Rendez-vous
1.
Rassemblement le samedi 3 mars 2001 de 14h à 16h, Place de la Fontaine
des Innocents à Paris
NON À L'APARTHEID AU PROCHE-ORIENT -
HALTE À L'ÉTRANGLEMENT DU PEUPLE PALESTINIEN
Le saviez-vous? Après les tirs
des fusils à lunettes contre les jeunes lanceurs de pierres, les bombardements
sans préavis d'immeubles jugés menaçants pour quelque colonie, les assassinats
ciblés de Palestiniens considérés comme des "terroristes", Israël en est venu à
utiliser des gaz neurotoxiques contre les habitants de certains quartiers de
Gaza.
ASSEZ DE RÉPRESSION - ASSEZ DE CRIMES D'ETAT
Les Palestiniens ont le
droit de vivre libres sur les terres où ils sont nés. Pour exiger l'évacuation
immédiate des Territoires palestiniens occupés en 1967, l'application des
résolutions de l'ONU, le respect par Israël des Conventions de Genève et
de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, nous nous
rassemblerons le samedi 3 mars 2001 de 14h à 16h, Place de la Fontaine des
Innocents à Paris (Métro Châtelet Les Halles), et, sauf contrordre, les samedis
suivants à la même heure au même endroit pour :
- échanger les informations
dont nous disposons,
- entendre des déclarations de personnalités,
-
signer un appel que nous transmettrons au Président de la République après les
manifestations qui, dans toute la France, seront organisées le 31 mars, avec le
peuple palestinien célébrant sa Journée de la Terre
[Renseignements : France-Palestine Paris Sud, B.P.
64-75622 Paris Cedex 13 - E-mail : Annie.COUSSEMANT@oecd.org]
2. Exposition - Mémorial "100 Shaheed - 100 Vies" au Centre
Culturel Khalil Sakakini de Ramallah
Ce projet a été réalisé
afin de rendre hommage aux Shuhada (martyrs) de l'Intifada Al-Aqsa, le
soulèvement populaire palestinien qui a commencé le 29 septembre 2000 à
Jérusalem. L'idée fondamentale est de faire sortir de l'anonymat les
Shuhada, au-delà du décompte statistique quotidien des morts, et d'honorer les
familles vouées désormais à vivre avec l'absence des êtres chers, et l'injustice
de leur disparition.
Il nous a semblé que la façon la plus humaine de rendre
cet hommage aux Shuhada était de célébrer leurs vies dans l'amour et la dignité,
de leur redonner leur dimension humaine : celle d'un petit garçon, un
adolescent, un jeune homme, un père de famille, un grand-père ou une grand-mère
et de tenter de ressentir ce que leurs vies représentaient, de comprendre leur
quotidien, leurs rêves à travers une anecdote, un jouet ou une photo. La
banalité et la fragilité de chacun des objets personnels exposés aident à
retracer une vie intacte.
Etymologiquement, Shaheed (martyr) signifie
également "témoin fiable". Aussi, la lecture de chacune de ces vies dans le
livret de l'exposition représente bien plus que la somme de cent biographies. Il
s'agit d' un témoignage éloquent de ce qu'être palestinien veut dire, à savoir
une condition qui transcende et détermine le cours de chaque vie.
Les
Shuhada, quels que soient leur âge, leur milieu ou leur provenance géographique,
avaient ceci de commun qu'ils vivaient dans le carcan de l' occupation.
Certaines vies ont été dés le départ marquées par les pertes et déracinements de
la Nakba en 1948. D'autres ont été empreintes par le déni des droits essentiels
et la misère propres au statut de réfugié. D'autres vies furent marquées
par un chapelet de privations, de servitude, d' enfances interrompues, d'exils
Odysséens, de destruction de maisons, d'assassinats et d'emprisonements.
Même ceux qui semblaient avoir échappé aux griffes de l'occupation devaient
finalement y succomber par leur mort prématurée et violente.
Pourtant, ces
vies incarnent aussi l'aspiration humaine irrépressible à la liberté, et un
indomptable esprit de résistance. Nous espérons qu'un jour nous pourrons faire
autrement que de rendre hommage à nos morts et tout simplement vivre, comme ces
Shaheeds auraient dû le faire, libres.
- Notes Explicatives
:
Lorsque cette exposition fut conçue à la mi-octobre 2000, il était
prévu que tous les Shuhada de l'Intifada y figurent. Malheureusement, il devint
rapidement évident que le nombre de morts continuerait d'augmenter jour
après jour. Ainsi, il fut convenu de limiter cet hommage aux cent premiers
Shaheeds. Ceux-ci sont représentatifs de toutes les régions de la
Palestine -Jérusalem, la Cisjordanie et la Bande de Gaza- et des régions
où vivent les Palestiniens d'Israël.
Le concept et l'administration du projet
ont été réalisées par Adila Laïdi, directrice du Centre Sakakini. Le commissaire
d'exposition est l'artiste palestino-français de grande renommée, Samir Salameh,
qui a pensé le design dépouillé de cette exposition afin de respecter et mettre
en avant l'individualité de chaque Shaheed.
- Revue de presse :
Journal de Ramallah :
souvenirs amers de l'insurrection palestinienne par Deborah Sontag in
The New York (quotidien américain) mercredi du 21 février 2001 [traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Ramallah, Cisjordanie - Dans une boîte
transparente en plastique, une socquette orpheline, récupérée par la veuve de
Bilal Affaneh (25 ans) après qu'il eût été tué par les forces israéliennes
devant la Mosquée Al-Aqsa de Jérusalem, en septembre dernier.
Elle est pliée
avec netteté, comme un cadeau, avec une faveur de ficelle.
Dans une autre
boîte, un autre totem : la fronde taillée au couteau, minuscule, de Fares Odeh.
Elle a servi à lancer une dernière pierre contre un tank israélien, le 8
novembre, jour où son servant, âgé de quinze ans, a été tué net par une balle
reçue dans le cou.
Le Centre Culturel Sakakini, ici à Ramallah, a été
converti en mausolée provisoire et sombre aux cent premiers Palestiniens tués au
cours de l'insurrection qui a éclaté en septembre dernier. Chaque vie y est
résumée en deux ou trois objets, sélectionnés par la famille et enveloppés
proprement en un minuscule paquetage, placé dans une boîte et déposé devant une
photographie du disparu. Le conservateur de cette exposition est un artiste
franco-palestinien, Samir Salameh.
"Je ne veux pas ensevelir les martyrs", me
dit - en français -M. Salameh, qui a le look plus Rive Gauche (de Paris) que
Rive Occidentale (la Cisjordanie). "Les boîtes transparentes sont comme des
fenêtres qui ouvriraient sur leurs âmes. Les objets sont d'une rare banalité,
mais ce sont ceux qui sont morts qui les rendent incroyablement précieux. Ces
objets sont enveloppés pour symboliser que ces gens ont donné leur vie à leur
pays comme ils auraient donné un présent."
Dans des vitrines accrochées aux
murs de pierre de taille, des sacs d'écolier, des ballons de foot, des gants de
boxe, des châles de prière, des tasses à thé, des photos de mariage et des pipes
à eau. Feu Sami Balawnéh, mort à 17 ans, est représenté par sa carte de
circulation délivrée par la sécurité israélienne, date d'expiration : 19 mai
2001. Il a été tué en octobre dernier.
Des critiques israéliens diraient
volontiers que l'exposition "Cent martyrs - cent vies" glorifie la mort et
encourage la culte du shahid, du martyr. Mais Adila Laïdi, directrice du centre
culturel, me dit que ce qui la préoccupait, c'était de voir que la mort était
devenue une telle routine que les morts étaient en passe de devenir des
"statistiques sans importance".
Mme Laïdi me dit qu'elle s'est focalisée
intentionnellement sur la vie de ceux qui ont été tués, plus que sur leur mort.
Elle précise qu'elle a refusé d'inclure dans l'exposition la photo d'un jeune
homme, parce qu'elle avait été prise au cours de son autopsie.
"Pouvez-vous
imaginer que la seule photographie qui ait jamais été faite de ce pauvre garçon
représente la blessure laissée par la balle qui l'a tué ?" me demanda-t-elle.
Après quatre mois de violences, le conflit israélo-palestinien est venu, à
nouveau, inexorablement, définir ce qu'est la vie en Cisjordanie et à Gaza.
Certains Palestiniens sont en colère, d'autres sont dépressifs, et certains
autres encore sont comme hébétés.
Ils continuent à soutenir l'insurrection, y
compris les attentats contre Israël. Le soutien au Hamas, le groupe militant
islamiste, va croissant. Dans un sondage effectué récemment par l'Université de
Bir Zeit, 75 pour cent des Palestiniens font état de problèmes psychologiques et
émotionnels résultant des "difficultés économiques et politiques".
Indication
parlante de la situation économique désespérée, un tiers des répondants, de
Gaza, ont indiqué qu'ils étaient contraints de vendre la dot ou le trousseau de
leurs épouses afin de pouvoir nourrir leur famille.
Les victimes de
l'intifada ont toujours tenu une place particulière dans la société
palestinienne : leurs familles reçoivent un chèque mensuel du ministère de la
sécurité sociale, dirigé par une femme-ministre, Umm Jihad (dont le nom signifie
: Mère du Jihad, la Guerre Sainte)...
Dernièrement, certains de ces chèques
se sont avérés en bois (sans provision), à cause des problèmes financiers
(fiscaux) insurmontables de l'Autorité palestinienne. Mais le leader irakien,
Saddam Husseïn, a plus que compensé les chèques sans valeur en offrant des
versements uniques de 10 000 dollars à chaque famille.
Au cours de l'automne
passé, certains des premiers Palestiniens tués ont donné leur nom à des
immeubles d'habitation, leurs portraits ont été affichés dans les rues de la
ville, ils ont été immortalisés dans des chansons pop égyptiennes.
Mohammed
al-Durra, un garçon de douze ans, représenté ici par ses tennis usagées, est
devenu le symbole-même du martyre, après que sa mort ait été enregistrée en
direct sur cassette vidéo et télédiffusée dans le monde entier.
Mais, à
l'heure où le nombre des morts palestiniens dépasse les trois-cent soixante-dix,
ce niveau d'attention initial n'a pas été conservé.
C'est pourquoi Haliméh
Nabrissi, la tante d'Ahmad Nabrissi, tué à vingt et un ans en octobre dernier, a
accueilli très chaleureusement l'idée du mémorial installé dans le centre
culturel, qui comporte des souvenirs d'Arabes israéliens tués par la police
israélienne, à l'intérieur d'Israël, au cours de manifestations.
"Ainsi, les
familles savent que leurs enfants sont toujours vivants dans les esprits des
gens, que le peuple apprécie hautement ce qu'ils ont fait, et qu'ils ne sont pas
morts en vain", a-t-elle répondu, depuis son domicile de Naplouse, aux questions
que je lui posais.
Samir Maslamani, de Jérusalem, a prêté à l'exposition une
veste style "safari", que son fils Majd, âgé de quinze ans, portait souvent. "Si
vous me demandez de fermer les yeux et de décrire mon fils, je le vois portant
cette veste, en train de grignoter, je ne sais pas, du chocolat, un biscuit, ou
quelque autre chose... ", m'a répondu M. Maslamani, au cours d'une interview par
téléphone. "Ce n'est pas une pensée seulement douloureuse. Je suis fier. C'était
le destin de Majd, je ne pouvais rien y faire".
Un autre jeune, Nizar Eideh,
est célébré par une cage à oiseau, vide. La veille de se faire tuer, Nizar avait
libéré son oiseau familier, afin qu'il puisse retourner auprès de sa mère, m'a
dit sa famille. Puis, ignorant les adjurations de sa mère, il s'était dirigé
vers le lieu où se déroulaient des affrontements avec les troupes israéliennes,
à Ramallah.
"Dieu me protégera", avait-il dit en partant.
Mettant une
dernière main à l'exposition, M. Salameh était affairé à arranger cette cage de
manière à ce que sa disposition, avec la photo du garçon juste derrière, soit
évocatrice de cette dernière scène de sa vie. Dans cette belle villa
palestinienne historique admirablement restaurée, la cage semblait à une
année-lumière de la masure du camp de réfugiés où habitait le garçon - tout
comme l'exposition élégamment présentée était à des années-lumière des
affrontements horriblement confus qui avaient emporté les vies des jeunes
célébrés ici.
Ses promoteurs espèrent faire de cette exposition un lieu de
pèlerinage, et du centre culturel, avec ses arcades gracieuses, ses hauts
plafonds et son éclairage tamisé, une sorte de temple pour la méditation et la
réflexion. Et il est bien vrai que l'effet produit par ces objets, tous
rassemblés en petits paquets nettement ficelés, est déchirant ; ils contrastent
si violemment avec le chaos de violence qui a brutalement interrompu ces vies
ainsi résumées, comme mises en cartouches.
Parmi des objets plus importants,
qui n'entraient pas dans les boîtes en plastique transparent, il y a une
bicyclette d'enfant, avec un gros coeur rouge matelassé, disposé sur le guidon,
qui dit, en anglais : "Je vous aime gros comme ça" ("I love you this much") .
Yazan Halayqa, un garçon de quatorze ans, de Bethléem, tué le 2 novembre 2000,
circulait partout avec cette bicyclette.
"C'était son meilleur ami", me dit
son père, Muhammad Halayqa.
M. Halayqa, qui possède plusieurs carrières de
pierres à bâtir et qui vit dans une grande maison, me dit que la présence d'un
souvenir de son fils (et donc, de son fils même), dans cette exposition,
démontre que ce ne sont pas seulement de pauvres jeunes garçons qui n'ont rien à
perdre qui sont prêts à mettre leur vie en jeu.
"Que dire ?", me dit-il.
"C'est comme si j'avais perdu une partie de mon foie, d'avoir perdu cet enfant.
Mais tout le monde dit que c'est seulement les fils des pauvres qui meurent, et
il faut que les gens sachent que les fils des gens aisés meurent aussi.
L'intifada, c'est la révolte de tous les
Palestiniens".
3.
Projection de "L'Olivier" de Liana Badr le jeudi 8 mars 2001 à
Digne-Les-Bains
Femmes Solidaires
présente du 8 au 10 mars 2001, "La Méditerranée des femmes". En ouverture
de ces rencontres, "L'Olivier" (Zetouna) le dernier film de
l'écrivain et cinéaste palestinienne Liana Badr, sera
présenté le jeudi 8 mars 2001 à 21h, en présence de la réalisatrice, au
Centre Culturel Pierre Gassendi à Digne-les-Bains.
[Renseignements et réservations - Tél : 04 92 30 87
10]
Liana Badr et sa famille, sous surveillance constante
des services secrets israéliens, furent contraints à l'exil et quittèrent
Jéricho pour Amman, quelques années avant les événements de Septembre Noir.
Diplômée de philosophie et de psychologie de l'université de Beyrouth, elle dut
interrompre ses études lorsqu'éclata la guerre civile libanaise. Journaliste à
Beyrouth jusqu'à l'invasion israélienne de 1982, elle rejoint Damas d'où elle
est expulsée en 1986 et part pour la Tunisie. Elle est désormais responsable du
secteur audiovisuel au Ministère de la culture palestinien. Elle porte une
attention particulière à la condition des femmes arabes, dirigeant un travail
collectif dans le cadre de l'Union des femmes palestiniennes en Jordanie, et
travaillant dans les camps libanais de Sabra et Chatila. Témoin de la tragédie
quotidienne des Palestiniens, soucieuse d'écrire l'histoire de son peuple et du
rôle qu'y ont joué les femmes, Liana Badr use d'un langage nouveau et
contemporain, renonçant à l'arabe littéraire classique pour s'emparer du langage
de tous les jours. Son roman, Une boussole pour un soleil (publié à
Genève en 1992 par les édition Metropolis - ISBN : 2-88340-015-6), est un récit
d'exil et de guerre ; il a pour héroïne une jeune femme palestinienne de
Jéricho, révoltée contre une double oppression : celle de son peuple, et sa
condition de femme au sein d'une société où les hommes occupent la première
place.
Réseau
1.
Des Juifs de Chicago condamnent l'attaque israélienne d'un
pensionnat pour enfants non-voyants
[traduit de l'anglais par Dominique
Vincent]Not In My Name, (Pas En Mon Nom) un groupe de Juifs
de Chicago critique de la politique que mène Israël contre les Palestiniens a
tenu un rassemblement devant la porte du Consulat israélien de Chicago le 23
février à midi afin de protester contre le bombardemant par Israël de l'école Al
Watanya qui accueille des enfants non-voyants. Le bombardement, qui a duré trois
heures le mardi 20 février 2001 dans la soirée, a terrorisé des dizaines de
fillettes qui y sont pensionnaires, a dévasté l'école ainsi que les maisons
voisines.David Zinder, porte parole de Not in my name a déclaré :"Je suis choqué
et scandalisé par cette attaque. Elle contredit toutes les valeurs juives qui me
sont chères. Israël doit mettre fin à ses attaques contre les enfants
palestiniens ainsi que le siège des villes palestiniennes qui est la cause d'une
misère qui s'aggrave. L'annonce de cette attaque donne un poids accru aux
conclusions récentes d'Amnesty International qui appelle Israël a cesser toute
attaque dans les zones habitées.
Le pensionnat Al Watania accueille
75 non-voyantes, dont l'âge va de 5 à 18 ans. Il est située près de la
colonie israélienne de Psagot, à Al Bireh, Ramallah. D'après la section
palestinienne de l'ONG Defense of children international l'attaque de
mardi a réussi à terroriser 75 petites filles non-voyantes ainsi que le
personnel de l'école. "le crime est deux fois plus grave lorsqu'il est commis
contre des enfants handicapés qui entendent le bruit des explosions mais ne
peuvent voir ce qui se passe autour d'eux. Nous ne savons que faire pour
protéger les enfants" a déclaré le directeur de l'école M Hayan al-Idrisi.
[Pour plus d'information sur "Not in my
name" : www.notinmyname.org]
2.
"Les Juifs en Palestine" par le Mahatma Gandhi (Harijan, le 26 novembre
1938)
[traduit de l'anglais par
Marcel Charbonnier]
[Extrait de "Ma
Non-Violence" par le Mahatma Gandhi, édité par Sailesh Kumar Bandopadhaya -
Ahmedabad : Navajivan Publishing House - 1960]
J'ai reçu plusieurs
lettres dans lesquelles on me demande d'exposer mes vues sur la question
arabo-juive en Palestine et la persécution anti-juive en Allemagne. Ce n'est pas
sans quelque hésitation que je me risque à offrir mes opinions sur cette
question très délicate.
Toute ma sympathie est acquise aux Juifs. J'ai connu
certains d'entre eux, d'une manière très intime, en Afrique du Sud, et certains
d'entre eux sont devenus des amis pour la vie. Grâce à ces amis, j'ai pu mieux
connaître la persécution à laquelle ils ont été soumis depuis la lointaine
histoire. Ils ont été, en quelque sorte, les intouchables de la Chrétienté. La
similarité entre le traitement que les Chrétiens leur ont infligé et celui que
les Hindous infligent aux Intouchables est frappante. Un jugement de nature
religieuse a été invoqué dans les deux cas pour justifier les traitements
inhumains qui ont été infligés aux uns comme aux autres. A part les amitiés
qu'il m'a été donné de nouer avec certains d'entre eux, ma sympathie pour les
Juifs ressortit donc à des raisons de caractère universel.
Mais ma sympathie
ne me rend pas sourd aux exigences de la justice. L'appel à un foyer national
pour les Juifs ne me séduit guère. La légitimité en est recherchée dans la Bible
et dans la ténacité dont les Juifs ont depuis tout temps fait preuve dans la
formulation de leur attachement à un retour en Palestine. Pourquoi ne
pourraient-ils pas, comme les autres peuples sur Terre, faire de cette contrée
leur pays où naître et où gagner sa vie ? La Palestine appartient aux Arabes de
la manière dont l'Angleterre appartient aux Anglais ou la France aux Français.
Il serait injuste et inhumain d'imposer (une domination par) les Juifs aux
Arabes. Ce qui se passe en Palestine, de nos jours, ne saurait être justifié au
nom d'un quelconque code moral de conduite. Les mandats n'ont pas d'autre
justification que la dernière guerre mondiale (la Première, NdT). Ce serait à
n'en pas douter un crime contre l'humanité de contraindre ces Arabes si
justement fiers à ce que la Palestine soit restituée aux Juifs en tant que leur
foyer national, que ce soit partiellement, ou en totalité.
Une alternative
bien plus noble serait d'insister sur un traitement équitable des Juifs où
qu'ils soient nés et où qu'ils aient été élevés. Les Juifs nés en France sont
Français dans l'exact sens où les Chrétiens nés en France le sont. Si les Juifs
n'ont pas d'autre foyer national que la Palestine, vont-ils accepter l'idée de
devoir être contraints à quitter les autres parties du monde où ils sont
installés ? Ou bien voudront-ils une double patrie, où ils puissent demeurer
selon leur bon plaisir ? La revendication d'un foyer national pour les Juifs ne
fait qu'offrir sur un plateau une justification présentable à l'Allemagne qui
expulse ses Juifs. Mais la persécution allemande des Juifs semble ne pas avoir
de parallèle dans l'histoire. Les tyrans de jadis n'étaient jamais allés aussi
loin dans leur folie que semble l'avoir fait Adolf Hitler. Et il continue à le
faire avec un zèle religieux. N'est-il pas, en effet, en train de prôner une
nouvelle religion faite d'un nationalisme militant et exclusif, au nom duquel
toute inhumanité devient un acte d'humanité devant être récompensé, ici et
maintenant. Le crime d'un jeune leader certes intrépide, mais non moins
complètement dément, est en train d'être imposé à l'ensemble de son ethnie avec
une férocité absolument incroyable. Si jamais une guerre pouvait être justifiée,
au nom de l'humanité, et pour elle, une guerre contre l'Allemagne, destinée à
prévenir la persécution délibérée d'une race humaine toute entière serait
totalement justifiée. Mais je ne crois en aucune guerre. Discuter le pour et le
contre d'une telle guerre est, par conséquent, complètement hors de propos pour
moi.
Mais s'il ne peut être question d'une guerre contre l'Allemagne, même
avec l'énormité du crime commis contre les Juifs, il ne saurait être question,
non plus, d'une alliance avec ce pays. Comment une alliance pourrait-elle être
conclue entre une nation qui revendique la défense de la justice et de la
démocratie et une nation qui est l'ennemi déclaré de l'une comme de l'autre ? Ou
bien, alors, peut-être l'Angleterre est-elle en train de glisser vers une
dictature armée avec tout ce que cela comporte ?
L'Allemagne est en train de
démontrer au monde entier comment la violence peut être utilisée efficacement
lorsqu'elle n'est entravée par aucune hypocrisie ni aucune faiblesse se faisant
passer pour de l'humanisme. Elle montre aussi à quel point sa violence est
hideuse et terrible dans son horrible nudité.
Les Juifs peuvent-ils résister
à cette persécution planifiée et éhontée ? Ont-ils un moyen de préserver leur
dignité, et de ne pas tomber dans le désespoir et l'abandon d'eux-mêmes ? Je
fais le pari que c'est possible. Nul être humain croyant en un Dieu vivant ne
doit se sentir impuissant ou abandonné. Jéhovah, le Dieu des Juifs, est un Dieu
plus personnel que celui des Chrétiens, des Musulmans ou des Hindous, bien qu'il
s'agisse, en fait, par essence, du Dieu commun à tous ces croyants, c'est leur
Dieu unique, sans associé et échappant à toute description. Mais comme les Juifs
attribuent à Dieu une personnalité et croient qu'Il commande chacun de leurs
actes, ils ne devraient pas se sentir impuissants. Si j'étais juif et né en
Allemagne, si j'y gagnais ma vie, je proclamerais que l'Allemagne est mon pays,
autant qu'elle peut être le pays de l' aryen gentil le plus baraqué, et je le
défierais de me tuer ou de m'enfermer dans sa forteresse ; je refuserais d'être
expulsé ou soumis à un traitement discriminatoire. Et pour ce faire, je
n'attendrais pas que mes coreligionnaires juifs viennent me rejoindre dans la
résistance civile, mais j'aurais la certitude qu'à la fin du compte les autres
seraient amenés à suivre mon exemple...
... Et maintenant, un mot aux Juifs
de Palestine. Je suis absolument persuadé qu'ils se fourvoient. La Palestine
biblique ne correspond à aucun territoire géographique. Elle est dans leurs
coeurs. Mais s'ils doivent absolument considérer la Palestine de la géographie
comme leur foyer national, c'est un péché inexpiable d'y pénétrer à l'ombre du
canon britannique. Un acte de nature religieuse ne saurait être posé avec
l'assistance des baïonnettes et des bombes. Ils ne peuvent s'installer en
Palestine qu'en respect de la bonne volonté des Arabes. Ils devraient s'efforcer
de se gagner le coeur des Arabes. C'est le même Dieu qui commande aux coeurs des
Arabes et à ceux des Juifs... Ils trouveront le monde à leurs côtés dans leur
aspiration religieuse. Il y a des centaines de manières de s'entendre avec les
Arabes, pour peu qu'ils écartent résolument l'aide que leur apporte la
baïonnette britannique. Telles que les choses se déroulent actuellement, ils
sont co-responsables avec les Britanniques de la spoliation d'un peuple qui ne
leur a jamais porté un quelconque tort.
Je ne défends pas les excès des
Arabes. J'eusse aimé qu'ils eussent adopté la non-violence dans leur résistance
à ce qu'ils considèrent à juste titre comme une agression inqualifiable contre
leur pays. Mais si l'on se réfère aux lois généralement admises du bien et du
mal, rien ne peut être dit contre la résistance des Arabes à une injustice
massive.
Laissons les Juifs qui prétendent être le peuple élu en apporter la
preuve par choix qu'ils feront de la non-violence afin de revendiquer une place
sur cette terre. Tout pays est le leur, Palestine y comprise, non pas en
conséquence d'une agression, mais en vertu d'un service altruiste envers leur
prochain. Un ami juif m'a envoyé un livre intitulé "La contribution juive à la
civilisation", écrit par un Cecil Roth. Ce livre énumère tout ce que les Juifs
ont apporté à la littérature, aux arts, à la musique, au théâtre, à la science,
à la médecine, à l'agriculture etc... de part le monde. Avec un tel héritage,
les Juifs sont fondés à refuser d'être traités comme les déchets de l'Occident,
d'être méprisés ou traités avec condescendance. Ils peuvent obtenir le respect
et l'attention du monde en se montrant dignes d'avoir été choisis par Dieu, au
lieu de tomber dans la déchéance des brutes oubliées de Dieu. Ils peuvent
ajouter à leurs contributions, innombrables et inestimables, (à l'Humanité)
celle, suprême, de l'action non-violente.
3.
Lettre du Carême 2001 - Message de Michel Sabbah, Patriarche Latin de
Jérusalem
Frères et Soeurs
1. La paix du Christ soit avec
vous.
Nous commençons notre jeûne, le mercredi des Cendres, en souvenir de la
passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, de sa mort et de sa glorieuse
Résurection. Il est notre modèle: comme il a jeûné et prié pendant quarante
jours dans le désert de Jéricho, nous jeûnons nous aussi pendant les quarante
jours qui précèdent la Pâque.
Jésus commença sa prédication en disant:
"Faites pénitence car le Royaume de Dieu est proche" (cf. Mc1,12). Le Royaume de
Dieu c'est la présence de Dieu en nous, car il nous a créés à son image et à sa
ressemblance. Le royaume de Dieu c'est Dieu qui nous accompagne dans les
épreuves présentes par lesquelles il construit aujourd'hui notre histoire.
2.
J'ai visité, ces jours, quelques paroisses en Palestine et j'ai écouté les
fidèles. J'y ai écouté aussi les autorités civiles. Leur langage est celui de
toutes les paroisses, et leurs soucis sont vos soucis à tous. Le premier souci
qui comprend tout le reste concerne la situation politique difficile en ces
jours: les routes fermées, le siège imposé aux villes et villages, le manque de
travaux, le bombardement israélien continu, la destruction des maisons, en plus
des difficultés à l'intérieur de la société palestinienne, et finalement l'idée
de l'émigration. J'ai vu cependant, malgré les épreuves, les anxiétés et l'idée
de l'émigration, la volonté de base de tenir ferme et de patienter, jusqu'à ce
que notre liberté nous soit redonnée et jusqu'à ce que se réalise l'image de
Dieu en nous et en celui qui nous opprime également.
3. En ce qui concerne
l'émigration, nous joignons notre voix à celle de tous ceux qui sont patients,
et nous vous disons: frères et soeurs, ne quittez pas votre terre. Patientez.
Ici, Dieu vous veut croyants en lui et témoins de Jésus-Christ dans sa terre.
Restez fermes autour des Lieux Saints. Vous êtes dans cette terre partie du
mystère de Dieu en elle. Essayez d'y réfléchir afin d'arriver à voir Dieu et le
prochain et comprendre le sens de notre présence ici. Vous avez été appelé à une
vie difficile: ayez le coruage d'accepter la vie difficile à laquelle Dieu vous
appelle.. Les uns disent aussi: "L'avenir n'est pas clair". L'avenir dépend de
ce que vous faites aujourd'hui ou de ce que vous avez peur de faire. Et pourquoi
laisseriez-vous aux autres de façonner votre avenir? C'est un temps dans lequel
le croyant dit, avec la liberté des enfants de Dieu, ce qu'il a à dire et
contribue effectivement à la construction de son avenir, sur les bases solides
de la paix, de la justice et de l'amour.
4. De plus, sachez que l'aide vient
de nous-mêmes et de notre amour les uns pour les autres. Si quelqu'un est dans
le besoin qu'il recherche celui qui est dans un plus grand besoin que lui, et
lui porte l'aide nécessaire, avec le peu ou le beaucoup qu'il possède. A tous
ceux qui ont faim, nous disons: nous voulons partager votre faim, et partager
avec vous notre pain. Nous invitons les fidèles dans toutes nos paroisses,
les religieux et les religieuses à partager leur pain avec ceux qui en ont
besoin, soit qu'ils les invitent à leurs tables, soit qu'ils envoient à la
Caritas ou à toute autre association de bienfaisance une somme égale à leurs
propres dépenses pour la nourriture de chaque jour. Nous vivons une guerre qui
nous est imposée. Il faut y adapter notre manière de vivre et nous habituer, à
la fois, et aux privations et à la générosité à l'égard de tout frère dans le
besoin.
5. Quant aux maisons qui ne cessent de
subir les bombardements israéliens, nous disons aux israéliens: détruisez nos
églises, mais épargnez les maisons de nos fidèles. S'il vous faut à tout prix
une punition collective et s'il faut une rançon pour racheter la tranquillité
des enfants innocents et des familles, nous offrons nos églises: détruisez-les;
nous trouverons bien d'autres endroits pour y prier, et nous continuerons à
prier pour nous et pour vous. Et aux militants palestiniens qui voient qu'il est
nécessaire de diriger leur feu contre les Israéliens d'entre les maisons
habitées, bien que les ordres soient clairs: de ne pas transformer les maisons
tranquilles en ligne de feu, - à eux aussi nous disons: obéissez aux ordres,
gardez la cohésion de la société palestinienne, et épargnez les maisons
des innocents. Nous consentons à offrir nos églises comme rançon pour toute
maison que l'on veut démolir. Mais nous ne pouvons pas consentir à ce que les
maisons de nos enfants soient démolies et qu'ils soient forcés à quitter leur
terre.
6. Nous prions en ces jours et nous marchons dans la voie de la
pénitence afin d'aller à la rencontre de Dieu. Nous disons à tout Palestinien et
à tout Israélien qui aime la paix et demande la sécurité: essayez de voir Dieu
avec nous. Aux Israéliens nous disons: dans la vision de Dieu., essayez de voir
que le Palestinien, chrétien ou musulman, n'est pas l'image que vous êtes
décidés à voir: il n'est pas le terroriste ni l'homme qui veut haïr et tuer.
Essayez de voir que votre occupation de sa terre depuis 1967, sa privation de sa
liberté, et aujourd'hui le siège des villes et villages avec toutes les
souffrances qui s'en suivent, essayez de voir que tout cela mène à ce que vous
appelez terrorisme, alors qu'il s'agit simplement du cri du pauvre et de
l'opprimé qui réclame sa liberté et sa dignité. Il y eut un temps où
vous-mêmes vous aviez réclamé votre liberté et aviez poussé le même cri de
l'opprimé. Souvenez-vous de cela et soyez aujourd'hui justes. Ce que vous
appelez mesures de sécurité est tout simplement une invitation à plus de
violence. Redonnez la terre à ses propriétaires, redonnez-leur leur liberté;
écoutez la voix de l'opprimé et du pauvre, car elle s'élève vers Dieu et Dieu
l'entendra un jour et l'exaucera.
7. A tous ceux qui souffrent parmi nos
enfants, nous disons: prenez patience. Nous vous rappelons le commandement
difficile, l'amour de l'ennemi. "Aimez vos ennemis et priez pour vos
persécuteurs, afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait
lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les
justes et les injustes" (Mt 5,44-45). L'amour n'est pas une faiblesse, ni une
fuite. Il est la vision de la face de Dieu dans tout homme, le Palestinien et
l'Israélien à la fois. L'Israélien qui détient notre liberté reste porteur de
l'image de Dieu. Avec cette vision, je purifie mon coeur de toute rancune
et je lui demande avec la force de l'esprit et de la vérité de mettre fin à son
oppression, de mettre fin à l'occupation de la terre et à la privation de la
liberté.
Nous demandons justice et paix, car Dieu est justice et paix. Pour
cela nous prions et nous jeûnons en ces jours, afin de nous purifier de nos
péchés, et afin de coopérer avec Dieu à la construction de notre nouvelle
histoire. Ici, sur notre terre Dieu s'est révélé et a manifesté son amour pour
tous les hommes. Demandons à Dieu de nous introduire dans les profondeurs de son
mystère, afin de le voir et de l'aimer: nous serons ainsi capables, tous
ensemble, de le voir dans toute sa créature et de l'aimer dans tous ses enfants
dans la justice, l'équité et la miséricorde.
Je demande à Dieu de vous donner
la force de l'esprit et de l'amour, afin que nous soyions tous ensemble prêts à
accueillir la gloire de la Résurrection. Amen.
4.
A propos des réfugiés palestiniens in La Lettre de la Maison d'Evry
(N°53)
Au delà du fait que les Etats Unis ont
pris des libertés inadmissibles avec l'ONU lors de la guerre du Kosovo, la
communauté internationale a, au final, voulu marquer fermement le refus de
l'épuration ethnique et le droit des réfugiés à retrouver leur foyer.
Dans
l'opinion mondiale quelque chose a alors changé. Les réfugiés d'où qu'ils
venaient pouvaient désormais croire qu'ils avaient un droit effectif à la
protection internationale et au retour.
De ce fait la représentation du
problème palestinien ne peut plus être tout à fait la même avant et après la
guerre du Kosovo. La passivité internationale devant des résolutions non
appliquées est devenue plus intolérable.
Les Etats-Unis et l'Europe, en
soulignant profondément dans l'opinion le délit de l'épuration ethnique et de
l'expulsion, prenait aussi l'engagement moral d'aider concrètement à la
résolution de toute injustice de ce type, future ou latente, où qu'elle se situe
dans le monde. C'était un avertissement et une promesse.
C'est du moins ainsi que
l'opinion entendait sur le moment les discours de justification de l'Otan
et des hommes politiques américains et européens. Jamais plus ça !
Mais il semble que les élans se soient
arrêtés aux portes de l'Europe. On renvoie Israéliens et Palestiniens dos à dos
comme s'il n'y avait pas dans ce cas épuration ethnique, comme s'il n'y avait
pas apartheid.
La langue est parfois lourde à nommer
ce qui est. Les jeunes victimes palestiniennes sont désormais plus
nombreuses que les martyrs de la place Tiennanmen. Et personne n'a jamais osé
lancer à la face des étudiants chinois qu'ils n'avaient qu'à rester chez
eux et que dans ce cas rien ne serait arrivé. Pourquoi alors certains se sont
permis de le faire à propos des victimes palestiniennes ? Le racisme est souvent
furtif.
Vis à vis des expulsés palestiniens,
un autre regard s'impose mais aussi un autre problème se pose.
L'ONU, en créant l'UNRWA, a donné à
des hommes et des femmes devenus apatrides le statut de citoyen du monde. Elle
les a placés sous sa protection directe, matérielle et morale. Ces hommes et ces
femmes sont donc de fait en relation privilégiée avec elle et ont,
individuellement, le droit à la continuité de cette protection tant qu'ils n'ont
pas retrouvé leur foyer et la citoyenneté qui lui est attachée ou tant qu'ils
n'ont pas individuellement renoncé à cette protection en choisissant eux-mêmes
un autre lieu de résidence que celui d'avant 1948 et une nouvelle
citoyenneté.
Aucun accord bilatéral ou multilatéral
(en théorie mineur par rapport aux résolutions de l'ONU) ne devrait pouvoir leur
retirer ce droit personnel au retour. Au nom de quel principe, l'ONU
pourrait-elle annuler sa promesse individuelle de protection ? Que vaudrait à
l'avenir ses autres promesses dans le cas où elle renoncerait à celle-ci ? N'y
a-t-il pas là un encouragement, qui ne sera pas près d'être oublié, à constituer
des états sur des bases "ethniquement pures" éventuellement d'ailleurs moyennant
finances ?
L'argument d'un envahissement d'Israël
par des réfugiés qui au fond ne demandent qu'à rentrer chez eux, laisse les bras
ballants. Un effort symbolique considérable a été réalisé par les palestiniens
quand ils ont renoncé à parler d'invasion à propos de l'immigration juive
d'après-guerre. Ils ont reconnu l'état d'Israël. Ils ont eu le courage de
replacer les événements de 1948 dans leur contexte historique international, et
ce malgré les traumatismes subis.
Chaque israélien devrait opérer
urgemment un changement de point de vue en réalisant que les Palestiniens ont
subi une part non négligeable du malheur de la Shoa, comme par ricochet. Tous
les israéliens devraient aujourd'hui comprendre qu'eux-mêmes et les palestiniens
sont frères de sang, non seulement au sens propre mais au sens figuré parce
qu'issus précisément du même malheur.
Le racisme est encore certes présent,
et dans tous les pays, mais une protection spécifique pour les juifs du monde
n'a plus lieu d'être aujourd'hui, tous ceux qui subissent le racisme doivent
être protégés. Israël s'est fondée sur l'accueil d'hommes et de femmes qui ont
souffert, c'est au fond par cet argument dépouillé que les palestiniens ont
justement reconnu cet état.
Les hommes, les femmes et les enfants
qui souffrent aujourd'hui sont dans les camps palestiniens, c'est d'eux entre
autres dont ils faut s'occuper.
Il a semblé "sans problèmes", sinon
électoraux et coloniaux, d'intégrer récemment plus d'un million d'immigrants des
pays de l'Est en Israël avec, soit dit en passant, l'impossibilité de contrôler
grand chose sur.. - on ne sait plus quel mot employer - l'origine des gens. La
droite israëlienne (et avec elle une partie de la gauche) tombera-t-elle dans le
paradoxe absolu de demander des tests ADN et des mesures anthropométriques pour
distinguer les juifs et les autres au passage de frontière ? Comment parler
ensuite de la Shoah en soutenant une telle misère éthique ?
Que penser
de l'impasse dans laquelle s'engage la moitié de l'électorat israélien ?
Pense-t-elle que les crimes contre l'humanité perpétrés par Ariel Sharon à Sabra
et Chatila échapperont toujours à la justice ? Maurice Papon aussi, a cru
longtemps pouvoir y échapper.
Cette recherche par la droite
israélienne d'une sélection ethnique n'a-t-elle pas son exact correspondant dans
l'antisémitisme et n'incite-t-elle pas une nouvelle fois à regarder son voisin
non comme un être singulier mais comme le simple élément d'un groupe auquel on
attribuerait des propriétés (bonnes ou mauvaises d'ailleurs) ? Le racisme
ethnique ou social ne se fonde-t-il pas précisément sur la réduction de
l'individu à un supposé groupe ?
L'abandon des réfugiés à leur sort
n'annonce-t-elle pas des désordres démographiques sans fins pour les pays, qui
contre vents et marées, chercheraient à conserver leurs bases démocratiques et
leurs principes d'accueil ? Pourquoi après tout, les Tutsis ne revendiqueraient
par une parcelle du Rift éthiopien au nom du fait qu'ils sont descendants de
Lucie ( ils ne sont pas les seuls je crois, on finirait par se retrouver
nombreux là-bas) ? Quel précédent est-on en train de créer en acceptant de
renoncer au droit individuel au retour comme le proposent les américains ?
Alors certains répondent que les
événement du Kosovo sont récents et que dans le cas des Palestiniens un demi
siècle s'est écoulé, le fait est accompli, autrement dit "le sang sèche vite en
entrant dans l'Histoire".
Mais alors, que penser de la mission
française " Mattéoli ", relative aux " biens appartenant aux personnes
considérées comme juives par l'occupant ou les autorités de Vichy "..
confisqués, " ou d'une manière générale, acquis par fraude, violence ou dol dans
le cadre de la politique antisémite qui a sévi en France entre 1940 et 1944 "
?
Ce fait historique, comme la reconnaissance du génocide arménien, ne
change-t-il pas l'approche morale et juridique du problème de l'expulsion et de
la spoliation des populations palestiniennes ?
Le temps n'y fait rien (en tout cas
pas sur des dizaines d'années et un peu plus, le génocide Arménien en 1915, la
répression féroce de la Commune de Paris en mai 1871,..) et tous les démocrates
soutiennent la communauté juive de France pour que justice soit rendue malgré
les années écoulées.
Mais alors peut-il y avoir deux poids
et deux mesures ?
Un des arguments des défenseurs du
point de vue israélien dans les négociations actuelles est précisémment celui du
temps passé qui rendrait tout retour pratiquement impossible. Soit dit une fois
de plus en passant, que les palestiniens ne remontent pas, comme certains
fanatiques, à l'Antiquité mais seulement à 1948. Comment peut-on défendre le
devoir de mémoire et de réparation en France et dénier ce même droit aux
Palestiniens ?
Peut-on admettre une ségrégation
raciale à l'immigration, et encore, dans le cas des palestiniens, le terme
d'immigration est inapproprié puisqu'il s'agit de retrouver sa résidence et ses
biens.
Si la complexité technique du retour en Israël est certaine, le cadre
juridique et moral de la restitution des biens est très clair.
Dans le cas de la spoliation des juifs
pendant la guerre, le temps est aussi passé mais l'existence même (trop tardive)
de la mission " Mattéoli " réaffirme avec force et avec juste raison que malgré
le temps, la justice doit passer.
L'événement crée donc de nouvelles
obligations morales pour le gouvernement français mais aussi pour la communauté
juive de France.
Comme 1915 et 1940, 1948 est de
nouveau d'actualité.
Source
n°1
L'UNRWA (United Nations Relief and
Works Agency) a été créée en 1949 sur la base même de la Résolution 194 pour
traiter spécifiquement du problème des réfugiés palestiniens.
L'agence
définit un réfugié comme celui qui: "a eu sa résidence normale en Palestine
pendant deux ans au moins, avant le conflit de 1948 et a perdu son foyer et ses
moyens d'existence et a trouvé refuge en 1948 dans l'un des pays où l'UNRWA
assure des secours. Ceux qui sont réfugiés selon cette définition, et leurs
descendants directs ont droit à l'aide de l'Office s'ils sont dans le besoin,
s'ils sont enregistrés auprès de l'UNRWA et s'ils vivent dans une zone où cette
agence internationale opère (Liban, Jordanie, Syrie, et après 1967, Cisjordanie
et bande de Gaza)".
Source
n°2
La résolution 194 de l'Assemblée
générale des Nations unies du 11 décembre 1948 stipule à l'article 11 :
"L'Assemblée générale,...
Décide qu'il y a lieu de permettre aux
réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et
de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à
titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans
leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des
principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit
être réparé par les Gouvernements ou autorités responsables;
Donne pour instructions à la
Commission de conciliation de faciliter le rapatriement, la réinstallation et le
relèvement économique et social des réfugiés, ainsi que le paiement des
indemnités, et de se tenir en liaison étroite avec le Directeur de l'Aide des
Nations unies aux réfugiés de Palestine, et, par l'intermédiaire de celui-ci,
avec les organes et institutions appropriés de l'Organisation des Nations
unies;"
Source n°
3
Puis la résolution 242 du 22 novembre
1967 rappelle encore à l'article 2 paragraphe b la nécessité :
"De réaliser un juste règlement du
problème des réfugiés ;"
Source
n°4
Enfin le rapport du commissaire
général de l'UNRWA, Peter Hansen le 1er novembre 1998 rappelle le nombre de
personnes concernées, 3,5 millions de réfugiés :
"UNRWA has provided basic education,
health and relief and social services to generations of Palestine refugees, now
numbering some 3.5 million, in our five Fields of operation -- in Jordan,
Lebanon and the Syrian Arab Republic and in the West Bank and Gaza Strip."
Il ajoute que la majorité d'entre
elles ne vivent pas sur la bande de Gaza ni en Cisjordanie mais en Jordanie, au
Liban et en Syrie :
"you should note that while the
international community focuses on capital flows into West Bank and Gaza, the
majority of Palestine refugees live outside these two Fields -- over 60 per cent
reside in the other three Fields."
Source n °
5
Revue de presse
1. Interview de
Marwan Barghouti par Penelope Larzilliere
in La Croix du mercredi 28
février 2001
Marwan Barghouti , 41 ans, membre du Conseil Législatif
Palestinien, figure importante du Fatah, et leader de l'Intifada Al-Aqsa,
tout particulièrement sur Ramallah. M. Barghouti a rejoint le Fatah lorsqu'il
avait 15 ans et a un Master de relations internationales de l'Université de Bir
Zeit. Il a passé six ans dans les prisons israéliennes et a été exilé en 1987.
Lors de la première Intifada, il était officier de liaison à l'OLP à Amman et
Tunis. Il est revenu en 1994 lors des accords d'Oslo.
- Attendez-vous
quelque chose de la visite de Powell au Proche-Orient et de la nouvelle
administration américaine ?
- Vous avez entendu ce qu'a dit Powell :
la violence palestinienne doit cesser. Comme si on pouvait comparer la violence
perpétrée par l'armée israélienne et notre résistance. Notre expérience des
négociations montre que nous n'en retirons aucun bénéfice, aucun accord n'est
respecté, sans une résistance active à la base. C'est ce dont nous essayons de
convaincre l'Autorité Palestinienne et les dirigeants politiques. Les Américains
cherchent avant tout à maintenir la désunion entre les pays arabes et à couvrir
ce que les Israéliens perpétuent ici. Ils sont une aide pour
Sharon.
- Est-ce que vous pensez que vous pouvez continuer ainsi
l'Intifada alors que les caisses sont vides, que les Palestiniens sont épuisés
par la situation et que les pressions internationales s'accentuent ? Beaucoup de
jeunes veulent quitter le pays.
- L'Intifada est un mouvement qui
est parti de la base et personne ne peut décider de l'arrêter. Bien sûr, la
situation économique est extrêmement difficile, nous subissons un siège depuis 5
mois, et nous avons beaucoup de morts et de blessés. Je comprends que des jeunes
veuillent partir. Mais c'est le prix à payer pour la liberté et l'indépendance.
L'objectif de l'Intifada, c'est la libération de Gaza et de la Cisjordanie, y
compris Jérusalem. Tant que nous ne rendons pas l'occupation extrêmement
coûteuse aux Israéliens à tous les niveaux, je ne pense pas qu'ils accepteront
un retrait complet. Le message que nous voulons leur faire passer, c'est donc :
pas de paix, pas de sécurité, pas de stabilité tant qu'il y aura occupation. La
situation ne va faire qu'empirer, c'est sûr, les attaques israéliennes vont
augmenter, l'ensemble du Moyen-Orient va entrer en crise et dans 6 mois les
Israéliens auront compris que ce n'est pas Sharon qui leur apportera la
sécurité.
- Peut-on parler d'une direction centralisée de l'Intifada
?
- C'est à la fois centralisé et non centralisé. Il y a un comité
de direction de l'Intifada qui regroupe 13 factions (parmi celles-ci le Hamas),
dont le Fatah est le principal leader. Nous avons une réunion une fois par
semaine où nous lançons des directions d'action, par exemple deux jours de
manifestation. Mais ce sont les comités locaux qui décident de suivre ces
directives ou non. Vendredi, le Fatah a édité un tract demandant de cesser les
tirs à partir des zones A. Mais ils ne nous écoutent pas toujours.
-
On parle beaucoup d'effondrement de l'Autorité Palestinienne ?
-
C'est exagéré. Certains ministères fonctionnent encore comme le Ministère de la
Santé ou de l'Education, d'autres non. Il a de toute façon toujours été
difficile d'établir un gouvernement centralisé du fait du découpage du
territoire entre la Cisjordanie, Gaza etc. et cela est encore accentué par
le bouclage qui morcelle le territoire. Mais je pense que là n'est pas le
problème. Nous avons demandé à Arafat d'instituer un gouvernement de l'Intifada
où l'ensemble des factions seraient représentées et qui adopterait le programme
politique de l'Intifada. Il ne s'agit plus de changer un ministre par un autre.
Il s'agit d'avoir un programme économique et politique. Par exemple, nous
voulons que les forces de sécurité palestiniennes changent de rôle et se
préoccupent maintenant de la sécurité des Palestiniens face aux
Israéliens.
- Vous lui aviez déjà demandé d'agir contre la
corruption.
- J'étais effectivement un des membres de la commission
d'investigation sur la corruption il y a deux ans. Tout le monde formule des
accusations de corruption et demande à Arafat de se séparer de ces personnes.
Nous espérons qu'il va bientôt s'occuper sérieusement de cette question sinon la
situation va devenir extrêmement difficile le mois prochain.
- Vous
pensez au cas du directeur de television, Hisham Mikki, personnage conteste, tue
à Gaza ?
- Nous sommes contre toute forme de violence interne, mais
il faut qu'Arafat envoie ces personnes devant les tribunaux. Le laissez-faire
peut être une porte ouverte à ces violences internes. Mais la popularité
d'Arafat lui-même est très bonne. Les Palestiniens apprécient qu'il ne cède pas
aux pressions internationales.
2. L'Iraq et la
nouvelle Administration américaine par Ibrahim Nafie
in Al-Ahram
Hebdo (hebdomadaire égyptien) du mercredi 28 février 2001
Le
bombardement aérien que les avions américains et britanniques ont entrepris il y
a quinze jours contre des cibles iraqiennes est un événement important, et non
une « mission de routine » comme le prétend l'Administration américaine. De par
sa complexité même, l'événement est porteur de leçons, car :
1. C'est la
seconde grande décision prise par l'Administration américaine au Moyen-Orient.
Elle avait en effet auparavant déclaré qu'elle n'allait pas s'en tenir au
compromis de l'ex-président américain au sujet du règlement final de la cause
palestinienne.
2. C'est la première opération américano-britannique contre
l'Iraq depuis décembre 1998. L'Administration américaine semble ignorer que les
dernières années ont été formulées de nouvelles propositions pour traiter avec
l'Iraq.
Les déclarations du secrétaire d'Etat américain Colin Powell
témoignaient d'ailleurs, à la veille de l'opération de bombardement, de
l'intention d'appliquer à l'égard de l'Iraq une politique de rigueur, mais dans
le cadre des résolutions du Conseil de sécurité. Les objectifs déclarés comme
arguments aux dernières frappes en sont une preuve évidente :
1. Le premier
argument est que certains comportements iraqiens sont inquiétants, comme la
reconstitution de plusieurs divisions militaires et leur mobilisation.
L'objectif serait de mettre l'Iraq en garde contre toute agression éventuelle,
voire de donner une certaine crédibilité à l'attaque américaine.
2. Le second
objectif se rapporte à ce que l'Administration américaine considère comme une
menace à la sécurité des Etats-Unis. Laissé sans surveillance, l'Iraq procède à
la reconstruction de ses capacités à produire des armes de destruction massive
et développer un programme d'armes chimiques et biologiques.
3. L'embargo
imposé à l'Iraq semble visiblement se relâcher. Des dizaines d'avions ont
survolé le ciel de Bagdad, sans permis des Nations-Unies. Les Etats-Unis
entendent adresser un message affirmant que ce qui a eu lieu dans le Golfe il y
a dix ans, représente encore un facteur principal dans le traitement avec
l'Iraq.
4. Le dernier argument enfin se situe paradoxalement dans le cadre
d'une autodéfense. Le système iraqien de radars et de missiles a effectué de
façon intensive 700 opérations contre les avions de l'Alliance. Ces opérations
lui permettraient avec le temps d'attaquer sans aucun problème.
Bref, la
question iraqienne vient en tête de l'agenda américain au Moyen-Orient. Mais
quels que soient les prétextes de l'Administration américaine, l'opération de
bombardement est l'expression d'une agression qui intensifie les tensions au
lieu de les calmer.
Ce qu'il faut signaler ici, c'est l'impact de cette
situation sur les positions au Moyen-Orient.
1. Les frappes contre l'Iraq ont
mis fin au climat d'optimisme qui avait dominé dans la région après l'élection
de Bush. Ses déclarations au sujet du Moyen-Orient inspiraient la confiance,
d'autant plus que le vice-président Cheney et le secrétaire d'Etat Colin Powell
connaissent la région et ont établi des relations avec plusieurs parties — ce
qui leur permet de tenir compte des considérations régionales.
2. La réalité
régionale a changé. Le blocus imposé au peuple iraqien a atteint un point qu'il
est impossible de négliger. Le sentiment de solidarité s'est accru à des niveaux
sans précédent au profit du peuple iraqien et en raison de l'épreuve qui leur
est imposée.
3. Les priorités régionales actuelles différent largement des
priorités américaines. Malgré son importance, la question iraqienne n'est pas le
problème le plus pressant. La priorité qui occupe aujourd'hui gouvernements et
peuples dans tout le monde arabe est la guerre déclenchée par Israël contre un
peuple attaché à ses droits légitimes, qui fait face à toutes sortes de
violence, de blocus et de tension.
Une vague de colère et de mécontentement
domine dans la rue arabe, faisant revenir à l'ordre du jour les slogans
traditionnels de la politique des deux poids, deux mesures et de la partialité
chronique à l'égard d'Israël. Tandis que la force militaire est mobilisée contre
l'Iraq, aucun acte n'a été entrepris pour arrêter les opérations barbares contre
les Palestiniens.
L'analyse des tendances générales, des réactions régionales
et internationales au bombardement américano-britannique signale l'existence
d'un accord général sur les points suivants :
1. Le problème iraqien doit
être résolu à travers des opérations politiques, et non militaires.
2. Le
recours à la force armée dans la région est inacceptable et n'aboutira qu'à des
effets désastreux.
Il faut enfin trouver une formule précise pour régler la
question iraqienne. Malgré notre refus de l'attitude des Etats-Unis à l'égard de
l'Iraq, il faut dire qu'aucun parti tiers ne peut vraiment résoudre ce problème,
seules les parties concernées, l'Iraq et les Etats-Unis, peuvent le faire.
3. Sharon tente
d'élargir l'union nationale à l'extrême droite et aux
religieux
Dépêche de l'Agence France Presse du mardi 27 février
2001, 23h01
JERUSALEM - Le Premier ministre israélien élu Ariel
Sharon, assuré de la participation des travaillistes à son gouvernement, a
entamé mardi des tractations avec les partis religieux et d'extrême droite pour
parachever sa coalition.
"La décision du parti travailliste de donner son feu
vert à l'union nationale a levé un obstacle important. Désormais, nous devons
aussi conclure un accord avec nos alliés du camp national", a déclaré à l'AFP
Raanan Gissin, un porte-parole de M. Sharon, à propos de la décision du parti
travailliste, de participer à un gouvernement d'union nationale.
Le parti
travailliste, le premier du pays, avec 24 députés sur 120, a voté lundi en
faveur de l'entrée dans le futur gouvernement Sharon.
M. Sharon peut
désormais se tourner vers les partis religieux et d'extrême droite.
Son
parti, le Likoud, a entamé mardi soir des négociations avec ces formations, a
annoncé la radio publique.
Le parti ultra-orthodoxe sépharade Shass (17 élus)
a obtenu la promesse que quatre ministères lui seraient attribués: l'Intérieur,
les Cultes, le Travail et la Santé. Il en exige toutefois un autre, les
Télécommunications, alors que le Likoud préfèrerait lui confier celui des
Affaires de la diaspora juive.
Une réforme de la loi électorale prévoyant la
suppression de l'élection au suffrage direct du Premier ministre divise en outre
le Likoud, qui veut la faire passer au plus vite, et le Shass, qui souhaite la
différer.
Le parti orthodoxe du Judaïsme unifié de la Torah (cinq élus) a
pour sa part reporté à mercredi ses négociations prévues mardi soir avec les
représentants du Likoud.
Les négociations s'annoncent également ardues avec
le parti russophone Israël Be Aliya (4 députés), qui exige l'Intérieur, ainsi
que les deux formations d'extrême droite, Israël Beteinou (4 députés) et Union
nationale (4 députés) qui revendiquent la présidence de la commission des Lois
du Parlement.
D'autres discussions doivent avoir lieu avec le Parti national
religieux (PNR - 5 élus), représentant des colons, qui a exigé deux ministères,
notamment l'Education, destiné par M. Sharon au Likoud.
M. Sharon souhaite
également obtenir le soutien d'un député du Parti du Centre, Dan Meridor, ainsi
que des frères David et Maxime Lévy, du Gesher.
"Le Premier ministre élu
espère pouvoir présenter son gouvernement au début de la semaine prochaine", a
ajouté M. Gissin.
Une autre difficulté potentielle pourrait intervenir avec
les travaillistes, dans la mesure où c'est le Comité central qui doit désigner
en début de semaine prochaine les huit ministres du parti.
Or, le maire de
Jérusalem Ehud Olmert, un responsable du Likoud, a souligné que M. Sharon se
réservait un droit de regard sur les titulaires des postes-clé de la Défense et
des Affaires étrangères.
En ce qui concerne le processus de paix, M. Sharon a
réaffirmé être prêt à rencontrer le président palestinien Yasser Arafat, mais
uniquement après un retour au calme.
"Je suis prêt à rencontrer le président
Arafat si le calme règne", a-t-il déclaré mardi lors d'un congrès de l'Agence
juive, organisation paragouvernementale chargée de l'immigration en Israël des
juifs de la diaspora.
Sur le terrain, la situation est restée très tendue,
avec la mort d'un Palestinien.
A Ramallah (Cisjordanie), Naïm Daran, 50 ans,
a été tué à son domicile par les éclats d'un obus de char israélien lors
d'accrochages.
Ce décès porte à 421 le nombre de morts depuis le début de
l'Intifada, le 28 septembre: 346 Palestiniens, un Allemand, 13 Arabes israéliens
et 61 autres Israéliens.
Toujours à Ramallah, cinq Palestiniens ont été
blessés lors de heurts avec l'armée, et dans la bande de Gaza, un Palestinien de
13 ans a été grièvement blessé à la tête par des tirs israéliens.
Non loin de
là, trois Israéliens ont été blessés, dont une femme grièvement, par des tirs de
Palestiniens contre le minibus qui les ramenait du secteur industriel d'Atarot,
en Cisjordanie, à Jérusalem.
4. L'ONU
distribue de la farine dans la bande de Gaza
Dépêche de l'agence
Associated Press du mardi 27 février 2001, 16h21
GAZA - Le Programme
alimentaire mondial (PAM) des Nations unies a commencé mardi la distribution
mensuelle de rations de farine aux Palestiniens de la bande de Gaza, qui se
trouvent dans une situation difficile après cinq mois d'affrontements avec les
soldats israéliens et de bouclage des territoires.
C'est la première fois
que le PAM, plutôt actif dans les zones de guerre ou menacées de famine, lance
une opération de cette envergure (4 millions de dollars/4.39 millions
d'euros/28,77 millions de FF) dans cette zone. Un Palestinien sur trois vit avec
moins de 2,4 euros (15,74FF) par jour, contre un sur cinq avant le début de la
nouvelle Intifada fin septembre 2000. Le taux de chômage a grimpé de 11 à 40%
sur la même période.
Mushtaq Qureshi, représentant du PAM à Gaza, a précisé
qu'environ 250.000 Palestiniens devraient profiter de la distribution de 50kg de
farine par mois, qui se déroulait mardi devant le ministère palestinien des
Affaires sociales. Des rations d'urgence sont également fournies par d'autres
agences ou organisations humanitaires mais il n'a pas été fait état de famine
pour le moment.
5. Powell
rencontre les deux parties au Moyen-Orient, mais avance peu par Jane
Perlez
in The New York Times (quotidien américain) du lundi 26 février
2001
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Kuwaït City - Le Secrétaire d'Etat Colin
L. Powell a fait son entrée dans le conflit israélo-palestinien, aujourd'hui, au
cours d'une tournée en limousine blindée qui a démarré de l'élégant hôtel King
David de Jérusalem, pour se retrouver immédiatement dans le chaos économique de
la Cisjordanie, après avoir franchi un barrage de fil de fer barbelé.
A
l'hôtel, le Général Powell était réuni, dans une pièce lambrissée, avec un autre
général en retraite, le premier ministre élu d'Israël, Ariel Sharon : il dut
entendre des propos peu amènes : pas de négociation "sous la pression de la
violence et du terrorisme".
A Ramallah, au quartier général blanchi à la
chaux de Yasser Arafat, le Général Powell entendit des arguments similaires du
leader palestinien, qui faisait sa première réapparition dans son bureau de
Cisjordanie depuis le début des violences actuelles, voici cinq mois de
cela.
Le secrétaire d'Etat n'a fait qu'une timide percée pour tenter de
sortir du blocage actuel. Les négociations en vue de la paix sont loin devant
nous, elles sont après un long tunnel bloqué, a-t-il dit, et la situation s'est
tellement aggravée que "le mieux que nous puissions espérer à court terme est
une réduction du niveau des violences".
Même cet objectif est loin d'être
assuré. "Savoir qui va mettre la clé dans la serrure et commencer à tourner le
loquet" représente toujours un pari difficile, a dit Powell.
Le général a
reçu le baptême du conflit qui est en train de se durcir inexorablement dès le
deuxième jour d'un voyage de trois jours largement consacré à la mise en forme
de l'une des plus importantes priorités en matière de politique étrangère, pour
l'administration Bush : des sanctions plus précisément ciblées contre la
personne du leader irakien, Saddam Husseïn, et la reconquête d'un soutien arabe
à ces sanctions, soutien qui fait cruellement défaut actuellement.
Jusqu'ici,
le général a pu constater que, bien qu'il incarne une nouvelle administration
jouissant d'une réputation dans le monde arabe plus favorable que celle de
l'administration sortante (Clinton), ses efforts visant à contrer M. Husseïn
sont obérés en partie par l'hostilité croissante, dans la région, à l'égard de
ce qui est considéré comme un soutien américain à Israël, contre les
Palestiniens.
Son détour par Israël et les territoires palestiniens a donné
au général Powell une opportunité d'adouber les deux leaders, dont il dit
volontiers qu'il les connaît depuis fort longtemps, et aussi pour tester jusqu'à
quel point l'administration Bush devrait s'impliquer dans un conflit qui a
représenté l'axe de la politique étrangère impulsée dpuis la Maison Blanche à
l'ère clintonienne.
Après avoir rencontré les deux leaders, le Général Powell
offrit quelques sentences candides en pâture aux journalistes qui faisaient le
déplacement avec lui. Il déclara, notamment, que "M. Arafat a peu changé : il
maintient les positions qui ont toujours été les siennes". C'est ce que Powell a
dit à l'issue d'une conversation de 90 minutes avec Arafat, ajoutant que la
conversation avait été vive à plusieurs occasions.
"Ai-je vu quelqu'un que je
n'aurais jamais vu auparavant ?", ajouta-t-il. "Non".
M. Sharon, d'autre
part, a dit le général, était très soucieux, "conscient de l'énormité du
problème", et du fait que "beaucoup de gens se souvenaient de lui, à cause d'une
autre occurrence", ce qui était apparemment une allusion au sentiment
d'Israël-même, selon lequel M. Sharon avait été indirectement impliqué dans les
massacres dont deux camps de réfugiés palestiniens de la périphérie de Beyrouth
avaient été le théâtre, au cours de l'invasion du Liban, en 1982.
A la
question de savoir si M. Sharon était un leader conservateur à même de réaliser
une avancée significative avec les Palestiniens, comme le conservateur Nixon
l'avait fait vis-à-vis de la Chine, par exemple, le Général Powell répondit :
"Supposer que nous sommes dans ce cas de figure serait une spéculation en l'air.
N'oublions pas que nous sommes, ici, au Moyen-Orient".
Le trajet de Jérusalem
vers la Cisjordanie, passant par le chemin des écoliers pour des raisons de
sécurité, fut le premier déplacement du général en territoire palestinien, mais
il fut amplement suffisant pour lui donner un aperçu, à travers les vitres
fumées de sa limousine, du contraste criant entre l'opulence du côté israélien
et l'économie en ruines du côté palestinien.
Sur le chemin du retour de la
Cisjordanie vers l'aéroport de Tel-Aviv, le cortège du général emprunta une
autoroute israélienne à quatre voies, sur laquelle le trafic était très fluide,
en conséquence du bouclage de la Cisjordanie.
Le général Powell a déclaré
qu'il n'avait jamais vu les colonies israéliennes qui encerclent la banlieue est
de Jérusalem, et qu'il avait été stupéfait de voir "qu'elles sont serrées les
unes contre les autres" et qu'il était préoccupé par "la difficulté que présente
l'aplanissement de l'ensemble de cette situation".
Au cours de son
petit-déjeuner officiel avec M. Sharon, le général a entendu le leader israélien
insister sur les gestes que les Palestiniens doivent faire avant que les
Israéliens ne puissent envisager de relâcher le garrot économique qu'ils ont
placé sur le cou de l'Autorité palestinienne.
M. Sharon exigeait notamment
que M. Arafat fasse une déclaration publique, en arabe et sur les médias
palestiniens, dans laquelle il renonce à la violence et dise à son peuple que
cette violence doit s'arrêter, ont rapporté des officiels israéliens. M. Arafat
s'était engagé à le faire, au cours d'une conférence présidée par le président
Clinton, à Sharm le-Sheykh (Egypte), au mois d'octobre dernier, mais le leader
Palestinien n'a pas tenu ses engagements, ont-ils ajouté. Il a été dit aussi que
les Israéliens attendaient certaines "mesures pratiques" de la part de M.
Arafat, apportant un gage qu'il avait demandé aux membres de sa milice de mettre
un terme à leurs activités (insurrectionnelles).
A la question de savoir si
M. Arafat était à même de contrôler la violence arabe - cette question qui
embarrassait tellement l'administration Clinton - le général Powell répondit en
suggérant que M. Arafat pourrait bien être capable de faire plus que cela. "Il
détient assurément un certain niveau de contrôle sur la plus grande partie de
l'activité (militaire)", a-t-il dit. "La question qui reste posée est celle de
savoir s'il exerce tout le contrôle à sa disposition ? Cela reste à
démontrer."
Pour sa part, M. Arafat s'est plaint au général Powell du fait
qu'il était soumis à des restrictions tellement draconiennes de la part des
Israéliens qu'il avait dû emprunter un hélicoptère au roi Abdullah de Jordanie
pour venir, par la voie des airs, jusqu'à son quartier général de
Cisjordanie.
"Ils m'empêchent d'utiliser mon hélico personnel", lui a dit M.
Arafat. Un problème particulièrement préoccupant pour les Palestiniens est le
gel par le gouvernement israélien, "en rétorsion contre la violence
palestinienne" de 57 millions de dollars de TVA perçue sur des biens achetés par
des Palestiniens en Israël, et de taxes douanières. Le Département d'Etat
américain a demandé aux Israéliens de débloquer ces fonds afin que l'Autorité
palestinienne puisse honorer les salaires de ses fonctionnaires et de ses agents
de sécurité, pour le mois de janvier 2001.
Le général Powell a indiqué qu'il
n'avait pas insisté sur ce sujet auprès de .M Sharon, car il était tout-à-fait
clair, au cours de leurs conversations, que ce dernier ne ferait rien dans le
contexte actuel de "spirale de la violence".
L'un des fossés les plus
évidents entre M. Arafat et les Israéliens - et aussi, l'administration Bush -
réside dans le fait que le leader palestinien ait insisté auprès du général sur
le fait que les négociations devaient reprendre au point où elles avaient été
interrompues à la fin du mandat du président Clinton.
La Maison Blanche
bushienne a désavoué les propositions avancées par le président Clinton, disant
qu'elles lui étaient propres et n'appartenaient qu'à lui. Mais M. Arafat a dit,
en présence du général Powell, qu'"aucun gouvernement ne pouvait, en réalité,
faire table rase du travail d'un gouvernement précédent".
Mettant le doigt
sur la profondeur de la défiance entre les deux parties, le général Powell a dit
qu'il avait découvert que les contacts exploratoires en vue d'améliorer la
sécurité étaient tellement timorés et pleins de susceptibilité qu'il avait peu
d'espoir de les voir aboutir. "Vont-ils porter leurs fruits, ou non, je n'en
sais rien", a-t-il dit. "Il y a eu tellement de tentatives, dans le passé, qui
n'ont abouti à rien"...
6. La paix était
possible au Proche-Orient par Charles Enderlin
in Libération du lundi 26
fevrier 2001
(Charles Enderlin est correspondant permanent de France
2 à Jérusalem.)
Le journaliste de France 2 a été un
observateur privilégié des négociations entre Israéliens et Palestiniens. Et
révèle les raisons de l'échec.
Le réparant un documentaire sur le
processus de paix, j'ai été le témoin privilégié des négociations
israélo-palestiniennes depuis le mois de septembre 1999. Des dirigeants, des
négociateurs, des médiateurs ont accepté de témoigner en temps réel devant ma
caméra, avant et après chaque rencontre importante officielle ou secrète. La
seule condition était que ces confidences ne soient pas diffusées avant la fin
de l'an 2001. Mais, face aux inexactitudes, aux arguments de propagande, aux
mensonges publiés au sujet de ces pourparlers, j'estime devoir apporter mon
témoignage sans enfreindre la promesse de secret faite à mes interlocuteurs.
L'accord était possible. Il n'a pas été conclu en raison d'erreurs
stratégiques et tactiques commises par les deux parties. Pendant dix-huit mois,
l'abîme de méfiance qui existait entre les leaders a hypothéqué le processus de
paix pour, finalement, le mener à l'échec. Craignant de perdre la face dans le
cas où Arafat lui ferait une promesse personnelle pour ensuite la renier, Barak
a limité au minimum ses contacts avec le chef de l'OLP et n'a jamais participé
directement aux négociations. A Camp David, les Palestiniens ont fini par
demander à Bill Clinton et Madeleine Albright pourquoi Barak refusait de
rencontrer Arafat le soir pour faire le bilan de la journée et prendre des
décisions. Les Américains ont répondu: «Le Premier ministre ne travaille pas
ainsi!» Durant les quinze jours de ce sommet, les deux hommes n'ont pas eu une
seule discussion sur le fond. Les autres rencontres entre Arafat et Barak n'ont
porté que sur des généralités et la logistique du processus de paix.
Le
retour à la technique des négociations parallèles, secrètes, a encore avivé la
suspicion du président palestinien. Déjà, pendant près de trois ans, Benyamin
Netanyahou l'avait utilisé pour temporiser, tout en faisant croire que les
pourparlers avançaient. Arafat, leader arabe de la génération des Nasser,
Hussein et Hassan II, voulait être traité comme tel. C'est avec lui que les
accords devaient être finalisés, personne d'autre.
Le 28 juillet 1999, lors
de leur première rencontre après son élection, le nouveau Premier ministre
israélien expliquait au président palestinien qu'il voulait passer directement
aux pourparlers sur le statut définitif. Arafat, lui, voulait, avant toute
chose, l'application des accords intérimaires suspendue huit mois plus tôt par
Benyamin Netanyahou. Ses conseillers expliquaient à leurs interlocuteurs
israéliens que la situation sur le terrain se détériorait, tant au plan
économique et social que politique. La popularité de l'Autorité autonome était
en chute libre. Le moindre incident risquait de dégénérer. Des émeutes avaient
eu lieu en janvier et en février 1999 à Khan Younes et à Rafah. Les
manifestations de colère se multipliaient en Cisjordanie contre la police et les
fonctionnaires palestiniens, contre les Israéliens. En février 2000, à
l'université de Bir Zeit, Lionel Jospin en fera les frais. L'intifada couvait.
Il y avait urgence.
Ehud Barak l'a compris trop tard. Endormi par les
rapports rassurants de ses renseignements militaires pour qui la situation sur
le terrain n'était pas inquiétante, il était surtout préoccupé par l'instabilité
de sa coalition gouvernementale, persuadé qu'il ne parviendrait pas à faire
accepter par sa majorité parlementaire l'application des derniers articles de
l'accord intérimaire: le transfert de nouveaux territoires à l'Autorité
autonome, la libération de centaines de prisonniers du Fatah encore emprisonnés
en Israël. Pour rétablir la confiance de la rue palestinienne envers sa
politique de paix, Arafat avait besoin de tels gestes de la part d'Israël.
Conseillé par les Américains, Barak a tenté d'amadouer le chef de l'OLP en lui
promettant, en février 2000, Anata, une petite localité située à l'est de
Jérusalem. Le chantage des ministres religieux a fait annuler cette concession.
En avril, il récidivait, décidait un retrait de 12 % de la Cisjordanie avec en
prime cinq faubourgs arabes de Jérusalem-Est, mais renonçait un mois plus tard.
Pendant ce temps, la construction dans les implantations se poursuivait sans
discontinuer. Barak esquivait des votes de censure au Parlement. Pour Arafat, il
manquait à sa parole.
Durant toute l'année écoulée, les négociateurs
israéliens et palestiniens m'ont régulièrement cité le manque de communication
personnelle entre leurs leaders comme un de leurs principaux handicaps. Malgré
cela, ils ont réalisé des progrès. A Taba, en janvier, jamais l'accord n'a été
aussi proche.
Sur le droit au retour des réfugiés palestiniens. C'est une
insulte à l'intelligence d'imaginer, comme l'affirme une certaine propagande,
que les dirigeants palestiniens croyaient possible de conclure un accord de paix
comportant le retour en Israël de trois millions sept cent mille réfugiés. La
vérité est qu'ils ne pouvaient accepter de renoncer à cette revendication
historique de l'OLP qu'en échange d'un Etat palestinien viable sur la
quasi-totalité de la Cisjordanie et de Gaza, avec pour capitale la partie arabe
de Jérusalem.
C'était là le compromis historique que Yasser Arafat aurait pu
présenter à son peuple qui compte 60 % de réfugiés. L'appel à la nouvelle
génération de Palestiniens aurait été: «Abandonnez votre rêve irréalisable, ne
cherchez pas à devenir israéliens mais venez construire votre pays.» Car les
réfugiés auraient eu quatre possibilités: recevoir des compensations financières
pour s'installer soit dans le nouvel Etat de Palestine, soit là où ils se
trouvent actuellement ou encore dans un autre pays qui les accepterait ou,
enfin, en Israël, selon les lois de l'Etat hébreu, c'est-à-dire en recevant la
nationalité israélienne et selon un programme de réunification des familles dont
le nombre exact était à négocier. Les négociateurs palestiniens ont posé en
premier le problème grave des réfugiés au Liban et suggéré un quota de dizaines
de milliers de personnes autorisées à revenir dans un délai de plusieurs années.
Les pourparlers sont allés dans cette direction, tournant autour des formules de
préambule à l'accord.
Il manquait du temps pour aboutir car, sur les autres
volets de la négociation, pour la première fois Israéliens et Palestiniens sont
tombés d'accord sur le concept de base permettant d'aboutir à la solution du
problème territorial posé par le maintien en Cisjordanie de blocs d'implantation
juives. Le principe était de réduire le plus possible le territoire annexé par
Israël autour de ces colonies et donc de laisser un maximum de villages
palestiniens sous la souveraineté palestinienne. Le résultat, selon la carte
proposée par les émissaires de Yasser Arafat, était un Etat palestinien viable
qui ne serait pas coupé en deux ou trois cantons comme le suggéraient les cartes
présentées jusqu'alors par les négociateurs israéliens. Seuls 3 à 4 % auraient
été annexées par Israël. C'est seulement lors de cette rencontre, moins de dix
jours avant les élections israéliennes, que les Palestiniens ont pour la
première fois présenté leur proposition de règlement du problème territorial.
Leurs interlocuteurs israéliens ont amèrement regretté qu'ils ne l'aient pas
fait beaucoup plus tôt.
Sur la question de Jérusalem-Est, les deux parties
ont fini par accepter le principe de base défini par les propositions de Bill
Clinton: les quartiers arabes seraient sous la souveraineté palestinienne et les
quartiers juifs sous souveraineté israélienne. C'était une concession majeure de
la part des Palestiniens qui acceptaient ainsi les nouveaux quartiers juifs
construits sur des territoires annexés après la guerre de 1967. La ville
resterait réunifiée, les secteurs arabes étant administrés par les Palestiniens.
Par manque de temps, les détails n'ont pas été négociés. La continuité
territoriale entre les divers quartiers enclavés, les patrouilles de police
mixtes israélo-palestiniennes... Une formule de compromis a été discutée au
sujet du statut du Haram El Sharif, l'esplanade des Mosquées, le troisième lieu
saint de l'Islam qui est aussi le Mont du Temple, le principal lieu saint du
judaïsme. Pour des raisons politiques, elle ne peut être révélée actuellement.
La dernière rencontre secrète entre le Palestinien Saeb Erekat et
l'Israélien Gilaad Sher a eu lieu le 31 janvier 2001. Ils ont tenté de préparer
un ultime sommet entre Arafat et Barak qui, peut-être, aurait changé le cours de
l'histoire. Mais les jeux étaient faits, l'élection d'Ariel Sharon, six jours
plus tard, ne faisait plus de doute. Il ne reste plus qu'à classer les procès
verbaux de Taba en attendant des temps meilleurs.
7. La Terre
sainte est laïque par Odon Vallet
in Le Monde du samedi 24
février 2001
(Odon Vallet enseigne aux universités Paris-I et
Paris-VII.)
La formation du gouvernement israélien et le processus de paix
au Proche-Orient butent sur un obstacle religieux : le culte païen des
pierres sacrées. Aucun accord entre communautés voisines et croyants rivaux
n'est possible si l'on se fie aux pieuses légendes qui transforment le moindre
édicule clérical en seuil du paradis. Cent ans d'archéologie et d'exégèse
biblique ou coranique ont largement montré qu'aucune confession ne saurait
s'approprier des sites et monuments aux origines si incertaines.
Ainsi, les
fils d'Abraham s'entretuent à Hébron, lieu supposé de la mort du père d'Isaac et
d'Ismaël, dont l'existence est plus mythique qu'historique. Déjà, en 1994, un
juif extrémiste avait tué vingt-neuf Palestiniens dans le « caveau des
Patriarches » où pas un seul squelette antique n'a été retrouvé et dont
l'enceinte aurait été construite par Salomon, « assisté par les
démons ».
En octobre 2000, des manifestants musulmans ont détruit le
prétendu tombeau de Joseph à Naplouse. Il est vrai que ce héros biblique et
coranique possède une autre dernière demeure à Hébron alors que, selon le livre
de la Genèse (50,26), le fils de Jacob et de Rachel fut « déposé dans un
cercueil en Egypte ». Rachel a une sépulture tout aussi incertaine à
Bethléem et les tirs d'armes automatiques y sont souvent meurtriers : pour
un tombeau légendaire, il y a cent tombes bien réelles.
Les pierres de
Jérusalem sont encore plus douteuses et sanglantes. Nombreuses sont les erreurs
sur le « mur des Lamentations » (les Français sont les seuls au
monde à nommer ainsi le mur occidental) du « Second Temple » (c'est
en réalité le troisième, après celui de Salomon et le petit Temple bâti en 520
av. J.-C. lors du retour de l'Exil à Babylone). On le présente souvent comme le
seul sanctuaire du Dieu unique alors que d'autres temples dédiés à Yahvé ont été
retrouvés dans le désert du Néguev (Arad), dans le delta du Nil (Léontopolis) et
en Haut-Egypte (Philae).
On peut avoir le plus grand respect pour les
croyants du mont du Temple et de l'esplanade des Mosquées sans pour autant
ajouter foi à des récits déformés. Ainsi parle-t-on souvent de l'«
Ascension » de Mahomet à Jérusalem alors que le Coran ne cite pas une
seule fois cette ville et que le prophète est mort de maladie à Médine. La
sourate 17 (versets 1 et 2) affirme seulement qu'Allah « amena de nuit son
serviteur à la Mosquée éloignée », laissant ouvertes toutes les
interprétations, notamment celle d'un itinéraire mystique et non d'un voyage
physique.
On peut admirer le chef-d'œuvre de l'art islamique qu'est le dôme
du Rocher sans croire à ce qu'il commémore : le sacrifice que projetait
d'accomplir Abraham sur Isaac (selon les juifs et les chrétiens) ou sur Ismaël
(selon les musulmans). Et il est légitime de s'interroger sur les vagues reliefs
qu'on y vénère à l'intérieur comme l'empreinte de la main de l'ange Gabriel (un
pur esprit n'a pas de mains) ou celle du pied de Mahomet.
Les pieds de Jésus
sont vénérés au domaine de l'Ascension du mont des Oliviers, comme si garder ses
pieds sur terre était une preuve de la montée au ciel du Christ. Les
innombrables Lieux saints chrétiens viennent d'ailleurs compliquer les
négociations de paix et rendre pratiquement ingérable tout partage rigoureux de
Jérusalem, voire toute barrière étanche entre Etats palestinien et israélien.
Catholiques et orthodoxes voient dans le Saint- Sépulcre le « tombeau
du Christ » (qui ne s'y trouve évidemment plus s'il est ressuscité), mais
certains protestants ne reconnaissent pas ce lieu comme authentique et lui
préfèrent la « Garden's tomb » située en dehors de la «
Vieille Ville ». Celle-ci n'est d'ailleurs pas si vieille puisque son
enceinte date de 1542 et ne correspond pas au périmètre de la cité de Salomon ou
de celle d'Hérode.
Pour le Christ, il n'y avait pas plus de Terre sainte
(l'expression ne figure pas une seule fois dans le Nouveau Testament) que de
pierres sacrées. Et si, pour le judaïsme, la terre (eretz) d'Israël est bénie,
nul ne connaît son étendue exacte tant les limites de l'antique Israël ont varié
au cours de siècles. Tout pèlerinage biblique doit donc transcender les limites
administratives et politiques : on peut situer l'apparition de Dieu à
Moïse dans le Sinaï égyptien, le Néguev israélien ou les montagnes d'Arabie et
supposer sous chaque tertre du Proche-Orient un épisode de l'Histoire
sainte.
Deux villages, l'un en Galilée et l'autre au Liban, se nomment Cana
et auraient été les lieux du miracle de Jésus changeant l'eau en vin. Deux
sites, l'un en Cisjordanie et l'autre en Transjordanie, auraient abrité le
baptême du Christ. Trois bourgades de Judée se disputent l'honneur d'avoir vu
l'apparition du Christ ressuscité à ses disciples sur le chemin
d'Emmaüs.
La propriété des Lieux saints évangéliques est partagée entre
quatorze confessions chrétiennes et une dizaine d'ordres catholiques, sans
oublier les grandes puissances européennes qui, comme la France, le Royaume-Uni,
l'Allemagne ou la Russie, tiennent leurs droits de « firmans »
(décrets) de l'Empire ottoman et ne peuvent être oubliées lors des actuelles
négociations.
Les progrès de l'archéologie proche-orientale ont transformé
les postulats de la croyance en recherches sur la mémoire. Celle-ci est le
patrimoine commun de l'humanité et l'enjeu sanglant des intégristes. Il n'y a
donc pas de paix possible tant que les remparts vénérables servent à jeter
l'anathème comme leurs meurtrières à lancer des projectiles. Il faut préserver
la diversité populaire de Jérusalem comme le pluralisme religieux de ses
habitants. La Bible a proscrit le culte des pierres et promu l'amour du peuple,
un mot qu'elle utilise mille huit cent cinquante fois et qui, dans sa version
grecque, se dit « laos », d'où dérive le mot français laïcité.
8. Amnesty International condamne les "meurtres
ciblés" commis par Israël par Mouna Naïm
in Le Monde du samedi 24 février 2001
SOUS LE TITRE
« Assassinats d'Etat et autres meurtres illégaux », Amnesty international a
publié, mercredi 21 février, un rapport documenté très sévère sur le
comportement de l'armée israélienne envers les Palestiniens depuis le
déclenchement de l'Intifada. Les attaques par des Palestiniens de civils
israéliens sont également sévèrement condamnées, mais c'est surtout la
politique, revendiquée par l'Etat juif, de liquidation de Palestiniens
coupables, ou présumés coupables d'actions anti-israéliennes, et l'usage
excessif de la force qui sont cloués au pilori.
Ce rapport est le résultat
d'investigations menées du 8 au 18 janvier en Israël et dans les territoires
palestiniens par une délégation d'Amnesty, incluant un expert militaire
indépendant, David Holley. Entre le 9 novembre 2000 et le 18 janvier 2001,
Israël a procédé à « l'exécution extrajudiciaire » de sept Palestiniens.
Amnesty, citant les témoignages des familles, des blessés, des témoins et des
représentants officiels des deux parties, déplore que l'Etat juif « ne présente
aucune preuve de culpabilité » des personnes ciblées. « L'identité de la
personne qui autorise les meurtres est aussi secrète que les informations
supposées "justifier" une telle action extrême et illégale », souligne Amnesty.
Dans certains cas, « les personnes ciblées ont été tuées alors qu'elles auraient
pu facilement être arrêtées », selon Amnesty qui cite plusieurs exemples à
l'appui.
Ainsi, le Dr habet, tué le 31 décembre devant son domicile près de
Tulkarem en Cisjordanie : il empruntait souvent la zone C, contrôlée par les
forces israéliennes, où celles-ci auraient pu l'interpeller. « Qui plus est
(...) six autres personnes, dont une seulement pourrait avoir été politiquement
liée à l'une des sept visées, ont été tuées et quatre autres blessées » au cours
de ces opérations.
Le rapport raconte les circonstances des sept meurtres qui
ont eu lieu dans cinq villes ou zones sous juridiction palestinienne. « Parce
que les exécutions extrajudiciaires sont universellement condamnées, la plupart
des gouvernements les gardent secrètes et démentent les avoir ordonnées. Mais le
gouvernement israélien, bien que n'utilisant pas l'expression "exécution
extrajudiciaire", ne dément pas que de tels meurtres délibérés sont menés sous
ses ordres », remarque Amnesty, citant des déclarations en ce sens faites par
des responsables israéliens. Aucune enquête n'a été ordonnée à leur sujet.
«
Les exécutions extrajudiciaires ont contribué à l'augmentation du cycle de la
violence et des actes de vengeance dans les territoires occupés », où quatre
Palestiniens accusés de collaboration avec Israël ont été condamnés à mort par
une Haute Cour de sécurité militaire palestinienne, sans avoir le droit de faire
appel, « lors de procès sommaires et injustes ». Deux d'entre eux ont déjà été
exécutés, rappellent les délégués d'Amnesty.
Ils dénoncent, par ailleurs, les
tirs dirigés de ou vers des zones résidentielles palestiniennes et israéliennes,
que ces tirs soient le fait de l'armée israélienne ou des Palestiniens. Mais ils
relèvent à cet égard qu'en riposte aux tirs palestiniens, Israël a fait un «
usage disproportionné » et aveugle de la force, y compris, « bien que ce ne soit
pas la règle » des obus de chars de 105 et 120 mm « contre des immeubles qui
étaient fréquemment utilisés par des Palestiniens armés ». Ils ont rassemblé des
preuves de l'utilisation par les forces de sécurité israéliennes d'armes
hautement explosives telles que les grenades M 203. Lorsque ces grenades
explosent à au moins quinze mètres du sol, elles blessent ou tuent. Des exemples
sont cités à l'appui de ces constatations.
Amnesty invite le gouvernement
israélien à renoncer à sa politique de « meurtres ciblés » et à « agir
immédiatement pour assurer le respect des vies humaines. Ceux qui ordonnent ou
commettent des exécutions extrajudiciaires doivent être traduits en justice »,
ajoute l'organisation, qui réclame que des enquêtes soient menées sur chaque
assassinat et que les résultats en soient rendus publics. Elle demande à l'Etat
juif de respecter les normes internationales en matière de recours à la force et
de faire acte de réparation envers les familles de victimes.
L'Autorité
palestinienne est exhortée à agir de manière efficace pour interdire à quiconque
sous sa juridiction d'attaquer ou de mettre en danger la vie de civils, les
contrevenants devant être traduits en justice « lors de procès équitables sans
possibilité de condamnations à mort ». Des enquêtes doivent également être
conduites par l'Autorité après chaque meurtre de civils, et leurs résultats
rendus publics. Le président Yasser Arafat est enfin invité à commuer la peine
de mort déjà prononcée à l'endroit de certains et « à abolir la peine capitale
».
9. Sharon déclare à la Conférence des Présidents : "la
diaspora doit élever la voix à propos de Jérusalem" par Tamar
Hausman
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du vendredi 23 février
2001
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Le Premier ministre israélien élu, Ariel Sharon, a déclaré hier soir qu'il
est du devoir de la Diaspora juive de proclamer haut et fort sa volonté de
conserver Jérusalem unifiée, durant un discours prononcé devant des membres de
la Conférence des Présidents des Organisations Juives Américaines les plus
importantes (Major American Jewish Organizations). Il s'est attiré des
applaudissements appuyés lorsqu'il a réitéré son intention de ne jamais laisser
diviser la capitale du peuple juif. C'était la première fois que Sharon
rencontrait une organisation juive de cette importance, depuis son élection.
"Non seulement vous pouvez intervenir, mais vous en avez le devoir,
lorsqu'il est question de Jérusalem", a dit Sharon. "Jérusalem est sacrée pour
les Juifs, pour les Chrétiens et les Musulmans, mais c'est aux Juifs qu'elle a
été promise". Son discours, hier soir, à Jérusalem, concluait le congrès
annuel de la Conférence, qui dure quatre journées et est considéré comme le
porte-parole de la communauté juive aux Etats-Unis.
Le président de la
Conférence, Ron Lauder, était assis, à la tribune, à côté de Sharon. Il avait
été soumis à un tir à boulets rouges de la part de nombreux Juifs américains qui
avaient considéré sa participation, en tant que particulier, à un meeting tenu
le 8 janvier dernier pour la cause de la non-partition de Jérusalem, comme
tout-à-fait fâcheuse, en raison de son rôle représentatif officiel. La semaine
dernière, la Conférence, qui réunit cinquante-quatre membres, a adopté une
motion établissant que le secrétaire est le vice-secrétaire exécutif, Malcolm
Hoenlein, ne sont pas autorisés à "parler en leurs propres noms".
Sharon a
répété son intention de former un gouvernement d'union nationale, indiquant
qu'il "fait de réels efforts" pour y parvenir. "Un gouvernement d'union
nationale permettra d'éviter la guerre et de reprendre des négociations" avec
les Palestiniens, a-t-il dit, ajoutant qu'il s'était adressé au Président de
l'Autorité Palestinienne, Yasser Arafat, la semaine dernière, pour lui dire
qu'il était "prêt à abandonner certaines exigences préalables, mais que le
rétablissement du calme était une condition sine qua non. En signe de bonne
volonté, je lui ai dit que nous pourrions même entreprendre les négociations
immédiatement. Mais le lendemain, une nouvelle vague de terreur commençait, et
la personne qui en est responsable, c'est Arafat".
Sharon a déclaré qu'il a
l'intention de renforcer les liens entre Israël et la diaspora (juive) et qu'il
considère la communauté juive américaine, bien organisée, "comme un atout
stratégique majeur pour Israël - et je vais consacrer beaucoup de temps à le
développer". Il envisage de "restaurer" les relations entre Israël et le Congrès
américain et d'établir de bonnes relations avec la nouvelle administration du
président George W. Bush. A propos de son projet de créer "la paix avec la
sécurité", il a déclaré : "la paix doit être la paix pour des générations à
venir. La paix doit apporter la sécurité au peuple juif" ; commentaire reçu très
favorablement par l'assistance. Sur sa liste d'objectifs à atteindre pour son
mandat, on trouve : l'équité sociale, le renouvellement du Sionisme et de la
fierté juive, l'encouragement à l'immigration. Sharon a appelé à amener un
million d'immigrants supplémentaires en Israël au cours de la décennie
commençante.
Qualifiant le regain d'antisémitisme (constaté) dans le monde
entier de "tendance très dangereuse", le premier ministre élu d'Israël a dit que
l'antisémitisme augmentait "lorsqu'Israël semble affaibli", en conséquence de
quoi, un Israël plus fort et plus en sécurité ne pourra que renverser la
tendance.
10. Israël
rejette les critiques formulées par la France sur son inaction en matière
d'extradition de personnes coupables de blanchiment d'argent sale par
Yossi Melman
in Ha'Aretz (quotidien israélien) du vendredi 23 février
2001
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Les responsables israéliens rejettent les allégations françaises selon
lesquelles Israël aurait refusé d'extrader des personnes en fuite soupçonnées
d'avoir trempé dans le plus large réseau de corruption organisé en France au
cours des années récentes, allant même jusqu'à leur permettre de déposer les
fonds détournés dans des banques israéliennes.
Un porte-parole du ministère
de la Justice a qualifié les allégations du parquet français et des sources
judiciaires françaises d'"attaque anti-israélienne sans précédent", ajoutant :
"L'avocat général de l'Etat d'Israël a pris, et continue à prendre, toutes les
mesures possibles afin d'aider les Français dans cette affaire. Il y a
maintenant un an de cela, les Français avaient promis de fournir à Israël des
éléments qui auraient dû permettre d'avancer dans cette enquête, mais ils ne
l'ont pas encore fait. Ils ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes".
Cette
semaine, a commencé en France le procès de 124 prévenus dans la plus importante
affaire de fraude enregistrée en France depuis des années. Ils sont accusés
d'avoir détourné 77 millions de $, de 33 banques et compagnies d'assurance,
durant les années quatre-vingt dix, en recourant au système dit de la
"pyramide".
Ils ont été accusés d'avoir monté une ribambelle
d'affaires-écrans, qui se sont passé des ordres bidons les unes aux autres, les
factures étant ensuite utilisées pour obtenir des crédits bancaires. Les fausses
sociétés auraient alors échangé des ordres entre elles, de manière à créer un
chaos comptable. La seule chose que la dernière société, en bout de chaîne,
aurait alors eu à faire était de se déclarer en faillite.
Plusieurs des
accusés sont des Juifs originaires d'Afrique du Nord, et beaucoup d'entre eux
portent le titre de "Rav" (rabbin). Ils travaillaient dans le quartier de Paris
consacré au textile : le Sentier.
Au centre de toute cette affaire, se
trouvent treize prévenus, qui ont tous la double nationalité française et
israélienne. Sept d'entre eux se sont enfuis en Israël. Parmi eux, un ancien
sergent du Génie de l'Armée Israélienne, Chaim Weizman, surnommé Albert, est
considéré comme le "cerveau" de l'escroquerie. Le procureur de la République
avance que Weizman s'est enfui en Israël en emportant 33 millions de $ (une
partie seulement des fonds détournés) et les a placés sur des comptes en
Israël.
Les autorités judiciaires françaises ont formulé une demande
d'extradition, il y a un an et demi, à son encontre. Les autorités israéliennes
disent qu'Israël a refusé d'accéder à leur demande et avancent que des
institutions financières israéliennes, et en particulier la First International
Bank of Israel (FIBI) ont été utilisées (comme "machines à laver") pour blanchir
l'argent détourné.
L'accusation française avance que des agents du groupe
avaient pour habitude de prendre l'avion à destination d'Israël et d'y déposer
les fonds détournés dans différentes succursales de la FIBI. Un porte-parole de
cette dernière a déclaré que la banque "n'est en rien impliquée et ne saurait
être suspectée d'une quelconque action ayant à voir de près ou de loin avec du
blanchiment de fonds. La banque observe toutes les règles et règlements relatif
aux dépôts de fonds par les clients, de manière précisément à écarter toute
possibilité de blanchiment". Mais il est possible qu'une partie des fonds
détournés ait été "recyclée" par le recours à des changeurs opérant en Israël,
qui peuvent fort bien ne pas avoir eu connaissance de la provenance de l'argent.
Il est aussi possible que des chèques "en bois" (sans provision) remplis par les
compagnies-écrans qui ont déclaré frauduleusement leur état de faillite ait été
remis à des agents israéliens en "paiement" de commissions.
Des informations
publiées par les médias, en France, ont suggéré que certains des suspects
auraient assuré le financement de partis politiques israéliens de droite, y
compris le Likud et le Shas.
Weziman a donné une interview au journal
français Le Parisien, depuis sa planque en Israël : il y souhaite "plein succès"
à ses associés, actuellement inculpés. Cette interview a encore fait monter d'un
cran l'exaspération de l'accusation, en France. Des sources juridiques
israéliennes indiquent qu'après que la France eût formulé une demande officielle
d'extradition concernant Weizman, une équipe d'enquêteurs français s'est rendue
en Israël, où elle a rencontré des représentants du Bureau du Procureur de
l'Etat (d'Israël). Une source juridique israélienne rend compte ainsi de ces
conversations : "Nous leur avons dit que nous serions heureux de les aider dans
leur enquête, nous leur avons même donné quelques conseils sur la façon dont une
demande d'extradition et des pièces à convictions devraient être présentées".
Cette source ajoute que les Français n'ont absolument pas tenu compte de ces
observations.
Tout en maintenant que c'est la France qui est à blâmer dans
l'incapacité à prendre les mesures qui s'imposent, les sources juridiques
israéliennes reconnaissent que ce scandale a porté atteinte à Israël, en donnant
l'image d'un pays toujours prêt à servir de refuge à des criminels juifs et
constituant un endroit rêvé pour blanchir des fonds illégalement extorqués.
11. Arafat refuse la nomination d'un chef de
gouvernement palestinien
in Al-Watan Al-Arabi (hebdomadaire arabe
publié à Paris) du vendredi 23 février 2001
[traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
Des sources palestiniennes bien informées
ont révélé que le président Yasser Arafat "n'était pas du tout enthousiaste à
l'idée de nommer un chef de gouvernement palestinien dans l'immédiat, comme le
propose un document publié par l'"Instance de l'Indépendance Nationale" et
préparé par Salim al-Za'nun, président du Conseil National Palestinien, en
concertation avec un certain nombre de personnalités nationales palestiniennes.
Ce document appelle, en particulier, à commencer le travail préparatoire en vue
d'une "indépendance totale et complète de l'Etat de Palestine, en conformité
avec les décisions de la légalité internationale". Ce document insiste sur la
nécessité d'apporter la plus grande attention à la situation interne
palestinienne et à effectuer des changements importants devenus indispensables,
dans l'Autorité palestinienne, en prenant un ensemble de mesures dont la plus
importante est la mise à l'écart de toutes les "personnalités représentatives
impliquées de manière scandaleuse" dans des opérations de corruption et
d'enrichissement personnel illégal, la garantie du respect des droits de
l'homme et des libertés publiques, la suppression des tribunaux militaire et la
tenue d'élections municipales dans les différentes communes palestiniennes.
Cette charte exhorte également Arafat à nommer un chef de gouvernement, et ceci,
pour la première fois, qui prendrait en charge "toutes les affaires intérieures,
Arafat devenant le "président de l'Etat, chapeautant les trois pouvoirs
législatif, exécutif et judiciaire". Ces mêmes sources affirment qu'Arafat a
discuté longuement du contenu du document avec Al-Za'nun et d'autres
personnalités palestiniennes, et qu'Al-Za'nun a expliqué au Président
palestinien que le temps était venu de nommer un chef de gouvernement
palestinien, chargé du suivi des questions intérieures, ce qui permettrait au
Président palestinien (Arafat) de se consacrer aux grandes questions, et en
particulier au processus de paix et aux relations avec les pays arabes et
étrangers. Al-Za'nun a insisté, au cours de cette rencontre, sur le fait que la
nomination d'un chef de gouvernement ne réduirait en rien les prérogatives ni le
pouvoir effectif d'Arafat, car le Président palestinien resterait le Chef de
l'Etat et son premier responsable, le dernier recours en ce qui concerne la
signature des différentes décisions (gouvernementales). Mais, selon les sources
citée, Al-Za'nun a clairement indiqué que la finalité de cette proposition est
de mettre un terme définitif au mélange des genres entre l'autorité du chef de
l'Etat et les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, afin qu'aucun d'entre
eux ne puisse empiéter sur les autres. Le rôle du Président palestinien étant
d'assurer un équilibre, en dernière instance, entre ces trois pouvoirs.
Nos
sources rapportent qu'Arafat s'est emporté contre Al-Za'nun, l'accusant d'avoir
publié ce document et de l'avoir diffusé dans les médias avant de lui demander
son avis ou de lui permettre d'en prendre connaissance, ainsi qu'à un certain
nombre de personnalités palestiniennes concernées, alors que ces personnalités
sont citées dans le document en tant que fondatrices de l'Instance de
l'Indépendance Nationale. Selon ces sources, toujours, Arafat a informé
al-Za'nun du fait que la chose la plus importante, dans les circonstances
présentes, est de ne pas porter atteinte à la position du président palestinien
et de ne pas prendre de décisions ou de mesures qui pourraient créer des
divisions à l'intérieur de l'Autorité palestinienne, la priorité étant de faire
face à l'ennemi israélien, de récupérer les territoires occupés et d'établir
l'Etat palestinien. Nos sources indiquent qu'Arafat a fait savoir à Al-Za'nun
qu'il considérait, personnellement, inopportune la nomination d'un chef de
gouvernement palestinien dans les circonstances présentes, car il en assume
lui-même les responsabilité, mais il a promis d'étudier le document et d'en
discuter avec les instances dirigeantes palestiniennes.
12. Interview de Haydar Abdel Shafi sur le projet de
formation d'un gouvernement d'union nationale palestinien
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
- Palestine Report : Tout d'abord, pouvez-vous me
dire si l'idée de former un gouvernement d'union nationale correspond à la
proposition faite par le porte-parole du Conseil National Palestinien, Salim
Za'nun, au conseil central ?
- Abdel Shafi : Oui, bien sûr.
L'Autorité palestinienne actuelle n'est pas représentative de tous les courants
politiques. C'est là un des aspects négatifs de l'Autorité. C'est pourquoi je
pense qu'il doit y avoir un gouvernement d'union nationale, afin de faire face
effectivement, et de manière productive, à la crise dans laquelle nous nous
trouvons actuellement.
- PR : Quels sont les fondements de ce
gouvernement d'union nationale ?
- AS : Sa raison d'être est qu'il
permettrait d'unifier les instances décisionnelles palestiniennes et d'impulser
une action (politique) palestinienne unifiée, ce dont nous avons un besoin des
plus urgents. Un tel gouvernement permettrait de renforcer notre potentialité
pour faire face à la crise dans laquelle nous nous débattons actuellement.
Ainsi, en réalité, le concept d'un gouvernement d'unité nationale découle
directement du respect du principe démocratique, fédérateur de la volonté de la
majorité.
- PR : On entend dire, ici ou là, qu'une proposition en ce
sens a été soumise au Président Arafat. Pouvez-vous me dire quelle a été sa
position à cet égard ?
- AS : Jusqu'à présent, aucune proposition
n'a été présentée à Arafat, contrairement à ce qui a été répandu largement dans
la presse. Toutefois, je pense qu'une proposition lui sera soumise, à cet effet,
prochainement. La lettre qui a été soumise à Arafat émanait du comité de suivi,
et abordait le sujet (de la nomination d'un chef de gouvernement, voir article
précédent, NdT), mais pas la constitution d'un gouvernement d'unité nationale.
J'y insiste : nous allons soumettre un document - appelez-le une requête, si
vous voulez - à cet effet, et attendrons de voir ce qui se passera.
-
PR : Pensez-vous que ce gouvernement sera capable de faire face à la situation
post-Arafat. En d'autres termes : qui lui succédera ; comment les territoires
palestiniens vont-ils être administrés, etc... ?
- AS : C'est ce que
nous espérons. Je pense que le concept d'une autorité d'union nationale est la
solution la plus adaptée, permettant de répondre aux aléas de la situation,
quels qu'ils soient. Cela serait la solution la plus à même de couper court à
l'inflation des ambitions individuelles. Nous en avons un besoin urgent. Nous
vivons une crise énorme. Outre le fait qu'un gouvernement d'union nationale
fermerait la porte aux ambitions personnelles, il permettrait de réaliser un
véritable investissement de potentialités palestiniennes, qui sont actuellement
négligées et inexploitées.
- PR : Que signifie le fait de soulever la
question actuellement ? Cela a-t-il quelque chose à voir avec la situation
intérieure ; avec les négociations ?
- AS : En réalité, beaucoup
parmi nous envisageaient une telle idée depuis fort longtemps. La seule chose
qu'il restait à faire, c'était la traduire en réalité. Il faut dire que les
circonstances, par le passé, n'étaient pas lourdes de la même urgence
qu'aujourd'hui, et c'est la raison pour laquelle nous lançons cet appel
maintenant. Un grave danger menace notre avenir. Je parle sur les deux niveaux :
notre situation interne et aussi la manière dont nous devrions nous comporter
face à Israël et à son agression.
- PR : Dans la période récente,
nous avons vu une accumulation d'informations sur la corruption croissante de
l'Autorité palestinienne. Pensez-vous que le gouvernement d'union nationale (que
vous préconisez) serait à même de traiter ce genre de problèmes ?
-
AS : Si un gouvernement de ce type est formé, il aura pour devoir de traiter des
problèmes tels que la corruption - cela fait partie, d'ores et déjà, de ses
tâches majeures.
- PR : Comment les partis politiques seraient-ils
représentés dans un tel gouvernement : représentation proportionnelle, nouvelles
élections ?
- AS : Je pense qu'il faut que cela fasse l'objet d'un
consensus. Notre situation ne nous permettrait pas de consacrer du temps à des
élections, aussi, nous pouvons envisager que la représentativité du gouvernement
soit assurée grâce à la proportionnalité. Mais il faut, bien entendu, qu'aucun
parti n'exerce d'hégémonie sur les autres. L'une des tâches de ce gouvernement,
après avoir réglé l'urgence, serait de travailler à la préparation d'élections
(législatives). En effet, on en arrive rapidement à l'évidence qu'un
gouvernement représentant la volonté du peuple ne peut être qu'un gouvernement
élu.
- PR : Ce gouvernement inclurait-il jusqu'au président
?
- AS : Je pense que le président devrait en faire partie
intégrante. Etant donné que le président est considéré comme le chef du parti le
plus important, il y a une forte probabilité qu'il soit amené à diriger aussi le
gouvernement. Mais il ne pourrait le faire en fonction de ses options et
opinions personnelles. Il devrait adopter les options entérinées par le
gouvernement.
- PR : Il a été dit, également, que le Président Arafat
pourrait envisager de donner son accord à la formation d'un gouvernement d'union
nationale afin de pouvoir signer un accord définitif, en ajournant les questions
de Jérusalem et des réfugiés.
- AS : Ce serait une catastrophe
nationale, si un gouvernement d'union nationale acceptait cela. Mais -
gouvernement d'union, ou pas - le peuple reste la soupape de sécurité, dans tous
les cas de figure. Le peuple palestinien n'acceptera jamais une violation de ses
droits. Je doute fortement qu'un gouvernement d'union nationale accepte jamais
des concessions supplémentaires ou fasse l'impasse sur des sujets aussi
fondamentaux que Jérusalem ou les réfugiés.
- PR : Certaines
personnalités sont-elles déjà pressenties pour la formation de ce gouvernement
?
- AS : J'appelle à la formation de ce gouvernement, mais je n'en
serai en aucun cas le chef. Je n'y participerai peut-être pas personnellement, à
cause de mon grand âge. J'ai l'intime conviction que les meilleurs parmi les
Palestiniens devraient faire partie de ce gouvernement. Il est encore trop tôt
pour parler de personnalités nominativement. Tout d'abord, nous devons en
proposer l'idée au Président Arafat. J'espère qu'il acceptera. S'il refuse, il y
aura un problème. Cela signifierait qu'il veut que les choses continuent comme
maintenant. Nous n'appelons pas à la formation d'un gouvernement d'union
nationale comme ça, pour rien : nous pensons qu'il y a une nécessité nationale
et stratégique à le former. Mais... Arafat va accepter, n'est-ce pas ?
13. La paix, mais pas à n'importe quel prix
par Serge Dumont
in Le Soir (quotidien belge) du vendredi 23 février
2001
TEL AVIV - Trois sujets principaux ont fait les titres de la
presse palestinienne cette semaine : la poursuite de l'intifada et les
conséquences dramatiques du bouclage des territoires par Israël, la formation du
gouvernement d'union nationale en Israël, et la démission d'Ehoud Barak. Pendant
ce temps, les bulldozers israéliens continuent à raser les terres palestiniennes
dans la région de Kan Younis (bande de Gaza, NDLR), dénonce le quotidien « Al
Quds ». Le système d'irrigation est détruit et des hectares de terre agricole
rendus incultivables, poursuit-il.
Edité dans la partie arabe de Jérusalem, «
Al Quds » publie aussi des photos du village de Beit Jala bombardé par des chars
israéliens après que des tireurs palestiniens eurent ouvert le feu sur un
faubourg de Jérusalem. Il dénonce avec virulence ses confrères israéliens du «
Yediot Aharonot » qui ouvrent leurs colonnes aux partisans de l'option
jordanienne, un plan mis au point par Israël dans le courant des années
quatre-vingt afin d'éviter la création d'un Etat palestinien indépendant en
créant une « Confédération jordano-palestinienne ».
Publié à Ramallah, « Al
Ayyam » révèle cependant qu'Israël commence à assouplir le bouclage des
territoires en autorisant de nouveau l'entrée de nourriture, de médicaments et
d'essence dans la bande de Gaza par le point de passage israélo-palestinien d'Al
Mintar. Interviewé à ce propos, le responsable de la Commission palestinienne du
pétrole affirme que tout cela vient bien tard, puisque la plupart des stations
d'essence de Gaza sont déjà vides.
Impossible de consulter la presse
palestinienne sans tomber sur des photos de Yasser Arafat accompagnées de
longues citations du « raïs » (président) reprises in extenso. Dans « Al Quds »,
« Al Ayyam » et « Al Aya al Jedidah », Arafat explique ce qu'il attend de la
visite dans la région, samedi et dimanche prochains, du nouveau secrétaire
d'Etat américain Colin Powel. J'espère qu'elle contribuera a faire progresser le
processus de paix puisque les Etats-Unis en sont les premiers sponsors,
affirme-t-il.
La presse palestinienne reprend également les déclarations
faites par le ministre de l'Information Yasser Abed Rabo au micro de la « Voix
de la Palestine », qui l'interviewait mardi sur les opérations de liquidation de
cadres palestiniens menées par l'armée israélienne : Le gouvernement de Barak
est le seul responsable de ces méfaits et de ses conséquences, fulmine-t-il. Ce
sont des crimes de guerre, et leurs auteurs seront poursuivis même si cela doit
prendre du temps (...). Nous préparons des dossiers que nous présenterons aux
institutions internationales concernées par les crimes de guerre, les
assassinats, la colonisation et les autres méfaits du même genre.
En
Palestine, personne ne pleure sur le retrait d'Ehoud Barak de la vie politique
israélienne même si les commentateurs s'attendent au pire avec son successeur.
Pour le Dr Hanan Hachrawi, un membre du Conseil national palestinien qui publie
régulièrement une chronique sur le réseau « Arabic media net », le Premier
ministre sortant a préparé le terrain pour sa propre chute en promettant de
manière répétée qu'il accomplirait l'impossible. Il a voulu conclure la paix
avec sa victime palestinienne en poursuivant sa politique d'occupation
militaire. Il a, en quelque sorte, séparé le processus de paix de sa substance
et de son contenu.
La paix, il en est pourtant encore question dans les
médias palestiniens. Mais pas à n'importe quel prix selon le « Palestinian Times
», qui se demande quel droit auraient l'Autorité palestinienne et son leader
actuel (....) de conclure une paix basée sur l'épuration ethnique et sur la
légitimation du plus grand acte de vol de l'histoire.
14. Peut-on parler d'un effondrement de l'économie
palestinienne ? par Penelope Larzilliere
in La Croix du jeudi 22 février 2001
Les premiers
résultats d'une étude menée par les Nations-Unies sur l'impact du bouclage des
territoires palestiniens depuis le 1er octobre 2001 estiment à 1,15 billion de
dollars les pertes de l'économie palestinienne, c'est-à-dire 50 % de son PIB
pour la période considérée. De même, 75 % des revenus apportés par les
travailleurs en Israël ont disparu, une perte évaluée à 243 millions de dollars.
Odeh S. Zaghmouri, Président de la Fédération des Industries Palestiniennes : "
Ce sont tout particulièrement les secteurs du tourisme, du commerce, du bâtiment
et de l'agriculture qui sont touchés. L'agriculture moins à cause de la
fermeture des frontières internes et externes que des destructions de terrain
menées par l'armée israélienne. Comme ces secteurs représentent plus de 50% de
notre économie, celle-ci est affectée dans son ensemble et l'on peut
effectivement parler d'un début d'effondrement ". Les dommages aux bâtiments,
infrastructures, propriétés privées et terrains agricoles représentent plusieurs
centaines de millions de dollars selon l'étude des Nations-Unies. Le taux de
chômage est monté de 11 % à 38%. Du fait du haut ratio de dépendance des
territoires palestiniens, cela affecte les revenus de 29% de la population. La
situation économique se traduit par une hausse de 50 % du nombre des
Palestiniens vivant en-dessous du seuil de pauvreté (moins de 2,1 dollars par
jour selon la Banque Mondiale), plus d'un million de personnes. Le taux de
pauvreté est passé à 32 %. Le Programme des Etudes de Développement de
l'Université de Bir Zeit a présenté lundi 20 février une enquête d'opinion
publique sur l'impact du siège des territoires. Nader Said, directeur de
l'enquête, a signalé que la question des revenus constituait désormais le souci
numéro 1 des foyers palestiniens. Un tiers d'entre eux déclare avoir
complètement perdu sa source de revenus. Cette situation affecte tout
particulièrement la population de Gaza et des camps de réfugiés. A Gaza, 80 %
des foyers ont diminué leurs dépenses, 50 % ont emprunté de l'argent et dans 30
% des cas, les femmes ont vendu les bijoux en or qui constituent en général une
épargne pour les situations de crise.
Odeh S. Zaghmouri nuance cependant : "
Les secteurs de l'alimentation, des vêtements et des médicament souffrent moins
parce que cela concerne des biens de première nécessité et les consommateurs ne
peuvent pas y renoncer. Au contraire, les produits palestiniens améliorent leur
place sur le marché. Le secteur de l'alimentation a ainsi augmenté sa production
de 40 %. Certaines entreprises de ce secteur travaillent désormais en 2/8 voire
en 2,5 /8. Chaque année, nous importons d'Israël pour 3 billions de dollars et y
exportons pour o,8 billion. Mais maintenant les importations d'Israël sont
tombées à 1 billion. Cela s'explique essentiellement par la baisse des revenus,
la fermeture des frontières mais aussi par le boycott économique que nous avons
lancé. " Depuis le début de l'Intifada, un Comité Populaire pour le Boycott a
été fondé auquel participe la Fédération des Industries Palestiniennes,
l'ensemble des partis politiques et parmi eux en première ligne le Fatah avec
Marwan Barghouti et de nombreuses ONG et associations. " Officiellement,
l'Autorité Palestinienne ne peut pas décider de boycotter les produits
israéliens parce qu'elle est liée par des accords économiques, notamment ceux
d'Oslo et sa participation au libre-marché international. Le Ministère du
Commerce ne reconnaît pas le boycott par exemple, même si le Ministère de
l'Industrie par contre nous soutient. Les marchés publics vont désormais donner
la priorité aux produits palestiniens et les entreprises étrangères seront
obligées d'utiliser les standards palestiniens. Mais il ne s'agit pas ici d'un
boycott imposé comme ce que l'on avait pu voir certaines fois lors de la
première Intifada. Nous essayons avant tout de développer la conscience des
consommateurs. C'est une initiative qui est partie de la base, quelque chose
comme : on consomme leurs produits et avec cette argent ils achètent des armes
et nous tuent. On commence même à parler de boycott dans les mosquées. Nous
avons commencé par supprimer de la vente les produits des colonies qui ne sont
de toute façon pas autorisés sur notre marché. Cette première étape est franchie
et nous cherchons maintenant à boycotter l'ensemble des produits israéliens"
Dans l'enquête menée par le Programme des Etudes de Développement de
l'Université de Bir Zeit, 90 % des personnes ont déclaré avoir entendu parler de
la campagne pour le boycottage des produits israéliens et 75 % affirment acheter
moins de produits israéliens qu'avant. Cependant, les produits israéliens sont
encore largement présents sur les étalages. Est-il vraiment possible de trouver
des substituts pour tous les produits et les consommateurs sont-ils vraiment
prêts à changer leurs habitudes ? " Si je prend l'exemple du secteur
pharmaceutique, il y a une liste de seulement 50 médicaments pour lesquels il
n'est pas possible de trouver des substituts palestiniens, arabes ou
internationaux. Et cette liste ne représente que 2 à 3 % du marché
pharmaceutique. Un des problèmes que nous rencontrons est le goût des
Palestiniens pour les produits israéliens et étrangers dont ils ont l'habitude
de considérer qu'ils sont de meilleure qualité. Cependant, la qualité des
produits palestiniens a beaucoup augmente depuis l'instauration de l'Autorité
Palestinienne. Nous avons développé plus de 1000 standards et nous avons plus de
80 compagnies qui sont qualifiées ISO. Nous exportons à l'étranger : des
chaussures en Allemagne, des médicaments dans les pays de l'Est etc. Mais nous
nous sommes concentrés sur l'amélioration de la qualité de nos produits, sans
nous préoccuper de l'information de nos consommateurs. C'est pourquoi nous
réorientons maintenant nos efforts dans cette direction. Nous organisons une
campagne de présentation des produits palestiniens sous forme de foire
itinérante sur l'ensemble du territoire " Qu'en est-il de l'impact de la
situation sur vos relations avec des entreprises israéliennes ? " Nous avons
encore des contacts avec des entreprises israéliennes mais cela est difficile
psychologiquement et logistiquement. L'Association Industrielle Israélienne a
officiellement demandé au gouvernement de lever le blocus parce qu'elle souffre
de la situation. Certaines entreprises israéliennes produisent à 80 % pour le
marché palestinien. Mais les questions économiques passent toujours au second
plan en Israël, derrière les questions militaires et securitaires. Le
gouvernement israélien est avant tout composé de militaires, les hommes
d'affaires sont extrêmement peu représentés. "
15. Israël : le
pacte avec le loup par Victor Cygielman
in Le Nouvel Observateur
du 22 février 2001
La gauche au bord de l'éclatement ? L'entrée de certains travaillistes,
dont Barak et Peres, dans le gouvernement Sharon préfigure peut-être la
naissance d'un nouveau parti du centre...
A Jérusalem, les « zigzags » d'Ehoud
Barak - je démissionne... je reste... - laissent pantois. On y rappelle la
démission nette, sans atermoiements, de Bibi Netanyahou après sa défaite face à
Barak en 1999. On se rappelle également comment, en 1976, Itzhak Rabin, qui
avait succédé à Golda Meir comme Premier ministre, décida de démissionner parce
que son épouse, Léa, avait conservé un compte en dollars dans une banque
américaine, transgressant ainsi les règlements concernant les devises étrangères
en vigueur à l'époque.
Dans la nuit du 6 au 7 février, devant
l'étendue de sa défaite électorale, Ehoud Barak annonce son intention de
démissionner de la présidence du Parti travailliste et de la Knesset, et de se
mettre en congé de la vie politique « pendant un certain temps ». Moins d'une
semaine plus tard, le même Ehoud Barak annonce qu'il accepte de devenir le
ministre de la Défense d'Ariel Sharon. « Après tout, une semaine, cela
représente aussi un certain temps ! » ont commenté les moqueurs.
Mais ces revirements provoquent une
consternation générale. Car pendant toute la campagne électorale, Ehoud Barak et
son équipe avaient souligné qu'en votant pour Sharon, les électeurs opteraient
pour une politique radicalement différente et qu'ils devaient choisir entre la
recherche de la paix, qu'il personnifiait, et l'aventurisme militaire de Sharon.
Que reste-t-il désormais de « l'abîme politique et idéologique » séparant le
chef du Likoud du leader travailliste ? En affirmant que les progrès réalisés
pendant les négociations israélo-palestiniennes, en juillet 2000 à Camp David,
puis fin janvier 2001 à Taba, n'engageaient en rien le futur gouvernement
Sharon, Ehoud Barak a effacé d'un coup les différences entre les travaillistes
et la droite sur ce sujet primordial, ouvrant ainsi la voie vers un gouvernement
d'union nationale.
C'est le comité central du Parti qui
doit décider, le 25 février, de la participation des travaillistes au
gouvernement. Rien n'est encore joué. Cependant, au-delà des péripéties
actuelles, les pourparlers en vue de la formation d'un gouvernement d'union
nationale qui reposerait sur une alliance Likoud-Parti travailliste reflètent
les prémices d'une redistribution politique en Israël. La majorité des
responsables du Likoud ont peu ou prou abandonné l'objectif idéologique d'un
Grand-Israël. Sharon est prêt à accepter l'émergence d'un Etat palestinien sur
quelques 50% du territoire hier encore revendiqué par Menahem Begin, Itzhak
Shamir et lui-même comme « Eretz-Israël », la terre promise par Dieu à son
peuple, les Hébreux, il y a deux mille ans. Même chose chez les travaillistes,
où le camp des colombes a battu en retraite depuis que les ratés des
négociations de paix ont révélé l'écart qui subsistait entre des concessions
acceptables pour un gouvernement de gauche et les exigences des Palestiniens.
Quand on ajoute à cela les
conséquences sanglantes de « l'Intifada al-Aqsa » et la haine ranimée par ces
violences, on comprend mieux le rapprochement actuel entre la droite du Parti
travailliste et la gauche du Likoud. Les déclarations répétées de Sharon sur sa
volonté de gouverner avec les travaillistes et son insistance sur « l'inévitable
compromis douloureux » si l'on désire, comme c'est son intention proclamée,
faire la paix avec les Palestiniens ont aussi favorisé ce rapprochement.
L'émergence de ce bloc Likoud-travaillistes préfigure peut-être la naissance
d'une nouvelle formation politique. D'un parti capable d'élaborer un programme,
non seulement en politique étrangère, sur l'attitude à observer face aux
Palestiniens et aux Syriens, mais aussi en économie, sur la base d'une
approbation sans réserves du libéralisme et de la globalisation.
Si la plupart des commentateurs
israéliens de gauche déplorent le principe de cette alliance gauche-droite,
d'autres y voient au contraire une lueur d'espoir. Elle pourrait, selon eux,
favoriser à la fois le renforcement des structures modernes et laïques de l'Etat
- constamment ébréchées par le chantage des partis religieux - et la recherche
d'une paix réaliste. A leur avis, seule la présence de Peres et de Barak aux
côtés de Sharon pourra freiner l'impétuosité naturelle de ce dernier et empêcher
l'extrême-droite nationaliste et religieuse de dominer la politique israélienne.
Or il est intéressant de noter que le président Moubarak a souhaité que le
triumvirat Sharon-Barak-Peres puisse promouvoir la recherche d'une paix juste et
stable dans la région.
16. Les fiancés
palestiniens en attente d'expulsion
in L'Humanité du jeudi 22
février 2001
De notre correspondant
Elle, c'est Hayan, vingt-sept
ans, une jolie brune aux yeux noisette. Lui, c'est Mohammed, trente et un ans,
un grand maigre flottant dans son survêtement. Ils sont fiancés. Ils pleurent à
chaudes larmes à la sortie du tribunal de Draguignan (Var) lorsque les policiers
de la PAF les entraînent vers leurs voitures banalisées, direction l'aéroport
Nice-Côte d'Azur. Le soir tombe sur la sous-préfecture, madame Brangard, juge
déléguée par le président du TGI, vient de décider de prolonger pendant huit
jours leur placement en " zone d'attente ", le temps pour la police de préparer
leur expulsion vers la Turquie.
Ils sont sans papiers. Ils auraient pu dire
qu'ils étaient comme les autres naufragés de l'East Sea des Kurdes iraquiens.
Mais par fierté, sans doute, en tout cas pour rester ensemble, ils ont avoué
être palestiniens, nés et ayant grandi dans un camp du Sud-Liban. Un camp de
réfugiés qu'ils ont fui pour échapper, disent-ils, aux menaces du Hezbollah. Pas
de quoi émouvoir cependant l'avocat de l'administration policière, qui a estimé
que ces " citoyens de l'Etat de Palestine " (sic), qui étaient " peut-être
brimés mais pas persécutés ", ne pouvaient être admis en France. Les avocats de
la CIMADE et du GISTI, maîtres Marie-Noëlle Frery et Jean-Eric Malabre, ont
essayé de démontrer toute une série d'irrégularités juridiques commises par les
autorités préfectorales après l'échouage de l'East Sea. Ils ont demandé, mais en
vain, la mise en liberté immédiate des fiancés palestiniens, en faveur desquels
les Kurdes, qui ont bénéficié, eux, d'un sauf-conduit, avaient manifesté dans la
matinée.
17. Inconstance
et chaos à Tel-Aviv par Françoise Germain-Robin
in L'Humanité du jeudi 22
février 2001
Israël. Ehud Barak annonce pour la deuxième fois son
retrait de la vie politique. Le Parti travailliste profondément divisé sur la
participation à un gouvernement d'union nationale avec Ariel Sharon.
Par son
style autoritaire et ses revirements, tant en politique intérieure qu'à l'égard
des Palestiniens, Ehud Barak a plongé son parti et son pays dans une situation
extrêmement dangereuse.
M. Zigzag a-t-il fait son dernier zag, comme
l'affirme le Jérusalem Post ? Pour la deuxième fois en deux semaines, Ehud
Barak, a annoncé son retrait de la vie politique. Il a répété ce qu'il avait dit
au soir de sa défaite face à Sharon, le 6 février : j'abandonne la direction du
Parti travailliste et je démissionnerai de mon siège de député à la Knesset le
jour de la formation du nouveau gouvernement.
Entre-temps, cédant aux sirènes
actionnées par Ariel Sharon, Ehud Barak avait mangé son chapeau et accepté de
garder le ministère de la Défense dans un gouvernement d'union nationale,
déclenchant une tempête sans précédent au sein du Parti travailliste (voir
ci-contre). Face à cette fronde et aux réactions féroces de la presse, il a
finalement renoncé, annonçant sa décision par deux lettres : à Ariel Sharon et
au secrétaire général de son parti, Raanan Cohen. · l'un et à l'autre il
conseille de poursuivre les négociations en vue d'un gouvernement d'union
nationale, mais à condition d'en écarter l'extrême droite, ce que Sharon
refuse.
La presse israélienne semble croire que Barak ne changera pas d'avis
d'ici la réunion du comité central du Parti travailliste qui doit donner, lundi
prochain, sa réponse à Sharon. Mais elle lui reproche d'avoir trop tardé à tirer
les conclusions de son échec et d'avoir, à force de revirements, plongé le pays
dans le chaos.
Il paraît étrange qu'un militaire couvert de gloire tel
qu'Ehud Barak, se soit montré aussi peu conséquent et sujet à tant de
volte-face. Certains commentateurs, en Israël, considèrent que c'est parce qu'il
n'a pas réussi à être autre chose qu'un militaire que Barak a échoué. Il s'est
entouré de militaires, négligeant de consulter les dirigeants de son parti avant
d'arrêter ses décisions. Il s'est montré autoritaire et cassant. Il a cultivé le
secret en toute chose, changeant d'avis trois fois par jour comme s'il
s'agissait de tromper l'ennemi. Avec lui, l'adage selon lequel " il faut
toujours attendre le contrordre avant d'exécuter l'ordre " était de saison. En
toute chose, il s'est comporté en tacticien plus qu'en stratège. Après avoir
d'abord cherché la paix avec la Syrie, il y a très vite renoncé pour se tourner
vers les Palestiniens. Il a beaucoup promis sans jamais rien céder réellement :
il aura été le seul premier ministre depuis Oslo à n'avoir pas rendu un seul
pouce de territoire et jamais les colonies n'auront autant prospéré que sous son
règne. Il a, le même jour parfois, récusé Arafat comme interlocuteur puis
annoncé un sommet avec lui qu'il a ensuite annulé. Au plan intérieur, il a
entamé une laïcisation de la société à laquelle il a aussitôt renoncé pour
regagner les bonnes grâces des religieux.
En quittant finalement la scène
sous les huées, Ehud Barak laisse le Parti travailliste et la gauche israélienne
en fort mauvaise posture.
L'aile droite et certains dirigeants historiques du
Parti travailliste sont prêts à participer à un gouvernement Sharon. C'est le
cas de Shimon Perès, qui avait déjà accepté la semaine dernière le portefeuille
des Affaires étrangères. Selon la radio israélienne, depuis le retrait de Barak,
Ariel Sharon, avec qui il a de relations amicales, lui aurait offert la Défense.
Un poste que le prix Nobel de la paix a déjà occupé sous Rabin, entre 1974 et
1977.
Aussitôt, Beyamin Ben Eliezer, ministre des Télécommunications, lui
aussi ex-général et ancien gouverneur militaire de la Cisjordanie, qui guigne
lui-même la Défense, a accusé Sharon " d'ingérence dans les affaires du parti "
soulignant que ce n'était pas à lui de désigner ceux des travaillistes qui
participeraient éventuellement à son gouvernement.
Jeudi matin, les opposants
à l'union nationale proposée par Sharon doivent se réunir pour adopter une
stratégie avant la réunion du comité central. Ils représentent l'aile gauche et
la génération des " quadras ", tous très impliqués dans le processus d'Oslo et
fidèles à l'esprit d'Yitzhak Rabin. On compte parmi eux le président du
Parlement, Avraham Burg, les ministres des Affaires étrangères, Shlomo Ben Ami,
et de la Justice, Yossi Beilin. Pour eux, une telle alliance est " immorale ".
L'urgence consiste à reconstruire le parti en déroute en s'opposant aux
va-t-en-guerre et en adoptant un programme conséquent tant en ce qui concerne la
paix avec les Palestiniens qu'en matière de politique économique et
sociale.
Mais la démission de Barak semble avoir affaibli les colombes.
Ainsi, Haïm Ramon, ancien dirigeant de la centrale syndicale Histadrout, qui
brigue la direction du parti et s'opposait jusque-là à l'union nationale a
changé son fusil d'épaule. Il déclarait hier que la " volonté populaire "
réclame un tel gouvernement et ne s'opposait même pas à la présence de l'extrême
droite.
Pendant ce temps, les Palestiniens continuent de souffrir du blocus
et des représailles que l'armée exerce sans retenue. Les militaires israéliens
ont ainsi tiré des obus de chars, hier, contre plusieurs maisons de la ville
chrétienne de Beit Jala, près de Bethléem. Un Palestinien de vingt et un ans,
Oussama Zreiher, a été tué et six autres blessés. Pour Nabil Abou Roudeina,
principal conseiller de Yasser Arafat, " il est clair que le chaos politique en
Israël nuit au processus de paix ".
18. "Hevel
Corsica" : soutien à Israël
in Corse-Matin (quotidien régional) du
mardi 20 février 2001
L'objectif de la nouvelle association est de
soutenir Israël moralement, de tisser des liens d'amitié entre l'Etat hébreux et
la Corse et de développer des échanges.
"Hevel Corsica" est une association
corse de soutien à l'Etat d'Israël et au peuple juif, qui veut développer tous
les parallèles possibles entre Israël et la Corse. Pour que la Corse se trouve
dans le sillage d'Israël, "dans sa dynamique de développement et dans une
optique de prise en main sans complexe de son avenir".
L'association a été
créée pour "dire à Israël dans ces temps de dénigrement, de mise à l'index, de
malhonnêteté médiatique, que nous voulons en tant que Corses soutenir Israël,
lui manifester notre amitié et notre confiance dans son avenir".
"En tant que
"minorité problématique" ayant eu, et ayant encore au gré de l'actualité, à
souffrir de la désinformation nationale et du jugement implacable des donneurs
de leçons, nous nous associons à Israël dans la douleur qui doit être la sienne
d'être mis au ban des nations.
Nous voulons l'encourager à être lui-même sans
se laisser culpabiliser par le jugement des grands, de ce monde, bien mal placé
pour donner des leçons."
Le credo défendu par "Hevel Corsica" réside dans le
"devoir de chaque homme, non juif ou juif de la diaspora, à soutenir Israël
moralement et par tous les moyens qui peuvent se présenter.
Les raisons d'un
engagement
Israël est un Etat qui, dès sa
"re-création ", a été le signe d'un changement radical dans le monde.
"Le
peuple juif, pendant des millénaires, a été le symbole de "l'autre", de celui
qui est différent, qui est étranger. La plupart des nations du monde se sont
arrogées le droit de rejeter, d'humilier, de tuer "cet autre" qui dérangeait. La
folie nazie a même été jusqu'à vouloir éliminer ce peuple.
Tout au long de
son histoire le peuple juif a été victime de la haine et de rejet des autres
peuples.
En 1948, le peuple d'Israël est retourné sur la terre de ses
ancêtres et la victime s'est mise au travail malgré la haine des autres et
consciente que ce n'était que dans sa foi en la justice et dans une volonté
inébranlable d'exister qu'était sa force. Aujourd'hui Israël existe, et on veut
culpabiliser Israël d'exister.
Les nations occidentales, les biens pensants,
se donnent bonne conscience en se posant en "défenseurs des opprimés". Ils
oublient qu'il y a bien peu de temps les oppresseurs, c'était eux.
Tout au
long de l'histoire de l'humanité, nous avons rejeté le juif, nous avons opprimé
celui qui était étranger, et aujourd'hui nous nous permettrions de donner des
leçons de bonne conduite au seul qui pourrait nous apprendre à vivre et à
respecter l'autre ; Israël "la lumière des nations".
Israël est un espoir
pour nous les Corses.
Alors nous, "Hevel Corsica", nous disons qu'Israël
vive et se transforme en un espoir immense pour nous. Il est le peuple victime
par excellence et notre frère aîné. Il a pris son destin en main et doit être
libéré de la culpabilité qu'on essaie de lui coller à la peau. Quant à l'avenir
de notre île, à l'exemple d'Israël, sans nous laisser affaiblir par le regard
des autres, surmontons nos faiblesses et nos blessures, mettons-nous au travail
en ayant confiance en notre force de vie".
Pour tout contact "Hevel Corsica"
: 04.95.70.58.14 ou 06.10.64.87.20
19. Voyous et
Héros Saddam et Sharon, deux poids, deux mesures pour les États-Unis
par David Hirst
in The Guardian
(quotidien britannique) du lundi 19 février 2001
[traduit de l'anglais par Giorgio Basile*]
Israël vient juste d'élire un premier
ministre qui, traduit devant un tribunal international, serait sûrement jugé
comme un criminel de guerre du même genre que, disons, Ratko Mladic, le
commandant serbe bosniaque associé aussi fermement au massacre de Srebrenica que
l'est le général Sharon à celui de Sabra et Chatila en 1982 pendant l'invasion
du Liban.
Sharon qualifie Yasser Arafat d'«assassin et de menteur» mais, dans
la course aux élections, la presse libérale israélienne a copieusement illustré
la fourberie et la brutalité sanguinaire qui ont constitué les deux piliers de
sa propre carrière. Un de ses probables partenaires de coalition, Avigdor
Lieberman, a parlé d'incendier Beyrouth et de bombarder Téhéran. Les idées de
Sharon sur la poursuite du processus de paix en font un objet de dérision. Si un
leader israélien a jamais eu le profil d'un voyou aux yeux des Occidentaux, d'un
torpilleur des intérêts des États-Unis dans la région, c'est sûrement lui.
Et
pourtant, une semaine à peine après l'arrivée de ce prétendu voyou au poste de
premier ministre en Israël, qui les Américains et les Britanniques ont-ils
bombardé? Cette vieille connaissance, cet Arabe, ce voyou de Saddam Hussein.
Bien entendu, les crimes et atrocités dont il s'est rendu coupable sont tels
qu'ils peuvent difficilement être restitués par des mots. L'empêcher d'en
commettre d'autres est une chose, certes. Les motivations et les méthodes de
ceux qui, une fois encore, se sont assigné cette mission, et le contexte
régional dans lequel ils l'accomplissent, est une tout autre chose.
Les
Américains et les Britanniques ont affirmé que le raid de vendredi, le premier
d'une telle ampleur depuis plus de deux ans, était rendu nécessaire par le
renforcement des défenses de Saddam et la menace accrue qu'elles font peser sur
les vols de routine que leurs avions effectuent au-dessus des zones d'exclusion
aérienne. Même si cet argument est vrai, il trouve peu de partisans dans le
monde arabe.
Pour les Arabes, le raid est une escalade dans la campagne
anglo-américaine contre Saddam, dont l'importance politique outrepasse, et de
beaucoup, les avantages strictement militaires. Associé à la montée au pouvoir
de Sharon, on pourrait difficilement trouver une démonstration plus criante,
plus riche de symboles, du principe de deux poids, deux mesures qui, de leur
point de vue, caractérise l'Occident, et spécialement les Américains, dans leur
approche de ces deux zones de crise permanente au Proche Orient que constituent
le conflit israélo-arabe d'une part, l'Irak et le Golfe d'autre part. Et cela ne
présage rien de bon, ni pour l'un ni pour l'autre.
Ces deux crises ont
chacune leurs origines et leurs dynamiques propres, mais elles sont intimement
liées. Cette «connexion», Saddam en ouvrit la voie lorsque, immédiatement après
son invasion du Koweit en 1990, il offrit de se retirer en échange d'un retrait
immédiat et inconditionnel d'Israël des Territoires occupés.
Cette offre fut
accueillie avec mépris par les Occidentaux. Mais en temps utile, la «connexion»
s'imposa subrepticement d'elle-même. George Bush Sénior promulgua un «nouvel
ordre mondial» dont la pierre angulaire, au Proche Orient, devait être un
règlement juste et définitif du différend israélo-arabe.
Les alliés arabes
des États-Unis entendaient que, pour atteindre cet objectif, les États-Unis
devraient se défaire de leur parti pris historique à l'égard d'Israël. «Bush»,
disait à l'époque le président Moubarak, «partage mon avis sur le fait qu'Israël
doit être amené à une solution en Palestine.» Impartialité et fermeté dans une
des zones de crises devaient accomplir des prodiges dans l'autre.
Mais il
n'en fut pas ainsi. Les deux crises se sont envenimées et aggravées. Saddam a
gagné en force et en assurance. Le processus de paix israélo-arabe s'est tout
bonnement effondré; violence et haine mutuelle se sont accrues.
Aussi
pernicieuses que soient par elles-mêmes ces deux crises, leur connexion
intrinsèque en accroît le degré de malignité. Et, avec l'ascension de Sharon,
elles disposent chacune d'un acteur central qui incarne tout ce qu'il y a de
plus extrême, de plus dangereux et de plus destructeur dans la région.
Tel
est le moment choisi par les États-Unis et la nouvelle administration pour
s'embarquer dans une politique plus activiste dans une des zones de crise. Le
raid peut plaire à l'opposition irakienne, ou à une partie de celle-ci, de même
qu'aux pays du Golfe, ou du moins aux élites dirigeantes les plus menacées par
Saddam, il n'en reste pas moins fortement impopulaire dans le monde arabe au
sens large. Les Arabes - le peuple principalement, mais les gouvernements aussi
- n'ont pas cessé de raffermir leur hostilité à l'égard de la politique
américaine d'embargo contre l'Irak; plusieurs pays-clés arabes contournent de
plus en plus les sanctions des Nations-Unies. En effet, prendre la défense de
l'Irak est devenu une règle obligée en matière de patriotisme, même pour un
dirigeant aussi dévotement pro-occidental que le roi Abdullah de Jordanie.
Ce
n'est pas par amour pour Saddam mais, plus que jamais, à cause de la «connexion»
et par réaction face à la manière dont l'unique superpuissance pénalise les
Arabes pour leurs écarts de conduite, mais jamais leur allié israélien. «Il est
clair que les États-Unis sont maintenant prêts.», déclare un exilé irakien à
Beyrouth. «Ils veulent que les pays arabes égarés rectifient leurs priorités, et
fassent à nouveau de Saddam, et non de Sharon, leur ennemi réel. Cela pourra
avoir quelque succès dans le Golfe mais, en général, et malheureusement pour
nous Irakiens qui avons le plus de raisons de le haïr, cela fera de Saddam à
nouveau un champion de la cause arabe.»
Un miracle est toujours possible: en
recourant à un nouvel engagement à l'encontre de Saddam, Bush pourrait faire de
même à l'encontre de Sharon. Mais, à en juger par le peu d'émotion qu'a suscité
officiellement le nouveau premier ministre, il lui faudra exercer des ravages
considérables avant que le miracle s'accomplisse et que l'Amérique commence à
considérer l'équité et l'objectivité comme un moyen judicieux pour sauver le
Proche Orient des deux calamités inséparables qui, sûrement, l'attendent.