La petite ville universitaire de Birzeit s'est réveillée ce matin coupée du reste de la Cisjordanie. A mi route entre Ramallah et Birzeit une profonde tranchée a été creusée cette nuit par l'armée israélienne et toutes les lignes téléphoniques de Birzeit ont été coupées. La route par Jifna et le camp de Jalazon avait déjà été coupée. Si cela se révèle être un apéritif pour le repas du gouvernement Sharon nous craignons ce que pourrait être le plat de résistance. Nous vous demandons d'élever vos voix pour mettre fin à cette occupation brutale afin que vive notre peuple !
       
Samia Khoury (7 mars 2001)
     
 
Point d'information Palestine > N°135 du 08/03/2001

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Association loi 1901 - Membre de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
Pierre-Alexandre Orsoni (Président) - Daniel Garnier (Secrétaire) - Daniel Amphoux (Trésorier)
Sélections, traductions et adaptations de la presse étrangère par Marcel Charbonnier
 
Si vous ne souhaitez plus recevoir (temporairement ou définitivement) nos Points d'information Palestine, ou nous indiquer de nouveaux destinataires, merci de nous adresser un e-mail à l'adresse suivante : amfpmarseille@wanadoo.fr. Ce point d'information est envoyé directement à 2021 destinataires.
      
C'est avec beaucoup de tistesse que nous vous informons de la disparition de
Maria Gazi, vice-présidente de la Plateforme européenne des ONG pour la Palestine.
        
Au sommaire
    
Télévision
      
1. Mediterraneo à Aqaba - Samedi 10 mars 2001 à 12h55 sur France 3 Méditerranée 
2. La poudrière israélienne - lundi 12 mars à 21h05 sur TV5
3. La liste Golda - jeudi 15 mars à 00h15 sur France 3
      
Rendez-vous
     
1. Samih Al-Qassim - Récital de poésie à Genève et à Paris
2. Le Monde diplomatique - au sommaire du numéro du mois de mars 2000
       
Réseau
     
1. Le retour de "Med Intelligence" sur http://medintelligence.free.fr
2. Les liens d'Israël avec l'Allemagne rendent les Juifs américains perplexes par Roger Cohen in The New York Times (quotidien américain) du lundi 5 mars 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
      
Revue de presse
        
  1. A la recherche d’une “stratégie intelligente” au Moyen-Orient par Salama Nimat in Al Hayat (quotidien arabe publié à Londres) traduit dans Courrier International du jeudi 8 mars 2001
  2. A Naplouse, une université sous haute surveillance par Gilles Paris in Le Monde du jeudi 8 mars 2001
  3. Une société plongée tout entière dans le désarroi par Gilles Paris in Le Monde du jeudi 8 mars 2001
  4. L'Intifada se poursuivra jusqu'à la fin de l'occupation, entretien avec Ahmad Abdel-Rahmane, Secrétaire général du Conseil des ministres palestiniens, réalisé par Mohamed Amin Al-Masry in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 7 mars 2001
  5. Sharon fait monter la tension par Abir Taleb in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 7 mars 2001
  6. Après l'interdiction faite aux citoyens d'utiliser les routes principales, le plus court chemin moderne entre les villes de l'"Etat" de Gaza, c'est... la mer ! par Tawfiq Al-Sayyid Salim in Al-Istiqlal (hebdomadaire palestinien) du mercredi 7 mars 2001 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
  7. "Que n'a-t-il déjà employé ? La bombe atomique ?" in Al-Quds (quotidien palestinien) du mardi 6 mars 2001 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
  8. Comment sortir d'un cycle infernal ? par Baudoin Loos in Le Soir (quotidien belge) du mardi 6 mars 2001
  9. Les colons israéliens veulent annexer Mawasi par Pénélope Larzillière in La Croix du lundi 5 mars 2001
  10. Des soldats israéliens tuent un Palestinien in The New York Times (quotidien américain) du lundi 5 mars 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
  11. Epouvantable équation par Gideon Levy in Ha'Aretz (quotidien israélien) du dimanche 4 mars 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
  12. Tristesse dans les Territoires à la veille de l'Aïd-el-Kébir par Ibrahim Hazboun Dépêche de l'agence Associated Press du dimanche 4 mars 2001, 22h37
  13. Enquête sur le vrai pouvoir d'Arafat par René Backmann in Nouvel Observateur du samedi 3 mars 2001
  14. Les Druzes, une minorité à l'intérieur de la minorité arabe israélienne Dépêche de l'Agence France Presse du vendredi 2 mars 2001, 17h08
  15. Israël annonce un durcissement in Le Figaro du jeudi 1er mars 2001
  16. Le corps exécutif palestinien n'en a plus que pour quelques semaines, d'après l'ONU par Phil Reeves in The Independant (Grande-Bretagne) du jeudi 1er mars 2001 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
  17. Les Quinze sont résolus à aider financièrement l'Autorité palestinienne par Laurent Zecchini in Le Monde du mercredi 28 février 2001
          
Télévision

         
1. Mediterraneo à Aqaba - Samedi 10 mars 2001 à 12h55 sur France 3 Méditerranée 
Ce samedi, à 12h55 ne manquez pas (une fois encore) "Mediterraneo" sur "France 3 Méditerranée" (rediffusions sur "TV5" et sur la chaine cablée "Régions"). Ce magazine, que nous vous avons souvent conseillé, vous propose (entre autre) cette semaine, un reportage de 45 minutes consacré à la Jordanie :
- Aqaba - 10 ans après la guerre du Golfe, la Jordanie est le premier pays qui a brisé l'embargo contre l'Irak en organisant en septembre 2000 un vol de solidarité vers Bagdad, dirigé par des ministres. Il faut dire que ce pays a particulièrement souffert d'un blocus qui ne le concernait pas mais qui s'imposait de fait au port d'Aqaba sur la mer Rouge, unique débouché maritime jordanien. Limitrophe d'Israël et de l'Arabie Saoudite, Aqaba est une zone sensible où les autorités jordaniennes ont dû renoncer à développer davantage le tourisme en raison des turbulences politiques de la région. Quant au trafic commercial lié à l'Irak voisin, jadis florissant, il s'est réduit comme une peau de chagrin sous les effets de l'embargo. Aqaba est désormais un port aux abois.
[- Ne manquez-pas aussi : "Mediterraneo - Le Journal" chaque samedi à 18h56 - Un journal tout en images, réalisé par cette même équipe, sur l'actualité du bassin méditerranéen. Ce journal de 8 minutes nous confirme que l'on peut présenter une information de qualité, lorsqu'on prend la peine de s'entourer de journalistes compétents et consciencieux.]
        
2. La poudrière israélienne - lundi 12 mars à 21h05 sur TV5
Un reportage de Jean-François Lépine et de Georges Amar - En septembre 2000, la visite d'Ariel Sharon à l'Esplanade des Mosquées déclencha la reprise de l'Intifada. Les affrontements, depuis, ne se sont pas calmés, et la formation d'un gouvernement d'union nationale en Israël ne devrait pas changer le cours des choses.
         
3. La liste Golda - jeudi 15 mars à 00h15 sur France 3
Un documentaire inédit de Arnaud Hamelin et Emmanuel François réalisé en 2001.
En 1972, pendant les Jeux olympiques de Munich, un commando palestinien assassina des athlètes israéliens. Cette opération provoqua la consternation de la communauté sportive internationale, mais suscita également la réprobation politique. Golda Meir, alors premier ministre de l'Etat isarélien, décida que ces assassinats seraient impitoyablement vengés. Le Mossad établit une liste, sous l'autorité du Premier ministre, comportant les noms des Palestiniens à exécuter. Aujourd'hui encore, nul ne sait combien de noms furent couchés sur cette liste, dite "Golda". En vingt ans, treize assassinats furent perpétrés, notamment à Beyrouth en 1973, où un certain Ehud Barak, grimé en femme, participa à la liquidation physique de trois Palestiniens, mais aussi à Rome, Paris...
         
Rendez-vous
        
1. Samih Al-Qassim - Récital de poésie à Genève et à Paris
L'Association les Racines Palestiniennes organise le mardi 13 mars 2001 à 19h à l'Hôtel Intercontinental de Genève un récital de poésie exceptionnel, de Samih Al-Qassim, accompagné au nay par Iyad Haimour. Ce même récital sera présenté le vendredi 16 mars 2001 à 18h à l' Institut du Monde Arabe à Paris, accompagné à l'oud par Ahmad Dari.
[Renseignements et réservation - Tél : +41 22 771 12 20 (Suisse) ou +33 450 39 74 39 (France)]
                          
2. Le Monde diplomatique - au sommaire du numéro du mois de mars 2000
ENQUÊTE - Les preuves trafiquées du terrorisme libyen par Pierre Péan
PROCHE-ORIENT - D'une intifada à l'autre, une société palestinienne en mouvement par Nadine Picaudou
- Islamisation du langage par Nadine Picaudou
            
Réseau
            
1. Le retour de "Med Intelligence" sur http://medintelligence.free.fr
Cette lettre bi-mensuelle d'informations réalisée par Jean-Michel Staebler, explore la géopolitique et l'économie de la Méditerranée, du Maghreb et du Machrek. Victime (lui aussi) d'une attaque de virus informatiques qui l'a bailloné quelques semaines, cet excellent site a repris sa publication avec son N° 32, le 3 mars dernier, à notre grande satisfaction.
- Jean-Michel Staebler : "Dans ce genre de conflit, il n'est d'autre solution que politique. Si Israël est fort aujourd'hui, qu'en sera-t-il demain après des années d'intifada ? Il est temps que l'Etat hébreu se conduise enfin comme tous les pays qui ont adhéré à la Charte des Nations unies, et cesse de différer l'inévitable en pratiquant la politique de l'autruche. Il y a toujours un prix à payer, mais plus l'on attend, plus le prix est élevé. Et ce prix, il se chiffre en vies humaines. Le malheur veut que ces vies soient palestiniennes !"
              
2. Les liens d'Israël avec l'Allemagne rendent les Juifs américains perplexes par Roger Cohen
in The New York Times (quotidien américain) du lundi 5 mars 2001

[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Avi Primor, ancien ambassadeur d'Israël en Allemagne, voyage régulièrement aux Etats-Unis pour dire à différents groupes de Juifs américains à quel point les relations israélo-allemandes sont devenues excellentes. "Leur réaction", dit-il, "c'est souvent un choc, de la peine et l'indignation. Ils veulent garder l'image mentale d'une Allemagne-nation néfaste".
D'entre les cendres de l'holocauste est née une étrange amitié : cinquante six ans après la chute du Reich d'Hitler, 36 ans après l'établissement de relations diplomatiques, l'Allemagne est devenue le plus important allié d'Israël, après les Etats-Unis, lui apportant un soutien absolument décisif dans les domaines militaire, sécuritaire, politique et économique.
Mais ce rapprochement - qui, s'il ne fait pas l'objet d'un grand tapage médiatique, n'en est pas, pour autant, moins actif - est loin de trouver une traduction dans les relations entre l'Allemagne et les Juifs américains.
En effet, alors que la mémoire de l'Holocauste joue un rôle patent dans la vie américaine et que persistent des querelles sur la nécessité d'une compensation pour les victimes juives des Nazis, les Juifs américains ont une perception de l'Allemagne qui, bien souvent, semble s'arrêter au seul passé nazi.
"Les Juifs américains ont toujours été en retrait dans la compréhension de l'évolution de l'Allemagne après la guerre", commente David A. Harris, directeur du Comité Juif Américain.
"Les Juifs américains ont pu se payer le luxe d'occulter l'Allemagne, et même d'en boycotter les productions - un luxe qu'Israël n'a pas pu s'offrir".
Le résultat en est une étrange disparité : au cours des dernières années, l'Allemagne a intensifié ses liens avec Israël, lui fournissant en douce trois sous-marins, tandis que les difficultés entre les Juifs américains et l'Allemagne se multipliaient et qu'une vague impression s'est répandue chez les Allemands : celle d'être les dindons de la farce d'une "industrie de l'Holocauste".
"Les négociations récentes sur les compensations du travail forcé, de l'esclavage devrait-on dire, du temps des Nazis, a laissé de la rancoeur, en Allemagne", dit Deidre Berger, qui dirige le bureau du Comité Juif Américain à Berlin. "Beaucoup de compagnies allemandes ont le sentiment d'être soumises à un véritable racket par les Juifs américains. De l'autre côté, la communauté juive américaine est habitée par un préjugé tenace : celui que l'on ne peut jamais faire confiance à l'Allemagne."
Bien entendu, il existe une certaine hostilité envers les Allemands en Israël, également, et la commémoration de l'Holocauste y demeure extrêmement importante. Kirsten Praefcke-Meron, une Allemande mariée à un Israélien et vivant à Tel Aviv, raconte qu'un enfant israélien avait pointé le doigt en direction de sa fille, au cours d'une célébration récente du Jour du Souvenir (de l'Holocauste) en disant : "c'est une nazie".
Parmi les Juifs américains, cependant, on peut trouve des signes d'un intérêt croissant pour la réalité démocratique contemporaine de l'Allemagne, plutôt que pour son passé nazi. Le déplacement de la capitale vers Berlin a causé un regain de curiosité ; et les visites de cinq groupements juifs d'importance majeure sont programmées cette année - il s'agit là d'un mouvement d'échanges de visites sans précédent.
Mais il n'en reste pas moins que les sentiments vis-à-vis de l'Allemagne éprouvés par les Juifs de l'Etat juif et ceux d'Amérique restent un sujet d'étude pour les spécialistes de psychologie comparée.
Les relations des premiers avec l'Allemagne ont été façonnées par le pragmatisme, des difficultés d'après-guerre partagées et l'effet de l'expérience acquise par Israël qui n'a cessé de mener des guerres depuis l'holocauste, ce dernier ne définissant en rien l'identité d'Israël.
Les premiers passeports israéliens, délivrés après la création de l'Etat, en 1948, se proclamaient "valides pour tous pays, excepté l'Allemagne". Mais, bien avant que des relations diplomatiques soient établies entre les deux pays, en 1965, un premier rapprochement s'était produit, dès 1952, avec l'accord sur les réparations allemandes, obtenu par des négociations entre David Ben-Gurion, le premier ministre israélien, et le chancelier Konrad Adenauer.
Les réparations devaient comporter le paiement de plus de 50 milliards de $, à des particuliers israéliens et à l'Etat d'Israël. Certaines de ces réparations étant payables en nature - sous forme d'équipements, d'investissements industriels, de pièces détachés, de navires, de locomotives - elles ont amené les Allemands de l'après-guerre et les Israéliens à se rapprocher, d'une manière qui n'a eu aucun équivalent dans leurs relations avec les Juifs américains.
Les Israéliens durent apprendre des Allemands comment utiliser les équipements et les navires qu'ils leur fournissaient - et des amitiés en découlèrent. La plupart des Israéliens acquirent le sentiment que les conséquences financières de l'Holocaustes étaient apurées - d'où leur indifférence, quand ce n'est pas leur irritation, devant la pression des Juifs américains visant à obliger les industries allemandes à verser des compensations.
En total contraste, les relations de l'Allemagne avec les Juifs américains ont souvent souffert d'une distance, d'une amertume et de ce qui semble aux Allemands une fixation des Juifs américains sur un passé traumatisant.
La guerre froide étant terminée, la dernière génération des survivants de l'Holocauste étant en voie d'extinction, d'autres sources de l'identité juive s'estompant, l'Holocauste est devenue une sorte de pierre de touche dirimante. Les Juifs américains avaient pour habitude de s'identifier à un Israël, Etat juif isolé et courageux, et avec la cause des Juifs d'Union soviétique. Mais aujourd'hui Israël est devenu une puissance régionale dont la politique dans les territoires occupés est, tout au moins pour certains, difficile à défendre, et les Juifs soviétiques ne sont plus à l'ordre du jour.
Aujourd'hui, une enquête menée en Allemagne et en Israël montre que le soutien de l'Allemagne est central, pour la sécurité d'Israël, même s'il tient à rester discret, en partie à cause des craintes de l'Allemagne au sujet des réactions possibles du monde arabe, certes, mais aussi de l'opinion publique allemande elle-même.
Des officiels n'ont pas caché que les relations entre les services secrets des deux pays sont particulièrement intenses. L'Allemagne fournit à Israël des informations extrêmement complètes sur le monde arabe, en échange de quoi Israël - échange de bons procédés - fournit à l'Allemagne des données secrètes sur l'Europe de l'Est et la Russie, régions dans lesquelles, selon les propres termes d'un Israélien au parfum, "nous avons des gens qui comprennent beaucoup de choses".
Ainsi, par exemple, l'Allemagne est-elle en train de travailler tranquillement à la libération de trois soldats israéliens capturés en octobre dernier par le Hizbollah, groupe militant musulman shiite basé au Liban.
L'Allemagne est aussi le deuxième partenaire d'Israël en matière d'échanges militaires, après les Etats-Unis. Les deux pays coopèrent à la mise au point de nouvelles armes, échangent des technologies, l'Allemagne fournissant à Israël deux sous-marins extrêmement sophistiqués (tout en en bradant un troisième) dans un mouvement de générosité consécutif à la guerre du Golfe.
L'Allemagne est devenue le deuxième partenaire commercial d'Israël, après les Etats-Unis, et envoie plus de touristes en Israël qu'aucun autre pays, à l'exception, toujours, des Etats-Unis. En ce qui concerne la politique, l'Allemagne "est désormais notre soutien principal et notre avocat en chef en Europe", a déclaré Reuven Merhav, ancien directeur au ministère israélien des Affaires Etrangères.
Et il est de fait que la politique européenne au Moyen-Orient est très largement déterminée par le rôle d'une Allemagne contre-balançant la position de la France, principal héraut de la cause palestinienne en Europe.
Le rapport annuel sur les droits de l'homme édité par le ministère allemand des affaires étrangères ne comporte aucune mention des agissements d'Israël dans les territoires occupés, contrairement aux critiques adressées aux exécutions extra-judiciaires de Palestiniens (par Israël) dans son équivalent américain.
"Les relations entre l'Allemagne et Israël sont particulières et elle ne doivent jamais se normaliser, dans le sens où nous avons des relations normales avec la Hollande ou les Etats-Unis", a déclaré Rudolf Dressler, ambassadeur d'Allemagne en Israël. "Nous nous sentons co-responsables de la garantie de l'existence d'Israël, et ceci a pour conséquence politique que, lorsqu'il y a doute, nous prenons le parti d'Israël, car c'est là ce que nous dicte notre seul devoir".
Né en 1940, fils d'un Allemand opposant à Hitler, M. Dressler a dit qu'il avait le sentiment qu'il pourrait légitimement se poser la question de savoir quelle part de responsabilité il pouvait effectivement bien avoir, dans l'holocauste et dans la sauvegarde de l'Etat juif, dont la naissance est liée, d'une certaine manière, à l'agression d'Hitler contre les Juifs d'Europe.
"Bien entendu, je me demande comment les Nazis ont pu faire ça, et ce que j'ai à voir, moi, avec ce qu'ils ont fait ?", a dit l'ambassadeur. "Mais ils l'ont fait, et il nous faut vivre avec ça. Il n'y a pas de prescription possible à ce que les Allemands ont fait. Alors nous aidons Israël".
Bernhard Steubing a vingt et un ans, il est volontaire, ayant opté de travailler, au lieu de faire son service militaire, pour Aktion Sühnezeichen - littéralement "Signe d'expiation" - un groupe qui a amené des centaines de jeunes Allemands en Israël depuis les années cinquante. Il aide des handicapés et des survivants de l'Holocauste.
"J'ai pensé qu'il était important de faire quelque chose, à cause du passé, et tant que des survivants de l'Holocauste sont encore là, parmi nous", dit-il. "Je me sens proche des Israéliens, bien qu'il soit parfois étrange pour moi de me retrouver dans ce pays très nationaliste, alors que j'ai refusé de faire le service militaire, en Allemagne, précisément, parce que je suis contre le nationalisme."
En ce sens, le couple germano-israélien est effectivement un couple étrange - le plus post-nationaliste des Etats européens allié avec l'un des Etats les plus nationalistes. Mais leur rapprochement mutuel dépasse depuis longtemps ce qui semblait jadis le mur représenté par l'annihilation des Juifs d'Europe par Hitler.
En Allemagne, les années d'immédiat après-guerre furent marquées par une tentative d'enterrer le passé, de trouver une manière de refermer le couvercle sur l'holocauste, chose que beaucoup d'Allemands cherchent à réaliser encore aujourd'hui.
En Israël la réaction initiale avait été celle de l'esquive, également, parce que l'Holocauste provoquait un sentiment d'humiliation auquel le pays préférait tourner le dos. "Nous avons été élevés comme les meilleurs Juifs, fiers d'eux-mêmes, capables de répliquer, à la différence de nos frères, qui ont marché comme des moutons à l'abattoir", dit M. Primor. "Nous pensions, à tort, que les victimes nous humiliaient. On les insultait en les traitant de "Sabunim" - les Juifs gazés et transformés en savonnettes par les Nazis".
Au fil des décennies, l'Allemagne est parvenue à assumer son passé nazi et Israël en est venu à adopter l'opinion que les victimes d'Hitler avaient été attirées dans un piège et conduites de force à leur destin fatal.
"La réconciliation a été un processus lent et douloureux", dit M. Merhav, le haut diplomate en retraite, lui-même fils d'immigrants allemands en Israël. "Mais l'Allemagne d'après-guerre a conquis le corps politique d'Israël grâce à une politique constante d'amitié. Les Juifs américains, bien entendu, n'ont jamais été exposé à cette sorte d'amitié pratique, et je soupçonne que leur haine de l'Allemagne est aussi, quelque part, de la haine d'eux-mêmes, car ils ont réalisé très très tard ce qui était en train de se passer en Europe".
Un Israélien, Gabriel Bach - Juif né à Berlin en 1927, chassé d'Allemagne en 1938, puis procureur général au procès d'Adolf Eichmann - pense que la mémoire douloureuse du passé et l'appréciation pour la nouvelle Allemagne sont encore en perpétuelle confrontation.
Récemment, à Berlin, il se promenait dans un parc du centre-ville lorsque sa femme lui montra du doigt les géraniums qui ornaient les fenêtres des immeubles tout autour. "Alors, j'ai regardé en haut, et ce que j'ai vu, c'est la forêt de swastikas (les croix gammées, NdT) qui ornaient ces mêmes fenêtres, dans les années trente", dit M. Bach. "Il y avait des swastikas à tous les balcons. Ma femme me montrait les fleurs, et c'est ça, ce que je voyais, moi..."
Le passé hante toujours - mais, pour M. Bach, c'est le passé. Le procès d'Eichmann a été une sorte d'épiphanie, dit-il, lorsque l'homme qui avait juré de détruire les Juifs a dût se tenir au garde-à-vous devant les symboles de l'Etat juif, dans un tribunal israélien.
La fierté nationale des Israéliens, et leurs combats, semblent les avoir amenés - comme M. Bach - à considérer l'Allemagne avec moins de préjugés, plus de confiance en eux-mêmes, et une attitude d'esprit plus pragmatique que la plupart des Juifs américains.
"Je n'ai aucun ressentiment à l'égard d'Allemands qui n'étaient pas encore nés à l'époque d'Hitler", dit M. Bach.
Renhard Wiemer, un diplomate allemand marié à une Israélienne, en poste actuellement à Tel Aviv, a été en poste précédemment aux Etats-Unis. A Washington, dit-il, ils vivaient dans un quartier habité par une forte minorité juive. "Les gens demandaient à ma femme : comment avez-vous pu épouser un Allemand ?", se rappelle-t-il. "Cela n'arrive jamais, ici, à Tel-Aviv".
Il voit plusieurs raisons à la différence entre les attitudes courantes, en Israël, faites d'une certaine banalité, et ce qu'il appelle la suspicion et les préjugés des Juifs américains à l'égard de l'Allemagne, et notamment entre une identité israélienne moins liée à l'Holocauste que celle des Juifs américains, la conscience largement répandue chez les Israéliens du fait que l'Allemagne a beaucoup aidé leur pays, et les stéréotypes de l'Allemand répandus par le cinéma et les séries télévisées américains.
La situation s'améliore, pense-t-il, mais lentement, et l'augmentation récente des attaques antisémites, en Allemagne, encourage, naturellement, ceux qui ne demandent qu'à geler l'image -  désormais dépassée -qu'ils ont conservée de l'Allemagne.
M. Wiemer apprécie de vivre en Israël, mais il trouve que le fait d'être un diplomate allemand le contraint, le plus souvent, à cette même réserve qui a contribué à édifier la remarquable alliance entre les deux pays. "Je pense qu'Israël devrait rendre les territoires occupés", dit M. Wiemer. "Je ne le cache pas, je le dis à mes amis, et ils n'ont rien contre. Mais, en public, en tant qu'Allemand, la seule chose que vous pouvez faire, c'est... la fermer".
                 
Revue de presse

         
1. A la recherche d’une “stratégie intelligente” au Moyen-Orient par Salama Nimat
in Al Hayat (quotidien arabe publié à Londres) traduit dans Courrier International du jeudi 8 mars 2001
L’administration Clinton n’a pas réussi à mater Saddam Hussein et à résoudre le conflit israélo-arabe. L’équipe Bush, en dissociant les deux problèmes, pourra-t-elle faire mieux ?
Dix ans après l’amorce du processus de paix au Proche-Orient et onze ans après le début des sanctions internationales contre l’Irak, consécutives à l’invasion du Koweït, il semble que Washington ait décidé d’opter pour une nouvelle stratégie. L’administration Bush, en effet, semble avoir décidé de dissocier le rapport - jamais vraiment assumé publiquement - entre la politique américaine à l’égard du conflit israélo-arabe, d’une part, et les intérêts des Etats-Unis dans la région du Golfe, d’autre part.
L’échec des sanctions envers l’Irak (censées déboucher sur le renversement du régime irakien actuel) et l’échec du processus de paix ont porté un sérieux coup à l’influence et au rôle que jouent traditionnellement les Etats-Unis dans la région. En effet, face au refus d’Israël d’accepter un processus de paix dont les conditions avaient été fixées par Washington à Madrid en 1991 (et qui vient notamment de se traduire par l’élection d’Ariel Sharon au poste de Premier ministre), les Arabes ont répondu par un rejet de la politique américaine sur le dossier des sanctions à l’égard de l’Irak, qui s’est traduit - outre les campagnes appelant à la levée des sanctions - par la normalisation des relations diplomatiques et la signature d’accords économiques avec Bagdad.
C’est dans ce contexte d’échec de la politique étasunienne qu’il faut comprendre les propositions américaines d’appliquer désormais des “sanctions intelligentes” à l’égard de l’Irak, qui déboucheraient sur une levée des sanctions purement économiques au profit d’un renforcement du blocus militaire et de l’isolement du régime. Le recul des Etats-Unis sur l’aspect économique des sanctions est donc une tentative de sauver une politique unilatérale d’isolement de l’Irak tout en essayant de satisfaire leurs alliés arabes et internationaux sur l’un des aspects les plus controversés de ces sanctions.
Dans la mesure où Israël continue d’ignorer superbement les résolutions de l’ONU, il devenait très difficile pour les Etats-Unis de convaincre leurs alliés arabes dans la région d’appliquer les résolutions des Nations unies à l’égard de l’Irak, surtout dans le contexte de l’arrivée aux affaires de Sharon en Israël. A cela s’ajoute le fait que l’Irak a réussi avec un certain brio à convaincre les Irakiens, les Arabes et même l’opinion internationale que les Etats-Unis étaient les principaux responsables des malheurs du peuple irakien, même si le programme des Nations unies “Pétrole contre nourriture”, adopté en 1996, permet à l’Irak d’exporter une grande partie de son pétrole pour garantir les besoins humanitaires de ses citoyens.
Hormis les Américains et les Britanniques, personne ne se demande en effet pourquoi le gouvernement irakien n’arrive pas à utiliser correctement les revenus issus de la vente de pétrole. Ainsi, la valeur des contrats soumis par Bagdad au Comité des sanctions ne dépasse pas le quart des revenus issus de la vente de pétrole irakien, ce qui tend à prouver que l’Irak continue d’appliquer une politique qui se fonde sur un chantage dont le peuple irakien est le premier à payer le prix. Dans ces conditions, les Etats-Unis (et la Grande-Bretagne) n’ont d’autre choix que d’adopter une nouvelle stratégie dénommée “sanctions intelligentes”, dont le but est de faire en sorte que la responsabilité des malheurs du peuple irakien soit transférée de Washington vers Bagdad, tout en maintenant un blocus militaire continuant d’être soutenu par les Etats de la région et par la communauté internationale.
Reste toutefois deux questions d’importance : les Etats-Unis vont-ils conditionner la levée des sanctions économiques au retour des experts de l’ONU chargés de contrôler le programme d’armement irakien ? Et, surtout, l’Irak acceptera-t-il de dissocier la levée des sanctions économiques de l’embargo militaire qui continuera alors de le frapper ?
          
2. A Naplouse, une université sous haute surveillance par Gilles Paris
in Le Monde du jeudi 8 mars 2001
NAPLOUSE, de notre envoyé spécial
Depuis l'université, on peut deviner le char israélien posté sur l'un des deux sommets qui enserrent Naplouse. Installé à flanc de montagne, le campus bourdonne d'allers et venues. Les groupes de jeunes hommes et de jeunes filles, voilées ou cheveux au vent, s'interpellent bruyamment, comme s'il n'y avait pas d'Intifada. En dépit du bouclage qui asphyxie la ville et qui l'isole des villages alentour, les cours se poursuivent vaille que vaille. Les horaires ont été aménagés et des fonds ont été débloqués pour venir en aide aux plus démunis. Al-Najah résiste, une fois de plus.
Avec ses 10000 étudiants et ses 2000 enseignants, Al-Najah est le plus important établissement universitaire de Cisjordanie. Ancien lycée devenu université dans les années 1970 grâce aux bonnes grâces de la famille al-Masri, l'une des plus puissantes de la ville, l'institution a toujours été un lieu et un enjeu de pouvoir. En dépit de la tactique israélienne favorisant les notables locaux pour marginaliser l'OLP, la centrale de Yasser Arafat était parvenue à s'y implanter solidement quelques années plus tard.
L'OLP en avait fait un foyer d'agitation et de mobilisation qui lui a valu d'être fermé par l'occupant israélien avant même le début de l'Intifada.
ÉLECTIONS REPOUSSÉES
Lorsque Naplouse a été enfin évacuée par Tsahal, à la fin de l'année 1995, l'Autorité palestinienne n'a pas hésité à employer la manière forte vis-à-vis de l'université et à entrer sur le campus – ce que les Israéliens n'avaient jamais osé faire – pour y mettre au pas le Hamas, le Mouvement de la résistance islamique, favorisé à ses débuts par les Israéliens, toujours pour faire obstacle à l'OLP, et par le conservatisme de la ville. Car, rapidement, le Hamas a disputé au Fatah, la principale composante de l'OLP, le premier rang des instances enseignantes ou étudiantes.
La concurrence est tout aussi sévère aujourd'hui, même si elle disparaît officiellement pour laisser la place à un front commun contre les troupes d'occupation qui assiègent Naplouse. Les élections étudiantes, annuelles, ont été repoussées à des jours meilleurs. Pas question en effet pour le Fatah de prendre le risque de se voir détrôné par le Hamas, dont les thèses contre le processus de paix sont schématiquement validées par l'Intifada.
De même, les autorités de l'université, après avoir plaidé en faveur de ce processus et d'une ouverture vis-à-vis des Israéliens, ont opéré en quelques semaines un virage à 180degrés. Un tract endossé par la direction de l'université a récemment stigmatisé les enseignants qui ont eu par le passé des contacts avec des homologues israéliens, oubliant qu'ils répondaient généralement aux demandes de cette même direction!
"L'université est surveillée de très près, assure un professeur de Naplouse. Les services de sécurité y ont placé des étudiants qui leur rendent compte de se qui s'y passe. Il y a aussi des étudiants armés, chacun le sait, qui peuvent à l'occasion pratiquer l'intimidation." Le bastion de Al-Najah fait décidément l'objet de toutes les attentions.
        
3. Une société plongée tout entière dans le désarroi par Gilles Paris
in Le Monde du jeudi 8 mars 2001
GAZA, de notre envoyé spécial
La fin provisoire du processus de paix et le succès écrasant d'Ariel Sharon à l'élection au poste de premier ministre en Israël ont plongé la société palestinienne tout entière dans le plus profond désarroi. La voici captive d'une Intifada que son nombre effarant de tués et de blessés ainsi que la dureté du blocus israélien condamnent au radicalisme, alors même qu'aucun objectif politique précis ne lui a été assigné.
De 1987 à 1993, la première "révolte des pierres" avait assuré aux Palestiniens une large reconnaissance internationale. En Israël, elle avait interpellé nombre de militants et d'organisations pacifistes et de gauche. Rien de tel aujourd'hui.
Contrairement aux attentes, les attaques militaires ciblées contre l'armée et les colons menées par le Fatah n'ont pas rouvert le débat sur l'occupation. Après quelques semaines de trouble, les Israéliens ont fait bloc de part et d'autre de la "ligne verte", et le défunt camp de la paix voit désormais dans l'attachement des Palestiniens au droit de retour de leurs réfugiés la preuve éclatante d'une volonté longtemps dissimulée de remise en cause de l'existence même d'Israël. "L'intifada est émotionnelle, nous ne savons pas parler aux Israéliens", se lamente le psychiatre Iyad Sarraj.
Alors que de nouvelles règles du jeu sont en passe d'être dictées par les Israéliens, les Palestiniens semblent dépourvus de perspectives et de projets.
Cela vaut pour la gauche contestataire, contemptrice des accords d'Oslo, qui ne tire pourtant pas profit de leur échec pour imposer un agenda politique précis. Confusément, elle exprime le souhait que les Palestiniens se reprennent en main. C'est ce que traduit la perspective de gouvernement d'union nationale avancée notamment par Haider Abdel Chafi, ou bien la volonté exprimée par Mustafa Barghouti de voir rapidement de nouvelles élections qui pourraient à la fois contraindre les acteurs à sortir de leur mutisme et relancer des institutions vidées de sens. Ainsi le Conseil législatif palestinien ne s'est plus réuni depuis le début de l'Intifada, principalement du fait des bouclages qui empêchent les députés de Gaza et de Cisjordanie de siéger ensemble.
"METTRE UN TERME À L'APATHIE"
Alors que le Fatah, la principale composante de l'OLP, s'efforce de rester en première ligne de l'Intifada tout en réaffirmant son soutien à Yasser Arafat, le Hamas, le Mouvement de la résistance islamique, ne tranche pas non plus par la clarté de ses choix. Alors qu'il avait fait lui aussi le pari de l'échec d'Oslo, il apparaît divisé entre ceux qui ont fait tactiquement le choix de l'union nationale avec l'Autorité palestinienne face aux Israéliens et ceux qui ne désespèrent pas de s'imposer comme solution de rechange politique à Yasser Arafat.
Ce mutisme se double d'une panne du leadership palestinien, que ne masquent pas les Comités nationaux et islamiques mis en place depuis cinq mois et qui tournent à vide. Dépassée par un mouvement à l'origine populaire, l'Autorité s'est efforcée, tout au long des derniers mois d'Ehoud Barak, de jouer sur deux tableaux en apportant un soutien minimum à l'Intidada tout en poursuivant en parallèle les négociations et en utilisant au maximum la pression entretenue sur le terrain par des groupes qu'elle souhaiterait sans doute contrôler aussi bien que le pensent les militaires israéliens. L'arrivée d'Ariel Sharon ne va-t-elle pas la contraindre à trancher ?
Depuis le début de l'Intifada, Yasser Arafat ne s'est jamais adressé à son peuple. Il ne s'est rendu que deux fois en Cisjordanie, à Bethléem, à l'occasion de la messe de Noël, et à Ramallah, pour rencontrer Colin Powell. "Il faudrait pouvoir revitaliser l'ordre politique et l'ordre social, mettre un terme à cette apathie, mais cette Intifada n'y est pas parvenue", soupire le député indépendant Ziad Abou Amr.
        
4. L'Intifada se poursuivra jusqu'à la fin de l'occupation, entretien avec Ahmad Abdel-Rahmane, Secrétaire général du Conseil des ministres palestiniens, réalisé par Mohamed Amin Al-Masry
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 7 mars 2001
Secrétaire général du Conseil des ministres palestiniens, Ahmad Abdel-Rahmane évoque l'avenir du processus de paix à la lumière de la formation du gouvernement israélien d'union nationale.
— Al-Ahram Hebdo : Le nouveau premier ministre israélien Ariel Sharon a annoncé qu'il ne respecterait aucun des engagements pris par son prédécesseur Ehud Barak. Qu'en pense l'Autorité palestinienne ?
— Ahmad Abdel-Rahmane : Ariel Sharon n'a qu'à dire ce qu'il veut. Les négociations se basent sur une toute autre logique fondée sur les résolutions du Conseil de sécurité des Nations-Unies et sur les accords signés par les deux côtés palestinien et israélien. Après toutes ces années, il est inacceptable qu'un démagogue comme Sharon débite des charlataneries pour finalement revenir à zéro, ou qu'un imposteur comme Barak affirme qu'il se désengage de tout ce qu'il avait signé. La question qui nous préoccupe est la suivante : quelle sera la position des Israéliens si l'Autorité palestinienne et l'OLP annoncent leur désengagement de tous les accords conclus avec les Israéliens ? J'affirme que nous sommes plus responsables qu'Israël. Nous n'accordons pas beaucoup d'importance à ce genre de bouffonneries de la part des nouveaux leaders israéliens. Nous allons patienter un peu jusqu'à la formation définitive du gouvernement israélien en vue de connaître sa vraie politique. Là, nous aurons une position bien déterminée. Si ce gouvernement revient sur les accords préalablement signés, nous en ferons de même. Cependant, nous sommes prêts à signer un accord qui reconnaît deux Etats palestinien et israélien qui souhaitent une paix réelle dans le cadre des résolutions de la légitimité internationale.
— Quel est donc l'avenir du processus de paix à la lumière des déclarations des nouveaux dirigeants israéliens et de la formation d'un gouvernement d'union nationale ?
— Le nouveau gouvernement israélien n'est pas un gouvernement de coalition ou d'union nationale, c'est le gouvernement d'un « seul homme ». C'est un gouvernement de généraux qui dévoile la fausse démocratie en Israël. Ce gouvernement prouve que ce pays n'est qu'une société militaire dirigée par les généraux, en particulier Sharon et Barak. Ces deux-là comptent sur la force militaire pour réaliser des objectifs sionistes. Ce gouvernement aura des répercussions fâcheuses sur la région arabe et sur Israël même.
— A quel point existe-t-il une coordination palestinienne avec des forces de paix israéliennes, et avec les Palestiniens de 1948 ?
— Les Palestiniens de 1948 font partie de notre peuple. Nous les félicitons pour leur vote ayant entraîné la chute de Barak aux dernières élections. Quant aux forces de paix israéliennes, elles ont disparu. Nous nous interrogeons d'ailleurs : que deviennent-elles dans la situation actuelle ? Jusqu'à l'instant, le camp de la paix en Israël n'a pas pris de position. Barak l'a écrasé.
— Qu'attendez-vous du prochain sommet arabe qui se tiendra à Amman en Jordanie, les 27 et 28 mars ?
— Israël est un danger qui menace tous les Etats arabes. nous avons donc besoin d'une position arabe plus ferme. Il n'est pas suffisant que le sommet déclare dans un communiqué qu'il soutient l'Intifada. Il y a une véritable interaction entre la politique arabe, le sort de l'Intifada et la résistance palestinienne contre Israël. En effet, l'Autorité nationale tente actuellement de modifier le mécanisme de versement des subventions financières adoptées par le sommet du Caire. Ce dernier pensait que l'Intifada allait durer une semaine ou deux. La Déclaration du Caire a donc compris des clauses qui n'abordent pas le soutien à la lutte du peuple palestinien, mais qui s'attaquent plutôt au développement des territoires palestiniens. Nous appelons le comité ministériel arabe de suivi à modifier ce mécanisme le plus vite possible.
— Comment évaluez-vous le soutien des Etats islamiques à l'Intifada ?
— Les Etats islamiques ont annoncé une position politique et diplomatique de soutien. Ce sont là les limites du sommet islamique. Mais pourquoi les Etats islamiques payent-ils 18 milliards de US$ aux parties en conflit en Afghanistan et ne payent pas un seul milliard au peuple palestinien qui défend la troisième Ville sainte de l'islam ?
— L'Intifada dure déjà depuis 5 mois. Quelles sont ses plus importantes réalisations sur le plan politique ?
— L'Intifada a réussi à réaliser une érosion et un effondrement dans la classe politique israélienne. Ce combat a également permis d'éliminer les illusions que les leaders israéliens pensaient pouvoir mettre en exécution par la force militaire. Les sionistes ont ainsi tiré leur dernière cartouche.
— Comment la révolte palestinienne peut-elle être soutenue et développée à votre avis ?
— En tant qu'Autorité et peuple, nous ne possédons pas d'armes secrètes pouvant être employées dans le combat actuel. Ce sont de grands secteurs du peuple palestinien qui organisent chaque jour l'Intifada. Chaque occupation provoque une résistance qui commence par des pionniers, puis d'autres secteurs se rejoignent à cette résistance, pour que finalement le peuple palestinien dans son intégralité résiste à l'occupation israélienne.
— Jusqu'où cette révolte des pierres a-t-elle réussi à réaliser les volontés de tout un peuple ?
— C'est une longue guerre. Ce n'est pas un affrontement entre deux armées, mais entre une armée d'occupation et un peuple qui lutte contre cette occupation et dont l'arme ultime demeure les manifestations pacifiques, la pierre, la justice d'une cause et une opinion publique qui l'appuie. Ce sont là les armes utilisées par un peuple en état d'occupation.
— Mais Israël répond par une campagne de liquidation des commandants de l'Intifada à Gaza et en Cisjordanie ...
— Telle est la réalité de Barak. Il présentait ainsi ses lettres de créance à l'extrême droite et à son maître Sharon. Le gouvernement israélien menait ses attaques militaires, en employant les hélicoptères et les gaz toxiques contre les Palestiniens de l'Intifada, pour faire une démonstration de force. Barak est égoïste et arrogant. Mais ses crimes ne pourront pas empêcher le peuple palestinien de poursuivre sa lutte pour expulser l'occupant israélien, obtenir l'indépendance, instaurer un Etat avec Jérusalem comme capitale et le retour des réfugiés. Comme Barak a échoué dans sa politique de répression militaire, Sharon échouera.
— Les médias israéliens ne cessent de répéter dernièrement que l'Autorité palestinienne est sur le point de s'effondrer ...
— Nous n'avons pas entendu des déclarations officielles à ce propos. Israël impose un blocus complet au peuple palestinien pour l'affamer et l'étouffer. Nous sommes une vraie famille. Les ressources palestiniennes ne peuvent plus répondre aux besoins de tout un peuple de 3 millions d'habitants. Cette politique israélienne est la guerre même. Sinon que signifieraient un blocus, les massacres, l'emploi de gaz toxiques, les bombardements de l'infrastructure ? L'objectif de cette politique est de faire obéir le peuple palestinien et son Autorité nationale. Cependant, nous voulons une paix favorisant l'établissement de deux Etats, l'un palestinien et l'autre israélien, et non de deux Etats, l'un israélien et l'autre pour les colons. La pierre et l'Intifada se poursuivront à jamais contre l'occupation israélienne.
        
5. Sharon fait monter la tension par Abir Taleb
in Al-Ahram Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 7 mars 2001
L'attentat anti-israélien de dimanche à Netanya, au nord de Tel-Aviv, qui a fait 4 morts (3 Israéliens et 1 kamikaze palestinien) est arrivé à point nommé pour les Israéliens. Ceux-ci n'ont en effet pas laissé échapper cette occasion pour déclarer leur intention d'intensifier leur politique répressive contre les Palestiniens. D'ailleurs, immédiatement après l'attentat, le premier ministre israélien élu, Ariel Sharon, à pointé un doigt accusateur vers le président palestinien Yasser Arafat : « Certaines des forces les plus fidèles à M. Arafat participent à ces attaques », a-t-il déclaré, ajoutant qu'il était « évident que rien n'est fait (côté palestinien) pour les stopper ».
M. Sharon a promis que le futur gouvernement d'union nationale, qui sera probablement proclamé ce mercredi, « devra trouver les réponses appropriées pour rétablir la sécurité des citoyens d'Israël ». Tout indique donc qu'il frappera encore plus fort que le premier ministre sortant, le Travailliste Ehud Barak, qui n'avait d'ailleurs pas lésiné sur les moyens de répression. Pour preuve, aucun pas n'a été franchi dans la voie des négociations sous Barak, dont le mandat a même connu le déclenchement de l'Intifada.
Avant même l'entrée en fonction d'un gouvernement Sharon, le chef de l'armée, le général Shaul Mofaz, avait annoncé samedi un durcissement de la répression face à la recrudescence des attaques palestiniennes dans les territoires occupés et des attentats en Israël. Les menaces israéliennes se font par ailleurs claires. En imputant la responsabilité de l'attaque à l'Autorité palestinienne, le vice-ministre de la Défense sortant, Ephraïm Sneh, a indiqué qu'Israël allait continuer « à frapper ceux qui sont derrière ces attentats comme nous l'avons fait ces derniers mois », faisant ainsi allusion à la politique de liquidation d'activistes palestiniens qu'Israël mène depuis novembre dernier.
Un super-faucon à la Défense israélienne
Du côté palestinien, ces accusations ont été immédiatement rejetées. Dans un communiqué publié dimanche à Gaza, les Brigades Ezzedine Al-Qassam, branche armée du principal mouvement islamiste palestinien, le Hamas, ont proclamé leur intention de passer à l'action contre Israël. « Le jour où l'assassin Sharon prendra la tête du gouvernement israélien », assurant avoir « plus de 10 kamikazes prêts à frapper l'entité sioniste à l'intérieur (de son territoire) ». « Toute escalade de la part du terroriste Sharon sera suivie par une riposte plus dure qui lui fera regretter le jour où il a été élu et même le jour où il a vu le monde », affirme également le communiqué de la branche armée du Hamas, qui n'a toutefois pas revendiqué l'attentat.
Quoi qu'il en soit, cet attentat confirme la détérioration spectaculaire de la situation, puisqu'il survient après la mort vendredi et samedi de 7 Palestiniens tués par l'armée israélienne, dont un enfant de 9 ans. C'est dire que la riposte israélienne a été menée avant même l'attentat de Netanya. Ainsi, le cercle vicieux de la violence ne risque pas de prendre fin de sitôt, puisque chaque nouvel acte de violence alimente un cycle de représailles sans fin.
Si Sharon n'a pas précisé quel genre de mesures il compte prendre, il n'y a pas de doute que sur le plan militaire, la riposte sera sévère. La nomination vendredi d'un homme considéré comme un super-faucon, le Travailliste Benyamin ben Eliezer, au poste de ministre de la Défense dans le cabinet d'union nationale dirigé par Sharon, n'arrangera pas les choses pour les Palestiniens. Certains observateurs prédisent même une riposte israélienne tous azimuts, à la fois militaire, économique et diplomatique.
Pour seule réponse aux menaces israéliennes, faites avant même l'attentat de dimanche, le président palestinien a déclaré ironiquement : « Que reste-t-il à utiliser ? L'arme atomique ? ». M. Arafat insiste sur la nécessité de reprendre les négociations avec Israël sur la base des résultats atteints avec les Travaillistes. « Tout ce sur quoi il y a eu accord doit être respecté » par les deux parties, a indiqué le président Arafat, mentionnant en vrac Taba, Charm Al-Cheikh, Paris, Washington, Le Caire, lieux soit de rencontres, soit d'accords.
Ce qui semble plutôt dérisoire à l'heure qu'il est, d'autant plus que M. Sharon a d'ores et déjà fait savoir que son gouvernement ne serait pas lié par les discussions de Taba, qui avaient eu lieu sur la base du plan de compromis de l'ancien président américain Bill Clinton, ni même sur les accords préalablement conclus. A cette intransigeance israélienne s'ajoute donc la situation alarmante sur le terrain. Un cocktail explosif qui n'augure rien de bon pour les semaines, voire les mois à venir.
           
6. Après l'interdiction faite aux citoyens d'utiliser les routes principales, le plus court chemin moderne entre les villes de l'"Etat" de Gaza, c'est... la mer ! par Tawfiq Al-Sayyid Salim
in Al-Istiqlal (hebdomadaire palestinien) du mercredi 7 mars 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]

Quelques mètres avant le barrage, Ismaïl, 36 ans, sortit de la voiture, avec tous les passagers, à l'exception du chauffeur qui s'apprêtait à faire le chemin inverse et revivre le scénario coutumier des jours de bouclage et de blocus imposés à la bande de Gaza. Puis Ismaïl et ses compagnons de route se dirigèrent vers la plage, qu'ils longèrent durant environ un quart d'heure de marche dans le sable, devant aussi parfois marcher dans l'eau, tant la plage est encombrée de marcheurs. Après environ un kilomètre parcouru ainsi, on arrive à un autre point de départ en voiture, vers la ville de Gaza, où travaille Ismaïl...
Ce sont des centaines de nos compatriotes du sud qui revivent ce spectacle désolant au cours de leurs trajets pour se rendre à Gaza et retour, après que des tanks israéliens soient venus couper la route principale qui parcourt toute la bande de Gaza, du Nord au Sud, gênant considérablement les déplacements des habitants.
Au nouveau point de départ des taxis, une longue file de voitures attendant de prendre en charge les voyageurs fatigués par leur longue marche dans le sable de la plage, leur permettant enfin de poursuivre leur trajet vers l'"Etat de Gaza", comme l'appellent ironiquement certains, signifiant par là qu'il est aussi difficile d'atteindre cette ville que de se rendre dans un Etat étranger !
Nasméh Abu Daqqa, enseignante d'informatique, habite à Khan Yunis. Elle travaille dans une école de Baït Lahiya, au nord de la bande de Gaza. Elle nous dit : "les jours où je travaille le matin, je sors de chez moi à l'aube, à cinq heures du mat', afin d'arriver à l'heure, c'est-à-dire à sept heures. Les jours où je travaille l'après-midi, je dois partir de chez moi à environ huit heures du matin, sachant que lundi dernier, j'ai dû attendre à trois barrages, sur la route, et j'ai été en retard au travail, n'ayant pu franchir le dernier barrage qu'à midi et demi, alors que j'aurais dû être sur place à midi..."
Madame Abu Daqqa exhorte les responsables à trouver une solution à ce problème qui ne fait qu'empirer, jour après jour.
Muhammad Abdallah, quant à lui, un étudiant à l'Université islamique de Gaza, habitant Khan Yunis, lui aussi, a dû louer, avec des camarades d'études, un petit studio dans le quartier de Shaykh Radwan, à Gaza, afin de ne pas compromettre son année universitaire en perdant son temps dans des trajets interminables chaque week-end pour rentrer dans sa famille.
Abdallah ajoute qu'il a eu recours à cette solution afin d'échapper au danger que ne manque pas de présenter le franchissement des barrages, et afin de ne pas rater certaines des conférences au programme et cela, malgré le coût financier assumé par sa famille, qui doit payer pour lui son loyer à Gaza.
Cette situation a inspiré les caricaturistes palestiniens qui s'en sont donné à coeur joie pour portraiturer le calvaire quotidien des Palestiniens du Sud. Le quotidien Al-Ayyam a publié, mardi dernier, une caricature où l'on voit des voyageurs faisant la queue, les pieds dans l'eau, tandis que passe, derrière eux, un taxi des mers plein à craquer, aux passagers visiblement épuisés et excédés...
Le même journal est revenu à l'assaut, hier, avec une caricature sur le barrage des routes : on peut y voir un père et une mère de famille apprenant à nager à leurs enfants, tout en leur disant : "il ne nous reste plus qu'à vous apprendre le tir et l'équitation..."
Le quotidien Al-Quds a, pour sa part, publié une caricature illustrant bien, elle aussi, la situation vécue par les habitants d'une bande de Gaza saucissonnée par les barrages : on y voit une succession de dessins exposant la difficulté croissante des déplacements, à commencer par le recours aux automobiles, en passant ensuite aux carrioles tirées par des chevaux, puis la marche à pied sur la plage, pour finir par la nage et le canotage sur les eaux d'une Méditerrannée plutôt glaciale, ces jours-ci !
Il faut rappeler ici que les citoyens désireux de se déplacer entre le Nord et le Sud de la bande de Gaza doivent passer devant plusieurs colonies, dont les principales sont celles de Netsarim et de Kfar Darom, ainsi que devant le complexe d'implantations de Ghush Katif. C'est à ces endroits-là que les citoyens sont soumis à nombre de vexations, qui peuvent aller jusqu'à la mort entraînée par les tirs des soldats d'occupation, concentrés aux carrefours. Plusieurs Palestiniens ont été tués sur ces barrages, sans sommations, d'autres ont été arrêtés car suspectés d'avoir participé aux actions quotidiennes de l'intifada, sans oublier les humiliations délibérées, des citoyens ayant été contraints de se dévêtir et de marcher entièrement nus.
Toutes ces avanies sont vécues quotidiennement par les citoyens palestiniens en un temps où les moyens de la propagande israélienne se répandent pour faire croire que les barrages ont été levés, que les routes ont été ouvertes entre le nord et le sud de la bande de Gaza. Les citoyens palestiniens n'ont été nullement surpris, lundi matin, de voir fermer devant eux la route Salah al-Din (Saladin), à neuf heures et demie, contrairement aux allégations des médias israéliens, ni lorsqu'ils ont pu voir les autorités d'occupation édifier de hauts remparts de moellons entre les tanks stationnés au barrage de Abu Hawli, et à celui d'al-Matahin (les Moulins), entraînant un embouteillage monstre, dans les deux sens.
Les citoyens nous ont dit que, dans une nouvelle mesure provocatrice, les soldats répètent sur un ton ironique et méprisant : "Allez-y, les Arabes, tuez-nous !", "Maman, au secours !", etc...
Dans un communiqué, la Sécurité générale de Gaza affirme que les autorités des forces d'occupation israéliennes ont fait monter d'un degré les difficultés auxquelles les citoyens sont confrontés dans leurs déplacements sur la route Saladin, qui relie le Nord au Sud de la bande de Gaza.
Un communiqué de la direction de la sécurité, signé par le commandant Abd al-Razzaq al-Majayidéh, directeur de la sécurité publique de la bande de Gaza, relève que les forces d'occupation ont procédé à l'escalade dans leur agression contre notre peuple, en recourant à tous les moyens possibles et imaginables.
Ce communiqué ajoute que les forces d'occupation ne se contentent plus de tuer des centaines de martyrs et de blesser des milliers de Palestiniens au cours d'une litanie interminable d'agressions armées : elles ont créé dix chicanes métalliques nouvelles, entre le carrefour d'al-Qararah et la route d'Abu Hawli, au cours des deux journées écoulées.
Ainsi, la vie du citoyen palestinien est tenue en otage par des groupes de soldats sionistes qui n'épargnent aucun effort pour l'humilier et le rudoyer, au su et au vu d'un monde qui nous casse les oreilles avec la Déclaration des droits de l'homme !
             
7. "Que n'a-t-il déjà employé ? La bombe atomique ?"
in Al-Quds (quotidien palestinien) du mardi 6 mars 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]

- Le Président palestinien ironise sur les menaces de Mofaz et appelle Israël à respecter tout ce qui a été signé.
Le président Yasser Arafat a ironisé hier à propos de l'annonce faite par le chef d'état-major israélien d'une intensification de la répression contre l'intifada, affirmant que les négociations avec Israël doivent reprendre sur la base des résultats atteints avec le gouvernement précédent (travailliste).
Le président Arafat a par ailleurs déclaré à l'Agence France-Presse, à son QG de Gaza, en répondant à une question sur les menaces proférées par le chef d'état-major israélien, le général Shaul Mofaz : "Que n'a-t-il déjà employé ? La bombe atomique ?"
Refusant de commenter la nomination du travailliste Benjamin Ben Elizer, considéré comme le plus "grand faucon" dans son parti, nommé ministre de la défense du gouvernement d'union nationale présidé par le leader de droite Ariel Sharon, il a déclaré : "Wait and see..." ("Attendons pour voir..."), affirmant ne pas vouloir "s'immiscer dans les affaires intérieures d'Israël". Répondant à une question sur la possibilité d'une rencontre avec le leader du Likud Ariel Sharon, Arafat s'est contenté de rappeler qu'il lui avait envoyé un message de félicitation (pour son élection) et qu'il avait conféré avec lui au téléphone après les élections du six février dernier. Il a affirmé qu'il n'y avait aucune sorte de prises de contact indirectes entre Sharon et lui-même.
En ce qui concerne l'éventualité d'une reprise des négociations de paix israélo-palestiniennes, suspendues depuis la fin du mois de janvier, le président Arafat a affirmé que "les deux parties doivent respecter tout ce qui a été conclu", faisant allusion à "Taba, Sharm al-Shaykh, Paris, Washington et Le Caire", villes ayant vu se dérouler, successivement, des négociations suivies d'accords.
Alors qu'on lui rappelait que "les négociations menées à Taba n'avaient abouti à aucun accord", Arafat a affirmé qu'"on y était parvenu à des résultats tangibles".
"Nous avons obtenu des résultats, nous avons des témoins : le représentant de la Communauté Européenne Moratinos, et les délégués Egyptiens".
Le président Arafat n'a pas voulu révéler la position palestinienne dans l'éventualité où Sharon persisterait à refuser les acquis de Taba, se contentant de commenter : "Attendons de voir..."
Répondant à une question sur ses attentes par rapport à la nouvelle administration américaine, présidée par le Républicain George W. Bush, après sa rencontre avec le Secrétaire d'Etat Colin Powell, le 25 février dernier, il a fait part de son espoir dans une "continuation de ce que nous avons pu réaliser avec l'administration américaine sortante".
Au cours de l'interview, Arafat, de retour d'une visite en Libye, vendredi dernier, semblait détendu et en parfaite santé. Mais les mesures de sécurité renforcées, autour de lui, n'échappaient à personne.
                     
8. Comment sortir d'un cycle infernal ? par Baudoin Loos
in Le Soir (quotidien belge) du mardi 6 mars 2001
Après un nouveau week-end marqué par une violence extrême qui a coûté la vie à plusieurs Palestiniens dans des incidents séparés et à trois Israéliens lors d'un attentat-suicide à Netanya, tout se passe comme si l'étreinte mortelle qui unit les deux peuples était destinée à se perpétuer au gré aléatoire d'une interminable spirale haineuse.
Pour la grande majorité des Israéliens, le Palestinien Arafat a manqué une occasion unique de conclure la paix en des termes très favorables que lui offrait leur Premier ministre Ehoud Barak, et il a même recouru à la violence pour tenter d'engranger de nouveaux points. Dans un récent sondage, 71,5 % des Israéliens interrogés voyaient ainsi en Arafat plus un terroriste qu'un homme d'Etat. Plus nuancé, Shlomo Ben Ami, ministre des Affaires étrangères sortant, déclarait à « Libération » vendredi qu'Arafat lui faisait penser à un homme qui va au souk, fait baisser le prix au maximum, puis s'en va sans rien acheter. Il ne veut faire la paix que si toutes les composantes de son camp sont satisfaites. C'est impossible.
Preuve d'une perception radicalement différente, dans l'autre camp, beaucoup se félicitent qu'« Abou Ammar » n'ait pas cédé aux pressions israéliennes et américaines. Marwan Barghouti, chef du Fatah à Ramallah, est de ceux-là, qui déclarait à « La Croix » le 28 février : L'objectif de l'intifada, c'est la libération de Gaza et de la Cisjordanie, y compris Jérusalem. Tant que nous ne rendons pas l'occupation extrêmement coûteuse aux Israéliens à tous les niveaux, je ne pense pas qu'ils accepteront un retrait complet. Voilà le message que nous voulons leur faire passer : pas de paix, pas de sécurité tant qu'il y aura occupation.
Une occupation qui a deux visages pour les Palestiniens : celui de l'armée qui les assiège depuis des mois - d'habitude, des check-points parsèment leurs territoires, mais désormais toutes les agglomérations sont bouclées et plus personne ne peut en sortir, quel que soit son état de santé - et celui de la colonisation - durant le règne de Barak, entre juin 1999 et décembre 2000, 22.419 nouveaux colons juifs se sont installés (une augmentation de 12 %), le total dépassant maintenant les 200.000, ceci sans compter le même nombre à l'Est de Jérusalem.
« Pas de paix ni de sécurité tant qu'il y aura occupation »
Arafat en a-t-il conclu qu'il n'avait d'autre choix que de suivre les aspirations de son peuple et donc de s'aligner sur sa fermeté ? Peut-être, mais le résultat s'avère catastrophique pour lui : les Israéliens, consternés par la violence, ont invité le super faucon Sharon à les diriger, l'économie locale flirte avec la banqueroute et l'Autorité palestinienne paraît sur le point de s'effondrer, selon les estimations concordantes livrées ces derniers jours par les Nations unies, l'Union européenne, les Etats-Unis et même Israël. Au point que les premières voix se font entendre, chez les Palestiniens, pour se demander quelle stratégie, s'il y en a une, l'Autorité palestinienne mène au-delà d'une simple ambition de survie...
De son côté, Ariel Sharon va se retrouver à la tête d'une formation où les « durs » ne manquent pas, conformément aux désirs d'une population lasse d'être attaquée. Mais le nouveau Premier ministre et son premier diplomate, Shimon Peres, savent que la solution, si elle existe, ne pourra être que politique. Va-t-on vers un retrait israélien unilatéral d'une portion de la Cisjordanie ? La chose semble étudiée, mais les seuls 43 % de la Cisjordanie envisagés par Sharon pour y établir un Etat palestinien ne feront que galvaniser les énergies palestiniennes militantes.
Pour le moment, la violence des uns justifie la violence des autres et vice-versa. Une vraie spirale infernale dont profitent les extrémistes. Telles que les choses se présentent des deux côtés, de nombreuses victimes devront encore être comptabilisées avant que la raison ne l'emporte. Ressemblera-t-elle à la légalité internationale, qui prescrit l'échange des territoires contre la paix et proscrit la colonisation de territoires occupés ?
            
9. Les colons israéliens veulent annexer Mawasi par Pénélope Larzillière
in La Croix du lundi 5 mars 2001
Les 7 000 Palestiniens de ce village situé au sud de Gaza, sous contrôle israélien, sont harcelés par les colons qui détruisent leurs cultures, veulent les expulser et leur couper l'accès à la mer
MAWASI (bande de Gaza) De notre envoyée spéciale
Des hommes lourdement chargés attendent le droit de traverser à pied les 200 mètres du check point israélien qui marque l'entrée dans le district de Mawasi, à côté de  Khan Younis. Depuis un mois et demi, les voitures n'ont  plus le droit d'entrer dans cette bande de terre de 14 km² au sud de Gaza, le long de la mer. Sur les bâtiments palestiniens qui précèdent le check point, de larges impacts de tirs sont visibles, des façades entières détruites. C'est ici que l'armée israélienne a utilisé un nouveau gaz lacrymogène les 12 et 18 février qui a envoyé 280 personnes à l'hôpital.
Sept mille Palestiniens, en majorité agriculteurs, vivent à l'intérieur de Mawasi, zone sous contrôle israélien entourée de toutes parts par la colonie de Gush Katif. Sur les dunes de sable, les habitants ont planté des vergers de citronniers, de goyaviers. Ils cultivent aussi, en serre, fraises, tomates et concombres. Sans eau courante, ils irriguent à partir de puits à 1,50 m de profondeur dont beaucoup sont contaminés par les eaux salines. Il leur est interdit d'asphalter leurs chemins ou d'emprunter les routes des colons qui traversent la zone.
Leur situation est devenue très difficile depuis que le bouclage du district les empêche d'aller vendre leur production à la ville voisine de Khan Younis ou même, certains jours, de rejoindre leur lieu de travail. Certains travaillent encore dans la colonie, mais tous les nouveaux permis de travail ont été annulés. Sur place aucune infrastructure médicale en dehors d'un médecin. « Ma femme a accouché il y a une semaine et demie, explique Abd al-Nasser, un grossiste en légumes de 37 ans. On a mis plus de trois heures à quitter la zone. » Quant à l'école primaire, elle est fermée puisque les enseignants de Khan Younis, comme toute personne étrangère à la zone, sont interdits d'accès.
Laisser les cultures à l'abandon
Cette situation pourrait encore empirer. Les colons voudraient annexer cette zone qui leur est limitrophe. Il y a  un peu plus d'un mois, certains d'entre eux ont attaqué le district, s'en prenant aux serres qu'ils ont brûlées ou déchirées et à quelques habitations. « Comme vous  voyez, nous sommes à 100 mètres du poste militaire israélien, s'indigne Kin'an, femme d'une quarantaine d'années. Ils n'ont pas bougé. » Les propriétaires des serres les plus proches de la colonie n'ont pas osé les réparer et doivent laisser leur culture à l'abandon. Un hectare supplémentaire a été confisqué pour empêcher l'accès direct aux serres palestiniennes situées plus loin. « Un jour, j'avais laissé ma porte ouverte, reprend Abd al Nasser. Des colons sont entrés. Ils ont frappé le gamin. Une autre fois, ils ont tiré sur la maison. Le lendemain, j'ai porté plainte auprès des autorités militaires israéliennes. Ils ont dit qu'il ne s'était rien passé. Maintenant, tous les samedis ils font des descentes. » Plus au nord, le long de la route des colons qui longe la mer, les vergers ont été détruits sur quelques hectares. Le 11 février, les habitants de 22 maisons toutes proches ont été prévenus qu'ils allaient être expulsés le lendemain et leurs maisons détruites. Ces habitations constituent en effet la dernière partie de Mawasi qui a accès à la mer. Le but est de terminer l'encerclement. « Il n'y a jamais eu un d'incident ici », s'étrangle Ibrahim al-Jabala, 70 ans responsable du village. Je suis moi-même un réfugié d'Ashkelon, aujourd'hui en Israël. Où dois--je encore aller ? Qu'ils prennent ma maison ici  et moi je reprends la mienne à Ashkelon. » La moitié de la population de Mawasi est composée de réfugiés d'Ashkelon arrivés en 1948 et qui habitent quelques  pièces de ciment autour desquelles ils ont installé des clôtures et des appentis en branchages. La plupart ne disposent d'aucune terre et ne peuvent cultiver qu'un  potager. « Depuis une semaine et demie, même l'accès à la mer nous est interdit et nous ne pouvons plus pêcher au filet, poursuit Ibrahim al-Jabala. Ces derniers temps,  nous nous nourrissons essentiellement de roubza (sorte de blettes). »
Le jour de l'évacuation, le 12 février, les habitants ont décidé de rester dans leurs maisons, des drapeaux blancs sur les portes. Des associations comme Gush Shalom, le Bloc de la paix, association israélienne, et le Centre palestinien des droits de l'homme se sont mobilisées. Jusqu'ici les démolitions n'ont pas été effectuées.
            
10. Des soldats israéliens tuent un Palestinien
in The New York Times (quotidien américain) du lundi 5 mars 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Jérusalem (Agence Associated Press) 3h59 temps Européen
Des soldats israéliens ont tué un Palestinien au cours d'un échange de tirs nocturne, et la police israélienne a été placée en état d'alerte maximale, ce lundi : il lui a été ordonné de laisser de côté momentanément certaines de ses tâches jugées non-prioritaires, et de se concentrer sur la prévention d'attaques-suicides palestiniennes, après le dernier attentat mortel à la voiture piégée.
Le premier ministre, Ariel Sharon, reste campé sur sa fermeté, une semaine avant sa prise de fonction, la semaine prochaine, et sa promesse de restaurer la sécurité (pour Israël), après plus de cinq mois d'affrontements avec les Palestiniens.
Sharon est parvenu à un accord avec le parti Shaas, ultra-orthodoxe, dimanche, et il dispose désormais d'un soutien suffisant pour pouvoir former un gouvernement de coalition. On s'attend à ce qu'il présente son gouvernement au parlement cette semaine, vraisemblablement mercredi prochain. Il prendrait ses fonctions immédiatement, si la coalition obtient un vote majoritaire.
La tâche la plus urgente, pour Sharon, sera de faire face à l'escalade de la violence actuelle.
Un homme-bombe palestinien s'est fait sauter, tuant trois Israéliens, dimanche, dans la ville côtière israélienne de Netanya. Il s'agissait là de la seconde attaque à la bombe à l'intérieur d'Israël en quatre jours. Par ailleurs, sept Palestiniens ont été tués vendredi et samedi derniers.
Un autre Palestinien, Osama Naghnaghia, 21 ans, a été tué dimanche soir, alors qu'un groupe d'hommes armés avaient engagé le combat contre une patrouille de l'armée israélienne près de la ville de Jenin, en Cisjordanie, ont indiqué l'armée israélienne et un porte-parole de la milice palestinienne Tanzim.
Des milliers de personnes ont assisté à l'enterrement de Naghnaghia, tôt dans la matinée de lundi, premier jour du Aïd al-Adha, la fête musulmane du Sacrifice.
Sharon, de son côté, a déclaré que l'attentat de dimanche était "très grave" et montrait que l'Autorité palestinienne ne prend pas les mesures nécessaires pour "mettre un terme à la violence".
"Nous savons très bien que les forces les plus loyales (au leader palestinien Yasser Arafat) sont impliquées dans certains attentats", a déclaré Sharon. Il n'a pas établi de lien direct entre les forces loyales à Arafat et, précisément, l'attentat de dimanche.
Arafat a déclaré que l'insurrection palestinienne se poursuivra "jusqu'à ce que nous élevions le drapeau palestinien sur la muraille de Jérusalem, ses minarets et ses clochers".
Après avoir assisté aux prières de l'aube à la mosquée Khalil al-Wazir, dans la bande de Gaza, pour marquer la fête musulmane, Arafat a déposé une gerbe au Cimetière des Martyrs, où sont enterrés des Palestiniens tués lors des affrontements.
En Israël, des milliers de policiers étaient en état d'alerte, lundi, afin de tenter de déjouer de probables nouveaux attentats.
Le commissaire de police Shlomo Aharonishki a indiqué avoir ordonné aux policiers de laisser de côté leurs tâches routinières afin de se concentrer sur la sécurité des centres commerciaux et autres lieux publics.
"Nos unités ont reçu l'instruction d'intensifier leurs passages sur le terrain, fût-ce au détriment de la lutte anti-criminalité", a-t-il déclaré à la radio de l'armée. "Nous avons suspendu certaines de nos sessions de formation, des volontaires vont se joindre à nous et nous avons demandé de l'aide à l'armée".
L'attentat de Netanya n'a pas été revendiqué, mais les deux principaux mouvements islamistes, le Hamas et le Jihad, ont déclaré qu'ils poursuivraient leur campagne d'attentats afin d'affaiblir le gouvernement Sharon.
Israël s'était efforcé d'empêcher l'entrée de militants palestiniens sur son territoire en imposant un blocus total sur les déplacements de tous les Palestiniens qui auraient voulu y pénétrer depuis la Cisjordanie ou la bande de Gaza.
Alors que la bande de Gaza est entourée d'une haute barrière de fils de fer barbelés, les officiels israéliens reconnaissent qu'il est impossible de rendre complètement hermétique la frontière avec la Cisjordanie, des centaines de pistes et de chemins non goudronnés permettant aux Palestiniens de contourner les points de contrôles frontaliers.
Le blocus israélien a étranglé l'économie palestinienne, empêchant 120 000 Palestiniens de se rendre à leur travail en Israël, comme ils le faisaient quotidiennement auparavant.
Shimon Pérès, qui sera le ministre des Affaires Etrangères du gouvernement Sharon, a appelé à une reprise de la coopération en matière de sécurité avec les Palestiniens. Il a dit qu'Israël devrait s'efforcer de les aider à redresser leur économie.
Le colombe Pérès a dit également que la notion de séparation totale entre les Israéliens et Palestiniens était irréalisable. "La situation est très compliquée, regardez la carte...", a-t-il déclaré à la radio israélienne.
Sharon a dit qu'il ne rouvrirait pas les négociations avant la fin des violences. Il est également opposé au compromis proposé par son prédécesseur, Ehud Barak, consistant en l'établissement d'un Etat palestinien sur la plus grande partie de la Cisjordanie et de la bande de Gaza et sur une partie de Jérusalem. Sharon a dit que cette offre allait trop loin, alors que les Palestinien l'ont rejetée pour la raison exactement inverse.
Au total, 423 personnes ont été tuées depuis le début des affrontements, en septembre 2000.
              
11. Epouvantable équation par Gideon Levy
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du dimanche 4 mars 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Demain, les cimetières palestiniens vont s'emplir de visiteurs. Chaque année, les Palestiniens se rendent, en effet, sur les tombes de leurs chers disparus, au matin de la Fête du Sacrifice, Aïd al-Adha ; demain, c'est à plus de trois cents tombes fraîchement creusées qu'ils rendront visite, parmi lesquelles quatre-vingt sept renferment les dépouilles d'enfants. Puis les familles rentreront chez elles, pour partager un repas de fête. Mais, cette année, bien peu de familles auront droit à la viande de moutons sacrifiés, traditionnelle pour cette fête, mais devront se contenter de poulet, en raison du prix. Beaucoup d'enfants ne porteront pas de vêtements flambant neufs, comme le voudrait la tradition, parce que leurs parents n'ont pas l'argent pour leur les acheter. Il y aura aussi moins d'invités que d'habitude - certains proches ne pourront pas venir, à cause du bouclage des territoires.
Cela fait très longtemps - il faut remonter à la catastrophe de 1948 - que les Palestiniens n'ont connu une Fête du Sacrifice en des temps d'une telle dureté. A une heure de route de Jérusalem se déroule un drame, depuis cinq mois, sans équivalent depuis les premiers temps de l'occupation israélienne, mais cela n'intéresse absolument pas les Israéliens. La poigne de fer du blocus nouvelle manière étrangle de plus en plus une population de 2,8 millions de personnes, mais on ne dit rien, en tous les cas, pas autour de la table du gouvernement sortant - le "gouvernement de la paix" - ni parmi ceux qui s'apprêtent à servir dans le nouveau, ni même dans l'opposition sioniste de gauche.
Il faut le dire sans détour : il n'y a jamais eu un tel blocus, au pays des barrages et des bouclages. Aux pires moments de la première intifada, lorsque les Forces israéliennes de défense étaient partout et où le couvre-feu était total, nous n'avions pas cette situation où tout un peuple est emprisonné sans jugement et sans appel. Vous avez dit "appel" ? Par le passé, le sort d'une femme sur le point d'accoucher ou d'un malade à l'agonie, était suspendu au sens d'humanité du jeune soldat de faction au barrage routier, qui laissait - ou non - passer. Maintenant, les Palestiniens ne peuvent que rêver du bon soldat qui naguère aurait pu, éventuellement, lever la barrière. Israël a découpé la Cisjordanie par des centaines de tranchées, de remparts de terre et de cubes de béton placés à l'entrée de la plupart des villes et villages. Personne n'entre, personne ne sort ; ni celles qui sont enceintes, ni celles et ceux qui sont mourants. Il n'y a même pas de soldat à convaincre ou à supplier. Le village, le camp de réfugiés ou la ville sont en état de siège et leurs habitants sont tenus prisonniers. L'écolier ne peut se rendre à son école en sécurité, ni le lycéen à son lycée, ni l'adulte à son travail.
Un entrelacs de pistes tortueuses permet de déjouer le siège, contraignant un peuple entier à utiliser des chemins détournés, boueux ou poussiéreux, la situation étant aggravée par le risque réel d'être arrêté ou tué par des soldats qui tirent souvent sur les voyageurs du désespoir qui tentent, tant bien que mal, de conserver quelque chose de leur vie habituelle. Seules les personnes qui ont pu emprunter les routes de Cisjordanie peuvent se faire une idée réelle de l'étendue de cette situation atroce.
Cet enfermement massif d'un peuple entier, sur une échelle monstrueusement inhumaine, assène également un coup mortel à l'économie. Selon des données publiées par l'envoyé spécial de l'ONU, Terje Roed-Larsen, dont la fiabilité ne saurait être mise en doute, les Palestiniens perdent 6,8 millions de dollars par jour à cause du bouclage actuel des territoires, et les pertes cumulées jusqu'à ce jour s'élèvent pour eux à plus d'un milliard de dollars. Pour une économie déjà chancelante, ceci représente le coup de grâce. Un quart de million de chômeurs, un million de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté (1,20 dollar/jour), avec une chute du P.I.B. de cinquante pour cent : ce sont là des données statistiques cauchemardesques non seulement pour les Palestiniens, mais, y compris, pour les Israéliens eux-mêmes.
Jamais auparavant avait-on assisté à une telle détresse et à de telles souffrances sur une telle échelle, dans les territoires, chez les Palestiniens. Elles ne manqueront pas d'engendrer un désespoir sans précédent et de déclencher, en fin de compte, plus de violence, plus cruelle et plus douloureuse que ce qu'on a jamais pu constater jusqu'à présent. D'ores et déjà, 84% des Palestiniens, généralement blindés contre l'adversité, font état de "souffrances psychologiques", d'après une étude récente réalisée par l'Université de Bir Zeit. Ce pourcentage augmente de jour en jour.
Ces difficultés vont se traduire en un nombre croissant d'attentats. C'est là le noeud du problème : la terrible détresse des Palestiniens, causée par le bouclage actuel, va se traduire très vite en détresse pour les Israéliens. En dépit de sa simplicité, personne ne semble prendre en compte la gravité de cette équation terrifiante. Même ceux qui ont dans le coeur une place pour des considérations basées sur une approche humanitaire ou morale, devraient avoir calculé depuis longtemps la part des profits et des pertes pour Israël, dans cette situation.
Le bouclage actuel n'a rien à voir avec des mesures de sécurité. Quiconque en douterait est invité à se rendre aux barrages routiers et y constater que des milliers de piétons et de véhicules parviennent, en dépit de tout, à pénétrer en territoire israélien au nez et à la barbe des soldats. Ceux qui sont prêts à en prendre le risque pour se rendre à leur travail sont certainement prêts à le faire, tout aussi bien, pour aller commettre un attentat. L'objectif réel du bouclage, c'est de complaire aux colons qui ont peur et, peut-être, aussi, le soupçon s'en fait jour, de détruire l'Autorité palestinienne, pour des raisons difficilement explicables.
Le siège actuel, opération honteusement barbare, doit être levé au plus tôt. Ceci ne doit pas être conditionné par la cessation des violences, car le siège est l'éperon le plus efficace qui soit pour les susciter. Il n'est même plus question de la possibilité d'entrer en Israël, mais de celle d'entrer librement dans Naplouse. Le nouveau premier ministre, Ariel Sharon, ne pourrait prendre une mesure plus avisée pour débloquer la situation actuelle, de manière radicale, que celle consistant à éliminer, immédiatement et sans conditions, les tranchées et les barrages en remblai qui rendent impossible la vie - déjà difficile - des Palestiniens.
Ce ne serait pas simplement une mesure humaine : ce serait une mesure intelligente.
           
12. Tristesse dans les Territoires à la veille de l'Aïd-el-Kébir par Ibrahim Hazboun
Dépêche de l'agence Associated Press du dimanche 4 mars 2001, 22h37
ZATARA, Cisjordanie - A la veille de l'Aïd el-Kébir, la liesse précédant traditionnellement la plus grande fête musulmane avait cédé dimanche la place à la tristesse dans les Territoires palestiniens, le blocage imposé par Israël limitant les visites familiales et accroissant surtout la pauvreté.
Affectés par une pauvreté grandissante, nombre de Palestiniens n'ont plus les moyens de célébrer la fête comme par le passé. Un Palestinien sur trois vit actuellement sous le seuil de pauvreté, contre un sur cinq l'automne dernier.
Khaled Abdel Majed, chauffeur de taxi, se désole de ne pas pouvoir égorger de mouton cette année, pour la première fois depuis dix ans. ''C'est difficile de nourrir mes enfants en ce moment et j'espère que Dieu me pardonnera de ne pas pouvoir lui offrir de sacrifice'', explique-t-il.
Ali Abu Ramsis, un concierge palestinien, a dépensé ses dernières économies et a dû emprunter 210 dollars (1.473FF/225 euros) pour acheter un mouton destiné à être égorgé lundi. Cet homme de 31 ans est persuadé que cette offrande faite à Dieu lors de la fête du mouton (également appelée fête du sacrifice, Aïd-el-Adha), est sa seule chance d'améliorer sa vie.
Pour ce Palestinien, au chômage depuis le début de la nouvelle Intifada il y a cinq mois, cet achat a été un crève-coeur, dans la mesure où il l'empêche d'offrir de nouveaux vêtements et de nouveaux jouets à ses enfants, âgés de quatre, trois et un an. ''Je n'ai pas de mots pour leur expliquer'', lâche-t-il en sirotant une tisane à la sauge dans son baraquement d'une pièce.
Dans la ville de Bethléem, rares étaient les clients au marché aux bestiaux local du vendredi.
Ahmed Salim affirme que ses ventes ont diminué de moitié. ''J'ai placé tous mes espoirs dans les ventes destinées à la fête, mais tous les clients manquent d'argent. J'ai le sentiment que les moutons vont mourir avant que je ne les vende'', ajoute-t-il, en faisant rentrer les animaux dans son camion.
La consternation des commerçants n'est pas moindre dans la bande de Gaza. Ahmed Abou Nour, propriétaire d'un petit magasin de vêtements à Gaza, évalue ses pertes à 3.000 dollars (21.042FF/3.208 euros) par rapport aux autres périodes précédant l'Aïd. Exhalant la fumée de son narguilé, il raconte que les heures passent parfois sans qu'il aperçoive un seul client.
''Les gens n'ont quasiment plus d'argent, si bien qu'ils ne peuvent même pas acheter les produits de base, vu qu'ils ont dépensé toutes leurs économies''.
Dans la ville divisée d'Hébron en Cisjordanie, Israël a levé en début de semaine un couvre-feu permanent, qui assignait de facto à résidence les 30.000 Palestiniens, pour protéger 450 colons juifs vivant dans des enclaves.
Malgré la levée de cette restriction, Mahmoud Zahdah, un habitant du centre-ville âgé de 32 ans, n'attend nullement l'Aïd el-Kébir avec impatience, ne pouvant pas le passer avec les membres de sa famille, qui vivent dans d'autres parties de la Cisjordanie.
''Cette année, il n'y a aucun signe de joie'', souligne-t-il. ''Mon fils a six ans. Il ne comprend pas la politique. Il veut des jouets''.
           
13. Enquête sur le vrai pouvoir d'Arafat par René Backmann
in Nouvel Observateur du samedi 3 mars 2001
Les Palestiniens croient-ils encore à la paix ?
Au bord de la suffocation après cinq mois de siège qui ont mis leur économie à genoux, les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza sont déboussolés par les hésitations de leurs dirigeants, qui demandent à la fois la reprise des négociations et l'intensification de la résistance. Voyage au coeur d'un peuple en proie au doute
Nous avons commis une lourde erreur : passer des manifestations populaires aux actions armées. Il était clair que le rapport des forces nous était très nettement défavorable et que les Israéliens, sans avoir à envahir les zones sous notre contrôle, pouvaient nous infliger des coups très durs. Ce qu'ils ont fait. » Tout en buvant à petites gorgées un thé brûlant, Mamdoh Nofal promène son regard sur les collines arides qui cernent les faubourgs de Ramallah. Le restaurant du BesAt Eastern, l'un des nouveaux hôtels construits après la signature des accords de paix, est désert. L'établissement est vide. Comme la plupart des jeunes entreprises de la plus grande ville de l'Autorité palestinienne, il tourne au ralenti, guetté par la faillite, après cinq mois de bouclages et de tension qui ont mis à l'agonie l'économie des « territoires autonomes ». Ancien chef militaire du Front démocratique de Libération de la Palestine (FDLP) de Nayef Hawatmeh, longtemps recherché par le Mossad pour avoir organisé des opérations terroristes sanglantes en Israël, Mamdoh Nofal a été l'un des derniers chefs de fedayins à rentrer en Palestine en 1996. « C'est la guerre des pierres qui m'a convaincu de la vanité de la lutte armée, raconte ce costaud aux cheveux poivre et sel, qui a du mal à se défaire de ses habitudes furtives de guérillero et qui partage aujourd'hui son temps entre la rédaction de ses Mémoires, des chroniques pour le quotidien "Al-Ayyam" et les réunions du conseil militaire de Yasser Arafat. J'ai constaté que les gamins de l'Intifada avaient obtenu davantage avec leurs mains nues que nous avec nos Kalachnikovs. C'est pourquoi, quelques jours avant la visite de Sharon sur l'esplanade des Mosquées, lorsque Yasser Arafat nous a demandé d'être prêts à nous battre, j'ai plaidé pour des manifestations populaires massives et contre l'usage des armes. C'est vrai que les Israéliens ne respectaient pas leurs engagements et faisaient traîner les négociations, mais il fallait, une nouvelle fois, utiliser contre eux l'arme qui nous avait attiré la sympathie du monde entier et qui avait contraint Rabin à ouvrir le dialogue. Djibril Rajoub, le chef de la sécurité préventive en Cisjordanie, n'a cessé, lui aussi, de mettre en garde Arafat contre le danger d'une confrontation armée. En vain. Abou Amar (Arafat) était convaincu qu'au bout de deux ou trois jours, le déséquilibre des forces serait si intolérable que les Américains, les Européens et les Arabes conseilleraient à Barak de reprendre les négociations. »
Depuis le début de « l'Intifada al-Aqsa », il y a cinq mois, d'autres voix palestiniennes ont plus ou moins ouvertement critiqué le recours aux armes. Pour Saleh Abdel Jawad, directeur du département d'histoire et de sciences politiques à l'université de Bir-Zeit, il s'agit d'une « stratégie erronée, désastreuse ». Fondateur du Jerusalem Media and Communication Center (JMCC), un centre d'études politiques de Jérusalem-Est, Ghassan Khatib dénonce, lui, « une erreur stupide ». A Gaza, le psychiatre Eyad el-Sarraj, président du Centre de Santé mentale, qui a déjà eu des déboires avec l'Autorité palestinienne pour avoir dénoncé la corruption de certains de ses responsables, estime que Yasser Arafat est « tombé dans le piège que lui tendaient les Israéliens. Je crois à la résistance non violente. Mais elle suppose chez nous la création d'un véritable camp de la paix. Sadate a été capable, en quelques mots, de gagner la sympathie des Israéliens. Arafat aurait dû s'en souvenir. Nous pouvons tuer des Israéliens, bien sûr. Mais avec quel résultat ? Chaque mort chez eux, c'est une famille de plus qui nous hait ».
Arafat pouvait-il adopter une autre stratégie ? En public, le débat est abordé avec réticence par les responsables palestiniens : « Lorsque les canons des chars israéliens sont braqués sur les villes et les villages où nous sommes confinés par les bouclages, explique un universitaire, il n'est pas très décent de contester les choix de ceux que nous avons élus. » Ce qui est clair, c'est que, surtout depuis l'échec du sommet de Camp David, en juillet, la population de Cisjordanie et de Gaza était « un baril de poudre », selon l'expression d'un notable de Jérusalem. Des émeutes avaient éclaté, à Khan Younis, à Rafah, et les manifestations se succédaient. L'émiettement des zones autonomes, l'humiliation à répétition des check-points, la paralysie du processus de paix, en retard de deux ans sur le calendrier initial, les terres agricoles confisquées pour ouvrir des routes aux colons ou étendre leurs implantations : tout alimentait cette colère de la base, mélange de révolte contre l'arbitraire et d'espoirs déçus.
Colère que, depuis son bureau de Gaza, Yasser Arafat ne pouvait pas ne pas entendre monter. « Les plus jeunes, entre 15 et 22 ans, qui ont grandi dans l'Intifada puis sous l'Autorité palestinienne, ne supportaient pas qu'elle reste passive devant l'accroissement constant de la population des colonies », constate Akram Haniyye, directeur du journal « Al-Ayyam » et membre de la délégation palestinienne à Camp David. A cela s'ajoutait un mécontentement réel, de plus en plus bruyant, provoqué par les abus et les dysfonctionnements de l'administration mise en place depuis 1994 par Yasser Arafat. Les rumeurs de corruption et de népotisme, les villas et les BMW un peu trop voyantes de certains protégés du président, les cartes de VIP qui leur épargnaient les attentes aux check-points, les abus de pouvoir des multiples services de police, les accusations d'incompétence et de gabegie, qui n'épargnaient que deux ministères - l'Education et la Santé - nourrissaient aussi la colère de la rue.
« Les gens du Hamas ne cessaient de répéter qu'Arafat avait vendu l'Intifada aux Israéliens sans rien obtenir en échange. Même si beaucoup de Palestiniens se méfient des islamistes et critiquent leurs attentats suicides, leurs arguments, dans ce climat de révolte larvée, commençaient à mordre, explique Akram Haniyye dont le journal défend généralement les positions de l'Autorité palestinienne. Il n'avait pas d'autre choix, pour prendre les islamistes de vitesse et garder le contrôle de la situation que de laisser exploser la révolte, en confiant à son parti, le Fatah, le soin de l'endiguer. La visite de Sharon sur l'esplanade des Mosquées a fourni l'étincelle, mais n'importe quel autre incident aurait produit le même résultat. »
« Le seul moyen d'éviter de graves problèmes internes, c'était d'encadrer le sursaut de colère de la population, admet Abdalhakim Awad, 35 ans, président des Jeunes du Fatah, qui revendique 70 000 militants de 16 à 35 ans, dont 3 000 ont reçu un entraînement militaire. Nous y sommes arrivés, explique dans son bureau de Gaza cet ancien étudiant en sciences politiques, en mettant sur pied une coordination avec le Hamas et les communistes, pour qu'aucune initiative ne nous échappe. Il fallait que cette révolte soit l'Intifada du Fatah. Ce qu'elle est. »
Chef de Tanzim - l'organisation militante du Fatah (1) en Cisjordanie -, Marwan Barghouti, 41 ans, qui a été emprisonné pendant six ans puis déporté en Jordanie par le gouvernement israélien pour sa participation à la guerre des pierres, ne dit pas autre chose : « Nous sommes le fer de lance de l'Intifada. Nous ne sommes pas l'Autorité mais le parti qui fournit les dirigeants de l'Autorité. » « Ceux qui croient que Barghouti est en révolte contre Arafat se trompent, explique un ancien du Fatah. Il retournerait en prison demain si Arafat le lui demandait. Ceux qui le prennent pour un anti-israélien fanatique font également fausse route. Il connaît personnellement une dizaine de membres de la Knesset, et c'est en hébreu qu'il discute avec eux. Sa décision de créer des comités de défense populaires, ses discours sur les Israéliens qui ne comprennent que la force n'ont qu'un but : conserver le contrôle de la rue, au bénéfice d'Arafat. »
La partie n'est pas jouée. D'abord parce que le Fatah est tout aussi morcelé que le territoire de l'Autorité palestinienne, éparpillé en une multitude de confettis qui ne représentent que 40% de la Cisjordanie et 70% de la bande de Gaza. Ce qui complique singulièrement les communications, surtout lorsque l'armée assiège chaque zone autonome. Ensuite parce que la plupart des nouveaux cadres du Fatah, ceux qui sont issus des Comités de l'Intifada créés après 1987, n'appartiennent ni au cercle des notables de la diaspora arrivés de Tunis avec Yasser Arafat, ni aux grandes familles de propriétaires terriens nationalistes de Naplouse, Jérusalem, Ramallah ou Hébron. Nés dans les villages ou les camps de réfugiés de l'intérieur, confrontés depuis leur enfance à l'occupation, ils rêvent avant tout de mettre un terme à la présence israélienne et ne cachent plus leur colère contre un processus de paix qui ne leur a rien apporté. Ils sont reconnaissants à Arafat de n'avoir cédé ni sur Jérusalem, ni sur le droit au retour, ni sur les frontières, mais semblent aujourd'hui convaincus que la négociation doit être accompagnée d'une « pression militaire crédible », selon la formule de l'un d'entre eux, originaire de Ramallah. « J'obéis à Abou Amar, affirme Issam Abou Baker, ancien détenu en Israël et chef de Tanzim à Naplouse, mais j'ai conclu une alliance de circonstance avec le Hamas et le Djihad islamique. Et quand on m'attaque, je réclame le droit de me défendre. »
« Le processus de paix, la construction de la confiance, n'en parlons plus. Tout cela est mort. Nous sommes en guerre. Une guerre où nous n'avons aucune chance. Regardez les armes que les Israéliens emploient contre nous. » Président du Centre palestinien des Droits de l'Homme, Raji Sourani, 48 ans, avocat à Gaza, montre les pièces à conviction alignées sur son bureau : des douilles de Galil et de M-16, des balles de mitrailleuses de gros calibre et un cylindre métallique déchiqueté, débris d'une roquette tirée par un hélicoptère. « Nous sommes en état de suffocation. Assiégés, à la merci des frappes israéliennes. Tout déplacement d'une zone autonome à l'autre est impossible, même pour aller à l'hôpital. Faute de matières premières - que les Israéliens ne laissent plus entrer - et dans l'impossibilité de vendre leurs produits, la plupart des entreprises ont fermé leurs portes. Ceux qui avaient un emploi en Israël - ils étaient 25 000 ici - ne peuvent plus se rendre à leur travail. La moitié des Palestiniens ont perdu leurs sources de revenu et vivent désormais au-dessous du seuil de pauvreté. »
Privée de l'essentiel de ses ressources - d'autant que les aides promises par les Etats arabes se font attendre -, l'Autorité palestinienne a dû emprunter pour payer ses 120 000 fonctionnaires. Tous les grands chantiers - le port de Gaza, les égouts de Naplouse, le réseau électrique de Jenine - sont interrompus. Le total des pertes atteignait en janvier 2 milliards de dollars. Lundi, l'ONU et la Croix-Rouge internationale ont dû commencer à distribuer de l'aide alimentaire à 250 000 personnes. « Trois années de progrès ont été balayés en deux mois », constate l'envoyé spécial de l'ONU, Terje Roed-Larsen.
Vu d'Israël, ce qui se passe dans « les territoires » est une éruption de violence absurde et inutile qui plonge les familles des soldats dans la peur et ressuscite l'angoisse du terrorisme, mais qui n'a rien changé à la vie quotidienne des habitants de Tel-Aviv ou de Haïfa. Vu de Ramallah, de Hébron ou de Gaza, c'est la guerre. Oui, la guerre, avec son cortège d'arbitraire et de cruauté, dénoncé par Amnesty International et Human Rights Watch, à une heure de voiture des terrasses de la rue Dizengoff. Et cette différence de perception est l'une des clés du problème israélo-palestinien.
Pour protéger les colonies et fournir un appui aux soldats, des chars ont été déployés par dizaines en Cisjordanie et à Gaza. Ici et là, des bâtiments éventrés ou détruits portent la trace de leurs obus guidés par laser. Des hélicoptères de combat, armés de roquettes et de missiles, tournoient au-dessus des points sensibles, prêts à ouvrir le feu pour détruire un bâtiment suspect ou éliminer un « terroriste ». Et ce sont désormais des soldats casqués, en gilet pare-balles, qui tiennent les check-points transformés en fortins par des blocs de béton et des sacs de sable.
Depuis le 29 septembre 2000, cette guerre inavouée a fait plus de 400 morts - dont 345 Palestiniens, 13 Arabes israéliens et 61 Israéliens. Elle a aussi fait, en Cisjordanie et à Gaza, près de 10 000 blessés et provoqué la destruction de plus de 500 maisons, rasées pour ouvrir des angles de tir ou pour punir leurs habitants. Utilisée depuis longtemps par l'armée israélienne, la technique des punitions collectives - fermeture des routes, démolition des maisons, destruction des vergers, confiscation de terres, couvre-feu - est aujourd'hui systématique. « Sans améliorer la sécurité, elle paralyse la vie de millions de personnes et viole leurs droits élémentaires », accusait le mois dernier B'Tselem, l'organisation israélienne de défense des droits de l'homme. « D'une certaine manière, cet usage démesuré de la force par les Israéliens a servi Arafat, constate Raji Sourani. Aujourd'hui, même ceux qui critiquaient la nature autoritaire de son pouvoir et la corruption de ses proches font la part des choses. Notre problème, pour l'instant, ce n'est pas Arafat, ce sont les Israéliens. »
L'une des conséquences les plus visibles de ces cinq mois de violence est la paralysie presque totale des institutions de l'Autorité palestinienne que les vieilles structures de l'OLP, conçues pour les années de résistance, ne peuvent remplacer. Les ministres, les députés et les fonctionnaires sont cloués chez eux par les bouclages. Le gouvernement et le Parlement ne se sont pas réunis depuis plusieurs mois et Yasser Arafat ne met plus les pieds en Cisjordanie où vivent pourtant les deux tiers de ses concitoyens. Que contrôle-t-il aujourd'hui ? « Beaucoup plus de choses que pendant la première Intifada, dit Ahmed Qorei (Abou Ala), président du Conseil législatif et vétéran des négociations avec Israël. N'oubliez pas qu'à présent la direction palestinienne est sur le terrain, ce qui n'était pas le cas entre 1987 et 1993. . « Grâce au Fatah, assure un conseiller du président palestinien, j'estime qu'Arafat est à 70% maître de la situation. » Affirmation qui fait sourire Ismaïl Abou Chanab, membre du bureau politique du Hamas à Gaza : « Au sein du Front national et islamique qu'il a dû créer sous la pression de la rue, Arafat est bien obligé de nous entendre. C'est pourquoi il a remis en liberté tous nos militants emprisonnés. Nous avions raison hier de rejeter les accords d'Oslo. Nous avons raison aujourd'hui de proclamer que l'exemple à suivre est celui du Hezbollah libanais : c'est la résistance armée, pas la négociation, qui nous libérera de l'occupation. »
Déboussolée par les discours contradictoires des dirigeants, la société palestinienne est taraudée par le doute. L'âge de Yasser Arafat - 72 ans - et sa santé chancelante, qui ont entrouvert quelques débats discrets sur sa succession, inquiètent. Après le chef historique, généralement épargné par les critiques adressées à son entourage, lequel de ses lieutenants incarnera l'ensemble des légitimités complexes qui fondent le pouvoir palestinien ? La peur, diffuse, d'une succession chaotique rôde. Et les liquidations à répétition de responsables politiques et militaires par des unités spéciales israéliennes infiltrées - à quoi l'Autorité a répondu de la pire des manières, en exécutant, après des simulacres de procès, trois « collabos » accusés d'avoir servi d'indicateurs - sont venues ajouter une véritable psychose de trahison à ce climat incertain. Cela au moment même où deux piliers du régime de Yasser Arafat, Djibril Rajoub et Mohammed Dahlan, sont déstabilisés. Acteurs majeurs du processus de paix et artisans de la coopération policière avec Israël, les chefs de la sécurité préventive en Cisjordanie et à Gaza, accusés d'avoir fait trop de concessions à Barak, sont aujourd'hui en porte-à-faux avec une partie de l'opinion, voire avec leurs propres troupes. D'autant que leurs sources de revenus, les taxes sur le casino de Jéricho et les droits de douane à Gaza, sont taries.
« L'Intifada est nécessaire, mais la négociation reste une possibilité », continue de proclamer « Al-Hayat Al-Jadida », quotidien officieux du régime. Ce discours sinueux semble refléter le désarroi présent de l'Autorité, qui tente, depuis quelques semaines, de récupérer une partie des armes détenues par le Fatah, tout en se déclarant prête à se battre pour mettre un terme à l'occupation. « Arafat louvoie, hésite, se tait. Voilà quatre mois qu'il ne s'est pas adressé à son peuple, dit Eyad el-Sarraj. C'est pourtant le moment de savoir ce que nous voulons. La paix ou la guerre ? Nous sommes en pleine ambiguïté, je dirais même : en pleine schizophrénie. Y a-t-il quelque chose de pire pour un peuple ? » « L'option militaire n'a aucun sens, martèle Mamdoh Nofal. Il n'y a pas d'autre voie que l'application loyale, par les deux parties, des accords déjà signés et le retour à la table des négociations. Avec Sharon ou avec son successeur. »
(1) Tanzim, « l'organisation », désigne la « base » du Fatah.
                       
14. Les Druzes, une minorité à l'intérieur de la minorité arabe israélienne
Dépêche de l'Agence France Presse du vendredi 2 mars 2001, 17h08
JERUSALEM - Les Druzes israéliens, dont un représentant sera bientôt le premier ministre arabe de l'histoire de l'Etat juif, sont une minorité à l'intérieur d'une minorité: arabes par la culture, druzes par la religion et israéliens par la citoyenneté.
Le député travailliste Salah Tarif, un Druze, a été désigné vendredi par le comité central de ce parti ministre sans portefeuille dans le gouvernement d'union nationale que met actuellement sur pied le Premier ministre élu et chef de la droite israélienne, Ariel Sharon. M. Tarif sera ainsi le premier arabe, et a fortiori le premier non-juif, à être ministre depuis la création d'Israël, en 1948.
Au nombre d'envion 80.000, les Druzes --une branche de l'islam créée au 11ème siècle-- sont des arabes, mais les Israéliens ne les considèrent pas comme tels. De manière significative, les radios israéliennes ont ainsi présenté M. Tarif comme le premier non-juif --plutôt que comme le premier arabe-- à devenir ministre en Israël. De fait, depuis qu'ils ont accepté de servir sous l'uniforme israélien en 1957, les Druzes sont tenus de faire leur service militaire, contrairement aux autres Arabes israéliens.
Mobilisés dans l'armée et la police, ils participent ainsi à la répression dans les territoires palestiniens. M. Tarif a été lui même officier dans une unité de parachutistes avant de se lancer dans la politique. La première victime israélienne de l'Intifada, le soulèvement palestinien, qui a débuté le 28 septembre, fut d'ailleurs un garde-frontière druze tombé sous les balles de tireurs palestiniens alors qu'il défendait à Naplouse (nord de la Cisjordanie) la tombe de Joseph, l'un des hauts-lieux du judaïsme.
Mais bien qu'ils versent leur sang pour l'Etat juif, les Druzes, qui vivent dans leur majorité dans le nord du pays, se plaignent d'être victimes de discriminations, au même titre que les autres Arabes israéliens. Les localités et villages druzes reçoivent ainsi 15 à 30% de moins d'aides que les communes juives et les revenus mensuels des ouvriers druzes sont inférieurs de 25 à 35% à ceux des juifs israéliens, avait déclaré M. Tarif à l'AFP en février. Quant aux 18.000 druzes du Golan, un plateau syrien qu'Israël a conquis lors de la guerre des Six Jours en juin 1967, puis annexé en 1981, il s'agit encore d'un cas différent. Ils se considèrent, en effet, comme Syriens à part entière et ont refusé dans leur immense majorité de prendre la nationalité israélienne. Ils ne sont pas non plus astreints à faire le service militaire et manifestent régulièrement pour demander leur rattachement à la Syrie. La communauté druze compte également quelque 225.000 membres au Liban et près de 150.000 en Syrie.
             
15. Israël annonce un durcissement
in Le Figaro du jeudi 1er mars 2001
Plus de 8 000 Palestiniens ont crié vengeance samedi en Cisjordanie, aux funérailles de trois d'entre eux tués la veille par Tsahal qui a menacé de durcir sa répression de l'Intifada. L'armée israélienne entend «faire monter d'un cran la riposte, notamment après l'attentat de jeudi qui a coûté la vie à un Israélien.
"Nous allons faire monter d'un cran la riposte car nous sommes déterminés à combattre le terrorisme de toutes nos forces", a déclaré à la radio publique le chef d'état-major israélien, le général Shaul Mofaz. "L'escalade de la violence se poursuivra si l'Autorité palestinienne ne fait rien pour la stopper, ce qui nous obligera à réexaminer notre stratégie et à étendre notre champ d'intervention", a-t-il menacé, tout en écartant l'entrée de l'armée dans les zones autonomes palestiniennes.
Le président de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat a répliqué par la dérision. "Que reste-t-il à utiliser? l'arme atomique?" a dit M. Arafat. Le général Mofaz a accusé la direction palestinienne d'avoir "donné son feu vert il y a près de cinq mois" à la violence et "au terrorisme". Le 28 février, dans une attaque sans précédent, il avait estimé que l'Autorité palestinienne devenait une "entité terroriste".
En Cisjordanie et dans la bande de Gaza, plus de 8.000 Palestiniens ont participé aux funérailles de trois personnes, dont deux enfants, tués par l'armée. Arborant des drapeaux palestiniens et irakiens, quelque 3.000 manifestants ont fustigé le Premier ministre israélien élu de droite Ariel Sharon, le traitant de "criminel" et appelant les pays arabes et islamiques à soutenir l'Intifada. "Vengeance, vengeance!", a scandé la foule à Ramallah en Cisjordanie, qui marchait derrière les corps d'un enfant de neuf ans, et d'un jeune de 24 ans, placés sur une voiture de police. L'enfant a été atteint par une balle de mitrailleuse dans la poitrine alors qu'il se trouvait dans l'appartement de sa famille, près de Ramallah. Un porte-parole militaire a laissé entendre qu'il s'agissait d'une balle perdue lors d'un échange de tirs. Le jeune homme a, lui, été tué près du camp de réfugiés de Kalandia lors d'affrontements.
A Gaza, des cris de vengeance ainsi que des slogans de soutien au mouvement groupe islamiste radical palestinien Jihad islamique ont retenti lors des obsèques, suivies par quelque 5.000 personnes, d'un enfant de 13 ans. Il a été tué alors qu'il rentrait de l'école près de Karni, un point de passage entre la bande de Gaza et Israël, selon des témoins.
Le nombre de morts depuis le début de l'Intifada, provoquée par la visite de M. Sharon le 28 septembre sur l'Esplanade des mosquées, qui abrite le troisième lieu saint de l'islam, à Jérusalem-est, s'élève à 426: 350 Palestiniens, un Allemand, 13 Arabes israéliens et 62 autres Israéliens.
            
16. Le corps exécutif palestinien n'en a plus que pour quelques semaines, d'après l'ONU par Phil Reeves
in The Independant (Grande-Bretagne) du jeudi 1er mars 2001
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]

Correspondance à Jérusalem
Des sources onusiennes officielles rapportent que l'Autorité Palestinienne de Yasser Arafat ne survivrait dorénavant plus qu'un mois environ, avant son écroulement financier, plongeant les territoires occupés dans l'anarchie.
Leurs avertissements confirment les déclarations, récentes, de Terje Roed-Larsen, envoyé des Nations-Unies au Moyen-Orient, au sujet de la crise fiscale croissante à laquelle l'Autorité palestinienne est confrontée du fait de l'intifada (qui a éclaté il y a cinq mois) et du blocus économique imposé par Israël à la Cisjordanie et à Gaza. Les services de l'émissaire onusien s'efforcent de convaincre la communauté internationale de prendre ces avertissements au sérieux et de contribuer au sauvetage financier des Palestiniens avant qu'il ne soit trop tard.
"Il ne fait aucun doute, pour nous, que l'Autorité palestinienne pourrait s'écrouler à la fin du mois de mars, si rien n'était fait pour l'éviter", indique une source diplomatique. "Nous avons été critiqués pour nos déclarations, mais nous sommes très sérieux dans ce que nous avançons. Nous ne voulons pas être accusés, une fois l'événement avéré, de n'avoir rien dit."
L'intifada palestinienne - avec, en particulier, un blocus impitoyable et ininterrompu, sans précédent, imposé par Israël aux territoires occupés - a dévasté l'économie palestinienne, triplant le chômage (en le portant à 30% de la main d'oeuvre disponible, au minimum) et portant le nombre de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté à près d'un million.
Environ 100 000 Palestiniens se retrouvent dans l'impossibilité de franchir les frontières pour se rendre à leur travail, en Israël. Des chiffres communiqués cette semaine par les services de M. Roed-Larsen montrent que les pertes de revenus s'élèvent à 1,15 milliard de $ sur la période allant du début octobre 2000 à la fin janvier 2001. Ce que les diplomates occidentaux redoutent, ce n'est pas que l'effondrement financier de l'Autorité palestinienne (dans l'incapacité de payer ses 130 000 employés) entraîne la chute de Yasser Arafat. En effet, son rôle de leader symbolique, emblématique de la cause palestinienne pour le monde entier, durant des décennies, n'est pas remis en cause par ses opposants.
Non, ce que ces diplomates redoutent par-dessus tout, c'est que le contrôle du leader palestinien, sur sa population de trois millions d'âmes - contrôle d'ores et déjà seulement partiel - ne finisse par être tellement érodé qu'il ne soit plus en mesure de négocier avec les Israéliens - par exemple, par incapacité à restaurer le calme - et que les territoires occupés ne glissent inexorablement vers l'anarchie, avec des seigneurs de la guerre et des groupes armés se déchaînant à leur guise. Il y a déjà des signes que des éléments armés, et largement criminels, sont de plus en plus actifs et influents dans certaines parties de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.
Le geste des Nations-Unies en faveur de l'Autorité palestinienne est rendu difficile par les préoccupations internationales, tout-à-fait fondées, au sujet de la profonde corruption qui l'affecte et les craintes que des fonds d'aide d'urgence pourraient bien disparaître dans quelque compte en banque privé. M. Arafat est supposé mettre en place une action de lutte contre la corruption, pour plusieurs raisons, dont la moindre n'est pas le fait que la déplorable réputation de concussion qui entoure l'Autorité ne fait qu'accroître la popularité de ses opposants nationalistes, comme le Hamas et le Jihad islamique.
Les avertissements vont peut-être porter. Le Secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, a lancé un appel bienvenu à la cessation du siège imposé par Israël aux territoires occupés, durant sa visite dans la région, dimanche dernier. Les Américains ont également prié instamment Israël de débloquer plus de 50 millions de $ de taxes collectées par ses services douaniers et fiscaux. Durant cette semaine, l'Union Européenne a donné son accord à la transformation en don (non-remboursable) d'un prêt de 57 millions de $ accordé aux Palestiniens.
Ces mesures coïncident avec des efforts déployés sur le terrain pour pallier à la pauvreté croissante. Le Programme Mondial pour l'Alimentation (World Food Programme, WFP) de l'ONU a lancé une action de distribution de farine, pour faire face à l'urgence, dans les territoires occupés. Cette action s'est poursuivie malgré le refus de l'armée israélienne de laisser des officiels du WFP accéder à l'une des zones les plus nécessiteuses, le sud de la bande de Gaza.
Les efforts déployés par les Nations Unies pour apporter de l'aide aux Palestiniens n'ont pas été facilités, non plus, hier, par les allégations du chef d'état-major des forces israéliennes de défense, Shaul Mofaz, selon lesquelles l'Autorité palestinienne serait en train de constituer des stocks d'armes - y compris, des missiles anti-chars et anti-aériens - introduites clandestinement dans la bande de Gaza par la mer et par des tunnels passant sous la frontière, depuis l'Egypte. Ces accusations ont été repoussées, comme étant "sans fondement" par un adjoint de M. Arafat.
       
17. Les Quinze sont résolus à aider financièrement l'Autorité palestinienne par Laurent Zecchini
in Le Monde du mercredi 28 février 2001
BRUXELLES, de notre bureau européen
Les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne, réunis lundi 26 février à Bruxelles, ont approuvé un texte de Chris Patten, commissaire européen chargé des relations extérieures, qui souligne la gravité de la crise économique frappant les territoires palestiniens, exhorte Israël à lever ses sanctions économiques et constitue un appel à une mobilisation financière de la communauté internationale, en particulier des pays arabes, en faveur des Palestiniens.
En décembre 2000, une facilité financière de 90 millions d'euros avait été approuvée. Sur ce total, 30 millions ont été versés, et les Quinze ont approuvé lundi l'allocation rapide des 60 millions d'euros restant, et décidé de transformer ce versement en aide budgétaire (non remboursable). Mais ce répit ne saurait être la réponse ad hoc.
CRI D'ALARME
La Commission demande à l'Autorité palestinienne de réviser son budget à la baisse et dans le sens de la rigueur, afin notamment de lutter contre la corruption, et de permettre une plus forte mobilisation internationale. Les Européens sont prêts à poursuivre leur aide, mais ils soulignent que les pays arabes, pourtant concernés au premier chef, participent de façon bien timide à cet effort financier. Les Quinze ont approuvé à ce sujet le principe de l'organisation, en mars, d'une conférence des donateurs. Le cri d'alarme de la Commission européenne, qui rejoint les préoccupations des Nations unies, répond à un double souci: les Européens estiment qu'il est moralement injustifié d'imposer des conditions de vie de plus en plus précaires à la population palestinienne et ils s'inquiètent des conséquences politiques de cette situation, c'est-à-dire de la perte de crédibilité qui en découle pour Yasser Arafat.
"Un effondrement de l'Autorité palestinienne et le chaos qui s'ensuivrait ne sont pas dans l'intérêt d'Israël", a souligné M. Patten, pour qui le risque d'assister à la fois à "l'anarchie et à une atomisation du pouvoir palestinien" est bien réel. L'exécutif européen souligne, par ailleurs, l'inanité d'efforts financiers qui, faute de concourir à un redressement de la situation économique dans les territoires palestiniens, reviennent à essayer de combler le tonneau des Danaïdes.
Le bouclage des territoires par l'Etat juif, qui prive d'emploi et de salaire les Palestiniens employés en Israël, auquel s'ajoute le gel des transferts des revenus représentés par les droits de douane et la TVA sur les marchandises transitant par Israël à destination des territoires palestiniens, étrangle les finances de l'administration palestinienne.
Ses revenus sont théoriquement d'environ 45 millions de dollars par mois (contre 90 millions avant le début de l'Intifada, fin septembre 2000), mais plus probablement de 15 millions de dollars par mois sans les transferts israéliens. L'impact sur la population ne cesse de croître, a souligné Chris Patten: le nombre de gens vivant en dessous du seuil de pauvreté a augmenté de 50%, et le nombre de ceux qui sont considérés comme "pauvres" est passé de 650000 à 1 million.
Les pertes d'emplois en territoire israélien, ajoutées aux restrictions de circulation, ont eu, d'autre part, pour effet de faire passer le taux de chômage de 11% à 38%. Si la tendance actuelle n'était pas inversée, en 2001, le revenu par habitant pourrait diminuer de quelque 27%, entraînant un taux de pauvreté de plus de 43% en Cisjordanie et de 50% à Gaza, selon les chiffres avancés par Bruxelles, qui rejoignent ceux de la Banque mondiale. Lors de son passage en Israël, samedi 24 février, le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, avait déjà exhorté les autorités à relâcher l'étau financier qu'elles imposent aux territoires palestiniens.
          
[Le pire bouclage depuis 1967,selon l'ONU - Le bouclage imposé depuis cinq mois par Israël à la Cisjordanie et à la bande de Gaza est le plus sévère depuis l'occupation de ces territoires palestiniens en 1967, selon un rapport du coordinateur spécial de l'ONU pour le processus de paix, Terje Roed-Larsen, publié lundi 26 février.
"Le bouclage des territoires, les restrictions de mouvements draconiennes et la fermeture des frontières internationales constituent les plus sévères mesures de restriction imposées aux territoires palestiniens depuis leur occupation en 1967", indique le rapport. Des agences humanitaires internationales, singulièrement le Programme alimentaire mondial, ont commencé lundi à distribuer de l'aide alimentaire à Gaza et en Cisjordanie. Depuis cette date, l'ONU estime que l'économie palestinienne a perdu 1,15 milliard de dollars. "Même en cas d'allégement des restrictions, la pauvreté va augmenter jusqu'à 43,8% d'ici à la fin 2001", indique le rapport.]