Mediterraneo à la rencontre des
Palestiniens de Jordanie
Samedi 17 mars 2001 à 12h55 sur France 3
Méditerranée
Ce samedi, à 12h55 "Mediterraneo" présente sur "France 3 Méditerranée"
(rediffusions sur "TV5" et sur la chaine cablée "Régions") deux documentaires
sur les Palestiniens de Jordanie.
- les relegués d'Hattin - Le cas de la famille d'Omar Odeh
n'est pas isolé. Il n'est pas représentatif pour autant de ce que vivent une
majorité de Palestiniens de Jordanie. A l'autre bout de l'éventail social se
trouvent des familles qui n'ont pas pu ou pas su sortir des camps de réfugiés.
Beaucoup sont dans ce cas dans le camp d'Hattin, un camp à quelques kilomètres
au nord d'Amman….
- Au nom du Père, du Roi et de la Palestine - Trois
millions et demi de Palestiniens vivent hors de chez eux, souvent dans des camps
de réfugiés , à Gaza, au Liban, en Syrie, et en Jordanie. La Jordanie est même
le pays qui acceuille le plus grand nombre de ces réfugiés. La moitié des six
millions d'habitants de la Jordanie seraient, selon les sources, d'origine
palestinienne. Trois cent mille d'entre eux environ vit dans une quinzaine de
camps de réfugiés, les autres sont simplement partie prenante de la population
jordanienne. Même lorsqu'elles ont socialement réussi; ces familles d'origine
palestinienne n'ont pas oublié le pays de leurs parents. C'est le cas de Omar
Odeh, qui vit à Amman…
[- Ne manquez-pas aussi : "Mediterraneo - Le Journal" chaque samedi à 18h56 sur France
3
Méditerranée ]
Brèves de Campagne "Municipales
2001"
- Laurent Dominati,
candidat Démocratie Libérale dans le 4ème arrondissement de Paris
: "Mon soutien à Israël est connu de tous. C’est une constante dans mon
action politique, indépendamment des échéances électorales. Je suis un des rares
députés à avoir indiqué à maintes reprises, et notamment à l’Assemblée
nationale, que j’étais pour la reconnaissance de Jérusalem comme capitale
d’Israël."
- Georges Frêche,
candidat du Parti Socialiste, maire de Montpellier depuis 24 ans
: "Sharon avait le droit, comme tout le monde, de se promener sur
l’Esplanade des Mosquées. Je suis plus à droite que Barak. Il est impensable que
Jérusalem soit divisée. Il n’y a aucune légitimité historique arabe sur
Jérusalem".
- Didier Bariani,
candidat UDF/RPR/DL dans le 20ème arrondissement de Paris (ancien
ministre) : "Cela fait vingt-cinq ans que je défends Israël. Je ne vais
pas changer aujourd’hui. Israël est toujours le seul pays de la région où le
gouvernement sort des urnes. Ceux qui vouent aux gémonies un Premier ministre
élu exagèrent. La méfiance à l’égard d’Ariel Sharon manifestée par certains est
inadmissible. Sa proposition de former un gouvernement d’union nationale me
paraît très positive. Il faudrait saluer sa fermeté et sa volonté d’ouverture.
Et se souvenir de certains précédents et notamment de Menahem Beghin qui parvint
à faire la paix avec l’Égypte. Il faut éviter que la suspicion de la communauté
internationale se porte sur Israël et croire en Israël. Israël traverse une
période difficile. Moi qui ai été, pendant des années, président du groupe
d’amitié France-Israël à l’Assemblée nationale, j’aimerais que l’on se souvienne
que les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Et que si, dans le passé, Israël
avait écouté les conseils d’un certain nombre de pays, il aurait disparu depuis
longtemps".
- Pierre Lellouche,
candidat RPR/UDF/DL dans le 9ème arrondissement de Paris (gendre de
Gabriel Banon !) : "Vice-président du groupe France-Israël à
l’Assemblée, je n’ai pas caché que le responsable de l’échec du processus de
paix se nommait Yasser Arafat. Tant que l’Autorité palestinienne ne sera pas
capable de gérer démocratiquement son territoire, les choses n’évolueront pas.
Il est plus facile d’agiter une kalachnikov que de créer des emplois et des
écoles. Cela, je l’ai dit publiquement, ce qui n’a pas forcément plu Place
Vendôme."
- Laurent
Parienti, candidat Démocratie Libérale dans le 9ème
arrondissement de Paris sur la liste de Jean Tibéri : "Pour moi,
l’unicité et l’unité de Jérusalem, capitale d’Israël, sont le b-a ba du combat.
Je dois vous avouer que cette position a été très dure à défendre quand le
gouvernement d’Ehud Barak lui-même parlait de diviser Jérusalem. Mais quand on a
des convictions, il faut aller jusqu’au bout."
- Bernard Gahnassia,
candidat RPR/UDF/DL dans la commune de Clichy-la-Garenne :
"Je suis d’abord un militant sioniste, qui mène un combat sioniste, et je n’ai
pas peur de le revendiquer. Toute l’année, dans le cadre de mes fonctions, je
multiplie les activités communautaires, comme récemment la collecte de fonds
pour les soldats israéliens, et plus généralement je tente d’aider la communauté
au quotidien. J’ai ainsi doté ma commune d’un centre culturel, avec une
synagogue."
- Raphaël Nisand,
candidat du Parti Socialiste dans la commune de Schiltigheim
(banlieue de Strasbourg) : "J’avais choisi le Parti socialiste en 1973
car j’ai toujours pensé que c’était le parti le plus ouvert aux juifs et à leurs
problèmes. À cette époque, c’était le parti le plus pro-israélien. Mon action
militante au sein de la LICRA a le même fondement."
Réseau
1.
L’Union des Progressistes Juifs de Belgique s’indigne de l’entrée de
l’extrême droite dans le nouveau gouvernement
israélien
Résolument engagée dans le combat militant en
faveur d’un règlement juste du conflit israélo-palestinien basé sur la notion de
deux peuples pour deux Etats souverains et viables avec Jérusalem comme capitale
commune, l’Union des Progressistes Juifs de Belgique (UPJB) tient à dénoncer
l’accession de l’extrême droite israélienne au pouvoir.
Ce n’est en effet pas, contrairement à ce sur
quoi s’appesantissent la quasi totalité de nos média, la “promotion”, au rang de
ministre, de la fille de Yitzhak Rabin, ni celle d’un député druze, qui
constituent l’événement majeur de la nouvelle politique israélienne. C’est à
l’évidence — en plus de l’élection triomphale d’Ariel Sharon que son parcours
criminel aurait depuis longtemps dû frapper d’inéligibilté — la
respectabilisation d’une des extrême droite la plus dure qui soit. Et ce, avec
l’aval du Parti travailliste !
L’entrée d’Avigdor Lieberman, leader du parti
raciste Israël Beitenou (Israël notre Maison), partisan du bombardement des
capitales arabes coupables de soutien à l’Intifada, et celle de Rehavam Zeevi
leader du parti Union nationale, grand partisan du “transfert” des Palestiniens,
tant d’Israël que des territoires occupés, vers les pays arabes, nous fait en
effet craindre le pire quant à l’orientation du nouveau gouvernement
Sharon-Peres, d’autant plus que les deux partis d’extrême droite n’étaient
absolument pas indispensables à la viabilité de celui-ci.
Notre gouvernement s’est distingué dans les
réactions qui ont suivi l’accession au pouvoir du parti de Jörg Haider ; notre
ministre des Affaires étrangères a mis l’Italie en garde sur les conséquences
que pourrait avoir la participation de la Ligue du Nord à un prochain
gouvernement Berlusconi ; nos partis démocratiques tiennent bon vis-à-vis du
cordon sanitaire qui entoure le Vlaams Blok… Ils doivent, de même, faire
comprendre à Israël, pays hors UE avec lequel nous entretenons des relations
économiques et douanières privilégiées, qu’il n’y a pas une extrême droite plus
respectable qu’une autre.
2. L'
UNRWA risque de manquer de fonds
in United Nations Foundation Wire
du 7 mars 2001 [http://www.unfoundation.org]
[traduit de l'anglais par Dominique
Vincent]L'Agence des Nations Unies en charge des
réfugiés palestiniens (UNRWA) pourrait être amenée à limiter ses distributions
alimentaires et les soins médicaux qu'elle dispense à
200 000 familles
palestiniennes des Territoires occupés si les contributions n'augmentent
pas d'ici décembre prochain. D'après le Directeur de l'UNWRA , Peter Hansen, il
pourrait manquer au budget de cette année, qui est de 311 Millions de $,
65 Millions de $ en raison des besoins accrus depuis l'Intifada.
"Il faudra
plus de 5 ans pour réparer les dégâts infligés aux Territoires au cours des 5
derniers mois" a déclaré M Hansen. 45% des habitants de Cisjordanie et de Gaza
sont au chômage. L'état sanitaire s'est aussi détérioré depuis septembre, les
naissances d'enfants mort-nés ont augmenté de 58% par rapport à l'année
précédente, les taux de vaccination sont tombés de 100% à 85%.
Lancement d'un programme de distribution
alimentaire par l'ONU
Lundi a débuté un programme d'aide alimentaire
pour une durée de trois mois et un coût de 4 Millions de $ qui s'adresse à 250
000 personnes à Gaza. Heather Hill de la Banque mondiale alimentaire a déclaré
:"Nous sommes préoccupés, les gens ici ne peuvent plus faire face à l'achat des
produits de première nécessité".
Le Comité International de la Croix Rouge a
également commencé à distribuer lundi dernier notamment du savon et des
couvertures à 60 villages soumis au blocus économique israélien en Cisjordanie
et à Gaza.
3. Les
fleurs de Galilée par Israel Shamir
[traduit de l'anglais par Annie
Coussemant]
Quand, en 1543, poussés par les typhons,
les goélettes portugaises approchèrent des côtes du Japon, les marins ébahis
n'en crurent pas leurs yeux : en cette chaude journée de printemps, l'île
tropicale , ohé du navire ! était couverte de neige. Ils avaient devant eux la
Septième merveille du Monde, mais bien réelle celle-là : les fleurs du sakura,
le cerisier sauvage du Japon. Dès que les cieux bienveillants offrent à la Terre
ce don saisonnier, les Japonais oublient femmes et enfants, devoirs, patrons et
factures. Ils se contentent de s'asseoir sous les arbres en sirotant du saké et
en écrivant des poèmes aussi brefs que lapidaires.
C'est la raison pour
laquelle, ces jours-ci, laissant derrière moi les problèmes des hommes, je vais
m'asseoir sous la nuée blanche d'un arbre et m'émerveiller devant les fleurs
roses et blanches des amandiers qui couvrent les collines de Galilée. Cette
délicate floraison, qui est notre version à nous du sakura japonais, nous permet
de nous perdre dans la contemplation des fleurs. Un arôme de miel flotte dans
l'air, les cieux sont d'un bleu limpide. Les marguerites jaunes ondulent
au-dessus de l'herbe verte, luxuriante, qui tapisse le sol au pied de ces
merveilles d'amandiers, semée de cyclamens mauves et d'anémones pourpre. La
toile de fond nous est fournie par l'énorme masse neigeuse du Djebel ash Cheik
(Mont Hermon) qui trône dans toute sa gloire. La Palestine est sœur du Japon.
Ces deux terres accidentées sont le pays de montagnards têtus, entièrement voués
à leurs coutumes et qui ne remettraient jamais en question leurs façons de
faire.
Si les deux paysages présentent beaucoup de similitudes, il existe
néanmoins des différences. La colline sur laquelle nous sommes assis, toute
blanche telle l'écume de la mer à Jaffa, abrite les ruines d'un village. Si nous
étions au Japon, les alentours bourdonneraient de vie. Mais le village de Birim
est mort depuis cinquante ans. Il demeure beau, même dans la mort, comme le
corps d'Ophélie descendant le fleuve flottant dans le tableau de Millais,
peintre de la confrérie des préraphaélites. Ce n'est pas la guerre qui a réduit
ce village en cendres. Ses habitants, des chrétiens, ont été expulsés de leurs
maisons bien après la guerre de 1948. On leur a dit de partir, une semaine ou
deux, pour des raisons de " sécurité ". Ils ne pouvaient que faire confiance aux
officiers israéliens, alors ils sont partis. Leur village a été dynamité et leur
église entourée de fil de fer barbelé. Ils sont allés devant les tribunaux
israéliens, ont interpellé le gouvernement, des commissions ont été créées et
des pétitions signées. Mais rien n'y a fait. Depuis un demi-siècle, ils vivent
dans les villages voisins et, les dimanches, ils continuent de se rendre dans
leur église. Leurs terres ont été saisies par leurs voisins juifs. Pourtant, ils
continuent d'amener leurs défunts dans le cimetière de l'église pour les
enterrer sous le signe de la croix.
Jusqu'à l'arrivée de l'armée israélienne,
ce village en ruines et son église orpheline abritaient les paysans chrétiens de
Birim qui, pendant des siècles de gouvernement ottoman, avaient vécu en paix
avec leurs voisins musulmans de Nebi Yosha et l'antique communauté juive
sépharade de Safed, toute proche. Ce petit Guernica de Galilée pourrait à lui
seul remettre en question le mythe d'une civilisation judéo-chrétienne qui se
serait opposée au " monstre " de l'Islam. C'est sur ce mythe que s'appuie le
mouvement chrétien pro-sioniste qui compte, parmi ses plus fervents défenseurs,
un ami de Mark Rich, citoyen new-yorkais de fraîche date : Bill Clinton.
Les
problèmes que connaît le Proche-Orient sont suffisamment horribles sans qu'il
soit besoin de dénigrer systématiquement les musulmans comme cela se fait
aujourd'hui. Les pontes pro-israéliens du New York Times se plaisent à citer des
versets sur la Jihad, qui vous font froid dans le dos, à ressasser les antiques
traditions des guerres et des persécutions religieuses pour " prouver " la
cruauté et l'intolérance de l'Islam. Barbara Amiel, charmante dame de la haute
société londonienne d'ascendance juive, s'en fait l'écho. Sotto voce, elle écrit
des articles dans lesquels elle parle de l'Islam qui " exclut " et de la "
modération " des juifs. Le lobby pro-israélien fait feu de tout bois pour
inciter à la haine. Avant la création d'Israël, on peignait les cheiks arabes
comme des héros romantiques dans les films que tournait Rudolf Valentino.
Aujourd'hui, les producteurs pro-israéliens d'Hollywood tournent, avec la
délicatesse de Edward D. Wood Junior, des films de propagande dans lesquels on
voit des terroristes musulmans mal rasés. Ce nouveau préjugé est amplifié au
centuple par le Congrès des chrétiens sionistes qui revendique " une protection
pour les chrétiens de Palestine contre les persécutions des musulmans ! " (sic).
De toute évidence, ces gens-là ne se sont jamais promenés parmi les ruines de
Birim.
A l'instant, un autre courrier électronique m'arrive sur mon portable,
cette fois-ci il vient de Gaza. Une jeune américaine de San Francisco, Alison
Weir, échappe aux balles israéliennes, réconforte des gamins palestiniens
terrorisés et écrit : " le problème c'est que, quand on connaît la vérité, elle
est bien trop cruelle, bien trop diamétralement opposée à ce que l'on croyait et
à ce que tout un chacun continue de croire qu'il exprime. Le mensonge est trop
gros, la répression trop absolue, la vie des Palestiniens trop horrible pour
qu'on puisse écrire à leur sujet de façon raisonnable ".
Alison a
parfaitement raison. On nous ment de façon éhontée quand on nous demande de
faire couler le sang des musulmans. L'heure est venue de faire cesser ces
calomnies. Je ne crois pas que les problèmes du Proche-Orient aient quoi que ce
soit à voir avec la religion. Maintenant, si les partisans d'Israël veulent
réveiller le spectre endormi de l'intolérance religieuse pour inciter les
chrétiens à s'élever contre les musulmans, sachons peser le pour et le
contre.
Si ces chrétiens pro-sionistes se préoccupent du Christ et pas
seulement de Sion, apprenons-leur quels sont les sentiments des musulmans et des
juifs à son égard. Dans un long article paru dans l'un des principaux journaux
israéliens, Haaretz [édition du 28/01/1994], Rami Rozen a expliqué la manière
dont les juifs voyaient traditionnellement les choses : " Aujourd'hui, les juifs
éprouvent à l'égard de Jésus la même chose que ce qu'ils éprouvaient au IVe
siècle ou au Moyen Âge : non pas de la crainte mais de la haine et du mépris ".
" Pendant des siècles, les juifs ont dissimulé leur haine de Jésus au regard des
chrétiens, et cette tradition se perpétue encore aujourd'hui ". " Jésus nous
dégoûte et nous répugne " a affirmé un grand penseur moderne de la religion
juive. Rozen précise que cette " répulsion n'est plus seulement le fait des
juifs orthodoxes mais qu'elle s'est répandue dans l'ensemble de l'opinion
publique juive ".
Selon un article du journal local de Jérusalem, Kol Ha-Ir
[édition du 14/12/1993], la veille de Noël, les Hassidim ont pour habitude de ne
pas lire les Livres saints de crainte que cela permette à Jésus d'échapper au
châtiment éternel (d'après le Talmud, Jésus brûlera éternellement dans les
chaudrons de l'enfer [Gittin, 56b-57a]). Cette tradition allait s'éteindre mais
les Hassidim de Habad, fervents nationalistes, l'ont remise au goût du jour. Je
me souviens encore de ces vieux juifs qui crachaient en passant près d'une
église et maudissaient les défunts en passant près d'un cimetière chrétien. L'an
dernier, à Jérusalem, un juif a décidé de faire revivre la tradition. Il a
craché devant la sainte Croix que portaient des processionnaires traversant la
ville. La police lui a épargné des problèmes plus graves mais le tribunal l'a
condamné à verser une amende de 50 $, bien qu'il ait prétendu s'acquitter
simplement de son devoir religieux.
L'an dernier, le tabloïde à plus fort
tirage d'Israël, Yedioth Aharonoth, a repris dans ses Annales le Toledoth Eshu,
prononcé juif anti-Évangiles datant du Moyen Âge. C'était la troisième fois que
ce texte était réédité, avec sa parution dans un journal. Si l'Évangile est le
livre de l'amour, Toledoth est le livre de la haine contre le Christ. Le héros
de cet ouvrage est Judas, qui a raison de Jésus en souillant sa pureté. D'après
le Toledoth, Jésus a été conçu dans le péché, ses miracles sont pure
sorcellerie, et sa résurrection rien d'autre qu'un stratagème.
A propos de la
mort de Jésus, Joseph Dan, professeur de mysticisme juif à l'université
hébraïque de Jérusalem, écrivait que " les apologues modernes de la tradition
juive, dont l'Église, après bien des hésitations, a emboîté le pas, préféraient
blâmer les Romains. Mais, au Moyen Âge, les juifs n'ont pas voulu refiler le
problème à d'autres. Ils se sont employés à prouver que Jésus devait être tué et
étaient fier qu'il l'eût été. Les juifs haïssent et méprisent le Christ et les
chrétiens ". De fait, ajoute Joseph Dan, tout porte à croire que ce sont les
ennemis juifs de Jésus qui sont à l'origine de son exécution.
Encore
aujourd'hui, en Israël, les juifs évoquent Jésus en utilisant le terme péjoratif
de Yeshu (et non Yeshua), ce qui signifie " maudit soit son nom ". Une querelle
est née pour savoir si c'est son nom qui est devenu un juron ou l'inverse. Dans
un jeu de mots du même ordre, on appelle l'Évangile " Avon Gilaion ", le Livre
du péché. Ce sont les mots tendres dont les amis des chrétiens sionistes
qualifient le Christ.
Qu'en est-il des musulmans ? La plupart le vénèrent et
l'appellent le " Verbe de Dieu ", " Logos ", " le Messie " et, en tant que
prophète, le considèrent comme " le Messager de Dieu " dans la lignée d'Abraham,
de Moïse et de Mahomet. De nombreux chapitres du Coran racontent l'histoire de
Jésus, né d'une Vierge, et de sa persécution par les juifs. Sa vénérée mère fait
l'objet d'admiration et l'Immaculée Conception est l'un des principes
fondamentaux de l'Islam. Le seul nom du Christ glorifie l'édifice aux dômes
dorés du Haram as Sharif. Selon la foi musulmane, c'est en ces lieux que le
fondateur de l'Islam a rencontré Jésus et qu'ensemble, ils ont prié. Les
Hadiths, qui disent la tradition musulmane, affirment, au nom du Prophète : "
Nous ne vous interdisons pas de croire en Christ, nous vous l'ordonnons ". Les
musulmans assimilent ce prophète à Paraclet, l'intercesseur (Jean 14/16) dont
Jésus avait prédit l'avènement. Ils vénèrent des sites associés à la vie de
Jésus : le lieu de l'Ascension, le Tombeau de Lazare et le Saint Sépulcre sont
situés à proximité d'une mosquée et les Chrétiens peuvent y accéder sans
difficulté.
Si les musulmans n'assimilent pas Jésus à Dieu, ils le proclament
comme le Messie, l'Oint, le Résidant en Paradis. Familière aux Nestoriens ainsi
qu'à d'autres Églises des premiers temps de la Chrétienté, mais rejetée par le
grand courant du Christianisme, cette idée religieuse a ouvert la porte par
laquelle se sont engouffrés les juifs qui ne parvenaient pas à se départir de la
notion de monothéisme absolu. C'est la raison pour laquelle, au VIIe siècle, de
nombreux juifs et chrétiens palestiniens ont embrassé l'Islam et sont devenus
des Palestiniens de confession musulmane. Ils sont restés dans leurs villages ;
ils n'ont pas quitté la Pologne ou l'Angleterre, ni appris le yiddish, ils n'ont
pas étudié le Talmud. Ils ont continué de faire paître leurs troupeaux et de
planter des amandiers. Ils sont restés fidèles à leur terre et à l'idée suprême
de la fraternité entre les hommes.
Au sud d'Hébron, dans les ruines de
Susiah, on peut voir comment, en l'espace de deux siècles, une synagogue s'est
lentement transformée en mosquée, à mesure que la population troglodyte, toute
proche, abandonnait sa foi exclusive dans les sorciers babyloniens et adoptait
l'Islam. Ces pasteurs sont toujours là et continuent de vivre dans les mêmes
grottes. L'an dernier, à deux reprises, l'armée israélienne a essayé de les en
expulser pour laisser plus d'espace aux nouveaux colons venus de
Brooklyn.
Pourquoi, en cette saison de floraison des amandiers, suis-je en
train de ruminer sur le sujet sensible de l'attitude des juifs et des musulmans
envers le Christ ? Parce que quelqu'un doit arrêter l'engrenage de la haine
activé par les partisans d'Israël. Parce qu'on se sert du langage codé "
judéo-chrétien " pour justifier les barbelés autour de l'église de Birim et
l'encerclement de Bethléem par les chars. Parce que c'est un devoir d'ôter
l'obstacle sur le chemin emprunté par les aveugles.
Les chrétiens
pro-sionistes sont pour la plupart des âmes simples mal guidées, des gens
remplis de bonnes intentions quoique peu avertis. Ils croient " soutenir les
juifs " quand ils promeuvent l'esprit de haine contre le Christ chez les juifs.
Ce n'est pas par hasard qu'un héraut de la Bible sioniste, Léon Uris, l'auteur
"d'Exodus ", conservait dans sa chambre une affiche proclamant " Nous avons
crucifié le Christ ", ni qu'hier, à un barrage routier sur la route menant à
Bethléem, un soldat israélien m'a affirmé " Nous affamons les sauvages ", en
parlant des chrétiens originaires de la ville de la Nativité. Ce n'est pas
davantage un hasard si l'Évangile a fait l'objet d'un autodafé en Israël alors
que les textes critiquant l'Évangile foisonnent, ni que les nouveaux immigrants
juifs embrassant la foi chrétienne sont persécutés et déportés, ni que tout
prosélyte de la foi chrétienne en Israël peut être jeté en prison aux termes des
nouvelles lois anti-Christianisme, ni que les archéologues israéliens font
disparaître à tout jamais les lieux saints et les vestiges du Christianisme en
Terre sainte.
Aux dirigeants du mouvement chrétien pro-sioniste, qui savent
forcément ce qu'il en est mais qui mènent leur innocent troupeau sur le chemin
de l'Antéchrist, je dirai ceci : " quiconque entraînera la chute d'un seul de
ces petits qui croient en moi, il est préférable pour lui qu'on lui attache au
cou une grosse meule et qu'on le précipite dans l'abîme de la mer "(Mt
18/6).
A mes frères en judéité, je dirai que nous ne sommes pas liés par les
opinions des juifs du Moyen Âge. Tout juif est libre de se déterminer et de
décider s'il veut prier pour l'éradication des Gentils ou partager la
bénédiction de la Terre sainte avec les villageois de Birim et de Bethléem. Au
sein du peuple juif, il y a toujours eu des descendants spirituels des prophètes
qui souhaitaient amener la paix et la bénédiction sur tous les enfants d'Adam.
Aussi vrai que fleurira cet amandier, en vous se réalisera la prophétie : " Tu
recevras plus de bénédictions que tous les peuples " (Deut. 7).
4. Jérusalem Capitale du patrimoine
mondial en péril
Déclaration de la Chambre des Beaux-Arts de
Méditerranée et Artistes Sans FrontièresDans les conditions actuelles
et suite aux déclarations d'Ariel Sharon quant au sort présent et futur de
Jérusalem, nous considérons urgent et nécessaire de joindre notre voix contre
les intentions de rendre et nommer Jérusalem "capitale éternelle et indivisible"
de l'Etat Hébreu.
Nous estimons de notre devoir de rappeler que Jérusalem,
ville plurielle millénaire, a toujours été et reste le symbole inimitable de
l'unification entre peuples et confessions de la religion monothéiste, héritage
précieux de toute l'humanité,
Que l'UNESCO a inscrit, depuis plusieurs
années, Jérusalem dans la liste du Patrimoine mondial ainsi que celle du
Patrimoine mondial en péril,
Que tant l'UNESCO, les Nations Unies et la
Communauté Internationale en général, ont à maintes reprises adopté des
positions relatives à la sauvegarde du caractère religieux, culturel, historique
et démographique de cette ville, ainsi qu'au développement de toute mesure et
initiative visant à renforcer une paix durable et équitable dans cette région,
allant de pair avec l'absolue nécessité de maintenir et assurer l'équilibre
global de l'ensemble de la ville et du site.
Que la Communauté Internationale
a condamné, au sein de plusieurs instances, l'annexion de Jérusalem par Israël
en 1967 et la violation du droit international, notamment en ce qui concerne le
droit à l'autodétermination du peuple Palestinien.
Cette déclaration du chef
du gouvernement Israélien dit "d'union nationale", arrive à un moment crucial
pour le processus de Paix en Palestine et au Moyen - Orient en général, elle
compromet les chances infimes des pourparlers pour la paix, va à l'encontre de
l'esprit des accords d'Oslo, rappelle, soutient et perpétue les violations
successives subies par la ville, par la mise en place des colonies, le tunnel de
Haram El-Sharif,… et bien d'autres violations de l'ordre naturel et
culturel.
Dans une mise en scène politique de fait accompli, cette attitude
est annonciatrice de nouvelles violations des droits des Palestiniens par une
nouvelle occupation officialisée et soutenue par des votes précédents du Congrès
Américain, de Jérusalem, faisant partie des territoires annexés arbitrairement
et par la force en 1967, annexion non reconnue officiellement jusqu'à ce jour
par la Communauté Internationale et les Etats Unis même...
Nous lançons an
appel aux artistes, les intellectuels, à mobiliser les énergies désirant
l'établissement d'une paix durable, équitable, assurant la dignité et les droits
des peuples de cette région, dans le respect et la reconnaissance des droits du
peuple Palestinien à sa terre et son appartenance aussi à sa Capitale,
Jérusalem.
Nous faisons appel à l'UNESCO, la Commission Européenne, le
Parlement Européen, le Conseil de l'Europe, toutes les institutions
internationales et régionales, intergouvernementales et
non-gouvernementales:
> A refuser toute tentative de falsification du
caractère spirituel, culturel, historique, civilisationnel de la ville et du
site de Jérusalem,
> A refuser les tentatives de pseudo-solutions du fait
accompli ,de la politique de fondamentalisme étatique et des faux débats
confessionnalistes qui se révèlent diamétralement opposés de la réalité
historique et civilisationnelle de la région,
> A soutenir et renforcer le
dialogue et les mesures visant à rétablir le processus d'une paix équitable et
durable, en concertation avec les communautés concernées,
> A appuyer et
encourager les travaux des experts de l'ICCROM et de l'UNESCO en matière
de préservation et restauration des biens culturels,
A faire respecter les
principes et les accords universels relatifs au statut de Jérusalem, notamment
lors des négociations engagées sur son statut final ,de façon à faire valoir et
respecter les droits à la citoyenneté de la capitale de la Paix et de la Culture
de toutes les communautés concernées, en liaison avec le respect des droits
inaliénables du peuple Palestinien.
[Pour
manifester votre solidarité vous pouvez signer cette déclaration par fax ou
e-mail : Chambre des Beaux Arts de Méditerranée - Artistes Sans Frontières - 59,
rue Cambronne - 75015 Paris FRANCE - Fax : +33 145 671 252 - E-mail : ch.beaux.arts@wanadoo.fr ou artistes-s-f@ifrance.com]
5. Appel urgent de l'Université palestinienne de Bir
Zeit
[traduit de l'anglais par Giorgio
Basile]Nous, enseignants et collaborateurs de
l'Université de Bir Zeit, appelons nos collègues et nos amis du monde entier à
nous aider à diffuser notre message, simple mais urgent - LAISSEZ NOTRE PEUPLE
VIVRE ! Nous délivrerons ce message au cours de marches pacifiques de
protestation contre les soldats israéliens et les chars qui nous empêchent
aujourd'hui de rejoindre notre université par la seule route praticable,
récemment bloquée.
Grande est aussi la souffrance des Palestiniens habitant
les villages des environs, qui sont coupés de leurs moyens d'existence, des
soins de santé, des écoles, des marchés. Jusqu'à présent, seules les balles et
les gaz lacrymogènes ont répondu aux protestations. Nous avons besoin de votre
aide pour que notre message soit entendu du monde entier.
La vague de
violence à l'encontre de la population palestinienne a atteint des proportions
sans précédent. La politique de siège pratiquée par l'armée israélienne, mise en
oeuvre en barrant les routes et en creusant des tranchées autour des villes et
des villages, ne cesse de s'intensifier, rendant impossible la satisfaction des
besoins élémentaires de la population.
Cette politique frappe maintenant
l'Université de Bir Zeit, nous empêchant, de même que nos étudiants, de
rejoindre le campus afin d'y poursuivre les cours, les travaux de laboratoire et
la vie académique.
Le 7 mars, avant l'aube, l'armée israélienne a détruit des
tronçons de la seule route reliant l'université à Ramallah, creusant des
tranchées et détruisant le revêtement d'asphalte sur environ 400 mètres. Ces
dégâts occasionnés à la seule route reliant la ville de Ramallah au village de
Bir Zeit et à 33 autres villages, représentant une population d'envion 65.000
habitants, ont entraîné une désorganisation complète de la vie quotidienne.
À
ce jour, ni voitures, ni ambulances, ni vivres ne peuvent atteindre Bir Zeit et
les villages environnants. La plupart des zones habitées par les Palestiniens
ont déjà été isolées hermétiquement, au mépris de toute considération pour la
population civile, et en contravention des lois internationales, et en
particulier de la Quatrième Convention de Genève.
Ces mesures sont, au plein
sens du terme, des crimes de guerre. Ces actions font clairement partie d'une
stratégie à long terme d'Israël aussi bien dans la bande de Gaza qu'en
Cisjordanie. Cette stratégie, adoptée par les gouvernements successifs, aussi
bien Barak que Sharon, entend soumettre toute la population palestinienne, et
lui faire accepter l'inacceptable.
- Nous vous demandons d'AGIR
MAINTENANT :1. Exigez l'arrêt immédiat de la politique de
blocus.
2. Exigez que la population palestinienne fasse l'objet d'une
protection internationale.
3. Exigez qu'Israël se soumette aux lois
internationales.
Prenez contact avec l'ambassade d'Israël dans votre pays, et
envoyez des messages de protestation au gouvernement israélien, aux adresses
e-mail suivantes:
Benjamin Beneliazer, Ministre israélien de la Défense
sar@mod.gov.ilShimon Peres, Ministre
israélien des Affaires Étrangères :
sar@mofa.gov.ilPour rester informé,
visitez le site web de l'Université de Birzeit:
www.birzeit.edu
Revue de
presse
1. Israël : première friction au sein du gouvernement
Sharon
in Le Monde du mardi 13 mars 2001
Le blocus de
Ramallah, en Cisjordanie, a entraîné la colère des Palestiniens et les premières
critiques des ministres travaillistes à l'encontre du chef du gouvernement
israélien.
Le nouveau premier ministre israélien, Ariel Sharon, a dû faire
face, lundi 12 mars, à de sévères critiques de la part de plusieurs ministres
travaillistes de son gouvernement d'union nationale en raison du renforcement du
blocus de la ville autonome de Ramallah, dans le centre de la
Cisjordanie.
Dimanche 11 mars, l'armée israélienne a en effet imposé un
blocus total de Ramallah en bloquant tous ses accès par des barrages. Une des
routes reliant une trentaine de villages à cette ville a été littéralement
détruite par l'armée, qui l'a rendue impraticable en y creusant des
tranchées.
Cette mesure affecte des dizaines de milliers de Palestiniens qui
ne peuvent plus se déplacer, alors que la plupart travaillent à Ramallah. "C'est
la guerre de Sharon contre le peuple palestinien", a déclaré le ministre
palestinien de l'information, Yasser Abed Rabbo, qui a défilé avec un millier de
personnes le long de cette route. "C'est une guerre raciste d'occupation contre
laquelle nous lutterons, car nous n'avons rien à perdre", a-t-il ajouté. "Ce
n'est pas un simple bouclage, mais une tentative d'isoler chaque village de son
environnement naturel, a affirmé, quant à elle, la députée palestinienne Hanane
Achraoui. Avec cette politique, Israël érige des prisons pour les Palestiniens
sans avoir à en construire."
"UNE ESCALADE INJUSTIFIÉE"
Les Palestiniens
ont tenté de combler une des tranchées avec des bulldozers, mais l'armée
israélienne a riposté en tirant des grenades lacrymogènes, entraînant des heurts
violents avec les manifestants et faisant un mort palestinien et 15
blessés.
A Gaza, l'Autorité palestinienne a "mis en garde Israël contre cette
escalade injustifiée qui fera entrer la région dans un cycle de violences".
Le conseiller politique du président palestinien Yasser Arafat, Nabil Abou
Roudeina, a demandé à "la communauté internationale, notamment l'administration
américaine, de faire pression sur Israël pour qu'il mette fin à une escalade
dangereuse pour la région".
M. Arafat devait rencontrer dans la soirée de
lundi une délégation de l'Union européenne (UE) dirigée par la ministre suédoise
des affaires étrangères, Anna Lindh, dont le pays exerce la présidence de l'UE,
et comprenant le commissaire européen aux relations extérieures, Chris Patten.
Cette délégation devait ensuite rencontrer M. Sharon et son ministre des
affaires étrangères, Shimon Pérès, mardi à Jérusalem.
M. Pérès et d'autres
ministres travaillistes ont vivement critiqué M. Sharon en raison du
renforcement du blocus. "Cette mesure doit être révisée et le sera", a affirmé
M. Pérès. Le ministre des transports, Ephraïm Sneh, a estimé pour sa part que,
si cette mesure "visait à empêcher les déplacements des cellules terroristes,
elle provoquait aussi l'amertume et la colère des populations palestiniennes et
la réprobation internationale".
De son côté, le bureau de M. Sharon a assuré
que ce blocus était "une mesure ponctuelle", ne constituait pas "un changement
de politique" et avait été décidé à la suite d'informations sur une tentative
d'attaque contre Israël à partir de ce secteur. "La politique du premier
ministre est de lever les sanctions partout, mais d'agir contre les localités où
il y a des menées terroristes", a poursuivi la présidence du conseil.
Par
ailleurs, selon les médias israéliens, M. Sharon a donné la semaine dernière son
feu vert à un plan de l'armée prévoyant un morcellement de la Cisjordanie. Ce
plan viserait à diviser le territoire en 60 mini-secteurs d'importance variable
en fonction de l'activisme palestinien qui y est constaté, une unité militaire
particulière étant affectée à chaque secteur. - Avec AFP -
2. Définir la violence par Gideon Levy
in
Ha'Aretz (quotidien israélien) du dimanche 11 mars 2001
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Qui est terroriste ? Aïda Fathiya
marchait dans la rue ; Ubeïd Darraj jouait dans la cour de sa maison. Elle était
mère de trois enfants ; il avait neuf ans. Tous les deux ont été tués, la
semaine dernière, par les balles des Forces Israéliennes de Défense, sans
raison. Leur meurtre pose, encore une fois, dans toute son horreur, la question
de savoir si la violence des Palestiniens est la seule violence digne d'être
qualifiée de "terroriste". Le terrorisme, est-ce seulement les voitures piégées,
alors qu'abattre une femme et un enfant n'en serait pas ? Fathiya et le jeune
Darraj s'ajoutent à une longue liste d'hommes, de femmes et d'enfants totalement
innocents et néanmoins abattus par l'armée israélienne au cours des cinq mois
écoulés. Dans les débats en cours en Israël, leur mort ne résulte pas d'"actions
terroristes" ou d'"attaques terroristes", et les tueurs ne sont pas qualifiés de
"terroristes". Non, on utilise ces termes si, et seulement si, la violence en
cause est celle des Palestiniens...
En Israël, la droite - et la gauche -
font toujours cette distinction : la violence palestinienne, c'est du
terrorisme. Alors qu'Israël ne fait que se défendre. L'énorme disparité entre le
nombre des victimes innocentes des deux côtés ne change rien à cette définition
unilatérale. Le chef d'état-major des Forces Israéliennes de Défense, le général
Shaul Mofaz, commandant une armée qui a tué au moins quatre-vingt dix enfants au
cours des cinq mois écoulés, qualifie l'Autorité palestinienne d'"entité
terroriste" et ignore délibérément les agissements de l'armée israélienne - et
leurs conséquences désastreuses.
Mais il faut, inlassablement, poser les
questions suivantes : les expropriations massives de terres, les destructions
systématiques d'habitations, l'arrachage de vergers et d'oliveraies, ne sont-ils
pas des manifestations de violence ? Couper l'eau à des villages et à des villes
entières, n'est-ce pas une manifestation de violence caractérisée ?
La
limitation de la liberté de se déplacer, en coupant des zones peuplées entières
les unes des autres, et en refusant toute assistance médicale à leurs résidents
- même dans les cas où il s'agit d'une question de vie ou de mort - n'est-elle
pas aussi condamnable que des tirs contre une autoroute (israélienne) ?
Une
femme enceinte dont l'enfant qu'elle porte meurt, ou un malade qui meurt, parce
qu'on les empêche d'aller à l'hôpital - chose devenue presque routinière dans
les territoires - ne sont-ils pas victimes d'une terrible violence ? Que dire du
comportement de ces soldats et de ces policiers, à certains points de contrôle,
sur les routes, partout ? Les humiliations, les coups, la violence des colons
eux-mêmes contre les Palestiniens : comment doit-on les appeler ?
Pour la
plupart des Israéliens, la violence, c'est ce que les Palestiniens nous font. La
réaction israélienne est toujours une simple réplique, la plupart du temps
mortelle, certes, mais beaucoup moins violente que l'acte qui l'a induite. Ils
font sauter des bombes dans nos marchés, et nous nous contentons d'abattre les
planificateurs des attentats, les incitateurs, les terroristes.
Il y a
parfois des pruneaux perdus, comme le dit l'expression en vogue ces temps-ci et
des innocents peuvent être tués. Mais, bien entendu, personne ne l'a fait
exprès. Il s'agit juste de l'ordre ordinaire des choses, en temps de guerre.
Ainsi, Israël en sort toujours avec les honneurs : il ne tue pas des innocents
intentionnellement. Mais les nombreuses victimes se soucient-elles de savoir
quelle était notre intention ?
Les Israéliens ne considèrent pas toutes les
mesures prises par Israël - les sièges et les couvre-feu, les expropriations et
les destructions de maisons - comme des violences, naturellement. C'est pourquoi
Israël dit qu'il veut qu'un terme soit mis à la violence et qu'on "retourne au
statu quo ante", soit comme condition, dans le cas du premier ministre Ariel
Sharon, soit comme un préalable, dans celui du ministre des affaires étrangères
Shimon Pérès, à toute reprise des négociations.
Quand Israël dit vouloir un
retour au statu quo prévalant avant le déclenchement de l'Intifada, il veut dire
qu'il exige des Palestiniens qu'ils mettent un terme à leur violence, et
qu'alors la violence israélienne, qui n'est qu'une réponse défensive à celle des
Palestiniens, cessera d'elle-même.
En d'autre termes, Israël exige des
Palestiniens qu'ils se remettent à se soumettre servilement à la brutalité de
l'occupation, alors même que la violence de l'occupation se perpétue.
A Oslo,
les deux parties étaient convenues d'éviter la violence, prétend Israël, si bien
que la flambée de violence actuelle représente (à ses yeux) une violation
grossière de cet accord.
De plus, étant donné que les Palestiniens ont
commencé l'intifada eux-mêmes - "ils l'ont déclenchée" - la responsabilité d'y
mettre un terme repose entièrement sur leurs épaules. Mais l'intifada
n'aurait-elle pas été précédée par une série de violences commises par Israël,
qui a exproprié des terrains, bouclé des régions, démoli des fermes, expulsé des
gens, torturé des suspects, asséché des sources et détruit des maisons
d'habitation - tout cela, bien avant l'intifada, et avec non moins de violence
que les Palestiniens ? Mais Israël n'exige pas qu'il soit mis un terme à cette
violence là...
Lorsque c'est seulement les bombes explosant dans des bus ou
les obus de mortier tombant dans des colonies qui sont qualifiés de violence, il
est facile d'accuser la partie adverse de violer les accords.
Mais cela ne
reflète pas le tableau complet de ce qui se passe. Israël n'est pas prêt, dans
le même élan, à mettre un terme à sa propre violence. L'exigence qu'il soit mis
un terme aux violences est évidemment légitime, justifiée. La violence - toute
violence - est un mal, et y mettre un terme est la priorité des priorités dans
toute négociation politique.
Israël peut - doit - exiger que les Palestiniens
rangent leurs armes. Mais il devrait avoir la même exigence pour lui-même, et
pour tous les types d'armes qu'il utilise contre les Palestiniens.
Mais
lorsque - comme la semaine dernière - Israël utilise des bulldozers pour créer
des barrières infranchissables autour de trente-trois villages, et qu'aucune
ambulance ou aucune citerne d'eau potable ne peut plus s'en approcher,
l'exigence de la cessation des violences atteint un degré d'hypocrisie
insoutenable. Mettre fin à la violence ? Pourquoi Israël, dont la supériorité
est écrasante, ne commencerait-il pas lui-même à le faire ?
3. Des colons juifs s'en prennent aux journalistes à
Hébron
Dépêche de l'agence Reuters du samedi 10 mars 2001,
17h00
HEBRON, Cisjordanie - Quelque 200 colons ont attaqué des
Palestiniens et les journalistes qui couvraient l'incident dans la ville divisée
d'Hébron, en Cisjordanie. Les cameramen de Reuters Nael Shyoukhi et Mazen Dana
filmaient la scène lorsque les colons ont encerclé Dana et l'ont roué de coups.
Shyoukhi a été atteint par une pierre et un photographe de l'Agence France
Presse, Hosam Abu Alam, a également été pris à partie. L'armée israélienne est
intervenue et a escorté les journalistes vers une ambulance qui les a amenés à
l'hôpital. Les Palestiniens et l'armée israélienne ont ensuite échangé des coups
de feu et un colon a été blessé.
4. Washington se félicite du soutien financier
européen aux Palestiniens - Bush et Powell réaffirment à Arafat leur attachement
au processus de paix
in Al-Quds Al-Arabi (hebdomadaire arabe publié
à Paris) du vendredi 9 mars 2001
[traduit de
l'arabe par Marcel Charbonnier]
Le président
américain George Bush et son secrétaire d'Etat Colin Powell ont assuré le
président palestinien Yasser Arafat de leur engagement vis-à-vis du processus de
paix au Moyen-Orient, à l'occasion de la Fête (musulmane) du Sacrifice ('Aïd
al-'Adha) (information donnée par l'agence de presse palestinienne
Wafa).
L'agence a rendu public le contenu de deux télégrammes de voeux à
cette occasion, reçus par Arafat, de la part du président Bush et de son
ministre Powell. Le président Bush a "exprimé au nom du peuple américain son
profond espoir que le peuple palestinien connaîtra prochainement la renaissance
de l'espoir, ouvrant des perspectives de paix et de prospérité".
Il poursuit
: "Les Etats-Unis restent et resteront attachés au soutien de la marche vers la
paix", ajoutant : "prions tous ensemble et luttons afin de susciter une
atmosphère dans laquelle la paix soit possible."
Le ministre Powell, a écrit,
pour sa part, dans son message de voeux, qu'il présentait "les voeux du peuple
américain à votre excellence (Arafat) et à votre peuple (palestinien) à
l'occasion de la Fête".
Il poursuit : "j'apprécie hautement ma rencontre
récente avec vous à Ramallah, et j'espère que notre entraide se poursuivra à
l'avenir".
Powell a appelé à la création d'un contexte dans lequel "il y ait
place pour les efforts en vue de réaliser la paix, permettant au peuple
palestinien d'avoir espoir dans un lendemain plus radieux" (!)
Au cours de sa
visite en Israël et en Cisjordanie, le 25 février dernier, Powell avait appelé
Israël et les Palestiniens à oeuvrer afin de sortir du "cercle effrayant de la
violence", demandant à l'Etat hébreu, en particulier, de lever le bouclage des
territoires palestiniens.
Par ailleurs, le Secrétaire d'Etat a salué, mardi
dernier, le soutien financier "généreux" offert par l'Union européenne à
l'Autorité palestinienne présidée par Yasser Arafat.
Powell, qui s'exprimait
à la fin d'une réunion ministérielle américano-européenne, à Washington, a fait
état de "la satisfaction que lui apportait le soutien financier généreux offert
par l'Union européenne à l'Autorité palestinienne", qui est confrontée à des
difficultés économiques extrêmes depuis le début des affrontements avec les
forces israéliennes, en septembre dernier.
Mais il n'a pas précisé, malgré
cet enthousiasme, si Washington entendait se joindre à ce soutien financier
international à l'Autorité palestinienne, comme le souhaiterait l'Union
européenne.
Le Secrétaire d'Etat, au cours d'une conversation officielle avec
Ana Lind, son homologue suédoise, dont le pays assure la présidence tournante de
l'Union européenne, a affirmé avoir eu "des échanges excellents" sur ce dossier
avec elle, ajoutant que l'Union européenne et Washington "partagent absolument
les mêmes vues" sur le conflit israélo-palestinien.
Powell a ajouté que
l'Union européenne et les Etats-Unis appellent "les deux parties à faire tout ce
qui est en leur pouvoir afin de mettre fin aux violences
immédiatement".
Powell a fait part, également, de la condamnation conjointe
(américano-européenne) de l'"incitation" à la violence, et l'espoir qu'il place
en l"allégement des entraves mises à l'activité économique", en une allusion
transparente aux mesures de rétorsion prises par Israël contre l'économie
palestinienne.
Rappelons que l'Union européenne est le premier contributeur
en matière d'aides financières à l'Autorité palestinienne : elle lui a accordé
27,5 millions de $ en décembre 2000, suivis de 30 millions de $ en janvier 2001.
L'Agence de Secours et d'Emploi pour les Réfugiés palestiniens au Moyen-Orient,
de l'ONU (l'UNRWA) a indiqué, mardi dernier, qu'elle serait contrainte à réduire
les rations alimentaires et les soutiens scolaire et sanitaire qu'elle apporte à
200 000 familles palestiniennes (familles, c'est nous qui soulignons, NdT) dans
les territoires occupés, si les pays donateurs ne font pas un effort financier
plus important d'ici la fin de cette année.
Peter Hansen, président de
l'UNRWA a alerté sur le fait que l'Agence pourrait être confrontée à un trou
budgétaire de l'ordre de 65 millions de $ en 2001, alors que les besoins des
nécessiteux pour lesquels elle oeuvre sont accrus. Il a présenté un tableau peu
réjouissant de la situation dans les territoires occupés par Israël, où plus de
400 personnes, en grande majorité, des Palestiniens, ont été tuées depuis le
début de l'Intifada, en septembre dernier.
Hansen a déclaré au cours d'une
conférence de presse, à Genève : "il faudra plus de cinq ans pour réparer les
dégâts subis par les territoires occupés au cours des cinq mois
écoulés".
Selon Hansen, un Danois qui travaille depuis longtemps comme
responsable des aides des Nations-Unies, le taux de chômage a atteint une
moyenne de 45% dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, tandis que la situation
sanitaire se dégradait, notamment du fait que les Palestiniens sont confrontés
quotidiennement au bouclage des territoires et aux barrages de contrôle
israélien.
Le taux d'enfants morts-nés a augmenté de 58% sur la période
allant de septembre 2000 à février 2001 (en comparaison avec la même période, un
an auparavant), tandis que le pourcentage des enfants bénéficiant de
vaccinations a régressé à 85%, alors qu'il était de 100% auparavant.
Hansen a
dit qu'"il va sans dire que le chômage très élevé, 45%, concerne depuis cinq
mois une population dont les économies sont ponctionnées de manière extrême.
Nous assistons à l'entrée dans le cercle sans fin de la pauvreté extrême d'un
nombre croissant de familles n'ayant plus rien".
Pour l'année 2001, le budget
de l'UNRWA, qui assiste 3,8 millions de réfugiés palestiniens en Jordanie, au
Liban et en Syrie, en plus de ceux qui vivent dans les territoires occupés par
Israël, en Cisjordanie et à Gaza, est de 311 millions de $.
Hansen a dit que
"65 millions de dollars, cela représente un déficit budgétaire énorme, à quelque
aune qu'on le mesure. C'est un déficit qui sera ressenti très durement, s'il
n'est pas comblé, par les enfants qui vont à l'école de l'UNRWA, les malades qui
ont recours à ses hôpitaux et les plus pauvres qui ont un besoin vital des aides
allouées un peu avant la fin de l'année".
Un appel à assurer 40 millions de $
pour les réfugiés palestiniens des territoires occupés a été honoré, en octobre
dernier. Un deuxième appel visant à réunir 39 millions de $ afin de créer des
emplois, sur la période allant de mars à mai prochain a été lancé, mais jusqu'à
présent, ce ne sont que 5 millions de $ qui ont été récoltés.
Hansen a conclu
en indiquant que 80 millions de $, pour six mois, "ne représente qu'une goutte
d'eau dans un océan, face aux pertes énormes subies par
l'économie".
5. Méfions-nous du renard Pérès par Abd
al-Bari Atwan
in Al-Quds Al-Arabi (hebdomadaire arabe publié à Paris) du
vendredi 9 mars 2001
[traduit de l'arabe par
Marcel Charbonnier]
Nous ne sommes pas d'accord avec
tous ces responsables arabes qui demandent, en invoquant le réalisme, que l'on
donne à Ariel Sharon un certain temps avant de formuler un avis sur son
gouvernement et sur ses intentions. En effet, cet homme, qui a dépassé les
soixante-treize ans, ne peut pas changer de peau à son âge : de même, il ne peut
changer ni de politique, ni de positions. Nous devons ne pas oublier, (et nous
devons rappeler sans cesse) le fait que c'est lui qui a déclenché l'intifada, il
n'y a pas plus de six mois, en effectuant sa visite provocatrice à la mosquée
Al-Aqsa, visant à en revendiquer la "judéïté".
Il serait possible de parler
de changement si Sharon était encore dans la fleur de l'âge et s'il était arrivé
au pouvoir avec quelque majorité, s'il dirigeait un gouvernement de droite,
fût-il minoritaire, mais l'homme est arrivé au pouvoir avec une délégation
populaire extrêmement large, non pour faire la paix, mais pour réprimer
l'intifada. C'est dans ce but qu'il a choisi de diriger un gouvernement d'union
nationale comportant un cocktail d'idéologies des plus contradictoires, de
l'extrême droite à la gauche extrême.
Alors que les entreprises, depuis les
plus grands trusts jusqu'aux plus modestes PME, en Orient comme en Occident,
examinent avec le plus grand soin le comportement et l'expérience de tout
candidat à un emploi chez elles, avant de décider de sa compétence, de son
mérite et de son éventuelle manière de servir future, pourquoi les mêmes
critères ne s'appliqueraient-ils pas lorsqu'il s'agit d'anticiper les
orientations futures d'un Sharon, non seulement en ce qui concerne l'intifada,
mais l'ensemble de la région arabe ?
Les états de service de Sharon se
distinguent par son caractère sanguinaire, il est connu aussi pour ses
incartades et il y a plus dangereux : l'escadron de faucons qu'il a choisis afin
d'occuper des postes stratégiques dans son gouvernement, comme Jeboam Zeïvi,
Avidor Liberman, Natan Tcharansky et Benyamin Ben Eliezer : tous ont en commun
la haine des Arabes, sur des bases purement racistes.
Il est certain que la
coalition ministérielle actuelle en Israël est appelée à se déliter et à
s'effondrer d'ici quelques mois, et que le gouvernement ne consistera plus qu'en
ce noyau de racistes haineux, et Sharon en est parfaitement conscient. Mieux :
il a planifié cet effondrement rapide vraisemblable en choisissant un
gouvernement aussi composite. Il a en effet besoin de ce paravent de grandes
dimensions, pendant quelques mois, le temps d'en finir avec l'intifada par le
recours à toute la violence répressive nécessaire.
Sharon va s'efforcer de
mettre un terme à l'intifada en réduisant au maximum les pertes israéliennes, en
imposant ses diktats terroristes à la direction palestinienne, consistant à
refuser de se rendre à la table des négociations tant que l'intifada
continuera.
S'il y parvient, s'il parvient à arrêter l'intifada, il fera ce
qu'avaient fait, avant lui, Itzhak Shamir et Benjamin Netanyahu, les deux
leaders précédents du Likoud : il ira s'asseoir à la table des négociations, non
pour parvenir à de quelconques accords, mais pour manoeuvrer, temporiser, faire
perdre du temps. Shamir, par exemple, a reconnu s'être rendu - à reculons - à la
conférence de Madrid, avec la ferme intention de faire en sorte que les
négociations traînent durant plus de vingt ans...
Même si les probabilités
que Sharon parvienne à ses fins paraissent limitées, elles n'en sont pas moins
réelles, pour deux raisons. La première, c'est la présence d'un renard rusé et
suprêmement opportuniste au poste de ministre des affaires étrangères, en la
personne de Shimon Pérès, la deuxième étant l'absence d'une position arabe
ferme, en face de Sharon.
Il est regrettable que Pérès ait pu tromper autant
de chefs d'Etat et de responsables arabes, avec sa modération de façade et ses
propos mielleux sur la paix et la coexistence. Il peut utiliser ses "amitiés
arabes" afin de vendre Sharon et d'en donner une image plus amène aux Arabes et,
plus généralement, au monde entier. Le fait qu'il ait jeté son dévolu sur ce
maroquin-là, et pas un autre, représente une manoeuvre tacticienne fort
intelligente de la part de Sharon, et nul ne sera surpris - en tous les cas, pas
nous - de voir Pérès inaugurer ses nouvelles fonctions par une tournée dans les
pays arabes afin de s'assurer de la bienveillance de ses amis arabes - fort
nombreux, comme on sait - sous couvert de leur exposer le programme du nouveau
gouvernement israélien...
Ce qui nous inquiète, c'est de constater que Pérès
jouit d'un certain charisme auprès de certains dirigeants arabes, et en
particulier auprès du Président palestinien Yasser Arafat, qui l'a reçu avec
tous les honneurs, lorsqu'il est venu le voir en tant que médiateur juste après
le sommet de Sharm al-Shaykh. Arafat a alors accepté de mettre un terme aux
affrontements et de reprendre la coordination palestino-israélienne en matière
de sécurité, en application des accords du même nom, de triste mémoire. Sans la
sagesse du Créateur, et sans la jalousie de Barak, qui a fait échouer cette
initiative, l'intifada ne se serait pas poursuivie jusqu'ici, surtout lorsqu'on
sait qu'au niveau de la direction palestinienne, d'aucuns verraient d'un bon
oeil qu'on enterre vivante (wa'd, NdT) l'intifada, cette intifada qui a eu le
culot d'entraîner la suspension des négociations, contraignant les "grands"
négociateurs à faire la queue à l'ANPE.
Les sept années d'Oslo ont créé une
génération de "réalistes" palestiniens, qui ont fait de l'ennemi un ami
("humanisation" de l'ennemi), avec lequel il est loisible de faire des longueurs
de piscine et de jouer au tennis au cours des pauses de repos et de détente des
négociations-marathon dans quelque villégiature huppée, que ce soit à Eïlat, à
Taba ou à Sharm al-Shaykh, ou dans les clubs de "body fitness" des palaces
d'Oslo ou de Stockholm. Ces gens-là sont, à notre humble avis, plus dangereux
pour le peuple palestinien et sa cause nationale que les nombreux faucons de
l'équipe Sharon.
Les Israéliens, et derrière eux, les Américains, et aussi,
certains Arabes, ont fait quelque chose de "bien", (à leur corps défendant)
lorsqu'ils ont affaibli l'Autorité palestinienne, en tarissant ses sources de
financement, la plaçant dans l'incapacité de payer les salaires de son armée
principale : les forces de sécurité, avec leur effectif important de fleurons du
"Fatah". La loyauté de ces formations est devenue chancelante, et elles se sont
rangées, pour la plupart, du côté du peuple et de l'intifada : c'est là la
principale garantie que l'insurrection se poursuivra, de la manière la plus
âpre.
Le peuple palestinien n'a pas peur de Sharon, ni de sa répression. Que
peut faire Sharon contre des gens qui ont choisi le martyre, se
transformant en bombes humaines ambulantes dans les rues de Netanya, de Tel-Aviv
ou de Jérusalem ? Il leur suffit qu'il n'y ait pas la mort absolue après leur
propre mort : ils se font alors concurrence sur la voie du martyre, et tandis
que certains y accèdent, d'autres s'y préparent, dans la fébrilité.
6. Les élites politiques palestiniennes et arabes étant
confrontées à une certaine perplexité : l'Intifada est-elle en voie de
régression ? par Ibrahim Abrash
in Al-Quds Al-Arabi (hebdomadaire
arabe publié à Paris) du vendredi 9 mars 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
(Ibrahim Abrash est professeur de sciences politiques
à la Faculté de Droit de Rabat)
Une vérité amère est généralement préférable
à une douce illusion berçant les sentiments et dissimulant, telle la feuille de
vigne, les pudenda de la politique. Cette vérité amère est celle qui nous dit
que l'intifada actuelle est différente de celle de 1987, et que l'intifada
d'aujourd'hui, l'intifada d'Al-Aqsa, a commencé à s'essouffler et à perdre pied,
au bout de sa sixième semaine, que l'on qualifie le changement survenu de
changement de tactique ou de développement du mode d'action combattante, ou de
tout ce que l'on voudra. L'intifada, en tant qu'action de masse, voulue,
orientée, et dirigée contre l'ennemi, n'est plus ce qu'elle était au cours de
son premier mois. Soyons plus précis : l'intifada, en tant qu'action populaire
de confrontation avec l'ennemi vise à créer un changement qualitatif dans la
réalité qui n'aurait pas pu exister sans elle. En ce sens, l'intifada diffère de
l'état de belligérance et de résistance populaire contre l'ennemi, ce dernier
existant depuis qu'existe l'ennemi sioniste.
Ces propos ne plairont peut-être
pas à certains, blessera peut-être même la sensibilité de certains autres,
surtout lorsque ceux-ci entendent et voient les médias apporter quotidiennement
les images des martyrs et des blessés, des opérations de démolition de maisons
et de bouclage des territoires par les forces d'occupation, qui visent le
territoire et les hommes, en Palestine. Comment : il n'y aurait plus d'intifada,
alors que tous les médias, tous les responsables palestiniens et arabes, voire
même israéliens, ne parlent que de la continuation de l'intifada palestinienne
?
L'impetus de l'intifada, en tant qu'action populaire orientée, en
confrontation directe et possédant l'initiative, a commencé à régresser, à
partir de sa sixième semaine. Depuis lors, l'ennemi a repris l'initiative sur le
terrain, passant de la défensive à l'offensive. Ceci ne signifie nullement que
l'ennemi n'aurait jamais procédé à l'offensive. En effet, l'intrusion par un
Sharon escorté de trois mille soldats sur l'esplanade des Mosquées représente
bien une offensive affichée et provocatrice contre les Palestiniens. Bien plus,
la présence de l'ennemi sur notre terre représente une offensive permanente,
continue, contre nous. En effet, les forces d'occupation n'ont pas attendu que
les insurgés en colère viennent au-devant de leurs positions fortifiées aux
carrefours ou aux entrées des colonies. Non, c'est l'ennemi lui-même qui a pris
l'initiative de tirer contre les Palestiniens, soit qu'ils manifestassent, ou
qu'ils fussent de simples passants paisibles. L'ennemi est allé jusqu'à "faire
des cartons" sur des jeunes gens et des enfants dans la cour de leur maison,
dans leurs champs, dans les taxis. De même qu'il n'a pas reculé devant les
assassinats planifiés d'activistes de l'intifada à l'intérieur des territoires
régis par l'Autonomie palestinienne.
Les forces d'occupation sont passées de
la défensive - ou, plus exactement, de la réplique par les armes contre les
insurgés, depuis des positions stratégiques préparées à l'avance - à l'offensive
généralisée contre les Palestiniens : offensive tout à la fois militaire,
économique, politique, informationnelle. L'ennemi s'est acharné à tuer et à
mutiler les enfants et les jeunes gens, toute personne palestinienne, en
réalité, tout en renforçant les fortifications qui entourent ses colonies, en
envoyant des forces armées supplémentaires sur les territoires autonomes, en
éradiquant de vastes parties des propriétés des Palestiniens, annexant certaines
d'entre elles à ses colonies ou empêchant que leurs propriétaires palestiniens
ne s'y rendent, en construisant des routes de contournement passant sur les
territoires régis par l'Autorité palestinienne, sans aucunement lui en demander
l'autorisation, en mettant en application un plan préparé à l'avance, consistant
à isoler les villes et les villages palestiniens les uns des autres et,
globalement, du monde extérieur, afin, grâce à cet isolement imposé, au gel des
fonds dûs à l'autorité palestinienne, au blocus sur les aides arabes et
internationales, et à la fermeture des frontières et de l'aéroport (de Gaza), de
mettre en pratique une politique délibérée visant à affamer et à humilier le
peuple palestinien.
L'ennemi sioniste a retenu la leçon de l'intifada de
1987, en mettant à profit les circonstances actuelles aux Etats-Unis et dans le
monde arabe, afin de s'en prendre au seul peuple palestinien et de le mettre le
dos au mur, pensant que ces agissements le pousseront à se soumettre à sa
volonté et l'obligeront à obtempérer à son diktat. Continuer à parler,
aujourd'hui, de l'intifada palestinienne, et en gonfler l'efficacité et la
puissance non seulement ne correspond pas à la réalité, mais donne à l'ennemi un
prétexte pour perpétuer son agression contre les personnes et contre la terre,
en excipant d'une prétendue nécessité de faire face à une insurrection toujours
croissante et à des violences contre lesquelles on ne saurait se défendre que
d'une main de fer. Aujourd'hui, l'ennemi, en prétextant la nécessité de
répliquer à une intifada offensive, se livre à un investissement progressif et
planifié des territoires de l'Autorité palestinienne, à l'encontre de tous les
résultats acquis au cours de la période de l'autonomie, si bien que ces acquis
ne sont plus que des châteaux de sable construits sur des sables mouvants.
L'ennemi a repris l'initiative, il se livre à des tueries de sang froid
visant le peuple palestinien, sans aucun égard pour les règlements
internationaux ni pour les accords par lui signés avec l'Autorité palestinienne,
ni pour l'opinion publique internationale, ni pour le monde arabe, ni pour le
monde islamique, pour ne pas parler des valeurs humaines ou morales.
Que le
comportement sioniste soit une sorte de fuite en avant, visant à couvrir sa
crise interne, ou un comportement planifié à l'avance, l'ennemi a, aujourd'hui,
l'initiative sur le terrain. Il est parvenu à paralyser toute capacité d'action
ou de pensée de l'élite politique palestinienne, qu'elle soit associée à
l'Autorité ou dans l'opposition, ce qui apparaît de manière évidente dans les
positions et les déclarations contradictoires des responsables palestiniens -
sans qu'il soit besoin de rappeler l'impuissance et l'improvisation totale face
aux événements en Palestine qui caractérisent les mondes arabe et islamique - et
comment l'élite palestinienne et l'Autorité palestinienne ne seraient-elles pas
en proie à la désorganisation alors qu'elles voient leur peuple en proie à la
famine, les colonies s'agrandir aux dépens des territoires relevant de leur
gestion, Jérusalem en proie à la judaïsation et le nombre de prisonniers en
croissance constante - Israël a, en effet, arrêté, au cours de l'intifada,
environ sept cents Palestiniens - la position arabe paralysée, la position
européenne hésitante et la position américaine de plus en plus alignée sur
Israël. Elles voient tout cela alors qu'elles faisaient miroiter à leur peuple,
peu avant le déclenchement de l'intifada, que les colonies seraient démantelées,
que les prisonniers seraient libérés, que le bien-être serait généralisé et que
l'Etat palestinien indépendant serait proclamé, avec Jérusalem pour capitale
?
Le fait que les choses ne se passent pas comme nous l'aurions souhaité ne
justifie pas que nous tentions d'échapper à la nécessité de reconnaître la
réalité, même si reconnaître la réalité signifie reconnaître les fautes.
Reconnaître ses fautes n'est pas une honte, c'est au contraire une preuve de
sens de ses propres responsabilités. Reconnaître la réalité peut contribuer au
redressement du tir et au sauvetage de ce qui peut encore être sauvé. La vérité,
c'est que l'intifada a perdu rapidement sa dynamique et que l'élite politique
palestinienne n'est plus capable d'en garantir précisément l'efficacité ni la
direction de son action. Nous ne visons pas ici les dimensions stratégiques de
l'événement-intifada en tant que tel, ni les messages profonds qu'elle a envoyés
en direction de plus d'une instance nationale, locale et internationale, ni
l'esprit de résistance qui caractérise le peuple palestinien, ni la grandeur de
ce peuple, ce sont là des choses qui sont présentes depuis le tout début de
l'occupation. La prise de connaissance de ce qui se passe sur le terrain ne
passe pas par les seuls médias - malgré toute leur importance - car ils ont le
plus souvent pour objectif de susciter l'intérêt et de focaliser le public sur
des choses sortant de l'ordinaire ou de complaire à l'opinion publique et
d'entrer en sympathie avec les émotions populaires. Le spectacle des funérailles
des martyrs, des blessés, des mères des martyrs, de leurs enfants, pleurant le
fils ou le père disparu, sont des spectacles qui suscitent la compassion ou qui
choquent les sensibilités. Si ces images s'accompagnent de communiqués prévenant
d'une explosion imminente dans l'ensemble de la région et avertissant de la
probabilité du déclenchement d'une guerre généralisée, l'impact n'en est que
plus grand.
Eh bien oui, et nous le disons avec grand regret, il n'est pas
dans l'intérêt du peuple palestinien de se laisser entraîner par le courant
informationnel tendant à magnifier l'intifada et à lui faire porter plus que ce
qu'elle ne peut porter en réalité. Il n'est pas dans son intérêt de continuer à
compter sur les bras des enfants et des jeunes hommes de la guerre des pierres
afin de se gagner les sentiments ou de récolter quelques maigres aides
financières. Il n'est pas dans son intérêt de se laisser leurrer par les TV
arabes diffusées par satellites, qui en rajoutent souvent sur la réalité de
l'intifada et qui incitent le peuple palestinien à résister et à poursuivre
l'intifada, tandis que les pays qui financent ces chaînes de télévision
contribuent à encercler le peuple palestinien et à garder par-devant eux
l'argent récolté pour secourir l'intifada sous des prétextes des plus
fallacieux, de même que certains de ces pays considèrent que le fait d'autoriser
leurs moyens d'information à couvrir l'intifada et à participer à des grandes
fêtes de charité visant à récolter des aumônes pour le peuple palestinien
représente leur contribution nationale et islamique à la prise de responsabilité
arabe et islamique vis-à-vis de la Palestine et de Jérusalem. Quant à l'ennemi
sioniste, son insistance à parler de l'intifada et de la violence qu'elle
causerait ne vise qu'à se donner le prétexte lui permettant de perpétuer sa
politique de répression et d'expansion, tout en lui fournissant une diversion
médiatique sur le plan international. Parler de la grandeur du peuple de
l'intifada est une chose, se poser la question des raisons pour lesquelles
l'action-intifada ne donne pas les fruits escomptés en est une autre. Il est sûr
que l'intifada a provoqué des mutations profondes dans la pensée politique et
dans la culture politique arabes, incitant la réflexion à des reprises en
considération de ce qui était admis comme des données acquises. Mais les
questions posées sont celles de savoir pourquoi l'élite politique et le peuple
sont-ils en proie à un tel désarroi et à une telle désorganisation ; pourquoi
une vision claire se dérobe-t-elle devant l'élite politique et même devant le
peuple dans son ensemble ; pourquoi l'intifada de 1987 s'est-elle poursuivie
plusieurs années, tandis que l'intifada actuelle a pu être cernée par l'ennemi
en si peu de temps ?
De nombreux facteurs différencient l'intifada d'Al-Aqsa
de la première intifada de 1987, réduisant la capacité de l'intifada actuelle à
réaliser des avancées réelles, tangibles, pour la cause palestinienne, et
permettant indirectement à l'ennemi de passer rapidement de la défensive à
l'offensive , et par conséquent, de réduire le momentum de l'intifada. Ce sont
:
- 1° : le fait que l'intifada de 1897 se produisait dans des circonstances
politiques et révolutionnaires palestiniennes et arabes relativement actives, la
relation entre, d'une part, l'entité sioniste et, d'autre part, les
Palestiniens, les Arabes et les musulmans, étant une relation d'opposition entre
ennemis en état de guerre. D'où un plafond élevé pour l'intifada, puisqu'il
s'agissait de celui d'une révolution et d'une légitimité historique, tandis que
l'intifada d'al-Aqsa intervient dans un contexte politique général dominé par
les idées de paix et de coexistence, ce qui fixe à l'intifada un plafond que
l'Autorité s'efforce de définir d'une manière exploratoire, un plafond bas,
changeant, par conséquent, indéfini ;
- 2° : l'intifada de 1987 se produisait
dans un espace ouvert : l'ensemble de la Cisjordanie et de Gaza, tandis que
l'intifada d'aujourd'hui se déroule alors que la Cisjordanie et la bande de Gaza
sont deux régions séparées l'une de l'autre, cantonisées, soumises à des mesures
de sécurité renforcées, que même l'Autorité palestinienne doit observer ;
-
3° : l'ennemi a profité tant de l'intifada de 1987 que de l'intifada consécutive
à l'affaire du tunnel, en 1996. En ayant tiré la leçon, il s'était tenu prêt à
toute éventualité de répétition des mêmes événements, alors que les insurgés et
l'Autorité n'ont pas développé leurs moyens de lutte, qui se limitent aux
pierres et aux moyens d'information ;
- 4° : la première intifada s'est
produite alors que le monde vivait encore sous le règne du bipolarisme, avec ce
que ceci signifiait d'impossibilité pour les Etats-Unis de se consacrer au
Moyen-Orient, d'existence d'un allié stratégique sur lequel se reposer, ne
serait-ce que pour dissuader Israël d'aller jusqu'au bout de son agression. De
plus, la première intifada est intervenue alors qu'existaient encore une
certaine forme de solidarité arabe et quelques souvenirs des mouvements arabes
de libération nationale, alors que l'intifada actuelle se déroule dans un
contexte dans lequel les Etats-Unis peuvent diligenter seuls la région (et
d'ailleurs, le monde entier), et où l'ordre régional arabe s'est effondré, ainsi
que le mouvement de libération nationale arabe, tandis que les régimes arabes
sont alignés comme jamais sur les Etats-Unis. Il en résulte qu'aucun ministère
(arabe) des affaires étrangères n'est désormais à même de soutenir sérieusement
le peuple palestinien insurgé ou de représenter une menace à même de contraindre
Israël à répondre favorablement aux revendications des insurgés.
- 5° : la
première intifada mettait en confrontation directement le peuple palestinien et
les forces d'occupation. Les Palestiniens n'avaient rien d'autre à perdre que
les chaînes de l'occupation. L'OLP jouait son rôle de direction et de soutien de
l'intifada. Aujourd'hui, en revanche, s'il y a toujours affrontement direct
entre le peuple et les forces d'occupation israéliennes, il y a aussi l'Autorité
palestinienne, ses institutions et ses prérogatives et privilèges. Il y a une
Autorité qui a quelque chose à perdre, si la confrontation est poussée à son
extrémité, c'est ce qui explique la perplexité qui semble frapper l'Autorité
palestinienne, et c'est ce qui explique, également, l'utilisation faite par
Israël de l'existence même de l'Autorité palestinienne, avec tout ce qu'elle a
pu sécréter en matière d'intérêts qu'Israël utilise comme autant de cartes dans
son jeu stratégique.
- 6° : l'intifada de 1987 était plus généralisée, elle
s'étendait à toutes les couches de la population et aux organisations
politiques, tandis que l'on remarque que la majorité des insurgés, aujourd'hui,
sont des enfants ou des jeunes gens, tandis que l'absence de participation des
femmes et des hommes mûrs est patente. Au cours de l'intifada précédente, les
différentes couches de la population se faisaient concurrence pour montrer leur
force sur le terrain des affrontements, alors qu'aujourd'hui, il semble que
beaucoup d'organisations politiques s'efforcent de conserver l'essentiel de
leurs forces pour l'étape à venir, qui ne sera pas nécessairement celle de la
libération totale.
- 7° : on constate l'absence d'une stratégie commune et
claire des forces politiques palestiniennes, et même à l'intérieur de chacune
des formations politiques. Bien que tout le monde parle de l'intifada et de la
nécessité d'affronter l'ennemi et en dépit de l'existence d'une atmosphère
d'unité (nationale) plus poussée que par le passé, tout se passe sur fond d'une
grande prudence dans les relations entre les différentes forces politiques -
parties prenantes à l'Autorité et oppositionnelles - chacune d'elles ayant sa
vision et sa stratégie propres.
- 8° : l'engagement de principe des Arabes et
des Palestiniens dans l'affirmation de la paix comme choix stratégique - qu'ils
n'ont cessé d'affirmer dans leurs déclarations et au dernier sommet arabe,
notamment, par la voix de Husni Mubarak - a renforcé la position d'Israël face à
l'intifada, car ces déclarations lui ont envoyé le message suivant : les Arabes
ne feront pas la guerre, quoi qu'il (Israël) fasse aux Palestiniens. De même, le
fait que les Arabes et les Palestiniens se soient engagés dans le processus de
paix comme choix stratégique ôte toute crédibilité à toute menace de recourir à
la lutte armée, de la part des Palestiniens.
- 9° : l'engagement de
l'Autorité palestinienne à respecter tous les accords signés rend douteuse sa
capacité à diriger une insurrection populaire qui pourrait se transformer en
révolution appelée à se poursuivre jusqu'à l'indépendance, c'est ce qui explique
l'apparition de directions de terrain, à l'intérieur du Fatah, qui tentent de
couper l'herbe sous les pieds des forces d'opposition, d'une part et, d'autre
part, de blanchir la direction du Fatah au niveau de l'Autorité, et de donner le
change quant à l'état de paralysie et de totale impuissance dans lequel se
trouve la direction du Fatah, principale force de l'exécutif palestinien.
7. Après la géographie, l'Amérique "se plante" en
histoire (Point de vue d'Al-Quds)
in Al-Quds Al-Arabi (hebdomadaire
arabe publié à Paris) du vendredi 9 mars 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
Dans son discours devant la Commission des Affaires
Etrangères, au Congrès américain, Colin Powell a commis deux erreurs, et il a eu
juste, une fois. Nous parlons ici de la partie de son discours relative à
l'Irak, et non de celle qui traitait de la Palestine, avec notamment sa promesse
de transférer l'ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem. Il s'agit là d'une
autre bévue, sur laquelle nous reviendrons ultérieurement.
Sa première bévue
a été son insistance sur la nécessité du retour des enquêteurs internationaux
chargés de surveiller l'arsenal irakien d'armes de destruction massive. La
deuxième, quant à elle, a été son insistance sur le fait que le blocus imposé à
Bagdad n'était, d'après lui, nullement en voie de délitement, et que toute
révision de ce blocus ne saurait aller que dans le sens de son renforcement et
certainement pas de son allégement. Mais là où Powell a eu la moyenne, c'est
lorsqu'il a reconnu que les sanctions "idiotes" ont d'ores et déjà commencé à
avoir un effet contre-productif, l'opinion publique irakienne, et arabe d'une
manière générale, ayant resserré les rangs face aux Etats-Unis, rejetant sur eux
les conséquences désastreuses de ce blocus : innombrables décès évitables,
famine, destruction d'un peuple entier.
Les enquêteurs ne retourneront pas à
Bagdad. Il faut qu'ils n'y retournent sous aucun prétexte, après que la preuve a
été apportée qu'ils sont sortis de leurs prérogatives et de la mission précise
que leur avaient assignée les Nations Unies, qu'ils se sont compromis dans des
opérations d'espionnage pur et simple au service des Etats-Unis et de leurs
services secrets, et qu'ils ont reçu des informations reçues directement du
Mossad (services secrets israéliens) et obtempéré à ses consignes.
S'ajoute à
ceci le fait que ce n'est pas le gouvernement irakien qui les a chassés, que
l'on sache, pour se voir chargé ainsi de la responsabilité de leur retour.
Non, c'est le gouvernement américain qui les a retirés d'Irak pour protéger
leurs personnes lorsque les Etats-Unis ont décidé de bombarder l'Irak
massivement, en 1998.
Quant au fait de dire que le blocus tient bon, c'est
une exagération américaine qui ne trompe personne, où que ce soit : ni dans le
monde arabe, ni à l'extérieur du monde arabe. Les atterrissages d'avions de
ligne sont incessants à l'aéroport de Bagdad, et l'exportation du pétrole
irakien s'effectue avec beaucoup plus de facilité que celle des viandes
européennes, et occidentales, d'une manière générale, vers les pays
arabes.
Il est quelque peu paradoxal que Powell et ses amis au gouvernement
britannique parlent maintenant de la nécessité de mettre en oeuvre des sanctions
"intelligentes" contre l'Irak, ce qui revient pour eux à reconnaître que les
sanctions qui se perpétuent depuis dix ans étaient (et sont encore), par
conséquent, des sanctions "idiotes". S'il en est ainsi, pourquoi cet entêtement
à les appliquer aussi longtemps ?
Le gouvernement américain n'a pas échoué
qu'à l'épreuve de géo : il a été recalé en histoire aussi, en croyant que les
sanctions contre l'Irak aboutiraient au renversement du régime et à
l'intronisation d'un gouvernement entièrement dévoué aux Etats-Unis en ses lieu
et place. Comme on sait, le blocus imposé à Cuba, depuis plus de quarante ans,
n'est pas parvenu à venir à bout du gouvernement de Fidel Castro. En Irak, c'est
exactement l'inverse de ce que les Américains escomptaient qui s'est produit :
les sanctions imposées par la bêtise des gouvernements américains successifs ont
renforcé l'emprise du président irakien sur le pouvoir, mobilisant l'immense
majorité des Irakiens contre les Etats-Unis.
Ce que les gouvernants
américains et leurs distingués conseillers ignorent, c'est que l'Irak n'est pas
une île isolée et à une heure de traversée des côtes américaines. Non, l'Irak
est un pays dont l'héritage civilisationnel extrêmement riche remonte à plus de
sept mille ans, c'est un pays situé au coeur de la nation arabe, frontalier de
cinq pays, dont la plupart sont en délicatesse avec les Etats-Unis et leur
politique hostile aux Arabes et aux Musulmans.
Si le blocus imposé à l'Irak
ne s'est pas effrité, il est en voie d'effondrement, de manière inéluctable, et
cet effondrement se produira plus tôt que prévu. Avec lui, c'est toutes les
variantes de la politique américaine dans la région, toutes aussi erronées les
unes que les autres, qui sont appelées à s'écrouler.
8. Washington se félicite du soutien financier
européen aux Palestiniens - Bush et Powell réaffirment à Arafat leur attachement
au processus de paix
in Al-Quds Al-Arabi (hebdomadaire arabe publié
à Paris) du vendredi 9 mars 2001
[traduit de
l'arabe par Marcel Charbonnier]
Le président
américain George Bush et son secrétaire d'Etat Colin Powell ont assuré le
président palestinien Yasser Arafat de leur engagement vis-à-vis du processus de
paix au Moyen-Orient, à l'occasion de la Fête (musulmane) du Sacrifice ('Aïd
al-'Adha) (information donnée par l'agence de presse palestinienne
Wafa).
L'agence a rendu public le contenu de deux télégrammes de voeux à
cette occasion, reçus par Arafat, de la part du président Bush et de son
ministre Powell. Le président Bush a "exprimé au nom du peuple américain son
profond espoir que le peuple palestinien connaîtra prochainement la renaissance
de l'espoir, ouvrant des perspectives de paix et de prospérité".
Il poursuit
: "Les Etats-Unis restent et resteront attachés au soutien de la marche vers la
paix", ajoutant : "prions tous ensemble et luttons afin de susciter une
atmosphère dans laquelle la paix soit possible."
Le ministre Powell, a écrit,
pour sa part, dans son message de voeux, qu'il présentait "les voeux du peuple
américain à votre excellence (Arafat) et à votre peuple (palestinien) à
l'occasion de la Fête".
Il poursuit : "j'apprécie hautement ma rencontre
récente avec vous à Ramallah, et j'espère que notre entraide se poursuivra à
l'avenir".
Powell a appelé à la création d'un contexte dans lequel "il y ait
place pour les efforts en vue de réaliser la paix, permettant au peuple
palestinien d'avoir espoir dans un lendemain plus radieux" (!)
Au cours de sa
visite en Israël et en Cisjordanie, le 25 février dernier, Powell avait appelé
Israël et les Palestiniens à oeuvrer afin de sortir du "cercle effrayant de la
violence", demandant à l'Etat hébreu, en particulier, de lever le bouclage des
territoires palestiniens.
Par ailleurs, le Secrétaire d'Etat a salué, mardi
dernier, le soutien financier "généreux" offert par l'Union européenne à
l'Autorité palestinienne présidée par Yasser Arafat.
Powell, qui s'exprimait
à la fin d'une réunion ministérielle américano-européenne, à Washington, a fait
état de "la satisfaction que lui apportait le soutien financier généreux offert
par l'Union européenne à l'Autorité palestinienne", qui est confrontée à des
difficultés économiques extrêmes depuis le début des affrontements avec les
forces israéliennes, en septembre dernier.
Mais il n'a pas précisé, malgré
cet enthousiasme, si Washington entendait se joindre à ce soutien financier
international à l'Autorité palestinienne, comme le souhaiterait l'Union
européenne.
Le Secrétaire d'Etat, au cours d'une conversation officielle avec
Ana Lind, son homologue suédoise, dont le pays assure la présidence tournante de
l'Union européenne, a affirmé avoir eu "des échanges excellents" sur ce dossier
avec elle, ajoutant que l'Union européenne et Washington "partagent absolument
les mêmes vues" sur le conflit israélo-palestinien.
Powell a ajouté que
l'Union européenne et les Etats-Unis appellent "les deux parties à faire tout ce
qui est en leur pouvoir afin de mettre fin aux violences
immédiatement".
Powell a fait part, également, de la condamnation conjointe
(américano-européenne) de l'"incitation" à la violence, et l'espoir qu'il place
en l"allégement des entraves mises à l'activité économique", en une allusion
transparente aux mesures de rétorsion prises par Israël contre l'économie
palestinienne.
Rappelons que l'Union européenne est le premier contributeur
en matière d'aides financières à l'Autorité palestinienne : elle lui a accordé
27,5 millions de $ en décembre 2000, suivis de 30 millions de $ en janvier 2001.
L'Agence de Secours et d'Emploi pour les Réfugiés palestiniens au Moyen-Orient,
de l'ONU (l'UNRWA) a indiqué, mardi dernier, qu'elle serait contrainte à réduire
les rations alimentaires et les soutiens scolaire et sanitaire qu'elle apporte à
200 000 familles palestiniennes (familles, c'est nous qui soulignons, NdT) dans
les territoires occupés, si les pays donateurs ne font pas un effort financier
plus important d'ici la fin de cette année.
Peter Hansen, président de
l'UNRWA a alerté sur le fait que l'Agence pourrait être confrontée à un trou
budgétaire de l'ordre de 65 millions de $ en 2001, alors que les besoins des
nécessiteux pour lesquels elle oeuvre sont accrus. Il a présenté un tableau peu
réjouissant de la situation dans les territoires occupés par Israël, où plus de
400 personnes, en grande majorité, des Palestiniens, ont été tuées depuis le
début de l'Intifada, en septembre dernier.
Hansen a déclaré au cours d'une
conférence de presse, à Genève : "il faudra plus de cinq ans pour réparer les
dégâts subis par les territoires occupés au cours des cinq mois
écoulés".
Selon Hansen, un Danois qui travaille depuis longtemps comme
responsable des aides des Nations-Unies, le taux de chômage a atteint une
moyenne de 45% dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, tandis que la situation
sanitaire se dégradait, notamment du fait que les Palestiniens sont confrontés
quotidiennement au bouclage des territoires et aux barrages de contrôle
israélien.
Le taux d'enfants morts-nés a augmenté de 58% sur la période
allant de septembre 2000 à février 2001 (en comparaison avec la même période, un
an auparavant), tandis que le pourcentage des enfants bénéficiant de
vaccinations a régressé à 85%, alors qu'il était de 100% auparavant.
Hansen a
dit qu'"il va sans dire que le chômage très élevé, 45%, concerne depuis cinq
mois une population dont les économies sont ponctionnées de manière extrême.
Nous assistons à l'entrée dans le cercle sans fin de la pauvreté extrême d'un
nombre croissant de familles n'ayant plus rien".
Pour l'année 2001, le budget
de l'UNRWA, qui assiste 3,8 millions de réfugiés palestiniens en Jordanie, au
Liban et en Syrie, en plus de ceux qui vivent dans les territoires occupés par
Israël, en Cisjordanie et à Gaza, est de 311 millions de $.
Hansen a dit que
"65 millions de dollars, cela représente un déficit budgétaire énorme, à quelque
aune qu'on le mesure. C'est un déficit qui sera ressenti très durement, s'il
n'est pas comblé, par les enfants qui vont à l'école de l'UNRWA, les malades qui
ont recours à ses hôpitaux et les plus pauvres qui ont un besoin vital des aides
allouées un peu avant la fin de l'année".
Un appel à assurer 40 millions de $
pour les réfugiés palestiniens des territoires occupés a été honoré, en octobre
dernier. Un deuxième appel visant à réunir 39 millions de $ afin de créer des
emplois, sur la période allant de mars à mai prochain a été lancé, mais jusqu'à
présent, ce ne sont que 5 millions de $ qui ont été récoltés.
Hansen a conclu
en indiquant que 80 millions de $, pour six mois, "ne représente qu'une goutte
d'eau dans un océan, face aux pertes énormes subies par l'économie".
9. Palestiniens : la conférence des pays donateurs aura lieu
en fin de semaine prochaine, selon l'UE
Dépêche de l'agence Associated Press du vendredi
9 mars 2001, 18h04
BRUXELLES - La conférence internationale de
pays donateurs devant aider les Palestiniens à sortir d'une grave crise
financière devrait avoir lieu en fin de semaine prochaine à Stockholm, a annoncé
vendredi Gunnar Wiegand, porte-parole de l'Union européenne, qui n'a pu donner
de date plus précise.
Les Quinze souhaitent que cette conférence réunisse
également les Etats-Unis et les pays arabes riches afin d'aider l'Autorité
palestinienne à faire face aux conséquences économiques du bouclage par Israël
de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.
Le 26 février dernier, l'UE avait
approuvé le déblocage d'une aide de 60 millions d'euros, tout en appelant
l'administration dirigée par Yasser Arafat à collaborer avec la Banque mondiale
et le FMI pour élaborer un budget d'austérité permettant une meilleure
orthodoxie en matière de dépenses et à lutter plus efficacement contre la
corruption.
Depuis des années, l'UE est en pointe de l'aide internationale
au profit de l'Autorité palestinienne. Ces six dernières années, l'aide annuelle
a été d'environ 180 millions d'euros, notamment en faveur des réfugiés et de
programmes économiques. La somme débloquée lundi est la seconde tranche d'une
somme de 90 millions votée en décembre dernier.
Selon un récent rapport de
l'ONU, les cinq mois d'Intifada ont coûté à l'économie palestinienne pas moins
de 1,6 milliard d'euros en revenus et contrats perdus. Le bouclage des
territoires empêche 125.000 +Palestiniens+ d'aller travailler en Israël. Le taux
de chômage frise les 40% et la pauvreté s'accroît.
Le commissaire européen
aux Relations extérieures Chris Patten, les ministres suédois et belge des
Affaires étrangères Anna Lindh et Louis Michel, ainsi que Javier Solana, haut
représentant pour la politique étrangère et la sécurité commune (PESC) de l'UE,
feront une tournée au Proche-Orient la semaine prochaine.
10. Seize Nobel et huit députés européens appellent à
"la paix par la justice"
in Le Monde du vendredi 9 mars 2001
Dans un appel à
"la paix par la justice" au Proche-Orient, seize Prix Nobel et huit députés
européens demandent, à l'initiative de l'Association Peace Lines, aux "habitants
de la Terre sainte de s'en tenir à la force du droit international". Voici
l'essentiel de cet appel.
"Plus de dix mille blessés (à 96 % palestiniens),
quatre cents tués (dont 15 % d'Israéliens) depuis le 29 septembre 2000. Des
Lieux saints profanés. Des arbres abattus et des maisons démolies légalement.
Lynchages, pogroms, tueries, bombes et bombardements, la norme… Haine aveugle et
séparatisme alimentés par la logique sanglante du talion et de la force armée.
Après des décennies de querelles intestines et de guerres, les propositions de
règlement 2000-2001 peuvent enfin apporter des solutions aux douloureuses
questions de territoire et de réfugiés. Dans l'esprit des résolutions de l'ONU
242 et 194. Les colonies reconnues comme sources d'iniquité et de haine doivent
être évacuées sans violences.
La majorité des implantations seront rattachées à Israël, échangées contre
des surfaces équivalentes. Pourquoi retarder davantage la naissance d'un Etat
palestinien libre? Palestiniens et Israéliens partagent la même parcelle de
terre. Ils respirent le même air, s'abreuvent aux mêmes sources… se saluent
entre eux par la même formule de paix: Chalom, Salam.
Nous… appelons tous les
habitants de la Terre sainte à s'en tenir à la force du droit international et à
mettre fin définitivement à ce conflit du passé".
[Trois Nobel de physique (Simon van der Meer, Leon Lederman et Jack
Steinberger), cinq de chimie (Ilya Prigogine, Elias Corey, Sir Harold Kroto,
Jens Skou et Jérôme Karle), trois de la paix (Mairead Maguire, Betty Williams et
Desmond Tutu), quatre de médecine (Maurice Wilkins, Christian de Duve, Richard
Roberts et Günter Blobel) et un de littérature (Wole Soyinka) ont signé cet
appel; de même que les députés européens Marie-Anne Isler-Béguin (France),
Margie Sudre (France), Ole Andreasen (Danemark), Giuseppe di Lello (Italie),
Struan Stevenson (G.-B.), Pila-Noora Kauppi (Finlande), Arvid Carlsson (Suède)
et Ulrich Stockmann (Allemagne).]
11. Le new deal de Washington par Philippe
Coste
in L'Express du jeudi 8 mars 2001
L'administration
de George W. Bush modifie sa politique de sanctions envers l'Irak. Moins par
souci humanitaire que pour améliorer son image dans la région et contenter les
milieux d'affaires américains
Le 16 février dernier, une pluie de bombes
rappelait à Saddam Hussein que le nouveau président des Etats-Unis était aussi
le fils d'un guerrier du Golfe. Pourtant, dix jours plus tard, une autre
ancienne figure de «Desert Storm» et de l'équipe de Bush père, le général Colin
Powell, troquait l'uniforme pour le costume du diplomate. Le nouveau secrétaire
d'Etat américain, lors de sa première tournée au Moyen-Orient, proposait même
une réforme du régime des sanctions infligées à l'Irak: la première évolution de
ces mesures obsolètes qui, en dix ans, n'auront réussi qu'à accentuer les
souffrances de la population et à ériger Saddam Hussein en héros martyr de la
cause antiaméricaine.
En pleine insurrection palestinienne, ce projet, joint
à des propos déjà plus sévères à l'égard d'Israël, pourrait améliorer l'image
désastreuse des Etats-Unis au Moyen-Orient. Il traduit au moins un plus grand
pragmatisme. Le temps n'est plus où, pour les caméras, une secrétaire d'Etat de
Clinton, Madeleine Albright, assortissait ses broches (dragon, serpent ou
scorpion) aux dernières insultes colorées parvenues de Bagdad. L'éternel
feuilleton médiatique, le maintien sine die des sanctions offraient une
démonstration de force facile pour une politique étrangère tributaire de
l'opinion interne. «Depuis 1998 et le début de la campagne présidentielle, il
n'était pas question de susciter le moindre soupçon de faiblesse envers l'Irak,
confirme un diplomate. L'immobilisme était donc la norme.»
Les vieux
guerriers de la nouvelle administration sont libérés de ce genre de soucis. Le
vice-président, Dick Cheney, ancien secrétaire à la Défense de Bush père, et le
très populaire général Colin Powell reviennent au pouvoir forts d'une
expérience: celle de l'importance et de la fragilité d'une coalition contre
l'Irak. Les dissensions de l'alliance avaient déjà empêché la poursuite de
l'offensive armée jusqu'à Bagdad et la neutralisation définitive de Saddam
Hussein. «Dix ans plus tard, Colin Powell réalise que, hormis le Koweït, aucun
gouvernement arabe ne veut plus soutenir la politique actuelle, assure Joel
Beinin, professeur d'histoire du Moyen-Orient à l'université Stanford. Les
protestations populaires les inquiètent. En outre, le désordre de l'embargo l'a
vidée de son sens.»
Dix ans de déréliction, faute, notamment,
d'investissements dans les domaines de l'adduction d'eau, des hôpitaux et des
transports, ont laminé le niveau de vie en Irak et paradoxalement renforcé la
dictature. Le programme onusien de «pétrole contre nourriture», censé vérifier
l'affectation des revenus pétroliers au confort des civils, est bafoué par les
quelque 400 000 barils de contrebande exportés chaque jour vers la Turquie, la
Jordanie ou la Syrie. Ce pétrole est vendu avec une surtaxe officieuse de 25 à
50 cents par baril qui alimente directement, par milliards de dollars, les
comptes clandestins de Saddam et ses importations militaires illicites, comme le
câble optique dernier cri installé par des ingénieurs chinois sur les batteries
de radars bombardées le 16 février.
Face à ce chaos, les Américains n'ont
d'autre choix que de proposer à leurs alliés des sanctions «intelligentes», plus
ciblées: d'un côté, un blocus effectif pour le matériel militaire, garanti à la
source par les pays fournisseurs traditionnels, dont la Russie; de l'autre, au
bénéfice des civils et des partenaires commerciaux de l'Irak, un assouplissement
des échanges et des normes d'importation de produits à «double usage». Il en va
ainsi des pièces détachées, aussi indispensables aux transports militaires que
civils, des désinfectants, des pompes à eau et des camions frigorifiques, bannis
par la précédente administration américaine sous prétexte que tout cela pourrait
aussi servir à la fabrication d'armes chimiques.
Elans humanitaires? Pas si
sûr. Dick Cheney et George W. Bush, liés au grand business pétrolier, se font
surtout l'écho du monde des affaires prorépublicain, fort irrité par le recours
immodéré aux sanctions économiques depuis huit ans. Soixante pays font
aujourd'hui l'objet, à un degré ou un autre, de restrictions dans leur commerce
avec les Etats-Unis. Enfin, et surtout, il y a le pétrole. Les deux tiers du
brut vendu par l'Irak alimentent, par une multitude d'intermédiaires, les
stations-service américaines. Washington, confronté à une hausse des prix de
l'énergie qui menace la croissance, cherche surtout à augmenter l'offre d'or
noir irakien sur le marché, gage de baisse des cours mondiaux.
Une première
lueur au bout du tunnel
«Si nous comprenons bien, les sanctions intelligentes
remplacent des sanctions stupides», ironise Saïd al-Sahhaf, le ministre irakien
des Affaires étrangères. Malgré leur morgue de façade, les représentants de
Bagdad apprécient cette première lueur au bout du tunnel de l'embargo, sans
pourtant se faire d'illusions sur les objectifs américains: les durs du Congrès
et Paul Wolfowitz, n° 2 du ministère de la Défense et ancien idéologue de
Reagan, exigent la poursuite du financement de l'opposition irakienne en exil,
une nébuleuse privée de soutien intérieur après les impitoyables purges de
Saddam. Faute d'espérer le renverser, Colin Powell, lui, tente au moins de
réduire l'impact politique du dictateur irakien dans la région et d'éviter que
le vaincu d'hier n'empoisonne encore la diplomatie américaine au
Moyen-Orient.
12. Dans un contexte d'accord entre Powell et Sharon
sur la priorité du dossier irakien, le retour à des négociations sur la sécurité
sera-t-il la manière palestinienne d'obtempérer aux exigences israéliennes
?
in Al-Istiqlal (hebdomadaire palestinien) du mercredi 7 mars
2001
[traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
Le choix entre les dossiers palestinien
et irakien représente donc bien les prémisses des nouvelles orientations de
l'administration Bush, si l'on doit en croire les signes apparus à travers la
visite du ministre américain des affaires étrangères, Colin Powell - courte,
mais dense - dans les pays arabes de la région et en Israël. D'après ces signes,
en effet, "le danger qui menace(rait) les intérêts des Etats-Unis" serait bien
représenté par Saddam Huseïn et les armes de destruction massive qu'il
détiendrait prétendument, et non par la cause palestinienne, alors que
c'est elle qui a fait exploser la rue arabe de colère contre
l'Amérique...
Une politique nouvelle
L'administration
Bush veut reconstruire l'alliance arabo-américano-européenne qui s'est
effondrée, dix ans après la guerre du Golfe, et la mission essentielle de Powell
est de renouveler cette alliance en adressant des demandes pressantes aux
dirigeants arabes qu'il a rencontrés, en contre-partie d'une action diplomatique
américaine pour la relance du processus de paix israélo-palestinien. Il ne
s'agissait pas seulement de demandes pressantes, mais bien, plutôt, d'ordres
purs et simples, accompagnés de pressions américaines directes sur les Etats qui
ont d'ores et déjà entrepris de restaurer leurs relations avec Bagdad. Ainsi,
l'accord de libre-échange commercial entre les Etats-Unis et la Jordanie a été
mis au congélateur en attendant que Amman adopte une position radicalement
opposée à son projet actuel de création d'une zone franche commune avec l'Irak,
projet que la Jordanie a déjà gelé dans l'attente d'un feu vert du Congrès
américain (!) sur lequel le lobby juif exerce les pressions que l'on sait :
c'est lui qui décidera, en définitive, de la ratification, ou non, de l'accord
de libre échange américano-jordanien...
Parallèlement, des dizaines de
compagnies américaines et canadiennes se retiraient du marché jordanien, alors
qu'elles avaient commencé à y effectuer des investissements, de manière à
exercer sur la Jordanie une pression non-voilée afin que ce pays cesse de
traiter avec l'Irak.
Sur le front égyptien, des pressions américaines sont
exercées afin de dissuader l'Egypte de renforcer ses relations avec Bagdad, à
commencer par l'arrêt des liaisons aériennes de la société égyptienne nationale
Misr vers Bagdad, en passant par le gel des échanges commerciaux, pour ne pas
finir (!) par la participation égyptienne à l'effort américain de reconstitution
de l'alliance anti-irakienne. Les choses en sont allées jusqu'au point où des
membres du Congrès américain ont brandi la menace de réduire les aides
américaines au Caire, qui atteignent, cette année, 2,1 milliards de
dollars.
En ce qui concerne la Syrie, après des informations sur la reprise
du pompage du pétrole brut dans le pipe-line irako-syrien, certaines sources
d'information syriennes ont indiqué que le but de cette opération n'était pas
l'acheminement du brut irakien (vers la Méditerranée, via Banyas, NdT), mais la
"vérification des tuyaux" (!) après des réparations rendues indispensables par
leur non-utilisation depuis plus de deux décennies... (des fuites, on n'imagine
pas que des grenouilles y aient fait leur nid... NdT)
Un petit
télégraphiste fidèle
Il apparaît de tout ceci que le problème
palestinien n'est plus, avec l'arrivée aux affaires de la nouvelle
administration américaine, le problème des problèmes (la Mère des Problèmes ?
NdT) dans la région, et que, par conséquent, un effort américain visant à
accélérer une solution au problème palestinien est peu vraisemblable. Le plus
qu'ait fait Powell a été de jouer, à l'instar de Dennys Ross, le rôle du petit
télégraphiste pour le compte d'Israël, apportant les positions (on devrait dire
: les exigences, NdT) israéliennes à la partie palestinienne, avec des
récriminations américaines ouvertes faisant porter aux deux parties la
responsabilité de ce qui arrive, puisque, comme l'a dit Powell au président
Arafat - propos rapportés par Sharon -"après le rétablissement du calme et
la cessation des "violences", il faudra s'atteler à la recherche d'un accord de
"non-belligérance", car on ne peut pas sortir des problèmes d'un seul coup un
seul, il faut s'orienter vers des négociations par étapes, l'Autorité
palestinienne doit s'employer à démanteler les infrastructures du Hamas et du
Jihad islamique, car ces deux mouvements sont devenus plus dangereux
aujourd'hui, avec l'entrée en scène du Hizbollah (libanais, NdT). Il faut aussi
reprendre la coordination sécuritaire et les activités visant à contrôler la
propagande et à favoriser l'éducation à la "paix"".
En échange contre ce
qu'il a appelé l'allégement du blocus imposé aux territoires palestiniens,
Sharon a exigé d'Arafat qu'il publie un communiqué, en arabe, appelant à l'arrêt
de la "violence" et à ce que cesse les provocations (anti-israéliennes) des
moyens d'information palestiniens, ainsi qu'à la reprise de la coopération
israélo-palestinienne en matière de sécurité.
Mis à part cet acheminement
impeccable des positions de Sharon (par Powell), on n'a pas pu constater le
début du commencement d'une quelconque initiative américaine en vue de ce que la
nouvelle administration appelle les "négociations politiques", dont la reprise
n'est pas attendue dans l'immédiat (en fait, tant que Sharon sera aux affaires).
Powell s'est contenté de se porter volontaire pour exprimer sa "douleur" pour
les enfants palestiniens et israéliens tués, revenant comme de coutume à
l'établissement d'une totale égalité entre la violence israélienne exercée au
moyen d'équipements militaires américains et ce qu'il appelle la "violence
palestinienne".
Entre les positions palestinienne et
israélienne
La réponse palestinienne aux positions affichées par
Sharon n'est pas encore définie, dans l'attente de la composition de son
gouvernement, qui subira d'une manière ou d'une autre une influence
travailliste, avec la participation de ministres travaillistes, à la tête
desquels Shimon Pérès (ou sans sa participation, en cas de constitution d'un
gouvernement restreint de droite).
Sharon a réitéré à Powell ses positions
exposées au cours de sa campagne électorale, et qui l'ont amené à la victoire.
Il lui a, notamment, déclaré : "Jérusalem demeurera unie sous la souveraineté
israélienne, Israël conservera les régions stratégiques de la vallée du Jourdain
et en Cisjordanie. Les colonies ont été construites en conformité avec une
conception sécuritaire qui implique la participation de leurs habitants à
l'effort de défense, avant la mobilisation des réservistes (en cas de conflit).
Nous avons beaucoup appris de vous, les Américains, dans ce domaine, puisque
nous nous sommes inspirés de votre conquête du Far-West... Israël ne renoncera à
aucune position stratégique avant la fin du conflit".
A la question de Powell
sur sa politique de colonisation, Sharon a répondu : "nous n'établirons pas de
nouvelles colonies, mais il y a, bien entendu, un accroissement naturel de la
population (des colonies actuelles) à prévoir, la population arabe
n'augmente-t-elle pas, de son côté, à Nazareth ?"
Il s'agit là d'une
plaisanterie israélienne bien connue, depuis Netanyahu et Barak, consistant à
étoffer la population des colonies existantes, voire à en multiplier la
population.
Dans le contexte de ces prises de position, la reprise des
négociations, conditionnée par Sharon à l'arrêt de l'Intifada, semble peu
probable, sauf dans le cas où Sharon serait amené à en rabattre sur son
jusqu'au-boutisme, après quelques semaines de direction du nouveau
gouvernement.
Il y a un hiatus évident entre les positions israélienne et
palestinienne, cette dernière consistant à appeler à la reprise des négociations
au point où elles avaient été suspendues à Taba, c'est-à-dire au retour à des
négociations en vue d'un règlement définitif, contrairement à la position
israélienne qui exige des accords par étape. Ce à quoi de nombreux responsables
palestiniens répondent invariablement qu'il y a plus d'un accord intérimaire
qu'Israël n'a pas mis en application (Wye Plantation, Sharm al-Shaykh) et que,
par conséquent, il faut qu'il les applique, et non négocier un nouvel accord
intérimaire. Ceci signifie que la partie palestinienne est d'accord pour revenir
à des négociations intermédiaires, comme cela apparaît à travers les
déclarations des dirigeants palestiniens, c'est-à-dire pour revenir aux
redéploiements (en l'occurrence, le troisième) (des forces d'occupation
israéliennes, NdT), ce qui est au programme du gouvernement d'union nationale
formé, en Israël, de ministres Likud et Travaillistes. Pas de pressions
sur Israël
Bien qu'ayant évoqué les résolutions 242 et 338, en tant
que bases d'une reprise des négociations, Powell a précisé que cette position
traditionnelle américaine n'engageait pas Israël à s'y conformer, à la
différence de ce qui se passe avec l'Irak. Mieux, le gouvernement américain
encourage Israël à contourner ces deux résolutions et à les vider de leur
contenu, comme les dernières propositions Clinton l'ont montré de manière
évidente.
Ce petit détail formel mis à part, les positions américaines
continuent, comme à l'accoutumée, à s'harmoniser parfaitement avec celles du
nouveau gouvernement israélien. Ainsi, l'échange "fifty-fifty" entre l'Irak et
la Palestine est apparu dans toute sa simplicité dans les déclarations du
porte-parole de Sharon Raanan Anisin : Sharon considère qu'il est impossible de
s'en tenir au seul contentieux israélo-palestinien en-dehors de tout contexte
régional et de problèmes tels que la course aux armements non conventionnels
d'un pays tel que l'Irak, d'une telle importance pour la stabilité de la région,
évidence si bien comprise par le président Bush...
De là, en sus d'un
éloignement, en pratique, de Washington, de toute action diplomatique effective
sur le processus israélo-palestinien, aucune pression ne saurait en être
attendue sur Israël, pression qui aurait pu, le cas échéant, viser à
l'"encourager" à un accord prenant en compte les résolutions (onusiennes) que
Washington considère (encore, théoriquement) comme essentielles pour le
processus de paix.
Dans le contexte des positions extrémistes de Sharon et de
l'escalade dans la répression israélienne contre l'insurrection du peuple
palestinien, aucun responsable palestinien ne saurait justifier la rencontre
palestino-israélienne, ayant les considérations de sécurité pour ordre du jour,
qui s'est tenue au point de passage d'Erez, la semaine dernière : s'agirait-il
là d'un début de conformation palestinienne au diktat israélien, dont la reprise
de la coordination sécuritaire fait partie ?
La Palestine est au
coeur du conflit
La région est à la croisée des chemins. Celle-ci se
matérialise par les menaces israéliennes croissantes contre la direction
palestinienne, même si cette dernière négocie pour partie avec Israël, cette
direction palestinienne que Friedman, conseiller de Sharon pour la sécurité, lui
demande d'éliminer, en investissant les régions classées "A" ou en procédant à
des opérations contre le Liban et la Syrie, au président de laquelle Shaul
Mofaz, chef d'état-major israélien, a envoyé des mises en garde très claires, et
portées à la connaissance de Colin Powell, selon lesquelles Israël pourrait
frapper les forces syriennes au Liban, sans que cela n'exclue qu'il s'en prenne
aussi aux infrastructures syriennes elles-mêmes.
Quoi qu'il en soit,
l'escalade de la tension dans la région montre, une fois de plus, que le
problème palestinien est central dans la problématique du Moyen-Orient et que,
sans que ses droits légitimes aient été restitués au peuple palestinien, les
"grands" resteront dans un état de perplexité et d'inquiétude pour leurs
intérêts dans la région, sur lesquels ils jettent le voile pudique de la
circonlocution : "la stabilité du Moyen-Orient".