Point d'information Palestine > N°112 du 08/11/2000

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Compte tenu de l'abondance d'informations sur la Palestine, nous vous invitons à consulter régulièrement le site de notre ami Frédéric Darondeau : "Israël - Monde Arabe" sur http://www.multimania.com/ima qui vous propose une rubrique "Infos" très complète. Parce qu'au-delà de l'émotion et de la révolte que nous inspire le massacre du peuple palestinien par l'armée d'occupation israélienne, il est important de poursuivre le travail d'information et d'échanges, n'oubliez pas d'inscrire dans vos links, l'excellent site réalisé par Giorgio Basile : "Solidaires du peuple palestinien" sur http://www.solidarite-palestine.org.
 
Au sommaire
 
Dans les médias cette semaine
  1. Cinq minutes avec Mahmoud Darwich sur France Culture tous les jours de cette semaine à 14h55
  2. Arte présente le jeudi 9 novembre 2000 à 21h50, un documentaire sur les objecteurs de conscience israélien
Réseau Palestine
Appel du Docteur Souha Mansour-Shehadeh
Revue de presse 
  1. Israël doit évacuer les colonies par David Grossman in Libération du mercredi 8 novembre 2000
  2. Le boycott s'organise par Samer Soliman et Salma Hussein in Al-Ahram Hebdo du mercredi 8 novembre 2000
  3. L'arme à double tranchant du boycott par Samer Soliman et Salma Hussein in Al-Ahram Hebdo du mercredi 8 novembre 2000
  4. Cueillette des olives la peur au ventre en Cisjordanie Dépêche de l'Agence France Presse du mardi 7 novembre 2000, 14h11
  5. Pour M. Hajdenberg, Paris est hors jeu au Proche-Orient par Gilles Paris in Le Monde du mardi 7 novembre 2000
  6. Eli Barnavi nommé nouvel ambassadeur d'Israël en France in Le Monde du mardi 7 novembre 2000
  7. Nouvelles violations par l’État hébreu du territoire libanais in L'Orient-Le Jour (quotidien libanais) du mardi 7 novembre 2000
  8. Arafat : "Je ne demande pourtant pas la lune" par Catherine Piettre in Le Soir (quotidien belge) du lundi 6 novembre 2000
  9. Pourquoi les leaders arabes ont-ils adopté des positions réalistes au sommet du Caire ? par Abd al-Karim Abu al-Nasr in Al-Watan Al-Arabi (hebdomadaire arabe publié à Paris) du vendredi 3 novembre 2000 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
  10. Saddam soutient l'euro par Romain Gubert in Le Point du vendredi 3 novembre 2000
  11. Israël cherche à tirer les leçons de l’assassinat de Rabin en 1995 par Deborah Sontag in The New York Times (quotidien américain) du dimanche 5 novembre 2000 [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
  12. Israël doit trouver les mots par Stéphane Trano in Libération du samedi 4 et dimanche 5 novembre 2000
  13. La guerre pour l’indépendance par Simon Malley in Le Nouvel Afrique Asie du mois de novembre 2000
  14. Les convulsions de la "pax americana" par Subhi Hadidi in Le Nouvel Afrique Asie du mois de novembre 2000
  15. Le sommet arabe du Caire : Service minimum par Majed Nehmé in Le Nouvel Afrique Asie du mois de novembre 2000
  16. Pérès : "Arafat, seul partenaire pour la paix" par Luc de Barochez in Le Figaro du lundi 6 novembre
  17. Grogne arabe contre Washington par Françoise Germain-Robin in L'Humanité du vendredi 3 novembre 2000
  18. Les Palestiniens entre craintes, espoirs et spéculations par Sylvain Cypel in Le Monde du vendredi 3 novembre 2000
  19. L'Israélien Barak ne veut pas d'une « aventure » militaire par Baudoin Loos in Le Soir (quotidien belge) du samedi 4 novembre 2000
  20. Le Jihad irakien contre l'agresseur américain par Philippe Berkenbaum in Le Soir (quotidien belge) du samedi 4 novembre 2000
  21. "Frères martyrs" in Le Soir (quotidien belge) du samedi 4 novembre 2000
  22. La presse française et l'intifada : Convictions et présupposés par Walid Charara in Le Magazine (hebdomadaire libanais) du vendredi 3 novembre 2000
  23. L'Egypte veut se montrer solidaire par Catherine Piettre in Le Soir (quotidien belge) du jeudi 2 novembre 2000
  24. L'exposition Bonnard au Musée de Tel-aviv est remise à plus tard par Dan Guildman in Ha'Aretz (quotidien israélien) du mercredi 1er novembre 2000  [traduit de l'hébreu par le service de presse de l'ambassade de France à Tel-Aviv]
  25. La diplomatie américaine des embrassades aurait-elle échoué à domestiquer Arafat ? par Fawaz Jirjis in Al-Hayat (quotidien arabe publié à Londres) du mercredi 25 octobre 2000 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
  26. Le coup d'état militaire de Barak par Marwan Bishara in Al-Hayat (quotidien arabe publié à Londres) du mercredi 25 octobre 2000 [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
Dans les médias cette semaine

 
1. Cinq minutes avec Mahmoud Darwich sur France Culture tous les jours de cette semaine à 14h55
L'émission "Poésie sur parole" présentée par André Velter et Jean-Baptiste Para sur radio "France Culture" propose cette semaine une rencontre avec l'oeuvre du poète palestinien Mahmoud Darwich.
[France Culture - Tous les jours, jusqu'au vendredi 10 novembre 2000 de 14h55 à 15h]
 
2. Arte présente le jeudi 9 novembre 2000 à 21h50, un documentaire sur les objecteurs de conscience israélien
La chaîne de télévision franco-allemande Arte présente le jeudi 9 novembre 2000 à 21h50, un documentaire inédit réalisé par David Bencherit intitulé "On tire et on pleure" (France 2000 - 55 min) 
Présentation par Jean Belot in Télérama du 04 novembre 2000 -
Pas difficile d'imaginer quels obstacles a dû affronter l'auteur de ce documentaire et quelles durables inimitiés il s'est attirées pour le réaliser. Rencontrer et filmer des objecteurs de conscience en Israël, des mères de famille qui contestent le rôle de l'armée, des gradés qui refusent de commander, dans un pays en état de guerre quasi permanent et où la défense du territoire par tous les moyens est un devoir sacré, quel sacrilège ! Pas fréquent d'entendre dire que « le Liban a été le Vietnam israélien », qu'Ariel Sharon est « un criminel de guerre » ou - c'est un lieutenant-colonel qui l'affirme - que « les camps d'extermination nazis, ça, c'est le degré le plus grave ; et puis il y a eu des choses comme Sabra et Chatila, c'est un degré un peu en dessous ».
Ces hommes et ces femmes qui ne veulent plus cautionner par leur silence n'importe quel acte de guerre, qui n'acceptent plus de porter les armes ou qui dénoncent le sacrifice programmé de leurs enfants ne sont pourtant pas des exaltés et ils ont payé parfois très cher leur liberté de penser et de parler. Que disent-ils de si scandaleux ? Qu'on ne fait pas la guerre en ignorant la morale, que les territoires occupés par Israël doivent être libérés, que les Palestiniens ont droit à une terre et qu'un accord de paix, celui d'Oslo, doit être appliqué. C'est-à-dire qu'ils expriment des opinions démocratiques communément admises. L'un de ces objecteurs pose une terrible question : « Comment un juif peut-il être raciste ? »
 
Réseau Palestine

 
Appel du Docteur Souha Mansour-Shehadeh
Membre de la Bethlehem Arab Society for Rehabilitation (BASR), le Dr. Mansour-Shehadeh décrit la situation à Beit Jala.
Beit Jala, le 31 octobre 2000 -
"Je vous écris de Beit Jala où la situation est toujours très tendue; la nuit dernière l'armée israélienne a tiré pendant deux heures sur les maisons palestiniennes du quartier El Sedr, prétextant que des Palestiniens avaient utilisé des armes à feu dans ce quartier. À Ramallah, l'armée a bombardé des immeubles appartenant aux différents ministères de l'Autorité Palestinienne et n'ont pas manqué d'envoyer quelques obus sur les maisons environnantes. Sans oublier Rafah, Khan Younis, Naplouse, Jericho.
La population est terrorisée ; dès qu'il commence à faire nuit, les rues sont vides, il n'y a plus aucune voiture, chacun appréhende les heures à venir car tout le monde s'est habitué aux raids nocturnes de l'armée, des hélicoptères survolent les villes, leur bourdonnement incessant empêche les enfants et même les adultes de dormir, on s'attend à entendre des détonations à tout moment. Les adultes n'ont aucun moyen de rassurer les enfants car plus personne n'est en sécurité. Même dans nos maisons nous risquons d'être bombardés.
À à peine 500 mètres de la maison où nous habitons, un immeuble de trois étages a été touché par les bombardements, l'obus a traversé les trois étages et a tout détruit sur son passage. Comment garantir à nos enfants une sécurité suffisante, aussi bien physique que psychique dans de telles conditions ? Certes, ils vont à l'école tous les jours, mais l'école n'est plus un lieu sûr, les colons continuent d'attaquer les civils, et maintenant ils font cela en plein jour aussi. La plupart des parents décrivent une angoisse massive chez leurs enfants lorsqu'ils se rendent à l'école : après une nuit d'insomnie (car même lorsque l'armée ne tire pas, tout le monde est à l'affut et s'attend à une attaque), les écoliers craignent d'aller à l'école.
On vient d'apprendre que l'armée et les colons viennent d'attaquer le village d'El Khader situé à proximité de Beit Jala, les soldats israéliens ont tiré sur les maisons, ont cassé les vitres des voitures et continuent jusqu'à maintenant à terroriser les habitants. Une des ambulances de l'hôpital El Hussein qui tentait d'évacuer des blessés a été la cible de l'armée. Depuis une dizaine de jours, l'armée tire aussi sur les ambulances.
On comptait il y a à peine une demi heure cinq blessés hospitalisés à l'hôpital el Yamamah et quatre blessés graves à l'hôpital el Hussein de Beit Jala. Au moment où je vous écris, on vient d'apprendre que l'armée a fermé complètement les routes entre Bethléem et Hébron ( il n'y a aucune route de contournement possible), et des témoins ont vu des chars blindés près du village d'El Khadr se dirigeant vers Hébron. On prévoit pour les heures à venir un blocus serré autour de toutes les villes palestiniennes.
Près du tunnel menant à Jérusalem, à côté de la colonie Gilo, tous deux construits sur les terres de Beit Jala confisquées par l'armée, les deux chars blindés qui étaient installés là depuis plusieurs semaines et qui ont été employés à plusieurs reprises, ont été remplacés hier par des lance-roquettes dirigés vers Beit Jala. L'armée a de plus installé des barrages un peu partout aux portes des villes et villages palestiniens et sur les routes principales ; elle procède à des arrestations, à ce jour trois cents personnes ont été arrêtées et emprisonnées par l'armée, trente d'entre elles ont moins de seize ans ; l'armée les arrête aux barrages ou envoie des forces spéciales qui s'infiltrent en zone A (zones sous contrôle de l'autorité palestinienne).
La situation s'aggrave de jour en jour, un sentiment profond d'insécurité et de panique s'est installé dans la population. Nous ne comprenons pas comment, face à des Palestiniens qui manifestent à coup de pierres, ou qui tentent de se défendre avec des armes à feu contre des armes sophistiquées de l'armée, une riposte aussi massive et meurtrière peut exister. Nous demandons une protection internationale de toute la population palestinienne, il faut arrêter ce massacre de toute urgence."
 
 Revue de presse

 
1. Libération du mercredi 8 novembre 2000
Israël doit évacuer les colonies par David Grossman (traduit de l'hébreu par Jean-Luc Allouche)
David Grossman est un écrivain israélien. Dernier roman traduit: «Tu seras mon couteau», Seuil, 2000.
Je m'oppose à nos manifestations violentes, me disait récemment un ami palestinien (1). Nous devons recourir à des manifestations silencieuses, pacifiques. D'une part, à cause de la perte terrible en vies humaines, mais aussi parce que notre conduite vous menace, et que, du coup, vous réagissez avec plus d'agressivité et n'êtes pas prêts à nous entendre...»
Difficile d'imaginer que nombreux sont les Israéliens à prêter l'oreille aux revendications palestiniennes, surtout lorsqu'elles sont accompagnées d'actes cruels de terrorisme. Cependant, quiconque cherche une solution à cette situation, quiconque ne se résigne pas à demeurer la victime consentante de ceux qui sèment alentour meurtre et haine doit écouter.
A discuter aujourd'hui avec des Palestiniens aux postes clés, au sein de l'Autorité palestinienne ou des intellectuels, on est contraint de reconnaître que leurs revendications sont fondées. Un simple coup d'œil sur la carte palestinienne que le processus d'Oslo était censé figer; le sentiment d'humiliation que ce processus était susceptible de faire naître dans le cœur de tout Palestinien; et la conscience que, après une lutte sanglante, les Palestiniens ne bénéficieraient pas d'un véritable Etat mais d'un bric-à-brac de miettes d'identité nationale, assiégées et morcelées par la présence de l'occupant israélien: tout cela et tant d'autres revendications impitoyables ont pour conséquence que, afin de défendre la position israélienne, il faille un grand nombre de dérobades logiques (sans évoquer quelques acrobaties morales...).
Lorsqu'on examine les principaux obstacles qui empêchent - et qui empêcheront à l'avenir - quelque accord entre Israël et les Palestiniens se révèle encore une fois la question centrale des colonies. Est-il complètement exagéré d'espérer qu'après que les esprits se seront quelque peu rassérénés Israël commencera à peser ce problème? Est-ce que, pour la première fois, il comprendra qu'il ne peut imposer de solution aux Palestiniens et que, peut-être, au nom même de son intérêt bien compris, il convient justement de s'infliger, à court terme, une douleur presque insupportable, afin de réaliser, pour des générations, ses intérêts les plus vitaux.
Selon les porte-parole palestiniens - officiels ou officieux -, les colons qui voudraient demeurer dans les territoires, sous souveraineté palestinienne, pourront le faire; le reste retournera en Israël. De même, les Palestiniens acceptent-ils, nolens volens, que certains blocs d'implantations soient annexés à Israël, en contrepartie d'échanges symétriques de territoires.
Il est difficile de croire que beaucoup d'Israéliens consentiront désormais à s'en remettre à la bonne volonté des autorités palestiniennes et qu'ils confieront leur sécurité en leurs mains. Mais inutile d'être un grand expert pour saisir qu'aucun Etat au monde ne pourrait accepter en son cœur l'existence d'enclaves fortifiées et surarmées, défendues par les soldats d'un autre Etat et reliées à lui par des dizaines de routes «exclusives». Tout homme sensé comprend que, si ce problème n'est pas résolu, la situation se dégradera en une nouvelle Bosnie, dans laquelle des citoyens juifs et palestiniens tireront les uns sur les autres dans une spirale sanglante sans fin.
C'est pourquoi il n'y a pas d'autre choix que de dire, dans toute leur acuité, les mots que de nombreux Israéliens agitent en leur cœur depuis des années: afin de parvenir à une paix juste qui ait une chance de perdurer, de nombreuses colonies doivent être démantelées. Non seulement de petites colonies qui, de toute façon, devaient l'être selon les accords d'Oslo, telles que Ganim, Kadim ou Netzarim, mais aussi des colonies, aussi grandes et «solides» fussent-elles, dont l'existence est susceptible de mettre en échec les chances d'un accord futur: Ofra, Beït-El, Elon Moré, Kyriat Arba, et aussi des colonies de la vallée du Jourdain, des collines de Hébron ou même du Gouch Etsion oriental.
Il n'y a aucun sens à jouer les naïfs: les colonies, dans leur écrasante majorité, ont été érigées là où elles ont été érigées dans le dessein de faire échec à tout accord de paix futur ou, au pire, pour empêcher toute continuité territoriale d'un Etat palestinien. Pour l'heure, malgré la manière dont a «réussi» cette politique et dont elle a compliqué la situation de manière désespérante, les colons s'écrient: «Vous voyez? Dans ces conditions, il est impossible de faire la paix!»
C'est pourquoi le moment est venu pour tout Israélien de s'interroger avec honnêteté: est-il prêt à se faire tuer pour le droit de quelques dizaines de milliers de colons à vivre dans des enclaves armées et isolées au sein d'une population arabe? Est-il prêt à effectuer ses réserves militaires là-bas, dans une guerre du Kosovo avec les Palestiniens? Est-il disposé à ce que ses enfants donnent leur vie dans la défense de ces colonies?
La lutte incessante entre Palestiniens et Israéliens conduit les uns et les autres à se retrancher dans des bastions, même quand il est plus qu'évident qu'il est impossible de les défendre. Alors même que notre présence de dix-huit ans au Liban s'est soldée par un départ, après tant de sang versé...
C'est pourquoi, encore, il est temps de poser la question, comme si c'était la première fois: est-ce que la phrase «nous avons vaincu pendant la guerre des Six Jours» nous contraint à cette conclusion que «nous demeurerons là pour l'éternité au sein d'une population occupée»? N'est-ce qu'à cela que se résumera l'immense avantage qu'Israël a retiré de cette victoire?
Pendant des années, le camp de la paix a esquivé la nécessité d'évacuer les colonies. Aussi bien par répulsion à l'idée d'arracher des familles, et des enfants nés là-bas, que par crainte d'un traumatisme national. Mais, désormais, il est impossible de bégayer: la logique nous intime d'évacuer de nombreuses colonies, pour lesquelles il n'est aucune moyen de défense et dont l'existence détruira toute fragile chance de paix. Les partisans de la paix sont tenus de trancher en conscience, d'exécuter le dernier pas et d'accepter l'ultime conséquence - malgré toute la douleur - de la conviction qu'ils ont prônée pendant des années. Les événements du mois dernier, dussent-ils susciter crainte et hésitation, vont dans le sens d'une telle décision et mettent à nu le danger que recèle le manque de courage à trancher.
(1) Voir «Lettre à un ami palestinien», Libération du 25/10/2000. [Cf Point d'information Palestine N° 109]
 
2. A-Ahram Hebdo du mercredi 8 novembre 2000
Le boycott s'organise par Samer Soliman et Salma Hussein
Si la mise en place du boycott a été plus au moins spontanée, des journalistes de l'hebdomadaire Al-Osboue ont tenté d'y apporter une certaine organisation en créant la Ligue populaire pour le boycott des produits israéliens et américains. Moëmen Ahmad, un des fondateurs, affirme avoir reçu des centaines d'appels téléphoniques soutenant l'idée et demandant une adhésion au comité, lequel a déjà préparé des listes de produits à boycotter.
Selon lui, la priorité doit être donnée à ce qui symbolise en haut lieu les Etats-Unis et leur mode de vie, comme Mac Donald's et Coca-Cola. Mais les grandes entreprises pharmaceutiques ne sont pas en reste. Selon Moëmen, les syndicats des médecins et des pharmaciens ont été contactés pour proposer des alternatives aux médicaments américains. Mais ce ne sont pas les seuls. En effet, les actions des divers syndicats sont très utiles au mouvement, sans pour autant qu'il existe une unanimité vis-à-vis du sujet. Ainsi, le président du Syndicat des diplômés de commerce a nié que les tracts qui circulent en son nom pour le boycott représentent le syndicat dans sa totalité.
Les initiateurs de ce comité ne font pas de distinction entre produits juifs et israéliens. N'est-il pas contre-productif d'englober l'ensemble des personnes de confession hébraïque dans le conflit israélo-arabe et de présenter toute attaque contre Israël comme une attaque contre les juifs ? Quelle pourrait être par conséquent la position vis-à-vis des juifs qui soutiennent les Palestiniens ? « Les masses populaires ne font pas la distinction entre juif et sioniste. Nous devons nous appuyer sur ce fait », explique Moëmen Ahmad de façon simpliste.

3. A-Ahram Hebdo du mercredi 8 novembre 2000
L'arme à double tranchant du boycott par Samer Soliman et Salma Hussein
Les médias nous répètent en boucle que le monde d’aujourd’hui est différent de celui d'hier. Dans celui bipolaire d’hier, les facteurs politiques et géostratégiques déterminaient principalement les relations entre les Etats. Aujourd'hui, les rapports économiques priment. La leçon a été apprise, et il ne faut pas s’étonner que la population égyptienne ait désormais recours à l’arme économique pour soutenir l'Intifada palestinienne.
« Boycotter les produits de l’ennemi » donc. L'Hebdo a interviewé 10 managers de fast-food. Les complaintes sont les mêmes. « Les dernières semaines ont été vraiment dures pour nous, avec une fréquentation réduite de moitié par rapport à celle que nous connaissons d'habitude », se plaint un employé de Hardee's, fast-food américain. Une autre visite dans l'un des Mac Donald's de la capitale ne trahit pas ces déclarations.
Et face à la perte de rentabilité, les offres spéciales du Mac Do du coin se multiplient pour faire revenir le consommateur : deux Big Mac au prix d’un ! L’exemple le plus fort est celui du panneau d'information apposé à l'entrée du restaurant Chili’s de Maadi : « 10 % de nos profits seront reversés au peuple palestinien ». Et dans le même élan, RadioSchack, enseigne américaine de produits électroniques, n'hésite pas à hisser en vitrine les drapeaux égyptien et palestinien. Bref, ce qui est politiquement correct vendra. Ce qui ne l'est pas restera en marge. Soutenir le peuple palestinien en boycottant les produits de son colonisateur et de ses alliés est une bonne cause.
Il est difficile d'identifier la source de cet appel au boycott, car elle est en fait diverse. Les principaux initiateurs sont des gens ordinaires dont beaucoup ont fait usage du courrier électronique pour diffuser l’idée. Et si le mail ne touche qu'une minorité de la population et surtout les jeunes qui fréquentent ces fast-foods, à savoir la classe moyenne aisée, parallèlement plusieurs tracts ont circulé rappelant qu’acheter des produits américains revient à soutenir l'Etat sioniste.
Deux journaux se sont aussi joints à ces appels. Le premier, Al-Arabi, porte parole du Parti nassérien, a publié une liste d'organismes et entreprises ayant des « rapports de normalisation » avec Israël. L’autre, Al-Osboue, journal indépendant mi-nassérien mi-islamiste, a publié une liste des alternatives de consommation égyptiennes !
Certaines listes en circulation proposent des alternatives aux produits à éviter, la cause palestinienne peut donc fournir une publicité gratuite à quelques entreprises au détriment d'autres. On peut taxer son compétiteur de « capital juif » comme cela a été le cas avec Sainsbury's dont un des supermarchés a été endommagé par des manifestants. La société s'est alors empressée de publier dans les journaux que son capital était réparti entre plus de 100 000 actionnaires et notamment ses employés.
Cette incitation au boycott se fait hors des directives gouvernementales. En effet, l'Etat est resté en dehors de toute cette campagne. Ainsi, en ce qui concerne les relations commerciales avec Israël, les mesures officielles sont inexistantes. L'Egypte a exporté pour 180 millions de US$ vers Israël en 1999, dont 88 % de pétrole. Cesser les exportations pétrolières pourrait susciter une forte réaction de sa part. Quant aux importations égyptiennes depuis ce pays, elles ne dépassent pas les 54,4 millions de US$ en 1999, selon les chiffres de l’ambassade d’Israël au Caire, et se composent principalement d'équipements agricoles ainsi que d'appareils électroménagers. Malgré ces chiffes minimisés par le ministre égyptien des Affaires étrangères, la Fédération des chambres commerciales égyptiennes a diffusé un communiqué appelant les commerçants à boycotter tous les produits israéliens, sans toutefois préciser les mesures à l'encontre de ceux qui ne respecteraient pas la décision. En outre, la Chambre centrale maritime basée à Alexandrie regroupant les agents maritimes a décidé à son tour de boycotter les navires israéliens ... si les attaques israéliennes contre le peuple palestinien devaient continuer.
45 % des produits américains importés substituables
Le président de l’Association des hommes d’affaires égyptiens, Saïd Al-Tawil, se montre, lui, peu enthousiaste. « Il est vrai qu'actuellement, il n'est pas dans l'intérêt des commerçants égyptiens de vendre des produits israéliens, car ils ne trouveront pas d'acheteurs. Par contre, les profits de l'économie nationale seraient autres si les produits égyptiens étaient vendus en Israël. Cela améliorerait notre balance commerciale et l'activité économique en général », déclare-t-il. Quant aux investissements israéliens en Egypte, en l'absence de chiffres exacts, Saïd Al-Tawil assure qu'ils sont négligeables. Outre le projet de raffinage du pétrole qui n'a pas encore vu le jour, l'usine de prêt-à-porter Delta Egypt, au Caire, reste le symbole d'une coopération bilatérale. « Cette usine ne vend pas sur le marché égyptien, mais nous ne devons pas minimiser le fait que toute sa production est vendue pour la chaîne anglaise Marks&Spencer », commente-t-il.
Ainsi, il peut paraître facile de boycotter les produits israéliens, peu nombreux. Quant aux produits américains, bien que quelques-uns paraissent indispensables comme les logiciels informatiques (mais là aussi il est possible de se tourner vers des systèmes alternatifs comme Linux), près de 45 % des importations américaines sont remplaçables.
Les Etats-Unis représentent le deuxième partenaire commercial de l'Egypte, après l'Union européenne. En 1999, ils ont exporté vers le marché égyptien l'équivalent de 3 milliards de US$, contre des exportations égyptiennes qui ne représentent que 0,43 milliard vers les Etats-Unis. Mais ces importations américaines sont achetées à hauteur de 55,37 % par le gouvernement, et ne peuvent donc pas être soumises à boycott, contrairement aux appareils électroménagers, aux automobiles destinées aux particuliers et dont la substitution est aisée.
Par ailleurs, malgré l'absence de chiffres exacts concernant l'investissement américain en Egypte, celui-ci est estimé à plus de 10 milliards de US$, concentré principalement dans le secteur pétrolier, seuls deux milliards vont vers les autres secteurs de l'économie. Le boycott de ces investissements est en somme facile, car ils concernent des marques connues et facilement accessibles comme les produits de Procter & Gamble (Ariel, près de 40 % du marché, Pampers ou Camay), Coca-Cola et Pepsi (l'entreprise mère possède une partie de la filiale égyptienne) ou encore des filiales des banques américaines, comme Citibank et American Express, ainsi que certaines sociétés d'assurance sont aussi contournables tout comme les stations services Mobil/Exxon et Caltex qui sont une licence sous-traitée à des gérants, ainsi que des produits agroalimentaires. Même Marlboro, que beaucoup de gens prennent comme exemple de boycott nuisible à la main-d'œuvre égyptienne, est en fait presque purement américain. Il s'agit d'une sous-traitance commandée par le propriétaire de la licence et tous les ingrédients proviennent des Etats-Unis, et sont manufacturés par une ligne de production louée à l'entreprise publique Al-Charqiya pour le tabac. Il n'y a pas de main-d'œuvre supplémentaire pour cette ligne, ce sont les mêmes ouvriers que ceux qui font les autres cigarettes. La Chambre de commerce américaine du Caire (AmCham) refuse de diffuser la liste des investisseurs ainsi que les licences en sous-traitance.
Selon le porte-parole de l'ambassade des Etats-Unis au Caire, « les Etats-Unis sont l'un des principaux investisseurs en Egypte. Ces investissements créent des emplois pour des milliers d'Egyptiens, et payent aussi des impôts au Trésor, ce qui contribue à la croissance de l'économie. De plus, l'augmentation de ces investissements est un objectif commun pour les deux pays. Ainsi, nous nous opposons à tout acte allant à l'encontre de l'augmentation des capitaux américains en Egypte ».
Et le chômage ?
Les arguments économiques incitent aussi à une certaine mesure quant à l'appel au boycott des produits sous licences américaines. En effet, il pourrait se répercuter sur le taux de chômage national, malgré la création d'un fonds spécial d'indemnisation des travailleurs égyptiens. Mais plusieurs contre-arguments sont évoqués. En premier lieu, il est souligné que si au fil du temps il se révèle que la rentabilité se fait moindre en raison du boycott, les investisseurs se dirigeront sûrement vers d'autres types de franchises propices à attirer davantage de clientèle et ainsi, sur le long terme, la main-d'œuvre n'en sera que peu affectée. En second lieu, les fast-foods et les supermarchés, égyptiens ou américains, qui se sont multipliés, ont déjà ruiné plusieurs petits commerçants égyptiens traditionnels. Dans le centre-ville du Caire, les petites enseignes de nourriture égyptiennes ont quasiment disparu au profit de ces fast-foods. Un coup d’œil sur la place Tahrir résume le phénomène.
Quelles seront donc les réactions des hommes d’affaires investissant dans les franchises américaines ? Sur le court terme, les contre-attaques publicitaires et les prix revus à la baisse sont de rigueur pour attirer les consommateurs. Mais si le boycott continue ? Il est fort probable que la plupart adoptent le « wait and see » de rigueur. Cependant, le boycott ne trouve sa motivation que dans une actualité particulièrement chaude, l’Intifada palestinienne. Or, la lutte du peuple palestinien risque de durer encore de longues années comme cela a été le cas pour la lutte du peuple sud-africain. L'intérêt populaire dans cette affaire peut décliner avec le temps. Dans ce cas, Mac Donald's supprimera ses offres spéciales, avant d'augmenter plus tard ses prix ... Mais le boycott aura fait parler de lui et engagé un débat.
 
4. Dépêche de l'Agence France Presse du mardi 7 novembre 2000, 14h11
Cueillette des olives la peur au ventre en Cisjordanie
KARYOUT (Cisjordanie) - "Je ramasse des olives comme un homme qui vole des oeufs". Triant ses fruits sur une bâche au pied d'un arbre, Yousra, une vieille Palestinienne, promène régulièrement un regard inquiet autour d'elle.
Le champ d'oliviers où elle travaille est dominé par deux colonies israéliennes, qui alignent leurs villas préfabriquées rouges et blanches flambant neuves. Karyout, son village tout proche, est déjà entouré de trois colonies créées au cours des vingt dernières années.
"Ce matin", raconte son mari, Mohammad Barhoom, le propriétaire des oliviers, "je suis venu au champ avec la main sur le coeur tellement j'ai peur".
Avec l'Intifada, la révolte palestinienne qui a débuté le 28 septembre, les incidents et intimidations, réguliers depuis quelques années, se multiplient entre colons israéliens et habitants de Karyout, un village fier de ses trois "martyrs" de la cause palestinienne, dont un à l'origine d'un attentat-suicide meurtrier en 1996 à Tel Aviv.
Comme dans de nombreux villages de Cisjordanie, la cueillette des olives, entamée à la mi-octobre pour s'achever un mois plus tard, est capitale pour Karyout et ses 2.750 habitants. Ici, quasiment tout le monde possède des oliviers, dont les fruits sont réputés pour faire une excellente huile.
"Vendredi dernier, des colons ont déraciné 400 de mes oliviers pour les revendre 100 shekels pièce (environ 25 dollars) en Israël", affirme Esane Sadeq, un paysan de Karyout. "Un peu plus tôt, d'autres m'avaient volé des olives et avaient blessé mon fils par balle", assure-t-il.
Sur le chemin des oliviers, quelques arbres calcinés, d'autres avec la majorité de leurs branches coupées. Une route asphaltée coupe le champ en deux pour permettre l'accès des Israéliens à leur colonie.
Celle des villageois palestiniens n'est bitumée qu'à mi-parcours. "Les colons nous interdisent d'aller au-delà", assure Abdel Nasser, responsable local du Fatah, mouvement du président palestinien Yasser Arafat et principale composante de l'OLP.
Sous un arbre, un vieil homme édenté cueille ses olives dans un silence de mort. "J'ai peur", confie Rateb Asmar. "Je n'ose plus demander à mon fils de venir m'aider et je dois travailler en me taisant, sinon...". Avec sa scie égoïne, il mime alors un coup de feu avant d'exhiber de vieilles cicatrices de coups portés, selon lui, par les colons.
"Normalement", dit-il, "quand je viens en famille, on peut ramasser en un jour les olives de dix arbres. Maintenant, on arrive tout juste à faire deux oliviers".
Un peu plus loin, trois hommes et deux femmes s'activent dans les branches d'un olivier. "Ce matin", raconte Mashhout Abogath, un jeune ouvrier en construction privé de son habituel travail en Israël, "cinq soldats israéliens sont venus avec des colons armés pour nous chasser d'ici. Mais nous sommes restés. C'est notre terre ici. Pas question de partir".
Dans la très artisanale huilerie du village, l'heure est au pessimisme. "Il y a cinq ans, on produisait plus de 250.000 litres", souligne Ibrahim Hamed, chef d'équipe.
"Cette année, on devrait atteindre autour de 170.000. Et avec les arbres que les colons nous arrachent et la terre qu'ils ne cessent de nous voler, la production devrait encore baisser de moitié d'ici à l'an prochain", conclut-il.
 
5. Le Monde du mardi 7 novembre 2000
Pour M. Hajdenberg, Paris est hors jeu au Proche-Orient par Gilles Paris
Au dîner du CRIF, M. Jospin a demandé « des gestes significatifs » aux Israéliens et aux Palestiniens
LIONEL JOSPIN était « attendu », samedi soir 4 novembre, au dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF). Moins de deux semaines après le soutien apporté par la France à une résolution des Nations unies dénonçant « l'usage excessif de la force » par Israël dans la répression des émeutes palestiniennes, le premier ministre a été courtoisement mais fermement sommé par le président du CRIF, Henri Hajdenberg, de s'expliquer.
« Vous aviez contribué personnellement à un rééquilibrage de la position française lors de votre visite à Jérusalem en février. Aussi pouvions-nous espérer de la France une autre politique que celle consistant à faire condamner Israël dans les instances internationales et à le désigner comme seul coupable des affrontements avec les émeutiers palestiniens, comme si ces révoltes s'étaient déclenchées spontanément, et comme si Yasser Arafat n'avait pas de responsabilités dans le refus des négociations de paix et les affrontements, s'est étonné M. Hajdenberg. Il ne s'agit d'une politique ni d'une diplomatie équilibrées. Sortant d'une position balancée, la France s'est mise à nouveau hors jeu. »
« VIOLENCES INADMISSIBLES »
Le président du CRIF s'était efforcé auparavant de démontrer la responsabilité du chef de l'Autorité palestinienne, soupçonné de préférer à la négociation « une guérilla longue, une sorte de lutte de libération nationale, à caractère mythique, au risque de faire échouer certaines revendications, il faut le dire pourtant légitimes des Palestiniens ». Revenant à la charge et dénonçant sans le nommer explicitement Jacques Chirac, « l'homme d'Etat (...) sensible aux images » qui « se laisse vaincre par l'émotion » devant les affrontements opposant les jeunes Palestiniens à l'armée israélienne, M. Hajdenberg s'est efforcé de pousser M. Jospin, jugé plus sensible aux thèses israéliennes, dans ses retranchements.
Il a mis en cause « cette période subtile de cohabitation dans laquelle nous savons que vous ne voulez pas laisser entrevoir des différences d'appréciation sur les positions de la France ». « Cette attitude respectable, a encore dit M. Hajdenberg, a pour effet de stériliser tout débat de fond concernant la politique de la France au Proche-Orient (...) , à moins que vous ne nous en disiez plus. »
Mais M. Jospin s'est gardé de répondre à l'invitation. « La France qui est, vous le savez, l'amie d'Israël, continue à soutenir qu'il n'y a pas pour les deux peuples d'autre chemin possible que celui du dialogue et de la recherche de la paix », a affirmé le premier ministre qui a demandé « des gestes significatifs dans le sens de l'apaisement » aux deux parties. Soucieux de la « détresse du peuple israélien qui désespère de la paix », il a aussitôt indiqué que « du côté du peuple palestinien, la violence exprime souvent le désespoir de ceux qui ont le sentiment que le temps passe sans que l'Etat espéré, dans des conditions de dignité et de liberté, voie le jour ».
M. Jospin savait qu'il ne pourrait pas convaincre son auditoire de la pertinence de cet « équilibre ». Il a donc évoqué plus longuement des sujets plus consensuels : la dénonciation des « violences inadmissibles » perpétrées à l'encontre de la communauté juive tout d'abord, le « dialogue et le rapprochement » des diverses communautés religieuses célébrés auparavant par M. Hajdenberg ensuite, le travail effectué par la commission présidée par Jean Mattéoli sur la spoliation des biens juifs.
Après avoir indiqué qu'il avait proposé à Simone Veil de prendre la présidence de la future Fondation de la mémoire de la Shoah, M. Jospin s'est félicité du « travail de vérité » effectué en la matière et souhaité que « d'autres moments sombres de notre histoire nationale » et plus précisément la guerre d'Algérie « fassent l'objet du même effort ».
 
6. Le Monde du mardi 7 novembre 2000
Eli Barnavi nommé nouvel ambassadeur d'Israël en France
Le gouvernement israélien a approuvé dimanche 5 novembre la nomination d'Eli Barnavi au poste d'ambassadeur d'Israël en France. Historien, politologue, professeur au département d'histoire de l'université de Tel Aviv, celui-ci occupait depuis deux ans le poste de directeur du comité scientifique du Musée de l'Europe à Bruxelles. Ce médiéviste ne s'est jamais coupé des combats de l'actualité. Il fait partie de ces hommes de la gauche israélienne qui défendent le droit des Palestiniens à disposer d'un Etat aux côtés d'Israël. Il s'en est expliqué dans de nombreux articles - en particulier dans Le Monde et Le Nouvel Observateur - et ouvrages. Il est l'auteur, notamment, d' Israël au XX e  siècle (Flammarion), de Lettre de l'ami israélien à l'ami palestinien (Flammarion), d'une Histoire universelle des Juifs (ouvrage collectif, Hachette) et a patronné avec Saul Friedländer Les Juifs et le XX e  Siècle, dictionnaire critique (ouvrage collectif, Calmann-Lévy).
 
7. L'Orient-Le Jour (quotidien libanais) du mardi 7 novembre 2000
Nouvelles violations par l’État hébreu du territoire libanais
Le président de la République, le général Émile Lahoud, a dénoncé hier une nouvelle «agression militaire» d’Israël contre le territoire libanais. Des avions israéliens ont en effet survolé le Sud dans la nuit de dimanche à lundi et durant la matinée d’hier, et deux hélicoptères ont brièvement atterri sur les terres libanaises près du Litani, dans un village au sud de Tyr. Le président Lahoud a demandé au ministère des Affaires étrangères d’informer les Nations unies, ainsi que la Finul, de cette nouvelle violation.
Cette incursion israélienne est la première en son genre, depuis l’évacuation et la libération du Liban-Sud et de la Békaa-Ouest en mai dernier. Dans la nuit de dimanche à lundi, peu après minuit, cinq hélicoptères israéliens ont survolé les villages de Aïtit, Mazraat Mechref, Chkif, Rechkanay, Tibnine, Jouaya, Kfardounine, Bourj Kalaway et Taybé. Quelques minutes plus tard, deux hélicoptères israéliens se sont posés au village de Kantara, où ils sont restés plusieurs minutes avant de repasser la frontière.
Il faut préciser que les vols israéliens au-dessus du Liban se sont multipliés depuis la capture, par le Hezbollah, de quatre soldats ennemis qui se trouvaient dans la région des hameaux de Chebaa toujours occupés par Israël. Le représentant du secrétaire général des Nations unies au Liban, M. Rolf Knutsson, a exprimé hier son inquiétude grandissante à l’encontre de la multiplication des violations de l’espace aérien libanais par l’aviation israélienne. Il a déclaré, dans un communiqué publié hier, qu’«il est essentiel que de telles violations cessent immédiatement, ainsi que d’autres violations de la ligne bleue».
Les violations de l’intégrité du territoire libanais se sont poursuivies durant toute la journée d’hier : des avions de chasse ont survolé plusieurs régions libanaises, franchissant le mur du son au-dessus de Beyrouth et de Saïda. Ces survols se sont produits alors que le Premier ministre syrien, M. Mohammed Miro, se réunissait à Beyrouth avec le chef du gouvernement, M. Rafic Hariri. Par ailleurs, plusieurs appareils israéliens ont survolé Tyr à plusieurs reprises, simulant quelquefois des attaques en piqué, et ont franchi le mur du son au-dessus de Baalbeck.
Démenti israélien
Un porte-parole militaire à Jérusalem a démenti hier soir que l’aviation israélienne ait violé l’espace aérien libanais.
«Nous n’avons pas survolé le Liban lundi», a-t-il affirmé à l’AFP. Auparavant, le même porte-parole avait donné à penser le contraire en déclarant à l’AFP : «Les appareils israéliens survolent tous les secteurs qu’il est nécessaire de survoler pour assurer la sécurité d’Israël et celle de ses ressortissants, en particulier après l’enlèvement de trois de ses soldats». En fait, les survols ont bel et bien eu lieu, et des témoins oculaires à Beyrouth ont constaté que des avions de chasse israéliens avaient survolé lundi plusieurs régions du Liban, franchissant notamment le mur du son au-dessus de Beyrouth.
La maison d’un membre du Hezbollah détruite par une explosion
Alors que les avions israéliens survolaient Beyrouth et le Sud, une maison appartenant à un artificier du Hezbollah, Dia Moussaoui, a été détruite hier par une explosion d’origine inconnue dans le village de Nabi Chit au sud de Baalbeck. L’explosion n’a pas fait de victimes. M. Moussaoui avait quitté son habitation un quart d’heure avant la déflagration.
Hier, le périmètre de l’explosion a été bouclé par l’armée libanaise. Rappelons que Nabi Chit est le village d’origine de l’ex-secrétaire général du Hezbollah, cheikh Abbas Moussaoui, tué en 1992 avec sa famille dans un raid israélien. 
 
8. Le Soir (quotidien belge) du lundi 6 novembre 2000
Arafat : "Je ne demande pourtant pas la lune" par Catherine Piettre
GAZA de notre envoyée spéciale
C'est sous la protection d'une impressionnante garde rapprochée que Yasser Arafat reçoit tout visiteur à son siège de Gaza. L'air digne, mais les lèvres tremblant sous l'effet d'un parkinson avancé, le chef de l'Autorité palestinienne semble avoir perdu toute illusion. Il ira certes à Washington, comme il l'a promis samedi, mais ne semble pas attendre grand-chose de sa rencontre avec Bill Clinton... Je ne demande pourtant pas la lune, rappelle-t-il, seulement de pousser les Israéliens au respect de ce qui a été signé à la Maison-Blanche et ailleurs. Avec Ehoud Barak et avec ses prédécesseurs au gouvernement israélien.
L'arrêt des hostilités entre Israéliens et Palestiniens, décidé dans la nuit de mercredi dernier, au terme de plusieurs heures de négociation entre le leader palestinien et Shimon Peres, a, lui, fait long feu : Il n'y a pas de cessez-le-feu, nous sommes attaqués en permanence
HOMMAGE À RABIN
Le mot « cessez-le-feu » a d'ailleurs été interprété de manière ambiguë par les deux parties : la grande majorité des tirs a effectivement été le fait de l'armée israélienne, cependant que la nouvelle intifada est menée, comme la première, avec des pierres. Nous avons entendu parler de cessez-le-feu, mais pas de « cessez-les-pierres », plaisantait, au lendemain de l'accord, Nabil Chaath, un des proches collaborateurs de Yasser Arafat.
Réitérant son engagement dans le processus de paix, Arafat a profité de l'anniversaire de la mort de Yitzhak Rabin pour rendre un hommage appuyé à son partenaire israélien, qui a payé de sa vie pour la paix. Et pour attaquer vivement Barak : Dans le respect de l'accord passé entre moi et Rabin, il n'y aurait aucune nouvelle colonie juive, aucun développement des anciennes colonies, aucune nouvelle habitation, rappelle-t-il. Sous Barak, les colonies se sont développées deux ou trois fois plus que sous Netanyahou. Il fait exactement tout ce que les colons demandent.
La triste réalité de la bande de Gaza - pourtant censée être sous le contrôle de l'Autorité palestinienne, mais où des tanks israéliens bloquent la route, palestinienne, à chaque passage de colons juifs - semble d'ailleurs donner raison à Arafat. La situation, déjà tendue, a empiré depuis le début de la nouvelle intifada déclenchée le 28 juillet. Nous sommes sous siège, affirme le chef palestinien.
Impossible, en tout cas, pour les Palestiniens de passer de Gaza en Cisjordanie, les deux blocs des territoires occupés. Impossible aussi, et plus encore, de travailler en Israël. Quant aux Arabes israéliens, ils doivent traverser tant de barrages et de postes de sécurité que tout déplacement d'une région à l'autre devient, au sens propre, un parcours du combattant... Le bilan économique de cette contre-attaque israélienne face à la nouvelle intifada se chiffre, selon les statistiques des Palestiniens, à 380 millions de dollars de pertes, rien que pour octobre. Sans compter le lourd bilan en vies humaines et en blessés graves, qui fait croître, chaque jour un peu plus, la haine envers l'armée israélienne.
Le sujet ne manquera pas de provoquer de houleuses discussions à Washington, selon Yasser Arafat lui-même : N'oublions pas qu'Israël nous attaque avec des armes américaines... Et Arafat sera peut-être d'autant plus combatif face au président des Etats-Unis que l'opinion publique palestinienne semble se détourner de son vieux chef : Avant je me moquais de cheik Yacine - le chef du Hamas palestinien -, se souvient Hazem, un Gazaoui autrefois proche du Fatah d'Arafat. Maintenant, je me rends compte que c'est lui qui avait raison...
 
9. Al-Watan Al-Arabi (hebdomadaire arabe publié à Paris) du vendredi 3 novembre 2000
Pourquoi les leaders arabes ont-ils adopté des positions réalistes au sommet du Caire ? par Abd al-Karim Abu al-Nasr [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
Le sommet arabe extraordinaire réuni au Caire les 21 et 22 octobre derniers représente un tournant dans la politique arabe en matière de processus de paix, même si l'on remonte à son origine : le sommet de Madrid, tenu à l'automne 1991. Le sommet du Caire a adopté des résolution et des prises de position sans précédents si l'on se réfère aux sommets arabes tenus depuis des décennies, en ce qui concerne le conflit israélo-arabe et la lutte du peuple palestinien.
Au cours de ce sommet, les états arabes ont exprimé, pour la première fois avec une telle clarté, l'ébranlement de la confiance qu'ils plaçaient dans le processus de paix, pour ne pas dire : leur refus du processus de paix sous sa forme actuelle. Ils ont exprimé leur pessimisme, proche du désespoir, sur la possibilité de parvenir à un règlement pacifique définitif du conflit avec Israël à court terme. Ils se sont montrés prêts, plus que jamais par le passé, à geler la normalisation et l'ouverture arabes vis-à-vis de l'état juif, et à aller même plus loin en ce sens si le gouvernement israélien devait poursuivre sa politique répressive et violente contre les Palestiniens et insister à transformer le processus de paix en un processus de guerre permanente contre le peuple palestinien et en moyen pour assurer son hégémonie sur la région sous des formes multiples.
Le sommet du Caire a déterminé un plan de travail politique et diplomatique destiné à faire face à Israël, au processus de paix et aux grandes puissances au cours de la phase (nouvelle) qui vient de s'ouvrir, adoptant des décisions exécutives et un processus de soutien à l'intifada palestinienne basé sur les propositions formulées par l'Arabie Saoudite. Le sommet a rejeté les conseils adressés par l'administration américaine à certains états et courants arabes, leur demandant, en substance, de s'abstenir de toute position dure, sur la forme comme sur le fond, contre Israël. Ces états et mouvements ont choisi, au contraire, d'entrer dans une confrontation politique avec Israël, laissant la porte ouverte à un durcissement de cette confrontation, si nécessaire, à l'avenir.
Tels sont, en résumé, les travaux du sommet du Caire et les résolutions qui y ont été adoptées. Mais il faut rentrer dans les détails, si l'on veut donner une évaluation précise et objective des résultats du sommet, ce qui nous amène à nous arrêter aux points essentiels suivants :
1 - le programme politique adopté par le sommet du Caire et destiné à se positionner face à Israël et au processus de paix dans la phase nouvelle commençante s'ouvre sur les plus graves accusations à l'encontre d'Israël. Ils va jusqu'à redéfinir les principes sur lesquels les états arabes devront se baser au cours de cette étape à venir, dans leurs relations avec l'Etat juif, et qui se conclut par l'adoption de la décision de faire monter les enchères, si nécessaires, face à ce dernier. Le sommet a accusé Israël de transformer le processus de paix en "un processus de guerre dirigée contre le peuple palestinien", lui faisant porter la responsabilité de ramener la région au climat de tension et de guerre et de "traiter à la légère" la question de Jérusalem. Le sommet ne s'est pas contenté d'exiger la constitution d'une commission internationale d'enquête indépendante, dans le cadre des Nations Unies, sur les causes et les responsabilités de la dégradation extrêmement grave de la situation dans les territoires palestiniens occupés : il est allé plus loin, exigeant du Conseil de Sécurité qu'il assure une protection indispensable au peuple palestinien au moyen de la constitution d'une force internationale ou d'une présence internationale de nature à s'interposer. Il a demandé au Conseil de Sécurité de constituer un tribunal international pour le jugement des criminels de guerre israéliens, responsables de la perpétration de massacres à l'encontre du peuple palestinien. Que ces exigences trouvent satisfaction ou non, leur formulation a une grande importance politique, car elle montre aux grandes puissances la profondeur de la colère des pays arabes vis-à-vis d'Israël et de ses agissements, et elle permet de justifier, par la suite, des mesures effectives, sévères, que ces états pourraient prendre contre l'Etat juif.
Après avoir affirmé ses résolutions affirmant l'attachement des Arabes au choix de la paix, à condition qu'il y ait, en face, un engagement similaire de la part d'Israël et que cette paix soit basée sur les deux principes de la globalité et de la justice, "en tant qu'elles sont les deux conditions sine qua non de l'acceptation de la paix et de sa pérennité", ainsi que leur attachement aux principes invariants et aux droits arabes, le sommet a défini les bases du comportement arabe à adopter vis-à-vis d'Israël dans la phase à venir, en conditionnant la poursuite de la normalisation à l'existence d'un processus de paix véritable. Le sommet du Caire ne s'est pas contenté de cela, il ne s'est, d'ailleurs, même pas contenté de suspendre toute participation à des négociations multilatérales et de geler tous les projets et les initiatives en cours de coopération économique régionale avec Israël, mais il est allé plus loin que tout sommet arabe jusqu'alors, menaçant de suspendre les relations déjà existantes avec ce pays. La résolution finale du sommet énonce, ainsi : "le sommet arabe affirme, à la lumière de l'achoppement du processus de paix, qu'il s'engage à faire face de la manière la plus résolue aux tentatives israéliennes de s'immiscer dans le monde arabe, quelle que soit la forme qu'elles adopteraient, et à s'abstenir d'établir quelque forme que ce soit de relations nouvelles  avec Israël. Les participants au sommet rejettent sur Israël la responsabilité des mesures et des décisions qu'ils sont amenés à prendre en matière de relations avec ce pays - pouvant aller jusqu'à la rupture - qui résultent de la nécessité de faire face à l'arrêt du processus de paix." Des sources diplomatiques arabes et européennes (bien informées) ont affirmé que ce paragraphe de la résolution finale du sommet signifie clairement que les Etats arabes sont prêts à élever le niveau de leurs exigences politiques vis-à-vis d'Israël jusqu'au point de suspendre leurs relations diplomatiques si les autorités israéliennes devaient continuer à mener leurs opérations de répression à l'encontre des Palestiniens, à bloquer le processus de paix ou à imposer leurs conditions aux négociations ou prenaient de nouvelles mesures d'escalade contre le peuple palestinien.
A ce sujet, des sources diplomatiques américaines et européennes indiquent qu'il existe une préoccupation certaine, américaine et européenne, de voir le gouvernement israélien adopter, dans la période à venir, la décision d'annexer des parties de la Cisjordanie et de la bande de Gaza actuellement sous administration palestinienne (risque renforcé par la participation éventuelle du leader du Likud, Sharon, à ce gouvernement), sous le prétexte "de protéger les colons israéliens ou les nouveaux quartiers israéliens de la périphérie de Jérusalem". Si le gouvernement israélien devait procéder à cette annexion, ne fût-ce que temporairement, les affrontements avec les Palestiniens ne pourraient que gagner en ampleur et en gravité, ce qui amènerait inéluctablement les Etats arabes à adopter des résolutions exécutoires plus dures envers Israël.
La responsabilité américaine
2 - la communauté arabe a formulé une condamnation très articulée du rôle joué par les Américains dans le processus de paix (en difficulté). Il est vrai que cette condamnation n'apparaît pas dans la résolution finale adoptée par le sommet du Caire. Mais elle était contenue dans l'intervention du prince Abdallah Ibn Abdel-Aziz, souverain saoudien. L'importance de la position exprimée par le prince Abdallah réside dans le fait qu'il exprimait dans son discours la conviction générale de la communauté arabe, dans son ensemble, et qu'il parlait en son nom lorsqu'il a déclaré : "les Etats-Unis, en leur qualité de parrain du processus de paix, ont une responsabilité particulière dans l'effondrement qui l'affecte. Etre à la hauteur de ses responsabilités de parrain signifie s'assurer de la validité de la voie suivie par ce processus et demander des comptes à la partie éventuellement responsable de sa déviance". Des sources diplomatiques américaines (comme l'on dit, "bien informées") ont affirmé que l'administration Clinton a apporté une importance toute particulière à la position exprimée par le prince Abdallah, qui a exprimé d'une manière tout-à-fait claire la perte de confiance presque totale des Arabes, en ce qui concerne le rôle américain dans le processus de paix.
3 - le sommet du Caire a adopté des résolutions exécutoires, pragmatiques et précises, destinées à soutenir l'intifada et le peuple palestinien en lutte contre les occupants israéliens. Le sommet a répondu favorablement à la proposition saoudienne de créer deux fonds de soutien. L'un, appelé "le fonds d'Al-Aqsa", d'un montant de 800 millions de dollars, est destiné à financer des projets contribuant à la sauvegarde de l'identité arabe et islamique de Jérusalem et permettant au peuple palestinien de se libérer de la dépendance économique vis-à-vis d'Israël. Le second fonds, dénommé "caisse de l'intifada d'Al-Quds (Jérusalem)", d'un montant de 200 millions de dollars, sera consacré aux victimes de l'intifada. (L'Arabie saoudite assurera un quart du financement de ces deux fonds de soutien, soit 250 millions de dollars). Le sommet a également invité les citoyens des pays arabes à verser un montant correspondant au salaire d'une journée de travail afin de secourir le peuple palestinien en lutte. Ces décisions sont importantes, dans le sens où il ne s'agit pas simplement d'initiatives présentant un caractère humanitaire et matériel, mais de prises de position de nature réellement politique. Ces décisions signifient, en effet, que le sommet arabe considère (et a la ferme intention de continuer à considérer -) l'intifada comme une lutte populaire de résistance, menée par les Palestiniens contre l'occupation israélienne, et appelée à se poursuivre jusqu'à la création d'un Etat palestinien, dont Jérusalem serait la capitale, et que ce mouvement de résistance nécessite un soutien arabe continu, sur les plans politique, diplomatique et matériel.
Les décisions du sommet du Caire sont à la fois déterminées et réalistes. Mais le réalisme politique jouit d'une réputation désastreuse dans le monde arabe, tout particulièrement lorsqu'il est question du conflit avec Israël. Ceci explique pourquoi ces résolutions ont suscité le désarroi de certains partenaires arabes ou palestiniens, désireux que les pays arabes aillent plus loin dans la confrontation avec Israël.
Pour être juste, il faut dire que le réalisme politique, en matière de processus de paix et de conflit arabo-israélien, résulte essentiellement de facteurs objectifs fondamentaux, dont les plus prégnants sont les suivants :
a - il est impossible, du point de vue de la politique mondiale, d'effacer Israël de la carte ou de lui infliger une défaite militaire, car les Etats-Unis et la plupart des grandes puissances interviendraient militairement aux côtés d'Israël pour assurer sa protection et venir à son secours s'il en était besoin, au cas où ce pays serait confronté à un danger réel et sérieux menaçant son existence.
b - il est impossible, en l'état du rapport de force existant dans la région,  après l'effondrement de l'Union soviétique et du bloc de l'Est, et compte tenu du fait qu'Israël détient des armes de destruction totale (bombes nucléaires, notamment, NdT) et un équipement militaire extrêmement sophistiqué, bien supérieur à celui de tous les pays arabes mis ensemble, d'entrer en guerre, à armes égales, contre l'état juif, sans que cela n'entraîne des destructions irréparables dans les états arabes qui y participeraient et sans que les Arabes ne perdent leur souveraineté sur des territoires supplémentaires (au profit d'Israël).
c - le combat du peuple palestinien ne tire pas seulement sa force des affrontements avec les occupants israéliens et des victimes et des martyrs qu'ils causent, mais de la force des Arabes, de la force de la position arabe et de la force de l'union de combat arabo-palestinienne. Tout affaiblissement de la position arabe trouverait sa traduction inéluctable dans celui de la position palestinienne. Un tel affaiblissement se produirait si les pays arabes agissaient en dehors du cadre de la légalité internationale et s'ils ignoraient la nécessité de gagner le soutien des grandes puissances, et au premier chef d'entre elles, des Etats-Unis et de l'Europe, aux prises de position et aux causes arabes et s'ils devaient faire des comptes erronés en ce qui concerne la situation tant régionale qu'internationale, en ignorance totale du principe de réalité. Le soutien politique à l'intifada est fondamental : le peuple palestinien a pu obtenir quelques avancées, au cours des années écoulées, pas seulement grâce aux affrontements militaires avec les Israéliens mais aussi - et surtout - grâce au fait que la direction palestinienne a su s'appuyer sur ces affrontements pour agir politiquement, et grâce au soutien international apporté à cette même direction palestinienne lorsqu'elle a fait le choix de la négociation. Ce besoin (du soutien) des grandes puissances n'empêche, naturellement, en rien, les pays arabes d'exprimer leur colère et leur désapprobation du rôle américain dans le processus de paix et de la politique américaine, comme l'a fait le prince Abdallah Ibn Abdel-Aziz dans son intervention devant les participants au sommet du Caire. Mais l'objectif arabe, ce n'est pas la rupture totale avec l'Amérique et les grandes puissances, dont les Arabes comme les Palestiniens ont besoin afin de faire pression sur Israël et d'être à même d'effectuer une quelconque avancée sur le plan du processus de paix et d'assurer une protection, indispensable, au peuple palestinien.
d - enfin, les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza sont les otages d'Israël, qui les traite comme les gouvernements israéliens successifs, dont les politiques, différentes dans la présentation mais non sur le fond, ont constamment eu pour but de réduire leurs prétentions et leurs aspirations en recourant à la répression militaire et politique contre eux, de les obliger à se contenter d'une infime partie de leurs droits légitimes et de pérenniser sur eux l'hégémonie israélienne. Toute position adoptée par les pays arabes afin de soutenir et d'aider les Palestiniens ou pour déterminer leur comportement vis-à-vis de la cause palestinienne doit obligatoirement prendre en compte cette réalité douloureuse et dramatique. Ceci implique de prendre des résolutions de soutien aux Palestiniens qui soient étudiées, conscientes, concrètes, déterminées, applicables, se tenant scrupuleusement à l'écart de toute surenchère et de toute menace matamoresque.
C'est à la lumière de ces quatre facteurs décisifs que le sommet du Caire a adopté ses résolutions.
 
10. Le Point du vendredi 3 novembre 2000
Saddam soutient l'euro par Romain Gubert
Il aura fallu trois heures au comité des Sanctions de l'Onu pour se décider. Mais, finalement, les diplomates des Nations unies se sont rendus à l'évidence : « Il n'y a pas de base légale pour bloquer la demande de l'Irak. » Saddam Hussein, comme il le souhaitait, pourra libeller en euros et non plus en dollars ses transactions pétrolières et commerciales. Le président irakien peut donc faire un pied de nez aux Etats-Unis au moment où ceux-ci restent intransigeants quant aux sanctions qui frappent son pays, tandis que certains pays européens - la France en tête - multiplient les gestes de bonne volonté à son égard.
Toutefois, la décision de Saddam Hussein risque fort de n'avoir qu'un impact limité sur le cours de la monnaie européenne. Le montant des exportations de l'Irak est dérisoire - celles-ci n'ont représenté que 35 milliards de dollars depuis 1996. Et plus encore celui de ses importations (8 milliards depuis 1996). Une goutte d'eau. A moins, bien sûr que la production irakienne (actuellement de 2,7 millions de barils par jour, soit 5 % des exportations mondiales) n'augmente significativement dans le cadre du programme « pétrole contre nourriture ».
 
11. The New York Times (quotidien américain) du dimanche 5 novembre 2000
Israël cherche à tirer les leçons de l’assassinat de Rabin en 1995 par Deborah Sontag [traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
Tel-Aviv, 4 novembre - Cinq ans après l’assassinat de Yitzhak Rabin, la très grave crise israélo-palestinienne menace son héritage d’homme de paix. Dalia Rabin-Pelosoff, une juriste "colombe", a déclaré à des amis proches, récemment, qu’elle s’efforçait de chasser de son esprit, sans y parvenir totalement, l’idée que son père serait mort en vain.
"Pour ceux qui étaient proche de lui, cette année ressemble plus que toute autre à celle durant laquelle Rabin fut assassiné", a déclaré Uri Savir, parlementaire qui avait été le principal négociateur au service de Monsieur Rabin pour l’accord intérimaire d’Oslo, en 1993, ajoutant : "je ressens nostalgie et douleur, et une certaine amertume".
Cet après-midi, 100 000 Israéliens se sont figés dans une manifestation silencieuse, en mémoire des trois coups de feu qui avaient percé l’air durant cette nuit dramatique de 1995, un samedi, se pressant en une foule compacte sur la place-même de l’attentat. Cette année, cette minute de silence intervint durant un meeting destiné à redynamiser un camp de la paix très abattu et dont la foi a été mise à rude épreuve au cours des dernières semaines, et encore aujourd’hui, les affrontements continuant en Cisjordanie et à Gaza.
Tandis même qu’ils tendaient des cierges dans l’air embaumé et qu’ils chantaient la paix en une manière de défi, beaucoup des personnes qui rendaient hommage ce soir à M. Rabin nous ont dit qu’ils étaient engagés dans une profonde réévaluation de l’espoir pragmatique qui les guidait jusque-là.
Michal Cohen, en larmes, nous dit : "l’atmosphère est très lourde. La confusion des esprits règne. Mais nous ne pouvons pas laisser cette place devenir un monument funéraire à la paix, comme elle l’est pour Rabin".
Lorsque M. Rabin, général multi-médaillé et l’un des pères fondateurs de l’état d’Israël, prit la main de Yasser Arafat, avec une réticence visible, il prit au nom d’Israël la décision capitale que la terre devait être divisée entre deux peuples pour assurer la sécurité à l’avenir. Cette décision devait lui coûter la vie, mais les années suivantes, ses héritiers, assoiffés de normalité et de solution, ne l’ont jamais remise en cause.
Cette année, ils se demandent s’ils n’ont pas été naïfs - et même, si Rabin ne l’a pas été lui-même - de croire en la volonté de M. Arafat de mettre un terme au conflit par les voies diplomatiques. Cette interrogation amène certains de ceux qui révèrent la mémoire de M. Rabin à tenter de séparer toute association entre son legs et les accords d’Oslo, et même, entre les accords d’Oslo et ce qui serait une paix véritable.
Au cours d’une cérémonie en mémoire de M. Rabin, au Parti travailliste, vendredi, la célèbre photographie de la poignée de mains échangée avec M. Arafat sur la pelouse de la Maison Blanche ne figurait pas dans un mur d’images présenté à cette occasion.
"C’est vrai, il n’y a pas eu de photo d’Arafat, mais il y a eu un extrait du discours que Rabin lui a adressé alors", commenta Yerach Tal, porte-parole du Parti travailliste. Dans l’extrait retenu, toutefois, M. Rabin n’embrassait pas en M. Arafat le partenaire de la paix : il le "mettait en garde contre les ramifications de la violence".
C’est le moment que choisissent certains Israéliens, qui n’appartiennent pas au camp de la paix, pour se réclamer de M. Rabin. Ils insistent sur le fait que sa mémoire appartient à l’ensemble d’Israël, et qu’il ne saurait être identifié à celui qu’il fut sur la fin de sa vie, mais comme "le dernier des pères d’Israël", qui avait commencé sa longue carrière militaire durant la guerre d’indépendance.
"Je pense que si Rabin était ici, vivant, à sa propre commémoration, il insisterait sur le fait que sa vie ne se résume pas à Oslo", nous a confié Dan Meridor, un juriste centriste. "Mais la gauche a joué dangereusement avec sa mémoire. Elle a accolé son assassinat - pour lequel il a été pratiquement déifié - à son héritage politique. Mais si Rabin, c’est Oslo, et si Oslo est un désastre, Rabin était-il un désastre ? Je ne le pense pas."
La famille de M. Rabin et ses plus proches anciens collaborateurs pensent que sa mémoire ne peut être dissociée du fait qu’il a été assassiné pour avoir recherché la paix avec les Palestiniens. Après s’être colletés, durant plusieurs années, avec le fait accompli de son assassinat et tout ce qu’il signifiait de profondes divisions internes pour Israël, les Israéliens doivent maintenant, qu’ils le veuillent ou non, se concentrer sur ce pour quoi, finalement, il luttait, disent-ils.
Néanmoins, certains Israéliens pensent que même les leçons de son assassinat n’ont pas nécessairement été tirées. Tommy Lapid, un parlementaire, a introduit un projet de loi, cette semaine, proposant que si un premier ministre devait être tué, il n’y aurait pas de nouvelles élections : un autre membre du parlement, de son parti, le remplacerait.
"Je ne veux pas que l’incitation au crime qui a tué Rabin puisse exister encore de nos jours", a déclaré M. Lapid. "En effet, que se passerait-il si quelqu’un pensait, maintenant, que tout ce qu’il a à faire est de tuer Barak pour que Netanyahu puisse être élu à sa place ?"
Certains avocats de la paix mettent au défi les prétentions du premier ministre Ehud Barak à être le successeur de M. Rabin, à être lui aussi un général converti à la paix, même s’ils lui avaient remis le sceptre en se rassemblant spontanément par dizaines de milliers sur la Place Rabin la nuit de son élection.
Ils pensent qu’à la différence de M. Rabin, M. Barak n’a jamais complètement viré sa cuti en matière de mentalité militaire. Certains le comparent au Rabin de son premier mandat, avant Oslo. "Barak en est encore au stade du Rabin de première époque, du politicien soupçonneux incapable de rien voir au-delà des considérations de la sécurité nationale", écrit Akiva Eldar dans Haaretz de vendredi dernier.
Tandis que M. Rabin ne cachait pas son irritation contre les colons, M. Barak a indiqué dès sa prise de fonction qu’il se sentait plus proche des colons que de la gauche, disent-ils. Alors que M. Rabin avait gelé la construction des colonies, M. Barak a autorisé leur extension. Alors que M. Rabin avait dépassé son aversion pour M. Arafat afin d’établir une relation avec lui, M. Barak a été incapable de créer un tel lien, disent ses critiques.
Certains blâment M. Barak pour l’aggravation du conflit, pour avoir traité les Palestiniens trop durement, trop précipitamment et d’une manière trop paternaliste. Ils se demandent tout haut ce qui se serait passé si M. Rabin avait pu mener à bien ce qu’il avait entrepris. Au premier chef, sa veuve, Lea qui, très malade - elle a un cancer au poumon - a été hospitalisée vendredi.
Madame Rabin, dont la présence au rassemblement était prévue, a donné dans sa chambre à coucher (dans l’armoire de laquelle les vêtements de son époux disparu sont toujours rangés), une interview à un journal israélien. "Tout aurait pu être différent", a-t-elle déclaré. "Je suis sure qu’Arafat n’aurait pas osé déclencher ces émeutes si Yitzhak avait été encore là, comme premier ministre. La relation entre Yitzhak et Arafat était faite de respect".
Elle s’est adressée à Arafat directement, à la télévision : "Rappelez-vous, vous êtes partenaires avec Yitzhak", a-t-elle dit d’une voix éteinte. "Yitzhak n’est plus là, c’est pourquoi vous devez porter le fardeau pour tous les deux".
Ce soir, M. Barak, dans l’une de ses interventions les plus marquantes depuis le début du conflit, s’est adressé à M. Arafat depuis la tribune : "c’est d’ici, ce soir, que je vous exhorte à mettre un terme à la violence et à tendre votre main pour conclure la paix des braves". "La paix à laquelle nous rêvions - celle à laquelle vous et Yitzhak rêviez - cette paix viendra un jour".
Mais le héros du jour fut M. Peres qui, quelques jours seulement après avoir été envoyé par M. Barak comme émissaire auprès de M. Arafat, en revint porteur du dernier accord de trêve, le plus effectif depuis le début des affrontements.
"Notre bateau a perdu son capitaine, mais il continue sa course", déclara M. Peres dans un discours inspiré qui amena la foule à scander son nom et à lancer le slogan : "Peres premier ministre".
Beaucoup d’Israéliens pensent qu’il est simpliste de tenir M. Barak pour responsable personnellement ou d’imaginer que tout autre leader israélien aurait pu éviter l’explosion violente à laquelle nous assistons. Certains disent que le problème, c’est l’accord d’Oslo en lui-même, en tant qu’accord intérimaire qui a été à l’origine d’une approche progressive de résolution du problème. Cet accord a défini, à l’origine, un calendrier de cinq ans, qui fut porté ensuite à sept ans, destiné en théorie à établir progressivement la confiance entre les deux parties, afin de rendre les décisions finales - les plus ardues - plus faciles à prendre.
"Le processus d’Oslo comportait en lui-même tous les ingrédients d’une explosion" a dit M. Méridor, le législateur. "Nous leur avons donné la respectabilité, nous leur avons donné la terre et nous leur avons donné des fusils avant d’avoir aplani les questions les plus sensibles. Il était vraiment naïf de croire que, en seulement cinq ans, les gens, des deux côtés, oublieraient leur idéologie, leurs rêves, leur attachement à Jérusalem".
Beaucoup d’avocats de la paix, cependant, insistent sur le fait qu’Oslo a fait du chemin de manière irréversible. "Vous savez, l’accord d’Oslo n’était pas parfait", dit Galia Golan, membre fondateur du groupe "La paix maintenant". "Mais Oslo a representé une percée historique, la reconnaissance mutuelle des deux parties. Oslo n’a jamais prétendu être la solution définitive. Il nous a mis sur la voie, et il nous y a maintenus".
"Chez nous, dans le camp de la paix, je ne pense pas qu’il y ait régression ; juste de la désillusion", dit-elle. "Nous sommes aussi pragmatiques que les gens aiment à nous considérer naïfs ou crédules. Il n’y a pas d’alternative. C’est cette certitude que Rabin a emporté dans sa tombe."
 
12. Libération du samedi 4 et dimanche 5 novembre 2000
Israël doit trouver les mots
par Stéphane Trano
Stéphane Trano, journaliste, écrivain. Ex-chef du service politique de «Tribune juive», ex-rédacteur en chef de «la Lettre économique palestinienne». Auteur de «Mitterrand, les amis d'abord» (éd. l'Archipel, janvier 2000).
Je sais, nous ne comprenons plus. La colère est en nous, comme l'amertume. Mais nous savions que la route serait longue. Le monde juge le peuple juif et le peuple israélien. Il n'entend rien aux fondements de l'histoire, au sens des mots. L'antisémitisme latent s'exprime en tirant profit d'une conjoncture politique insupportable. Son expression la plus perverse est l'usage des lieux communs freudiens: la victime se fait bourreau. Les images de la tragédie palestinienne ensevelissent peu à peu nos actes et nos paroles, nos intentions, et rétablissent les murs du silence à l'intérieur desquels nous sommes seuls.
Shimon Pérès eut une vision. Yitzhak Rabin lui donna forme. Benjamin Netanyahou stoppa le cours de l'histoire. Ehud Barak jongle avec un héritage trop lourd pour lui. Aujourd'hui, les militants de la paix se sentent trahis par Yasser Arafat qui ne les entend plus. Mais que de trahisons en chemin, de part et d'autre. Trahison des pays arabes, si attentistes, si murés dans leurs intransigeances dictatoriales, qu'ils ont accompagné le nouveau-né à sa tombe à peine venait-il de voir le jour. Trahison de nos hommes de foi, passés dans le camp de l'idolâtrie, prêts à sacrifier tout un peuple au nom de la ville sainte. Trahisons des colons qui pour un bunker exposent nos lieux saints aux flammes.
Nous aurions pu faire confiance aux Palestiniens. Parce qu'il sembla, à un moment, qu'ils se libéraient de l'instrumentalisation par leurs frères arabes. Parce que la reconversion d'Arafat en homme de paix, si difficilement acceptable fut-elle, laissait entrevoir une possibilité sans précédent. Parce que la maturité du peuple d'Israël semblait lui permettre d'affronter un avenir plus contraignant.
Plus contraignant, mais plus juste. Parvenus aux portes des ténèbres, où le nom de Dieu est invoqué de part et d'autre comme une promesse sanglante, il nous faut rompre avec la justification historique. Nous avons survécu parce qu'Israël, Etat, patrie du cœur et de l'âme, espoir, prière, Etat de nouveau, fut une réalité constante dans notre mémoire. Nous souffrons parce que le monde s'empare d'Israël, niant par là même ce lien vital et privilégié qui est notre fil d'Ariane. Mais nous avons sous nos yeux la souffrance humaine. Celle de ceux qui souffrent terriblement et qui, donc, font des choses terribles. Les Palestiniens veulent ce que nous avons construit: un possible. Ils dérivent dans un champ de haines et de fantômes. Il est de notre responsabilité devant l'histoire de passer outre la violence injectée dans leurs veines par des Etats terroristes, pour leur ouvrir la voie. Un Etat. Une patrie. Un drapeau. Une capitale. Une identité. Ils le veulent. Ils sont une réalité constante sous nos yeux, quand bien même certains d'entre nous voudraient en nier l'existence.
Oui, nous avons peur pour les nôtres. Nous avons peur de revoir nos rues ensanglantées. Nous avons peur de ces regards qui nous brûlent et nous égorgent comme symbole de l'injustice planétaire tout entière. Mais avons-nous jamais affronté cela? N'avons-nous pas retrouvé notre route une fois sortis des camps? Sommes-nous devenus si amnésiques, si névrosés, que notre mémoire ne puisse plus nous permettre d'avoir les gestes et les mots qu'il faut?
Où es-tu Israël? Où est ta jeunesse? Où sont les soirées de Tel-Aviv où ta ferveur se faisait entendre de tes voisins? Où est cette confiance qu'enfin, tu apprenais à placer dans l'autre, sûr qu'il te protégerait si ton choix de la paix devait te mettre en péril? Nous ne baisserons pas les bras. Réveille-toi. Lève-toi. Marche aux portes de tes villes. Souviens-toi. Ne les laisse pas livrées aux mains des spécialistes de la terreur. Ce sont des hommes. Puissent-ils trouver face à eux d'autres hommes. Puissions-nous braver la parole de ceux qui veulent nous imposer une manière d'être juif en prétendant détenir les clés du Temple. Mieux vaut mourir pour Israël que tomber pour Jérusalem.
 
13. Le Nouvel Afrique Asie du mois de novembre 2000
La guerre pour l’indépendance par Simon Malley
Lundi, 25 septembre. Pour la première fois depuis l’échec du sommet de Camp David II, du 11 au 24 juillet, Ehoud Barak prend l’initiative d’inviter Yasser Arafat à un dîner privé chez lui. Sans en connaître l’objet, le leader palestinien se rend chez le Premier ministre israélien. Il ne s’agissait pas de négocier quoi que ce soit, mais d’échanger des opinions. Conflictuelles certes, mais courtoises. "Avant de nous séparer, je croyais sincèrement, nous confiait Arafat, que nous allions trouver une approche rationnelle au conflit qui nous oppose." Ils sont en fait tombés d’accord pour admettre le caractère passionnel, voire irrationnel, des questions religieuses. Dès que l’on s’approche de ces questions, le débat s’enflamme et tout accord politique, même temporaire, devient quasiment impossible. Il était donc plus réaliste de s’attaquer d’abord aux questions fondamentales – sur lesquelles des progrès tangibles ont été réalisés, sans toutefois qu’aucun accord ait été trouvé –, à savoir la délimitation des frontières du nouvel Etat palestinien, le partage de l’eau, le retour des réfugiés, le démantèlement des colonies, plutôt que de s’empêtrer dans des discussions byzantines sur le futur statut d’une ville trois fois sainte revendiquée par les trois religions monothéistes.
A la surprise générale, les Américains ont imprudemment soulevé cette question à Camp David II sans en avertir préalablement Yasser Arafat. Ignoraient-ils qu’en agissant de la sorte ils allaient ouvrir la voie à un nouveau cycle de violences en Palestine, déclencher une nouvelle Intifada ? Les négociateurs palestiniens, qui n’ignorent rien de la charge émotive de ce problème – qui ne concerne pas uniquement les Palestiniens, puisqu’il implique aussi l’islam et la chrétienté dans le monde entier – n’avaient-ils pas constamment mis en garde contre l’irruption du religieux dans le politique en expliquant à leurs interlocuteurs le grand danger qu’il y a à placer le troisième Lieu saint de l’islam, dont l’esplanade des Mosquées est partie intégrante, situé au cœur du Jérusalem arabe occupé en 1967, sous souveraineté juive ? N’avaient-ils pas attiré l’attention des Américains sur le dérapage meurtrier qui pourrait se produire si l’Etat hébreu, gauche et droite confondues, persistait à employer Jérusalem comme argument théologique et nationaliste justifiant le maintien de l’occupation ? Un argument que certains zélotes juifs pourraient retourner en leur faveur pour justifier leur plan de destruction de la Mosquée d’Al Aqsa et de son esplanade afin de construire à la place le temple détruit par les Romains. Un plan diabolique qui, faute de pouvoir réédifier un temple mythique, ouvrirait une autoroute vers l’enfer d’une guerre de religion certaine. Ehoud Barak, et les Américains aussi, auraient dû avoir présent à l’esprit le bain de sang provoqué par la décision du sinistre Netanyahou et de ses prédécesseurs de creuser, tunnel après tunnel, sous l’Esplanade dans le but de retrouver les vestiges archéologiques de ce deuxième temple. Recherches qui n’ont abouti à rien.
A Camp David, l’erreur des Américains et des Israéliens fut de soulever la question de Jérusalem. C’était une faute tactique car tout a aussitôt dérapé. Ni Arafat ni ses négociateurs ne demandaient une solution immédiate pour le statut de la ville. La question de savoir qui devrait exercer la souveraineté sur l’esplanade des Mosquées était prématurée et dangereuse. On a vu encore plus grave : les négociateurs américains proposant un partage en couches du sous-sol du Mont du Temple, ou encore un partage des lieux sur l’Esplanade même. Aucun Palestinien, aucun Arabe, aucun musulman ne pouvait tolérer cela.
C’est dans ce contexte que le faucon Sharon est intervenu. Sa visite à l’esplanade des Mosquées, avec une escorte de plusieurs centaines de soldats, a provoqué les affrontements inévitables entre Palestiniens et Israéliens. Un déchaînement de violence et des images insoutenables qui ont bouleversé le monde entier. La machine de guerre israélienne entrait en action contre un peuple palestinien désarmé. Des mains nues, des pierres contre des fusils mitrailleurs, des cocktails Molotov contre des hélicoptères de combat, des chars menaçant de tirer contre des manifestants… Le David palestinien contre le Goliath israélien. L’Etat le plus puissant de la région déclarant la guerre à un Etat qui n’existe même pas encore !
"Ce n’est pas la première fois qu’Israël a recours à un arsenal répressif contre des manifestants palestiniens et retourne ensuite la situation pour accabler les victimes. (…) Israël a un autre choix : admettre ses erreurs (…), s’asseoir à la table des négociations avec des propositions compatibles avec le droit international." Ces propos ne sont pas les nôtres, ce sont ceux d’un des quotidiens les plus influents des Etats-Unis, le Los Angeles Times. La même analyse et la même exigence de justice sont proclamées par tous ceux qui militent pour une paix juste en Palestine.
Le camp de la paix en Israël, même si on n’a pas beaucoup entendu sa voix dans le tumulte des combats, ne partage pas moins cette analyse. En France, des voix juives – dont celles du résistant Raymond Aubrac, de Rony Braumann, de Gisèle Halimi, de Pierre Vidal-Naquet – se sont élevées pour dénoncer l’imposture sioniste qui veut donner l’impression que tous les juifs du monde sont solidaires du gouvernement israélien dans sa politique d’annexion, de colonisation et de répression. Ces voix s’insurgent contre la prétention de l’Etat d’Israël de "s’arroger le droit de parler, malgré nous, en notre nom". "Dans l’escalade de la violence, déclarent-elles, des actes inadmissibles sont commis des deux
côtés. C’est hélas le lot de toute logique de guerre. Mais les responsabilités politiques ne sont pas également partagées. L’Etat d’Israël dispose d’un territoire et d’une armée. Les Palestiniens des territoires occupés et des camps de réfugiés sont condamnés à vivre sous tutelle, avec une économie mutilée et dépendante, dans une société estropiée, sur un territoire en lambeaux, lacéré de routes stratégiques et semé de colonies israéliennes." Et de conclure : "Partisans de la fraternité judéo-arabe, nous réclamons la relance d’un processus de paix qui passe nécessairement par l’application des résolutions de l’Onu, par la reconnaissance d’un Etat palestinien souverain et du droit au retour des Palestiniens chassés de leur terre. C’est par là que la coexistence pacifiée de différentes communautés culturelles et linguistiques sur un même territoire peut devenir possible."
Les dirigeants israéliens ne sont pas, hélas, sur cette longueur d’ondes. Avec Oslo, tous ceux qui avaient cru en la paix pensaient avoir, enfin, rendez-vous avec l’Histoire. Les tergiversations, les manquements à la parole donnée, les mesquineries dont ont fait preuve les successeurs d’Ytzhak Rabin donnent l’image dégradante de discussions de bazar, d’épicerie. Plus que les provocations criminelles d’un Ariel Sharon, le bourreau de Sabra et Chatila, c’est cet état d’esprit, ce sentiment de gâchis et de rendez-vous manqué qui ont mis le feu aux poudres.
Quels que soient les résultats pratiques du sommet de Charm El-Cheik, du sommet arabe du Caire, voire d’autres sommets à venir, un pas décisif vient d’être franchi : le peuple palestinien a d’ores et déjà déclenché sa guerre pour l’indépendance. Elle ne cessera que le jour où il aura conquis le droits d’être souverain, de vivre en paix et en sécurité, de ne subir ni diktat, ni domination, ni colonialisme. Le rendez-vous avec l’Histoire que les négociateurs palestiniens d’Oslo ont vainement attendu, ce sont les victimes et les héros palestiniens de ces semaines d’Intifada qui vont l’obtenir.
 
14. Le Nouvel Afrique Asie du mois de novembre 2000
Les convulsions de la "pax americana"
par Subhi Hadidi
Vers la fin du mois d’août, le célèbre chroniqueur américain William Pfaff écrivait dans l’International Herald Tribune : "La faiblesse des Etats-Unis réside dans le fait qu’ils sont la dernière puissance planétaire qui se croit investie d’une mission universelle". Partant de là, ils fondent leur politique étrangère et leur identité nationale sur une idéologie décrétant que le modèle américain est le meilleur, sinon l’unique modèle pour la société humaine de demain. Et Pfaff de conclure : "La pax americana, comme la pax britannica, comme avant elle la pax romana, est nécessairement une mission limitée dans le temps et il y a fort à parier que les jours de cette mission sont comptés et qu’elle va prendre fin plus vite qu’on ne le croyait".
C’est peut-être au Moyen-Orient, bien plus qu’ailleurs dans le monde, que les signes manifestes annonçant la prochaine fin de la pax americana sont aujourd’hui les plus décelables. L’ambiance qui y règne est en tout cas très différente de l’euphorie qui avait suivi la "victoire" américaine dans la guerre du Golfe, qui avait permis au président américain George Bush d’inaugurer le "nouvel ordre international". Ce déclin est clairement entamé dans trois domaines : l’effondrement de la doctrine du double endiguement (contre l’Iran et l’Irak) – effondrement qui se traduit par l’effritement de l’embargo imposé à l’Irak depuis bientôt dix ans –, le recul du rôle américain dans le processus de paix israélo-palestinien et enfin la chute vertigineuse de la crédibilité des Etats-Unis auprès de l’opinion publique arabe, qui est à son niveau historique le plus bas.
Les avions civils qui débarquent depuis bientôt un mois sur l’aéroport international Saddam à Bagdad, à un rythme de plus en plus accéléré, brisent le blocus aérien qui frappe ce pays depuis la guerre du Golfe en 1991. Les pays qui envoient leurs appareils braver l’embargo illégal n’ignorent pas qu’ils contribuent ainsi à faire voler en éclats le blocus implacable et multiforme imposé à ce pays depuis bientôt une décennie. En agissant de la sorte, c’est-à-dire en contribuant à effriter l’embargo, ils visent une option centrale de la politique américaine au Proche-Orient : la doctrine du double endiguement dont on assiste, ces jours-ci, aux dernières heures, voire à l’enterrement. L’Irak et l’Iran, les deux pays "parias" visés par cette doctrine commencent en effet à sortir de la "cage" dans laquelle Madeleine Albright, la secrétaire d’Etat américaine, avait, selon ses propres expressions, voulu les enfermer.
En même temps, Martin Indyk, l’architecte de cette doctrine du double endiguement se trouve à son tour "endigué", si l’on peut s’exprimer ainsi, puisque le Département d’Etat l’a suspendu de ses fonctions d’ambassadeur américain à Tel-Aviv, le suspectant d’avoir enfreint les consignes de sécurité en vigueur dans l’administration américaine relatives à la protection des documents ultraconfidentiels auxquels il avait accès. Avec l’explosion des violences au Proche-Orient, cette mesure a été certes levée, mais l’enquête continue. Les mésaventures personnelles d’Indyk sont en tout cas venues à point nommé pour braquer les projecteurs sur l’éclatement de la doctrine qui porte sa signature, celle du double endiguement.
Cette doctrine, faut-il le rappeler, avait dès son élaboration souffert de plusieurs graves lacunes.
1. En dépit de la complexité de ce concept, il n’en demeure pas moins qu’il donne l’impression d’une doctrine stratégique cohérente et rationnelle dans la mesure où ce sont les forces armées américaines qui auront la charge exclusive de le mettre en application, avec toutefois le financement intégral des monarchies du Golfe. Mais si ces dernières rechignaient ou se trouvaient dans l’incapacité de porter un tel fardeau financier, c’est le contribuable américain qui serait appelé à prendre la relève. Est-il prêt à payer ?
2. Sur les trois principaux pôles qui se partagent la région du Golfe – l’Irak, l’Iran et les pétromonarchies – , le double endiguement n’implique une association qu’avec le pôle le plus vulnérable : les monarchies du Golfe. Or ce partenaire régional exclusif des Etats-Unis dans la mise en œuvre de la stratégie du double endiguement, à savoir les six monarchies du Conseil de coopération du Golfe, se trouve lui-même empêtré et déchiré par les innombrables conflits frontaliers et politiques qui opposent ses différents membres. Il est aussi très divisé sur la question du maintien de l’embargo contre l’Irak, pierre angulaire de la doctrine du double endiguement. Les Emirats arabes unis ont déjà envoyé un avion humanitaire se poser à Bagdad. Ils seront suivis par d’autres.
3. Les architectes de la doctrine du double endiguement considèrent que le soutien d’Israël, de la Turquie et de l’Egypte est indispensable à sa réussite. En analysant de près le cas de chacun de ces partenaires présumés, on réalise à quel point cette entreprise semble périlleuse. L’Etat hébreu est certes intéressé par l’endiguement de l’Irak et de l’Iran, mais il ne peut contribuer militairement à son application. L’éventuelle participation de l’armée israélienne à une guerre américaine contre un pays arabe ou musulman est "improductive" psychologiquement et désastreuse stratégiquement pour les intérêts américains et ceux de ses alliés arabes régionaux. Quant à la Turquie, qui a payé un prix exorbitant en raison de la poursuite de l’embargo économique contre l’Irak, il semble que non seulement elle ne veut pas s’impliquer dans une nouvelle aventure militaire aux conséquences désastreuses, mais qu’elle a, au contraire, réussi, par des voies détournées et non avouées, à vider cet embargo de son contenu. Tout retour en arrière sur ce plan est exclu, tant les enjeux économiques de ces échanges informels sont importants.
Enfin l’Egypte, troisième allié régional supposé, n’a pas la volonté, et encore moins les moyens, de récidiver. Elle se considère en tout cas très mal récompensée par les monarchies du Golfe pour sa participation à la Tempête du désert. La Déclaration de Damas, une sorte d’alliance militaire et économique née sur les décombres de l’Irak à la fin de la guerre regroupant les six monarchies du Golfe, la Syrie et l’Egypte, est mort-née.
4. Les architectes de la doctrine du double endiguement excluaient tout rapprochement objectif entre l’Irak et l’Iran, les deux victimes de cette stratégie. Ils estimaient que l’amertume des Iraniens vis-à-vis de l’Irak après la première guerre du Golfe, qui avait opposé les deux pays de 1980 à 1988, était encore vivace. Mais est-il raisonnable de bâtir une politique sur la seule amertume ? L’Iran ne pourra pas continuer à tourner infiniment le dos à son voisin endigué, au même titre que lui, par les Etats-Unis, leur ennemi commun. L’amertume, aussi profonde soit-elle, ne guide pas les intérêts des Etats. La preuve en a été administrée par la rencontre à New York entre le président iranien Mohamed Khatami et le numéro deux irakien, Taha Yassine Ramadhan, dans le cadre du Sommet du millénaire (septembre), suivie, un mois plus tard, par la visite du ministre iranien des Affaires étrangères à Bagdad, où il fut reçu par Saddam Hussein.
5. Le double endiguement implique le maintien de l’embargo contre l’Irak jusqu’à une date indéterminée. Un tel pari ne tient pas compte, c’est le moins qu’on puisse dire, de l’évolution de la communauté internationale par rapport à l’embargo. D’autant que Bagdad s’est conformé à toutes les conditions prévues par les résolutions 661 et 687 du Conseil de sécurité de l’Onu, sans parler des conditions qui y ont été ajoutées, sous le diktat américain, sans aucun fondement juridique. Comme par exemple l’interdiction de fait, illégale, des liaisons aériennes avec l’Irak.
6. A tous ces facteurs qui rendent cette doctrine inopérante, voire caduque, il convient d’en ajouter un, soigneusement occulté ces dernières années en dépit de son importance capitale dans toute l’histoire du Moyen-Orient: le prix du baril du brut. Aujourd’hui, alors que ce prix s’envole, frôlant les 38 dollars, le pétrole se rappelle au bon souvenir des consommateurs et des décideurs occidentaux. Cette irruption est de nature à renverser l’approche internationale de la question irakienne de fond en comble. L’embargo imposé à l’Irak ne suscite plus l’unanimité au Conseil de sécurité. Une fracture nette sépare désormais l’axe Washington-Londres, partisan implacable du maintien de l’embargo, de l’axe Paris-Moscou-Pékin qui demande la levée rapide des sanctions iniques frappant la population irakienne.
Mais ce n’est pas seulement à propos de l’Irak que la pax americana est battue en brèche. Dans le processus de paix israélo-palestinien, le parrain américain voit son rôle malmené. L’échec du sommet de Camp David II a montré, entre autres, que le président Yasser Arafat n’est pas si désarmé qu’il apparaît. Son arme secrète et efficace c’est le pouvoir de dire "non". En s’en servant, il a prouvé qu’il avait la capacité de mettre dans l’embarras les plans américains de règlement – trop calqués sur ceux de Barak–, de contraindre ses interlocuteurs et ses adversaires à une redistribution des cartes et de modifier les rapports de forces à la table des négociations ou sur le terrain. Le monde entier a été d’ailleurs témoin, ces dernières semaines, du fait que les Etats-Unis ne sont plus l’unique acteur ou l’unique parrain des négociations de paix entre l’Autorité palestinienne et l’Etat hébreu. Au sommet de Charm el-Cheikh (16 et 17 octobre), l’Onu, représentée par son secrétaire général, et l’Union européenne, ont, fait rarissime depuis une décennie, fait un retour certes timide mais remarqué.
Le sang a coulé, début octobre, après le déclenchement de ce qu’il est convenu désormais d’appeler l’Intifada de l’Aqsa, et la propagation des confrontations aux villes arabes de Nazareth, Om al-Fahm, Jafa, situées à l’intérieur de la ceinture verte, avec la mort de dizaines d’arabes israéliens sous les balles de Tsahal, avec l’usage excessif, disproportionné, sauvage et gratuit de la force contre les Palestiniens, comme l’assassinat du jeune Mohamed al-Dourrah... Tous ces développements ont conduit Madeleine Albright à s’en remettre aux bons soins de la diplomatie française pour sortir le processus de paix moribond de l’impasse. C’est d’ailleurs à la demande de Yasser Arafat, qui ne souhaitait plus un tête-à-tête exclusif avec les Américains et les Israéliens, que la conférence de Paris a eu lieu en présence de Kofi Annan. Il est aussi étonnant que le président Clinton, après les échecs successifs du sommet de Paris et de celui de Charm el-Cheikh, n’ait pas réussi à convaincre les Palestiniens et les Israéliens de se rencontrer de nouveau à Washington. Il a été par ailleurs extrêmement contrarié quand les deux antagonistes ont refusé son offre de se rendre personnellement en Israël et dans les territoires palestiniens autonomes. Finalement, un deuxième sommet a eu lieu à Charm el-Cheikh avec des objectifs fort modestes : le retour au statu quo ante.
Parallèlement à ces déconvenues américaines, la rue arabe est parvenue à contraindre les régimes arabes récalcitrants à convoquer enfin une réunion au sommet, la première depuis la guerre du Golfe, à laquelle l’Irak, et Saddam Hussein personnellement, est invité. La préférence de l’Administration américaine allait, on l’aura deviné, à un sommet quadripartite regroupant Arafat, Barak, Clinton et Moubarak, plutôt qu’à un sommet arabe, dont les décisions ne pourraient que contrarier les plans américains. En confortant d’abord la position des négociateurs palestiniens sur les grandes lignes du règlement définitif du conflit et plus particulièrement sur la question de Jérusalem. En ouvrant aussi le dossier du retour de l’Irak dans le concert des pays arabes, ce qui est en soi une mesure constamment combattue par les Etats-Unis depuis la Tempête du désert. Il est d’ailleurs très significatif de noter que l’Arabie Saoudite, après un refus initial, a fini par autoriser un avion civil yéménite, en partance pour Bagdad, à survoler son territoire. Dans le même contexte, Ryadh a demandé officiellement au comité des sanctions de l’Onu l’ouverture d’un point de passage sur la frontière irako-saoudienne en vue d’acheminer l’aide humanitaire à l’Irak.
Un dernier symptôme de la lézarde dans le "nouvel ordre américain" au Moyen-Orient est perceptible dans la recrudescence de l’antiaméricanisme dans la rue arabe, parallèlement au recul de la popularité et de la sympathie dont les Etats-Unis étaient crédités dans certains pays protégés, comme le Koweit par exemple. Pour la première fois depuis 1991, quand les Marines américains étaient accueillis comme des libérateurs, des milliers de manifestants koweitiens sont descendus dans les rues en scandant "A bas l’Amérique". Idem dans le sultanat d’Oman qui a connu, pour la première fois de son histoire, des manifestations antiaméricaines et anti-israéliennes. A Damas, en Syrie, des milliers de manifestants ont investi spontanément les rues pour se diriger vers l’ambassade américaine où, après des accrochages avec les forces de sécurité, ils ont brûlé la bannière étoilée et le drapeau israélien.
C’est d’ailleurs pour ne pas attiser la colère des foules arabes et musulmanes que les Etats-Unis n’avaient pas opposé leur veto à une résolution du Conseil de sécurité condamnant implicitement Israël. La raison de cette abstention s’explique aussi par la volonté américaine de réaliser une percée avant la tenue du sommet arabe du Caire afin de le court-circuiter. Toutefois le Hezbollah libanais, en enlevant trois soldats israéliens qui patrouillaient dans le réduit occupé des Fermes de Chaba’a, et en demandant de les échanger contre la vingtaine de prisonniers libanais encore détenus dans les geôles israéliennes, a réduit la marge de manœuvre de la politique américaine et aggravé son isolement. Il a fallu ainsi faire appel à d’autres médiateurs, à savoir la Russie, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France, mais aussi Kofi Annan, pour désamorcer la bombe et contraindre Israël à repousser de quatre heures l’ultimatum qu’il avait lancé au Hezbollah, au Liban et à la Syrie à une date indéterminée. Loin de plier devant les menaces israéliennes, le Hezbollah a franchi une nouvelle étape en enlevant un colonel du Mossad qui cherchait à l’infiltrer. L’attentat meurtrier dans le port d’Aden (Yémen) contre l’un des bâtiments les plus modernes de la flotte américaine chargée de faire respecter l’embargo contre l’Irak, causant la mort de dix-sept militaires, est venu rappeler, si besoin en était, les convulsions de la pax americana au Moyen-Orient.
La pax romana et la pax britannica consistaient, essentiellement, en un ensemble d’arrangements régionaux et planétaires dont la finalité était la défense des intérêts de l’empire, en s’adaptant, si besoin était, à certains compromis spécifiques pour atteindre cet objectif. La pax americana, elle, suppose d’emblée la convergence, voire l’identification totale, entre les intérêts américains et ceux de l’humanité tout entière. Sous cet angle, les Etats et les mouvements politiques qui s’opposent à ce principe de convergence et d’identification, sont, par définition des "rebelles", des "parias" qui veulent du mal à l’empire américain. Déclarer la guerre à ces rebelles devient, par conséquent, une mission sacrée au service de l’humanité et pour la défense de la communauté internationale. L’empire américain est ainsi constamment amené à déclarer une croisade permanente et sans cesse renouvelée pour l’avènement d’un monde "convenable", "libre" et "démocratique".
Il y a quelques mois, l’économiste et penseur français Jacques Attali a estimé que la caractéristique dominante de notre époque était l’effondrement (crash) de la civilisation occidentale et non pas le choc (clash) de cette civilisation contre les autres cultures. Il ironise ainsi sur la théorie du penseur américain Samuel Huntington à propos du choc des civilisations. Dans l’un des derniers numéros de la revue américaine de politique étrangère Foreign Affairs, Attali conclut : "En dépit de l’idée dominante selon laquelle l’économie de marché et la démocratie se sont unifiées pour constituer un puissant outil de soutien et de développement du progrès humain, il n’en demeure pas moins que ces deux valeurs sont incapables de garantir la survie de la civilisation humaine. Elles sont pleines de contradictions et de points de lacunes. Et si l’Occident, et à sa tête les Etats-Unis qui se sont autoproclamés leader de cet Occident, ne se hâtent pas de reconnaître les défauts et les crises de l’économie de marché et de la démocratie, la civilisation occidentale ne tardera pas à se décomposer progressivement avant de s’autodétruire."
 
15. Le Nouvel Afrique Asie du mois de novembre 2000
Le sommet arabe du Caire : Service minimum
par Majed Nehmé
Depuis la Tempête du désert, déclenchée le 16 janvier 1991, l’unité du monde arabe a volé en éclats. Des armées arabes (les six monarchies du Golfe, l’Egypte et la Syrie s’étaient jointes à la plus importante coalition militaire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale (une trentaine de pays en tout) pour livrer, sous la bannière américaine et au grand soulagement de l’Etat hébreu, une guerre totale à l’Irak. Le but avoué était la "libération" du Koweit... Si cet objectif fut rapidement atteint et l’émirat vite remis à ses émirs, le monde arabe, en revanche, s’en est trouvé complètement bâillonné, et en partie occupé par le "libérateur" américain, qui fait depuis la pluie et le beau temps au Proche-Orient.
C’est sous ce rapport de forces, ô combien déséquilibré, que fut engagée en 1991 la conférence de paix de Madrid, puis, deux ans plus tard, le processus de paix israélo-palestinien d’Oslo. Pendant ces années de tractations stériles, sous le regard du seul parrain américain, l’Irak fut maintenu sous embargo et toute velléité d’indépendance arabe interdite. Paralllèlement, Washington poussait les capitales arabes à normaliser leurs relations avec Tel-Aviv. Avec quelques succès.
L’échec du sommet de Camp David II en juillet, conjugué au refus israélien de payer le juste prix de la paix, a fait déborder le vase. L’intifada est repartie de plus belle, ébranlant, du coup, tout l’ordre américano-israélien dans la région. Les chefs d’Etat arabes, poussés par leur opinion publique, survoltée, ont dû se réunir d’urgence au Caire, en présence, pour la première fois depuis 1990, du "paria" irakien, pour soutenir la révolte du peuple palestinien. De beaux discours de solidarité et de réprobation. La normalisation gelée. Un milliard de dollars d’aide alloués. Bref, un service minimum. Un nouveau rendez-vous est pris pour mars 2001. S’ils ont évité d’annoncer le décès du processus de paix, c’est pour en laisser la responsabilité à Ehoud Barak, qui s’est empressé de décréter une "pause". Une pause qui pourrait se prolonger jusqu’après les élections américaines de novembre et, pourquoi pas, des élections israéliennes anticipées.
 
16. Le Figaro du lundi 6 novembre
Pérès : "Arafat, seul partenaire pour la paix"
par Luc de Barochez
A la veille des déplacements que Yasser Arafat, puis Ehud Barak, doivent effectuer cette semaine à Washington, le prix Nobel de la paix israélien reste optimiste. Il estime, dans un entretien exclusif au Figaro, que le président palestinien reste un interlocuteur valable «à 100%».
Vous êtes venu à Paris inaugurer un parc au nom de Yitzhak Rabin. Après les affrontements des dernières semaines, peut-on considérer que l'accord d'Oslo a échoué?
A Oslo, nous avons jeté les fondations de la paix. Avant Oslo, les Palestiniens se référaient à la carte des Nations unies (du partage de 1947) qui leur conférait 80% du territoire (de la Palestine historique). Israël voulait 100%. Il n'y avait aucune chance d'aboutir à un compromis. Depuis Oslo, les Palestiniens ont adopté la carte de 1967, qui leur donne 22%. Nous, nous avons accepté l'idée d'une partition. La différence n'est plus que de 2% ou 3% du territoire. Pour la première fois, nous avons une carte sur laquelle nous pouvons édifier la paix. Deuxièmement, à Oslo, nous avons gagné un partenaire palestinien, l'OLP, qui a renoncé au terrorisme et a commencé à le combattre. Troisièmement, Israël a évacué la plupart des villes et villages des Palestiniens. Aujourd'hui, 97% d'entre eux ne vivent plus sous notre administration. Et quatrièmement, grâce à Oslo, nous avons pu faire la paix avec la Jordanie. Il est possible aujourd'hui au Proche-Orient de bâtir quelque chose qui ressemble au Benelux, avec une coopération économique transfrontière.
L'OLP et Arafat sont-ils encore des partenaires de paix?
Oui, à 100%.
Vous rêviez d'un nouveau Moyen-Orient de coopération. Cette ambition s'est-elle effondrée?
Regardez l'Europe. En quarante ans, de 1914 à 1945, elle a traversé deux guerres. Cinquante millions d'Européens ont été tués, sans compter ceux qui ont été assassinés dans la Shoah. Si quelqu'un avait dit en 1944 que dans trois ans on verrait une Europe différente, il aurait déclenché des rires. Cela montre qu'il y a dans les populations des forces cachées en faveur de la paix. La construction européenne est devenue un succès éclatant. Au Proche-Orient, nous sommes situés entre l'Europe et l'Afrique. La région peut devenir une extension de l'une ou de l'autre. Nous voulons la transformer en extension de l'Europe, pour échapper à la malédiction africaine.
Qu'est devenu le camp de la paix israélien après les événements récents? Hier soir, il y avait moins de manifestants que d'habitude pour l'anniversaire de l'assassinat de Yitzhak Rabin...
Non, c'était une très grande manifestation. Il y avait 150000 personnes. Il est vrai qu'ils ont perdu leur enthousiasme en voyant les morts, les fusillades...
Plus personne ne veut la paix aujourd'hui?
Ce n'est pas ça. Mais beaucoup sont devenus sceptiques. Au fond, leur opinion n'a pas changé. Ils ont juste perdu un peu de leur confiance.
Et vous-mêmes, êtes-vous sceptique?
Moi, non. Je sais bien que rien ne s'obtient dans la facilité, sans revers, sans déceptions, sans interruptions. Mais personne n'a d'alternative à la paix. Et une véritable guerre n'est pas possible, car depuis la fin de la guerre froide, il n'y a pas de superpuissance qui pourrait donner des armes et de l'argent pour financer des guerres. Aujourd'hui, les Palestiniens ne peuvent pas devenir un pays terroriste. Ils sont responsables de 3 millions de personnes. Ils ont une administration de 120000 personnes. Ils ont leur bien-être à préserver. C'est pourquoi, en dépit des derniers événements, qui sont regrettables et difficiles, je vois toujours la lumière au bout du tunnel.
Comment peut-on progresser vers la paix?
C'est une lutte constante entre l'émotion et la raison, entre la rue et les dirigeants. Les nouveaux médias sont du côté de la rue. Ils ne peuvent pas répandre la raison, mais seulement l'émotion. Malgré tout, la raison finira par prévaloir.
Israël peut-il toujours prétendre vouloir la paix et conserver les colonies dans les territoires?
A cause des colonies, ce ne sont plus deux œufs côte-à-côte que nous voyons sur les cartes, mais une omelette. On ne peut plus distinguer le blanc du jaune. On ne peut donc plus envisager de frontières défendables. On ne peut pas garantir la sécurité d'une partie simplement avec des barbelés. Il faut de nouvelles relations. En ce qui concerne les implantations, nous étions très proches d'un accord à Camp David (en juillet). Quelque 150000 des colons vivent sur 3 ou 4% de la Cisjordanie. Il y avait l'idée de faire un échange de territoire. Une solution est possible.
Vous ne croyez pas au projet de séparation entre Israéliens et Palestiniens?
Non, cela n'a pas de sens. Toute l'économie moderne est fondée sur le concept de frontières ouvertes. Israël fait une erreur en se reposant trop sur la diplomatie et l'armée. Aujourd'hui, l'économie est plus importante.
La France a critiqué l'emploi excessif de la force par Israël pendant la récente crise. Quelle est votre réaction?
Nous ne pouvons pas être toujours d'accord. Nous devons œuvrer de concert, même lorsque nous sommes en désaccord.
Barak et Arafat doivent aller à Washington cette semaine. Reste-t-il une possibilité de dialogue entre eux?
Oui. Ce qu'on peut obtenir par des négociations directes est plus prometteur qu'une négociation triangulaire. A Oslo, il n'y avait que les Israéliens et les Palestiniens; le résultat a été révolutionnaire.
Quelle solution envisagez-vous pour Jérusalem, qui reste le problème principal?
Ce n'est pas le problème principal, c'est le problème pour lequel nous n'avons pas de solution. Nous devrions commencer par appliquer tout ce dont nous sommes convenus. C'est une très longue liste, y compris l'Etat palestinien. Ensuite, nous devrions négocier sur toutes les questions sur lesquelles nous restons en désaccord. Je ne conseille pas d'attendre que nous soyons d'accord sur tout
 
17. L'Humanité du vendredi 3 novembre 2000
Grogne arabe contre Washington par Françoise Germain-Robin
La colère de plus en plus ouvertement exprimée de nombreux pays arabes alliés des Etats-Unis commence à embarrasser l'administration américaine. Elle n'est sans doute pas pour rien dans les pressions qui s'exercent sur Israël pour la reprise du processus de paix.
Même l'Arabie Saoudite - si proche de Washington que 4 000 militaires américains sont déployés sur son territoire et viennent d'être mis en état d'alerte maximum - ne cache plus son irritation à l'égard des Etats-Unis. Elle vient de les avertir qu'ils seraient bien avisés de tenir un meilleur compte " de leurs intérêts stratégiques dans la région ". Une manière de rappeler que Riyad est le premier fournisseur de pétrole des Etats-Unis.
Réuni lundi dernier sous la présidence du roi Fahd, le Conseil des ministres a estimé que Washington avait " un rôle crucial à jouer pour mettre fin aux agressions israéliennes contre le peuple palestinien ". " Je crois, a précisé le ministre de la Défense, Sultan Abdlaziz, que l'intérêt de l'administration américaine consiste à ne pas adopter les mêmes positions que le Congrès, car les intérêts réels de cette administration se trouvent dans les pays arabes. "
Les Arabes en général et les Saoudiens en particulier n'ont pas du tout apprécié l'adoption le 26 octobre par la Chambre des représentants américaine d'une résolution exprimant " sa solidarité avec l'Etat et le peuple d'Israël " et condamnant l'Autorité palestinienne. Bien que généralement peu enclin à tenir compte de l'opinion publique, le régime saoudien ne peut ignorer l'élan de solidarité que suscite dans le pays la très dure répression des manifestants palestiniens par l'armée israélienne.
Le ton avait déjà été donné lors du sommet arabe du Caire par le prince héritier Abdallah Ben Abdel Aziz, qui avait rendu les Etats-Unis, " en tant que parrain du processus de paix, responsables de son effondrement ".
Dans les autres pays arabes traditionnellement alliés de Washington et qui ont signé un accord de paix avec Israël, comme l'Egypte ou la Jordanie, on critique ouvertement la partialité américaine. Surtout, on s'indigne de la cour effrénée faite aux électeurs juifs américains par les deux candidats à l'élection présidentielle du 7 novembre, George Bush et Al Gore, qui se sont alignés sur les positions israéliennes. " Malgré la colère arabe et internationale face au massacre des Palestiniens par les troupes israéliennes, les deux candidats continuent à se disputer par tous les moyens le vote juif et à assurer leur soutien à Israël dans leurs discours ", écrit Ibrahim Nafie, rédacteur en chef d'Al-Ahram, le plus grand quotidien égyptien.
" Le lobby juif (...) a fait du Congrès américain son terrain de jeux ", estime pour sa part le quotidien jordanien Al-Doustour. Les journaux syriens vont plus loin et affirment qu'" il n'existe pas de politique américaine au Proche-Orient, mais une politique israélienne exécutée par les Etats-Unis ".
 
18. Le Monde du vendredi 3 novembre 2000
Les Palestiniens entre craintes, espoirs et spéculations par Sylvain Cypel
RAMALLAH et JÉRUSALEM-EST de notre envoyé spécial
Il y a les déclarations publiques en situation de crise, et ce qui se dit sans micros. Voici ce que des conversations avec des proches de Yasser Arafat et des analystes palestiniens permet de savoir des réflexions au sein de l'Autorité palestinienne. Sachant qu'au-delà des objectifs finaux (l'Etat souverain, sa capitale à Jérusalem), la situation se gère au jour le jour dans la tension et la confusion. Un de nos interlocuteurs ajoute : « Le camp d'en face est dans le même état.  »
La nouvelle Intifada va-t-elle se poursuivre ? A court terme, certainement. « Nous ne tenons la rue qu'à 70 %. » Entre « la rue » (c'est-à-dire, aussi, partis et militants) et la direction de l'OLP, c'est le vide sidéral. Les institutions embryonnaires de l'Etat palestinien ne fonctionnent plus. A moyen terme, la mobilisation populaire prolongée pose un problème, celui du « chaos : un risque pour l'Autorité ». « L'idéal, ce serait un mouvement pacifique continu de protestation. Mais l'évolution dépend des Israéliens, qui ont l'essentiel des cartes en main. » Les dirigeants palestiniens, malgré les morts civils quotidiens, sont conscients du fait qu'Israël « se refrène ». « Ils tapent de plus en plus fort, dit un ministre , entraînant chaque fois une contre-escalade, mais ils sont loin de leur puissance maximum.  » Au moins jusqu'à mercredi, les Palestiniens ont ordonné à leurs polices d'être le moins présentes possible dans les affrontements (les Israéliens le savent). D'autant qu'Israël, maître de fait du budget de l'Autorité, des voies de communication, de la distribution d'eau et d'électricité, etc., dispose de moyens de coercition. Pour le moment, l'escalade de la répression « accroît la détermination des gens ». Donc le risque de chaos. « Les colons religieux attaquent de plus en plus les paysans et les villageois. Nous devons absolument éviter la balkanisation, sinon ce sera le bain de sang et personne ne sait comment cela finira ».
Des négociations peuvent-elles s'engager ? A chaque phase de l'escalade, le « téléphone rouge » entre proches de Yasser Arafat et d'Ehoud Barak a toujours fonctionné, et des rencontres ont lieu. Les conversations ne portent cependant que sur les problèmes de sécurité, ou presque. Or l'Autorité ne peut imposer un retour au calme sous les roquettes, elle perdrait tout crédit. L'accalmie suppose des « gestes » israéliens (négocier malgré la violence, se retirer loin des villes palestiniennes). Mais sur le fond, c'est l'impasse, pour deux raisons. Premièrement, juge un analyste, « si nous avons des objectifs clairs et une perspective floue sur les moyens d'y parvenir, les Israéliens, eux, ont une tactique simple, nous faire plier, mais une politique illisible. Imaginent-ils vraiment nous imposer une paix à leurs conditions ? Une nouvelle Intifada reprendrait tôt ou tard ». Deuxièmement, « Clinton est en fin de mandat. Pour un déblocage, il faut attendre une nouvelle administration américaine ». Dilemme : des responsables sont conscients qu'ils ne pourront éternellement exiger l'application par les Israéliens des accords intérimaires signés, donc revenir au cadre d'Oslo, et insister pour sortir de la logique d'Oslo.
Qu'attendent les Palestiniens d'Ehoud Barak ? Presque plus rien. Autant des Israéliens comme Yossi Beilin, Shlomo Ben Ami (qui a pourtant perdu beaucoup de crédit) et Shimon Pérès restent des partenaires possibles, autant « le cas Barak est désespéré ». « Il fonctionne par oukases. Avec lui, c'est toujours à prendre ou à laisser. Il a failli avec nous. Et ce comportement échoue avec ses propres partenaires en Israël ». Après Camp David, M. Arafat aurait proposé de réfléchir à nouveau sur la base de l'accord officieux Beilin-Abou Mazen de 1996 (96 % des territoires aux Palestiniens avec un transfert de terres près de Gaza), tout en repoussant la question de Jérusalem et l'acceptation palestinienne de la « fin du conflit ». M. Barak aurait refusé net. Après, il y a eu les morts sur l'esplanade des Mosquées. Fin de l'épisode Barak. D'autant plus que son avenir politique personnel leur semble bouché. « Soit il fait un gouvernement d'union nationale et il est l'otage du Likoud, soit il perdra des élections. Pourquoi négocier avec un homme politiquement mort ? »
Jugent-ils que le temps joue en leur faveur ? A court terme, disent-ils, l'Intifada a « redonné conscience à la communauté internationale des points clefs de la question palestinienne, qui semblaient oubliés : le respect des frontières, l'illégalité des colonies et le droit au retour des réfugiés ». Ils constatent aussi un début de division dans l'état-major israélien entre partisans d'une répression accrue et ceux qui la jugent improductive. Pareillement, la position d'une minorité du mouvement pacifiste israélien La Paix Maintenant de revenir à l'exigence d'un retrait israélien aux frontières du 6 juin 1967 est perçue comme un début de maturation en Israël. A long terme « l'apartheid colonial est sans avenir ». Le problème, c'est le moyen terme. « Tout peut arriver, de la divine surprise type Oslo sur de nouvelles bases à la tragédie totale.  » «  Le déséquilibre des forces est trop grand, mais ils [les Israéliens] ne peuvent pas se débarrasser de nous. Pendant des années nous pouvons connaître une Intifada-processus de paix en alternance. Ce sera notre way of life.  »
Croient-ils possible de changer les règles du jeu ? L'objectif est de réintégrer dans la négociation l'ONU, les Européens, la Russie et les pays arabes. Ils espèrent y parvenir. Ils espèrent l'envoi de troupes internationales d'interposition afin de protéger les civils palestiniens. Mais dans l'immédiat, « les Etats-Unis restent la seule superpuissance, donc décisifs », ils sont opposés à un tel envoi. Quant aux Européens, « ils se disent nos amis en privé mais sont diplomatiquement couards ». Et de rappeler leur récent vote à l'ONU, où six d'entre eux se sont abstenus de condamner Israël.
Vont-ils déclarer l'Etat indépendant le 15 novembre ? Il semble que non, mais le débat est important autour de Yasser Arafat. Pour les partisans de l'annonce, « c'est la seule arme non violente dons nous disposons en ce moment ». Arguments des opposants : « Israël n'attend que ça pour tout remettre en cause », « la rue y verra une gesticulation qui ne change rien », « nous perdrons tous nos acquis diplomatiques ».
L'Autorité craint-elle les islamistes ? Officiellement, c'est l'union nationale En réalité, les dirigeants palestiniens sont terrorisés à l'idée d'attentats suicides en Israël. Ils ont libérés des militants du Hamas, mais aucun de ses responsables militaires. « Le Hamas est en veilleuse. Ses gens sont peu dans la rue. Il attend son heure. Si on reprend langue avec les Israéliens, il agira pour tout faire échouer.  »
Les Palestiniens craignent-ils des mesures unilatérales israéliennes, telle la « séparation physique » ? Ils n'y croient pas. « Encore un projet fumeux d'Ehoud Barak.  » Si la séparation préserve les colonies, elle est impossible à mettre en oeuvre, vu leur imbrication avec les villages arabes. Et « pour nous parquer dans 60 % du territoire avec des barbelés autour, Barak devra démanteler des colonies. Sans accord avec nous, il n'aura pas la légitimité populaire en Israël pour le faire. Sans parler de l'image de l'Etat juif dans le monde ». Ni de la résistance farouche qu'opposeraient les Palestiniens.

19. Le Soir (quotidien belge) du samedi 4 novembre 2000
L'Israélien Barak ne veut pas d'une « aventure » militaire par Baudoin Loos
Difficile de parler d'accalmie dans les violences quand trois Palestiniens ont encore perdu la vie vendredi, à Naplouse, Tulkarem et Ramallah, et quand des dizaines d'autres ont été blessés. Pourtant, une certaine décrue dans l'amplitude des heurts entre Palestiniens et Israéliens était notée vendredi, en début de soirée, alors que la population israélienne avait vécu la journée dans l'anxiété des attentats à la bombe, comme celui de jeudi à Jérusalem qui coûta la vie à deux civils.
Plusieurs déclarations des autorités israéliennes ont mis l'accent sur le fait que l'espoir de voir les efforts de paix triompher demeure. Ainsi par exemple, Danny Yatom, le plus proche conseiller du Premier ministre Ehoud Barak, s'est refusé à accabler Yasser Arafat : Nous avons constaté que les ordres et les instructions (du chef palestinien) ont été donnés, mais les résultats ne nous satisfont pas du tout. Il s'agit d'un processus et il était tout à fait clair que Yasser Arafat ne pourrait pas d'un coup de baguette magique arrêter toutes les activités violentes, a-t-il dit, relayé dans cette appréciation par le ministre du Développement régional, Shimon Peres, qui avait rencontré Arafat l'avant-veille. Il se peut que plusieurs jours soient nécessaires pour que les résultats des instructions de Yasser Arafat se fassent sentir sur le terrain, a dit l'ex-Premier ministre. Jeudi, l'Autorité palestinienne a publiquement invité les Palestiniens à poursuivre leur lutte par des moyens pacifiques. A Washington, la Maison blanche a indiqué qu'une rencontre Clinton-Arafat-Barak pourrait avoir lieu en fin de semaine prochaine.
TACHES CONTRADICTOIRES
Le retour en force du père du processus de paix dit d'Oslo, jusqu'ici maintenu dans l'ombre par Ehoud Barak, s'explique sans doute par la volonté du Premier ministre israélien de renouer le fil du dialogue avec les Palestiniens. De toute manière, dans son calcul, il doit se dire que toute escalade militaire israélienne ne bénéficie, en dernier ressort, qu'à Arafat. Ainsi, Barak, à l'insistance de Peres semble-t-il, a-t-il renoncé aux représailles militaires prévues jeudi matin après que trois soldats eurent été tués par des balles palestiniennes mercredi soir.
Le chef du gouvernement israélien a voulu expliquer hier à ses concitoyens le sens de sa politique : Nous ne récompenserons pas la violence et nous ne nous laisserons pas entraîner dans une aventure dont les résultats pourraient être des plus dangereux pour Israël, a-t-il dit devant des militants du parti travailliste. L'armée israélienne est forte et elle agira à l'endroit et avec les moyens que nous choisirons pour défendre nos intérêts réels et non pas en fonction des états d'âme ou des coups de sang, y compris de certains membres du gouvernement (une « pique » à l'adresse des « faucons » de son cabinet). Il n'y a pas de solution miracle pour tout régler d'un coup, mais nous ne reculerons pas et ferons tout ce qui est possible pour réduire l'effusion de sang. Nous persévérerons dans nos efforts de paix. a-t-il conclu.
Dans cette situation malaisée à contrôler, le Premier ministre Ehoud Barak se doit de naviguer entre différents buts parfois contradictoires. Le voilà en effet devant la tâche de, tout à la fois, restaurer le calme dans les territoires, assurer la sécurité de ses compatriotes, rouvrir le dialogue avec les Palestiniens et préserver l'image d'Israël de sorte que les pressions internationales se raréfient.
COMMENT REVENIR À LA TABLE ?
Ces derniers mois, Barak a basé toute sa carrière de Premier ministre sur le processus de paix avec les Palestiniens. Entériner un fiasco équivaudrait à reconnaître un échec personnel peut-être synonyme de mort politique. Voilà sans doute pourquoi il n'a pas réussi à s'entendre, jusqu'à présent, avec le chef de la droite dure, Ariel Sharon, pour la constitution d'un gouvernement « d'urgence nationale » : Sharon voulait devenir « Premier ministre bis » pour prévenir toute espèce de progrès avec les Palestiniens.
Mais pour remettre ce processus de paix sur rail, Barak a besoin d'un partenaire, qui ne peut être autre qu'Arafat, qu'il sait plus modéré que bien d'autres dirigeants palestiniens malgré son attitude pour le moins ambiguë, aux yeux israéliens, depuis le début des violences. Or, pour revenir à la table des négociations, Arafat doit pouvoir montrer à sa population qu'elle n'a pas enduré les souffrances et les pertes de ces dernières semaines pour rien. Cela, alors que Barak, de son côté, ne peut s'autoriser à paraître récompenser la violence palestinienne...
Depuis le début des événements, le 28 septembre, 176 personnes, dont une douzaine d'Israéliens juifs, ont perdu la vie de manière violente.
 
20. Le Soir (quotidien belge) du samedi 4 novembre 2000
Le Jihad irakien contre l'agresseur américain par Philippe Berkenbaum
Le régime de Saddam a su tourner l'embargo à son avantage, vis-à-vis du peuple et du monde. Un défi aux Etats-Unis.
Outre le détail des activités quotidiennes de leur président Saddam Hussein, que les Irakiens ne voient jamais qu'à la télévision, deux sujets reviennent plusieurs fois par jour sur les écrans des trois chaînes de la télé publique - la seule autorisée. Le premier concerne les raids aériens présentés comme quotidiens conduits par les chasseurs américains et britanniques au-dessus du territoire irakien : une infographie, commentée d'une voix monocorde, détaille l'itinéraire des avions et les zones prétendument bombardées, parfois le nom des victimes. Mais d'images, jamais.
Le second est un montage d'images d'archives. Des images très dures, filmées dans les territoires... palestiniens. Lanceurs de pierres, et surtout victimes des balles israéliennes, blessés ou morts dégoulinant de sang. Le martyre du petit Mohammed al-Doura, tué avec son père sous les caméras de France 2, repasse ainsi inlassablement, près d'un mois après le drame. Mais le plus frappant, est cette scène intercalée, montrant Madeleine Allbright esquissant un pas de danse, hilare, comme si elle se réjouissait du spectacle. Une scène filmée voici trois semaines lors du voyage de la secrétaire d'Etat américaine... en Corée. Aucun rapport avec le drame palestinien.
« NOTRE PÈRE À TOUS »
L'ennemi est ainsi désigné à la vindicte populaire. Qui sont les terroristes, les Américains ou nous ?, demandait lundi le vice-président Taha Yassine Ramadhan, revolver à crosse de nacre au ceinturon, au ministre wallon Serge Kubla en visite officielle. Regardez ce qu'ils font à nos frères palestiniens, après toutes les souffrances qu'ils nous font endurer, se lamentait une vieille femme sans âge, rencontrée dans un quartier populaire de Bagdad. J'ai perdu mes trois fils à la guerre, deux sur le front iranien, le troisième au Koweït... Faut-il qu'ils tuent encore mes filles et mes petits-enfants en continuant à nous bombarder ? Et d'évoquer longuement l'embargo, qu'elle attribue, comme le lui souffle la propagande officielle, à la volonté américaine d'anéantir la nation arabe...
A l'université al-Moustansiriya, énorme complexe d'allure assez moderne dont les facultés abritent 30.000 étudiants, l'accueil est poli, mais ferme : Sans autorisation du ministère des Affaires étrangères, nous dit la secrétaire de la faculté des langues appliquées, vous ne pouvez interroger les étudiants dans l'enceinte de l'université. Rien ne vous empêche de le faire dehors, glisse-t-elle.
Treize heures, la sortie des cours, le campus déverse des flots de jeunes étudiants, garçons et filles, impeccables dans leurs uniformes gris et blanc aux coupes hétéroclites. Discuter avec un étranger ? L'aubaine : un attroupement se forme rapidement, mixte, souriant, ouvert. C'est à celui - ou celle - qui parlera le plus fort. Nous aimons Saddam, vous comprenez ? C'est notre père à tous. Sans lui, nous n'aurions pas survécu à ce que l'Amérique - encore elle - nous fait subir injustement, dit l'un. Cette guerre est politique, surenchérit un autre, les Etats-Unis veulent garder le contrôle du pétrole du Moyen-Orient. Et empêcher que l'Irak redevienne un pays riche et puissant, ajoute un troisième.
- Mais la liberté de la presse, le multipartisme, la démocratie ? L'Irak est un pays en guerre, coupe un étudiant en philosophie. Tout cela arrivera quand l'Occident nous laissera nous développer comme nous en avons le droit. D'ailleurs, personne ne nous interdit de dire ce que nous pensons... Difficile pourtant, pour ne pas dire impossible, de trouver dans Bagdad un seul interlocuteur critique vis-à-vis du régime. Beaucoup refusent d'en parler.
Un autre terme revient, en revanche, dans les conversations : « résistance ». Le président résiste, et l'on est fier de lui. Avec lui, diront beaucoup.
Jusqu'à un certain point, le régime des sanctions imposé par l'ONU a eu l'effet inverse de celui escompté, commente un diplomate occidental : Saddam paraît aujourd'hui plus populaire que jamais. Les Irakiens se réjouissent du fait que de plus en plus de pays, même alliés traditionnels des Américains, nouent les contacts avec le régime jadis honni. Economiques d'abord, politiques ensuite. La télé multiplie les images des délégations étrangères de passage à Bagdad, auxquelles le gouvernement déroule le tapis rouge. Se sont ainsi succédé, des Turcs, des Jordaniens, des Egyptiens, des Espagnols, des Belges, et bien d'autres encore. Trop de pays n'écoutent que la version des ennemis de l'Irak, dit encore Taha Yassine Ramadhan. Pour pouvoir nous juger, il faut écouter les deux parties, venir et se rendre compte sur place. (...) Nous sommes un pays libre et indépendant, nous voulons la paix mais pas celle imposée par la force.
Avec l'aide des soutiens extérieurs, l'Irak parvient à offrir au monde une vitrine presque rassurante d'un pays qui relève fièrement la tête après dix années de privations. Les Bagdadis se plaisent à montrer au visiteur comment ils ont retroussé leurs manches pour reconstruire, seuls, ce que les bombardements alliés ont détruit en 1991 et lors du bras de fer du début 1999 : les ponts, les routes, les bâtiments officiels, les usines, dont la raffinerie de Doura, entièrement détruite et qui tourne aujourd'hui à pleine capacité.
Nous sommes autosuffisants, capables de subvenir à nos propres besoins, malgré l'embargo, l'absence de moyens, le gel de nos avoirs, affirme le ministre du Commerce Mohamed Mehdi Saleh. Les sanctions ont développé la capacité du pays à se débrouiller seul. L'Irak est le pays le moins dépendant du monde, et le monde va devenir de plus en plus dépendant de l'Irak, qui sera un jour le premier producteur mondial de pétrole. Certes, la vitrine peut paraître alléchante. Mais il reste bien difficile d'aller voir derrière...
 
21. Le Soir (quotidien belge) du samedi 4 novembre 2000
"Frères martyrs"
A titre d'exemple, voici l'éditorial publié mardi par le quotidien en langue anglaise « The Baghdad Observer ».
Le martyr irakien Asa'ad Ali Sultan, 24 ans, nouvelle victime des bombardements US du 28 octobre, a rejoint ses frères, les martyrs de l'Intifada d'Al Qods (Jérusalem). Mohamed al-Doura fut martyrisé en Palestine par les balles sionistes, (...) un meurtre prémédité de sang-froid. Asa'ad Ali Sultan fut assassiné à Mossoul par les chasseurs américano-britanniques qui bombardent perpétuellement l'Irak et tuent ses gens avec autant de préméditation.
Un avion palestinien a transporté en Irak les blessés de l'Intifada pour qu'ils partagent le sort des victimes des bombardements US (...) malgré les sanctions de l'ONU et l'absence de médicaments. Les Irakiens partagent avec les héros de l'Intifada ce qu'ils possèdent, même en petite quantité, avec amour, compassion et solidarité fraternelle pour la même cause. La cause arabe est la même et unique. La conspiration impérialiste, qui trouve son origine dans la partition de la nation arabe, se concrétisa ensuite par la création de l'entité sioniste.
Barak, Sharon et Netanyahou sont tous criminels contre l'humanité. (...) Quelle que soit l'attitude gouvernementale dans l'entité sioniste, l'administration US est là pour leur donner plus de soutien, de financement et d'armement. Le pacte américano-sioniste est stratégique. (...) Mais une nation résolue aux sacrifices ne peut se laisser subjuguer par les signes du démon. La lutte arabe doit dès lors se poursuivre aussi longtemps que dure la conspiration. C'est ce qu'a prouvé à nouveau le martyr de Asa'ad Ali Sultan et de Mohamed al-Doura.

22. Le Magazine (hebdomadaire libanais) du vendredi 3 novembre 2000
La presse française et l'intifada : Convictions et présupposés
par Walid Charara
La répression israélienne sanglante de l'intifada palestinienne a suscité de vives émotions en France. Malgré une évolution timide au sein de l'opinion publique et de la presse, les préjugés persistent.
PARIS, DE NOTRE CORRESPONDANT
La principale victoire de l'actuelle intifada palestinienne est d'ordre médiatique. Les images témoignent, encore une fois, contre Israël... L'assassinat en direct de Mohammad el-Dorra et de dizaines d'autres enfants palestiniens devant les caméras du monde entier fait brutalement resurgir la réalité de l'occupation israélienne au-delà des discours dominants sur la paix et ses bienfaits. Ces derniers avaient permis un travestissement total de cette réalité et même des origines du conflit israélo-palestinien. Comme l'a souligné à plusieurs reprises Edouard Saïd, les accords d'Oslo comportaient une reddition «symbolique» palestinienne non moins dévastatrice que la reddition politique ou militaire. Elle était tout d'abord illustrée par le discours de Arafat à la cérémonie de signature des accords à la Maison-Blanche. A l'opposé du discours de Rabin qui récapitula 2000 ans d'histoire juive en mettant l'accent sur la souffrance et les persécutions, Arafat occulta dans le sien les souffrances de son peuple, se limitant à une apologie de la paix et à des remerciements aux médiateurs dans les négociations. Oubliés l'origine du conflit, l'oppresseur et l'opprimé, la nature colonialiste, raciste et expansionniste d'Israël, la privation du peuple palestinien de ses droits fondamentaux.
Quand arrive l'embarras
La nouvelle intifada permettra l'irruption du peuple palestinien sur la scène politique et médiatique internationale après sept années durant lesquelles la figure du Palestinien sera cantonnée dans celle du négociateur. En France, la répression israélienne suscitera dans un premier temps beaucoup d'émotion suivie d'un embarras évident et de la persistance de certains présupposés.
De L'Humanité, en passant par Le Monde et Libération, jusqu'au Figaro, l'ensemble de la presse française fera porter à Ariel Sharon la responsabilité d'avoir mis le feu aux poudres. Sa visite, qualifiée par tous de provocation, et la répression disproportionnée des manifestations palestiniennes feront la «une». L'image de l'assassinat de Mohammad el-Dorra sera reproduite dans tous les journaux et sur toutes les chaînes télévisées, et les commentaires incriminaient directement l'armée israélienne (mis à part Alexandre Schwartzbrod de Libération et quelques autres journalistes qui parleront de balles perdues jusqu'au moment où le porte-parole de l'armée israélienne reconnaîtra sa responsabilité). Plantu, le célèbre caricaturiste du Monde, consacrera, deux jours consécutifs, sa caricature de première page au martyr Dorra. Une répression sanglante qui tournait de plus en plus au massacre de civils ne pouvait qu'émouvoir en ces temps d'ingérences humanitaires, de guerre au nom du droit et de la conscience universelle. Pourtant, aucun commentaire n'évoquera l'éventualité d'une sanction quelconque contre Israël. Les mêmes journalistes (Laurent Joffrin de Libération, Jacques Julliard du Nouvel Observateur, Jean-Marie Colombani du Monde, etc.) qui s'époumonaient en appelant à la guerre au Kosovo ou en Irak brilleront par leur silence. Et du moment que les Palestiniens ne sont plus que des victimes, avec le lynchage des trois soldats israéliens, un changement de ton devient clairement perceptible. Il s'agit à nouveau de violence, de la violence au Proche-Orient, sans constater la différence de nature entre une violence prenant pour cible les civils et une autre visant une armée d'occupation. Quant aux trois soldats, la thèse retenue sera celle avancée par l'armée israélienne, à savoir qu'ils se seraient perdus et non qu'ils faisaient partie de l'unité des arabisants, unité particulièrement meurtrière contre les militants palestiniens depuis la première intifada. Le même Plantu se sentira obligé de consacrer une caricature mettant côte à côte les soldats israéliens et l'enfant palestinien dans une position de victimes innocentes d'un conflit qui les dépasse. Le quotidien Libération consacrera sa première page à la photo du jeune Palestinien exhibant ses mains tachées du sang des soldats israéliens en titrant: «La haine».
Pétition juive contre Israël
Les pages «Opinions» du Monde et «Rebonds» de Libération publieront nombre d'articles polémiques sur le sujet en permettant l'expression des points de vue de manière relativement équitable. Une pétition publiée dans les pages «Opinions» intitulée «En tant que Juif» retiendra l'attention car elle constitue la première dissociation collective de figures intellectuelles et médiatiques d'origine juive de la politique israélienne (Gisèle Halimi, Daniel Bensaïd, Rony Brauman, Eyal Sevan, etc.). Cette pétition aura d'autant plus de retentissement que la totalité des institutions communautaires juives de France (CRIF, KKL, consistoire national) affirmait un soutien inconditionnel à Israël. La solidarité populaire arabe avec l'intifada rencontrera-t-elle moins de compréhension dans la presse française? Présentée comme une solidarité quasi instinctive, d'essence religieuse ou ethnique, irrationnelle en tout cas, elle serait facteur de radicalisation et de fanatisation des Palestiniens.
Révolte politique ou religieuse?
Cette perception de la solidarité panarabe n'est pas nouvelle. Les mêmes commentaires avaient été proférés durant la guerre du Golfe. A chaque fois qu'il s'agit du monde arabe, l'approche privilégiée est psychanalytique (la frustration qui serait à l'origine de la violence et du fanatisme) ou théologique (l'essence même de l'islam serait intolérante). Une digne illustration de ce discours est l'article de Daniel Sibony, psychanalyste, publié dans Libération: «N'y a-t-il pas meilleur usage pour la colère de ce peuple que d'en faire le fer de lance du refus islamique d'Israël, ce qui revient tout simplement à le sacrifier? Si le peuple palestinien sacrifie ses enfants, il risque dans la foulée de se retrouver lui-même l'enfant sacrifié de la oumma, l'enfant porteur de sa vérité collective absolue et ultime, qui ne s'inscrit que dans le sacrifice réel de soi.» Exit les raisons politiques (l'occupation et ses conséquences, les violations des droits humains fondamentaux) car les Arabes et les Palestiniens ne sont pas encore entrés dans l'ère de la politique. S'ils se révoltent, c'est par surdétermination religieuse. Le racisme qui sous-tend ce discours habite aussi les notions comme la «rue arabe». S'agissant d'Israël, ils diront l'opinion israélienne, notion qui renvoie à l'existence d'individualités libres, capables de jugement, alors que la notion de rue renvoie à l'image de masses grouillantes subjuguées par un délire collectif.
Ces présupposés et stéréotypes colonisent encore l'imaginaire occidental et limitent sérieusement la capacité de nombre d'observateurs à comprendre les enjeux véritables des événements dans cette région. Imaginez combien leurs réactions seraient différentes, si Mohammad (12 ans) et Sarah (2 ans), enfants assassinés, avaient été juifs et les assassins arabes.
 
23. Le Soir (quotidien belge) du jeudi 2 novembre 2000
L'Egypte veut se montrer solidaire par Catherine Piettre
LE CAIRE de notre correspondante particulière
Walid, six ans, est allé avec les grands lancer des pierres sur les soldats israéliens. Aujourd'hui, il se retrouve dans une unité de soins intensifs de l'Institut médical Nasser, au Caire. Au-dessus de son lit d'hôpital, là où les enfants de son âge accrochent la photo de leur joueur de foot préféré, Walid a suspendu l'image de la mosquée al-Aqsa à Jérusalem, troisième lieu saint de l'islam.
Je voulais mourir en martyr pour al-Aqsa. La vie ne m'est rien, l'important est que j'aille au paradis, murmure-t-il avec un sourire innocent. Des mots qu'il semble avoir appris par cœur, peut-être aussi avec les grands. Atteint de deux balles au milieu du corps, Walid en sera quitte pour un boitement et une vilaine cicatrice sur le ventre.
L'Egypte, comme la Jordanie, l'Irak ou l'Arabie Saoudite, a tenu à accueillir des blessés du « pays frère » palestinien. Le nombre des admis au prestigieux Institut Nasser reste limité : 9 personnes, dont deux enfants. On aimerait en accueillir plus, mais l'évacuation des blessés est devenue impossible depuis que les Israéliens ont fermé l'aéroport de Gaza, s'excuse le docteur al-Naggar, vice-directeur de l'établissement. Mais leur nombre n'empêche pas les patients d'être au centre de l'attention des médias. Les caméras ont accompagné Hosni Moubarak, venu témoigner sa sollicitude présidentielle aux blessés. Deux jours après, elles étaient avec les stars du cinéma égyptien pour immortaliser les fleurs et les peluches offertes au petit Ibrahim, défiguré par une balle dans l'œil.
Depuis le début de l'« Intifada 2000 », les Egyptiens ont exprimé massivement leur solidarité avec les Palestiniens. Etudiants, lycéens et écoliers ont tenu en alerte les forces de l'ordre par leurs manifestations de rue, pourtant interdites en Egypte au nom de la loi d'urgence. Et la mosquée al-Azhar au Caire, où la foule appelle au jihad (guerre sainte), après la prière du vendredi, est devenue un rendez-vous anti-sioniste rituel. Le peuple égyptien est d'abord musulman comme nous, il est prêt à se battre pour nous, assure Oussama, un Palestinien venu suivre ses études au Caire.
Pourtant, malgré la violence rhétorique d'une frange de la population où se mêlent jeunes, intellectuels, gauchistes ou islamistes, la majorité des Egyptiens ne pense pas à la guerre. Moi, je veux bien qu'on fasse le jihad, à condition qu'on attende la fin de mon service militaire, plaisante Hani, un conscrit. Ceux qui ont vécu les deux derniers conflits contre Israël (1967 et 1973) se remémorent avec terreur la puissance militaire de l'Etat juif : La nuit, je fais de nouveau des cauchemars de bombardements israéliens, avoue Mohammed, enfant de la région de Suez souvent pilonnée après la guerre des Six jours.
LES AMBIGUÏTÉS DU RÉGIME
Le ton nettement pro-palestinien du gouvernement égyptien et des médias officieux ne parvient pas non plus à faire oublier les ambiguïtés du régime, qui tient un discours bien plus neutre à l'extérieur, allié américain oblige. Et la « cause sacrée » de la Palestine ne peut gommer les problèmes intérieurs. Malgré des possibilités d'expression démocratique limitées, des électeurs moins rares que d'habitude ont exprimé leur raz-le-bol : aux élections législatives, qui se déroulent actuellement, le parti d'Hosni Moubarak a enregistré un recul inattendu.
 
24. Ha'Aretz (quotidien israélien) du mercredi 1er novembre 2000
L'exposition Bonnard au Musée de Tel-aviv est remise à plus tard
par Dan Guildman [traduit de l'hébreu par le service de presse de l'ambassade de France à Tel-Aviv]
La situation en matière de sécurité rend difficile l'obtention d'oeuvres se trouvant à l'étranger. 
L'exposition des oeuvres du peintre français Pierre Bonnard au musée de Tel-Aviv n'ouvrira pas ses portes mardi prochain, comme initialement prévu. L'exposition était censée réunir une soixantaine de toiles en provenance de musées et de collections privées en France, en Suisse, en Belgique, en Angleterre, aux Etats-Unis au Canada et en Israël. En raison de la situation en matière de sécurité, de nombreuses annulations de prêts ont été enregistrées au cours du mois dernier de la part de musées et de collectionneurs privés (notamment en France).
Certains disent que l'exposition a été annulée à cause de la situation en matière de sécurité, d'autres insistent sur le fait que les raisons seraient d'ordre politique. "Certains se montrent plus prévenants dans leur formulation, d'autres sont plus directs", explique Nehama Gourelnik, la conservatrice de l'exposition. "Le musée belge, par exemple, a fait savoir que tant que les tirs ne cesseraient pas sur le terrain et que l'on ne retournerait pas à la table des négociations, il ne pourrait y avoir de prêt." Même le musée du Milwaukee aux Etats-Unis a annoncé l'annulation du transport des oeuvres à exposer".
L'annulation la plus significative a été faite sous la directive du président français Jacques Chirac qui a fait savoir, au début des émeutes en Israël et dans les territoires, qu'il interdisait que des oeuvres d'art de musées et de collections privées en France soient déplacées en direction du Moyen-Orient. Les deux tiers des oeuvres exposées devaient provenir de musées et de collections privées en France. A la suite de l'intervention de personnalités politiques et diplomatiques, le président Jacques Chirac est revenu sur son communiqué en déclarant qu'il autorisait l'envoi des oeuvres, à la condition qu'elles soient assurées en cas de guerre. Une telle assurance, aux dires de Mme Gourelnik, est très onéreuse. Son coût est presque trois plus élevé que celui d'une assurance ordinaire.
"Il ne s'agit pas seulement du coût, mais de l'idée même d'une telle assurance," explique Mme Gourelnik. "Un article couvrant ce genre de cas n'apparaît généralement pas dans les polices d'assurance. En ce moment, nous sommes en pourparlers avec les compagnies d'assurances de Londres, mais nous n'avons toujours pas reçu de réponse définitive. Nous tentons de mettre sur pied un cautionnement d'Etat qui puisse être fourni au gouvernement français comme solution de remplacement à une procédure d'assurance. Nous nous sommes adressés au ministère de la Culture qui s'est lui-même tourné vers le ministère des Finances. Ces deux ministères sont censés nous donner une réponse prochaine. Sans l'envoi des oeuvres en provenance de France, l'exposition n'aura pas lieu".
 
25. Al-Hayat (quotidien arabe publié à Londres) du mercredi 25 octobre 2000
La diplomatie américaine des embrassades aurait-elle échoué à domestiquer Arafat ?
par Fawaz Jirjis [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
(Fawaz Jirjis est professeur de relations internationales et diplomatiques, Université Sarah Lawrence, New-York)
Il existe une certaine unanimité, dans les hautes sphères de la politique extérieure américaine, sur le fait que le président palestinien Yasser Arafat serait derrière l'Intifada d'Al-Aqsa, qu'il serait l'instigateur et l'animateur des manifestations qui ont éclaté après la visite d'Ariel Sharon, le chef du parti israélien de droite, le Likud, sur l'esplanade des mosquées, à Jérusalem, de même qu'il serait responsable des affrontements sanglants entre les citoyens palestiniens et l'armée d'occupation israélienne, affrontements qui ont causé la mort de plus de cent Palestiniens, parmi lesquels des dizaines d'enfants, et les blessures de près de deux mille civils. Les gouvernements américain et israélien ont fait porter à Yasser Arafat en personne, et à l'Autorité autonome palestinienne, de manière générale, la responsabilité du déclenchement des troubles et les ont accusés de les attiser en jouant sur les sentiments exacerbés des Palestiniens. Ils ont dénoncé la participation d'éléments de la police et des forces de sécurité palestiniennes aux échanges de coups de feu contre les soldats israéliens, et ils ont demandé à Arafat de retenir le mouvement "Fatah", qui dépend de lui, de le contrôler et d'empêcher ses membres de provoquer l'armée israélienne.
L'observateur des positions américaine et israélienne et de la couverture médiatique de l'intifada dans les deux pays est à même de comprendre très aisément la stratégie de Washington et de Tel Aviv, qui consiste à faire porter au président palestinien la responsabilité des troubles sanglants dans les territoires occupés et à renforcer la pression à son encontre afin qu'il y mette un terme et qu'il les empêche d'entrer dans une escalade, voire, si possible, de les réprimer.
Si nous faisons abstraction des objectifs principaux de la stratégie américano-israélienne, la vision simplificatrice qui est la leur ne prend aucunement en compte la situation palestinienne, complexe et en crise, et en particulier la gestation politico-économique et sociologique que vivent les différentes couches de la société palestinienne, ni les changements régionaux et internationaux qui ne manquent pas de peser sur une société ployant sous le fardeau d'une occupation militaire violente et humiliante. La vision américano-israélienne, qui résume la situation et le destin d'un peuple entier qui endure les pires souffrances à une seule personne, Yasser Arafat, non seulement manque de profondeur historique, mais refuse de poser les questions embarrassantes sur les causes réelles de l'explosion populaire dans les territoires occupés et sur les causes de l'échec des politiques de marchandages par étapes, de fuite en avant, d'impasse sur les données objectives, les réalités historiques et les décisions de la légalité internationale.
Bien entendu, Washington et Tel-Aviv n'ont plus l'initiative. Elles ne veulent pas reconnaître l'échec de leurs méthodes provocatrices, et préfèrent rejeter la responsabilité de l'explosion sur la personne du leader palestinien, qui berçait leur espoir depuis longtemps, depuis la signature de l'accord secret d'Oslo, en 1993, et jusqu'au printemps dernier, qu'il ferait des concessions supplémentaires jusqu'au point de refermer le dossier du conflit palestino-israélien avant la fin de ses jours.
L'intifada d'Al-Aqsa représente un échec patent pour la diplomatie américaine, et en particulier pour l'administration Clinton qui avait fait le pari, depuis le début, qu'elle serait capable de réemballer et de présenter les propositions israéliennes, sur Jérusalem et le problème des réfugiés palestiniens, à l'Autorité palestinienne et à son chef Arafat, en utilisant diverses méthodes, couvrant tout le panel entre la carotte et le bâton.
On ne peut comprendre l'investissement de l'administration Clinton dans la personne d'Arafat depuis la fin de 1993 et jusqu'à cette année autrement que comme destiné à faire passer dans les faits un accord de paix en-dehors du cadre de la légalité internationale et des résolutions des Nations Unies. Clinton a ouvert les portes de la Maison Blanche à Arafat, il lui a fait sentir qu'il était un chef important, possesseur d'atouts majeurs dont les Etats-Unis avaient besoin pour le succès du processus de paix, il lui a prodigué les pluies de pétales de roses et les promesses, de manière à gagner sa confiance et à faire que l'ancien fedaï se sente bien dans les bras de l'Oncle Sam, et qu'il accepte de faire les concessions "indispensables" qui lui étaient demandées, pour signer l'accord de règlement. Clinton a trouvé, en la personne d'Arafat, l'hôte idoine, enclin et assoiffé d'entendre ses propos mielleux et ses promesses mirobolantes et creuses d'aides financières pour son peuple épuisé et pour ses appareils pléthoriques. Clinton a réussi à utiliser à son profit le complexe d'infériorité et de manque d'Arafat, recourant sans vergogne à la diplomatie des embrassades dans laquelle le leader palestinien excelle, pour se rapprocher de lui, gagner son estime et son amitié.
Il est connu que Clinton est un diplomate hors-pair, capable de mobiliser le facteur personnel et humain afin de se rapprocher de son interlocuteur, de construire une amitié qui soit à même de l'aider à atteindre ses objectifs. Le président américain a compris l'importance du rôle joué par Arafat dans la mise en oeuvre du projet de règlement, et il a déployé des efforts constants pour renforcer ses liens d'amitié personnelle avec son homologue palestinien. 
Clinton n'a pas été seul, dans son administration, à essayer de se concilier Arafat et de gagner son amitié. Le Secrétaire d'Etat, Madeleine Albright s'est efforcée de marcher sur les brisées de Clinton, et d'établir une amitié personnelle avec Arafat, avec tout ce que cela comporte de distributions gratuites d'accolades diplomatiques et d'invitations à dîner, par exemple, dans son appartement privé dans le quartier huppé de Georgetown, à Washington. Ainsi, Arafat est devenu l'un des leurs, partageant le pain et le sel avec la ministre-copine, cette même ministre qui avait déclaré, dès le lendemain de sa nomination par le président Clinton, qu'il lui serait difficile de devoir serrer la main du président palestinien, en raison des actes de terrorisme qu'il avait perpétrés à l'encontre d'Israël et des Etats-Unis dans le passé. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis !
La ministre surdouée n'éprouve aucune réticence aujourd'hui à embrasser l'ancien fidaï "terroriste" et à l'inviter chez elle à partager le pain et le sel, "du passé faisant table rase"!
Eh là ! Doucement, cher lecteur... L'administration Clinton pose tout de même une très légère condition : Arafat doit signer un document sans importance qui mette fin au conflit palestino-juif et qui le soulage des peines d'une lutte stérile contre l'état hébreu et son grand gaillard d'allié, les Etats-Unis d'Amérique. On ne demande pas à Arafat plus que de renoncer à ce qu'on appelle les décisions de la légalité internationale, de triste réputation, et de s'en remettre, les yeux fermés, aux efforts de la diplomatie américaine et du  président Clinton pour ce qui est de satisfaire les aspirations du peuple palestinien à diriger ses propres affaires !
Mais, attention à ne plus perdre de temps à faire des caprices sur des problèmes secondaires qui ennuient les Israéliens, et tout particulièrement Jérusalem, Est et Ouest, et le droit au retour des réfugiés palestiniens...
Ce n'est que dans les derniers mois de leur idylle qu'Arafat a compris à quel point le prix demandé par l'administration américaine en contre-partie de cette amitié naissante était exorbitant. Arafat pensait à la manière arabe : ils nous prodiguent des bonnes paroles, et nous leur prodiguons en retour des paroles doucereuses, nous échangeons accolades et embrassades, nous nous faisons des courbettes... Soit, qu'avons-nous à y perdre ? Notre vieil ami Arafat avait oublié que la mentalité américaine diffère totalement des manières simples et un peu naïves qu'il affectionne. L'investissement américain a des règles précises, documentées et paraphées auquel on n'échappe pas, en matière de remboursement ! Soit tu paies l'avance jusqu'au dernier "cent", à l'échéance prévue, ou les intérêts en cas de retard, soit tu déposes le bilan...
Le dépôt de bilan n'est pas chose aisée aux Etats-Unis : le failli y perd toute possibilité de repartir dans la vie, d'obtenir à nouveau un prêt, tant qu'il n'a pas épuré sa dette ou obtenu un règlement à l'amiable. Mais revenons à nos moutons : l'administration américaine en était venue à être convaincue, ces derniers mois, que le temps était arrivé pour elle de récupérer les intérêts de son investissement dans l'Autorité palestinienne et son chef ; Yasser Arafat.
L'administration Clinton en était arrivée à la certitude que le moyen idéal de parvenir à une avancée, c'était d'isoler Arafat de son entourage et de fermer hermétiquement les ouverture d'où aurait pu lui parvenir quelque air pur, le pressurer violemment et le contraindre à franchir toutes les lignes rouges et à mettre au panier toutes les décisions de la légalité internationale.
Voilà planté le décor de l'invitation américano-israélienne au sommet de Camp David, au mois de juillet dernier. Malgré les réticences de la direction palestinienne à la tenue d'un tel sommet important sans préparation ni de l'atmosphère, ni de l'ordre du jour, et sans essayer au préalable de combler le fossé insondable entre les deux parties israélienne et palestinienne, l'administration Clinton a insisté sur la nécessité d'aller de l'avant et de tenir ce sommet. Il semble que la patience du président américain et de son équipe de négociateurs ait été épuisée par la temporisation d'Arafat et son esquive permanente afin de ne pas faire les concessions et les sacrifices "indispensables". Le temps commençait aussi à presser Clinton, dont le second mandat est sur le point de s'achever et qui est très désireux de réaliser une avancée spectaculaire dans le processus de paix israélo-arabe afin de couronner son passage aux affaires par un éclat historique de taille à faire quelque peu oublier ses gaudrioles, qui ont gravement terni son aura, et de pérenniser son legs à l'Histoire. Il semble, de plus, que le principal objectif de la tenue du sommet de Camp David était d'aider le premier ministre israélien, Yhud Barak, à dépasser la crise gouvernementale dans laquelle il se débattait en arrachant à Arafat un accord de paix qui mette un terme au conflit entre les deux peuples. Arafat a hésité, au début, à accepter l'invitation à Camp David, ne cachant pas son pessimisme et exprimant ouvertement ses réserves au Secrétaire d'Etat américain, Madeleine Albright, mais il a succombé à l'envie d'imiter l'administration américaine et de ne pas la provoquer, et donc, de se rendre à Washington, fût-ce à contre-coeur.
Je ne pense pas que le président palestinien savait ce qui l'attendait dans la résidence d'été présidentielle de Camp David. L'équipe des négociateurs américains se contenta de transmettre les propositions israélienne aux négociateurs palestiniens et de tenter de leur les vendre, autant que faire se pouvait. Les quelques idées et points de vue mis sur la table par les négociateurs américains ne différèrent que dans leur forme des propositions israéliennes. Je ne doute pas un instant que l'administration Clinton escomptait qu'Arafat se rende aux pressions et aux promesses américaines, après la série de concessions très importantes qu'il avait entamée depuis la fin 1993. Le cursus du négociateur Arafat avait convaincu les gouvernements américain et israélien de sa faiblesse et de son incapacité à résister, en dépit de la pugnacité de son discours. Grande fut la surprise des négociateurs américains et israéliens, à Camp David, lorsqu'ils constatèrent qu'Arafat n'avait pas bougé d'un pouce de sa position en matière de souveraineté palestinienne sur Jérusalem-Est...
Les communiqués de presse montrent que le président américain est entré dans une rage folle lorsqu'Arafat a refusé d'accepter les propositions israéliennes, il a frappé du poing, s'est fâché tout rouge, a averti et menacé, proférant les pires châtiments qui attendaient les Palestiniens si Arafat ne reculait pas et ne faisait pas les concessions attendues, admettant le fait accompli, dicté par le rapport des forces militaires, et non pas par la légalité internationale. Stupéfiant de voir comment, tout d'un coup, l'ami éternel se mue en quasi ennemi-juré ! C'est ainsi que notre pauvre patriarche Arafat a découvert que le prix de l'amitié de l'administration américaine était tout-à-fait exorbitant : il devait rembourser séance tenante toutes les visites protocolaires à la Maison Blanche et les accolades diplomatiques.
Le tragi-comique de cette situation, c'est le constat que l'avoir politique et financier d'Arafat, extraordinairement faible, ne saurait rassasier un Clinton et un Barak, à l'appétit pantagruélique...
Lorsque notre pauvre patriarche Arafat a insisté sur sa volonté de proclamer l'Etat palestinien de manière unilatérale, la machine diplomatique américaine s'est mise en campagne offensive afin de lui faire peur, de le sidérer de trouille, et d'aider Barak à limiter la casse causée par l'échec du sommet de Camp David. Clinton a mis Arafat, personnellement, en garde contre les conséquences funestes de la proclamation de l'Etat palestinien, menaçant d'imposer les sanctions les plus draconiennes aux Palestiniens s'ils osaient franchir ce pas fatal.
Clinton alla même plus loin, déclarant qu'il songeait sérieusement à transférer l'ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem avant la fin de l'année, c'est-à-dire, avant les élections présidentielles américaines, qui doivent se dérouler courant novembre.
La campagne américaine dirigée contre Arafat et les responsables arabes s'est intensifiée après que la nonchalance qu'ils mettaient à créer le climat et à apporter les aides morales et politiques de nature à encourager Arafat à franchir le pas ait été constatée : Arafat ne faisait toujours pas à Barak les concessions de nature à le sortir de l'impasse politique qui donnait tous les signes qu'elle aurait raison de lui, tôt ou tard.
Les Américains ont oublié (ou ont fait semblant d'oublier) qu'il y a des lignes rouges qu'aucun responsable palestinien ne saurait franchir, tout particulièrement lorsqu'il est question de sujets tels que Jérusalem ou les réfugiés. Les Américains ont oublié (ou fait semblant d'oublier) qu'étouffer Arafat et l'humilier aurait des résultats inverses à ceux escomptés sur la scène politique et l'agora palestiniennes. Ils ont oublié (ou fait mine d'oublier) que les énormes concessions faites par Arafat tout au long des sept années écoulées l'ont affaibli personnellement et ont créé une atmosphère à couper au couteau parmi les élites palestiniennes et ont exacerbé la frustration et l'exaspération dans la société palestinienne. Les Américains ont oublié (ou ont voulu oublier) que le peuple palestinien n'a jamais perçu les avantages de la paix ni a fortiori recueilli ses fruits, bien au contraire, tout ce qu'il a gagné, c'est que ses conditions de vie ont empiré et régressé après la signature de l'accord secret d'Oslo.
Résumons. Les politiques américaine et israélienne ont affaibli Arafat indirectement, boostant les forces populaires qui exigent le changement, non seulement dans la nature et l'essence du processus de paix, mais également dans la pratique politique à l'intérieur des territoires placés sous administration de l'Autorité autonome palestinienne.
Arafat n'est pas responsable de l'explosion de la nouvelle intifada, on ne peut pas même l'accuser d'en attiser les braises. Les événements en cours montrent qu'il existe un facteur plus important que les considérations personnelles tellement en vogue à Washington et à Tel-Aviv : la renaissance du rôle de la culture de résistance dans la société palestinienne. Il faudra bien en reparler.
 
26. Al-Hayat (quotidien arabe publié à Londres) du mercredi 25 octobre 2000
Le coup d'état militaire de Barak
par Marwan Bishara [traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier]
Les contacts se poursuivent, entre le général Yhud Barak et le général Ariel Sharon, en vue de la constitution d'un "gouvernement d'union nationale", et en préparation de l'annexion des groupements de colonies en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, et de l'imposition d'un blocus militaire aux Palestiniens. Barak espère pouvoir imposer par la force aux Palestiniens ce qu'il n'a pas pu leur imposer par la diplomatie, et changer les règles de coopération avec l'Autorité palestinienne, ce qui lui permettrait de refixer les termes des accords politiques et sécuritaires avec cette dernière, en conformité avec les seules exigences de la sécurité d'Israël.
Le premier ministre, qui n'a pas manqué au cours des mois écoulés de tresser des couronnes de laurier à Sharon, se sent à l'aise en compagnie de son collègue militaire, beaucoup plus qu'avec des ministres et des responsables du parti travailliste tels que Shimon Pérès ou Yossi Beïlin. Il n'est nullement étonnant que Barak s'efforce de se rapprocher du criminel de guerre Sharon, en vue de la constitution d'un pouvoir dominé par l'armée et régi par une logique de guerre. En effet, Barak - le général Barak - a apporté la démonstration qu'il n'était en rien un homme d'Etat, mais un militaire, lui qui a servi durant trois décennies et demie dans l'armée, et qui n'a rien connu d'autre jusqu'au moment où il a rejoint le gouvernement d'Itzhaq Rabin. C'était en 1995, et Barak faisait partie des faucons du gouvernement. Et tandis qu'il fait rentrer la région dans la guerre après avoir lancé sa répression contre les Palestiniens, il prépare la domination directe de l'armée sur le gouvernement israélien. Israël est confronté à un coup d'état militaire à tous les sens du terme, et ceci représente un grave danger pour la région toute entière.
Barak, dès sa victoire aux élections, il y a un an et demi de cela, a immédiatement procédé à la militarisation du gouvernement, en vue de la réalisation de sa stratégie, en nommant un grand nombre de militaires aux postes sensibles, en particulier, dans son cabinet, qui devint le "conseil de la sécurité nationale" de l'Etat, plus proche d'un succédané de "Maison blanche" que du cabinet d'un premier ministre. Dès lors, Barak a pu épuiser le parti travailliste, défier sa direction, qui avait misé sur son palmarès militaire pour l'emporter sur Netanyahu, ce qui a pavé la voie à sa monopolisation personnelle du pouvoir et à sa capacité à imposer sa politique militaire tant au gouvernement qu'au processus de paix. Le premier ministre Barak a occupé le poste de ministre de la défense, et il s'est emparé du dossier des affaires étrangères, ne laissant en place les ministres David Levy et Ben Ami, successivement, que pour le décorum.
Barak a réussi à détruire le "processus de paix" en deux semaines, en donnant l'ordre de tuer les civils, ses forces armées ont attaqué des objectifs civils au moyen d'hélicoptères et de chars d'assaut, ce qui a entraîné des massacres, et la mort de cent trente personne, avec des milliers de blessés, ce qui représente plus que le nombre des personnes tombées durant quatre mois de la première Intifada. Si l'on compare cette réponse de Barak à celle de Netanyahu aux "affrontements du Tunnel" (de Jérusalem), il apparaît clairement que Barak est beaucoup plus extrémiste et violent que ses collègues de droite. Barak, on le sait, a refusé d'appliquer en totalité ce que Netanyahu avait signé à Wye River, tout en accélérant la colonisation et en rendant encore plus étanche le blocus imposé à Jérusalem, continuant la politique d'épuration ethnique dans la ville. A Camp David, il a imposé à la direction palestinienne deux alternatives, mais sans possibilité de choix réelle, lorsqu'il a exigé soit qu'elle accepte ses "lignes rouges" (à lui, Barak), soit que le peuple palestinien reste sous occupation. La réponse du peuple palestinien ne s'étant pas fait attendre, claire, dans le sens de la résistance et du sacrifice pour la défense de sa patrie et de sa dignité, cela n'a nullement dissuadé Barak de poursuivre sa campagne militaire. 
Par le passé, Barak a pu manifester son opposition aux accords d'Oslo, pour des raisons de sécurité, en 1995, il a refusé de voter en faveur de leur ratification, alors qu'il était ministre de l'intérieur. De même, il a condamné les "concessions" faites par Netanyahu au sommet de Wye River, ironisant sur les concessions de la droite dans le Sinaï et à Hébron, et se vantant de n'avoir jamais cédé un seul pouce de la "Terre d'Israël". Barak a toujours considéré les questions politiques de son point de vue de militaire : pour lui, tout et le reste étaient des questions de sécurité nécessitant d'être traité militairement. Ainsi, il voyait dans Yasser Arafat et la direction palestinienne des menaces pour la sécurité d'Israël et non des partenaires dans le processus de paix, il considérait le retrait du Liban comme une tactique militaire destinée à extraire l'armée du bourbier, et non pas à sortir Israël de l'épreuve, tant il était convaincu qu'il n'y a pas de solution pacifique avec la Syrie et le Liban, même si l'enjeu se limite à quelques arpents occupés dans le Golan. Il semble bien, donc, que Barak était déterminé depuis le début à casser les accords d'Oslo, à casser l'influence palestinienne de manière à pouvoir remodeler les relations israélo-palestiniennes sur une base entièrement nouvelle, destinée à éviter à tout prix de leur accorder l'autonomie politique ou sécuritaire, et de leur reconnaître une souveraineté.
Barak exerçant son hégémonie sur le gouvernement, c'est du même coup l'armée qui y règne en maître avec lui. Il a oeuvré à réduire en pièces les relations avec la minorité palestinienne en Israël, tentant là aussi de les remodeler sur les bases de la peur et de l'aliénation, et sur des considérations sécuritaires et tout bonnement totalitaires. Il n'a cessé de "dialoguer" avec les citoyens arabes, au cours de ces derniers mois, par l'intermédiaire des forces de l'ordre, causant la mort de 13 martyrs parmi les citoyens israéliens, et des milliers de blessés, au cours des derniers affrontements. Cette situation a amené les responsables de la minorité arabe à demander une protection internationale pour faire face à la politique fasciste perpétrée par le gouvernement, politique qui a donné le feu vert à des ratonades anti-arabes sur l'ensemble du territoire israélien.
Ajoutons à cela que Barak a réussi, également, à faire avorter les mouvements "pacifistes" israéliens et à contenir ce qu'on appelle la gauche israélienne libérale, surtout après que le parti Meretz eût annoncé qu'il était prêt à faire partie d'un gouvernement "d'union nationale" auquel Sharon participerait, la majorité de la direction de ce partie attaquant les Arabes et les Palestiniens, bien loin de critiquer et, a fortiori, de condamner la politique fasciste du gouvernement.
Toutefois, la domination exercée par l'armée sur la décision politique israélienne, et la capacité de Barak à entraîner derrière lui la rue israélienne dans ses provocations racistes ont entraîné le passage à une logique de guerre qui va jusqu'à la menace de réoccuper les territoires palestiniens. Les évolutions politique à l'intérieur de la société israélienne s'orientent rapidement vers le fascisme malgré quelques critiques formulées par certains ministres travaillistes à l'encontre de Barak, l'accusant de geler le processus de paix de manière unilatérale. Barak visant à des opérations d'annexion et de séparation par la force, l'hégémonie de l'armée sur le pouvoir est maintenant appelée à durer. Elle entraînera la remise en ordre des priorités nationales en Israël, en fonction des stratégies des généraux, à l'ombre du putsch barakien.