'est pas totalement achevée, mais dans laquelle ils ont décidé d'emménager il y a quelques mois. Certains de ses voisins veulent eux aussi louer des appartements à Rafiah, mais la plupart ne peuvent se le permettre financièrement. Ils ont dépensé toutes leurs économies pour acheter une maison en dur supposée leur offrir, à eux et à leurs enfants, un environnement sûr et stable.
Un voisin a condamné toutes ses fenêtres avec du ciment, afin d'empêcher les balles de pénétrer par les ouvertures. Il sait que le ciment ne peut rien contre les obus d'artillerie. Un autre voisin dort, avec toute la famille, dans une seule pièce, situé à l'angle opposé au poste militaire israélien. Un autre voisin a construit une chambre à coucher fortifiée pour sa famille. D'autres familles sont revenues chez leurs parents, dans le camp de réfugiés, afin de se mettre à l'abri des tirs. Certaines balles ont trouvé leur chemin jusqu'au camp, d'ailleurs, et ont atteint les murs de certaines chambres d'enfants.
"Sous le feu des positions des Forces israéliennes de défense, nos vies et celles de nos enfants ne sont plus en sécurité", conclut K., une enseignante. Son frère Ahmad, cinq ans, a déjà la malice de tirer prétexte de cette triste réalité pour ne pas aller acheter le pain à l'épicerie du coin. "Ca tire, dehors", dit-il à sa mère. "Tu ne voudrais quand même pas que j'aille me faire tuer ?".
             
15. Un million de Palestiniens vivent désormais sous le seuil de pauvreté par Mouna Naïm
in Le Monde du dimanche 18 mars 2001
ISRAËL a annoncé, vendredi 16 mars, une nouvelle série d'allégements du bouclage des territoires palestiniens. Le ministère de la défense a précisé que cinq cents hommes d'affaires palestiniens des territoires seront autorisés à entrer en Israël. Le passage Allenby sur le Jourdain, entre la Cisjordanie et la Jordanie, et celui de Rafah, entre la bande de Gaza et l'Egypte, seront rouverts pendant la journée pour le trafic des marchandises.
Les Palestiniens de la bande de Gaza pourront se rendre en Egypte pour les cas humanitaires. Les passages de Soufa et Karni, entre la bande de Gaza et Israël, seront rouverts pour le trafic des marchandises et des matières premières. Les Palestiniens sont par ailleurs autorisés à transférer des turbines nécessaires à la construction d'une centrale électrique à Gaza.
Jeudi, l'armée avait permis l'entrée et la sortie de marchandises et de matières premières dans les villes de Cisjordanie dont elle avait dressé le blocus. Mais tout cela, c'est de la poudre aux yeux à cinq jours de la visite du premier ministre israélien, Ariel Sharon à Washington, a commenté le ministre palestinien de l'information, Yasser Abed Rabbo.
Depuis le début de l'Intifada, fin septembre 2000, les territoires palestiniens sont de fait soumis à plusieurs formes simultanées de bouclage, aux conséquences économiques et sociales dévastatrices. Dans son dernier état des lieux, Terje Rœd Larsen, le coordinateur spécial de l'ONU pour le processus de paix, tirait la sonnette d'alarme à ce sujet. Le rapport portait sur une période de quatre mois (1er octobre 2000 au 31 janvier 2001). Depuis, les bouclages et restrictions avaient été parfois corsés.
TRIPLE BOUCLAGE
La première forme de bouclage consiste à interdire aux habitants de la Cisjordanie et de Gaza, y compris à l'écrasante majorité de ceux qui sont employés en Israël – et dont le nombre s'élevait à 130 000 durant les neuf premiers mois de 2000 – de sortir de ces deux territoires.
Le deuxième bouclage est interne : les routes principales à l'intérieur d'un même territoire, qu'il s'agisse de la Cisjordanie ou de Gaza, sont interdites aux Palestiniens et réservées à Tsahal et aux colons. 
Dans sa forme la plus sévère, ce bouclage interdit également aux Palestiniens l'accès à de nombreuses routes secondaires, et les force à emprunter, non sans prendre de sérieux risques, des chemins de traverse.
Ce saucissonnage a dramatiquement allongé la durée et augmenté le coût des transports. Deux exemples : à Gaza, la durée moyenne du trajet entre Khan Younis et la ville de Gaza est passée de 30 minutes à 130 minutes et le prix de la course en taxi de 3,5 shekels à 7,4 shekels. En Cisjordanie, entre Naplouse et Ramallah, la durée du trajet est passée de 45 minutes à 96 minutes et le coût a bondi de 9 shekels à 18,75 shekels.
Troisième forme de bouclage : la fermeture des frontières internationales. D'après le rapport de l'ONU, les points de passage vers la Jordanie (sur le pont Allenby) et l'Egypte (par le poste frontière de Rafah), ainsi que l'aéroport de Gaza ont été fermés à la circulation des personnes et des marchandises " durant la plus grande partie de la période incriminée ".
Les conséquences économiques de ce triple bouclage, notent les Nations unies, ont été désastreuses pour tous les secteurs d'activité, qu'il s'agisse de l'agriculture, de l'industrie, du commerce, de la construction, des transports ou des services. En moyenne, les pertes directes de l'économie pour la même période sont estimées à 1,15 milliard de dollars, ce qui correspond à 20 % du produit intérieur brut projeté pour l'année 2000 (s'il n'y avait pas eu de bouclages). Les pertes sont d'environ 11 millions de dollars par jour ouvrable.
AIDE HUMANITAIRE
Au plan social, le taux de chômage, qui était passé de 23 % en 1996 à 11 % dans les neuf premiers mois de 2000, a brutalement augmenté pour atteindre 30 % de la main-d'œuvre. Quelque 82 000 personnes, selon le ministère palestinien du travail, ont perdu leur emploi à cause des restrictions imposées à la circulation à l'intérieur des territoires palestiniens, auxquelles il faut ajouter les 70 000 chômeurs d'avant la crise et la perte d'environ 100 000 emplois en Israël.
Cette armée de 252 000 demandeurs d'emploi représente 38 % de la main-d'œuvre active. Les revenus d'un travailleur palestinien lui permettant généralement de subvenir aux besoins de cinq personnes, la crise aura directement affecté négativement près de 30 % de la population. Avec les chômeurs – et les personnes qui en dépendent – antérieurs à la crise, ce sont 40,8 % de la population qui se trouve dans une situation précaire.
Le taux de pauvreté aurait augmenté en l'espace de trois mois de 50 %, ce qui laisse à penser que près d'un million de personnes vivent à présent sous le seuil de pauvreté. L'ampleur de l'aide humanitaire distribuée est indicative de la sévérité de la crise alors même qu'elle ne satisfait pas les besoins croissants. Du 1er octobre 2000 au 31 janvier 2001, plus de 32 % de la population palestinienne des territoires aurait reçu une aide d'urgence d'organisations nationales ou internationales. Une telle distribution d'aide d'urgence est sans précédent.
Le coût des soins aux plus de 11 000 blessés et handicapés, ainsi que les dégâts infligés aux bâtiments publics et privés se chiffrent à plusieurs centaines de millions de dollars.
              
16. L'épizootie de fièvre aphteuse progresse au Proche-Orient
Dépêche de l'Agence France Presse du dimanche 18 mars 2001, 19h10

AMMAN - La fièvre aphteuse avait encore progressé dimanche au Proche-Orient, où Amman a interdit l'importation de bétail des territoires palestiniens, après l'annonce de la découverte de 13 cas en Cisjordanie.
Le responsable de l'administration du bétail au ministère, cité par la presse locale de dimanche, a précisé que la Jordanie avait " interdit l'acheminement de bovins et de produits dérivés des régions palestiniennes pour éviter la propagation de la maladie dans le royaume".
Il a ajouté que le ministère jordanien de l'Agriculture avait lancé des campagnes de vaccination préventive qui s'étendent aux fermes du pays.
M. Abou Ragheb avait affirmé mercredi à l'AFP qu'"il n'y avait aucun foyer de fièvre aphteuse" dans le royaume.
La Jordanie a déjà interdit en novembre l'importation de viande de boeuf et de ses dérivés en provenance d'Europe en raison de la maladie de la vache folle.
Le ministre palestinien de l'Agriculture Hikmat Zeid avait affirmé vendredi à l'AFP que 13 cas de fièvre aphteuse avaient été découverts en Cisjordanie.
Mais son homologue israélien Shalom Simhon a mis en doute dimanche la véracité de ces informations.
"Faute d'avoir obtenu des échantillons permettant de procéder à des tests, nous ne savons pas si les informations sur des cas de fièvre aphteuse dans les territoires palestiniens sont vraies", a affirmé M. Simhon à la radio militaire.
Interrogé sur la possibilité que les Palestiniens aient évoqué cette épizootie "pour dénoncer le bouclage et marquer des points contre Israël sur le front international", M. Simhon a répondu: "Il est possible qu'ils tentent d'utiliser la fièvre aphteuse à des fins politiques".
"Nous espérons obtenir dimanche des échantillons provenant d'animaux touchés et nous allons fournir dans la journée 150.000 doses de vaccin", a-t-il ajouté.
Les monarchies du Golfe (Arabie saoudite, Koweit, Emirats arabes unis, Qatar, Bahrein et Oman), pays importateurs de bétail, de viande et de produits dérivés, ont interdit l'importation de bétail, notamment de Grande-Bretagne, pour prévenir le risque de contamination.
Un quotidien émirati a vivement dénoncé le laxisme des autorités, estimant que les mesures prises étaient inadéquates avec la propagation de la maladie.
Selon le quotidien Gulf News, plus de 150 bovins et caprins touchés par l'épizootie ont été abattus dans trois fermes dans l'émirat d'Abou Dhabi.
"Malgré les affirmations des responsables du ministère de l'Agriculture que tout a été fait pour contenir la maladie, les fermes (contaminées) n'ont pas été mises en quarantaine et rien n'a été fait pour maintenir la population à l'écart", écrit le quotidien.
Le ministre émirati de l'Agriculture Saïd Mohammad Raqabani avait affirmé mercredi après la découverte des premiers cas que "la situation n'inspirait aucune inquiétude".
Aucun cas n'a été détecté dans l'émirat de Dubaï où un programme de vaccination est en cours.
En Arabie saoudite, 10 nouveaux cas de fièvre aphteuse ont été annoncés dimanche dans les régions de Ryad, Médine et dans l'est de l'Arabie saoudite, a annoncé dimanche le ministre de l'Agriculture et de l'Irrigation Abdallah ben Abdel Aziz ben Mouammar, ce qui porte à 12 le nombre de cas dans le royaume.
Il avait annoncé mercredi la mise en place d'une commission pour empêcher la propagation de la maladie.
Par ailleurs, en Iran, où plusieurs foyers de fièvre aphteuse ont été identifiés récemment, les autorités vont distribuer gratuitement quelque 2,5 millions de doses de vaccins, a annoncé vendredi la télévision.
                  
17. Un avion belge va-t-il atterrir à Gaza ? par Baudoin Loos
in Le Soir (quotidien belge) du samedi 17 mars 2001
Tout est prêt en Belgique pour faire de l'opération « Un avion pour Gaza » une réussite (voir « Le Soir » du 30 novembre) : les deux ambulances et les 25 tonnes de matériel scolaire, agricole et médical seront bientôt chargés dans l'avion qui, d'Ostende, dimanche en huit, doit partir pour Gaza. Les quelque dix-huit ONG belges - dont l'Association belgo-palestinienne (ABP), le CNCD, Oxfam-Solidarité et Vie féminine - ont tenu une conférence de presse vendredi pour commenter la nouvelle.
Selon Pierre Galand, président de l'ABP, il s'agit d'une opération qui se déroulera dans un cadre strictement humanitaire. Avec d'autres responsables de la société civile belge, Galand a eu l'occasion d'aller vérifier sur place auprès du ministère palestinien de la Santé, du Croissant-Rouge et des ONG locales, les énormes besoins ressentis par la population palestinienne depuis l'éclatement de l'intifada (fin septembre dernier).
« Un avion pour Gaza » a su mobiliser le soutien du gouvernement belge, qui a alloué un budget d'urgence de 26,5 millions de FB. Une grosse délégation belge ira accueillir l'avion à Gaza et sera notamment composée d'une dizaine de parlementaires représentant tous les partis démocratiques.
Mais tout le projet se trouve sous une épée de Damoclès, celle de l'autorisation des autorités d'occupation israéliennes, qui ont pour le moment fermé l'aéroport « international » de Gaza. Des contacts ont été pris avec le gouvernement israélien par l'ambassadeur belge à Tel-Aviv, qui a reçu une réponse provisoire positive, sauf en cas d'actes terroristes (quasi quotidiens). Ce serait la première fois qu'un avion atterrirait à Gaza depuis l'avènement d'Ariel Sharon en Israël.
                
18. Nous n'avons rien vu, nous ne savions pas par Tanya Reinhart
in Yediot Aharonot (quotidien israélien) du mercredi 14 mars 2001
[traduit de l'anglais par Giorgio Basile]

Le peuple palestinien se réfère à de nombreux symboles, l'un d'entre eux est l'université de Bir Zeit, près de Ramallah - le centre intellectuel laïque de la société.
Pendant des années, Bir Zeit a également symbolisé l'esprit de coexistence entre les deux peuples. Même aux moments les plus sombres de l'occupation (quand l'université pouvait être fermée immédiatement sur simple ordre militaire), ils ont appelé à une solution fondée sur la reconnaissance mutuelle des droits des deux peuples. Alors que leurs positions étaient loin d'être populaires au sein de leur communauté, et que certains les accusaient même de collaboration, ils souhaitaient coopérer avec les forces de paix en Israël opposées à l'occupation. Dans les années 80, mon éducation politique s'est forgée, comme pour beaucoup d'autres, dans la voie du combat civil et démocratique tracée par les conférenciers de Bir Zeit, jeunes et idéalistes.
Il ne fait aucun doute que Bir Zeit a joué un rôle important dans le triomphe de l'esprit de compromis et de réconciliation au sein de la société palestinienne à la veille d'Oslo, lorsque le peuple palestinien nous tendit les mains en signe de paix, avec espoir et confiance.
La semaine dernière, Bir Zeit, à son tour, s'est retrouvée dans les griffes de l'administration militaire. Des bulldozers ont démoli la seule route qui relie Ramallah à Bir Zeit et à quelque trente autres villages. Depuis lors, plus personne n'entre ni ne sort - aucune ambulance, aucun camion de livraison, aucun des étudiants ou conférenciers qui habitent à Ramallah. Le ghetto de Bir Zeit a rejoint les ghettos de Gaza, les camps de prisonniers de Jéricho, Jénine et Tubas, qui sont encerclés de fossés et de bien d'autres obstacles. Cette semaine, les quartiers sud et ouest de Ramallah ont également été isolés, et le ghetto de Ramallah est passé d'un «encerclement lâche» à un «encerclement étouffant».
Dans la nouvelle langue militaire, les ghettos sont qualifiés d'«entités territoriales». Les quotidiens parus ce dernier week-end ont dévoilé les plans à court terme des forces israéliennes de défense (IDF). Depuis Oslo, «les IDF considéraient les Territoires occupés comme une entité territoriale unique», et cela imposait aux IDF certaines contraintes, et autorisait un certain degré de liberté pour l'Autorité Palestinienne et la population palestinienne. Le nouveau plan revient au concept d'administration militaire qui a prévalu au cours des années qui ont précédé Oslo: les Territoires occupés seront divisés en 64 entités territoriales isolées, chacune d'elle étant confiée à une puissance militaire spéciale, «et il sera laissé à la libre discrétion des commandants locaux» de décider quand et sur qui tirer. Les IDF ont déjà procédé au découpage de Gaza en entités territoriales, «mais jusqu'à présent, il y avait simplement isolation, et non traitement au sein de chaque entité» (Alex Fishman, Yediot Aharonot, 9 mars 2001).
Maintenant que la retenue imposée par la période électorale a pris fin, les IDF et le système politique sont prêts pour la phase de «traitement». Et nous parlons d'un «traitement» complet, qui inclut non seulement les privations, les emprisonnements et le «pouvoir discrétionnaire local» en matière de tirs, mais aussi l'élimination personnelle planifiée des leaders palestiniens et la destruction de l'infrastructure sociale.
Nous, qui avons grandi dans la mémoire de l'holocauste, l'avons érigé pour nous-mêmes en référence unique du Mal. Bien sûr, aucun crime ne pourra égaler et se comparer à l'élimination systématique et planifiée de six millions de personnes. Mais il semble que ce que nous avons intériorisé de ce souvenir, c'est que tout mal qui se trouve en deça de cette référence reste dans les limites de l'«acceptable».
Les cinq derniers mois ont constitué un processus lent, mais systématique et planifié, d'élimination des Palestiniens dans les Territoires occupés. Cela ne se retrouve certes pas dans les statistiques du nombre de morts. Israël ne pouvait se permettre des milliers de morts. Donc, des soldats, soigneusement entraînés à cette fin, ont mené une chasse à l'homme - visant les yeux ou les genoux, afin de blesser mais non de tuer, établissant un quota journalier qui ne fait aucune distinction entre manifestants et simples passants.
On dénombre à ce jour au moins 12.000 blessés, nombre d'entre eux sont aveugles, estropiés et mutilés. Leur destin sera de mourir à petit feu, loin des caméras. Pour certains, ce sera parce qu'aucun hôpital ne peut les prendre en charge, pour d'autres parce que, handicapés, il leur sera impossible de survivre en raison des privations et de la destruction des infrastructures infligées à leur peuple. Mais nous nous en lavons les mains - ceux qui meurent des suites de leur handicap n'entrent pas dans les statistiques du Mal.
Les Palestiniens ne sont pas six millions dans les Territoires occupés, et l'idéologie du mal n'est pas la même non plus. L'idéologie nazie, bornée et absolue, ne se rencontre que dans les centres messianiques des colons peuplant les Territoires. L'armée et le gouvernement se contentent de protéger le cadre de vie des colons. Et tous les autres sont seulement déroutés par les Palestiniens, qui ne parviennent pas à saisir à quel point notre désir de paix est immense.
Mais en Allemagne aussi, la majorité des Allemands n'étaient pas des nazis. La majorité avait seulement choisi de ne pas savoir.
               
19. Shimon Pérès : "rétablir un dialogue crédible avec les Palestiniens" propos recueillis par Pierre Prier
in Le Figaro du samedi 10 mars 2001
L'homme des accords d'Oslo allié au général le plus controversé de l'histoire d'Israël : ainsi se résume l'entrée de Shimon Pérès, en tant que ministre des Affaires étrangères et vice-premier ministre, dans le gouvernement israélien. Pour «Le Figaro», il précise la tâche et les limites qu'il se fixe pour les mois à venir.
- LE FIGARO - Pourquoi vous, l'homme de la paix, avez-vous accepté de participer à un gouvernement qui parle d'employer la force ?
- Shimon PÉRÈS - J'ai pensé que la situation était devenue extrêmement menaçante pour nous, aussi bien que pour les Palestiniens. Il faut créer une nouvelle occasion de recommencer le processus de paix. La situation n'est pas simple du tout. Bizarrement, la dimension psychologique est devenue la plus importante. Aujourd'hui, il y a deux peuples qui sont en colère l'un contre l'autre, au point que nous avons presque perdu la capacité de nous parler. Si on continue comme cela, on ne pourra pas aller de l'avant.
- Mais pourquoi cela serait-il possible avec Ariel Sharon, là où Ehud Barak a échoué ?
- L'époque a changé, et les responsabilités de M. Sharon aussi. Je ne pense pas que M. Sharon laissera à la fin de son mandat un pays plein de terreur et de violence. Les priorités sont complètement différentes pour lui et pour nous. Je pense que c'est la raison pour laquelle il a voulu un gouvernement équilibré. Nous allons vraiment essayer ensemble de trouver une réponse, pas seulement militaire, mais aussi politique. Nous sommes très sérieux. Et c'est parce que je pense qu'il y a une bonne chance de travailler ensemble que je suis entré au gouvernement.
- Mais comment pouvez-vous accepter de vous retrouver aux côtés d'extrémistes comme Rehavam Zeevi, partisan de l'expulsion des Palestiniens, ou Avigdor Lieberman, qui parle de bombarder Téhéran et le barrage égyptien d'Assouan ?
- Je pense que ce sont eux qui prennent un risque en participant au gouvernement, pas moi. Ils ne sont pas majoritaires...
- Quelle sera votre marge de manœuvre ? Vous avez dit que vous possédiez un «droit de veto», qui consisterait à démissionner. Dans quel cas ?
Si on abandonne les négociations de paix. Si on essaye de récupérer les zones A, contrôlées par l'Autorité palestinienne. Si on implante de nouvelles colonies...
- Qu'est-ce qui vous fait espérer que les Palestiniens acceptent des propositions beaucoup plus réduites que celles qu'ils ont refusées à Camp David ?
- A mon avis, les Palestiniens ont fait une erreur en refusant les propositions de Camp David. Cela arrive... Ces propositions étaient généreuses, c'était une tentative très sérieuse de mettre fin au conflit. Et je pense que, parmi les Palestiniens, nombreux sont ceux qui critiquent le rejet de ces propositions.
- Vous connaissez bien Yasser Arafat. A votre avis, quelle est la raison de son refus ?
- Il y avait deux raisons. D'abord, il pensait qu'il pouvait obtenir plus en continuant les négociations. Il n'a pas compris quelles étaient les limites qu'Israël ne voulait pas franchir. Mais il y a aussi une erreur du côté israélien: d'avoir inclus dans ces négociations, qui devaient mener à la fin du conflit, la question de Jérusalem et celle du droit au retour des réfugiés. Ce fut la plus grande erreur. Cela revenait presque à forcer la main à Arafat sur ces deux questions. Arafat ne pouvait pas dire aux réfugiés : «Je vous ai oubliés.» En politique, il y a une date pour chaque question, mais un temps pour chaque solution. Mais Yasser Arafat a tout de même commis une erreur en rejetant les propositions de Clinton et de Barak.
- Certains l'accusent de ne pas savoir faire la paix, de vouloir rester dans l'histoire comme un chef de guerre...
- Non, je ne crois pas. Il s'est simplement trompé. La vraie liberté politique, c'est de faire des erreurs. On ne change pas leur caractère en rajoutant des explications brillantes.
- Yasser Arafat est-il toujours un partenaire pour la paix ?
- Oui. Il reste le seul partenaire, même s'il s'est trompé.
- Les Palestiniens réclament que l'on reparte du point où l'on s'était arrêté, c'est-à-dire les conversations de Taba, en janvier. Les membres du gouvernement d'Ehud Barak affirment que l'on était alors très près d'un accord.
- On ne peut pas recommencer à partir de points qui n'existent plus. Négocier sur des négociations, ce n'est pas sérieux. Il est inutile de discuter sans cesse sur le nom que l'on donne aux négociations. Il faut recommencer le processus de paix. Chacun pourra dire ce qu'il veut... A mon avis, il faut commencer les négociations sans aucune condition préalable autre que la volonté palestinienne de faire cesser la violence. Nul besoin de donner un titre à ces négociations. Chaque côté pourra les appeler comme il veut.
- Les négociations de Camp David, et de Taba en janvier, menées par un gouvernement issu de votre parti, sont donc nulles et non avenues ?
- Avec ses propositions extraordinaires aux Palestiniens, Barak avait perdu sa majorité. Avec sa politique dans les Territoires palestiniens, il a perdu les Arabes. Il était très dur dans les Territoires, et très généreux dans ses propositions. Il a payé pour les deux.
- La réponse militaire a été trop dure ?
- Je ne sais pas. Peut-être qu'objectivement nous n'avions pas le choix. Peut-être qu'aux yeux des Palestiniens elle a été exagérée.
- Y a-t-il une solution militaire à ce conflit ?
Non. Il faut agir dans quatre domaines en même temps : le domaine psychologique, le domaine économique, la fin de la violence et la reprise des négociations. Tous les quatre. La première chose à faire, c'est de rétablir un dialogue crédible. On peut le faire en allégeant le sort très dur des Palestiniens du point de vue économique. En leur permettant de retrouver du travail, des revenus, la liberté de mouvement. Pour cela, il est clair qu'il faut une réduction de la violence. Mais je ne pense pas que nous devons marchander autour de ces conditions. Elles doivent faire partie d'un dialogue global.
- La fin des violences, qu'est-ce que cela veut dire ? Attendrez-vous que plus aucun adolescent ne jette des pierres pour recommencer à discuter ?
- Nous n'accusons pas l'Autorité palestinienne d'être responsable de chaque jet de pierre. Ce que nous lui demandons, c'est qu'elle montre qu'elle fait le maximum pour arrêter la terreur. Nous la jugerons d'après sa politique, et pas seulement par ses résultats. Nous demandons 100% d'efforts pour arrêter la violence, même s'il n'y a pas 100% de résultats.
- Le premier ministre laisse entendre que l'Autorité doit «réarrêter» tous les islamistes qu'elle a libérés...
- Si l'Autorité mène une politique contre la terreur, nous pourrons discuter.
- Quelle serait pour vous la preuve tangible de cette politique antiterroriste ?
- Qu'elle accepte le principe de lutter contre la terreur, et qu'elle l'annonce.
- Vous pourriez donc recommencer à discuter avant que le dernier terroriste ne soit revenu en prison ?
- Oui.
- Le processus d'Oslo est-il toujours vivant ?
- Oui, oui. A 100%. Il est vivant comme réalité, et aussi dans l'accord de gouvernement entre le Parti travailliste et le Likoud.
- Comment expliquez-vous que, depuis les accords d'Oslo, que vous avez signés, le nombre de colons en territoire palestinien ait doublé ?
- Le gouvernement de Netanyahu avait autorisé la construction de 25 000 bâtiments. On ne pouvait pas, légalement, en annuler plus de 12 000. C'est la véritable explication.
- Quelle est votre position sur les colonies ?
- Notre condition, pour entrer au gouvernement, était d'arrêter complètement l'implantation de nouvelles colonies. Ariel Sharon lui-même l'a annoncé dans son discours d'investiture à la Knesset.
- Mais il reste la possibilité d'agrandir celles qui existent déjà...
- C'est compliqué. Les implantations sont vivantes. Des enfants naissent... Mais il faut faire attention que ce développement naturel ne soit pas utilisé comme une excuse pour établir de nouvelles colonies.
- Mais des hommes politiques de gauche disent que c'est le principe même de la colonisation des territoires conquis en 1967 qui a créé la situation actuelle. Qu'en pensez-vous ?
- L'époque était différente. Les considérations stratégiques venaient en premier. Nous n'avions pas le choix. Les colonies jouaient un rôle dans la défense d'Israël. Mais, au moment où nous avons commencé le processus de paix, en 1993, il fallait arrêter complètement.
- Les mêmes affirment qu'aucune paix ne sera possible si Israël n'abandonne pas toutes ses colonies.
- Aucun calendrier ne peut être lu à l'envers. On ne peut pas changer le passé. Malheureusement. Quand vous avez un bébé, l'important n'est pas que le bébé soit le résultat de l'amour ou d'un accident. Le bébé est là.
- Beaucoup de commentateurs n'accordent pas une durée de vie très longue à ce gouvernement, que l'on dit trop large pour survivre. Quel est votre propre pronostic ?
- Les gouvernements sont toujours trop petits pour résoudre les grands problèmes, et trop grands pour gérer les petits. La composition du gouvernement est moins importante que sa politique, que ce qu'il va faire.
- Votre entrée dans le gouvernement d'Ariel Sharon a divisé le Parti travailliste. Certains disent qu'il a perdu son âme et qu'il est au bord de l'éclatement.
- Il y a un seul Parti travailliste, il n'y en a pas deux. On n'a pas de députés sans électeurs, mais on ne peut rester uniquement le représentant de ses électeurs. On doit représenter une mission, un futur. Donc il ne peut y avoir deux partis travaillistes. Il faut avoir une seule vision. Je pense que les opposants travaillistes au gouvernement d'union nationale ont commis une erreur. Les partis ne créent pas les réalités. Ils doivent s'y adapter. Et on ne peut pas construire un parti en dehors des réalités. Des gens dans le parti disent : «Il faut d'abord nous réorganiser, et il faut que le reste du monde attende que nous soyons prêts. Ne répondons pas à l'urgence.» Mais personne ne les attendra. Ni les balles ni les occasions de faire la paix.
- Les Etats-Unis sont-ils le seul partenaire d'Israël ?
- L'Europe peut jouer un rôle majeur dans la reconstruction du Proche-Orient. C'est aussi important que les négociations. Et l'Europe peut être non l'arbitre - nous n'avons pas besoin d'un arbitre -, mais le reconstructeur. C'est son intérêt. J'ai déjà dit, sur le mode ironique, que c'était à elle de décider si le Proche-Orient deviendrait une extension de l'Europe, ou si l'Europe deviendrait une extension du Proche-Orient, avec sa terreur et ses dangers.
- Vous croyez toujours, en ces temps de blocage, à votre vision du «nouveau Proche-Orient» ?
- A 100%. Mais je dirais plutôt que je crois à un nouvel âge du Proche-Orient. Le Proche-Orient ne peut pas empêcher la marche de l'histoire. Il ne peut pas la refuser. Je ne crois pas que les peuples sont comme des conserves. Il n'y a pas de peuples congelés, que ce soient les Arabes ou les Juifs. Tout est dynamique et changeant, grâce aux jeunes. Ceux qui se disent «experts des Arabes» ne sont que des experts du passé des Arabes. Il n'y a pas d'expert de l'avenir des peuples arabes.