Message de Sharon au peuple palestinien
par Hanan
Ashrawi (12 mars 2001)
A tous les présents, hommes, femmes et
enfants, dans les territoires palestiniens, faisons savoir que :
VOUS êtes ma
cible ; vous allez en baver ; et vous allez payer pour votre péché originel :
être palestiniens et être ici.
Nous avons décrété que toutes les villes,
toutes les bourgades, tous les villages et tous les camps sont des prisons. Au
lieu d'arrêter tous les individus et d'avoir à construire toujours plus de
centres de détention et d'avoir, par-dessus le marché, à régler la note de votre
détention, je me contenterai désormais d'ordonner à l'armée de creuser des
tranchées et d'ériger des barricades autours de vos agglomérations, rendant
ainsi votre isolation totale, d'un seul mouvement. Où que vous soyez, vous êtes
en état d'arrestation, à vos frais, et chez vous.
Les écoliers ne peuvent pas
aller à l'école et les lycéens doivent rester chez eux. Certains d'entre vous
pourraient tenter d'escalader les remblais de terre ou de contourner les
tranchées. Bonne chance ! Après des heures de galère, vous pourriez bien vous
retrouver nez à nez avec un tank (ou plusieurs), vous attendant au tournant.
Défiez le siège qui vous est imposé à vos risques et péril, et si vous crevez,
ne venez pas me chercher. Je vous ai repérés : vous êtes coupables, ayant commis
l'acte subversif de chercher à vous former. La même chose vaut pour vos
enseignants et les directeurs de vos écoles, qui ont commis le crime non moins
inexpiable d'avoir tenté de vous délivrer un enseignement. De plus, je ne peux
imposer la fermeture de toutes vos institutions éducatives avec un ordre
militaire : cela ternirait ma nouvelle image, très habilement retouchée, en
Occident (et mon tout nouvel allié, Shimon, n'aimerait peut-être pas ça). Ainsi,
vos institutions s'écrouleront d'elles-mêmes et l'ignorance régnera en maître.
Interdiction est faite à partir de ce jour à tous patient nécessitant des soins
(y compris les cancéreux, les déficients rénaux et les cardiaques) de se rendre
dans les hôpitaux et les cliniques. Vous devrez souffrir en silence et vous
devrez mourir en silence, car vous êtes coupables d'oser réclamer le traitement
humain réservé aux vraies personnes - et non aux terroristes génétiques infra
humains que vous êtes. Toute femme enceinte devra, à partir de ce jour,
accoucher chez elle, ou dans une ambulance bloquée à un point de contrôle,
(précision : pour celles qui oseraient défier l'état de siège). Dans le cas où
vous auriez à souffrir de complications entraînant la mort de votre nouveau-né
(ou la vôtre propre), vous auriez à en supporter l'entière responsabilité. En
effet, vous êtes coupable du crime suprême de tentative de mettre au monde
encore plus de terroristes palestiniens. Toute mère doit savoir qu'aucun vaccin
ne pourra parvenir à ses enfants, car ils n'ont aucun titre à une quelconque
protection contre les maladies infantiles. En effet, ils ne peuvent, en
grandissant, que représenter une menace pour notre sécurité. Interdiction est
faite à tout boutiquier, commerçant, industriel, entrepreneur, homme d'affaires
(et femmes d'affaires, nous ne sommes pas sexistes) de se livrer à une forme
quelconque d'activité lucrative. De toute manière, étant donné que vous ne
pouvez aller nulle part, autant rester chez vous et regarder vos familles mourir
de faim, même si vos entrepôts sont pleins à craquer de biens que vous ne pouvez
pas commercialiser. Vous aussi, vous êtes coupables de tentative de mener une
vie normale en totale contravention de la légitimité de l'occupation.
Ceci
s'applique, a fortiori, aux fermiers, aux paysans, à toutes les personnes
travaillant dans le secteur agricole. Cela ne vous suffit donc pas, que nous
ayons confisqué la plus grande partie de vos terres pour y construire des
colonies pour ces valeureux colons qui ont dû subir tant de persécutions à New
York, Londres, Moscou et autres lieux hostiles pour venir chez nous, dans le
Pays où coulent le Lait et le Miel ? Vous n'aviez rien à faire là, à labourer la
terre et à nourrir vos enfants. Maintenant, nous devons confisquer encore plus
de terres pour ces colons, afin de construire des routes de contournement (je
m'explique : pour contourner votre réalité obscène) et pour les relier
directement à Israël, sans que leur yeux ne soient offusqués du spectacle
insoutenable de votre simple existence. Vous appelez : apartheid ? Nous, nous
appelons ça : sécurité imposée par le fusil.
Si nos braves colons ont tiré
contre vous, déraciné vos arbres, détruit vos cultures et terrifié vos enfants,
c'est là bien le moins qu'ils aient pu faire, lorsqu'on connaît les difficultés
qu'ils ont dû supporter lorsqu'ils eurent à accaparer de nouvelles terres. Quant
à nous, nous sommes, bien entendu, plus qu'heureux de leur assurer la pleine
protection et le plein réconfort de notre armée lorsqu'ils sèment la dévastation
parmi vous, et nous allons bien entendu enfreindre nos propres lois afin de
prouver leur innocence quelles que fussent leurs victimes, tuées, estropiées ou
injuriées, chez les vôtres. Quand donc apprendrez-vous une bonne fois pour toute
que vous êtes quantité négligeable ? Eux, ils comptent, et nous allons tout
faire pour bien prouver que dans cette équation, le zéro, c'est vous.
Je
vais être extrêmement direct. Je vous accuse de nous obliger à vous assiéger,
vous tuer, bombarder vos maisons, assassiner vos activistes et vos dirigeants,
et à devoir nous charger d'autres corvées dégoûtantes du même acabit (même si je
dois reconnaître avoir acquis une longue et riche expérience en matière
d'invasion de territoires arabes, d'assassinats de civils et de prisonniers de
guerre, et de massacres en gros de Palestiniens, rendus nécessaires par la
destruction de villages entiers : on ne fait pas d'omelette sans casser les
oeufs). Vous êtes carrément exaspérants. Nous vous avons fait une offre
extrêmement généreuse ; eûsssiez-vous donné votre consentement, nous n'aurions
annexé que des parties de votre territoire (y compris nos complexes de
colonies), étendu nos colonies en fonction des besoins (et de notre bon désir),
annexé Jérusalem et décrété que nous la maintiendrions sous notre seule
souveraineté (tout en faisant tout notre possible pour la débarrasser de tout
Palestinien), dénié aux réfugiés palestiniens tout droit au retour. Eh bien,
non, vous avez persisté, ingrats que vous êtes, dans votre refus borné. Vous
invoquez le droit international et la légitimité ? N'importe quoi ! Seules nos
lois prévalent, et nous vous déclarons dans l'illégalité
Malgré tous nos efforts de persuasion
(ou nos véhicules armés, nos tanks, nos tireurs d'élite, nos points de contrôle
militaires, tous autant de moyens ô combien subtils de persuasion), vous avez
continué à dénier nos droits sur vos terres et sur vos droits. Il faut bien nous
servir, prendre ce qui est à vous - sinon, l'occupation, c'est pour les chiens ?
Quel autre usage pourrait-on bien faire du pouvoir, si ce n'est le déchaîner
contre plus faible que soi ?
C'est pourquoi vous êtes coupables et vous
méritez la plus sévère des peines (nous n'avons peut-être pas la peine de mort
dans notre arsenal législatif, mais nous ne sommes jamais pris au dépourvu,
lorsqu'il s'agit de procéder aux assassinats et exécutions extra-judiciaires
quand c'est opportun). Vous êtes coupables - de vous entêter à vous réclamer de
votre humanité, d'oser exercer une volonté collective (et individuelle), de
refuser de vous soumettre, d'oser réclamer des droits égaux devant la loi, de
maintenir votre dignité et une aspiration obstinée à la liberté.
Nous, par
contre, nous devons être libres de vous infliger toutes sortes de peines et de
mauvais traitements, et vous, il vous revient de vous coucher et de mourir en
silence. Vous devez être mis hors d'état de troubler notre tranquillité ou notre
sécurité. Nous avons le droit de vous amener au désespoir, et au cas où vous
protesteriez ou réagiriez, non seulement vous serez mis au pilori comme
terroristes, mais nous saurons bien vous forcer à vous soumettre tout en vous
appelant à "arrêter la violence" et à "mettre un terme au terrorisme".
Non
seulement ça ; nous irons à la CNN (et auprès de tous les médias occidentaux qui
nous traitent avec bienveillance, à dire le moins), pour vous dénoncer de
refuser la main que nous vous tendons pour faire la paix. Ne vous en faites pas
: ils avaleront ça...L'amorce, l'appât, le hameçon, la ligne , et le flotteur
avec...On les a tellement bassinés avec nos bobards, depuis tant d'années,
qu'ils ont perdu non seulement tout sens critique et toute déontologie
journalistique, mais aussi leurs sens de la vision et de l'audition, lorsqu'il
s'agit d'images et de récits vous concernant. Ils ne font attention à rien, sauf
lorsque vous faites du mal à un Israélien ou que vous leur offrez sur un plateau
un négatif, avec vous dessus, du modèle idéal qu'ils ont de nous. Aussi,
abandonnez tout espoir d'avoir une quelconque audience ou une quelconque
sympathie pour vous dans le monde - vous êtes coupables, donc vous allez être
accusés. Et si vous souffrez à cause de la notion illusoire et erronée que les
Nations Unies ou toute autre institution mondiale viendra un jour à votre
secours, soyez tranquilles : c'est pas encore demain la veille !
Kofi Anan a
été mandaté pour prévenir la destruction de statues antiques (inestimable
héritage culturel) en Afghanistan ; on ne peut pas lui demander d'être à la fois
au four et au moulin, et de s'occuper, en même temps, de réalités humaines. De
plus, nous pourrions lui promettre un certain rôle dans le processus de paix,
pour peu qu'il soit bien sage et qu'il regarde ailleurs. Nous pourrions bien
avoir plus de fil à retordre avec vos amis européens, mais ils ne peuvent se
payer le luxe de nous prendre à rebrousse-poil. Quant à la nouvelle
administration américaine : il n'y a aucun suspense. Elle a décidé, elle aussi,
de me donner du temps afin de faire la démonstration de mes compétences en
matière de paix. Et je n'ai pas assez de tout mon temps pour les démontrer
jusqu'à la garde, comme vous le voyez et le sentez passer. Je ferai la paix avec
vous, si cela exige tout ce que vous ayez, y compris votre terre, vos vies, vos
droits, et votre liberté.
Mes collègues (notamment le chef d'état-major, le
général Mofaz, et le ministre de la défense, le général Ben Eliezer) sont là
pour me seconder. C'est merveilleux de pouvoir faire de mon mieux, tout en ayant
des marionnettes travaillistes (comme Fuad) et des apologistes (comme Pérès)
dans mon équipe. Voilà des gens tout-à-fait capable de me blanchir la façade !
De plus, je ne fais rien de bien pire que ce que faisait Barak. Au moins, je ne
bombarde plus vos maisons (nos tontons américains n'aimaient pas que l'on
utilise les joujoux Apache qu'ils nous ont offerts, pour ce faire et, en plus,
ça n'était pas très télégénique).
Alors, si vous tenez à vos intérêts,
comportez-vous comme de bons petits indigènes et baisez la main qui vous bat
comme plâtre. Dites OUI à la paix, à la paix à ma façon, et je vous garantis que
vous aurez un système d'apartheid ultra-performant. D'ici là, arrêtez la
violence et arrêtez d'être les terroristes que vous êtes. Pour ce qui me
concerne, je demeurerai l'éternel pacifiste et humaniste que j'ai toujours été
quelque part, à ma manière. Ah, si seulement vous vouliez bien vous mettre à ma
place et voir les choses comme je les vois...
PS : (note de Shimon Pérès) -
Je suis réellement peiné par ce que vous devez supporter, mais croyez-moi, je ne
peux absolument rien faire, ayant uni mon sort à ceux des Sharon, Liberman et
Ze'evi de ce bas-monde. Toutefois, je continuerai à travailler dans le sens de
ma vision toute personnelle des nouvelles réalités au Moyen-Orient. Ce n'est
qu'un échantillon de ce qui vous attend. Excusez-moi, il faut que je courre
rencontrer les collègues européens et les journalistes pour leur expliquer que
Sharon n'est pas aussi mauvais que ce que l'on dit. Il est un homme nouveau,
pour une ère nouvelle. Et croyez-moi, vu mon âge et mon histoire politique (et
les siens), vendre un bobard pareil, ça n'est pas une sinécure, vous pouvez me
croire !
Au sommaire
Dernières
parutions
-
Gaza méditerranéenne -
Histoire et archéologie en Palestine sous la direction de Jean
Baptiste Humbert aux Editions Errance
-
L'eau dans le monde arabe -
Enjeux et conflits par Georges Mutin au Editions
Ellipses
Réseau
-
Les chasseurs de vampires
par Israël Shamir [traduit de
l'anglais par Marcel Charbonnier]
-
L'appel de quatorze
intellectuels arabes contre une conférence négationniste par Mouna
Naïm in Le Monde du vendredi 16 mars 2001
-
Mgr Sabbah : "Israël a droit
à la sécurité. Et la sécurité, pour Israël, ce sera ne plus avoir d'ennemis."
(Rome, le 15 mars 2001)
-
TEMOIGNAGE - Ils peuvent le
faire ! par Chadia Zucena, professeur à l'Université de
Birzeit
Revue de
presse
-
Processus de guerre
par Subhi Hadidi in Le Nouvel Afrique Asie du mois de mars
2001
-
Il est temps de se séparer
par Avraham B. Yehoshua in Libération du jeudi 15 mars
2001
-
Les grognards de Sharon
par Victor Cygielman in Le Nouvel Observateur du jeudi 15 mars
2001
-
Un libéralisme casher
par Ephraïm Reiner in "Ha’Aretz" (quotidien israélien) traduit dans
Courrier International du jeudi 15 mars 2001
-
Gouvernement de guerre ou de
paix ? par Randa Achmawi et Aliaa Al-Korachi in Al-Ahram Hebdo
(hebdomadaire égyptien) du mercredi 14 mars 2001
-
Situation de plus en plus
tendue par Abir Taleb in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du
mercredi 14 mars 2001
-
Les défis du prochain sommet
arabe par Mohamed Sid-Ahmed in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien)
du mercredi 14 mars 2001
-
Une guerre israélo-arabe est
à prévoir avant l'été par par Riyadh Alam-Ed-Din in Al-Watan Al-Arabi
(hebdomadaire arabe publié à Paris) le vendredi 9 mars 2001 [traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
-
Israël, un gouvernement
inquiétant par Dominique Vidal in la liste de diffusion du Monde
diplomatique du jeudi 8 mars 2001
Dernières parutions
1. Gaza
méditerranéenne - Histoire et archéologie en Palestine
sous la direction de Jean
Baptiste Humbert
160.00 FF
Broché | 136 pages | Editions Errance | 2000 | ISBN 2877721965
Assise au bord de la plage, Gaza n'a pas cessé de regarder
la mer. Elle était un port très ancien puisque le plus proche débouché de
l'Arabie Saoudite Heureuse dans la Méditerranée ; elle tenait Pétra pour son
arrière-pays. Les Grecs savaient que, par elle, on accédait à l'Inde. Il revient
aux premiers pharaons d'avoir établi, il y a plus de 5 000 ans, les échanges
entre l'Afrique et la Palestine. L'ancienne route, la via maris, qui depuis
l'Egypte longeait le littoral du Sinaï, croisait à Gaza celle, plus récente, de
la trans-Arabie. Elle permettait de rejoindre, sur les plages de Gaza, les
marins grecs, phéniciens et cypriotes. Vers 500 avant notre ère, la route de la
mer avait tracé celle qui, deux siècles plus tard, fera la gloire d'Alexandrie.
Toute la Méditerranée la fréquentait. On y parlait toutes les langues de la
région. Cinq ans de fouilles franco-palestiniennes nous révèlent
l'extraordinaire richesse archéologique d'une terre à la croisée de différents
mondes et une série de clichés réalisée par des photographes palestiniens nous
rapproche de la Gaza d'aujourd'hui.
- EXTRAIT : La Gaza romaine (69
av. JC - 403 ap. JC) par Thomas Bauzou
"A la mort d'Hérode, en 4 avant
JC, les Juifs envoyèrent à Auguste (l'empereur romain) cinquante délégués
soutenus par les 8000 Juifs de Rome, pour demander l'autonomie de leur nation.
Après avoir reçu cette ambassade, Auguste partagea le royaume d'Hérode entre les
trois fils survivants du roi, en en détachant les cités grecques de Gaza, Gadara
et Hippos, à nouveau unies à la province de Syrie."
2. L'eau dans le
monde arabe - Enjeux et conflits
par Georges
Mutin
90.00 FF
Broché | 157 pages | Editions Ellipses | 2000 | ISBN 2729869964
le Professeur Georges Mutin et ancien directeur de Science
Po Lyon, spécialiste de l'économie et de la géopolitique du Moyen Orient. Sous
le triple choc de la sécheresse, des pollutions, de la croissance spectaculaire
des besoins consécutifs à l'augmentation de la population et à la croissance
urbaine, la ressource naturelle que l'on croyait inépuisable, disponible à
jamais devient un bien économique rare. Le Monde Arabe est la région du monde où
la disponibilité en eau par habitant est la plus faible. Conflits et
concurrences se multiplient pour le partage d'une ressource précieuse - mais
parfois gaspillée - entre les différents utilisateurs. Ils ne feront que
s'aviver dans les années à venir. Les discordes entre pays riverains des grands
fleuves qui traversent le Monde Arabe, le Nil, le Tigre et l'Euphrate sont de
plus en plus difficiles à gérer. En Palestine, avec le contrôle des eaux du
Jourdain c'est une hydrostratégie qui est à l'oeuvre. Partout la ville, l'usine,
les champs se disputent une eau de plus en plus coûteuse à
mobiliser.
Réseau
1. Les chasseurs de vampires
par Israël Shamir
[traduit de l'anglais
par Marcel Charbonnier]
(Israël Shamir est un éminent
journaliste et écrivain juif israélien, d'origine russe.)
Jaffa, le 14 mars
2001 - Les histoires de vampires donnent à leurs lecteurs de nombreuses
recettes, au cas où ils seraient victimes d'une attaque macabre. La poignée de
terre de cimetière fait partie des remèdes courants, il est recommandé d'avoir
un chapelet de gousses d'ail toujours à portée de main, et le crucifix est
souverain. Mais ces remèdes ne marchent pas toujours. Dans la comédie d'horreur
de Roman Polansky, "Les chasseurs de vampires", le héros essaie de mettre en
déroute un vampire juif en faisant le signe de la croix. Le vampire juif lui
sourit d'une manière qui en dit long, venue tout droit du Violon sur le Toit, en
montrant ses crocs : la croix ne l'impressionne absolument pas. Ce film de
Polansky me revient à l'esprit au moment où je me penche sur la nouvelle vague
de controverses au sujet de l'Holocauste.
Les "historiens révisionnistes",
que leurs adversaires considèrent comme des "renégats de l'Holocauste", tiennent
actuellement une conférence à Beyrouth afin d'y comparer leurs informations sur
le génocide nazi. L'establishment juif américain, notamment l'organisation
sioniste américaine (ZOA, Zionist Organization of America) et la Ligue
Anti-Diffamation, a exigé que cette conférence soit condamnée. La ZOA n'a rien
contre le révisionnisme en tant que tel. C'est même cette organisation qui est
pionnière dans l'art de renier l'histoire, puisqu'elle a commis, aux frais du
contribuable américain, un opuscule intitulé : "Deïr Yassin : Histoire d'un
mensonge".
Deïr Yassin, c'est ce paisible village que les groupes juifs
terroristes Etzel et Lehi avaient attaqué, le 9 avril 1948, en massacrant toute
la population : hommes, femmes et enfants. Je ne rappellerai pas ici l'histoire
sanglante des oreilles tranchées, des entrailles répandues, des femmes violées,
des hommes brûlés vifs, des corps jetés dans une carrière ni la parade
triomphale des meurtriers. D'un point de vue existentiel, tous les massacres
sont semblables, de Babi Yar à Chain Gang en passant par Deïr Yassin.
Les
révisionnistes de la ZOA ont utilisé toutes les méthodes de leurs adversaires,
les "dénégateurs" : ils rejettent les récits des témoins oculaires survivants,
de la Croix Rouge, de la police britannique, des scouts israélites et des autres
observateurs juifs, qui ont assisté à toute la scène. Ils occultent même les
excuses présentées par Ben Gurion, puisqu'aussi bien les chefs de ces gangs
étaient devenus, à leur tour, premiers ministres de l'Etat juif. Pour la ZOA,
seuls les témoignages des meurtriers pourraient avoir quelque validité. (Sous
réserve que ces meurtriers soient juifs).
Si les victimes sont des Juifs,
alors ces même organisations sionistes américaines n'épargnent aucun effort pour
défier le révisionnisme. Cette position douteuse sur le plan moral a sans aucun
doute apporté beaucoup d'eau au moulin des congressistes de Beyrouth. A suivre
leur logique défectueuse, si les Israéliens racontent des salades sur ce qui
s'est réellement passé en 1948, peut-être les souvenirs juifs sur l'Holocauste
sont-ils tout aussi fallacieux. C'est de l'énergie gaspillée. Bien entendu, ils
ont marqué quelque points et les récits de graisse humaine transformée en
savonnettes ou les fours ardents de Wiesel ont été remisés au placard. Si
seulement mille Juifs ou Gitans avaient été assassinés par les nazis, cela
serait un millier de trop. Ce n'est pas du tout une question primordiale, la
définition même de qui est une victime donnant en elle-même lieu à
interprétation.
Un bon exemple de "définition de la victime" a été donné
dans le journal Ha-Aretz du week-end dernier... Lorsque la guerre du Golfe prit
fin, en 1991, on ne relevait qu'une unique victime israélienne de la guerre.
Aujourd'hui, il y a, officiellement, cent Israéliens qui sont reconnus victimes
de la guerre du Golfe, et leurs descendants et collatéraux perçoivent une
pension aux frais de l'Irak. Certaines de ces victimes sont mortes du fait du
stress, d'autres, n'ayant pu retirer leur masque à gaz, sont mortes étouffées.
L'article d'Ha-Aretz soutient qu'un nombre, beaucoup plus important, de plaintes
ont été déclarées irrecevables par les autorités israéliennes. C'est pourquoi
Michael Elkins, ancien correspondant de la BBC à Jérusalem, citoyen israélien,
est parfaitement fondé à affirmer que le nombre des victimes (de l'Holocauste),
savoir s'il y a eu trois - ou six - millions de morts, n'est pas le vrai
problème.
Les "révisionnistes" ont mis en jeu leurs vies et leur fortune en
tentant de démolir ce qu'ils appellent le "mythe de l'holocauste". On peut
comprendre leur intérêt. Aujourd'hui, n'importe qui peut mettre en doute
ouvertement l'Immaculée Conception ou (pourquoi pas) défier les mythes
fondateurs d'Israël. Mais le culte de l'Holocauste jouit d'un interdit
exorbitant, qui a force de loi, frappant toute enquête qui pourrait être de
nature à jeter un doute sur son dogme sacré. Les dogmes ont le don d'attirer les
esprits critiques. Toutefois, derrière cette muleta écarlate, les cornes du
taureau chargeant ne transpercent que du vide. Les disputes sur les chambres à
gaz et la production de savon sont peut-être fort intéressantes, mais elle sont
complètement hors-sujet. Et si on s'intéressait au matador ?
Une avancée
courageuse a été effectuée par le Dr Norman Finkelstein dans son ouvrage
best-seller "l'Industrie de l'Holocauste". Toutefois, il y a une différence
importante entre le Dr. Finkelstein et les "historiens révisionnistes"
rassemblés à Beyrouth. Le Dr. Finkelstein, fils de survivants de l'holocauste,
s'est gardé de toute bataille de chiffres illégale et s'est focalisé sur la
construction idéologique du culte de l'Holocauste.
Et il a drôlement bien
fait. Une organisation juive, appelée "Avocats Sans Frontières" a même été
jusqu'à lui intenter un procès, en France. Ces avocats ne s'étaient absolument
pas manifestés, quand la machine légale israélienne avait prononcé une peine
probatoire -dérisoire - de six mois, à l'encontre du meurtrier juif d'un enfant
non-juif. Ils n'avaient pas remué le petit doigt lorsque la jeune Suad, quinze
ans, placée en isolement total et victime de tortures psychologiques, s'était vu
refuser toute assistance juridique. Ils brillent par leur absence dans les
tribunaux militaires israélien où un simple officier juif peut prononcer une
sentence d'emprisonnement à vie contre un civil non-juif, condamnation "fondée"
sur des présomptions tenues secrètes. Apparemment, ces avocats-là connaissent
les bornes à ne pas dépasser...
Finkelstein s'est mis en tête d'explorer le
secret de notre charme juif discret, un charme qui ouvre les coeurs américains
et les coffres des banquiers suisses. Sa conclusion est que nous y arrivons en
faisant appel aux sentiments de culpabilité des Européens et des Américains. "Le
culte (1) de l'Holocauste a montré qu'il était une arme idéologique
irremplaçable. En la déployant, l'une des puissances militaires les plus
redoutables du monde entier, avec un palmarès horrifiant en matière de droits de
l'homme, s'est donnée pour un Etat-victime, et le groupe ethnique le plus
parvenu aux Etats-Unis a acquis le statut de victime". Finkelstein procède à une
analyse brillante du culte de l'Holocauste, et aboutit à une découverte
bouleversante : ce n'est qu'une construction chancelante de quelques clichés
cousus du fil blanc de la voix geignarde d'Elie Wiesel, depuis sa luxueuse
limousine, qu'il ne quitte pas.
Finkelstein n'a pas pleine conscience de
l'importance de sa découverte, puisqu'il croit encore que le culte de
l'Holocauste est un grand concept, venant tout juste après l'invention de la
roue. Il a permis de résoudre le problème éternel des riches et des puissants,
celui de se défendre contre l'envie et la haine des pauvres et des exploités. Il
a permis à Mark Rich et autres escrocs de tricher et de voler, il a permis à
l'armée israélienne d'assassiner des enfants et d'affamer des femmes impunément.
Son opinion est partagée par de nombreux Israéliens. Ari Shavit, éditorialiste
connu du journal Ha-Aretz, l'a exprimé excellemment en 1996, quand l'armée
israélienne avait tué plus de cent civils réfugiés à Cana, au Liban : "Nous
pouvons assassiner en toute impunité : le musée de l'Holocauste, c'est bien chez
nous ?". Boaz Evron, Tom Segev et d'autres essayistes israéliens ont développé
cette même idée.
On peut résumer la thèse du Dr Finkelstein comme suit. Les
Juifs ont réussi à résoudre la quadrature du cercle, ils ont résolu le problème
qui résistait à l'aristocratie et aux millionnaires ordinaires. En substance :
ils ont réussi à désarmer leurs ennemis en faisant appel à leur compassion et à
leur complexe de culpabilité.
J'admire le Dr. Finkelstein de continuer à
croire en la bonté de coeur de l'Homme, son semblable. J'aurais aussi tendance à
penser qu'il croit encore aux contes de fées. A mon humble avis, les sentiments
de compassion et de culpabilité peuvent, à la rigueur, vous procurer un bol de
soupe gratis. Mais pas un nombre incalculable de milliards de dollars. Le Dr.
Finkelstein n'est pas aveugle. Il a remarqué que les Gitans, autres victimes des
nazis, ont reçu des queues de cerises de la part de la "compatissante"
Allemagne. La capacité étonnante qu'ont les Américains à se sentir
collectivement coupables vis-à-vis de leurs victimes vietnamiennes (5 millions
de morts, un million de veuves, plusieurs équivalents des bombardements de
Coventry, avec une louche supplémentaire d'agent Orange), s'est traduite,
récemment, par les propos suivants, dans la bouche du Secrétaire à la défense
William Cohen : "Il n'y a pas lieu de présenter des excuses (et a fortiori des
dédommagements). Une guerre est une guerre". Bien que disposant de toute
l'information disponible, le Dr. Finkelstein, s'entêtant à vouloir faire peur au
vampire, se cramponne à son crucifix...
Quelle est la source d'énergie qui
fait fonctionner l'industrie de l'Holocauste ? Ce n'est pas une question
oiseuse, ni théorique. La fabrication d'une nouvelle tragédie palestinienne bat
actuellement son plein, avec le lent étouffement des villes et villages de
Palestine. Chaque jour, un arbre est déraciné, une maison est démolie, un enfant
est assassiné. A Jérusalem, les Juifs célèbrent Pourim en faisant un pogrom de
Gentils, et cela fait un entre-filet à la page six des quotidiens locaux. A
Hébron, les fans de Kahane ont célébré Pourim devant la tombe de l'assassin en
masse Goldstein. Ce n'est vraiment pas le moment de faire sa chochotte.
Dans
"Les Sirènes", le personnage Bloom exprime les sentiments de son créateur James
Joyce envers le concept sanglant de libération irlandaise en lâchant un pet en
direction de l'épitaphe d'un combattant pour la liberté de l'Irlande. Mes
grands-parents, mes tantes et oncles sont morts durant la Deuxième guerre
mondiale. Mais je jure, sur leur mémoire, que si j'avais le moindre doute que
les sentiments de culpabilité autour de l'Holocauste devaient causer la mort
d'un seul enfant palestinien, je transformerais immédiatement le mémorial de
l'Holocauste en pissotière.
Le pathos du culte de l'Holocauste et la
facilité avec laquelle il réussit à pomper des milliards sont les preuves
tangibles de l'existence d'un réel pouvoir derrière cette industrie. Ce pouvoir
est obscur, invisible, ineffable, mais bien réel. Il ne s'agit pas d'un pouvoir
dérivé de l'Holocauste. C'est l'inverse : le culte de l'Holocauste correspond à
l'étalage des muscles de ceux qui exercent le pouvoir réel. C'est pourquoi tous
les efforts des révisionnistes sont peine perdue. Les gens qui font la promotion
de ce culte pourraient faire la promotion de n'importe quoi, étant donné
qu'ils dominent complètement tout discours public. Le culte de l'Holocauste est
juste une manifestation, à petite échelle, de ce dont ils sont capables. Les
épigones de ce Pouvoir, confrontés aux révélations du Dr. Finkelstein, se
contenteraient vraisemblablemnt d'esquisser un sourire entendu...
(1) Le
Dr. Finkelstein établit une distinction entre l'"holocauste", l'événement
historique, et l'"Holocauste" (avec H majuscule), qui en est la
conceptualisation idéologique. Je prends dans ce texte la liberté de renommer ce
concept "culte de l'Holocauste", dans un souci de plus grande clarté.
2. L'appel de quatorze
intellectuels arabes contre une conférence négationniste par Mouna
Naïm
in Le Monde du vendredi 16 mars
2001
A L'INITIATIVE de deux organisations négationnistes néonazies, la
suisse Vérité et justice et l'américaine Institute for Historical Review (IHR),
une conférence intitulée " Révisionnisme et sionisme " est prévue du 31 mars au
3 avril à Beyrouth. " Des chercheurs et activistes révisionnistes célèbres de
différentes nationalités doivent y participer ", reflétant ainsi la coopération
croissante entre chercheurs " indépendants " de pays européens, des Etats-Unis
et du Proche-Orient, peut-on lire sur le site Internet d'IHR. Ce n'est plus un
secret pour personne à Beyrouth que les autorités libanaises sont soumises à de
multiples pressions pour interdire cette conférence. Mais, à ce jour, les
sources les mieux informées dans la capitale libanaise ne sont pas en mesure de
dire où celle-ci se tiendra, ni qui en est le parrain côté libanais.
Un
groupe de quatorze intellectuels arabes a donc décidé de dénoncer, dans un
appel, cette conférence qui, sous le prétexte plus que probable de solidarité
avec la cause palestinienne, développera des thèses négationnistes, niant la
réalité du génocide commis par les nazis contre les juifs. " Nous, intellectuels
arabes, sommes indignés par cette entreprise antisémite.
Nous alertons
à ce sujet les opinions publiques libanaise et arabes et appelons les autorités
compétentes du Liban à interdire la tenue à Beyrouth de cette manifestation
inadmissible ", écrivent les signataires de l'appel, qui font partie de l'élite
intellectuelle arabe : les poètes Adonis (Liban) et Mahmoud Darwich (Palestine),
l'historien Mohammed Harbi (Algérie), les écrivains Jamel Eddine Bencheikh
(Algérie), Mohamad Berada (Maroc), Dominique Eddé, Elias Khoury, Gérard Khoury
et Salah Stétié (Liban) Fayez Mallas et Farouk Mardam-Bey (Syrie), Edward Saïd,
Khalida Saïd et Elias Sanbar (Palestine).
"Cette initiative, qui utilise le
Liban comme plate-forme de ses propres objectifs, survient au moment où un
groupe d'intellectuels libanais organisent de leur côté un colloque intitulé
"Mémoire pour l'avenir" qui propose, pour la première fois depuis la fin de la
guerre libanaise, un cadre de réflexion et de débat sur un passé meurtrier ",
ajoutent-ils, en précisant que, " parmi les invités à ce dernier colloque
l'historien Pierre Vidal-Naquet, le juriste Antoine Garapon, le professeur
Jean-François Bergier, président de la commission d'experts pour la seconde
guerre mondiale, ainsi que de nombreux autres écrivains, historiens, sociologues
libanais et étrangers".
Dans un courageux éditorial publié récemment par le
quotidien saoudien El Hayat, sous le titre "Les Protocoles des sages de
Beyrouth", le Libanais Joseph Samaha n'avait pas hésité à écrire de son côté que
la tenue d'un tel forum à Beyrouth "déshonore le Liban". Traitant les
participants à cette conférence de "falsificateurs de l'histoire", Joseph Samaha
ajoute : la tenue d'une telle conférence dans la capitale libanaise suggérera
que "le combat défensif arabe contre Israël et ses alliés est, d'une manière ou
d'une autre, la prolongation du projet d'extermination nazie".
"Au nom des
victimes palestiniennes et arabes, cette conférence prendra la défense du
bourreau nazi et de son crime contre les juifs", écrit encore l'éditorialiste,
qui refuse que "la cause palestinienne" serve de "faux témoin" à une tentative
de réécriture négationniste de l'histoire européenne.
3.
Mgr Sabbah : "Israël a droit à la sécurité. Et la sécurité, pour Israël,
ce sera ne plus avoir d'ennemis." (Rome, le 15 mars
2001)
Israël a droit à la sécurité, mais la sécurité, pour Israël, ce
sera de ne plus avoir d'ennemis ! C’est ce que déclare Mgr Michel Sabbah,
patriarche latin de Jérusalem, dans un entretien accordé à Radio Vatican.
Le
patriarche, qui se trouve actuellement à Rome pour la visite « ad limina » de la
Conférence des évêques latins des régions arabes, s’exprime à propos de
l’éventuelle force d'interposition internationale. « Ce conflit n'a jamais été
fermé, explique-t-il. Il n'a jamais été un conflit uniquement arabo-israélien :
il a toujours eu d'une façon ou d'une autre une dimension internationale. C'est
pourquoi la communauté internationale ne peut pas s'en laver les mains.
Elle était présente à l'origine des hostilités, elle doit aider les deux parties
à en sortir, à définir leurs positions respectives, à déterminer les droits des
uns et des autres. Le droit d'Israël à la sécurité, mais aussi celui des
Palestiniens à la liberté et à la protection. »
À propos de l'exigence de
sécurité pour les habitants d'Israël, Mgr Sabbah déclare : « La sécurité, c'est
ne plus avoir d'ennemis. Et cela, c’est l’affaire des Israéliens : à eux de
faire des Palestiniens des amis. Cela passe par la reconnaissance de leurs
droits civils, la restitution des territoires occupés depuis 1967. Israël a
droit à la sécurité, mais il est aussi en son pouvoir d'obtenir cette sécurité.
Il faut revenir au dialogue, aux tractations, mais avec l'intention claire
de redonner aux Palestiniens leur liberté, leur dignité et leur territoire
occupé. » Le patriarche déplore en particulier la disparition, en Terre-Sainte
de « la liberté de mouvement de ville à ville ou de village à village », ce qui
« rend la vie quotidienne très difficile pour tous, chrétiens ou non
».
4. TEMOIGNAGE -
Ils peuvent le faire ! par Chadia Zucena,
professeur à l'Université de Birzeit
lundi 12 mars 2001 16h26 - Aujourd'hui
comme tu as pu le voir sur les photos, la route pour Birzeit est fermée. Toutes
les routes sont fermées on ne peut pas circuler. Il y a des rumeurs qui disent
que l'on manque déjà de fruits et de légumes a Ramallah. Donc ce matin, il y
avait une manifestation pacifique pour aller a Birzeit des profs et quelques
étudiants. Nous sommes allés la ou les routes avaient été arrachées par les
Israéliens et nous avons commence a retirer les pierres pour remettre la route a
plat. C'était une action symbolique. Il y avait beaucoup de journalistes et
d'étrangers. Le fait qu'il y ait des témoins étrangers sur place empêchait les
Israéliens de faire n'importe quoi.... et encore... Ensuite, un bulldozer
palestinien du village de Surda est venu pour enlever tous les monticules de
terre pour nettoyer la route pour laisser passer les voitures et rétablir la
route. Les israéliens nous regardaient faire du haut de leurs chars sur les
montagnes. (Ils ont occupe une maison en construction et en dessous il y a des
gens qui vivent et qui ont comme voisins des chars et des israéliens) .. Puis ils
ont commence a tirer des balles de plomb enrobées de caoutchouc. C'était la
panique. Le groupe s'est divisé en deux. Nous étions du cote de Ramallah en zone
a donc les israéliens ne pouvaient pas aller plus loin mais les autres qui
étaient restes du cote du village étaient en zone b donc ils restaient coinces
ne sachant et ne pouvant rien faire. Il y avait un sorte de couloir de no man's
land et c'est la que les Israéliens étaient. Ensuite ils ont commence a nous
lancer des gaz lacrymogènes a 70 pour cent pas comme en France ou c'est du 10
pour cent. Les yeux nous piquaient et le nez coulait et on avait mal a la gorge
c'était terrible. Les gens s'évanouissaient ... Le bulldozer palestinien a
continue sa route, au départ il y avait des gens pers de lui puis, avec les gaz
les gens ont panique et se sont diriges vers la zone a en courant. Le bulldozer
est reste seul sans défense et il a continue sa route héroïquement sans
protection puisque les gens étaient sensés être une protection. Tout le monde se
disait les Israéliens ne vont pas tirer dans le tas et on s'est trompe... De
temps a autre deux taxis passaient héroïquement ce couloir de la mort salues par
des youyou. Puis une ou deux voitures privées ont fait la même chose. La les
Israéliens se sont énervés. Puis les Israéliens sont allés chercher un bulldozer
israélien celui-ci et ils ont voulu détruire de nouveau un autre pan de la route
et les journalistes ainsi que des américains palestiniens se sont assis sur la
route pour les empêcher que le bulldozer passe. Le bulldozer a contourne et
ensuite du haut de la montagne, ils ont commence a tirer des balles et des gaz
lacrymogènes sur les journalistes. C'était la panique..... Et la les chebabs ont
commence a jeter des pierres sur les Israéliens. Ce qui était une manifestation
pacifique, une manifestation de résistance pour dire notre droit a l'éducation,
s'est transformée en bataille... A chaque fois qu'une balle sifflait c'était la
panique, il fallait baisser la tête. Nous étions au point d'haire les papillons,
les mouches et autres bestioles volantes, nous avions l'impression de voir des
balles partout....D'après ce que je sais il y a eu un mort... Aujourd'hui toutes
les routes sont fermées, les gens sont coinces et ne peuvent pas aller
travailler depuis les fêtes de l'Aïd. Ils n'ont rien respecter. Donc la
Palestine est coupée en plusieurs morceaux sans liens nous ne savons pas ce qui
se passe dans les villages... Deux millions de palestiniens sont en dessous du
seuil de pauvreté et l'opinion internationale s'émeut des statues de bouddha en
Afghanistan... Voilà c'était ma journée, je n'ai plus de travail et j'en ai
marre d'être en prison.....de ne pas être libre de mes mouvements. Si vous en
France, en Espagne ou ailleurs entendez ou lisez quelque chose sur ces derniers
événements je serai curieuse de savoir ce que disent les médias.
Revue de
presse
1. Processus de guerre par Subhi Hadidi
in
Le Nouvel Afrique Asie du mois de mars 2001
En 1983, l’Etat hébreu,
contraint et forcé, créa une commission spéciale chargée d’enquêter sur les
responsabilités du général Ariel Sharon, alors ministre de la Défense, dans les
massacres de Sabra et Chatila et autres atrocités commises lors de l’invasion
israélienne du Liban. Ladite commission, connue sous le nom de “commission
Kahane”, constituée quelque temps après que l’opinion internationale eut été
informée de ce massacre, recommanda d’interdire au général Sharon d’occuper le
portefeuille de ministre de la Défense. Dans l’un des attendus les plus
extravagants de cette recommandation, la commission Kahane écrivait : “Il a eu
un comportement qui était trop celui d’un général dans un contexte historique
qui nécessitait discipline et raison avant toute chose” !
L’électeur
israélien est passé outre cette recommandation en choisissant, le 6 février
2001, de nommer ce même général à un poste plus élevé que celui de ministre de
la Défense ! Par la force du suffrage universel, et à une majorité jamais égalée
depuis la création de l’Etat, les Israéliens ont élu le général Ariel Sharon
Premier ministre. Il succède à Ehoud Barak, décrit, lui aussi, lors de son
élection il y a moins de deux ans, comme le général le plus décoré de l’histoire
d’Israël. La raison de ce raz-de-marée électoral réside sans doute dans le fait
que Sharon incarne encore aux yeux des Israéliens, dix-neuf ans après les
massacres de Sabra et Chatila, l’image du baroudeur qui ne s’embarrasse guère de
subtilités géopolitiques.
Qu’aurait dit Léa Rabin, si elle était encore en
vie, en apprenant la victoire de Sharon ? En 1996, au lendemain de la victoire
de Benjamin Netanyahou contre Shimon Pérès, la veuve d’Yitzhak Rabin, l’ancien
Premier ministre assassiné quelques mois plus tôt par un juif extrémiste,
s’était écriée : “C’est un pays de fous ! Nous vivons une époque de folie ! Il
faut que je fasse mes valises et que je parte sur le champ !” Le romancier et
historien israélien David Grossman avait alors rejeté ce “verdict défaitiste” de
Léa Rabin, tout en comprenant “la profonde tristesse qui l’avait motivée”. Dans
une célèbre chronique au ton mélancolique et intitulée “Mais pour aller où ?”,
il affirmait, catégorique : “Léa Rabin ne nous quittera pas. Elle restera. Nous
resterons tous car nous n’avons pas d’autre patrie. Car Israël a besoin, dans
ces moments critiques, d’entendre la voix de la modération, la voix qui n’obéit
pas aux pulsions de la haine et du fanatisme.”
C’était en 1996. En 2001,
alors que Léa Rabin n’est plus de ce monde, la “voix de la modération” a manqué
à David Grossman lui-même. Dans une chronique, qui n’a rien de mélancolique
cette fois, il s’est déchaîné contre l’Intifada de l’Esplanade des mosquées,
contre ce qu’il appelle des “actes de violence” et contre “l’envoi des enfants
sur les lignes de feu”. Il s’est ensuite adressé aux “amis palestiniens” pour
leur reprocher leur attachement au droit au retour qui ne pourrait, à ses yeux,
que signifier la destruction d’Israël (sic !). On ne sait pas si Grossman a voté
pour Sharon ou pour Barak, s’il a déposé un bulletin blanc ou s’il est tout
simplement allé à la pêche. Mais ce dont on est sûr, c’est que sa chronique a
objectivement “voté” en faveur du général Sharon, ou lui a, en tout cas, fait
gagner des centaines de voix, celles de gens qui, comme Grossman, se croyaient
modérés.
Ce pays vit bel et bien une époque folle. Les élections de février
ont fait mordre la poussière à Ehoud Barak et l’ont traîné dans la boue, après
l’avoir porté aux nues sur les ailes du “rêve sioniste” et “des voix modérées”.
Il y a moins de deux ans, il était passé sur le “cadavre” de Benjamin
Netanyahou, lui aussi traîné dans la boue après avoir terrassé un Shimon Pérès
englué dans le bourbier libanais. Avant Barak, Netanyahou et Pérès, le “prophète
de la paix”, Yitzhak Rabin, était tombé sous les balles de l’extrémisme sioniste
et de la peur de ce que la paix pourrait apporter au village sioniste fortifié
et refermé sur lui-même, tel Massada.
L’électeur israélien qui a voté pour le
général Sharon n’ignorait rien de ses ignobles “trophées” guerriers, ni de ses
faits et gestes lors des massacres de Sabra et Chatila, amplement détaillés dans
le rapport de la commission Kahane. Les insoutenables images de cadavres gonflés
empilés dans les ruelles de Sabra et Chatila auraient dû lui rappeler ce qui est
arrivé aux juifs à Auschwitz ou à Treblinka. En fait, l’idée que cet électeur
israélien se fait de la paix n’est pas tout à fait celle généralement admise par
le commun des mortels. Il s’agit, à ses yeux, d’une paix taillée sur mesure,
calquée sur ses propres crises existentielles, ses préoccupations éthiques et
ses dogmes idéologiques et religieux. Bien plus, il s’agit d’une paix ne prenant
en compte que les conceptions qu’il se fait de la sécurité, de la colonisation,
du culte de la puissance, du refus de l’autre et de la peur perpétuelle du monde
environnant. Pour cet électeur, le bulletin de vote est un jeu qu’il affectionne
car il lui permet de sanctionner lourdement, tous les deux ans, ses dirigeants
et d’humilier ceux qu’il avait auparavant portés au stade de
“prophètes”.
Certains diront : mais c’est ça la démocratie ! L’électeur
israélien n’a-t-il pas le droit de choisir librement ses dirigeants, de les
plébisciter puis de les sanctionner ? Toutefois, en votant pour un général aux
mains tâchées de sang et aux idées racistes et haineuses, il ne s’adonne pas au
jeu démocratique. Il opte en fait contre la paix, par peur, par suspicion et par
angoisse existentielle. Il vote contre le changement et le renouveau, pour le
repli sur soi, la consolidation de la mentalité de l’assiégé imaginaire et
l’enracinement de la haine de l’autre. Le jeu démocratique ne doit pas justifier
l’injustifiable, dans la mesure où il met en jeu non seulement ce que l’électeur
israélien estime être son droit naturel, mais aussi les intérêts bien légitimes
des autres protagonistes indirects de ces élections, et en premier lieu les
Palestiniens. Manifestement l’électeur israélien n’en a cure, même si cela
devait mettre toute la région à feu et à sang. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard
si, à peine une semaine après l’élection de Sharon, deux attentats-suicides ont
eu lieu en Israël, le premier à Jérusalem-Ouest, le second dans la banlieue de
Tel-Aviv. Ce dernier, qui a eu lieu dans la localité d’Azur et s’est soldé par
la mort de huit Israéliens, des militaires en majorité, est la plus meurtrière
opération depuis l’attentat du marché de Mehane Yehuda, à Jérusalem, en 1997.
Mais, outre ce lourd bilan, ce qui a particulièrement retenu l’attention des
observateurs c’est que Khalil Abou Albeh, le conducteur palestinien de l’autocar
israélien qui a exécuté cette opération, n’appartenait à aucune organisation
politique ou intégriste. Il n’a agi que par désespoir contre la barbarie de
l’armée israélienne dans sa répression de l’Intifada, et particulièrement
l’assassinat d’enfants palestiniens. Ne faudrait-il pas inscrire cette opération
dans le contexte des séquelles directes de l’élection de Sharon ? Il y a
d’ailleurs de fortes raisons de penser qu’elle ne sera pas la seule.
Sur le
plan régional, il ne fait pas de doute que les réactions de la rue à toute
éventuelle mesure coercitive que le général Sharon serait tenté de prendre pour
mater l’Intifada, seront, dans les pays arabes, autrement plus violentes que
celles déjà constatées contre la politique d’Ehoud Barak. Quant aux régimes
arabes, qu’ils soient modérés, amis des Etats-Unis, ou ayant plus ou moins
normalisé leurs rapports avec l’Etat hébreu, ils se trouveront dans une
situation intenable face à leurs opinions publiques. Ils seront, bon gré, mal
gré, amenés à radicaliser leurs positions pour calmer la colère populaire, à
quelques semaines de la tenue du prochain sommet arabe dans la capitale
jordanienne, Amman.
Dans le rapport annuel de la CIA, George J. Tenet,
directeur de l’Agence, a souligné que la montée de la colère populaire en
Jordanie, en Arabie Saoudite et en Egypte pourrait conduire à une situation de
quasi-révolte. “Dans de nombreux pays arabes, écrit-il, les citoyens ordinaires
sont devenus impatients et plus contestataires. Les derniers événements ont
montré qu’il suffit d’une simple étincelle, comme l’explosion de la violence
israélo-palestinienne, pour que les peuples bougent.”
L’élection de Sharon et
l’adoption de nouvelles politiques qu’elle pourrait entraîner, plus violentes
encore que celles adoptées par Barak, va, n’en doutons pas, déclencher plus
qu’une étincelle de contestation dans la région. Dans ce cas, ce sont les
régimes arabes amis des Etats-Unis qui pourraient être les premiers à
s’embraser.
Le scénario de la nuit de 30 mai 1996 s’est réédité la nuit du 6
février 2001 : l’Etat hébreu avait, de la veille au lendemain, changé
complètement de direction. En se réveillant, les Israéliens ont découvert qu’au
moment où ils tournaient la tête vers l’avenir (la paix, l’auto-émancipation du
complexe de victime, l’intégration à la région), leurs pieds étaient
désespérément enfoncés dans la boue du passé lointain, où dominent la peur de
l’avenir, la panique devant la paix et l’adoration d’un nouveau veau d’or appelé
la “sécurité”, avec son terrible corollaire, la haine des Arabes !
2. Il est temps
de se séparer par Avraham B. Yehoshua
in Libération du jeudi 15 mars
2001
[Avraham B. Yehoshua est romancier et essayiste. Dernier ouvrage
traduit en français: «Voyage vers l'an mil», Calmann-Lévy, 1998.]
Traduit de
l'hébreu par Jean-Luc Allouche
Le nouveau gouvernement d'unité nationale
d'Israël repose désormais sur une large majorité parlementaire. Si quelqu'un
avait soutenu, il y a quelques années, qu'Ariel Sharon serait élu avec une
majorité aussi écrasante et qu'il prendrait la tête d'un gouvernement d'union
tel un grand-père débonnaire, on lui eût rétorqué que c'était là pure
hallucination... Les choses ont donc connu un cours inattendu: Sharon a été élu,
non pour son propre mérite mais contre un Ehud Barak qui a bouleversé le système
politique, malgré sa volonté audacieuse de paix, par une politique
condescendante, peu soucieuse de prendre conseil, et dans une sorte d'autisme
dangereux.
Malgré mes opinions tranchées en matière de paix et mon sentiment
qu'afin de la réaliser il faille parvenir à des compromis d'envergure, je me
suis cependant toujours compté parmi ceux, rares dans le camp de la paix, à
penser que nous réussirions à parvenir à la fin du conflit avec les Palestiniens
uniquement par deux voies. Soit par le biais d'un référendum sur un compromis
avec les Palestiniens, soit par la décision d'un gouvernement d'union nationale
dans lequel seraient associés les grands partis laïques de droite comme de
gauche. Je n'ai jamais cru qu'un gouvernement de gauche pût parvenir à un accord
final avec les Palestiniens comprenant l'évacuation de colonies, la division de
Jérusalem et l'internationalisation des Lieux saints sans l'appui des partis
religieux, dût-il les soudoyer avec des subsides pour leurs institutions. La
paix est essentielle et vitale, et porte au cœur de trop de choses importantes,
tant du point de vue sécuritaire qu'identitaire, et il n'existe pas de
possibilité de la concrétiser avec l'assentiment national sans se fonder sur le
soutien d'au moins deux tiers du peuple, et même alors la chose ne serait pas
aisée.
Dans la formation du gouvernement d'union nationale après la guerre
du Liban, en 1984, les contradictions de fond entre la droite et la gauche
étaient infiniment plus radicales qu'aujourd'hui. Désormais, ces contradictions
sont réduites tout autant que sont amoindris les espoirs de paix. Et cela, pour
trois raisons:
1) l'obstination de l'Autorité palestinienne à revendiquer le
droit au retour des réfugiés neutralise le soutien des pacifistes les plus
acharnés d'Israël;
2) l'Intifada déclenchée il y a sept mois par les
Palestiniens pendant les négociations a ébranlé la confiance de l'opinion
israélienne en la solidité de la paix qui naîtrait après de nouveaux retraits
significatifs;
3) l'effondrement du pouvoir central au sein de l'Autorité
palestinienne et l'émergence de bandes autonomes se livrant au terrorisme à leur
gré.
C'est pourquoi, malgré tous les beaux slogans électoraux, le mot
d'ordre «Sharon amènera la paix» représente à mes yeux un pas en avant de la
droite, qui, jusque-là, ne s'exprimait qu'en termes de sécurité et de rejet de
l'idée de la «paix maintenant». Cependant, il n'y a aucun doute que Sharon ne
donnera pas aux Palestiniens ce que Barak leur accordait et qu'ils ont repoussé
des deux mains.
Aussi le seul acte que le gouvernement Sharon pourra
accomplir est-il une séparation unilatérale d'avec les Palestiniens. Et ce afin
de réduire la violence et la souffrance des deux peuples et de créer, avec le
temps, des conditions de dialogue renouvelé dans l'esprit des récents
pourparlers de Camp David.
Quelles sont les conditions de cette séparation
unilatérale, afin qu'elle n'apparaisse pas, d'un côté, comme une preuve de
défaitisme aux yeux des cercles nationalistes d'Israël et, de l'autre, comme un
acte brutal et annexionniste aux yeux des Palestiniens?
1) La séparation
unilatérale d'Israël doit être reconnue par la communauté internationale et dans
les documents des Nations unies comme un acte temporaire et non comme la
situation finale. Les Palestiniens et les Arabes dans le monde doivent savoir
qu'Israël se montrera prêt à des concessions supplémentaires dans l'avenir, à la
condition que les Palestiniens renoncent définitivement au droit au retour.
2) Israël se retirera de sa propre initiative d'au moins 20 à 35 % des
territoires qu'il a conquis pendant la guerre des Six Jours. Aujourd'hui,
l'Autorité palestinienne possède la maîtrise de 42 % d'entre eux, alors même
qu'Ehud Barak avait proposé de lui restituer jusqu'à 95 % des territoires
occupés.
3) Dans le cadre de ce retrait unilatéral, les nombreuses petites
colonies disséminées dans les territoires seront évacuées, afin de permettre à
Israël de créer une véritable frontière, rigoureuse et fermée entre lui et les
Palestiniens, qui permette d'éviter la plupart des attentats menés aujourd'hui
par des Palestiniens pénétrant aisément du territoire de l'Autorité dans
l'espace israélien.
4) A cette frontière seront postés des points de passage
véritables permettant un contrôle de sécurité des ouvriers palestiniens venant
travailler en Israël. En fait, la création d'une telle frontière entre Israël et
la Palestine pourra dans une certaine mesure alléger le blocus terrible qui
provoque des dégâts économiques et sociaux au sein de la population
palestinienne.
5) Tous les Palestiniens agrégés à l'intérieur de cette
frontière (j'estime leur nombre à quelque 200 000 personnes) recevront des
droits de résidents dans l'Etat d'Israël, hormis le droit électif, mais
bénéficieront du droit au travail, des allocations de chômage et d'une assurance
sociale et maladie. La citoyenneté sera accordée après qu'aura été signé
l'accord de paix avec les Palestiniens sur des frontières reconnues entre
l'Autorité et Israël.
6) Jérusalem demeurera en l'état sous contrôle
israélien (entouré bien sûr par une frontière qui le sépare de l'Autorité) mais
à une condition: Israël s'abstiendra de toute nouvelle construction juive dans
les zones qui étaient palestiniennes jusqu'à la guerre des Six Jours.
7)
Toute la vieille ville de Jérusalem, avec ses Lieux saints, passera sous la
direction commune d'une commission musulmane, chrétienne et juive avec une
participation européenne et américaine.
8) Dans la vallée du Jourdain seront
cantonnées des forces militaires israéliennes, mais les colonies en seront
évacuées.
9) L'entrée et la sortie de l'Etat palestinien s'effectueront
comme aujourd'hui sous surveillance israélienne, en particulier afin d'éviter
l'introduction d'armes de guerre dans l'aire de l'Autorité.
10) Israël
s'engagera publiquement à ce que toute cette action ne soit que temporaire et
susceptible de modification dès l'instant que les Palestiniens se montreront
prêts à renoncer à leur droit au retour des réfugiés en Israël et à se contenter
de ce droit au sein de l'Etat de Palestine et de dédommagements généreux. Alors,
Israël reviendra à la table de négociations.
Une telle séparation
unilatérale est possible, car elle ne dépend que de la seule volonté d'Israël.
De même que le retrait unilatéral du Liban était possible et, en fin de compte,
réussi, car presque dix mois sont passés et il n'y a pas eu un seul acte hostile
sur cette frontière, nul mort ou blessé.
Le gouvernement Sharon, dans sa
composition actuelle, détient la force politique et la légitimité pour réaliser
une telle initiative dont les avantages sont évidents:
- coup d'arrêt
sérieux au terrorisme et aux attentats à l'intérieur d'Israël;
- disparition
des nombreuses colonies isolées, qui sont comme une épine dans la chair des
Palestiniens, avec tous ces barrages et routes de contournement qui infligent
une souffrance énorme à la population palestinienne;
- extension du pouvoir
de l'Autorité palestinienne sur de nouveaux territoires.
Si les
travaillistes, participant en tant qu'associés éminents au gouvernement Sharon,
ne soutiennent pas cette séparation unilatérale selon ces lignes, leur
association à un tel gouvernement n'a plus aucun sens, et ils doivent, dès lors,
rejoindre les rangs de l'opposition de gauche, afin d'essayer de renverser ce
nouveau gouvernement.
3. Les grognards de Sharon par Victor
Cygielman
in Le Nouvel Observateur du jeudi 15 mars 2001
Le Premier
ministre israélien se rend mardi à Washington
Jamais, dans l'histoire
d'Israël, un gouvernement n'avait compté autant de membres : 38 ministres et
vice-ministres. Mais quel sera le véritable programme de cet attelage
hétéroclite de modérés et d'extrémistes, de laïcs et de religieux ?
On
n'avait jamais vu cela en Israël. Lors de la transmission des pouvoirs, le
Premier ministre travailliste sortant, Ehoud Barak, et son successeur du Likoud,
Ariel Sharon, se sont mutuellement complimentés, faisant étalage de leurs
relations amicales. « Je regrette que tu ne sois pas devenu ministre de la
Défense dans mon gouvernement », a dit Sharon, soulignant les qualités humaines
et militaires de Barak. Lequel vanta, de son côté, le savoir-faire de Sharon,
son patriotisme et son dévouement à l'Etat. Supposés défendre des lignes
politiques radicalement opposées, les deux hommes se souriaient chaleureusement,
détendus, fraternels. Le tempérament méditerranéen, combatif, passionnel, qui
caractérise la politique israélienne aurait-il provi- soirement été apaisé par «
l'union nationale » qui rassemble derrière le nouveau Premier ministre huit
partis et 73 députés sur 120 ? Ou bien les divergences entre travaillistes et
Likoud, en l'an 2001, sont-elles plus imaginaires que réelles ?
Quand on
observe la facilité avec laquelle Shimon Peres, leader travailliste réputé
colombe, a trouvé un langage - et un programme - commun avec Ariel Sharon, hier
encore dénoncé comme le promoteur de la guerre du Liban et le bulldozer de la
colonisation juive en Cisjordanie et à Gaza, on doit admettre qu'il existe
désormais une réelle convergence entre leurs options politiques. Peu visible
dans les lignes directrices du nouveau gouvernement, pour l'instant assez
floues, cette évolution de la politique israélienne était évidente dans le
discours-programme prononcé par Sharon devant la Knesset. Le Premier ministre du
Likoud a répété sa conviction que la paix sera impossible sans « compromis
douloureux » consentis par les deux parties. Il a aussi souligné - apparente
concession aux colombes - que son gouvernement « ne construira pas de nouvelles
colonies » dans les territoires occupés, en « oubliant » de rappeler que, selon
les accords de coalition, les colonies existantes pourraient continuer à
s'étendre pour répondre à la « croissance naturelle » de la population.
Enfin, au grand dam d'Ehoud Olmert, maire de Jérusalem, et des durs du
Likoud, il a déclaré que « Jérusalem était et resterait la capitale éternelle du
peuple juif » en omettant de mentionner qu'elle « resterait unifiée sous
souveraineté israélienne », ce qui figurait pourtant dans la version écrite de
son discours. Enfin, répondant au message de félicitations de Yasser Arafat à
l'occasion de son investiture, Sharon a exprimé l'espoir de le rencontrer
prochainement afin de « mettre fin au cycle de violences et de sang répandu,
afin de renouveler la coopération économique et dans le domaine de la sécurité,
en vue d'aboutir à une vraie paix ».
Certes, tout cela reste assez vague.
Comme d'habitude, ce ne sont pas les citoyens ni même les députés ou les
ministres israéliens qui seront informés les premiers des intentions réelles de
leur nouveau chef de gouvernement mais le président américain qui recevra Ariel
Sharon mardi à la Maison-Blanche. On sait déjà que, lors de ce sommet, Sharon a
l'intention de demander à George Bush de ne pas lier l'affrontement
israélo-palestinien aux efforts américains en vue d'isoler Saddam Hussein dans
la région. Les Etats-Unis souhaitent en effet un apaisement de la tension
israélo-palestinienne pour préserver la cohésion de la coalition anti-Saddam.
Car certains pays arabes qui avaient participé à la guerre du Golfe hésitent à
braver leur opinion publique, solidaire de l'Intifada palestinienne, en se
rangeant une nouvelle fois ouvertement derrière Washington, principal allié
d'Israël...
Lors de sa visite au Proche-Orient, le secrétaire d'Etat
américain Colin Powell a déjà suggéré à Arafat et à Sharon une série de mesures
destinées à apaiser la situation. Aux Palestiniens, il a demandé de mettre un
terme à la violence et à l'incitation à la violence. Aux Israéliens, il a
demandé de lever le siège des zones autonomes qui les transforme en prisons
géantes et étrangle l'économie palestinienne.
Mais qui croit encore aux
possibilités réelles d'un règlement pacifique du conflit ? Tandis qu'en Israël
le chef d'état-major général, Shaul Mofaz, qualifie l'Autorité palestinienne d'«
entité terroriste » - ce qui laisse entendre que la politique d'éliminations
menée par l'armée israélienne pourrait viser des responsables de l'Autorité et
du Fatah -, du côté palestinien, l'Intifada reste à l'ordre du jour. Invoquant
l'exemple du Hezbollah libanais, les militants du Hamas et du djihad islamique
préconisent la poursuite de la lutte armée, y compris par des attentats dans les
villes israéliennes. Au sein du Fatah et dans la gauche palestinienne, nombre de
responsables sont aujourd'hui convaincus que les pourparlers ne servent à rien
et qu'Israël ne se retirera jamais de son plein gré des territoires palestiniens
occupés. Et il y a peu de chances, compte tenu de la nature de la coalition
gouvernementale israélienne - qui s'étend des travaillistes à l'extrême-droite -
pour que les partisans de la paix aient à court terme des arguments crédibles à
opposer aux extrémistes.
Comme le fait observer un éditorialiste, la colère
israélienne face au terrorisme, qui a porté Sharon au pouvoir, a débouché sur
l'effondrement du parti travailliste mais aussi sur la constitution d'une équipe
gouvernementale démesurée - trente-huit ministres et vice-ministres - et sur la
nomination de politiciens médiocres à des postes pour lesquels ils n'ont aucune
compétence. « La question qui est aujourd'hui posée aux Israéliens n'est pas de
savoir qui est réellement Sharon, désormais déguisé en paisible grand-père,
estime "Ha'aretz", mais de savoir si la société israélienne toute entière n'est
pas en train de dissimuler son visage inquiet derrière un nouveau
masque...»
4. Un libéralisme
casher par Ephraïm Reiner
in "Ha’Aretz" (quotidien israélien)
traduit dans Courrier International du jeudi 15 mars 2001
L’adhésion
du Likoud au projet de budget présenté par les travaillistes illustre l’érosion
des différences idéologiques entre les deux grandes formations politiques en
Israël.
Le Likoud vient d’apporter un appui bruyant et massif à un budget
concocté voici quelques mois par le Parti travailliste du Premier ministre
sortant Ehoud Barak et qu’il avait rejeté sous prétexte qu’il était
“antisocial”. Certes, l’enjeu pour le Likoud est d’éviter à tout prix des
élections anticipées et d’assurer son maintien au pouvoir. Mais s’agit-il d’une
attitude purement cynique ? Pas nécessairement. Le projet de budget déposé à la
Knesset a été préparé par un parti au gouvernement et il peut être adopté par
n’importe quel parti lui succédant, qu’il s’agisse du Likoud, du Parti
travailliste, du Shas ou d’autres.
Pour comprendre ce phénomène d’érosion, il
faut se replacer dans la perspective historique d’un lent processus dans lequel
les dirigeants actuels n’ont que peu d’implication. Toutefois, la biographie de
Shimon Pérès, qui embrasse cinquante-six ans de carrière politique en Israël,
est très instructive pour comprendre comment nous en sommes arrivés là. Jusque
dans les années 70, deux grands partis donnaient le la en Israël : le Mapai
[Parti ouvrier d’Eretz-Israël, fondé en 1930 par David Ben Gourion et ancêtre du
Parti travailliste, fondé en 1968] et le Parti libéral [successeur des Sionistes
généraux, fondé en 1905 par Chaïm Weizmann, futur premier président d’Israël].
Ces deux partis étaient animés par des idéologies uniques et distinctes en
matière de politique économique et sociale. Comme parti dirigeant, le Mapai
jouait le rôle de commanditaire et de coordinateur des initiatives nationales
collectives privées et publiques dans les domaines de l’immigration juive, de
l’absorption [intégration], de la colonisation de peuplement et de la
sécurité.
Cette conception travailliste du développement économique fut
incarnée par Shimon Pérès lorsqu’il engagea l’Etat d’Israël dans des projets
aussi ambitieux que la construction du réacteur nucléaire de Dimona, le
développement de l’industrie aéronautique israélienne et d’autres initiatives
d’envergure nationale. En tant que chef de file de l’opposition, le Parti
libéral (et les Sionistes généraux qui l’ont précédé) voulait faire d’Israël une
entité nationale comme les autres. Son slogan électoral était alors : “Vivre et
laisser vivre dans ce pays”.
Les libéraux n’arrivèrent au pouvoir qu’après
que leur aile conservatrice se fut associée, en 1963, au Herout [“Liberté”,
parti nationaliste fondé en 1949 par Menahem Begin] pour former le Gahal et que
leur aile progressiste se fut fondue, en 1973, au sein du nouveau Likoud.
Certes, ils furent rapidement absorbés par le Likoud et il n’en reste
aujourd’hui aucune trace dans le paysage politique. Pourtant, les libéraux ont
imposé leur marque en nous léguant leur doctrine socio-économique. Durant la
campagne électorale victorieuse de 1977, la plate-forme électorale du Likoud
déclara vouloir faire passer l’économie d’un “embrouillamini de socialisme, de
capitalisme et d’anarchie” à “une économie libre et de marché fondée sur
l’efficacité, l’initiative et la concurrence”.
Lorsque le Mapai s’aperçut que
la voie libérale était une voie d’avenir, il prit le train en marche et c’est
Shimon Pérès qui poussa le nouveau Parti travailliste à rejoindre le troupeau.
Aujourd’hui, le libéralisme est l’idéologie économique dominante en Israël et
tout ce qu’il reste à faire à Pérès et aux siens est de délivrer un certificat
de kashrout [conforme aux prescriptions alimentaires du judaïsme, casher] à des
initiatives économiques censées s’inscrire dans l’“esprit” du mouvement
travailliste. Dans une longue interview publiée dans "Maariv" le 2 mars dernier,
le nouveau ministre des Affaires étrangères déclare ainsi que “socialisme rime
avec civilisation. Aujourd’hui, le monde est plus ouvert qu’auparavant et les
pays ne sont plus reliés par la terre ou par la mer, mais par la voie des airs.
Et, dans l’air, il n’y a ni pays ni frontières.”
Par cette phrase au
laconisme typique, Pérès signifie qu’Israël a intégré les rangs des tenants de
l’économie mondialisée. L’ancien pionnier des infrastructures nationales et de
l’entreprise de colonisation se veut aujourd’hui le promoteur du “nouveau
Moyen-Orient”. Il n’a de cesse de se fondre dans le nouveau paysage économique
au moyen de quelque chose qu’il interprète comme étant du “socialisme”. “Les
fondements du capitalisme ont été sapés parce que les hommes de 25-30 ans qui
détiennent aujourd’hui les capitaux ne sont pas ceux qui les ont accumulés, mais
ceux qui se sont souciés de les conserver. La concurrence est ouverte à tous et
quiconque le souhaite peut jouer à Qui veut gagner des millions ?”
Si
l’économie mondialisée est aujourd’hui le messager d’un nouveau socialisme,
alors rien de tel pour les héritiers du Mapai (Ariel Sharon et Shimon Pérès) que
de compter sur notre angoisse nationale pour mettre sur pied un gouvernement
d’union. Mais ce gouvernement ne pourra que participer au développement d’une
économie duale, version israélienne.
5. Gouvernement
de guerre ou de paix ? par Randa Achmawi et Aliaa
Al-Korachi
in Al-Ahram Hebdo
(hebdomadaire égyptien) du mercredi 14 mars 2001
Faut-il que les
Palestiniens suspendent l'Intifada pour que reprenne le processus de paix, voire
pour une simple rencontre Sharon-Arafat ? La condition était posée par le
nouveau premier ministre israélien au moment où il mettait en place son
gouvernement d'union nationale. Mais à peine arrivé au pouvoir qu'il modère son
frein. Plus de préalable. « J'espère que nous trouverons le moyen d'établir des
contacts personnels afin de mettre fin au cycle de la violence, à l'hostilité,
aux incitations à la violence et de relancer la collaboration dans les domaines
économique et de la sécurité en vue de parvenir à une paix durable », a écrit
Sharon dans une lettre à Arafat. S'agit-il d'un changement significatif ou d'une
simple concession au realpolitik ? Sharon, avec un gouvernement constitué de
ministres de tous bords (lire encadré) comprenant des faucons notoires, voire
des « illuminés » comme Avigdor Lieberman, ministre des Infrastructures, et
Rehavam Zeevi, ministre du Tourisme, et des « modérés » comme Shimon Pérès, pour
les Affaires étrangères, continue d'alimenter toutes sortes de spéculations. Un
cabinet de guerre, a-t-on dit de ce gouvernement le plus pléthorique de toute
l'histoire de l'Etat d'Israël. Aujourd'hui, on tente de discerner dans les
propos du premier ministre de quoi nourrir un certain espoir. Même du côté
palestinien on espère une prochaine rencontre Arafat-Sharon afin de relancer le
processus de paix. « Nous espérons qu'il y aura des débuts sérieux en vue d'un
sommet Arafat-Sharon. Nous ne voulons pas d'une rencontre pour la forme, mais
pour aller de l'avant dans le processus de paix », a déclaré Nabil Amr, ministre
palestinien chargé des Affaires parlementaires. « Nous ne pouvons pas dire qu'il
y a un accord pour une telle rencontre, mais il y a des indications positives
basées sur le récent échange de lettres entre les deux dirigeants et il y a une
possibilité de rencontre », a-t-il ajouté.
Certes, il n'est pas ici question
d'une véritable percée, mais d'une timide avancée. Un porte-parole de Sharon,
Raanan Gissin, a toutefois souligné qu'un éventuel entretien entre Sharon et
Arafat « ne constituerait pas une relance du processus de paix, mais porterait
sur les moyens pour parvenir à rétablir le calme sur le terrain. (...) Pour
relancer les négociations, il faudrait au préalable que la violence
palestinienne cesse », a-t-il précisé.
Il exprime ainsi les vues d'une
majorité d'Israéliens (60 %), qui exigent aussi que « la violence cesse
».
Situation difficile en quelque sorte, puisque ce préalable est le même que
celui des Palestiniens. Le colonel Jibril Rajoub, chef du service palestinien de
sécurité préventive en Cisjordanie, a appelé Sharon à « prendre des mesures
spectaculaires » pour réduire la violence, notamment à « arrêter les attaques de
l'armée israélienne et à lever le bouclage brutal et l'encerclement des villes
de Cisjordanie ». De fait, il est difficile de demander à la population
palestinienne de mettre fin à une Intifada née des frustrations de la population
palestinienne. Dix ans durant, le processus d'Oslo a marqué le pas en dépit des
gouvernements israéliens successifs et une alternance quasi régulière
Travaillistes-Likoud. De plus, soulignent les observateurs, la deuxième Intifada
résulte bien d'une provocation israélienne.
De nombreuses mesures
israéliennes prévues ne devraient guère faciliter un arrêt de la violence. Ariel
Sharon aurait accepté un plan de l'armée israélienne portant sur un véritable
découpage des territoires palestiniens afin d'isoler les zones où ont lieu les
incidents les plus graves. De telles zones seraient placées sous le contrôle de
forces militaires spéciales. Ce plan annoncé par la presse répond à une
politique de la carotte et du bâton. Les sanctions seraient allégées dans les
zones les plus calmes, affirme le quotidien Yedioth Aharonoth. Ces zones
verraient une circulation plus libre des biens et des personnes. Cette semaine,
l'armée israélienne a, en effet, isolé deux blocs au nord de Ramallah, dans le
nord de la Cisjordanie, le premier se trouvant près de Bir Zeit, où se trouve
l'une des plus grandes universités palestiniennes, et le second près d'Arura.
Entre ces deux blocs, l'armée a creusé des tranchées très profondes et rendu
totalement impraticable une route reliant Bir Zeit à Ramallah, affectant ainsi
25 villages palestiniens et leurs 65 000 habitants. L'armée aurait qualifié ces
blocs de « problématiques », selon Yedioth Aharonoth.
De fait, tout reste
problématique. L'action israélienne a transformé la Cisjordanie en petits îlots
et morcelé la bande de Gaza. Un bouclage qui équivaut à une politique
d'apartheid, a souligné l'Autorité palestinienne qui s'est plainte à l'Onu. Il
ne fait qu'augmenter le ressentiment des Palestiniens et ne pourrait guère
calmer l'Intifada, et compromet donc une reprise des pourparlers de paix. «
L'arrêt de l'Intifada est tributaire de la fin de l'occupation », a déclaré
Marwane Barghouti, responsable du Fatah en Cisjordanie. La même analyse est
partagée par le chef de la diplomatie norvégienne, Thorbjoern Jagland, membre de
la commission Mitchell sur les violences au Proche-Orient. « Yasser Arafat ne
pourra mettre un terme à la violence avant que les Israéliens ne lèvent leur
blocus économique », a-t-il dit.
La stratégie de la faim
Tout porte à croire qu'une sorte de guerre d'usure s'est instaurée
entre Palestiniens et Israéliens et que le nouveau gouvernement israélien est
bien engagé sur cette voie. Avec comme d'habitude une inégalité criante. Le
bouclage des territoires affaiblit Arafat et l'Autorité palestinienne. En
coupant les villes et localités palestiniennes du reste du monde, l'armée
israélienne a poussé le tiers des trois millions d'habitants de Cisjordanie et
de Gaza sous le seuil de pauvreté. De plus, son armée quadrille toujours les
territoires occupés et n'hésite pas à tirer à balles réelles. Face à cette
répression-occupation, les Palestiniens misent sur l'Intifada pour essouffler
l'Etat hébreu et le forcer à prendre des mesures concrètes en faveur du
processus de paix.
C'est bien David et Goliath en quelque sorte. D'où
pourrait venir l'échappée salvatrice dans ce contexte ? Si Arafat a affirmé que
la paix restait un choix stratégique des Palestiniens et appelé le gouvernement
de Sharon à mettre fin à la répression de l'Intifada et à reprendre les
négociations de paix, Pérès n'en a pas fait tellement cas. Il a affirmé qu'il
était trop tôt pour une rencontre avec Arafat. Le ministre des Affaires
étrangères a estimé que « le discours d'Arafat n'a pas répondu aux attentes et
ne contenait pas un appel clair à l'arrêt du terrorisme ». Uri Shani, directeur
du bureau du premier ministre, est allé plus loin en soulignant que « l'arrêt
des violences n'est pas négociable et il ne pourra pas y avoir de pourparlers
avant ». Comme si la violence n'était pas d'abord celle du blocus et d'une armée
appuyée par des colons adeptes de provocation permanente.
Le gouvernement de
Sharon, en regroupant des politiciens de tous bords, veut donner l'impression
d'une unanimité israélienne selon laquelle la sécurité doit précéder la paix.
Mais cette conception de la sécurité signifie un arrêt pur et simple de
l'Intifada sans aucune contrepartie ni garantie. Et sans respect des accords
déjà signés et maintes fois violés par les Israéliens. « Israël n'est pas
disposé à accepter les conditions d'une paix véritable. Il propose un règlement
qui est plus proche de la reddition », affirme ainsi Moustapha Eloui, vice-doyen
de la faculté de sciences politiques de l'Université du Caire. Il conforte son
argumentation par le fait que Sharon a rejeté l'idée d'un règlement définitif,
prônant une situation provisoire à long terme.
Les propositions concrètes du
gouvernement israélien sont « deux versions d'un accord-cadre intérimaire. Le
premier est proposé par Pérès, qui comprend un accord-cadre global mais qui
n'inclut ni la question des réfugiés ni celle de Jérusalem. Le second, celui de
Sharon, propose le retour de 42 % des territoires occupés contre les 95 %
convenus fin janvier à Taba », souligne de son côté Abdel-Moneim Saïd, directeur
du CEPS. Pour le politologue, il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Ce sont
des propositions qui avaient vu le jour du temps de Benyamin Netanyahu.
Retour en arrière
Pour les Palestiniens, c'est plus
qu'un retour en arrière. Le chef du département politique de l'OLP, Farouq
Kaddoumi, a ainsi rejeté le programme d'Ariel Sharon : « Le programme de Sharon
est très éloigné d'une véritable volonté de paix israélienne et les Palestiniens
le rejettent ». Et Kaddoumi d'expliquer : « Sharon ne veut pas discuter des
questions de Jérusalem, des réfugiés et des colonies. Il s'imagine que l'Etat
palestinien peut être fondé sur 42 % des territoires ».
C'est donc un vide
politique qui s'instaure, remplacé par des déclarations censées changer l'image
négative de Sharon, responsable du massacre de Sabra et Chatila en 1982 et de la
provocation qui a mené fin septembre à l'Intifada, en celui d'un homme de la
paix. Ici encore, il est question de vouloir gagner par l'usure. Selon Saïd,
Sharon compte sur une certaine « lassitude » de la communauté internationale à
l'égard du problème israélo-arabe. « Celle-ci est fatiguée par l'absence de
solution et pourrait voir dans Sharon l'homme qu'il faut. Le chef du
gouvernement sait que les gens ont une mémoire très courte. Les mots qui restent
dans l'esprit sont toujours les derniers », précise-t-il. Ceci se renforce aussi
par le fait que de nombreux membres du gouvernement israélien sont tellement
extrémistes (lire encadré) que Sharon fera figure d'arbitre ou de modérateur.
Ainsi de Zeevi, connu pour ses ambitions de vouloir transférer tous les
Palestiniens dans les pays arabes. Il a hérité du portefeuille du Tourisme et
non de celui de la Sécurité intérieure comme il le souhaitait. Sharon s'est
gaussé de lui en lui disant qu'il « pourrait promouvoir le tourisme entre
Téhéran et le barrage d'Assouan ». Il faisait ainsi allusion aux déclarations
incendiaires d'autres extrémistes de son gouvernement comme Lieberman, qui
parlait de bombarder le Haut-Barrage et l'Iran. Pour la diplomatie égyptienne,
Lieberman et Zeevi sont connus pour être les plus extrémistes de tous. Sharon
chercherait leur appui pour mener à bien sa politique de douche écossaise ou de
la carotte et du bâton.
Il aura ainsi les coudées franches s'il faut franchir
des pas importants en ce qui concerne la paix. « La plupart des petits partis
religieux comme le Shass n'ont que des exigences précises pour leurs intérêts
locaux. Ils pourraient présenter des concessions sur le plan de la politique
étrangère contre l'obtention d'un financement des écoles religieuses », relève
de son côté Saïd Okacha, du CEPS.
Ainsi, Sharon, en composant son
gouvernement d'union nationale, veut utiliser les Travaillistes pour « vendre
une politique dure mais de manière acceptable ». Quant aux Travaillistes, ils
ont accepté cette offre soit par opportunisme — Pérès a été en particulier
accusé de s'accrocher au pouvoir —, soit pour tenter de modérer un peu Sharon.
Abdel-Moneim Saïd considère qu'à cause de cela, le gouvernement israélien sera
incapable de prendre une décision substantielle. Et de conclure que ce
gouvernement « ne va pas durer longtemps ».
Une guerre d'usure
Reste à savoir comment l'impasse sera vaincue. L'Etat hébreu, avec
sa politique de répression et son bouclage des territoires palestiniens, pense
qu'il aura le dernier mot. Mais comment éviter un débordement ? Les Israéliens
ne se rendent-ils pas compte de l'influence de plus en plus grandissante des
petits mouvements incontrôlables appartenant à différentes factions ? Une
nouvelle vague de dirigeants a émergé du soulèvement dans la bande de Gaza et en
Cisjordanie. « Arafat a été le symbole du mouvement et les symboles exercent
parfois une grande influence. Mais quelques fois, un symbole n'est qu'un
symbole. Et il (Arafat) n'a aucune influence sur les tanzim (organisations
internes du Fatah) et les affrontements locaux », estime Mahdi Aboul-Hadi, de la
société académique palestinienne pour les affaires internationales. Abdel-Moneim
Saïd va plus loin en affirmant que « ce qui est le plus préoccupant, c'est qu'on
ne sait pas jusqu'à quand Arafat aura encore le contrôle de la situation
».
Une telle éventualité n'est guère dans l'intérêt d'Israël. C'est ce qui
explique les tractations dites secrètes entre Arafat et Sharon. Shani, assistant
de Sharon, l'a reconnu implicitement : « Il est très important qu'il ait des
voies de communication permanentes », sans donner d'autres précisions. Mais
peut-il entendre le cri d'Arafat : « Arrêtez le bouclage, arrêtez le blocus de
nos villages, arrêtez de saisir nos fonds, arrêtez votre politique visant à
affamer le peuple palestinien ! ». Et ce dernier peut-il renoncer à l'Intifada ?
Sûrement pas. « Le monde est témoin depuis bientôt six mois de notre volonté de
sacrifice pour réaliser nos droits nationaux et protéger nos lieux saints. Mais
les Palestiniens ont opté pour le choix de la paix, une paix juste, une paix des
braves qui apportera stabilité et prospérité à notre région ».
Indice ou simple omission ?
Il reste que dans cette
situation complexe, certains indices annonceraient un changement d'attitude ?
Lorsqu'Ariel Sharon a parlé de « Jérusalem capitale éternelle d'Israël », il a
omis le terme « unifiée » toujours présent dans son discours. La droite
israélienne n'a pas manqué de le relever. Le monde entier l'a remarqué, même les
Etats-Unis. Sharon s'est gardé jusqu'à présent de tout commentaire sur ce «
lapsus ». Pour Saïd, c'est un changement d'attitude, voire « un tournant
drastique » de la part de Sharon. C'est l'aspect le plus important de son «
nouveau » discours, selon le politologue. Le ministre égyptien des Affaires
étrangères, Amr Moussa, s'est prudemment félicité d'un éventuel changement en
ces termes : « La main tendue par le premier ministre israélien vers la paix
pourrait être considérée comme positive si elle reflète une manière de penser
différente ».
De toute façon, l'évolution de la situation sera marquée par
les prochains rendez-vous. Le sommet arabe d'Amman les 27 et 28 mars, mais aussi
les rencontres entre le président George Bush avec les chefs d'Etat concernés.
Sharon le 20 mars, Moubarak le 2 avril et Abdallah II de Jordanie le 10 avril.
Les Etats-Unis arrêteront leur position à la suite de ces consultations.
Entre-temps, comment éviter que l'ère de Sharon soit celle d'une plus grande
effusion de sang ?
[De la gauche à l'extrême droite - Le premier ministre
israélien, Ariel Sharon, a présenté le 6 mars au Parlement des accords de
coalition conclus par son parti, le Likoud, avec six partis, et qui assurent à
son gouvernement une majorité d'au moins 70 députés sur 120. Sept formations
forment ce gouvernement, le plus large de l'histoire d'Israël, voire le « plus
hétérogène », selon Abdel-Moneim Saïd, directeur du Centre d'Etudes Politiques
et Stratégiques (CEPS) d'Al-Ahram. Il pécherait, selon lui, par manque de
cohérence. D'autre part, les observateurs relèvent des figures d'épouvante comme
Benyamin Eliezer (Défense), Avigdor Lieberman (Infrastructures) et Rehavan Zeevi
(Tourisme), en plus d'Uzi Landau (Sécurité publique).
Voici la liste des
formations :
— Le Likoud : Principal parti de la droite, dirigé par Sharon,
il compte 19 députés. Il a 8 portefeuilles, dont les Finances, la Sécurité
publique et l'Education.
— Le Parti travailliste : Associé au parti religieux
Meimad, du rabin Michael Melchior. Il comprend 23 députés, mais une partie
d'entre eux se sont opposés à l'entrée dans le gouvernement d'union
nationale.
Les Travaillistes ont huit ministres, dont deux de toute première
importance : les Affaires étrangères, avec l'ancien premier ministre, Shimon
Pérès, et la défense avec le faucon Binyamin ben Eliezer.
— Le Shass : Le
parti ultra-orthodoxe séfarade (17 députés) reçoit cinq ministres, dont un sans
portefeuille. Son chef, Eli Yisha, est ministre de l'Intérieur.
— Israël
Beitenou : Parti russophone d'extrême droite (4 députés). Il est dirigé par
Avigdor Lieberman, qui s'est illustré avant l'élection du 6 février par des
propos belliqueux à l'encontre du Liban, de l'Egypte et de l'Iran. M. Lieberman
est ministre des Infrastructures.
— Israël Be Aliya : Autre parti russophone
(4 députés également à droite sur l'échiquier politique). En vertu d'un accord
conclu au dernier moment, il a été décidé que le chef de la formation, Nathan
Chtcharansky, obtienne le ministère du Logement.
— Am Ehad (un peuple) : Ce
parti de gauche (2 députés), dont la plate-forme est essentiellement économique
et sociale, a eu un ministère sans portefeuille.
— La Nouvelle voie : Ce
parti se résume à une seule et unique députée, Dalia Rabin-Philosof, fille du
premier ministre travailliste assassiné, Yitzhaq Rabin, qui est vice-ministre de
la Défense. Elle a récemment quitté le Parti du centre, qu'elle avait rejoint
lors de sa formation en 1999, pour former « La Nouvelle voie ».
En outre,
cinq partis, qui n'ont pas signé d'accord avec le Likoud, soutiendront le
gouvernement de l'extérieur et pourraient éventuellement rejoindre la coalition.
Ces partis regroupent 21 députés.
— Liste unifiée de la Torah : Ce parti
ultra-orthodoxe ashkénaze, qui compte 5 députés, pourrait obtenir trois postes
de vice-ministre s'il entrait dans la coalition.
— Parti du centre : Après la
récente défection de deux députés du centre gauche, le parti a effectué un
virage à droite. Composé de transfuges du Likoud, il compte aujourd'hui 5
députés, dont l'ancien ministre Dan Meridor.
— Parti National Religieux (PNR)
: Emanation des colons, le PNR (5 députés) est le grand perdant des tractations
avec le Likoud, qui ont buté sur la question de la direction du ministère des
Affaires religieuses, que Sharon a refusée. Le parti a néanmoins assuré qu'il
soutiendrait le gouvernement de l'extérieur.
— Union nationale : Parti
d'extrême droite (3 députés) dont le chef, Rehavam Zeevi, a obtenu le ministère
du Tourisme.
— Gesher : Parti de centre droit (3 députés) dirigé par David
Lévy, ministre dans tous les gouvernements des années 1990, de droite comme de
gauche. M. Sharon lui a seulement proposé un ministère sans portefeuille, qu'il
a refusé.]
6. Situation de
plus en plus tendue par Abir Taleb
in Al-Ahram Hebdo
(hebdomadaire égyptien) du mercredi 14 mars 2001
Le statu quo qui
règne depuis déjà plusieurs mois sur ce qui reste du processus de paix
israélo-palestinien risque de durer encore longtemps. Les Palestiniens
attendaient en effet la formation du gouvernement d’Ariel Sharon, ce qui est
fait, pour pouvoir se prononcer. Pour tout commentaire, le président
palestinien, Yasser Arafat, a solennellement invité samedi Israël à relancer les
efforts de paix, rappelant que la paix est le « choix stratégique » des
Palestiniens. « Nous voulons une paix juste, une paix des braves fondée sur les
résolutions de l'Onu et qui assure à nos peuples et à notre région la sécurité
et la stabilité », a déclaré le président palestinien devant le Conseil
législatif de l'Autorité palestinienne réuni à Gaza. M. Arafat a aussi réitéré
les revendications palestiniennes, à savoir un Etat indépendant avec Jérusalem
comme capitale, le droit au retour des réfugiés palestiniens et celui du peuple
palestinien à « l'autodétermination ».
Rien de neuf donc dans la position
palestinienne. Pourtant, les propos d’Arafat ont d’emblée été critiqués par le
nouveau premier ministre israélien. Ariel Sharon a critiqué Yasser Arafat de ne
pas avoir désavoué « la violence ». « J'ai été déçu hier quand Arafat, dans son
discours, n'a pas appelé à une cessation des hostilités », s’est borné à
déclarer M. Sharon.
Mise en garde palestinienne
Lundi,
l'Autorité palestinienne de Yasser Arafat a mis en garde le gouvernement
israélien contre sa « politique d'escalade » et l'a appelé à reprendre les
négociations « avant qu'il ne soit trop tard », selon les propos de Nabil
Abou-Roudeina, conseiller de M. Arafat. Lundi également, le premier ministre
israélien a défini cinq principes pour mettre fin à la crise avec les
Palestiniens, lors de la première réunion de son cabinet depuis son
investiture.
Selon la radio publique, M. Sharon a affirmé que sa priorité
était de restaurer la sécurité après plus de cinq mois de violences
israélo-palestiniennes meurtrières. Il a présenté quatre autres lignes
conductrices de sa politique : mettre fin à la violence palestinienne, agir pour
empêcher une internationalisation du conflit, réduire la possibilité d'une
détérioration de la situation dans la région et laisser la porte ouverte « à une
reprise des discussions de paix avec les Palestiniens, mais seulement après que
les violences auront cessé ». Du coup, les perspectives d'une prochaine
rencontre au sommet entre les deux hommes, évoquée le week-end dernier, semblent
s'éloigner. Et avec elles, l’espoir d’un quelconque progrès dans un processus de
paix agonisant. D’ailleurs, M. Sharon a clairement fait savoir que son
gouvernement « ne négociera pas sous la violence. Cela a peut-être été l'erreur
du premier ministre Barak que d'accepter de négocier sous la pression de la
terreur ».
Les Israéliens se voient du reste appuyés par les Américains dans
cette fixation qu’ils font sur l’arrêt de ce qu'ils jugent comme la violence des
Palestiniens. Pour l'ambassadeur des Etats-Unis en Israël, Martin Indyk, « il
faut qu'il y ait une réduction significative du conflit et de la violence, et
des efforts doivent être coordonnés contre les terroristes » pour que le «
processus de paix puisse être réengagé ». Etant donné que la perspective d'un
accord de paix définitif et global est « réduite », « il est donc plus approprié
pour la nouvelle Administration américaine d'encourager les parties à réduire la
violence, en particulier en demandant au président Arafat de prendre des mesures
pour freiner les incitations à la violence, agir contre les terroristes et
reprendre sa coopération sécuritaire avec Israël », estime l’ambassadeur
américain. En revanche, la seule chose qu’il réclame aux Israéliens est de «
diminuer sa pression économique et le bouclage (des territoires), permettre la
liberté de circulation des marchandises et autoriser les travailleurs
(palestiniens) à venir en Israël ».
De son côté, Sharon parle comme si la
responsabilité de la violence était uniquement imputée aux Palestiniens. Il a
carrément avancé que Yasser Arafat « contrôlait ses forces » et que « la
majorité des actions terroristes étaient maintenant exécutées par les forces
d'Arafat ou les forces de sécurité ». Un peu plus tôt, le ministre israélien des
Affaires étrangères, Shimon Pérès, pourtant considéré comme un modéré, avait lui
aussi dit que « le discours de Yasser Arafat n'avait pas répondu aux attentes et
ne contenait pas un appel clair à l'arrêt du terrorisme », estimant qu’en
conséquence, il n’était « pas prêt à une rencontre avec lui », car « c'est trop
tôt ».
En faisant de la question de l’arrêt des violences une véritable
obsession, Israël feint d’ignorer complètement les causes de cette violence, à
savoir sa politique d’occupant, sa répression et ses représailles démesurées
envers les Palestiniens. Sans parler de cette nouvelle arme israélienne : le
blocus des territoires qui les asphyxie et détruit l’économie palestinienne.
Arafat : Arrêtez le blocus
D’ailleurs, du côté
palestinien également, on ne s’attend pas à une reprise rapide des pourparlers.
Le ministre palestinien de l'Information, Yasser Abd-Rabbo, a estimé « prématuré
de parler de préparations en vue d'un sommet, puisque cela requiert des mesures
préalables ». Ces mesures « veulent dire qu'Israël doit mettre un terme à sa
guerre barbare et agressive, et à son siège contre notre peuple, ainsi qu'à la
destruction des infrastructures palestiniennes », a ajouté M. Abd-Rabbo.
A
cet égard, l'Autorité palestinienne a dénoncé l'isolement de ses territoires par
l'armée israélienne, notamment dans la région de Ramallah, en Cisjordanie, où
Israël a décidé lundi de renforcer son blocus à la suite d'une suspicion d'un
attentat à la voiture piégée. Ce qui vient s’ajouter à la série de mesures
répressives israéliennes qui affectent économiquement des dizaines de milliers
de Palestiniens vivant dans cette zone, déjà sous le coup du bouclage des
territoires imposé peu après le début du soulèvement palestinien, le 28
septembre. Aussi, le président palestinien avait lancé samedi : « Arrêtez le
bouclage, arrêtez le blocus de nos villages, arrêtez de saisir nos fonds,
arrêtez votre politique visant à (nous) affamer ». Selon lui, le bouclage imposé
à la Cisjordanie et à la bande de Gaza a occasionné des « pertes dépassant les 3
milliards de dollars ».
Sur le terrain, la situation est loin de s’apaiser.
Des heurts ont éclaté lundi entre des militaires israéliens et des Palestiniens
qui tentaient de rouvrir lors d'une manifestation une route de Cisjordanie
bloquée par l'armée, faisant un mort et dix blessés palestiniens. Avant même ces
heurts, le président palestinien avait appelé au déploiement de troupes ou
d'observateurs internationaux pour protéger les Palestiniens. « Nous avons tout
fait pour que la paix soit réalisée, mais nous avons été confrontés à des
propositions inacceptables au niveau palestinien, musulman et chrétien, et ces
propositions nous ont éloignés des résolutions de l'Onu et des termes de
référence de la paix », a ajouté M. Arafat.
7. Les défis du prochain sommet arabe par Mohamed
Sid-Ahmed
in Al-Ahram Hebdo
(hebdomadaire égyptien) du mercredi 14 mars 2001
Parviendrait-il ou
non à former un gouvernement d'union nationale en Israël ? Telle était la
première épreuve qu'Ariel Sharon devait affronter après son accession au
pouvoir. Et il l'a réussie. Désormais, les pays arabes se trouvent confrontés à
une épreuve semblable qui consiste à savoir si, à leur tour, ils parviendront à
assurer leur union panarabe lors du prochain sommet qui se tiendra dans moins de
2 semaines. La question traduit en effet une préoccupation majeure qui surgit
aujourd'hui sur le devant de la scène. C'est que l'échec du processus de paix
nous a ramenés à la case départ, de telle sorte que tout observateur neutre ne
peut écarter l'éventualité du déclenchement — ne serait-ce que par erreur —
d'une guerre dans la région.
Israël, de son côté, a entrepris un pas très
important en formant son gouvernement d'union nationale. Mais nous, Arabes, nous
n'avons pas encore prouvé que nous étions en mesure de jeter les fondements de
notre union face à Israël. Nous n'avons jamais affiché au cours d'un sommet une
position unanime à cet égard. D'autre part, contrairement à ce que certains pays
arabes croient, la nouvelle Administration américaine est plus proche des
positions israéliennes que de la partie arabe. Nous devons le réaliser. En ce
qui concerne le Proche-Orient, la question qui préoccupe le plus
l'Administration Bush est celle de Saddam Hussein et non pas l'accession de
Sharon au pouvoir. De fait, cette Administration s'apprête à tracer une nouvelle
carte de la région dans laquelle figureront comme « ennemis » Saddam Hussein en
premier lieu, suivi par le Hamas et le Hezbollah. Quant à Arafat, il sera placé
en quelque sorte du côté de Saddam Hussein, plutôt que parmi les dirigeants
arabes amis des Etats-Unis. Pour cette nouvelle Administration, le gouvernement
Barak aussi bien que l'Administration Clinton ont commis une grave erreur en
offrant des concessions à l'Autorité palestinienne. Car aux yeux des extrémistes
de cette Administration Arafat ne peut, ou plutôt ne veut, pas faire les
concessions qui lui sont demandées.
En fait, l'intérêt que manifeste
l'Administration Bush à l'égard de la question iraqienne vise essentiellement à
diviser les rangs arabes. Ce problème étant susceptible d'accentuer les
contradictions interarabes, loin de celles qui existent entre les parties arabes
et Israël. Ce n'était pas par pur hasard que la conférence de Madrid s'était
tenue à l'issue de la défaite de Saddam Hussein et son retrait du Koweït. Pour
les régimes arabes du Golfe, Saddam représentait alors un danger plus grand que
celui représenté par l'Etat hébreu.
Aujourd'hui encore, Bush junior tente de
faire revivre ce sentiment afin de détourner les Arabes du danger que représente
Sharon. Et ce au moment où ce dernier a réussi à former un gouvernement d'union
nationale regroupant des forces diversifiées jamais réunies dans l'histoire
d'Israël : 26 ministres et 12 vice-ministres dans un gouvernement réunissant 8
partis et bénéficiant du soutien de 73 des 120 membres de la Knesset. Trois
principaux courants, dont 2 laïques, sont représentés dans ce gouvernement : le
Likoud (droite), le Parti travailliste (centre gauche) et Chass, un parti
religieux qui ne joue qu'un rôle secondaire dans le processus de
règlement.
Ce qui nous importe à cet égard est la relation qu'entretient au
sein de ce gouvernement le Likoud, représenté essentiellement par le premier
ministre Sharon, et le Parti travailliste représenté par le ministre des
Affaires étrangères Shimon Pérès, deuxième figure de proue du gouvernement. Car
en dépit de leur détermination à s'associer au sein d'un gouvernement d'union
nationale, les deux ténors n'en gardent pas moins des positions très
opposées.
Alors que Pérès aspire à un règlement politique, Sharon donne la
priorité à la sécurité d'Israël. Or, accorder la priorité à la sécurité revient
à donner la priorité aux mesures militaires. De son côté, Shimon Pérès tient à
rencontrer Arafat dès que possible. Et ce afin de discuter avec lui des moyens
de surmonter la violence. Sharon a en revanche promis de ne pas serrer la main à
Arafat avant que la sécurité ne soit assurée.
Ce qui donne à penser que nous
avons affaire à un gouvernement israélien bicéphale. D'un côté, Shimon Pérès,
prix Nobel de paix et qui bénéficie d'une bonne réputation internationale. Et de
l'autre, Ariel Sharon qui jouit des prérogatives du premier ministre et du
soutien d'une large partie de la société israélienne. Quel sera donc le sort de
ce gouvernement déchiré par les contradictions si Pérès décide un jour de suivre
un chemin à part et de défier ouvertement le premier ministre ? Mais Pérès ne
sera en mesure de défier la ligne de Sharon que s'il s'appuie sur les forces
opposées à celui-ci, notamment ceux qui ont refusé de joindre le gouvernement
d'union nationale (les membres du Parti travailliste et du parti Meretz). A-t-on
planifié le fait d'exploiter ces opposants afin de faire échouer l'union
nationale en Israël ?
Ceci ne sera pas possible si nous permettons à
l'Administration Bush de faire de l'Iraq la question centrale au Proche-Orient.
Pour y parvenir, il ne suffit pas d'engager un dialogue sérieux avec
l'Administration Bush, mais aussi, et surtout, avec les autorités iraqiennes.
Aussi faut-il faire face à Sharon qui prétend (contrairement à la réalité) qu'il
n'a pas renoncé à l'objectif de la paix. Une paix qui signifie pour lui la
soumission inconditionnée de toutes les parties arabes. Dans cette situation,
nous avons besoin d'une définition arabe de la paix capable de dévoiler les
mensonges du projet de paix de Sharon et de constituer une base pour la reprise
des négociations.
Le prochain sommet doit souligner le fait que la paix reste
l'objectif stratégique de nos pays. Et ce, en élaborant un programme qui fera
l'unanimité auprès des parties arabes. Un programme insistant sur le droit de
retour, sans omettre la résolution 194 de l'Onu, de la souveraineté arabe sur
les lieux saints islamiques de Jérusalem-Est, capitale de l'Etat palestinien.
Sans laisser de côté les dossiers des colonies, de l'eau, de la suppression des
armes de destruction massive et de la sécurité, celle des deux Etats et non
uniquement d'Israël.
8. Une guerre
israélo-arabe est à prévoir avant l'été par par Riyadh
Alam-Ed-Din
in Al-Watan Al-Arabi
(hebdomadaire arabe publié à Paris) le vendredi 9 mars 2001
[traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
Rapport de Powell sur sa tournée au
Moyen-Orient
(depuis Nicosie)
Les journalistes qui ont accompagné Colin
Powell au cours de sa première tournée au Moyen-Orient ont eu la surprise de
voir le ministre des affaires étrangères américain consacrer la plus grande
partie du voyage-retour de Damas à Bruxelles, au cours de la nuit du lundi 7
mars, à ses commentaires sur ses seuls conversations avec le président syrien
Bashar al-Asad. Ces journalistes ont remarqué que les commentaires de Powell sur
son étape syrienne ont duré plus que l'heure passée en compagnie du président
syrien.
Il était clair pour tout le monde que Powell veillait
particulièrement à faire passer sa visite en Syrie pour la plus importante et la
plus remarquée, par ses résultats proclamés, à défaut d'autre chose, de toute sa
tournée, surtout si l'on se souvient de ses hésitations à inclure ce pays dans
sa tournée moyen-orientale. Powell, en effet, n'a ajouté Damas à son programme
qu'au tout dernier moment.
Les sources d'information du Watan al-Arabi
affirme que la raison principale à avoir incité Powell à se rendre à Damas a été
les derniers rapports qu'il a reçus des services de renseignements à la suite de
l'opération menée par le Hizbollah (libanais) contre les fermes de Sheb'a, qui,
tous, mettaient en garde contre les risques potentiels d'embrasement général
dans la région, si l'on ne parvenait pas à convaincre la Syrie de reprendre le
contrôle sur la frontière syro-libanaise.
Il est notable que Powell n'a pas
révélé le contenu de ses conversations avec le président syrien à ce sujet, mais
qu'il a tenu à insister sur un autre sujet de ces conversations : la nouvelle
stratégie de Washington, et en particulier de Powell, sur laquelle il a insisté
tout au long de ses rencontres au sommet, en Egypte, en Jordanie, au Koweït et
en Arabie Saoudite, "et même en Israël, et aussi avec Abu Ammar" (Yasser
Arafat), afin de faire comprendre à tout le monde que l'Irak était le motif de
la tournée diplomatique, et que la stabilité du Golfe est la préoccupation
première de l'administration Bush, au nom de la protection des intérêts
stratégiques vitaux des Etats-Unis.
Powell a voulu donner clairement
l'impression qu'il ne se serait entretenu avec le président syrien que sur la
seule question du pipe-line (depuis l'Irak), demandant des explications à Damas
sur ses importations de près de deux millions de barils de pétrole irakien
quotidiennement, en violation des décisions des Nations-Unies.
Succès américain à
Damas
Plus important, toutefois, fut ce que Powell a rapporté
ouvertement des propos du président syrien, qui lui aurait promis à trois
reprises de soumettre ce pipe-line et les revenus qu'il dégage (en royalties)
aux décisions internationales et au contrôle des Nations Unies, ce qui amena
l'un des conseillers de Powell à confier aux journalistes que cette tournée
avait marqué un point essentiel, là où on ne s'y attendait pas : à Damas,
justement. Mais ce conseiller s'est immédiatement repris, en disant : il est
vrai que nous avons reçu une promesse ferme du président syrien, mais il ne nous
a pas précisé quand il entendait la mettre en application, à savoir s'il
attendrait la nouvelle décision onusienne, en préparation, visant à alléger les
sanctions à l'égard de l'Irak, ou s'il attendrait, en plus, que la nouvelle
politique américaine dans la région soit un peu plus claire ?
D'après les
informations dont nous disposons, le projet de modifier les sanctions
internationales imposées à l'Irak, projet qui a motivé la tournée de Powell dans
la région, est lié à la nouvelle stratégie de Bush. Celui-ci a, en effet,
l'intention de procéder à un réexamen de la stratégie américaine au
Moyen-Orient, de ses priorités et de ses modalités, à la lumière du rapport que
Powell doit lui présenter à l'issue de sa visite, rapport qu'il a commencé à
préparer dès son voyage de retour de Damas à Bruxelles, où il a rencontré les
ministres des affaires étrangères des pays membres de l'OTAN, puis dans l'avion,
à nouveau, entre Bruxelles et Washington.
Ces informations, que nous avons
recueillies auprès de responsables de haut niveau de l'entourage du ministre
américain, indiquent que Colin Powell, parfaitement conscient de l'effritement
du blocus contre l'Irak, a été surpris de l'ampleur du succès remporté par le
président irakien Saddam Husseïn, particulièrement au cours de l'année écoulée,
durant laquelle il a su mobiliser les pays arabes membres de la coalition, tout
particulièrement au niveau des masses populaire. Au cours de ses rencontres, le
ministre américain a eu des difficultés à convaincre les chefs d'Etat et les
responsables politiques arabes de la nécessité de revivifier cette coalition et
de remettre en vigueur l'embargo, sous prétexte que Saddam Husseïn n'a pas cessé
de représenter un danger pour les états voisins et pour la stabilité de la
région. Malgré la persistance des craintes et la méfiance que les capacités
militaires du régime irakien inspirent à certains pays, tous ont répliqué à
Powell que le véritable danger pour les Arabes était incarné par Sharon et non
par Saddam Husseïn. L'un des conseillers de Powell affirme que cette tournée a
donné à la délégation américaine l'impression que Saddam Husseïn avait gagné
définitivement sa guerre de propagande contre Washington, en invoquant les
souffrances du peuple irakien, causées par le blocus et les sanctions
économiques, et qu'il était en train de renforcer sa stature de héros national
capable de défendre la nation arabe face à Israël.
Ces mêmes sources ajoutent
que Powell s'est heurté à un rejet catégorique par les Arabes en ce qui concerne
la reconstitution de la coalition anti-irakienne et la participation de leurs
pays respectifs au blocus et aux sanctions. Powell aurait insisté auprès
de plus d'un pays voisin de l'Irak afin de sonder leur ouverture à l'idée
d'accueillir l'opposition irakienne sur leur sol. Le refus a été unanime, ce qui
a confirmé les doutes de Powell quant à la représentativité de cette opposition
et à son efficacité, ce en quoi il s'oppose aux vues des conseillers du
vice-président Dick Cheney et du ministre de la défense Donald Ramsfield, qui
prônent une assistance renforcée à l'opposition irakienne, parallèlement à une
levée partielle des sanctions.
Mais l'essentiel du compte-rendu du ministre
américain sur sa tournée moyen-orientale tourne autour des modalités d'un
recours à l'allégement des sanctions frappant l'Irak facilitant la mise en
application de la nouvelle stratégie américaine dans la région. On sait que
Powell a inclus à son rapport un projet de levée des sanctions économiques afin
de mettre un terme définitif au rejet sur ces dernières de la responsabilité des
dizaines de morts d'enfants, en Irak, et de la détérioration insupportable des
conditions de vie du peuple irakien. Powell plaide également en faveur d'une
prise en considération de la possibilité de redéfinir les matières frappées
d'embargo car présentant un double emploi possible, mais qui n'en sont pas moins
vitales pour la population irakienne, telles que les pompes à eau, et .... les
oeufs (!), ainsi que certains insecticides qui pourraient être employés à la
fabrication d'armes biologiques et chimiques. En contre-partie, les sanctions
militaires seraient renforcées, de manière à empêcher l'Irak de produire des
armes de destruction massive et de renforcer ses capacités offensives,
Washington insistant parallèlement sur la nécessité de maintenir un contrôle de
l'ONU sur les ressources financières irakiennes afin de l'empêcher d'utiliser
ces fonds à des fins militaires.
Voie sans issue et
accouchement par césarienne
Mais quelle est la vision powellienne de
la stratégie américaine dans la région et des conséquences de la position
nouvelle et prépondérante prise par l'Irak sur l'arène du Moyen-Orient ?
Les
responsables qui ont eu accès au projet de rapport du ministre américain des
affaires étrangères assurent que Powell est revenu de sa tournée dans la région
convaincu qu'elle a perdu son centre de gravité et qu'elle est devenue une sorte
de baril de poudre prêt à exploser d'un instant à l'autre. Bien plus : ces
responsables révèlent que Powell est revenu à Washington plus convaincu que
jamais que l'administration américaine n'a aucun intérêt à dévoiler ses cartes
dans la région, en particulier en ce moment. Il faut attendre la redistribution
des cartes, afin de préparer le terrain à l'imposition de la politique
américaine nouvelle. Ce n'est pas un hasard si le ministre américain a refusé
d'entrer longuement dans la discussion des appels arabes à sauver le processus
de paix et à reprendre les négociations, tant sur le processus palestinien que
sur le processus syrien. Powell a tenu à faire savoir aux responsables concernés
que les négociations palestino-israéliennes et syro-israéliennes étaient des
questions qui n'étaient plus du ressort de Washington, aujourd'hui, mais
seulement de celui des parties concernées.
Ses propos selon lesquels il n'y
aurait plus aujourd'hui de processus de paix, mais un "processus de guerre" ont
été rapportés. C'est d'ailleurs pourquoi Powell a tenu à insister, au cours de
ses rencontres, sur l'importance qu'il y avait à renforcer la stabilité et la
sécurité et à désamorcer le risque de guerre, mais il a révélé, dans des
remarques qui seront reprises dans son rapport, que l'arrivée de Sharon au
pouvoir et le "come-back" de Saddam Husseïn sur la scène arabe placent la région
dans une situation nouvelle, sous l'emblême de la voie sans issue, impliquant le
recours à une césarienne afin de trouver une solution globale pour la région,
que Powell envisage comme un "paquet" (package deal) moyen-oriental, comportant
l'Irak et l'ensemble de la région.
Les sources informées révèlent que Powell
conseille au Président Bush d'oublier la région complètement, et d'attendre que
l'exacerbation arabo-israélienne mûrisse, étant donné qu'il est absolument exclu
de trouver des points d'accord permettant d'avancer, dans le contexte actuel. Il
semble que Powell ait fait savoir à ses interlocuteurs israéliens et arabes que
Bush n'avait aucune intention de s'immiscer dans le conflit israélo-arabe, et
que la seule ligne rouge à ne pas franchir était celle du retour à un Irak
menaçant pour ses voisins et pour la région, ou la production d'armes de
destruction massive. Les observateurs ont remarqué que Powell ne s'est pas
attardé sur le fait de savoir si l'administration américaine était déterminée à
abattre Saddam Husseïn ou à faire tomber le régime. D'après eux, la direction
générale dans laquelle s'engagera la région trouvera un écho, inéluctablement,
dans le devenir de l'Irak et de plus d'un pays du Moyen-Orient.
Menaces israéliennes contre la
Syrie et l'Irak
Les observateurs affirment que Powell reconnaît,
dans son rapport, la nécessité d'un recul américain sur le dossier des
sanctions, ce recul dût-il représenter une défaite américaine ou l'élargissement
de Saddam Husseïn de la "nasse", convaincu qu'il est du fait que la région dans
son ensemble a besoin d'une révision complète des enjeux et des équilibres qui
la parcourent... au moyen d'une "césarienne" qui serait en réalité une guerre
régionale, que Washington refuse jusqu'à maintenant d'appeler par son vrai nom.
En dépit de cette ignorance américaine délibérée et éminemment suspecte du
risque de guerre qui plane sur la région, les observateurs se sont penchés sur
une rencontre qui s'est distinguée de celles que Powell a eu au cours de sa
tournée : sa rencontre avec le chef d'état-major israélien, Shaul Mofaz. Selon
nos sources, cette rencontre a été parmi les plus importantes que Powell ait
eues en Israël, que ce soit avec Barak ou avec Sharon, au cours desquelles il ne
fut pas question non plus de la reprise des négociation, ni avec les
Palestiniens, ni avec la Syrie, mais bien des "lignes rouges" définies par
Sharon et du "feu vert" donné depuis Washington pour les "défendre" !
Les
sources américaines indiquent que Sharon a réitéré à Powell son refus de
retourner à la table des négociations afin de reprendre ces dernières au point
où elles avaient été suspendues, tant avec les Palestiniens qu'avec les Syriens.
Il lui a répété également que son leit-motiv était "la sécurité et la défense
d'Israël", ligne rouge avec laquelle on ne saurait plaisanter, et dont les
détails militaires, tels que rapportés par Mofaz à Powell comportent la
détermination d'Israël à répliquer à toute opération militaire menée contre lui,
si nécessaire en menant une guerre régionale qui ne se limiterait pas à des
frappes contre la Syrie, mais irait jusqu'à des opérations contre l'Irak et
contre tout pays arabe qui entrerait dans le conflit. Ces mêmes sources
rapportent que Powell aurait entamé sa rencontre avec le président syrien par
l'évocation de ce qu'il a qualifié de menaces israéliennes très préoccupantes
contre la Syrie, si le Hizbollah continuait ses opérations contre les fermes de
Shab'a. Powell ne se serait pas tenu pour quitte après la réponse de Bashar
al-Asad selon qui la libération de ces fermes était tout-à-fait légitime pour la
résistance libanaise. Il a continué à exposer les menaces de Mofaz qui tendent à
rendre la Syrie responsable des attaques du Hizbollah, Israël n'accusant plus
l'Iran ou ne menaçant plus de s'en prendre au Liban en mesure de représailles,
mais menaçant de livrer une guerre dévastatrice contre les forces syriennes au
Liban et contre des positions militaires syriennes. Et lorsque la partie
syrienne a réitéré qu'elle était prête à la paix et à la reprise des
négociations sur la base du retrait israélien jusqu'aux frontières du 4 juin
1967, Powell n'entra pas dans les détails et se contenta d'exprimer sa
satisfaction face à cette attitude conciliante, se rappelant soudain qu'il
s'agissait là d'un problème purement syro-israélien, ne concernant en rien
Washington à l'étape actuelle (!). Puis il est passé lestement au dossier du
pétrole irakien, qu'il a qualifié de sensible et suscitant la préoccupation de
Washington...
Guerre
israélo-arabe
Les sources proches de Powell révèlent qu'il a veillé,
au cours de sa tournée arabe, à affirmer la sollicitude de Washington pour ses
alliés et ses amis, mais il a fait allusion, à plusieurs reprises, à la
nécessité du choix entre les alliés et les (simples) amis et à la difficulté
qu'il y a à être à la fois ami de Saddam, et en même temps, allié ou ami des
Etats-Unis, et ce qui en découlait pour les relations économiques et politiques
avec les Etats-Unis et les institutions financières internationales qui leur
sont dévouées...
Malgré tout, Powell a tenu à donner l'impression que sa
tournée a été couronnée de succès et positive. Et que Washington avait prêté
l'oreille aux demandes des Etats et des peuples arabes, ainsi qu'à celles de
beaucoup d'Etats dans le monde, parmi lesquels trois pays jouissant du droit de
veto au Conseil de sécurité de l'ONU, au sujet de la nécessité de lever les
sanctions économiques contre l'Irak, qui frappent, en réalité, le peuple
irakien.
Mais les premières fuites sur le rapport officiel de Powell ne
suggèrent nullement, d'après les informations de journalistes qui l'ont suivi au
cours de sa tournée moyen-orientale, que la fin des souffrances du monde arabe
serait pour demain ou que tout danger serait écarté de la région. Ces
observateurs craignent que la date choisie pour sortir le peuple irakien du
tunnel sans fin des sanctions ne soit aussi celle où la région entrera dans un
tunnel sans fin, ramenant le spectre d'une guerre régionale de vaste envergure.
Ils n'écartent pas le risque que la reformulation par l'Amérique de sa politique
au Moyen-Orient s'accompagne d'un vide politique et sécuritaire régnant sur
l'ensemble de la région de la fin du mois de mars actuel jusqu'au début de
l'été. Il s'agit là de la période retenue par les rapports des services secrets
pour la "césarienne" qui consisterait en l'éclatement d'une guerre
israélo-arabe, au cours de laquelle des missiles pourraient atteindre Tel-Aviv
ou Haïfa avant que l'administration Bush Junior n'arrête ses options et ne
redessine la carte de la région...
9. Israël, un
gouvernement inquiétant par Dominique Vidal
in la liste de diffusion
du Monde diplomatique du jeudi 8 mars 2001
[Dominique Vidal
est Rédacteur en chef adjoint du mensuel "Le Monde
diplomatique".]
C'est un gouvernement sans précédent dans l'histoire
d'Israël que la Knesset a investi le 7 mars 2001. Jamais une équipe n'avait
compté autant de membres : vingt-six ministres et douze vice-ministres. Cette
inflation témoigne du prix payé par le premier ministre Ariel Sharon pour
associer l'essentiel de la classe politique à son entreprise. De fait, à
l'exception des partis arabes, du parti sioniste de gauche Meretz, du Parti
national religieux et du mouvement juif oriental Gesher, nul n'est absent.
Encore une « première »: jamais les travaillistes n'avaient accepté de côtoyer
au pouvoir l'extrême droite, dont un des dirigeants, le général Zeevi, prône le
« transfert » des Palestiniens, et l'autre, M. Avigdor Lieberman, a récemment
menacé de « bombarder Téhéran et le barrage d'Assouan »…
Mais le plus
inquiétant, c'est le programme de cette coalition. Le présenter comme « modéré »
relève, au mieux de la méthode Coué, au pire de la manipulation. La ligne
négociée, entre le Likoud et le Parti travailliste fait table rase des acquis
des négociations antérieures et tourne le dos à l'idée même d'accord définitif.
Refusant toute concession sur un nouveau retrait de l'armée israélienne comme
sur Jérusalem et sur les réfugiés, elle prétend en fait à imposer aux
Palestiniens le statu quo actuel. Enfin, et surtout, elle entend répondre au
besoin de sécurité qui a porté M. Sharon au pouvoir en rétablissant coûte que
coûte l'« ordre » dans les territoires. Quoiqu'il advienne, une page de
l'histoire du Proche-Orient se referme : celle dite du « processus de paix »,
ouverte par la conférence de Madrid de 1991 et la Déclaration de principes
israélo-palestinienne du 13 septembre 1993.
Sept années d'autonomie
palestinienne se soldaient, il est vrai, par un bilan des plus maigres pour les
Palestiniens. Contrairement aux engagements pris par l'Etat juif, l'Autorité
palestinienne contrôle en pleine souveraineté moins de 20% des territoires
occupés en 1967 - la proportion monte à 42% si l'on ajoute des zones dont elle
partage la souveraineté avec Israël. De surcroît, chacun de ces îlots est séparé
des autres par les routes de contournement desservant les implantations juives.
Car la colonisation de la Cisjordanie a quasiment doublé depuis 1993. Quant à
l'économie palestinienne, elle était incapable, avant même l'Intifada et le
blocus, d'assurer une vie digne à trois millions d'habitants.
Telle est la
poudrière qu'allaient faire exploser, le 28 septembre 2000, la visite du chef du
Likoud sur l'Esplanade des mosquées et, le lendemain, les tirs à balles réelles
contre les manifestants (7 morts). Les sacrifices endurés par la population
arabe de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie et de la bande de Gaza n'auraient été
supportables que si les négociations de paix débouchaient sur un accord solide,
créant les conditions de la naissance d'un véritable Etat palestinien
indépendant.
Ce n'était pas le cas des propositions avancées par M. Ehoud
Barak lors du sommet de Camp David. Certes, le premier ministre proposait de
rétrocéder un pourcentage plus élevé de la Cisjordanie, mais celle-ci restait
coupée en trois morceaux par les blocs de colonies qu'Israël entendait annexer.
Sur Jérusalem, il envisageait une certaine autonomie pour les faubourgs
palestiniens situés à l'est de la ville - puis, mais après Camp David, une forme
de partage de la ville. Sur la question des réfugiés, il refusait toute mise en
oeuvre du droit au retour prôné par les Nations unies depuis le 11 décembre
1948.
Même les suggestions, plus favorables aux Palestiniens, présentées en
décembre 2000 par le président américain William Clinton, juste avant de céder
la place à M. George W. Bush, n'allaient pas suffire à sortir de l'impasse : les
ultimes pourparlers de Taba, en janvier 2001, devaient - malgré certaines
avancées - se solder par un échec.
D'où, le 6 février, la victoire écrasante
- abstention massive aidant - de M. Sharon sur M. Barak. Certes, les peurs
réveillées par l'Intifada palestinienne chez les Israéliens et la priorité
donnée par ceux -ci à la sécurité ont pesé lourd dans le résultat du scrutin. De
même, l'échec répété des négociations avec la Syrie comme avec les Palestiniens
ont entraîné, dans l'opinion, une désillusion brutale et sans doute durable. On
aurait tort, pour autant, d'interpréter le vote des Israéliens comme un rejet de
toute perspective de paix : les sondages réalisés à la veille de l'élection
confirmaient que près des trois quarts des citoyens espéraient toujours un
accord de paix, et accordaient à M. Shimon Pérès, s'il remplaçait à la dernière
minute M. Barak, des chances de l'emporter. En réalité, ce que l'électorat a
surtout sanctionné, c'est la faillite du premier ministre sortant, incapable,
contrairement à ses promesses, à l'extérieur de faire la paix avec les Syriens
comme avec les Palestiniens, et à l'intérieur de mener la grande politique
sociale et laïque attendue.
Autant d'objectifs auxquels le gouvernement
d'union nationale dirigé par M. Sharon tourne évidemment le dos. En acceptant,
finalement, d'y participer, les travaillistes ont pris une triple et lourde
responsabilité. D'une part, ils risquent de servir de caution à la politique de
force à l'égard des Palestiniens qu'exige la direction de l'armée, les attentats
en Israël même fournissant le prétexte d'un durcissement de la répression, qui
pourrait viser, cette fois, l'Autorité palestinienne elle-même. D'autre part,
ils empêchent la rénovation de leur propre parti et la relance du mouvement
pacifiste. Enfin, se tranformant en cache-sexe de la droite et de l'extrême
doite, ils font pression, au nom du « consensus national israélien », sur
les gouvernements étrangers pour tenter d'écarter toute forme
d'internationalisation du conflit.
Bref, l'équipe Sharon représente bien un
gouvernement dangereux dans une situation dangereuse. Il lui faudra néanmoins
tenir compte de plusieurs facteurs, susceptibles de freiner les ardeurs
belliqueuses de certains de ses membres. D'abord l'Intifada elle-même, dont la
radicalisation, alimentée par la brutalité même de la répression - le seuil des
440 morts (dont 65 Israéliens) et des 20 000 blessés vient d'être dépassé -,
fait craindre le pire : Israël redoute, non seulement la multiplication
d'opérations terroristes, mais l'impasse stratégique dans laquelle il se
trouverait après une éventuelle intervention dans les terrritoires autonomes.
Ensuite les réactions du monde arabe, dont les opinions, sensibilisées par les
télévisions d'information continue comme Al Jazira, se sont déjà mobilisées l'an
dernier, contraignant plusieurs gouvernements à rompre ou à geler les relations
établies avec Israël. Enfin, la nouvelle administration américaine, que sa
sympathie pour Israël n'empêche pas de veiller à la stabilité des régimes arabes
alliés. Sans oublier l'opinion publique mondiale, dont l'intervention sera, en
tout état de cause, décisive pour empêcher une escalade suicidaire pour les deux
peuples en
présence.