Point d'information Palestine > N°117
du 21/11/2000
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Au
sommaire
Réseau Palestine
- Les Observateurs internationaux, c'est nous ! Manifeste
des étrangers vivant dans les Territoires palestiniens occupés (novembre 2000)
- Aujourd'hui à 23h20, sur France 3, "Israël-Palestine : une terre
deux fois promise" > seconde partie
- Aux origines des événements, la guerre de 1947-1949 par
Dominique Vidal (retranscription d'une conférence donnée à Paris, le 9
novembre 2000, à l'invitation du groupe "Chrétiens et
Proche-Orient")
- Tanya Reinhart : Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas
[Traduit de l'anglais par Giorgio
Basile]
- Au sommaire du dernier numéro de Manière de voir "Proche-Orient,
rebâtir la paix" publié par Le Monde diplomatique (N° 54 -
novembre/décembre 2000)
Revue de presse
- Le plus court chemin pour sortir de la crise in Al-Qod's
(quotidien palestinien) du lundi 20 novembre 2000 [traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
- Abed Rabbo : une reprise du processus de paix comme avant
l'Intifada est impossible in Al-Ayyam (quotidien palestinien) du
lundi 20 novembre 2000 [traduit de l'arabe
par Marcel Charbonnier]
- Fatah : les policiers palestiniens tués par les Forces
israéliennes de défense tentaient d'empêcher des attaques armées par
Amira Hass in Ha'Aretz (quotidien israélien) du dimanche 19 novembre 2000
[traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
- L'Europe indispose les Arabes par Baudoin Loos in Le Soir
(quotidien belge) du lundi 20 novembre 2000
- Barak intensifie la guerre économique par Alexandra
Schwartzbrod in Libération du samedi 18 et dimanche 19 novembre
2000
- L'offensive israélienne s'intensifie par Pierre Barbancey
in L'Humanité du vendredi 17 novembre 2000
- Amira Hass : "Les Palestiniens sont vraiment patients"
entretien réalisé par Pierre Barbancey in L'Humanité du vendredi 17
novembre 2000
- Premier Sommet de la femme arabe, sous le signe de la solidarité à
l'Intifada Dépêche de l'Agence France Presse du jeudi 16 novembre
2000, 15h32
Réseau
Palestine
Un e-mail reçu de Claude Abou-Samra - Ramallah,
lundi 20 novembre 2000 21:27 - Les étrangers résidant dans les
territoires palestiniens s'organisent. Ce soir, à l'appel de femmes grecques,
italiennes et espagnoles, plusieurs centaines de femmes étrangères et
palestiniennes ont manifesté à Ramallah, représentant une vingtaine de
nationalités, épouses de Palestiniens vivant en Palestine et étrangères
travaillant dans le pays. Les manifestantes se sont rendues au siège de la Croix
Rouge Internationale à Ramallah en demandant une protection pour le peuple
palestinien et un engagement de la communauté internationale pour faire
respecter le droit. Dans le même sens des étrangers ont signé par dizaine le
manifeste ci-dessous qui va être publié et envoyé à toutes les représentations
internationales. Une nouvelle manifestation est prévue à Ramallah dimanche
prochain.
1. Les Observateurs internationaux, c'est nous ! Manifeste
des étrangers vivant dans les Territoires palestiniens occupés (novembre
2000)
Nous, citoyens non-palestiniens, non-arabes, résidant dans les
territoires palestiniens occupés de Gaza et de Cisjordanie, y compris
Jérusalem-est, ne représentant d'autre autorité que celle de notre conscience,
désirons nous exprimer clairement, à la lumière des conditions actuelles. Nous
déplorons la décision de différentes représentations consulaires et
diplomatiques de rapatrier leurs employés et leurs citoyens. Il en va de même, à
plus forte raison, des agences de l'ONU et des autres organisations
internationales qui ont abandonné les Palestiniens à leur sort au moment même où
ils ont le plus besoin de services et d'une présence internationale. Nous
comprenons par contre les individus qui, pour des raisons personnelles, ont
décidé de partir durant cette période difficile. Quant à nous, nous allons
rester ici, sur le terrain, où le devoir et l'honneur requièrent notre présence.
Ceci n'est pas du goût de l'occupant, lequel, après avoir adressé des
avertissements répétés aux membres des médias internationaux en blessant par
balles plusieurs d'entre eux, n'a pas épargné un médecin allemand, le
docteur Harald Fischer, abattu par un missile à Beit Jala, et auquel, du fait de
l'intensité des tirs israéliens on n'a pas pu porter secours pendant deux
heures, durant lesquelles il a péri. Néanmoins, nous resterons, avec nos maris,
femmes, enfants et parents, pour continuer nos activités légitimes et
aujourd'hui essentielles, en tant que travailleurs et témoins de la lutte et des
peines du peuple palestinien. Nous sommes renforcés dans notre détermination par
des déclarations émanant du Conseil de Sécurité de l'ONU (Résolution No. 1322 du
7 octobre 2000), d'Amnesty International, du Haut Commissaire de l'ONU pour les
Droits de l'Homme, Mme. Mary Robinson, qui toutes déplorent l'usage excessif de
la force par Israël. Nous nous demandons pourquoi le Comité International de la
Croix-Rouge n'a pas le courage de dire tout haut par une Déclaration solennelle
depuis son siège à Genève, ce que ses délégués disent en privé. Et nous notons
les termes de la résolution (12 novembre 2000) du Forum Civil de la Conférence
Euro-Méditerranéenne de Marseille, représentant les sociétés civiles de 27 Etats
y compris Israël, qui dénonce les "crimes de guerre" commis par les soldats et
colons israéliens dans les territoires occupés. Nous comprenons l'exigence d'une
protection internationale et d'observateurs internationaux. Entretemps, nous
sommes et nous continuerons d'être les observateurs internationaux, et faisons
tout ce qui est dans notre pouvoir pour informer le monde de ce qui se passe en
Palestine. Chacun et chacune d'entre nous contribue, dans son domaine
d'intervention, à mettre fin à l'occupation et à rendre possible l'exercice du
droit inaliénable à l'auto-détermination du peuple palestinien. La création d'un
Etat palestinien viable est une condition essentielle pour la paix au Moyen
Orient. Afin d'y aboutir, nous appelons à la venue d'un grand nombre de
personnes des quatre coins du monde, afin de travailler aux côtés du peuple
palestinien et d'agir en tant qu'observateurs internationaux en Palestine. Ils
seront les bienvenus.
2. Aujourd'hui à 23h20, sur France 3,
"Israël-Palestine : une terre deux fois promise" > seconde
partie
La chaïne de télévision française France 3, présente ce mardi 21 novembre 2000, à 23h20, la seconde partie
de "Israël-Palestine : une terre deux fois promise", un documentaire
francais de William Karel et Hesi Carmel (1997 - 65 minutes).
Les grandes erreurs de l'Histoire
par Antoine Perraud in Télérama du 15/11/2000
De 1978 à 1991, de Camp David à la conférence de Madrid, les mêmes causes
produisent les mêmes effets. D'abord « la partie médiatrice a toujours penché du
côté israélien », souligne Boutros-Ghali. Les palinodies de Jimmy Carter, en
venant à représenter Sadate (exaspéré) auprès de Begin (exaspérant) sont
évoquées par l'ex-Président, tandis que son ancien conseiller, William Quandt,
enfonce le clou avec cruauté, confirmant son rôle dans cette série : l'Américain
sardonique épris de vérité, surtout si elle égratigne ses anciens supérieurs !
Alexander Haig est assez bonhomme pour raconter comment il s'est fait piéger par
Israël, en juin 1982, lors de la désastreuse guerre du Liban. Sharon,
comprend-on malgré ses dénégations, avait manipulé Begin, lui mentant sur les
réels objectifs militaires de ce conflit (1).
L'aveuglement des responsables israéliens est patent, de Rabin à propos de
l'Intifada (« Je vais leur briser tous les os du corps ») à Shamir, se lavant
encore aujourd'hui les mains des morts « non juifs » des camps de Sabra et
Chatila. Reste les regrets éternels d'un Shimon Peres ou d'un Abba Eban, sur le
nombre d'années perdues et le nombre de morts qui eussent pu être évitées. Le
pire a été frôlé au moment de la guerre du Golfe - Israël fut à deux doigts
d'intervenir avec des armes non conventionnelles - et la stature de James Baker
sort renforcée de cette enquête historique, qui réussit le prodige de substituer
l'introspection à la langue de bois. William Karel est un formidable accoucheur.
(1) Sharon a perdu en 1997 un procès intenté au quotidien Haaretz qui
affirmait cette vérité quinze ans après les faits.
3. Aux origines des événements, la guerre de 1947-1949 par
Dominique Vidal (retranscription d'une conférence donnée à Paris, le 9 novembre
2000, à l'invitation du groupe "Chrétiens et Proche-Orient")
La tragédie qui
ensanglante à nouveau le Proche-Orient dure depuis six semaines.
Elle a fait
plus de 185 morts, dont 170 Palestiniens. On sait quelle est l'étincelle qui a
mis le feu aux poudres : la visite provocatrice d'Ariel Sharon et des centaines
de soldats qui le protégeaient le 28 septembre, sur l'Esplanade des mosquées,
troisième Lieu saint de l'islam, puis, le lendemain, les tirs à balles réelles
qui firent 7 morts parmi les manifestants sans armes.
On sait également la
nature de l'explosif : l'immense frustration des Palestiniens face à sept ans
d'un processus de paix qui non seulement n'a pas encore débouché sur l'Etat
promis, mais a entraîné un doublement du nombre de colons juifs et aggravé
sensiblement les conditions de vie, de travail et de circulation de la
population des territoires autonomes et occupés.
Mais la colère qui s'exprime
ainsi remonte plus loin : c'est une réaction à la disparition progressive de la
Palestine, dont la guerre de 1948-1949 a marqué une première étape décisive. En
se penchant sur les origines de l'Etat d'Israël, on rencontre aussi celles du
problème des réfugiés palestiniens. D'où l'actualité du travail de ceux qu'on
appelle les " nouveaux historiens " israéliens, qui, en moins de quinze ans, ont
révisé radicalement l'histoire de ces événements telle que leurs prédécesseurs
la racontaient.
Entre le plan de partage de la Palestine adopté par
l'Assemblée générale des Nations unies le 29 novembre 1947 et les armistices de
1949 consécutifs à la première guerre israélo-arabe, plusieurs centaines de
milliers de Palestiniens ont dû quitter leurs foyers.
Pour les historiens
palestiniens et arabes, il s'agit d'une expulsion. La majorité de ces 700 000 à
900 000 réfugiés ont été contraints au départ, au cours des affrontements
judéo-palestiniens, puis de la guerre israélo-arabe, dans le cadre d'un plan
politico-militaire jalonné de nombreux massacres.
Selon l'historiographie
israélienne traditionnelle, au contraire, les réfugiés - 500 000 au maximum -
sont partis volontairement, répondant aux appels des dirigeants arabes qui leur
promettaient un retour rapide après la victoire. Non seulement les responsables
juifs n'auraient pas planifié d'éviction, mais les rares massacres à déplorer -
en premier lieu celui de Deir Yassine, le 9 avril 1948 - auraient été le fait
des troupes extrémistes affiliées à l'Irgoun de Menahem Begin et au Lehi
d'Itzhak Shamir.
Dès les années 50, quelques personnalités israéliennes
isolées contestaient cette thèse. Depuis la seconde moitié des années 80, elles
ont été rejointes dans leur critique par un certain nombre de journalistes et de
chercheurs : Simha Flapan, Tom Segev, Avi Schlaïm, Ilan Pappé et surtout Benny
Morris, qui, avec The Birth of the Palestinian Refugee Problem, a " fondé " la
nouvelle histoire ( ).
Curieusement, jusqu'en 1998, aucun des ouvrages des "
nouveaux historiens " sur la guerre de 1948 - les premiers sont pourtant parus
depuis 12 ans - n'a eu l'heur de plaire aux éditeurs français. C'est pourquoi
j'ai décidé, avec mon confrère Joseph Algazy, journaliste au quotidien Haaretz,
de pallier cet " oubli ". Synthétiser en quelques minutes des années de
recherches historiques est une impossible gageure. Disons, pour nous en tenir à
l'essentiel, que les " nouveaux historiens " ébranlent en particulier trois
mythes sionistes :
- Le premier, c'est la menace mortelle qui aurait pesé sur
Israël à l'époque. Contrairement à l'image d'un frêle État juif à peine né et
déjà confronté aux redoutables armées d'un puissant monde arabe, les " nouveaux
historiens " établissent la supériorité croissante des forces israéliennes (en
effectifs, armement, entraînement, coordination, motivation...) à la seule
exception de la courte période qui va du 15 mai au 11 juin 1948.
Mais il y a
plus. Israël dispose à l'époque d'une carte maîtresse, étudiée par Avi Shlaïm
dans Collusion across the Jordan : l'accord tacite passé le 17 novembre 1947
(douze jours avant le plan de partage des Nations unies) par Golda Meïr avec le
roi Abdallah de Transjordanie. La Légion arabe, seule armée arabe digne ce nom,
s'engageait à ne pas franchir les frontières du territoire alloué à l'État juif
en échange de la possibilité d'annexer celui prévu pour l'État arabe.
Assuré,
dès février 1948, du feu vert explicite du secrétaire au Foreign Office, Ernest
Bevin, ce plan sera effectivement mis en ¦uvre. Comme le Haut comité arabe
(palestinien) et l'ensemble des Etats arabes, la Transjordanie a rejeté le plan
de partage de l'ONU. Si bien que la Légion arabe participe à la guerre à partir
du 15 mai 1948. Mais elle ne pénètrera jamais en territoire israélien et ne
prendra jamais l'initiative d'une bataille d'envergure - sauf à
Jérusalem.
D'ailleurs, le schéma du 17 novembre 1947 se substituera bel et
bien, à la fin des hostilités, au plan de partage du 29 : la Jordanie occupera
et annexera la partie arabe de la Palestine, moins les zones conquises par
Israël (qui a augmenté sa superficie d'un tiers) et la bande de Gaza occupée par
l'Égypte...
- Le deuxième mythe concerne la volonté de paix qu'aurait
manifestée Israël au lendemain de la guerre.
Organisée par la Commission de
conciliation sur la Palestine des Nations unies, la conférence de Lausanne a
notamment été étudiée par Ilan Pappé dans The Making of the Arab-Israeli
Conflict. Ses conclusions contredisent largement la thèse traditionnelle.
Les
archives montrent que, dans une première phase, Israël fait preuve d'ouverture :
le 12 mai 1949, sa délégation ratifie, avec celles des Etats arabes, un
protocole réaffirmant à la fois le plan de partage des Nations unies et le droit
au retour des réfugiés. Mais, ce même 12 mai 1949, l'Etat juif est admis à
l'ONU. De fait, Lausanne finira dans l'impasse. Et Eliahou Sasson, le chef de la
délégation israélienne, confiera : " Le facteur qui bloque, c'est aujourd'hui
Israël. Par sa position et ses demandes actuelles, Israël rend la seconde partie
de la Palestine inutilisable pour tout projet, sauf un - son annexion par un des
États voisins, en l'occurrence la Transjordanie ( ). "
Particulièrement
significative est la manière dont David Ben Gourion rejette l'offre étonnante du
nouveau président syrien, Husni Zaïm, qui propose non seulement de faire la
paix, mais aussi d'accueillir 200 000 à 300 000 réfugiés palestiniens. Le temps
que Tel Aviv prenne conscience de l'intérêt de la suggestion, il est trop tard :
Zaïm est renversé par un coup d'État militaire...
- Mais le mythe plus
sérieusement ébranlé concerne l'exode des Palestiniens. Résumons. Benny Morris
le montre, les archives ne recèlent aucune forme d'appel national, palestinien
ou arabe, à la fuite. Quant aux fameuses exhortations qu'auraient diffusées les
radios arabes, on sait depuis l'étude de leurs programmes enregistrés par la BBC
qu'il s'agit d'inventions pures et simples ( ).
Certes, dans les semaines
suivant le plan de partage, il y eut 70 000 à 80 000 départs volontaires, pour
l'essentiel de riches propriétaires terriens et des membres de la bourgeoisie
urbaine. Mais après ? Le premier bilan dressé par les Services de renseignement
de la Hagana, daté du 30 juin 1948, estime à 391 000 le nombre de Palestiniens
ayant déjà quitté le territoire alors aux mains d'Israël. " Au moins 55 % du
total de l'exode ont été causés par nos opérations ", écrivent les experts,
lesquels ajoutent les opérations des dissidents de l'Irgoun et du Lehi " qui ont
directement causé environ 15 % de l'émigration " et les effets de la guerre
psychologique de la Hagana : on arrive ainsi à 73 % de départs directement
provoqués par les Israéliens. Dans 22 % de cas, le rapport met en cause les "
peurs " et la " crise de confiance " répandues dans la population palestinienne.
Quant aux appels arabes locaux à la fuite, ils n'entrent en ligne de compte que
dans 5 % des cas....
A partir de la reprise des combats, en juillet 1948, la
volonté d'expulsion ne fait plus le moindre doute. Un symbole : l'opération de
Lydda et de Ramleh, le 12 juillet 1948. " Expulsez-les ! " a dit David Ben
Gourion à Igal Allon et Itzhak Rabin. De fait, la violente répression (250
morts,) est suivie de l'évacuation forcée, accompagnée d'exécutions sommaires et
de pillages, de quelque 70 000 civils palestiniens - soit près de 10 % de
l'exode total de 1947-1949 ! Des scénarios similaires seront mis en ¦uvre
jusqu'à la fin 1948 au Nord (la Galilée) au Sud (la plaine côtière et le
Néguev).
Ces Palestiniens qu'on expulse, on confisque en même temps leurs
biens, grâce à la loi sur les " propriétés abandonnées ", votée en décembre
1948. Israël mettra ainsi la main sur 73 000 pièces d'habitation dans des
maisons abandonnées, 7 800 boutiques, ateliers et entrepôts, 5 millions de
livres palestiniennes sur des comptes en banque et - surtout - 300 000 hectares
de terres ( ). Au total, plus de 400 villes et villages arabes disparaîtront ou
deviendront juifs.
Dans 1948 and After, Benny Morris revient plus longuement
sur le rôle joué par Yosef Weitz, alors directeur du département foncier du
Fonds national juif ( ). Dans son Journal, le 20 décembre 1940, ce sioniste aux
convictions tranchées confiait sans détours : " Il doit être clair qu'il n'y a
pas de place pour deux peuples dans ce pays (...) et la seule solution, c'est la
Terre d'Israël sans Arabes (...) Il n'y a pas d'autre moyen que de transférer
les Arabes d'ici vers les pays voisins (...) Pas un village ne doit rester, pas
une tribu bédouine. "
Ce programme radical, sept ans plus tard, Yosef Weitz
va pouvoir l'appliquer lui-même. Dès avril 1948, il obtient la constitution d'"
un organisme qui dirige la guerre avec pour but l'éviction d'autant d'Arabes que
possible ". Informel jusqu'à fin juin, officiel ensuite, le " Comité du
transfert " supervise la destruction des villages arabes abandonnés ou leur
repeuplement par de nouveaux immigrants juifs. Bref, quand David Ben Gourion
déclare au Conseil des ministres, le 16 juin 1948, vouloir éviter " à tout prix
" le retour des réfugiés, il s'agit, non d'une phrase en l'air, mais d'un
programme politique très concret...
Le débat le plus vif porte sur la nature
de la politique arabe du Yichouv et de ses forces armées durant les six premiers
mois de 1948.
Dans son premier livre, Benny Morris s'en tenait à une thèse "
centriste " : " Le problème palestinien est né de la guerre, et non d'une
intention, juive ou arabe ( ). " Il a nuancé cette appréciation dans son
deuxième livre, 1948, en définissant le transfert comme " un processus
cumulatif, aux causes enchevêtrées, mais [avec] un déclencheur majeur, un coup
de grâce [en français dans le texte], en forme d'assaut de la Hagana, de
l'Irgoun ou des Forces de défense d'Israël dans chaque localité ( ) ". Benny
Morris nie cependant l'existence d'un plan d'expulsion et tend à disculper David
Ben Gourion, ce qui contredit nombre d'éléments que l'historien rapporte
lui-même :
- Benny Morris souligne en effet l'engagement de longue date de
Ben Gourion en faveur du projet de " transfert " (suggéré, en 1937, par la
Commission britannique Peel). Il nous apprend de surcroît, archives à l'appui,
que les textes du mouvement sioniste comme les Journaux de ses dirigeants ont
été systématiquement expurgés pour gommer toute allusion à ce " transfert
".
- Benny Morris décrit en permanence Ben Gourion menant d'une main de fer
l'entreprise d'expulsion des Arabes et de confiscation de leurs biens et insiste
également sur ce qu'il appelle le " facteur atrocité ". L'historien montre en
effet que, loin de représenter une " bavure " extrémiste, le massacre de Deir
Yassine a été précédé et suivi de nombreux autres commis par la Hagana, puis par
Tsahal, de la fin 1947 à la fin 1948. A ce sujet, il faut signaler le livre que
Benny Morris vient de publier en hébreu, à partir de certaines des archives
encore secrètes, mais auxquelles il a eu accès : il y raconte une série de
massacres insoutenables commis par les soldats israéliens dans les villages
arabes dont ils se rendaient maîtres, notamment en Galilée.
- S'agissant du
plan Dalet, mis en oeuvre à partir de la fin mars 1948, Benny Morris hésite. A
la page 62 de The Birth, il estime que " le plan D n'était pas un plan politique
d'expulsion des Arabes de Palestine ". Mais, page 64, il écrit : " A partir du
début avril, il y a des traces claires d'une politique d'expulsion à la fois au
niveau national et local en ce qui concerne certains districts et localités
stratégiques-clés. " Etonnantes contradictions !
- A mon sens, le fait que
les archives n'aient pas révélé de directive globale dans ce sens ne suffit pas
à nier le phénomène et les responsabilités de la direction du Yichouv. Au
contraire. Encore faut-il mesurer que cette dernière s'est appuyée sur le
consensus extrêmement solide existant dans son appareil politique et
militaire.
Résumons : moins de trois ans après la libération des camps
d'extermination, l'immense majorité des juifs de Palestine considèrent qu'ils
poursuivent le combat pour la survie. D'autant qu'ils vivent le refus arabe du
partage comme une nouvelle menace pour leur existence, et ignorent le caractère
extrêmement favorable des rapports de force. Après une phase défensive, ils
passeront donc sans état d'âme à l'offensive, pour atteindre l'objectif fixé par
leurs dirigeants : un Etat juif aussi grand et homogène que possible.
Comme
l'écrit Benny Morris, " Ben Gourion voulait clairement que le moins d'Arabes
possible demeurent dans l'État juif. Il espérait les voir partir. Il l'a dit à
ses collègues et assistants dans des réunions en août, septembre et octobre.
Mais (...) Ben Gourion s'est toujours abstenu d'émettre des ordres d'expulsion
clairs ou écrits ; il préférait que ses généraux "comprennent" ce qu'il
souhaitait les voir faire. Il entendait éviter d'être rabaissé dans l'histoire
au rang de "grand expulseur" et ne voulait pas que le gouvernement israélien
soit impliqué dans une politique moralement discutable ( ). "
Une dernière
réflexion à propos des enjeux actuels de ce débat historique.
La postface
rédigée par Joseph Algazy éclaire l'insertion des " nouveaux historiens " dans
un mouvement qui va bien au-delà : la recherche ce qu'on appelle le "
post-sionisme ". Pour résumer, Israël doit-il en rester au sionisme
traditionnel, et notamment s'attacher à demeurer un État juif ? Ou bien doit-il
se doter d'une identité nouvelle, et en premier lieu devenir l'État de tous ses
citoyens ? Inutile de souligner combien cette bataille est inséparable de celle
qui oppose camp de la paix et camp nationaliste...
Mais la connaissance et la
reconnaissance des conditions de cette double naissance - celle d'Israël et
celle du problème des réfugiés palestiniens - est surtout au c¦ur de
l'éventuelle réconciliation entre les peuples. La paix entre eux passe
évidemment, à mes yeux, par la création d'un véritable État palestinien
souverain. Mais la réconciliation exige beaucoup plus : que toutes les parties
au conflit assument leur histoire.
Reste à préciser jusqu'à quel point les
travaux des " nouveaux historiens " ont pénétré leur société. Ne le cachons pas
: de prime abord, ils ont surtout choqué la majorité de leurs concitoyens. Et
pour cause : ce n'est sur une page d'histoire parmi d'autres qu'ils ont
contribué à rétablir la vérité. Non, ce qui a été mis à nu, c'est bel et bien le
" péché originel " d'Israël. Le droit des survivants du génocide hitlérien à
vivre en sécurité dans un Etat devait-il exclure celui des filles et fils de la
Palestine à vivre, eux aussi, en paix dans leur Etat ? La réponse à cette
question concerne le passé, bien sûr, mais aussi le présent. Car l'injustice
commise ne peut-être réparée qu'en réalisant, avec un demi-siècle de retard, le
droit des Palestiniens à une patrie.
Plus que les querelles de spécialistes,
cet enjeu explique pourquoi le contre-feu s'organise, dès le début des années
80. A peine les premiers articles de Benny Morris parus, ils suscitent une
polémique, qui ne cessera pas. A l'origine de ces brûlots, on trouve d'" anciens
historiens ", qui campent sur leurs positions de l'époque, réaffirmant - contre
toute évidence - le caractère soi-disant volontaire de l'exil des Palestiniens
et niant toute responsabilité de la direction sioniste. Tel ou tel pan de la
version orthodoxe sera défendu, à des degrés divers, par Shabtaï Teveth, mais
également par de plus jeunes spécialistes, comme Anita Shapira, Avraham Sela,
Itamar Rabinovich ou Efraïm Karsh.
Parallèlement à ce débat d'idées, les
coups bas ne manquent pas. Ainsi ses ¦uvres vaudront à Benny Morris de perdre
son poste de journaliste au Jerusalem Post. Et il lui faudra douze ans pour
décrocher un poste universitaire, en l'occurrence à l'université David Ben
Gourion de Beersheva. Mais les descendants du père fondateur exigeront - en vain
- du recteur de ladite université qu'il licencie Benny Morris ou modifie le nom
de son université !
C'est qu'entre-temps, l'affrontement autour des thèses
des " nouveaux historiens " a pris un caractère public. Après avoir été cantonné
aux publications spécialisées, le plus souvent confidentielles, le débat a gagné
les journaux, et notamment dans le quotidien Haaretz. Il est alimenté par la
parution de plusieurs livres - à l'époque en anglais, soulignons-le : les
premières traductions en hébreu n'apparaîtront qu'au début des années
90.
Avec le cinquantième anniversaire de l'Etat d'Israël, en avril-mai 1998,
c'est l'apogée : même la très conformiste série télévisée Tekuma (Renaissance),
consacrée à l'histoire d'Israël, fait brièvement état, dans son émission sur
1948, de l'expulsion par Israël des civils palestiniens - avec des images
inédites qui frapperont évidemment ses centaines de milliers de
téléspectateursŠ
Désormais, les thèses des " nouveaux historiens ", si elles
restent sans doute minoritaires, apparaissent incontournables : impossible de
les ignorer. A preuve le nouveau manuel d'histoire d'Eyal Nave, publié à la
rentrée de 1999. Tout en préservant, sur l'essentiel, la vision traditionnelle
de la première guerre israélo-arabe, cet ouvrage n'en signale pas moins que le
rapport de forces, à l'époque, était très favorable aux armées juives, et que
celles-ci ont bien chassé nombre de Palestiniens.
Moins médiatisé, mais plus
significatif encore est le livre intitulé La lutte pour la sécurité d'Israël (
). Ses auteurs - un groupe de chercheurs issus des services de renseignement de
l'armée, qui ont eu le privilège d'accéder à des documents couverts par la loi
sur les secrets officiels - n'hésitent pas à égorger quelques-unes des vaches
sacrées du pays. Ainsi, le livre ne souscrit pas à la thèse officielle selon
laquelle les forces armées d'Israël étaient, en 1948, très inférieures à celles
des armées arabes - selon les auteurs, Tsahal avait 32 000 combattants contre 32
500 pour l'ensemble des forces arabes, néanmoins mieux armées - et reconnaît que
le départ des Palestiniens n'a pas été volontaire. Si l'establishment militaire
et politique israélien cherche ici à manifester un certain libéralisme
académique, dans des limites soigneusement mesurées, il n'en avalise pas moins
sur le fond, plusieurs thèses essentielles des " nouveaux historiens ".
La
percée de ces dernières ne signifie bien sûr pas que, dans son immense majorité,
la société israélienne ait répondu aux questions que lui pose son histoire. Sur
l'essentiel, elle reste indécise : favorable à la paix, elle hésite à en payer
le prix ; hostile à l'oppression religieuse, elle n'est pas pour autant prête à
la séparation de la synagogue et de l'Etat ; rétive aux discriminations, elle
envisage pourtant de retirer leur droit de vote aux citoyens arabes.
Le seul
saut véritablement qualitatif : dans la conscience du problème palestinien et
des responsabilités qu'Israël a pris dans sa création. A preuve cet étonnant
sondage, sur lequel je conclurai. Selon le Centre de politologie de l'université
de Tel-Aviv, 46,8% des Israéliens juifs estiment qu'Israël est responsable,
partiellement ou entièrement, du problème des réfugiés palestiniens. Mieux : 31
% reconnaissent que les forces juives, en 1948, ont expulsé les Palestiniens.
Mais seuls 11,5 % estiment que tous les réfugiés qui le souhaitent doivent avoir
le droit au retour.
Voilà qui éclairera la lanterne de ceux qui, durant les
premières semaines de l'Intifada Al-Aqsa, ont cherché - vainement - le mouvement
pacifiste israélien. Entre aspirer à la paix et être prêt à en payer le prix, il
y a encore un fossé.
Merci de votre attention.
Le Groupe Chrétiens et Proche-Orient c/o Justice et Paix -
17 rue Notre Dame des Champs - 75006 Paris
4. Tanya Reinhart : Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas
[Traduit de l'anglais par Giorgio
Basile]
Tanya Reinhart enseigne la linguistique et les études
culturelles à l'université de Tel-Aviv et à l'université d'Utrecht. L'article
qui suit est paru dans "Indymedia News" du 10 novembre 2000.
La précedente
Intifada, qui a duré six années, de 1987 à 1993, a fait au total 18.000 blessés
palestiniens. Aujourd'hui, nous en somme déjà à 7.000 en un mois. Un nombre
alarmant d'entre eux ont été victimes de blessures à la tête ou aux jambres
(genoux), causés par des tirs soigneusement ajustés et, de plus en plus souvent,
à balles réelles. Beaucoup ne s'en remettront pas, ou bien resteront handicapés
à vie.
Alors que les médias nous occupent avec des cessez-le-feu, des
initiatives de paix, des « réductions de la violence », les crimes israéliens se
poursuivent sans relâche dans les Territoires occupés. Pour appréhender
l'étendue de ces crimes quotidiens, nous devrions nous intéresser aux blessés,
et pas seulement au nombre de morts qui croît rapidement. Vendredi 3 novembre,
la chaîne CNN faisait état d'un « calme relatif » dans les Territoires.
Pourtant, ce jour-là, on comptait déjà 276 personnes blessées en cours
d'après-midi (rapport de LAW du 3 novembre), et le décompte était finalement de
« 452 Palestiniens [qui] ont été blessés vendredi dans les Territoires, selon le
Croissant Rouge » (titre d'un article paru dans Ha'aretz du 5
novembre).
Samedi 4 novembre, alors que les médias couvraient en long et en
large l'appel lancé par Barak « au leader palestinien Yasser Arafat pour
retourner à la table de nogociation et mettre un terme aux effusions de sang
palestino-israéliennes dans l'intérêt de la paix » (AP), Ha'aretz faisait état
de « 153 nouveaux cas de blessures reçues au cours d'affrontements avec les
troupes israéliennes », dont « 5 écoliers de Sa'ir (près d'Hébron) qui sont dans
un état extrêmement critique » (rapport du 4 novembre de Addameer, une
association de défense des droits de l'Homme et de soutien aux
prisonniers).
Plus de 7.000 Palestiniens ont été blessés jusqu'ici. Plusieurs
sources médicales palestiniennes indiquent qu'un nombre alarmant d'entre eux
sont blessés à la tête ou aux jambes (aux genoux notamment), blessures causées
par des tirs précis et, de plus en plus souvent, par des balles réelles (Dr.
Jumana Odeh, Directeur du Palestinian Happy Child Center, 24 octobre; Law,
rapport du 2 novembre). Nombre d'entre eux ne s'en remettront pas, ou resteront
handicapés pour le restant de leurs jours.
Un tel échantillonage de blessures
ne peut être accidentel. Dan Ephron, correspondant à Jérusalem du Boston Globe,
cite les conclusions d'une délégation du PHR (Physicians for Human Rights) [
voir note ]: « Des médecins américains qui ont enquêté sur l'usage de la force
par Israël en Cisjordanie et Gaza sont arrivés à la conclusion que les soldats
israéliens semblent viser délibérément la tête et les jambes des manifestants
palestiniens, même dans des situations ne mettant pas leur vie en danger. » Des
médecins de cette délégation ont expliqué que les officiers de police sont
entraînés à viser la poitrine dans les situations dangereuses (puisqu'il s'agit
de la cible présentant la plus grande surface), donc le fait que les
Palestiniens soient touchés à la tête ou aux jambes suggère qu'ils l'ont été
dans des situations où les tireurs ne sont pas en danger et disposent du temps
suffisant pour bien viser, et dès lors qu'ils cherchent délibérément à nuire à
des gens désarmés.
En fait, les Israéliens ne cherchent même pas à dissimuler
leurs stratégies. On peut trouver sans peine des interviews comme celle-ci dans
les médias israéliens: Le bataillon de Nahshon est prêt en cas de guerre civile
par Arieh O'Sullivan.
JERUSALEM (27 octobre) - « J'ai touché deux
personnes... aux genoux. C'est destiné à leur briser les os et les immobiliser,
mais sans les tuer », déclare le Sergent Raz, un tireur d'élite du bataillon de
Nahshon.
« Ce que j'ai ressenti? ...Eh bien, à vrai dire, j'étais plutôt
satisfait de moi-même », confie le soldat d'une vingtaine d'années. « Je me
sentais capable de faire ce pour quoi on m'a entraîné, et cela m'a donné
suffisamment d'assurance pour penser qu'en cas de situation de guerre réelle, je
serais capable de défendre mes camarades et moi-même. »
Une pratique courante
consiste à viser les yeux avec des balles recouvertes de caoutchouc, un manège
pratiqué par les soldats bien entraînés, qui requiert un maximum de précision.
Des cas de blessures oculaires sont signalés chaque jour. « Le 11 octobre, le El
Mizan Diagnostic Hospital à Hébron a examiné 11 Palestiniens touchés aux yeux,
dont 3 enfants. Le El Nasir Ophthalmic Hospital de Gaza a traité 16 cas, dont 13
enfants. Neuf d'entre eux ont perdu un oeil » (LAW, rapport du 19 octobre). « Du
29 septembre au 25 octobre 2000, le St. John Eye Hospital de Jérusalem a traité
50 patients atteints de blessures oculaires » (LAW, rapport du 2 novembre).
A
contrario des comptes rendus habituels, qui font mention de « combats », les
victimes ne sont pas seulement des manifestants. Voici un cas parmi d'autres,
sur lequel LAW a enquêté: Maha Awad, une femme de 36 ans vivant avec sa famille
à El Bireh (près de Ramallah) dans un appartement juste en face de la colonie
juive de Psagot. « Le mercredi 4 octobre 2000 au soir, elle était à la maison...
Elle se rappelle que: "Vers 9 heures, nous avons entendu des tirs dans le
quartier; c'étaient des coups tirés au hasard, mais nourris. Nous ne savions pas
ce qui se passait, mais nous étions très effrayés. J'ai fermé la pièce où je me
trouvais et suis allée sur le balcon afin de fermer la porte. À ce moment, j'ai
été touchée à l'oeil droit par une balle qui a traversé la porte vitrée du
balcon". » « Maha ne fut pas, cependant, la seule personne de cette famille a
être sérieusement blessée cette nuit-là. Après l'avoir amenée à l'hôpital, son
frère de 54 ans (en visite - il réside aux États-Unis) retourna à la maison afin
d'y prendre quelques vêtements pour Maha. Alors qu'il cherchait à voir l'endroit
d'où était parti le coup qui avait atteint sa soeur, il fut atteint d'une balle
à l'estomac. » Il est difficile de n'avoir pas le sentiment d'une sorte de
partie de chasse, jouée de sang-froid par des tireurs d'élite bien entraînés et
disposant d'un équipement sophistiqué.
Des balles perdues ne pourraient
toucher autant de gens avec tant de précision aux yeux ou aux genoux. L'armée
israélienne a été soigneusement préparée à ce qui passe aujourd'hui: « Mise en
place il y a juste un an pour venir à bout des tensions en Cisjordanie... L'IDF
(Israel Defence Forces) a entraîné quatre bataillons en vue de conflits de
faible intensité, et Nashon est le bataillon spécialisé pour les cas de guerre
civile. Ses troupes s'entraînent dans des simulacres de villages palestiniens
construits dans deux bases de l'IDF. » (Jerusalem Post, Arieh O'Sullivan, 27
octobre 2000). Dès lors, des unités israéliennes spécialement entraînées,
visent, tirent et touchent leurs cibles d'une manière délibérée: estropier, mais
maintenir au plus bas les statistiques de mortalité. Les médias israéliens font
ouvertement (et assez fièrement) état de cette tactique. Le même article du
Jerusalem Post explique que « la stratégie générale de l'IDF est de priver les
Palestiniens du grand nombre de morts que les Palestiniens souhaitent - prétend
l'armée -, afin de gagner le soutien du reste du monde et de les renforcer ainsi
dans leur lutte pour l'indépendance. » Nous faisons tout notre possible pour ne
pas tuer... » déclare le Lieutenant-Colonel Yoram Loredo, le commandant qui a
mis sur pied le bataillon de Nahshon. »
La raison en est assez claire: un
grand nombre de morts palestiniens chaque jour ne peut passer inaperçu, même des
médias et gouvernements occidentaux les plus favorables à Israël. Barak a été
assez explicite à ce sujet. « Le premier ministre a déclaré que, si le nombre de
morts palestiniens n'avait pas été de 140 à ce jour, mais bien de 400 ou de
1.000, cela... aurait pu avoir de graves conséquences pour Israël. » (Jerusalem
Post, 30 octobre). Avec une moyenne stable de cinq morts par jour, ils espèrent
qu'Israël peut rester « hors d'affaire » pour encore de longs mois. Dans un
monde tellement habitué à l'horreur, beaucoup estiment que 180 morts par mois
est triste et déplorable, mais ne constitue pas une atrocité contre laquelle le
monde entier doit se liguer.
Les « blessés » sont à peine mentionnés : ils «
ne comptent pas » dans les statistiques arides de la tragédie. Qui s'inquiétera
de leur devenir après qu'ils aient été blessés, dans des hôpitaux surpeuplés et
sous-équipés ? Qui se donnera la peine de penser à tous ceux qui mourront
lentement, des suites de leurs blessures, ou qui resteront handicapés, aveugles,
mutilés pour le restant de leur vie ? Qui réfléchira aux chances de survie d'un
peuple assiégé et soumis à la famine ?
Jamais dans le passé Israël n'a osé
répondre quotidiennement avec un tel déploiement de force brutale à l'encontre
de manifestants jetant des pierres. Au cours des six années de la première
Intifada (1987-1993), il y eut 18.000 Palestiniens blessés. Aujourd'hui, après
seulement un mois, ils sont déjà 7.000. Ce à quoi nous assistons est une
nouvelle phase. Israël a déclenché une destruction programmée et systématique
des infrastructures, des villes, et des civils palestiniens.
Par ses
offensives massives à l'encontre de manifestants en colère, l'armée israélienne
a provoqué et encouragé une escalade dans l'usage des armes à feu. Sous prétexte
de mettre fin à des échanges de tirs (et souvent sans même ce prétexte), des
quartiers résidentiels sont bombardés pratiquement chaque nuit par des
hélicoptères et des tanks, en faisant usage de missiles, mitrailleuses et autres
armes de précision, pendant que l'armée invite les habitants à évacuer « en vue
d'assurer leur protection ». Les colons ont toute liberté pour attaquer, tirer
sur des gens et détruire des biens privés. À Hébron, une attaque israélienne
particulièrement violente a été engagée dans une opération qui semble être une
tentative d'étendre les quartiers juifs. Tout cela mis ensemble constitue une
pression énorme sur les habitants des zones en bordure des colonies juives, pour
les forcer à les évacuer et à permettre l'extension des terres précédemment
confisquées par Israël. Dans les faits, des terres sont confisquées chaque jour,
morceau par morceau. Sur tout cela, et sur bien d'autres choses encore, des
rapports désespérés de source palestinienne sont publiés chaque jour plus
nombreux. Il nous appartient maintenant de faire le choix de savoir.
Il n'y a
pas si longtemps, le monde occidental était choqué et irrité par les atrocités
commises par Milosevic à l'encontre des Albanais du Kosovo, qualifiées
d'épuration ethnique. Mais ce qu'Israël vient de commencer à mettre en oeuvre
est bien pire.
Confronté aux attaques terroristes contre les institutions et
les civils serbes au Kosovo, Milosevic a certes répliqué brutalement, faisant
usage d'une « force excessive ». Ces actes étaient criminels. Mais il n'a pas
envoyé des hélicoptères Apache bombarder des zones résidentielles, comme le fait
Israël. Il n'a pas assiégé les villes kosovares; il n'a pas envoyé des tanks
pour lancer des missiles, pas plus qu'il n'a envoyé des tireurs d'élite ayant
pour mission de blesser et tuer massivement.
Israël doit être
sanctionné.
Nous vous invitons à consulter
régulièrement le site "Solidaires du Peuple palestinien" créé et animé par
Giorgio Basile sur http://www.solidarite-palestine.org ou
vous retrouverez de nombreux autres témoignages.
5. Au sommaire du dernier numéro de Manière de voir "Proche-Orient,
rebâtir la paix" publié par Le Monde diplomatique (N° 54 -
novembre/décembre 2000)
Engrenages, Ignacio Ramonet
Le risque d'une perpétuelle soumission, Edward W. Said
Comment la paix fut manquée, Alain Gresh
Israël a besoin d'un Etat palestinien, Shimon Pérès
D'abord le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, Monique
Chemillier-Gendreau
Maale Adumim, une bombe à retardement, Eitan Felner
Le piège du sommet de Camp David, Amnon Kapeliouk
Sept ans pour rien ? Eric Rouleau
Du sionisme au post-sionisme, Zeev Sternhell
Israël, une société se déchire, Dominique Vidal et Joseph Algazy
Pourquoi le mouvement pacifiste peine à mobiliser
les Israéliens, Uri Avnery
La Palestine en quête de démocratie, Graham Usher
Réfugiés, un lancinant rêve de retour, Alain Gresh
Vers une « paix armée » au Proche-Orient, Geoffrey Aronson
L'Union européenne à la recherche d'un rôle actif, Miguel Angel
Moratinos
L'abcès syrien, Alain Gresh
Quand le Liban se libéra, Hana Jaber et Mounzer Jaber
Guerre non déclarée contre l'Irak, Denis Halliday
Le monde arabe orphelin de la démocratie, Gilbert Achcar
Ces Frères musulmans saisis par la modernité, Wendy
Kristianasen
Chronologie
Petit atlas israélo-palestinien, Philippe
Rekacewicz
Les textes-clés du conflit
Sites Internet, Olivier
Pironet
Vous pouvez vous procurer "Manière de
voir" en kiosque (45 F), ou en vous adressant à : "Le Monde diplomatique"
Boutique - 21 bis, rue Claude Bernard - 75242 Paris cedex 05 <boutique@lemonde.fr> Prix (port
compris) : 51 F (France) 56 F (Autres pays).
Revue de presse
1. Al-Qod's (quotidien palestinien) du lundi 20
novembre 2000
Le plus court chemin pour sortir de la crise [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
Le
premier ministre israélien, Ehud Barak, et son chef d'état major, le général
Shaül Mofaz ont considéré, hier, que le blocus hermétique imposé par Israël aux
territoires palestiniens, ainsi que les "pressions" militaires et politiques,
avaient commencé à faire leur effet, en voulant pour preuve la diminution de
l'intensité des manifestations populaires et les instructions des autorités
palestiniennes interdisant tout tir d'arme à feu à partir des régions "A" ou de
régions peuplées, ou à partir de tout rassemblement de foule.
Si la
direction israélienne a toujours, dans le passé, considéré les choses sous cet
angle, et si elle n'a cessé de répéter qu'elle était avant tout soucieuse de
faire baisser la tension, la question qu'elle devrait se poser est la suivante :
quelles mesures Israël a-t-il prises, en contrepartie ? Le premier ministre
israélien a-t-il donné à ses troupes l'ordre de cesser le feu contre les civils
désarmés ? A-t-il fait un geste montrant son intention d'alléger le blocus qui
frappe les villes, les villages et les camps de réfugiés palestiniens
?
Jusqu'à hier, au soir, la partie palestinienne n'a pu remarquer aucun
changement dans la position israélienne ; les martyrs ont continué à tomber,
ainsi que les blessés. Pis : Israël a encore resserré le blocus en interdisant
le passage des produits alimentaires et des carburants vers les territoires
palestiniens et il a déployé des blindés supplémentaires dans la bande de Gaza,
tandis que l'armée israélienne détruisait de vastes superficies de terres
agricoles, des hangars, des puits d'irrigation dans plusieurs régions, et ce ne
sont là que quelques exemples.
Il est évident que l'équation posée
aujourd'hui, et que le monde entier peut voir, c'est : un peuple palestinien
désarmé, dont la plupart des terres restent soumises à occupation, et ce peuple,
qu'il vive dans les territoires autonomes ou ailleurs, est soumis à un embargo
militaire et économique total par la plus puissante armée du Moyen-Orient. Il
découle de cette situation que la clé permettant de mettre un terme au cycle
infernal de la violence et à l'escalade se trouve entre les mains d'Israël qui
semble toujours vouloir résoudre les problèmes au moyen du blocus militaire et
économique, alors même que cette mesure a fait la démonstration de son inanité
au cours des décennies passées, comme il a échoué dans différentes régions du
monde, théâtres de conflits similaires ou approchants.
Ce qu'il convient de
dire, à ce point, c'est que le problème fondamental, que la direction
israélienne ne veut pas voir, c'est la cause palestinienne et les exigences que
sa solution soit conforme à la légalité internationale, et restitue leurs droits
aux Palestiniens. Aucune tentative d'imposer une alternative à cette solution ne
saurait réussir : ni la force armée, ni le blocus économique, ni d'affamer les
populations civiles, car de telles options ne sauraient amener à l'instauration
de la paix mais, bien au contraire, entraîneraient un surcroît de haine et la
prolongation indéfinie du conflit.
Ces bases étant rappelées, si la direction
israélienne est authentiquement soucieuse de sortir de la crise actuelle, elle
doit prendre l'initiative de cesser le feu, lever le blocus des territoires
palestiniens et reconnaître que le peuple palestinien refuse l'occupation et que
son insurrection n'a pas surgi du néant, mais que sa principale cause est
l'entêtement israélien à refuser de reconnaître ses droits légitimes.
Ainsi,
le plus court chemin pour mettre un terme à la violence, panser les plaies et
mettre un terme au conflit, c'est la reconnaissance par Israël, clairement
proclamée, du droit pour le peuple palestinien d'établir son état indépendant
sur la totalité des territoires occupés en 1967. Il y même plus urgent pour
Israël : admettre que toute tentative de résoudre le conflit par les moyens
militaires et les pressions économiques ne connaîtra pas d'autre sort que celui
des tentatives précédentes déployées par les différents gouvernements israéliens
successifs en la matière.
2. Al-Ayyam (quotidien palestinien) du lundi 20
novembre 2000
Abed Rabbo : une reprise du processus de paix comme avant
l'Intifada est impossible [traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
Gaza - Un responsable palestinien éminent a
indiqué hier que les Palestiniens refuseraient de reprendre les mêmes
négociations de paix que celles auxquelles ils ont participé avec Israël, avant
l'éclatement des violences, le 28 septembre dernier.
Yasser Abed Rabbo,
ministre de la culture et de l'information, membre du comité exécutif de l'OLP,
a déclaré à la radio palestinienne que la raison pour laquelle les Palestiniens
refuseraient de reprendre les négociations telles qu'elles se déroulaient avant
l'intifada est que ces négociations sont devenues sans objet, qu'elles ne sont
plus qu'une façon de tourner en rond en vain.
Abed Rabbo a dit : "la
partialité américaine pour Israël est également l'une des causes pour lesquelles
nous ne voulons pas reprendre les négociations sur leur mode antérieur".
Abed
Rabbo prône une reprise des négociations avec Israël, mais conditionnée par des
assurances internationales comparables à celles qui garantissaient la conférence
de Madrid, en 1991, et le dernier sommet de Charm-al-Shaykh.
Il a ajouté :
"Ces garanties doivent être suivies de l'envoi de forces internationales
d'interposition dans les territoires palestiniens afin d'assurer une application
scrupuleuse et fiable des décisions 242 et 383 du Conseil de
Sécurité".
Rappelons que les Palestiniens et les Israéliens avaient participé
à un sommet à Camp David en juin dernier, dans une tentative de parvenir à un
accord définitif mettant fin à leur conflit historique, mais qu'ils avaient
échoué, comme l'on sait, dans cette tentative.
3. Ha'Aretz (quotidien israélien) du dimanche 19
novembre 2000
Fatah : les policiers palestiniens tués par les Forces
israéliennes de défense tentaient d'empêcher des attaques armées par
Amira Hass [traduit de l'arabe par Marcel
Charbonnier]
Deux officiers de la Sécurité palestinienne,
tués vendredi matin à Jéricho par des artilleurs israéliens étaient en train de
tenter d'empêcher de jeunes Palestiniens de tirer contre les soldats de l'armée
israélienne, a déclaré une source du Fatah à notre journal.
Cette source
palestinienne nous a expliqué que les deux policiers abattus, le lieutenant
Hassid Farwan (45 ans) et le lieutenant colonel Haled Slameh (35 ans) ne
faisaient, en tentant de s'opposer aux tirs des jeunes manifestant, qu'appliquer
des ordres explicites reçus de leurs supérieurs.
Rejetant l'accusation selon
laquelle les deux officiers supérieurs s'apprêtaient à tirer contre une position
de l'armée israélienne, notre source du Fatah insiste sur le fait que les deux
policiers palestiniens agissaient conformément à l'ordre très strict d'empêcher
les Palestiniens de s'en prendre aux soldats israéliens. Leurs efforts visant à
empêcher les jeunes de tirer contre les soldats des Forces israéliennes de
Défense n'ont pas été divulgués au public palestinien, indique cette même
source, "afin de préserver l'honneur des deux policiers tués".
Récemment, des
membres du Fatah et d'autre mouvements avaient critiqué les tirs de Palestiniens
contre l'armée israélienne, avançant la raison que les tirs "ne sont pas
efficaces et détournent l'attention du caractère populaire" de l'insurrection.
Néanmoins, explique notre source, la révélation d'efforts actifs destinés à
mettre un terme à des tirs anti-israéliens suscite un écho extrêmement négatif
dans le public palestinien, qui est "ulcéré par le meurtre quotidien
d'adolescents et d'enfants palestiniens sans armes".
La direction du Fatah a
conclu de cette affaire qu'Israël veut faire monter l'escalade dans son
affrontement avec les Palestiniens, ajoute notre source. "Il est plus facile à
l'armée israélienne de faire usage des moyens répressifs dont elle dispose,
contre les Palestiniens", indique-t-elle, "lorsqu'elle peut prétendre qu'elle
agit à titre de représailles".
Comme exemple de la distorsion de la réalité
des violences par Israël, notre source nous cite l'assassinat jeudi soir de
Yusef Saliman Awad (25 ans), un membre du Fatah de Beit Omar, dans la région
d'Hébron. Suivant la version des faits donnée par l'armée israélienne, Awad
aurait tenté d'arracher son arme à un soldat israélien. Le Fatah rejette cette
allégation.
Des sources palestiniennes avancent qu'Awad et un autre homme ont
été arrêtés à un point de contrôle israélien à l'entrée de Beit Omar, qu'on leur
a ordonné de descendre de leur voiture et de s'éloigner à pied. Ces sources
disent qu'Awad aurait refusé d'abandonner son véhicule, en raison de ses
craintes que des unités de mustaravim ("arabisants") (forces infiltrées dans les
Territoires) pourraient l'utiliser pour lancer des opérations contre des
militants du Fatah. Awad a été tué à bout portant par un soldat israélien,
avancent les sources citées.
4. Le Soir (quotidien belge) du lundi 20 novembre
2000
L'Europe indispose les Arabes par Baudoin Loos
Entre
l'Europe des Quinze et le Sud méditerranéen, tout se passe comme si d'énormes
espoirs avaient été suscités puis peu à peu déçus. La conférence de Marseille,
qui s'est tenue mercredi et jeudi derniers, en atteste. Il s'agissait de la
quatrième Conférence ministérielle euroméditerranéenne, destinée à faire le
point sur le « procesus de Barcelone ». Celui-ci, lancé en 1995 par l'Europe
avec douze pays méditerranéens (1), avait l'ambition de préparer une vaste zone
de libre-échange à l'horizon 2010 à travers des accords d'association et aussi
des aides européennes. Cinq ans plus tard, la morosité l'emporte et les
événements de Palestine ont terriblement alourdi l'atmosphère, deux pays, la
Syrie et donc le Liban, refusant même de se déplacer à un sommet où siégerait
Israël.
Désillusion ? Tel est le sentiment général des pays arabes,
majoritaires dans la partie méridionale de ce partenariat euroméditerranéen.
Eux, à qui un effort très important est demandé pour s'adapter aux exigences
d'une libéralisation des échanges économiques, constatent que 26 % seulement des
aides annoncées - 3,4 milliards d'euros, déjà considérés par d'aucuns comme une
aumône - ont été versés, en raison de la complexité des procédures financières
européennes. Bien que de nouvelles promesses aient conclu le conclave de
Marseille (5,35 milliards d'euros et un flot de bonnes intentions), rien n'ôtera
des esprits sud-méditerranéens que l'Europe pense et agit en fonction des défis
de l'Est européen, à savoir le processus d'élargissement de l'Union et les
blessures balkaniques. Aux dépens du Sud.
« NEUTRALITÉ PERNICIEUSE »
Mais,
à Marseille, les Arabes n'ont pu s'empêcher d'axer leurs reproches vis-à-vis de
l'Europe sur un autre point : sa position dans les événements qui déchirent les
territoires palestiniens. En effet, aucune autre priorité ne pouvait s'imposer à
leurs yeux en raison du traumatisme vécu par les opinions publiques arabes qui
assistent impuissantes à ce qu'elles considèrent comme un carnage perpétré par
Israël au sein de la population palestinienne.
Et, dans ce dossier, ces
Arabes ont trouvé dans la cité phocéenne des Européens qui reconnaissaient
modestement le leadership américain dans le processus de paix
israélo-palestinien, si tant est que l'expression a encore un sens. Certes, le
communiqué final de la conférence fait-il allusion au soutien européen à
l'établissement d'un Etat palestinien à brève échéance et de préférence par la
négociation, mais cela n'a pas empêché le Palestinien Nabil Chaath de qualifier
de pernicieuse la neutralité européenne, qui la fait refuser de condamner
Israël. L'Europe espère un rôle qui soit acceptable par Israël, a dit le
ministre palestinien, mais ce pays ne veut justement aucun rôle pour l'Europe
dans ce dossier... Et de se demander pourquoi l'Europe s'attache à un jugement
balancé entre des lanceurs de pierres et une armée d'occupation qui tire à
balles réelles. Les Européens doivent montrer qu'ils soutiennent la légalité
internationale qui est bafouée par le blocus des territoires palestiniens imposé
par Israël, a-t-il encore ajouté.
La France, souvent accusée par l'Etat juif
de favoriser les intérêts arabes, n'a pas voulu confirmer cette impression à
Marseille. L'Europe veut peser sur les événements et pas seulement énoncer des
principes, a expliqué Hubert Védrine, chef de la diplomatie française. En fait,
les divisions des Quinze sont un secret de polichinelle. En témoigne l'extrême
prudence des conclusions formelles de la présidence française, comme cette
phrase sur le blocus israélien : De nombreux ministres ont souligné l'importance
qui s'attache à rétablir au plus vite la liberté de circulation des biens et des
personnes dans les territoires palestiniens et à lever les restrictions
actuelles.
(1) Le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, l'Egypte, Israël, Chypre,
Malte, la Syrie, le Liban, la Turquie, la Jordanie et l'entité
palestinienne.
5. Libération du samedi 18 et dimanche 19 novembre
2000
Barak intensifie la guerre économique par Alexandra
Schwartzbrod
Israël bloque les transferts de droits de douanes et de la TVA.
Jérusalem, de notre correspondante
Plus que jamais, les actes et les mots divergent en Israël et dans les
territoires palestiniens. Si les affrontements continuent sur le terrain,
souvent très violents, les dirigeants essaient de se montrer favorables à une
reprise des négociations. Comme si leur court et récent voyage respectif aux
Etats-Unis, loin de la haine qui secoue la région, les avait ramenés - du moins
momentanément - à davantage de raison. Vendredi, Yasser Arafat a confirmé
solennellement avoir ordonné l'arrêt des tirs à partir des secteurs sous son
contrôle. «Nous faisons tout ce que nous pouvons pour empêcher tout Palestinien
de tirer», a-t-il déclaré à Gaza dans une interview à deux télévisions, dont
l'AFP a récupéré une copie. Une déclaration aussitôt qualifiée de «manipulation»
par l'armée israélienne. «Arafat manipule la situation», a déclaré vendredi le
général Giora Eiland, chef des opérations de l'armée israélienne. «C'est ce
qu'il dit publiquement, mais vous n'avez pas connaissance de tous les autres
messages qu'il envoie à Barghouti et à certains autres de ses hommes», a
poursuivi l'officier général en faisant référence au chef du Fatah (le mouvement
de Yasser Arafat) pour la Cisjordanie, bête noire des Israéliens.
Manipulation ou impuissance, les injonctions d'Arafat n'ont en tout cas pas
permis d'éviter les heurts. Quatre nouveaux Palestiniens ont été tués vendredi
dans des affrontements avec l'armée israélienne, portant à 241 le nombre total
des tués (palestiniens dans leur immense majorité) depuis le début de
l'Intifada, le 28 septembre.
Le chef du gouvernement israélien, lui, se débat toujours entre la droite,
qui réclame un usage beaucoup plus important de la force militaire contre les
Palestiniens, et les pressions internationales, qui l'enjoignent de changer de
tactique. Pour calmer les uns et les autres, Ehud Barak a décidé de recourir à
l'arme... économique. Après avoir instauré un bouclage des territoires, qui a
réduit au chômage quelque 120 000 Palestiniens, puis un blocus en début de
semaine, il a intensifié la pression en bloquant le transfert aux territoires
des droits de douane et de la TVA prélevés sur les produits destinés à la
Cisjordanie et à la bande de Gaza, et qui transitent par le territoire
israélien. Selon le quotidien israélien Ha'aretz de vendredi, plus rien ne
rentrerait dans les territoires, à l'exception des biens considérés comme
«humanitaires» (nourriture, médicaments), et les Palestiniens commenceraient à
manquer de carburant.
Il semblerait, en revanche, que le Premier ministre israélien ne soit plus
loin d'accepter une «petite» présence d'observateurs internationaux non armés
sous l'égide de l'ONU - une proposition française -, dans un geste de bonne
volonté visant à «tendre la perche à Yasser Arafat pour permettre à ce dernier
de revenir à la table des négociations la tête haute», analysait vendredi le
quotidien Maariv. C'est que Barak continue peut-être à lire les sondages.
Toujours selon Maariv, si les Israéliens plébiscitent encore l'ex-Premier
ministre de droite Benjamin Netanyahou (47 %, contre 29 % à Barak), ils sont 56
% à prôner un accord de paix définitif avec les Palestiniens.
6. L'Humanité du vendredi 17 novembre 2000
L'offensive israélienne s'intensifie par Pierre
Barbancey
Les Palestiniens ont porté en terre le corps d 'un médecin allemand, Harry
Fischer, tué par un missile israélien. L 'état- major militaire multiplie les
pressions sur les dirigeants politiques.
Reportage. DE NOTRE ENVOYE SPECIAL A JERUSALEM .
Les raids sur les localités palestiniennes se multiplient. Dans la nuit de
mercredi à jeudi, des hélicoptères de combats ont attaqué trois bases du Fatah à
Tulkarem et Salfit ( nord de la Cisjorda-nie) et à Hébron ( sud) , ainsi qu 'un
dépôt de munitions à Jéricho ( est) .Cinq Palestiniens ont été blessés,l 'un d
'eux a dû être amputé d 'une jambe. Jeudi matin, un garçon de douze ans est
décédé des suites de ses blessures de la veille à Khan Younes. La petite
bourgade de Beit Jala, à la périphérie de Bethléem, est particulièrement visée.
Depuis plusieurs jours maintenant, la colonie d 'implantation juive de Gilo est
devenue une base militaire pour répliquer aux tirs palestiniens qui partent de
Beit Jala sans jamais faire de blessés.Cela n 'a pas empêché Tsahal d 'utiliser
des missiles mercredi soir. Deux maisons ont té détruites et le siège local de
la 'Force 17 ', la garde personnelle de Yasser Arafat, a été touché. Cinq
Palestiniens ont été blessés. Mais surtout un médecin allemand de cinquante-
huit ans,Harry Fischer, marié à une Palestinienne et père de deux enfants, a été
abattu par un missile. Son corps est resté deux heures au milieu de la route à
Beit Jala, l 'armée israélienne ayant empêché une ambulance d 'arriver sur les
lieux. Des centaines de Palestiniens ont participé à son enterrement. La tête du
médecin était coiffée d 'un kefieh palestinien traditionnel et la partie
inférieure du corps couverte des drapeaux palestinien et allemand. 'Ton sang n
'a pas été versé en vain, l 'armée israélienne le paiera ', criaient des femmes
entourant l 'épouse du défunt. Sur une banderole, on pouvait lire : 'Dr H.
Fischer : un pionnier au service de l 'homme en Palestine jusqu 'à ce que les
missiles israéliens le déchiquettent dans l 'exercice de sa mission sacrée '.
Tout porte à croire que l 'offensive israélienne n 'en est qu 'à ses débuts.Pour
la première fois, l 'armée n 'a pas prévenu de ses attaques. C 'est un miracle
si le nombre de morts n 'est pas plus important. L 'état- major militaire
multiplie les pressions sur les dirigeants politiques. Non sans cynisme, le
premier ministre israélien, Ehud Barak, a expliqué : 'Si nous pensions qu 'avec
2000 morts palestiniens au lieu de 200 actuellement nous réglerions quoi que ce
soit, nous agirions dans ce sens, mais il n 'y a pas de solution miracle, car un
règlement ne pourra être trouvé qu 'autour de la table des négociations. '
Pourquoi, dans ces conditions, autoriser l 'armée à tuer comme elle le fait
chaque jour? Sans doute parce qu 'Ehud Barak pense que si les négociations
doivent reprendre, il faut que les Palestiniens soient à genoux. vient
d'ailleurs d 'avouer l 'utilisa tion d 'une autre arme, économique celle- là. Il
a an-noncé, hier, qu 'Israël avait gelé, 'ces derniers jours ' et jusqu 'à
nouvel ordre, les transferts des fonds dus à l 'Autorité palestinienne en vertu
des accords d 'autonomie. Ceux- là prévoient en effet que les droits de douane
et la TVA prélevée sur les produits destinés à la Cisjordanie et à la bande de
Gaza qui transitent en territoire israélien doivent être restitués. Yasser
Arafat a réagi à cette mesure en affirmant que cela faisait 'partie de la guerre
contre nous de la part de Barak, qui est aussi une guerre de roquettes,d 'avions
et de tanks '. Il a ajouté que cette mesure,entrée en vigueur 'il y a plu-sieurs
mois ', mettait les territoires palestiniens 'dans une situation économique
critique '. Cette nouvelle dégradation de la situation survient alors que l
'émis saire américain Denis Ross est actuellement au Proche- Orient. Il a
rencontré Ehud Barak à Jérusalem,puis Yasser Arafat à Gaza. L 'idée d 'un sommet
tripartite avant le départ de Bill Clinton de la Maison- Blanche est toujours
dans l 'air. Mais dans l 'état actuel des choses on voit mal ce que Palestiniens
et Israéliens peuvent se dire, et surtout, décider.
7. L'Humanité du vendredi 17 novembre 2000
Amira Hass : "Les Palestiniens sont vraiment patients"
entretien réalisé par Pierre Barbancey
Journaliste juive israélienne, Amira Hass " couvre " la société
palestinienne pour le quotidien Ha'aretz. Depuis sept ans, elle vit dans les
territoires palestiniens, à Gaza puis à Ramallah. C'est dans cette ville que
nous l'avons rencontrée.
De notre envoyé spécial à Ramallah.
- Comment avez-vous vécu l'évolution de la situation dans les
territoires palestiniens ?
- Amira Hass. Très souvent les Palestiniens me demandent ce que je pense
d'eux. Je leur réponds que je les trouve vraiment patients. Ils sont toujours
surpris parce que ce n'est pas l'image que l'on a d'eux. J'ai suivi leur vie
pendant sept ans. · leur place, j'aurais explosé depuis des années. Lorsque je
vois aujourd'hui toutes ces manifestations, je continue à penser qu'ils sont
patients. L'explosion de colère est vraiment spontanée. On est même surpris de
la façon dont ils vont se faire tuer. Mais en réalité, au cours des sept
dernières années, la guerre était différente, mais c'était une guerre tout de
même. Une guerre d'usure, qui les fatiguait. Pendant sept ans, les gens savaient
que cela ne pouvait continuer ainsi. Ils n'ont pas arrêté de donner une chance à
la paix, puis une autre, puis une autre, puis encore une autre. Mais ce que je
note également, c'est l'absence de l'Autorité palestinienne. Ses représentants
ne viennent même pas ès qualités aux funérailles. C'est dramatique mais pas
vraiment étonnant. Vous pouvez voir depuis des années leur éloignement de la
société.
Le changement touche aussi le Fatah. Pendant sept ans, ses dirigeants ont
joué le jeu, même s'ils souffraient eux-mêmes ou leurs proches du manque de
liberté de mouvement, de la présence des colonies. Et soudain, les gens ont dit
" non ". Toutes ces années ont été marquées par la peur de l'avenir, à cause de
ces déceptions, parce que le processus de paix ne les a pas vraiment touchés. La
colère contre l'armée israélienne et les colons a toujours existé même si elle
n'était pas exprimée collectivement comme maintenant.
- En lisant la presse israélienne on a tendance à penser que vous
êtes assez isolée parmi vos confrères ?
- Amira Hass. Lorsque je me rends aux funérailles d'un Palestinien de
quatorze ans, je sais que je vais écrire pour un public israélien. Je dois
penser à la manière de les atteindre. Etant israélienne, je ne peux pas écrire
comme une Palestinienne. Je dois faire en sorte que mes lecteurs réalisent que
c'est horrible, parce qu'ils ne s'en rendent pas compte. J'aimerais que le
simple fait d'écrire l'âge du mort les choque. Mais ça ne les choque pas. C'est
peut-être aussi parce que je suis de gauche, que je suis issue d'une famille
communiste, de parents survivants de l'Holocauste, que je pense nécessaire de
vivre dans la société que je "couvre".
- N'est-ce pas trop dur de s'affronter au consensus de la société
israélienne ?
- Amira Hass. Je ne pense pas que le consensus soit si fort qu'on le pense
généralement. Mais ce n'est pas mon problème. Aussi longtemps que Ha'aretz
publiera mes articles, ce sera tant mieux. Maintenant, avec cette Intifada, les
gens parlent des colonies. Je ne pense pas que ce que j'écris changera le monde,
mais j'espère que cela touchera des gens du camp israélien pour la paix. La
question des colonies a pérennisé une attitude israélienne de base : ne pas
tenir compte du principe d'égalité. Si vous vivez dans une colonie qui a des
terres, de l'espace, de l'eau, tout ce que n'ont pas les gens qui vivent dans
les villages alentours ou dans les camps de réfugiés, et que vous gardez cette
situation intacte, alors vous pérennisez le concept d'inégalité. C'est la raison
de l'Intifada.
- Trouvez-vous des raisons d'être optimiste ?
- Amira Hass. Je ne vois pas arriver les changements dans la société
israélienne qui pourraient répondre aux demandes politiques palestiniennes
(coexistence de deux Etats dans les frontières de 1967). C'est pourtant le seul
chemin. Malheureusement, prévaut toujours l'idée qu'il faut contenir les
Palestiniens par des moyens militaires ou en imposant des encerclements.
L'Intifada sera longue et très dure pour les Palestiniens. En Israël, le
problème n'occupera plus la première page des journaux. En Israël, il existe un
courant militaire, économique et idéologique israélien très important qui veut
stopper toute dynamique pouvant amener à la création d'un Etat palestinien,
régler la question des réfugiés de 1948 ou celle des colonies. Pour ce courant,
une voie pacifique signifierait l'obsolescence de la supériorité militaire, de
l'hégémonie économique et de l'oppression. La paix est contraire à leurs
intérêts. Même si la majorité des Israéliens veut la paix, le chemin sera long.
Ils doivent comprendre que s'ils veulent vivre ici en tant que communauté juive,
qu'individus juifs, ils doivent le faire d'une autre manière, et non pas dans un
Etat exclusivement ethnique.
8. Dépêche de l'Agence France Presse du jeudi 16 novembre 2000,
15h32
Premier Sommet de la femme arabe, sous le signe de la solidarité à
l'Intifada
LE CAIRE - Le Premier sommet de la femme arabe, qui
s'ouvre samedi au Caire en présence de neuf premières dames arabes dont Soha
Arafat, la femme du président palestinien Yasser Arafat, sera placé sous le
signe de la solidarité à l'Intifada, la révolte palestinienne, selon les
organisateurs.
Outre Soha Arafat et l'épouse du président égyptien Suzanne
Moubarak, hôtesse de ce sommet inédit, les femmes des présidents libanais Andrée
Lahoud, soudanais Fatima Al-Béchir, tunisien Leila Ben Ali, ainsi que la reine
Rania de Jordanie et la princesse Lala Mariam, soeur du roi du Maroc Mohammed
VI, prendront part à cette réunion qui durera trois jours.
L'épouse de l'émir
de Bahrein cheikha Sabika al-Khalifa, ainsi que la femme du président djiboutien
Khadra Heid participeront également au sommet organisé par la Ligue arabe en
coopération avec le Conseil national de la femme (Egypte) et l'Institut Hariri
(Liban).
La Ligue arabe avait été informée de la participation au sommet de
la femme du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, Safiya, mais la Libye a décidé
finalement de se faire représenter par une délégation dirigée par Mme Salma
Chaabane Abdel Gabbar, ministre adjoint des Affaires sociales, selon la Ligue
arabe.
Dix-huit des 22 membres de la Ligue arabe seront présents au sommet,
mais neuf pays seront représentés par des personnalités moins importantes: la
Libye, les Emirats arabes unis, l'Irak, le Koweit, la Tunisie, la Syrie, le
Yémen, l'Algérie et la Mauritanie. Et quatre pays ne participeront pas au
sommet: l'Arabie Saoudite, le Qatar, le Sultanat d'Oman et les Iles
Comores.
Convoqué initialement pour débattre de la condition de la femme dans
le monde arabe, "le sommet sera cependant placé sous le signe de l'Intifada
d'al-Aqsa qui s'est imposée comme l'évènement le plus important dans le monde
arabe", selon les organisateurs.
Un gala de soutien à la lutte des femmes
palestiniennes se tiendra samedi soir en marge des travaux auxquels prendront
part au total environ 400 personnalités du monde arabe. Une ligne téléphonique
spéciale sera établie pour recevoir des donations destinées "à soutenir la lutte
des femmes palestiniennes contre la violence israélienne", selon la même
source.
Participantes et participants discuteront toutefois de plusieurs
questions, dont notamment "les répercussions de l'héritage culturel sur le rôle
de la femme arabe", les moyens de promouvoir "la participation de la femme au
processus de prise de décision politique" et "les moyens de promouvoir l'action
des organisations non-gouvernementales" spécialisées dans le soutien aux
femmes.
L'année 2000 avait été proclamée "Année de la femme arabe" lors de la
première conférence des femmes parlementaires arabes en novembre 1999.
Le
statut de la femme dans le monde arabe varie d'un pays à l'autre. En matière de
droits civiques, la femme égyptienne a été la première à acquérir le droit de
vote, en 1956, alors que la femme saoudienne n'a toujours pas droit à une carte
d'identité.
En ce qui concerne le statut personnel, la femme tunisienne est
celle qui bénéficie de la législation la plus libérale dans le monde arabe,
prévoyant notamment l'interdiction de la
polygamie.