Les paradoxes du
Tombeau de Rachel et autres sépultures par Bassem Ra'ad
[traduit de l'anglais par Marcel
Charbonnier]
Bassem Ra'ad est un universitaire
palestinien, professeur à l'Université de Toronto (Canada), dont les recherches
comportent l'étude des écrivains voyageurs, la littérature américaine,
l'ethnologie culturelle et l'esthétique des paysages. Son intérêt constant
pour le paysage palestinien remonte à plusieurs années ; il a créé une chaire
consacrée à cette discipline à l'université de Birzeit, en 1998. Il compte
retourner en Palestine prochainement pour y enseigner et continuer ses
recherches sur le sujet : "historiographie de la Palestine et
information".
"Comme Homère, Nimrod a
la réputation d'être enterré en plusieurs endroits"
Mark Twain in
Innocents à l'Etranger
Les religions ont sans doute connu une
évolution, dans le passé, faite de pas en avant très lents et mesurés. De nos
jours, malgré que nous en connaissions les modes d'évolution, les religions
continuent à être utilisées pour appuyer toutes sortes de revendications,
partout sur la Planète. Ce qui ne relève pas toujours de la pure foi ou de la
spiritualité la plus désincarnée. Cela ne relève pas même de l'ignorance, mais
cela se produit par ce qu'être littéraliste, c'est avant tout être expéditif,
politiquement parlant. Une illustration éloquente nous en est donnée par le
conflit à mort qui prend pour centres des sites tels la Tombe de Rachel ou la
Tombe de Joseph, dans une contrée appelée, (par antiphrase ?) la "Terre
Sainte"...
Lorsqu'on étudie les paradoxes et les contradictions qui entourent
l'évolution de ces sites, les revendications et les assomptions populaires qui y
ont trait nous paraissent de plus en plus évidentes et transparentes. La plupart
sont bien menacées, par l'étude, de voler en éclats, non seulement physiquement
et politiquement, mais aussi, en termes de conscience. Si l'on veut éviter que
le conflit actuel ne suscite une nouvelle flambée d'extrémisme, il est
absolument essentiel, pour les deux parties opposées, de commencer à voir
l'histoire d'un autre oeil. Il pourrait bien s'avérer indispensable, aussi,
d'envisager de réviser la notion de "sacré"...
Des constructions
"turques"
En 1703, Henry Maundrell écrit,
décrivant le Tombeau de Rachel, près de Béthleem : "Il apparaît clairement qu'il
s'agit d'une construction turque récente". Pour Maundrell, un missionnaire
fondamentaliste de la Compagnie du Levant, "turc" signifie "musulman" - et non :
"ottoman". William Thomson, un missionnaire auteur de "La Terre et le Livre"
(1859), fait remarquer que la "tombe" de Joseph, près de Naplouse, est bien
connue des Musulmans de la région, qui en assurent l'entretien. De même,
l'humoriste sceptique Mark Twain observe que la Tombe de Joseph est "construite
à la manière des Musulmans". En faisant ces observations, les voyageurs ne
faisaient preuve d'aucune sympathie particulière pour les habitants du coin, ni
pour leurs traditions. En fait, beaucoup de voyageurs-pèlerins occidentaux
exprimaient des vues proto-sionistes. Dans une ère où on ne savait pas
grand-chose, ils ne pouvaient pas combler entièrement le fossé qui séparait
leurs espérances des réalités du terrain. Ainsi, loin de considérer la Bible
comme une tradition littéraire et comme la source d'un système de croyance, ils
voulaient la remettre en vigueur en tant qu'histoire et projeter cette histoire
fantasmatique sur la topographie régionale.
Tous les voyageurs n'étaient pas
obsédés, de la sorte, par la découverte ou l'imagination de la véracité des
récits bibliques. Quelques-uns (très peu nombreux), comme Herman Melville, se
sont aventurés au-delà des conventions afin d'expliquer l'origine des croyances
religieuses sur la base de leur situation géographique. Nombreux étaient les
observateurs à se garder d'établir des connexions littéralistes entre des lieux
et des récits bibliques - ils arguaient souvent des incohérences entre certains
de ces récits et la proximité bien pratique des sites (ou, comme avait conclu
George Sandys, de "leur antiquité fabriquée"). Mais d'autres, plus crédules, ne
purent s'empêcher d'avancer que les bergers et les paysans palestiniens
ressemblaient à des héros de l'Orient biblique ! Pour ces idéologues enclins à
trouver une preuve à tout prix, quelle qu'elle fût, les villageois de la
Palestine étaient les seules vestiges des temps anciens (bibliques) - et, par
tant, ils étaient paradoxalement devenus invisibles en tant que personnes en
chair et en os ! Nous pouvons encore trouver de tels stéréotypes surannés
dans les prospectus touristiques vantant la "Terre Sainte", mais les médias se
chargent d'en mettre de nouveaux en vigueur...
1948 et 1967
Tout ce qui a pu se passer au cours
des décennies écoulées relève de la pire régression. Les traditions (ou
superstitions) locales, sur bien des sites, ont été transformées en réalités
politiques, d'un goût des plus douteux, sur le terrain. Après 1948, puis après
1967, à nouveau, le gouvernement israélien a pris le dessus et a commencé à
revendiquer des sites comme la Tombe de Joseph, à Naplouse, et la Mosquée
d'Abraham à Hébron, sous prétexte que leurs dénominations étaient associées à
des récits bibliques. Les Israéliens ont converti ces "tombeaux" en enclaves
armées, au milieu de zones palestiniennes. Ces "tombeaux" sont devenus, dans les
faits, des avant-postes de l'occupation israélienne, d'où l'on peut contrôler
les Palestiniens (et, le cas échéant, leur tirer dessus).
En un reversement
pervers des réalités, des sites qui étaient sacrés, quelques décennies
auparavant seulement, pour les indigènes palestiniens étaient accaparés par les
nouveaux venus israéliens, si bien que les tombeaux, devenus des forteresses,
font désormais (d'une manière tout-à-fait paradoxale) l'objet de l'hostilité et
de la frustration des Palestiniens... Ces "tombes" sont désormais l'enjeu de
nouvelles querelles et de nouvelles morts. Protégés derrières d'énormes
fortifications édifiées autour du "Tombeau de Rachel", de jeunes soldats
israéliens tirent et tuent des jeunes Palestiniens lanceurs de pierres.
Par
tant, les officiels israéliens peuvent se targuer que des "tombes" telles
que celles associées à "Joseph" ou "Rachel" est "juive" et que les Palestiniens
s'ingénient à les "transformer en mosquées" (voir, notamment : International
Jerusalem Post, 20.10.2000). Les sites investis par l'armée israélienne sont,
invariablement, des sites musulmans. Il n'y a pas d'exemple qu'un seul site
chrétien ait jamais été revendiqué par Israël, en dépit du fait que leurs
emplacements présumés pourraient être tout aussi pertinents avec les récits de
l'Ancien Testament.
Ces sites sont différents de ces quelques lieux (comme le
Mur des Lamentations) qui sont attestés dans la tradition des petites
communautés juives ou samaritaines, avant la politisation contemporaine de la
situation. En effet, des Samaritains et des Juifs locaux n'ont jamais pensé une
minute revendiquer ou même songé à contester des lieux comme la Tombe de Joseph.
Leur revendication par les Juifs et la velléité de ces derniers de les
contrôler ont connu deux paliers d'exacerbation après la création de l'Etat
d'Israël, en 1948, puis après l'occupation par ce dernier de la Cisjordanie et
de la bande de Gaza, en 1967. Par une étrange ironie de l'histoire, c'est le
caractère tout à fait similaire des différentes traditions religieuses qui a
permis à l'occupation israélienne de trouver opportunément les justifications de
son contrôle sur ces sites...
La situation comporte des contradictions plus
sérieuses qui remontent à la surface lorsqu'on explore l'histoire de la
détermination arbitraire des sites et la manière dont cette histoire remet en
question des revendications littéralistes attachées à ces sites, de nos jours.
Nul étonnement à ce que nous découvrions que ce qui est mis en oeuvre,
aujourd'hui, par la domination, est tout-à-fait semblable à ce qui a été commis
par d'autres autorités, il y a fort longtemps...
Hélène et l'éradication du
paganisme
Comment certains sites sont-ils
devenus "sacrés", d'ailleurs ? Hélène, la mère de l'empereur byzantin
Constantin, est généralement vénérée pour avoir déterminé l'emplacement de
nombreux sites bibliques, au quatrième siècle. Personne ne sait précisément quel
rôle exact
elle entendait jouer en "parvenant à trouver", mais les résultats
sont bien établis. L'empereur Constantin ordonna que l'on construisît des
églises sur ces différents sites, dans le cadre d'une campagne visant à
éradiquer le paganisme : en effet, la plupart de ces sites avaient été des lieux
de pratiques païennes. Les spécialistes savent, de nos jours, que l'église du
Saint Sépulcre est construite à l'emplacement d'un temple dédié à la déesse
Vénus. En plus de sites tels le tombeau du Christ et le lieu de sa crucifixion
(le Golgotha, NdT), Héléne est réputée avoir identifié celui où avait été
enterré Abraham (à Mamre), environ deux mille ans après la date supposée de cet
événement, d'après les sources bibliques. Pour plusieurs de ses "enquêtes",
Héléne s'appuya sur des traditions locales, des superstitions et, à défaut,
l'invention pure et simple. Les spécialistes, de nos jours, insistent sur le
fait avéré que le site de Mamre continua à attirer des sacrifices païens, même
après qu'une basilique eût été édifiée sur cet emplacement. Au début du
cinquième siècle, Saint Jérôme admit qu'un autre site, à Bethléem, vénéré pour
ses associations avec la Vierge Marie et la naissance du Christ, était le
lieu-même où les femmes de la localité venaient, dans le passé, se lamenter pour
honorer le souvenir du dieu Adonis (ou Tammuz).
Le paganisme
ancien
Aujourd'hui, nous pouvons aller plus
loin. Il existait un paganisme plus ancien, encore plus originel. Les études
spécialisées ont soulevé des questions fondamentales sur la véracité des récits
bibliques, questions basées sur les découvertes archéologiques et le décryptage
de textes - de beaucoup - antérieurs à la Bible. Les contradictions et les
inconsistances se multiplient lorsqu'on veut bien considérer la Bible comme un
récit historique, plutôt que comme une tradition littéraire. Le travail de
certains chercheurs (Keith Whitelam, Thomas L. Thompson, Lester Grabge, Donald
B. Redford, pour ne citer que certains d'entre eux) a mis au jours des doutes
irrévocables sur la question de savoir si David a jamais existé en tant que roi
réel et si la "conquête" décrite dans "Josué" a jamais eu lieu. Le récit de
l'Exode n'est rien de plus qu'une tradition culturelle cananéenne, que les
"Israélites" ont faite leur. Ce qu'on appelle la "Tour de David", à Jérusalem,
n'a rien à voir avec David, elle a été construite beaucoup plus
récemment.
Les relevés archéologiques ne confirment aucunement les récits
bibliques (pas plus qu'ils ne les infirment). Il y a une évidence encore plus
probante, c'est celle qu'à de nombreux récits, dans les écrits monothéistes,
correspondent des copies quasi-conformes dans les littératures
paléo-mésopotamiennes, paléo-ougaritique, ou dans d'autres littératures
régionales de haute époque. Ainsi, la Bible peut être plus exactement définie
comme une adaptation d'un héritage littéraire plus ancien de la région. "Yahweh"
trouve ses origine dans l'un des dieux du temps (météorologique) du panthéon
cananéen : c'est ce que nous révèlent des inscriptions mises au jour récemment.
Des traductions plus attentives, par exemple, de certains psaumes et d'Exode
6:2-3 donnent la confirmation intra-biblique de ces avancées
archéologiques.
Le Temple
L'un des principaux brûlots qui aient
mis à feu les événements actuels est le complexe de la Coupole du Rocher, à
Jérusalem (appelé également "Mont du Temple", ou "Mont Moriah"). De
premières informations indiquèrent qu'Ariel Sharon avait l'intention de déposer
la pierre angulaire pour la fondation d'un "troisième temple" au cours de sa
visite provocatrice sur le site. Auparavant, plusieurs attaques, très graves,
avaient été commises par des extrémistes déterminés à détruire la Coupole du
Rocher. Certains médias israéliens appellent à construire un temple juif à la
place de la Coupole d'Omar et de la mosquée Al-Aqsa (voir, par exemple,
Ha-Aretz, 17 septembre 1998 ; 20 décembre 2000 ; 7 janvier 2001). Il n'en reste
pas moins que la Coupole du Rocher occupe toujours sa place de choix dans les
affiches de l'office de tourisme israélien...
Que cela déplaise à certains,
ou non, la Coupole du Rocher est un centre pour la vénération des Musulmans.
C'est aussi une merveille architecturale. Son histoire appartient au domaine de
l'histoire documentée, elle remonte au septième siècle après Jésus-Christ, à
l'époque où l'Islam parvint à Jérusalem. Le khalife musulman commanda la
construction de la Coupole dans une zone dont des témoignages nous enseignent
qu'elle était alors inhabitée (bien que cet endroit ait vraisemblablement
présenté d'autres résonances religieuses qu'il est difficile d'identifier
aujourd'hui). Les témoignages diffèrent pour ce qui est de savoir qui, dans la
population locale, a conseillé le khalife dans le choix de son emplacement. A ce
sujet, il semble bien qu'il y ait une certaine compétition entre les sources
chrétiennes et juives, qui résulte d'animosités opposant ces deux groupes au
cours des siècles antérieurs : les Romains, puis les Chrétiens byzantins,
avaient interdit aux Juifs d'habiter à Jérusalem depuis des centaines d'années.
(On peut se demander, dès lors, comment l'emplacement d'un ancien temple
pourrait bien avoir été conservée pieusement...) A en croire les sources
chrétiennes et juives, les deux sectes avaient été engagées dans un jeu
incessant d'expulsions et de massacres réciproques tout au long des occupations
byzantine, puis perse, au cours des premières décennies du septième
siècle...
L'arrivée de l'Islam, à Jérusalem, en 638 après Jésus-Christ eut
pour effet, de cela on est absolument certains, de créer une situation dans
laquelle les Juifs, les Chrétiens et les Musulmans vivaient ensemble comme un
même "peuple du Livre" - en dépit de certaines déformations historiques qu'il ne
coûte rien à certains d'invoquer. Les religions se développèrent et se
succédèrent, à travers les siècles, sans affecter la continuité du peuplement
indigène de la Palestine, qui hérita d'un legs de tolérance religieuse. Un
nouveau paradoxe, étudié par Karen Armstrong, fut que lorsque les Musulmans
conquirent Jérusalem, "ils invitèrent les Juifs à revenir dans la Ville Sainte
et ne portèrent pas la main sur les sanctuaires, ni sur les quartiers,
chrétiens" (The New York Times, 16 juillet 2000). Et en effet, ce n'est pas
avant cette date qu'un quartier juif fut construit à Jérusalem...
De sérieux
dégâts ne se produisirent qu'après que des mouvements et des interprétations
furent importés d'ailleurs, comme les Croisades, le Sionisme, les activités
missionnaires, divers fondamentalismes chrétiens, musulmans et juifs. Ce n'est
qu'une fois les droits d'usage et les appropriations politisés que les
sentiments religieux s'exaspèrent et se polarisent et que la tolérance diminue
ou disparaît complètement.
Le Mur des
Lamentations
Le Mur des Lamentations est l'un des
foyers de la vénération des Juifs. C'est le site associé à une mémoire ancienne,
par excellence. En raison de la division de la Palestine, en 1948, il demeura
inaccessible aux fidèles juifs d'Israël, jusqu'en 1967. Le Mur des lamentations
semble être ce qui reste du Temple d'Hérode. Hérode construisit un "temple",
durant la période romaine, que l'on désigne comme le "Second Temple". Mais le
judaïsme d'Hérode fait encore l'objet de débats (il était originaire d'une tribu
vivant à l'est du Jourdain), et certains juifs le dénient. Le temple d'Hérode a
été totalement détruit au premier siècle après Jésus-Christ et le judaïsme a été
exclu de la ville durant plusieurs siècles après sa destruction. On ne peut pas
réellement prouver que le Mur ait un quelconque lien avec un temple, ou que le
"temple" ait eu un quelconque rapport avec le complexe actuel de la Coupole du
Rocher (alors que l'expression "Mont du Temple" impliquerait qu'il y en eût un).
Les spécialistes ont pu établir que le "premier temple" (celui qui est attribué
à Salomon) était un temple pré-monothéiste, dans lequel plusieurs dieux étaient
révérés. A l'origine, ces dieux dérivés de croyances cananéennes étaient des
dieux et des déesses, notamment les couples Asherah (la Mère des Dieux) - Le (le
Père des Dieux), Anat - Baal et, plus tard, Asherah - Yahweh ("Jéhovah",
NdT).
Toutefois, personne n'a jamais remis en question, ou tenté de limiter,
le droit pour les Juifs de vénérer le Mur et d'y pratiquer leurs rites. Personne
ne revendique le Mur des Lamentations ni ne profère la menace de le détruire,
contrairement à ce que fut le sort, au cours des trente dernières années, du
complexe de la Coupole du Rocher (ou : Esplanade des Mosquées, NdT). D'autre
part, les actes posés officiellement par Israël, comme les fouilles
archéologiques, semblent avoir visé bien plus à porter atteinte aux structures
émergentes qu'à trouver de quelconques éléments historiques dans les couches
archéologiques sous-jacentes. Le gouvernement israélien a détruit plusieurs
monuments situés à proximité du Mur des Lamentation - après avoir expulsé leurs
occupants, le cas échéant - afin de libérer l'espace ("dégagement" du parvis du
Mur = destruction du quartier - historique - des Maghrébins, NdT).
L'Histoire est
insondable
La "Terre Sainte" a toujours été, de
tous temps, une terre de diversité religieuse et ethnique. Dans l'antiquité
palestinienne, la période cananéenne (couvrant les trois millénaires avant
Jésus-Christ) a sans aucun doute été la plus riche en termes de culture
matérielle et d'innovations pratiques (notamment, celle de la première écriture
alphabétique). La Palestine a été soumise à de nombreuses mutations depuis lors.
Elle en a hérité une grande diversité dans sa population, bien qu'elle ait été
soumise à diverses formes d'hégémonie, civile et religieuse. Cette histoire et
nos connaissances d'aujourd'hui étant ce qu'elles sont, il n'est plus crédible
de continuer à maintenir des prétentions basées sur des notions exclusives de
propriété ou d'identité et sur des assomptions démographiques monolithiques
concernant les des populations disparues.
La Palestine, comme le reste de la
région du Moyen-Orient, est enracinée dans l'histoire - une histoire qui annonce
des identités et des conflits plus récents. Toutes les traditions religieuses,
dans la régions, sont nées et sont la continuation de croyances plus anciennes
(y compris les différentes formes du paganisme), qui ont continué à exister même
après l'établissement de la domination de religions monothéistes. La population
palestinienne d'origine est la seule qui ait conservé les traditions et
l'héritage culturel les plus anciens en raison de la permanence de sa présence
sur les terres qui englobent aujourd'hui la "Palestine" et "Israël". A présent,
authentifier quoi que ce soit semble bien être une préoccupation secondaire, on
use - et on abuse - du littéralisme sans trouver beaucoup de résistance face à
soi. Ceci crée une situation dans laquelle notre compréhension de l'histoire -
l'histoire elle-même, en réalité - est en jeu. Ceci obère tout effort visant à
construire une forme intégrative de compréhension humaine (inter culturelle et
inter confessionnelle, NdT).
Il y a des raisons parfaitement recevables de
rester respectueux des symboles et des sensibilités traditionnelles. Mais ceci
ne signifie en aucun cas que les gens doivent accepter de continuer à être
trompés, ou réduits à ne rien dire, par des manipulations politiques et des
conceptions étriquées de la tradition religieuse. Dans un tel contexte, il
échoit aux Israéliens de remettre au goût du jour un système de connaissances et
une historiographie à partir de laquelle ils ont élaboré leur discours national
monolithique. La volonté manifestée par le ministre israélien de l'éducation
d'introduire un programme d'histoire révisé était encourageante, mais une
commission parlementaire de la Knesseth vient d'en empêcher l'officialisation
(Ha-Aretz, 20 novembre 2000). Les Palestiniens, de leur côté, doivent dépasser
les identités fracturées qui les divisent et reconnaître, plus utilement, leurs
réelles connexions avec l'histoire ancienne.
Tous les Palestiniens et les
Israéliens désireux de s'entendre - et toutes les personnes avides de savoir -
doivent rechercher une mémoire plus équilibrée, moins monolithique, de la
signification de la Terre. Cette signification ne saurait être ni à courte vue,
ni volontairement amnésique. Elle ne devrait pas plus être soumise au contrôle
de quelque obsession négatrice de l'autre ni de quelque mythe fabriqué de toutes
pièces. Les études philologiques peuvent contribuer à donner à l'histoire de la
région ses dimensions réelles : c'est là le pas indispensable si l'on veut que
le futur ait des fondations solides basées sur un niveau de véracité suffisant.
Ce dont nous avons besoin, avant tout, c'est d'une historiographie dégagée de
toutes scories, seule à même à contribuer à la mise en forme d'un futur plus
harmonieux.
Noury Saïd et la
question de Palestine (1936-1943) par Zuhaïr al-Mukhkh
in Al-Quds Al-Arabi du
vendredi 12 janvier 2001
[traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
Zuhaïr al-Mukhkh est un universitaire
irakien résidant à Vienne.
La Grande-Bretagne qualifiait Noury
Saïd d'"extrémiste" et ses propositions pour un règlement du problème
palestinien d'"irréalistes". L'homme politique irakien proposait l'établissement
d'un royaume englobant l'Irak, la Jordanie et la Palestine, et d'y autoriser
l'installation de deux millions de Juifs.
Noury Saïd demeure une personnalité
controversée dans l'histoire politique irakienne, et arabe. Il a servi le régime
monarchique, établi d'excellentes relations avec les Britanniques, incarné ce
que la politique arabe pouvait avoir de plus pragmatique et opportuniste. Tout
comme sa biographie et son action politique, en Irak, font l'objet d'analyses et
de discussions controversées, sa position sur la cause palestinienne et ses
développements est soumise, de nos jours, à l'étude et à l'interprétation. Dans
cette approche, l'universitaire irakien Zuhaïr al-Mukhkh présente une analyse
basée sur les archives officielles britanniques et sur les diverses sources
disponibles sur cette période historique, des sources qui nous éclairent sur le
rôle joué par Noury Saïd dans la problématique de la Palestine. L'auteur
considère Noury Saïd comme l'un des politiciens arabes les plus éminents à
s'être préoccupés de la Palestine, à laquelle il s'est consacré pour des raisons
pratiques, concrètes, qui ne doivent rien à l'obédience politique ou aux options
idéologiques. Noury Saïd, en effet, considérait que la création d'un Etat juif
en Palestine représentait un très grave danger pour les intérêts économiques de
l'Irak. Il avait exprimé sa crainte que le port de Haïfa - débouché vital pour
l'exportation du pétrole irakien - ne tombe aux mains d'un pays inamical. C'est
de là que part notre chercheur irakien dans sa revue des principaux efforts
déployés par le politicien irakien éminent, et des plans que celui-ci avait
élaborés, alors, pour faire face à la situation.
Différents efforts, au cours des
dernières décennies, ont été déployés par des institutions ou des personnalités
arabes et, dans une moindre mesure, étrangères, afin d'éclairer le rôle joué par
Noury Saïd dans différents domaines, en se basant, globalement, sur l'étude des
documents disponibles, publiés ou non, ou en adoptant la forme du récit
biographico-chronologique de la vie de cette haute personnalité. Il reste que la
nature particulière de la période considérée, avec ses événements précipités et
ses contradictions évidentes, constitue, en elle-même, la première difficulté à
se dresser devant quiconque a le courage de s'attaquer à l'étude de telle ou
telle facette des idées et des initiatives de Noury Saïd. En effet, le
comblement des nombreuses solutions de continuité (nombreuses, mais aussi ;
imbriquées les unes dans les autres) est très difficile. En effet, les archives
personnelles de Noury Saïd ne sont pas toutes disponibles. De plus, si beaucoup
d'informations existent sur son action tandis qu'il occupait la position du
décideur, elles ne donnent qu'une faible lueur sur tel ou tel aspect du rôle
joué par notre homme d'Etat, en coulisse, lorsqu'il en était écarté. Ceci amène
l'analyste, dans bien des cas, à procéder à des comparaisons, des analyses, des
extrapolations, mais aussi, parfois, à recourir à l'intuition - pour ne pas dire
: à un certain impressionnisme - pour interpréter les mobiles de Noury Saïd en
telle ou telle occurrence. Ajoutons à cela que l'étude d'une personnalité de
l'envergure de Noury Saïd, à qui il fut donné de jouer un rôle central dans la
recherche d'une solution à la question palestinienne, est une entreprise
qu'entourent d'énormes difficultés, dont son contemporain Tewfiq al-Suwaïdi
avait sans doute pleine conscience lorsqu'il affirmait : "le biographe de Noury
aura bien des difficultés à cerner les contradictions dans lesquelles il se
débattait..."
On peut remarquer qu'une unanimité se
fait sur le rôle central joué par Noury Saïd, cet homme ayant été sans doute le
plus actif, parmi tous les hommes politiques arabes de son temps, dans la
recherche d'une issue à l'impasse palestinienne, à un point tel que d'aucuns
pensent, à juste raison, qu'il était "l'homme providentiel" dans ce domaine. On
peut dire, à ce sujet, que plusieurs facteurs ont contribué, à des degrés
divers, à amener Noury à s'intéresser à la question de la Palestine, dont
certains n'avaient rien à voir avec des calculs politiques à courte vue, et
notamment : le fait, tout d'abord, que la création d'un Etat juif en Palestine
était considéré comme un grave danger pour l'économie irakienne ; c'est ce
qu'indique un communiqué de l'ambassade britannique à Bagdad mentionnant que
l'intérêt de Noury Saïd pour la Palestine n'avait rien d'"académique" ou
d'"idéologique", mais qu'il s'agissait d'un intérêt tout-à-fait pragmatique. Il
considérait, en effet, la Palestine comme le port naturel (de l'Irak) sur la
Méditerranée, comme une fenêtre commerciale absolument indispensable, en
particulier pour l'exportation du pétrole irakien. C'est pourquoi Noury était
très soucieux de la possibilité que le port stratégique de Haïfa ne tombât sous
l'influence ou sous le contrôle direct d'un état "inamical". Ensuite, l'Irak
était légitimement fondé à intervenir dans la recherche d'une solution à la
question palestinienne, sur la base des déclarations de Noury Saïd, jamais
démenties, visant à définir le rôle de l'Irak dans le cadre régional, d'une
part, et sur les conséquences que la question palestinienne ne manquait pas
d'avoir sur la situation politique interne, en Irak. Il pensait que le règlement
de la question palestinienne pourrait épargner des troubles dont pourraient
avoir à souffrir les Juifs irakiens, empêchant l'incendie d'atteindre le coeur
de l'Irak et d'autres régions, permettant de sauvegarder la paix civile dont
jouissait le pays. Enfin, son intérêt pour la cause de la Palestine était, pour
Noury, à défaut d'autre chose, une sorte d'assurance de conserver le pouvoir,
lorsqu'on connaît la passion manifestée par les Irakiens pour elle. Son
comportement, en la matière, venait corroborer, dans une large mesure, la nature
des relations qu'il entretenait avec le bloc nationaliste - à l'intérieur comme
à l'extérieur - de l'armée irakienne.
Les prémisses de la relation
avec la Palestine
Quoi qu'il en soit, l'année 1934
marque l'entrée en scène de Noury Saïd dans la lutte résultant du problème de la
Palestine et des nombreux événements qu'il suscita. En septembre de cette
année-là, Noury représente son pays en sa qualité de ministre des affaires
étrangères à la Commission Arabe hexapartite que devait rencontrer la "Ligue des
Nations", afin d'étudier les attendus de la question palestinienne. Toutefois,
son rôle sur le terrain palestinien ne devait s'affirmer pleinement qu'un peu
plus tard, particulièrement au cours de la révolution palestinienne de 1936.
C'est en juin de cette année 1936 qu'il rencontra, mandaté personnellement par
le Premier ministre irakien Yasin al-Hashimi, le président de l'Agence juive,
Hayim Weissmann, pour lui présenter deux propositions, dont la première
demandait à l'organisation sioniste de mettre un terme, d'elle-même, à
l'"immigration juive" en Palestine, tant que la Commission royale d'enquête
britannique, chargée par le gouvernement anglais d'enquêter sur les troubles,
n'aurait pas rendu son rapport, appuyant sa plaidoirie sur l'effet très
important que cette mesure aurait sur l'opinion publique arabe, ce qui
contribuerait grandement à "calmer la situation" en Palestine. La seconde
proposition visait à préparer les Juifs à accepter, fût-ce implicitement, "une
situation dans laquelle ils constitueraient une minorité au sein d'un pays
arabe". Il n'est pas douteux que les ambiguïtés qui ont entouré la rencontre en
Noury et Weissmann étaient fort nombreuses, et elles ne doivent pas échapper à
notre attention : l'idée qui prévaut est que tous les hommes politiques, ses
contemporains, ont tous, sans exception, tenté de surenchérir sur ses
propositions, d'une manière ou d'une autre. Le résultat fut que la rencontre se
conclut sur une ambiguïté totale. Tandis que Noury était ressorti de la
rencontre avec l'impression générale que le leader sioniste ne faisait aucune
objection à sa proposition d'arrêter l'immigration juive en Palestine, ne fût-ce
que temporairement, Weissmann rejetait catégoriquement, de son côté, les
propositions que Noury avançait de bonne foi, si bien que les deux hommes se
séparèrent dans une atmosphère de tension, à couper au couteau... Cela ne
dissuada nullement Noury Saïd de poursuivre ses efforts de médiation, en vue de
trouver une issue à la crise. Ainsi, il rencontra, à Bagdad, tant le Roi Ghazi
que le Premier ministre Yasin al-Hashimi et l'ambassadeur de Grande-Bretagne à
Bagdad, Sir Archibald Clarck, afin d'étudier le rôle qu'il pouvait jouer en tant
que médiateur, pour mettre fin à la grande grève palestinienne de 1936. Et, en
effet, Noury se rendit à Jérusalem, le 20 août 1936, au plus fort des événements
violents, parfaitement conscient de l'importance du rôle de médiation dont il
était porteur, dans la recherche d'une issue. Il entreprit ses rencontres avec
les membres de la Haute Commission Arabe Palestinienne, qui se poursuivirent
quatre jours durant. Il y posait des questions, analysait les données sur la
situation régnante et recensait les dangers potentiels dont chaque pas pouvait
être porteur, recherchant les moyens les plus assurés de parvenir à un
règlement. Noury espérait parvenir, à travers sa démarche, à des résultats
pratiques. Mais il semble qu'il ait été pris en tenaille entre deux complexes de
revendications palestiniennes et britanniques, qu'il lui était extrêmement
difficile de concilier. Il ne trouva pas d'autre solution que de "couper la
poire en deux". Au cours de sa rencontre avec des membres de la Haute Commission
Arabe, il avait affirmé sans ambages l'impossibilité pour eux de mener des
négociations directes avec les autorités du mandat britannique, pour deux
raisons principales, la première étant le fait que "le gouvernement britannique
ne pouvait pas apparaître comme vaincu aux yeux de tout le monde", et la
deuxième, que ce même gouvernement britannique avait annoncé "qu'il enverrait
une mission royale d'enquête sur la plainte des Arabes, et qu'il convenait
d'attendre la publication de son rapport avant de pouvoir proclamer notre avis à
son sujet". Noury avait poursuivi : "dans les circonstances présentes, ce serait
déjà assez si le gouvernement britannique acceptait la médiation et
l'intervention de l'Irak, d'une manière officielle, basée l'exigence de la
satisfaction des revendications légitimes des Arabes de Palestine sans
conditions ni limitations, pour l'immédiat, et à l'avenir". "Cela est de nature
à apporter une garantie au gouvernement irakien et aux Arabes de Palestine qu'il
pourront mettre en oeuvre une politique nouvelle, dont les modalités seront
fixées dans un avenir prochain".
Une politique qui satisfait
tout le monde, mais ne réjouit personne
Les circonstances ne permettaient à
Noury qu'une seule attitude : poursuivre une politique qui, si elle satisfaisait
tout le monde, ne réjouissait personne, visant essentiellement à limiter les
dangers redoutés, dans la mesure du possible. A cet effet, il envoya une lettre
personnelle aux membres de la Haute Commission Arabe dans laquelle il assura que
le gouvernement irakien, ressentant intimement les liens nationaux qui unissent
les deux peuples irakien et le peuple arabe de Palestine, considère qu'il est de
son devoir de tenter une médiation efficace entre ce dernier et le gouvernement
britannique, afin de mettre un terme à la situation actuelle en Palestine". La
lettre de Noury comportait deux propositions dont la première était que la Haute
Commission Arabe "prenne toutes les dispositions nécessaires afin de mettre un
terme à la grève et aux troubles actuels", la seconde étant que le gouvernement
irakien intervienne auprès du gouvernement britannique "afin de satisfaire aux
revendications légitimes des Arabes de Palestine et qu'il prenne à cet effet
toutes les dispositions nécessaires afin d'assurer la satisfaction des
revendications déjà mentionnées, que celles-ci résultent du mouvement (social)
en cours en Palestine ou de tout ce qui y a trait à la situation politique
générale".
Conformément à ce cadre général, Noury Saïd proposa les
délinéaments d'un projet de solution dans lequel il insistait sur la possibilité
que le gouvernement irakien "saisisse l'opportunité" de la grève générale afin
d'augmenter son prestige diplomatique aux yeux du gouvernement britannique "en
soutenant les revendications des Arabes de Palestine, qui sont légitimes, d'une
manière déclarée, non pas seulement pour la durée des troubles actuels, mais
bien après leur résolution, afin que se réalisent progressivement les objectifs
des nationalistes palestiniens, et qu'on ne les abandonne pas, seuls, face à la
grande puissance qui se tient aux côtés des Sionistes"; et également sur la
possibilité pour le gouvernement irakien de tenir une place sur la scène
internationale "qui lui permette de mettre en pratique ce soutien", que le
gouvernement britannique lui reconnaisse cette place "dans toutes les
circonstances tant actuelles que futures", bien mieux : Noury considérait que
l'issue pratique de la crise passait par "la proclamation de l'arrêt de
l'immigration sioniste tant que ne sera pas déterminée la politique nouvelle",
proclamation à laquelle s'ajoutait la "compensation des pertes en vies humaines
et en biens matériels subies par les Palestiniens". Il affirmait également la
nécessité de "soutenir les revendications des nationalistes (palestiniens) lors
de la visite de la commission royale (britannique) d'enquête et que le
gouvernement irakien leur apporte son appui" : il exigeait, à cette fin, la mise
sur pied d'une "délégation dirigée par un représentant du gouvernement irakien,
dont les membres seraient Palestiniens, et dont l'objectif serait de soutenir
les revendications des Arabes de Palestine et une nouvelle politique à Londres,
en tenant cette nouvelle politique à l'abri des pressions des Sionistes dans
cette capitale".
La situation semblait à Noury assez favorable, il était même
optimiste quant au succès de sa mission, convaincu que le gouvernement
mandataire ordonnerait l'arrêt de l'immigration juive tant que les affrontements
n'auraient pas cessé. Mais lorsqu'il apprit que ses propositions n'avaient pas
suscité une réponse unifiée des membres de la Haute Commission Arabe, il redouta
que les discussions ne s'enlisent dans ce qui ressemblait fort à des sables
mouvants, et qu'elles ne finissent par créer de nouveaux problèmes qui n'étaient
certainement pas, selon ses propres termes "de l'intérêt du peuple de
Palestine". Face à cette situation, il affirma "qu'il valait mieux pour eux (les
membres de la Haute Commission Arabe) conserver l'unanimité qui les réunissait,
qui était un moindre mal, plutôt que de suivre une voie qui les amènerait à la
division, tout particulièrement dans les circonstances présentes" et, sur cette
base, les négociations se poursuivirent entre les deux parties irakienne et
palestinienne, pour aboutir à une compréhension mutuelle totale. On tomba
d'accord pour souscrire - à l'unanimité - à un communiqué que la Haute
Commission Arabe publia le 30 août, préconisant l'intervention du gouvernement
irakien. Mais la Haute Délégation Arabe précisait, pour sa part, que la grève
générale se poursuivrait sine die.
En dépit de ces avancées encourageantes,
et malgré la prudence de Noury Saïd, son réalisme et sa patience, sa médiation
se heurta à une fin de non-recevoir du gouvernement britannique. De plus, les
milieux britanniques concernés exprimèrent, dans leurs documents secrets, leur
irritation extrême devant les propos contenus dans le mémorandum de Noury
adressé à la Haute Commission Arabe, en ce qui concerne l'intervention
officielle de son pays en soutien aux revendications, qualifiées de "légitimes",
des Palestiniens. Ils considérèrent ces faits comme, tout à la fois, "un
grave défi lancé aux Juifs" et "une provocation directe aux autorités
mandataires". Bien plus, on peut lire dans ces archives secrètes : "Noury Saïd
est allé trop loin en acceptant qu'on lui demande d'intervenir à titre personnel
et non à titre officiel : il apparaît ainsi, désormais, (personnellement) comme
le représentant de l'Irak". Ces milieux britanniques relevaient qu'il était
clair "que Noury utilisait la situation actuelle afin de réunir le plus de
probabilités possible pour une intervention irakienne future dans les affaires
internes palestiniennes, et afin de faire le lit de ses visées arabes
générales".
Durant toute cette période, Noury mobilisa toutes ses forces afin
de ne pas décevoir les attentes (nombreuses) dont il était investi, et de ne pas
céder au diktat britannique. Dans un mémorandum qu'il envoya au Premier ministre
(irakien), le premier septembre 1936, il déclare ne "pas avoir digéré l'arrêt
des dirigeants britanniques", mieux, "avoir exercé des pressions sur le Haut
Commissaire britannique", afin de le pousser à adopter une politique nouvelle
"en faveur d'une médiation irakienne officielle", politique qu'il décrivit comme
comportant "grosso-modo les lignes générales exposées dans mon précédent
communiqué". Mais la présidence du conseil irakienne ne partageait pas
l'enthousiasme de Noury Saïd : elle manifesta un recul évident face à la
pression britannique, en demandant des explications au cours d'une rencontre
organisée entre le représentant du ministre des affaires étrangères irakien et
le chargé d'affaires britanniques à Bagdad, le 30 août 1936, rencontre qui a
tourné autour de la possibilité pour Noury de poursuivre sa médiation en vue de
rechercher une issue à l'impasse palestinienne, ainsi qu'autour de la
possibilité d'envoyer une mission diplomatique irakienne à Jérusalem.
Noury Saïd et Herbert
Samuel
Les espoirs de Noury ne se sont pas
évanouis d'un seul coup, et il ne cessa pas de poursuivre ses efforts. Ainsi, il
mit la cause palestinienne sur la table dans tous les cercles politiques. En
octobre 1936, il rencontra à Paris le Haut Commissaire britannique précédent,
Herbert Samuel. Au cours de cette rencontre, ce dernier demanda à Noury
d'"accepter d'être médiateur dans ce conflit", mais en tant qu'"ami" (du peuple
palestinien) et non en sa qualité de "ministre". Il semble que Noury ait refusé,
tout au long de cet entretien, d'accepter cette proposition, mais qu'il ait
senti, en revanche, que les circonstances devenaient de plus en plus favorables
à l'exposition de son point de vue, de manière exhaustive et approfondie, sur le
coeur de l'impasse palestinienne, c'est pourquoi il réaffirma que l'attitude
(britannique) consistant à faciliter l'immigration des Juifs (en Palestine)
commençait à entrer en contradiction avec les attendus de la "promesse Balfour"
eux mêmes. Il indiqua également que la question de la levée des barrières
douanières entre les pays arabes devait excepter la Palestine, car cette mesure
ne pouvait que profiter d'une manière ou d'une autre aux industries juives, de
création récente, dans les circonstances de l'époque. Bien plus : Noury n'a pas
laissé échapper l'occasion d'utiliser cette rencontre pour présenter son projet,
qui comportait les conditions préalables suivantes : arrêt de l'immigration
juive en Palestine, annonce d'une amnistie générale en gage de "bonne
volonté"des autorités britanniques envers les Arabes, compensation aux Arabes
palestiniens des pertes subies au cours des opérations militaires. Le projet de
Noury comportait, également, l'établissement d'une union fédérale, sur le modèle
du Commonwealth britannique, qui rassemblerait aux côtés de l'Irak la
Transjordanie et la Palestine, confédération dans laquelle chaque pays membre
jouirait de son indépendance, à l'instar des membres du condominium britannique,
et les Juifs obtenaient, dans le cadre de cette confédération, une sorte de
"quota" ou de "parité" de population, équivalant à 7 Arabes pour 4 Juifs. Aux
yeux de Noury Saïd, son plan comportait plusieurs avantages, parmi lesquels, à
titre d'exemple, et non exhaustivement, celui de garantir les Arabes contre une
hégémonie juive en Palestine, si les portes de l'immigration devaient être grand
ouvertes aux Juifs, et si on leur accordait une superficie d'un demi-million
d'hectares en Palestine, comme le revendiquait le président de l'Agence juive
Hayim Weissmann. Parmi les avantages de son plan, Noury citait également la
protection des intérêts de la Grande-Bretagne, résultant de la garantie du
maintien du mandat britannique sur la Palestine.
Naturellement, le sort des
idées et des dernières propositions de Noury ne fut pas meilleur que celui des
précédentes, car elles furent "dépassées" par les événements qui suivirent
l'entrée des troupes britanniques dans la répression et les engagements
militaires avec les révolutionnaires palestiniens. Mais l'homme s'efforça, de
son côté, de prendre des mesures d'urgence pour unifier les efforts
diplomatiques de l'Irak, de l'Arabie Saoudite et du Yémen, afin d'exercer des
pressions sur le gouvernement britannique en vue de trouver une issue équitable
à la crise. Mais un coup d'état militaire, survenu à Bagdad le 29 octobre 1936,
lui empêcha de poursuivre la réalisation de son nouveau projet.
Le gouvernement putschiste de
1936 et la Palestine
Il semble que le gouvernement
putschiste ait adopté lui aussi des positions correspondant point pour point à
celles de Noury Saïd, qu'il essayait de "vendre" aux parties concernées par le
problème palestinien. Il semble, de même, que l'action diplomatique du
gouvernement de Hikmet Suleïman, dans ce domaine, ait été la copie conforme,
dans une large mesure, des efforts diplomatiques de Noury. Ainsi, en avril 1937,
le gouvernement irakien annonça son opposition déterminée au projet de partage
de la Palestine, et il présenta un memorandum au gouvernement britannique, trois
mois avant la publication du rapport de la Commission royale d'investigation,
memorandum dans lequel il mettait en garde contre les dangers d'une telle
partition. Le gouvernement irakien demandait au gouvernement Britannique de
prendre l'initiative de créer les institutions requises par l'autonomie, "en vue
de faire de la Palestine un pays libre et souverain". Après la publication du
rapport (de la Commission d'investigation), le ministre irakien des affaires
étrangères, le Docteur Naji al-Asil, envoya un mémorandum à ce sujet à la Ligue
des Nations. Mais un communiqué britannique spécial indiqua que le projet
présenté par le ministre des affaires étrangères du gouvernement putshiste
irakien pour le règlement du problème palestinien n'était, lui aussi, qu'une
copie conforme des thèses connues de Noury Saïd, qui insistait sur la
"constitution d'une confédération rassemblant la Palestine, la Transjordanie et
l'Irak".
Le coup d'état militaire ne dissuada nullement Noury Saïd de
poursuivre son action depuis son exil, mais il dut le faire, désormais, dans des
circonstances objectivement peu favorables, ce qui n'entama pas son
enthousiasme, ni ses capacités imaginatives. Un télégramme des services spéciaux
britanniques mentionne la poursuite par Noury de ses efforts en vue de trouver
une solution à la question palestinienne. Et en effet, à peine avait-il remis
les pieds en Irak qu' il reprit son action en ce sens, mais muni, cette fois,
d'une vision nouvelle, qu'il exposa, en septembre 1937, au secrétaire d'Orient,
à l'ambassade de Grande-Bretagne au Caire (il n'était pas au pouvoir, à cette
date). Sa nouvelle vision comportait des réponses aux recommandations de la
Commission Peel (britannique), dont il considérait qu'elle ne pouvait obtenir
comme résultat que celui d'attiser, de plus en plus, les braises de la haine
entre les Arabes et les Juifs. Les réponses de Noury consistaient en la levée du
mandat britannique sur la Palestine, la partition du pays en trois unités
fondamentales : la première unité comprenait la plaine côtière et la Galilée :
un gouvernement autonome juif y serait installé ; la deuxième unité territoriale
englobait Jérusalem, avec un couloir la reliant à la Méditerranée, sous contrôle
britannique, et la dernière, enfin, composée du reste de la Palestine, serait
annexée à l'émirat de Transjordanie. Ainsi aurait cessé tout prétexte à
compétition et à conflictualité de tous contre tous. Noury considérait aussi ce
projet de solution comme visant à établir un Etat national pour les Juifs en
Palestine mais, cette fois, d'une manière acceptable pour les Arabes, surtout si
la Palestine et la Jordanie voulaient bien se joindre à l'Irak pour passer
certains compromis, indispensables, avec les Juifs.
Même si les mobiles
étaient différents, la position britannique sur les propositions de Noury ne
différa pas beaucoup des précédentes. Dans un rapport secret télégraphié par
l'ambassade britannique à Bagdad au ministère des colonies, à Londres, celle-ci
exprimait son opposition résolue à la proposition de Noury de se rendre en
Jordanie et en Arabie Saoudite afin d'y mener des pourparlers sur la question de
Palestine, considérant que "Noury est un extrémiste" sur cette question, et
qu'il prône "un plan qui est totalement irréaliste" pour ce qui est des
solutions à y apporter.
En réalité, Noury Saïd était pris entre deux refus :
le refus des Britanniques et celui des Juifs. La position de ces derniers
n'était en rien affaiblie, au contraire : elle ne faisait que se renforcer,
s'organiser, gagner en influence. Ceci l'amena à constater, avec une amertume et
un réalisme mêlés, au début de 1938 : "la crainte principale des Arabes, c'est
celle que la Grande-Bretagne n'ait l'intention secrète d'établir un Etat juif en
Palestine dans lequel le nombre des Juifs serait supérieur à celui des Arabes...
" A ce sujet, Noury semblait douter de la possibilité de trouver un quelconque
règlement au problème palestinien, en dépit des efforts britanniques allant en
ce sens. Il prit conscience que la promesse Balfour et le projet de partition
étaient la pierre angulaire de la politique de la Couronne. Et afin de ne pas
devenir la proie du sentiment que les choses lui échappaient et qu'il était
dépassé par les événements, il se rendit à Londres, le 11 novembre 1938 et il y
mena de multiples rencontres avec certains des plus hautes personnalités
politiques britanniques..Ainsi, au Ministère des affaires étrangères, Noury
rencontra George Randal et il lui proposa de modifier la promesse Balfour, afin
que la création d'un foyer national spirituel et culturel pour les Juifs en
Palestine soit accompagnée d'une limitation de l'immigration juive vers ce pays.
Noury évoqua, au cours de rencontre avec d'autres hauts responsables
britanniques, ses craintes devant l'augmentation du nombre des immigrants juifs
en Palestine, et en particulier l'afflux de Juifs provenant d'Europe centrale,
et fit part de "son profond pessimisme" quand à l'idée de la partition,
affirmant ouvertement "le refus catégorique des Arabes de Palestine de devenir
une minorité dans leur propre pays" et qu'ils "ne pouvaient accepter de
concéder, dans les faits, une partie de la Palestine aux Juifs". Il insista
également sur la nécessité de conserver la souveraineté arabe sur la Palestine,
dont les habitants ne feraient pas d'objection, cette souveraineté étant
garantie, "à l'existence d'une minorité juive dans cette partie du pays dont il
est suggéré à l'heure actuelle qu'elle devienne à l'avenir un Etat juif". Il
proposa un projet alternatif, comportant "la présence d'une minorité juive non
séparée en Palestine, à laquelle seraient garantis les droits naturels d'une
minorité qui pourraient prendre, à l'avenir, la forme d'une autonomie".
Au
Caire, Noury redoubla ses tentatives visant à rapprocher les différentes
conceptions de solution. Ainsi, le 13 janvier 1938, il rencontra l'ambassadeur
britannique, Handel James, afin d'éviter le pire, il exprima sa conviction que
la situation en Palestine était "dans l'impasse : c'est pourquoi toute solution,
pour avoir quelque chance d'aboutir, devra partir de nouvelles prémisses, d'une
manière ou d'une autre", qu'il s'agît de la considérer comme "un casus
separatus" ou qu'on l'envisageât comme "partie de la question de la création
d'une confédération arabe dans la région". Afin de rendre cela possible, il
proposa la "tenue d'un congrès international, dans un pays neutre, qui réunirait
des représentants de toutes les parties concernées". Mais Noury fit également un
ensemble de propositions au sujet de l'immigration juive en Palestine, de
l'établissement d'un état dans cette dernière, qui se ramenaient à "apporter
certaines modifications au projet juif visant à autoriser une immigration juive
illimitée", les modifications mentionnées devaient comporter le plafonnement du
nombre des Juifs, en Palestine, à cinquante pour cent de la population totale,
"quels que soient les cas de figures, et sans dépassement possible".
Noury
expliqua que cette limitation visait seulement à rendre "l'immigration (juive)
acceptable pour les Arabes". Il exigea, de plus, que cette limitation soit
formulée de manière officielle afin de dissiper le "sentiment de désespoir" qui
s'était emparé des Arabes à cause de leurs craintes que la politique britannique
ne finisse par "les soumettre totalement aux Juifs dans toutes les régions de la
Palestine". Il semble que Noury ait évoqué également, au cours de la même
réunion, ses idées sur l'établissement d'une entité politique juive en
Palestine, car l'ambassadeur britannique considéra que "Noury était convaincu
que les Arabes, d'une manière générale, ne feront aucune objection à un Etat
juif, tant qu'il ne s'agit pas d'un projet aboutissant à une main-mise totale
des Juifs sur la Palestine". Noury a indiqué, à ce propos, que la "promesse
Balfour" ne comportait, dans son essence, "aucun engagement à établir un Etat
juif", mais qu'elle faisait seulement mention d'"un foyer national juif en
Palestine".
Noury défendit, au Caire et à Londres, avec beaucoup
d'intelligence et de brio ses visions sur une solution, mais les autorités
britanniques ne les prirent pas au sérieux : il tenta alors de justifier et
d'expliciter sa position aux yeux des dirigeants palestiniens, mais il souleva
une controverse aigue et complexe au sujet de la confédération qu'il proposait,
à laquelle on opposait la formation d'un gouvernement national indépendant en
Palestine, et il rappela, à nouveau, que la solution ne pourrait être imposée
par la force ou sous la contrainte, ni en accumulant les conditions préalables.
Elle ne pouvait provenir que de la conjonction des volontés. Il n'était pas
nécessaire de réaliser un consensus unanime, mais il était indispensable de
parvenir à une majorité mixte, palestinienne et juive. Ainsi, lorsque Noury
rencontra le mufti, il lui demanda d'abandonner "les négociations avec la partie
juive", car, de son point de vue, il n'était d'aucune utilité d'étudier les
aspects secondaires du problème. Mais il considérait, en même temps, que la
constitution d'un gouvernement nationaliste indépendant en Palestine était
"prématurée", voire même "irréalisable", si l'on n'accordait pas aux Juifs
"certains privilèges, afin de les tranquilliser" dès cet instant. Il était
d'avis que l'arrêt de l'immigration juive "était le souhait de tout le monde".
Il pensait qu'il était préférable de se montrer conciliant à leur égard en
matière de privilèges accordés localement, d'autant plus qu'il serait garanti
que ces privilèges ne sauraient porter atteinte à la souveraineté de l'Etat. Il
déclara également que la constitution d'un gouvernement national, "sans accorder
aucun privilège particulier représente notre revendication maximale, mais que
cette revendication est irréalisable, pour peu que nous soyons réalistes et ne
cherchions pas à nous bercer d'illusions. A moins que les Arabes ne soient assez
forts pour l'obtenir". Au cours d'une rencontre avec le leader palestinien Awdi
Abd al-Hadi, au Caire, le 14 janvier 1938, Noury se montra ferme sur ses
positions appelant à l'unité entre la Palestine, la Transjordanie et l'Irak
"sous la souveraineté du roi Ghazi (d'Irak)", à la condition expresse que soit
fixé un plafond à l'immigration juive et aux privilèges à accorder
nécessairement à la minorité juive, on permettrait ainsi à deux millions de
Juifs de venir s'établir dans le royaume ainsi proposé, en sus des Juifs qui y
résidaient déjà.
D'une manière générale, les avancées de Noury Saïd étaient
perçues comme sans surprise et même ennuyeuses, comme s'il se fût agi de meubler
l'attente de qui saurait renverser la table pour parvenir à une solution. A la
fin du mois de mars 1938, Noury Saïd se rendit une nouvelle fois à Londres, où
il resta quelque temps, menant des conversations avec un certain nombre de
responsables britanniques et insistant sur la nécessité que la Grande-Bretagne
soit prête à faire des concessions essentielles face aux exigences arabes.
Malgré le refus britannique, Noury ne fut pas désespéré, il conservait l'espoir
de soulever la question au congrès de la "table ronde", que Londres s'apprêtait
à organiser, en mettant les bouchées doubles, d'autant plus que le gouvernement
britannique avait abandonné, pour un temps, tout du moins, l'idée du partage de
la Palestine...
Noury considérait, à juste titre, que la simple tenue de
cette table ronde représentait, en elle-même, un choc psychologique salvateur,
de nature à créer une certaine dynamique dans le sens d'une compréhension
mutuelle. Mais, par contre, il tentait de persuader tous les protagonistes de
donner leur agrément à un plan de travail basé sur le projet "New Camp" révisé,
afin de demander un règlement de la question palestinienne. Ce projet
préconisait, entre autres choses, l'établissement d'un Etat palestinien dont la
souveraineté comporterait les droits de tous et accorderait de larges
prérogatives aux différentes communautés (religieuses), sans exception, dans le
cadre du mandat britannique.
Ainsi, l'espace d'action laissé à Noury Saïd
devint extrêmement étroit. Au Caire, où il était arrivé à la fin d'octobre 1938,
à la demande du gouvernement Al-Midfa'i, il effectua de vastes tours d'horizon
avec les deux parties concernées : les Arabes et les Britanniques. Le
gouvernement britannique ayant déclaré au préalable son refus de reconnaître la
représentativité de la "Haute Commission Arabe" au congrès, Noury Saïd dut
rencontrer le Ministre plénipotentiaire britannique au Caire, Charles Batman,
auprès duquel il insista sur la nécessité de donner la possibilité au (mufti de
Jérusalem) al-Hajj Amin al-Husseïni de "présenter à ce sujet une autre
proposition pratique" qu'il considérait comme une issue convenable, et qui
stipulait que la représentation des Palestiniens se limiterait aux quatre partis
légalisés dont se composait la "Haute Commission Arabe", tant que les
Britanniques considérerait cette dernière comme illégale. Il indiqua à ce sujet
qu'il convenait de nommer membres de cette délégation : le mufti, Awni Abd
al-Hadi, Raghib al-Nashashibi et Huseïn Fakhri al-Khalidi, et que cette mesure
était "de nature à convaincre les Arabes de Palestine de la volonté sincère du
gouvernement de Sa Majesté d'aller de l'avant".
Mais les événements eux-mêmes
devaient en décider autrement, tant à Londres qu'au Caire ou à Beyrouth : d'une
capitale à l'autre, ces événements prenaient une dimension et des orientations
différentes. C'est face à ces réalité que Noury Saïd rencontra Handel, le 30
janvier 1938, et déclara qu'il estimait que la tenue du congrès serait sans
objet si la politique arrêtée par Londres, sur ce que ferait la Grande-Bretagne
si le congrès ne devait pas atteindre ses objectifs, n'était pas rendue
publique.
Les réunions préparatoires, tenues au Caire, le 20 janvier 1939,
entre les représentants arabes et palestiniens, furent le plus représentatives
possible, mais Noury souhaita, quant à lui, que ces discussions débouchent sur
des résultats pratiques, et ses efforts furent couronnés de succès, puisqu'on
parvint à décider d'un plan de travail commun, qui comportait l'établissement
d'un Etat indépendant en Palestine, à la condition que le gouvernement
britannique conclût avec son homologue palestinien ainsi proposé un pacte de
défense mutuelle, comme il en existait entre la Grande-Bretagne et l'Egypte,
d'une part, et entre la Grande-Bretagne et l'Irak, d'autre part, et que les
Juifs soit représentés dans ce gouvernement par deux ministres, aux deux
conditions expresses que l'immigration juive s'arrête et que la "promesse
Balfour" soit déclarée caduque...