4.
Déclaration du Porte-parole adjoint du Quai d'Orsay le mardi 20 mars
2001
- Le Ministre, qui dirigeait hier la
délégation française au Conseil Affaires générales à Bruxelles, s'est entretenu
en marge du CAG avec le ministre palestinien du Plan et de la Coopération
internationale M. Nabil Chaath, de passage en Europe. M. Nabil Shaath a exposé à
M. Védrine son évaluation d'une situation qui demeure extrêmement préoccupante.
Les deux ministres ont convenu de l'urgence qu'il y avait aujourd'hui à
retrouver le chemin du dialogue pour permettre aux parties de sortir de
l'impasse actuelle. M. Védrine a encouragé son interlocuteur à oeuvrer dans ce
sens.
- M. Chaath a-t-il formulé une
demande auprès de M. Védrine ?
- Pas à ma
connaissance.
- Il ne passera pas par Paris
?
Non. c'était prévu initialement, mais
M. Védrine, en aménageant son emploi du temps, a pu le rencontrer hier à
Bruxelles.
- Hier, il était question
qu'ils se retrouveraient peut-être à la fin de la visite de M. Chaath en Europe
?
- Vous savez que nous
entretenons avec M. Nabil Chaath un dilaogue très régulier. Si l'occasion se
présente et si l'emploi du temps de l'un et l'autre permettent qu'à la fin de
son séjour en Europe, il puisse repasser par Paris, un entretien sera sans doute
utile. Mais, pour l'instant, je ne suis pas en mesure de confirmer ni un passage
de M. Nabil Chaath à Paris au terme de son voyage en Europe, ni un nouvel
entretien avec M. Védrine. Je crois que c'est encore un peu tôt pour en
parler.
- Est-ce que la rencontre
d'hier entre eux permettra de réajuster la position de la France au Conseil de
sécurité au regard de la situation préoccupante, les Israéliens devenant
intransigeants que ce soit M. Peres ou M. Sharon à Washington ?
- Je ne comprends pas très bien ce que
vous voulez dire par ''réajustement'' de la politique française sur ce dossier,
en particulier aux Nations-Unies.
- Il y a des discussions au
Conseil de sécurité, vous avez pris position en disant qu'il fallait que les
deux parties soient d'accord pour que l'on accepte d'envoyer des observateurs
sur le territoire palestinien. Maintenant, en écoutant M. Chaath, le Ministre
a-t-il été convaincu que la France devait changer sa position ou aider les
palestiniens dans leur combat contre les israéliens et desserrer un peu l'étau
?
- La position française ne varie pas
d'un jour à l'autre, surtout sur un sujet aussi grave et aussi important. C'est
ma première observation. La seconde observation consiste à vous renvoyer au
texte, que nous avons publié hier, de l'intervention de notre représentant
permanent à New York le 15 mars dernier, lors du débat public au Conseil de
sécurité des Nations-Unies.
Troisième remarque, M. Chaath et M.
Védrine ont convenu hier de l'urgence qu'il y avait, aujourd'hui, à retrouver le
chemin du dialogue pour permettre aux parties de sortir de l'impasse actuelle.
Je crois que c'est ce qu'il est important de retirer s'agissant de l'entretien
d'hier et des encouragements que M. Védrine a donné à son interlocuteur
palestinien pour oeuvrer dans ce sens.
- Confirmez-vous que l'aide
financière exceptionnelle est conditionnée par l'attitude des Palestiniens et
pourquoi les Israéliens contestent-ils aux forces de sécurité palestiniennes le
fait de défendre les civils palestiniens. Est-ce interdit dans les textes des
accords d'Oslo ?
- Vous m'interrogez sur la position
israélienne dans ce dossier, ce n'est pas à moi d'en parler. S'agissant de
l'aide européenne, je vous rappelle le rôle que la France a joué, en particulier
grâce à M. Védrine, pour qu'il y ait une mobilisation des Européens pour
apporter une aide d'urgence et exceptionnelle en faveur des Palestiniens.
- Est-elle conditionnée par
une modification de l'attitude des Palestiniens ?
- Non, pas à ma connaissance. Vous
vous souvenez que cette aide avait été décidée au Conseil Affaires générales de
février je crois, et les Quinze n'avaient pas subordonné leur décision à une
condition politique.
S'agissant de la situation dans les
territoires palestiniens aujourd'hui, l'isolement imposé depuis hier à Bethléem
et à sa région est de nature à aggraver les tentions. Les autorités israéliennes
ont elles-mêmes indiqué ces derniers jours qu'elles souhaitaient mettre un terme
aux souffrances des populations civiles. Le resserrement du bouclage autour de
Bethléem ne va pas dans ce sens. Comme le Ministre l'avait écrit à M. Peres le 9
mars dernier, la situation présente dans laquelle chacun attend de l'autre
partie qu'elle fasse les premiers pas conduit à une impasse. C'est ensemble et
de façon parallèle que les parties doivent agir pour faire cesser la
violence.
- Vous condamnez donc l'action
d'Israël concernant le bouclage de Bethléem ?
- L'isolement imposé depuis hier à
Bethléem et à sa région est de nature à aggraver les tentions.
- Confirmez-vous la venue de
Shimon Peres à Paris dans les prochains jours ?
- Non, je vais vérifier.
- Avez-vous une observation
concernant l'attaque par des grenades lacrymogènes et autres contre une
manifestation palestinienne organisée par des femmes palestiniennes dont une a
été blessée ?
- Vous connaissez notre position sur
l'utilisation de la violence.
- Et contre des civils et des
femmes ?
- Je vous renvoie à nos nombreuses
déclarations sur l'utilisation de la violence.
5. Disparition - Chéhata Haroun, juif
égyptien antisioniste par Alexandre Buccianti
in Le Monde du
vendredi 23 mars 2001
Dernier juif égyptien politiquement
engagé et militant antisioniste de gauche, Chéhata Haroun est mort jeudi 15 mars
d'une embolie pulmonaire à l'âge de quatre-vingt-un ans, à l'hôpital italien du
Caire.
Chéhata Haroun était le dernier juif politiquement engagé d'une vallée
du Nil où la communauté israélite, qui ne compte plus que quelques dizaines
d'âmes, avait pourtant participé à la naissance de la gauche égyptienne,
notamment communiste, dans les années 20. Issu d'une famille bourgeoise, son
père était employé des grands magasins Cicurel, Chéhata Haroun a fait ses études
au Collège des Frères des écoles chrétiennes avant de rejoindre la faculté de
droit de l'université Fouad 1er du Caire. C'est dans cette pépinière qui a
produit une bonne partie des cadres politiques égyptiens de la première moitié
du vingtième siècle que Haroun commence à s'engager politiquement, à la veille
de la seconde guerre mondiale, période turbulente pour les juifs d'Egypte
menacés par l'avancée de l'Afrika Corps du maréchal allemand Erwin Rommel.
Haroun rejoint le mouvement communiste égyptien qui regroupe notamment Henri
Curiel et Eric Rouleau. Un activisme qui lui vaut d'être interné une première
fois en 1948 pour "communisme".
En 1967, au lendemain de la défaite
égyptienne de la guerre des six jours, Haroun est arrêté en tant que juif. Dix
années plus tard, au lendemain des violentes "émeutes du pain" de janvier 1977,
il est une nouvelle fois interné, avec d'autres gauchistes égyptiens accusés par
l'ex-président Sadate d'être à l'origine de "l'Intifada des voleurs". Avec le
timide retour à une forme de multipartisme, Chéhata Haroun devient l'un des
piliers de la "tribune de gauche" qui rassemble les marxistes et les
nassériens.
AMI DES PALESTINIENS
Jusqu'à sa mort, il sera membre du
comité central du parti du Rassemblement progressiste aujourd'hui post-marxiste.
Mais cet avocat près la Cour de cassation qui dirigeait un cabinet conseil s'est
surtout illustré par son antisionisme. Dès 1947, il a participé, avec d'autres
juifs égyptiens de gauche, à la création de "l'association juive antisioniste".
Contrairement aux dizaines de milliers de juifs d'Egypte qui ont quitté la
vallée du Nil après la création d'Israël en 1948 et les guerres de 1956 et de
1967, Chéhata Haroun a préféré rester dans son pays, malgré les risques. Il
était en effet un des opposants au traité de paix égypto-israélien de mars 1979,
car il estimait qu'il ne s'agissait pas d'une paix "juste". Il a toujours refusé
de traiter avec les Israéliens et était considéré par les Palestiniens comme un
ami.
Cela n'a pas empêché les attaques de jeunes militants confondant
antisionisme et antisémitisme. Le journal officieux Al Ahram a mis trois jours
avant de publier son avis nécrologique où figure cet extrait de son livre publié
en arabe, Un juif au Caire : "Je suis égyptien lorsque les Egyptiens sont
opprimés, je suis noir lorsque les Noirs sont opprimés, je suis juif lorsque les
Juifs sont opprimés et je suis palestinien lorsque les Palestiniens sont
opprimés ."
Revue de
presse
1. La carotte et le bâton américains ne fonctionnent plus
par Bilal al-Hassan
in Al Hayat (quotidien arabe publié à Londres)
traduit dans Courrier International du jeudi 22 mars 2001
A la veille
du sommet arabe, Washington menace et marchande. Le gouvernement Bush se sert de
l’épouvantail Sharon pour obtenir le soutien des Etats arabes face à l’Irak. Une
politique vouée à l’échec, affirme "Al Hayat".
Il est désormais clair, alors
que le sommet arabe se tient à la fin mars à Amman, que les Etats-Unis ont lancé
une campagne de “marchandage sous la menace”. La menace consiste à prétendre que
les Etats-Unis ne se sentent concernés ni par le processus de règlement
politique au Proche-Orient, ni par la tension que fait régner Israël à la suite
du succès d’Ariel Sharon, ni encore par les négociations portant sur le
règlement final du conflit israélo-palestinien. L’Amérique préférerait plutôt
une succession de solutions transitoires, à l’image de ce que Sharon lui-même
cherche à obtenir. Quant au marchandage, il concerne l’Irak : il s’agirait d’une
nouvelle aggravation des sanctions militaires et économiques contre ce
pays.
C’est ainsi que les Etats-Unis menacent les pays arabes, en agitant
l’image de Sharon afin de les gagner à leur nouveau dispositif contre l’Irak :
s’ils font preuve de souplesse sur ce dossier et acceptent les vues américaines,
les Etats-Unis voudront bien en échange exprimer leur détermination à brider les
ambitions de Sharon et à le contraindre à demeurer dans le cadre de la “paix”.
Mais ce jeu américain ne trompe personne. Le règlement politique du conflit, tel
qu’il a été dessiné à la conférence de Madrid fin 1991, est à la base une
création de la politique américaine. Son but étant d’intégrer l’Etat hébreu dans
le tissu moyen-oriental, afin de lui offrir de nouveaux débouchés économiques
lui permettant de conforter et d’assurer sa domination économique. Il s’agissait
également de préparer le terrain à un arrêt des aides économiques américaines
directes à Israël, tout en accordant une aide militaire.
L’échec du règlement
politique entre Israël d’une part et les Palestiniens, les Syriens et les
Libanais d’autre part est essentiellement un échec de la politique américaine.
Cette politique a déjà échoué. La théorie d’une double isolation de l’Irak et de
l’Iran, inventée par Martin Endyk, l’actuel ambassadeur américain en Israël, a
échoué. Faire chuter le régime de Bagdad par le blocus a échoué. Créer une
Banque de développement régional censée assurer le financement des
infrastructures moyen-orientales et permettant l’insertion d’Israël dans la
région a échoué.
Ces échecs répétés de la politique américaine dans la région
auront poussé l’administration actuelle à tenter une nouvelle fois de reprendre
l’initiative, en suivant la tactique trompeuse que nous avons décrite. Deux
remarques s’imposent : tout d’abord, les facteurs qui ont contribué à lancer la
dynamique de 1990 ne sont plus là. Lorsque les Etats-Unis tentent de donner un
second souffle à une vieille politique en s’appuyant sur de nouvelles données,
ils courent une fois de plus à l’échec et ne trouveront personne autour d’eux
pour être convaincu par des arguments aussi usés.
D’autre part, cela ne rime
à rien d’agiter l’épouvantail Sharon. Toute nouvelle guerre menée dans la région
par les Israéliens nuirait plus aux intérêts américains qu’elle ne les
servirait. Un surplus de pression sur les Palestiniens pourrait gêner ces
derniers sur tel ou tel dossier, et aggraverait encore un peu une tragédie qu’il
semble difficile d’imaginer pire, mais la menace d’une occupation des zones
souveraines comporte plus de risques pour Israël que pour les Palestiniens...
C’est pourquoi nous ne pensons pas que la dernière manoeuvre américaine portera
ses fruits. Mais il faut maintenant trouver parmi les leaders du monde arabe des
hommes capables d’élaborer un plan de règlement et d’exprimer des exigences
collectives. C’est cela la mission que doit se fixer ce sommet si attendu.
Ensuite, les ruses américaines pourront toujours évoluer...
2. Al-Barghuthi : un changement qualitatif est apparu récemment
dans la participation populaire. Le Fatah appelle à un renforcement de l'action
populaire à la veille du sommet d'Amman par Malki
Suleïman
in Al-Hayat Al-Jadidah (quotidien palestiniens) du mercredi 21 mars
2001
[traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
Ramallah, de notre correspondant - Un
meeting tenu par la commission organique supérieure du mouvement Fatah, à
Ramallah hier, a appelé à organiser des manifestations et des actions populaires
parallèlement à la tenue du sommet arabe, à Amman, la semaine prochaine, et à
mettre au point un appel qui sera adressé aux chefs d'Etat arabes. Les
organisations patriotiques et islamiques y exprimeront les attentes du peuple
palestinien vis-à-vis de ce sommet et son exigence qu'il soit à la hauteur
de la situation, et capable d'apporter une réponse adéquate à la situation
critique qu'il traverse actuellement.
Plusieurs recommandations ont été
formulées à l'issue de ce meeting, notamment celle de constituer des commissions
populaires dans tous les départements palestiniens, dans le but de soutenir les
cadres et les institutions nationales et afin de les relayer, de préparer et de
fixer un calendrier pour des actions diverses, de manière à ce qu'elles
répondent le plus possible aux besoins de nos concitoyens (il est ressorti des
débats qu'elles devraient se dérouler, de ce fait, pour la plupart, de nuit, de
préférence).
Les participants ont pointé la nécessité de dynamiser la
participation des ministères et des institutions officielles, d'une manière la
plus large et la plus complète possible, à ces actions, ainsi que la
participation des mouvements patriotiques, et en particulier d'opposition,
appelés à intensifier leur rôle et l'efficacité de leur action.
Les
participants ont demandé que des jours particuliers soient consacrés à la
commémoration des martyrs de l'intifada, mais aussi du blocus, et que soient
édifiés des monuments à leur mémoire, devant lesquels des bougies seraient
allumées durant la nuit, afin de marquer qu'on ne les oublie pas.
Le meeting
s'était ouvert sur une allocution du secrétaire de la commission organique
supérieure Marwan al-Barghuthi, dans laquelle il a défini les deux grands thèmes
de la réunion : quelles sont les actions les plus adéquates, au moment où se
tient le sommet arabe, à la date précise correspondant à la commémoration de la
Journée de la Terre, d'une part, et d'autre part, comment en assurer le succès ?
Le deuxième thème étant de savoir comment associer les représentants des cadres
et des organisations politiques nationales et islamiques à ces actions, (comment
les y impliquer) ?
Barghuthi a indiqué qu'après six mois d'intifada, il y a
un vaste débat autour de l'élargissement nécessaire de la participation
populaire aux actions de l'intifada et des meilleurs moyens de renforcer cette
participation qui se heurte à certains obstacles. Toutefois une mutation
qualitative est apparue dans la participation populaire au cours des deux
semaines écoulées, qui ont connu la manifestation des professeurs et des
étudiants de l'Université de Birzeït jusqu'au barrage de Sarda, ainsi que la
manifestation des intellectuels et des écrivains en direction de Qalandia, et
enfin la manifestation des femmes, avant-hier.
Barghuthi a précisé à la fin
du meeting que les moyens de parvenir à des communiqués communs faisant
l'unanimité de toutes les forces vives nationales ont été discutés.
Le
député 'Azmi al-Shu'aïbi a déclaré que le plus grave danger auquel l'intifada
est confrontée, ce sont les attitudes stéréotypées, en matière tant de leaders
que de comportement personnel, dénonçant notamment la focalisation sur des
personnalités éminentes et la répétition mécanique d'actions rebattues sans
aucune capacité de création et d'adaptation. Or cette adaptation et cette
créativité sont vitales. Il a suggéré que la participation populaire serait
rendue plus aisée si l'on procédait à certaines de ces actions durant les heures
non-ouvrables, en particulier tard le soir, afin que les citoyens puissent y
participer, qu'ils soient étudiants, employés, ouvriers ou commerçants. Il a
soutenu la proposition d'arrêter une ou plusieurs dates afin d'en faire des
journées consacrées au souvenir des martyrs.
Le poète président de la Maison
de la poésie, Taha al-Mutawakkil a dénoncé l'absence de trois forces vives
fondamentales de l'arène palestinienne, les institutions officielles (les
ministères), l'économie nationale et les partis d'opposition, en tant que forces
politiques dotées de programmes alternatifs ou complémentaires à celui de
l'Autorité. Il a expliqué que, pour lui, ce meeting venait combler deux vides
patents : les vides (créés par l'absence) des forces vives et de leurs
mouvements au niveau de la rue, et par celle des cadres officiels dans le
mouvement Fatah. Taha a ajouté qu'il fallait absolument dénoncer la dangerosité
du gouvernement Sharon pour les pays arabes eux-mêmes, d'autant qu'il y a eu des
déclarations israéliennes appelant à bombarder le Haut-Barrage sur le Nil, en
Egypte et les dépôts d'armement en Irak et en Syrie, ce qui signifie clairement
que les Arabes doivent absolument trouver la formule leur permettant de faire
front sérieusement, puisque Sharon les vise eux aussi, et pas seulement nous,
les Palestiniens.
Ibrahim Khuraïshéh, président de l'Union générale des
Etudiants palestiniens a insisté sur la nécessité de redonner à l'intifada son
impétuosité et son soutien populaire, afin de sérier les urgences nationales. Il
a argumenté en faveur de la nécessité d'adresser un message au sommet arabe
d'Amman, lui demandant d'adopter une position politique claire en soutien à
notre peuple, face au gouvernement agresseur de Sharon. Il a indiqué que toutes
les branches de l'Union des Etudiants palestiniens, dans les pays arabes et dans
les pays occidentaux, organiseront des actions diverses au moment où le sommet
arabe se tiendra, afin de demander que le blocus imposé à notre peuple soit levé
et qu'une protection internationale lui soit assurée.
3. Fustigeant la campagne de provocations israéliennes contre
l'Autorité nationale palestinienne, Quraï' attire l'attention de Moratinos sur
la situation critique de notre peuple par Na'il Musa
in Al-Hayat
Al-Jadidah (quotidien palestiniens) du mercredi 21 mars 2001
[traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
Ramallah, de notre corresondant. Ahmad
Quraï' (Abu 'Ala'), président du conseil législatif palestinien a accueilli hier
Miguel Moratinos, envoyé européen chargé du suivi du processus de paix. Quraï' a
informé Moratinos de la situation critique de notre peuple, du fait de
l'agression et du blocus économique imposé par le gouvernement israélien aux
territoires palestiniens. Il a qualifié les informations, de source israélienne,
selon lesquelles le blocus aurait été allégé de pure tromperie visant à égarer
l'opinion publique mondiale, affirmant que le blocus et l'agression militaire
n'ont jamais cessé depuis plus de six mois.
Par ailleurs, le président du
conseil législatif palestinien a condamné avec force la dangereuse campagne de
provocations du gouvernement Sharon contre l'Autorité nationale palestinienne et
contre le Président Arafat, en fait, contre notre peuple, dont le choix
stratégique est l'instauration d'une paix juste et durable.
Abu 'Ala' a
affirmé que le retour à la confiance entre les deux parties, israélienne et
palestinienne, et l'aplanissement du terrain en vue d'une reprise des
négociations nécessitent que le gouvernement israélien prennent les mesures
suivantes :
1 - la suppression des barrages militaires et la fin du blocus
militaire et économique imposé à notre peuple ;
2 - le versement des taxes
dues à l'Autorité palestinienne ;
3 - la cessation de toutes les mesures et
campagnes illégales de colonisation, qu'il s'agisse de la confiscation de
terres, de la construction de routes de contournement, de l'extension de
colonies existantes ou de la création de colonies nouvelles ;
4 - le retrait
de la zone B : Quraï' a affirmé que la présence de l'armée israélienne
d'occupation est sans motif, dans cette zone ;
5 - la mise en application de
toutes les avancées réalisées au cours de la période intérimaire.
Quraï' a
affirmé que la partie palestinienne rejette catégoriquement la proposition,
souvent répétée par Sharon, de découper l'accord définitif en étapes
intermédiaires à long terme. Il a précisé que les négociations doivent reprendre
au point où elles ont été suspendues à Taba, en application des résolutions 242,
338 et 194, stipulant le droit des réfugiés à retourner dans leurs foyers. Il a
ajouté qu'il est inconcevable que les efforts déployés au cours de dix-sept mois
de négociations soient passés par pertes et profits.
Par ailleurs, Quraï' a
critiqué la position américaine actuelle, demandant à l'administration Bush
d'adopter des positions plus équilibrées en ce qui concerne le Moyen-Orient en
général et les négociations palestino-israéliennes, en particulier. Il a exprimé
sa gratitude pour la position de l'Union européenne et le soutien qu'elle
apporte à notre peuple soumis au blocus israélien. Il a remercié personnellement
M. Moratinos pour les efforts qu'il déploie afin de rendre possible des avancées
dans le processus de paix (dans la région) et la reprise des négociations
palestino-israéliennes, affirmant sa conviction que le rôle éminent joué par
l'envoyé spécial de l'Union européenne contribuera à la réalisation d'une paix
juste et durable dans notre région.
De son côté, M. Moratinos a insisté sur
la position européenne, qui est de soutenir le processus de paix et de favoriser
la reprise des négociations palestino-israéliennes, affirmant que l'Union
européenne va faire le maximum pour une reprise rapide de ces
négociations.
4. Affirmant la poursuite de l'intifada et appelant au
développement du discours politique, les institutions et les forces vives du
département d'Hébron examinent les moyens à opposer aux mesures répressives et à
l'agression d'Israël envers notre peuple par Fawzi al-Shuwaïki
in
Al-Hayat Al-Jadidah (quotidien palestiniens) du mercredi 21 mars 2001
[traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
Hébron, de notre correspondant - Les
institutions et forces vives du département d'Hébron ont tenu hier un grand
meeting dans la salle de l'Union des journalistes, sous la bannière "pour un
mouvement populaire actif, en soutien à l'intifada d'al-Aqsa". Y ont été étudiés
les derniers développements sur la scène palestinienne et les moyens de faire
face aux mesures répressives et à l'agression israéliennes contre nos
concitoyens.
Les participants ont appelé à unifier les capacités disponibles
et à coordonner l'action populaire et officielle à travers des protocoles
soigneusement étudiés, de façon à satisfaire à la nécessité urgente qu'il y a à
mobiliser toutes les forces, afin de franchir un degré dans l'intifada, en
réponse au surcroît d'agression du gouvernement Sharon.
Les participants à ce
meeting, réuni sur l'invitation du bureau permanent des forces politiques du
département, ont rendu hommage à son rôle actif dans l'intifada, affirmant qu'il
est très important que les différentes forces vives nationales et islamiques
continuent à coopérer entre elles afin de faire face aux défis et aux
difficultés qui sont ourdis contre notre peuple, appelant à renforcer l'union
nationale et à resserrer les rangs.
Le député 'Abbas Zaki, membre du Comité
central du Fatah, après avoir analysé les derniers développements politiques sur
la scène palestinienne, a affirmé que les mouvements islamiques du département
développent leur présence sur le terrain, afin de montrer, dans les
circonstances présentes, que tout le monde est dans une même tranchée et qu'ils
ont la ferme intention de poursuivre dans cette voie jusqu'à ce que les buts du
peuple palestinien soient atteints, avec l'établissement d'un Etat indépendant,
le rejet de toute occupation de son territoire, l'éradication de toutes les
implantations et la mise en application du droit au retour de tous les réfugiés
palestiniens dans leur patrie.
Le Shaykh Nizar Ramadan a affirmé que les
forces nationales et islamiques sont unies face aux défis que le peuple
palestinien, soumis à l'agression arrogante d'Israël, doit relever en
permanence.
Puis Jubraïl al-Natchéh, secrétaire de la Chambre de commerce, a
fait l'inventaire des pertes énormes subies par l'économie palestinienne du fait
des barrages et du blocus extérieur imposé à tous les départements, qui ont
abouti à un chômage dramatique, dont le taux atteint, dans le département
d'Hébron, 40%.
Il a mis en évidence les pertes quotidiennes subies par
l'économie départementale, qui s'élèvent à 3,5 millions de $, affirmant qu'en
dépit de sa cruauté, la répression israélienne ne parviendra pas à dissuader
notre peuple de défendre sa terre et ses droits légitimes.
Ensuite s'ouvrit
un débat, beaucoup de participants à ce dernier affirmant la nécessité de
renforcer l'union nationale et la coopération des forces nationales et
islamiques entre elles, mais aussi avec la société internationale et les
institutions officielles du département. Des ministres, des délégués généraux,
des membres de l'assemblée législative et des partis nationaux et islamiques du
département, ainsi que beaucoup de maires et de personnalités ont pris part à ce
meeting.
Les participants ont voté à l'unanimité une recommandation
appelant à la poursuite de l'intifada face à l'occupation, jusqu'à la
réalisation de ses objectifs, et à élever le niveau du discours politique
officiel en adéquation avec les espérances et les aspirations de la rue
palestinienne à la liberté, à l'indépendance et au retour, réalisables au prix
de l'attachement aux principes fondamentaux des Palestiniens et de la
condamnation de la position américaine consistant à soutenir les politiques
agressives d'Israël dont notre peuple est victime. Les participants ont appelé à
adresser un mémorandum urgent au sommet arabe qui doit se tenir à Amman le 27
mars, exhortant les chefs d'état arabes à apporter le soutien politique,
stratégique et économique dont notre peuple résistant a besoin, et un autre
mémorandum au (contre) sommet des mouvements populaires arabes, qui se tient
actuellement à Bagdad, dans lequel nous manifestions notre estime pour leurs
prises de position, en les appelant à renforcer leur action jusqu'à la victoire
de l'Intifada. La nécessité de faire le ménage dans la maison palestinienne a
été également évoquée : il faut mettre un terme aux différents abus contre les
droits des citoyens et l'état de droit, combattre la corruption et demander des
comptes à ceux qui s'en rendent coupables, améliorer la manière de servir de
l'exécutif et de ses différents services, veiller au respect scrupuleux des
procédures électives dans les conseils municipaux et les institutions
civiles.
Le meeting a appelé également à développer l'efficacité des médias
palestiniens, afin d'assurer une couverture complète de l'intifada, d'en mettre
en valeur le contenu de lutte et d'inciter l'administration à se montrer à la
hauteur des sacrifices énormes consentis par notre peuple combattant. Les
participants ont exigé la levée du blocus injuste et insupportable imposé à
l'Irak et ont salué la résistance du peuple et des dirigeants irakiens face à
l'agression américaine, demandant à ce qu'ils soient chaleureusement remerciés
pour leur soutien politique, moral et matériel à l'intifada d'al-Aqsa et à ses
martyrs. Ils ont été unanimes à considérer que ce meeting a pris le caractère
inaugural d'une assemblée constituante populaire pour le département d'Hébron.
5. Deux balles avaient atteint un préfabriqué de l'armée...
par Amira Hass
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du mercredi 21 mars
2001
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Na'im Badarin, 54 ans, d'elBiréh, est la
345ième victime palestinienne des tirs israéliens, depuis le début de l'Intifada
d'al-Aqsa. Il a été tué, le 27 février, aux environs de 9 heures du soir, dans
sa maison située dans le hameau d'elBaluah, voisin du carrefour d'Ayosh, face à
une position militaire des Forces Israéliennes de Défense. Des sources
militaires ont fait état d'un échange de tirs et d'un "feu soutenu", essuyé
auparavant par les soldats de l'armée israélienne en faction au carrefour, ainsi
que par l'implantation de Psagot. Ces sources ne font aucune mention des tirs de
rétorsion israéliens, se contentant de mentionner l'usage d'obus de mortier et
de bombes. Voici la version des événements de ce jour, fournie à notre journal
par les sources militaires israéliennes : "Des échanges de tirs ont eu lieu dans
tout le secteur ; tout a commencé à 3h30 de l'après-midi, avec une attaque sur
la route Atarot-Givat Ze'ev (une femme a été grièvement blessée, deux autres
plus légèrement), puis il y a eu des tirs contre le camp militaire d'Ofer et
contre des soldats qui s'étaient rendus sur les lieux de l'attaque mentionnée
(deux d'entre eux ont été blessés, sans gravité, par des éclats), puis l'action
s'est déplacée de l'autre côté de Ramallah : il y a eu des tirs dans le secteur
d'Ofra, et des tirs intenses dans la zone du carrefour d'Ayosh".
"Ces tirs
provenaient de deux sources, dont le bâtiment des bureaux de l'administration
locale, dont les étages supérieurs sont souvent des points d'où
proviennent des tirs. A un certain moment, des tirs ont été identifiés comme
provenant d'une maison située à l'est de ce bâtiment (la maison des Badarin). Il
y a eu confirmation que plusieurs balles avaient été tirées, à deux ou trois
reprises, de cette maison, ou de la cour de cette maison. Le repérage du point
d'origine des tirs a été effectué à partir de deux points d'observation : depuis
un tank, muni d'un système de vision nocturne très sophistiqué, et d'un point
d'observation au sol.
"Ces tirs n'ont atteint personne, mais deux balles ont
touché le préfabriqué qui abrite l'unité du génie de la division. Une de nos
sources a indiqué qu'une voiture aux phares camouflés était arrivée devant la
maison, que plusieurs hommes en étaient sortis, puis que ces hommes avaient
pénétré dans la maison. Il y a eu identification confirmée de la présence d'un
homme armé dans cette maison, et c'est une occurrence où nous tirons. Néanmoins,
nous ne pouvons pas affirmer que l'homme qui a été atteint est bien celui qui
était à l'origine des tirs. Les Palestiniens utilisent des armes
légères".
Les Badarin avaient travaillé plus de dix ans à la construction de
cette maison, qui devait abriter treize âmes. Elle avait été édifiée au sommet
d'une colline qui s'élève à l'est du carrefour d'Ayosh. Plus bas sur la colline,
juste au-dessous de la maison des Badarin, il y a le bureau de coordination des
forces de sécurité. Il est surmonté du drapeau israélien.
Les Badarin se
souviennent que les tirs contre leur maison avaient commencé à environ six
heures du soir. Ils s'étaient immédiatement mis à l'abri derrière le mur de leur
maison situé au sud. Ils disent avoir laissé à dessein les lumières allumées,
sur la terrasse, afin que les Forces israéliennes de défense comprennent que les
tirs ne pouvaient pas provenir de chez eux.
Néanmoins, ils sont restés
serrés les uns contre les autres durant plus de deux heures, entendant les
impacts des balles et les explosions, ne voyant pas venir le moment où ça
s'arrêterait.
A environ 8 heures et demie du soir, les tirs se sont arrêtés.
Na'im Badarin est alors rentré dans la maison pour constater les dégâts. Il est
loisible d'imaginer ce qu'il a ressenti en découvrant les vitres brisées, les
murs criblés, les meubles éventrés, les vêtements brûlés et les appareils
ménagers pleins de trous, ayant reçu des centaines de balles. D'autres membres
de la famille vinrent le rejoindre en hâte ; c'est alors qu'on entendit une
énorme explosion. Puis une autre. Et une troisième. Trois bombes ont atteint la
maison, démolissant les murs, mettant le feu au mobilier du salon. Badarin a été
tué par la troisième. L'équipe de secouristes du Croissant Rouge a déclaré avoir
eu de la difficulté à rassembler les lambeaux de son corps.
Les enfants
Badarin rejettent catégoriquement toute possibilité que des tirs aient pu
provenir de chez eux. Aucune voiture n'a pu s'approcher de la maison non plus,
indiquent-ils, ne serait-ce qu'à cause des tirs intenses de l'armée israélienne.
A un certain moment, une balle, ou un projectile quelconque, a atteint la
voiture de leur père, ce qui en a déclenché le système d'alarme anti-vol. C'est
peut-être ce qui a fait croire aux soldats qu'une voiture approchait.
Aucune
homme armé n'est entré chez eux, jurent-ils leurs grands dieux. Ils confirment
qu'il y a eu des tirs provenant de l'immeuble de l'administration locale, élevé
et vide. Après cinq mois d'affrontements, comment quelqu'un peut-il encore
imaginer que l'on puisse tirer à partir d'une maison où vit une famille entière,
comme si on pouvait imaginer une seconde que cela n'attirerait pas les tirs de
l'armée sur la maison dans la seconde qui suit ? Dans ces conditions, un membre
quelconque de cette famille, qui vit à proximité immédiate d'une base des Forces
Israéliennes de Défense, peut-il envisager de tirer pour atteindre un objectif
situé à un kilomètre de là, avec une arme qui n'a aucune chance d'atteindre sa
cible ? Est-il envisageable qu'une quelconque force étrangère à la famille
s'impose à cette dernière et tire à partir de sa maison ou de sa cour, deux
heures durant, alors que les immeubles élevés - vides, de surcroît - ne manquent
pas dans les parages ?
L'expérience nous enseigne pourtant que, presque dès
le début des affrontements, des Palestiniens armés ont tiré depuis des immeubles
inhabités, et élevés. Est-il plausible que, cette fois-là, par exception,
quelqu'un aurait pu en être arrivé au point de prendre le risque de s'exposer à
la colère d'une famille entière et de tous ses voisins, en tirant depuis cette
maison ?
6. Ministre palestinien du
Plan et de la Coopération internationale, Nabil Chaath évoque la stratégie
palestinienne face à la politique extrémiste du gouvernement israélien d'Ariel
Sharon : "Il faut mettre Sharon sous pression " propos recueillis par
Hicham Mourad et Magda Barsoum
in Al Ahram-Hebdo (hebdomadaire
égyptien) du mercredi 21 mars 2001
— Al-Ahram Hebdo : Quel avenir pour
le processus de paix au Proche-Orient avec en Israël le gouvernement Sharon
?
— Nabil Chaath : Tout d'abord on doit prendre en considération le passé des
composantes de ce gouvernement, notamment celui de Sharon. A ce titre, le moins
qu'on puisse dire est que ce dernier a un passé noir. Sharon est le
commanditaire des massacres de Sabra et Chatila. Il est vrai qu'il a été jugé
par la justice israélienne et qu'il a été écarté de son poste de ministre de la
Défense, mais cela n'empêche pas qu'à nos yeux, il reste le sanguinaire qui a
commandité le meurtre de plus de 300 Palestiniens. Il est aussi le responsable
numéro un des événements du 28 septembre dernier qui ont déclenché l'Intifada.
Il est aussi le promoteur de la politique d'expansion des colonies israéliennes.
Ceux qui forment avec lui le nouveau gouvernement n'ont rien à lui envier sur ce
plan.
Le ministre des Affaires étrangères, Shimon Pérès, serait peut-être
l'unique personne dans ce gouvernement à parler en termes de paix. Mais cela ne
suffit pas. Le gouvernement de Sharon a rassemblé les pires représentants de la
droite israélienne. Et à ce titre il faut souligner que la droite israélienne
n'est pas la droite dont l'idéologie repose sur une politique d'économie de
marché ou encore de capitalisme à la place du socialisme. La droite israélienne
est une droite dont l'idéologie repose sur l'esprit expansionniste, sur la
construction du Grand Israël et surtout sur la haine des Arabes.
Si nous
passons au chapitre de la politique de Sharon, il est vrai que ce dernier a
évité durant sa campagne électorale d'exciter les esprits, mais ce qu'il n'a pas
dit est beaucoup plus révélateur que ce qu'il a dit. Par exemple, il a parlé de
Jérusalem, capitale éternelle d'Israël, mais il n'a pas parlé des colonies, il
n'a pas parlé du retrait des forces israéliennes et de bien d'autres choses
fondamentales pour la poursuite du processus de paix.
Le gouvernement de
Sharon pense qu'il ne peut appeler à des négociations que dans le cas où les
Palestiniens arrêteraient la violence ! Alors que les accords de Charm Al-Cheikh
stipulaient que les forces israéliennes devaient se retirer complètement 48
heures avant de demander aux Palestiniens d'arrêter la violence. Ce qui n'a pas
été fait, et de plus, il est difficile de croire que les forces israéliennes se
retirent des territoires dans lesquels sont implantées des centaines de colonies
israéliennes.
— Alors quelle stratégie doivent adopter les Palestiniens pour
débloquer la situation et progresser sur la voie de la paix ?
— Le processus
de paix ne peut se poursuivre sans une pression aussi bien de la part des
Palestiniens que du monde arabe et des autres pays. Seule la pression peut
changer le cours des événements dans la région et obliger Sharon à changer sa
politique. Tout en restant engagé sur la voix de la paix. Nous, Palestiniens,
nous n'avons aucun intérêt à quitter les bancs du processus de paix. Mais avec
la présence de Sharon qui est connu pour son passé de sanguinaire, il est
important de développer une politique de pression palestinienne, arabe et
internationale. Ou bien une paix juste et équitable, ou bien le gouvernement de
Sharon devra quitter le pouvoir comme l'a fait avant lui Ehud Barak et Benyamin
Netanyahu.
— Voulez-vous dire par là que le gouvernement de Sharon ne tiendra
pas longtemps ?
— Sharon veut garder le pouvoir jusqu'au terme de son mandat
en l'an 2005. Il veut bien sûr réussir à arrêter l'Intifada pour pouvoir se
représenter aux élections et pour cela il est prêt à faire l'impossible. Ainsi
il a reporté le recrutement obligatoire des religieux dans l'armée jusqu'à l'an
2002. Ce qui lui garantira la poursuite du soutien des partis religieux au sein
de la coalition. Durant ce délai, il pense pouvoir réprimer le peuple
palestinien et assurer la sécurité du peuple israélien. Mais là il se trompe,
car ce que ses prédécesseurs n'ont pas pu réaliser, il est plutôt difficile pour
lui de le faire. La force de répression a des limites. Ainsi je pense que les
jours du gouvernement Sharon sont comptés.
D'autres éléments doivent être
pris en considération tels que le prochain sommet arabe et les résolutions qui
vont y être adoptées, c'est-à-dire la position arabe. L'Union européenne a aussi
son mot à dire ainsi que la nouvelle Administration américaine qui attend pour
voir comment Sharon va agir. Tous ces éléments décideront de la vie du
gouvernement Sharon.
— Que pensez-vous de la politique de la nouvelle
Administration américaine concernant le processus de paix, surtout après la
déclaration de Colin Powell reconnaissant Jérusalem comme capitale d'Israël
?
— La nouvelle Administration américaine est une administration étrange.
Bush fils n'est pas Bush père. En effet, le nouveau président américain ne doit
rien au lobby juif dans sa victoire aux présidentielles. Au contraire, ce
dernier a tout mis en œuvre pour le faire échouer aux élections. Ceci dit, Bush
ne fait rien pour contrarier ce lobby. Bush père s'était déclaré, après six
jours de bombardements de l'Iraq, être plus souple au chapitre du processus de
paix. Powell a déclaré Jérusalem capitale d'Israël en même temps qu'il
bombardait Bagdad. Veut-il faire pression sur le monde arabe en ce qui concerne
le dossier iraqien ? Peut-être. Mais en vérité, il aurait dû présenter des
concessions sur le plan du processus de paix. Le résultat aurait été sûrement
meilleur. Frapper les Palestiniens et les Iraqiens en même temps c'est à mon
avis trop et cela ne peut mener qu'au désastre.
— Qu'attendez-vous du
prochain sommet arabe qui se tiendra les 27 et 28 mars à Amman ?
— Les
ministres arabes des Affaires étrangères ont pris toutes les décisions que les
Palestiniens attendaient. Ils ont notamment décidé de lancer un appel au Conseil
de sécurité de l'Onu pour demander l'intervention d'une force internationale, et
de réactiver l'aide financière décidée lors du dernier sommet arabe. Si le
sommet approuve ces décisions, ce serait une bonne chose. Bien sûr cela ne
suffit pas, il faut aussi veiller à leur mise à exécution, notamment celles
relatives à l'assistance financière. Sur le milliard de dollars promis lors du
dernier sommet arabe, les Etats arabes n'ont finalement voulu payer que 693
millions de dollars. Cette somme devait être versée avant le 31 décembre
dernier. Mais seuls 291 millions ont été reçus par la Banque islamique de
développement. De cette somme, nous n'avons reçu jusqu'à maintenant que 3
millions. Nous voulons que l'aide décidée par le sommet soit réellement versée
directement à l'Autorité palestinienne pour faire face à la situation
catastrophique dans les territoires palestiniens.
— Qu'en est-il du plan de
séparation entre Palestiniens et Israéliens engagé actuellement par le
gouvernement israélien ?
— Au début, les Israéliens voulaient que cette
séparation se fasse suivant les limites tracées en 1967. Mais le Likoud s'est
opposé à cela. Car c'est reconnaître les frontières de juin 1967. Aujourd'hui,
la séparation selon eux devra se faire entre chaque village israélien et
palestinien. C'est-à-dire que 48 blocs palestiniens dans les territoires occupés
devraient être séparés des colonies israéliennes. L'objectif de cette action
serait d'asphyxier les Palestiniens ou de les empêcher de se constituer en
entité indépendante. Cette politique n'a rien à voir avec la nécessité de
maintenir la sécurité des colonies israéliennes.
— Qu'en est-il du
réchauffement dans les relations entre l'Autorité palestinienne et la Syrie,
après l'arrivée de Bachar Al-Assad au pouvoir en juillet dernier ?
— Il n'y a
pas une seule raison pour que ces relations ne se réchauffent pas. La situation
internationale montre bien qu'il n'y a plus de concurrence entre les deux
positions palestinienne et syrienne. On est tous deux aujourd'hui dans le même
bain. Nous espérons que la Syrie se mettra de notre côté, car on en a vraiment
besoin.
— Malgré les gros efforts entrepris par Le Caire en matière de
processus de paix, certains Palestiniens s'en sont pris à l'Egypte avec
notamment des attaques verbales. Comment expliquez-vous cela ?
— Les
relations égypto-palestiniennes ont connu dans le passé des divergences. Surtout
à l'époque de la signature de l'accord de Camp David. Aujourd'hui, je ne peux
que saluer l'action de l'ancien président Sadate sur la voie de la
paix.
Certains Palestiniens ont peut-être critiqué le président Moubarak
après le dernier sommet arabe. C'est là une liberté qu'on ne peut refuser à
personne, mais ce que je peux vous confirmer c'est que personne n'a osé brûler
le drapeau égyptien, contrairement à ce qui a été rapporté dans la presse. Le
peuple palestinien éprouve un respect sans pareil aussi bien pour le président
Moubarak que pour le gouvernement et le peuple égyptien. Par exemple, Amr Moussa
est adulé par l'ensemble des Palestiniens non pas parce qu'il est Amr Moussa,
mais parce qu'il est le ministre des Affaires étrangères égyptien qui a toujours
été du côté des Palestiniens et que ses propos ont toujours été clairs et nets.
Amr Moussa ne parle pas en son nom personnel mais au nom de la direction
égyptienne. Et c'est là une chose que comprennent bien les Palestiniens. Qu'il y
ait eu quelques dépassements dans des moments de colère est une chose tout à
fait normale. Mais ce que je peux vous affirmer c'est que les relations
égypto-palestiniennes, et à tous les niveaux, sont des relations historiques
alimentées par la volonté de voir une paix juste et équitable régner dans la
région.
— Le gouvernement palestinien a été accusé de corruption, concernant
l'aide internationale détournée au profit de certains responsables. Que
répondez-vous à cela ?
— Il faut noter que le dossier de la corruption a été
abordé essentiellement par la presse du Golfe. Là, la raison est claire :
refuser de payer l'assistance financière promise, et rejeter les demandes
palestiniennes d'une aide supplémentaire.
En ce qui nous concerne, le Conseil
législatif (ndlr : Parlement) a entamé une initiative en vue d'améliorer la
répartition des fonds de l'aide extérieure. Ceci dit on ne peut pas dire qu'il
n'y a pas de corruption, mais pas à l'échelle catastrophique que la presse du
Golfe a bien voulu montrer à l'opinion publique.
7. Statu quo explosif
par Abir Taleb
in Al Ahram-Hebdo (hebdomadaire
égyptien) du mercredi 21 mars 2001
On attendait d'abord la nouvelle
Administration américaine pour débloquer la situation puis la formation du
nouveau gouvernement israélien. On attend maintenant les résultats de la visite
du premier ministre israélien, Ariel Sharon, aux Etats-Unis et ceux du sommet
arabe des 27 et 28 mars dans la capitale jordanienne. En attendant, la situation
empire et rien n’annonce une quelconque accalmie. Lundi matin, l'armée
israélienne a imposé à nouveau un blocus total sur Bethléem et les villages
palestiniens environnants à la suite d'une attaque qui a coûté la vie à un colon
israélien dans ce secteur, étouffant ainsi davantage les territoires. Quelques
heures avant cette attaque, des Palestiniens avaient tiré pour la première fois
depuis l'occupation des territoires palestiniens en 1967 trois obus de mortier
vers le territoire israélien à partir de la bande de Gaza. Le ministre israélien
des Affaires étrangères, Shimon Pérès, a affirmé qu'il considérait avec «
beaucoup de gravité » ces tirs de mortier. Il a une fois de plus rappelé
l'éternelle exigence israélienne : celle d’attendre « de l'Autorité
palestinienne qu'elle remplisse ses engagements pour faire cesser la violence
».
De son côté, le ministre israélien de la Défense, Benyamin Ben Eliezer, en
feignant d’oublier les violences commises par ses soldats, a affirmé que les
tirs de mortiers constituaient « une tentative palestinienne d'entraîner Israël
à la guerre ». Menaçant de riposte, il a ajouté : « Israël ne pourra accepter
cette situation et se réserve le droit de défense de ses citoyens ». De l'autre
côté de la barrière, les Palestiniens continuent à tomber quasi quotidiennement
sous les balles israéliennes. Dimanche, deux Palestiniens, dont un garçon de 10
ans, ont été blessés à Gaza par des tirs de l'armée israélienne lors
d'affrontements près de Karni, un point de passage avec Israël, selon des
sources hospitalières. Les deux Palestiniens ont été hospitalisés après avoir
été atteints par des balles réelles tirées par l'armée israélienne, selon les
mêmes sources. L'armée israélienne avait auparavant détruit plusieurs hectares
de terre agricole près de Karni, théâtre fréquent d'affrontements
israélo-palestiniens depuis le début de l'Intifada, le 28
septembre.
Propositions démenties
Laissant donc une
situation alarmante, Ariel Sharon est parti dimanche aux Etats-Unis pour
s'assurer le soutien de l'Administration du président George W. Bush à sa
politique palestinienne. Sûr de ce soutien, le premier ministre israélien a
indiqué dans un communiqué avant même son départ : « Nous partageons les mêmes
valeurs et nous avons des intérêts communs tels que l'aspiration à la stabilité
régionale et le rejet du terrorisme et de la violence. L'Administration
américaine est en accord avec la position israélienne selon laquelle il ne peut
y avoir de négociations en vue de règlements diplomatiques sous la menace du
terrorisme et de la violence ». En attendant cette reprise des négociations, M.
Sharon a indiqué qu'il avait demandé que des contacts entre responsables de la
sécurité des deux bords soient établis avec les Palestiniens. Toujours avec la
même obsession sécuritaire, il a déclaré : « J'ai ordonné la reprise des
discussions sécuritaires avec les Palestiniens visant à mener des opérations
pour réduire la violence là où c'est possible ». Lundi, le numéro deux de
l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP), Mahmoud Abbass, a déclaré
qu’Israéliens et Palestiniens mènent des contacts informels « sur tous les
sujets ». Selon lui, ces « contacts informels » étaient destinés à rapprocher
les positions des deux parties. Il reste toutefois que ces contacts aboutissent
à quelque chose de concret. Lundi également, le quotidien israélien Haaretz a
indiqué que M. Sharon était prêt à évacuer certaines colonies dans la bande de
Gaza si le président palestinien Yasser Arafat acceptait ses propositions
d'accords de paix intérimaires. Une information démentie et jugée « sans
fondement » par un haut responsable israélien faisant partie de la délégation
qui accompagne Ariel Sharon aux Etats-Unis. L'évacuation de certaines colonies
de la bande de Gaza constituerait une des principales propositions de M. Sharon
en cas de reprise des négociations de paix avec les Palestiniens, souligne
Haaretz, précisant que le premier ministre israélien doit fournir des détails de
ses propositions au président américain George W. Bush au cours son voyage.
Selon la radio israélienne, les propositions de Sharon iront plutôt dans le sens
d’une période de calme de trois mois, au terme de laquelle des négociations sur
des « arrangements intérimaires à long terme » permettant d'instaurer un état de
non-belligérance pourraient commencer. Ce qui sera sans nul doute jugé
inacceptable par les Palestiniens. Le ministre palestinien des Affaires
parlementaires, Nabil Amr, a souhaité que les Etats-Unis fassent preuve
d'impartialité. « Nous ne sommes pas optimistes, mais nous espérons que
l'Administration américaine adoptera une position équilibrée » dans ses
relations avec les deux parties, a-t-il déclaré, en réclamant la fin du blocus
et le retour à la table des négociations.
Tentant de faire face au soutien
américain inconditionnel à l’Etat hébreu, le président palestinien Yasser Arafat
a envoyé dimanche soir son ministre de la Coopération internationale, Nabil
Chaath, en Europe, où il doit se rendre en Belgique, en Grande-Bretagne, en
France, en Irlande et en Norvège, dont il attend le soutien à la cause
palestinienne.
8. Sharon-Bush : deux faces
d'une seule monnaie par Mohamed Sid-Ahmed
in Al Ahram-Hebdo (hebdomadaire
égyptien) du mercredi 21 mars 2001
Sharon n'a pas demandé à Pérès, son
ministre des Affaires étrangères, de l'accompagner à Washington dans sa première
rencontre avec le président américain Bush. Bizarre ! Surtout dans le cadre d'un
« gouvernement d'union nationale » qui regroupe les deux pôles, donc deux
visions contradictoires du processus de paix. Pourquoi donc la visite à
Washington exclut-elle l'une des deux visions ? Le simple fait que Sharon parte
à Washington sans être accompagné de Pérès laisse penser que le gouvernement
affronte déjà des problèmes. Il est vrai que parfois des premiers ministres
israéliens s'étaient rendus aux Etats-Unis sans leur chef de la diplomatie. Mais
le cas de Sharon et Pérès est totalement différent, car ceci contredit l'accord
conclu entre les deux pôles. Ajoutons que ceci porte à croire que l'admission de
Pérès dans ce gouvernement ne vise qu'à le neutraliser. En effet, Sharon a saisi
cette occasion pour inciter l'Administration Bush à le soutenir — lui en
personne et non pas le gouvernement d'union nationale en général — et à prendre
le parti d'Israël selon ses propres conditions en cas d'escalade de la violence
dans la région. Il est à noter que Sharon est le premier leader du Proche-Orient
invité par Bush avant que la nouvelle Administration américaine n'élabore sa
politique dans la région. Bush, au même titre que Sharon, s'intéresse en premier
lieu à la stabilité régionale, sans porter beaucoup d'attention, comme ses
prédécesseurs, aux termes abstraits comme « paix globale », « droits de l'homme
», « indépendance de la Palestine ». Ajoutons de même que si Barak ne savait pas
s'il fallait considérer Arafat comme « partenaire » du processus de paix ou bien
« adversaire » absolu, pour Sharon, Arafat est sans nul doute un « ennemi »
d'Israël qui doit être affronté sans merci.
Quand on dit qu'il existe un
caractère commun ou plus précisément une seule méthode de traiter avec les
autres entre Sharon et Bush, cela signifie que tous les deux croient en une
sorte d'unipolarisme (l'un au niveau international et l'autre régional). Et ce
tout en reconnaissant qu'il existe des forces contradictoires sur les deux
scènes. Forces qu'ils considèrent hors de la « légitimité » et qui doivent être
combattues sans merci, puisqu'elles sont qualifiées de « terroristes ». Pour
Bush, Saddam Hussein est l'exemple représentatif de cet ennemi. Pour Sharon,
c'est le Hamas en Palestine et le Hezbollah au Liban. Et il n'est pas exclu
qu'Arafat soit considéré de la même manière. En accusant l'Iraq,
l'Administration Bush part d'une conception stratégique américaine qui n'est pas
limitée au seul parti républicain. Selon cette conception, il existe dans notre
monde contemporain des « Etats voyous » capables d'utiliser des missiles
nucléaires comme armes politiques pour exercer « un chantage terroriste ». Ces
armes servent les Etats voyous dans leur confrontation avec les pays du « monde
libre » respectueux de l'ordre mondial et de la légitimité internationale. Et la
guerre contre « la prolifération des armes de destruction massive » n'est qu'une
« guerre » contre des pays tels l'Iraq, l'Iran ainsi que la Corée du Nord dont
le danger s'est accru sur la scène internationale après l'effondrement de
l'ex-URSS, ancienne source d'équilibre. D'où l'importance de réaliser « une
avancée technologique » en inventant des missiles antimissiles nouvelle
génération. Quant à Sharon, s'il préside un gouvernement d'union nationale,
c'est bien qu'il y a un point commun entre la droite et la gauche israéliennes.
Ces deux forces considèrent qu'il est impossible premièrement d'« intégrer » les
Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza en Israël. Et ce, car les Palestiniens
porteront atteinte, tôt ou tard, au caractère « juif » de l'Etat hébreu ; ne
serait-ce qu'à cause de leur taux de croissance démographique. Deuxièmement, de
soumettre les Palestiniens, sine die, à un régime semblable à l'apartheid afin
d'éviter à la société israélienne des mouvements de révolte qui prendraient la
forme d'Intidafa chronique.
D'où le retour de nombreux Israéliens aux
instructions de Jabotpinsky, du début des années 1920. Ce leader sioniste
prônait à l'époque la nécessité d'épuiser les Palestiniens pour qu'ils
reconnaissent en fin de compte que la capitulation est « le moindre mal ». « Il
incombe au sionisme de tenter d'établir un Etat juif sur toute l'étendue de la
terre de Palestine sans considération aucune des réactions arabes ». Plus
encore, il incombe de faire perdre aux Palestiniens tout espoir en
l'indépendance pour qu'ils acceptent des droits civils et nationaux limités, une
fois leur volonté détruite et leur résistance liquidée. Avi Shlaym, l'un des
éminents néo-historiens israéliens, affirme que ces opinions sont celles non
seulement de Jabotpinsky, père spirituel de Sharon — mais aussi de Ben Gourion.
Ce dernier ayant déclaré : « Nous n'avons pas besoin d'un accord pour instaurer
la paix, car celle-ci est un moyen et non pas une fin. Notre fin est la
prédominance écrasante du sionisme. Une fin qui nécessite certes un accord pour
la consacrer ».
Partant, pour une grande majorité des Israéliens, ni la
formule d'un seul Etat (juif groupant de même les Palestiniens), ni celle des
deux Etats (établir un Etat palestinien séparé incapable de se dresser contre
Israël) ne peuvent résoudre la question palestinienne. Ainsi a pris naissance
l'idée de recourir à Sharon en personne, avec sa longue histoire sanguinaire,
pour sortir définitivement de l'impasse actuelle par l'usage excessif de la
force. Telle est la leçon tirée par les Israéliens à la suite de l'échec de Camp
David II et le retour de l'Intifada. C'est pourquoi Sharon a tenté de convaincre
Bush de le soutenir sans réticence en liquidant l'Intifada par tous les
moyens.
Reste à se demander : Sharon a-t-il réussi à convaincre Bush
qu'Arafat ne diffère pas de Saddam ? Et que les deux doivent être traités en
tant que « dirigeant voyou » d'une entité terroriste ? Doit-on s'attendre à ce
que Bush tente de convaincre les leaders arabes qu'il est grand temps de mettre
un terme à l'Intifada et d'obliger Arafat à tendre la main à Sharon pour que les
diverses parties, arabes et israélienne, adhèrent au plan de Bush de se
concentrer sur Saddam ? Plan qui doit figurer en tête de l'ordre du jour du
prochain sommet arabe et qui exige une réponse arabe décisive !
9. Israël bombarde une base de
gardes du corps d'Arafat à Gaza : un mort
Dépêche de l'Agence France
Presse du mercredi 21 mars 2001, 21h33
GAZA - L'armée israélienne a
bombardé mercredi soir une base à Gaza de gardes du corps du président
palestinien Yasser Arafat, tuant l'un d'entre eux et en blessant sérieusement
trois autres, apprend-on de source palestinienne.
La base se trouve près de
la colonie juive de Netzarim au sud de la ville de Gaza, à deux kilomètres du
quartier général du président palestinien Yasser Arafat.
Des chars israéliens
ont tiré quatre obus en direction de la base de l'unité spéciale de gardes du
corps de M. Arafat, dont un membre, le lieutenant Kamil al-Jawad, 28 ans, a été
tué, et trois autres blessés, a-t-on indiqué de même source.
L'armée
israélienne a pour sa part annoncé que trois obus palestiniens avaient été tirés
sur Netzarim et deux sur la colonie de Morag. Il n'a pas été fait état de
blessés ni de dégâts, mais les habitants des deux implantations ont été appelés
à demeurer dans les abris.
Un porte-parole militaire a ajouté que deux obus
avaient ensuite été tirés d'un char "en direction des sources de
tirs".
Dimanche, trois obus de mortier tirés à partir de la bande de Gaza
sont tombés en territoire israélien, blessant légèrement un soldat et causant de
légers dégâts.
Les obus sont tombés dans un champ du kibboutz (village
collectiviste) de Nahal Oz, à la lisière de la bande de Gaza. C'était la
première fois que des obus étaient tirés à partir de la bande de Gaza sur le
territoire israélien.
10. Territoires : les
enquêteurs de l'ONU en faveur d'observateurs internationaux
Dépêche
de l'Agence France Presse du mercredi 21 mars 2001, 19h50
GENEVE - La
commission d'enquête mandatée par la Commission des droits de l'homme de l'ONU
préconise le déploiement urgent d'observateurs internationaux dans les
territoires palestiniens occupés, afin de protéger les droits du peuple
palestinien, confronté à l'"usage excessif" de la force par l'armée et la police
israéliennes.
Les forces de sécurité israéliennes, armée et police, ont "sans
conteste" fait un usage disproportionné et excessif de la force, depuis le début
de la seconde Intifada en septembre, ont estimé dans leur rapport les trois
enquêteurs, John Dugard (Afrique du sud), Kamal Hossain (Bangladesh) et Richard
Falk (USA).
Ce rapport très attendu, rendu public mercredi à Genève, doit
être présenté prochainement à la session annuelle de la Commission des droits de
l'homme qui a débuté lundi.
Dans leurs conclusions, les enquêteurs souhaitent
la mise en place "immédiate" d'une "présence internationale" pour veiller au
respect des droits de l'homme et du droit humanitaire. Ils recommandent
également aux forces de sécurité israéliennes de veiller particulièrement aux
civils qui ne sont pas impliqués dans les combats, notamment les femmes, les
enfants et les réfugiés, et de ne pas utiliser des balles réelles ou en
caoutchouc.
Selon eux, l'utilisation de la force aux abords des colonies
israéliennes de peuplement ne se justifie pas à l'égard des civils palestiniens
sans armes, pas plus que pour la démolition et la destruction de leurs biens.
Les rapporteurs rappellent notamment les obligations contenues dans la 4e
Convention de Genève de 1949, sur la protection des civils lors des
conflits.
Ils se prononcent pour des mesures "immédiates et efficaces" afin
d'empêcher la destruction dans les territoires occupés des maisons, vergers et
récoltes appartenant à des Palestiniens, à l'aide de bulldozers ou de tout autre
moyen.
Ils réclament que les plaintes des victimes résultant de l'usage
excessif de la force soient examinées et que les responsables de ces violences
ayant entraîné des décès ou des blessures graves soient poursuivies en justice
et les victimes indemnisées. Depuis le début de la deuxième Intifada, 450
personnes, pour la plupart palestiniennes, ont trouvé la mort.
Enfin, ils
prônent des mesures mettant fin aux restrictions à la liberté de circulation et
garantissant le libre accès des enfants à l'éducation et à la santé, ainsi que
le libre accès aux lieux saints.
Les enquêteurs se sont rendus du 10 au 18
février dans les territoires occupés et en Israël. Le principe de cette enquête
avait été décidé le 19 octobre dernier à Genève, lors d'une session
extraordinaire de la Commission des droits de l'homme sur la Palestine qui avait
adopté une résolution à ce sujet.
Israël avait rejeté cette résolution, la
jugeant "hostile, inéquitable et inutile", et a refusé de coopérer avec la
mission d'enquête sans toutefois y faire obstruction.
La question des
violations des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés par
Israël doit dominer la 57e session de la Commission. Le vice-ministre israélien
des Affaires étrangères, Michael Melchior, qui est intervenu mercredi en séance
plénière, a mis en garde contre l'adoption de toute "résolution extrémiste"
contre son pays.
11. La ville de Jérusalem
relance la colonisation à Har Homa par Ramit Plushnick-Masti
Dépêche
de l'agence Reuters du mardi 20 mars 2001, 14h41
JERUSALEM - Une
commission d'urbanisme de la municipalité de Jérusalem a approuvé la
construction de près de 3.000 nouveaux logements sur la colline périphérique de
Har Homa.
La décision de l'ancien gouvernement de droite de Benjamin
Netanyahou de donner son feu vert en mars 1997 à l'édification d'un nouveau
quartier juif sur ce site controversé avait provoqué la colère des Palestiniens
et entraîné la suspension durant 19 mois du processus de paix lancé à Oslo.
Durant les 20 mois de mandat de son successeur travailliste Ehud Barak,
chassé du pouvoir le mois dernier par Ariel Sharon, les travaux de construction
de 6.400 logements se sont pourtant discrètement poursuivis sur cette colline
proche de Bethléem.
Selon le journal Ha'aretz, 638 habitations seulement sur
le total prévu ont été acquises et la courbe des ventes a en outre décliné
sensiblement depuis le début de la nouvelle intifada qui fait régner un fort
sentiment d'insécurité parmi les Israéliens, notamment hors des frontières de
1967.
Les 2.832 nouveau logements décidés par la commission municipale de
Jérusalem sont encore loin de sortir de terre, car il faudra auparavant que le
ministère de l'Intérieur donne son accord et que la décision soit définitivement
adoptée par le Conseil de la ville.
La "véritable politique de Sharon"?
Il n'en demeure pas moins que cette initiative hautement symbolique d'une
municipalité acquise au Likoud, deux semaines après la prise de fonctions de
Sharon comme Premier ministre, n'est pas de nature à calmer l'agitation
palestinienne.
Le ministre palestinien de l'Information, Yasser Abed Rabbo,
a souligné que la poursuite de la politique de colonisation ne pourrait que
conduire à de nouvelles violences. "C'est cela la véritable politique de Sharon
et c'est l'expression la plus répugnante de la violence contre le peuple
palestinien et contre la paix", a-t-il dit.
"Il construit des colonies sous
le prétexte d'étendre celles qui existent déjà. S'il ne cesse pas cela, la
situation va continuer à se détériorer et ce sera sa faute", a-t-il déclaré à
Reuters.
La plate-forme d'union nationale à la base de la coalition qui
permet à Sharon, champion des colons, de s'appuyer sur une majorité confortable
à la Knesset prévoit le gel provisoire de la colonisation dans les territoires
occupés, mais pas l'arrêt du développement des implantations existantes.
On
compte quelque 150 implantations abritant 200.000 colons juives sur les
territoires palestiniens capturés en 1967. Cette colonisation, rejetée par les
Palestiniens et non reconnue par la communauté internationale, est l'un
principaux obstacles à un règlement de paix.
12. Les pays du Golfe mettent
un programme financier au point pour aider Arafat par William A. Orme
Jr.
in The New York Times (quotidien américain) du mardi 20 mars
2001
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Les pays pétroliers du Golfe lancent une
bouée de sauvetage à une Autorité palestinienne au bord de l'effondrement
financier, sous la forme d'un fonds d'aide de 300 millions de dollars, faisant
des pays arabes donateurs sa première source de contributions budgétaires, ce
qui est une première.
Dans le cadre d'un plan mis au point avec le soutien
du Fonds Monétaire International (FMI) et validé par les ministres des finances
des pays de la Ligue des Etats Arabes, la Banque Islamique de Développement met
en place l'abondement d'un "fonds pour l'intifada", au moyen de versements
mensuels de 40 millions de $ chacun, qui doivent être renouvelés au début des
six mois à venir, ont indiqué des officiels palestiniens et des
diplomates.
Le plus gros des fonds proviendront d'Arabie Saoudite, des
Emirats Arabes Unis et du Koweït, autant de pays qui refusaient jusqu'à
récemment d'apporter une aide directe au gouvernement semi-autonome de Yasser
Arafat. L'Union Européenne et les Etats-Unis ont été les donateurs les plus
généreux, jusqu'à cette décision.
Les six versements mensuels prévus
s'ajoutent à un transfert de 80 millions de $ de dons et de prêts au profit de
l'Autorité palestinienne, depuis décembre dernier, qui n'a fait l'objet d'aucune
publicité, bien qu'il ait dépassé les 65 millions de $ alloués par les
gouvernements européens.
L'Autorité palestinienne administre partiellement la
Cisjordanie et la Bande de Gaza, où elle assure l'enseignement, les soins
hospitaliers et l'ordre public.
Ses revenus ont été réduit de façon
dramatique par le conflit en cours avec Israël, crise qui a réduit de moitié les
revenus des Palestiniens, triplé le chômage et attisé la vindicte populaire non
seulement à l'encontre d'Israël, mais aussi de l'Autorité palestinienne
elle-même. Sans soutien financier, avaient averti des diplomates américains et
plusieurs envoyés des Nations-Unies dans la région, l'Autorité était confrontée
à une banqueroute imminente.
"L'économie palestinienne est sur le point de
s'effondrer, et l'Autorité palestinienne de se désintégrer", avait dit au début
du mois Martin Indyk, ambassadeur américain en Israël, au cours d'une rencontre
avec des hommes d'affaires israéliens, à Tel-Aviv.
Les officiels palestiniens
pensent que cette nouvelle aide arabe pourrait avoir, à plus long terme, une
importance symbolique sur le plan politique, au moins aussi significative que
son impact purement économique. Exceptée l'Egypte, la plupart des Etats arabes
importants ont gardé leurs distances vis-à-vis de l'Autorité palestinienne, même
lorsqu'ils ont formulé leur soutien à la cause palestinienne.
Les pays du
Golfe conservaient une rancune tenace à l'encontre de M. Arafat, qui avait pris
le parti de l'Irak, au moment de la guerre du Golfe (1991). Le Koweït, dont
l'occupation par l'Irak fut à l'origine de cette guerre, avait expulsé des
centaines de milliers de ressortissants palestiniens, en rétorsion.
L'Irak, à
l'instar de la Syrie et de la Libye, snobaient l'Autorité, qu'ils considéraient
comme l'enfant illégitime des accords de paix israélo-palestiniens de 1993,
qu'ils rejetaient catégoriquement. Les gouvernements européens - avec le soutien
des Etats-Unis et, d'une manière plus ambiguë, d'Israël - avaient demandé, sans
succès, aux pays arabes de contribuer de manière plus conséquente à cette aide
financière.
Mais avec le très fort sentiment de solidarité avec les
Palestiniens suscité dans le monde arabe par cinq mois de confrontations
violentes avec Israël, et avec une préoccupation croissante quant à l'impact
potentiel du conflit sur la région, le consensus arabe a changé très rapidement,
au grand bénéfice de l'Autorité palestinienne.
"C'est tout simple", a dit un
Palestinien participant à des négociations avec des dirigeants arabes, destinée
à l'étude de l'aide à apporter : "vous ne pouvez pas aider les Palestiniens
économiquement si vous ignorez l'institution palestinienne cardinale, le plus
grand employeur, le premier pourvoyeur de services sociaux (l'Autorité)".
Désormais, a-t-il commenté, les pays arabes riches vont avoir, pour la
première fois, un "portefeuille" placé dans l'Autorité. Quant à M. Arafat, leur
aide est un peu un contrat d'assurance-vie institutionnelle, fort bienvenu en ce
qu'il réduit sa dépendance vis-à-vis de l'Europe occidentale et des Etats-Unis.
Washington, empêchée par le Congrès de donner une aide directement à
l'Autorité palestinienne, a consacré 57 millions de $, au mois de janvier, à des
programmes sociaux en Palestine.
"Nous sommes désormais assurés du soutien
des pays arabes", a déclaré Muhammad Nashashibi, le ministre palestinien des
finances, au cours d'une interview.
Toutefois, il a suggéré que les pays
arabes pourraient faire plus : 1 milliard de $ d'aide ne représente que deux
pour cent des revenus qu'ils retirent de leurs investissements à l'étranger,
a-t-il indiqué.
Aujourd'hui, un collaborateur éminent du premier ministre
israélien, Sharon, a dit que le gouvernement israélien était très satisfait des
aides accordées par les pays arabes et européens aux services sociaux
palestiniens, mais qu'il était très soupçonneux à l'égard de tout soutien
budgétaire à la direction palestinienne et à ses services de sécurité.
"Si
cet argent sert à améliorer le bien-être du peuple palestinien, nous n'y voyons
bien entendu aucune objection", a dit ce collaborateur d'Ariel Sharon, Ranaan
Gissin. "Mais s'il sert à payer les salaires des gens qui nous tirent dessus,
nous ne pouvons que considérer cette aide comme contre-productive".
La
nouvelle perfusion de cash arabe attendue ne ressuscitera pas le commerce
palestinien ni ne redonnera du travail aux chômeurs, reconnaissent les
architectes du montage financier. Mais, combiné avec les avances et les prêts
plus modestes de l'Union européenne, aux recettes fiscales collectées, mais
encore retenues par Israël, cela devrait suffire pour maintenir ouverts les
écoles et les hôpitaux et assurer leurs salaires à la plupart des fonctionnaires
palestininiens.
Israël est soumis à de forte pressions de Washington et des
Européens, qui veulent le contraindre à verser les 75 millions de $ de taxes
perçues qu'il retient en prétextant que cet argent contribuerait indirectement à
soutenir le terrorisme.
"Tout ce que nous pouvons faire, c'est gagner du
temps", a indiqué un économiste palestinien participant aux négociations avec
les ministres arabes des finances, "mais le temps est pour nous extrêmement
précieux, en ce moment... Cela vaut aussi, d'ailleurs, pour les
Israéliens..."
L'adoption officielle du plan d'aide semestriel est attendue
au cours du sommet de la Ligue Arabe qui doit se tenir à Amman, en Jordanie, le
27 mars, même si de nombreux dirigeants arabes restent très réticents à l'égard
de M. Arafat et si d'aucuns redoutent qu'une aide arabe massive n'annule l'effet
des pressions extérieures visant à persuader Israël de débloquer les taxes
perçues, normalement, pour le compte des Palestiniens.
"Il serait désormais
très difficile, pour la Ligue arabe, de se déjuger sur son engagement, pris de
manière très publique, à apporter une aide à l'Autorité palestinienne", a
commenté un diplomate occidental.
Certains pays arabes et certaines personnes
privées fortunées, ont apporté des aides financières presque tout de suite après
le déclenchement de l'insurrection palestinienne en cours - "intifada", en
arabe, signifiant "insurrection" - en septembre 2000. Mais cet argent allait
directement à des personnes nécessiteuses ou à des associations de bienfaisance,
en esquivant délibérément l'Autorité palestinienne. Un des exemples les plus
connus de ce phénomène a été les versements de 10 000 $, par le président
irakien Saddam Husseïn, aux familles de victimes de l'insurrection.
Plus
préoccupants, pour les responsables palestiniens, toutefois, sont les millions
de $ de fonds privés saoudiens qui parviennent dans la discrétion la plus
absolue aux familles des morts ou des blessés, par l'intermédiaire de fondations
islamiques locales, dont certains diplomates occidentaux pensent qu'elles sont
liées peu ou prou au Hamas, organisation qui rejette l'Autorité présidée par M.
Arafat.
Ainsi, par exemple, dans la ville de Gaza, presque chaque jour
ouvrable, des Palestiniens font la queue devant le bureau de l'Association
Salah, apportant leurs dossiers médicaux et leurs papiers d'identité, qui sont
faxés en Arabie Saoudite et vérifiés à partir de documents officiels
palestiniens.
Puis des ordres de versement sont transmis par fax à une
succursale gaziote de la banque privée Arab Bank, possédée par un Palestinien :
5 000$ pour le conjoint ou les parents des personnes tuées, 2 500$ pour les
blessés. L'Association Salah, qui dénie tout rapport avec le Hamas, indique
avoir distribué, au cours des deux mois écoulés, 200 000 paniers-repas financés
par l'Arabie Saoudite.
"Les Saoudiens sont des gens généreux, et ils
jouissent d'une grande estime chez les Palestiniens", nous dit Jabar Husseïn,
président de l'association. "Nos relations étaient déjà fortes, mais leur aide
va encore les renforcer".
Jusqu'à ces derniers mois, cependant, cette
générosité saoudienne était des plus discrètes.
Durant les six premiers mois
d'existence de l'Autorité palestinienne, alors que les donateurs étrangers
apportaient une contribution de plus de 3 milliards de $, l'Arabie Saoudite et
la plupart des pays arabes gardaient une distance circonspecte. Plus de la
moitié de l'aide financière reçue de l'étranger par l'Autorité palestinienne est
venue de l'Union européenne, suivie par les Etats-Unis, qui assuraient à eux
seuls près du quart de l'aide totale.
L'aide globale de tous les pays arabes
atteignait à peine dix pour cent du total, et à dessein, pratiquement pas un
centime (on devrait écrire : "pas un cent", NdT) de cette aide n'allait
directement à l'Autorité palestinienne, continuellement éreintée par des
rapports successifs l'accusant de mauvaise gestion et de corruption.
Mais,
depuis l'automne dernier, le conflit avec Israël a fait du soutien aux
Palestiniens une cause ressoudant l'unanimité de pays arabes profondément
divisés entre eux sur bien d'autres sujets.
En novembre dernier, la Ligue
arabe a donné son accord de principe à un don d'un montant d'un milliard de $
aux Palestiniens. Près de 700 millions de $ ont été rapidement collectés à cette
fin. Mais, le mois dernier, seuls 10 millions de $ avaient été déboursés, ont
fait remarquer amèrement les responsables palestiniens. Ils ont pressé les
capitales arabes de leur apporter une aide sous forme de soutien budgétaire
immédiat, plutôt que sous celle de projets de financement à long
terme.
Certains diplomates occidentaux considèrent le soutien financier -
nouveau - apporté par les Arabes comme une sorte de ratification indirecte des
accords de paix avec Israël, ces accords mêmes qui sont à l'origine,
rappellons-le, de l'Autorité palestinienne créée il y a sept ans. D'autres sont
moins enthousiastes, et rappellent l'opposition indéfectible de l'Arabie
saoudite à toute concession que pourraient faire les Palestiniens (sur
Jérusalem, entre autres).
"Nous ne voyons absolument pas", a confié un
responsable américain de haut rang, "quels pourront bien être les conséquences,
sur le long terme, de cette aide arabe..."
13. La France tente d'obtenir de l'Union Européenne des sanctions
contre Israël par Ora Coren
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du
lundi 19 mars 2001
[traduit de l'anglais par
Marcel Charbonnier]
La France a écrit aux pays membres
de l'Union Européenne afin de réclamer des sanctions économiques à l'encontre
d'Israël en raison des "violations des droits de l'homme dans les territoires
occupés", ont indiqué hier des sources diplomatiques en Israël. Les
gouvernements français et belge soutiennent, parmi d'autres sanctions,
l'annulation de l'accord d'agrément entre l'Union Européenne et Israël signé en
1995, qui comporte des accords commerciaux ainsi que divers projets de
coopération.
Les deux pays cherchent également à faire exclure Israël du
sixième programme en matière de recherche et développement, prévu pour commencer
en 2003. Après d'intenses efforts de lobbying, Israël avait été inclus dans ce
programme. Des sociétés israéliennes avaient bénéficié de prêts pour un montant
global de 95 millions de dollars au cours des deux années écoulées, au titre de
ce programme de coopération.
14. Sous le
feu, à Gaza par Amira Hass
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du
lundi 19 mars 2001
[traduit de l'anglais par
Marcel Charbonnier]
La Ville de Gaza semble presque
normale mais, dans le sud de la Bande de Gaza, la vie est plus difficile que
jamais.
L. aime regarder dans la cour, en bas de son immeuble, chaque matin.
L. et A. vivent dans un appartement en étage, dans l'un de ces quartiers
d'habitation qui ont poussé comme des champignons dans la ville de Gaza, au
cours de la décennie écoulée. Ces immeubles ont été construits un peu à la
va-vite, sans beaucoup d'égards pour les finitions et même, il faut bien le
dire, avec une certaine négligence, mais ils n'en dénotent pas moins un
optimisme à toute épreuve pour le futur de la ville. Les grands appartements,
conçus pour deux types de locataires : des familles palestiniennes de taille
standard, revenant de la diaspora, mais dépourvues de capitaux ou de parenté
fortunée, et qui se sont généralement mises en quête de locations abordables ;
et aussi les enfants, devenus adultes, de familles vivant dans des camps de
réfugiés, tentant d'échapper aux conditions de vie qui y règnent, faites de
promiscuité et de lourdeur d'une sorte de chape tribale, et à cette impression
de provisoire indéfini qu'y produisent les murs en moellons et les enduits
lépreux. Ces familles-là se retrouvent rapidement sur endettées, ayant contracté
des prêts pour vivre dans les appartements de l'un ou l'autre des
immeubles-tours de la ville. Entre ces immeubles élevés, dominant le paysage
urbain, on peut encore découvrir les vieilles maisons de la ville, hautes de un
ou deux, au maximum trois, étages, avec des vérandas, souvent semi-circulaires,
soutenues par quelques piliers, un jardin autour et parfois les restes d'un
verger ou d'une oliveraie, un portail en fer passé à la peinture turquoise ou
orange, et entourées d'un muret en pierre que recouvre un jasmin ou une
bougainvillée. Il y a même quelques maisons gaziotes de ce type au pied de
l'immeuble où habitent les L. Ces maisons témoignent des racines d'un passé fait
de simplicité. Les gens avaient coutume d'échanger des vergers contre des
terrains à bâtir, mais uniquement pour construire une maison pour leur famille
ou leurs descendants, sans que l'idée de faire un placement de rapport ne leur
effleure l'esprit.
L. est née en Syrie, dans une famille de réfugiés
originaires du village de Massamia. Elle a vécu au Liban et, durant la guerre
dite "Paix en Galilée", en 1982, tandis qu'Israël bombardait le pays et
assiégeait Beyrouth, elle s'était portée volontaire pour travailler dans un
hôpital et soigner les blessés. Puis elle fit des études supérieures en Europe
de l'Est, quitta le Liban pour la Jordanie, qu'elle quitta à son tour, avec son
mari, en 1995, pour venir s'établir à Gaza. Ses pérégrinations sont semblables à
celles de bien des locataires des nouveaux quartiers, des gens qui aspiraient à
un peu de calme et de stabilité dans leur propre pays. Elle aime regarder dans
la cour, en bas, chaque matin car, tous les matins, deux personnes âgées sortent
leur chien et font le tour de la cour à petits pas. Eté comme hiver, durant
l'intifada comme avant qu'elle ne se soit déclenchée, ce couple ne faillit
jamais à ce rituel matinal, qui a fini par donner à L. un sentiment de
stabilité, l'illusion d'une normalité des choses.
L. se lève tôt. Elle est
économiste et travaille dans une ONG palestinienne. Son mari peut rester couché.
Ingénieur, il travaille dans le privé. Mais depuis le déclenchement de
l'intifada, il n'y a pas de travail pour les ingénieurs, car les travaux de
construction ont été arrêtés. Les routes conduisant aux chantiers sont bloquées,
les gens utilisent leurs économies pour leurs besoins immédiats, comme la
nourriture et les frais de santé. Désormais L. et A. doivent vivre sur un seul
revenu, mais ils s'en tirent encore mieux que la plupart des autres.
Ce qui
donne aussi une impression de normalité et de stabilité, ce sont les feux
rouges, au carrefour très fréquenté entre les rues Omer et Mukhtar, au pied de
l'immeuble. Le feu passe au vert, puis au rouge, dans un concert incessant de
klaxons insistants. A Gaza, on klaxonne beaucoup, façon de prouver que l'on est
un conducteur émérite. Les klaxons produisent une atmosphère de ville affairée,
de gens courant après le temps. Les taxis sont le seul moyen de transport dans
la bande de Gaza. Une course dans la ville vous coûtera 2 nouveaux Shekels. Les
privés ont de tout temps été en concurrence avec les taxis, ils proposent leurs
services aux passants. Dans la dernière période, les particuliers faisant le
taxi sont plus nombreux, à cause de l'intifada et du bouclage.
Les gens au
chômage pour cause d'intifada cherchent désormais à gagner ne serait-ce que
quelques shekels par jour et ils parcourent les rues, klaxonnant chaque passant,
proposant une course. Personne ne se préoccupe plus désormais de faire appliquer
la loi interdisant aux particuliers de transporter des passagers contre de
l'argent. Personne ne peut être sûr d'avoir couvert les frais d'entretien de la
voiture et d'essence, à la fin de la journée. Mais, comme le dit M. , ouvrier du
bâtiment en temps normal, la chasse aux passagers vous donne au moins
l'impression que vous faites quelque chose, que vous avez encore un certain
contrôle sur votre façon d'occuper votre temps et que vous échappez quelque part
aux événements. Gaza est encore plus encombrée que d'habitude. Ce n'est pas une
simple impression. Depuis qu'Israël a entrepris de diviser la bande de Gaza en
trois zones et d'interdire les déplacements entre les parties nord et sud
(nécessitant environ une heure), un nouveau phénomène est apparu. Des milliers
de lycéens, d'enseignants et de maîtres de conférence, d'inspecteurs, d'employés
de l'Autorité palestinienne, des personnels de services de sécurité et autres,
dont le travail est à Gaza-ville, mais qui habitent dans la partie sud de la
bande de Gaza, se sont mis à louer des appartements à Gaza, afin de ne pas
manquer un jour de classe ou d'être absents au travail à cause des barrages
routiers des Forces Israéliennes de Défense, qui peuvent retenir leurs voitures
durant plusieurs heures. A plusieurs reprises, l'annonce inopinée d'un barrage
destiné à parcelliser la bande de Gaza a laissé des milliers de personnes en
rade à Gaza. Des habitants du sud ont été contraints à moult reprises à
passer quelques nuits dans des mosquées, sur des pelouses ou dans d'autres lieux
ouverts, à Gaza, dans des cages d'escaliers ou, avec un peu de chance, chez des
parents. Si vous ne voyez pas les magasins déserts et les chantiers arrêtés, si
vous avez oublié que jusqu'à il y a six mois, par le passé, des restaurants aux
prix tout ce qu'il y a de plus abordables étaient envahis par les clients, si
vous ne prêtez pas l'oreille aux tirs des Forces Israéliennes de Défense, que
l'on entend pourtant distinctement du côté de Munthar-Karni, Beit Lahi et
Sudaniya, la vie à Gaza vous paraîtra normale. Les habitants des deux sections
aux deux extrémités de la bande de Gaza, au Sud et au Nord, sont jaloux de ceux
qui vivent à Gaza-ville, qui ont arrêté d'ores et déjà de suivre les nouvelles
des maisons bombardées à Rafiah et Khan Younis.
Des bulldozers dans la
nuit
Lorsque les résidents du sud et des faubourgs voisins des colonies
rentrent chez eux, ils sont dans la hantise de ne pas retrouver leurs
habitations intactes. C'est exactement ce qui est arrivé à la famille d'Omer
Dahir, un matin. Le 27 octobre 2000, cette famille avait passé la nuit chez un
parent qui vit au milieu d'un verger situé à l'est de Rafiah. Le lendemain
matin, ils retournèrent chez eux, une maison qu'ils avaient édifiée sur un
terrain agricole leur appartenant, à côté de dix-huit dounoms de serres où ils
cultivent tomates et poivrons. Là où était leur maison, ils ont trouvé un amas
de gravats et de tôles tordues. A la place de leurs serres, il n'y avait plus
que des films de plastique déchirés et des plantes écrasées.
Pour leur
malheur, la colonie de Morag avait été construite juste à côté de chez eux. On
raconte à Rafiah que le mukhtar (sorte de chef de famille tribale, un peu
"garde-champêtre, NdT) de la famille Dahir (il s'agit d'une famille native de
Rafiah, et non de réfugiés) avait vendu une partie des parcelles sablonneuses
constituant ses propriétés aux Israéliens, parmi lesquelles le terrain d'Omer.
C'est sur ce terrain que la colonie de Morag a été construite. Le mukhtar,
classé dans la catégorie infamante des "collaborateurs", a dû fuir : il vit
désormais en Israël.
Avec le déclenchement de l'intifada Al-Aqsa, les Forces
Israéliennes de Défense ont décidé de tracer une nouvelle route pour desservir
la colonie de Morag, en la reliant au complexe de colonies israéliennes de Gush
Katif. Des gens habitent-ils ici ? Des gens travaillent-ils cette terre depuis
des décennies ? On s'en moque. Pendant la nuit, des bulldozers sont venus et ont
détruit la maison de sept pièces et les serres. Une superficie de cent vingt
dounoms de serres ainsi que des terres cultivées par d'autres familles ont été
aussi détruites. Ainsi, en quelques jours, les revenus de centaines de personnes
étaient anéantis.
Quatre mois ont passé depuis cette destruction, et les
Dahir accusent encore le coup. Ils vivent dans le verger d'un parent, sous deux
tentes que la Croix-Rouge leur a donnée. Ils ont perdu toutes leurs terres. Tous
leurs vêtements et biens personnels sont restés sous les décombres de leur
maison. Ils n'ont que les vêtements qu'ils avaient sur eux. Les enfants ont du
mal à se souvenir des objets, précieux pour eux, perdus dans la destruction de
leur maison. Ils ont le plus grand mal à raconter comment ils ont éclaté en
sanglots en découvrant les décombres. Dans la ville de Rafiah, il y a eu débat
sur les mesures qui devraient être prises afin de s'opposer aux destructions
massives de maisons et de terrains agricoles par l'armée israélienne. Mais ceux
qui y ont participé disent que Dahir est resté interdit, durant toute la
discussion.
Même aujourd'hui, lorsqu'il essaie de parler de ce qu'il a perdu,
des années de travail anéanties, de son revenu régulier disparu, de son standard
de vie détruit en trois heures par un bulldozer, des propriétés familiales qu'il
réservait à ses enfants, il se cache le visage de son keffieh
rouge.
Insha'allah
Le secteur G, au nord-est de Rafiah, à la frontière
égyptienne, était recouvert, jadis, par les vergers de la famille Ara, de Khan
Yunis. Au cours des ans, les enfants de réfugiés y ont acheté des parcelles : le
terrain y est meilleur marché à cause de la proximité de la frontière. Des
dizaines de maisons, simplement bâties en moellons, y ont poussé comme des
champignons, ces dernières années. Bien que les réfugiés parlent de leur droit à
revenir dans leurs villages, ils ont d'autres projets, pour le futur immédiat.
Au début de cette année, les autorités municipales étaient supposées, avec la
collaboration de quelques associations de bienfaisance, connecter ce quartier au
réseau d'assainissement et de goudronner les routes. Les travaux ont été
arrêtés, non par faute de matériaux ou de travailleurs, mais à cause des
positions de surveillance des Forces israéliennes de défense - des miradors, à
quelques dizaines de mètres - réparties tout au long de la frontière. Les
soldats israéliens tirent sur les gens dès qu'ils approchent de la ligne
frontalière. Un enfant a déjà été tué pour ce motif et des dizaines
blessés.
"Qu'y puis-je, si mon jardin est à côté de la frontière ?", demande
S. Comme d'autres, il a acheté un petit terrain sur la frontière. Mais à la
différence des autres, il n'était pas pressé de construire une maison : il avait
décidé de planter des arbres. Né dans un camp de réfugiés, le sang paysan n'en
circulait pas moins dans ses veines, et il aspirait à travailler la terre. En
quelques années, un beau verger a poussé, avec une demi-douzaine de figuiers de
différentes variétés, sept espèces d'oliviers, des péchés, des papayers et des
citronniers. Maintenant, il rêve de construire une pépinière. "Dieu a béni mon
terrain", répète-t-il à l'envi. Si Dieu le veut (Insha'allah), la saison
prochaine, mes arbres porteront des fruits. Plus tard, S. nous confie qu'il
était membre du Parti communiste palestinien, qu'il a été emprisonné pour
raisons administratives, et qu'il connaît depuis l'enfance l'un des responsables
des forces de sécurité palestinienne - c'est grâce à ça qu'il a obtenu un
travail assuré, en tant qu'employé de l'administration de l'Autorité
palestinienne. Il y a quelques mois, alors qu'il était en train de planter de
l'ail le long de l'allée de son jardin, il y a eu des tirs à partir des
positions des Forces israéliennes de défense, surplombant le jardin, mais d'une
certaine distance. Des balles, ayant pénétré dans l'enceinte de son jardin, y
ont détruit un papayer, coupant des branches sur le point de déployer leurs
feuilles. Plus d'une fois, son jardin a essuyé des tirs, l'empêchant d'aller y
travailler. "Depuis leur position, ils voient très bien que personne ne leur
tire dessus depuis mon jardin", proteste-t-il. Chaque jour, S. craint qu'un
bulldozer, escorté d'un tank ou deux, ne fasse irruption à travers la haie pour
venir détruire son jardin. Tout le monde est persuadé que la politique de
l'armée est de "nettoyer" la zone proche de la frontière. Ils savent que c'est
le but véritable des tirs incessants aux limites des bourgades Brésil, As-Salam,
Salah ed-Din et Section G. Une vingtaine de maisons de la Section G ont été
gravement endommagées par des tirs. Or elles se trouvent à deux ou trois
kilomètres de distance du poste de l'armée israélienne situé à proximité de
l'implantation de Rafiah-Yam. Mais elles sont constamment la cible de tirs
israéliens. Toutes les maisons sont criblées de dizaines d'impacts de balles,
des vitres ont été brisées, des couvertures déchirées, des meubles et des
réservoirs d'eau percés. A., un pompier, peut payer le loyer d'une maison dans
le centre de Rafiah. Les tirs israéliens terrifient ses enfants, et il est
devenu difficile de vivre dans leur maison criblée de balles, qui n'est pas
totalement achevée, mais dans laquelle ils ont décidé d'emménager il y a
quelques mois. Certains de ses voisins veulent eux aussi louer des appartements
à Rafiah, mais la plupart ne peuvent se le permettre financièrement. Ils ont
dépensé toutes leurs économies pour acheter une maison en dur supposée leur
offrir, à eux et à leurs enfants, un environnement sûr et stable.
Un voisin a
condamné toutes ses fenêtres avec du ciment, afin d'empêcher les balles de
pénétrer par les ouvertures. Il sait que le ciment ne peut rien contre les obus
d'artillerie. Un autre voisin dort, avec toute la famille, dans une seule pièce,
situé à l'angle opposé au poste militaire israélien. Un autre voisin a construit
une chambre à coucher fortifiée pour sa famille. D'autres familles sont revenues
chez leurs parents, dans le camp de réfugiés, afin de se mettre à l'abri des
tirs. Certaines balles ont trouvé leur chemin jusqu'au camp, d'ailleurs, et ont
atteint les murs de certaines chambres d'enfants.
"Sous le feu des positions
des Forces israéliennes de défense, nos vies et celles de nos enfants ne sont
plus en sécurité", conclut K., une enseignante. Son frère Ahmad, cinq ans, a
déjà la malice de tirer prétexte de cette triste réalité pour ne pas aller
acheter le pain à l'épicerie du coin. "Ca tire, dehors", dit-il à sa mère. "Tu
ne voudrais quand même pas que j'aille me faire tuer ?".
15.
Un million de Palestiniens vivent désormais sous le seuil de pauvreté
par Mouna Naïm
in
Le Monde du dimanche 18 mars 2001
ISRAËL a annoncé,
vendredi 16 mars, une nouvelle série d'allégements du bouclage des territoires
palestiniens. Le ministère de la défense a précisé que cinq cents hommes
d'affaires palestiniens des territoires seront autorisés à entrer en Israël. Le
passage Allenby sur le Jourdain, entre la Cisjordanie et la Jordanie, et celui
de Rafah, entre la bande de Gaza et l'Egypte, seront rouverts pendant la journée
pour le trafic des marchandises.
Les Palestiniens de
la bande de Gaza pourront se rendre en Egypte pour les cas humanitaires. Les
passages de Soufa et Karni, entre la bande de Gaza et Israël, seront rouverts
pour le trafic des marchandises et des matières premières. Les Palestiniens sont
par ailleurs autorisés à transférer des turbines nécessaires à la construction
d'une centrale électrique à Gaza.
Jeudi, l'armée avait
permis l'entrée et la sortie de marchandises et de matières premières dans les
villes de Cisjordanie dont elle avait dressé le blocus. Mais tout cela, c'est de
la poudre aux yeux à cinq jours de la visite du premier ministre israélien,
Ariel Sharon à Washington, a commenté le ministre palestinien de l'information,
Yasser Abed Rabbo.
Depuis le début de
l'Intifada, fin septembre 2000, les territoires palestiniens sont de fait soumis
à plusieurs formes simultanées de bouclage, aux conséquences économiques et
sociales dévastatrices. Dans son dernier état des lieux, Terje Rœd Larsen, le
coordinateur spécial de l'ONU pour le processus de paix, tirait la sonnette
d'alarme à ce sujet. Le rapport portait sur une période de quatre mois (1er
octobre 2000 au 31 janvier 2001). Depuis, les bouclages et restrictions avaient
été parfois corsés.
TRIPLE
BOUCLAGE
La première forme de
bouclage consiste à interdire aux habitants de la Cisjordanie et de Gaza, y
compris à l'écrasante majorité de ceux qui sont employés en Israël – et dont le
nombre s'élevait à 130 000 durant les neuf premiers mois de 2000 – de sortir de
ces deux territoires.
Le deuxième bouclage
est interne : les routes principales à l'intérieur d'un même territoire, qu'il
s'agisse de la Cisjordanie ou de Gaza, sont interdites aux Palestiniens et
réservées à Tsahal et aux colons.
Dans sa forme la plus sévère, ce
bouclage interdit également aux Palestiniens l'accès à de nombreuses routes
secondaires, et les force à emprunter, non sans prendre de sérieux risques, des
chemins de traverse.
Ce saucissonnage a
dramatiquement allongé la durée et augmenté le coût des transports. Deux
exemples : à Gaza, la durée moyenne du trajet entre Khan Younis et la ville de
Gaza est passée de 30 minutes à 130 minutes et le prix de la course en taxi de
3,5 shekels à 7,4 shekels. En Cisjordanie, entre Naplouse et Ramallah, la durée
du trajet est passée de 45 minutes à 96 minutes et le coût a bondi de 9 shekels
à 18,75 shekels.
Troisième forme de
bouclage : la fermeture des frontières internationales. D'après le rapport de
l'ONU, les points de passage vers la Jordanie (sur le pont Allenby) et l'Egypte
(par le poste frontière de Rafah), ainsi que l'aéroport de Gaza ont été fermés à
la circulation des personnes et des marchandises " durant la plus grande partie
de la période incriminée ".
Les conséquences
économiques de ce triple bouclage, notent les Nations unies, ont été
désastreuses pour tous les secteurs d'activité, qu'il s'agisse de l'agriculture,
de l'industrie, du commerce, de la construction, des transports ou des services.
En moyenne, les pertes directes de l'économie pour la même période sont estimées
à 1,15 milliard de dollars, ce qui correspond à 20 % du produit intérieur brut
projeté pour l'année 2000 (s'il n'y avait pas eu de bouclages). Les pertes sont
d'environ 11 millions de dollars par jour ouvrable.
AIDE
HUMANITAIRE
Au plan social, le
taux de chômage, qui était passé de 23 % en 1996 à 11 % dans les neuf premiers
mois de 2000, a brutalement augmenté pour atteindre 30 % de la main-d'œuvre.
Quelque 82 000 personnes, selon le ministère palestinien du travail, ont perdu
leur emploi à cause des restrictions imposées à la circulation à l'intérieur des
territoires palestiniens, auxquelles il faut ajouter les 70 000 chômeurs d'avant
la crise et la perte d'environ 100 000 emplois en Israël.
Cette armée de 252
000 demandeurs d'emploi représente 38 % de la main-d'œuvre active. Les revenus
d'un travailleur palestinien lui permettant généralement de subvenir aux besoins
de cinq personnes, la crise aura directement affecté négativement près de 30 %
de la population. Avec les chômeurs – et les personnes qui en dépendent –
antérieurs à la crise, ce sont 40,8 % de la population qui se trouve dans une
situation précaire.
Le taux de pauvreté
aurait augmenté en l'espace de trois mois de 50 %, ce qui laisse à penser que
près d'un million de personnes vivent à présent sous le seuil de pauvreté.
L'ampleur de l'aide humanitaire distribuée est indicative de la sévérité de la
crise alors même qu'elle ne satisfait pas les besoins croissants. Du 1er octobre
2000 au 31 janvier 2001, plus de 32 % de la population palestinienne des
territoires aurait reçu une aide d'urgence d'organisations nationales ou
internationales. Une telle distribution d'aide d'urgence est sans
précédent.
Le coût des soins aux
plus de 11 000 blessés et handicapés, ainsi que les dégâts infligés aux
bâtiments publics et privés se chiffrent à plusieurs centaines de millions de
dollars.
16.
L'épizootie de fièvre aphteuse progresse au
Proche-Orient
Dépêche de l'Agence France Presse du dimanche 18 mars
2001, 19h10
AMMAN - La fièvre aphteuse avait encore progressé dimanche
au Proche-Orient, où Amman a interdit l'importation de bétail des territoires
palestiniens, après l'annonce de la découverte de 13 cas en Cisjordanie.
Le
responsable de l'administration du bétail au ministère, cité par la presse
locale de dimanche, a précisé que la Jordanie avait " interdit l'acheminement de
bovins et de produits dérivés des régions palestiniennes pour éviter la
propagation de la maladie dans le royaume".
Il a ajouté que le ministère
jordanien de l'Agriculture avait lancé des campagnes de vaccination préventive
qui s'étendent aux fermes du pays.
M. Abou Ragheb avait affirmé mercredi à
l'AFP qu'"il n'y avait aucun foyer de fièvre aphteuse" dans le royaume.
La
Jordanie a déjà interdit en novembre l'importation de viande de boeuf et de ses
dérivés en provenance d'Europe en raison de la maladie de la vache folle.
Le
ministre palestinien de l'Agriculture Hikmat Zeid avait affirmé vendredi à l'AFP
que 13 cas de fièvre aphteuse avaient été découverts en Cisjordanie.
Mais son
homologue israélien Shalom Simhon a mis en doute dimanche la véracité de ces
informations.
"Faute d'avoir obtenu des échantillons permettant de procéder à
des tests, nous ne savons pas si les informations sur des cas de fièvre aphteuse
dans les territoires palestiniens sont vraies", a affirmé M. Simhon à la radio
militaire.
Interrogé sur la possibilité que les Palestiniens aient évoqué
cette épizootie "pour dénoncer le bouclage et marquer des points contre Israël
sur le front international", M. Simhon a répondu: "Il est possible qu'ils
tentent d'utiliser la fièvre aphteuse à des fins politiques".
"Nous espérons
obtenir dimanche des échantillons provenant d'animaux touchés et nous allons
fournir dans la journée 150.000 doses de vaccin", a-t-il ajouté.
Les
monarchies du Golfe (Arabie saoudite, Koweit, Emirats arabes unis, Qatar,
Bahrein et Oman), pays importateurs de bétail, de viande et de produits dérivés,
ont interdit l'importation de bétail, notamment de Grande-Bretagne, pour
prévenir le risque de contamination.
Un quotidien émirati a vivement dénoncé
le laxisme des autorités, estimant que les mesures prises étaient inadéquates
avec la propagation de la maladie.
Selon le quotidien Gulf News, plus de 150
bovins et caprins touchés par l'épizootie ont été abattus dans trois fermes dans
l'émirat d'Abou Dhabi.
"Malgré les affirmations des responsables du ministère
de l'Agriculture que tout a été fait pour contenir la maladie, les fermes
(contaminées) n'ont pas été mises en quarantaine et rien n'a été fait pour
maintenir la population à l'écart", écrit le quotidien.
Le ministre émirati
de l'Agriculture Saïd Mohammad Raqabani avait affirmé mercredi après la
découverte des premiers cas que "la situation n'inspirait aucune
inquiétude".
Aucun cas n'a été détecté dans l'émirat de Dubaï où un programme
de vaccination est en cours.
En Arabie saoudite, 10 nouveaux cas de fièvre
aphteuse ont été annoncés dimanche dans les régions de Ryad, Médine et dans
l'est de l'Arabie saoudite, a annoncé dimanche le ministre de l'Agriculture et
de l'Irrigation Abdallah ben Abdel Aziz ben Mouammar, ce qui porte à 12 le
nombre de cas dans le royaume.
Il avait annoncé mercredi la mise en place
d'une commission pour empêcher la propagation de la maladie.
Par ailleurs, en
Iran, où plusieurs foyers de fièvre aphteuse ont été identifiés récemment, les
autorités vont distribuer gratuitement quelque 2,5 millions de doses de vaccins,
a annoncé vendredi la télévision.
17. Un
avion belge va-t-il atterrir à Gaza ? par Baudoin Loos
in Le Soir (quotidien belge) du samedi 17 mars
2001
Tout est prêt en
Belgique pour faire de l'opération « Un avion pour Gaza » une réussite (voir «
Le Soir » du 30 novembre) : les deux ambulances et les 25 tonnes de matériel
scolaire, agricole et médical seront bientôt chargés dans l'avion qui,
d'Ostende, dimanche en huit, doit partir pour Gaza. Les quelque dix-huit ONG
belges - dont l'Association belgo-palestinienne (ABP), le CNCD, Oxfam-Solidarité
et Vie féminine - ont tenu une conférence de presse vendredi pour commenter la
nouvelle.
Selon Pierre Galand,
président de l'ABP, il s'agit d'une opération qui se déroulera dans un cadre
strictement humanitaire. Avec d'autres responsables de la société civile belge,
Galand a eu l'occasion d'aller vérifier sur place auprès du ministère
palestinien de la Santé, du Croissant-Rouge et des ONG locales, les énormes
besoins ressentis par la population palestinienne depuis l'éclatement de
l'intifada (fin septembre dernier).
« Un avion pour Gaza
» a su mobiliser le soutien du gouvernement belge, qui a alloué un budget
d'urgence de 26,5 millions de FB. Une grosse délégation belge ira accueillir
l'avion à Gaza et sera notamment composée d'une dizaine de parlementaires
représentant tous les partis démocratiques.
Mais tout le projet
se trouve sous une épée de Damoclès, celle de l'autorisation des autorités
d'occupation israéliennes, qui ont pour le moment fermé l'aéroport «
international » de Gaza. Des contacts ont été pris avec le gouvernement
israélien par l'ambassadeur belge à Tel-Aviv, qui a reçu une réponse provisoire
positive, sauf en cas d'actes terroristes (quasi quotidiens). Ce serait la
première fois qu'un avion atterrirait à Gaza depuis l'avènement d'Ariel Sharon
en Israël.
18.
Nous n'avons rien vu, nous ne savions pas par Tanya
Reinhart
in Yediot Aharonot (quotidien israélien) du mercredi 14 mars
2001
[traduit de l'anglais par Giorgio
Basile]
Le peuple palestinien se réfère à de nombreux
symboles, l'un d'entre eux est l'université de Bir Zeit, près de Ramallah - le
centre intellectuel laïque de la société.
Pendant des années, Bir Zeit a
également symbolisé l'esprit de coexistence entre les deux peuples. Même aux
moments les plus sombres de l'occupation (quand l'université pouvait être fermée
immédiatement sur simple ordre militaire), ils ont appelé à une solution fondée
sur la reconnaissance mutuelle des droits des deux peuples. Alors que leurs
positions étaient loin d'être populaires au sein de leur communauté, et que
certains les accusaient même de collaboration, ils souhaitaient coopérer avec
les forces de paix en Israël opposées à l'occupation. Dans les années 80, mon
éducation politique s'est forgée, comme pour beaucoup d'autres, dans la voie du
combat civil et démocratique tracée par les conférenciers de Bir Zeit, jeunes et
idéalistes.
Il ne fait aucun doute que Bir Zeit a joué un rôle important dans
le triomphe de l'esprit de compromis et de réconciliation au sein de la société
palestinienne à la veille d'Oslo, lorsque le peuple palestinien nous tendit les
mains en signe de paix, avec espoir et confiance.
La semaine dernière, Bir
Zeit, à son tour, s'est retrouvée dans les griffes de l'administration
militaire. Des bulldozers ont démoli la seule route qui relie Ramallah à Bir
Zeit et à quelque trente autres villages. Depuis lors, plus personne n'entre ni
ne sort - aucune ambulance, aucun camion de livraison, aucun des étudiants ou
conférenciers qui habitent à Ramallah. Le ghetto de Bir Zeit a rejoint les
ghettos de Gaza, les camps de prisonniers de Jéricho, Jénine et Tubas, qui sont
encerclés de fossés et de bien d'autres obstacles. Cette semaine, les quartiers
sud et ouest de Ramallah ont également été isolés, et le ghetto de Ramallah est
passé d'un «encerclement lâche» à un «encerclement étouffant».
Dans la
nouvelle langue militaire, les ghettos sont qualifiés d'«entités territoriales».
Les quotidiens parus ce dernier week-end ont dévoilé les plans à court terme des
forces israéliennes de défense (IDF). Depuis Oslo, «les IDF considéraient les
Territoires occupés comme une entité territoriale unique», et cela imposait aux
IDF certaines contraintes, et autorisait un certain degré de liberté pour
l'Autorité Palestinienne et la population palestinienne. Le nouveau plan revient
au concept d'administration militaire qui a prévalu au cours des années qui ont
précédé Oslo: les Territoires occupés seront divisés en 64 entités territoriales
isolées, chacune d'elle étant confiée à une puissance militaire spéciale, «et il
sera laissé à la libre discrétion des commandants locaux» de décider quand et
sur qui tirer. Les IDF ont déjà procédé au découpage de Gaza en entités
territoriales, «mais jusqu'à présent, il y avait simplement isolation, et non
traitement au sein de chaque entité» (Alex Fishman, Yediot Aharonot, 9 mars
2001).
Maintenant que la retenue imposée par la période électorale a pris
fin, les IDF et le système politique sont prêts pour la phase de «traitement».
Et nous parlons d'un «traitement» complet, qui inclut non seulement les
privations, les emprisonnements et le «pouvoir discrétionnaire local» en matière
de tirs, mais aussi l'élimination personnelle planifiée des leaders palestiniens
et la destruction de l'infrastructure sociale.
Nous, qui avons grandi dans la
mémoire de l'holocauste, l'avons érigé pour nous-mêmes en référence unique du
Mal. Bien sûr, aucun crime ne pourra égaler et se comparer à l'élimination
systématique et planifiée de six millions de personnes. Mais il semble que ce
que nous avons intériorisé de ce souvenir, c'est que tout mal qui se trouve en
deça de cette référence reste dans les limites de l'«acceptable».
Les cinq
derniers mois ont constitué un processus lent, mais systématique et planifié,
d'élimination des Palestiniens dans les Territoires occupés. Cela ne se retrouve
certes pas dans les statistiques du nombre de morts. Israël ne pouvait se
permettre des milliers de morts. Donc, des soldats, soigneusement entraînés à
cette fin, ont mené une chasse à l'homme - visant les yeux ou les genoux, afin
de blesser mais non de tuer, établissant un quota journalier qui ne fait aucune
distinction entre manifestants et simples passants.
On dénombre à ce jour au
moins 12.000 blessés, nombre d'entre eux sont aveugles, estropiés et mutilés.
Leur destin sera de mourir à petit feu, loin des caméras. Pour certains, ce sera
parce qu'aucun hôpital ne peut les prendre en charge, pour d'autres parce que,
handicapés, il leur sera impossible de survivre en raison des privations et de
la destruction des infrastructures infligées à leur peuple. Mais nous nous en
lavons les mains - ceux qui meurent des suites de leur handicap n'entrent pas
dans les statistiques du Mal.
Les Palestiniens ne sont pas six millions dans
les Territoires occupés, et l'idéologie du mal n'est pas la même non plus.
L'idéologie nazie, bornée et absolue, ne se rencontre que dans les centres
messianiques des colons peuplant les Territoires. L'armée et le gouvernement se
contentent de protéger le cadre de vie des colons. Et tous les autres sont
seulement déroutés par les Palestiniens, qui ne parviennent pas à saisir à quel
point notre désir de paix est immense.
Mais en Allemagne aussi, la majorité
des Allemands n'étaient pas des nazis. La majorité avait seulement choisi de ne
pas savoir.
19.
Shimon Pérès : "rétablir un dialogue crédible avec les
Palestiniens" propos recueillis par
Pierre Prier
in Le
Figaro du samedi 10 mars 2001
L'homme des accords d'Oslo allié au
général le plus controversé de l'histoire d'Israël : ainsi se résume l'entrée de
Shimon Pérès, en tant que ministre des Affaires étrangères et vice-premier
ministre, dans le gouvernement israélien. Pour «Le Figaro», il précise la tâche
et les limites qu'il se fixe pour les mois à venir.
- LE FIGARO -
Pourquoi vous, l'homme de la paix, avez-vous accepté de participer à un
gouvernement qui parle d'employer la force ?
- Shimon PÉRÈS - J'ai
pensé que la situation était devenue extrêmement menaçante pour nous, aussi bien
que pour les Palestiniens. Il faut créer une nouvelle occasion de recommencer le
processus de paix. La situation n'est pas simple du tout. Bizarrement, la
dimension psychologique est devenue la plus importante. Aujourd'hui, il y a deux
peuples qui sont en colère l'un contre l'autre, au point que nous avons presque
perdu la capacité de nous parler. Si on continue comme cela, on ne pourra pas
aller de l'avant.
- Mais
pourquoi cela serait-il possible avec Ariel Sharon, là où Ehud Barak a échoué ?
- L'époque a changé, et les responsabilités de M. Sharon aussi. Je
ne pense pas que M. Sharon laissera à la fin de son mandat un pays plein de
terreur et de violence. Les priorités sont complètement différentes pour lui et
pour nous. Je pense que c'est la raison pour laquelle il a voulu un gouvernement
équilibré. Nous allons vraiment essayer ensemble de trouver une réponse, pas
seulement militaire, mais aussi politique. Nous sommes très sérieux. Et c'est
parce que je pense qu'il y a une bonne chance de travailler ensemble que je suis
entré au gouvernement.
- Mais
comment pouvez-vous accepter de vous retrouver aux côtés d'extrémistes comme
Rehavam Zeevi, partisan de l'expulsion des Palestiniens, ou Avigdor Lieberman,
qui parle de bombarder Téhéran et le barrage égyptien d'Assouan ?
-
Je pense que ce sont eux qui prennent un risque en participant au gouvernement,
pas moi. Ils ne sont pas majoritaires...
- Quelle sera
votre marge de manœuvre ? Vous avez dit que vous possédiez un «droit de veto»,
qui consisterait à démissionner. Dans quel cas ?
Si on abandonne
les négociations de paix. Si on essaye de récupérer les zones A, contrôlées par
l'Autorité palestinienne. Si on implante de nouvelles colonies...
- Qu'est-ce
qui vous fait espérer que les Palestiniens acceptent des propositions beaucoup
plus réduites que celles qu'ils ont refusées à Camp David ?
- A mon
avis, les Palestiniens ont fait une erreur en refusant les propositions de Camp
David. Cela arrive... Ces propositions étaient généreuses, c'était une tentative
très sérieuse de mettre fin au conflit. Et je pense que, parmi les Palestiniens,
nombreux sont ceux qui critiquent le rejet de ces propositions.
- Vous
connaissez bien Yasser Arafat. A votre avis, quelle est la raison de son refus ?
- Il y avait deux raisons. D'abord, il pensait qu'il pouvait
obtenir plus en continuant les négociations. Il n'a pas compris quelles étaient
les limites qu'Israël ne voulait pas franchir. Mais il y a aussi une erreur du
côté israélien: d'avoir inclus dans ces négociations, qui devaient mener à la
fin du conflit, la question de Jérusalem et celle du droit au retour des
réfugiés. Ce fut la plus grande erreur. Cela revenait presque à forcer la main à
Arafat sur ces deux questions. Arafat ne pouvait pas dire aux réfugiés : «Je
vous ai oubliés.» En politique, il y a une date pour chaque question, mais un
temps pour chaque solution. Mais Yasser Arafat a tout de même commis une erreur
en rejetant les propositions de Clinton et de Barak.
- Certains
l'accusent de ne pas savoir faire la paix, de vouloir rester dans l'histoire
comme un chef de guerre...
- Non, je ne crois pas. Il s'est
simplement trompé. La vraie liberté politique, c'est de faire des erreurs. On ne
change pas leur caractère en rajoutant des explications brillantes.
- Yasser
Arafat est-il toujours un partenaire pour la paix ?
- Oui. Il reste
le seul partenaire, même s'il s'est trompé.
- Les
Palestiniens réclament que l'on reparte du point où l'on s'était arrêté,
c'est-à-dire les conversations de Taba, en janvier. Les membres du gouvernement
d'Ehud Barak affirment que l'on était alors très près d'un accord.
- On ne peut pas recommencer à partir de points qui n'existent
plus. Négocier sur des négociations, ce n'est pas sérieux. Il est inutile de
discuter sans cesse sur le nom que l'on donne aux négociations. Il faut
recommencer le processus de paix. Chacun pourra dire ce qu'il veut... A mon
avis, il faut commencer les négociations sans aucune condition préalable autre
que la volonté palestinienne de faire cesser la violence. Nul besoin de donner
un titre à ces négociations. Chaque côté pourra les appeler comme il veut.
- Les
négociations de Camp David, et de Taba en janvier, menées par un gouvernement
issu de votre parti, sont donc nulles et non avenues ?
- Avec ses
propositions extraordinaires aux Palestiniens, Barak avait perdu sa majorité.
Avec sa politique dans les Territoires palestiniens, il a perdu les Arabes. Il
était très dur dans les Territoires, et très généreux dans ses propositions. Il
a payé pour les deux.
- La réponse
militaire a été trop dure ?
- Je ne sais pas. Peut-être
qu'objectivement nous n'avions pas le choix. Peut-être qu'aux yeux des
Palestiniens elle a été exagérée.
- Y a-t-il
une solution militaire à ce conflit ?
Non. Il faut agir dans quatre
domaines en même temps : le domaine psychologique, le domaine économique, la fin
de la violence et la reprise des négociations. Tous les quatre. La première
chose à faire, c'est de rétablir un dialogue crédible. On peut le faire en
allégeant le sort très dur des Palestiniens du point de vue économique. En leur
permettant de retrouver du travail, des revenus, la liberté de mouvement. Pour
cela, il est clair qu'il faut une réduction de la violence. Mais je ne pense pas
que nous devons marchander autour de ces conditions. Elles doivent faire partie
d'un dialogue global.
- La fin des
violences, qu'est-ce que cela veut dire ? Attendrez-vous que plus aucun
adolescent ne jette des pierres pour recommencer à discuter ?
-
Nous n'accusons pas l'Autorité palestinienne d'être responsable de chaque jet de
pierre. Ce que nous lui demandons, c'est qu'elle montre qu'elle fait le maximum
pour arrêter la terreur. Nous la jugerons d'après sa politique, et pas seulement
par ses résultats. Nous demandons 100% d'efforts pour arrêter la violence, même
s'il n'y a pas 100% de résultats.
- Le premier
ministre laisse entendre que l'Autorité doit «réarrêter» tous les islamistes
qu'elle a libérés...
- Si l'Autorité mène une politique contre la
terreur, nous pourrons discuter.
- Quelle
serait pour vous la preuve tangible de cette politique antiterroriste ?
- Qu'elle accepte le principe de lutter contre la terreur, et
qu'elle l'annonce.
- Vous
pourriez donc recommencer à discuter avant que le dernier terroriste ne soit
revenu en prison ?
- Oui.
- Le
processus d'Oslo est-il toujours vivant ?
- Oui, oui. A 100%. Il
est vivant comme réalité, et aussi dans l'accord de gouvernement entre le Parti
travailliste et le Likoud.
- Comment
expliquez-vous que, depuis les accords d'Oslo, que vous avez signés, le nombre
de colons en territoire palestinien ait doublé ?
- Le gouvernement
de Netanyahu avait autorisé la construction de 25 000 bâtiments. On ne pouvait
pas, légalement, en annuler plus de 12 000. C'est la véritable explication.
- Quelle est
votre position sur les colonies ?
- Notre condition, pour entrer au
gouvernement, était d'arrêter complètement l'implantation de nouvelles colonies.
Ariel Sharon lui-même l'a annoncé dans son discours d'investiture à la Knesset.
- Mais il
reste la possibilité d'agrandir celles qui existent déjà...
- C'est
compliqué. Les implantations sont vivantes. Des enfants naissent... Mais il faut
faire attention que ce développement naturel ne soit pas utilisé comme une
excuse pour établir de nouvelles colonies.
- Mais des
hommes politiques de gauche disent que c'est le principe même de la colonisation
des territoires conquis en 1967 qui a créé la situation actuelle. Qu'en
pensez-vous ?
- L'époque était différente. Les considérations
stratégiques venaient en premier. Nous n'avions pas le choix. Les colonies
jouaient un rôle dans la défense d'Israël. Mais, au moment où nous avons
commencé le processus de paix, en 1993, il fallait arrêter complètement.
- Les mêmes
affirment qu'aucune paix ne sera possible si Israël n'abandonne pas toutes ses
colonies.
- Aucun calendrier ne peut être lu à l'envers. On ne peut
pas changer le passé. Malheureusement. Quand vous avez un bébé, l'important
n'est pas que le bébé soit le résultat de l'amour ou d'un accident. Le bébé est
là.
- Beaucoup de
commentateurs n'accordent pas une durée de vie très longue à ce gouvernement,
que l'on dit trop large pour survivre. Quel est votre propre pronostic ?
- Les gouvernements sont toujours trop petits pour résoudre les
grands problèmes, et trop grands pour gérer les petits. La composition du
gouvernement est moins importante que sa politique, que ce qu'il va faire.
- Votre
entrée dans le gouvernement d'Ariel Sharon a divisé le Parti travailliste.
Certains disent qu'il a perdu son âme et qu'il est au bord de l'éclatement.
- Il y a un seul Parti travailliste, il n'y en a pas deux. On n'a
pas de députés sans électeurs, mais on ne peut rester uniquement le représentant
de ses électeurs. On doit représenter une mission, un futur. Donc il ne peut y
avoir deux partis travaillistes. Il faut avoir une seule vision. Je pense que
les opposants travaillistes au gouvernement d'union nationale ont commis une
erreur. Les partis ne créent pas les réalités. Ils doivent s'y adapter. Et on ne
peut pas construire un parti en dehors des réalités. Des gens dans le parti
disent : «Il faut d'abord nous réorganiser, et il faut que le reste du monde
attende que nous soyons prêts. Ne répondons pas à l'urgence.» Mais personne ne
les attendra. Ni les balles ni les occasions de faire la paix.
- Les
Etats-Unis sont-ils le seul partenaire d'Israël ?
- L'Europe peut
jouer un rôle majeur dans la reconstruction du Proche-Orient. C'est aussi
important que les négociations. Et l'Europe peut être non l'arbitre - nous
n'avons pas besoin d'un arbitre -, mais le reconstructeur. C'est son intérêt.
J'ai déjà dit, sur le mode ironique, que c'était à elle de décider si le
Proche-Orient deviendrait une extension de l'Europe, ou si l'Europe deviendrait
une extension du Proche-Orient, avec sa terreur et ses dangers.
- Vous croyez
toujours, en ces temps de blocage, à votre vision du «nouveau Proche-Orient» ?
- A 100%. Mais je dirais plutôt que je crois à un nouvel âge du
Proche-Orient. Le Proche-Orient ne peut pas empêcher la marche de l'histoire. Il
ne peut pas la refuser. Je ne crois pas que les peuples sont comme des
conserves. Il n'y a pas de peuples congelés, que ce soient les Arabes ou les
Juifs. Tout est dynamique et changeant, grâce aux jeunes. Ceux qui se disent
«experts des Arabes» ne sont que des experts du passé des Arabes. Il n'y a pas
d'expert de l'avenir des peuples
arabes.