"L’Autorité palestinienne devrait essayer de convaincre le peuple palestinien qu’Israël s’engage à rendre à l’avenir 95% de la Cisjordanie, alors qu’elle n’a pu récupérer que 2% seulement de ces territoires durant toute une année. Sur ces entrefaites, tandis que nous déclarons notre intention de nous retirer de la plupart des territoires, nous forgeons des plans pour y rester."
 
Yossi Sarid - ancien Ministre israélien de l'éducation
 
Point d'information Palestine > N°114 du 14/11/2000

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Au sommaire
Télévision
Aujourd'hui à 23h25, sur France 3, "Israël-Palestine : une terre deux fois promise"
Réseau Palestine
  1. Anatomie du racisme par Hanane Ashraoui [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
  2. Personne ne devrait mourir pour les colonies par Yossi Sarid [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
  3. Moi, femme, je vais en palestine par Luisa Morgantini
  4. Au sommaire de Med Intelligence N° 25 du 11 au 24 novembre sur : http://medintelligence.free.fr
Revue de presse
  1. Israël : le spectre de l'entrée des colons juifs dans la guerre par Alexandra Schwartzbrod et Didier François in Libération du mardi 14 novembre 2000
  2. La France suggère l'envoi d'une mission d'observateurs par Afsané Bassir in Le Monde du dimanche 12 novembre 2000
  3. L'assassinat d'un Palestinien provoque une flambée d'affrontements au Moyen-Orient par John Kifner in The New York Times (quotidien américain) du dimanche 12 novembre 2000 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
  4. Calvaire de vie quotidienne en Palestine par Pierre Barbancey in L'Humanité du samedi 11 novembre 2000
  5. Une situation très dangereuse par Françoise Germain-Robin in L'Humanité du samedi 11 novembre 2000
  6. Le partenariat euro-méditerranée dans la turbulence par Philippe Jérôme in L'Humanité du samedi 11 novembre 2000
  7. Maintenant, ce sont surtout les colons qui sont visés par Amos Harel in Ha'Aretz (quotidien israélien) du jeudi 9 novembre 2000 [traduit de l'hébreu par le service de presse de l'ambassade de France à Tel-Aviv]
  8. Paris se souvient : Le jardin Yitzhak Rabin a été inauguré hier à Paris par Boaz Bismuth in Yédiyoth Aharonoth (quotidien israélien) du lundi 6 novembre 2000 [traduit de l'hébreu par le service de presse de l'ambassade de France à Tel-Aviv]
  9. Les généraux ne veulent pas prendre de risques par Alex Fischman inYédiyoth Aharonoth (quotidien israélien) du vendredi 3 novembre 2000 [traduit de l'hébreu par le service de presse de l'ambassade de France à Tel-Aviv]
Télévision

 
Aujourd'hui à 23h25, sur France 3, "Israël-Palestine : une terre deux fois promise"
La chaïne de télévision française France 3, présente ce mardi 14 novembre 2000, à 23h25, la première partie de "Israël-Palestine : une terre deux fois promise", un documentaire francais de William Karel et Hesi Carmel (1997).
Les Rendez-vous manqués : du partage de 1947 à l'arrivée de Sadate par Antoine Perraud in Télérama du 08/11/2000
Cette première partie s'étale de 1947 à la visite de Sadate à Jérusalem en 1977. Attention ! ce n'est pas un bachotage sur ces trois décennies, mais des coups de sonde démontrant avec minutie une forme singulière d'autisme politique : l'impossible dialogue israélo-palestinien, avec ou sans « parrain » américain. Après s'être attardée sur le partage décrété par l'ONU (intervention discrète mais capitale de Léon Blum pour donner à l'Etat hébreu la voix de la France, qui allait faire la différence), la réalisation saute vingt ans. Nous voici en 1967, à la veille de la victoire foudroyante d'Israël lors de la guerre des Six-Jours, racontée par le menu (formidable exposé, mais légèrement hors sujet). Très vite, à l'euphorie des conquêtes (Sinaï, Gaza, Golan, Jérusalem, rive ouest du Jourdain), succède le désenchantement de leur impossible gestion politique.
Les Arabes, ulcérés, imposent les trois « non » (ni paix, ni négociation, ni reconnaissance). Quant à Golda Meir, obtuse à souhait, elle n'accorde aucun crédit aux avances de Sadate, dès 1971 : « Elle ne supportait pas qu'on lui apporte une bonne nouvelle », ironise son ancien ministre des Affaires étrangères, Abba Eban, précieux fil rouge de ce volet.
Citons aussi les éclairages rendus par le montage concis, rigoureux, passionnants, du roi Hussein, de Shimon Peres, de la veuve Sadate ou de Henry Kissinger, fidèle à lui-même (il est grassement payé pour ouvrir le bec devant toute caméra). Mais il trouve ici, avec les interventions du conseiller spécial américain William Quandt, un contradicteur acharné, qui déboulonne « dear Henry » de son piédestal. William Karel apporte la preuve que, loin d'être une simple chambre d'enregistrement de témoins et une gare de triage d'archives, la télévision peut se révéler outil critique. Et donc écrire l'histoire au lieu de la refléter passivement.
 
Réseau Palestine

 
1. Anatomie du racisme par Hanane Ashraoui [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
"Blâmer la victime" a toujours été, de tous temps, l'échappatoire courante permettant au coupable de rationaliser ou de maquiller l'horreur du crime-même.
Qu'il s'agisse de femmes battue, d'enfants maltraités ou des Palestiniens soumis depuis très longtemps à la brutalité de l'horrible occupation militaire israélienne, le premier (et unique) souci des lâches est de stigmatiser la victime, en l'accusant (ou en les accusant) d'avoir contribué à attirer sur elle(s)-même(s) la cruauté du crime perpétré.
La condition préalable, bien entendu, c'est la totale déshumanisation des victimes et le rejet tant de leurs droits les plus élémentaires que de leur demande de protection.
Inéluctablement, le complexe induit de victimisation est encore aggravé par une vulnérabilité accrue, par la distorsion de la réalité et par l'exclusion de l'action protectrice qui devrait découler des considérations humaines et des impératifs moraux.
Ainsi, l'éruption récente d'affrontements entre l'armée d'occupation israélienne et les protestataires civils palestiniens est devenue le terrain de manoeuvre idéal pour le déploiement de toute la force de la "machine à bobards" israélienne, en un exercice de décerébration et de déshumanisation dirigé contre tout un peuple, de la manière la plus délibérée, concentrée et raciste qui soit.
La forme de tromperie la plus élémentaire consiste à forger de toutes pièces une fausse symétrie entre occupants et occupés, entre oppresseurs et victimes. La "violence" d'une puissante armée israélienne d'occupation utilisant les tirs à balles réelles, les tanks et les mitrailleuses d'hélicoptères est (dans le meilleur des cas) mise sur le même niveau que la "violence" des civils palestiniens protestant contre leur victimisation et les pertes sans fin de droits, de terres et de vies.
De plus, les Palestiniens sont appelés à être dociles, à mettre un terme à la "violence", à mettre fin au "siège" d'Israël, comme si la plus puissante armée de la région était "menacée" par le rejet par un peuple désarmé de son occupation et de sa brutalité. La solution, évidente et simple, serait,  bien sûr, de retirer l'armée et de mettre fin à l'occupation.
Ceci s'accompagne, ironiquement, d'une dévaluation des droits et des vies des Palestiniens, qui s'effectue naturellement par la traduction de notre faiblesse objective en une diminution de droits, tant et si bien que c'est le puissant, le dominant, qui détermine les paramètres de la "justice" s'appliquant au faible...
L'ensemble du tableau présenté met en scène de manière constante le syndrome du "fardeau de l'Homme blanc". Les Palestiniens devraient être "reconnaissants" pour toute "offre généreuse" qu'Israël veut bien leur "présenter", et oublier l'iniquité et l'illégalité des "offres de négociations" d'Israël qui, pourtant, crèvent les yeux.
Aussi bien la droite que la gauche, en Israël (il en va de même aux Etats-Unis) ont adopté cette approche de la paix, condescendante et donneuse de leçons. Barak est allé "le plus loin qu'il pouvait aller" en "offrant" aux Palestiniens presque 90% de leurs terres, et quelques "responsabilités" à Jérusalem : et dire que ces "ingrats" de Palestiniens osent encore être "intransigeants" et "jusqu'au-boutistes"!
Après avoir fait une série de concessions qui ne nous laissent plus que 22% de la Palestine historique, voilà que l'on nous demande maintenant d'être partie-prenante à l'annexion illégale de Jérusalem par Israël et à sa politique de colonisation : cela revient à nous demander de nous compromettre à ses côtés afin de cautionner la violation de la légalité internationale définie par les résolutions de l'ONU.
L'idée nous traverserait-elle l'esprit de nous parjurer, de refuser le rôle de bons petits sauvages et de continuer à rejeter la version israélienne unilatérale d'une "paix" qui nous "offre" en cadeau de consolation un état-mouchoir de poche constitué de bantoustans isolés dans un système d'apartheid à l'israélienne, que nous serions immédiatement amenés - sous les coups - à résipiscence.
Après tout, si la pression, la menace et le bras-de-fer politique ne marchent pas, l'agression militaire dans son plus simple appareil peut donner les résultats convoités, puisque "les Arabes ne comprennent que le langage de la violence".
Les tactiques de terreur ou les politiques destinées à créer la panique entrent en action, et les qualificatifs "terroristes", "dictatoriaux" ou "violents" sont rapidement accolés aux Palestiniens, tandis que l'on présente une vision déformée de la réalité de leur volonté humaine de résister à la sujétion et à l'oppression à l'appui de ces caricatures.
Le cercle vicieux saute aux yeux : Arafat doit "contrôler" son peuple (s'agit-il bien d'un peuple, ou d'un troupeau ?) et lui "ordonner" de se calmer et d'accepter son esclavage et son oppression par les Israéliens, sous peine de ne plus être un "partenaire de paix" et de ne plus pouvoir être considéré comme un "dirigeant" ("leader") et, en même temps, Israël ne peut traiter avec Arafat, ni avec les Palestiniens, car ils sont intrinsèquement "non-démocratiques" et n'ont, par conséquent, rien en commun avec des démocraties aussi "civilisées" qu'Israël et les Etats-Unis...
Parallèlement, d'autres qualificatifs tout faits et stéréotypés sont produits sans compter, histoire de ne pas perdre la main, afin de réduire les Palestiniens à l'état de sous-hommes.
Les insultes historiques et habituelles utilisées par les officiels et les personnalités publiques israéliens, telles que "cancrelats, vermines à deux pattes, chiens", ont été enrichies des qualificatifs de "serpents" et "crocodiles"...
La réduction de notre humanité à une juxtaposition d'abstractions prend tout son caractère sinistre dans les exercices de comptabilité macabre. Le score des victimes palestiniennes des tirs à balles réelles des Israéliens est donné chaque jour, sous la forme de "x" tués et "y" blessés. Leurs noms, leurs identités, leurs espoirs fauchés, leurs rêves explosés ne figurent nulle part. Sont aussi tus le deuil et l'anxiété de leurs mères, pères, frères, soeurs, parents et amis, qui devront continuer à vivre avec leur perte tragique.
La diffusion par les médias du meurtre, perpétré de sang-froid, du jeune Muhammad al-Durra a fait voler en éclats la complaisance des gens qui se sentaient à l'aise tant que les Palestiniens restaient dans l'anonymat et leur souffrance invisible. Mais, même là, la machine de propagande israélienne a tenté de tordre le cou à la vérité, en dépit du caractère irréfutable de l'évidence du crime.
Tout d'abord, on a dit qu'il avait été tué par des "tireurs" palestiniens. Ensuite, il avait été "pris dans un échange de tirs". La pire version fut la description du petit Muhammad sous les traits d'un "fauteur de troubles", d'un enfant "sournois" qui avait eu ce qu'il méritait, comme si la réponse à apporter à un enfant coupable de vivre son enfance était de le descendre comme un lapin. La dernière accusation contenait une question implicite : "Qu'est-ce que cet enfant faisait là ?". La vraie question aurait du être : "Qu'est-ce que l'armée israélienne faisait là ?", au centre de Gaza la palestinienne, tirant sur des civils, et même sur un enfant et son père pris sur le fait en train de commettre l'acte "provocateur" de faire ensemble leurs courses ?
Veuillez noter la différence, toutefois, lorsqu'il s'est agi des deux agents israéliens déguisés, appartenant aux tristement célèbres commandos de la mort, qui ont été tués par les manifestants palestiniens...
Aucun Palestinien n'a essayé de justifier cet acte inadmissible. Au contraire, ordre a été donné de mener une enquête et d'arrêter les responsables. Après tout, l'état de droit et un procès en bonne et due forme, cela existe.
En lieu et place, Israël a mis en mouvement ses tanks et ses troupes, resserrant encore le siège et l'étouffement des villes, villages et camps palestiniens. Puis il a fait intervenir ses hélicoptères-mitrailleurs Apache et il a bombardé les villes palestiniennes, infligeant ce qui se fait de mieux en matière de punition collective totalement insensée et gratuitement cruelle.
Sa version des faits a présenté les deux agents israéliens comme des réservistes qui se seraient "égarés", seraient entrés "par erreur" à Ramallah et y auraient été "lynchés" par la populace. Au niveau du vocabulaire, on aura pu noter la récurrence des termes "boucherie", "soif de sang" et "sauvagerie".
Même si nul ne saurait approuver l'assassinat des deux soldats, il est important de prendre en considération la réalité des faits et le contexte :
Tout passage, pour sortir de Ramallah, ville sous siège militaire israélien total, ou y entrer, était interdit. Une seule entrée de la ville était ouverte, entièrement sous le contrôle d'une série de barrages militaires israéliens. Aussi, s'"égarer" à Ramallah aurait réclamé des tentatives délibérées et répétées nécessitant de la ténacité, de la constance, voire même une certaine imbécillité.
Les deux agents israéliens étaient clairement infiltrés et introduits à dessein au beau milieu d'une marche de protestation, en plein centre-ville, à l'occasion de l'enterrement d'un Palestinien, adulte, Issam Joudeh Hamad, du village de Umm Safa, qui avait été kidnappé par des colons israéliens et torturé à mort d'une manière dont la description fait froid dans le dos.
Des relevés et des photographies macabres du corps de la victime, les témoignages des médecins qui l'ont examiné, n'ont pas été exposés en boucle aux yeux du monde entier dans le but de marquer des points et de déshumaniser les Israéliens. Plusieurs chaînes de télévision arabes m'ont informée du fait qu'elles avaient renoncé à diffuser, dans leurs bulletins d'information, des images du corps de la victime, en raison de leur caractère insoutenable. 
La plupart des participants à la manifestation, dans la ville assiégée de Ramallah, connaissaient personnellement la victime, certains avaient vu le cadavre. Les deux agents "arabisants" israéliens qui s'étaient glissés dans la foule des manifestants ont été reconnus par des Palestiniens pour être des membres des "Commandos de la Mort", responsables d'assassinats et de provocations répétés.
En dépit des efforts déployés par la police palestinienne pour les protéger, les deux indics ont été tués devant les caméras.
Ceci a été immédiatement prétexte à présenter tous les Palestiniens comme des meurtriers, et à déverser une des campagnes de haine les plus systématiques et venimeuses de l'histoire récente. Ce fut aussi la justification des raids aériens israéliens contre Ramallah et d'autres villes palestiniennes.
Dans un appel émouvant lancé à ses compatriotes, le 13 octobre, à ne pas exploiter l'incident pour justifier le racisme et la haine ambiants, le poète israélien Yitzhak Laor cite plusieurs lynchages de Palestiniens perpétrés par l'armée et les services de sécurité israéliens. En aucune de ces occurrences, les responsables n'ont été punis, ni aucune désapprobation morale signifiée par l'opinion publique, ne parlons pas d'un éventuel bombardement de villes israéliennes !
La même chose vaut pour le règne de la terreur imposé par les colons, qui visent les Palestiniens dans leurs propres domiciles, dans leurs propres villes, avec une protection et une collusion totales de l'armée israélienne.
Les colons étant présentés comme des "civils israéliens" désemparés, cernés par des Palestiniens "hostiles", la nature sinistre et mortelle de la violence de leurs commandos d'extrémistes armés, en chasse, est souvent ignorée. L'illégalité des implantations israéliennes, le caractère fondamentaliste-extrémiste des colons armés, les actes horribles d'enlèvement, torture, assassinat et pure violence arbitraire, commis en toute impunité, sont rarement relevés.
Et malgré tout ça, ce sont les Palestiniens qui continuent à être accusés.
L'insulte la plus effrontément raciste est le vol par Israël de notre nature de parents. Dans une tentative de nous confisquer nos sentiments les plus fondamentalement humains pour nos enfants, nous sommes accusés "d'envoyer nos enfants se faire tuer" avec le simple objectif de "marquer des points dans les médias"!
L'horreur est encore redoublée par l'équanimité bonasse avec laquelle une insulte aussi énorme et aussi nationale est reprise par des Israéliens de toutes tendances, sans aucune distanciation critique, ni même aucune prise de conscience de la gravité d'une accusation raciste de cet acabit.
Les enfants palestiniens devenant les cibles systématiques des tireurs d'élite israéliens et d'autres formes de violence armée, le ministère palestinien de l'éducation ne put faire autre chose que fermer temporairement les écoles afin de réduire l'exposition au risque que représentaient les déplacements des élèves entre leurs écoles et leur domicile.
Ceci fut immédiatement passé à la moulinette de la machine à bobards israélienne, pour fournir la preuve que nous aurions fermé les écoles afin de "donner le loisir" à nos enfants de sortir et de "participer à des émeutes" et, nonobstant et subséquemment, de faire obstruction à la liberté de mouvement des balles israéliennes.
On chercherait en vain des mentions de l'absence de sécurité à l'intérieur même des maisons et des tentatives déployées par les parents pour protéger leurs enfants.
Ainsi, la petite Sara Abdel-Athim Hassan, un bébé de dix-huit mois, a été tuée par balle sur le siège arrière de la voiture de son père, tandis que d'autres enfants ont été tués chez eux ou à proximité immédiate de leur maison. Mu'ayyad al-Jawarish, douze ans, a été tué par une balle dans le jardin de sa propre maison.
La plupart des enfants ont été atteints à la tête ou dans la partie supérieure du corps, par des balles à grande vitesse, dans la majorité des cas. La cible la plus courante des tirs de balles revêtues de caoutchouc a été les yeux des enfants.
Une politique de tirs visant à tuer (ou à mutiler à vie) a été mise en pratique par l'armée israélienne, causant la mort de plus de 105 Palestiniens et 3000 blessés (avec des séquelles à vie pour beaucoup d'entre eux).
Les officiels israéliens prétendent qu'ils ont fait preuve de "retenue".
Bien sûr, ils peuvent faire encore pire : ils peuvent commettre un génocide ou compléter l'épuration ethnique entreprise en 1948. C'est vrai : c'est la "sécurité" d'Israël qui est en jeu, après tout...
La puissante armée d'occupation israélienne tremble, confrontée qu'elle est au cri du peuple palestinien réclamant la justice et la liberté...
Le peuple palestinien n'a pas besoin de sécurité dans son propre pays ou dans ses propres maisons, puisqu'il a été complètement déshumanisé par son oppresseur, au point de mériter les pires avanies qui pourraient lui tomber dessus.
Pire qu'être "non-existants" (comme dans le mythe de la "terre sans peuple pour un peuple sans terre", que même Shimon Peres semble faire sien aujourd'hui) : dans l'esprit du discours officiel israélien, nous semblons exister, maintenant, sur un niveau sous-jacent, en tant qu'espèce infra-humaine, dépourvue des qualités et droits élémentaires qui président à la conscience et aux valeurs morales du reste de l'humanité.
Tout ça, afin de soulager la culpabilité et d'alléger la responsabilité du coupable réel.
Les apologues de l'occupation israélienne doivent trouver un lampiste sur qui faire retomber la responsabilité de l'horreur infligée aux Palestiniens : y a-t-il mieux indiqué, pour ce faire, que les victimes elles-mêmes ?
- A lire aussi :
"La paix vue de l'intérieur" par Hanane Ashraoui aux éditions des femmes Antoinette Fouque 
(Paris 1996 - 293 pages - 130 Francs - ISBN 2-7210-0463-8)
 
2. Personne ne devrait mourir pour les colonies par Yossi Sarid [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
La plupart des Israéliens, pour ne pas dire tous, s’accordent à dire qu’Arafat n’est pas un interlocuteur aisé. Mais quelle sorte de partenaires sommes-nous, nous ? C’est plus difficile à dire, confrontés que nous sommes à l’impossibilité de nous juger nous-mêmes objectivement.
La construction de colonies a été notre première connerie. Il aurait dû être évident, dès le début, que rien ne justifiait des colonies dans les territoires occupés. De plus, il était clair que les implantations mettraient en cause toute chance d’accord de paix avec les Palestiniens satisfaisant aux impératifs de sécurité d’Israël. Tous les gouvernements israéliens qui se sont succédé - tous, sans exception - ont commis la même connerie, et les politiciens israéliens, tous autant qu’il sont, s’y sont compromis. On considérait que les hommes politiques tièdes à défendre les colonies s’excluaient eux-mêmes du consensus publique.
La droite israélienne a critiqué Oslo parce que les cartes de l’accord définitif étaient tracées en fonction de la sécurité non pas du pays, mais de chaque implantation, même celles qui étaient isolées. Ces implantations sont une épine dans le pied. Les colons ont fait du projet sioniste un corps complètement difforme. Ainsi, nous sommes devenus l’arrête dans la gorge des Palestiniens, et eux sont devenus l’arrête en travers de la nôtre. Au lieu de laisser les territoires occupés exercer leur autodétermination, nous nous retrouvons confrontés à une imbrication qui pourrait bien nous coûter très cher.
Nous nous sommes sentis mieux après avoir infiltré 6 000 colons au milieu du million de Palestiniens de la Bande de Gaza, déjà surpeuplée...
Rares sont les gouvernements à ne pas avoir été très contents de ces implantations. Ils avaient pris conscience du caractère hautement explosif du problème. Mais cela ne les a pas empêché de succomber aux pressions des colons. Aujourd’hui, les mêmes colons pleurent sur le destin qui les attend peut-être. Ils viennent de se rendre compte du fait que l’endroit où ils vivent est un territoire occupé. Ils y vont, les yeux ouverts, tout en déplorant leur perte potentielle.
La signature d’Oslo et des accords corollaires n’a apporté aucun changement positif. Au contraire, nous avons vu Israël parapher des parchemins avec les Palestiniens, d’une main, tandis que, de l’autre, il construisait des colonies supplémentaires. Israël a toujours clamé qu’il n’y aurait pas de négociations conditionnées. Qu’étaient donc ces colonies, sinon des conditions préalables bien concrètes ? Même durant les négociations, les implantations continuaient à pousser comme des champignons vénéneux. Normalement, des conditions préalables sont des conditions verbales, qui peuvent changer. Les colonies établissaient des obstacles inamovibles, visant à mettre un terme aux négociations, sur le terrain et non plus sur la table.
Nous sommes unanimes à dire qu’Arafat est un client difficile parce que nous avons des doutes sur ses intentions, en tant que négociateur, mais : qu’en est-il des nôtres ?
Au début de l’ère de paix commencée en 1977, il y avait dans les territoires occupés 20 000 colons. Aujourd’hui, il y en a pas loin de 200 000, sinon plus. Nous aurions dû mettre le holà, il y a une génération, conscients qu’il y aurait un accord de paix, finalement, tôt ou tard.
Quand Rabin arriva au pouvoir, en 1992, le nombre de colons avait atteint les 96 000. Durant les discussions d’Oslo, ils étaient 110 000. J’aurais aimé que nous eussions tout arrêté lorsqu’il devint clair que nous étions, les Palestiniens et nous, sur la voie de la reconnaissance mutuelle et de la paix. Mais il en est allé différemment. Au cours de l’année dernière - la première année du gouvernement Barak - chose incroyable - 14 000 colons nouveaux se sont installés et des permis de construire pour 4 000 unités d’habitation supplémentaires ont été signés (à comparer aux 3 000 unités annuelles du mandat de Netanyahu).
Sur l’année 2000, on constate une augmentation de 96% dans le rythme de création des implantations, en comparaison avec 1999. Au premier trimestre 2000, la construction d’implantations dans les territoires occupés a représenté 22% de l’activité totale du secteur du bâtiment en Israël. Mais ce n’est pas tout. Jérusalem, la capitale du monde la plus sensible sur les plans politique et religieux, connaissait, sous Barak, la construction d’implantations supplémentaires à Ras al-Amoud et Jabal Abu-Ghanaim.
Ici, en Israël, il est difficile de percevoir le danger que représente l’expansion des implantations dans les territoires occupés. Par contre, tout Palestinien, où qu’il vive, en voit les conséquences tous les jours. Ils voient les routes d’accès sécurisées, qui morcellent leurs territoires. L’Autorité palestinienne doit expliquer à ses citoyens comment elle peut encore s’asseoir à la table de négociation alors même qu’il n’y a presque rien à négocier et comment, de surcroît, elle peut croire aux bonnes intentions des colons israéliens. Les Palestiniens voient et entendent le premier ministre d’Israël se vantant du fait qu’il ne leur a jamais rendu la moindre pierre, contrairement à ses prédécesseurs...
Notre premier ministre dit vrai. Il n’a rien rendu aux Palestiniens. Israël a signé, durant le mandat de Netanyahu, plusieurs accords relatifs au redéploiement et impliquant quelques retraits partiels. Aucun de ces accords n’a été honoré, à l’exception d’un retrait symbolique de 2% des territoires. Nous parlons d’accords signés, toutefois Abu-Dis est toujours autant sous notre contrôle que l’esplanade des Mosquées.
L’Autorité palestinienne devrait essayer de convaincre le peuple palestinien qu’Israël s’engage à rendre à l’avenir 95% de la Cisjordanie, alors qu’elle n’a pu récupérer que 2% seulement de ces territoires durant toute une année. Sur ces entrefaites, tandis que nous déclarons notre intention de nous retirer de la plupart des territoires, nous forgeons des plans pour y rester. Et finalement, nous devrons mettre fin à l’occupation. Quand nous y aurons mis fin, nous partirons. Et quand nous partirons, personne ne restera.
Les affrontements des dernières semaines, si regrettables soient-ils, auront peut-être un effet bénéfique. La plupart des Israéliens ont finalement compris que les implantations ne pouvaient pas être maintenues. La "prophétie bosniaque" devient une réalité sur la terre d’Israël, elle y devient un style de vie. Je doute que beaucoup de colons soient prêts à mourir pour défendre les implantations. Il y en a peut-être un ou deux, ici ou là, mais ils n’ont pas d’équivalent chez nous.
Yossi Sarid a été Ministre de l'éducation d'Ehud Barak, il est membre du parti Meretz (gauche laïque sioniste).
 
3. Moi, femme, je vais en palestine par Luisa Morgantini
Pour une interposition non-violente en défense de la population civile. Pour le droit à la vie, à la terre, la liberté du peuple palestinien. Pour la paix entre Israéliens et Palestiniens. Le droit légitime des femmes, des hommes et des enfants de Palestine, à vivre librement, dans la justice et la paix, dans leur état, sans subir l'agression de l'occupation militaire israëlienne, interpelle directement chacune d'entre nous. Leur insurrection est la réponse à l'injustice et à la violence de l'occupation militaire de l'état israélien.
Depuis le 27 septembre, chaque jour, des Palestiniens meurent, assassinés par une armée d'occupation et par des colons brutaux qui habitent sur des terres volées à des communautés et des citoyens palestiniens. Chaque jour sont utilisés des fusils, des missiles, des bombes, des tortures.  Deux cents Palestiniens sont morts, parmi eux des enfants, des jeunes, des femmes, des hommes. Les blessés sont plus de 7.000, et parmi eux nombreux sont ceux qui resteront invalides pour toujours.
Les Palestiniens demandent, implorent la présence sur leur territoire de forces des Nations-unies pour être défendus des massacres dont ils sont victimes. Les comités de femmes palestiniennes lancent un appel au monde pour qu'il ne reste pas silencieux alors que les soldats israéliens tirent pour tuer des enfants armés de pierres. 
Aucun, parmi les pays qui se disent démocrates et civils, et pas même l'ONU, à cause du veto des Etats-Unis, n'a répondu à leurs appels. Aucune action n'a été entreprise de façon efficace pour défendre la population palestinienne. Le monde des puissants observe complice la tragédie de ceux qui revendiquent le droit à la vie, à la terre, à la liberté.
Nous, femmes italiennes, qui croyons à la paix, voulons répondre à ces appels et apporter nos yeux témoins, nos corps solidaires sur les lieux même où sont violés les droits humains les plus élémentaires.
Nous allons en Palestine pour faire ce que les Nations-unies doivent faire et ne font pas : s'interposer pacifiquement pour défendre les sans défense, s'efforcer d'empêcher la violence quotidienne.
Et nous voulons continuer à construire des relations avec les femmes et les hommes de Palestine et d'Israël qui travaillent pour une paix juste : la reconnaissance d'un état palestinien correspondant aux  frontières de 1967, le retour chez eux de tous les réfugiés, le démantèlement des colonies israéliennes, Jérusalem, une ville commune, capitale de deux états.
C'est le droit international que nous demandons de faire respecter. Nous le demandons à l'Italie, à l'Europe, aux Nations-Unies, à tous les pays du monde. Israël ne peut être au-dessus de tout droit. L'application du droit est la seule voie possible pour imposer la paix au Moyen-Orient. C'est la seule voie pour que les hommes et femmes d'Israël et de Palestine puissent vivre en paix.
A partir de samedi 2 décembre 2000, chaque semaine, des groupes de femmes se rendront en Palestine pour rencontrer des associations de femmes, visiter les hôpitaux, les villages, les lieux bombardés, accompagner les paysans menacés par les colons lors de la récolte des olives, s'arrêter aux postes de contrôle, et ainsi de suite.
Les femmes en noir et pas seulement elles...
Luisa Morgantini est Député au Parlement européen (Italie), Présidente de la Délégation pour les relations avec le Conseil législatif palestinien - Tél : 0039- 06-69950217 - Fax : 0039- 06-69950200 - E-mail : lmorgantini@europarl.eu.int
 
4. Au sommaire de Med Intelligence N° 25 du 11 au 24 novembre sur : http://medintelligence.free.fr
La lettre bi-mensuelle d'informations géopolitiques et économiques de la Méditerranée, du Maghreb et du Machrek.
- Independance days,
- Naissance d'un peuple,
- La boîte de Saddam,
- La recomposition géostratégique en Méditerranée orientale et dans le Golfe,
- Quatre évaluations : Israël - Syrie - Jordanie - Egypte,
- Le Liban à hue et à dia,
- Damas dans la ligne de mire,
- Notes de lecture.
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Revue de presse
 
1. Libération du mardi 14 novembre 2000
Israël : le spectre de l'entrée des colons juifs dans la guerre
par Alexandra Schwartzbrod et Didier François
L'inquiétude grandit après la mort de quatre Israéliens, dont une femme colon, et quatre Palestiniens hier.
Ce pourrait être le début d'un scénario catastrophe. Quatre Israéliens (deux soldats et deux civils, dont une femme colon) ont été tués et huit autres blessés, hier en fin d'après-midi, dans trois embuscades tendues par des Palestiniens, près de la colonie juive d'Ofra, au nord de Ramallah et au barrage de Kissoufim, près de Gaza.
De Chicago, où il participait à une assemblée annuelle d'organisations juives, le Premier ministre israélien, Ehud Barak, a aussitôt ordonné à l'armée israélienne de prendre les «mesures nécessaires» pour répondre à cette violence. «Nous savons qui a mené ces attaques et la réponse sera spécifique», a déclaré un responsable israélien. Du nord au sud de la Cisjordanie et jusqu'à Gaza, les territoires palestiniens s'attendaient donc, dans la soirée, à des représailles de Tsahal qui, depuis plusieurs nuits, bombarde déjà avec constance les grandes villes de Cisjordanie.
Bien pire, beaucoup craignaient une irruption des colons juifs dans la guerre qui se joue depuis près de sept semaines entre forces de sécurité israéliennes et manifestants palestiniens. Massivement armés et entraînés depuis de nombreux mois à se défendre contre un déferlement de Palestiniens sur leurs localités (en cas de proclamation d'un Etat par Yasser Arafat), les colons avaient, jusqu'à présent, évité de prendre part au conflit. L'embuscade d'hier pourrait les y projeter. La spirale serait alors infernale.
L'inquiétude est d'autant plus grande dans la région que les signes d'espoir sont de moins en moins nombreux. «Presque aucune con-fiance dans l'Autorité palestinienne ne subsiste», titrait hier à sa une le Jérusalem Post, reprenant les propos d'un membre de l'entourage d'Ehud Barak. Les entretiens tenus ces derniers jours par Bill Clinton avec Yasser Arafat puis Ehud Barak, n'ont par ailleurs rien donné de concret. Et ce n'est pas la fragilité extrême de l'exécutif américain qui peut arranger les choses. Compte tenu du rôle important que jouent les Etats-Unis en Israël (financier et militaire) et dans les territoires palestiniens (financier et renseignement), il suffisait jusqu'à présent que le président américain ne menace de réduire son aide à l'un ou l'autre camp, voire aux deux, pour faire pression.
Aujourd'hui, qui peut encore avoir la moindre autorité sur Ehud Barak et Yasser Arafat? Après une période incertaine qui semblait laisser place à la diplomatie, Israéliens et Palestiniens semblent repartis dans un nouveau cycle de violence, beaucoup plus dur, pensé, et organisé que le précédent.
Outre les quatre Israéliens, quatre Palestiniens sont morts hier, portant le bilan de l'Intifada d'al-Aqsa à au moins 213 morts, palestiniens en grande majorité. Trois jeunes ont été tués par balles dans des accrochage avec l'armée israélienne, dans la bande de Gaza à Khan Younis, et à Kalkiliya en Cisjordanie, alors que le neveu de Mohammed Dahlan, chef de la sécurité préventive de Gaza, mourrait des blessures subies au cours de ces derniers jours. L'ambiance était extrêmement tendue à Gaza hier et c'est un miracle si une patrouille de quatre soldats israéliens perdue du côté de Khan Younis a pu être ramenée saine et sauve dans sa base par des policiers palestiniens. Dans ce contexte, l'entretien mené hier à Doha (Qatar) par Yasser Arafat avec Khaled Méchal, le chef du bureau politique du mouvement intégriste palestinien Hamas, ne peut guère être considéré comme un signe d'apaisement. Méchal, qui s'est fréquemment opposé à la stratégie de négociations de l'OLP, avait fait l'objet d'une tentative d'assassinat du Mossad à Amman du temps de Hussein.
 
2. Le Monde du dimanche 12 novembre 2000
La France suggère l'envoi d'une mission d'observateurs
par Afsané Bassir
Le président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, a demandé, vendredi 10 novembre, au Conseil de sécurité de l'ONU de dépêcher des casques bleus dans les territoires palestiniens. Israël est hostile à cette force et ne semble pas plus réceptif à une idée française de déploiement d'observateurs de l'ONU.
NEW YORK (Nations unies) de notre correspondante
Vingt-quatre heures après un entretien avec le président Bill Clinton à Washington, le président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, a demandé, vendredi 10 novembre, au Conseil de sécurité des Nations unies le déploiement d'une force de quelque 2 000 casques bleus de l'ONU pour protéger les populations palestiniennes en Cisjordanie, dans la bande de Gaza et à Jérusalem-Est. M. Arafat a été entendu pendant une heure, à huis clos, par les membres du Conseil qui, lors d'une seconde séance, ont entendu l'ambassadeur israélien aux Nations unies, Yehuda Lancry.
L'idée de la création d'une telle force avait été lancée la semaine dernière par le représentant palestinien à l'ONU, Nasser El Kidwa, mais, à la demande notamment de la France, elle n'a pas encore pris la forme d'un projet de résolution. A l'issue de la réunion, M. Arafat a refusé de répondre aux questions des journalistes. En revanche, M. Lancry a affirmé que « le gouvernement israélien s'oppose très fermement à une force internationale » et demeure « très engagé dans le processus de paix par la voie des contacts directs entre les parties ». Selon lui, « toute tentation palestinienne d'internationaliser le conflit sera rejetée » par l'Etat hébreu.
Les Etats-Unis, a déclaré de son côté l'ambassadeur américain, Richard Holbrooke, refusent toute proposition qui n'aurait pas l'accord des deux parties. Il n'a toutefois pas réaffirmé, comme il le faisait auparavant, que Washington opposerait son veto à « n'importe quelle résolution palestinienne ».
S'il est vrai que la création d'une force militaire pour la protection des Palestiniens bénéficie d'un bien maigre soutien, en revanche, une proposition française prévoyant le déploiement dans la région d'observateurs des Nations unies a bien été discutée vendredi. L'idée, suggérée par l'ambassadeur Jean-David Lévitte, a été aussitôt soutenue par la Grande-Bretagne, l'Argentine et l'Ukraine notamment. Il s'agirait, a expliqué M. Lévitte, d'une mission d'observation des Nations unies dans les territoires palestiniens. Cette mission serait établie en vertu d'une résolution du Conseil de sécurité sous le chapitre 6 de la Charte, ce qui suppose l'accord des deux parties.
UNE « VERSION ÉDULCORÉE »
Selon M. Lévitte, l'objectif est « d'aider les deux parties à mettre en place une mission d'observation pour appliquer le plus rapidement possible les accords signés à Charm el-Cheikh », en Egypte, fin octobre. Les observateurs, dont ni le nombre ni les lieux de déploiement n'ont été définis, auraient comme mission d' « observer les faits » et d'en faire rapport aux deux parties, ainsi qu'au Conseil de sécurité et au secrétaire général de l'ONU. Ils pourront jouer « le rôle de bons offices locaux et dialoguer avec les uns et les autres afin de baisser les tensions, ce qui, a priori, est dans l'intérêt à la fois des Palestiniens et des Israéliens », explique un diplomate.
Pour les Israéliens, une mission d'observation ne serait qu'une « version édulcorée » d'une force militaire internationale. A en croire M. Lancry, le déploiement d'observateurs sera refusé par l'Etat hébreu. « Mon gouvernement rejette toute forme d'intervention internationale, car nous continuons à privilégier la voix du dialogue bilatéral, qui a été loin d'être stérile étant donné que désormais 98 % des Palestiniens vivent sous contrôle palestinien », a ajouté le diplomate. D'après lui, la démarche palestinienne « masque sans doute un projet de déclaration unilatérale d'un Etat palestinien en présence d'observateurs internationaux ». L'Autorité palestinienne tente d' « internationaliser » le conflit et c'est « inacceptable » pour Israël, a-t-il assuré.
M. Lancry n'en transmettra pas moins la proposition française à son gouvernement. « Mais je peux vous dire d'ores et déjà qu'elle sera refusée », a-t-il observé.
 
3. The New York Times (quotidien américain) du dimanche 12 novembre 2000
L'assassinat d'un Palestinien provoque une flambée d'affrontements au Moyen-Orient
par John Kifner [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Le commandant des troupes israéliennes en Cisjordanie avait déclaré que l'assassinat, jeudi dernier, d'un leader palestinien local, armé, par un missile tiré d'hélicoptère, n'avait qu'un seul but :
"J'espère que cela contribuera à réduire la violence et à ramener cette région à la raison", avait dit le major-général Yitzhak Eitan aux journalistes, au cours d'un "briefing", quelques heures après que trois missiles tirés depuis un hélicoptère Apache aient tué Hussein Obaiyat, mais aussi deux femmes qui se trouvaient près de sa voiture, à Beit Sahur, près de Bethleem.
Mais, bien au contraire, cet action a déclenché l'un des week-ends les plus sanglants jusqu'à présent, six semaines après le début du conflit, avec des échanges de coups de feu continus dans toute la Cisjordanie et la bande de Gaza.
Cinq Palestiniens et un soldat israélien ont été tués vendredi. Les tirs entre les positions prises par les Palestiniens et les zones israéliennes se sont poursuivis tout au long de la nuit autour de Ramallah et de Bethleem et aujourd'hui, samedi, d'autres Palestiniens et un soldat israélien ont été tués, portant le nombre de victimes des violences en cours à au moins deux cent personnes.
L'escalade dans les échanges de tirs a été décrite, tant par les Palestiniens que par les Israéliens, comme une "libanisation" du conflit, qui prend le caractère d'une guérilla.
Cet après-midi, deux Palestiniens ont été tués alors qu'ils étaient en train de préparer une embuscade, à bord d'une Jeep israélienne, près de la colonie de Gush Katif et deux soldats israéliens ont été blessés, dont un, très grièvement. Ce soldat, le sergent de première classe Avner Shalom, est décédé de ses blessures. Tandis que les Israéliens récupéraient les corps des deux Palestiniens tués, une foule importante de Palestiniens se rassemblait. Des hommes en civil, parmi cette foule, commencèrent à tirer avec des fusils d'assaut AK-47, et une bataille éclata, qui se poursuivit durant quarante-cinq minutes.
La tension demeura intense jusqu'à la tombée de la nuit, un hélicoptère de l'armée israélienne survolant la zone, tandis que les policiers palestiniens évacuaient leur commissariat, craignant un bombardement par roquettes.
L'armée israélienne a déclaré que les deux corps avaient été emmenés parce qu'on suspectait qu'il pouvait s'agir de policiers palestiniens. Plusieurs heures après, les deux corps ont été remis aux Palestiniens, mais l'information de l'appartenance des deux hommes à la police n'a pas été confirmée.
A Gaza, les affrontements ont commencé très tôt. Un garçon palestinien âgé de 12 ans a été tué lorsque les soldats israéliens ont ouvert le feu contre un rassemblement de jeunes qui leur jetaient des pierres, près du point de passage d'Erez. A Jenin, en Cisjordanie, Hani Marzouq, 37 ans, est mort à l'hôpital de blessures au cou et à la poitrine, reçues au cours des affrontements généralisés de vendredi.
A Hébron, des milliers de personnes ont empli des rues pour accompagner le cortège funèbre de Raed Mohtaseb, 27 ans, reprenant le slogan : "le sang des martyrs nous appelle".
M. Mohtaseb a été tué dans la voiture que conduisait son père, Saedi Mohtaseb, officier supérieur du Fatah, organisation de Yasser Arafat, pour cette ville en état de siège, où la situation est très tendue : une poignée de colons juifs y sont entourés d'habitants palestiniens, qui sont très fréquemment soumis au couvre-feu.
Les Palestiniens accusent l'armée d'avoir tenté d'assassiner un officiel palestinien. L'armée israélienne a publié un communiqué, dans lequel elle "dément toute tentative d'assassinat d'un membre du Fatah ou d'un quelconque responsable de l'Autorité palestinienne".
Un photographe de presse américain, Yola Monakhov, a été blessé par les Israéliens, tandis qu'il couvrait un affrontement au cours duquel des pierres étaient lancées (par les manifestants palestiniens) devant la Tombe de Rachel, près de Bethleem. L'information a été donnée par les responsables d'un hôpital palestinien. M. Monakhov, journaliste "free-lance", âgé de 26 ans et originaire de New York, travaillant pour l'Associated Press, souffre d'une fracture du bassin, ont déclaré les médecins.
L'assassinat du leader du Fatah, M. Obaiyat, jusqu'ici peu connu, que l'armée tenait responsable de tirs nocturnes contre le quartier de Gilo, au sud-est de Jérusalem, est considéré par les commentateurs israéliens comme le franchissement d'un pas grave dans l'escalade.
Roni Shaked écrit, dans Yedioth Ahronoth : "l'utilisation de missiles d'hélicoptère aux fins d'assassinat constitue un pas vers la "libanisation" des territoires". Qualifiant cette action d'escalade du conflit, ce journaliste écrit que les Palestiniens vont intensifier, de leur côté, les hostilités, en réponse au massacre, même si l'armée pense qu'il va entraîner, à long terme, une diminution des attaques des Palestiniens.
Cette flambée de violence s'est produite au moment où le premier ministre, Ehud Barak, se préparait à rencontrer le Président Bill Clinton à Washington, demain (dimanche 12.11). Mais personne ici ne semblait espérer que cette rencontre ramènerait le calme à bref délai.
Vendredi, avant qu'Israël ne soit pratiquement fermée pour cause de shabbath, M. Barak a déclaré que ses conversations (à Washington) avaient pour objet de (trouver un moyen de) mettre un terme à la violence, mais il a ajouté qu'il ne s'attendait pas à ce qu'elles "amènent à une reprise des négociations".
Avec un processus de paix en lambeaux, au bout de sept ans, une personnalité palestinienne éminente, M. Ahmed Korei, porte-parole du parlement palestinien, (connu sous le nom d'Abu Ala) a déclaré solennellement qu'Israël devait arrêter toute construction de nouvelle colonie, accepter une force internationale d'interposition et de protection des Palestiniens et permettre à l'ONU de jouer un rôle dans le processus de paix, en préalable à la reprise de toute forme de négociation.
Il s'agit là de conditions dont les Israéliens ne veulent en aucun prix entendre parler, et qui ont bien peu de chances d'être satisfaites.
 
4. L'Humanité du samedi 11 novembre 2000
Calvaire de vie quotidienne en Palestine par Pierre Barbancey
Du fait du bouclage des territoires palestiniens, la vie économique est complètement déstructurée. Les salariés qui travaillent en Israël sont au chômage depuis 40 jours. Il est dangereux d'aller travailler, de se rendre à l'école ou de sortir chercher du pain.
De notre envoyé spécial en Palestine
Six semaines après le déclenchement de l'Intifada en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, l'armée israélienne poursuit son bouclage des territoires palestiniens. Pour se rendre de Hébron à Jérusalem, deux villes distantes d'à peine trente kilomètres, il faut faire un long détour par Jéricho, dans la vallée du Jourdain, avant de remonter vers la ville sainte. Plus grave, l'économie palestinienne est totalement déstructurée. Dans les villes et les villages de Palestine, les journées sont de plus en plus dures.
Samir Jeber, quarante-quatre ans, père de sept enfants, est magasinier dans une grande surface de Tel-Aviv. Depuis vingt-cinq ans, il quitte tous les jours Naplouse à 3 heures du matin pour être certain d'arriver à l'heure à son travail. Ce n'est pas que la distance soit importante. Mais, entre les check points et autres contrôles, il lui faut trois heures pour rejoindre la capitale israélienne. Trois heures à l'aller, trois heures au retour. Six heures de transports quotidiens pour 150 shekels par jour, soit 260 francs. Depuis la fin du mois de septembre, les territoires sont bouclés. Samir a tout de même voulu se rendre au boulot. " C'était un lundi, se souvient-il. En prenant des chemins détournés, j'ai réussi à passer en Israël. · Tel-Aviv, le patron m'a donné un peu d'argent et m'a demandé de rentrer chez moi. " Il parvient à entrer en Cisjordanie, mais, à peine a-t-il passé le check point, qu'il se trouve nez à nez avec des colons juifs. Ces derniers se mettent à lui lancer des pierres. " Ils étaient protégés par des militaires qui se trouvaient sur les hauteurs. " Il se réfugie alors dans un village arabe tout proche, où il retrouve un de ses amis, mais des affrontements éclatent, à nouveau avec des colons qui cherchent à en découdre. " Nous avons décidé de passer par les collines, à pied, mais les colons et les soldats nous ont tiré dessus ", raconte-t-il d'une voix encore apeurée. Après dix kilomètres de marche, ils ont trouvé une voiture qui les a emmenés à Naplouse. Depuis, Samir Jeber ne quitte plus sa maison. " Même s'ils rouvrent les frontières, j'attendrai avant de retourner au travail, jusqu'à ce que notre sécurité soit assurée. " Il évoque certains de ses amis qui ont eu moins de chance que lui. Attrapés par les militaires ou les colons israéliens, certains ont été battus. D'autres ont été mis en prison pendant 48 heures, jugés et condamnés à une forte amende.
Samir triture sa moustache. Pas toujours facile d'évoquer ses problèmes. Il se décide pourtant : " J'ai l'impression de vivre un cauchemar, dit-il. Je n'ai plus de revenus. Dans quelques jours je n'aurai plus rien. " Il essaie bien de trouver du travail ici ou là, d'être parmi les 200 salariés que la municipalité de Naplouse compte embaucher à raison de 5 heures par jour, trois fois par semaine, mais il ne se fait guère d'illusions. " Même si je suis embauché, je ne toucherai que 90 shekels (155 francs) par semaine. Je ne peux plus rien acheter pour les enfants. Je suis obligé de leur dire non à chaque fois qu'il réclame quelque chose. C'est terrible. " Comme toujours dans ces cas-là, les choix sont drastiques. La famille Jeber n'achète que le strict nécessaire, les produits de base. Déjà Samir ne peut plus payer l'électricité et le téléphone. " C'est la première fois que cela m'arrive ", avoue-t-il avec honte. Il songe maintenant à vendre sa télévision, et même sa montre, afin de récupérer un petit pécule. De quoi tenir quelques jours de plus !
Des centaines de milliers de Palestiniens sont dans le même cas. Il y a quelques jours, une distribution de nourriture organisée à Naplouse a manqué tourner à l'émeute. C'est dire si la situation est critique. Selon la Fédération générale des syndicats de Palestine (FGSP), les 146 000 salariés qui travaillent en Israël ou dans les colonies, sur les 660 000 travailleurs palestiniens, sont tous au chômage depuis quarante jours. La perte est considérable pour l'économie palestinienne et se chiffre en millions de dollars. D'autant qu'en Cisjordanie et à Gaza les patrons palestiniens débauchent chaque jour par manque de débouchés pour les produits fabriqués. Les marchandises sont toujours bloquées dans les ports israéliens de Ashdod et Haïfa. Le tourisme est pratiquement mort et l'agriculture subit de plein fouet les effets du bouclage des territoires : des tonnes de fruits et de légumes pourrissent et la cueillette des olives est compromise. Shaher Sae'd, secrétaire général du FGSP, évoque un taux de chômage de 65 % (contre 14 % avant l'Intifada). " J'ai saisi l'Organisation internationale du travail afin qu'une mission d'enquête vienne sur place " , indique-t-il. Des problèmes qu'il a également évoqués, hier à Marseille, lors de la rencontre des syndicats méditerranéens organisée par la Confédération européenne des syndicats. " Israël ne doit pas penser que ces difficultés nous feront oublier la lutte pour nos droits. Il faut en finir avec l'occupation et obtenir notre autodétermination ", affirme Shaher Sae'd.
A Hébron, ville au statut particulier puisque certains quartiers dépendent totalement de l'Autorité palestinienne (zone H1) alors que d'autres vivent sous administration palestinienne et sécurité israélienne, on touche du doigt l'horreur de la situation. Israël accuse en permanence les Palestiniens de sacrifier leurs enfants pour émouvoir l'opinion publique internationale. Mais, à Hébron, trois écoles (Al-Maaref, Osama et Juhar) ont été réquisitionnées par l'armée d'occupation, qui y a installé depuis un mois troupes, armes lourdes et chars. Dans les villages environnants et dans la vieille ville de Hébron, Tsahal a imposé un couvre-feu qui n'est levé que quelques heures par jour. On peut voir des mères implorer des soldats de les laisser sortir pour aller chercher des médicaments pour leurs enfants ou du pain pour la famille. 40 000 Palestiniens sont ainsi humiliés chaque jour afin de protéger les vies et le bien-être de 500 colons. " Ce couvre-feu se traduit par la fermeture de trente-deux établissements à Hébron et dans les alentours. 12 000 élèves n'ont plus cours, explique Wafaha Al-Karaki, directrice du lycée Widadi. Les écoles encore ouvertes sont totalement désorganisées. Certains enseignants ne peuvent venir à cause des check points. Beaucoup de familles viennent chercher leurs enfants plus tôt par peur d'agressions de la part des colons, qui sont nombreux ici. Sans parler des effets psychologiques sur les élèves ", insiste-t-elle avec colère. Elle rappelle que samedi dernier, Ghazala Jaradat, quatorze ans, élève au lycée de Beir Einoun, dans le district d'Hébron, a été tuée alors qu'elle revenait de l'école.
Le ministère palestinien de l'Education tente par tous les moyens de répondre aux besoins, et surtout d'éviter que l'année scolaire soit perdue. " Nous commençons à travailler avec des télévisions locales et des radios pour dispenser des cours à distance, explique Khalil Mahshi, directeur général au ministère. Mais tout cela demande du temps. Nous devons également intervenir sur les effets psychologiques, notamment dans les zones où il y a eu des morts. Un livre à l'attention des parents et des enseignants va être édité pour les aider dans l'accompagnement psychologique des enfants. "
Marwa Abou Heikal n'a que dix-sept ans et du charme à revendre. Cette année, elle doit passer son bac. Un rendez-vous important, qui va conditionner son avenir. Alors, malgré les difficultés elle s'accroche. Du courage, il lui en faut pourtant pour venir chaque jour au lycée. Pour preuve, l'agression dont elle a été victime la semaine dernière, alors qu'elle rentrait chez elle à Tal Rumayda, un hameau situé sur les hauteurs de Hébron, à quelques centaines de mètres d'une colonie d'implantation juive. " Pour aller chez moi sans faire de détour, je dois passer derrière la colonie. Il y avait des colons, femmes et hommes, qui ont commencé à me jeter des oeufs et des pierres. Des soldats israéliens étaient présents. Certains leur disaient d'arrêter, d'autres les encourageaient à continuer, mais ils ne sont pas intervenus. Ensuite les colons m'ont attrapée et m'ont frappée sur les jambes avec des bâtons jusqu'à ce que j'aie des difficultés à marcher. " Marwa a pu rentrer. Devant la maison de ses parents, les colons ont élevé un mur, qu'elle doit franchir chaque jour. A peine arrivée, la jeune fille doit faire rapidement ses devoirs. Ici, à cinq heures il fait nuit. " Le soir, on n'allume plus les lumières, pour ne pas être des cibles potentielles ", précise-t-elle. Les vitres de la maison sont souvent brisées par des tirs d'armes automatiques. " Ma petite soeur qui a neuf ans se réveille souvent la nuit. Elle vient se réfugier dans mon lit et se met à pleurer parce qu'elle a peur. " Marwa est décidée à se rendre au lycée chaque matin. Et elle ne fera pas de détour. " Si je change de chemin, ce sera pour toujours. Il n'en est pas question ", dit-elle avec fierté.

5. L'Humanité du samedi 11 novembre 2000
Une situation très dangereuse par Françoise Germain-Robin
" Nous sommes confrontés à une situation très dangereuse qui entrave le processus de paix. " C'est la mine grave que Yasser Arafat a fait cette déclaration à la presse après l'entretien de deux heures qu'il a eu jeudi avec le président Clinton. Non que cet entretien se soit mal passé. Au contraire, le président palestinien a jugé la rencontre " positive et constructive " : elle lui a permis de réaffirmer que son choix stratégique est celui de la négociation et de demander une protection internationale pour son peuple. Demande que Bill Clinton a promis d'examiner.
C'est sur le terrain que les choses vont mal. Juste avant la rencontre de Washington, un chef local du Fatah, l'organisation de Yasser Arafat, avait été tué dans sa voiture en plein Beit Sahour (un gros village chrétien près de Bethléem) par une roquette tirée depuis un hélicoptère de combat israélien. Une exécution de toute évidence préméditée qui ressemble fort à une provocation, vu le moment choisi. Provocation assortie d'un triple crime : outre Hussein Abayat, trente-sept ans, chef du Fatah pour le sud de la Cisjordanie, deux palestiniennes qui passaient ont été tuées. Washington s'est déclaré " préoccupé ", mais sans émettre de jugement.
Yasser Arafat s'est fâché quand un journaliste lui a demandé s'il était prêt à dénoncer publiquement la violence : " Je ne suis pas celui qui attaque en ce moment les Israéliens et mes tanks n'assiègent pas les villes israéliennes, a-t-il répliqué. Je n'ai pas déployé mes tanks, mon aviation, mon artillerie, mes armes lourdes, Mon armée, ma marine. "
Interrogé sur les chances de voir, dans de telles conditions, les négociations israélo-palestiniennes reprendre et aboutir à un nouveau sommet, Yasser Arafat a estimé que " cela dépendrait beaucoup des efforts du président Clinton ". Ce dernier doit s'entretenir dimanche avec le premier ministre israélien Ehud Barak qui a dit hier être, lui aussi, prêt à négocier, " si la violence cesse ". Or la violence risque de durer aussi longtemps que l'armée israélienne encerclera les Palestiniens. Un cercle vicieux que William Cohen, le secrétaire américain à la Défense, va peut-être essayer de briser en consultant, la semaine prochaine, tous les pays de la région.
Yasser Arafat devait s'adresser hier au Conseil de sécurité de l'ONU pour réclamer le déploiement de 2 000 observateurs de l'ONU entre Israéliens et Palestiniens. Mais Israël s'y oppose.
 
6. L'Humanité du samedi 11 novembre 2000
Le partenariat euro-méditerranée dans la turbulence par Philippe Jérôme
Conséquence des violences au Moyen-Orient : les réunions d'ouverture de la quatrièmeø Conférence sur le partenariat euroméditerranéen, où devait s'exprimer " la société civile ", ont tourné court.
De notre correspondant régional.
Les participants du forum syndical tenu vendredi dans le cadre de la préparation du sommet euro-méditerranée (voir page 14), parmi lesquels Bernard Thibault et Nicole Notat, ont adopté une " déclaration finale " préparée de longue date et destinée aux ministres réunis mercredi et jeudi à Marseille, dans laquelle, selon Emilio Gabaglio, le secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES), il est largement question des " faiblesses du partenariat Euro-Med ". Mais c'est tout ce qu'ils ont pu faire. Le forum n'aura duré qu'une matinée, après le spectaculaire retrait des syndicalistes arabes refusant de s'asseoir à côté des représentants de la centrale israélienne Hisradout. Attitude d'autant plus surprenante que les syndicalistes israéliens se sont prononcés en faveur d'une " Déclaration pour la paix " dans laquelle il est souligné qu'" une partie de la paix est à rechercher dans l'amélioration des conditions de vie et de travail de la population arabe ", le Forum syndical réaffirmant la solidarité des participants " avec tous ceux, Palestiniens, Israéliens et Arabes, qui s'engagent et luttent pour une paix juste ".
Le " Forum des ONG " n'a pas connu un meilleur sort. Dès son ouverture a été lu un communiqué des organisations non gouvernementales palestiniennes (PNGO) expliquant qu'il était " impossible de siéger sereinement à un forum du partenariat alors que nos villes sont assiégées par les chars et les hélicoptères israéliens ". Les Palestiniens présents dans la salle quittaient alors la séance en compagnie de délégués syriens et libanais pour former un groupe se réunissant en " atelier parallèle ". Pendant ce temps, au sein du Forum les déclarations de soutien au peuple palestinien, entrecoupées d'applaudissements, prenaient le pas, avec beaucoup d'émotion, sur les habituels discours de présentation des ONG. L'Union européenne a été mise devant ses responsabilités : " Elle sait ce qu'est une situation coloniale quand les Etats-Unis l'ont oublié, elle peut et doit faire disparaître cela ", a notamment souligné le politologue Alain Joxe.
Finalement, seul le " Forum des collectivités locales " s'est déroulé, à l'hôtel de région, sans anicroche. Sous l'impulsion de Michel Vauzelle et de sa majorité relative de gauche plurielle, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a développé depuis 1997, en relation avec le Quai d'Orsay, de fortes relations avec des régions, voire des pays du Sud méditerranéen. Le président de la région a d'ailleurs appelé, au cours de ce forum, les élus locaux à se mobiliser encore plus pour " peser sur les orientations futures du partenariat ". Et nombre d'intervenants ont plaidé pour une " réorientation " du processus de Barcelone faisant une plus large place aux programmes de coopération décentralisée.
Le boycott par les représentants arabes des deux forums civils auxquels ils étaient invités annonce-t-il l'échec, faute de participants, de la 4øConférence sur le partenariat euroméditerranéen, ces 15 et 16 novembre à Marseille ? Pour l'heure, tous les pays arabes riverains de la Méditerranée, à l'exception de la Libye, ont confirmé qu'ils enverraient des délégations, la Syrie et le Liban ayant à ce propos revu leurs positions de vendredi dernier.

7. Ha'Aretz (quotidien israélien) du jeudi 9 novembre 2000
Maintenant, ce sont surtout les colons qui sont visés par Amos Harel [traduit de l'hébreu par le service de presse de l'ambassade de France à Tel-Aviv]
Une des caractéristiques majeures de la seconde Intifada qui a commencé le 29 septembre dernier est la rapidité avec laquelle la partie palestinienne change ses modes d'action. Durant la première semaine des émeutes, les Palestiniens ont surtout livré des combats avec des tirs en face-à-face tout en menant des manifestations de masse. Quand il leur est apparu qu'il était difficile de surmonter l'avantage israélien de cette manière, ils sont passés à des attaques nocturnes contre des implantations et des camps militaires. Dans ces combats de nuit, Tsahal avait de nouveau l'avantage. Les moyens techniques de vision de nuit dont dispose Tsahal permettent de localiser les attaquants et de leur infliger des pertes. (...) Les tireurs palestiniens sont ensuite passés à des opérations respectant une distance suffisante, parfois jusqu'à un kilomètre. Les groupes d'attaquants ouvraient le feu de manière imprécise et prenaient aussitôt la fuite. (...) Maintenant, on en est arrivé à une quatrième phase, la plus dangereuse. Au cours de la semaine dernière, Tsahal a remarqué que les Palestiniens mettaient l'accent sur des actes terroristes dirigés contre des civils. Les colons deviennent la cible principale. Et il s'agit effectivement d'une cible facile : les véhicules civils circulant de nuit sur les routes sont généralement isolés, ils ne sont pas équipés de blindage pare-balles, et leurs conducteurs ne sont pas forcément des soldats aguerris au combat. Frapper le point faible d'Israël permettra aux Palestiniens de faire sentir concrètement en Israël le prix à payer pour les implantations et de délégitimer encore davantage les colons en aiguisant le débat politique sur l'avenir des implantations.
 
8. Yédiyoth Aharonoth (quotidien israélien) du lundi 6 novembre 2000
Paris se souvient : Le jardin Yitzhak Rabin a été inauguré hier à Paris par Boaz Bismuth [traduit de l'hébreu par le service de presse de l'ambassade de France à Tel-Aviv]
Cela s'est passé en présence de Shimon Pérès et de Leila Shahid, la représentante de l'OLP à Paris.
Cinq ans après son assassinat, feu Yitzhak Rabin a réussi hier à réunir, pour une petite heure au moins, des centaines de Juifs parisiens et la représentante de l'OLP à Paris, Leila Shahid, pour l'inauguration du "Jardin Yitzhak Rabin" dans le 12ème arrondissement, prestigieux, de la capitale française.
Bien que personne n'attendait la venue de Shahid, elle s'est présentée à la cérémonie, comme les ambassadeurs d'Egypte et de Jordanie. "Je suis venue rendre honneur à un grand homme", a-t-elle déclaré. Depuis un mois, Shahid est la vedette des médias français hostiles à Israël, et à chaque occasion, elle fustige celui-ci sans merci. Seul Rabin a pu la pousser à venir hier. Et seule la mémoire de celui-ci a empéché le public, qui la considère comme une ennemie, de la prendre à partie.
Des allocutions émues ont été prononcées par le maire de Paris, Jean Tibéri, et par Shimon Pérès, qui a souligné notamment la lutte constante de Léa Rabin en faveur de la paix.
Avant-hier soir s'est tenu à Paris le dîner annuel du CRIF -- l'organisation centrale des Juifs de France -- dans le contexte de la tension élevée dans les rapports entre la France et Israël. Y assistaient toutes les personnalités en vue de la vie politique française, y compris le Premier ministre Lionel Jospin. Ils ont entendu le président du CRIF, Henri Hajdenberg, prononcer un discours peu habituel où il a vivement critiqué la politique non-équilibrée et pro-palestinienne de la France dans les affrontements actuels.
 
9. Yédiyoth Aharonoth (quotidien israélien) du vendredi 3 novembre 2000
Les généraux ne veulent pas prendre de risques par Alex Fischman [traduit de l'hébreu par le service de presse de l'ambassade de France à Tel-Aviv]
Malgré toutes les contraintes, le Premier ministre n'empêche pas l'armée de mener des opérations spéciales dans les territoires. Et alors même que Tsahal dispose d'une marge de manoeuvre assez large, c'est l'armée elle-même qui traîne les pieds : la crainte de commettre de graves erreurs irréparables empêche les échelons les plus élevés de Tsahal de prendre des initiatives audacieuses.
Néanmoins, au sein de l'état-major, une opposition guerrière s'est constituée . Il s'agit de trois "numéros deux". Dans leur dos, on les appelle "le triangle de fer". L'élément central de ce triangle est Moshé Yaalon, chef d'état-major adjoint.
Cela peut paraître surprenant en cette période actuelle d'Intifada, mais le haut de la hiérarchie militaire ne s'élance pas au combat comme un cheval fougueux que l'échelon politique chercherait à réfréner. Les généraux ne souhaitent pas prendre de risques, ils redoutent que des erreurs fatales soient commises et ne veulent pas enterrer ce qui reste du processus de paix.
Lorsque le chef d'état-major a annoncé cette semaine que le Premier ministre avait autorisé l'armée, à l'issue des délibérations sur l'évaluation de la situation, à passer d'actions de riposte à des opérations plus offensives - comprenez : des opérations ponctuelles menées par des unités spéciales - on a été plutôt surpris au sein du cabinet du Premier ministre où on ne se rappelle pas qu'une décision particulière ait été prise en la matière. Bien plus, on ne se souvient pas non plus que Barak ait empêché l'armée, au cours du mois dernier, de prendre les devants en matière d'opérations spéciales dans les territoires.
Le Premier ministre est le chef suprême des armées, c'est lui qui gère la crise, et, comme à son habitude, il fait cela en solo. Autour de lui, il n'y a que des conseillers qui se contentent de donner des conseils. Barak ne dispose pas de véritable cabinet restreint servant de "Q.G.". Dès le début de la crise ou presque, c'est lui qui a fixé la politique à suivre : répondre à la violence par la violence, mais sans fermer totalement la porte des négociations de paix. Ce "mais" a des répercutions extrêmement significatives sur le type d'opérations menées par l'armée. Cela signifie : ne pas agir de façon à provoquer l'effondrement de l'Autorité palestinienne, ne pas nuire aux intérêts d'Israël sur la scène international, ne pas laisser de porte ouverte à l'entrée de forces internationales dans la région ni à l'engagement dans le processus d'Etats tenus jusqu'à présent à l'écart, ne pas conduire à un embrasement au Moyen-Orient.
C'est Barak qui pousse à faire intervenir des hélicoptères pour mener attaques aériennes, mais c'est aussi lui qui a signé la directive concernant la procédure de tirs d'avertissement précédant tout tir offensif. Au-delà de la politique qu'il détermine, Barak a également une influence immédiate sur la tactique utilisée. En ce début novembre - un mois critique pour l'avenir du processus de paix -, alors que c'est la dernière chance qui se présente pour arriver à un quelconque arrangement avant la fin du mandat présidentiel de Clinton, Barak donne pour directive à l'armée de limiter au maximum le nombre des blessés du côté palestinien.  C'est ce qui a conduit Barak à décider que la mise en action d'hélicoptères de combat ne dépendrait plus de l'autorisation des échelons militaires sur le terrain, mais relèverait des attributions du chef d'état-major - et ce au su du Premier ministre -, exception faite des cas critiques de danger de mort imminent. (...)
L'opposition des va-t'en-guerre
Le groupe des militaires au sein du forum d'évaluation de la situation n'est pas homogène. Ce sont justement les "numéros deux" qui constituent une sorte d'opposition des va-t'en-guerre. Sur le terrain, ils comprennent la réalité politique de façon différente. Il sont au nombre de trois, et, dans leur dos, on les appelle "le triangle de fer". L'élément central de ce triangle est Moshé Yaalon, chef d'état-major adjoint. (...) Yaalon considère que nous n'en sommes qu'à un début de la violence. Selon lui, la confrontation à venir s'annonce bien plus violente. Toujours d'après lui,  Arafat avait déjà préparé le Tanzim à une confrontation violente et globale pendant que se tenait le sommet de Camp-David. (...)